GROSSOUVRE S’EST-IL VRAIMENT SUICIDÉ ?

Révélations sur nos

ORIGINES
Dinosaures
mammouths,
Homo sapiens...
Comment les
dernières découvertes
bouleversent
l’histoire de la vie
Supplément - LE FIGARO N° 20491 du samedi 19 juin 2010 - Commission paritaire n° 0411 C 83022 www.figaromagazine.fr
S O M M A I R E
SEMAINE DU 19 JUIN 2010

A C T U A L I T É C U L T U R E E T
L’éditorial A R T D E V I V R E
d’Alexis Brézet 5 Edition

DIEGO GOLDBERG/SYGMA/CORBIS3
Courrier 6 Plein les poches ! 80
Arrêts sur images 8 Art
Décryptage Les belles couleurs
par Eric Zemmour 14 des grandes expos 86
Le dessous des cartes Histoire/Idées
Villepin, la fonte des troupes 16 Napoléon, la légende
La chronique
de François d’Orcival 18 Grossouvre : sa famille et les faits
La chronique
88

Coulisses/Economie
Club Med :
conteste la thèse du suicide 24 d’Alain-Gérard Slama
Portrait
89

quand la Chine bronzera 20 Jérôme Rigaud : un chef

Le pour et le contre tricolore sur la place Rouge 90
P. PLAILLY/LOOKATSCIENCES RECONSTRUCTION ATELIER E.DAYNES

par Mathieu Laine 20 Fig Mag /Ecrans

Santé/Sciences Margareth Madè :
D’où vient la schizophrénie? 22 diva en devenir 96
Entretien exclusif Fig Mag /Sorties
Grossouvre : sa famille A l’œil : deux Lartigue
conteste la thèse du suicide 24 en un 98
Fiscalité La chronique
L’ISF rapporte de moins de Philippe Tesson 100
en moins 30 Dans la tête de…
Inondations dans le Var Patxi 102
E N CO U V E R T U R E
Imprévisible, vraiment ? 34 Fig Mag /Livres
M A G A Z I N E Révélations sur nos origines 40 Eric Fottorino, fils à papas 104
Auto
EN COUVERTURE
Peugeot RCZ :
Révélations sur nos origines le nouvel appétit du Lion 106
● Quand la science réécrit Horlogerie
le roman de l’humanité 40 Au fil de l’eau 108
● Yves Coppens : « L’homme Technoplus
moderne n’a pas trouvé Smartphones :
son père idéal » 44 génération spontanée 110
● L’énigme du plus vieux Art de vivre/Saveurs
bébé mammouth 48 « La Famiglia »,
● Les derniers secrets trattoria de luxe, à Paris 112
SÉBASTIEN DUFOUR

des dinosaures 50 La belle aventure

de Perrier-Jouët 113
Reportage
Patrimoine/Immobilier
En Afghanistan, le « Padre »
des légionnaires 54 En Afghanistan, le « Padre » «Privilégier les actifs réels » 114
Energie solaire : comment
Justice
Ces plaidoiries des légionnaires 54 faire le bon choix
Su Doku
115
qui ont marqué l’Histoire 62
de Bernard Gervais 116
Evasion
Bridge par Le Bridgeur 118
Echanger sa maison :
Les mots croisés
les vacances autrement 70
de Florent Dumesnil 120
Prêt-à-Partir
Le bloc-notes
Le voyage d’exception
de Philippe Bouvard 126
des 20 ans d’Orients 78
VINCENT GUIHARD

Echanger sa maison :
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19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 3

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 L ’ É D I T O R I A L D ’ A L E X I S B R É Z E T

Et le tabou tomba…

S
ic transit gloria mitterrandi...
La retraite à 60 ans n’est plus.
Cette mirobolante conquête so-
ciale dont un président socialiste
avait fait don à la France pour
fêter son joyeux avènement ?
c’est une chose d’envisager l’inévitable ; c’en est une
autre de l’accepter quand il advient ; et une autre
encore d’y adhérer ! Les sondages, à qui l’on a fait
dire beaucoup de choses, sont sans équivoque : mal-
gré la pédagogie gouvernementale et l’évidence de la
crise, environ 60 % des Français, à la veille de l’annonce

JEAN-MICHEL VOGE
Cette glorieuse exception qui sidérait tous nos voi- du projet gouvernemental, continuaient de vouloir
sins européens ? Depuis mercredi matin, elle a vécu. « sauver » la retraite à 60 ans. On peut le déplorer, mais
Pas de quoi sauter de joie. Pas de quoi jubiler. Il fal- c’est ainsi. L’idée d’un report n’est majoritaire que
lait le faire ; c’est fait. Que nous ayons mis vingt ans, chez les sympathisants de droite, chez les retraités
depuis la publication du premier livre blanc sur La bataille (et pour cause !) et, dans une moindre mesure, chez
les retraites, à nous résoudre à tirer les leçons de de la retraite les cadres et les professions libérales. Les autres ne
l’évidence démographique et financière, voilà qui en veulent tout bonnement pas entendre parler de ce
dit long, dans ce pays drogué aux déficits et aux à 62 ans qu’ils considèrent, à juste titre, comme un sacrifice.
35 heures, sur la puissance de certains tabous. commence. C’est dire si la « rentrée sociale » (qui coïncidera avec
Bien sûr, on peut regretter les omissions, les pru- Sarkozy une rentrée budgétaire placée sous le signe d’une
dences et les concessions d’un projet, politiquement
pesé au trébuchet, qui ne résoudra pas tout, loin s’en
ne peut pas rigueur inédite) peut être animée. Gare à ne pas chan-
ter victoire ! En 1995, tous les experts, et même les
reculer

”
faut(quiddel’après2020 ?),etdontlebouclagefinancier
peut paraître incertain. Mais les critiques légitimes
des partisans de la réforme « pure et parfaite » ne
doivent pas conduire à minimiser la portée, symbolique et
concrète, du cap qui, sous nos yeux, vient d’être franchi.
Dans l’ordre économique, c’est une petite révolution. Dans
l’ordre politique, ce pourrait être le tournant du quinquennat.
A deux ans de la fin de son mandat, en osant ce que per-
sonne n’avait osé avant lui, Nicolas Sarkozy tient sans doute
cette « rupture » emblématique qu’il n’avait pas encore ins-
crite à son bilan. La réforme des 35 heures fut trop timorée
pour être efficace. La réforme des régimes spéciaux, trop
coûteuse pour être portée à son crédit. La réforme des re-
traites lui permettra-t-elle de se voir reconnaître enfin la
stature de vrai réformateur du modèle social français ? Le
paradoxe serait qu’il conquière ce titre de gloire à la faveur de
la crise et au sommet de son impopularité... en honorant
une promesse qu’il n’a jamais faite aux Français !
Mais cette réforme, encore faut-il qu’elle passe ! Disons-le, quitte peut aussi, dans l’électorat « central », lui permettre de recon-
à doucher certains enthousiasmes, ce n’est pas encore gagné.
Jusqu’ici, le Président (apparemment en retrait, mais pilotant
tout depuis la coulisse avec Raymond Soubie) et le gouverne-
ment (Woerth préposé au dialogue, Fillon au rappel des dures
réalités) ont habilement réussi à égarer les coups de leurs ad-
versaires, tout en installant progressivement dans l’opinion le
sentiment d’une certaine inéluctabilité de la réforme. Mais
socialistes, pensaient que la réforme Juppé passerait
comme lettre à la poste. On connaît la suite...
Pour Nicolas Sarkozy, quoi qu’il en soit, le chemin est tout tracé :
il ne peut pas, c’est simple, reculer ! La crédibilité de la France,
déjà en butte au scepticisme des marchés, qui doutent (on les
comprend un peu) de notre capacité à réduire notre déficit de
100 milliards d’ici à 2013, n’y résisterait pas. Son crédit poli-
tique personnel ne survivrait pas davantage à une retraite en
rase campagne devant la gauche et les syndicats. Il faudra
tenir, sinon, au bout du chemin, c’est la défaite assurée.
Est-ce à dire, à l’inverse, qu’une victoire dans la bataille
des retraites lui ouvrirait sans coup férir la route de la réélec-
tion ? Là encore, au risque de jouer les Cassandre, il faut
dire la vérité : si reculer est la garantie de l’échec, tenir n’est
pas celle du succès. La réforme des retraites, pour peu qu’il
aille jusqu’au bout, peut permettre au « président réforma-
teur » de remobiliser autour de sa candidature l’électorat de
droite qui commençait à douter – ce qui n’est pas rien. Elle
quérir du terrain sur Martine Aubry, discréditée par trop
de démagogie. Mais elle ne lui ramènera pas les classes
populaires. A cet électorat-là, qui se sent menacé de paupé-
risation, le « candidat protecteur » devra faire entendre qu’il
a des réponses autres que financières à la dureté des temps.
Mondialisation, délocalisation, éducation, immigration,
insécurité : bien des tabous doivent encore tomber.

abrezet@lefigaro.fr
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 5
C O U R R I E R COURRIER DES LECTEURS « LE FIGARO MAGAZINE »,
14, BOULEVARD HAUSSMANN, 75438 PARIS CEDEX 09.
FAX : 01.57.08.57.74. COURRIEL : figmag@lefigaro.fr

RETRAITES
Que va-t-on dire, demande Mme Aubry, à LES BLEUS C O U L I S S E S / P O L I T I Q U E
LES POLITIQUES
Je ne m’associerai pas à l’hystérie nationale COURENT DERRIÈRE LE BALLON ROND
COUPE DU MONDE DE FOOTBALL

ceux qui auront 60 ans l’an prochain ? Le

pour les Bleus. Ils ne sont pas des dieux, D
(...)
epuis 1998, les hommes politi- réunions prévues cet après-midi-là, pas

sic
mieux serait de leur dire la vérité, ce qui de-
ques savent que l’engouement d’autres solutions.
des Français pour le football Jean-Pierre Raffarin, qui analysera le match
peut se traduire pour eux par du 22 juin sur Eurosport, doit auparavant
une popularité bondissante. s’arranger avec les députés qui ont prévu une
Alors, même si la cote des Bleus de 2010 en audition sur la francophonie juste à l’heure

vrait susciter une seconde question : qui va

Afrique du Sud n’est pas au beau fixe, les per-
« J’attends que l’équipe du coup d’envoi...
sonnalités politiques passionnées de ballon
de France nous Enfin il y a ceux qui suivront les matchs sur
éblouisse par

des idoles, simplement de bons joueurs,

rond ne veulent pas manquer ce rendez-vous. place. Roselyne Bachelot a organisé une soi-
Les plus mordues d’entre elles ont accepté ses résultats plutôt rée au ministère pour le France-Uruguay de
que par le clinquant

la leur dire ? Logiquement, cela devrait être

d’analyser les matchs à la télé ou à la radio. vendredi, pendant que Rama Yade était en
des hôtels. »

J-C MARMARA-S. ROUDEIX-F. BOUCHON-S. SORIANO-R. VIALERON / FIGARO

Pierre-Louis Basse sur Europe 1 s’est attaché Afrique du Sud. Puis les rôles seront inver-
l’exclusivité du ministre du Budget, François Rama Yade, secrétaire d’Etat sés. La ministre assistera sur place aux deux
Baroin, qui sera opposé au député de la Cor- aux Sports, dimanche 6 juin, rendez-vous suivants de l’équipe de France,
rèze, François Hollande, dès samedi, pour sur Radio J. quand la secrétaire d’Etat les analysera sur

le rôle des insensés qui, voilà une trentaine utilisés comme un immense leurre pour
analyser le premier match. Eric Besson et Luc Eurosport. François Fillon n’a pas prévu de
Chatel se partageront les matchs sur LCI. « Maintenant, allez stop, on est déplacement et devrait regarder en famille les
Daniel Cohn-Bendit sera aussi largement derrière notre équipe, elle en a rencontres à la télévision. Nicolas Sarkozy
présent sur les ondes. besoin. Il n’est plus temps de n’ira en Afrique du Sud que si l’équipe de

d’années, ont fait passer l’âge de la retraite

Martine Aubry pour le PS et Xavier Ber- faire des polémiques. » France accède aux demi-finales. Le Président
trand pour l’UMP ont investi dans des Roselyne Bachelot, a bloqué son agenda pour regarder les

faire oublier aux Français (consentants)

écrans géants. Notamment pour suivre ministre de la Santé et des Sports, matchs à la télévision et a téléphoné à Ray-
France-Afrique du Sud du mardi 22 juin à mond Domenech avant la première confron-
dimanche 6 juin, sur RTL.
16 heures... S’ils veulent du monde à leurs tation pour encourager son équipe.

de 65 à 60 ans. Mais c’est vraiment curieux,

C. M.

Ils commentent... Elles y vont. Lui, peut-être...

ils ne semblent pas décidés à le faire... leurs problèmes de sécurité, d’argent, de

PHILIPPE PERUSSEAU / ICON SPORT

JACQUES MARTINE 59132 TRÉLON
chômage, pour leur faire acheter des télés
François Eric Benoît Luc
Hollande Besson Hamon Chatel
Rama Yade Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot

CHRISTINE BOUTIN et des téléphones, pour faire croire aux en- Daniel
Cohn-Bendit Ils regardent...

est un bouc émissaire fants qu’il suffit de pousser un ballon pour

BAZIZ CHIBANE/SIPA - FEBRUARY/AFRICAMEDIAONLINE/SIPA

François François Fillon

commode. Combien de
Baroin et Xavier Bertrand

situations analogues gagner sa vie royalement. On demande aux Jean-Pierre

Raffarin Martine Aubry

restent cachées ? Français beaucoup d’efforts en ce moment. L’équipe de France lors du match contre le Costa Rica, le 26 mai dernier.

MICHEL SERVENT 75015 PARIS

L’ÉCOLE
On n’a jamais établi de relation directe en-
tre l’échec scolaire et le nombre moyen
d’élèves par classe. J’ai dirigé une école de
350 élèves en zone d’éducation priori-
taire. Aux 15 professeurs des écoles titulai-
res des classes s’ajoutaient un enseignant
surnuméraire à plein temps pour les CP et
une kyrielle d’autres enseignants (anima-
teurs ZEP, spécialistes divers, rééducateurs
et psychologue scolaire du Rased...), qui
prenaient en charge des groupes d’élèves
pour animer divers projets pédagogiques
ou éducatifs. C’étaient donc jusqu’à 25 en-
seignants mobilisés pour notre école avec,
au bout du compte, l’amer constat que les
élèves en grande difficulté au CP l’étaient
toujours plus ou moins au CM2 puis au col-
lège, malgré tous nos efforts. Les causes de
l’échec scolaire sont avant tout sociales. Les
moyens mis en place par l’Education natio-
nale ont donc sur lui une influence limitée.
ALAIN FLINT 60870 VILLERS-SAINT-PAUL
Il me semble parfaitement indécent d’étaler les salaires des Bleus, leur vie
de luxe. Méritent-ils d’être hissés au rang de héros ?
MARIAGE ET FISCALITÉ (SUITE)
Le courrier de votre lecteur titré « Fiscalité
et mariage » (Le Figaro Magazine du 5 juin) ne
reflète pas la réalité. En effet, les concubins
ne sont pas dispensés de déclaration com-
mune d’ISF. Nous vivons en union libre de-
puis de nombreuses années, nous faisons
une déclaration séparée de nos revenus,
mais, l’an passé, le fisc nous a imposé une
déclaration commune d’ISF avec rétroacti-
vité sur six ans, en réunissant nos patrimoi-
nes, alors que séparément ceux-ci n’attei-
gnaient pas le seuil de l’imposition.
JEAN-MICHEL GIGNOUX COURRIEL
L’EURO ET LE DOLLAR
La crise de l’euro est-elle aussi grave qu’on
le dit ? La situation de la Grèce, du Portu-
gal et de l’Italie justifie-t-elle les attaques
FRANÇOISE GUIRAUD 13200 ARLES
contre l’euro ? En réalité, nous assistons à
un épisode aigu de la guerre euro/dollar qui
existe depuis le début, car l’euro ouvrait une
brèche dans le monopole monétaire améri-
cain. L’Amérique profite d’une faiblesse pas-
sagère de l’Europe pour tenter, avec l’aide de
la Grande-Bretagne, plus anti-européenne
que jamais, de tuer l’euro. Face à cette atta-
que, l’Europe tergiverse. L’appel au FMI,
imposé par Angela Merkel, revient à met-
tre l’euro sous tutelle américaine. Si l’euro
disparaît, l’Europe est morte. Pour sauver
l’Europe, il faut donc sauver l’euro. L’Europe
devrait annoncer que ses importations se-
ront désormais payées en euros, et ses ex-
portations facturées en euros. Il en résulte-
rait un vrai coup de fouet pour l’économie
européenne.
YVES DE BEAULIEU 56510 SAINT-PIERRE-QUIBERON

SOCIÉTÉ DU FIGARO Siège social : 14, boulevard Haussmann, 75009 Paris. Président : Serge DASSAULT. Directeur Général, directeur de la publication : Francis
MOREL.Directeurdesrédactions:EtienneMOUGEOTTE.DirecteurdelarédactionduFigaroMagazine:AlexisBRÉZET.Directeurdéléguédelarédaction:Jean-René
VAN DER PLAETSEN. Directeuradjointdelarédaction(Culture-Art-Artdevivre):Jérôme BÉGLÉ. Directeur artistique : Joseph MAGGIORI. Secrétaire général
de la rédaction : Thierry DERANSART. Rédacteur en chef photo : Cyril DROUHET. Rédaction en chef coordination : Jean-Christophe BUISSON (Culture), Arnauld DINGREVILLE
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Chroniqueurs : François D’ORCIVAL, Alain-Gérard SLAMA. DOSSIERS : Jean-Marc GONIN, Sophie ROQUELLE (rédacteurs en chef ), Christophe DORÉ (grand reporter).
REPORTAGES : Claudie BARAN, Katia CLARENS, Olivier MICHEL, Léopold SANCHEZ, Jean-Louis TREMBLAIS (grands reporters), Pierre FLIECX (chef de service), Cyril
HOFSTEIN. CULTURE : Véronique PRAT (rédactrice en chef Art), Jean SÉVILLIA (rédacteur en chef adjoint), Laurence HALOCHE, Nicolas UNGEMUTH (chefs de service), Clara
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ART DE VIVRE : François SIMON, Pauline SIMONS (grands reporters), Pascal GRANDMAISON, Frédéric MARTIN-BERNARD, Martine MOREAU, Sylvain REISSER. Chroniqueurs :
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Philippe LACOUDRE (adj. réd. chef tech.), Véronique TRÉBOUTTE (1re SR). Révision : Anne CADET, Pierre ILIAS, Caroline LÉCHARNY, Marina PÉTROSSIAN, Laurent UHLER.
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www.lefigaro.fr, rubrique: abonnez-vous. Composition : SIRLO. Impression : RFI (77) et Sego (95). Numéro d’impression : 10M1547. ISSN 0184-9336. Imprimé en France/Printed in France.

6 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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A R R Ê T S U R I M A G E

PRÊTS POUR UN PETIT TEST ?Certains des supporteurs de la Coupe du monde de football se donnent beaucoup de
mal pour afficher leurs couleurs et soutenir leurs équipes. Mais sauriez-vous reconnaître les nations qu’ils représentent ici ?
De gauche à droite et de haut en bas : Portugal, Japon, Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Corée du Sud, Afrique du Sud, France.
Un peu plus difficile : pouvez-vous citer les quatre qui ont été récompensés de leurs efforts en première semaine par la
victoire de leurs joueurs ? PHOTOS : AFP (3) ; REUTERS (2) ; STARFACE ; ABACA (2)
Japon/Cameroun : 1 - 0. Allemagne/Australie : 4 - 0 . Argentine/Nigeria : 1 - 0. Et la Corée du Sud, qui a battu la Grèce 2 à 0.
A R R Ê T S U R I M A G E

VRAIMENT POILANT ! Aucun doute : Rabelais, Aristote et Bergson avaient tort d’affirmer que « le rire est le propre
de l’homme ». Mais ils ignoraient sûrement tout de l’existence des singes, et ne disposaient évidemment d’aucune étude sur
leur comportement. La dernière en date, effectuée par une zoologiste britannique sur vingt-deux primates (gorilles, chimpan-
zés, bonobos, orangs-outans et siamangs), confirme la réalité de cette réaction, l’importance de son rôle social et la facilité
avec laquelle un humain peut la déclencher : il suffit pour cela de les chatouiller. Mais à une condition : qu’ils soient très jeu-
nes. Le rire existe bien chez les singes, mais il n’est le propre que de la jeunesse. PHOTO : JURGEN & CHRISTINE SOHNS/FLPA/SUNSET
A R R Ê T S U R I M A G E

SAUVÉE DES EAUX. Abby Sunderland, la jeune navigatrice californienne de 16 ans qui voulait accomplir un tour du
monde en solitaire, a dû renoncer à son rêve. En perdition à bord du Wild Eyes, son voilier de 11 mètres démâté, et inca-
pable de manœuvrer, elle a été secourue par le canot du palangrier congélateur français de 55 mètres Ile de La Réunion par
40° sud à quelque 200 milles des îles Saint-Paul et Amsterdam, à environ 3 000 kilomètres au sud-est de La Réunion. Un coup
de chance. Son voyage avait été vivement critiqué en raison des très difficiles conditions climatiques de l’hiver austral, de
son jeune âge et du coûteux programme de téléréalité que ses parents ont bâti autour d’elle. PHOTO : ERIC HOARAU/TAAF
C O U L I S S E S / P O L I T I Q U E
DÉCRYPTAGE Hollande recrute
Jacky Bontems, le numéro
PA R É R I C Z E M M OU R deux de l’organisation de la
CFDT, qui a négocié son départ
18 juin : le PCF fait

J.-CH. MARMARA/FIGARO
de la centrale de François
Chérèque, a proposé à François
de la résistance Hollande de rejoindre son
équipe de campagne.

C
hacun son 18 Juin. Londres, bien sûr. RÉFORME
Mais aussi le 35e congrès du Parti com- DES RETRAITES Les ambitions de Szpiner
muniste, au Cnit de la Défense. A croire Merkel, L’avocat Francis
première informée Szpiner a

JEAN-CLAUDE MOSCHETTI/REA
que le nouveau patron de la Place du Co-

JACQUES TORREGANO
lonel-Fabien, Pierre Laurent, a voulu être sûr que Angela Merkel a été la récemment rejoint
personne ne le remarque. Grandeur et décadence. première informée le Nouveau Centre
Dans les années 1960, le gaulliste Malraux plas- du contenu de la réforme d’Hervé Morin.
tronnait : « Entre les communistes et nous, il n’y a Le patron des retraites. Lors de leur Ses ambitions sont
rien. » A l’époque, le PCF ne descendait jamais entretien à Berlin lundi avant tout locales
du Front de dernier, Nicolas Sarkozy et... parisiennes. « Je m’inscris
sous les 20 % des voix. Lors de la dernière prési-
dentielle, en 2007, Marie-George Buffet a obtenu
gauche lui a communiqué les dans le cadre de la majorité
achève grandes lignes de la réforme présidentielle », assure l’avocat
moins de 2 %. A l’époque, le PCF était le parti parisien, qui prend date avant les
le travail présentée mercredi
d’une classe ouvrière soumise à Moscou et à ses par le ministre du travail sénatoriales de septembre 2011.
« combats anticolonialistes », mais en même temps commencé Eric Woerth.
communiait dans le mythe patriotique de la Ré- par Morin
sistance. Le PCF d’aujourd’hui court après tou- Mitterrand consulte Giscard...
tes les luttes de sans-papiers, d’antiracistes et de Les (arrière)-pensées Valéry Giscard d’Estaing
féministes, tous ces mouvements nés dans les années 1970 qui ont de Pascal l’a assuré à Hervé Morin, le
détruit la classe ouvrière et réduit à néant Les sages du Conseil supérieur président du Nouveau Centre,
sa combativité face au capitalisme mondia- de l’audiovisuel ont été qui a souhaité le rencontrer
lisé. Grâce à la pugnacité talentueuse de stupéfaits, ce lundi, de voir voilà quelques semaines
Jean-Luc Mélenchon, le PCF a retrouvé des tomber une dépêche de l’AFP avant le congrès de son
couleurs aux régionales mais perdu des titrée : « France Télévisions : parti à Tours le week-end
élus. Il refuse de se ranger sous sa bannière bilan favorable du CSA sur l’ère dernier : « Personne n’est
pour la présidentielle, sentant bien que le Patrick de Carolis. » Elle propriétaire de la marque
s’appuie en effet sur un UDF, sauf moi »,
patron du Front de gauche achèverait le tra- lui a confié l’ancien
document interne élaboré par
vail commencé par Mitterrand. Mais il n’a Président.
les services du CSA, qui a fuité
aucun candidat de remplacement. Du côté
ISABELLE SIMON/SIPA

à l’AFP mais
de leurs meilleurs ennemis gaullistes, le n’avait ... et copie Chirac
mieux n’est qu’apparent. De Gaulle n’est en- nullement été Comme le faisait
censé que pour mieux être récupéré et dé- validé par le Jacques Chirac pendant
J.-CH. MARMARA/FIGARO

tourné par une gauche qui le traitait jadis de fasciste. Nicolas Sar- Conseil. Tour la campagne présidentielle
kozy se rendra bien sûr à Londres le 18 juin. Mais l’affaiblissement Mirabeau, on de 1995, Hervé Morin
économique français depuis une trentaine d’années, et l’obsession soupçonne prend des notes sur

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

du « couple » franco-allemand, l’empêchent de tenir tête à la chan- le secrétaire son cahier à chaque
celière Merkel qui lui impose sa vision de l’Europe et de la rigueur. général de France Télévisions, déplacement en province ou
A l’époque de son « couple » avec Adenauer, de Gaulle disait : Camille Pascal, d’être à l’origine rencontre avec des experts.
« L’Allemagne est le cheval et la France le jockey. » La situation en- de ce petit coup de pub Pour nourrir sa réflexion
tre les deux pays a tourné casaque. en forme de baroud d’honneur dans la perspective de sa
pour son patron. candidature en 2012.

LE BUZZ POLITIQUE
LES PERSONNALITÉS DONT ON PARLE
Boutin et Yade HORS CLASSEMENT Nicolas Sarkozy : 1 170 retombées presse + audio.
font l’actualité Nombre de citations établi par l'Argus de la presse, spécialiste de la veille et des études médias, à partir de l'analyse du contenu de 28 journaux et de 200 radios et télévisions du 8 au 14 juin.
Ministre, Christine Boutin n’a
jamais réussi à se hisser dans
728
le haut du classement. Mais la
polémique sur la rémunération de 513 490
sa mission cumulée avec sa retraite
de parlementaire lui vaut la première 322 307
place alors que Rama Yade profite
de la polémique sur l’hébergement Christine François Rama Martine Eric
des Bleus en Afrique du Sud. Boutin Fillon Yade Aubry Woerth
Retrouvez le Buzz politique chaque vendredi à 13 h 10 avec Ruth Elkrief. « Midi Ruth Elkrief » du lundi au vendredi de 12 h à 14 h sur BFMTV.

14 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ RUBRIQUE COORDONNÉE PAR CARL MEEUS ET GHISLAIN DE MONTALEMBERT
Photo © Greg Gorman
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 C O U L I S S E S / P O L I T I Q U E
LE DESSOUS DES CARTES

VILLEPIN, LA FONTE
DES TROUPES
L
’isolement n’est pas une question de nombre, c’est un état d’esprit », a l’habitude de proclamer
Dominique de Villepin. Le lancement de son mouvement, samedi, à La Halle Freyssinet,
à Paris, sera l’occasion pour l’ancien Premier ministre de démontrer une nouvelle fois cette
sentence. Il a prévu de reprendre les statuts du parti qu’il avait créé en novembre 2006,
Courage République, d’en changer le nom et d’insister sur l’« exigence de solidarités ». Dans une
lettre, il a exhorté les membres de son club à faire face aux « entraves » et aux « pressions ».
« Est-il prêt à assumer le masque de la division comme Jacques Chirac en 1981 ?, se demande un
ministre. Chirac a mis quatorze ans à gagner. » « Villepin est davantage dans le rôle de Michel
Debré, raille un autre membre du gouvernement. Celui de l’imprécateur et du gardien de la flamme. »
Il avait fait 1,66 % des voix en 1981 ! La venue de 3 000 personnes samedi ne peut masquer que
LUDOVIC/REA

les rangs de ses fidèles se clairsèment au fur et à mesure que Nicolas Sarkozy rassemble la
famille et s’affiche avec le couple Chirac en déjeunant mardi chez Tong Yen.

ILS RESTENT FIDÈLES ILS S’ÉLOIGNENT

Marie-Anne DOUCEMENT
MERILLON/LE FIGARO

Montchamp Ancien ministre de Dominique

de Villepin, Hervé Mariton, reçu à
l’Elysée voici quelques jours,
ne participera pas au
lancement de son parti.
« Ce qui se vit aisément dans
ABACA

Jacques Le Guen un club est plus

difficile dans un

MARMARA/LE FIGARO
parti », explique
celui qui veut
MARMARA/LE FIGARO

garder
MOSCHETTI/REA

sa « liberté ». Hervé Mariton

François
Goulard Brigitte Girardin
« Ils ont des revanches à prendre », estime Il se proclame « villepiniste » et
un ministre. Virés du gouvernement à « sarko-compatible ». Georges Tron,
l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée en 2007, le nouveau secrétaire d’Etat
MARMARA/LE FIGARO

virés de leur circonscription, supprimée à la Fonction publique, n’est pas

par le redécoupage d’Alain Marleix, ils ont des toujours d’accord avec Villepin, mais
comptes à régler avec l’actuel Président et ne peut se permettre un trop « grand
LUDOVIC/REA

Jean-Pierre poussent Dominique de Villepin à aller jusqu’au écart avec Sarkozy », estime un de ses
Grand bout de sa logique et à se présenter en 2012. Georges Tron collègues du gouvernement.

IL ATTEND ILS SONT DÉJÀ PARTIS

« Je ne monte jamais dans un train Bruno Le Maire,
tant que je ne connais pas sa l’ancien directeur de
destination », estime le président cabinet de Dominique
de Debout la République. Présent de Villepin, ministre
MARMARA/LE FIGARO

en octobre dernier au rassemblement de l’Agriculture

de Dominique de Villepin à la Maison de Nicolas Sarkozy,
de l’Amérique ne veut pas jouer François
latine à Paris, le rôle du petit Baroin
il ne sera pas télégraphiste Les chiraquiens ont pris leurs
de l’aventure entre les deux. distances dès 2007 : Jean-
FRANÇOIS BOUCHON/FIGARO

du parti Il continue François Copé, en affichant son

samedi. à voir l’ancien ambition pour la présidentielle de 2017,
« J’attends Premier ministre et François Baroin, qui ne croit
MARMARA/LE FIGARO

MARMARA/LE FIGARO

de savoir régulièrement, mais pas Villepin « habité » par

ce qu’il veut plaide pour la réunion l’envie présidentielle, et plaide
faire Bruno de la famille politique pour le « rassemblement de la Jean-François
Nicolas Dupont-Aignan en 2012. » Le Maire « le plus tôt possible ». famille ». Copé

16 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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LA CHRONIQUE

F R A N Ç O I S
D E
D ’ O R C I VA L
L’ I N ST I T U T
(...)
sic
La parabole flamande
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

déjeuner
son ancien « Je n’ai nulle envie

L
professeur d’avoir quelque
es faux-semblants ne résistent pas à la
d’anglais,
Louis crise. Il paraît surréaliste et hors du
rapprochement
Welcomme. temps qu’en pleine tempête financière politicien que ce
C’est grâce à lui que la vie du sur l’Europe, les électeurs belges, fla- soit avec Nicolas

LE FIGARO MAGAZINE
secrétaire d’Etat chargé des
Affaires européennes a changé.
mands et wallons en soient toujours à se dispu-
ter sur la dévolution des pouvoirs entre leurs Ré-
Sarkozy.
Issu d’un milieu modeste, gions. En fait, le sujet est ailleurs : car le résultat Dominique
le jeune Lellouche était dans des élections du 13 juin montre l’impact direct de Strauss-
un collège technique lorsque la crise économique et financière sur la Belgique ; Pour les Kahn est
son professeur d’anglais
la culture, la langue, les droits ne sont que les nations du
l’a repéré et aidé à présenter
signes d’une réalité plus concrète. L’explication Nord, tous plus près
le concours d’entrée au lycée
Condorcet, qui lui a permis véritable du scrutin est celle-ci : de plus en plus ces Latins de ce que
ensuite de décrocher de Flamands ne veulent plus payer pour les Wal- sont j’évoque
lons. Les Flamands, 6 millions, ont voté à 41,5 % des pays
une bourse pour Harvard.
pour deux formations indépendantistes, la Nou-
comme
velle Alliance (NVA, 29 %) et le Bloc (VB, 12,5 %),
du « Club une
Med »
LE LIVRE alors que la NVA ne faisait que 13 % il y a un an. vision
Cela montre bien que la réaction brutale révélée
d’un certain
Hirsch, par le scrutin est la conséquence directe de la crise européenne.
A l’inverse, les Wallons, 4 millions, ont voté socialiste. monde. »
l’anti Hulot Que veulent ces Flamands ? L’indépendance n’est qu’un grand mot François Bayrou, président

J.-C. MARMARA/FIGARO
pour impressionner. Ils veulent seulement des comptes séparés : du MoDem, lundi 14 juin,
Quand il a quitté le lors de l’émission « Mots
une caisse pour eux, une caisse pour les autres, pour le chômage,
gouvernement, peu Croisés » sur
la santé, bref la Sécurité sociale. Les Flamands estiment que leur
l’ontregretté!Sescol- France 2.
travail ne peut plus servir à cotiser pour leurs voisins du Sud. Les-
lègues n’ont jamais
quels ne veulent surtout pas que l’on touche à la Sécurité sociale.
saisi les motivations
D. R.

Cette opposition entre un Nord qui se voit travailleur et épar- « Nicolas Sarkozy veut
de celui qui a négocié une
gnant et un Sud qui serait désinvolte et dépensier se généralise être le maître du monde,
baisse de rémunération pour
en Europe. Le vote flamand en est la parabole. Le Nord ne se veut y compris du journal. »
devenir haut commissaire aux
plus solidaire du Sud. En Italie, la politique de la Ligue du Nord, François Hollande,
Solidarités actives, refusant
lombarde, à l’égard du reste de l’Italie n’est guère différente de député PS de Corrèze,
que son « entrée au gouverne-
F. BOUCHON/FIGARO

celle de la NVA en Flandre. Quant à l’Allemagne, on voit bien mardi 15 juin,

ment se traduise par un gain fi-
comment l’opinion publique pousse la chancelière à l’intransi- lors d’une conférence
nancier », et qui est parti au
geance à l’égard de la Grèce, du Portugal ou de l’Espagne. Pour de presse.
bout de deux ans et demi !
les nations du Nord, tous ces Latins, y compris les Français, sont
Pourtant à la lecture du livre de
des pays du « Club Med » qui vivent de l’épargne des autres.
Martin Hirsch, on comprend « Traire, emmener les
Quand l’argent ne manque pas, on se contient, en pratiquant la
qu’il est plus efficace d’imposer vaches au pré, je sais ce
condescendance ; quand il n’y en a plus, on se lâche, et apparais-
ses idées de l’intérieur – à que c’est, je l’ai fait. »
sent l’intolérance, la haine, la lutte des classes.
condition d’avoir bien négocié
La Belgique a pour devise « L’union fait la force », ce qui ne man- Martine Aubry,
au préalable – que de tenter de
que pas d’être cocasse ces temps-ci. On pourrait en dire autant première secrétaire
MAXPPP/LE PARISIEN

peser de l’extérieur. Et de pren-

du rêve européen. Et pour comble d’ironie, à partir du 1er juillet, du PS, lundi 14 juin à
dre les exemples du RSA et de
l’Union des Vingt-Sept sera coprésidée par deux Flamands : Cluny, lors d’une visite
la taxe carbone, thèmes de la
l’actuel Premier ministre belge, en sursis, et son prédécesseur, d’exploitation agricole.
campagne de 2007. « Je suis per-
devenu président du Conseil européen...
suadé que le RSA n’aurait jamais
été mis en œuvre si je n’étais pas « Si une majorité
entré au gouvernement », ana- d’adhérents d’Europe
lyse-t-il, convaincu que si Nico- Ecologie souhaite
Des élus du Nouveau Centre ont reçu la lettre
las Hulot avait accepté de fran- TEXTOS que je porte nos
chir le Rubicon, le sort de la taxe que François Bayrou a envoyée aux militants du couleurs en 2012,
carbone eût été différent. Cela MoDem pour leur expliquer qu’il ne se rapprochait pas de Nicolas j’accepterai d’y aller. »
vaut bien pour un homme de Sarkozy. ● Selon le ministère de la Relance, dirigé par Eva Joly, eurodéputé
F. BOUCHON/LE FIGARO

F. BOUCHON/LE FIGARO

gauche de travailler dans un PATRICK DEVEDJIAN (photo), 89 % du plan a Europe Ecologie,

gouvernement de droite. C. M. été mis en œuvre depuis un an et demi. Soit dimanche 13 juin,
Secrets de fabrication, de Martin Hirsch, au Journal
Grasset, 306 p., 18 ¤. 34 milliards d’euros sur les 38 milliards engagés. du dimanche.
18 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
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CLUB MED :
À LA UNE
POUR et le
Le

QUAND LA CHINE BRONZERA CONTRE

C
PA R M AT H I E U L A I N E

ette semaine, Henri Giscard d’Estaing Par le partenariat qu’il noue avec Fosun, le Club Med
a écourté un road show à Londres pour se donne les moyens d’être un leader en Chine, dans ce Retraites :

J. TORREGANO
filer à Shanghaï où l’attendaient le qui sera le plus grand marché touristique du monde. » faut-il taxer plus
17 juin les dirigeants de Fosun, le nou- La clientèle chinoise du Club Med est déjà en plein les riches ?
veau partenaire chinois du Club Med. boom : + 40 % depuis le 1er janvier 2010. Après LE POUR. Pour sauver nos
Ces derniers tenaient à cé- avoir écumé les villages retraites et répondre à l’exigence
lébrer l’événement que des Maldives, de Thaïlande de « justice », le gouvernement
constitue l’entrée de leur ou de Malaisie, les Chinois prévoit de faire passer la tranche
conglomérat privé, le plus aisés vont pouvoir décou- supérieure de l’impôt sur le
grand de Chine avec vrir dès le mois de novem- revenu de 40 à 41 % au nom
4,2 milliards d’euros de bre le premier Club Med d’une « contribution solidarité
chiffre d’affaires, dans le
vieillesse » qui ne sera pas
chinois, à Yabuli (Mand-
incluse dans le bouclier fiscal
capital du Club Med, à chourie), la plus grande (sic). Les revenus du capital
hauteur de 7,1 %. Il y a un station de ski du pays. seront également touchés
an, Henri Giscard d’Es- Quatre autres villages sont (augmentation d’un point des
taing bataillait contre Ber- attendus, d’ici à 2015. « Les prélèvements sur les cessions
nard Tapie qui ne ména- Chinois ont envie de profiter mobilières et immobilières).
geait pas ses critiques, par de la vie, de rattraper le Le crédit d’impôt sur les
médias interposés, à l’en- temps perdu, un peu comme dividendes perçus par les
contre de la stratégie de en France après la Libéra- actionnaires sera supprimé et
montée en gamme du Club tion. On va leur offrir des en- la contribution de l’employeur
Med, alors dans le rouge. droits où l’on peut s’amuser, sur les stock-options passera
Aujourd’hui, le fils de l’an- des plages magnifiques, des de 10 à 14 % et celle du salarié de
2,5 à 8 %. Les bénéficiaires
CHOUCHANA OLIVIER/GAMMA

cien président de la Répu- chambres de luxe, des suites

blique savoure sa revanche familiales, des GO qui s’occu- de retraites chapeaux se verront
enfin appliquer une contribution
sur « Nanard » : le groupe pent des enfants sans que ces
A l’horizon 2015, le Club Med sociale de 14 %. Ces mesures
de loisirs vient de renouer derniers aient l’air traumati- devraient engendrer 3,7 milliards
voudrait séduire 200 000 chinois.
avec les profits au premier sés », promet-on au Club de recettes.
semestre 2010 ; et ce partenariat stratégique avec Med, qui vise 200 000 clients en Chine d’ici à cinq
les Chinois devrait doper durablement sa crois- ans (contre 30 000 aujourd’hui). Les Chinois veu- LE CONTRE. Remettre en cause
sance. « Soixante ans après sa création, le Club Med lent des augmentations de salaire, et maintenant le bouclier fiscal, c’est porter
durablement atteinte à la « parole
écrit une nouvelle page de son histoire, confie Henri des vacances... Pour cela, ils ont pensé à des spé-
fiscale de la France » (qui
Giscard d’Estaing. Cet accord est une grande nouvelle. cialistes : les Français. GHISLAIN DE MONTALEMBERT
rentrera en France à la prochaine
promesse ?). Quant à fiscaliser
Le grand ténor d’opéra PLÁCIDO DOMINGO (photo) a été élu davantage les revenus élevés
A. OTERO/WENN.COM/SIPA

TEXTOS
et taxer l’épargne, c’est envoyer
président d’Europa Nostra, qui fédère l’action de 400 associations un signal particulièrement négatif
européennes au service du patrimoine culturel. ● Sortir de l’euro ou mourir à petit feu. C’est le (effet Laffer) à bon nombre
titre du dernier essai de l’économiste ALAIN COTTA, à paraître le 24 juin, chez Plon. de créateurs de croissance
et d’emplois, en leur faisant
comprendre qu’il ne fait
Les Français misent identique (87 %) d’entre eux déclare faire – fiscalement – pas bon vivre
sur les petits patrons confiance aux petits patrons, contre en France. Nous ne sortirons pas
Qui créera les emplois de demain ? 30 % en ce qui concerne les dirigeants ainsi de la crise de compétitivité.
Pour 86 % des Français, ce sont les des grandes entreprises. A quand l’allègement drastique
patrons de TPE-PME, révèle un sondage Autre enseignement de ce sondage : des dépenses publiques,
OpinionWay réalisé pour le Salon des un Français sur trois espère monter sa l’assouplissement du droit du
entrepreneurs Lyon Rhône-Alpes boîte un jour, dont 3 millions d’entre eux travail et le pari d’une fiscalité
à court terme. authentiquement attractive ?
D. R.

(23 et 24 juin). Une proportion quasi

1932
C’est la retraite men- Au Moyen-Orient, le luxe français
suelle qu’un sénateur ne connaît pas la crise
touche au bout d’un Françoise Montenay, présidente Vuitton, se multiplient dans tous
FRÉDÉRIC REGLAIN/FEDEPHOTO

seul mandat de six ans, du Comité Colbert, vient de le les pays du Golfe : 2 500 points
EUROS grâce au système de rappeler : le Moyen-Orient est la
terre d’élection du luxe français.
de vente portent déjà les
double cotisation dont la réforme est à l’étude. couleurs de la France. En 2009,
Après vingt-trois ans de mandat, une retraite En pleine crise économique le Comité Colbert a implanté
à taux plein lui rapporte 6 664 euros par mois. mondiale, les boutiques haut 30 boutiques supplémentaires
de gamme, de Chanel à Louis au Moyen-Orient !

20 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 S A N T É / S C I E N C E S

D’OÙ VIENT
EN VUE
QUOI DE NEUF DOCTEUR ?
Le tabagisme demeure le facteur de risque le plus
LA SCHIZOPHRÉNIE ? important associé au cancer du poumon. Un dan-

C
ger qui subsiste même à l’arrêt du tabac, et qui
e n’est malheureusement qu’au détour de tragiques faits concerne aussi des personnes n’ayant jamais
divers que l’attention se porte sur la schizophrénie. fumé. Une étude menée par le Centre internatio-
Pourtant, il faut savoir que cette pathologie, la plus sévère nal de recherche sur le cancer (Circ) et publiée
des maladies psychotiques, frappe 1 % de la population dans le Journal of The American Medical Associa-
mondiale. Et l’on suppose 1 % de la population française, tion offre une piste des plus sérieuses pour dimi-

BSIP/CHASSENET
puisqu’on ne dispose pas de données précises sur le nombre de mala- nuer ce risque de tumeur. Il serait moitié moin-
des vivant dans l’Hexagone. Une carence qui signe le peu de considé- dre chez les sujets bénéficiant de niveaux
ration de notre système de santé pour ce mal redouté, source de gran-
élevés de vitamine B6 et de méthionine. La vita-
mine B6 ou pyridoxine se trouve en quantité dans les abats, les viandes,
des souffrances pour le patient et son entourage. Rares sont les les volailles, les bananes, le chou, les céréales, les noix et les noisettes.
recherches qui lui sont consacrées. Une fois n’est pas coutume, les fac- La méthionine est un acide aminé essentiel, obtenu également par le biais
teurs de risque seront étudiés en France – c’est une première – grâce de l’alimentation. Elle se niche dans la viande, les poissons, les œufs et
à la Fondation FondaMental, qui participe à les produits laitiers. Cette enquête intégrée à l’étude EPIC, réalisée sur
une vaste enquête européenne. 520 000 Européens, a été effectuée à l’aide de prises de sang. Reste pour
Si l’on sait que l’apparition de la schizo- les chercheurs à confirmer le lien de causalité entre ces micronutriments
phrénie est associée à une prédisposition et la pathologie et à déterminer les doses de protection adéquates. On se
génétique, on connaît mal les éléments souvient de l’expérience du bêta-carotène, réputé prémunir du cancer du
intervenant dans son déclenchement. Elle poumon et qui, ingéré en quantité, a provoqué des résultats inverses à
affecte plutôt le sexe masculin, et survient ceux escomptés.
généralement tôt dans la vie – 16 ans chez
les garçons, 20 ans chez les filles. Pour l’es-
AÏE ! La déprime PAS MAL En finir
sentiel, les données proviennent de Grande- des prêtres avec
Bretagne et des pays du nord de l’Europe. le saturnisme
« Parmi les facteurs de risque, on trouve La prévalence du saturnisme
d’abord l’usage du cannabis, affirme le a chuté de 2,1 à 0,1 % :
Dr Andrei Szoke, psychiatre au CHU de le nombre des enfants de
Créteil. Prise de manière précoce et abondante, 1 à 6 ans affectés par cette
cette substance est très nocive sur un terrain intoxication au plomb est
prédisposé.» Mais aussi les infections mater- tombé de 84 000 à 4 400. La
nelles durant la grossesse. Ainsi des études politique de prévention menée
depuis quinze ans, associant
MELANIE FREY/FEDEPHOTO

ont noté une légère augmentation du risque

à la suite d’épidémies de grippe. « Un paramè- suppression de l’essence
au plomb, amélioration de
tre mis en rapport avec cette étrange coïncidence : de nombreux sujets souf-
PASIEKA/SPL/PHANIE

l’alimentation, de l’habitat
frant de schizophrénie sont nés en février ou en mars, ajoute le Dr Szoke. et du traitement des eaux de
Ce qui, selon une autre hypothèse, peut être aussi lié à un déficit de vita- distribution
mine D, essentielle pour le bon fonctionnement du système nerveux. » Le burn-out, ce syndrome
de stress et d’épuisement publique
L’urbanicité semble également jouer un rôle important. Les citadins dé- s’est révélée
professionnel, concerne toutes
veloppentplusfréquemmentcettepathologie.Effetdelapollution ?D’un efficace...
les professions. Et même
contact plus précoce avec des facteurs infectieux ? D’un support social les vocations. Les prêtres, Un résultat
plus faible ? On l’ignore. Des travaux font également état d’un risque encourageant
GARO/PHANIE

en sous-effectifs, dont le
dû aux migrations, notamment chez les deuxièmes générations, mais sacerdoce est de se consacrer qui ne doit
aussi de traumatismes crâniens et de traumatismes psychologiques in- aux autres n’y échappent pas. pas faire
fantiles, ce qui est débattu. Autant de questions qu’il est nécessaire d’élu- Surcharge de travail, sacrifice oublier les 4 400 cas
cider pour comprendre la maladie et mieux la prévenir. M. B.-C. de soi, certains sombrent de saturnisme restants.
dans l’apathie et perdent

27
toute motivation pour leur
FUTUR mission apostolique.
Modéliser le vivant Pour le Pr Giuseppe Crea,
BioIntelligence est un programme ambitieux qui entend révolutionner psychothérapeute et auteur
la recherche et le développement des médicaments. Il s’agit de d’Aisance et malaise dans le
regrouper les connaissances au sein d’une même plate-forme, de service pastoral, reconnaître
concevoir un outil informatique de pointe, capable de modéliser les et soigner le burn-out dans le MILLIARDS
molécules de demain, de simuler leur action sur les cellules, d’étudier service des autres, les prêtres D’EUROS
leurs interactions et tous leurs effets sur l’organisme. Le but est de doivent savoir « s’arrêter C’est le montant prévu du défi-
sélectionner plus rapidement les plus prometteuses et d’éliminer celles de temps en temps ». cit de la Sécurité sociale en
qui se révèlent toxiques avant tout développement clinique. Le projet Ce n’est pas pour rien que 2010. Un nouveau record, qui
émane de cinq laboratoires – Ipsen, Pierre Fabre, Sanofi Aventis, le bon Dieu a créé le septième vient s’ajouter aux 20,3 mil-
Servier et Bayer CropScience – associés avec Dassault Systèmes, jour pour se reposer. liards d’euros enregistrés en
chargé de développer les infrastructures, l’Inserm, le génopole d’Evry Il est vrai que c’est le 2009.
et l’Inria. Il bénéficie de 118 millions d’euros pour une durée de cinq ans. dimanche, jour de la messe...

22 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ PAGE COORDONNÉE PAR MARTINE BETTI-CUSSO ET CHRISTOPHE DORÉ
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Dans ce monde plein d’incertitudes, il est rassuran
t chaque grande
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solide. C’est aussi
étape de votre vie, c’est la garantie d’un conseil
garanti par le sceau
faire le choix de la sécurité : seul un acte notarié
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de l’État est incontestable, et chaque acte est cons
urance d’un tarif
notaire sans limite dans le temps. Enfin, c’est l’ass
unique fixé par l’État. www.notaires.fr
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ENTRETIEN EXCLUSIF
Grossouvre : sa famille co
A
-t-on « suicidé »
Le fils aîné, la fille et le petit-fils du conseiller de François François de Gros-
Mitterrand ont décidé de sortir de leur silence. En cause : souvre, ou l’ancien
conseiller de Fran-
un livre à succès reprenant la version officielle d’un çois Mitterrand
PHOTOS DIEGO GOLDBERG/SYGMA/CORBIS

homme dépressif qui aurait mis fin à ses jours. Evoquant
les rapports de police et d’autopsie, ils produisent des élé-
ments troublants, qui laissent planer le doute sur les circons-
tances exactes de la mort de François de Grossouvre.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MÉRITENS
s’est-il effectivement
donné la mort dans son bureau de l’Elysée,
le 7 avril 1994 ? A cette énigme jamais vrai-
ment résolue, Le Dernier Mort de Mitter-
rand *, livre récemment publié par la jour-
naliste du Monde Raphaëlle Bacqué, répond
catégoriquement par la seconde hypothèse.

24 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010


nteste la thèse du suicide
Mais son ouvrage, alerte, mené tambour bat-
tant, contient à leurs yeux tellement d’erreurs
factuelles, d’a priori et de contrevérités que,
pour la première fois, les descendants de
cette éminence grise ont décidé de rompre le
silence qu’ils observaient depuis seize ans.
Voici donc, en exclusivité pour Le Figaro Ma-
gazine, les réactions et les réfutations de Na-
thalie Michaud, sa fille, de Patrick de Gros-
souvre, son fils aîné, de François, le fils de
Patrick, ainsi que de Pierre d’Alançon, son
collaborateur à l’Elysée.
Le Figaro Magazine – De nombreux ouvrages
d’investigation traitant de la période mitterran-
dienne ont évoqué la mort de votre père, au soir
du 7 avril 1994. Alors que votre famille n’a ja-
mais réagi, pourquoi décidez-vous soudain de
vous exprimer ?
Patrick de Grossouvre - Parce que nous en
avons assez de voir Mme Bacqué reçue par
tous les médias pour y faire la publicité de
son ouvrage en répandant des contrevérités
que personne – hormis Jean Montaldo – n’ose
contredire. Qu’elle soutienne la thèse officielle
GEORGES MERILLON/LE FIGARO MAGAZINE
Période de l’amitié glorieuse.
Mitterrand et Grossouvre en
promenade à Paris. Ci-contre, à
Moulins : Nathalie, Patrick et le
jeune François de Grossouvre.
du suicide est son droit le plus strict, mais
qu’elle l’étaye en allant au-delà des déclara-
tions des témoins, qu’elle fausse leurs propos,
rend son ouvrage suspect. Le genre littéraire
choisi est au reste équivoque, hésitant entre
le roman à prétention psychologique et le do-
cument. Elle dit avoir « refait l’enquête ». On
attendrait donc des faits, des éléments, des
témoignages, une retranscription fidèle des
procès-verbaux. Rien de tout cela. Mme Bac-
qué « raconte », et trop souvent n’importe
quoi, s’ingéniant à donner de notre père une •••
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 25
 A C T U A L I T É

« OÙ EST FRANÇOIS ?
J’AI FRAPPÉ À LA PORTE
DU BUREAU. PERSONNE
N’A RÉPONDU… »
••• image qui ne correspond pas à la réalité.
C’était avant tout un homme libre, qui avait
son franc-parler et qui n’a jamais fait partie
de la cour de Mitterrand. PHOTOS D. R.
Que répondez-vous à la thèse du suicide affir-
mée dans le livre ?
Patrick de Grossouvre – Que les rapports de po-
lice et d’autopsie, mais aussi les lacunes tragi-
ques en matière d’analyses médicales et scien-
tifiques laissent une large place au doute.
Commençons par les témoins, alors que notre
père vient de mourir d’une balle de 357 Mag-
num. Mme Bacqué raconte que le garde du
corps, Daniel Cerdan, « a entendu ce bruit qui
claque, cauchemar des gardes du corps. En ou-
vrant la porte du bureau, l’officier a été pris d’une
nausée... » C’est faux. Voici le témoignage de
Cerdan : « Quant à moi, je suis monté à 19 h 25
pour téléphoner dans une pièce juxtaposée au bu-
reau. J’ai téléphoné jusqu’à 19 h 50, en l’attente du
départ de M. de Grossouvre. En fait j’ai agi
comme d’habitude. A 19 h 50 le chauffeur est ar-
rivé et m’a demandé : “Où est François ?”. Nous Trois générations
nous sommes rendus à la porte entre le secréta- de cavaliers : François
riat et le bureau de M. de Grossouvre pour véri- de Grossouvre avec
fier s’il était toujours là. En effet, à cette heure-là, son petit-fils et son fils.
il est d’ordinaire avec M. le président de la Répu- Ci-contre : procès-verbal
blique. J’ai donc frappé à la porte du bureau. Per- de police. Le témoignage
sonne n’a répondu. Je suis donc rentré et j’ai du garde du corps,
constaté que le corps de M. de Grossouvre sem- Daniel Cerdan, précisant
blait sans vie. » les circonstances
Que conclure de ces lignes ? 1) Que contraire- du drame.
ment à ce que ressasse Mme Bacqué, notre
père n’était pas marginalisé, qu’il voyait encore
très souvent Mitterrand avec lequel il rentrait
le soir quai Branly, où il avait son appartement
de fonction juste au-dessus de celui de
Mme Pingeot et de Mazarine. 2) Que l’officier
n’a pas pénétré dans son bureau parce qu’il en-
tendait une détonation, mais parce qu’il s’in-
quiétait et venait aux ordres. Personne, en fait, donc jamais su si recul, mais je vois difficilement comment le re-
n’a rien entendu. Et c’est essentiel. Il n’y avait mon père avait été cul d’une arme tenue dans la main droite pour-
aucune protection phonique hormis la double drogué. Il peut s’être rait provoquer une luxation avant de l’épaule
porte et j’ai constaté par moi-même en venant suicidé, certes. On gauche. Je ne saisis pas non plus comment le
lui rendre visite qu’on pouvait facilement en- peut « l’avoir sui- 357 Magnum a pu être retrouvé dans la main
tendre ce qui se disait dans son bureau. Le si- cidé » en lui tordant de mon père, si le recul était aussi terrible que
lence de cette mort pose question. Comment a- le bras et en tenant sa main pour appuyer sur cela. L’épaule droite, quant à elle, n’avait rien.
t-elle été administrée ? la détente. Ou l’avoir assassiné. C’est ici que le Et tout cela semble n’avoir posé aucune ques-
C’est là qu’intervient l’analyse balistique... rapport d’autopsie laisse place au doute, tion aux enquêteurs, aux médecins légistes non
Patrick de Grossouvre – Mais justement, il n’y concluant à la simple « compatibilité » avec un plus qu’au procureur de la République.
en a pas eu ! Ce qui est consternant, compte suicide : luxation avant de l’épaule gauche peut- François de Grossouvre – Pour ce qui est du tir
tenu du lieu et de la personnalité du défunt. Il être due au recul de l’arme... Non seulement un qui a déterminé la mort, la plaie d’entrée a été
n’y a pas eu non plus d’analyse toxicologique tel traumatisme se fait par une torsion arrière prélevée, mais pas analysée. Elle a été mise en
autre que l’imprégnation alcoolique. On n’a du bras pour contraindre plutôt que par un milieu de conservation et on n’en a plus ja- •••

26 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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 A C T U A L I T É
« IL A REÇU DES PETITS
CERCUEILS ET DES
CIBLES. L’AMBIANCE
ÉTAIT À LA PEUR »
••• mais entendu parler. D’ordinaire, on procède
à un examen minutieux, notamment pour voir
les traces d’essuyage de la balle dans la plaie,
qui prouve que le projectile n’a pas traversé
quelque chose avant, et constater les traces de
poudre et de brûlure sur la peau. C’est le b.a.-
D. R.
ba des cours de médecine légale. Il n’en a pas
été question dans cette affaire. Plus inquiétant
encore : le rapport d’autopsie constate que les
chairs ne présentent aucune trace noirâtre ex-
terne. Cela laisse conclure soit que le coup a été
tiré d’assez loin, soit que l’on a interposé un ob-
jet entre l’orifice d’entrée et la bouche du canon
– la balle s’étant essuyée sur un coussin, par
exemple. Conclusion : l’autopsie n’apporte ni
clartés ni preuves. Tout demeure discutable.
Le suicide étant à mon sens l’un des droits fon-
damentaux de la vie, je préférerais de loin être
convaincu du suicide de mon grand-père. Cela
m’aiderait beaucoup. Mais la simple consulta-
tion des rapports scientifiques m’amène à pen-
ser que ces gens-là nous prennent pour des
idiots. Quand on interroge Raphaëlle Bacqué
sur notre contestation de la thèse officielle, elle
répond que c’est parce que nous n’arrivons pas
à accepter le suicide de notre père et grand-
père. Cet argument est enfantin et misérable.
Ce sont les faits qui font que nous nous sentons
tous concernés. Et cela, à jamais.
Mais qui aurait eu intérêt à assassiner François
de Grossouvre, et pourquoi ?
Nathalie Michaud – Qui ? Nous n’affirmons
rien. Mais il était gênant, il savait beaucoup de
choses sur beaucoup de gens et avait l’intention
d’écrire ses Mémoires.
Patrick de Grossouvre – A Trevesse, sa pro-
priété de Lusigny, je l’ai vu remplir de nom-
breuses feuilles de papier à la main, à l’encre
bleue, sur la terrasse, l’été. Dans le peu de do-
cuments que nous avons retrouvés, il ne reste
qu’un manuscrit tapé à la machine qui s’ar-
rête à la période de la guerre. Tout le reste a
disparu. Dans le bureau qu’il occupait à l’Ely-
sée, il y avait un coffre-fort d’une hauteur
d’environ un mètre cinquante, qui a disparu,
vraisemblablement la nuit même de sa
mort. Où étaient ses notes ? Certainement
pas à l’Elysée. Il avait été parfaitement irrité
quand, à la suite de l’enquête du juge Jean-
Pierre sur les comptes d’Urba-Gracco, Mit-
terrand lui avait demandé de remettre ses ar-
chives à Michel Charasse. Il n’y avait pas
déféré, bien sûr. Qu’en est-il advenu ? Au
cours des dernières semaines, lorsque je lui
28 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
1981. François de Grossouvre en famille, photographié par sa fille Nathalie.
ai parlé de ses Mémoires, il avait l’air de dire
qu’il ne les avait plus.
Pierre d’Alançon – Il m’avait confié qu’il atten-
drait la fin du second septennat pour les pu-
blier. Par respect des institutions, il se refusait
à attenter à la fonction du chef de l’Etat. Mais
dès la fin mai 1995, il serait libéré de son devoir
de réserve.
Nathalie Michaud – Et s’il n’a jamais exprimé
de menaces, il en a en revanche reçu. Des pe-
tits cercueils, ou des cibles avec ce commen-
taire : « On ne tirera ni trop haut ni trop bas. »
Il se savait pisté, suivi. L’ambiance était à
la peur.
François de Grossouvre – Cela a perduré
après sa mort. Je me souviens d’un visiteur
inattendu sur le palier de notre appartement,
à Caluire. Par le judas, ma mère l’a vu ouvrir
le placard de notre téléphone. Elle a entrebâillé
la porte pour lui demander ce qu’il faisait. Il
a argué d’une panne chez le voisin du dessous.
Comme elle lui demandait sa carte profession-
nelle, il a répondu qu’il allait la chercher dans
sa voiture. Il a laissé sa boîte à outils ouverte
et a filé sans demander son reste. J’avais 14 ans
à l’époque. Je me souviens des voitures en
planque devant chez nous avec des individus
lisant assidûment leur journal... Ce sont des
choses que l’on n’oublie pas.
Comment avez-vous ressenti la présence du
président de la République aux obsèques de
votre père ?
Nathalie Michaud – Très mal ! C’était une céré-
monie familiale où il n’était pas le bienvenu,
mais il s’est imposé, car son absence aurait été
interprétée par les médias comme un implicite
aveu de culpabilité morale. Une seule chose,
dans cette ténébreuse affaire, est certaine : la rai-
son essentielle de la mort de notre père réside
dans ses désaccords avec Mitterrand à la fin du
second septennat. Nous avons donc ignoré le
président de la République. Nous l’avons tenu
à l’écart. Il s’est retrouvé isolé au cimetière.
Patrick de Grossouvre – Notre mère s’étant de-
mandé si nous n’avions pas été trop drastiques
avec lui, nous avons été amenés à le revoir quel-
que temps plus tard à l’Elysée. Nous voulions
savoir à quoi nous en tenir. Comprendre com-
ment il avait lui-même ressenti ce drame. Or
il n’y a jamais eu de sa part le moindre instant
d’émotion ni de sympathie pour rappeler la
mémoire de notre père. Jamais. Pas un mot. Il
a tenu des propos calculés, prétendant qu’il ne
comprenait pas ; qu’il avait toujours eu de bons
rapports avec notre père ; que lorsqu’il avait eu
des différends avec Roger-Patrice Pelat, il avait
pris parti pour lui ; qu’il était très déprimé dans
les derniers temps ; qu’il ne voulait plus
chasser, plus monter à cheval ; qu’il n’arrivait
plus à tirer convenablement. Toutes affirma-
tions parfaitement fausses que l’on retrouve
complaisamment relayées par Mme Bacqué
avec, en plus, l’accusation de maladie et de sé-
nilité, contre laquelle son médecin, le Dr Loisy,
s’est indigné. François Mitterrand a aussi évo-
qué son affectation au vu du comportement de
notre père face au juge Jean-Pierre. Nous
l’avons contré en disant que, précisément, il
avait été plutôt combatif. Mitterrand a alors
coupé court, parce que cela l’agaçait. Il nous a
demandé de sortir, d’attendre dans une salle où
l’on nous remettrait un carton contenant ses af-
faires. Pêle-mêle, une photo de ma mère, un
agenda, quelques objets de bureau, enfermés
dans un carton...
Pierre d’Alançon – Voilà ce qui restait de cet
homme que l’on amoindrit aujourd’hui avec
un livre de commande fait d’à-peu-près et de
mensonges. Parler d’un François de Grossou-
vre amoureux de Mitterrand, c’est fumeux, ri-
dicule, de mauvais goût. Dire qu’il était franc-
maçon, ce qui est faux, en même temps que
chevalier de l’ordre de Malte, ce qui est vrai,
c’est faire preuve d’une bien piètre culture.
Dire que, colonel de réserve, il a voulu mon-
ter en grade dans l’armée, c’est stupide.
Quant à son passé militaire et résistant, il n’est
vraiment plus à prouver !
■ PROPOS RECUEILLIS PAR
PATRICE DE MÉRITENS
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A C T U A L I T É

L’ISF rapporte
de moins en moins
Pour la première fois depuis dix ans, le nombre de contri-
buables assujettis à l’ISF a baissé l’an dernier du fait de la
crise et de l’exode fiscal qui se poursuit. Quant à son 2,646
produit, il continue de diminuer en raison des dispositions
fiscales mises en place en 2007. 2,390 2,335
PAR GHISLAIN DE MONTALEMBERT 2,238 2,270

E
n 2009, 559 727 Français ont payé
l’impôt de solidarité sur la for-
1,942
tune (ISF), selon les chiffres dé-
finitifs que Bercy s’apprête à
communiquer dans les tout prochains jours,
et que nous publions en exclusivité. Soit
6 239 assujettis en moins par rapport à
2008 ! La baisse est, certes, dérisoire (elle est 299 646
même moins importante que ce que laissaient 281 434
penser les données provisoires de Bercy, qui 268 448
tablait sur 539 000 assujettis en 2009), mais elle
mérite d’être soulignée : c’est la toute première
en dix ans (entre 1999 et 2009, le nombre de
244 656
Français payant l’ISF a plus que doublé).
Où sont passés les 6 239 contribuables qui 212 008
manquent à l’appel ? La crise y est pour
beaucoup. En 2008, le CAC 40, indice NOMBRE DE FOYERS REDEVABLES
phare de la Bourse de Paris, a chuté de
43 % ! Or, le patrimoine des Français les
1999 2000 2001 2002 2003 200

Les 50 communes où se trouvent les patrimoines les plus importants

Nombre de Patrimoine Nombre de Patrimoine Nombre de Patrimoine
ISF moyen ISF moyen ISF moyen
Rang

redevables
Rang

redevables
Rang

COMMUNE moyen COMMUNE moyen COMMUNE redevables moyen

ISF ISF ISF
1 Paris VIIe 7 090 3 310 173 € 20 958 € 18 Oyonnax 166 1 965 518 € 8 644 € 35 Palaiseau 404 1 766 545 € 6 743 €
2 Neuilly-sur-Seine 7 442 3 180 555 € 21 439 € 19 Paris Ve 3 579 1 945 239 € 7 633 € 36 Saint-Germain-en-Laye 1 830 1 763 949 € 5 816 €
3 Paris VIIIe 4 039 2 812 032 € 15 264 € 20 Villenave-d'Ornon 137 1 896 527 € 7 564 € 37 Paris XVIIIe 2 116 1 760 570 € 6 516 €
4 Croix 423 2 781 074 € 15 018 € 21 Cannes 2 339 1 894 061 € 7 586 € 38 Paris XIVe 4 794 1 755 652 € 6 152 €
5 Paris XVIe 18 574 2 777 748 € 15 552 € 22 Le Gosier 98 1 885 620 € 7 379 € 39 Bastia 134 1 753 368 € 6 491 €
6 Paris VIe 4 802 2 665 758 € 13 920 € 23 Paris IIIe 1 374 1 883 057 € 6 656 € 40 Epinal 228 1 750 783 € 6 622 €
7 Cayenne 60 2 495 190 € 15 044 € 24 Boulogne-Billancourt 5 083 1 871 664 € 7 097 € 41 Sarreguemines 117 1 750 715 € 4 430 €
8 Paris IVe 1 567 2 377 677 € 11 567 € 25 Villeneuve-d'Ascq 575 1 851 093 € 6 045 € 42 Le Cannet 665 1 748 605 € 6 200 €
9 Monaco 443 2 365 518 € 12 655 € 26 Le Mée-sur-Seine 55 1 840 467 € 5 794 € 43 Thionville 334 1 746 409 € 5 491 €
10 Paris Ier 952 2 288 274 € 11 169 € 27 Strasbourg 2 625 1 838 304 € 6 596 € 44 Beauvais 319 1 740 937 € 6 166 €
11 Fort-de-France 132 2 227 073 € 8 814 € 28 Saint-Mandé 1 163 1 837 790 € 6 935 € 45 Mont-Saint-Aignan 516 1 740 673 € 7 257 €
12 Saint-Cloud 2 024 2 174 346 € 9 878 € 29 Ajaccio 297 1 813 666 € 7 131 € 46 La Madeleine 239 1 732 564 € 5 127 €
13 Saint-Dizier 87 2 152 899 € 8 364 € 30 Paris IXe 2 343 1 806 306 € 6 239 € 47 Montauban 347 1 731 286 € 5 921 €
14 Paris XVIIe 8 144 2 130 124 € 8 876 € 31 Châteauroux 242 1 794 322 € 7 432 € 48 Paris IIe 580 1 729 238 € 4 791 €
15 Le Bouscat 486 2 044 199 € 8 755 € 32 Epernay 175 1 791 918 € 7 123 € 49 Fontenay-sous-Bois 876 1 729 115 € 5 736 €
16 Schœlcher 71 2 029 619 € 10 344 € 33 Thonon-les-Bains 404 1 787 068 € 7 281 € 50 Brest 524 1 729 003 € 5 311 €
17 Marcq-en-Barœul 1 217 2 006 438 € 9 341 € 34 La Celle-Saint-Cloud 872 1 767 967 € 6 091 €

30 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 RECETTES EN plus fortunés, plus diversifié que la
moyenne, compte une part importante de

4,031
MILLIARDS D’EUROS valeurs mobilières. Au 1er janvier 2009
(date de référence de la déclaration qu’ils ont
remplie en juin 2009), ils étaient tout sim-
plement un peu moins riches.
3,810 Autre explication, mais qui n’explique
3,680 qu’une partie de l’énigme : l’exode fiscal des
grandes fortunes s’est poursuivi, malgré le
renforcement du dispositif du bouclier
fiscal en 2007 (seuil de déclenchement à
3,266 50 % des revenus au lieu de 60 %, prise en
3,076 compte de la CSG et de la CRDS dans le cal-
cul). En 2008 (dernier chiffre disponible),
821 Français, soit 107 de plus qu’en 2007, ont
préféré se délocaliser sous des cieux plus
cléments (pour 312 retours vers l’Hexagone)
565 966 559 727 plutôt que de régler un chèque jugé trop
527 866 confiscatoire au Trésor public. La France
paye le prix de son exception : elle est le seul
pays européen où subsiste encore un impôt
sur la fortune ! Et les exilés fiscaux ne se-
456 856 ront-ils pas plus nombreux encore à l’ave-
nir, alors que, première entaille au bouclier
fiscal, une augmentation de la fiscalité sur
395 518 les revenus du capital est envisagée pour
combler le déficit des régimes de retraite,
ainsi qu’un prélèvement supplémentaire qui
335 525 frappera les ménages assujettis à la plus
Composition du patrimoine haute tranche d’impôt sur le revenu ?
moyen taxable à l’ISF pour 2009 « C’est fou le nombre de clients qui nous
consultent sur les possibilités d’expatriation en
Valeurs Patrimoine ce moment ! » confie un banquier privé.
mobilières immobilier Autre phénomène tout aussi remarqua-
582 247 € 442 853 € ble : la chute du rendement de l’ISF depuis
trois ans : 4,031 milliards d’euros en 2007,
- 7,7 % + 1,4 % 3,810 milliards en 2008, 3,266 milliards en
par rapport à 2008 par rapport à 2008
2009. Soit une dégringolade de 17 % pour
cette seule année, beaucoup plus significa-
tive que la baisse de 4 % du patrimoine net
Patrimoine net taxable : 947 944 € taxable à l’ISF des assujettis, passé de
987 069 euros en 2008 à 947 944 euros •••
4 2005 2006 2007 20088 2009

Les 50 communes où vivent le plus grand nombre de redevables

Nombre de Patrimoine Nombre de Patrimoine Nombre de Patrimoine ISF moyen
ISF moyen ISF moyen
Rang

redevables
Rang

redevables
Rang

COMMUNE moyen COMMUNE moyen COMMUNE redevables moyen

ISF ISF ISF
1 Paris XVIe 18 574 2 777 748 € 15 552 € 18 Bordeaux 3 434 1 667 444 € 5 417 € 35 Antibes 1 692 1 589 009 € 4 852 €
2 Paris XVe 9 543 1 700 128 € 5 629 € 19 Paris XIIIe 3 158 1 568 969 € 4 760 € 36 Paris XIXe 1 681 1 569 489 € 4 648 €
3 Paris XVIIe 8 144 2 130 124 € 8 876 € 20 Aix-en-Provence 2 935 1 639 950 € 5 228 € 37 Meudon 1 621 1 602 743 € 4 517 €
4 Neuilly-sur-Seine 7 442 3 180 555 € 21 439 € 21 Paris XIe 2 923 1 584 543 € 5 000 € 38 Paris IVe 1 567 2 377 677 € 11 567 €
5 Paris VIIe 7 090 3 310 173 € 20 958 € 22 Strasbourg 2 625 1 838 304 € 6 596 € 39 Lille 1 525 1 620 315 € 4 860 €
6 Lyon 6 936 1 685 208 € 5 377 € 23 Saint-Maur-des-Fossés 2 570 1 687 078 € 5 796 € 40 Vincennes 1 468 1 549 004 € 4 277 €
7 Marseille 6 247 1 673 436 € 5 585 € 24 Rueil-Malmaison 2 409 1 589 917 € 4 661 € 41 Antony 1 430 1 385 698 € 3 214 €
8 Nice 5 111 1 559 694 € 4 837 € 25 Paris IXe 2 343 1 806 306 € 6 239 € 42 Grenoble 1 425 1 541 696 € 4 690 €
9 Boulogne-Billancourt 5 083 1 871 664 € 7 097 € 26 Cannes 2 339 1 894 061 € 7 586 € 43 Paris IIIe 1 374 1 883 057 € 6 656 €
10 Paris VIe 4 802 2 665 758 € 13 920 € 27 Rennes 2 152 1 690 550 € 5 624 € 44 Saint-Raphaël 1 344 1 515 535 € 4 244 €
11 Paris XIVe 4 794 1 755 652 € 6 152 € 28 Paris XVIIIe 2 116 1 760 570 € 6 516 € 45 Toulon 1 339 1 425 245 € 4 086 €
12 Versailles 4 283 1 688 687 € 5 637 € 29 Saint-Cloud 2 024 2 174 346 € 9 878 € 46 Paris Xe 1 325 1 577 029 € 4 616 €
13 Toulouse 4 283 1 592 875 € 5 201 € 30 Montpellier 1 836 1 522 793 € 4 272 € 47 Dijon 1 290 1 577 565 € 5 063 €
14 Paris VIIIe 4 039 2 812 032 € 15 264 € 31 Saint-Germain-en-Laye 1 830 1 763 949 € 5 816 € 48 Le Chesnay 1 274 1 573 981 € 5 167 €
15 Nantes 3 764 1 631 933 € 4 909 € 32 Paris XXe 1 827 1 455 881 € 3 918 € 49 Asnières-sur-Seine 1 267 1 549 380 € 4 645 €
16 Paris Ve 3 579 1 945 239 € 7 633 € 33 Courbevoie 1 711 1 443 843 € 3 660 € 50 Marcq-en-Barœul 1 217 2 006 438 € 9 341 €
17 Paris XIIe 3 453 1 585 314 € 4 887 € 34 Levallois-Perret 1 694 1 688 406 € 4 911 €

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 31

 A C T U A L I T É

1,1 MILLIARD D’EUROS

INVESTIS DANS
LES PME L’AN DERNIER

PHILIPPE HUGUEN/AFP
••• en 2009 (– 7,7 % pour le seul patrimoine
mobilier taxable, + 1,4 % pour l’immobilier).
A cela, deux explications. La première est
à chercher du côté du bouclier fiscal,
même si ce dernier n’a concerné que A Croix, dans la banlieue chic de Lille, le patrimoine moyen des redevables à l’ISF dépasse 2,7 millions d’euros.
16 350 contribuables l’an dernier, leurs im-
pôts payés en 2008 dépassant 50 % de leurs mode d’investissement choisi (en direct ou tent leur argent : ils privilégient les investisse-
revenus de 2007. Soit un manque à gagner via une holding ; via un FIP, un FCPI ou un ments en direct. » Au total, grâce à cette me-
pour les finances publiques de 585 millions FCPR). En 2009, 83 847 contribuables ont sure plutôt bien accueillie par l’opinion pu-
d’euros, légèrement supérieur à celui saisi cette opportunité, préférant donner leur blique, les assujettis à l’ISF ont investi
constaté un an plus tôt (578 millions d’euros argent aux PME plutôt qu’à l’Etat. « Le dis- dans les PME 1,1 milliard d’euros en 2009,
pour 18 893 bénéficiaires du bouclier fiscal). positif rencontre un vrai succès, se félicite-t-on pour un montant total de réductions d’im-
Deuxième explication : la montée en puis- à Bercy. Mais les gens veulent savoir où ils met- pôts déclarées de 773 millions d’euros. Une
sance des allégements fiscaux des- somme à laquelle il convient d’ajou-
tinés à inciter les contribuables à ISF 2009 : DÉTAIL DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT ter 54 millions d’euros correspon-
investir dans les petites et moyennes Nature de la réduction d'impôt Nombre Montant total Montant dant aux réductions accordées aux
déclaré moyen
entreprises (PME). Transformer Direct 32 051 421 M € 13 126 € 27 404 contribuables ayant fait le
les assujettis à l’ISF en « business Via une holding choix de verser leur ISF au profit
Investissement interposée 17 305 186 M € 10 721 €
angels » : c’est l’idée du dispositif mis d’un organisme d’intérêt général
dans les PME Via un FIP 21 799 73 M € 3 359 €
en place par la loi Tepa du 21 août (fondation, association reconnue
Via un FCPI 12 692 40 M € 3 126 €
2007, qui permet aux contribuables ou un FCPR d’utilité publique...). Autant d’argent
de déduire entre 50 et 75 % de leur Dons aux organismes dont l’Etat s’est privé en 2009, au
investissement réalisé dans les PME d'intérêt général 27 404 54 M € 1 973 € nom de la survie des PME et de la
durant l’année écoulée, selon le Total 111 251 773 M € 6 950 € solidarité. ■ G. M.

AYMERIC MANTOUX *
« La richesse s’affiche davantage »
ARNAUD FÉVRIER/© FLAMMARION

Le Figaro Ma-
gazine – Qu’y
a-t-il de neuf
chez ceux que
vous appelez
les ultrariches ?
Aymeric Mantoux - La nouveauté,
aussi paradoxale puisse-t-elle
apparaître en cette période de
crise, c’est qu’ils sont de plus en
plus riches, et de plus en plus
nombreux. Jamais les grandes
maisons de luxe n’ont vendu – à
prix d’or ! – autant de comman-
des spéciales. Et jamais on n’a
construit d’aussi grands
yachts...
Comment expliquez-vous ce
paradoxe ?
La crise a créé de vraies oppor-
tunités. Plus les gens sont ri-
ches, plus leur patrimoine est
chose (immobilier, œuvres d’art,
forêts...), conseillés par une
armada d’experts qui savent
habilement jongler avec les
niches fiscales. Les très riches
ont le temps pour eux : ils peu-
vent investir dans des actifs
sous-cotés aujourd’hui, et atten-
dre cinq ou dix ans avant de les
revendre en empochant une
forte plus-value. Quand on est
milliardaire, on sait que ses
enfants le seront aussi !
Avec la crise, les ultrariches se
font-ils plus discrets ?
C’est l’inverse. Dès qu’ils font
un don au Louvre, ils sortent
un communiqué de presse et se
rêvent déjà en Médicis ! La
crise a beau avoir calmé les ar-
deurs bling-bling, la France
n’échappe pas à un mouve-
MAXPPP/SUD OUEST
montrer dans les médias et
d’afficher leur réussite.
Le regard des Français sur la
richesse a-t-il changé ?
Il y a un mélange de fascination,
d’admiration et de rejet. Les
Français envient les plus riches,
certains rêvent que leurs enfants,
s’ils entreprennent de bonnes
études, le deviennent à leur tour ;
mais dans le même temps, ils
s’agacent devant l’opportunisme de
certaines grandes fortunes. Pour-
quoi les joueurs de tennis qui ont
grandi en France et profité de tou-
tes les structures sportives natio-
nales partent-ils vivre en Suisse
une fois le grand chelem en po-
che ? Comment tolérer que tel mil-
liardaire fasse immatriculer son
yacht dans un paradis fiscal exoti-
que pour éviter de régler à l’Urssaf
les charges de son personnel de
bord ? Les Français, qui savent
qu’ils vont devoir faire des sacrifi-
ces dans les années à venir, récla-
ment au minimum un peu plus
d’éthique de la part des plus fortu-
nés d’entre eux.

diversifié. Même si leur porte- ment de fond qui nous vient des ■ PROPOS RECUEILLIS PAR G. M.
feuille de valeurs mobilières Etats-Unis : même des gens * Journaliste, auteur de Voyage au pays des
chute, ils se rattrapent sur autre hier discrets ont envie de se ultrariches, Flammarion (juin 2010).

32 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

Mustafa Hulusi
Conceptual Artist
London, England / Cyprus*

persol.com *UNE CRÉATION PERSOL – CRÉATEUR D’ART CONCEPTUEL MOD. 2962S COL. 95/31
A C T U A L I T É

INONDATIONS Imprévisib
34 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
 Les victimes des crues catas-
trophiques de l’arrière-pays
varois auraient-elles pu être
épargnées ? Les communes
sinistrées figuraient sur le
plan de prévention des ris-
ques, mais aucune mesure
d’alerte n’a fonctionné. Un
dispositif de surveillance
devait être mis en place à la
fin de l’année. Un peu tard.
PAR CYRIL HOFSTEIN
ET MARTINE BETTI-CUSSO

D
u jamais-vu. A Draguignan,
où l’eau est montée de plus de
deux mètres dans les rues,
plus de 300 mm de pluies tor-
rentielles sont tombées en quelques heures.
Des précipitations catastrophiques qui au-
raient cependant pu alerter les autorités. Ont-
elles manqué de réactivité face à des annon-
ces de Météo-France qui auraient été prises
à la légère ? Déjà, l’hiver dernier, le départe-
ment avait subi des inondations, sans victimes
heureusement. Sainte-Maxime en garde le
souvenir douloureux. Ces événements
avaient d’ailleurs précipité le projet de mise
en place d’une surveillance de cours d’eau et
de rivières tels l’Argens et ses affluents avec
un système d’alerte adapté. Aurait-il suffi à
sauver les victimes ? Car cette fois, le bilan hu-
main est lourd. Au moins dix-neuf personnes
ont été tuées, dont dix à Draguignan, quatre
à Trans-en-Provence, une au Luc, une à Ro-
quebrune et une à Fréjus. Sans compter des
disparus que les secours s’attachent encore à
retrouver.
« J’ai cru qu’un barrage venait de céder. » En-
core sous le choc, Max Piselli, maire UMP de
Draguignan, ville dévastée par les coulées de
La Nartuby sortie de son lit boue et les inondations, cherche encore ses
à Draguignan, le 16 juin, mots pour décrire les scènes de cauchemar
après les pluies torrentielles auxquelles il a assisté. « J’étais en réunion
qui se sont abattues sur la quand l’eau s’est engouffrée dans la salle. En
région. Une paisible rivière moins de dix minutes, nous avons eu de l’eau
qui, soudain, s’est jusqu’à la taille. Puis tout est allé très vite. »
transformée en un fleuve Comment en est-on arrivé là ? D’après les
monstrueux et dévastateur. experts, la région a été confrontée à un phé-
nomène naturel exceptionnel et rarissime. Ces
précipitations hors normes auraient été pro-

le, vraiment ?
voquées par des masses d’air très chaudes
AP PHOTO/LIONEL CIRONNEAU

provenant des hauts plateaux algériens, qui

ont traversé la Méditerranée en se chargeant
d’humidité, avant d’éclater en pluies torren-
tielles au-dessus de l’agglomération de Dra-
guignan. Puis les rivières ont débordé, inon- •••

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 35

 A C T U A L I T É

PHOTOPQR/NICE MATIN
AFP PHOTO/STEPHANE DANNA
AFP PHOTO/GERARD JULIEN
Spectacle de désolation dans la commune des Arcs (à gauche), où les habitants constatent les énormes dégâts provoqués par les inondations. A la gare du Cannet (en haut
à droite), 450 passagers du TGV ont dû être évacués. A Draguignan (en bas à droite), où l’eau est montée à plus de deux mètres, une femme découvre l’état de son appartement.
••• dant des sols secs, dans une région en cu-
vette où, depuis l’Antiquité, le risque de crue 3 QUESTIONS À BRUNO JANET
fait partie de la vie. A tel point que de nom-
breuses victimes ont trouvé la mort à la fois
« L’Argens et ses affluents n’étaient pas surveillés »
dans les centres-villes historiques, dans leur Bruno Janet, chef du service orange, rouge – informe qui arrose Trans-en-
véhicule sur la route comme dans des quar- modélisation au Service des niveaux de vigilance, Provence et Draguignan,
tiers de construction récente. central d’hydrométéorologie laquelle est limitée aux mais aussi du Gapeau,
« Nous étions en vigilance orange depuis lundi et d’appui à la prévision prochaines 24 heures. lesquels ont débordé.
soir, expliqueLaurentRoy,directeurgénéral de des inondations (Schapi), Nous pouvons fournir des S’ils avaient été placés sous
la Direction régionale de l’environnement, de annonce la mise en place prévisions avec une veille, nous aurions pu
d’un service de vigilance. échéance plus courte pour informer les préfectures de
l’aménagement et du logement (Dreal) de la ré-
certains cours d’eau. la survenue des crues en
gion.Nousétionsdoncinformésd’unrisquedepré- Le Figaro Magazine – Cela dépend d’une série milieu d’après-midi. Et sans
cipitationintense.Cequenousignorions,c’estlede- Comment fonctionne le de facteurs : la taille, la doute le niveau de vigilance
grédecetteintensité.Danscertainsendroits,comme service de prévision végétation, la nature du sol... serait-il passé à l’orange.
les Arcs, la pluviométrie a atteint 399 mm, ou des inondations ? Pourquoi le niveau Ces cours d’eau seront-ils
305 mm à Comps-sur-Artuby, en quelques heures. Bruno Janet – Notre service de vigilance dans le Var surveillés à l’avenir ?
C’est plus de la moitié des précipitations à Paris sur est chargé de collecter des n’était-il pas classé « rouge » Nous y travaillons depuis
une année. » Un phénomène inédit et imprévi- informations sur le niveau dans le bulletin du mardi deux ans, mais c’est long à
sible qui explique que les systèmes d’alerte des cours d’eau, de les 15 juin à 16 heures ? mettre en place puisqu’il faut
n’aient pas tous fonctionné. surveiller et de diffuser tout Il était classé jaune, mais connaître certains éléments
Mais cela ne suffit pas pour comprendre les élément sur leur évolution il était indiqué que certaines comme l’historique des
raisons d’une telle catastrophe, alors que l’en- sur un plan national, rivières du Var étaient crues, étudier l’impact des
semble du territoire français fait déjà l’objet régional et local. Comme les susceptibles d’atteindre pluies sur le cours d’eau...
22 services de prévision des des niveaux inhabituels, Actuellement, les rapports
d’un vaste Plan de prévention des risques
crues, nous diffusons deux voire exceptionnels. d’études les concernant
d’inondation (PPRI). Un plan qu’aucune fois par jour un bulletin – à En fait, tous les cours d’eau sont en consultation dans
commune ne peut ignorer, surtout après le 10 heures et à 16 heures – ne sont pas surveillés. les mairies impliquées.
drame de la tempête Xynthia, qui a fait sur le site internet Vigicrues C’est malheureusement Le service de vigilance
53 morts, principalement dans des habitations et aux préfectures le cas du fleuve Argens devrait être mis en place
construites dans des zones inondables où des concernées, avec des qui traverse Les Arcs à la fin de l’année.
permis de construire avaient été délivrés sans actualisations si besoin. Un et Roquebrune et de son PROPOS RECUEILLIS
contrôle. Dans son dossier départemental ••• code couleur – vert, jaune, affluent, la rivière Nartuby, PAR MARTINE BETTI-CUSSO

36 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 A C T U A L I T É

DES PLANS DE
PRÉVENTION MAIS PAS
DE DISPOSITIF D’ALERTE
••• sur les risques majeurs dans le Var, la pré-
fecture du département avait déjà alerté les
pouvoirs publics sur le classement en zone
inondable d’une très large part du territoire
de l’agglomération de Draguignan, de Figa-
nières, de La Motte et de Trans-en-Provence.
« Avec un réseau hydrographique de 9 510 kilo-
mètres, détaille le rapport, le Var est soumis au
risque inondation. Le régime des cours d’eau est
méditerranéen, caractérisé par des crues violen-
tes et des étiages sévères. Les plaines alluviales et
leurs affluents, l’Argens, la Môle, la Giscle, le Ga-
peau et des petits cours d’eau côtiers sont le siège
de crues importantes. La dynamique du phéno-
REUTERS/SEBASTIEN NOGIER

mène permet généralement de l’annoncer à la

population, excepté si une rupture de digue se
produit. » Sauf que ces rivières n’étaient pas
sous surveillance malgré l’existence d’un ser-
vice de prévision des inondations, dépendant
du ministère du Développement durable (voir Dans les rues de Draguignan, le chaos. « La ville est dans un état déplorable, couverte de pierres, de cailloux, de
notre interview). boue, avec des voitures qui empêchent toute circulation, raconte le maire de la ville. C’est vraiment dramatique. »
Dans ce contexte alors, comment ne pas s’in-
terroger sur l’utilité des plans de prévention
PPlan de prévention des risques
des risques d’inondation. « Nous avons respecté nnaturels prévisibles acté.
notre plan à la lettre et cela jusque dans ses plus
petits détails, assure Max Piselli. Aucune VAR P de prévention des risques
Plan
construction n’a été autorisée par la municipalité nnaturels en cours d’approbation.
dans une zone à risque. Ce plan, validé par l’Etat,
est très contraignant et demeure notre seule base
de décision. Je ne peux pas imaginer qu’il soit faux.
Par ailleurs, si j’avais su qu’une telle catastrophe
pouvait arriver, alors j’aurais fait tout mon pos-
sible pour l’éviter. Malheureusement, le pire est ar-
rivé. C’est une tragédie. » Draguignan Trans-en-Provence
Un constat et une amertume partagée par
François Trucy, sénateur (UMP) du Var.
« Bien sûr, nous savions que Draguignan était Les Arcs-sur-Argens
une cuvette et qu’en cas de précipitations impor- Roquebrune-sur-Argens
tantes, il pouvait y avoir une légère montée de
la Nartuby, l’affluent de l’Argens, qui coule dans Le Luc-en-Provence
le Var et traverse la ville. Mais jamais un tel ris-
que n’avait été évoqué. C’est du jamais-vu. » De
fait, d’après Météo France, il faut remonter
à 1827 pour trouver trace d’une telle crue de DES PRÉCIPITATIONS CATASTROPHIQUES
la Nartuby. En mm 400
« A mon sens, personne n’aurait pu imaginer ce 350 350 350
qui allait se passer, assure Jean-Michel Couve, 300 300 300
Les Arcs-sur-Argens

député (UMP) de la 4e circonscription du Var.

Le Luc-en-Provence

250 250 250

Reste qu’il faudra tout de même évaluer l’impact 200 200 200
de l’urbanisation et des autres activités humaines.
150 150 150
Nous faisons face à un afflux toujours plus impor-
tant d’habitants que nous devons loger. La trans- Hyères 100 100 100
Hyères

50 50 50
ANDRÉ DE CHASTENET

formation de terres agricoles, la construction de

routes et le déboisement peuvent aussi avoir contri- 0 0 0
bué à imperméabiliser les sols. Mais tout cela n’est
que supposition. » ■ C. H. ET M. B.-C.

38 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

E N C O U V E R T U R E

QUAND LA SCIENCE RÉÉCRIT

LE ROMAN
DE L’HUMANITÉ
Il est loin le temps où
l’homme pensait descendre
du singe. La génétique vient
de révéler que nous sommes
issus à la fois de Neandertal
et d’Homo sapiens. Mieux : un
nouveau cousin est apparu
en Sibérie... Notre grande
famille n’en finit pas de se
recomposer. PAR CHRISTOPHE DORÉ

40 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 S
ix mai 2010. L’informa-
tion tourne en boucle
sur les radios et les télé-
visions du monde en-
tier. Publiés dans la cé-
lèbre revue américaine
Science, les travaux de l’Institut Max-Planck
de Leipzig (Allemagne) et du Pr Richard
E. Green de l’université de Santa Cruz
(Etats-Unis) font l’effet d’une bombe. « Nous
pouvons désormais dire que, selon toute vrai-
semblance, il y a eu transfert de gènes entre les
néandertaliens et les humains », annonce
calmement Richard E. Green. Ce n’est pas
l’arrivée des Martiens sur Terre, mais tout
de même ! Celui qu’on a longtemps regardé
comme un vague cousin un peu brutal
s’impose comme l’un de nos « papas ».
Quelque 2 % de ses gènes se retrouvent
dans le patrimoine génétique des Eura-
siens, des populations originaires d’Eu-
rope ou d’Asie.
Si cette nouvelle nous surprend et nous
fascine à la fois, ce n’est pas par hasard.
Jamais la grande enquête sur nos origines
n’a été aussi active et autant suivie. L’Ins-
titut de paléontologie humaine (Paris), qui
a fêté son centenaire début juin, fait salle
comble à chacune de ses conférences. Celles
animées par des stars de la paléontologie
comme Henry de Lumley, académicien et
directeur de l’Institut de paléontologie,
Yves Coppens (lire son interview page 44) ou
Michel Brunet, découvreur au Tchad de
l’hominidé Toumaï, l’un des plus anciens
connus à ce jour, laissent des spectateurs
à la porte. Ces savants vendent des livres à
la pelle et captent les auditeurs avec leurs •••
PHOTOS : PHILIPPE PLAILLY/EURELIOS/LOOKATSCIENCES RECONSTRUCTION ELISABETH DAYNES PARIS

La passion d’Elisabeth Daynès

« Un coup de foudre » : c’est ainsi qu’Elisabeth Daynès,
sculpteuretpeintre,parledesarencontreaveclapréhistoire,
à la faveur d’une commande du musée de Montignac (Dor-
dogne) d’un mammouth et d’un groupe de magdaléniens
(les hommes de Lascaux). Vingt-deux ans plus tard, son
atelier parisien est devenu « la » référence mondiale des
muséesenmatièredepréhistoire.ElisabethDaynèssculpte
desvisagesetfaitrevivredessilhouettesvieillesdeplusieurs
millions d’années. Pour les plus anciens (paranthropes,
australopithèques), elle s’appuie sur des paléoanthropo-
logues. « Pour Neandertal et sapiens, précise-t-elle, je
travaille avec un médecin légiste de la criminelle. » S. R.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 41
 E N C O U V E R T U R E
RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES
ON DÉCOUVRE DES
DÉTAILS INCROYABLES
SUR NOS ANCÊTRES
••• chroniques radiophoniques ou leurs
conférences diffusées sur internet.
L’intérêt pour la grande histoire de
l’homme et de notre planète, de la préhis-
toire à la vie des dinosaures en passant
par celle des mammouths, ne se limite pas
à la France. Elle est devenue une passion
planétaire. Y compris chez les scientifiques.
Les chercheurs présents à Paris pour l’an-
niversaire de l’Institut de paléontologie
humaine venaient de vingt-huit pays
différents. Partout ils creusent, fouillent,
analysent, décryptent, avec des techniques
de plus en plus précises et efficaces et dans
des régions qui, jusqu’à présent, étaient
peu ou pas accessibles.
Le Chinois Xu Xing est ainsi devenu le
plus célèbre chasseur de fossiles du monde.
Il a à son actif une quarantaine de décou-
vertes majeures, dont trente espèces de di-
nosaures jusqu’ici inconnues. Son histoire
est surprenante : bien qu’il soit passionné de
physique, l’administration de l’université
de Pékin l’avait inscrit d’office au départe-
ment de paléontologie. Pour ne pas quitter
la capitale, il n’avait rien dit avant de s’en-
thousiasmer pour sa nouvelle discipline.
L’histoire de la traque de nos origines
fourmille de ce genre d’anecdotes qui la
rendent sympathique aux yeux du grand
public. La plus symbolique est une décou-
verte majeure faite en 2008. Les fragments
d’un squelette d’australopithèque vieux
de 2 millions d’années ont été mis au jour
dans une grotte d’Afrique du Sud par
Matthew Berger, fils du paléoanthropolo-
gue Lee Berger. Matthew n’avait que 9 ans
quand il a déniché, presque par hasard,
cet hominidé, « ouvrant un nouveau chapitre
de l’évolution de l’homme », selon son père,
pas peu fier de son rejeton.
« La quête de nos origines est bien évidem-
ment fascinante, analyse Marylène Patou-
Mathis, spécialiste française de Neander-
tal *. Pour expliquer l’intérêt qu’on lui porte,
je cite souvent ce proverbe qui dit : “Quand tu
PRÉCAMBRIEN
PÉRIODES
ARCHÉEN PROTÉROZOÏQUE
ÂGES - 4 550 - 2 600
En millions d'années
42 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
ne sais plus où tu vas, regarde d’où tu viens.”
Revenir sur nos pas quand l’avenir paraît in-
quiétant est un comportement assez naturel.
Ensuite, la multiplication des découvertes,
liée à des techniques nouvelles et fiables, ajoute
à cet intérêt. »
Il ne se passe plus une semaine sans
qu’une étude ajoute une nouvelle pièce au
puzzle de l’histoire de nos origines. Der-
nières en date ? La découverte d’une nou-
velle espèce de dinosaure à cornes géan-
tes au Mexique. Encore plus excitante : la
mise au jour d’une simple phalange d’un
auriculaire d’hominidé dans une caverne à
Denisova, dans l’Altaï sibérien. Par miracle,
il a été possible de recueillir un fragment
d’ADN de cette phalange. Son analyse, ré-
vélée fin mars dans la revue Nature, pas-
sionne la communauté scientifique. « Le
petit homme de Sibérie », comme l’ap-
pelle Yves Coppens, est vieux de
40 000 ans. Pourtant, il n’a pas les mêmes
caractéristiques génétiques que ses contem-
porains Homo sapiens et Neandertal.
Une autre approche
du monde préhistorique
Cela prouverait que l’homme de Denisova
ne serait issu ni de la grande migration
venant d’Afrique des ancêtres de Nean-
dertal, il y a 500 000 à 300 000 ans, ni de
celle de l’homme moderne, Homo sapiens,
il y a 50 000 ans. Une découverte qui
montre l’émergence d’un nouveau type
d’hominidé.
Une fois de plus, c’est l’Institut Max-
Planck qui est à l’origine de cette révélation.
Ce laboratoire de Leipzig est devenu, en
quelques années, la Mecque de l’anthro-
pologie évolutive et Svante Pääbo, le di-
recteur de son département de génétique,
le nouveau gourou du décryptage de l’ADN
ancien. Même les paléontologues, toujours
très attachés à leurs fouilles et à leurs mor-
ceaux d’os pour deviner le passé, recon-
naissent l’apport considérable de la géné-
tique en matière d’anthropologie évolutive.
L’exercice n’est pourtant pas facile. A la
mort de l’organisme, l’ADN se découpe et
il faut le reconstituer. Le travail présente
aussi le risque de mélanger de l’ADN
d’homme moderne (celui des chercheurs)
à l’ADN ancien. Enfin, le matériel généti-
PALÉOZOÏQUE
CAMBRIEN ORDOVICIEN SILURIEN
- 542 - 488 - 444
DeToumaïàHomosapiens
AUSTRALOPITHECUS
AFRICANUS
DÉCOUVERTE En 1925.
LIEU Afrique.
ÂGE Entre 3,5 et 2,5 millions d'années.
AUSTRALOPITHECUS
SEDIBA
DÉCOUVERTE En 2008.
LIEU Afrique du Sud.
ÂGE Entre 1,95 et 1,78 million d'années.
Décrit scientifiquement pour la première fois en 2010.
PARANTHROPUS BOISEI
DÉCOUVERTE En 1959.
LIEU Afrique orientale.
ÂGE Entre 2,4 et 1,2 million d'années.
A cohabité avec le genre Homo.
PARANTHROPUS ROBUSTUS
LIEU Afrique du Sud.
ÂGE Entre 2,2 et 1 million d'années.
INFOGRAPHIES : OLIVIER CAILLEAU
NEANDERTAL
DÉCOUVERTE En 1856.
LIEU Il a vécu en Europe et en Asie occidentale.
ÂGE Entre 250 000 et 28 000 ans avant de disparaître.
que, s’il se conserve dans les zones sèches
et froides, ne résiste guère à la chaleur et à
l’humidité des tropiques.
La biogéochimie, assez bien maîtrisée
depuis les années 80, a également permis
de dévoiler des détails incroyables sur la vie
de nos ancêtres directs ou indirects. Cette
discipline consiste à retrouver dans les os
les traces chimiques des éléments appor-
tés par la nourriture. « Les vestiges archéo-
logiques ne reflètent que partiellement l’ali-
mentation, notamment par les ossements
fossiles des animaux consommés, rarement par
des restes végétaux, beaucoup plus fragiles,
explique Marylène Patou-Mathis. L’ana-
DÉVONIEN CARBONIFÈRE
- 416 - 350
 SAHELANTHROPUS TCHADENSIS (TOUMAÏ)
DÉCOUVERTE En juillet 2001, par l'équipe de Michel Brunet.
LIEU Tchad.
ÂGE Entre 7,2 et 6,8 millions d'années.
La communauté scientifique ne s'accorde pas
sur le fait qu'il serait un hominidé bipède.
HOMO HABILIS
DÉCOUVERTE En 1964 en Tanzanie.
LIEU Afrique.
ÂGE Entre 2,5 et 1,8 million d'années.
HOMO ERGASTER
LIEU Afrique.
ÂGE Entre 1,8 et 1 million d'années.
Proche d'Homo erectus asiatique,
cohabitait avec Homo habilis.
HOMME DE FLORES
DÉCOUVERTE En septembre 2003.
LIEU Dans une grotte de l'île indonésienne de Flores.
ÂGE Entre 95 000 et 12 000 ans avant de disparaître.
HOMME MODERNE
DÉCOUVERTE En mai 2010.
Le génome des populations d'Eurasie
descendant d'Homo sapiens porte
la trace d'un métissage avec Neandertal.
lyse géochimique des ossements humains
éclaire cet aspect de la vie de nos ancêtres. »
C’est ainsi que l’auteur de Mangeurs de
viande. De la préhistoire à nos jours (Per-
rin), a pu compléter l’histoire de Neander-
tal en Europe, prouver que sapiens était
aussi un grand carnivore. Et cela n’a rien
d’anecdotique. Toutes ces découvertes of-
frent « une autre approche du monde préhis-
torique, que l’on voyait progresser de manière
un peu linéaire avec une tendance à vouloir
tout hiérarchiser, ajoute la scientifique. Cette
vision est en train de changer. On imagine
une évolution plus buissonnante, avec l’idée
que des comportements pouvaient coexister.
PERMIEN TRIAS JURASSIQUE
- 299 - 251 - 200
AUSTRALOPITHECUS
AFARENSIS (LUCY)
DÉCOUVERTE En 1974.
LIEU Ethiopie par Yves Coppens.
ÂGE Entre 4,1 et
3,2 millions d'années.
Son fossile est complet à 40 %.
HOMO ERECTUS
DÉCOUVERTE En 1891 par Eugène Dubois sur l'île de Java.
LIEU Asie.
ÂGE Entre 1 million d'années et 300 000 ans.
HOMME DE DENISOVA
DÉCOUVERTE En 2008.
LIEU En Sibérie.
ÂGE 40 000 ans.
Une simple phalange a permis de décrypter son ADN.
Il est différent de Neandertal et d'Homo sapiens.
HOMO SAPIENS, « Homme sage » en latin.
LIEU Né en Afrique.
ÂGE Arrivant en Europe il y a environ 50 000 ans.
Dernier survivant des hominidés.
L’homme préhistorique pouvait être à la fois un
charognard et un chasseur. » Le chasseur
était-il pour autant plus intelligent, comme
on l’a longtemps pensé ? Pas forcément,
répond-elle. « Etre charognard au temps de
la préhistoire supposait de maîtriser des tech-
niques complexes. Il fallait pister les lions, re-
pérer les vautours dans le ciel, affronter les
hyènes... »
Cette progression des techniques per-
met d’étudier avec une précision remar-
quable le comportement des hommes pré-
historiques. Henry de Lumley a ainsi
réalisé un travail considérable sur le site de
la Caune de l’Arago, à Tautavel (Pyrénées-
MÉSOZOÏQUE
CRÉTACÉ
- 145
Orientales), où l’on a encore découvert des
fossiles l’été dernier. L’analyse des sols,
celle des graminées et des pollens lui ont
permis de reconstituer l’environnement
des hommes des cavernes, les périodes et
leurs zones de chasse. Le scientifique réus-
sit même à calculer la force des vents de
l’époque grâce à la taille des grains de sa-
ble transportés dans les cavités !
Malgré tout, des pans entiers de la préhis-
toire et une grande partie du mystère de
nos origines restent à découvrir, recon-
naissent les chercheurs. Le champ des pos-
sibles est vaste. Il pourrait rapidement
obliger à repenser l’arbre généalogique de
l’humanité. Avec des révélations tout aussi
surprenantes que celle du métissage en-
tre l’homme moderne et Neandertal.
■ CHRISTOPHE DORÉ
* Neanderthal. Une autre humanité, Marylène Patou-Mathis,
Perrin, 372 p., 21 ¤.
Lefilmquiatoutprévu
Ao, le dernier Neandertal, de Jacques
Malaterre, sortira en salles à la rentrée, le
29 septembre précisément. Il relate la
rencontre entre un néandertalien et une
jeune Homo sapiens dont naîtra un enfant.
Une intuition géniale : l’hypothèse d’un
métissage entre l’homme moderne et
Neandertal vient d’être confirmée par les
révélations de l’Institut Max-Planck de
Leipzig sur la présence de gènes néander-
taliens chez l’homme. Connu pour ses
OLIVIER CAILLEAU
fresques préhistoriques (L’Odyssée de
l’espèce, Homo sapiens, Le Sacre de
l’homme...), Jacques Malaterre présente
Ao comme un des derniers Neandertal.
Le film, réalisé sous le contrôle scientifi-
que de l’experte française de Neander-
tal, Marylène Patou-Mathis, pousse le dé-
tail assez loin. Dans le scénario, la
naissance est imaginée sur les bords de la
Méditerranée. Les paléontologues, eux,
se divisent sur le sujet : certains suppo-
sent que le métissage s’est produit au
moment du reflux de Neandertal vers le
Proche-Orient, il y a 200 000 ans, mais
d’autres l’imaginent plus tard, entre
80 000 et 50 000 ans, quand Homo sa-
piens quitte l’Afrique et remonte vers l’Eu-
rope. C. D.
CÉNOZOÏQUE
PALÉOGÈNE NÉOGÈNE
- 65 - 23 - 100 000 ans
•••
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 43
E N C O U V E R T U R E
RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES
Le célèbre découvreur de
Lucy, australopithèque vieux
de 3,2 millions d’années,
cherche toujours dans les
recoins de notre passé des
réponses sur nos origines *.
Pour « Le Figaro Magazine »,
ce professeur au Collège de
France décrypte les derniè-
res découvertes des scien-
tifiques.
Le Figaro Magazine – Les connaissances sur les
origines de l’homme se multiplient, mais on a
l’impression que plus on en sait, moins l’histoire
est claire. Est-ce exact ?
Yves Coppens – C’est une impression fausse.
Sur la filiation, nous n’avons pas de doute.
L’homme naît en Afrique il y a environ 3 mil-
lions d’années. Il se déploie d’abord dans le
reste de ce continent, puis en Eurasie. A priori,
sans s’aventurer dans les régions trop froi-
des. Nous sommes à 2 millions d’années.
L’homme arrive dans le Caucase. On en a des
preuves en Géorgie. Puis il va se disperser à
44 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
YVES COPPENS
« L’HOMME MODERNE
N’A PAS TROUVÉ
SON PÈRE IDÉAL »
travers le monde, en Europe de l’Ouest et
jusqu’à Pékin. C’est à partir de l’Extrême-
Orient qu’il peuple l’Océanie et l’Amérique.
Vous dites « l’homme », mais ceux d’il y a
3 millions d’années n’étaient-ils pas très dif-
férents de l’homme de Cro-Magnon, notre
ancêtre ?
Si. Pour bien comprendre, il faut s’intéres-
ser à l’adaptation. C’est l’essentiel. Et sur ce
point, les bêtes et les humains se comportent
de la même manière. Pour nous adapter à
notre environnement, nous avons cherché
en nous, dans une sorte de paquet de carac-
tères, des solutions. Par exemple, au moment
de l’émergence de l’homme, pendant les chan-
gements climatiques d’il y a 2 à 3 millions
d’années, différentes solutions ont été trou-
vées. Deux « familles » en sont sorties, les
graciles et les robustes.
Aujourd’hui, nous connaissons deux solu-
tions de graciles et trois de robustes. Le pre-
mier gracile, c’est l’homme. Il change sa tête et
ses dents. Ces dernières lui permettent de
manger de tout, et sa grosse tête va lui donner
la conscience... Je caricature.
L’autre solution, c’est l’Australopithecus
sediba, découvert en Afrique du Sud en 2008
par une équipe de paléontologues dirigée
par Lee Berger. Ce dernier imaginait que
sediba pouvait être l’ancêtre de l’homme. Il y
a un seul problème : sediba s’est révélé plus
Le paléontologue
et paléoanthropologue
le plus célèbre de
France poursuit depuis
soixante ans le rêve
de trouver l’ancêtre
de l’homme.
JACQUES TORREGANO/LE FIGARO MAGAZINE
jeune que ses « descendants » ! Cette décou-
verte apporte en revanche une information
essentielle : ce n’est pas en Afrique du Sud que
l’homme apparaît.
Ensuite, il y a la lignée des robustes. En Afri-
que de l’Est, on trouve Australopithecus aethio-
picus et boisei et, au sud de l’Afrique, robustus.
Tous ces australopithèques sont des solu-
tions à un même besoin d’adaptation. C’est
simple, non ?
Moins simple qu’on ne l’imaginait, tout de
même. N’a-t-on pas découvert des cousins un
peu partout ?
Certes, mais nous parlons d’une multitude de
générations. L’émergence d’une nouvelle
espèce est plus simple et plus rapide qu’on
l’imagine. A l’échelle du temps nécessaire à
l’évolution, bien sûr. Je prends souvent cet
exemple quand je fais des conférences. Je dis
au public : « Nous sommes entrés dans cette
salle, les portes sont fermées et elles ne peuvent plus
s’ouvrir avant 500 000 ans. Quand les portes
seront déverrouillées, je vous assure d’une chose :
nos descendants seront forcément surpris en
découvrant la tête des descendants de ceux que
nous avons laissés dehors. Ils seront bien
différents. » Si vous restez des milliers d’an-
nées sur une terre entourée d’eau ou bloqué
par des glaciers sans pouvoir en sortir, ce
sera la même chose. C’est ce qui s’est produit
pour les hominidés. •••
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RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES

considérable, même si rien n’est simple. L’ADN

ne se conserve pas et il faut de nombreux
essais pour décrypter de l’ADN fossile. C’est
seulement en 1997 que nous avons obtenu les

ATELIER DAYNES PARIS

premiers brins d’ADN de Neandertal. Aujour-
d’hui, le grand spécialiste de la question,
Svante Pääbo, de l’Institut Max-Planck, à
Leipzig, en Allemagne, m’a dit qu’il avait
« Mon petit décrypté 60 % de l’ADN de Neandertal. D’où
australopithèque », sa déclaration récente et fracassante sur le
dit Yves Coppens fait qu’il y a du Neandertal en nous.
en parlant de Lucy, Est-ce que cela vous a surpris ?
qu’il a découverte Les paléontologues ont d’abord dit qu’au-
en 1974. Elle a cune raison ne pouvait être invoquée pour
longtemps été qu’un métissage n’ait pas eu lieu entre
le plus ancien l’homme moderne et Neandertal. Ensuite,
préhumain connu. l’anatomie nous a rendus sceptiques : quand
AFP

Neandertal disparaît, ses traits disparais-

« 75 % DE NOTRE HISTOIRE RESTE À DÉCOUVRIR »

sent aussi, comme s’il n’y avait pas eu métis-
sage. En revanche, nous disposions de quel-
ques indications sur le lieu des ébats.
••• Avons-nous des exemples de ce phénomène ? en fait d’une simple phalange – apporte de Neandertal a reflué vers le Proche-Orient il
Bien sûr. L’homme de Flores, découvert en l’eau à mon moulin. Il y a trois mois, l’analyse y a environ 100 000 ans. A cette époque, il
2003 sur l’île indonésienne du même nom, est de son ADN a révélé qu’il est génétiquement commence à peine sa dérive génétique, il n’est
un bel exemple. On imagine qu’il est moins bien différent de sapiens et de Neandertal, qui pas encore très « néandertalisé », et c’est à
évolué à cause de sa petite taille, à peine sont pourtant ses contemporains. Tout le ce moment-là qu’il rencontre sapiens. Cet épi-
1 mètre, et parce que son cerveau a le volume monde s’en étonne. Personnellement, je crois sode amoureux a débouché sur une « néan-
d’un pamplemousse. Mais rien ne le prouve. que nous sommes en face d’une autre espèce. dertalisation » des Eurasiatiques. Entre 1 et
En fait, nous constatons une chose très intéres- Allons-nous en trouver d’autres ? 4 % du matériel génétique des descendants
sante sur les populations insulaires. Elles Oui, c’est certain. Je pense que l’homme se des sapiens d’Eurasie viennent de Neander-
atteignent un idéal énergétique lié à une raré- déploie très tôt sur l’Eurasie, entre 2 et 2,5 mil- tal. Ce n’est pas le cas des populations africai-
faction des prédateurs. Du coup, ces popula- lions d’années. Il compte une toute petite nes. Cela paraît très cohérent, même s’il faut
tions réduisent leur taille. C’est vrai pour les population pour un immense territoire. Cette rester prudent et affiner ce travail.
mammifères. On a découvert à Chypre des population s’éparpille, les groupes ne se ren- Quelles sont les grandes questions qui vous
hippopotames adultes de la taille de gros contrent plus le dimanche ni les autres jours... taraudent encore ?
chiens. Mais si certaines espèces rétrécissent, D’un côté, l’Europe devient insulaire et elle Les modalités de l’évolution restent à mes
d’autres vont grossir. Beaucoup d’insectivo- produit Neandertal. De l’autre, sapiens se yeux le plus grand mystère. Pendant long-
res et de rongeurs augmentent ainsi leur taille. développe ; sur l’île de Java et celle de Flores, temps j’ai pensé que ça ne pouvait pas être du
Dans les Antilles, nous avons découvert un d’autres « homos » tracent leur chemin, et hasard. Face à un changement climatique,
rongeur gros comme un ours ! Rassurez-vous, dans ce petit coin de Sibérie, ce bonhomme une grande majorité des espèces se transforme
c’était un fossile ! Il n’en va pas autrement qu’on n’a pas encore nommé est certainement dans le bon sens... Où est le hasard ? Mais les
pour l’homme. Celui de Flores, coincé sur son originaire de la même séquence. Il faut bien généticiens me disent que dans leurs micros-
île pendant 80 000 ans, a évolué à sa manière. comprendre que cette conquête ne se fait pas copes, tout cela est aléatoire. Depuis quelque
Descendant des premiers hominidés, il sem- en un jour ni en une seule vague. Certains temps, j’ai un bout de solution... Des cher-
blait vivre encore il y 18 000 ans, alors qu’Homo groupes s’isolent, d’autres se croisent, cheurs ont prouvé qu’en période de stress, les
sapiens avait entrepris la conquête de la planète. s’oublient, se recroisent... mutations génétiques se multiplient. Les chan-
Mais l’homme de Flores ne serait-il pas l’excep- On dirait un film de Claude Lelouch ! L’histoire de ces d’évolution, par exemple pendant un chan-
tion qui confirme la règle ? la rencontre d’Homo sapiens et de Neandertal gement climatique, sont plus nombreuses.
Pas du tout. La découverte du petit bonhomme est-elle aussi romanesque ? Voilà peut-être l’explication. On revient à cette
de Sibérie dans la grotte de Denisova – il s’agit Sur ce point, la génétique a été d’un apport question essentielle de l’adaptation.
J’aimerais aussi savoir qui est à l’origine de
l’homme, mais je ne suis pas le seul, je crois.
L’hommea-t-ilchasséledinosaure ? Mais je vous rassure, ça
n’agite pas la communauté
scientifique, qui considère
Nous avons de plus en plus de préhumains,
mais nous n’avons pas trouvé le « papa » idéal
le problème résolu depuis de l’homme moderne. Il faut dire que beau-
Certains sites internet affir- selon Yves Coppens : « Le
longtemps. » Sauf dans l’es- coup de cases restent à remplir.
ment que l’homme aurait pu dinosaure a disparu il y a
chasser le dinosaure ! Et de 60 millions d’années. Les prit des créationnistes, qui Combien, selon vous ?
citer des exemples de traces premiers préhumains ont nient la théorie de l’évolu- Vous voulez un pronostic ? Je serais plus
de pas découvertes à proxi- 10 millions d’années et les tion et sont parfois à l’ori- volontiers du côté des 25-75. Avec 75 % de
mité d’empreintes de dino- premiers humains, 3 millions gine de ces textes sur la pos- l’histoire restant à découvrir, bien sûr.
saures ou vieilles de 200 mil- d’années. Il semble que ce sible rencontre de l’homme ■ PROPOS RECUEILLIS PAR C. D.
lions d’années. Absurde, genre de théorie circule. et du dinosaure. C. D. * Son dernier livre, Le Présent du passé au carré. La fabrication
de la préhistoire, est paru début mai chez Odile Jacob.

46 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES

IL ARRIVE EN FRANCE CES JOURS-CI sionné de mammouths est à l’origine de

Mammuthus, un programme franco-russe
d’exploration scientifique né en 1998, qui

L’ÉNIGME DU PLUS VIEUX a mis au jour en Yakoutie, dans l’extrême

nord de la Sibérie, des dizaines de carcas-

BÉBÉ MAMMOUTH DU MONDE

ses d’animaux vieilles de 10 000 à
30 000 ans, voire davantage. « Nous som-
mes dans un moment particulièrement favora-
Avant d’être exposé au Puy-en-Velay, Khroma va étre traité ble, explique-t-il. Avec le réchauffement clima-
tique, on assiste depuis dix ans à la fonte du
par le CEA pour tuer une mystérieuse bactérie restée permafrost. Et parallèlement, le coût des tech-
vivante après 50 000 ans dans le permafrost sibérien ! nologies de pointe nécessaires a considérable-
ment baissé. » Mammouths, rhinocéros lai-
neux, bisons des steppes,
chevaux... les glaces libèrent
chaque jour leurs trésors. Ils
sont aussitôt récupérés et
stockés dans un ancien abri
souterrain de l’Armée rouge
à une température de – 13 C°,
afin de ne pas les perdre, mais
aussi pour les protéger des ap-
pétits mercantiles de la mafia
locale. Une véritable course
contre la montre. D’autant que
« nul ne sait combien de temps
va durer la fonte des glaces »,
ajoute Bernard Buigues.
Alors, assisté de scientifiques
russes et français (notamment
Yves Coppens), il multiplie les
expéditions dans le Grand
Nord sibérien.
L’analyse du patrimoine
exhumé est passionnante du
point de vue de l’évolution du
FRANCIS LATREILLE

climat et de la biodiversité :
50 000 ans de mémoire cli-
matique se lisent dans les res-
Les experts du programme Mammuthus (dont Bernard Buigues, 2e à gauche) examinent Khroma peu après sa découverte, en 2009. tes de ces animaux. Et

I
l’homme ? Bernard Buigues
l mesure 1,60 mètre de long et 80 cen- noble spécialisés dans la sauvegarde des prépare une expédition en Yakoutie, dans
timètres de haut, pèse 80 kilos et parchemins, onguents, momies et autres une zone où seraient remontées à la sur-
donne l’impression de vous regarder macchabées préhistoriques. A charge pour face des traces d’hominidés au milieu des
droit dans les yeux : Khroma a tout eux de détruire le mystérieux parasite en ir- fossiles d’animaux. Ce qui laisserait sup-
d’un gros chien, sauf qu’il s’agit d’un bébé radiant massivement l’animal pendant cinq poser que la Sibérie n’a pas toujours été,
mammouth mort il y a plus de 50 000 ans ! jours. pour l’homme, cette terre hostile et gelée
Mais ce bébé de 6 mois, d’une fraîcheur Pas inquiet pour deux sous, Bernard Bui- où ne poussaient que les goulags.
saisissante, est peut-être aussi dangereux gues attend avec impatience de montrer ■ SOPHIE ROQUELLE
qu’un colis d’anthrax car il est porteur d’une aux Français « son » bébé sibérien. Ce pas- * Musée Crozatier, jusqu’au 15 novembre 2010.
mystérieuse bactérie qui vient de se réveil-
ler après des milliers d’années passées dans
le permafrost sibérien. Entre inquiétude et
stupéfaction, les scientifiques russes ont
exigé mille précautions avant de laisser
Desosenormassif semblable au T-Rex du Jura,
a été découvert dans le Wyo-
ming en 2007, et 70 % des
Khroma sortir du pays. Car « le plus vieux Comme des œuvres d’art, les res. A la rentrée, Sotheby’s os sont d’origine », affirme
mammouth découvert à ce jour » a débarqué squelettes de dinosaures, Paris inaugure sa première l’expert. Mais un objet de
mammouths et autres bisons vente de paléontologie sous science et de connaissance
en France, où il s’apprête à rejoindre l’expo-
préhistoriques sont devenus le couvert d’Eric Mickeler. ne doit-il pas le rester ? Les
sition « Mammouths et Cie » *, qui se tient des habitués des salles des En vedette, un allosaurus paléontologues sont bien de
jusqu’à l’automne au Puy-en-Velay, notre ventes. Et, comme les œu- long de dix mètres estimé cet avis. P. S.
capitale de la paléontologie. Pas de pani- vres d’art, ils donnent lieu à autour de 800 000 euros. Vente chez Sotheby’s, le 5 octobre
que toutefois ! Khroma aura auparavant de solides batailles d’enchè- « Ce dinosaure carnassier, (01.53.05.53.05).
été traité par des scientifiques du CEA Gre-

48 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES

TROIS EXPOSITIONS LEUR SONT CONSACRÉES À PARIS

LES DERNIERS SECRETS DES DINOSAURES
Ils étaient énormes, féroces et ont dis-
paru il y a 65 millions d’années. Pour-
tant, les dinosaures nous fascinent. A
Paris, pas moins de trois expositions
leur sont consacrées simultanément.
Comme si ce « monde perdu » – sur
lequel de nouvelles hypothèses vien-
nent d’être avancées par des
scientifiques américains – nous
renvoyait à la fragilité de notre
planète. PAR PAULINE SIMONS

P
lus moyen d’échapper aux dino-
saures ! A Paris, les expositions
se chevauchent, ne décourageant
à aucun moment un public jeune
escorté des siens. Face au succès de « La Faim Le T-Rex,
des dinosaures», le palais de la Découverte un carnivore
joue les prolongations : les visiteurs pourront inquiétant
pister par le menu les terribles sauriens jusqu’à haut de près
la fin de l’été. A la Porte de Versailles, « Le de 6 mètres.
Temps des dinosaures » s’étire joyeusement
en compagnie de 51 monstres hyperactifs. Et,
le Muséum national d’histoire naturelle ne
désemplit pas depuis le 14 avril : l’exposition
« Dans l’ombre des dinosaures », qui relate
scientifiquement l’énigme de leur disparition,
a déjà accueilli plus de 70 000 visiteurs.
La dinomania ne date pourtant pas d’hier.
Au milieu du XIX e siècle, l’A ngleterre
victorienne eut les honneurs du premier
parc d’attractions « à thème » : à l’exté-
rieur de Londres, dans les jardins du Crys-
tal Palace, des monstres bien en chair dé-
voilaient autre chose que leurs ossements.
L’affaire fit grand bruit, galvanisant les Bri-
tanniques en quête de nouveautés et de
mondes perdus. Grâce à Jules Verne, la
France en eut la primeur sur le papier.
L’auteur du Voyage au centre de la terre
(1863) fut le premier à faire courir entre
les lignes ces espèces antédiluviennes.
AKG-IMAGES/SPL-AKG-IMAGES/DE AGOSTINI PICT.LI

A la fin du XIXe siècle, les dinosaures

avaient séduit la douce Europe, il leur
fallait maintenant conquérir le Nouveau
Monde. Commandité par le Muséum
d’histoire naturelle de New York, le
peintre Richard Knight inventa un
nouveau monstre, verdâtre et belli-
queux, debout sur ses pattes arrière.
Fins limiers, les capitaines d’indus-

50 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010


Quand les artistes
reconsidèrent
les brachiosaures.
Vue plongeante sur la galerie de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle : ici l’homme domine le monstre !
trie encouragèrent alors à coups de millions
les expéditions scientifiques. Les grands rep-
tiles avaient embrigadé l’Amérique.
Les années 60, leurs prouesses techniques
et leurs nouvelles attentes culturelles virent
alors des dinosaures délestés de leur lenteur
archaïque et de leur comportement primaire.
En 1993, Jurassic Park de Steven Spielberg
L’alectrosaure :
petits bras et pattes
arrière robustes.
JULIUS CSOTONYI/LOOKATSCIENCES
PALAIS DE LA DÉCOUVERTE/CHANTAL ROUSSELIN
Ces reconstitutions
que les enfants adorent.
Les albertaceratops,
de gros herbivores
aux longues cornes.
MATTEIS/LOOKATSCIENCES
marqua encore une nouvelle étape. En se même réussi à conquérir les airs. Saviez-vous
JULIUS CSOTONYI/LOOKATSCIENCES
lovant dans l’inconscient collectif et en of- que les dromæosauridés étaient des dinosau-
frant aux petits et grands le droit de jouir de res à plumes proche de l’oiseau ? »
la férocité et de la démesure, le dinosaure Les premières espèces sont apparues, tout
remplaça le loup. « Tel qu’il est souvent pré- comme les mammifères, il y a 220 millions
senté, il symbolise un gigantisme qui n’existe plus d’années, à la fin du trias, première période
dans la nature. Désormais, les éléphants sont de l’ère secondaire, ou mésozoïque. Au
les plus gros animaux terrestres d’une planète XIXe siècle, paléontologues et savants remar-
où l’homme, omniprésent, occupe tous les écosys- quèrent toutefois un phénomène d’une sin-
tèmes », précise Ronan Allain, maître de confé- gularité constante. Les strates situées au-
rences au Muséum natio- dessus du crétacé, dernière période •••
nal d’histoire naturelle et
chargé de la conservation des collections.
Mais, aujourd’hui, la légende se lézarde.
« Parmi plus de 700 espèces répertoriées, cer-
tains peuvent mesurer 40 mètres et d’autres moins
de 1 mètre ; certains sont à sang chaud, d’autres Le « lézard d’Abel »
à sang froid. Il existe des herbivores et des carni- porte le nom de son
vores, précise ce scientifique. Les dinosaures ont découvreur.
 E N C O U V E R T U R E
RÉVÉLATIONS SUR NOS ORIGINES
La génération « Jurassic Park » du
Muséum national d’histoire naturelle !
Ils ont tous moins de 40 ans. De gauche à droite,
Gaël Clément, Emilie Lang et Ronan Allain, tous
trois paléontologues, Charlène Letenneur,
dessinatrice scientifique, et Anne-Camille Bouillié,
au 1er plan, conceptrice des expos du musée.
MÉTÉORITE ET VOLCANISME : LES DEUX RAISONS DE LA CRISE
••• de l’ère mésozoïque (entre 145 et 65 millions
d’années) n’abritaient plus certaines famil-
les de fossiles. Et surtout, les dinosaures n’ap-
paraissaient plus. Ils pressentirent alors une
cinquième crise d’extinction, nouveau tour-
nant décisif au crétacé-tertiaire (dite « crise
KT » d’après son nom germanique Kreide
Tertiär), marqué par un bouleversement de
la biodiversité. Que s’est-il exactement passé ?
Les paléontologues attribuèrent la crise KT
à un changement climatique majeur. « De
fait, à la fin du crétacé, le climat général de la
Terre s’est refroidi tout en étant plus chaud
qu’actuellement, explique Ronan Allain. Au-
jourd’hui, deux faits majeurs sont invoqués pour
expliquer cette crise biologique : la chute d’une
météorite et le volcanisme. »
Au début des années 80, des chercheurs se
sont intéressés aux trapps du Deccan en Inde,
immense plateau de basalte d’une taille com-
parable à la surface de la France et constitué
d’une accumulation de coulées de lave haute
de plus de 1 500 mètres. Dans un premier
temps, les datations radiochronologiques
révélèrent un âge d’environ 65 millions d’an-
nées, en coïncidence avec la crise KT, puis
de récentes études montrèrent que ces cou-
lées se seraient épanchées sur une durée de
100 000 ans au cours de pics d’activité volca-
nique. L’influence catastrophique sur le climat
fut alors indiscutable. « Observez ce qui s’est
passé il y a deux mois, avec l’éruption du volcan
islandais. Je sais qu’il n’y avait pas d’avions à
52 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
La préhistoire haute en couleur
au Parc des expositions.
PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
l’époque des dinosaures, mais l’Europe était
tétanisée pour un événement minime. »
Autre facteur essentiel : la chute d’une mé-
téorite. A la fin des années 70, dans la ré-
gion de Gubbio, en Italie, Luis Alvarez, prix
Nobel de physique en 1968, et son fils Walter
découvrirent de l’iridium dans la couche
argileuse crétacé-tertiaire en quantité 30 fois
supérieure à la normale. Or l’iridium est une
signature extraterrestre. En 1980, ils formu-
lèrent l’hypothèse d’un impact météori-
tique. Un astéroïde se serait vaporisé au mo-
ment de la collision et ses composants se
seraient déposés à la surface du globe. Mais
c’est en 1991 que l’on découvrit les traces du
cratère d’impact, d’un diamètre estimé à
180 kilomètres, non loin de Chicxulub, au
sud-est du Mexique.
Il y a deux mois, dans le journal Science,
41 chercheurs affirmaient avoir démasqué le
SANDRINE ROUDEIX/LE FIGARO MAGAZINE
coupable. « L’astéroïde aurait frappé la Terre
avec une puissance 1 milliard de fois plus élevée que
la bombe atomique d’Hiroshima. Il aurait char-
rié des matériaux à grande vitesse dans l’atmos-
phère, déclenchant une réaction en chaîne qui a
provoqué un refroidissement, éradiquant une
grande partie de la vie sur Terre en l’espace de
quelques jours... » Une thèse jusqu’au-boutiste
que réfutent nombre de paléontologues et de
géologues. « Arrêtons de vendre n’importe quoi
à la presse ! s’agace Ronan Allain. Aujourd’hui,
on sait exactement ce qui s’est passé mais on ne sait
pas comment cela s’est passé. Et nous ne pouvons
pas affirmer l’unique thèse de l’astéroïde. »
De même, ajoute le paléontologue, nous
n’avons pas plus de réponse sur le caractère
sélectif de l’extinction. « Pourquoi tous les di-
nosaures ont-ils disparu à l’exception des oi-
seaux, ces dinosaures aviens, tandis que les pté-
rosaures, volants eux aussi, ont été éradiqués ?
Ont-ils disparu en dix ans, dix mille ans ou cent
mille ans ? Quelle est la raison de la survie des
mammifères ? En attendant, on sait que l’homme
maltraite les écosystèmes et qu’il sera alors le seul
responsable d’une sixième crise d’extinction. »
A bon entendeur... ■ P. S.
«LaFaimdesdinosaures»,palaisdelaDécouverte,av.Franklin-
Roosevelt, Paris VIIIe. Jusqu’au 1er septembre (www.palais-dela-
decouverte.fr). «LeTempsdesdinosaures»,ParisExpoPortede
Versailles,ParisXVe.Jusqu’au 31 juillet. « Dans l’ombre des dino-
saures»,Muséumnationald’histoirenaturelle,36,rueGeoffroy-
Saint-Hilaire,ParisVe.Jusqu’au14février2011(www.dinos.mnhn.fr).
Alire, Prodigieusescréatures, deTracyChevalier,LaTableRonde.
 Huiles d’exception

www.oliviers-co.com
R E P O R T A G E

EN AFGHANISTAN,
LES LÉGIONNAIRES
L’APPELLENT “PADRE”
Il est aumônier, il court et saute en parachute
avec les bérets verts du 2e REP. Ce qui a vite
fait de lui une figure aussi populaire que respec-
tée dans ce régiment d’élite
qui vient encore de perdre
un homme la semaine der-
nière. Refusant les demi-
mesures et les compromis,
le père de Pommerol a tout
du curé de combat.
DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX ADRIEN JAULMES (TEXTE)
AVEC JEAN-YVES PROVERBIO, ET SÉBASTIEN DUFOUR (PHOTOS)

54 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 Son premier colonel lui a dit :
« Allez avec les paras,
et sautez ! »
Le Padre a suivi ce conseil,
il a aujourd’hui plus
de 1 000 sauts à son actif.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 55
 R E P O R T A G E
LES LÉGIONNAIRES L’APPELLENT PADRE

« JE NE SUIS PAS UN MODÉRÉ ! MAIS QU’EST-CE QU’UN AUMÔNIER MODÉRÉ ? ON EST CE

Devant le cercueil
du légionnaire Hutnik.
« Ma place est avec « La perspective de la mort
les légionnaires. » nous ramène à Dieu. »
Le Padre part en opération
avec la 3e compagnie.
 « More majorum » (« selon
l’exemple de nos anciens »). La devise
gravée sur le monument du 2e REP
à Calvi reste le credo des légionnaires
parachutistes. « Le sens de notre
mission, c’est de donner notre vie
au service des autres », dit le père
de Pommerol dans son homélie.

QU’ON EST DEVANT DIEU »

Footing matinal
sur la base de Tora.

Le Padre possède son autel

portatif et parachutable.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 57
R E P O R T A G E
LES LÉGIONNAIRES L’APPELLENT PADRE

DOMINIQUE DHE/SIRPA TERRE IMAGE

Trois légionnaires du REP sont tombés en Afghanistan. « Je
pense à eux tous les jours », dit le père de Pommerol à la messe
d’enterrement du légionnaire Hutnik, tué le 8 avril dernier à Tagab.

E
Ci-dessous, le sergent Konrad Rygiel, tué le 7 juin.

n d’autres temps, le mécaniciens du régiment. « On s’en sou-

père Benoît Jullien viendra quand je serai là-haut, hein, Padre ? »,
de Pommerol au- lui a dit le mécano en lui donnant le solide
rait fait un parfait objet fait de pièces de métal soudées.
martyr, dans le Le père de Pommerol est une figure po-
genre de Thomas pulaire au régiment. Il court le matin avec
Beckett ou de sir les légionnaires, embarque dans les blin-
Thomas More, ad- dés qui partent en patrouille, ou se rend
mirables autant qu’insupportables d’in- dans les postes isolés, dans la vallée de
transigeance, se heurtant sans cesse à un Tagab ou d’Uzbine, avec les compagnies
monde trop prompt aux compromissions. déployées. A Tora, on l’arrête dans les al-
Il aurait pu aussi être un moine soldat, un lées poussiéreuses du camp, entre les
Templier voué à la défense du royaume blindés garés devant les bâtiments des
latin de Jérusalem, ou endosser l’armure compagnies, comme ça, parfois sans rai-
AFP

d’un prélat batailleur du Moyen Age, sûr de son, juste pour discuter.

« MA PAROISSE,
sa foi et de son épée. Ou bien encore deve- « Les légionnaires appartiennent à une géné-
nir un ascète, émule du Père de Foucauld, ration qui ne connaît pas ou peu la religion.

C’EST LE RÉGIMENT.
éperdu de prière au fond d’un désert.
Né au XXe siècle, le père de Pommerol
est devenu aumônier militaire. Ce jeune
prêtre épris d’absolu est le « Padre »,
comme on appelle familièrement les au-
JE VIS AU BEAU MILIEU »
môniers dans l’armée, du 2e régiment étran-
ger de parachutistes, en mission depuis le
début de l’année en Afghanistan. Grand
et maigre, un long visage de saint du Greco,
le Padre dit la messe tous les matins, son
aube enfilée par-dessus sa tenue camouflée
et ses bottes de saut. Sa petite chapelle est
aménagée en sous-sol dans un ancien bun-
ker soviétique. Elle se trouve au sommet de
la base française de Tora, dans le district de
Sarobi, à l’est de Kaboul, perchée sur un
éperon rocheux perdu au milieu des mon-
tagnes afghanes.
Le père de Pommerol a fait construire
un petit clocher, repeindre le plafond en
bleu, et a dédié l’édifice à Notre-Dame-
des-Victoires. Les sœurs de l’église pari-
sienne du même nom lui ont offert une
statue de saint Michel, patron des para-
chutistes, qu’il a placée sur l’autel. « C’est
évidemment mon saint patron », dit le père,
qui distribue autour de lui des petites mé-
dailles de l’archange, que les légionnaires
accrochent à l’intérieur de leur béret vert.
Son goupillon a été fabriqué par l’un des
Mais ils ne la rejettent pas, explique le Padre.
Ils ont souvent laissé tomber Dieu, mais pas par
refus, plus par manque d’occasion. Ils n’iront
pas voir un curé, mais si un curé vient à eux,
ils n’hésiteront pas à “raccrocher les wagons”.
C’est la pastorale de la poignée de main, dit-il.
Un jour, l’un d’eux m’a dit : “Padre, je ne peux
pas venir à la messe, je ne me suis pas confessé
depuis le Kosovo.” Ce n’est pas une attitude
indigne. C’est plutôt une marque de respect…,
raconte le père de Pommerol. Je leur parle
avec simplicité. Ce qui ne veut pas dire simple-
ment, ajoute-t-il. Ma paroisse, c’est le régi-
ment. Je vis au milieu de mes paroissiens. Mais
le sacerdoce ministériel ne suffit pas à se faire
respecter auprès d’eux, précise le Padre. Les
légionnaires sont des gens qui ont tout quitté
pour servir à la Légion. Ils regardent ceux qui •••

58 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 Degas inédit
les dessins de la
collection Olivier Senn

du 19 juin
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PUBLIÉES POUR LES 200 ANS DU BARREAU DE

CES PLAIDOIRIES QUI ONT MARQUÉ
Le barreau de Paris possède la plus grande
collection de plaidoiries au monde. Il en a
rassemblé quinze parmi les plus excep-
tionnelles dans un livre, « Maître, vous
avez la parole », publié la semaine pro-
chaine. En voici six, en avant-première.
PAR DOMINIQUE RIZET ET SOPHIE ROQUELLE

Me Fernand Labori,
un des grands avocats
de son temps,

A
a joué un rôle clé dans
l’affaire Dreyfus. événement exception-
Défenseur de la famille nel, il fallait ce livre
Dreyfus, de Zola et enfin
de Dreyfus lui-même. d’exception. Le bar-
reau de Paris, qui fê-
tera le bicentenaire de
son rétablissement * la
D.R.

semaine prochaine, avait gardé confiden-

tielle l’annonce de la parution – le 24 juin –
d’un étonnant ouvrage qui rassemblera une
quinzaine des plus belles plaidoiries écrites
appartenant à la collection privée du bar-
reau de Paris. Des manuscrits émouvants,
authentiques, aux contours grignotés par
le temps et où les plus célèbres avocats ont
écrit la trame de leurs plaidoiries. Pour cer-
tains, des pages d’arguments soigneuse-
ment alignés, pour d’autres quelques for-
mules hardies ou des mots seulement,
gravés aujourd’hui au socle de l’Histoire :
Me Chauveau-Lagarde défendant Marie-

62 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

PARIS FERNAND LABORI,
AVOCAT D’ÉMILE ZOLA
L’HISTOIRE AU CŒUR
DE L’AFFAIRE DREYFUS
Antoinette devant le tribunal révolution-
naire, Me Fernand Labori plaidant les bras acquitté par le Conseil de mais sa plaidoirie, suivie par
au ciel pour Emile Zola dans l’affaire Drey- guerre. L’armée pense alors toute la presse de l’époque,
fus, l’immense Jacques Isorni emporté dans en avoir terminé, lorsque porte en elle la graine de la

SELVA/LEEMAGE
la défense du maréchal Pétain. Emile Zola signe, le 13 jan- justice qui finira par éclater.
Initié par le bâtonnier de Paris, Jean vier 1898, son célèbre « J’ac- S’il a perdu sur le moment,
Castelain, et son vice-bâtonnier, Jean-Yves cuse », une lettre ouverte au Fernand Labori gagnera

E
Le Borgne, cet ouvrage ne sera pas disponi- xcellent orateur au- président de la Répubique plus tard la bataille de l’opi-
ble à la vente mais « offert aux amis du bar- tant que fin juriste, Félix Faure, sur six colon- nion : le pamphlet de Zola
reau de Paris, ici et au-delà de nos frontières », Fernand Labori a nes à la une du journal et sa condamnation pour
confie Me Castelain. « Nous disposons d’une joué un rôle capital dans l’af- L’Aurore. Au travers d’un diffamation vont provoquer
incroyable collection de plus de 500 documents faire Dreyfus. Dans un pre- véritable pamphlet accusa- une onde de choc qui se-
manuscrits qui ont traversé l’histoire et les plus mier temps, Me Labori in- teur, l’écrivain s’expose couera toute la France. L’an-
grands procès. Ces “cotes” de plaidoirie sont la tervient en janvier 1898, au publiquement au nom de la née suivante, en 1899, Labori
partition sur laquelle s’appuie l’avocat pour plai- nom de Mme Dreyfus, pour justice afin qu’un nouveau défendra Dreyfus lui-même
der à l’audience, de véritables œuvres d’art pro- faire condamner le com- procès, plus indépendant, lors de sa nouvelle comparu-
fondément émouvantes. Les plaidoiries des avo- mandant Ferdinand Ester- puisse se dérouler. tion devant le Conseil de
cats sont d’ailleurs protégées par le code de la hazy, vrai auteur du fameux Zola obtiendra ce qu’il vou- guerre, à Rennes, la pre-
propriété intellectuelle comme œuvres de l’esprit. » « bordereau » – livrant des lait. Poursuivi en diffama- mière condamnation du
informations confidentiel- tion – à l’époque devant une capitaine, en 1894, ayant été
Des donations des familles les à l’ennemi – qui va mener cour d’assises –, il est dé- cassée. Alfred Dreyfus sera
des grands avocats à la condamnation d’Alfred fendu par Fernand Labori. finalement gracié par le pré-
Intitulé Maître, vous avez la parole et tiré à Dreyfus en 1894. Un échec Malgré tout son talent, l’avo- sident de la République
5 000 exemplaires en français et en anglais, pour l’avocat puisque le cat ne pourra empêcher la Emile Loubet en 1899, puis
l’ouvrage est préfacé par Nicolas Sarkozy, commandant Esterhazy sera condamnation de l’écrivain, réhabilité en 1906. ■ D. R.
lui-même ancien avocat au barreau de Paris
(dont il ouvrira les cérémonies d’anniver-
saire jeudi prochain au palais de justice).
Le livre revient sur quinze affaires judiciai-
« VOUS SENTEZ BIEN QUE CET HOMME EST L’HONNEUR DE LA FRANCE ! » *
res richement illustrées d’extraits de plaidoi- « Ne vous laissez donc pas troubler ! Ne vous ritable ! C’est avec le cœur, avec le cœur ro-
laissez pas intimider non plus ! On a parlé du buste de braves gens réunis tous ensemble
ries reproduits en partie, de portraits et de
danger de guerre qui nous menace ! Soyez et sans exception de parti, qu’on fait les ba-
gravures d’époque rassemblés au fil du tranquilles, aucun danger ne nous menace, tailles victorieuses !
temps par Me François Gibault, le conserva- pour plusieurs raisons, [Labori avait écrit : « Donnez donc par l’acquittement un exem-
teur du musée de l’Avocat (un lieu confi- “d’abord parce que ces hommes se battraient ple de fermeté ! Vous sentez bien que cet
dentiel ouvert sur demande uniquement), et bien”, qui devient à l’audience...] dont la pre- homme [Zola] est l’honneur de la France !
par l’archiviste de l’ordre, Yves Ozanam. mière est que les soldats que j’ai vus ici peu- Zola condamné, c’est la France se frappant
« Nous avons aujourd’hui la plus grande collec- vent bien se tromper au cours d’une infor- elle-même ! [phrase rédigée mais non pronon-
tion de plaidoiries du monde, note François mation judiciaire qui, après tout, n’est pas de cée : “Acquittez pour la vérité, pour le droit,
Gibault. Au départ, on nous a fait des donations leur métier, mais qu’ils se battraient bien de- pour le bon renom de la patrie elle-même”]
de plaidoiries (la famille de Gambetta, les héri- main, et qu’ils nous conduiraient, je l’espère, Ayez le courage de le sentir et de céder à
tiers de Mes Berryer père et fils, la veuve de Ray- à la victoire. Pour cela j’ai confiance en eux ! votre impulsion naturelle !
mond Poincaré...). Depuis, nous essayons d’en (…) Surtout, ne craignez rien : c’est l’énergie « Je ne veux plus dire qu’un mot pour finir.
obtenir des grands avocats du temps de leur morale qui fait la force des peuples ! Oui, il faut Que votre verdict, Messieurs les jurés, signi-
poursuivre les traîtres, oui, quand on les fie plusieurs choses ; d’abord, “Vive l’armée !”.
vivant ou de leurs ayants droit. Mon souvenir
connaît, quand on est sûr de les connaître, il Moi aussi, je veux crier : “Vive l’armée !”,
le plus émouvant, c’est ce jour de 1989 où j’ai faut les frapper ! Mais qu’on n’aille pas croire mais aussi “Vive la République !” et “Vive la
réussi à acheter les notes de Chauveau-Lagarde que le salut de la nation tout entière est com- France !”, c’est-à-dire [passage rédigé et non
dans le procès de Marie-Antoinette. » Voici, promis parce qu’il a été livré quelques docu- prononcé : “Vive la liberté”] Vive le droit !
en avant-première, six plaidoiries qui ont ments sans valeur, qui sont plutôt (…) l’objet Vive l’Idéal éternel ! »
marqué l’histoire de France. ■ d’une escroquerie que celui d’une trahison vé- * Texte prononcé. Les notes écrites sont en gras.
* Supprimé sous la Révolution, le barreau fut rétabli en 1810.

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 63

J U S T I C E

CLAUDE FRANÇOIS CHAUVEAU-LAGARDE, AVOCAT DE MARIE-ANTOINETTE

1793, UN AVOCAT COMMIS D’OFFICE POUR LA REINE
En dépit de cette disparition,
certains avocats poursuivent à
leurs risques et périls leurs
activités de défenseur devant
les nouvelles juridictions
(après bien des efforts, les an-
ciens avocats obtiendront de
Napoléon Ier le rétablissement
des barreaux et des ordres
d’avocats en 1810).
Chauveau-Lagarde travaille
sans relâche pendant les dé-
bats et prépare sa plaidoirie
sur quelques feuillets. Il a le
temps de rédiger le début de
sa défense, mais devra ensuite
improviser à partir de notes
où les mots, écrits à la hâte,
sont souvent abrégés.
Aux toutes premières heu-
res du 16 octobre, Fouquier-
Tinville lance des imprécations
vengeresses. Après sa diatribe,
Me Chauveau-Lagarde parle
pendant deux heures de « la
prétendue conspiration de la reine
avec les puissances étrangères ». A
ses côtés, Me Tronson du Cou-
dray réfute les allégations por-
tées « sur les ennemis de l’inté-
PHOTOS : D.R.

rieur ». Sur ordre du Comité de

sûreté générale, les défenseurs

L
undi 14 octobre 1793. La reine Marie-
Antoinette comparaît devant le Tri-
bunal révolutionnaire. L’accusateur
public s’appelle Antoine Quentin Fouquier
de Tinville dit « Fouquier-Tinville ». Pour lui,
il s’agit plus de conduire Marie-Antoinette à
la guillotine que de la juger.
Pour respecter les apparences judiciai-
res, Marie-Antoinette d’Autriche, veuve
Capet, aura droit à deux « défenseurs »
commis d’office au dernier moment. Celui
dont les notes nous sont parvenues s’ap-
pelle Claude François Chauveau-Lagarde,
et il est fort connu à l’époque. On parle
alors de défenseur puisque la profession
d’avocat et les barreaux ont été supprimés
en 1790 par l’Assemblée nationale au nom
du « principe de la liberté absolue de défense ».
de la reine sont arrêtés en plein tribunal
pour être interrogés, avant d’être relâchés.
A 4 heures du matin, Marie-Antoinette quitte
la salle du Tribunal révolutionnaire condam-
née à mort. Elle est guillotinée quelques
heures plus tard. Chauveau-Lagarde survi-
vra à la Révolution, alors que Tronson du
Coudray, déporté en Guyane en 1797, y
mourra en 1798. ■ D. R.

« AUTANTL’ACCUSATIONESTGRAVE,AUTANTSESBASESSONTLÉGÈRES » informé ces mêmes ennemis des

« C[itoyens] J[urés]. Marie-An-
toinette ci-devant Reine de france
est accusée devant vous d’avoir
conspiré l’avilissement * et au de-
hors et au-dedans le malheur des
françois tant avant que depuis la
révolut[ion] qui les a rendus à la li-
berté. Cette accusation extraor-
dinaire semblait ne devoir être dé-
fendue que par des moiens
extraordinaires comme elle : eh !
cependant je suis l’un de ceux que
le tribunal a chargés de la défen-
dre, pour ainsi dire à l’instant
même où elle vient de vous être
présentée ! et nous avons à peine
eu le tems de jetter un coup d’œil
rapide sur les pièces de convic-
tion qui en font la base ! Quelle
épouvantable tâche ! quelle mis-
sion allarmante pour notre la
conscience d’un homme de bien si
nous je n’étions n’étois rassurés
par votre justice et par vos lumiè-
res ! mais tel est heureusement le
résultat des débats de ce fameux
procès qu’autant l’accusation est
effraiante grave par elle-même,
autant ses preuves bases sont lé-
gères au moins surtout dans la
partie que je suis chargé de dé-
fendre. »
« En effet c[itoyens] j[urés] avez-
vous au procès la preuve que
l’accusée ait, avant la révolution,
dilapidé les finances et épuisé le
thrésor na[ti]o[n]al en envoiant à
l’empereur des sommes incal-
culables ? et que depuis elle ait
entretenu des intelligences contre
revolut[ionnaires] avec les
ennemis de la répub[lique] et * Les mots et phrases biffés sont en italique.
plans de campagne et d’attaque
convenus et arrêtés dans le
conseil. »
(Avant d’en venir à la discussion
détaillée des accusations, Chau-
veau en appelle à l’objectivité des
jurés.)
« Quant à vous, cit[oyens] j[urés],
je ne doute pas que vous y ferez
tous vos efforts pour vous défen-
dre d’une prévention d’autant plus
dangereuse pour la justice l’inno-
cence qu’elle serait plus honorable
pour votre républicanisme. »

64 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010


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Cartier affiche une personnalité résolument virile.
Dans cette déclinaison en or gris, elle s’impose
d’autant plus qu’elle est animée par un mouvement
à remontage manuel estampillé Poinçon de
Genève, régulé par un tourbillon volant de
toute beauté. Finement guilloché et ajouré
entre chacune des graduations “chemin de fer”,
un cadran typiquement Cartier ponctué d’un
unique chiffre romain, signature de la collection,
s’ouvre sur la prestigieuse complication dont
la cage, ici, en forme de C vient pointer les secondes.
Hypnotique, ce tableau est harmonieusement
cadencé par des aiguilles en acier bleui coordonnées
au saphir ornant la couronne.
Montre Calibre de Cartier tourbillon volant en or gris :
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la plus connue des faïenceries françaises, se démarque
des autres céramiques par la richesse et la variété
de ses formes et de ses couleurs. Toutes ses
volontés de création, de qualité et de recherche
font de la Faïencerie de Gien une des entreprises
les plus prestigieuses dans le domaine des Arts
de la table, mais aussi un acteur majeur et reconnu
dans l’univers du luxe. Cette reconnaissance se
concrétise aujourd’hui par son appartenance au
Comité Colbert, prestigieux groupement de 70
entreprises représentant le mieux l’Art de Vivre
français. Le décor Route des Indes nous emmène à
la découverte de l’Inde et pose un regard artistique
et passionné sur ce pays fascinant, comme une carte
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 J U S T I C E

CHARLES CHENU, AVOCAT

DE LA FAMILLE DE GASTON CALMETTE
LE CRIME PASSIONNEL
D’HENRIETTE CAILLAUX
O
n est en 1914. Henriette Cail-
laux, l’ancienne maîtresse
devenue l’épouse du minis-
tre des Finances Joseph Caillaux
après le divorce de ce dernier, abat
de plusieurs coups de revolver le di-
recteur du Figaro, Gaston Calmette,
dans son bureau. Farouche opposant
aux idées de Caillaux, qui préfère une
négociation avec l’Allemagne sur
l’Alsace-Lorraine plutôt qu’une guerre
qu’il considère inutile, le patron du
Figaro a déclaré une guerre médiati-
que impitoyable au ministre. Effrayée
à l’idée que Le Figaro puisse publier la
correspondance d’amants qu’elle et
le ministre Caillaux entretenaient
avant qu’il ne divorce, Henriette se
PHOTOS : D.R.
son bureau, elle sort un revolver et
fait feu à bout portant à six reprises
sur Gaston Calmette, qui meurt quel-
ques heures plus tard. Les deux fils de
Calmette prennent comme avocat
Me Charles Chenu, ancien bâtonnier
de l’Ordre. Le procès s’ouvre devant
la cour d’assises de la Seine le 20 juil-
let 1914. La meurtrière est défendue
par Me Fernand Labori qui fait appel
à la clémence du jury et plaide la com-
passion. En face, Me Chenu en fait
presque trop et s’acharne sur cette
femme. Ses notes en style télégraphi-
que sont une perfection graphique.
Le bâtonnier insiste trop lourdement
sur l’absence de ressenti d’Henriette
Caillaux. La cour et les jurés ne le sui-

rend au Figaro et demande à être vront pas. Le 28 juillet 1914, Mme Cail-
reçue par son directeur. Une fois dans laux est acquittée. ■ PEGAH HOSSEINI

HENRI BARBOUX, AVOCAT DE LESSEPS, CANAL DE PANAMÁ :

E
n 1893, le scandale de Panama, mêlant des
hommes politiques, des journalistes et des
grands noms de l’architecture du XIXe,
dont Ferdinand de Lesseps et Gustave Eiffel, fit l’ob-
jet d’un procès correctionnel retentissant. Ferdi-
nand de Lesseps, qui avait réussi la percée du canal
de Suez, tente de réitérer en 1879 à Panamá avec le
creusement d’un canal de 75 kilomètres sans écluse.
Pour boucler son budget de 600 millions de francs,
JEAN BERNARD/LEEMAGE
sieurs souscriptions auprès de la population fran-
çaise, qui croit en lui et investit les yeux fermés,
mais les fonds manquent encore et Ferdinand de
Lesseps se tourne vers des intermédiaires qui sou-
doient hommes politiques et journalistes. En 1888,
la compagnie est mise en liquidation judiciaire,
85 000 souscripteurs sont ruinés.
Défendu par Me Henri Barboux, gloire de son
temps, Lesseps est condamné, mais le jugement

Lesseps crée la Compagnie universelle du canal sera cassé pour prescription. La plaidoirie de
interocéanique de Panamá. L’ouvrage est beau- Me Barboux reste un modèle de lyrisme sur le
coup plus complexe que prévu et l’argent fait défaut. thème : ne faites pas un procès d’intention à un
Lesseps fait appel à Gustave Eiffel et lance plu- homme que le monde nous envie. ■ P. H.

CANALDEPANAMÁ:NOTESDEL’AVOCATHENRIBARBOUX rances qu’elle avait fait conce-

« Messieurs,
Je suis trop impatient d’arriver
à discuter la prévention dirigée
contre M. de Lesseps pour m’at-
tarder à aucun exorde. Jamais
cause, d’ailleurs, n’en eut moins
besoin que celle-ci. Avant même
que M. l’Avocat général eût pris
la parole, nous savions tous ce
qu’il a bien voulu nous apprendre,
et notre embarras, comme le
sien, est plutôt de dégager le pro-
cès des exagérations de toutes
sortes sous lesquelles la vérité
pourrait demeurer étouffée. Les
débuts de l’entreprise, les espé-
voir, les difficultés qu’elle avait
à vaincre, les transformations
successives que ces obstacles
croissants ont imposées aux ad-
ministrateurs, les hésitations du
public à partir de 1884, les in-
vestigations du gouvernement
en 1886, le grand emprunt de
1888 et son insuccès dû à la las-
situde des prêteurs et aussi à la
publicité avec laquelle avaient
été étalés les hasards contre les-
quels l’entreprise avait encore à
lutter, la chute due, non pas à
l’impossibilité de l’œuvre, mais
aux difficultés financières, enfin
cette ruine devenue l’arène des
partis politiques, le public savait
cela, tout, jusqu’à l’incohérence

66 • LE FIGARO MAGAZINE - 19JUIN 2010

 L’avocat de PIERRE-NICOLAS BERRYER,
RUE DES ARCHIVES/RDA

Mme Caillaux,
Me Labori, est AVOCAT DU MARÉCHAL NEY
le 2e en partant
de la droite. LA DÉFENSE PERDUE
« LE CRIME EST ACCOMPLI, L’HOMME GÎT À SES PIEDS » D’UN GRAND SOLDAT

D.R.
Notes pour la plaidoirie : « Ne la Emotion et affolement à leur

perdons pas de vue. Nous voulons
la juger il nous faut la connaître.
Essaierons de pénétrer ses inten-
tions secrètes et mobiles.
Guettons sur visage, dans paroles,
gestes, émotions que pas encore vu
apparaître.
Crime accompli – homme gît à ses
pieds – à 2 m d’elle.
Son extraordinaire présence d’es-
prit – organis[at]ion méthodique –
calme – sûreté de son tir – peut-
être résultat d’une tension nerveuse
dominée par volonté.
Alors phénomène inévitable, connu,
va se produire. Réaction devant fait
accompli.
Corps va se détendre – poitrine va
se gonfler – yeux vont se mouiller –
crise de nerfs va se produire
Rien de cela.
A
comble : mais autour d’elle.
En elle, rien ne vibre.
Dans cette maison où Calmette
adoré où tous, depuis les plus il-
lustres collaborateurs jusqu’à gar-
çon de bureau, aimaient le directeur
pour sa bonté, délicatesse, loyauté,
on s’empresse autour du patron
qui va mourir.
On perd la tête : elle a conservé la
sienne.
Son calme hautain constaté par
tous.
Son attitude est arrogante – ses
propos inspirés par sa vanité de
parvenue : je suis 1 dame, la femme
du ministre des finances
Elle dit pourquoi a agi : “Je viens de
faire justice – Il n’y a plus de justice
en France” Oublie que si ça devenait
vrai 1 jour, la faute à son mari. »
YOUNGTAE/LEEMAGE
près les Cent-Jours. La France est passée de la Terreur
révolutionnaire à la Terreur blanche, qui se venge des « ral-
liés » à Napoléon. Parmi les grandes pages de cette période de
l’Histoire de France, celle du procès du maréchal Michel Ney est l’une
des plus dramatiques. L’homme a des états de service merveilleux (sur-
nommé le « preneur de villes » pour s’être emparé des citadelles de
Würzburg, de Forsheim et de Mannheim), mais il paiera son manque
de clarté politique. Nommé pair de France par Louis XVIII en 1814,
après l’abdication de Napoléon, Ney ne siégera que quelques mois à la
Chambre des pairs. Les 4, 5 et 6 décembre 1815, il est contraint de se sou-
mettre au jugement de cette même Chambre, constituée en cour de jus-
tice, pour « trahison envers le roi et l’Etat ». Il est défendu par
Pierre-Nicolas Berryer, avocat royaliste plus connu sous le nom
de « Berryer père » (pour le différencier de son fils, également avo-
cat), et par Me Dupin, qui ont usé auparavant de tous les moyens pour
retarder le procès. A l’audience, les deux défenseurs évoquent
ses « vingt-cinq années d’états de service » et font valoir, en dé-
sespoir de cause, que le maréchal est né à Sarrelouis,
qu’il n’est donc « pas français » et ne peut, par consé-
quent, être jugé devant une juridiction française. Le

maréchal Ney (ci-contre) se lève et interrompt ses

avocats : « Je suis né français et je mourrai français. »
Condamné à mort à une écrasante majorité le 6 décem-
bre à 3 heures du matin, il est fusillé le 7 à 9 heures. La
mort de ce grand soldat met un terme à la fois symbo-
lique et définitif aux rebondissements et retourne-

LE SCANDALE DU SIÈCLE ments de la période des Cent-Jours. ■ D. R.

des délibérations ministérielles
d’où la poursuite est sortie, et
qui, par l’inflexible logique des
choses, nous a mis en l’état où
nous sommes aujourd’hui.
Je n’ai rien de mieux à faire, Mes-
sieurs, pour répondre au réquisi-
toire de M. l’Avocat général, que
de le suivre pas à pas ; je ren-
contrerai ainsi l’un après l’autre
« LESENNEMISMÊMES
DELAFRANCEL’ADMIRAIENT »
« Quel changement à la tête des armées. ainsi montré assez
subit et terrible s’est Aucun trait, ni de fai- lâche, assez inconsé-
opéré, dans l’opinion blesse, ni d’adulation, quent pour conspirer
publique, sur le ni de cupidité n’avait en sa faveur...
compte du maréchal fait ombre à sa loyau- Il aurait fait violence à
Ney ! té, à sa franchise mi- son naturel, au point
Jusqu’en mars 1815, litaire. (…) de se transformer en
son nom, illustré par Depuis le mois de un courtisan vénal et
vingt-cinq années de mars 1815, le maréchal dissimulé. Il serait
services éminents et Ney serait tout à coup venu tromper le roi
de brillants exploits, devenu un autre par de fausses dé-
était cher à la patrie. homme. Après avoir, monstrations de zèle,
Les ennemis mêmes l’année précédente, à par des protestations
tous les faits qu’il a relevés et de la France admi- Fontainebleau, noti- perfides. Après avoir
appréciés, tous les chiffres qu’il raient en lui le grand fié hautement à Bo- reçu de Sa Majesté
a groupés et commentés. Je capitaine : tous lui naparte qu’il ne lui une forte somme
contesterai avec une extrême accordaient autant de restait d’autre parti à d’argent, le maréchal
énergie toutes ses appréciations, générosité dans les prendre que celui de Ney serait ensuite allé
et je montrerai sans trop de peine sentiments que de l’abdication, le maré- se vendre au plus
que ce gouvernement de chif- bravoure et d’habileté chal Ney se serait offrant... »
fres altère les véritables propor-
tions des choses au point de les
rendre méconnaissables.

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 67

J U S T I C E
JACQUES ISORNI,
AVOCAT DU MARÉCHAL PÉTAIN
« JE VOUS FAIS LE DON
DE MA PERSONNE... »
C
e sera l’un des procès les plus pas-
sionnés de l’immédiat après-guerre.
Jacques Isorni a 34 ans quand il
défend le maréchal Pétain devant la Haute
Cour de justice avec deux autres confrères en
juillet-août 1945. De ces trois avocats, Isorni
reste aujourd’hui considéré comme le plus
émouvant. La lecture de ce manuscrit suffit à
prendre la mesure du talent du jeune avocat :
l’argument est noté d’une écriture ample et
très lisible et l’homme fait ensuite confiance à
une grande et belle éloquence, très ronde,
mais qui ne suffira pas à empêcher le verdict
de condamnation à la peine de mort. Une
condamnation suivie d’une demande de grâce
émise par la Haute Cour de justice elle-même
et accordée par le général de Gaulle, chef du
gouvernement provisoire, qui va commuer
68 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
Me Isorni
a 34 ans quand
il accepte de
défendre Pétain
devant la
Haute Cour.
RUE DES ARCHIVES/AGIP
la peine en détention à perpétuité. Philippe
Pétain est incarcéré à la Citadelle de l’île d’Yeu.
Il meurt le 23 juillet 1951 et au regard de la
postérité, Isorni reste celui qui a tenté de réha-
biliter la mémoire du Maréchal. Rarement
un avocat aura été autant identifié à son client,
au point que la carrière de Jacques Isorni,
extraordinaire avocat, en restera éternelle-
ment marquée. Paraphrasant le Maréchal,
qui disait dans son discours radiodiffusé du
17 juin 1940 : « Je fais à la France le don de ma per-
sonne pour atténuer son malheur », Isorni avait
fait cette déclaration à Pétain : « Monsieur le
Maréchal, je vous fais le don de ma personne... »
■ D. R.
« UN MARÉCHAL DE FRANCE
POUVAIT SEUL SUPPORTER
DE TELLES CONCESSIONS,
LES OFFRIR EN SACRIFICE »
Extraits de la plaidoirie prononcée par
Me Isorni à l’audience du 14 août 1945 :
« Au seuil de mes explications, je voudrais
vous livrer non pas une conception mais
l’idée qui sans doute a présidé à la politique
du Maréchal pendant quatre années.
La politique du Maréchal était la suivante :
sauvegarder, défendre, acquérir des avanta-
ges matériels mais souvent au prix de
concessions morales. La Résistance a eu
une conception contraire : elle ne cherchait
point à éviter les sacrifices immédiats. Dans
la continuation du combat, elle voyait, d’abord,
des avantages moraux. Peut-être trouve-
rez-vous, dans l’antinomie de ces deux thè-
ses, une raison du drame français auquel
je reviendrai tout à l’heure.
Mais, la vie des Etats n’est pas la vie des in-
dividus. S’il est grave qu’un individu acquière
des avantages matériels ou défende ces avan-
tages matériels au prix de concessions mo-
rales, dans la vie de l’Etat, il en va autrement.
Les concessions morales qui étaient sus-
ceptibles de porter atteinte à l’honneur du
chef, c’était le chef seul qui les supportait.
Mais les avantages matériels, ils étaient pour
qui ? Ils étaient pour le peuple français.
On nous dit : « Peut-être aurait-il mieux valu
que ce ne fût pas un maréchal de France. »
Messieurs, il fallait justement que ce fût un
maréchal de France qui pouvait seul suppor-
ter de telles concessions, les offrir en sacri-
fice, alors que les avantages étaient pour les
Français, qu’eux seuls en bénéficiaient.
Et puis, Messieurs, la deuxième notion, je
voudrais l’emprunter à un dialogue qui s’était
institué à cette barre entre M. le procureur
général et M. Léon Blum. M. Léon Blum, in-
voquant le serment, pensait que la magistra-
ture aurait dû le refuser. Et M. le procureur
général s’écriait : « Mais que serait-il arrivé
si les magistrats français avaient refusé de
prêter serment ? »
Et c’est encore M. le procureur général qui ap-
portait lui-même la réponse dans son réqui-
sitoire, lorsqu’il disait : « Mais la magistrature,
à laquelle je rends hommage, a sauvé des
quantités de vies françaises. » C’est exact.
Messieurs, le procureur général est orfèvre...
(…) Si vous vous adressiez à tous les chefs
d’administrations, à tous ceux qui sont à la
tête de corps constitués, ils vous diraient la
même chose : « Nous avons sauvé ce que
nous avons pu sauver dans le domaine qui
était le nôtre. »
 ÎTRE
A
PAR
T DE
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VIE PRÉPARER
SA SUCCESSION

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New York, au cœur de

Manhattan, le loft avec terrasse
de la famille St John, une offre
d’échange à retrouver sur le site
de luxe Homeexchangegold.com.

D
QUITTER LES HABITS DU TOURISTE, VIVRE LA VIE D’UN AUTRE, VOILÀ LA MOTIVATION PRE
epuis vingt-cinq
ans, une espèce
de gentils « cou-
cous » venus
d’Amérique du
Nord essaime ses
colonies autour
du monde, tro-
quant ses nids au fil des migrations. Ces
« échangeurs » de maisons ont choisi de quit-
ter la peau du touriste classique pour endos-
ser les habits confortables de l’habitant, s’im-
merger sans délai dans sa vie, au cœur de
son quotidien. Bien plus qu’une énième ten-
tative de concevoir le voyage autrement,
l’échange de maisons répond à une philoso-
phie. « C’est une pratique qui s’harmonise à mon
PHOTOS : ROGER DAVIES LE FIGARO MAGAZINE

goût de me rêver dans d’autres peaux, insiste

Martin Rubio, co-auteur avec Pascale Senk
d’un livre référence sur le sujet *. Elle est
conforme également à mon besoin d’échapper à
la condition de touriste et au regard parfois
condescendant qu’il porte sur le pays visité. »
Vivre la vie d’un autre, voilà l’argument mo-
teur de tout échangeur. Pascale Senk, une •••

72 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 En 2006, Pascale Senk découvre cette maison d’architecte à Puerto Vallarta, au Mexique, face au
Pacifique, qu’elle a échangée contre son appartement parisien. Un vrai coup de cœur !

LaFranceaussiestplébiscitée
Pascale Senk, auteur avec tement parisien de 100 m2
Martin Rubio d’un livre sur place des Ternes (photo au
cette pratique, est une conver- centre), que Pascale laisse à
tie depuis seize ans. Que ce ses hôtes en échange, ren-
soit pour une villa luxueuse contre lui aussi un franc suc-
avec piscine comme celle du cès. Les échangeurs améri-
Mexique (photo ci-dessus), cains notamment sont friands
ou pour une bâtisse plus na- de la vie de quartier, et peu
ture – une maison québécoise leur importe l’espace, dont ils
tout de bois vêtue (photo ci- ne manquent pas toute l’an-
dessous) –, le plaisir reste en- née. Au contraire, le charme de
tier, celui de se sentir citoyen l’intime est recherché, et la
plus que touriste, installé au France dans son ensemble est
cœur de la vie locale. L’appar- plébiscitée.

Comme tous
les
échangeurs,
Pascale
nourrit une
affection
pour

MIÈRE DE TOUT « ÉCHANGEUR »

l’Amérique
du Nord, en
particulier
celle de nos
Ce loft, que David, cousins
Robert (et leur chien canadiens,
Elmo) échangent précurseurs
régulièrement, dans
est situé au cœur du l’échange de
New York bohème, maisons.
entre Chelsea Ici, une
et Greenwich. demeure
typique du
Québec dans
la baie
d’Hudson,
aux confins
de plusieurs
provinces,
dont le
Québec et
l’Ontario.
PHOTOS : PASCALE SENK

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 73

 É V A S I O N
ÉCHANGER SA MAISON

ÉCHANGER SA MAISON, UNE FORME

DE MONDIALISATION POSITIVE
••• routarde de l’échange – elle a initié Mar- Les échanges de
tin – le confirme : « Cela va encore plus loin : on haut standing
devient citoyen du monde. On a la sensation de séduisent de plus
se sentir partout chez soi, d’appartenir à un ré- en plus. C’est la
PHOTOS : ADITI NIRANJAN PHOTOGRAPHY

seau. A chaque fois, c’est une nouvelle rencontre, vocation du site

une aventure, un petit frisson qui monte le jour J.
Que va-t-on découvrir sur place, qui va-t-on de-
venir ? »
Pour Hélène Mathieu, troquer son loft
parisien à la Bastille lui a permis de re-
trouver les émotions ressenties en exer-
çant son métier de journaliste. « Je deviens
quelqu’un d’autre, je conduis la voiture du
propriétaire de ma nouvelle maison, je par-
tage ses adresses, je fréquente ses voisins,
j’écoute ses disques et lis ses livres... J’ai vécu
une expérience formidable à Berkeley, en Ca-
lifornie, en immersion totale chez un couple
qui vivait 100 % bio. On a biné le jardin pota-
ger, fait du compost, acheté notre nourriture
dans leurs boutiques spécialisées... »
Echanger son home sweet home n’a rien
d’anodin. C’est presque un acte de résis-
tance, voire carrément une forme raffinée
de mondialisation positive. Un échange,
ça se travaille, se prépare et se partage ; ça
se vit avant et ça se prolonge après. Dès le
retour des vacances parfois, les plus en-
ragés se replongent dans les sites spéciali-
sés pour préparer le prochain périple. « Ce
Homeexchangegold.com
que de mettre en
relation des
propriétaires fortunés,
comme ceux de cette
maison javanaise
à Bali.
n’est pas une corvée, c’est un délice, une façon
d’être encore ailleurs », raconte Marion Las-
serre, propriétaire d’un joli pigeonnier
dans la Drôme. Son premier véritable
échange avec des inconnus (elle avait tenté
l’aventure avec des amis parisiens), elle
l’organise pour une occasion spéciale : le
mariage de sa sœur à Montréal. « Pour lo-
ger ma famille – nous avons trois enfants –
la formule paraissait idéale, d’autant que ma
dernière était un nourrisson à l’époque. Nous
nous sommes retrouvés dans une belle maison
avec piscine et une salle de jeux au sous-sol qui
a fait le bonheur de mes aînés. » Sa mère, Ma-
rie-Claude, 72 ans, a partagé cette première
expérience : « Les parents de mon gendre sont
de fervents adeptes, comme nombre de Cana-
diens et d’Américains. Lorsqu’ils sont venus en
France, avant le mariage, j’ai été frappée par la
délicatesse avec laquelle ils se comportaient
dans une maison assez modeste, alors qu’ils
laissaient en échange une très jolie demeure à
Montréal. Ce respect mutuel pour la propriété
des autres, qui n’existe pas en location, a fini de
me convaincre. » Aujourd’hui, Marie-Claude
passe plusieurs mois par an outre-Atlanti-
que, en échangeant ses appartements de
Lyon et d’Antibes.
S’il vaut mieux s’y prendre six mois à
l’avance pour organiser un lointain voyage,
il n’est jamais trop tard, pour peu que l’on
reste ouvert à l’inattendu. « Avec mon com-
pagnon, nous nous sommes retrouvés à Vigo,
en Galice (Espagne), un lieu délicieux où je
n’aurais jamais eu l’idée de mettre les pieds,
s’amuse Hélène. L’échange a donc motivé le

74 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 Le manoir de
Caroline Newman,
construit en 1850
dans le village so
british de Rugby,
n’est qu’à une heure
de Londres.
Il dispose de
6 chambres,
d’un golf privatif de
9 trous et,
pour les enfants,
d’un trampoline.

choix de la destination, et au bout du compte, ville comme Paris ou d’un village du cœur de
c’était magique ! » C’est aussi cela le prin- la France. »
cipe, saisir au vol l’opportunité qui passe, Si la gratuité du gîte est une motivation
attendre l’inattendu. Lilli Engle, directrice réelle, elle n’est pas essentielle. « Certes,
du site Homelink France, approuve : « La cela permet des extras, raconte Mireille
destination est presque secondaire. La culture Neyens. Il y a deux ans, dans le Colorado,
de l’échange, c’est d’être prêt à aller n’importe mon mari en a profité pour survoler le Grand
où, d’accueillir la surprise. Toutes les valeurs Canyon en hélicoptère, et moi, pour l’épouser
qui reviennent en force – la fraternité, la so- à Las Vegas ! A sa grande surprise, et celle
lidarité, le respect des différences – sont conte- encore plus grande de nos enfants... Mais l’ab-
SAMIR HUSSEIN/SIPA

nues dans cette expérience. C’est pourquoi il
faut se méfier des sites d’échanges communau-
taires, qu’ils soient religieux ou sociaux. »
Ainsi, pour son premier échange, Martin
Rubio n’a pas eu le choix : ce fut la Suède.
« Sur place, nous avons découvert une maison
fabuleuse – le propriétaire était architecte –
avec des puits de lumière, un jardin extraordi-
naire, une chambre pleine de jouets pour mes
jumeaux, un mur d’escalade, un trampoline...
Une expérience initiatique ! »
Comme en amour, la première fois a tout
de la révélation, et les échangeurs en par-
lent unanimement avec ferveur. Pascale a
roulé sa bosse, atterrissant parfois dans
de véritables paradis, une maison superbe
à Hawaï derrière une plage idyllique, une
autre, immense, en Floride, une maison-
nette du quartier antillais de Londres...
Mais elle garde une tendresse particulière
pour sa première fois, au Mexique, dans
une belle demeure face à la pointe du Pa-
cifique. « On avait l’impression d’être dans La
Nuit de l’iguane ! Je me suis sentie mal à
l’aise, au regard du 100 mètres carrés que je
laissais place des Ternes, à Paris. Mais en fait,
la propriétaire, une Américaine, a été embal-
lée. Elle me parle encore de mon fromager et de
mon marché ! C’est cela qui est intéressant,
nous n’avons pas les mêmes critères d’un pays
à l’autre. Pour nous, le luxe c’est l’espace,
quand ailleurs, ce sera le charme intime d’une
sence d’acte marchand a surtout l’avantage
de simplifier les rapports humains. On est dans
la réciprocité, le respect de l’autre. En revan-
che, je tiens à payer ma cotisation à un site
payant, sur lequel je sais avoir affaire à des par-
tenaires motivés et décidés. »
En outre, l’échange favorise les déplace-
ments en famille, avec des enfants très jeu-
nes parfois, et ce paramètre emporte sou-
vent la décision du passage à l’acte. Cette
liberté de partir en nombre concerne aussi
les copains. C’est ainsi que Marion et son
mari, un couple d’amis et leurs familles
respectives ont pu échanger leurs deux
maisons drômoises contre un château en
Ecosse, sur dix hectares de terres et un
jardin à la française, avec gouvernante, jar-
dinier et tout le tralala... « Mais je garde •••

Letempsvenudela« ré-alliance »... voyage entre pairs, sans acte mar-

Pour la sociologue experte des
marques, Françoise Bonnal, qui
depuis quarante ans étudie nos
comportements de consomma-
teurs, l’échange de maison sym-
bolise en partie ce qu’elle nomme
dans son livre la ré-alliance *. « Un
nouveau rapport de l’individu au
collectif qui se traduit par un besoin
de lien à l’autre, de retour à l’essen-
tiel, de participation. Tous les mo-
dèles inventés après-guerre nous
ont conduits à la libération du moi
d’abord. Nous sommes arrivés au
bout d’une impasse, celle de l’hy-
per-individu. La ré-alliance signifie
le passage du moi-je au moi-nous.
Il prend acte de l’interdépendance
– il n’est qu’un maillon – et se pose
la question de son utilité. »
L’échange de maisons est à ce titre
emblématique : on pratique le
chand, sans médiateur – ni agence
de voyage ni tour-opérateur –, avec
les mêmes outils (internet essen-
tiellement). Et surtout, on le fait
ensemble, entre partenaires égaux
en droits et en devoirs, co-auteurs
de leurs voyages respectifs. « C’est
aussi ça le moi-nous : je n’attends
pas l’aide des autres, je fais, j’es-
saie, j’invente. Sur place, je suis
curieux de l’autre, empathique, tan-
dis que cet autre vit ma vie, chez
moi. »
Laisser sa maison à des étrangers,
dévoiler son intimité, ses goûts à
travers son foyer, n’est pas un pro-
blème pour qui a franchi le seuil
de la ré-alliance. « La maison n’est
plus cette forteresse familiale, ni ce
signe extérieur de richesse emblé-
matique du moi-je. Dans la ré-al-
liance, la maison, c’est le lieu de
l’intime mais aussi de l’ouverture,
grâce à internet notamment. »
* La Ré-alliance. Il y a une suite à notre société indi-
vidualiste, parFrançoiseBonnal,EditionsPayot,272 p.,
20 ¤.

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 75

 É V A S I O N
ÉCHANGER SA MAISON

LA RÉCIPROCITÉ A
VALEUR DE GARANTIE
••• aussi de grands et beaux souvenirs de lieux
plus humbles, comme une petite maison de pê-
cheur que nous avons occupée sur la Loire à

PHOTOS : KALLAN MACLEOD

côté du château d’Amboise... »
Parmi les arguments opposés par les ré-
fractaires à l’échange, il y a cette crainte
de laisser son chez-soi, son intimité – pis,
son lit ! – à des étrangers. Mais comme le
souligne sagement Renée Neyens, la mère
de Mireille, vingt ans de pratique et qua-
rante échanges à son actif, « il est bien pire
selon moi de dormir dans une chambre d’hô-
tel ou sur un lit d’hôpital ! J’y trouve à l’in-
verse l’avantage d’avoir quelqu’un à demeure
qui s’occupe des plantes et surveille la mai-
son, cela me rassure. Et je ne mets rien sous
clés. » La peur de la casse, ou du vol, re-
vient aussi souvent. Mais les problèmes
vont rarement au-delà du bibelot brisé ou
d’une machine en berne, remboursés ou
remplacés. Nous sommes chez eux, ils sont
Le troc de maisons se pratique sur tous les continents : ici, une demeure néo-zélandaise située dans la
banlieue chic d’Auckland, pour couler des jours heureux au bord d’une piscine de milliardaire.
chez nous, cette réciprocité a valeur de ga-
rantie, de règlement tacite. Car il existe un
petit quelque chose de clanique, de soudé
et d’amical entre les échangeurs. « C’est
vrai, admet Martin Rubio, on se retrouve
un peu entre initiés. Mais des initiés qui ne
demandent qu’à ouvrir davantage leur cœur
et leur porte. » ■ FLORENCE HALIMI
* Echanger sa maison. Le nouvel esprit du voyage, Editions des
Equateurs, 240 p., 18 ¤.

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Comment s’y prendre ?
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psychologie particulière de Etre honnête. Tout au long de hôtes est aussi appréciable.
l’échangeur. Il guide pas à pas le votre correspondance avec votre Parler l’anglais. Cela vaut mieux !
postulant, l’aide à lever ses partenaire, notamment dans la Mais pas indispensable si vous
barrières morales et mentales tout description de votre maison. Ne vous faites aider dans les
en lui offrant les outils précis pour mettez pas en ligne une photo échanges d’e-mails. On arrive
passer à l’acte. En quelques mots, de la tour Eiffel si vous habitez en toujours à se faire comprendre.
il lui donne toutes les bonnes banlieue parisienne !
raisons de le faire, à commencer Tout ranger. Ménage nickel chrome Locataire ?
par l’envie. et placards vidés en suffisance Pas de problème, vous êtes libre
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spécialisés. explications concernant son correction. F. H.

76 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

La Grandeur absolue

Isolé sur une péninsule privée de 30 hectares, le Grand Resort

Lagonissi est baigné par les eaux turquoises et cristallines de la
mer Egée - un emplacement unique et exclusif, à l’image de ce
prestigieux resort, membre des Leading Hotels of the World.

Sept niveaux d’hébergement, allant des chambres et suites du

bâtiment principal jusqu’aux bungalows, suites et villas, qui
s’étendent sur le front de mer et disposent pour la plupart d’une
piscine privée et d’un espace gym.
Qu’ils y accèdent en voiture avec chauffeur, en hélicoptère ou
en jet privé, les invités sont accueillis dans un cadre naturel
idyllique, à proximité des plus beaux trésors culturels de Grèce.

Lieu de retraite favori des jets setters, la presqu’île privée

compte 15 restaurants et bars à l’atmosphère cosmopolite et
raffinée, procurant une expérience culinaire d’exception.
Le centre Thalaspa Chenot offre de nombreuses possibilités pour
accéder au bien-être et à la relaxation, et le resort propose un
large choix d’activités avec notamment sports nautiques, courts
de tennis, volleyball, voile et plongé sous-marine.

Le Grand Resort Lagonissi, une échappatoire paradisiaque, un service personnalisé et une attention portée
aux moindres détails.

40th km. Athens-Sounio Ave., 190 10 Lagonissi, Athens, Greece

Tel. +30 22910 76000 Fax +30 22910 24534 e-mail: grandresort@grandresort.gr www.grandresort.gr
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malgaches, d’empreintes Gstaad, une station « bling-
chinoises et de senteurs bling » ? Certes, le fleuron
indiennes, l’île de La Réunion suisse des stations alpines
est aussi le royaume de la a ses fidèles parmi les stars,
vanille, du curcuma, des baies mais elle sait également se
roses, du vétiver et de bien mettre à portée du commun
C.RIVIERE

d’autres épices et plantes que des mortels. Pour preuve, outre

l’on retrouve, cuisinés à toutes ses nombreux hôtels offrant
les sauces, dans les plats
locaux. Pour découvrir ces
trésors, Passion des îles
Le voyage d’exception la gratuité aux enfants, elle
confirme son positionnement

des 20 ans d’Orients

de destination de cyclotourisme
by Tourinter propose un avec près de 150 km de pistes
itinéraire sur la route des adaptées à tous les niveaux
villages créoles qui sillonne 01.40.51.10.40 Les créateurs d’Orients ont conçu un itinéraire (cinquante itinéraires, dont
quelques-uns des plus beaux www.orients.com cousu main sur ces routes de la soie qu’ils sil- onze « parcours santé faciles
sites de l’île : le cirque de lonnent avec passion depuis vingt ans. D’Istan- en VTT ») et le lancement de
Salazie, le village classé de bul à Pékin, les vingt plus beaux sites d’Asie et du Moyen-Orient se- la certification « Bike Hotel »,
Hell-Bourg, le Sud sauvage, ront les étapes de cet itinéraire hors du commun à vivre dans les décernée aux établissements
le volcan du piton de la meilleures conditions de confort. Tenté ? Voici un extrait de votre car- de la région offrant un service
net de route. Premières émotions à Istanbul avec la visite de la basi- tourné vers les passionnés
lique Sainte-Sophie, de la mosquée Bleue et des palais des sultans. Puis,
ERIC MARTIN/FIG MAG

cap sur la Jordanie où Pétra, perle nabatéenne, se révèle, figée dans le

grès rose pour l’éternité. A Jerash, vous admirerez les ruines gréco-
romaines. A Damas, la grande mosquée des Omeyyades, avant d’al-

GSTAAD SAANENLAND TOURISMUS

Fournaise, le village de l’Entre- ler goûter l’oasis de Palmyre au couchant. Après Chiraz, Persépolis,
Deux, célèbre pour ses Pasargades et Ispahan, vous découvrirez Tachkent en Ouzbékistan,
tisaniers, experts en plantes, explorerez sa vieille ville, avant d’atteindre Samarkand, au carrefour
etc. Une randonnée à cheval des grandes routes caravanières venant de Chine, d’Inde et de Sibé-
à la découverte de l’histoire rie. Après Boukhara, l’étape chinoise de ce voyage débutera à
des planteurs de géraniums Urumqi pour une visite de son incroyable musée ethnographique. Près
et quelques rendez-vous de Kuqa, vous visiterez les grottes aux Mille Bouddhas de Kizil, étape de cyclisme. Dix hôtels
savoureux autour de tables clé sur la route de la soie. Place à l’oasis de Kachgar et son fameux ba- répondent aux critères de cette
d’hôtes sélectionnées tout zar, l’un des plus réputés d’Asie centrale. A Dunhuang, vous pénétre- certification, offrant à leurs
spécialement complètent rez dans le sanctuaire de Mogao, dont les grottes abritent des milliers hôtes un local à vélos fermant
l’inventaire des bonheurs à clé, un service de réparation
de sculptures et de fresques. Xi’an exhibera sa célèbre armée grandeur
à vivre de ce périple à prix et de location, des outils et un
doux avec ses hébergements nature de cavaliers en terre cuite, puis sa « forêt de stèles », véritable
bibliothèque sur pierre. Votre périple prendra fin dans le berceau de nécessaire de nettoyage à
en maisons d’hôtes. disposition, une blanchisserie,
« La Route des villages créoles », autotour de la civilisation chinoise à Pékin, l’effervescente... Un rêve, sur les traces
la mise à disposition
8 jours/7 nuits : à partir de 415 ¤ par personne des grands voyageurs et des caravanes d’antan. de matériel cartographique
base double en chambres d’hôtes et demi- Départ unique le 17 octobre pour 26 jours : à partir de 7 470 ¤ par personne en hôtels 3 à 5 étoiles. et de forfaits spécifiques, ainsi
pension. Exemple de tarif pour les vols : à par- Prix au départ de Paris en classe Affaires. qu’un personnel compétent
tir de 1 379 ¤ (jusqu’au 23 août). en matière de cyclisme dans
la région. Parmi ces
liberté, ainsi qu’une sélection établissements, le Z’Loft Hotel
Quand Asia de plus de 70 excursions pour (00.41.33.744.69.69 ;
TANYA LAKE/PANOS-REA

rencontre l’Australie... tous les goûts et à tous les prix. www.zloft.ch), un hôtel
Asia : 01.44.41.50.10 On aime les séjours originaux 3 étoiles qui propose tout au
www.asia.fr en pleine nature. Un exemple long de l’été un Bike forfait
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la brochure « Australie » d’Asia, hors-piste, avec cet autotour le tout via le Ningaloo Reef, comprenant une randonnée
élue meilleure brochure de qui relie Perth à Broome par équivalent occidental de la guidée à vélo quotidienne
l’année par Tourism Australia, la côte. Durant ce voyage, vous Grande Barrière de corail, avec à la découverte des paysages
décline sur 102 pages plus pourrez nager avec les dauphins, 2 nuits au Karijini Eco Retreat, vallonnés de la station. Le tout
de 50 hôtels et adresses vivre une expérience inoubliable créé par une association pour 254 ¤ par personne
de charme, 6 grands circuits, dans le Parc national de Kalbarri de communautés aborigènes la nuit en chambre double avec
plus de 60 itinéraires dont la – qui abrite plus de dans l’un des plus grands parcs petit déjeuner, dîner, paniers
moitié en autotours pour vivre 800 espèces de fleurs, des nationaux de l’Ouest. énergétiques (barres et
l’Australie, la Nouvelle-Zélande, gorges et des falaises en « De Perth à Broome, sur la route du corail » : boissons) et accès au spa de
la Nouvelle-Calédonie en toute surplomb d’une mer turquoise –, 11 jours/10 nuits, à partir de 1 105 ¤ par personne. l’hôtel.

78 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ PAGE COORDONNÉE PAR BÉNÉDICTE MENU

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En plein essor,
le Poche représente
15 % du chiffre d’affaires
de la librairie
Contretemps (Paris VIIe),
selon son directeur,
Plein les po
Xavier de Marchis.
C’est le secteur de l’édition qui
résiste le mieux à la crise. Mais
comment fonctionne l’écono-
mie du livre de poche ? Notre
enquête et notre sélection des
indispensables de l’été.
PAR LAUREN MALKA (ENQUÊTE)
ET LE SERVICE CULTURE
80 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
I
ls se glissent dans les poches ar-
rière de nos pantalons, circulent
dans les familles ; on les grif-
fonne, on corne leurs pages, on les
martyrise. Les livres au format po-
che sont devenus des objets si ba-
nals qu’on ignore tout des conditions de
leur production, considérant qu’ils sont de
simples réimpressions de la version d’ori-
gine, moins encombrants et moins coûteux.
Imagine-t-on que ces produits de consom-
mation exigent l’intervention d’éditeurs à
part entière ?
Certes, le livre de poche ne peut bénéficier
de la même aura intellectuelle que le format
traditionnel. Dominé par cinq groupes qui
se partagent 82 % du marché – Hachette Li-
vre, Editis, Gallimard, Flammarion et La
Martinière –, ce secteur s’apparente à un
marché de masse ou d’acquisition de
droits. Même pour l’éditeur de Proust, les
livres « petit format » vendus entre 2 et
10 euros, contre une moyenne de 18 euros
pour le grand format, répondent à une lo-
gique plus industrielle que le reste de la
maison. « Notre collection poche s’adresse au

La vie
en noir
WALLFLOWER,
de William Bayer.
D’abord,
Bayer vous
agrippe par
l’écriture
pour vous
précipiter
dans une trame
classique : la quête du
lieutenant Janek pour
retrouver l’assassin de
sa filleule étudiante.
Ensuite, il vous
renverse en basculant
la perspective côté
meurtrier, révélant
l’une des plus
brillantes psychés
manipulatrices dont
ait accouché le genre.
Enfin, il vous projette
au milieu d’un duel
d’intelligences
SANDRINE ROUDEIX/LE FIGARO MAGAZINE
de haute volée,
l’une policière, l’autre
modelée par une
jeunesse américaine
ches!
cauchemardesque.
La combinaison
littéraire fait mouche,
à la fin de l’envoi,
l’amateur le plus
exigeant se couche...
ALEXIS BROCAS
Rivages/Noir, 400 p., 9,50 ¤.
LA LIGNE DE SANG,
de Doa.
A Lyon, un
accident de
moto envoie
un certain
Paul Grieux
PHOTOS : D. R.
grand public, explique Louis Chevaillier, dans le
responsable éditorial de Folio chez Galli- coma. Un
mard, et doit être rentable. » Un objectif qui
a le mérite d’être atteint puisque au premier
trimestre 2010, en pleine crise économique Le fonctionnement de cette activité édito-
(ceci expliquant sans doute cela), seul le riale est peu connu. A commencer par le
chiffre d’affaires des livres de poche pro- choix des publications. De façon générale, les
gresse : + 6 % pour Le Livre de Poche en directeurs de collection tiennent compte, en-
2009, + 7 % pour Univers Poche, + 8 % chez tre autres, des ventes déjà opérées et de la
Folio et encore + 9,4 % chez J’ai Lu. Les li- durée de vie du livre. Pour L’Elégance du hé-
vres de poche constituent aujourd’hui le risson, de Muriel Barbery, imprimé à un mil-
quart de la production littéraire et le tiers lion d’exemplaires en grand format, la col-
des exemplaires vendus... lection Folio prend peu de risques en le
quelques pauses de
réflexion. Comme dans
cet inédit, qui confronte
Thomas Pitt, policier
d’élite de la fin du
XIXe siècle, à la disgrâce
fait divers banal ? de son protecteur, au
Certes, mais la terrorisme anarchiste
compagne de Paul a et à une vengeance
mystérieusement ourdie par des
disparu. Les officiers indépendantistes
Marc et Priscille s’en irlandais. Au
inquiètent à raison : programme, espionnage
leurs investigations les en France, exil à Dublin,
confronteront au passé complots londoniens et
tourmenté de Grieux et à fulgurances d’auteur.
sa foi en la magie noire. AL. B.
A la frontière du 10/18, 440 p., 8,60 ¤.
fantastique et du
réalisme policier, ce HIVER ARCTIQUE,
deuxième polar de Doa, d’Arnaldur Indridason.
initialement publié en L’Islande,
2004, installait un ses fjords,
univers poisseux et ses volcans...
développait une intrigue et ses
qui annonçait ses immigrés
succès à venir. Cette thaïs. Ce n’est
nouvelle édition revue pas le moindre des
par l’auteur l’impose mérites d’Indridason
comme un futur que de nous faire
classique. AL. B. découvrir dans chacun
Folio policier, 642 p., 8,20 ¤. de ses polars une facette
méconnue de son pays.
LISSON GROVE, Mêlant comme
d’Anne Perry. toujours une enquête
Anne Perry, policière classiquement
reine du simenonienne
polar (ici, au cœur d’une
victorien ? communauté asiatique
Certes, la difficile à pénétrer)
Britannique à une autre autour
excelle dans d’un dossier jamais
les reconstitutions élucidé et à quelques
historiques, mais c’est drames personnels
plutôt dans ses sagaces ou familiaux vécus par
remarques sur la nature son héros, le
humaine que se révèle commissaire Erlendur,
son talent d’écrivain. l’écrivain islandais ne
Remarques qui déçoit pas. Mieux :
ponctuent ses récits, il enchante.
offrant au lecteur JEAN-CHRISTOPHE BUISSON
emporté par l’action Points, 404 p., 7,50 ¤.
rééditant à 450 000 exemplaires. En revan-
che, un ouvrage politique comme Abus de
pouvoir, de François Bayrou, malgré ses bel-
les ventes, sera trop lié à l’actualité pour faire
l’objet d’une réédition en petit format. Les
hommes politiques doivent faire preuve de
plus d’imagination, et rédiger, par exemple,
un ouvrage historique pour espérer intéres-
ser les éditeurs de livres de poche. Ce fut •••
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 81
 É D I T I O N

En français Jeunesse

GOUHIER-NEBINGER/ABACAPRESS.COM
dans le texte TES SEINS TOMBENT,
de Susie Morgenstern.
Que font une
LES GENS, mystérieux secrets et l’on grand-mère
de Philippe Labro. semble entendre les littéraire et
C’est un complaintes des CHER AMOUR, soixante-
roman choral, disparus... Un roman à de Bernard Giraudeau. huitarde et sa
ambitieux, où l’atmosphère prenante, Il l’aime, il la désire, il l’attend mais il ne petite-fille
les trois couronné d’un formidable la connaît pas. Alors il lui écrit. Des pe- de 13 ans cohabitant dans
personnages, succès en librairie. Ce qui tits mots d’amour extraits d’expérien- la même chambre ?
tous marqués n’était que justice. I. C. ces personnelles ou non, réelles ou ima- Elles apprennent à se
par la solitude et l’absence J’ai Lu, 539 p., 8 ¤. ginaires, belles ou tragiques, exotiques connaître. Susie
d’amour, vont finir par se ou intimes. Ecrivain de marine, Bernard Giraudeau Morgenstern dépeint le
croiser. Maria, orpheline LÀ OÙ LES TIGRES goûte aux grands espaces et trempe volontiers sa choc de deux générations
vivant aux Etats-Unis, SONT CHEZ EUX, plume dans les océans lointains. Mais il sait aussi se avec humour et justesse.
Marcus Marcus, un de Jean-Marie Blas de faire l’écho des houles sentimentales les plus profon- Dialogues savoureux et
odieux présentateur de Roblès. dément enfouies. Dans les deux cas, son verbe en- pensées affectueuses. Le
télévision, et Caroline, A ce stade, chante, serre le cœur, réjouit ou console le lecteur qui long monologue de cette
une Parisienne à la vie on ne parle capte ses émotions comme on attrape une bouteille mamie plus rebelle que
sentimentale compliquée. plus de jetée à la mer. J.-CH. B. gâteau est un pur
Labro décrit au scalpel le roman Points, 305 p., 7 ¤. moment de rock and roll
monde des médias dont il choral mais et donne furieusement
connaît vices et dérives. d’opéra ! envie d’aller embrasser sa
Son œil est infaillible. Et Avec ce L’AMI DE JEUNESSE, LES PIEDS grand-mère.
c’est en habile sondeur roman étourdissant, prix d’Antoine Sénanque. DANS L’EAU, MARIE ROGATIEN
des âmes qu’il compose Médicis en 2008, on Il avait reçu de Benoît Duteurtre. Actes Sud Junior, 85 p., 7,80 ¤.
cette magistrale comédie découvrait un immense le prix C’est un roman aux
humaine du XXIe siècle. écrivain, véritable Découverte couleurs pastel un peu LE MESSAGER
ISABELLE COURTY coureur de fond, en ces Le Figaro délavées. Duteurtre, avec DE WAKONDA,
Folio, 416 p., 6,60 ¤. temps de sprinteurs Magazine- sa voix charmante, Dreamseeker t. 1,
systématiques. L’auteur, Fouquet’s raconte son enfance à de Jenny Oldfield
LES DÉFERLANTES, en près de mille pages, et l’avait côté des falaises d’Etretat, Sioux et
de Claudie Gallay. fait se croiser et bien mérité. Avec ce dans l’ombre de René Comanches
Le style de s’entrechoquer plusieurs roman souvent Coty, son arrière-grand- s’affrontent
Claudie voix au cœur du Brésil, désopilant, comme un père. L’enfant devient pour la survie
Gallay est entrecoupées par les tableau volontairement jeune de leurs
âpre, concis et exploits du savant jésuite peu réaliste de la crise de homme et peuples dans la nouvelle
d’une grande un peu cinglé Athanase la quarantaine, Antoine s’installe peu trilogie de Jenny Oldfield.
puissance. A Kircher. Le récit est Sénanque frappait très à peu dans la On chevauche dans les
l’image de cette terre magistral, le style, d’une fort. Evoquant Aymé, vie, puis plaines sauvages en
hostile à la pointe du élégance épatante. Entre Blondin, Perret ou dans la ville. compagnie d’Okawane,
Cotentin où la narratrice Potocki et Borges, Roblès Sautet, l’écrivain ravivait Une époque jeune guerrier choisi par
s’est réfugiée après la signe là l’un des rares une tradition oubliée : un disparaît, un monde le grand esprit Wakonda
mort d’un être cher. Ici, la authentiques chefs- livre sobre, drôle, léger s’éloigne, qu’il évoque pour dérober un diamant
mer grignote la terre à d’œuvre de ces dernières mais profondément vrai, avec beaucoup de enfoui en territoire
coups de tempêtes et de années. sans le moindre effet de tendresse et pas mal ennemi. A lire entre deux
marées, les vivants NICOLAS UNGEMUTH manche. N. U. d’humour... N. U. DVD de Winnetou. M. R.
dissimulent de J’ai Lu, 892 p., 10,40 ¤. Le Livre de Poche, 283 p., 6,50 ¤. Folio, 251 p., 6,10 ¤. Zulma Jeunesse, 160 p., 5,50 ¤.

Les éditeurs se fixent en moyenne un délai d’un an et

••• d’ailleurs le cas du même Bayrou avec une
biographie d’Henri IV, le roi libre (J’ai Lu) ou
encore de Philippe Seguin avec Louis Napo-
léon le Grand (Le Livre de Poche).
Pour la date de publication, les éditeurs de
poche fixent un délai moyen d’un an et demi
après la première parution pour la littéra-
ture, réduit à moins de neuf mois pour les es-
sais. Le plus souvent, l’emploi du temps se
cale sur les rituels qui animent le secteur –
anniversaires d’auteurs, commémorations,
mises en avant de tel sujet par l’actualité ou
de tel classique par la prescription scolaire.
En théorie, l’édition du livre de poche sem-
ble ainsi s’orchestrer d’elle-même, suivant
l’effervescence du rythme marketing annuel.
En pratique, c’est plus complexe. « Et heureu-
sement, ou le métier serait d’un ennui mortel ! »,
confie Emmanuelle Vial, directrice de Points
Seuil, qui célèbre les quarante ans de sa mai-
son cette année. Car, malgré l’importance
des indicateurs commerciaux et budgétaires,
les prises de risque éditoriales se révèlent de
plus en plus fréquentes dans ce secteur.

82 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 LA RÉVOLUTION
Essais MEXICAINE,
de Jean Meyer.
transformés ! De 1910 à
1940, le
Mexique fut
CETTE FRANCE devoirs : avoir du respect secoué par la
QU’ON OUBLIE et de la fierté d’être né guerre civile.
D’AIMER, dans ce pays dont la Si la légende a
d’Andreï Makine. langue, l’histoire, les popularisé les figures de
De même qu’il écrivains et les morts Zapata et Pancho Villa,
faut quitter méritent un hommage on connaît moins
son pays pour permanent. Dans cet l’insurrection des
l’apprécier à essai personnel parfois Cristeros, ces paysans qui
PHOTOS : D. R.

sa juste sévère, délicieusement s’étaient levés pour

mesure, il est
parfois préférable de
laisser à des étrangers le
soin d’en parler pour en
réapprendre la beauté.
Installé à Paris mais
Russe jusqu’au bout des
ongles, Andreï Makine,
d’une plume élégante et
racée, nous rappelle à nos Points, 93 p., 5 ¤.
HISTOIRES DE CROISADES,
d’Alessandro Barbero.
barrésien, parfaitement défendre la liberté
réactionnaire, on croise religieuse contre
de Gaulle et Pouchkine et l’anticléricalisme militant
on se promène entre des du pouvoir central. Jean
tombeaux de poilus et des Meyer, historien installé
HLM peuplées d’ados de au Mexique depuis
banlieue décérébrés. C’est quarante ans, avait publié
la France. Comment ne ce livre en 1973. Dans
pas l’aimer ? J.-CH. B. cette réédition, il avertit
que son travail est dépassé
sur certains points. Le
néophyte ne s’en rend pas
compte, passionné qu’il
est par la lecture. J. S.

Le 15 juillet 1099, Jérusalem Tallandier, « Texto », 348 p., 10 ¤.

SELVA/LEEMAGE

tombe aux mains des Francs.

Ils avaient quitté l’Europe trois LE CHOUAN
ans plus tôt, afin de réta- DU TYROL,
blir la liberté pour les de Jean Sévillia.
chrétiens de se rendre en pèleri- La figure
nage dans la Ville Sainte. La pre- d’Andreas
mière croisade (le mot est en réa- Hofer, révélée
lité postérieur) est un acte de foi. au public
Si les musulmans y voient une français par
invasion, l’expédition constitue Jean Sévillia,
la réponse différée à l’expansion en 1991, habite toujours
violente de l’islam, quatre siècles son Tyrol natal. Hofer le
plus tôt, dans le berceau du paysan incarne la révolte
christianisme. En une belle syn- d’un peuple, « au nom
thèse, le médiéviste italien Ales- de Dieu, de l’empereur
sandro Barbero décrit cette for- (d’Autriche) et
midable aventure collective avec de la patrie », contre
le ton juste : ni repentant, ni l’hégémonie
triomphaliste. JEAN SÉVILLIA
napoléonienne, perçue
Flammarion, « Champs Histoire », 124 p., 7 ¤. comme la prolongation
d’une Révolution
française exportée par la
force. Après avoir tenu
demi tête aux Français, le
chouan du Tyrol sera
Pour obtenir ces bons résultats, le livre de finalement fusillé, le
poche ne se contente pas, comme à son ori- 20 février 1810, victime des
gine, d’être pratique et économique. « Il y a tractations matrimoniales
vingt-cinq ans, selon le directeur marketing entre Paris et Vienne.
du groupe Flammarion, Pierre-Jean Doriel, Une épopée méconnue,
on ne publiait en poche que les succès du magnifiquement racontée
grand format. Aujourd’hui, la réflexion édito- ici. PHILIPPE MAXENCE
riale est bien plus présente. » Dans cette ••• Perrin, « Tempus », 276 p., 8,50 ¤.
 É D I T I O N

et meurt doucement
Affaires d’une maladie de cœur,
parce qu’il fait si froid,
étrangères souvent, dans le désert
de l’amour... O. M.
Folio, 272 p., 6,60 ¤.
QUITTER LE MONDE, prendre la mesure
de Douglas Kennedy. du défi qu’il s’est imposé, CHAOS CALME,
Poser sa préparant son paquetage de Sandro Veronesi.
plume sur la de trappeur dans Il ne sort plus

VISUAL PRESS AGENCY

vierge page la précipitation et de sa voiture
de garde l’insouciance des dangers que pour se
d’un cahier qui l’attendent. Avec griller de
neuf est un sens jubilatoire temps en
grisant. de l’autodérision, LA REINE DES LECTRICES, temps une
C’est ce thème qu’a choisi l’auteur fait le récit de cet d’Alan Bennett. cigarette, en bas de l’école
Kennedy pour y faire apprentissage de la vie Lorsque sa majesté Elisabeth II d’Angle- de sa fille. Il a mis son
évoluer Jane, son héroïne sauvage, composant terre, au soir de sa vie, abandonne sa travail entre parenthèses
brisée par la vie et ses avec cette matière brute royale réserve et, d’une certaine façon, et attend désespérément
drames et qui tente avec un chef-d’œuvre ses sujets pour la fréquentation exclu- que la souffrance, le
la dernière des énergies du nature writing. sive des pages d’Ivy Compton Burnett, chagrin l’étreignent.
de recommencer de zéro. RAPHAËL STAINVILLE Thomas Hardy et même Jean Genet, quelque chose Pietro Palladini vient de
Comme d’habitude, Gallmeister, 240 p., 9 ¤. ne tourne plus rond en perfide Albion. perdre Lara, son épouse.
les rebondissements Tel est l’argument de ce ce qui aurait pu n’être qu’une Rupture d’anévrisme.
succèdent aux coups UN BONHEUR aimable fable et qui s’avère peut-être le roman le plus Il était sur la plage au
de théâtre ; comme PARFAIT, subversif du moment. Avec Alan Bennett, l’humour même moment, sauvant
d’habitude, le livre paraît de James Salter. anglais a de beaux jours devant lui. La Couronne, en une inconnue de la
trop court... Mais quel « Il existe revanche... OLIVIER MONY noyade. Absurde. Les
régal ! VALÉRIE LEJEUNE deux sortes de Folio, 128 p., 4 ¤. condoléances glissent sur
Pocket, 704 p., 8,10 ¤. vies (...) : celle sa peau sans le faire
que les gens frémir. Il devrait
INDIAN CREEK, croient que belles, que l’on s’autorise. une vie, donc. Et c’est consulter, mais c’est lui
de Pete Fromm. vous menez, Salter, lui, flirte, avec la tout ? Oui, c’est tout. qui se fait psy. Défilent
Ce n’est pas et l’autre. » perfection. I. C. C’est tout, mais ce n’est sur sa banquette
un livre, c’est En apparence, celle de Points Seuil, 396 p., 7,50 ¤. pas rien, même si ça en proches, collègues,
une bouteille Viri et Nedra est des plus a l’air. C’est La Pluie, anonymes, milliardaires
d’oxygène enviables et des plus LA PLUIE, AVANT avant qu’elle tombe, le plus et nymphomanes pour
mélangée sereines. Un bonheur de QU’ELLE TOMBE, grave des romans de un conseil, une plainte,
à du gaz façade qui, sous la plume de Jonathan Coe. Jonathan Coe, l’un des des doléances. Les
hilarant. Pendant de James Salter, se délite Tante plus beaux. C’est un masques tombent.
sept mois, Pete Fromm, lentement. Rosamond mélo, le chant sourd Sandro Veronesi, digne
jeune étudiant, lâche ses Insidieusement. Rares est morte. et désespéré de ces vies héritier de Beckett, a
copains de beuveries sont les auteurs qui ont Elle laisse pour lesquelles il fut construit là un roman
pour sombrer dans une décrit avec une telle derrière toujours trop tard. transgressif, dérangeant,
longue hibernation au acuité la déliquescence elle un D’image en image, qui oscille entre le
fond d’un trou perdu du couple via la charmant Rosamond déroule sa vaudeville et la
au cœur des Rocheuses. dissolution des cottage, des neveux et vie, parsemée de petites tragicomédie sociale.
Sa mission : surveiller sentiments, l’incidence nièces, le souvenir de épiphanies (le souvenir Absurde, décidément.
des millions d’œufs de sournoise du quotidien, sa mélancolie, un disque d’un enfant, une nuit Magistral, certainement !
saumon. Il s’est décidé l’asphyxie des désirs et de Joseph Canteloube et dans une caravane, des R. S.
sur un coup de tête, sans les échappées, pas si 20 photographies. Toute vacances en Auvergne...), Le Livre de Poche, 535 p., 7,50 ¤.

Certains auteurs vendent moins en poche qu’en édition

••• maison, on a bien remarqué que certains
auteurs, comme François de Closets, se ré-
vèlent moins « vendeurs » dans leur édition
poche qu’en grand format. A l’inverse, des
auteurs de polars comme Preston & Child,
édités chez L’Archipel, obtiennent des chif-
fres remarquablement supérieurs après
leur réédition en petit format.
Pour se distinguer, les éditeurs proposent
des collections innovantes qui dépassent le
simple cadre de la réédition et enrichissent
le fonds éditorial. Chez Points Seuil, on
pense au « Goût des mots », dirigée par
Philippe Delerm chez 10/18, ou à la collec-
tion « Nouvelles voix », avec les jeunes au-
teurs qui ont manqué leur public en pre-
mière édition. Chez Folio, l’équipe de
Louis Chevaillier s’efforce de surprendre en
publiant des auteurs oubliés ou des ouvra-
ges inédits. « Sur les 130 ouvrages que je pu-
blie chaque année, explique ce responsable
éditorial, huit relèvent d’une véritable recher-
che éditoriale. Par exemple, j’ai mis en avant
le livre méconnu de Paul Morand sur Chanel,

84 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

 L’ORANGE
Révisez MÉCANIQUE,
d’Anthony Burgess.
vos classiques ! Quasiment
cinquante
ans après sa
PRÉSENCE surgies des régions de parution

PHOTOS : D. R.
DES MORTS, l’enfance. Ils ont la texture (1962), les
d’Emmanuel Berl. des « marbres », des sales gueules
L’imminence « ombres » ou des de L’Orange mécanique,
d’une « revenants », et ne posent Alex et ses trois
intervention pas moins de problèmes « drougs », n’ont pris
chirurgicale relationnels que les aucune ride, et pas
et la vivants. « Les morts à la seulement grâce à la cure
convalescence fois m’assaillent et me cinématographique que
qui s’ensuit conduisent fuient. » Dans ce va-et- leur fit subir Kubrick.
Emmanuel Berl à vient, nulle paix n’est Cette violence à l’état
s’interroger sur la mort et possible. Reste la chimiquement pur,
le destin mnésique des magnifique tentative désinhibée, décérébrée,
disparus. Ils se nomment d’approche de Berl, qui a quelque chose de
Drieu la Rochelle ou s’applique à circonscrire socialement oraculaire.
Proust, mais prennent les contours de ces Pour composer cette
aussi les traits d’une présences qui s’estompent mélodie du mal, Burgess
gouvernante, d’une ou se dilatent. J.-M. P. a inventé une langue
directrice d’école bossue Gallimard, « L’Imaginaire », 137 p., à base d’argot, de
ou d’une adolescente 6,90 ¤. manouche, de russe.
Idiome à la fois violé
et agressif, qui avait
DR JEKYLL & MR. HYDE, fortement impressionné
de R. L. Stevenson. William S. Burroughs,
Rédigé en trois jours par un Stevenson
pourtant expert en
chroniquement tuberculeux, alité et
survoltage sémantique.
quasi mourant, ce classique de la
« Vraiment tzarrible »,
schizophrénie est la preuve que « le gé-
comme dit Alex. J.-M. P.
nie, c’est d’aller soi-même se placer où l’on
Pavillons poche, 315 p., 8,90 ¤.
voit ce qu’il y a à voir, tout simplement, de réussir à être,
comme n’y étant pas,
devant ce qui est : do-
CELEBRITI
L’excellent
cile jusqu’au fond du
Celebriti, sous-
sang, la pensée à
titré Riches,
l’écoute, le cœur ou-
célèbres et
vert à la vision, sans
antiques,
trouble ni obstacle. »
s’emploie à
RUE DES ARCHIVES/BCA

C’est Armel Guerne,

détruire le mythe du
le traducteur, qui le
progrès. Euripide,
dit, et ce poète sait de
Pétrone, Platon, Juvénal
quoi il parle puisqu’il
sont judicieusement
a aussi traduit Novalis. Raison de plus pour se re-
convoqués afin d’illustrer
plonger dans cette envoûtante fiction sur la réversi-
un propos très clair :
bilité du bien et du mal. JEAN-MARC PARISIS
pour le meilleur ou pour
Phébus, « Libretto », 150 p., 10 ¤.
le pire, les mœurs de ces
époques anciennes
étaient semblables aux
grand format nôtres. Société du
spectacle, foires aux
à l’occasion de la sortie du film. Je pense aussi vanités, paillettes et
à notre dernière édition du Grand Meaulnes Rolex, orgies et happy few,
d’Alain-Fournier, enrichie d’une préface iné- tout était déjà là, entre
dite de Pierre Péju et d’un long portrait de l’au- Athènes et Rome.
teur par son ami Jacques Rivière. » L’objectif PAULIN CÉSARI
demeure le même que celui qu’évoque Em- Les Belles Lettres, 335 p., 13 ¤.
manuelle Vial : « Créer le désir de lire. » Textes réunis par Romain Brethes et
■ LAUREN MALKA Laure de Chantal.
A R T
Avec 780 000 visiteurs,
« Picasso et les maîtres »
a battu un record d’affluence.
Du jamais vu depuis
l’exposition Renoir en 1985.
Les belles couleurs
des grandes expos
Depuis dix-huit mois, les musées parisiens ne désemplissent pas. Pour at-
tirer toujours plus de monde, ils affinent leur statégie et rivalisent d’inven-
tivité. Voici les cinq clés de leur succès.
D. R.
Etat de grâce pour les maîtres
anciens à la Pinacothèque :
avec « L’Age d’or hollandais »,
les seuls noms de Vermeer
et Rembrandt déplacent
des cortèges de visiteurs.
86 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
Le musée d’Orsay
ne se soucie pas des ciels
voilés : la multitude patiente
ici de longues heures
pour l’exposition
« Crime et châtiment ».
D. R.
PAR PAULINE SIMONS
O
n constate un tranfert
des églises au musée, du
pèlerinage au tourisme
culturel, de la passion pour les
grandes figures divines à une
passion pour les grands artistes et
les arts en général », souligne
l’historien Marc Fumaroli. Les
chiffres le confirment ! En cinq
ans, le nombre de visiteurs
dans les musées et institutions
françaises a augmenté de 10 mil-
lions : 45 millions en 2004 contre
55 en 2008. L’année suivante,
l’exposition « Picasso et les
Maîtres » posa un nouveau ja-
lon. En l’espace de quatre mois,
780 000 personnes hantèrent
les galeries du Grand Palais :
record absolu depuis l’Année
Renoir en 1985. Il y a quelques
semaines, « Turner et ses pein-
tres » s’achevait sur un sourire.
Avec une moyenne de 5 303 vi-
siteurs par jour, chiffre jamais
atteint pour une exposition de
printemps, Turner battait
d’une tête Andy Warhol
(4 688). La peinture ancienne
– 700 000 visiteurs pour « L’Age
d’or hollandais. De Rembrandt
à Vermeer » à la Pinacothèque
– et la peinture moderne sont
toujours largement plébisci-
tées, au détriment de la sculp-
ture ou même des Arts décora-
tifs. Toutefois, l’inconscient
collectif évolue : « Playmobil »,
au musée des Arts décoratifs, a
fait un tabac, et Yves Saint Lau-
rent, au Petit Palais, un ensem-
ble cousu main, comptabilise
déjà 150 000 personnes depuis
le 11 mars. Quant à Pierre
Soulages, il augure un change-
ment profond. Avec plus de
500 000 entrées, cet artiste abs-
trait, français et vivant, a pris la
quatrième place dans le
palmarès des expositions du
Centre Pompidou, et se situe
juste derrière Dalí, Matisse et
Kandinsky.
■ Erudition et pédagogie :
le tandem indissociable
« Le choix du commissaire d’expo-
sition est essentiel. Il doit être capa-
ble de faire le grand écart, être à la
fois érudit et pédagogue, proposer
un concept pertinent qui allie vision
et visualisation, clé indispensable à
la bonne mise en œuvre d’une expo-
sition. Ensuite, il suffit d’enfiler les
perles », souligne Emmanuelle
Héran, administratrice adjointe
en charge de la politique cultu-
relle de la Réunion des musées
nationaux. Certains vices sont
pourtant rédhibitoires et peuvent
saper irrémédiablement l’expo-
sition la plus prestigieuse : un en-
semble trop lourd (plus de
180 œuvres) qui lasse le public,
un plan qui manque de fluidité,
une scénographie confuse.
 titutionnel, fondamental. Nous ■ De
préparons nos expositions trois l’accessibilité
ans à l’avance, afin de rassembler Plus performants
les œuvres nécessaires à la réalisa- qu’il y a dix ans, les
tion du projet », poursuit Em- Audioguides of-
manuelle Héran. Les grands frent désormais un
noms appellent nécessairement contenu plus riche
de grandes œuvres : « Il faut et une meilleure
attraper le public avec les ta- qualité d’écoute. Le
bleaux qu’il connaît, afin qu’il ait visiteur peut même
envie de s’acheminer vers des télécharger les
ensembles plus complexes. » textes audio sur
iPhone et bientôt
■ De l’intérêt des angles, sur iPad. Les visi-
des thématiques tes guidées ont
A la mode mais déjà éprouvées, elles aussi suivi les

D. R.
ces « stratégies » rendent le vi- Soulages au Centre Pompidou inaugurait une progrès de la tech-
siteur actif. Elles lui donnent le nouvelle ère. Pour la première fois un artiste français nologie : afin de ne
loisir d’envisager le sujet sous vivant talonnait Dalí, Matisse et Kandinsky. pas gêner le voisi-
un autre angle, de découvrir de nage, hôtes et
MANOLO MYLONAS/LE FIGARO MAGAZIN

nouvelles niches et suscitent ses
commentaires. Les musées sont
devenus des spécialistes en la
matière. Le Louvre a, par exem-
ple, abordé une civilisation
égyptienne, maintes fois ressas-
sée, par le biais de la mort à
■ De l’importance des prêts l’époque des pharaons. Atten-
Collectionneurs et musées ne tion pourtant aux faux angles,
sont pas toujours disposés à alléchants parce que vendeurs.
confier leurs chefs-d’œuvre et Certaines expositions sont tom-
ne sont conciliants que si le pro- bées en quenouille lorsque les
jet est prestigieux et bien argu- toiles n’étaient pas à la hauteur
menté. Le facteur temps est et les mises en regard tirées par
donc essentiel. « Et l’aspect ins- les cheveux.
■ D’une obligation de com- convives peuvent être équipés
préhension et de lisibilité d’écouteurs. Quant aux sites in-
Le jargon scientifique est désor- ternet, ils fournissent une par-
mais banni des cartels. « Nous em- faite préfiguration de l’exposi-
ployons parfois ce que nous appelons tion. « Avant de s’y rendre, 50 %
des “scribes”, qui réécrivent les tex- des visiteurs surfent sur la toile. »
tes destinés au public, et travaillons Ont également été mis en œuvre
également la typographie. » Selon des aménagements d’horaires
les organisateurs, le visiteur compatibles avec des emplois
aime aussi approfondir ses du temps surbookés. « Pour
connaissances : il aborde l’expo- “Picasso et les Maîtres”, les galeries
sition par la lecture des textes gé- du Grand Palais ont été ouvertes
néraux situés à l’entrée de chaque durant 83 heures sans interrup-
salle, avant de regarder les œu- tion, grâce à la bonne volonté de
vres et de lire les petits cartels. nos équipes ! » ■

Les dix expositions françaises

les plus visitées par jour en 2009 Louvre
Les Portes du ciel
(Visions du monde
Grand Palais dans l’ Egypte ancienne)
2 526
ANDRÉ DE CHASTENET ; SOURCE ARTCLAIR

Picasso et les Maîtres Pinacothèque

7 270 Jackson Pollock
Le Grand Monde d’Andy Warhol
3 121
4 688
Yann Arthus-Bertrand
3 927
Centre Pompidou
Kandinsky
6 553
Alexander Calder
Quai Branly Les Années parisiennes
Orsay 1926-1933
2 e biennale Photoquai Picasso/Manet 4 416
7 868 4 486
Le Mystère et l'Eclat (pastels)
3 315

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 87

H I S T O I R E / I D É E S

LES HISTORIENS ONT TOUJOURS DU NEUF À DÉCOUVRIR SUR L’EMPIRE

Napoléon, la légende et
Directeur de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz vient d’ache
du premier Empire » qui replace l’aventure napoléonienne dans

G
rand maître des études napoléoniennes, Jean Tulard a
recensé plus de livres sur Napoléon, en deux siècles, que
de jours qui nous séparent de la mort de l’Empereur. Et
pourtant, les historiens découvrent toujours du neuf sur
l’aventure impériale, ce qui donne matière à de nouvel-
les synthèses intégrant les progrès de la recherche. Disciple de Tu-
lard, directeur de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz a ainsi en-
trepris, il y a un peu plus de dix ans, une Nouvelle histoire du premier
Empire qui se veut une histoire européenne du système napoléo-
nien. Avec le quatrième volume qui vient de paraître, et qui est consa-
cré aux Cent-Jours, épisode survenu sur fond de congrès de Vienne,
l’ensemble est complet. L’auteur y souligne la part de continuité de
l’œuvre impériale dans l’Histoire de France, mais aussi les ruptu-
res qu’elle a apportées ; ses succès, mais aussi ses fautes. Esprit li-
bre et historien rigoureux, Thierry Lentz ne cède pas à la légende :
dans ce dernier livre, il démythifie le « retour de l’Ai-
gle » de 1815, montrant que la défaite militaire de Wa-
terloo sanctionne en réalité l’échec politique, écono-
mique et diplomatique d’un Napoléon qui a perdu
la main. Un essai anticonformiste. ■ J. S.
Nouvelle histoire du premier Empire, tome IV, Les Cent-Jours, 1815, de Thierry Lentz au
Thierry Lentz, Fayard, 596 p., 27 ¤. Les trois premiers tomes (parus en 2002, siège de la Fondation
2004 et 2007) sont disponibles chez l’éditeur. Napoléon, dont il
D. R.

ERIC GARAULT

LeFigaroMagazine–Voiciachevée
votre« Nouvellehistoiredupremier
Empire », quatre volumes qui vous
ont demandé dix ans de travail.
Comme ce projet est-il né ?
Thierry Lentz – Tout est parti du
grand prix de la Fondation Napo-
léon que j’ai obtenu, en 1995, pour
un travail sur le 18-Brumaire. A la
suite de ce prix, Claude Durand et
Denis Maraval, qui dirigeaient
alors Fayard, m’ont commandé un
livre sur le Consulat, paru en 1999
sous le titre Le Grand Consulat.
Nous avons conçu ensuite le pro-
jet d’une histoire du premier Em-
pire en trois volumes. Je ne voulais
pas écrire une histoire de Napo-
léon, ni une histoire de l’Empire
français, mais une histoire de
l’Europe dans le système napoléo-
nien. D’autant qu’en l’an 2000
j’avais pris la direction de la Fonda-
tion Napoléon, qui possède de
nombreuses connexions avec des
universités étrangères : ici, nous
sommes en échange permanent
avec des chercheurs italiens, an-
glais, allemands ou espagnols,
ouverture internationale qui
s’avère extrêmement enrichis-
sante. Les trois volumes de la
Nouvelle histoire du premier Em-
pire ont paru respectivement en
2002, 2004 et 2007. Puis nous
sommes convenus avec mes édi-
teurs, alors que cela ne faisait pas
partie du projet initial, de consacrer
un quatrième volume aux Cent-
Jours. Cet épisode ultime de l’entre-
prise napoléonienne est en effet lié
à mon sujet, puisque le retour de
Napoléon, en 1815, s’effectue alors
que siège le congrès de Vienne.
L’historiographie française tradi-
tionnelle veut n’y voir que la mise
sous surveillance de la France ou la
trahison de Talleyrand, alors que ce
rendez-vous diplomatique mar-
que la reconstruction de l’Europe
sur d’autres bases, ou l’émergence
du droit international moderne. En
disant cela, évidemment, je suis un
peu iconoclaste...
Mais dans ce quatrième volume,
comme dans les précédents, il vous
arrive souvent d’égratigner la lé-
gende impériale...
Des napoléoniens un peu mili-
tants me l’ont parfois reproché ! Il
est vrai que j’exerce une critique
assez forte de l’histoire de l’Em-
pire, puisque j’ai remarqué qu’à
partir de 1807, on n’a plus affaire
au même homme. Cette année-là,
Napoléon est vainqueur des Rus-
ses à Eylau et à Friedland, ce qui
conduit au traité de Tilsit, et il ren-
force le blocus continental contre
Napoléon
a été pris
par la démesure
est directeur
depuis l’an 2000.
l’Angleterre. Rien ne lui résiste, et
il n’a pas la sagesse de se retenir :
l’Empereur commence à n’être
plus tout à fait comme avant, ce
que confirme le tournant « mo-
narchique » de 1810. Les Cent-
Jours sont aussi un exemple de
cette démesure, car la décision de
rentrer de l’île d’Elbe n’est pas dic-
tée par l’intérêt national, mais par
le désir de poursuivre l’aventure
impériale.
Vous montrez notamment que
Louis XVIII, contrairement aux
idées reçues, n’était pas un ad-
versaire absolu de l’héritage ré-
volutionnaire, ou que l’enthou-
siasme populaire, devant le retour
de Napoléon, n’était pas au ren-
dez-vous...
L’histoire des Cent-Jours a été
écrite pour la première fois par
Napoléon lui-même, dans un texte
qui a été publié de son vivant, et
qui a donné le ton. Le romantisme

88 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

les faits
ver une « Nouvelle histoire
son cadre européen.
a enchaîné, parce que l’image de
l’Empereur offrant sa poitrine
pour qu’on lui tire dessus et ralliant
les soldats à lui était plus sédui-
sante que celle du gros roi Bour-
bon qu’il fallait traîner dans son
fauteuil. Mais quelle est la réalité ?
Historien de la Restauration, mon
ami Emmanuel de Waresquiel
m’a mis sous les yeux des faits qui
ne concordent pas avec la légende
dorée du « vol de l’Aigle ».
Il est notoire que le seul soutien de
Napoléon, lors du retour de l’île
d’Elbe, c’est l’armée. Pas les maré-
chaux ou les généraux, mais la
troupe. En dépit de ce qu’on pou-
vait redouter, la première Restau-
ration a plutôt été une réussite. Le
système de pensée de Louis XVIII
n’était certes pas celui de la Révo-
lution française, mais il s’est
adapté. Face aux ultras, il a prôné
le pardon et l’oubli, il a joué l’apai-
sement. Son erreur a été de don-
ner des gages aux cléricaux, d’une
part, et de ne pas voir, d’autre part,
que le licenciement de la moitié de
l’armée allait laisser des milliers de
mécontents. Napoléon en a pro-
fité : après avoir débarqué sur la
côte méditerranéenne et être re-
monté par les Alpes, il a prononcé
des discours où il a dénoncé le re-
tour de l’Ancien Régime. C’était
une pure figure de propagande,
car la société, dans la pratique,
n’avait pas changé.
Le comportement de l’Empe-
reur, pendant les Cent-Jours,
prouve qu’il n’a pas saisi qu’en
neuf mois tout a changé. Il ne
comprend pas les Chambres, car
le système parlementaire lui est
étranger. Il ne comprend pas
plus les Fédérations, ces citoyens
qui se sont levés pour défendre la
Révolution, dans l’esprit des dis-
cours enflammés qu’il a diffusés.
Tout se passe comme si l’environ-
nement lui échappait. Sur le plan
politique, alors que la France
évoluait en douceur vers un
consensus libéral, les Cent-Jours
ont ranimé un clivage tranché,
une opposition idéologique entre
la gauche et la droite qui domi-
nera tout le XIXe siècle. Sur le
plan économique, Pierre Branda
a aussi démontré que les Cent-
Jours ont été une catastrophe.
Quant au plan diplomatique, il
faut reconnaître que Waterloo
symbolise la fin du duel qui oppo-
sait Paris et Londres, depuis le
XVIIe siècle, pour l’hégémonie
mondiale, mais au profit de l’An-
gleterre, qui a gagné.
Qu’est-ce que l’Europe d’au-
jourd’hui doit encore à Napoléon ?
Autant je suis critique sur les
aventures et les conquêtes exté-
rieures, autant je pense que l’Em-
pire nous a laissé un apport es-
sentiel. L’idée d’égalité, qu’on
trouve dans le code civil et qui
s’est imposée dans toute l’Eu-
rope. L’organisation pyramidale
des pouvoirs civils, qui remplace
la structure d’Ancien Régime
avec ses pouvoirs locaux forts : ce
modèle, là encore, va intéresser
tous les souverains européens, car
ils vont se rendre compte qu’il
s’agit d’un moyen d’élargir le
champ d’action de l’Etat. Mais il
faudrait évoquer également la
non-confessionnalité de l’Etat, le
système éducatif ou l’organisation
administrative. Tous ces « blocs
de granit », selon le mot de Napo-
léon, sont encore en place. Son gé-
nie a été d’accoucher en un temps
record de multiples réformes que
la monarchie d’Ancien Régime
n’était pas parvenue à accomplir,
et que la Révolution avait procla-
mées en théorie, mais bafouées
dans la pratique. Nous vivons lar-
gement sur cet héritage.
■ PROPOS RECUEILLIS PAR
JEAN SÉVILLIA
LA CHRONIQUE
D ’A L A I N - G É R A R D S L A M A
Les infortunes
de la diversité
S
i les Parisiens aiment la diversité, ils
ont certainement adoré la matinée au
cours de laquelle, lundi dernier, en-
tre 10 heures et midi, la traversée des
ponts sur la Seine a été totalement barrée par
des rangées de CRS, depuis le Carrousel du
Louvre jusqu’au Châtelet. Pendant plus de
deux heures, les piétons et les voitures dérou-
tés par des coups de sifflets ont été enfermés
dans un nuage de pollution irrespirable. C’est Après
seulement en début d’après-midi qu’ils ont le quai
eu la clé de cet énorme chambardement. Le Ben-Gourion,
maire de Paris était venu dédier, près de l’Aca- M. Delanoë
démie française, un square à la mémoire du inaugurait
poète Mahmoud Darwich, en présence de la place
Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité pales- Mahmoud-
tinienne. Quelques passants avaient bien
aperçu, à la hauteur du pont des Arts, un mi-
Darwich...
nuscule attroupement. Ils n’avaient pas imaginé que la mobili-
sation d’autant de forces de l’ordre et un pareil bouleversement
de la circulation de la capitale pussent avoir un rapport avec une
manifestation aussi dérisoire.
Le problème est qu’on craignait un attentat contre la personne
de M. Abbas. Le 10 avril dernier, M. Delanoë avait inauguré un
quai Ben-Gourion, face au quai Branly. Les « communautés » anti-
israéliennes avaient aussitôt protesté, et la plaque portant le nom
de l’homme d’Etat sioniste fut aussitôt arrachée. Mû par un ai-
mable souci d’équilibre, le maire de Paris a jugé opportun de
consacrer un autre bord de Seine au plus populaire des écrivains
palestiniens. Mais cette fois, pour prévenir les manifestations des
« communautés » adverses, on a évité d’annoncer l’événement,
on a invité peu de monde, on s’est même gardé d’apposer une pla-
que. Entre cette cérémonie organisée à la sauvette, et le blocage
d’une bonne moitié de la circulation parisienne, le contraste était
saisissant. On ne pouvait mieux illustrer la faiblesse d’un pou-
voir qui ne cesse de trembler, et qui se laisse ballotter dans les sens
les plus contradictoires, au gré des pressions des groupes iden-
titaires, devenus de véritables Etats dans l’Etat.
A force de ne vouloir contrarier personne, les dirigeants po-
litiques contrarient tout le monde. A force de vouloir éviter les
conflits, ils créent les conditions de la violence. C’est pourtant
au mépris de cette évidence qu’un groupe de travail vient de re-
mettre à M. Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité, dix-sept
propositions, allant des statistiques ethniques aux quotas, pour
« accroître la représentation des minorités au sein des rédactions et
dans les contenus » des entreprises de l’audiovisuel *. S’ils avaient
été bloqués, lundi dernier, pendant toute une matinée, sans pou-
voir traverser la Seine, peut-être les auteurs de ce rapport au-
raient-ils eu l’imagination des infortunes qui guettent les socié-
tés multiculturelles. Quand les citoyens d’un pays ne sont plus
considérés comme les membres d’une société d’individus au-
tonomes et responsables, quand ils se trouvent assignés à une
appartenance, ils deviennent, de ce seul fait, les otages des sec-
tarismes les plus agissants.
* Voir le brillant article d’Elisabeth Lévy dans le dernier numéro du Causeur, juin 2010.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 89
P O R T R A I T

JérômeRigaud
Un chef
tricolore sur la
place Rouge

90 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

Depuis un an et demi, ce jeune Perpignanais
de 35 ans officie comme chef des cuisines du
Kremlin. Ce week-end, c’est lui qui servira
Nicolas Sarkozy, en visite officielle en Russie,
en marge du Forum économique internatio-
nal de Saint-Pétersbourg. Rencontre dans les
coulisses du banquet qu’il a organisé pour la
fête nationale russe, le 12 juin dernier.
DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX EMMANUELLE COURRÈGES (TEXTE)
ET THIERRY ORBAN/ABACA PRESS (PHOTOS)

P
irojki, vodkas, es-
turgeons fumés,
viande d’élan,
saucisson de che-
val, koulibiak de saumon...
Dans une des cuisines du
Kremlin, avec vue sur les bul-
bes d’or de la somptueuse église
de l’Assomption, un étrange
ballet a commencé. Tous vêtus
de blouses blanches, cuisi-
niers, restaurateurs invités,
biologistes et « docteurs » s’af-
fairent autour des mets prévus
pour le banquet de la fête natio-
nale. En entrant au Kremlin il
y a un an et demi, le Français
Jérôme Rigaud, ancien sous-
chef chez Troisgros, à Roanne,
passé également par l’Astor de
Robuchon, et déjà chef depuis
cinq ans dans les meilleurs
restaurants gastronomiques
de Moscou, a dû apprendre à
composer avec de nouvelles
exigences. Ludmilla, en charge
de la sécurité alimentaire,
trempe ses mains dans l’al-
cool, puis plonge quelques lé-
gumes dans un sachet hermé-
tique numéroté.
L’ensemble des aliments et
des boissons servis ce jour-là
va subir des analyses bactério-
logiques, toxicologiques et ra-
diologiques. « Le chef prépare
toujours une assiette de chaque
plat qu’il va servir et nous la goû-
tons, explique Dimitri, un des
« docteurs » des renseigne-
ments généraux, toujours pré-
sent sur place. Parfois aussi,
nous faisons goûter les mets cuisi-
nés à des lapins ou à des rats. Une
autre assiette est conservée en cas
de nécessité. » « Bes problem »
(« Pas de problème »), répond
Jérôme Rigaud, qui parle cou-
ramment le russe, à Vartan,
l’un de ses deux sous-chefs.
Dans quelques jours, le ban-
quet de la fête nationale russe
aura lieu tout près d’ici, sous
des tentes dressées pour l’occa-
sion dans le parc du Kremlin.
Dmitri Medvedev, Vladimir
Poutine et le patriarche de
l’Eglise orthodoxe y accueille-
ront les gouverneurs de toutes
les régions du pays.
Une résistance à toute
épreuve, voilà ce qu’il faut pour
entrer au Kremlin. Ce que
confirme Igor Bukharov, prési-
dent de la Fédération des res-
taurateurs et des hôteliers rus-
ses et directeur général de la
restauration au Kremlin, qui
employait Jérôme Rigaud au
Nostalgie, un célèbre restau-
rant moscovite, avant de lui de-
mander de le suivre l’an passé.
« Je sais quel est son talent, mais
c’est surtout le seul Français à
pouvoir tenir à ce régime-là. »
Dix-huit à vingt heures de
travail par jour, des voyages
officiels, une disponibilité
constante : il y a quelque chose
de sacerdotal dans cette fonc-
tion. « Ce n’est pas pour rien si la
première chose que l’on m’a de-
mandée quand j’ai été recruté,
c’est si j’étais célibataire », se
souvient Jérôme Rigaud. Car si
en France et ailleurs dans le
monde, au-delà de 150 convi-
ves, la tâche est confiée à des •••

Sur la place Rouge, devant la célèbre tour du Sauveur. Jérôme Rigaud n’a pas
moins de huit pass officiels pour pénétrer dans l’enceinte du Kremlin.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 91
 P O R T R A I T
Elles ne cachent par leur fierté. Alvia, Rita, Ludmilla, Nelly, restauratrices
de la région du Bachkortostan, ont eu le privilège d’être invitées au Kremlin, pour
préparer le banquet de la fête nationale au côté de Jérôme Rigaud.
« HEUREUSEMENT QUE JE SUIS COOL,
SINON JE NE SERAIS PAS LÀ »
••• traiteurs, lui doit, avec sa bri-
gade de 30 cuisiniers, supervi-
ser notamment l’élaboration
d’un banquet de 6 000 convi-
ves, composer les plats servis à
la table de huit chefs d’Etat, ou
organiser la préparation de
4 000 sandwichs pour les ban-
quets du Bolchoï. Sans compter
la gestion des repas quotidiens
de la Stare Plochtchad, l’ensem-
ble de l’Administration russe.
Son rêve :
créer une brasserie
Alors qu’« en France, il aurait
2 étoiles », note son meilleur
ami, Michel del Burgo, ex-chef
étoilé de Taillevent, alors que
son plaisir est de « donner du
bonheur aux autres » et que son
rêve est de créer une brasserie
de luxe, pourquoi a-t-il accepté
une telle charge ? « Ce n’est pas
donné à tout le monde, je ne vivrai
pas ça deux fois dans ma vie », ré-
pond-il sans hésiter.
92 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
Sans doute le challenge ne lui
déplaît-il pas. Car sa mission
est immense et audacieuse : ré-
former la gastronomie offi-
cielle russe. Avant lui, seuls des
militaires officiaient en cui-
sine. Un « ancien régime » La veille du banquet, Sergueï Khorolsky, le fournisseur de thé du Kremlin et inventeur
chassé par l’arrivée de Dmitri du samovar moderne, l’alambic, fait découvrir une nouveauté au chef français.
Medvedev au pouvoir, décidé à
donner une tonalité plus inter-
nationale et plus haut de
gamme à la restauration du
Kremlin. Le Président est
jeune, il sait reconnaître un bon
vin et surtout il a compris
comme Escoffier que « l’art de
la cuisine est peut-être une des for-
mes les plus utiles de la diploma-
tie ». « C’est devenu une petite
pièce au cœur d’un grand puzzle,
mais une petite pièce essentielle »,
explique Gennadi Korolev, res-
ponsable des banquets offi-
ciels. Pour Jérôme Rigaud, il ne
s’agit pas de faire la révolution,
mais d’apporter des change- Jérôme Rigaud termine la disposition des plateaux de fraises, de framboises et
ments en douceur. Dans l’as- de mûres qui seront posés sur la table du président Medvedev.
Vladimir Burkovsky (en blanc), l’un des meilleurs restaurateurs de Sibérie, Jérôme
Rigaud et Alexandre, l’un de ses sous-chefs, débattent de la disposition des mets.
siette, mais aussi dans le même Ban Ki-moon fut tout
« concept ». Comme le raconte étonné.
Anatole, brigadier depuis l’épo- Autour de Jérôme Rigaud, la
que de Brejnev, « il y a encore foule de brigadiers a mainte-
peu de temps, on servait les estur- nant grossi. Mais il est le seul
geons entiers, on découpait les co- habilité à préparer, au dernier
chons de lait sur la table ». Seule moment, et avec un militaire à
la cérémonie du thé n’a pas été ses côtés, l’assiette de Dmitri
bouleversée. Mais le samovar Medvedev. Le Président est un
traditionnel a été remplacé par gourmet qui pose des ques-
un alambic créé par Sergueï tions, s’intéresse à ce qu’il dé-
Khorolsky, fournisseur offi- guste. Le chef de l’Etat est un Dans les salles du palais à Facettes comme la salle d’Or (ici), la salle du Trône ou
ciel du thé du Kremlin, dont grand amateur de poissons et ••• les appartements privés du tsar, Jérôme Rigaud sert les hôtes les plus privilégiés.
 P O R T R A I T

Trois jours avant le jour J, chaque produit servi lors du banquet est empaqueté par les biologistes afin d’être analysé en laboratoire. Ici, un morceau de viande d’ours,
sorti d’un pot-au-feu « à la sibérienne ». Jérôme Rigaud devra attendre les validations des RG pour inscrire définitivement le plat au menu...

IL EST DEVENU pas plus. « Bes problem. » Ce

samedi midi, que va découvrir
Les esturgeons
qui seront servis

UNE LÉGENDE POUR Nicolas Sarkozy ? Va-t-il goû-

ter le célèbre crabe de Sakha-
sur la table
présidentielle

SES CUISINIERS line, succomber à la saveur fu- vont être pelés,

mée des esturgeons de la mer fumés et décorés
Noire ou des légumes salés ? de pétales de
citrons et
••• avec Jérôme Rigaud, ancien Ce qui est certain, c’est que ce
d’émincés
chef de partie poisson chez n’est pas un seul, mais deux d’olives noires.
Troisgros, il est bien servi. De- chefs d’Etat qui, à l’issue du Jérôme vérifie
main, un autre défi attend le banquet, seront fiers du même que son cuisinier
Français. Une caravane de plu- homme : une façon comme a bien
sieurs camions s’élancera, en une autre de célébrer, en cette compris les
direction de Saint-Pétersbourg. Année France-Russie, l’amitié manipulations
A son bord, des fours, des pla- franco-russe. à faire.
ques à induction, de la vais- ■ EMMANUELLE COURRÈGES
selle, en vue des banquets qui
doivent ponctuer les trois jours
du Forum économique interna-
tional pendant lesquels Nicolas
Sarkozy sera reçu, de manière
officielle, par Dmitri Medvedev.

Le célèbre crabe
de Sakhaline
Les chiffres donnent le tournis.
Un banquet de 1 000 convives,
un autre de 800, et un dernier
de 6 000 couverts. Une tren-
taine d’événements au total et
une brigade de seulement
15 cuisiniers ! Car le même
jour, au Kremlin, Vladimir
Poutine recevra lui aussi
1 000 invités. Pour la première
fois, en découvrant la liste et le
nombre de banquets, Jérôme
Rigaud a soulevé un sourcil. Le
visage s’est fermé. Un instant, A peine rentré de sa visite officielle en France, Vladimir Poutine trinque avec Dmitri Medvedev et son épouse, Svetlana.
94 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
 TROIS RAISONS D’AIMER…

LES PETITS
RUISSEAUX
ON SE SENT VERT. Aimer à l’âge de la carte
vermeil comme un dernier baroud d’hu-
meurs coquines, tel est le sujet de ce film vi-
vifiant qui raconte la résurrection sexuelle
et affective d’Emile (Daniel Prévost, par-
fait) : un veuf, retraité, dont la vie, aussi lisse
que la Loire où il pêche des ablettes, va sou-
dain prendre un cours nouveau.
ON A ENVIE D’UNE VOITURE ORANGE. Pas-
cal Rabaté passe pour la première fois de
la BD au cinéma sans trahir son univers.
Ses dialogues ont la légèreté des bulles. Les
personnages flirtent avec la caricature
SPLASHNEWS/KCS PRESSE

sans jamais y tomber. Tati et Yves Robert

ne sont pas loin, qui veillent sur le héros de
cette comédie poétique dont on reluque la
voiturette orange avec l’envie de la lui vo-
ler. Un modèle unique ?
EN VUE
ON VOIT LA VIE EN ROSE. Effet vitaminé ga- MARGARETH MADÈ

Diva en devenir
ranti. Les Petits Ruisseaux balayent les hu-
meurs chagrines et ne laissent aucun

A
vec ses 9 mois de préparation,
ses 25 semaines de tournage,
son décor à 15 millions d’euros
(la ville sicilienne Bagheria a
été reconstruite pierre à pierre
en Tunisie) et ses 210 personnages, Baaría,
D. R.
Madè semble capable de contempler sans y
toucher vraiment toutes les époques et tou-
tes les décrépitudes. Cette fille-là est intem-
porelle, ce qui lui permet de tenir le rôle de
Mannina, l’héroïne de cette saga sicilienne, en
traversant comme une impératrice l’his-

produit par Tarak Ben Ammar (Les Aventu-
cœur à marée basse, comme si toute
riers de l’arche perdue, Pirates, Jésus de Nazareth)
chose, tout le temps, restait possible. L. H.
est le film le plus cher jamais tourné en Ita-
● Les Petits Ruisseaux, de Pascal Rabaté (en salles le
lie. C’est aussi l’occasion de voir, pour la pre-
23 juin).
mière fois au cinéma, le très beau visage de
Margareth Madè, réplique et héritière de
Sophia Loren dont elle vient d’ailleurs de bou-
DVD cler, pour la télévision, une biographie filmée.
toire de l’Italie de 1910 à nos jours. Depuis
longtemps, cette native de Catane, fille d’in-
firmière promise au métier d’obstétricienne,
et qui débuta à 15 ans une carrière de top-mo-
dèle, rêvait du grand écran. De nombreux es-
sais furent nécessaires à son intronisation sur
le plateau de Giuseppe Tornatore. Parions
que, s’il tourne la suite, il l’inscrira d’office au

Planète 51
De ses yeux verts fendus en oblique comme générique... VALÉRIE LEJEUNE
ceux des Vierges de Memling, Margareth ● Baaría, de Giuseppe Tornatore (déjà en salles).

(...) sic « J’ai un pur complexe d’imposture ! »

C’est un endroit dans l’univers où les
habitants affichent de drôles de trognes
vertes surmontées de micro-antennes.
Tout va bien dans le meilleur Luce, candidate de « Nouvelle Star » (Voici, le 11 juin 2010).
de leur monde jusqu’au jour
où débarque un humain :
un Alien. Décalé, drôle, ÉVITEZ-LE
bourré de références des LA BOCCA DEL LUPO

C
années 50, le film d’anima- ’est l’histoire d’un émotionnel évident. Hélas, de lui laisser la parole dans
tion de Jorge Blanco sort en Sicilien au sang Pietro Marcello, qui prend les dix dernières minutes.
DVD et Blu-ray. Se jouer du chaud, un ex-taulard son sujet de haut et montre Trop tard : le discours vide
temps et annuler les distan-
ces... Un divertissement au long cours qui trouve sa des images hors sujet et prétentieux a étouffé
idéal à la veille des grandes rédemption dans l’amour. (des archives historiques le récit d’une expérience.
D. R.

transhumances estivales. Ce documentaire part sur la ville de Gênes), finit ARNAUD BORDAS

TF1 Vidéo (DVD : 20 ¤, Blu-ray : 25 ¤). donc d’un argument par éviter son personnage ● La Bocca del lupo, de Pietro Marcello
universel au potentiel pendant une heure avant (en salles le 23 juin).

96 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ PAGES COORDONNÉES PAR LAURENCE HALOCHE ET BENOÎT LAUDIER
 BIENTÔT EN SALLES 7 juillet : Je vous aime très beaucoup, 28 juillet :

N S 30 juin : Un ange à la mer, de Frédéric

Dumont.
de Philippe Locquet.
14 juillet : Toy Story 3, de Lee Unkrich.
21 juillet : Inception, de Christopher Nolan.
L’Age de raison
(photo), de Yann

D. R.
Samuell.

UN FILM, UN HÉROS ET AUSSI

Profession A cinq heures de Paris
Comédie dramatique

imposteur De Leonid Prudovsky, avec

Dror Keren et Elena Yaralova.

Q
Yigal est chauffeur de taxi et
ui n’a pas songé à vivre sous une au- fondu des tubes de Joe Dassin.
tre identité ? Mais lorsque la réalité Lina, russe et prof de piano,
est là, d’autres questions se posent. s’apprête à partir pour le
C’est le thème de ce film inspiré de l’histoire Canada avec son mari. Boum,
de Frédéric Bourdin, qui vécut plusieurs quand leurs deux cœurs font
mois aux Etats-Unis en prenant la place boum, tout avec eux dit boum...
d’un enfant disparu quatre ans plus tôt. His- Même si le récit est parfois
toire d’autant plus édifiante qu’il fut « re- inégal, cette histoire qui se
connu » par « sa » famille, avant d’être dé- passe à Tel-Aviv est charmante
à plus d’un titre. Le choix
masqué par le FBI. L’implacable mécanique
(controversé par les
du secret – celle d’un producteurs) de protagonistes

ado largué, celle
d’une famille déchi-
rée – est mise au
jour par le réalisa-
teur de Restons grou-
D. R.
qui n’ont plus 20 ans apporte à
BLOCKBUSTER l’action tendresse, humour et
gravité. Et le fait que le metteur
Mauvaise agence en scène se soit gardé
d’instiller dans le scénario

C
pés. Servi par un la moindre allusion au conflit
ette énième adaptation d’une série télé
casting impeccable israélo-palestinien confère
populaire des années 80 se voulait un à l’ensemble une légèreté
(Famke Janssen en
gros blockbuster estival amusant et pé- inattendue. On retient ses
agente du FBI, Ellen
taradant. Le talentueux Joe Carnahan (Mise à places. V. L.
Barkin en mère jun-
D. R.

prix) parvient généralement à anoblir un ma- ● En salles le 23 juin.

kie, Emilie de Ravin en sœur affrontant un
tériau de base inconsistant : là, non. Ses person-
fantôme et Marc-André Grondin en im-
nages de baroudeurs tout-terrain (servis par un Orpailleur
posteur vulnérable), il alterne scènes sous
quatuor d’acteurs très entraînant) ont du mal à Drame
tension et coupables relâchements (tant vi-
exister, perdus au milieu de scènes d’action ré- De Marc Barrat, avec
suels que dans les dialogues...). Dommage.
pétitives, outrancières et montées n’importe Tony Mpoudja, Julien Courbey
B. L.
comment. Décevant. A. B. et Sara Martins.
● Le Caméléon, de Jean-Paul Salomé (en salles le 23 juin).
● L’Agence tous risques, de Joe Carnahan (déjà en salles). Après des années d’absence,
Rod, jeune Parisien d’origine
guyanaise, revient dans son
SUIVEZ-LE village natal avec son copain
KIM CHAPIRON Gonz. Ce retour aux sources

Caméra en haute tension

sements pénitentiaires, rencontres
avec de jeunes détenus, des gardiens
et des directeurs de prison... Loin des
clichés des petits caïds tatoués et des
D. R.

matons pervers, le réalisateur a voulu va de pair avec la découverte

rendre compte du gâchis qui résulte de du fléau qui gangrène la région :
l’incarcération de ces gamins paumés l’orpaillage illégal. Conditions
du Midwest. Tous ne sont pas égaux de travail honteuses, drogue,
face à l’univers carcéral. Entre vrais alcool, prostitution, mafia...
truands et dealers de seconde zone, le Pour les deux garçons,
l’aventure tourne rapidement
trio doit faire un choix : subir ou domi-
au cauchemar. Né à Cayenne,
ner. Terrifiant de réalisme, Dog Pound le réalisateur Marc Barrat

P
D. R.

(« la fourrière ») s’avère particulière- connaît bien le problème

our son deuxième long-métrage, après le
discutable Sheitan avec Vincent Cassel,
Kim Chapiron n’a pas fait les choses à
moitié. Filmer l’histoire de Davis, Angel
et Butch, trois jeunes incarcérés à Enola Vale, une
prison américaine pour délinquants juvéniles, lui
ment impressionnant. Les acteurs sont excellents, de ces chantiers clandestins,
notamment Adam Butcher, stupéfiant dans ses ac- véritables catastrophes
cès de pure violence. La réalisation est soignée et humanitaires et écologiques.
met le spectateur dans un état de tension perma- Avec Orpailleur, il rappelle
nente. Une très belle surprise. SIMON VIDAL surtout que la Guyane française
● Dog Pound, de Kim Chapiron (en salles le 23 juin). Interdit aux n’a rien d’un eldorado. S. V.

a réclamé un an de préparation. Visites d’établis- moins de 12 ans. ● Déjà en salles.

19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 97

 F I G M A G / S O R T

À L’ŒIL THÉÂTRE

Deux Lartigue Les Sœurs Z’ennemies

Spectacle comique
D’après les Frères ennemis,

en un
avec Silvia et Valérie Gaillard.
Café d’Edgar
(01.42.79.97.97).

J
On se souvient des Frères
acques-Henri Lartigue (1894-1986) fut comblé par ennemis, André Gaillard et Teddy
les fées de l’art. On connaît bien les clichés de ce Vrignault, duo d’humoristes des
célèbre chasseur d’images : ils sont exposés un peu années 70 qui pratiquaient leur
partout dans le monde. Précoce, celui qui fut art dans un style bien à eux,
considéré comme « le plus populaire des photogra- se renvoyant la balle à une vitesse
phes français » prit ses premières photos à l’âge de 7 ans, vertigineuse. Un jeu brillant dans
pour ne jamais cesser d’opérer jusqu’à la fin de sa vie. Ce une logique de l’absurde qu’on
que l’on sait moins, c’est que Lartigue fut aussi un pein- pourrait rapprocher de l’esprit

MINISTÈRE DE LA CULTURE- FRANCE/AAJHL

d’un Raymond Devos ou d’un
tre prolixe. Et tout l’intérêt de cette exposition est de pro-
Raymond Dubillard. L’un a disparu
poser un regard croisé sur les peintures * et les tirages de dans des circonstances restées
Lartigue. Les unes et les autres rendent compte avec grâce mystérieuses, le second, orphelin,
et légèreté des Années folles : élégantes sur la Croisette, a tenté de poursuivre une carrière
soirée du Carlton, célébrités ou femmes aimées (Bibi, en solitaire. Leurs textes sont
Coco, Florette) posant devant l’appareil ou le chevalet. repris par deux filles de la famille
Le bonheur et l’insouciance sont retranscrits ici et là, dans d’André Gaillard. Elles montrent
une même vision aérienne et esthétique de la vie. Lartigue revendiquait souvent un statut la modernité incroyable de ce
d’amateur. Il était affranchi de toute école et de toute mode. « Ma seule richesse, c’est la liberté », qui pouvait sembler à l’époque
disait-il. Comme il fut riche ! DAPHNÉ THIÉRY des œuvrettes. C’est un régal. Nos
● *« Double Je. Jacques-Henri Lartigue, peintre et photographe, 1915-1939 », musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq, humoristes d’aujourd’hui devraient
95290 L’Isle-Adam(01.34.69.45.44), jusqu’au 19 septembre. Catalogue disponible aux Editions Somogy, 200 p., 29 ¤. prendre des leçons. JEAN-LUC JEENER

(...) sic« J’ai raté AC/DC lors de son dernier

passage en France car je faisais
du tourisme carcéral »

D. R.
Joey Starr (Carrefour Savoirs, juin 2010).

EN SCÈNE Danse sans miroir

L
a culture ne se mesure pas au
nombre d’expositions ou de spec-
tacles que l’on va voir », affirme
Ohad Naharin, le chorégraphe israé-
lien qui, avec sa compagnie La Bat-
sheva, sera tour à tour à l’Opéra royal
de Versailles, le 22 juin, et au festival
Montpellier Danse, le 26 juin. Pro-
pos lancés à la cantonade pour faire
du buzz ? Pas sûr. L’homme, s’il
est séducteur, n’en est pas moins
très réfléchi. « C’est la vulgarité
qui m’effraie », ajoute-t-il. Depuis
trente ans, cette figure de proue de
la danse israélienne s’en tient au
même principe : soigner la forme à
l’extrême, tout en dépassant « les cli-
chés de la relation au corps », ce à quoi
sa troupe s’emploie merveilleuse-
ment. « Il faut venir frais à un specta-
cle de danse, dit-il, pour que les attentes
D.R.
ne polluent pas ce que l’on va voir. »
Entendez : avoir des références,
c’est bien, les mettre en veilleuse,
c’est mieux. « C’est comme
cela que la danse peut changer
la vie. Pas avec de grandes
idées, pas avec des révolu-
tions, simplement avec des
atmosphères qui touchent les
êtres au plus profond d’eux-
mêmes. » C’est ainsi que le
spectateur entre dans son
monde, sans s’en rendre
compte. « Quand on danse, on
ne se voit pas, on se sent », affirme
Naharin. Une affirmation vala-
ble aussi bien pour la danse de
salon que pour celle des boîtes
de nuit ou de la scène. C’est
pour cela qu’à Tel-Aviv, au cen-
tre Suzanne Dellal, où il travaille,
le chorégraphe a fait enlever tous les miroirs
des studios de répétition. Demandé de
toutes parts, Ohad Naharin est parmi les dix
chorégraphes qui comptent dans le monde.
« Je crée parce que j’en ai envie, pas par
ambition », confie-t-il. « C’est une manière de
trouver de nouvelles solutions à la vie. Et puis,
il y a cette étrange relation entre l’effort et le
plaisir qu’il procure », ajoute-t-il en enfon-
çant sa casquette sur son front pour se
protéger du soleil. A 58 ans, cet enfant
d’un kibboutz veut, comme pour son public,
garder la fraîcheur de l’étonnement, de
la découverte. Ses ballets le prouvent. A Ver-
sailles, il donnera Deca Dance, une œuvre
forte, intense, et, à Montpellier, il créera
Hora, sorte de clin d’œil à trente ans de
chorégraphie, comme pour se défier des
références. FRANÇOIS DELÉTRAZ
● Opéra royal de Versailles, le 22 juin (01.30.83.78.89) ;
Montpellier Danse, le 26 juin (0.800.600.740).

98 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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O
n le savait mélomane,
mais à ce point... En
janvier dernier, pour
fêter leur dixième anniversaire,
les organisateurs d’Opéra en
plein air ont proposé à Patrick
Poivre d’Arvor d’ajouter une
corde à son arc en passant à la
mise en scène de l’opéra le plus
joué au monde. Un défi de taille :
des plateaux immenses, une
troupe de plus de
100 personnes (chan-
teurs, musiciens, dan-
seurs...), des lieux
et Fontainebleau en septembre...).
Aidé par Manon Savary, il s’est
mis à l’œuvre en veillant à respec-
ter le livret à la lettre, mais en se
permettant quelques touches
personnelles dans la conduite de
l’opéra de Bizet. Les principales
difficultés ? « Mon inexpérience et
la nécessité de réinventer chaque
fois la mise en scène en fonction de
l’endroit investi, de l’environne-
ment architectural ou
végétal, etc. » Les pre-
miers échos sont
élogieux. On attend
VINCENT PONTET/WIKISPECTACLE

somptueux (Champ Don Giovanni...J.-CH. B.

de Bataille, en Nor- ● Château de Vincennes,
mandie, ce week-end, 25, 26 et 27 juin. Retrouvez
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gnol rossinien à l’état pur. Doté d’un timbre brillant et chaleu- Date de naissance :
reux, le Péruvien Juan Diego Flórez incarne l’archétype du ténor aigu Adresse :
rossinien, capable des pyrotechnies vocales les plus étourdissantes.
Sa voix de nacre et de miel subjugue et attire les plus prestigieuses par-
Code Postal : Ville :
tenaires : Natalie Dessay, qu’il retrouve cet été aux Chorégies
Tél. :
d’Orange (17 juillet), Joyce DiDonato, avec qui il chante La Donna del
Adresse mail : @
Lago * après un Barbier de Séville désopilant à Covent Garden, ou la
grande Cecilia Bartoli dans une 2 M O N A D R E S S E P ROV I S O I R E
étourdissante Sonnambula de Doni-
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zetti (CD Decca). S’il se fait rare
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pour se préserver, il reste éblouissant

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Code Postal : Ville :
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nelle napolitaine ou péruvienne sont
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F I G M A G / S O R T I E S
EXPO
Monet, peintre abstrait ?
P
assionnante exposition au
musée Marmottan-Monet, à
Paris (XVIe). Des œuvres de Zao
Wou-ki, Kandinsky et Rothko sont
confrontées aux tableaux de Monet
afin d’illustrer les rapports entre le
maître de Giverny et les ténors de l’ab-
straction. Il y a là matière à paradoxe, car
Monet et l’impressionnisme
peuvent être à la fois perçus
comme l’aube d’un art mo-
derne et le crépuscule d’un
art ancien. Qui neconnaît en
effet les Nymphéas, les Cathé-
drales de Rouen, les Meules,
merveilles picturales dans
lesquelles le réel et la figure
se réduisent à un ensemble
de vibrations lumineuses et
colorées qui, conjuguées,
forment d’irréelles et flam-
boyantes tapisseries ondulant à la limite
de l’intangible ? Cette déréalisation du
motif semble rompre avec le réalisme
figuratif, de mise depuis la Renaissance,
et ainsi annoncerl’abstraction,maisiln’en
est rien. Pour Monet, peindre c’était
entrer dans la réalité objective du motif,
le décomposer en ses éléments constitu-
F Ê T E D E L A M U S I QU E
Classique : « La Nuit américaine », par l’Orchestre
de Paris, pyramide du Louvre, à 22 h.
Pop française : Revolver, à Neuilly-sur-Seine (92),
place de l’Hôtel-de-Ville, à 22 h.
EN VUE
FRANÇOIS MOREL
Et maintenant, il chante !
F
rançois Morel donne de la
voix. Révélé au sein de la troupe
des Deschiens, acteur de ci-
néma, chroniqueur radio, le quinqua-
génaire investit le Rond-
Point avec un spectacle
musical. Si Morel chante,
c’est surtout parce qu’il
écrit. Des textes de chan-
sons fins, malins, inspirés,
qui naviguent entre l’ab-
surde, le comique et le poli-
tique sans jamais qu’un re-
gistre prenne le pas sur
l’autre. Il est en cela l’héritier
d’un Bourvil. Mis en scène
par Juliette, le spectacle est
100 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
S I G N É T E S S O N
Un abus de pouvoir
tifs qui sont autant de sensations et
M
d’impressions visuelles. Cette ultime anque de chance. Un met-
et paroxystique tentative d’entrer teur en scène – Christophe
dans la réalité objective de la figure Perton – ose s’intéresser à la tragédie
n’aboutit qu’à sa destruction – les Nym- grecque. Il choisit La Folie d’Héraclès,
phéas illustrant à merveille cette disso- un texte d’Euripide qui a plusieurs mérites : un hé-
lution du réel dans un magma percep- ros magnifique, un récit d’une violence inouïe, une
tif. Monet n’est donc pas le premier des réflexion audacieuse sur l’injustice divine. On va au
Vieux-Colombier avec un préjugé favorable. On as-
siste pendant plus de deux heures à un travail consi-
dérable. Des idées, des talents, une énergie folle. Mais
au bout du compte, l’impression terrible d’une mé-
prise. D’un échec.
D’abord le texte. La tragédie grecque, c’est la nais-
sance de la parole et de la pensée théâtrales. Il est in-
compréhensible que le premier souci de celui qui dé-
THE BRIDGEMAN ART LIBRARY
cide de monter Euripide ne soit pas de veiller au
respect de cette parole (la poésie)
et de cette pensée (le contexte phi- Une
losophique). Or, ce que l’on nous interprétation
présente ici se résume à un digest abusive et à
abstraits, mais le dernier des figuratifs, littéraire et dramatique caricatu- contresens de
celui qui en a creusé la tombe, obli- ral. Le chœur et les personnages la mythologie
geant ses successeurs à emprunter sont absents, à l’exception d’Am-
d’autres routes. L’abstraction fut sans phitryon, le seul dont la partition ait une substance
doute la plusconséquente d’entre elles. (Andrzej Seweryn, présence remarquable).
PAULIN CÉSARI Cette lacune grave est compensée par une initiative
● « Monet et l’abstraction » (01.44.96.50.33), tout aussi incompréhensible. Christophe Perton a de-
jusqu’au 26 septembre. mandé à Lancelot Hamelin de composer un prolo-
gue à la tragédie d’Euripide. Ce texte se veut la repré-
sentation contemporaine de la figure d’Héraclès sous
Rock : Amandine Bourgeois, à Chalon-sur-Saône
(71), place de l’Hôtel-de-Ville, à 22 h. les traits d’un trader assoiffé de réussites boursières.
World : Alpha Blondy et Amadou et Mariam, Il s’agit là d’une interprétation abusive et à contresens
au château de Vincennes (94), à partir de 17 h. de la mythologie telle que les travaux d’Héraclès-Her-
Variété : Gérald de Palmas, à Noisy-le-Grand (93), cule semblent obéir au seul souci de la performance,
place de la Libération, à 22 h.
alors qu’ils s’inscrivent dans une démarche noble, le
rachat du mal par un héros éminemment positif.
Mais qui parle de sens ? On a durant tout le spec-
tacle le sentiment que le metteur en scène reste indif-
férent à ce que veut nous dire Euripide, aux valeurs
que défend sa tragédie et à la question qu’elle pose :
la faiblesse de l’homme devant la volonté des dieux,
volontairement théâtral. Les tenues an- volonté profondément arbitraire. Quel intérêt, la tra-
nées 30 de ses trois accompagnateurs gédie, si sa mise en scène évacue cette problématique
(un pianiste et deux femmes multi-ins- essentielle au profit d’une réappropriation gratuite
trumentistes) donnent une touche un voire incongrue de l’œuvre, quel que soit l’intérêt de
peu désuète qui fige parfois certaines audaces ou de certains bonheurs scénogra-
le propos. Mais l’énergie et phiques ou décoratifs, comme c’est le cas ici (utilisa-
l’enthousiasme de Morel tion de technologies avancées, belle partition musi-
emportent les dernières ré- cale, images spectaculaires, etc.) ?
ticences, en particulier dans Ironie de l’histoire : c’est dans le théâtre de Jacques
les scènes les plus outrées, Copeau qu’est commis ce nouvel abus de pouvoir
comme lorsqu’il se retrouve – Copeau qui passa sa vie à recommander aux gens
les pieds dans des bassines. de théâtre de ne pas confondre interprétation avec
PACOME POIRIER/WIKISPECTACLE
Irrésistible. OLIVIER NUC récupération ni avec dénaturation.
● LeSoir,deslions...,ThéâtreduRond- ● La Folie d’Héraclès, d’Euripide. Mise en scène de Christophe Perton.
Point (01.44.95.98.21), Paris, jusqu’au Avec A. Seweryn, N. Boudjenah, O. Werner, Cl. de Bayser...
27 juin, puis en tournée dans toute la La Comédie-Française-Le Vieux-Colombier (01.44.39.87.00).
France.
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Patxi Franc-tireur de la chanson

Quel est votre premier geste, souvenir, de Sagan, dans lequel
en ouvrant les yeux, le matin ? elle revient sur sa jeunesse, ses
J’éteins le réveil. premiers succès, son goût pour
Quelle est la question la vitesse, l’alcool, ses frasques.
qu’on vous pose le plus souvent ? Une voix dont vous
En ce moment, on me demande ne pouvez vous

VISUAL PRESS AGENCY

beaucoup la signification du lasser ?
titre de mon album, Amour Celle d’Alain
carabine. J’ai voulu faire un Bashung.
oxymore pour évoquer l’amour Que trouve-t-on dans
qui blesse. votre iPod ?
Si vous pouviez supprimer une Phoenix, Gossip et Plan B.
chanson de votre répertoire ? Une époque où vous auriez aimé
Je prépare mes concerts futurs vivre ?
et je m’aperçois que je n’ai gardé La fin du XIXe et le début du
que deux chansons de mon XXe siècle. J’aime la littérature
premier album... de cette époque, son élégance.
Quel est votre principal trait de Un chef-d’œuvre qui vous tombe
caractère ? des yeux ?
Je suis obstiné. La Fureur de vivre, de Nicholas
Que vous reproche-t-on ? Ray.
Ce que je me reproche, moi, c’est Un personnage que vous trouvez
PHOTOPQR/LE PARISIEN

d’être trop impulsif. surestimé ?

Le paysage qui vous fait du bien ? Madonna. Lady Gaga est en
train de l’assassiner, c’est assez
réjouissant : elle écrit ses
Le chanteur basque révélé par la « Star Ac’ » chansons,elleleschantevraiment
et elle sait jouer du piano.
AGE FOTOSTOCK

publie son deuxième album, pour lequel Une chanson que vous auriez aimé
il a su très bien s’entourer. écrire ?
La vue sur la chaîne des La nuit je mens.
Pyrénées qu’on trouve depuis Il lui aura fallu quatre années avant de sortir Amour carabine (At- Comment aimez-vous Paris ?
chez mes parents. C’est là que mosphériques/PIAS). Le camarade de promotion d’Elodie Frégé
à la « Star Academy » semble plus apaisé que jamais sur ce disque
P. NARAYAN/AGE FOTOSTOCK

j’ai grandi.
Quelles sont les trois personnes soigné, confectionné en tandem avec Sébastien Lafargue, ancien
que vous appelez le plus souvent ? du groupe Autour de Lucie. Quatre ans après S’embrasser, réalisé
Philippe Besson, Vincent par les anciens Innocents Jean-Christophe Urbain et JP Nataf, le
Panozzo ainsi qu’un chanteur a trouvé un ton bien à lui. Avec deux textes de l’auteur
autre Philippe. Et ma Philippe Besson, ce disque dessine l’autoportrait pudique d’un ar- De nuit. Je me réveille quand le
mère m’appelle tous tiste attachant et sensible. Il sera sur la scène de La Boule jour commence à descendre.
les jours. Noire, à Paris, les 27 et 28 septembre prochain. Un tic de langage qui vous agace ?
Quelle est la Les gens qui disent « allô » pour
boisson qui vous Des tapas et un Christophe Colomb. attirer l’attention de quelqu’un.
rend meilleur ? verre de rosé à Fontarabie. Votre héros dans la vie réelle ? Je trouve ça très méprisant.
Le Joan Collins : vodka, purée Une rencontre professionnelle Mon grand-père maternel, L’objet qui ne vous quitte jamais ?
de framboises, jus de citron, déterminante ? un Basque espagnol qui a Mon téléphone.
sucre. Sébastien Lafargue, avec qui combattu le franquisme. Votre table favorite ?
Comment vous y prenez-vous pour j’ai réalisé mon nouveau Votre ambition la plus Une petite pizzeria qui ne
combattre la mélancolie ? disque. Il m’a folle ? ressemble à rien dans une petite
Je ne la combats pas : je m’isole fait progresser, Faire du cinéma. rue de Rome, dont j’ai oublié le
chez moi, je vais me coucher et en m’emmenant ailleurs. Quel type de rôle nom.
le lendemain, c’est passé. Le casting du dîner idéal ? aimeriez-vous jouer ? Votre définition du luxe ?
FOODCOLLECTION/AGE FOTOSTOCK

Si vous pouviez changer quelque Alain Bashung, Martin Celui d’un mec un peu à Ne pas compter.
chose dans votre apparence ? Scorsese, Yoann Gourcuff, la dérive, comme on en A quel âge aimeriez-vous arrêter de
PHOTOPQR/OUEST FRANCE

Je me rajouterais quelques Françoise Sagan et Juan- trouve dans les romans vieillir ?
centimètres. Sebastián Elcano, le de Philippe Djian. A 40 ans. Ça me laisse douze
Quel est, selon vous, navigateur basque qui a Votre livre de chevet ? ans, ça va ! ■ AUX BASQUES DE
le comble du bonheur ? découvert l’Amérique avec Avec mon meilleur L’ARTISTE, OLIVIER NUC

102 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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F I G M
EN VUE
Fils à papas
L
chel Fottorino, kinésithérapeute suicidé sur un parking rochelais,
il compose avec ce bouleversant Questions à mon père le por-
trait anthume de Maurice Maman, juif marocain, gyné-
toire se dessine qui pourrait être la nôtre. « Etre juif, c’est
:
« Le long hurlement d’un loup
Ça commence comme ça
déferle en moi comme une rage de dents »
ESSAI
Tout ce que vous avez toujours
voulu savoir sur Woody...
H
ypothèse : Woody Allen
est un moraliste. Derrière
ses contradictions se ca-
che un sceptique prenant plaisir à
démonter les pouvoirs de la raison.
Logicien de l’illogique (et vice versa),
il use dans ses films d’à peu près
tous les registres (du nonsense à l’hu-
mour juif) pour délivrer l’individu
de ses angoisses. Dieu n’est pas bien
loin... pour peu qu’on le trouve. C’est
tout l’attrait de cette étude hérissée
104 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
A G / L I V
LE COUP DE CŒUR
ÉRIC FOTTORINO DE JÉRÔME BÉGLÉ
Pour le meilleur
et pour le pire
Photographe richissime et très
’an dernier, c’était Michel, le beau-père qui lui a donné son aimé des femmes, Marc Hessler
nom ; aujourd’hui, c’est Maurice, celui qui lui donna la se décide à passer la bague au
vie. Eric Fottorino est un fils à papas. Il y a de pires rai- doigt d’une ravissante Chinoise.
sons de devenir écrivain. Après avoir dressé, dans Celle-ci débarque à Paris trois
L’Homme qui m’aimait tout bas, le tombeau littéraire de Mi- jours avant les noces... mais le
lendemain de l’accident de
voiture qui a coûté la vie à son
promis ! Ses quatre meilleurs
cologue empêché d’exercer, dans son pays natal amis veulent amortir le choc
d’abord, puis à Toulouse, du fait d’un antisémitisme affectif qui, pensent-ils, ne
doucereux et coutumier. La même abjection qui, manquerait pas de dévaster la
quelques années plus tôt, à Bordeaux, lui jeune femme. Ils lui organisent
avait interdit de vivre un amour et d’en recon- une tournée des grands-ducs à
naître le fruit – son enfant. Longue adresse Paris. Rien ne se déroule comme
au père, impudique (comment faire prévu. Par ses confidences
autrement ?) sans jamais verser inattendues, Yun-Xiang
dans l’exhibition- désarçonne un à un les copains
nisme ni la com- de Marc qui découvrent qu’ils
plaisance, ce livre savaient finalement peu de
interroge moins les chose de leur camarade. Ils se
aléas de la paternité que la croyaient maîtres du jeu dans
chanson triste des occasions évanouies. Un enfant gran- lequel ils entraînent l’Asiatique,
FRÈDÈRIC STUCIN/M.Y.O.P.
dit, un père rapetisse au fil de l’horizon, tandis qu’une his- ils n’en seront que les frêles
esquifs ballottés par un fleuve
avoir peur », dira Maurice à son fils retrouvé. Le tumultueux et
temps perdu ne se rattrape pas, bien sûr. Le temps du imprévisible.
père, parfois. OLIVIER MONY Fausses
● Questions à mon père, d’Eric Fottorino, Gallimard, 202 p., 16,90 ¤. confidences
et vraies
déclarations
se succèdent.
Au petit jeu
du charme
et de la
D. R.
Aurora, Kentucky, de Carolyn D. Wall (Seuil). séduction, la nouvelle venue se
révèle imbattable. En arrière-
plan, le méchant frère du défunt
tente de mettre bon ordre au
fatras amical, social et financier
que laisse derrière lui le
photographe. Didier van
Cauwelaert ne ménage ni ses
effets ni les rebondissements.
de métaphores qui sonnent comme Le lecteur ne voit rien venir.
autant de charges contre les faux- Il tremble, rit, s’émeut et
semblants de l’époque. Et se sursaute même dans les
confond avec l’anatomie d’un dernières pages. Sur le métier
homme sachant énoncer des vérités de l’amitié, il brode un tissu
pas toujours bonnes à entendre. coloré, résistant, et aux couleurs
Mais avec humour : cette vérité ivre jamais délavées. Plus qu’un livre
qui n’en finit pas de mettre à mal d’été, un vrai roman d’humour,
toute explication à nos actes. Amen. d’amour et de toujours.
BENOÎT LAUDIER ● Les Témoins de la mariée, de Didier
● Woody Allen. Portrait d’un antimoderne, de van Cauwelaert, Albin Michel, 248 p., 19 ¤.
Laurent Dandrieu, CNRS éditions, 301 p., 20 ¤.
D. R.
■ PAGES COORDONNÉES PAR NICOLAS UNGEMUTH
R E S
Ne nous plaignez pas.
Aidez-nous à
(RE)DÉCOUVERTE construire des maisons
Frank-parler pour nos enfants
handicapés.
D
es esprits libres d’un tel calibre, on n’en voit même pas tou-
tes les quatre années bissextiles. Bernard Frank était étin-
celant. Outre les histoires connues – il a inventé le terme
« Hussards », était proche de Sagan, a virevolté dans plusieurs or-
ganes de presse –, le journaliste-écrivain était un pur-sang trop sau-
vage pour être catalogué à gauche comme à droite. La preuve par
408 (pages) avec Solde, faux « feuilleton »
mais vrai testament paru en 1980. Frank
digresse, Frank se tortille, Frank plante
des banderilles dans les vachettes sacrées,
Frank chute mais retombe toujours sur ses
pieds. Tout passe au tamis de sa splendide
ironie, les coups de griffe pleuvent – en
réalité, des soufflets en pattes de velours.
Il faut passer les pages exténuantes sur
Malraux, Lecanuet ou JJSS – ses obses-
sions délirantes – pour se délecter des
passages, hilarants, sur Barthes, Lautréa-
mont, Sartre et les critiques littéraires, ou
celui sur Madame Bovary, un classique
JOHN FOLEY/OPALE

inégalé. Le style est mercurial, l’intelli-

gence, suprême. N. U.
● Solde, de Bernard Frank, Flammarion, 408 p., 22 ¤.

photo : Marc Guéret

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personnes handicapées mentales.
Rome secrète et inédite Faites un don :

I
l existe une secte mondiale
dont les membres pour-
raient aller mille fois à
Venise comme à Rome. Per-
sonne ne songerait sérieuse-
ment à se rendre aussi souvent
à New York ou à Berlin : on en
fait le tour trop rapidement.
Jacques de Saint Victor, amou-
reux fou de l’Italie et exégète
fameux de la capitale, a la
bonne idée de publier ce « ro-
man » au titre trompeur,
puisqu’il s’agit en réalité d’un
antiguide idéal qu’il ne faut
pas oublier de glisser dans ses
valises. Décidant de ne pas
MARC-OLIVIER SCHULZ/FOCUS/COSMOS
s’épancher sur les poncifs
(Vatican, églises, musées, fon-
taine de Trevi, etc.), il part à
l’assaut de la Rome que peu de
gens connaissent, détaillant
les quartiers oubliés des cir-
cuits, les lieux magiques et
chargés d’histoire, au cours
desquels défilent Stendhal, le
Vittorio Gassman de Nous
nous sommes tant aimés ou le
Nino Manfredi d’Affreux, sales
et méchants. Une merveille
d’ouvrage. N. U.
● Le Roman de la Rome insolite, de Jacques
de Saint Victor, Editions du Rocher, 243 p.,
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A U T O M O B I L E
Peugeot RCZ
Le nouvel appétit du Lion
Un « concept car »
dans la rue : c’est le
défi que relève la
marque sochalienne,
avec un coupé hors
norme inaugurant
une nouvelle ligne
de modèles.
I
nutile de tourner autour du
pot : passer inaperçu au vo-
lant du nouveau coupé
sportif de Peugeot relève de
l’exploit. Est-ce son style original
qui fait chavirer les cœurs ou l’ef-
fet nouveauté qui intrigue ?
Quelle qu’en soit la raison, chaque
arrêt de la RCZ (Race, Car et l’in-
dice Z de performance/vitesse des
pneus) provoque des scènes d’at-
troupement. Pour sa première
tentative sur le marché des com-
pactes sportives issues de berlines
de grande série – si l’on écarte les
coupés 204 et 304 des années 70,
trop éloignés de l’esprit qui anime
ce nouveau modèle –, Peugeot
réalise un petit miracle à la fran-
çaise. A vrai dire, la RCZ revient
de loin. Si, dans l’engouement de
sa présentation au Salon de
Francfort de 2007, le désir de pro-
106 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
duire ce « concept car » en série
était prégnant au sein de l’état-
major de l’avenue de la Grande-
Armée, son industrialisation fut
une autre paire de manches.
Face au programme 308 qui foca-
lise à l’époque toutes les atten-
tions, la RCZ n’est clairement pas
prioritaire. Les ingénieurs sont
même face à un casse-tête, car
Peugeot ne franchira le pas qu’à
la condition de rester fidèle au
concept de départ. Finalement, le
public exulte lorsque Peugeot an-
nonce, à l’ouverture du Salon de
Genève 2008, que la RCZ connaî-
tra bien une destinée commer-
ciale, mais pas avant le premier
semestre 2010.
Deux années se sont écoulées,
mais la RCZ n’a rien perdu de sa
fraîcheur originelle. Sorte
d’Audi TT à la française, ce
coupé évoquant le coupé Volks-
wagen Karmann dessiné par
Ghia puise dans ses arches en
aluminium recouvrant d’un
seul trait la cabine, ses hanches
généreuses et la double bulle de
toit d’inspiration Zagato, toute
la force d’un style qui n’a pas fini
de faire tourner les têtes. Les
passages de roue très marqués
englobant des roues surdimen-
sionnées de 19 pouces et le dé-
crochement de la ligne de porte
couronnent le dynamisme de la
silhouette. Produite dans l’usine
Magna Steyr en Autriche, mais
puisant largement dans la ban-
que d’organes de la 308, la RCZ
hérite logiquement du tableau
de bord incliné à la présentation
et à la finition d’inspiration
germanique. Une option cuir in-
tégral (3 700 euros) recouvrant
la coiffe de la planche et les pan-
neaux de portes renforce l’exclu-
sivité de ce coupé.
Edition personnalisée ou
limitée, la marque se surpasse
Peugeot n’est jamais allé aussi
loin dans la personnalisation
d’un véhicule, proposant no-
tamment une multitude de des-
sins de jantes, des arches de
teinte sable ou noire, des étriers
de freins et des coques de rétro-
viseur noirs et aussi un pavillon
en carbone (1 500 euros). Une
édition limitée de 200 unités re-
connaissable à sa peinture
blanc nacré et à ses arches noi-
res a même été produite.
Le capot avant en aluminium,
réalisé d’une seule pièce et englo-
bant les ailes, loge des mécani-
ques éprouvées. Issus de la colla-
boration technique avec BMW,
les deux moteurs à essence turbo-
compressés de 1,6 litre délivrent
156 et 200 ch. Ils sont épaulés par
un 2 litres diesel de 163 ch ne
consommant que 5,3 litres/100
km pour des émissions de CO2
de 139 g/km. Pour descendre
sous la barre des 100 g/km, Peu-
geot pourrait être tenté de com-
mercialiser l’étude Hybrid 4 pré-
sentée à Genève en mars dernier.
Mariant le 2 litres HDI de 163 ch
à un moteur électrique de 37 ch
accolé aux roues arrière, ce coupé
4 roues motrices inaugurerait un
nouveau genre, si l’on excepte la
Honda CR-Z (lire page ci-contre)
relevant d’un autre schéma.
La RCZ semble ouvrir l’appé-
tit de Peugeot pour des véhicu-
les charismatiques destinés à
soutenir la gamme tradition-
nelle. A l’image de la voie suivie
par Citroën avec sa ligne paral-
lèle DS, la firme sochalienne
cherche à s’appuyer sur des
modèles à fort contenu émotion-
nel pour monter progressive-
ment en gamme. Cette démar-
che intelligente donnera le jour
à une série de trois à quatre
véhicules. Le prochain pourrait
être un roadster RCZ. Mais un
coupé 508 et une version de sé-
rie du concept SR1 ne manque-
raient pas non plus d’allure. Si
seulement le Lion pouvait sortir
ses griffes… ■
■ PAR SYLVAIN REISSER

Arches en aluminium
recouvrant d’un seul trait la
cabine, tableau de bord à la
finition germanique, ce coupé
fait tourner bien des têtes.
FICHE TECHNIQUE
Moteur : 4 cylindres
turbo, 1 598 cm3, 156 ch,
240 Nm de couple.
Transmission :
manuelle 6 rapports.
Dimensions : L. 4,28 m,
l. 1,84 m, h. 1,36 m.
Consommation :
6,7 l/100 km.
Emissions de CO2 :
155 g/km.
Vitesse : 217 km/h.
Prix : 27 400 euros.
Surlaroute
Alors que l’on monte à bord
d’une berline 308, on se
glisse dans la RCZ, qui ins-
talle le conducteur au plus
près de la route. Le baquet
enveloppant disposant d’un
appuie-tête intégré, la posi-
tion de conduite parfaite et
la commande de boîte tom-
bant sous la main participent
à l’ambiance sportive. Les
premiers virages ne déçoi-
vent pas. Campée sur ses
énormes roues de 19 pouces,
la RCZ flirte avec les lois de
la physique avec une grande
facilité, mais au prix d’un
amortissement ferme. Le
grip est phénoménal. Mar-
que de fabrique de Peu-
geot, la qualité des liaisons
au sol force ici encore le res-
pect. Portée par un centre de
gravité abaissé, des voies
élargies et une rigidité ac-
crue, la RCZ affiche une ef-
ficacité impressionnante en
grande courbe. Et les freins
ne plient jamais sous l’effort.
Sur autoroute, la stabilité
n’est pas non plus prise en
défaut grâce notamment à
l’aileron arrière mobile qui se
déploie à 19 degrés de 85 à
145 km/h et à 34 degrés au-
delà de 155 km/h. Si l’on est
conquis par la maîtrise dé-
ployée par la RCZ, on re-
grette le manque de punch
du 1,6 litre de 156 ch déli-
vrant un couple de 240 Nm
de 1 400 à 4 500 tr/min et
l’exiguïté des places arrière,
vraiment de dépannage ou
pour des enfants.
HONDACR-Z
Le sport en douce
Pression sur le bouton start, le moteur électrique
se met sous tension pour un court instant.
Première enclenchée, c’est au tour du moteur
thermique de passer à l’action. Sous nos yeux,
le cadran oblong intégrant le compte-tours et
l’afficheur digital de la vitesse encadrent de
curieux diagrammes. Ceux-ci prennent en
permanence le pouls de cette usine à gaz. A la
décélération et au freinage, le moteur électrique
de 14 ch intégré entre le 4 cylindres 1,5 litre de
114 ch et la boîte manuelle à six rapports recharge
la batterie, tandis que le système IMA épingle
des lauriers comme des trophées au conducteur
soucieux de sa consommation. En jouant patte
de velours sur le mode éco, Honda assure pouvoir
descendre à 5 litres/100 km, soit des émissions
de CO2 réduites à 117 g/km. Assuré d’un bonus
écologique de 2 000 euros, ce coupé d’un genre
nouveau s’affiche en entrée de gamme
à seulement 19 500 euros ! Mais, ce qui fait le sel
de ce coupé à la poupe tronquée évoquant le CR-X
des années 90, c’est son mode sport qui colore
le compteur de rouge. Immédiatement perceptible
à l’accélérateur, le surcroît de couple de l’ordre
de 70 Nm généré par le moteur électrique booste
les accélérations pendant un court instant.
Hélas, l’effet soufflé du turbo, appréciable pour
les dépassements, s’évanouit trop vite pour
autoriser une conduite véritablement sportive.
La tenue de route et le confort des
suspensions donnent le change, mais à ce tarif
plancher, il faudra compter avec des portes très
longues ne facilitant pas l’accès dans les parkings
étroits, le basculement des sièges dénué de
glissière, des places arrière symboliques, une
visibilité arrière médiocre et une ambiance
reposant sur un ensemble disparate de plastiques.
PHOTOS : D. R.
19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 107
H O R L O G E R I E
Au fil de l’eau
Elles plongent ou elles naviguent, résistent
aux grandes profondeurs ou aux déferlantes.
Voici une sélection de modèles qui écumeront
les mers cet été.
B
ijou caché sous la
manche d’une che-
mise toute l’année,
la montre s’exhibe
l’été en même temps que l’on se
découvre, signant, tel un mani-
feste, une personnalité, une iden-
tité. Avec les montres de bateau,
associées à des régates dans les
mers des Caraïbes ou sur le lac
Léman, ou encore à de célèbres
Un système de joints ingénieux
permet à ce modèle de résister
à 1 000 m de profondeur.
Automatique, en acier et titane sur
bracelet caoutchouc. P’678O Diver,
8 000 ¤, Porsche Design.
108 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
voiliers comme l’Amerigo Ves-
pucci, on a vite fait de se faire pas-
ser pour un vrai yachtman. Cel-
les destinées à la plongée, à base
de technologies résistant à la
pression, descendent à des pro-
fondeurs que vous n’atteindrez
jamais (1 000 mètres pour la
Porsche Design !), même si vous
tentez d’imiter l’apnéiste Jacques
Mayol. Rassurez-vous, ces mer-
veilles sont accessibles à tous les
prix (83 euros la Swatch plastique
que l’on s’arrache déjà). Car
aujourd’hui, on ne juge pas une
montre à sa valeur d’achat, mais
à son originalité et à sa capacité à
distinguer celui qui la porte. ■
A quartz, en acier, étanche
à 200 m, ce chrono
existe dans quatre coloris
vifs, sur bracelet silicone Présentée à Bâle, la nouvelle
assorti. Cruise Sport Submariner s’arme d’une lunette
Chrono 45 mm, 385 ¤, en Cerachrom résistant aux
TechnoMarine chez Colette. rayures, sur un boîtier acier avec
index et aiguilles luminescents.
Automatique, étanche à 300 m.
Oyster Perpetual Submariner
Date, 5 555 ¤, Rolex.
C’est la première Portugaise
sport avec bracelet caoutchouc
de la gamme. Chronographe
automatique, en acier, fond
noir, étanche à 50 m.
Portugaise Yacht Club
Chronographe,
9 800 ¤, IWC.
JEAN-MARC BREGUET
 Pour la première édition
de la régate Les Voiles de Figure de proue
Saint-Barth, Richard Mille a de la marque,
lancé une montre automatique voici la Newport
de plongée en titane, étanche noir et blanc version
à 300 m, sur bracelet chronographe, à
caoutchouc jaune, couleur que quartz, en acier sur
l’on retrouve sur la couronne bracelet cuir, étanche
et la lunette. Edition limitée. à 100 m. Newport
RM 028 Les Voiles de St Barth, Yacht Club Chrono,
72 000 ¤, Richard Mille. 690 ¤, Michel Herbelin.

En plastique moulé avec

lunette tournante et bracelet
en silicone structuré côtelé,
les Swatch Chrono de l’été,
résistantes à 30 m, arborent
haut les couleurs, comme Rouge, orange
cette toute verte fluo. ou plus simplement noir, ce
Collection Chrono chrono à quartz plonge à 500 m
Plastic, 83 ¤, Swatch. et affiche un boîtier acier de
43 mm de diamètre avec index
luminescents. Dive Master
500 Chrono, 895 ¤, Victorinox.

Sponsor du Bol d’Or Mirabaud,

qui avait lieu sur le lac Léman le week-end
dernier, Corum présente la montre réalisée
pour l’occasion : un chrono automatique
en titane, fond bleu, sur bracelet
caoutchouc, étanche à 300 m et limité
à 35 pièces. Admiral’s Cup Chronograph

CLAUDE JORAY
Boîtier en 48 Bol d’Or Mirabaud, 7 000 ¤, Corum.
acier, cadran
gris ardoise,
lunette en titane
anthracite, bracelet
en cuir gris souris,
pour la nouvelle
Overseas de l’été.
Automatique, gravée
au dos du voilier
« Amerigo Vespucci » et
étanche à 150 m, elle est
livrée avec un deuxième
bracelet en caoutchouc.
Overseas Dual Time
version chrono, 11 500 ¤,
Vacheron Constantin.

Elle plonge à 5OO m,

est en acier finition noire avec
valve de décompression et
aiguilles photoluminescentes.
Mouvement automatique.
Instrument BR02-94, 4 100 ¤,
Bell & Ross.

Mariage élégant de l’acier et

du caoutchouc noir pour ce
chronographe automatique qui
POWERMAC

plonge à 100 m. Pasha

Seatimer, 7 900 ¤, Cartier.
PHOTOS : D. R.

■ PAR LAURENCE LACONTRE

 F I G M A G / T E C H N O P L U S
Smartphones de contacts dans le même écran

Génération spontanée
(téléphone, SMS, e-mail, Face-
book, Twitter, photos...). Bénéfi-
ciant d’un procédé révolution-
naire ultrarapide pour la saisie
Surfant sur le succès des réseaux sociaux et de l’e-mail, les appareils des textes, le Samsung Galaxy S
étonnera vos amis grâce à ses
récents proposent un système de messagerie unifiée pour simplifier fonctionnalités de réalité aug-
les communications. Tour d’horizon. mentée : en orientant la caméra

Q
ui saura stopper
la progression
insolente du mo-
bile d’Apple ?
Annoncé pour le 24 juin dans
notre pays, la version 4 s’impose
d’emblée comme le nouvel étalon
de référence dans le domaine des
smartphones. Plus fine (9,3 mm
d’épaisseur), plus rapide, dotée
d’un capteur 5 mégapixels avec
flash pour réaliser des photos di-
gnes de ce nom et des vidéos HD
(720p), elle profite surtout d’un
écran exceptionnel, quatre fois
plus précis, capable d’appro-
cher la qualité d’affichage du
papier. Notons également l’ad-
jonction d’une seconde caméra
en façade, pour s’adonner aux
joies de la visioconférence en Wi-
Fi, ainsi que l’emploi du nouveau
processeur A4 (celui de l’iPad),
capable d’offrir 7 heures d’auto-
nomie en conversation. Enfin,
côté logiciel, apparaissent un
système de messagerie unifiée et
une application (iMovie) pour ef-
fectuer du montage vidéo en
mobilité.
Bien que spectaculaires, ces
avancées ne font que rattraper le
retard accumulé par Apple au
niveau des caractéristiques tech-
niques. Domaine où ses concur-
rents se distinguent depuis long-
temps, cédant cependant le pas
en matière d’ergonomie. Mais les
progrès réalisés par le système
Android (appartenant à Google)
laissent augurer une compéti-
tion bénéfique pour le consom-
mateur. Nous avons été séduits
par les formes originales du
Motorola Flipout et son sys-
tème Motoblur, qui
réunit intelligem-
ment tous les types
dans le paysage, il affiche les
points d’intérêt (cafés, restau-
rants...) sur l’écran de manière
dynamique.
N’oublions pas la possibilité
offerte par le BlackBerry Pearl
9105 de composer vocalement les
numéros de téléphone ni le GPS
complet inclus dans le Garmin
A10. Enfin, pour vous distinguer
définitivement de la multitude
grandissante des aficionados de
l’iPhone, le Liquid E Ferrari
d’Acer, aux couleurs de la célèbre
Scuderia, représente une alterna-
tive attrayante. Avant de
vous offrir la voiture... ■

Un GPS Bien vu Contacts

complet Communiquez en unifiés
Conçu par visiophonie grâce à Avec sa forme
un spécialiste la caméra frontale originale, le Motorola
du GPS, le de l’iPhone 4 Flipout se glisse
Garmin-Asus d’Apple. Doté d’une dans une poche ou
A10 marie un structure affinée, il un sac à main. Il bénéficie
récepteur GPS, intègre un écran d’une d’un écran multipoint
un compas résolution exceptionnelle de pivotant qui révèle un
électronique, un 960 x 640 pixels. Outre son clavier azerty. Le système
appareil photo appareil photo 5 mégapixels Motoblur réunit sur
5 mégapixels et à flash gérant les vidéos 720p, les contacts SMS, photos,
les connectivités 3G + il embarque un gyroscope, Facebook, Twitter,
et Wi-Fi. Tournant 3 axes. En vente le Gmail... Système Android
sous Android, il offre 24 juin, annoncé (été 2010).
l’accès aux services pour l’instant à
mobiles Google ainsi 199 dollars
que la synchronisation le 16 Go. Comme un grand
des contacts Seulement 5 cm de large
(été 2010). et un poids de 93 g pour
La grande classe le plus
petit des
Adoptez le look Ferrari avec le Liquid E Ferrari
de Acer. Estampillé du légendaire écusson et Du rêve smartphones
BlackBerry.
adoptant le code couleur de la célèbre Scuderia,
ce smartphone 3G fonctionne sous Android.
à la réalité Le Pearl 9105
Tournant sous Android, le navigue en
Ecran tactile 3,5 pouces et capteur Samsung Galaxy S autorise douceur sur
5 mégapixels (août 2010). la vidéo HD, la lecture d’e- les réseaux
books, la saisie intuitive des 3G, Wi-Fi et
textes, l’accès aux widgets GPS grâce à
de Samsung Apps et la son trackpad
réalité augmentée pour optique.
s’orienter dans le paysage. Compatible
Il est équipé d’un écran avec la
4 pouces, d’un accéléromètre composition
PHOTOS D.R.

et d’un détecteur de vocale

proximité (499 ¤, en juillet). (été 2010).

110 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ PAR MARTINE MOREAU ET PASCAL GRANDMAISON
 F I
MANOLO MYLONAS/LE FIGARO MAGAZINE
La belle famille. Valentino, le fils, Rita, la mamma, aux commandes de ce petit coin d’Italie, à Paris, et Michela, la fille.
RESTAURANT
Sourire et joie de vivre
à « La Famiglia »
Sacrée bonne nouvelle : « La Famiglia » de la Porte Maillot a retrouvé
le lustre de l’époque où Pavarotti et Paolo Conte créaient l’ambiance.
P
rès de vingt ans
que la famille
Fuligna tient la
maison. Après
avoir révolutionné les vieilles
rues de Beaubourg avec l’Oc-
chiobello, un loft au décor de
théâtre, orchestre napolitain
et fiesta italienne.
Rue Waldeck-Rousseau, les
femmes ont triomphé d’une
histoire de famille. Elles ont
pris le pouvoir. Et de quelle
112 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010
G M
TRATTORIA DE LUXE
façon ! Infatigables, disponibles,
souriantes. La jolie Rita, deve-
nue la patronne aujourd’hui –
seule maître à bord – a pris en
main les destinées du restau-
rant. Avec un atout de charme,
sa fille Michela, 27 ans, un
amour de jeune femme.
Deux sourires tout au long
d’un repas, voilà une exception
qui mérite le détour. Une vraie
rareté. Et pour ne pas avoir de
problème avec un chef grincheux
A G / S
ou une tête enflée, Rita a recruté
son fils, Valentino, 24 ans : belle
et bonne cuisine. Il peut innover,
en famille, avec ses clients pour
seuls juges. La Famiglia porte
donc bien son nom et on a vite
fait de s’y sentir chez soi.
Les pâtes fraîches faites mai-
son, 12 spécialités préparées
avec soin : farandole de quatre
pâtes, taglionis à la crème de
truffe blanche, gnocchis aux pa-
lourdes et courgettes, linguines
A V E
aux palourdes, lasagnes viande
hachée sauce tomate, fusillis
aux champignons, pennes sauce
piquante, risotto asperges et
langoustines, spaghettis sauce
tomate cerise et basilic, etc.
En entrée, variété d’antipastis :
salade de poulpes, assortiment
de champignons frais poêlés,
roulé d’aubergines, charcute-
ries italiennes, minestrone de
légumes, carpaccio basilic et
pignons, etc.
Le goût de
la dolce vita
Les viandes, dans la tradition :
escalope de veau au citron,
roulé de veau aux champi-
gnons, côte de veau sauce piz-
zaiola, foie de veau aux oignons
et vinaigre balsamique, filet
de bœuf aux champignons et
sauce crème fraîche.
Côté poissons : calamars frits,
gambas sauce piquante, sole
persil-tomate, filet de bar auber-
gines et pommes de terre, thon
poivrons-tomates. Fromages
italiens pour finir, et les classi-
ques tiramisu café-chocolat,
panna cotta fruits rouges, glaces
et fruits de saison.
Une carte, donc, où tous les plats
de la Botte sont présents. Mais
avec l’avantage d’une préparation
minute où tout est frais, trié,
choisi. Rien à voir avec ces restau-
rants italiens qui encombrent les
rues de Paris de leur médio-
crité. Une cuisine vérité comme
celle, à un niveau supérieur, du
Sormani de Pascal Fayet, paria
du Michelin mais plébiscité par
ses clients et toujours complet.
La Famiglia est devenue une
trattoria de luxe, comme on
les aime en Italie. On s’y régale
dans une atmosphère élégante
mais pas du tout sophistiquée.
Voilà une maison très recom-
mandable. La cuisine est excel-
lente, le service parfait et l’ac-
cueil chaleureux. Rita, Michela,
Valentino – la belle famille –
méritent une ovation.
■ MAURICE BEAUDOIN
La Famiglia, 2, rue Waldeck-Rousseau,
75017 Paris (01.45.74.20.28). Menus
déjeuner : 35 ¤, 45 ¤ (vin compris), 60 ¤ (eau
et vin compris). Carte : environ 60 ¤ (sans
boisson). Belle carte des vins. Fermé le diman-
che midi. Voiturier.
U R S
VIN
LA BELLE AVENTURE DE PERRIER-JOUËT
Quatre étoiles pour un champagne sur mesure
C’était la Belle Epoque d’avant crise : 50 000 euros les 12 bouteilles de grand champagne.

S
ophie Marceau et Victoria Abril, de susciter des souvenirs, des émotions, d’évoquer
la chanteuse Marianne Faith- les odeurs de parfums d’enfance ou de jardin par
full, la chef triplement étoilée des jeux olfactifs, visuels et sensoriels, afin de cer-
Anne-Sophie Pic avaient été choisies ner et de traduire leur sensibilité gustative. »
comme marraines de la cuvée sur mesure Chaque cuvée a été élaborée sur la base
By & For (par et pour vous), lancée en mars du champagne Belle Epoque Blanc de
2008 par la maison Perrier-Jouët. En ces blancs millésime 2000, pour laquelle
temps d’avant crise, Patrick Ricard, alors Hervé Deschamps a composé une liqueur
président de Pernod Ricard, propriétaire de dosage à l’image de son interlocutrice.
de la maison de champagne, avait décidé de « Une réelle aventure sensorielle mais aussi
lancer la cuvée la plus chère du monde. humaine, avec ce moment ultime et décisif lors-
Le pari était osé : 50 000 ¤ les 12 flacons que l’on doit choisir sa propre cuvée », confie
d’exception. Autant dire qu’une fois arri- Anne-Sophie Pic.
vée la crise financière, quelques mois Deux ans après leur élaboration, un défi
plus tard, aucune autre maison de cham- plus œnologique que marketing, les mar-
pagne ne se risqua à relever le défi ! raines ont enfin pris possession de cette part
L’originalité de cette cuvée est d’être d’elles-mêmes. « C’est émouvant de se voir
élaborée en partenariat direct avec le confier aujourd’hui la clé de son propre coffret »,
VINCENT BOISOT/LE FIGARO MAGAZINE

client : chaque bouteille devient alors laissa échapper Marianne Faithfull. Chaque
unique. Chacune des ambassadrices a icône trônait devant son coffret de laque blan-
ainsi eu la chance de passer une journée à che où patientait chacune des 12 bouteilles
Sophie Marceau
la maison Belle Epoque à Epernay, joyau montre l’un de ses de By & For, au design fidèle à celui dessiné
d’art nouveau, en compagnie d’Hervé 12 flacons d’exception. un siècle plus tôt par Emile Gallé.
Deschamps, chef de cave. « Mon rôle était ■ FRÉDÉRIC DURAND-BAZIN

LE29JUINÀPARIS Les participants pourront goûter
Les grands bordeaux les primeurs 2009 et comparer
avec les 2000 et 2005. A eux
ont rendez-vous de dire quel est, pour eux, le plus
avec nos lecteurs grand millésime. Mardi 29 juin,
dégustation à partir de 20 h
VI. BOISOT/LE FIGARO MAGAZINE
un autre champagne destiné, lui,
à être exclusivement servi dans
le but de rafraîchir aux heures
les plus chaudes de l’été ? C’est la
mission du Moët Ice Impérial qui
sera lancé cet été, en particulier
à 30 grammes par litre ça
ne suffisait pas pour tenir
le pari difficile d’un champagne
nécessairement fruité et pouvant
résister à la glace. » Ne pas tuer
le bouquet du vin avec la glace

en compagnie des producteurs. à Saint-Tropez et à Acapulco. grâce aux propriétés du demi-sec

Les soirées dégustation
du Figaro sont devenues un rite.
Chaude ambiance, cohorte
d’habitués, connaisseurs,
profanes. Un mélange de lecteurs
curieux, enthousiastes à l’idée
Buffet dînatoire. Lavinia,
3, boulevard de la Madeleine,
75001 Paris. Membres du Club
vin Figaro : 79 ¤. Membres
et non membres, inscriptions
sur www.lefigaro.fr/club-vin
AVECUNTIERSDEGLAÇONS
Moët invente
le champagne de l’été
D. R.
Un champagne qu’il ne sera pas
nécessaire de servir dans des
carafes frappées ou des verres
dont la saveur sucrée s’estompe
à basse température (entre 4
et 6 °C) : cet exercice délicat a
parfaitement réussi. L’Ice Impérial
se consomme dans un verre
à pied largement ouvert pour
accueillir, grosso modo, deux
tiers de champagne et un tiers
de petits glaçons, mais surtout
pas de glace pilée. Quant au

packaging, il est au diapason :

de déguster des vins d’exception.
Le 29 juin, notre collaborateur
Bernard Burtschy présentera les
propriétaires et chefs de cave de
ces grands châteaux bordelais :
Angélus, Batailley, Bernadotte,
Canon La Gaffelière, Cantenac
Brown, Clos Fourtet, Dassault,
Gruaud Larose, La Lagune,
Pape Clément, Tour de Pez,
Pichon Longueville-Comtesse
de Lalande, Smith Haut Lafitte.
Benoît Gouez, le chef de cave de
Moët et Chandon, et son équipe
ont enfin découvert la recette
idéale du champagne sur glace.
Un mythe après lequel on courait
depuis plus d’un siècle et demi.
Frais mais pas glacé (6 à 8 °C),
c’est ainsi que doit se boire
le brut champenois si l’on veut lui
conserver ses qualités gustatives.
Mais alors, comment concevoir,
pour ceux qui en ont envie,
préalablement glacés, comme
c’était l’usage sous Napoléon III.
Moët a conçu un champagne
estival qui est un assemblage
classique des trois cépages
champenois, mais il est élaboré
en demi-sec. Autrement dit, dosé
à 45 grammes de sucre par litre.
Benoît Gouez explique que
ce choix résulte de plusieurs
expériences pour trouver le
dosage idéal. « Par exemple, dit-il,
blanc comme neige ou comme
glace. Blanche, la bouteille, avec
un effet de bulles qui semblent
remonter du fond du flacon ;
blanche et dorée, l’étiquette, alors
que la collerette traditionnelle
de la bouteille est blanche avec
des filets dorés. Blancs aussi,
le rafraîchissoir, le seau à glaçons
et les verres à pied. Tout a été
imaginé pour rendre l’Ice Impérial
encore plus estival. ROGER POURTEAU

■ PAGE COORDONNÉE PAR MAURICE BEAUDOIN 19 JUIN 2010 - LE FIGARO MAGAZINE • 113
P A T R I M O I N E / I M M O B I L I E R

BOURSE
Accor et le CAC 40 « Privilégier PHILANTHROPIE
Bill Gates encourage
l’épargne
les actifs réels » des plus pauvres
En Espagne, les caisses
d’épargne sont dans la
PASCAL SITTLER/REA Le président de la banque suisse Wegelin pré- tourmente en raison de leur
fère les actions et la pierre aux obligations. exposition à l’immobilier et le
secteur est obligé de se

W
Que se passe-t-il quand un des restructurer. A l’échelle
grands noms du CAC 40 se egelin. Cette banque privée suisse, qui gère mondiale, ces centenaires, qui
coupe en deux ? La cote 20 milliards d’euros principalement pour des viennent de célébrer à
s’adapte. La scission d’Accor Suisses et non pour de grandes fortunes inter- Edimbourg les deux cents ans
en deux entités, une pour nationales, comme certaines de ses consœurs, de la création de la première
l’hôtellerie, l’autre pour les n’est pas connue en France. Mais son président, le Dr Konrad Humm- d’entre elles, veulent rester un
services prépayés (tickets- ler (notre photo), également président de l’Association des banquiers moteur de développement.
restaurants, cartes cadeaux) privés suisses et membre du conseil de la Deutsche Börse, est réputé
rebaptisée Edenred, va ainsi pour son franc-parler et ses positions à contre-courant. Sa lettre d’in-
modifier l’indice en deux vestissement est tirée à plus de 100 000 exemplaires et compte parmi
temps. Le vendredi 2 juillet, les ses destinataires Henry Kissinger. La semaine dernière à Lausanne,
deux valeurs seront inclues
devant un parterre de responsables de fonds de pension, il donnait
dans le CAC 40 pour une
séance seulement (il comptera sa vision des marchés et des risques. « La crise actuelle, l’endettement
alors exceptionnellement des pays occidentaux, va accélérer le bas-
41 valeurs). A partir du lundi culement du monde du point de vue écono-
5 juillet, Edenred sera retirée mique. » Le plan de sauvetage de la

D. R.
de l’indice et le CAC retrouvera Grèce ne le rassure pas. « La Grèce a peu
ses 40 valeurs. L’assemblée de chance d’échapper à la faillite. L’austé- L’Institut mondial des caisses
générale extraordinaire qui doit rité est telle qu’elle poussera la jeune géné- d’épargne, qui réunit 109
valider cette scission est ration à quitter le pays, ce qui pèsera sur le membres issus de 90 pays,
prévue le 29 juin, et le dividende vient d’ailleurs de recevoir une
potentiel de celui-ci. Il faudrait annuler 50
sera détaché le 2 juillet. subvention de 20 millions de
C. P. à 70 % de la dette. Cela aurait des consé- dollars de la Fondation Bill et
quences pour les banques allemandes et Melinda Gates, créée par le
ÉPARGNE françaises, mais ce serait la meilleure so-
ANNE MORGENSTERN

fondateur de Microsoft.
Les Français croient lution », assure-t-il. Une solution bien
loin du schéma politique mis en place
Objectif : doubler d’ici à 2014
le nombre de comptes
en leur entreprise dans la zone euro. Alors, penseur de d’épargne dans les pays en
L’épargne d’entreprise, une l’extrême, le Dr Konrad Hummler ? voie de développement. Leur
solution efficace pour se Selon lui, il y aurait aujourd’hui trop de sujets tabous. « L’endettement cible : les plus démunis, qui
constituer un capital retraite ? implicite, c’est-à-dire les systèmes de retraite, d’assurance-chômage, ne se- ont au plus 2 dollars par jour
C’est ce que pensent 76 % des ront pas financés si on n’a pas une croissance de 3 à 5 % dans la zone euro. pour vivre. Les aider à
chefs d’entreprise et 69 % des Et on en est loin », avertit-il. épargner, et surtout à
salariés, selon le baromètre Mais quels sont les conseils de ce Cassandre qui reconnaît que la pé- sécuriser leurs économies, est
2010 Tendances épargne et une manière de leur donner
riode actuelle est probablement la plus difficile de sa carrière pour don-
retraite entreprise réalisé par un coup de pouce. C’est le pari
Altedia et BNP Paribas. Malgré ner des recommandations en matière de placement ? « On ne sait pas
des projets menés. Celui du
la chute des marchés boursiers, s’il faut craindre l’inflation ou la déflation. Il me paraît tout de même dan- Kenya consiste, notamment, à
l’actionnariat reste plébiscité gereux d’acheter des obligations d’Etat à dix ans. Les actions ont le mérite installer des points bancaires
par les salariés. Près de 9 sur de représenter une valeur réelle tangible, tout comme l’immobilier ou cer- dans des magasins de
10 estiment que devenir taines monnaies de réserve, comme le dollar canadien, néo-zélandais... » proximité ; par exemple dans
actionnaire de son entreprise A ses clients, il recommande donc un tel cocktail, persuadé que la bulle une pharmacie (voir photo).
est « une bonne chose ». A. B. actuelle se situe d’abord sur le système financier. ■ C. P. C. P.

GESTION Combien peut-on espérer gagner en plaçant un capital ?

Déboussolés par la dernière décennie, qui a vu les lui, celui à avoir en tête, notamment pour préparer sa
actions battues par les placements de taux, les retraite. A ceux qui ont encore au moins une dizaine
épargnants ne savent plus très bien qu’espérer de d’années avant cette échéance, il conseille pour y
leurs portefeuilles financiers. Que peut-on attendre à parvenir de consacrer encore 40 % aux actions. A
long terme de ses placements ? « La vocation d’une condition toutefois d’avoir une épargne de précaution
stratégie d’investissement est de protéger le suffisante pour de ne pas devoir vendre au mauvais
PHOTONONSTOP

patrimoine contre l’érosion monétaire », répond moment. Cette poche actions serait ensuite réduite à
Franck Nicolas chez Natixis Asset Management. Un l’approche de la fin de la vie active jusqu’à représenter
objectif qui peut paraître modeste, mais qui est, selon environ 10 % du portefeuille. C. P.

114 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010 ■ RUBRIQUE COORDONNÉE PAR CAROLE PAPAZIAN
Energie solaire
Comment faire
le bon choix
Mieux vaut être attentif lors de l’installa-
tion de panneaux photovoltaïques.
L
e Salon parisien des énergies
renouvelables vient de fermer
ses portes et le solaire y a oc-
cupé une large place. Ce n’est
plus l’installation de chauffe-eau solaires qui
séduit (en recul l’an dernier), mais la filière de
production d’électricité photovoltaïque. Celle-
ci est soutenue par des avantages fiscaux : les
particuliers peuvent récupérer en crédit
d’impôt jusqu’à 8 000 euros s’ils font instal-
ler des panneaux solaires. Ils peuvent aussi
vendre l’électricité produite à EDF sur la base
d’un prix très attractif de 58 centimes le kilo-
wattheure. « Nous sommes en pleine bulle pho-
tovoltaïque, estime Stéphane Maureau, PDG
d’Evasol, l’un des principaux installateurs en
France. Ces aides ont permis de créer un marché
français, c’est une très bonne chose, mais cela a
aussi attiré des intervenants sans compétences
spécifiques. » Il faut donc rester vigilant avant
de se lancer. « Un investissement ne peut être éco-
logique et rentable que s’il dure », rappelle-t-il.
Il conseille de s’assurer que les panneaux so-
laires sont bien garantis vingt-cinq ans. Au-
tre point essentiel, selon lui, la garantie décen-
nale. L’essentiel des litiges dans le secteur du
solaire concerne des problèmes d’étanchéité
20 000 ¤
C’est le prix moyen d’une installation
photovoltaïque chez un particulier.
DELFINO DOMINIQUE / SUNSET
de la toiture. Mieux vaut être sûr que le poseur
est assuré, spécifiquement pour des travaux
d’installation de panneaux solaires. De son
côté, Franck Chevrel, directeur de France
Panneaux Solaires, une enseigne en forte
croissance, rappelle que la production réelle
d’électricité par les panneaux est un élément
fondamental de la rentabilité. Une installation
moyenne (de 3 kilowatts) doit ainsi rapporter
entre 2 340 euros par an à Toulouse et
1 440 euros à Lille. Ce qui permet un retour
sur investissement entre sept et douze ans.
Pour plus de détails, le Groupement des par-
ticuliers producteurs d’électricité photovol-
taïque propose une mine de renseignement
sur internet (http://forum-photovoltaique.fr).
■ JEAN-BERNARD LITZLER
S U D O K U

La diabolique de la semaine de Bernard Gervais Ingénieur et ancien professeur de mathématiques, spécialiste du Su Doku en France.
Rappel des règles Les astuces Difficulté : ✰✰✰✰✰✰
du Su Doku : E5 = 1, I9 = 1, G5 = 3, H6 = 2, B1 = 4, I6 = 4, G3 = 4, F5 = 4, A2 = 1.
une grille est compo- Un couple binaire assez évident à trouver : B7-C7 = 1-5 à cause de
sée de 81 cases, soit D8-D9 et I9-G8, et donc un pentuplet DEFGH-7 = 2-3-4-8-9, dés-
9 carrés (9 blocs de illusion, car aucun placement induit. La case B4 a pour valeurs
9 cases). Le joueur potentielles 1 ou 5 car G4-H4-I4 = 7-8-9 et D4 = 2. Magnifique,
doit compléter la une configuration remarquable d’unicité. Diabolique
grille avec des La case C4 ne peut valoir ni 1, ni 5 sous dunuméroprécédent
chiffres allant de 1 à peine d’avoir deux solutions numériques
9. Chaque chiffre ne distinctes, C4 = 6 est certain, puis B4 = 1,
peut être utilisé C7 = 1, B7 = 5, I2 = 5, H2 = 3, I8 = 3, A9 = 3,
qu’une fois, et une B9 = 7, F4 = 5, I4 = 9, I3 = 8, B2 = 8, D1 = 8,
seule, dans chaque E2 = 6, G2 = 7, F9 = 6, D6 = 6, H8 = 6, G1 = 6,
ligne, dans chaque H1 = 9, A1 = 7, D3 = 7, F3 = 3, D7 = 3, D5 = 9,
colonne et dans E6 = 7, F6 = 8, F7 = 9, H4 = 7, G4 = 8, A5 = 8,
chaque carré. B5 = 2, B8 = 9, C9 = 8, A8 = 2, E8 = 8 etc.

ITALIE / GRÈCE / CHYPRE / ISRAËL / ÉGYPTE / JORDANIE

CROISIÈRE AU COEUR DE L’HISTOIRE

du 11 au 25 novembre 2010

FRANCE 15 jours / 14 nuits

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ITALIE à partir de 1955€*
1 Savone TOUT COMPRIS
(transferts, pension complète, conférences,
Nice spectacles...), au départ de Nice
2 Civitavecchia / Rome

Le Pirée/
Athènes G R È C E
tracé non contractuel

5
Katakolon
4

Mosquée d’Omar à Jérusalem 3

Rhodes
6
CROISIÈRE RÉSERVÉE AUX LECTEURS DU FIGARO Embarquez à bord de notre première Croisière CHYPRE
« au cœur de l’Histoire ». Mer Méditerranée
7
Nos cinq conférenciers seront à vos côtés tout au ISRAËL
Limassol
long du parcours pour vous faire partager leur
canal de SuezAshdod
passion de l'Histoire. Ils évoqueront avec grand
talent, les hommes qui ont fait l'Histoire : Henri 8

IV, Bonaparte, François Mauriac, le Général de 9

Gaulle... Nous avons voulu aller plus loin, ainsi, Port Saïd JORDANIE
ÉGYPTE 10
Eilath13 12
Jean-Luc Barré Xavier de Bartillat Etienne de Montety Jean Tulard nous racontera « Comment on devient
historien », Xavier de Bartillat, ancien directeur des Safaga 11
Aqaba
éditions Perrin, partagera avec les croisiéristes les
anecdotes d'une longue carrière riche de rencontres Paris
14
Charm
El Cheikh
15
exceptionnelles.
Mer
Etienne de Montety, directeur du Figaro Littéraire, *Prix par personne en cabine intérieure catégorie I1 occupée par 2 personnes hors excursions au départ de Nice. Rouge
animera une séance de questions/réponses sur TAAJ - Licence : 075 95 0595 - Document non contractuel - Programme communiqué à titre indicatif et susceptible de modifications . Les personnes citées seront
le Figaro tandis que des ateliers ludiques seront présentes sauf en cas de force majeure - Création : Amplitude CMD - Photos : Fotolia : Holger Mette - Istock : david5962 - François Bouchon - C. Hélie Gallimard -
Jean-Christian Petitfils Jean Tulard proposés tout au long du parcours. Isabelle Vincenti - Laurent Peters - Andernsen Ulf - D.R.

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B R I D G E

Problème n°152 : Comme monsieur Jourdain Nevada kids

Comme chaque année à la même période s'est déroulé
à Las Vegas le célébrissime tournoi du Cavendish. J'ai eu
par le passé l'occasion de vous relater dans ces colonnes
la démesure propre à cet événement. La qualité des parti-
cipants, les prix astronomiques, les paris obligatoires
en font un rendez-vous annuel que ne manqueraient pour
rien au monde ceux qui ont à la fois la chance d'être invités
et les moyens d'y participer (cela pourrait être énoncé
dans l'ordre inverse).
Lors d'une vente aux enchères, animée avec un brio
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♠ 10 8 3 tout simplement de récupérer sa mise, il faut que la paire
♥ A 10 4 choisie finisse dans les dix premiers.
♦A762 Pour ma part, c'est ma troisième participation à l'épreuve
♣943 (et la meilleure) et, pour la troisième fois consécutive, c'est
la paire américaine Levin-Weinstein qui fait le "top price"

0
- 62.000 dollars en cette année de crise - Pour ne pas faire
perdre d'argent à leurs preneurs, il faut qu'ils terminent
dans les trois premiers, ce qui est une performance
que beaucoup, parmi les dix premières paires mondiales,
♠ ARDV
♥RD3 n'ont jamais accomplie. Eh bien, lors des trois dernières
♦R années ces deux "diables" ont fini premiers, seconds
♣ A R V 10 2 et encore premiers cette année. Quand on sait qu'ils
avaient déjà remporté deux fois l'épreuve auparavant, cela
Les enchères (Sud donneur – Tous vulnérables) : laisse rêveur.
Sud O N E Cette année, cela s'est joué tout à la fin. Il restait deux
2♦ passe 3♥(*) passe (*) 2 As de même couleur donnes à jouer et les Norvégiens Helgemo et Helness
4♣ passe 5♣ passe avaient une centaine de points d'avance (ce qui corres-
7SA pond à peu près à un coup d'écart) quand la main
suivante se présenta en Sud :
Ouest entame du 9 de ♥ pour le Roi. Vous tirez l'As de ♣, Ouest défausse. ♠ D 10 3
Ne déprimez pas ! ♥5
♦ R 10 9 8 6 5 2
♣AD
Solution du problème n°151 : En bon ordre
Tout le monde vulnérable, la séquence commença ainsi :
Contrat : 4♥ joué par Sud. au mort pour tenter immédiatement S Ouest N E
Entame : 2 de ♣. l’impasse à ♥, Ouest va prendre et va 3♥ Contre 4♥
♠RV5 rejouer ♣, qu’il va vous falloir couper. ?
♥753 Vous avez besoin de deux levées de ♠
♦ A V 10 pour votre contrat et il vous faut donc Que fallait-il faire ? Aux deux tables, le possesseur de
♣D643 rendre encore une fois la main à la cette main a plongé à 6♦. La main du partenaire était :
♠632 ♠A974 défense, à l’As de ♠ précisément. Et Est ♠R9842
♥R95 N ♥84 aura beau jeu de vous faire couper une ♥A
O E troisième fois à ♣, vous raccourcissant ♦AV7
♦8754 ♦96
S définitivement et assurant ainsi la ♣ V 10 7 6
♣872 ♣ARV95
♠ D 10 8 promotion du 9 de ♥ d’Ouest !
Comment échapper à cette catastrophe Aux deux tables, Est a entamé de son singleton Pique
♥ A D V 10 2
annoncée ? Tout simplement en atta- pour l'As de son partenaire et la coupe : une de chute.
♦RD32
quant, non pas par les atouts, mais par Mais Levin - Weinstein étaient en Est-Ouest et ils ont
♣ 10
les ♠. Au cas bien improbable où vous encaissé ce coup alors qu'Helgemo - Helness étaient
Voici un bon contrat qu’il serait dom- trouveriez l’As de ♠ en Ouest, la réus- en Nord Sud. L'écart était comblé. Nouvelle victoire des
mage de chuter. L’ouverture d’Est peut site de l’impasse au Roi de ♥ sera une Américains acclamés comme il se doit par tous leurs
vous laisser penser que le Roi d’atout certitude. Le plus souvent, Est prendra "investisupporters".
est bien placé mais dans ce cas, rien ne la main à ♠, et ne pourra plus vous faire
peut vous arriver. Partez donc plutôt du couper un ♣ sans affranchir la Dame, Retrouvez plus d’une année de problèmes de bridge
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le Danube. Possessif. N’intervient
qu’à la fin. 11 11
8. Tous les hommes n’en ont pas
deux. Dose absorbée. Espèce de
12 12
lentille. 13 13
9. Le demi n’est pas beau. Avança
l’heure du départ. Plante des ma- 14 14
rais. Mot d’auteur.
10. Dans le sillage d’une vedette.
15 15
Se portent en broche dans les 16 16
grandes occasions. Résidence des
ducs de Bretagne. 17 17
11. Occupe le devant de la scène.
Enregistré. Attaché au piquet. 18 18
12. Palindrome batave. Il va au 19 19
four et au moulin. Représentante
des laridés. Pas uni. 20 20
13. Petit méprisant. On le trouve
plutôt longuet à table. Sans fard.
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sans raison. Faire la vie. Ouvre pas la flotte. Métamorphose de fiant. Circulent en Moldavie. matière. Victoire d’Hannibal. Vic-
l’épitaphe. papillon. Un rôle pour Delon. 10. Espèces de croquants. Exposé time d’un fléau.
17. Plante potagère. Tombe fine- 4. Porté par des rois. Avec elle, les à la lumière. Suite de lettre. 17. Monnaie. Attire les mouches.
ment. Appellation de barde. pépins réapparaissent. Plante. 11.Centre d’intérêt. Dur à cuire. Se Répond à l’invitation. Pièce d’Ib-
18. Puissance surnaturelle. Unité. 5. Obligation rarement négocia- manifestent par des crises. sen. Ne change rien.
Inflammation. Bande armée. ble. Susceptible d’user. Article 12. Qui peut exploser. Sent moins 18. Est revenu en force. Ont pris
19. Note. Agresseur nocturne. espagnol. le bouchon en hiver. Il arrive tou- des couleurs. Donne de l’eau.
Se porte avec des bottes. Insecte. 6. Disque de zone bleue. Toujours jours après la bataille. 19. Dieu marin. Blanche de To-
20. Détention arbitraire. Pour le même numéro. Son travail est 13. Se met à table et mange le mor- lède. Arme de la résistance.
joindre les deux bouts. Membres excitant. Pour la montagne. ceau. Recueils de pensées. Sympa- 20. Partie en Suisse. Ne ménage
d’une association. 7. Piqué ou pincé. Préposition. thique comme on en voit peu. pas sa peine. On en a fait le tour.
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14. Peine. Minute. Sébiles. 15. Prêt. Cicéro. Ciselé. 16. Recel. Région. Bisse. 17. Ore. A-côté. Amputée. An. 18. Ca. Spi. Aulnaies. Stuc. 19. Hile. Torse. Géras. Ici. 20. Elindes. Evier.
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cité. 7. E-S-E. Brasse. Milo. Os. 8. Mi. Elire. Spic. Tar. 9. Rh. Rite. ISF. Onéreuse. 10. Ebéniste. Assuré. Lev. 11. Obi. Créant. Catogan. 12. Régie. Rhône. Image. 13. Ter. Négociant.
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H U M E U R

L E B L O C - N O T E S D E P H I L I P P E B O U VA R D

Mini-lexique pour
traduire en français courant
le français fuyant
Notre ami souhaitait prendre un peu de recul. Par exemple, la société du tunnel du Mont-Blanc et l’éta-
Il a eu dix minutes pour vider les tiroirs de son bureau. blissement public du château de Versailles. Dans le passé,
Nous avons passé une soirée mémorable. l’Etat se montrait encore plus généreux. J’ai connu l’épo-
Nous ne sommes pas près d’oublier votre gigot calciné. que où, traditionnellement, lorsqu’ils quittaient leurs fonc-
Ma fille a rencontré un garçon d’avenir. tions, les préfets de police parisiens héritaient de la pré-
Ce jeune homme est sans travail présentement. sidence des mines de l’Ouenza. A telle enseigne qu’une
Nos résultats sont un peu moins bons que année où le préfet avait duré moins longtemps que ses pré-
prévu. Nous sommes à la veille décesseurs, le groupe algérien se retrouva avec deux pré-
de la cessation de paiements. sidents.
Je suis ravi que vous ayez gagné au loto. ≠Etrange image que celle d’un pape « en grand uniforme »
Y en a que pour la crapule ! présentant publiquement ses excuses au nom des prêtres
Nous sommes convenus de nous revoir S’il n’avait pas ayant agressé des enfants. Une contrition aussi tardive que
le plus tôt possible. nécessaire. Mais l’apparat de ce mea culpa cadrait mal avec
Les ponts sont définitivement rompus. si mauvaise l’humilité attendue du pécheur repenti.
Si vous passez dans le coin, venez nous voir cet été. haleine, ≠ On peut supposer que ce sont les mêmes enseignants
Ma secrétaire a ordre de vous communiquer obtus et sectaires qui dénient aux Mémoires de guerre du
une fausse adresse. je général de Gaulle le droit de constituer un sujet du bac
Je le respecte bien que nous ne soyons souhaiterais et qui s’évertuent à ce que, durant la totalité de leurs étu-
pas toujours du même avis. des secondaires, leurs élèves n’entendent jamais parler
S’il n’avait pas si mauvaise haleine, qu’il crève de Napoléon Ier.
je souhaiterais qu’il crève la gueule ouverte. la gueule ≠Voilà quelques semaines, j’avais interviewé Pierre Siramy,
Cher ami, vous prendrez bien quelque chose espion à la retraite, pour un bouquin vendant la mèche de
avant de partir ? ouverte son ancien service. Cet agent pas très secret m’avait paru
J’ai converti ma femme à l’échangisme. sympathique, jovial et sûr de lui. N’avait-il pas fait relire
Les discussions reprendront prochainement. son manuscrit par un avocat ? Tous nos hauts fonction-
Nous n’en parlerons plus jamais. naires n’ont-ils pas pris l’habitude de passer aux aveux
Quand je joue au casino, c’est toujours raisonnablement. dans les librairies ? On l’a laissé s’installer confortablement au box-
J’essaie de ne pas perdre en un soir plus que ce que je gagne office avant de le placer en garde à vue. On a même perquisitionné
en un mois. à son domicile. Avec, sans doute, l’arrière-pensée de l’aider à retrou-
Il y a des gens très compétents à gauche. ver des documents qu’il avait omis de livrer à ses lecteurs.
Je me prépare à l’alternance. ≠ Une suggestion (parfaitement utopique) pour déterminer l’âge idéal
Je vous propose une soirée en camarades. de cessation d’activité de chaque travailleur : effectuer médicalement,
Nous ferons l’amour comme des bêtes. aux alentours de la cinquantaine, un « pronostic d’espérance de vie »
Vous êtes irremplaçable. en fonction de l’état général, de l’héritage génétique et des excès consta-
J’ai sous le coude, pour votre poste, tés. Après quoi, un quart de siècle avant la date prévue pour le grand
dix successeurs potentiels. départ, on autoriserait un départ à la retraite.
Nous ne souhaitons pas nous exprimer sur le sujet. ≠ Le temps est révolu où les princes épousaient des bergères. C’est
Votre curiosité nous gêne beaucoup. l’inverse qui se produit aujourd’hui où les héritières des derniers trô-
Elle a des yeux superbes. nes s’en vont chercher du sang neuf dans la roture.
Le reste ne vaut pas tripette. ≠ Le XVIIIe siècle fut le siècle des Lumières, le XIXe, celui de la révo-
Ce romancier a du style. lution industrielle, le XXe, celui de l’énergie nucléaire. On peut déjà
Cet écrivaillon n’a aucune histoire à raconter. prévoir que le XXIe demeurera dans l’histoire celui de la baballe. Une
Vous ne changez pas. baudruche emblématique qui emprunte des formes et des tailles va-
Dommage que vous ayez toujours la même tronche. riées. Mais le postulat est toujours identique : il n’y a qu’une baballe
≠ Infortunée Christine Boutin ! Seule citoyenne à ne pas être auto- pour deux, pour vingt-deux ou pour trente joueurs. Cette situation
risée à cumuler salaire et retraite. Et alors que, courageusement, elle de pénurie crée le suspense. Pour l’instant. Car le jour où l’on aug-
s’était attelée, dans sa chambrette, à un problème mondial. En fait, mentera le nombre des baballes et où, comme au golf, chacun aura
il s’agissait moins d’une mission que d’un de ces lots de consolation la sienne, que restera-t-il de ces apothéoses musculaires ? Le rela-
que le pouvoir offre, pour éviter qu’ils se rapprochent de l’opposition, tif fiasco de l’homme qui, même médaillé olympique, court en-
à ceux qu’il a éloignés de lui. Survivances de l’Ancien Régime, quel- core moins vite que le guépard ? Bien sûr, les jeux du cirque re-
ques abbayes subsistent, destinées à transformer certains favoris dis- montent à l’Antiquité. Mais on y risquait alors sa vie, et pas
graciés par le souverain en chanoines prébendés de la République. seulement un carton rouge.

126 • LE FIGARO MAGAZINE - 19 JUIN 2010

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