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DOCTORAT en DROIT
Eric LESTRADE
JURY :
DOCTORAT en DROIT
Eric LESTRADE
JURY :
À ma mère
Merci aussi à Stéphanie et Nicolas, pour m’avoir spontanément prêté leur précieux
concours, ainsi qu’à Denis pour son inestimable soutien logistique.
Enfin, je remercie aussi Muriel, ainsi que ma mère, pour leur patience et leur soutien
moral...et linguistique. Un grand merci à toutes les deux, pour avoir eu la gentillesse
de répondre à mes questions...prioritaires.
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION ................................................................................................................................13
PREMIERE PARTIE
L’EXISTENCE DU PROCES
SECONDE PARTIE
LA QUALITE DU PROCES
Bibliographie ........................................................................................................................................585
Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ....................................661
Statistiques ...........................................................................................................................................683
INTRODUCTION
vertueuse sans justice, puisque cette dernière est la condition de l’harmonie entre les
hommes. Ainsi, ARISTOTE, qui distingue la justice corrective1, reposant sur l’égalité
fondée sur la proportionnalité (chacun doit recevoir selon son mérite), considérait-t-il
qu’« elle est une vertu complète au plus haut point, parce qu’elle est usage de la vertu
complète et elle est complète parce que l’homme en possession de cette vertu est capable d’en
user aussi à l’égard des autres et non seulement pour lui-même3 ». Pour ARISTOTE,
comme pour PLATON4, la justice est donc une vertu morale, qui participe de la
nécessaire recherche d’un équilibre entre les membres d’une communauté politique.
manière décisive, dans toutes les activités humaines, puisque c’est elle qui confère
une « portée effective5 » aux dispositions législatives qui les gouvernent, dans un
dizaine d’années, le professeur Thierry RENOUX avait émis l’idée que, si le XIXe
siècle avait été celui du pouvoir législatif et le XX e siècle celui de l’exécutif, le XXIe
point de devenir un « objet de consommation courante8 », mais aussi sur le rôle joué par
fondateur de la Ve République10.
l’intérêt de leur étude, il conviendra alors d’en préciser le champ (§ 1.), l’objet (§ 2.) et
7 Idem, p. 89.
8 GUINCHARD S., « La justice, bien de consommation courante », Études de droit de la consommation :
liber amicorum Jean Calais-Auloy, Dalloz, Paris, 2003, p. 461.
9 HOURQUEBIE F., Sur l'émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République, Bruylant,
Bruxelles, 2004.
10 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », Cinquantième anniversaire de la Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008,
p. 293.
11 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », D, 1991, p. 171.
12 TUSSEAU G., « Plaidoyer pour le droit processuel constitutionnel », Constitutions, 2012, p. 585.
Introduction 15
§ 1. Champ de l’étude
n’apporte ici que peu d’éléments susceptibles de cerner la notion, si ce n’est l’idée
approche fonctionnelle (B) permet de mieux circonscrire la notion dans toutes ses
dimensions.
possible de distinguer, d’un côté, les éléments constitutifs principaux du procès (1) et
un tribunal, une contestation pendante devant une juridiction13 ». Il y aurait alors deux
13 CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e éd., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 725.
16 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
et devenu matière du procès, une fois saisie la justice14 ». Il forme l’élément d’altérité
identifié par le professeur Serge GUINCHARD, dans sa définition du procès 15. Au-
sorte, puisqu’en son absence, l’instance est éteinte et le procès n’existe plus. L’article
384 du Code de procédure civile prévoit ainsi les différentes hypothèses d'extinction
française, « la manière de procéder en justice », c’est à dire l’ensemble des formalités qui
doivent être accomplies pour progresser vers la solution d'une affaire judiciaire. Elle
est aussi un moyen de classification des procès, selon le poids respectif du juge et des
admet, très largement aujourd’hui, que la plupart des procès revêtent une nature
pondération des rôles du juge et des parties dans le déroulement du procès 17.
Néanmoins, quelle que soit la famille à laquelle elle emprunte ses traits dominants, la
l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou
14 Idem, p. 498.
15 GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, 5e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé,
Paris, 2009.
16 « En dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet
de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le
décès d'une partie [...] ».
17 Sur la distinction, Cf AMBROISE-CASTEROT C., « Procédure accusatoire/ Procédure
inquisitoire », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1058.
Introduction 17
la notion d’action en justice, qui n’est désormais plus assimilée, comme dans la
obtenir la reconnaissance.
10. L’instance est, quant à elle, une notion ambivalente. Sur un plan fonctionnel, elle
est d’abord un rapport particulier qui se crée entre les acteurs du procès (les parties
justice jusqu’à la solution du litige. L’instance est souvent confondue avec le procès
lui-même, alors qu’elle n’est, en toute rigueur, qu’une phase de celui-ci, comme en
l’assimilation est largement admise entre les deux notions, notamment par la
doctrine. Ainsi, le Dictionnaire de la Justice du professeur Loïc CADIET n’a pas cru
considérations, les deux termes seront donc indifféremment employés dans la suite
de l’étude.
18 MOTULSKY H., « Le Droit subjectif et l'action en justice », Le Droit subjectif en question - publié avec
le concours du C.N.R.S, Ed. Topos Verlag, Vaduz, 1981, p. 215.
19 « Procédure engagée devant une juridiction, phase du procès », CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e
éd., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 555.
20 CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1348.
18 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
11. À ce stade, le procès pourrait donc se définir comme une procédure, visant à
insuffisant, tant chacune des deux composantes principales doit être complétée, afin
tant que facteur d’harmonie entre les hommes21. À ce titre, le procès est un rouage
être : le lieu et le moment d'un jugement acquis d'avance, à peine dissimulé derrière
13. En second lieu, le litige doit être soumis à l’appréciation d’un tiers, bénéficiant
d’une certaine légitimité aux yeux des parties. Celle-ci découle essentiellement de sa
qualité, laquelle est garantie par son mode de désignation. En effet, que le juge soit
21 AMRANI-MEKKI S., « Procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1083.
22 A titre d’exemple, le procès de SOCRATE ou encore, les procès de Moscou organisés par STALINE
entre 1936 et 1938.
23 GUINCHARD S., « Le procès équitable, droit fondamental ? », A.J.D.A., n° spécial juillet-août 1998,
p. 191.
24 Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000,
Bruylant, Coll. Union des avocats européens, Bruxelles, 2001.
Introduction 19
compétences, ou qu’il soit directement choisi par les parties elles-mêmes pour
du procès27.
deux ou plusieurs parties, soumis à l’évaluation d’un tiers légitime, lequel devra se
Cependant, la définition de tout objet doit comporter, non seulement les éléments
relations sociales, en mettant un terme aux différends entre les hommes, par
juridictionnelle est ainsi doublement admise par ses destinataires. L’autorité attachée
25 Cf infra n° 248 et s.
26 Cf infra n° 436 et s.
27 GUINCHARD S., .CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, op. cit.
28 ARISTOTE, Catégories, I, 1 a 1-4.
29 AMRANI-MEKKI S., « Procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1088.
20 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
édicté32.
15. L’association des éléments formels et fonctionnels permet alors d’aboutir à une
définition satisfaisante du procès, parce qu’elle permet d’en rendre compte dans sa
double dimension. Le procès, champ principal de l’étude, sera donc envisagé comme
un instrument d’apaisement des rapports sociaux, grâce au concours d’un tiers légitime, qui
apporte une solution à un litige opposant deux ou plusieurs parties, au moyen d’une
§ 2. Objet de l’étude
sémantique.
A) La notion de principe
17. Les principes occupent une place centrale dans le fonctionnement des sociétés
humaines et jouent un rôle essentiel, dans le processus de fabrication du droit qui les
départ, assimilé par le plus grand nombre, qu’il est donc inutile d’expliciter 33. Les
source de perplexité théorique35. De tous les juristes à s’être penchés sur la question36,
Ronald DWORKIN est sans doute celui qui a construit la théorie la plus aboutie 37.
démontrant l’existence autonome des principes en droit et leur distinction des règles
juridiques.
18. Pour y parvenir, DWORKIN va adopter une démarche intellectuelle orientée dans
deux directions. En premier lieu, d’un point de vue statique, il va démontrer que le
spécifiques, qui ne peuvent être confondus avec ceux propres aux autres normes
juridiques (1). En second lieu, dans une approche dynamique, DWORKIN va mettre
en exergue le rôle précis joué par les principes dans le raisonnement juridique (2).
33 RIPERT G., Les forces créatrices du droit, L.G.D.J., Paris, 1955, § 132.
34 CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 2008.
35 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 2008, p. 113.
36 Cf BOULANGER J., « Principes généraux du droit et droit positif », Le droit privé français au milieu
du XXe siècle, Etudes offertes à Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950, p. 51 et s.
37 En 1967, DWORKIN publie un essai « The Model of Rules », qui deviendra deux chapitres (« Le
modèle des règles I » et « Le modèle des règles II ») de l’ouvrage Prendre les droits au sérieux, P.U.F,
Coll. Léviathan, Paris, 1995.
38 L’idée de DWORKIN tend à démontrer que les principes non écrits appliqués par les juges sont
des principes moraux et simultanément, des principes juridiques, précisément parce qu’ils font
l’objet d’une pratique judiciaire.
22 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
premier a trait à leur nature : les principes sont des normes fondamentales, en ce sens
même système juridique. Tel est le cas, quand une juridiction se réfère à un principe
pour édicter une règle nouvelle39. Inversement, les principes, parce qu’ils sont eux-
20. Il résulte de cette « fondamentalité » une conséquence inéluctable : leur nature est
inadaptée au test du pedigree, utilisé par les positivistes pour distinguer les règles de
droit valides, de celles qui ne le sont pas, ou des règles morales41, selon la manière
dont elles ont été édictées. DWORKIN propose alors une autre procédure
d’identification des principes, dès lors qu’ils s’inscrivent dans la théorie du droit et
qu’ils fournissent aux règles substantielles ou formelles une assise incontestable 42. Il
s’agit alors de trouver dans le principe, une justification issue de la tradition morale
des règles de droit, est relatif à leur contenu. Structurellement indéterminés, les
résolution du litige46.
22. Le second particularisme des principes, parmi les normes juridiques, tient à la
manière dont ils agissent au sein des rouages du droit. Leur « défectibilité », signalée
aux cas concrets, auxquels ils seraient susceptibles de s’appliquer. En illustrant son
propos avec une affaire new-yorkaise, dans laquelle une juridiction devait décider si
majeure entre les principes juridiques et les règles de droit 48. Le principe selon lequel
« nul ne doit pouvoir tirer avantage de sa propre turpitude », utilisé par la Cour pour
correspondante, ni les exceptions qu’elle est à même de recevoir49. Entre les règles et
44 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 115.
45 CAUDAL S., « Rapport introductif », CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 7.
46 Idem, p. 116.
47 Riggs v. Palmer 115 New York 506, 22 New England 188 (1889).
48 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 80.
49 Idem, p. 83-84.
24 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
entre les règles de droit et les principes, réside dans le mode de résolution des
conflits pouvant survenir entre normes juridiques. DWORKIN démontre que les
principes sont dotés d’un caractère que les règles ignorent : la valeur, synonyme de
d’une technique consistant à établir, entre les deux principes en conflit, une
hiérarchie axiologique mobile51, c’est à dire que le juge doit attribuer un poids à
chacun des deux, ce qui lui permettra de déterminer in fine, le principe à appliquer
pourrait, par ailleurs, déboucher sur une solution inversée, dans un cas concret
24. À la différence des principes, les règles de droit ne peuvent être pondérées de la
sorte, puisqu’elles sont dépourvues de cette importance relative, qui sert d’unité de
une seule des deux est nécessairement valide, alors que l’autre ne l’est pas. Le
système juridique résout alors de telles difficultés, grâce à des règles de dénouement
des conflits normatifs, telles que « Lex specialia generalibus derogant53 », « Lex posterior
50 Id., p 84-85.
51 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 118.
52 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 80.
53 « La loi spéciale déroge à la loi générale ».
54 « La loi la plus récente déroge à la loi postérieure ».
Introduction 25
directeurs codifiés, qui en déterminent les grandes orientations, « les conceptions dont
elle s’inspire, l’éthique qu’elle veut incarner55 ». Chacune aussi possède des traits qui lui
litiges dont elle a à connaître, la personnalité des acteurs qui participent au procès et
même si certaines similitudes peuvent apparaître entre procès civil et procès pénal58,
en raison d’une certaine forme d’attraction exercée par les principes directeurs du
formé par les vingt-quatre premiers articles du Code, regroupés au sein du Chapitre
1er, du Titre 1er, du Livre 1er, intitulé « Les principes directeurs du procès ». Ces derniers
Il est possible de les classer dans deux catégories distinctes. D’un côté, les treize
premiers articles visent essentiellement à répartir les rôles entre le juge et les parties,
tandis que de l’autre, les onze dispositions suivantes s’attachent surtout à fournir des
garanties de bonne justice61. Mais l’objectif principal, poursuivi par les principes
ce qui traduit une rupture avec la conception traditionnelle du procès civil, dans
principe de coopération entre les différents acteurs du procès, les rôles sont
pénale. Elle demeure globalement accusatoire, mais intègre dans son fonctionnement
préliminaire64, introduit par la loi du 15 juin 200065. Celui-ci pose trois catégories de
pas été concrétisées dans la loi réformant la procédure pénale de 199367. La première
droits des victimes d’infractions pénales et la troisième, aux droits des suspects et
est d’introduire en droit interne, au sein d’une législation codifiée, l’essentiel des
règles fondamentales du procès équitable, telles qu’elles sont définies dans l’article 6
Strasbourg.
200068, s’ouvre sur un Titre préliminaire qui, en onze articles, énumère ce qu’il
technique et objective, ces principes n’en traduisent pas moins les orientations
29. Malgré toute la diversité qui vient d’être constatée entre les principes directeurs
des trois procédures, il n’est pas interdit de s’interroger sur ce qui pourrait, à
l’avenir, constituer une forme de « noyau dur » des principes émergents du procès.
Le professeur Serge GUINCHARD, qui s’est plié à l’exercice, identifie trois grandes
normes processuelles qui forment, selon lui, les principes directeurs du procès : la
que soit la démarche, elle n’en comporte pas moins certaines faiblesses, tant la
procédure à l’autre. La célérité, pour ne citer qu’elle, semble ainsi plutôt mal adaptée,
à un procès aux enjeux aussi lourds de conséquences humaines que le procès pénal.
30. Il paraît donc plus raisonnable de conclure que la codification des principes
interne.
du droit
31. Les principes, que le juge constitutionnel dégage et qu’il érige au sommet de la
dont il faut préciser la genèse, mais aussi les incertitudes qui ont présidé à son
élaboration.
76 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », Le juge entre deux
millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 358.
77 L’expression est utilisée pour la première fois par Serge GUINCHARD, dans l’édition 1991 du
précis Dalloz de procédure civile.
Introduction 29
suite à la décision du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la
loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association82 et par l’élargissement de la saisine
de ces normes dans l’ordre juridique, par le canal de l’article 62 de la Constitution 84.
Grâce à la technique des réserves d’interprétation, c’est non seulement la chose jugée,
mais aussi la chose interprétée, qui s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les
78 MOLFESSIS N., « L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », Pouvoirs,
n° 105, 2003, p. 89.
79 FROMONT M., « Les droits fondamentaux dans l'ordre juridique de la République Fédérale
d'Allemagne », Recueil d'études en hommage à Charles Eisenmann, Editions Cujas, Paris, 1975, p. 49.
80 FAVOREU L., « L’apport du Conseil constitutionnel au droit public », Pouvoirs, 1980, n° 13, p. 17 ;
« L'influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses branches du droit »,
Itinéraires : études en l'honneur de Léo Hamon, Economica, Paris, 1982, p. 235 ; « La
constitutionnalisation du droit », L'unité du droit : mélanges en hommage à Roland Drago, Economica,
Paris, 1996, p. 25.
81 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », op. cit., p. 28 et s.
82 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi
du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
83 Loi n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l'article 61 de la Constitution, JO, 30 octobre
1974, p. 11035.
84 DRAGO G., L'exécution des décisions du Conseil constitutionnel : l'effectivité du contrôle de
constitutionnalité des lois, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence,
1991, p. 26.
30 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui
ont pu émettre des doutes sur l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel,
strictement limitée au texte législatif examiné87, il n’en demeure pas moins que le
Conseil d’État88, comme la Cour de cassation89 ont expressément reconnu être liés par
34. Cette irrigation par la Constitution a atteint progressivement toutes les branches
que la procédure est bien souvent la condition de la mise en œuvre d'autres droits, le
85 Sur l’ensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des décisions
interprétatives en France et en Italie, Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1997 ; DISANT M.,
L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2010 ; VIALA A., Les réserves d'interprétation dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science
politique, Paris, 1999.
86 Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962, Nature juridique des dispositions de l'article 31 (alinéa 2)
de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole, JO, 25 février 1962, p. 1915, Cons. 1.
87 MOLFESSIS N., « L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 98.
88 C.E., Ass., 20 décembre 1985, S.A. Etablissements Outters, n° 31927, Rec. p. 382 ; D, 1986, p. 283, note
FAVOREU L. ; C.E., Ass., 11 mars 1994, S.A. La cinq, n° 115052, Rec. p. 118.
89 Cass., Ass. plén., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n° 01-84922, Bull. crim., 2001, n° 206, p. 660 ;
D, 2001, p. 3365, note FAVOREU L.
90 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », op. cit., p. 32.
Introduction 31
émerger, non sans un certain mérite, tant le texte constitutionnel est pauvre en
35. Le professeur Serge GUINCHARD est le premier à avoir relayé les thèses de
l’emprise des droits fondamentaux sur cette matière, ce que le Doyen aixois nommait
englobant tant la matière pénale que civile, même si c’est dans ce domaine que la
réglementaire des normes qui régissent cette matière, laquelle fait obstacle au
91 SCHMITTER G., La constitutionnalisation du droit processuel, Thèse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
92 Aussi souvent que nécessaire, des évaluations comparatives, entre les deux jurisprudences, seront
effectuées au cours de l’étude. Elles démontreront, de manière assez manifeste, que les similitudes
l’emportent sur les divergences, ce qui ne saurait surprendre, tant la conception des libertés, par
chacune des deux juridictions, n’est guère éloignée, Cf ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « La
conception des libertés par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de
l’homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 32, p. 19.
93 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », L'unité du droit : mélanges en hommage à Roland
Drago, op. cit., p. 37.
94 GUINCHARD. S., « La constitutionnalisation du droit processuel », Cinquantième anniversaire de la
Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 459.
95 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », FRANCOIS B. et MOLFESSIS N. (dir.),
La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996,
Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris, 1999, p. 157.
32 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
dénonce, c’est en réalité ce qu’elle perçoit comme une tentative d’hégémonie du droit
contestable que les différentes branches du droit ont développé leurs propres
l’essor qu’on lui connaît aujourd’hui. Il n’est pas davantage douteux qu’il existe des
contentieux102. Il n’en demeure pas moins que la hiérarchie des normes incline plutôt
96 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », op. cit., p. 158 ; MOLFESSIS N., « La
procédure civile et le droit constitutionnel », Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après,
Actes du colloque des 11 et 12 déc. 1997, La documentation française, Paris, 1998, p. 249.
97 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », op. cit., p. 358.
98 Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, notamment ses articles 1, 3
et 4, JO, 31 juillet 1982, p. 2470.
99 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », op. cit., p. 358.
100 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », J.-Cl. adm., fasc. 1455, 1999, p. 3.
101 BEIGNIER B., « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs - Les principes généraux du droit
et la procédure civile », Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec,
Paris, 2001, p. 156.
102 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », op. cit., p. 164.
Introduction 33
à penser qu’il existe bien des bases constitutionnelles du droit processuel, sans
sociaux, grâce au concours d’un tiers légitime, qui apporte une solution à un litige opposant
deux ou plusieurs parties, au moyen d’une procédure respectueuse des droits fondamentaux
choix commun des parties et qu’il est tenu, par ailleurs, de respecter les principes
39. Deux autres procédures feront l’objet d’une attention particulière, car susceptibles
de déboucher sur une décision faisant grief à son destinataire 107 et pouvant heurter
respectueuse des garanties processuelles. Il n’y a donc aucune raison de les exclure
103 BEIGNIER B., « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs - Les principes généraux du droit
et la procédure civile », op. cit., p. 170.
104 Cf supra n° 15.
105 Code de procédure civile, article 1464.
106 Code de procédure civile, articles 1442 à 1503.
107 GENEVOIS B., « Le Conseil constitutionnel et la définition des pouvoirs du Conseil supérieur de
l’audiovisuel », note, Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
108 Cf infra n° 462 et s. et n° 504 et s. pour les procédures disciplinaires, n° 471 et s. pour les procédures
applicables aux autorités administratives indépendantes.
34 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
40. En revanche, même s’il ne sera pas totalement écarté du cadre de l’étude,
priori de constitutionnalité des lois, peut être discutée 111, nul doute que la procédure
préciser qu’elle n’était pas un procès général fait à une loi, à l’encontre de laquelle,
que tous les éléments constitutifs du procès étaient bien réunis, lors du contrôle a
109 Cf notamment l’effet suspensif de l’appel, n° 231 et s. et l’exigence de motivation des décisions
émanant d’autorités non juridictionnelles, n° 960 et s.
110 Ce sera, par exemple, le cas quand il sera traité de la délicate question de l’impartialité
fonctionnelle des membres du Conseil constitutionnel.
111 Le professeur Guillaume DRAGO, par exemple, estime qu’il s’agit « d’un procès qui n’en est pas
vraiment un » et « qu’il n’y a pas de véritable procès, sinon un procès fait à un acte législatif », « Quels
principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Justices et droit du procès : du légalisme
procédural à l'humanisme processuel : mélanges en l'honneur de Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 2010,
p. 443.
112 Idem, p. 448.
113 Décision n° 2013-334/335 QPC du 26 juillet 2013, Société SOMAF et autre [Loi relative à l'octroi de
mer], JO, 28 juillet 2013, p. 12664.
114 Idem, Cons. 5.
115 ROUSSEAU D., « Le procès constitutionnel », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 47.
Introduction 35
41. De plus, l’objet même de l’étude porte sur le droit constitutionnel processuel et
non sur le droit processuel constitutionnel, c’est à dire sur « l’ensemble des normes
constitutionnelles qui intéressent le déroulement du procès116 » et non sur « le droit qui régit
les instances conduites devant et par la juridiction constitutionnelle117 ». Ceci nous amènera
donc à étudier, non pas les principes directeurs du procès constitutionnel 118, mais les
dégagés120.
42. Une fois précisé le cadre de l’étude, il nous faut établir une classification logique
classification doit permettre de distribuer, dans les différentes catégories, tous les
objets du genre étudié, lesquels ne doivent pas, non plus, pouvoir être rangés
critère de classement ne doit pas être trop vague126 et doit permettre une
TROPER, la valeur logique d’une classification est suffisante, dès lors que le critère
de distribution repose sur une propriété, l’une des classes étant « définie par cette
propriété et l’autre par la propriété contraire, c’est à dire par son absence128 ». Les catégories
43. Dans le cas présent, il apparaît délicat de suivre les préconisations logiques du
directeurs du procès, à l’aide de deux critères exclusifs l’un de l’autre et, même de les
les normes directrices du procès, une relation d’interdépendance qui rend cette
123 EISENMANN C., « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en
science juridique », Archives de philosophie du droit, 1966, n° 11, p. 25.
124 « La classification consiste à déterminer abstraitement des catégories ou classes en indiquant une
caractéristique ou qualité que présenteront tous les objets rangés dans cette classe » alors que « le
classement est seulement l’affectation d’un objet à une classe », TROPER M. et HAMON F., Droit
constitutionnel, op. cit., p. 121. Pour EISENMANN, la classification est « la subdivision d’un genre en
espèces », « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science
juridique », op. cit., p. 31.
125 TROPER M. et HAMON F., Droit constitutionnel, op. cit., p. 122.
126 Idem, p. 123.
127 Id., p. 122.
128 TROPER M., « Les classifications en droit constitutionnel », R.D.P., 1989, p. 947.
129 Ibidem.
Introduction 37
44. En outre, pour Michel TROPER, une classification réussie doit aussi apporter
rajouter une catégorie annexe, celle des garanties procédurales qui agissent à l’égard
procès présente alors un intérêt scientifique, en révélant une forme de gradation des
coïncider avec la dichotomie découverte par DWORKIN, entre les principes et les
catégories normatives. En effet, alors qu’il aurait pu retenir l’idée d’une intervention
modulée du législateur, selon que la loi fixe les règles ou détermine les principes
axiologique entre les principes d’un côté et les règles de l’autre. Au-delà des
46. La confrontation des deux critères principaux d’identification des principes mis
135 Cf supra n° 19 et s.
136 Article 34 de la Constitution.
137 Décision n° 59-1 L du 27 novembre 1959, Nature juridique de l'article 2, alinéa 3 de l'ordonnance n° 59-
151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne, JO, 14
janvier 1960, p. 442.
138 Parmi de nombreuses décisions qui y font référence, Décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi
autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social, JO, 27 juin 1986,
p. 7978, Cons. 23 ; Décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l'archéologie préventive,
JO, 18 janvier 2001, p. 931, Cons. 10 ; Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à
l'assurance maladie, JO, 17 août 2004, p. 14657, Cons. 45.
139 CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, 25e éd., P.U.F., Paris, 1997, n° 188.
140 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », Mélanges en l'honneur de Paul Roubier, t. 2 : Droit privé, propriété
industrielle, littéraire et artistique, Dalloz, Paris, 1961, p. 178.
Introduction 39
« contingentes143 », qui peuvent donc être plus facilement écartées et sont susceptibles
principes tournés vers le juge et ceux dirigés vers les parties) et les « simples » règles
« densité » entre les normes directrices du procès, établie selon l’étendue des
141 CADIET L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes
directeurs du procès », op. cit., p. 86.
142 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 178.
143 CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, op. cit., n° 189.
144 CADIET L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes
directeurs du procès », op. cit., p. 87.
145 Cf infra n° 593 et s.
146 Même si elles apparaissent à différents endroits de l’étude, le choix a été fait de ne pas consacrer de
longs développements individualisés, ni à la publicité des débats, ni à la célérité de la justice. La
raison en est simple : la jurisprudence constitutionnelle, sans être totalement muette sur la
question, est encore insuffisamment établie sur ces deux règles procédurales, pour pouvoir en tirer
des enseignements d’une fiabilité suffisante.
40 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
procès.
L’existence du procès 41
49. Dans un État de droit, le principe cardinal consiste à veiller au respect de la règle
celle-ci. C’est la fonction sociale assignée au droit d'agir en justice. Le droit d'accès à
50. En premier lieu, parce que le droit au juge constitue le préalable nécessaire à la
mise en œuvre des autres garanties inhérentes à l’organisation d’un procès équitable,
assurée. Le droit d’agir en justice est ainsi le rouage essentiel du procès, tel que le
à l’idée même de bonne justice : son indépendance et son impartialité (Titre 2).
147 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 169.
L’existence du procès 43
juridictionnel ou le droit d'agir en justice, est le droit pour toute personne, physique
justice149. Il admet ainsi que le législateur y apporte des limites, afin d’atteindre un
pas indifférent aux aménagements dont ces voies de recours font l’objet, la protection
qu’il leur apporte ne présente pas toujours toutes les garanties de bonne justice
148 FAVOREU L. et RENOUX T., Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Sirey, Paris, 1992,
p. 90 et s.
149 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public,
Paris, 1964.
L’existence du procès 45
54. Le droit au recours juridictionnel effectif, c’est à dire la faculté réelle d’agir en
justice, afin de demander à un juge de statuer sur le fond d’un contentieux, est une
composante essentielle d’un État de droit. Que ce soit dans son acception formelle,
substantielle, permettant la protection des droits et libertés, le rôle du juge est central.
justice150, l’État est débiteur d’un devoir de protection juridictionnelle à l’égard des
55. Pourtant, le texte constitutionnel du 4 octobre 1958 est étrangement silencieux sur
ce point. Sans doute faut-il y voir la méfiance culturelle et sociologique des autorités
publiques à l’égard des juges (même si le pouvoir juridictionnel n’est pas totalement
ostensiblement avec les nombreuses consécrations expresses, qui jalonnent les lois
150 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
151 FAVOREU L., « Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge », Gouverner,
administrer, juger, Liber amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 513.
46 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
celle qui semble le mieux encadrer les restrictions législatives d’accès au prétoire est,
sans doute, l’article 24-1 de la Constitution espagnole, qui affirme que « toute personne
a le droit d'obtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et
ses intérêts légitimes sans, qu’en aucun cas, cette protection puisse lui être refusée ». À
l’inverse, celle dont le champ d’application paraît le moins étendu, est l’article 19-4
de la Loi fondamentale allemande, qui énonce que « quiconque est lésé dans ses droits
56. Nonobstant cette précision, liée à l’origine de la violation des droits, dont on
juridiction pour y faire valoir ses droits. Il en est de même des principaux
152 L’article 24 de la Constitution italienne dispose qu’« il est reconnu à chacun le droit d'ester en justice
pour la protection de ses droits et de ses intérêts légitimes », alors que l’article 20-1 de la Constitution
portugaise affirme, quant à lui, que « l’accès au droit et le pourvoi devant les différentes juridictions sont
facultés à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts légalement protégés, indépendamment
de ses ressources ».
153 « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes
violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ».
154 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ».
155 « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant
un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention
est illégale ».
156 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle ».
L’existence du procès 47
juridictionnel158. Néanmoins, dans aucune des trois hypothèses visées par le texte
générale, puisque dans le premier cas, seules les privations arbitraires de liberté sont
protégées, alors que dans le troisième, le recours effectif vise uniquement les droits et
équitable (et les garanties l’accompagnant), qui induit nécessairement l’accès au juge
pénale160 ».
57. L’histoire constitutionnelle française, de son côté, laisse apparaître une seule
justice. Il s’agit de l’article 11 du projet de Constitution du 19 avril 1946 161, rejeté par
référendum le 5 mai 1946, ce qui priva d’une part, le droit au recours juridictionnel
d’acquérir valeur de droit positif et, d’autre part, la nouvelle Déclaration des droits de
constitutionnalité. Le droit français n’a pourtant jamais vraiment occulté cette notion,
puisqu’il consacre l’existence d’un recours juridictionnel approprié, comme l’un des
157 « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à
l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise
par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».
158 COSTA J.-P., « Le droit à un tribunal et ses limites, selon la jurisprudence de la Cour E.D.H. »,
Mélanges en l'honneur de Jean Buffet : la procédure en tous ses états, Petites affiches éd., 2004, p. 159 ;
LAMBERT P., « Le droit d’accès à un tribunal dans la Convention européenne des droits de
l’homme », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, op. cit., p. 57.
159 C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, requête n° 4451/70, série A, n° 18, A.F.D.I., 1975,
p. 330, note PELLOUX R., § 35.
160 Conv. E.D.H., article 6, § 1. Sur le champ d’application du droit de la Convention européenne, Cf
SUDRE F., Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme, 5e éd., P.U.F, Coll. Thémis,
Paris, 2009, p. 218.
161 « La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice et l'insuffisance des ressources ne saurait
y faire obstacle ».
48 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
un fondement autonome, soit parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois
58. Dans la première catégorie, deux dispositions législatives majeures peuvent servir
seconde. D’abord, l’article 4 du Code civil, qui proscrit toute forme d’abstention du
juge, dans son devoir de trancher les litiges portés devant son office et qui, par là-
d’interprétation. Le Code civil ayant été promulgué le 21 mars 1804, par la loi du 30
ventôse de l’an XII, soit deux mois avant le Sénatus-consulte du 28 floréal an XII, qui
disposition, interdisant toute forme de déni de justice, soit la source d’un principe
162 « Les Représentants du Peuple Français (…) considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de
l'Homme sont les seules causes des malheurs publics (…) ont résolu d'exposer, dans une Déclaration
solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme (…) afin que les réclamations des citoyens,
fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
Constitution et au bonheur de tous ».
163 CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public
positif, Paris, Aix-en-Provence, 2002.
164 Conseil constitutionnel, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence : colloque des
25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel, P.U.F., Coll. Recherches politiques, Paris, 1989 ; PHILIP
L., « La valeur juridique de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,
selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Etudes offertes à Pierre Kayser, t. 2, P.U.A.M.,
Aix-en-Provence, 1979, p. 317.
165 TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », L.P.A., n° 145, 1991, p. 4 ;
RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », dans Présence
du droit public et des droits de l'homme : mélanges offerts à Jacques Velu, Bruylant, Bruxelles, 1992,
p. 307 ; BANDRAC M., « L'action en justice, droit fondamental », Nouveaux juges, nouveaux
pouvoirs ? : Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, Paris, 1996, p. 1.
L’existence du procès 49
59. Ensuite, la loi du 31 mai 1854, portant abolition de la mort civile, extinction
par conséquent, privait la personne de son droit d’ester en justice. Il est néanmoins
possible d’objecter ici, qu’une loi édictée sous le Second Empire peut ne pas
juridiction, y compris pour une personne déchue de ses droits civils ou politiques,
hiérarchie des normes167, indice sans doute probant qu’il transcende les régimes
politiques.
60. Dans la seconde catégorie, deux principes essentiels, qu’il est permis de
ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre
cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
166 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, JO, 21 juillet 1988, p. 9448, Cons. 11 et
12.
167 Constitution de la Belgique du 17 février 1994, Article 18 : « La mort civile est abolie ; elle ne peut être
rétablie ».
168 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la
société de l'information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Cons. 19.
169 Sur l’ensemble de la question, MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-
en-Provence, 1997.
50 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
l'établit170 », il n’en demeure pas moins que, sauf à accorder une portée excessive aux
dans laquelle le législateur faisait peser sur les seuls contribuables des tranches
s’opèrent sur des critères pertinents au regard du fond du droit. Il est manifeste, par
exemple, que certains recours, en raison de leur nature même, sont réservés aux non
nationaux172, voire (même si, dans le cas présent, l’évidence ne se présente pas avec la
61. Les premières censures, visant les atteintes au droit de saisir une juridiction, le
furent donc sur le motif tiré d'une atteinte au principe d'égalité et non sur le
170 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit
agricole, JO, 10 janvier 1988, p. 482, Cons. 10.
171 Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, JO, 28 décembre 1973,
p. 14004.
172 Décision n° 89-266 DC du 9 janvier 1990, Loi modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, JO, 11 janvier 1990, p. 464,
concernant les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière ; Décision n° 2010-614 DC du 4
novembre 2010, Loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une
coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français, JO, 6 novembre
2010, p. 19825.
173 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions
d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, JO, 18 août 1993, p. 11722.
174 Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au développement des institutions représentatives
du personnel, JO, 23 octobre 1982, p. 3210.
L’existence du procès 51
d’un préjudice, mais aussi en raison des modalités de calcul du délai de recours,
d’agir en justice. Les raisons pour lesquelles, la Haute juridiction semblait éprouver
prétoire, directement au nom du droit d’accès à un tribunal, ne sont pas des plus
aisées à cerner. Peut-être est-ce, comme l’écrit François LUCHAIRE à propos des lois
Conseil d’État, hostile alors à toute forme de contrôle juridictionnel des actes de
administrative179 ».
1980, il affirmera ainsi que le libre exercice du droit d'agir en justice « relève de la loi en
que le droit au juge est au nombre des libertés publiques. Le législateur, comme le
175 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant
diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle, JO, 14 décembre 1985, p. 14574.
176 Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des entreprises, JO, 27 juillet 2005,
p. 12225 ; Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. [Loi dite "anti-Perruche"], JO, 12
juin 2010, p. 10847 ; Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Époux L. [Faute inexcusable de
l'employeur], JO, 19 juin 2010, p. 11149.
177 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie
française, JO, 13 avril 1996, p. 5724.
178 LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, D, 1983, p. 189.
179 C.E., 29 novembre 1968, Tallagrand, n° 68938, Rec. p. 607.
180 Décision n° 80-119 L du 2 décembre 1980, Nature juridique de diverses dispositions figurant au Code
général des impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, JO, 4 décembre 1980, p. 2850,
Cons. 6.
52 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
fait justement remarquer Thierry RENOUX181, raisonnant par analogie avec la liberté
63. Il faudra toutefois attendre le milieu des années quatre-vingt-dix et c’est l’objet du
second principe écrit, suggéré par la doctrine dès la décennie précédente 183, pour voir
garantie des droits de l’article 16 de la Déclaration de 1789 184. Il s’agit, sans doute, à la
évident, ce qui sera d’ailleurs confirmé par la jurisprudence du Conseil d’État 185. En
pouvait d’ailleurs s’analyser autrement. Dès lors, toute disposition qui fermerait
faire reconnaître.
181 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 316.
182 Décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la
transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, JO, 13 octobre 1984, p. 3200, Cons. 37.
183 François LUCHAIRE, dès 1987, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica, Paris,
1999, rattachait le droit au juge à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
même si le lien portait davantage sur la séparation des pouvoirs. Le président Bruno GENEVOIS,
« Un statut constitutionnel pour les étrangers », R.F.D.A., 1993, p. 882, affirme avoir « le sentiment
que le moment est proche où l'existence du contrôle juridictionnel sera érigée au rang de principe de valeur
constitutionnelle par référence à l'article 16 de la Déclaration de 1789 ».
184 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de
construction, JO, 26 janvier 1994, p. 1382, Cons. 4 ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.,
Cons. 83. Avant cette consécration explicite, deux décisions de l’année 1993, dont la première
permit la prévision du président GENEVOIS, annonçaient déjà la reconnaissance explicite du
fondement : Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc. et Décision n° 93-327 DC du 19 novembre
1993, Loi organique sur la Cour de justice de la République, JO, 23 novembre 1993, p. 16141.
185 C.E., 21 décembre 2001, Epoux Hofmann, n° 222862, Rec. p. 652, R.F.D.A., 2002, p. 176.
186 Cf supra n° 55.
L’existence du procès 53
64. Ancrée solidement dans l’idée que l’effectivité des droits fondamentaux nécessite
du droit d’agir en justice, est d’abord passée par la découverte d’un fondement
effectif est manifeste, il se traduit, par exemple, par l’examen d’office des voies de
d’application, au-delà des seules sanctions ayant le caractère d’une punition 189.
Cependant, le droit au juge, comme presque tous les droits constitutionnels, n’est pas
absolu ; il supporte des limitations, qui doivent, ceci étant, rester dans de
raisonnables limites, c’est à dire ne pas porter « d'atteintes substantielles au droit des
portée au droit d’agir en justice, qui constitue la ligne de partage entre la limitation
65. Au total, l’appréciation que l’on peut porter sur la politique jurisprudentielle du
nuancée. Quand l’accès au tribunal est totalement fermé, soit que le législateur n’ait
pas prévu les voies de droit idoines, soit que les conditions d’aménagement des
187 CHAMPEIL-DESPLATS V. (dir.), A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme : journée d'études
du 24 novembre 2006 à Nanterre, Presses universitaires de Paris X, Nanterre, 2008 ; PLATON S., La
coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l'ordre juridique français, L.G.D.J.,
Coll. des thèses, Paris, 2008.
188 Décision n ° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C., JO, 22 janvier 2011, p. 1387.
189 Le Conseil constitutionnel a, par exemple, imposé le droit au recours juridictionnel pour contester
une mesure de police administrative dénuée de tout caractère punitif, Décision n° 2005-532 DC du
19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la
sécurité et aux contrôles frontaliers, JO, 24 janvier 2006, p. 1138, Cons. 11 et 12.
190 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.
54 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
les limitations du droit au recours juridictionnel ne sont que relatives, c’est à dire
quand le législateur n’a pas formellement supprimé les voies de recours, mais qu’il
les a soumises à des restrictions telles, que leur exercice est rendu très difficile, le
66. Les limitations totales du droit d’agir en justice, dont le Conseil constitutionnel a
eu à connaître, ont deux sources principales. D’une part, elles peuvent provenir des
juridictionnelle gratuite, n’importe quel requérant ne peut agir contre n’importe quel
acte. Le droit d’accès à un tribunal rencontre alors des tempéraments, résultant des
conditions d’acceptation des requêtes, fixées par le législateur, qui sont inégalement
67. D’autre part, l’obstruction du chemin vers le prétoire peut aussi découler de
l’intervention directe du législateur, sous des formes diverses. D’un côté, le Conseil
Pour le juge constitutionnel, les articulations prévues par le législateur, entre les
191 Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, JO,
24 décembre, p. 20576.
L’existence du procès 55
affecter l’acte juridique en cause. Elle est alors différemment appréciée par le Conseil,
68. Parce que le droit d'accès à un tribunal ne saurait être absolu, sous peine de
l’exercice du droit d’agir en justice, au point d’en affecter la substance même. Telle
recevabilité des actions en justice peuvent être dirigées, à la fois vers le requérant,
mais aussi vers l’objet de son recours. Si ces dernières sont contestables, car elles
apparaît au juge constitutionnel, que les conditions législatives, liées à l’intérêt pour
agir du requérant, respectent une juste mesure et semblent donc justifiées (B).
constitue, à n’en point douter, une des limitations du droit d’agir en justice, les plus
fréquentes mais aussi les plus contestées. Les études et controverses doctrinales
particulièrement stimulants196. Malgré les divergences, tous les avis (ou presque)
Gouvernement198 », ainsi que des actes de nature administrative, telles que les
70. Alors qu’un pays voisin comme l’Espagne a entrepris une réforme de grande
politique201, en France, rien de tel n’est intervenu pour le moment. Faute d’action
196 Cf FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement », L'esprit des
institutions, l'équilibre des pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Dalloz, Paris, 2003, p. 607 et
MELLERAY F., « En a-t-on fini avec la théorie des actes de Gouvernement ? », Renouveau du droit
constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, p. 1661.
197 C.E., Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale, n° 163328, Rec. p. 42, concl. C. BERGEAL,
G.A.J.A., 17 èd., 2009, n° 103.
198 DUEZ P., Les actes de gouvernement, Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, Reproduction en fac-similé,
Paris, 2006 ; CAPITANT R., De la nature des actes de gouvernement, Dalloz, Paris, 1964.
199 C.E., Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie, n° 107766, Rec. p. 82, concl. P. FRYDMAN, G.A.J.A.,
17 èd., 2009, n° 97. RIVERO J., Les mesures d'ordre intérieur administratives : essai sur les caractères
juridiques de la vie intérieure des services publics, Sirey, Paris, 1934 ; PÉCHILLON E., Sécurité et droit
du service public pénitentiaire, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public, Paris, 1998.
200 Cf TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », op. cit., p. 4 ; CLIQUENNOIS
M., « Variations actuelles du droit au juge », Service public, services publics, Etudes en l'honneur de
Pierre Sandevoir, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 14 ; FAVOREU L. , « Résurgence de la notion de déni
de justice et droit au juge », op. cit., p. 513. Pour un avis plus nuancé sur le recul de l’acte de
Gouvernement, MELLERAY F., « L'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement en
question », R.F.D.A., 2001, p. 1086.
201 En Espagne, l'article 2 . a) de la loi du 13 juillet 1998 sur la juridiction administrative a mis un
terme à l'immunité juridictionnelle des actes politiques, équivalents espagnols des actes de
gouvernement français. Cette disposition législative pose le principe de la compétence du juge
administratif pour contrôler certains éléments de ces actes échappant auparavant à l’office du juge,
L’existence du procès 57
l’État, reste encore très effacée. En témoignent deux décisions, dans lesquelles la
Chef de l’État203.
72. Quant au Conseil constitutionnel, même si une légère évolution, dans le sens d’un
qui concerne le contrôle juridictionnel des actes de Gouvernement (1), qui laissaient
peut-être entrevoir une issue favorable, à ce que certains auteurs qualifiaient, à juste
titre, de « déni de justice205 ». Les quelques minces espoirs, qui avaient pu naître à
cette occasion, furent malheureusement déçus par une décision récente, sur question
parlementaires (2).
notamment quand ils sont susceptibles d’entraîner des conséquences dommageables ou lorsqu’ils
portent atteinte aux droits fondamentaux.
202 C.E., Ass., 9 avril 1999, Mme Ba., n° 195616, Rec. p. 124, concl. F. SALAT-BAROUX ; R.D.P., 1999, p.
1573, note CAMBY J.-P.
203 C.E., Ordonnance du juge des référés, 7 novembre 2001, Tabaka, n° 239761, Rec. p. 789 ; R.D.P.,
2001, n° 6, p. 1646, note JAN P.
204 Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, JO, 16
janvier 1975, p. 671, Cons. 1 ; Décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la
ratification du traité sur l'Union européenne, JO, 25 septembre 1992, p. 13337, Cons. 1.
205 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
58 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Gouvernement
73. Les actes de Gouvernement forment une catégorie hétéroclite, sans réelle
cohérence et, dont le seul dénominateur commun est de bénéficier d’une immunité
l’environnement politique dans lequel il a été édicté), ce qui lui permet, par exemple,
demande d'extradition207.
disparate, pensait que l’on pouvait lui substituer avantageusement, la famille des
actes injusticiables208, qui se diviserait alors en deux sous-catégories. D’un côté, les
cause les droits et libertés des individus, ou d’une manière plus générale leurs intérêts 210 »,
qui seraient examinés par le juge administratif. Pour donner pleinement tous ses
politiques.
206 FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement » op. cit., p. 610.
207 C.E., Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et gouverneur de la
Colonie royale de Hong-Kong, n° 142578, Rec. p. 267, R.F.D.A., 1993, p. 1179, concl. C. VIGOUROUX,
G.A.J.A., 15 èd., 2005, n° 100.
208 FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement », op. cit., p. 615.
209 Idem, p. 616.
210 Ibidem.
L’existence du procès 59
75. En attendant qu’une telle réforme voie le jour, le Conseil constitutionnel a fait
d’État. Tel a d’abord été le cas, à propos de trois décrets organisant la campagne
électorale préalable à un scrutin législatif211, alors que le Conseil d’État, une semaine
76. Il faut, malgré tout, relativiser quelque peu l’avancée représentée par ces trois
compétence imposée par la Constitution. Dans le premier cas, l'article 59 lui confie le
contrôle de la régularité de l'élection des députés et des sénateurs, mise en doute ici
sur le fondement de l’article 12, alinéa 2215, dont le requérant contestait les conditions
opérations électorales, telles qu'elles étaient organisées par les décrets litigieux, qui
211 Décision n° 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Décision du 11 juin 1981 sur une requête de Monsieur François
DELMAS, JO, 12 juin 1981, p. 1725.
212 C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, n° 34486 ; n° 34487 ; n° 34510 ; n° 34511, Rec. p. 244. Le Conseil
d’État avait estimé « qu'il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel qui est, en vertu de l'article 59 de la
Constitution du 4 octobre 1958, juge de l'élection des députes à l'Assemblée nationale d'apprécier la légalité
des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ».
213 Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, JO, 24 août 1985,
p. 9814.
214 Décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Décision du 25 juillet 2000 sur une requête présentée par
Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE, JO, 29 juillet 2000, p. 11768.
215 « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ».
60 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
77. Dans le deuxième cas, puisque c’était l’ensemble de la procédure législative qui
délibération.
préparatoire, que le Conseil d’État range, de longue date, dans la catégorie des actes
encore une fois parce que cette action est indispensable à l'efficacité du contrôle des
l'élection : le raisonnement ne peut donc, en aucun cas, être transposé à tous les actes qui sont
dont on ne peut que se féliciter par ailleurs. Malheureusement, cette incursion restera
parlementaires.
216 C.E., 29 avril 1970, Comité des chômeurs de la Marne et Sieur le Gac, n° 77651 ; n° 77682, Rec. p. 279.
217 CAMBY J.-P., « Le référendum et le droit », R.D.P., 2001, p. 3.
L’existence du procès 61
actes parlementaires
79. Les actes internes des assemblées parlementaires constituent le deuxième îlot
partielle. Totalement insusceptibles d’être contestés devant une juridiction par les
particulièrement son article 8 ouvrent, pour la première fois, deux voies de droit 220,
au bénéfice des agents des services des assemblées parlementaires 221. Ces
de porter devant l’office du juge, tant les actes juridiques que les faits juridiques,
progrès fut, par ailleurs, amplifié par la jurisprudence du Conseil d’État, interprétant
juridictionnel.
administrative, à l’égard des actes édictés par les services des assemblées
parlementaires, à une nouvelle hypothèse, non prévue pas l’ordonnance : les litiges
218 Cette immunité ne s’appliquait pas aux actes mettant en cause des tiers. Dès 1899, le Conseil
d’État, C.E., 3 février 1899, Héritiers de Joly, Rec. p. 83, admit sa compétence pour statuer sur la
demande des héritiers de Jules de JOLY (architecte de la Chambre des députés), tendant à obtenir
le paiement d’honoraires.
219 Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires, JO, 18 novembre 1958, p. 10335.
220 La première leur permet de contester, devant la juridiction administrative, tout litige d’ordre
individuel les concernant, tandis que la seconde leur offre la possibilité d’introduire une action en
responsabilité contre l’État, en raison d’un préjudice impliquant les services des assemblées
parlementaires, devant le juge administratif ou le juge judiciaire, selon les circonstances du
dommage.
221 C’est l’affaire GIRARD, du nom du secrétaire des services de l’Assemblée nationale destinataire
d’un arrêté de radiation, signé le 6 mai 1951 par le président de la Chambre, Edouard HERRIOT,
qui est à l’origine de l’apparition de ces deux recours juridictionnels, C.E., Ass., 31 mai 1957, Sieur
Girard, Rec. p. 335.
62 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
relatifs aux décisions prises lors de la passation des marchés publics 222. Cette
administratif223, aurait même pu connaître une toute autre portée, à en lire les
de contrôles juridictionnels, dont font l’objet les actes législatifs des assemblées
conventionnalité devant le juge ordinaire), alors que, dans le même temps, tous les
actes administratifs (dont la portée n’est guère comparable) n’y sont pas soumis.
publics.
81. Son raisonnement repose essentiellement sur l’abandon du critère organique, trop
n'étant plus, sous l’empire de la Ve République, le seul pouvoir qui tire sa légitimité
substituer un critère matériel225, en vertu duquel tous les actes parlementaires, relatifs
juge administratif, aux litiges nés à l’occasion de la passation des marchés publics,
compétence du juge ordinaire, à l’égard des actes édictés par les assemblées
83. L’introduction d’un contrôle des lois a posteriori a permis, à son tour, à la
contestation, par voie d’action, d’un acte statutaire édicté par les services des
n’avait pas été le cas pour une requête analogue, à l’initiative d’un agent public à la
226 Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation
urbaine, JO, 2 août 2003, p. 13281.
227 L’article 60 de la loi du 1er août 2003 précise, effectivement, que « la juridiction administrative est
également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics », mais
dorénavant, les instances visées par l’ordonnance « sont les seules susceptibles d'être engagées contre
une assemblée parlementaire ».
228 BON P., « Le contrôle des actes non législatifs du Parlement : toujours un déni de justice ? »,
Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 1065.
229 Décision n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du Sénat [Actes internes des
Assemblées parlementaires, JO, 14 mai 2011, p. 8401.
64 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
retraite, qui n’avait réussi à passer le filtre rigoureux du Conseil d’État230, en raison
les concernant, par voie d’exception, à l’occasion de litiges relatifs à leur situation
personnelle.
84. La situation était bien différente ici, aucun litige individuel ne pouvant naître de
constance, du droit au recours juridictionnel, est celle d’un droit personnel. Si une
recours aux fins de défense des intérêts d’un salarié, c’est à la condition expresse que
ce dernier ait donné son accord et qu’il conserve la maîtrise du processus judiciaire231.
d’ordre individuel concernant les agents des assemblées parlementaires, qui, pour le
dans son ensemble, qui est jugé conforme aux droits et libertés que la Constitution
la situation. La justiciabilité des litiges, trouvant leur source dans les contrats conclus
certains actes non législatifs à contenu administratif, issus de l’activité des services
des assemblées parlementaires. Bien qu’émanant du Parlement, ils restent des actes
nature de l’acte, objet du recours, revêt aujourd’hui toutes les apparences d’un
pourrait réparer.
233 BON P., note, Décis. Cons. const. n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du
Sénat, R.F.D.C., 2012, p. 127.
234 BERGEAL C., « Le contrôle de la passation des marchés des assemblées parlementaires », op. cit.,
p. 333.
235 CAMBY J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, op. cit., p. 12.
236 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
66 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
87. En droit français, l’auteur d’une prétention est en droit d’agir en justice, à la
l’intérêt pour agir. L’intérêt pour agir peut donc être défini comme l’attribut du
plaideur, dont la situation juridique est susceptible d'être influencée par la règle de
celui qui n’a pas d’intérêt pour agir, ne possède pas non plus de droit subjectif à
l’ouverture d’une voie de recours, alors qu’inversement, celui qui a intérêt pour agir
doit disposer d’un recours juridictionnel, pour faire reconnaître ses droits par le juge.
l’intérêt pour agir, interprété par ailleurs rigoureusement par la Haute juridiction, est
une condition certes nécessaire (1), mais aussi suffisante (2), du droit constitutionnel
au recours juridictionnel.
juridictionnel effectif
88. L'exigence, résumée par l’adage "pas d'intérêt, pas d'action", est illustrée par la
237 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non
salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, JO, 1er décembre 2001,
p. 19112.
L’existence du procès 67
En vertu d’une disposition du Code rural et de la pêche maritime 238, les organismes
de mutualité sociale agricole sont chargés de classer les exploitations agricoles, dans
les différentes catégories de risques, dont la liste est établie par arrêté du ministre
de l'assurance des accidents du travail, juridiction régie par l’article L143-3 du Code
de la sécurité sociale, que par les chefs d'exploitations ou d'entreprises (et l'autorité
de l’intérêt pour agir et, plus particulièrement, sur une interprétation stricte de ses
l'article L752-16 du Code rural, seuls les chefs d'exploitations agricoles sont tenus de
90. Pourtant, le Conseil constitutionnel s’en est tenu à une lecture stricte du caractère
personnel de l’intérêt pour agir, en vertu de laquelle, cette exigence signifie que
l'action doit être exercée par le titulaire du droit ou par son représentant, sauf quand
l'exigence d'un intérêt né et actuel, au moment où l'action est exercée, c’est à dire
rural ne porte pas atteinte au droit au recours juridictionnel effectif des ayants droit,
justiciable.
juridictionnel effectif
91. Dès qu’un justiciable, ayant intérêt pour agir, est mis en cause dans une
procédure juridictionnelle, il doit être informé de l’ouverture de celle-ci (a). C’est une
disposer, ensuite, de voies de droit adaptées, afin de faire valoir ses prétentions et de
juridictionnel (b).
241 Cass. Com., 8 février 2011, Sté Saint-Yves c/ Sté coopérative Capleso, pourvoi n° 09-17034, Bull. civ.,
2011, IV, n° 19.
L’existence du procès 69
92. Un justiciable, lésé dans ses droits, doit non seulement bénéficier d’une voie de
recours juridictionnelle pour demander au juge de trancher le litige, mais doit aussi
être tenu informé de l’ouverture d’une instance le mettant en cause, qui est, dans
cette hypothèse, la condition sine qua non de la mise en œuvre d’un recours
virtuelles, d’une certaine manière, s’il n’était pas potentiellement placé en mesure de
les actionner, pour cause de méconnaissance de son intérêt à agir. Tel est l’apport
rendues chacune sur question prioritaire de constitutionnalité, l’une en mai 2011 242 et
marchandises saisies, qui permet aux autorités de poursuivre les conducteurs ou les
déclarants, sans être tenues de mettre en cause les propriétaires des biens
242 Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale et autre [Action du
ministre contre des pratiques restrictives de concurrence], JO, 13 mai 2011, p. 8400.
243 Décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B. [Confiscation de marchandises saisies en
douane], JO, 14 janvier 2012, p. 752.
244 Cass. Com, 8 juillet 2008, Société coopérative le Galec, pourvoi n° 07-16761, Bull. civ., 2008, IV, n° 143.
70 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
94. Dans les deux situations, les cocontractants (l’entreprise à l’origine des clauses
une mesure portant atteinte à leurs droits, alors que dans les deux cas, ils ont chacun
un intérêt pour agir, personnel et actuel. Mais les similitudes s’arrêtent là, ce qui
douanier247, alors qu’il validera, sous réserve, les mesures prévues par le Code de
commerce.
deux cocontractants disposent chacun de voies de droit, l’un pour faire annuler les
clauses restreignant la concurrence, l’autre pour faire valoir ses moyens de défense,
comme le lui permet, par exemple, l’article 331 du Code de procédure civile. Rien de
introduite par le juge constitutionnel dans le premier cas, qui impose aux autorités
245 La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà jugé cette disposition contraire à l’article
6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi
n° 99-85366, Bull. crim., 2000 n° 356, p. 1051.
246 Articles L624-9 à L624-18 et R624-13 à R624-16 du Code de Commerce.
247 La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait, de son côté, estimé le 7 juillet 2005, que ce
régime de confiscation ne portait pas atteinte au droit conventionnel à un recours effectif, Cass.
Crim., 7 juillet 2005, pourvoi n° 03-85359, Bull. crim., 2005, n° 205, p. 713. Ce ne sera pas l’avis de la
Cour européenne des droits de l’homme qui, quatre ans plus tard, rendra un verdict
diamétralement opposé, C.E.D.H., 23 juillet 2009, Bowler International Unit c/ France, requête n°
1946/06.
L’existence du procès 71
règle de droit ne devienne ce « rouage inerte qui ne fait plus aucun travail dans le
impliquant ses intérêts, afin de pouvoir y greffer, le cas échéant, une action incidente,
aussi l’ouverture d’un chemin d’accès vers le prétoire, au bénéficie de tout justiciable
grief, le justiciable dispose d’un intérêt pour agir à son encontre. Le législateur doit
alors prévoir et aménager expressément les voies de recours, de telle manière que le
requérant puisse accéder au juge afin que celui-ci se prononce sur le litige, sous peine
droit d’agir en justice et épargne les entorses larvées, quand bien même les effets sur
99. Dans le premier cas, était en cause une mesure sui generis253 de raccompagnement,
décidée par le parquet des mineurs et issue d’un accord judiciaire passé avec la
qu'elle a pour objet d’approuver254, cette mesure devait être annulée par le Conseil
juge. Aucune voie de recours n’était prévue, ni dans les stipulations de l’accord, ni
dans les règles de droit interne, lesquelles ne posent aucun principe général, en vertu
juridiction. Le Conseil fait donc peser des obligations constitutionnelles positives sur
le législateur, qui doit aménager expressément des voies de recours à l’intention des
100. Dans le second cas, était concernée la procédure de l’amende forfaitaire et plus
sa requête est déclarée irrecevable par le ministère public pour non respect des
d’une constitutionnalité douteuse, puisque elle repose sur une logique inversée, en
vertu de laquelle, seules les infractions contestées sont susceptibles d’être examinées
des tribunaux répressifs, qui ne pourraient faire face à une telle masse contentieuse,
mais il est tout de même critiquable, que les procédures prévues tendent
infractions qui leur sont reprochées. Ce dispositif avait d’ailleurs fait l’objet d’une
condamnation, tant en droit interne259, qu’en droit européen des droits de l’homme260.
exonération contre l’amende forfaitaire, tel qu’il est prévu par l'article 529-10 du
exonération, doit pouvoir faire l’objet d’une contestation devant le juge de proximité.
103. Il eut été plus audacieux et surtout, plus en adéquation avec sa mission de
mineurs roumains, à propos duquel on ne voit d’ailleurs pas en quoi il y avait lieu de
258 AYACHE G. et JOSSEAUME R., « Le code de la route à l'épreuve du juge constitutionnel », Gaz.
Pal., 13-14 avril 2011, n° 103-104, p. 8.
259 Cass. crim., 29 octobre 1997, Fevret, pourvoi n° 97-81904, Bull. crim., 1997, n° 357, p. 1208.
260 C.E.D.H., 21 mai 2002, Peltier c/ France, requête n° 32872/96.
261 Principe à valeur législative découlant de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 instituant la
gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives, JO, 31 décembre 1977,
p. 6359.
L’existence du procès 75
104. Les lois de validation262 et les lois de ratification des ordonnances de l’article 38263
ordinaire, des actes juridiques qui, au regard de leur nature et de leur valeur
de lois emportent les mêmes effets, elles différent par leur objet et leur fondement.
105. Les premières, qui découlent d’une création législative spontanée, sans la
administratif au rang législatif, dans le seul but de le mettre à l’abri d’une annulation.
262 MATHIEU B., Les "Validations" législatives : pratique législative et jurisprudence constitutionnelle,
Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1987.
263 BOYER-MERENTIER C., Les ordonnances de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1996.
264 Elles seront donc opportunément étudiées dans ce cadre, Cf infra n° 386 et s.
265 MAUGÜÉ C., « Le contrôle des ordonnances de codification », Conclusions sur C.E., 17 mai 2002,
Hoffer et autres, R.F.D.A., 2001, p. 454.
76 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
constituent pas moins une limitation au droit d’agir en justice, celle-ci est anticipable
dernières années, une accélération particulière, qui a souvent été dénoncée 266, facilitée
du règlement engendré par le procédé, celui-ci devrait faire l’objet d’une vérification
rigoureuse. Au-delà de l’usage excessif qui en est fait, les ordonnances de l’article 38,
107. Le Conseil constitutionnel a été confronté, pour la première fois, à cette question,
l’ordonnance du 12 mars 2007, en lui conférant valeur législative, avait pour but de
placer hors d’atteinte du juge administratif, les recours déposés devant le Conseil
constitutionnelle, son voisin du Palais Royal avait déjà été amené à se prononcer sur
une telle question, au regard des règles du procès équitable, fondées sur les
s’inspire de la même démarche que celle qu’il met en œuvre à propos des lois de
272 MAUGÜÉ C., « Le contrôle des ordonnances de codification », op. cit., p. 454.
273 La ratification des ordonnances ne peut plus intervenir de manière implicite, depuis la loi
constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e
République, JO, 24 juillet 2008, p. 11890 (Cf article 38, alinéa 2 de la Constitution), ce qui a ainsi mis
un terme au régime jurisprudentiel de la ratification implicite, Décision n° 86-224 DC du 23 janvier
1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, JO,
25 janvier 1987, p. 924 ; C.E., 10 juillet 1972, Cie Air Inter, n° 77961 ; T.C., 19 mars 2007, Préfet de
l'Essonne c/ Cour d'appel de Paris, n° C3622.
274 Le juge administratif déclarera le recours pour excès de pouvoir irrecevable, quand il a été formé
postérieurement à la ratification législative ou prononcera un non-lieu à statuer, dans l’hypothèse
où l’action en justice a été introduite antérieurement à celle-ci, C.E., 25 janvier 1957, Sté Ets
Charlionais et Cie, Rec. p. 54.
275 Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008, Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007
relative au code du travail (partie législative), JO, 22 janvier 2008, p. 1131.
276 C.E., 17 mai 2002, Hoffer et autres, n° 232359 ; n° 233434 ; n° 233436, Rec. p. 819 ; R.F.D.A., 2002,
p. 917, concl. C. MAUGÜE.
78 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
obstacle au droit de toute personne à un procès équitable277 » et qui peut être appréciée au
susceptibles d’être annulés, elles sont une étape procédurale logique, prévue dès
projet de loi ratifiant cette ordonnance, et le Parlement, en l'adoptant, se sont bornés à mettre
LABETOULLE à écrire que les unes sont « soupçonnables » et pas les autres280, rend
inefficace et donc inutile, la recherche d’un quelconque motif d'intérêt général, fût-il
277 Ibidem.
278 Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008 préc., Cons. 4.
279 COLLIN P. et GUYOMAR M., « Conditions auxquelles la légalité d'une ordonnance ratifiée peut être
contestée au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme », A.J.D.A., 2000,
p. 985.
280 LABETOULLE D., « Le nouveau code du travail devant le Conseil constitutionnel », A.J.D.A., 2008,
p. 851.
L’existence du procès 79
poursuivie par le législateur. Pour autant, même s’il concentre principalement son
juge constitutionnel n’en serait, sans doute, pas moins attentif aux conditions,
celle-ci (ainsi que le délai maximum dans lequel elle doit intervenir281) est prévisible
dès le vote de la loi d’habilitation, il n’en demeure pas moins qu’une inscription
contre le contrôle juridictionnel. Ses dispositions, qui sont bien au nombre de celles
visées par l'article 61-1 de la Constitution, peuvent donc faire l’objet d’une question
des lois de ratification, était celle du contrôle abstrait de l’article 61, alinéa 2 286 de la
281 L’habilitation législative doit mentionner la date à laquelle le projet de loi de ratification devra être
déposé sur le bureau de l'une des assemblées parlementaires, sous peine de caducité, C.E., 2 avril
2003, Conseil régional de Guadeloupe, n° 246748, Rec. p. 162 ; Dr. Adm., 2003, n° 163.
282 C.E., 19 février 2010, Molline et autres, n° 322407, Rec. p. 20.
283 Décision n° 2011-219 QPC du 10 février 2012, M. Patrick É. [Non lieu : ordonnance non ratifiée et
dispositions législatives non entrées en vigueur], JO, 11 février 2012, p. 2440 ; C.E., 11 mars 2011, M.
Alexandre A., n° 341658.
284 Décision n° 2011-152 QPC du 22 juillet 2011, M. Claude C. [Disposition réglementaire - Incompétence],
JO, 23 juillet 2011, p. 12655.
285 Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Société Numéricâble SAS et autre [Pouvoir de sanction de
l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes], JO, 7 juillet 2013, p. 11356.
286 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 24 et 25.
80 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
l’égard des ordonnances ratifiées, n’est pas sans poser certaines difficultés, tenant à la
d’autant que la théorie de l’écran législatif est inopérante ici, puisque la loi
favorable288.
peu probable, ceci étant. Dans le cas contraire, le caractère utile du renvoi ne fait pas
correctif, certes lacunaire mais utile. Il contribue, en tous cas, à préserver le droit
d’accès au juge, dans une hypothèse très particulière, dans laquelle la complexité du
287 C.E., 4 novembre 1996, Association de défense des sociétés de course des hippodromes de province,
n° 177162 ; n° 177402 ; n° 177807 ; n° 178874 ; n° 179030 ; Rec. p. 427 ; C.E., 28 mars 1997, Société
Baxter, n° 179049, n° 179050, n° 179054, Rec. p. 114 ; R.F.D.A., 1997, p. 450, concl. J.-C. BONICHOT,
note MÉLIN-SOUCRAMANIEN F.
288 JENNEQUIN A., « La question prioritaire de constitutionnalité à l'épreuve des ordonnances »,
A.J.D.A., 2010, p. 2300.
289 Ibidem.
L’existence du procès 81
revêtir deux formes principales, d’inégale intensité. En droit, d’abord, les difficultés
(§ 2.).
115. Les obstacles juridiques, dont le Conseil constitutionnel dut apprécier s’ils
En premier lieu, ce sont parfois les conditions de délais de recours et, notamment, la
computation de ces derniers, qui portent atteinte au droit de saisir une juridiction
(A). En deuxième lieu, l’obstacle peut prendre des formes plus insidieuses, car
indirectes, par le biais du droit substantiel, dont le justiciable veut obtenir le bénéfice
délictuelle (B). Enfin, en troisième lieu, c’est l’architecture même des voies
l’articulation des recours juridictionnels avec les modes alternatifs de règlement des
litiges, qui peut représenter une sérieuse difficulté sur le chemin du juge (C). Dans
chacune des ces trois hypothèses, on peut regretter que le Conseil constitutionnel
n’ait pas toujours identifié un obstacle dirimant dressé devant le requérant, formant
que les situations juridiques ne puissent être perpétuellement remises en question 291.
laquelle doit être exercée la requête contentieuse, est destinée à « assurer la stabilité des
situations de droit résultant des décisions administratives292 ». L’un des objectifs visés est
aussi d’éviter qu’un doute ne pèse indéfiniment sur la légalité des décisions de
l’administration. C'est la raison pour laquelle, les délais de recours juridictionnels ont
afin d’adoucir la rigueur de ces règles de forclusion, certaines mesures ont été
édictées par les pouvoirs publics, pour améliorer la sécurité des justiciables, que la
brièveté des délais pour agir en justice pourrait pénaliser. Ainsi, en vertu de l’article
du destinataire d’une décision individuelle, que si la notification qui lui est adressée
indique le laps de temps dont il dispose pour introduire l’action en justice, ainsi que
à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir exercé contre un acte d’application,
pris sur son fondement294. Dans ce cas précis, le mécanisme de l’exception d'illégalité
domaines.
118. C’est la raison pour laquelle, le législateur s’est parfois efforcé de limiter, sous le
regard du Conseil constitutionnel, les effets de cette technique, en enserrant dans des
juridique, la limitation apportée par la loi au droit d’agir en justice, à l’encontre d’un
294 C.E., 29 mai 1908, Poulin, Rec. p. 580 ; C.E., 2 avril 1909, Moreau et Pérot, Rec. p. 376.
295 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15, Cf infra n° 412 et s.
296 Cf MOLFESSIS N., obs., Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Justices, 1997, p. 250.
84 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
confronté à cette situation, à deux reprises 297, qui lui fournirent l’occasion d’ancrer
d’une exigence strictement formelle d’un document d'urbanisme, peut entraîner des
d’instabilité juridique provoqués par les normes en vigueur, ainsi que la complexité
des procédures de recours, qui conduisit la Cour européenne des droits de l’homme
à condamner la France301.
120. Le législateur est donc intervenu302 pour poser le principe selon lequel, à
l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet d'un document
d'urbanisme, les illégalités externes les moins graves303 ne peuvent plus être
invoquées par voie d'exception. L’idée directrice est que le permis de construire ou
297 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc. ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.
298 NICOUD F., Du contentieux administratif de l'urbanisme : étude visant à préciser la fonction du
contentieux de l'urbanisme dans l'évolution du droit du contentieux administratif général, P.U.A.M., Coll.
Centre de recherches administratives, Aix-en-Provence, 2006.
299 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., note, Décis. Cons. const. n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, R.F.D.C.,
1994, p. 368.
300 L'urbanisme : pour un droit plus efficace, Les études du Conseil d'État, La Documentation française,
1992.
301 C.E.D.H., 16 décembre 1992, Geouffre de la Pradelle c/ France, requête n° 12964/87, série A, n° 253-B,
D, 1993, p. 561, note BENOIT-ROHMER F.-L.
302 Article L600-1 du Code de l’urbanisme.
303 Ce principe ne vaut pas pour ce que le Conseil constitutionnel désigne comme les « vices de forme
ou de procédure substantiels », Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc., Cons. 4.
L’existence du procès 85
Alitalia304, selon laquelle l’administration est tenue d'abroger les actes réglementaires
en ira différemment, deux ans plus tard, quand le législateur souhaitera apporter une
contre les actes d’application de ces délibérations, quand il est reproché à celles-ci de
une violation substantielle du droit de saisir une juridiction, qui ne saurait être
304 C.E., Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, Rec. p. 44 ; R.F.D.A., 1989, p. 391, concl.
N. CHAÏD NOURAÏ.
305 Précision apportée par l’article 1er de la loi n° 2007-1787 relative à la simplification du droit du 20
décembre 2007, qui « codifie » la jurisprudence Alitalia.
306 C.E., 10 janvier 1930, Despujol, n° 97263, Rec. p. 30, G.A.J.A., 17 èd., 2009, n° 42.
307 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc., Cons. 4.
308 Me Patrick HOCREITERE estime que 60 % des requêtes concernent les seuls vices de forme,
HOCREITERE P., « Le juge constitutionnel et la loi du 9 février 1994 », R.F.D.A., 1995, p. 7.
309 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.
86 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
avérée310.
jurisprudences est riche d’enseignements, car elle permet de mieux cerner les
constitutionnel l’envisage. La différence majeure entre les deux situations réside dans
mois, pour les rendre insusceptibles de toute réclamation contentieuse, quand est
inacceptable que l’incompétence normative, quelle qu’en soit la raison, est le vice le
plus grave qui puisse affecter la légalité d’une décision administrative, ce qui justifie
310 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.F.D.C., 1996, p. 596.
311 Cf supra n° 63.
312 Cf RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, op. cit.
313 LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.D.P., 1996, p. 971.
314 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 84.
L’existence du procès 87
dans une configuration d’illégalité grave et manifeste. Le cadre juridique, tracé par le
qui, de toute évidence, nécessitent une atteinte sérieuse au droit d’agir en justice,
124. La limitation des voies d’accès au juge peut parfois emprunter des chemins
détournés, ce qui rend l’évaluation des atteintes au droit d’agir en justice plus
offre des exemples tout à fait significatifs de restrictions indirectes de la saisine d’une
préjudices subis, qui ne sont, par ailleurs, pas toujours intégralement indemnisés. Les
constitutionnelle des règles issues de l’article 1382 du Code civil 315, puis, par ricochet,
au droit de saisir une juridiction, ce second grief n’étant que la conséquence logique
les garanties souhaitées, en validant des dispositifs qui soumettent les actions
315 Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, JO, 16 novembre
1999, p. 16962, Cons. 70.
88 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée 316 », mais
les restrictions qui en résultent ne doivent pas constituer « une atteinte disproportionnée
aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui
cumulatifs.
atténuée, mais pas totalement supprimée. Tel était le cas dans la décision du 22
octobre 1982, dans laquelle, les victimes d'actes fautifs, mêmes graves, subis à
l'occasion d'un conflit du travail, dès lors que ces dommages se rattachaient, fût-ce de
peut être engagée qu’en cas « de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du
ceux-ci319 », celle des professionnels de santé, n’ayant pas décelé le handicap d’un
enfant lors des examens prénataux, qu’en cas de faute caractérisée320 et celle des
316 Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005 préc., Cons. 10 ; Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010
préc., Cons. 11 ; Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 préc., Cons. 10.
317 Ibidem.
318 Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982 préc.
319 Article L650-1 du Code de commerce.
320 Article 1er, paragraphe I, de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, JO, 5 mars 2002, p. 4118.
L’existence du procès 89
une faute inexcusable321. En outre, dans ces deux dernières hypothèses, l’intégralité
résultant des charges du handicap322, dans le premier cas et tous les préjudices qui ne
sont pas mentionnés par l'article L452-3 du Code de la sécurité sociale, dans le
des conditions de sa mise en jeu, mais aussi de la portée de l’action en justice, c’est à
dire du bénéfice que le requérant peut en retirer. Sur l’un et l’autre de ces deux
127. D’une part, concernant les caractères exigés de la faute commise par le
hypothèses expressément visées par l'article L650-1 du Code de commerce ont, dans
l’immixtion dans la gestion du débiteur, une probabilité assez faible d’être rencontrée
responsabilité du médecin, est encore plus délicate à manier. Certes, ce n’était pas
une notion totalement nouvelle, puisqu'elle avait fait son apparition avec la loi du 10
juillet 2000324, mais il était difficile de préciser son contenu et son positionnement
exact sur l’échelle de gravité des manquements à des devoirs préétablis. La décision
responsabilité328.
128. D’autre part, pour ce qui est de la limitation des préjudices indemnisables, la loi
représentent, dans la plupart des cas, une partie très importante de l’indemnisation, à
n’aurait pas du être validée par le Conseil constitutionnel, tant elle limite
surprenante, qu’à l’inverse, une semaine plus tard, grâce à une réserve
satisfaisant.
130. D’abord, il n’est pas toujours évident que l’objectif, avancé par le législateur et
de l'enfant né avec une malformation, permet sans doute aux professionnels de santé,
acceptables332. Mais s’agit-il là d’un motif d’intérêt général, ou plutôt d’un objectif
semble bien lacunaire333, tant l’ampleur de l’atteinte à un droit aussi essentiel que
toujours justifié. Au stade même de l’adéquation, il est fort douteux que les
responsabilité des établissements bancaires pourrait être engagée, en raison des prêts
jurisprudence judiciaire ait entraîné un frein au crédit 335, une limitation légale de la
consentir des prêts à des entreprises fragilisées, tant il existe d’autres paramètres
économiques qui influent sur leurs choix. De la même façon, eu égard au nombre,
132. Quant au contrôle de la nécessité d'une mesure, tel qu'il a été défini par la
qu'elle ne soit pas plus restrictive que ne l'exige l'objectif poursuivi, il n’est pas mis
en œuvre par le Conseil. Ce dernier, estimant que la Constitution ne lui confère pas
Parlement338 », ne s’assure pas qu'entre plusieurs moyens possibles, a bien été choisi
celui qui, tout en atteignant le but visé, porte l'atteinte la moins grave aux droits
fondamentaux.
peut ne pas formellement supprimer les voies de recours, il n’en demeure pas moins
que certaines restrictions emportent des effets qui s’y apparentent. On peut regretter
juridiction peut prendre aussi des formes plus structurelles, quand c’est l’architecture
D’une part, la priorité accordée au juge n’exclut pas le recours à d’autres modes, non
juridictionnels, de règlement des litiges, qui occupent une place de plus en plus
n’est pas toujours de nature à faciliter l’exercice du droit d’agir en justice (2).
94 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
administratifs et juridictionnels
135. Le Conseil constitutionnel s’est retrouvé confronté, à plusieurs reprises 339, à une
administratif préalable, avant toute action devant le juge, sous peine d’irrecevabilité.
guère surprenante en soi, tant les recours administratifs préalables s’inscrivent dans
une forme de tradition juridique nationale341, que le Conseil est souvent soucieux de
négliger.
136. La priorité accordée au juge, qui reste le lieu naturel de règlement des
339 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988, Nature juridique des deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi
n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public, JO, 13 mars 1988, p. 3392 ; Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité, JO, 21 janvier 1995, p. 1154 ; Décision n° 2000-
437 DC du 19 décembre 2000 préc. ; Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la
maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, JO, 27 novembre 2003,
p. 20154.
340 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988 préc., Cons. 6 ; Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995
préc., Cons. 9 ; Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 préc., Cons. 44 ; Décision n° 2003-484
DC du 20 novembre 2003 préc., Cons. 19.
341 Sur l’ensemble de la question, BRISSON J.-F., Les recours administratifs en droit public français,
contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
droit public, Paris, 1996.
L’existence du procès 95
une « chambre des requêtes », jouant un rôle de filtre du contentieux, en réglant les
d’imposer une tentative de conciliation préalable dans des contentieux de masse, afin
d’éviter, dans la mesure du possible, des procès inutiles343. Quand ces derniers
surviennent malgré tout, les contours du litige sont déjà en partie tracés, puisque le
recours contentieux doit avoir le même objet que le recours administratif préalable.
contentieuse peut être fondée sur des moyens nouveaux344. Cela évite de figer le
préalables ne portaient pas atteinte au droit d’agir en justice des administrés 345. Il
342 C.E.D.H., 6 mai 2004, OGIS Institut Stanislas et autres c/ France, requêtes n° 42219/98 et 54563/00.
343 C’est un système qui donne des résultats satisfaisants en matière fiscale, par exemple, où les
réclamations préalables, devant les directions des centres des impôts, règlent près de quatre-vingts
pour cent des litiges. Cependant, ce type de performance n’est certainement pas généralisable,
puisque c’est la nature particulière du contentieux fiscal qui explique cette performance, en raison
de la possibilité offerte à l’administration fiscale de transiger, ce qui n’est pas possible dans le
contentieux de la légalité.
344 C.E., 21 mars 2007, Garnier, n° 284586, Rec. p. 128.
345 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988 préc., Cons. 6.
96 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
s’agit manifestement d’une affirmation un peu hâtive, qui passe sous silence les
138. En premier lieu, le recours administratif préalable n’offre pas toutes les garanties
préalable obligatoire, statue à la date à laquelle elle se prononce et non, comme il est
justiciable peut se voir ainsi opposer une règle de droit, qui n’était pas encore entrée
prise suite à un recours hiérarchique se substitue à l’acte administratif initial 350 et sera
donc la seule susceptible d’être contestée, dans le cadre d’un recours juridictionnel.
346 C.E., 6 juillet 1990, Ministre du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle c/ Mattei,
n° 100489 ; n° 101053 ; Rec. p. 205 ; A.J.D.A., 1991, p. 230, note N. BELLOUBET-FRIER.
347 C.E., 15 novembre 2006, Toquet, n° 264636, Rec. p. 1002 ; A.J.D.A., 2006, p. 2207, obs. S. BRONDEL.
348 Article R421-5 du Code de justice administrative.
349 C.E., 19 mai 2004, Jouve, n° 248175, Rec. p. 234.
350 C.E., 30 mars 1973, Sieur Gen, n° 80680 ; n° 80681, Rec. p. 269, A.J.D.A., 1973, p. 268, conclusions G.
GUILLAUME.
L’existence du procès 97
requérant, pour atténuer les effets préjudiciables de cette règle. Il admet les moyens
rapportant à la décision rendue suite au recours hiérarchique 353. Il n’en demeure pas
moins qu’il s’agit ici de deux hypothèses, dans lesquelles l’obligation de recours
subtilités contentieuses.
était dans l’incapacité d’introduire une demande de sursis à exécution, tant que
rendait sa requête ultérieure souvent inutile, car trop tardive 355. Il fallut attendre
2001, pour que le Conseil d'État acceptât enfin, que le juge des référés pût prononcer
devant l’administration356, mais sans attendre la réponse de cette dernière. Toutes les
difficultés contentieuses n’ont pas été effacées pour autant, puisque le Conseil d’État
ne reconnaît pas, au juge des référés, la compétence pour prononcer une injonction à
hiérarchique357.
source d’entraves juridictionnelles, sans doute parce qu’ils n’ont jamais été envisagés
comme une étape précontentieuse, mais plutôt comme une démarche administrative
justice contre des décisions de l’administration faisant grief, les recours préalables
juridictions.
356 C.E., 12 octobre 2001, Société des produits Roche, n° 237376, Rec. p. 463 ; R.F.D.A., 2002, p. 315, concl.
P. FOMBEUR.
357 C.E., 8 juillet 2005, Ministre de la Santé c/ ARH de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 264366.
358 BONICHOT J.-C., « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique ou panacée
administrative ? », Juger l'administration, administrer la justice : mélanges en l'honneur de Daniel
Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 81.
L’existence du procès 99
faveur d’une réunification des deux ordres de juridiction, allant jusqu’à qualifier de
atout, presque une évidence362 ». Outre les allongements des durées de procédure,
provoqués par les questions préjudicielles d’un ordre à l’autre et les toujours
juridiction administrative, en vertu d'un principe fondamental reconnu par les lois de
prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique364 » par les autorités
359 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 172.
360 C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France, requête n° 35935/03.
361 DRAGO R. et FRISON-ROCHE M.-A, « Mystères et mirages des dualités des ordres de juridiction
et de la justice administrative », Archives de philosophie du droit, Tome 41, Dalloz, Paris, 1997, p. 135.
362 STIRN B., « Quelques réflexions sur le dualisme juridictionnel », Justices, 1996, n° 3, p. 41.
363 Cf infra n° 413 et s.
364 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15.
365 Ibidem.
100 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
La solution proposée par le juge constitutionnel n’a toutefois pas supprimé toutes les
dans le même temps, atteinte à la liberté individuelle366. Il en est ainsi, par exemple,
pour autrui, voire pour lui-même. Se trouvent alors juxtaposés deux critères majeurs
raison des effets de la dualité juridictionnelle sur l’accès au juge, qu’une requérante,
145. Le parcours contentieux d’une personne hospitalisée, sans avoir recueilli son
première action devait être introduite en justice, devant le juge judiciaire, pour
recours devait être porté devant le juge administratif, afin que celui-ci se prononce
une troisième requête devait être déposée de nouveau devant la juridiction judiciaire,
146. Comme le font remarquer bon nombre d’auteurs368, un tel chemin procédural est
pour le moins sinueux et ne semble pas exactement favorable aux intérêts des
nécessite qu’il soit « fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute
sérieux quant à la légalité de la décision370 », mais exige aussi une condition d’urgence.
Or, il semble difficile de pouvoir, d’un côté, vérifier l’urgence d’empêcher l’exécution
droits de l’homme avant lui372, n’a pas considéré que cet état du droit était contraire
raisonnement prend appui sur sa jurisprudence de 1987373, dont il reproduit ici les
auparavant, dans des domaines où les deux ordres de juridiction sont également
2005, Mme L., n° 264627, Rec. p. 134, A.J.D.A., 2005, p. 1231 ; MELLERAY F., « Une occasion
manquée de réformer la répartition juridictionnelle des compétences en matières d'hospitalisation
d'office », note sous C.E., 1er avril 2005, Mme L. préc., L.P.A., 10 octobre 2005, p. 12.
369 Idem, p. 13.
370 Article L521-1 du Code de justice administrative.
371 C.E.,1er avril 2005, Mme L préc., R.T.D. civ., 2005, p. 573, obs. HAUSER J.
372 C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France préc. La Cour y affirme même que « la complémentarité des
recours existants pouvant permettre de contrôler l'ensemble des éléments de la légalité d'un acte, puis
aboutir à la libération de la personne internée », § 108.
373 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.
374 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc., Cons. 35 et 36.
375 Article 61-1 de la Constitution.
102 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
appelés à connaître d’un même processus juridictionnel, à des titres divers 376.
de la justice377, mais n’est pas, pour autant, exigée par la Constitution, dans la mesure
apprécié qu’il se montrât ici plus directif, quitte à laisser à ce dernier, un délai pour
148. Fort heureusement, le législateur, même s’il n’y était pas tenu, mais conscient
était placé, simplifiera les recours des personnes internées sans leur consentement.
Pour autant, la loi du 5 juillet 2011379 n’est pas parvenue à effacer toute complexité
juillet 2011, qui crée l’article L3216-1 dans le Code de la santé publique, confie le
376 C.E.D.H., 11 mai 2010, Versini c/ France, requête n° 11898/5, dans le cadre du contentieux fiscal ;
C.E.D.H., 21 février 1997, Guillemin c/ France, requête n° 19632/92, A.J.D.A., 1997, p. 985, obs.
FLAUSS J.-F., en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Dans ce domaine, le
Conseil constitutionnel non seulement valide la dualité juridictionnelle, mais semble, au contraire,
considérer que l’articulation des compétences contentieuses entre les deux juges est un gage de
sécurité procédurale pour le justiciable exproprié, Décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012,
Consorts L. [Ordonnance d'expropriation pour cause d'utilité publique], JO, 17 mai 2012, p. 9153, Cons. 6
et 7.
377 Cf infra n° 426 et s.
378 Article 62, alinéa 2.
379 Loi n° 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet
de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, JO, 6 juillet 2011, p. 11705.
380 FARINETTI A., « L'unification du contentieux des soins psychiatriques sans consentement par la
loi du 5 juillet 2011 », R.D.S.S., 2012, p. 111.
381 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 16 ; Décision n° 2010-71 QPC du 26
novembre 2010 préc., Cons. 36.
L’existence du procès 103
disperser son action en justice, entre les deux ordres de juridiction, selon qu’il
sur les actions personnelles ou mobilières, peuvent expliquer cette répartition des
juridiction.
149. Le principe de gratuité de la justice, idée noble s’il en est, selon laquelle les
facultés contributives ne doivent pas peser sur l’accès au juge, même s’il fut proclamé
très large proportion est financée sur les deniers publics. Le surplus pécuniaire,
d’aide juridictionnelle, qui se définit « comme un concours apporté aux personnes dont les
ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, en les dispensant
1991 relative à l'aide juridique391. Cette disposition laisse à la charge des bénéficiaires
de l'aide juridictionnelle, les droits de plaidoirie, redevance financière perçue par les
avocats, qu’ils reversent ensuite à la Caisse nationale des barreaux français, afin de
387 DRAGO G., « La constitutionnalité de la contribution pour l'aide juridique mise en question »,
Gaz. Pal., 12 avril 2012, p. 8.
388 Il décida cependant de joindre deux questions prioritaires de constitutionnalité, aux enjeux et
problématiques approchés, pour statuer par une seule décision, comme le lui permet le règlement
du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalité, Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010, Décision portant
règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires
de constitutionnalité, JO, 18 février 2010, p. 2986.
389 Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011, M. Albin R. [Droits de plaidoirie], JO, 26 novembre
2011, p. 20015.
390 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, JO, 30 décembre 2010, p. 23033.
391 Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, JO, 13 juillet 1991, p. 9170.
392 Décret n° 2011-1634 du 23 novembre 2011 relatif aux droits de plaidoirie des avocats, JO, 25
novembre 2011, p. 19806.
393 C.E., 21 septembre 2011, Albin A., n° 350371.
L’existence du procès 105
due par la partie qui introduit l’instance, afin de financer le surcoût généré par
30 décembre 2009397, qui instaure un droit de cent cinquante euros, acquitté par les
l'indemnisation des avoués près les cours d’appel, dont les charges ont été
supprimées à compter du 1er janvier 2012, par la loi du 25 janvier 2011398. Dans les
394 Décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stéphane C. et autres [Contribution pour l'aide
juridique de 35 euros par instance et droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel], JO, 14 avril
2012, p. 6884.
395 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, JO, 30 juillet 2011, p. 12969.
396 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, JO, 15 avril 2011, p. 6610.
397 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, JO, 31 décembre 2009,
p. 22940.
398 Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, 26
janvier 2011, p. 1544.
399 Décision n° 2012-231/234 QPC préc., Cons. 9.
106 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
justiciable à un service public dont il profite, elles n’appellent pas nécessairement les
dont ils constituent une restriction, laquelle, selon les requérants, contreviendrait au
convient ici que l’aide juridictionnelle et le droit au recours sont étroitement liés, la
première permettant aux justiciables les moins fortunés d’introduire une instance,
d’État, qui estime que les « dispositions particulières régissant l'octroi de l'aide
juridictionnelle [...] ont pour objet de rendre effectif le principe à valeur constitutionnelle du
pour qui « l’article 6 par. 1 (art. 6-1), s’il garantit aux plaideurs un droit effectif d’accès aux
tribunaux [...] laisse à l’État le choix des moyens à employer à cette fin. L’instauration d’un
400 BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », op. cit., p. 1019.
401 C.E., 10 janvier 2001, Mme Coren, n° 211878 ; n° 213462, Rec. p. 5 ; J.C.P., n° 40, 3 octobre 2001,
p. 1827, chron. MATHIEU B. et VERPEAUX M.
402 C.E.D.H., 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande, requête n° 6289/73, série A, n° 32.
403 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité,
JO, 17 juin 2011, p. 10306.
L’existence du procès 107
obtention404. Il est donc cohérent que le Conseil, qui admet des atteintes au droit
que cette franchise juridictionnelle, « eu égard à (son) faible montant406 », n’est pas
contraire au droit de chacun d’agir en justice. Il semble, en tous cas, que cette
d’introduire une action en justice pour y faire valoir ses droits, mais peut comporter
un effet dissuasif à l’encontre de certains recours abusifs, favorisés par une gratuité
intégrale.
européenne407 est ici frappante. Les limitations admises par les deux juridictions le
entre les moyens employés et le but recherché, lequel doit correspondre, d’autre part,
à l’intérêt général408. C’est précisément sur ce point que l’analyse juridique du Conseil
l'intérêt poursuivi, puisqu’elle est propre à atteindre le but visé, ou tout au moins,
n’est pas totalement insusceptible d'y parvenir. En revanche, elle apparaît comme
égale, ce soit les modalités les moins contraignantes pour les destinataires de la règle,
qui soient retenues. Enfin, le contrôle de proportionnalité stricto sensu, qui a pour but
de vérifier si les bénéfices de la mesure décidée par le législateur l'emportent sur ses
effets préjudiciables, donne des résultats mitigés, dans la mesure où elle risque de
provisoires et insatisfaisantes.
positif414, il est regrettable que le regard porté par le juge constitutionnel, sur les
dispositifs soumis à son contrôle, ne soit pas toujours aussi sévère que nécessaire,
afin de déceler (et invalider) les obstacles détournés, posés par le législateur sur le
chemin du prétoire. Même s’ils peuvent parfois être contournés, ils n’en constituent
pas moins des entraves à proscrire dans un État de droit, dans lequel le principe
412 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 311.
413 TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », op. cit., p. 4.
414 RENOUX T., « La constitutionnalisation du droit au juge en France », RIDEAU J. (dir.), Le droit au
juge dans l'Union européenne, Actes du colloque de Nice, 25 et 26 avril 1997, L.G.D.J., Paris, 1998, p. 109.
L’existence du procès 111
158. La faculté offerte au justiciable, dont la prétention n’a pas été satisfaite par un
française et son évolution, ces dernières années, est celle « d'une lente érosion416 ».
415 PORTALIS J., Mémoires de l’Académie Royale des Sciences morales et politiques de l’Institut de France,
1841, t. 3, p. 467. PORTALIS cite aussi, en ce sens, la publicité de l’instruction et des jugements,
ainsi que la pluralité et l’inamovibilité des juges.
416 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », A.J.D.A., 2006, p. 1308.
417 HILAIRE J., « Un peu d’histoire », Justices, n° 4, 1996, p. 9.
418 LEFORT C., « Double degré de juridiction », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, op. cit.,
p. 345.
112 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
définitif.
160. Il fallut attendre le XVIe siècle pour voir les deux organisations judiciaires
que deux niveaux, l’appel étant entendu directement par le seigneur, alors que la
justice royale ne comptait plus que trois degrés en matière civile 419, le droit d’appel
appel des litiges comportant peu d’enjeu social, c’est à dire ceux qui ne peuvent
déboucher sur des condamnations excédant un certain montant, cinq cents Livres, en
l’occurrence.
en 1788422. Mais c’était sans compter sur la résistance des parlements, qui
projet, pourtant en adéquation avec les attentes des citoyens, si l’on se fie aux
souhaits de voir la justice ramenée à deux degrés, qu’ils formulèrent, pour des
juridictionnelle de 1790 institua donc, dans le procès civil, l’appel dit circulaire,
puisque la décision d’un tribunal de district pouvait être contestée, non pas devant
163. Les cours d’appel firent leur apparition sous NAPOLÉON, en héritant des
ne revêtait pas pour autant un caractère absolu, deux arguments fréquents venant
pénale, pour les détracteurs du double degré de juridiction, certains citoyens étaient
commis. De manière plus pragmatique, d’autres arguaient qu’au regard des seuls
d’expression le plus abouti : le droit d’interjeter appel. Celui-ci, grâce à ses deux
423 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 49.
424 Idem, p. 13.
425 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », VAN COMPERNOLLE J. (dir.), Le double
degré de juridiction, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 282.
114 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
déjà distillé l’idée qu’il n’est pas d’appel sans texte pour l’organiser, ce qui le
ressort, contestables seulement par la voie du recours en cassation 430. Cette régression
du double degré de juridiction, illustrée par les fréquentes entorses dont il fait l’objet,
lui ôte toute chance d’accéder au rang de principe fondamental reconnu par les lois
426 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308. Mme le Professeur
DEGUERGUE fait, par ailleurs, observer que les pouvoirs du juge d'appel à contrôler la régularité
du premier jugement, ont pu faire l’objet de contestations en doctrine : MOTULSKY H.,
« Nouvelles réflexions sur l'effet dévolutif de l'appel et l'évocation », J.C.P., 1958, I, 1423.
427 Le double degré de juridiction a connu, en procédure administrative contentieuse, une éclaircie
avec l’institution des cours administratives d'appel, par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
portant réforme du contentieux administratif, JO, 1 er janvier 1988, p. 7. Leur création faisait espérer
que le double degré de juridiction était devenu le principe en contentieux administratif, avec pour
seules limitations, les litiges traditionnellement tranchés en premier et dernier ressort par le
Conseil d'État. Il n’en fut rien, puisque le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours
administratives d'appel et modifiant la partie Réglementaire du Code de justice administrative, JO,
n°145 du 25 juin 2003, p. 10657, a supprimé l'appel des jugements, rendus par un juge administratif
statuant seul, dans les litiges considérés comme de faible importance, afin de désencombrer les
prétoires et d’optimiser ainsi le délai de traitement des dossiers. Sur la question, Cf BOISSARD S.,
« Vers un désencombrement des cours administratives d'appel ? », A.J.D.A., 2003, p. 1375.
428 Décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 préc.
429 C.E., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec. p. 690 ; A.J.D.A., 1971, p. 483, note CHEVALLIER J.,
p. 519, concl. J. THERY.
430 C.E., 15 juin 1949, Faveret, Rec. p. 288.
431 LUCHAIRE F., « Un Janus constitutionnel : l'égalité «, R.D.P., 1986, p. 1255.
432 Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques, JO, 22 janvier 1993, p. 1118.
L’existence du procès 115
encore, sur sa valeur juridique (équivoque)433, alors même que l’appel permet la
restriction. Ainsi, le Conseil d'État estime que le double degré de juridiction est « une
règle applicable à tous les tribunaux administratifs », que seule la loi pourrait remettre en
cause434, mais sans pour autant se prononcer sur sa nature435. De son côté, la Cour
l’exige pas en matière civile, puisque cette disposition « concerne d’abord les juridictions
166. Les raisons pouvant expliquer ce phénomène d’érosion sont de deux ordres.
régime juridique favorable438, en raison du double rôle essentiel joué par la Cour de
peut donc subir des restrictions, sans que les garanties juridictionnelles offertes au
justiciable ne soient atteintes dans leur substance 440. Cette conception compensatrice
de la fonction exercée par le pourvoi en cassation est loin d’être évidente, dans la
mesure où seul l’appel offre aux parties au procès, la garantie d’un réexamen
complet de l’affaire, en droit comme en fait 441. Ce qui s’apparente, de prime abord, à
une simple technique procédurale est en réalité, le meilleur gage possible d’un
167. Deuxièmement, le recul du principe peut aussi trouver une explication dans les
justiciable, de voir le litige auquel il est partie, réexaminé une seconde fois par une
que l’exercice d’une voie de recours est supposé participer de cet objectif de valeur
168. D’un côté, elle implique qu’un justiciable puisse bénéficier d’un second
jugement, en fait comme en droit, qui corrigera les éventuelles erreurs commises par
la première décision juridictionnelle. Mais de l’autre, elle impose aussi qu’il ne soit
pas laissé trop longtemps dans l’attente d’un verdict, qui peut emporter des
des procédures. C’est d’ailleurs l’argument le plus souvent employé par les pouvoirs
possible d’objecter que la durée d’une instance n’est pas nécessairement le meilleur
sur un jugement erroné, il n’est pas interdit de préférer un procès plus long,
442 FAVRET J.-M., « La « bonne administration de la justice » administrative », R.F.D.A., 2003, p. 943.
443 Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de
la Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21381, Cons. 4.
444 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
445 PACTEAU B., « Le décret du 24 juin 2003, au secours des cours administratives d'appel », R.F.D.A.,
2003, p. 910.
L’existence du procès 117
169. Bien qu’il n’ait jamais expressément érigé le délai raisonnable de jugement au
particulier, fût-ce de manière médiate. Ainsi, à chaque fois qu’il doit apprécier la
valide généralement le dispositif, quelle que soit la méthode choisie pour raccourcir
doivent d’être vigilants sur ce point, dans la mesure où la Cour européenne des
droits de l’homme n’a jamais considéré que l’encombrement des juridictions était un
argument recevable, pour justifier les retards à rendre la justice 449. En deuxième lieu,
446 C.E.D.H., 24 octobre 1989, H c/ France, série A, n° 162, requête n° 10073/82. La Cour européenne des
droits de l’homme, depuis l’arrêt Kudla, C.E.D.H., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, requête n°
30210/96, A.J.D.A., 2000, p. 1012, note FLAUSS J.-F., a amorcé une nouvelle jurisprudence en
matière de délai raisonnable de jugement, en renvoyant d’abord aux États parties, le soin de mettre
en place, en droit interne, une voie de recours utile pour sanctionner sa violation.
447 Décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, Loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative
au droit d'asile, JO, 11 décembre 2003, p. 21085 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc. ;
Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. [Appel des ordonnances du juge d'instruction
et du juge des libertés et de la détention], JO, 14 juillet 2011, p. 12251.
448 Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 préc.
449 C.E.D.H., 23 mars 1994, Muti c/ Italie, requête n° 14146/88, J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F.
118 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
éprouvent des difficultés à traiter les litiges dont elles sont saisies dans des délais
possède tous les caractères d’un objectif de valeur constitutionnelle, puisqu’il permet
justice, il n’est pas pour autant, indifférent à l’égard du double degré de juridiction. Il
elle seule, constituer une base juridique pertinente au principe du double degré de
450 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 relative au statut de la magistrature, 14 janvier 1995, p. 727 ; Décision n° 2001-445 DC
du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature,
JO, 26 juin 2001, p. 10125.
451 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, JO, 10
septembre 2002, p. 14953.
452 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. [Détention provisoire : procédure devant
le juge des libertés et de la détention], JO, 19 décembre 2010, p. 22372.
453 (de) MONTALIVET P., Les objectifs de valeur constitutionnelle, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires,
Paris, 2006 ; LUCHAIRE F., « L'objectif de valeur constitutionnelle », R.F.D.C., 2005, p 675.
L’existence du procès 119
172. Il fallut attendre une décision de 2004456, pour que le Conseil exprimât enfin
ce qui ne signifie pas, pour autant, que la juridiction constitutionnelle ne lui accorde
aucune protection. S’il n’a pas érigé le double degré de juridiction au rang des
principes, tels que les droits de la défense ou surtout, l'égalité devant la justice, qui
bénéficient d’un soin attentif de sa part458. C’est la raison pour laquelle, les effets que
produit le double degré de juridiction sont assez proches de ceux d’un principe de
principe « para-constitutionnel459 ».
dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, dès lors qu’un certain nombre
ce qui justifie qu’il fasse l’objet d’une légitime protection461, couvrant à la fois son
juridiction
peut le faire que dans le respect du principe d’égalité devant la justice. C’est par le
(§ 1.). Néanmoins, si cette condition est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Encore
faut-il qu’il institue aussi des voies de recours qui permettent, dans la suite de la
pourvoir en cassation, même si la protection dont il lui fait bénéficier n’est pas
limiter le droit d’appel, le respect du principe d’égalité devant la justice, dans deux
devant la justice produit ses effets, aussi bien à l’égard des parties à la même instance
(A), qu’à l’égard des justiciables impliqués dans des procédures juridictionnelles
identiques (B).
461 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 17.
L’existence du procès 121
même instance
176. Le principe d’égalité devant la justice, appliqué au droit d’appel des parties à la
même instance juridictionnelle, ne revêt pas la même intensité dans le procès civil (1)
que dans le procès pénal (2). Dans ce dernier, le respect du principe d’égalité devant
la justice doit aussi s’accompagner du maintien d’un nécessaire équilibre entre les
parties principales et les parties jointes. Le ministère public peut se trouver, selon les
principale, lorsqu’ il agit « d'office dans les cas spécifiés par la loi462 » ou « pour la défense
de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci463 ». Il n’est que partie
jointe, quand « il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une
alors qu'il n’est que partie jointe quand il est mis en cause ou lorsqu'il intervient dans
permettait au ministère public d’interjeter appel, alors même qu’il n'avait pas agi
comme partie principale au procès. Le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que
différence de régime présente un rapport étroit avec l’objet du texte législatif qui
l’organise.467 Il n’est donc guère surprenant, que le juge constitutionnel accepte que le
ministère public, simple partie jointe à la procédure de première instance, exerce des
défenseur de l’ordre de public justifie qu’il puisse se voir conférer par la loi, afin
d’exercer efficacement sa fonction469, des droits auxquels les autres parties jointes ne
sauraient prétendre.
466 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des
entreprises, JO, 20 janvier 1985, p. 820.
467 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10.
468 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
469 Ibidem.
470 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, D, 1986, p. 434.
471 Cf infra n° 734 et s.
L’existence du procès 123
contester par la voie de l’appel, alors que le ministère public dispose, de son côté, du
émises par les deux magistrats compétents. Même si les ordonnances, contre
lesquelles la personne poursuivie ne peut former appel, sont peu nombreuses, il n’en
demeure pas moins que son droit d’appel est limité (l’interdiction reste le principe),
1808473 jusqu’au Code de procédure pénale de 1958, qui a étendu les cas d’ouverture
de l’appel de l’inculpé, est marquée par l’idée que le droit d’appel du mis en examen
dont le premier épouse les mêmes contours que celui développé dans la décision de
trouvant pas dans des situations identiques, les différences législatives de traitement
prohibée, quand elle vise des objectifs d’efficacité judiciaire, concourant à la bonne
dilatoires, lorsqu’il existe, par ailleurs, d’autres moyens procéduraux de contester les
décisions478.
droit d’appel du seul mis en examen et leurs conséquences sur l’équilibre des droits
des parties au procès479. Il en conclut que ce qui était acceptable en matière civile ou
476 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10 : « Considérant que le principe d'égalité ne
s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement
qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ».
477 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 5. Le commentaire aux Cahiers du Conseil
constitutionnel signale opportunément, que si le dispositif n’est pas contraire au principe d’égalité
entre les parties au procès, il en va différemment entre les droits des personnes mises en examen.
Selon qu’un mineur, suspecté d’avoir commis un crime, a plus ou moins de seize ans, il pourra,
dans le premier cas, interjeter appel de l’ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction,
alors qu’il se trouvera dans l’incapacité juridique, dans le second cas, de contester par la même
voie, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants.
478 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 5.
479 Idem, Cons. 2.
480 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc.
L’existence du procès 125
184. Dorénavant, la personne mise en cause dans un procès pénal pourra interjeter
appel de toutes les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne
avoir une incidence importante sur la procédure pénale, dans la mesure où la Cour
de cassation accorde, d’ores et déjà, le droit d’appel au mis en examen, dans des
185. Cependant, le principe d’égalité devant la justice ne produit pas seulement ses
effets à l’intérieur d’une même instance juridictionnelle, mais aussi à l’égard de tous
481 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 7. Cette démarche n’est pas inédite dans la
jurisprudence constitutionnelle, Cf Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 préc., Cons. 18.
482 Ibidem.
483 DAOUD E. et TALBOT A., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011,
« Procédure pénale : le droit au recours des parties au procès pénal », Constitutions, 2012, p. 520.
484 ASCENSI L., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, « Constitutionnalité des
restrictions au droit d'appel du mis en examen », A.J. Pénal, 2012, p. 44.
485 Cf infra n° 761 et s.
126 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
186. Le Conseil constitutionnel fut amené, par deux fois, à protéger indirectement le
des justiciables, impliqués dans des procédures semblables. Dans chacune de ces
raison des discriminations ostensibles qu’elle induisait. Une évolution est malgré
appel.
celle-ci n’avait pas statué au fond dans les deux mois suivant le prononcé du
jugement de premier instance, lui faisant acquérir force de chose jugée487. Ce dernier
188. Le droit des entreprises en difficulté est, certes, marqué par le souci de célérité
des procédures488, dans l’intérêt de tous les protagonistes, ce qui conduit souvent à
au justiciable et sur lequel il ne peut influer, de telle manière qu’un autre, placé dans
constitue indiscutablement une rupture d’égalité des citoyens devant la justice 489. Le
devant la justice, qui doit s'entendre du bénéfice de la même procédure, pour une
situation490.
189. Que le juge constitutionnel ait soulevé d’office ce moyen témoigne visiblement
droit d’interjeter appel, qui ne doit pas dépendre d’une circonstance étrangère au
soubassements, que celui mis en œuvre dans la décision dite « juge unique » de
poursuivis pour les mêmes infractions, pussent être jugés par des juridictions
cependant plus grave dans le cas de la décision de 1985, puisque c’est du droit à un
second jugement impartial, en fait comme en droit, dont est privé le justiciable qui
aurait interjeté appel devant une juridiction du second degré, peu encline à statuer
promptement.
190. Le professeur Thierry RENOUX fait observer493 que le Conseil constitutionnel fut
déjà confronté à une situation comparable, dans laquelle une juridiction était
dessaisie d’un litige, en raison du dépassement du délai légal dont elle disposait
489 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 26.
490 C.E., 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253, A.J.D.A., 2004, p. 712, note MARKUS J.-P.
491 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure
pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du Code de procédure pénale, JO, 24 juillet
1975, p. 7533.
492 Idem, Cons. 5.
493 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, op. cit., p. 434.
128 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
dans la mesure où il s’inscrit dans le cadre d’un renvoi préjudiciel et que la décision
autorisation administrative, elle repose sur un motif d’intérêt général, celui de faire
trancher le litige, dans les meilleurs délais, par la juridiction prud’homale, afin de ne
détention. Cette disposition avait pour objectifs d’éviter une succession de décisions
trouvât privée d’effets, quand elle infirmait celle du juge d'instruction refusant de
494 Loi n° 79-44 du 18 janvier 1979 portant modification des dispositions du Titre 1 er du Livre V du
Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 19 janvier 1979, p. 163.
495 Décision n° 78-101 DC du 17 janvier 1979, Loi portant modification des dispositions du titre 1er du livre
V du Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 18 janvier 1978, p. 256.
496 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. [Détention provisoire : réserve de
compétence de la chambre de l'instruction], JO, 19 décembre 2010, p. 22375.
497 Etant donné que la loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 tendant a renforcer les droits des personnes en
matière de placement en détention provisoire et d'exécution d'un mandat de justice, JO, 10 juillet
1984, p. 2177, avait supprimé, en cas d’appel du ministère public, le maintien en détention
provisoire de l’inculpé, toute décision de remise en liberté du juge d’instruction, contredite ensuite
par la chambre d’accusation, plaçait la personne mise en cause dans une position inconfortable,
alternant liberté et placement en maison d’arrêt, Cf PRADEL J., Obs. sur Cass. crim., 2 juillet 1985,
D, 1986, p. 118.
L’existence du procès 129
placer le mis en examen en détention provisoire. Issu de la loi dite « Perben II »498, ce
qu’elle le précise pour pouvoir l’exercer. Dans un troisième temps, ce principe sera
Il s’agissait donc d’une position plus proche de celle de l’arrêt Pesquet, une
498 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO,
10 mars 2004, p. 4567.
499 Cass. crim., 22 décembre 1959, Pesquet., Bull. 1959, n° 569.
500 Ibidem : « Que la seule conséquence légale de l'infirmation de la décision du juge était la délivrance, par la
chambre d'accusation elle-même, d'un mandat de dépôt ou d'un mandat d'arrêt, la question de la liberté ou
de la détention de l'inculpé dépendant désormais, et de ce fait, pour la suite de la procédure d'instruction de
sa seule et propre appréciation ».
501 Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, pourvoi n° 77-92803, Bull. crim., n° 370, p. 946.
502 Ibidem, la seule possibilité de dérogation à la compétence du juge d'instruction pour statuer, en
premier ressort, sur les demandes de mise en liberté formées au cours de l'instruction préparatoire
dont il est chargé, survient « lorsque la chambre d'accusation, statuant dans les conditions prévues par
l'article 207, alinéa 1er, dudit code, a pris elle-même une mesure de mise en détention en se réservant
expressément la faculté d'en ordonner le cas échéant la prolongation ou d'y mettre fin soit d'office, soit sur
les réquisitions du ministère public ou sur la demande de l'inculpé ».
503 Cass. crim., 19 février 2002, pourvoi n° 01-88028, Bull. crim., n° 30, p. 89.
504 La chambre de l’accusation est devenue la chambre de l’instruction avec la loi n° 2000-516 du 15
juin 2000 préc.
130 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
en moins. Pourtant, c’est la ligne jurisprudentielle adoptée dans l’arrêt Léger, qui
sera inscrite dans la loi de mars 2004 : par principe, le contentieux de la détention
193. Ce dispositif procédural conduit à une rupture d’égalité des citoyens devant la
débouche même sur une situation inattendue . En effet, deux justiciables placés dans
des situations identiques peuvent ne pas bénéficier du même droit au double degré
de juridiction, selon que les juges, de première instance et d’appel, compétents pour
statuer sur la détention provisoire, sont en accord ou pas. Le mis en examen placé
sous mandat de dépôt par le juge des libertés et de la détention pourra interjeter
regard505 » des deux magistrats statuant sur la détention en premier ressort506. Alors
résumé, une personne mise en examen, qui aura vu sa mise en liberté refusée par
trois juges distincts, bénéficiera d’un niveau de protection plus satisfaisant, que celui
505 DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire », op.
cit., p. 3571.
506 Selon l’article 148, alinéas 2 et 3 du Code de procédure pénale, « La demande de mise en liberté est
adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République
aux fins de réquisitions.
Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la
communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de
la détention. [...] ».
L’existence du procès 131
dont l’égalité devant la justice fait partie 509. Dorénavant, la chambre de l’instruction
d’interjeter appel de celui qui avait obtenu une décision de remise en liberté en
juridiction, qui n’était par ailleurs justifiée par aucun objectif d’intérêt général
par des procédures identiques. En 2010, comme en 1985, le justiciable n’était pas
507 DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire », op.
cit., p. 3571.
508 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
509 Sur la question, Cf MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, op. cit., p. 94.
510 Cf supra n° 187.
511 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
512 Ibidem.
132 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
jamais érigé le droit d’appel contre une sentence d’un juge, en exigence
principe d’égal accès des citoyens à la justice, sur l’institution de voies de droit, au
513 Ibid.
514 C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France, requête n° 18497/03 ; R.S.C., 2008, p. 598, note
MATSOPOULOU H.
515 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004 préc., Cons. 5 ; Décision n° 86-224 DC du 23 janvier
1987 préc.
516 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 19 ;
RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
517 C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, requête n° 2689/65, série A, n° 11, § 25. Cf
CANIVET G., « Economie de la justice et procès équitable », J.C.P., 2001, I, 361, p. 2086.
518 C.E., 6 juin 1949, Faveret préc.
L’existence du procès 133
197. Il n’étonnera guère, de ce fait, que cette voie de recours, qualifiée de « garantie
de fixer les règles523 » par le juge constitutionnel, soit envisagée comme le moyen
justiciable, sous peine de déséquilibrer les droits des parties au procès 525. Le recours
en cassation est donc bien celui qui recueille les faveurs du Conseil constitutionnel 526,
juridiques (A) que des restrictions financières (B), que pourrait lui imposer le
519 Décision n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Société Invest Hôtels Saint-Dizier Rennes et
autre [Prise de possession d'un bien exproprié selon la procédure d'urgence], JO, 15 septembre 2013,
p. 15528.
520 Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993 préc.
521 Idem, Cons. 16.
522 Idem, Cons. 17.
523 Décision n° 80-113 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions du Code général des
impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, JO, 17 mai 1980, p. 1231, Cons. 7 ;
Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988, Nature juridique de dispositions du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique, JO, 15 mai 1988, p. 7134, Cons. 10.
524 L’institution d’un pourvoi en cassation ne suffit pourtant pas toujours, en l’absence de voie
d’appel, à garantir la conformité d’une législation au droit au recours, Cf Décision n° 2010-81 QPC
du 17 décembre 2010 préc.
525 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, ROUSSILLON et autres [Article 575 du Code de
procédure pénale], JO, 24 juillet 2010, p. 13727 ; Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme
Marielle D. [Frais irrépétibles devant la Cour de cassation], JO, 2 avril 2011, p. 5892.
526 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 19.
134 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
198. Selon Thierry RENOUX, le recours en cassation « ne semble pouvoir être exclu à
Ainsi, l’article 575 du Code de procédure pénale528 empêchait les parties civiles, en
la violation de la loi commise par les arrêts de la chambre de l'instruction statuant sur
visant à accentuer la place de la victime dans l’instance criminelle, mais aussi dans
vertu duquel, l’action civile étant liée à l’action du ministère public, elle ne peut être
527 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
528 L’article 575 du Code de procédure pénale disposait que « la partie civile ne peut se pourvoir en
cassation contre les arrêts de la chambre de l'instruction que s'il y a pourvoi du ministère public ».
529 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc.
530 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
531 Cour de cassation, 28 juin 1822, Sieur Niogret, Bull. 1822, n° 7.
532 Ibidem, « [...] que le ministère public ayant acquiescé à l’arrêt de cette chambre, contre lequel il n’a pas formé
de pourvoi, la partie civile est sans droit et sans qualité pour en provoquer l’annulation ».
L’existence du procès 135
public, s’est retrouvé, dès 1958, à l’article 575 du Code de procédure pénale 534. Même
par le législateur535, il n’en demeure pas moins que le principe reste celui de la
contrôle a priori des lois, apparaissait comme un des derniers vestiges de la place
juge judiciaire les a autorisées à mettre en œuvre l’action publique 537 malgré l’inertie
533 Décret-loi du 8 août 1935 modifiant et complétant les dispositions des art. 405 et 408 du Code
pénal, JO, 9 août 1935, p. 8688.
534 Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 instituant le Code de procédure pénale, JO, 8 janvier 1958,
p. 258.
535 Ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960 modifiant certaines dispositions du Code pénal, du Code de
procédure pénale et des Codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer en
vue de faciliter le maintien de l'ordre, de la sauvegarde de l'état et la pacification de l'Algérie, JO, 8
juin 1960, p. 5107 ; Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant a renforcer la garantie des droits
individuels des citoyens, JO, 19 juillet 1970, p. 6751.
536 STRICKLER Y. (dir.), La place de la victime dans le procès pénal, Bruylant, Bruxelles, 2009.
537 Cass. Crim., 8 decembre 1906, Placet, Bull. 1906, n° 443.
538 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc. Trois questions de la Cour de cassation (Cass.
Crim., 31 mai 2010, pourvoi n° 09-85389 ; pourvoi n° 09-87295 ; Cass. Crim., 4 juin 2010, pourvoi n°
09-83936) ont été jointes par le Conseil, afin d’y répondre par une seule décision.
539 Cass. Crim., 23 novembre 1999, pourvoi n° 99-80794, Bull. crim., n° 268, p. 836.
136 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
l’homme540, n’y avaient décelé d’atteinte au droit au procès équitable. Cette dernière
avait jugé que la partie civile ne saurait disposer d'un droit illimité d’exercer un
lors qu’elle dispose d’une action en réparation du préjudice subi, devant les
dilatoire ou abusif542. Telle ne sera pas la position du Conseil constitutionnel, qui, une
fois encore et contrairement à l’opinion partagée le plus souvent, se montre ici plus
protecteur des droits fondamentaux judiciaires que son homologue européen, grâce à
dans des procédures similaires. Sur le premier point, il apparaît que la partie civile et
le ministère public ne sont pas placés dans une situation identique, en raison du
la position du juge strasbourgeois, qui estimait que la partie civile ne pouvait « être
540 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France, requête n° 48221/99, § 38. Cf CANIVET G., « Economie
de la justice et procès équitable », op. cit., p. 2087.
541 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France préc., § 26.
542 Ibidem.
543 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10.
544 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France préc., § 38.
L’existence du procès 137
202. Sur le second point, la possibilité pour la partie civile de se pourvoir en cassation
de manière autonome, en fonction de l’infraction pénale dont elle a été victime, n’est
pas non plus constitutive d’une discrimination illégale. En résumé, quel que soit le
périmètre des situations envisagées, l’article 575 du Code de procédure pénale n’est
s’était déjà prononcé sur l’attitude à adopter face à des mesures procédant, en
défense545. C’est sur ce terrain que la mesure litigieuse fut légitimement déclarée
n’est pas conforme à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des
droits des parties547. En effet, dans la mesure où le mis en examen peut se pourvoir
pas même le désir de réduire les recours supposés dilatoires, d’empêcher la partie
civile d’en faire de même, à l’encontre des arrêts de non-lieu. Loin « de dégager une
545 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire
et artistique sur internet, JO, 29 octobre 2009, p. 18292, Cons. 10. Cf infra n° 771 et s.
546 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 4.
547 Ibidem.
548 Article 217 du Code de procédure pénale.
138 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
partie civile pouvait, en revanche, interjeter appel contre une ordonnance de non lieu
droits des victimes dans l’instance pénale551, à l’exception notable de la loi du 5 mars
avancée significative pour la défense des droits des victimes d’infractions pénales,
cassation fera l’objet d’une restriction financière, certes moins directe et radicale,
205. Parce que les frais de justice peuvent aussi constituer un frein au droit d’accès à
un tribunal554, le législateur a imaginé des dispositifs, qui reposent sur l’idée que la
549 (de) LAMY B., « Inconstitutionnalité de l'article 575 du Code de procédure pénale : la partie civile
promue par le Conseil constitutionnel », R.S.C., 2011, p. 188.
550 Article 186 du Code de procédure pénale.
551 Droits de la partie civile qui sont rappelés par le Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-15/23
QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 5 à 7.
552 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, JO, 6 mars
2007, p. 4206.
553 LACROIX C., « Les parties civiles à l'assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation », D,
2010, p. 2686 ; DAOUD E. et TALBOT A., « Procédure pénale : le droit au recours des parties au
procès pénal », op. cit., p. 520.
554 BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », op. cit., p. 1016.
L’existence du procès 139
partie qui a obtenu gain de cause dans une procédure qu’elle n’a pas souhaitée, ou
dont elle n’est pas à l’origine, doit pouvoir être remboursée de certaines dépenses
engagées pour défendre ses intérêts, à commencer par les honoraires d’avocat. C’est
ainsi que l'article 800-2 du Code de procédure pénale555 permet à une juridiction
206. Dans le même ordre d’idées, l'article 618-1 du Code de procédure pénale
frais de la partie civile. Cette possibilité, ouverte par la loi du 15 juin 2000 556, était
l’étape ultime d’un processus qui avait déjà vu la victime bénéficier d’une telle
précédemment, demeurait donc, en droit interne, une hypothèse où une partie ayant
non compris dans les dépens. Il s’agissait du cas de figure dans lequel le pourvoi
formé par la partie civile avait été rejeté par la chambre criminelle. C’est cette absence
207. Il était raisonnable de penser que cette carence de l’article 618-1 pouvait être
comblée par le dispositif prévu à l'article 800-2 du Code de procédure pénale. Telle
n’est pas l’interprétation de la Cour de cassation, qui considère que ces dispositions
ne sont pas applicables devant son prétoire, dans la mesure où elle ne se prononce
que sur la validité des décisions rendues par les juridictions inférieures, en renvoyant
éventuellement au juge du fond le soin de trancher le litige562. Même dans les cas
qu’il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire, parce que les faits souverainement appréciés
par les juges précédents lui permettent d'appliquer la règle appropriée, il y a tout lieu
de penser, que les décisions rendues dans ces conditions, ne respectent pas les
critères posés par l'article 800-2563. En adéquation avec la doctrine du droit vivant564,
effectuée par les juridictions ordinaires, en conclut alors que la seule disposition
applicable dans le cadre d’un pourvoi en cassation, reste l'article 618-1 du Code de
procédure pénale.
208. Cette disposition du Code de procédure pénale était contestée par la requérante,
cassation, le remboursement des frais engagés lors du pourvoi. Selon elle, cette
562 Cass. crim, 16 octobre 2002, pourvoi n° 02-80945 ; Cass. crim., 8 janvier 2003, pourvoi n° 02-81.476 ;
Cass. crim., 8 avril 2008, pourvois n° 07-86.250 et n° 07-86.251.
563 MARON A., « Charybde et Scylla évités », Droit Pénal, mai 2011, n° 5, p. 36.
564 La doctrine du droit vivant a été élaborée, dans les années 1950, par la Cour constitutionnelle
italienne, pour répondre à la nécessité de trouver un mode de collaboration avec la Cour de
cassation, dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de contrôle incident de
constitutionnalité. Cette doctrine implique que le juge constitutionnel accepte de contrôler la loi
telle qu’elle est interprétée par le juge judiciaire et ne censure que les seules dispositions, dont
l’interprétation n’est pas conforme au texte constitutionnel. Sur l’ensemble de la question, Cf
SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris,
Aix-en-Provence, 2003. Pour une application récente, Décision n° 2013-336 QPC du 1er août 2013,
Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l'entreprise dans les
entreprises publiques], JO,
L’existence du procès 141
traitement, une atteinte à l'équilibre entre les parties au procès pénal, dans l'accès au
toutes hypothèses, pas le cas du prévenu, qui devra supporter seul ses frais de
justice. La disparité des régimes juridiques entraîne donc une restriction du droit de
criminelle, y compris en cas de succès de son action et, a fortiori, en cas de rejet du
209. Ici, c’est donc bien la restriction de l’accès à la cassation, qui est condamnée par
procès pénal568. Cette décision qui vise a rétablir une certaine équité, entre les droits
conduirait à la suppression des droits conférés à la partie civile par cette disposition.
reporter les effets de sa décision au 1er janvier 2012, afin de laisser le temps au
législateur d’intervenir, pour aligner les droits de la personne poursuivie sur ceux de
la partie civile. C’est d’ailleurs ce qu’il fit à la fin de l’année 2011. L’article 618-1 du
condamnation de la partie civile à l’indemniser des frais non compris dans les
dépens.
sa décision déboucha sur une bien curieuse protection des droits des parties, nivelée
vers le bas. Certes, le report dans le temps des effets de l’inconstitutionnalité incitait
le législateur à étendre au prévenu, le bénéfice des droits reconnus par l’article 618-1
silence, qu’il n’en fût pas fautif pour autant. La tentative de protection du recours en
211. Peut-être y avait-il une autre solution, qui aurait consisté à étendre la
571 L’article 618-1 du Code de procédure pénale dispose à présent que « lorsqu’une demande en cassation
formée par la personne poursuivie ou par la partie civile a été rejetée, la cour peut condamner le demandeur à
payer à l’autre partie la somme qu’elle détermine, au titre des frais non payés par l’état et exposés par celle-
ci. La cour tient compte de l’équité ou de la situation économique du demandeur pour décider du prononcé de
cette condamnation et en fixer le montant ».
572 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de
certaines procédures juridictionnelles, JO, 14 décembre 2011, p. 21105.
573 MARON A., « Charybde et Scylla évités », op. cit., p. 36.
L’existence du procès 143
lieu de porter sur l’article 800-2 du même Code. En étendant au recours en cassation,
des droits des parties au procès pénal eut été rétabli, chacune disposant ainsi d’un
moyen légal d’obtenir le remboursement des frais irrépétibles, même si pour cela, la
litigieuse.
justice l’impose, il ne peut toutefois pas laisser le justiciable dépourvu de tout moyen
compensation satisfaisante au déficit d’appel575, alors que les effets respectifs des
574 Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et
dépendances, JO, 26 janvier 1985, p. 1137, Cons. 10. Le juge constitutionnel y affirme que « la
régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à
l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ».
575 Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993 préc., Cons. 17.
576 Le premier alinéa de l’article 2 du Protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne des
droits de l’Homme, intitulé « Droit à un double degré de juridiction en matière pénale », stipule
seulement que « Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de
faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L’exercice de
ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi ».
577 Ce d’autant que la réserve émise par la France, au moment de la ratification de ce protocole
additionnel, lui permet de satisfaire aux prescriptions de Strasbourg par l’institution du seul
pourvoi en cassation.
144 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
eut été apprécié que le Conseil constitutionnel se montrât plus exigeant en matière
recours aux résultats sui generis578, d’autant que sa position à l’égard des effets du
double degré de juridiction, qui ont considérablement évolué ces dernières années,
juridiction
213. Deux effets majeurs sont associés au double degré de juridiction. L’un, l’effet
dévolutif (§ 1.), apparaît comme sa traduction juridique, tandis que l’autre, l’effet
suspensif (§ 2.), a plutôt un rôle protecteur en préservant l’effet utile du double degré
de juridiction. Les deux, à des degrés variables, ont en commun de ne pas bénéficier
214. L’effet dévolutif est la propriété attachée à l’appel, qui permet au justiciable de
bénéficier d’un second jugement, en droit et en fait 579. En ce sens, il peut être envisagé
va accueillir le litige, ou une partie de celui-ci, pour le trancher à nouveau dans tous
578 Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Société YONNE REPUBLICAINE et autre
[Saisine obligatoire de la commission arbitrale des journalistes et régime d'indemnisation de la rupture du
contrat de travail], JO, 15 mai 2012, p. 9097, Cons. 13.
579 L’article 561 du Code de procédure civile dispose : « L'appel remet la chose jugée en question devant la
juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ».
580 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
L’existence du procès 145
instance581.
215. L’effet dévolutif entraîne deux limites, bordant l’étendue du contentieux dont la
juridiction d’appel va devoir connaître. D’un côté, il induit une limite « plancher »,
en ce sens que l’effet dévolutif se présente sous la forme d’un devoir pour le juge
d’appel, tenu de statuer sur tout ce qui a été interjeté582. Non seulement la juridiction
l’affaire au profit des premiers juges583, mais elle ne peut, non plus, réduire de sa
d’appel ne peut apprécier que les aspects du litige qui ont déjà été tranchés une
première fois et parmi ceux-ci, elle doit se prononcer uniquement sur les points
mentionnés dans l’acte de saisine, c’est à dire ceux sur lesquels il a été interjeté
appel584.
216. La délimitation du contentieux, que les juges du second degré vont connaître,
lesquelles il estime ne pas avoir obtenu satisfaction, tranchées à nouveau, mais il est
aussi fonction de sa qualité. Dans un procès pénal, selon que l’appel a été interjeté
par le ministère public ou par la partie civile, la cour n’est saisie que de l’action
publique ou de l’action civile585. Ce sont les articles 497586, 509587 et 515588 du Code de
581 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 281.
582 Ibidem.
583 LEFORT C., « Double degré de juridiction », op. cit., p. 348.
584 Idem, p. 349.
585 Ibidem.
586 « La faculté d'appeler appartient : [...]
3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ; [...] ».
587 « L'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant
ainsi qu'il est dit à l'article 515. [...] ».
588 « La cour peut, sur l'appel du ministère public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou en
partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu.
La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur
de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant. [...] ».
146 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
fonction de la qualité de l’appelant. Ces dispositions ont fait l’objet, le même jour, de
du demandeur.
degré de juridiction, doit porter sur des points du litige que l’appelant veut ou peut
voir tranchés à nouveau, c’est à dire qu’ils doivent nécessairement avoir déjà fait
elle fait obstacle à ce que les parties présentent de nouvelles prétentions en cause
d’appel (A) et, d’autre part, a fortiori, elle interdit l’apparition de nouveaux acteurs
prononcer, dans une période récente, sur cette question de l’effet dévolutif de l’appel,
589 Cass. crim., 16 juillet 2010, Sté Norprotex, pourvoi n° 10-81659 pour l’article 497 et Cass. crim., 16
juillet 2010, Dominique Y., pourvoi n° 09-88580, pour les articles 509 et 515. Ces deux articles étant
étroitement liés l’un à l’autre, ils ont fait l’objet d’une seule et même question.
590 DISANT M., « Les juges de la QPC et les principes constitutionnels en matière de Justice », Cahiers
du Conseil constitutionnel, 2011, n° 31, p. 236.
591 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 277.
L’existence du procès 147
d’appel
218. Dans la mesure où l’essence même du double degré de juridiction induit que le
juge d’appel porte un nouveau regard sur le litige, l’effet dévolutif s’oppose à ce que
les parties présentent pour la première fois, au stade de l’appel, des demandes qui
auraient ainsi échappé à l’examen des premiers juges592. Néanmoins, les moyens
nouveaux, venant étayer une prétention déjà formulée en première instance, sont
acceptés593. Ainsi pourrait être résumée l’une des incidences majeures du principe du
permettre à la partie civile de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel 594,
même si celle-ci avait un motif sérieux pour ne pas les avoir formulées en première
en 1975, dans la décision « juge unique597 », c’est en raison d’une rupture d’égalité
conséquences essentielles du double degré de juridiction, mais il n’est pas admis que
l’effet dévolutif de l’appel varie d’un litige à l’autre, en fonction de l’attitude adoptée
cour d’appel, n’est pas sans présenter quelques inconvénients. Elle provoque une
instance, alors que les données du problème ont pu évoluer, d’autant qu’en raison de
l’allongement des durées de procédure, il est fréquent que plusieurs années se soient
écoulées dans l’intervalle601. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics sont
221. Ainsi, le juge accepte, en cause d’appel, une demande nouvelle en ce qu’elle
repose sur un fondement différent, mais à la condition qu’elle vise la même finalité
quelque peu sibylline, que les parties ne font là qu’expliciter une prétention
« virtuellement comprise » dans les demandes initiales. Ces deux dérogations à l’effet
599 PHILIP L., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, R.D.P., 1981, p. 660.
600 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc.
601 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 283.
602 Idem, p. 288.
603 Article 565 du Code de procédure civile. Application jurisprudentielle : Cass., 2ème civ., 8 mars
2007, pourvoi n° 05-21627, Bull. civ., 2007, II, n° 58.
604 Article 566 du Code de procédure civile.
605 Décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile, JO, 9
décembre 1975, p. 12521.
L’existence du procès 149
Dans le premier cas, la demande n’est inédite qu’au regard de sa base juridique, mais
pas au vu de l’objectif qu’elle recherche et, dans le second cas, la prétention n’est pas
entièrement nouvelle non plus, puisqu’elle est une forme de prolongement naturel
de la demande de départ.
222. Dans le même ordre d’idées, dans le cadre d’une action en réparation d’un
d’une modification quantitative d’une prétention déjà formulée, qui doit être, de
qui ne varie pas par sa nature. De ce fait, il n’étonnera guère que les deux juridictions
fois en appel.
d’appel
224. L’arrivée d’un nouvel acteur du procès, au stade du second degré de juridiction,
semble encore plus attentatoire à l’effet dévolutif de l’appel, dans la mesure où les
prétentions qu’il formera ne peuvent être que nouvelles, intuitu personæ. Dans la
pour la première fois devant le juge d'appel609. La victime d’une infraction, qui se
constitue partie civile devant la Cour d’appel, ne permet pas à deux juges successifs
225. Mais une telle interdiction, qui semble pourtant la mieux à même de préserver
comme c’est souvent le cas des contentieux en cascade 611, un sujet de droit qu’il
mais de l’autre, introduire une nouvelle action en justice présente des désagréments
aux avantages. C’est pourquoi le Code de procédure civile prévoit les hypothèses
d’intervention d’un tiers, dans lesquelles des acteurs du procès peuvent apparaître
contenu ont profondément évolué. La législation a dû s’adapter, pour faire face à une
point, qu’à une seule occasion lors du contrôle a priori et encore jamais, depuis la
d’autant que les opportunités n’ont pas manqué615, mais les questions pertinentes des
requérants n’ont, à ce jour, jamais réussi à franchir le filtrage des deux juridictions
suprêmes, comme celle visant l’évocation, gouvernée par l’article 520 du Code de
procédure pénale.
fond. Une décision de justice annulée étant supposée ne jamais avoir existé, les
parties se trouvent donc privées du double degré de juridiction. Et quand bien même
d'appel évoque le litige, il l’examine dans son intégralité et peut donc être conduit à
se prononcer sur des aspects non tranchés par les premiers juges. Voilà pourquoi un
sur le respect scrupuleux de l’effet dévolutif, consistant à renvoyer le litige devant les
juges de première instance, afin de lui faire bénéficier d’un véritable double regard. Il
majeure de l’appel, l’effet suspensif, même si elle n’est pas d’une grande
617 Cass. Crim., 15 février 2011, pourvoi n° 10-90123, Bull. crim., 2011, n° 26.
618 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
L’existence du procès 153
permet d’éviter la naissance d’une situation juridique, qui pourrait être remise en
question dans l’hypothèse d’un appel interjeté avec succès620. Cependant, le principe
privé, son évolution récente est celle d’un déclin progressif, sous l’effet des réformes
des pouvoirs publics622, qui y voient le vecteur de manœuvres dilatoires, tout autant
qu’un message inapproprié adressé aux justiciables : celui d’une procédure judiciaire
positif. L’effet suspensif de l’appel y est dépourvu de portée générale, pouvant même
est restreint par des conditions rigoureuses624 et sa valeur juridique semble bien
619 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 278.
620 STRICKLER Y., « L’exécution des jugements et le double degré en matière civile », Justices, n° 4,
1996, p. 127.
621 PAILLET M., « L’exécution des jugements et le double degré en matière administrative », Justices,
n° 4, 1996, p. 139 ; PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l'effet non suspensif de
l'appel en contentieux administratif », Mélanges René Chapus : droit administratif, Montchrestien,
Paris, 1992, p. 493.
622 Sur le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures
d'exécution et à la procédure de changement de nom, JO, n° 302, 29 décembre 2005, p. 20350 :
LISSARRAGUE B., « Décret de procédure du 28 décembre 2005 : quel cadeau ? », Gaz. Pal., 31
janvier 2006, p. 2 ; GERBAY P., « L'article 526 du nouveau Code de procédure civile : premières
approches », Gaz. Pal., 14 février 2006, p. 3 ; VERDUN G., « Décret n° 2005-1678 du 28 décembre
2005 relatif à la procédure civile : réflexions et commentaires », Gaz. Pal., 23 février 2006, p. 9.
623 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 279.
624 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
625 Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988 préc., Cons. 12.
154 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
que le Conseil n’en fasse jamais une exigence constitutionnelle. Nonobstant toutes les
que la décision dont il est interjeté appel, émane d’une autorité juridictionnelle (B),
non juridictionnelles
231. À l’instar de la motivation des décisions, qui est imposée avec davantage
d’acuité quand ces dernières sont prises par des autorités administratives 627 ou
disciplinaires, l’effet suspensif de l’appel revêt une intensité supérieure, à l’égard des
apportée par le second regard, juridictionnel celui-ci, sur un contentieux. Cela semble
d’autant plus vrai depuis que les autorités administratives indépendantes se sont vu
232. Trois décisions constitutionnelles viennent illustrer ce constat, bien que deux
626 Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M. [Vente des biens saisis par
l'administration douanière], JO, 3 décembre 2011, p. 20015.
627 Cf infra n° 961 et s.
628 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22.
629 GENEVOIS B., « Le Conseil constitutionnel et la définition des pouvoirs du Conseil supérieur de
l’audiovisuel », op. cit., p. 215.
L’existence du procès 155
ces deux autorités sont susceptibles de prononcer, sont de natures distinctes, elles ont
en commun de faire grief, en raison des effets qu’elles emportent sur la situation du
trouve l’effet suspensif de l’appel632. C’est à cette condition, que dans chacune de ces
deux hypothèses, le pouvoir d’édicter des décisions faisant grief, attribué à une
233. Les enseignements à tirer de ces deux jurisprudences ne sont pas des plus aisés.
possible de constater que l’effet suspensif de l’appel ne fait l’objet d’aucune mise en
exergue particulière.
234. Mieux encore, dans la jurisprudence de 1989, l’effet suspensif n’est de plein droit
alors que dans toutes les autres hypothèses, le report de la force exécutoire du
630 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985, Loi relative aux administrateurs judiciaires, mandataires-
liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise, JO, 20 janvier 1985, p. 819.
631 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication, JO, 18 janvier 1989, p. 754.
632 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8 ; Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989
préc., Cons. 28 à 31.
633 Ibidem.
634 Cf infra n° 783 et s.
156 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
jugement n’est obtenu que par l’entremise du sursis à exécution, ce qui n’est guère
comparable. En effet, d’une part, le sursis à exécution devant le Conseil d’État doit
répondre à des conditions strictes, fixées par le décret de 1963635 et, d’autre part, le
juge d’appel n’est jamais tenu de l’accorder. Le Conseil délivre donc un brevet de
constitutionnalité à une mesure qui ne garantit pas, dans toutes les hypothèses, le
report de l’exécution d’une décision faisant grief, prononcée par une autorité non
juridictionnelle.
priver les justiciables d'une des garanties essentielles à leur défense636 ». Mais la censure
sanction, pouvant nuire gravement aux intérêts de ses destinataires, paraît bien
fragile au regard des conditions à réunir afin d’en bénéficier. La position du Conseil
constitutionnel est encore moins satisfaisante, quand la décision dont il est interjeté
635 Décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 portant r.a.p. pour l'application de l'ordonnance 451708 du 31
juillet-1945 et relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État, JO, 1 er août 1963,
p. 7107. Les deux conditions posées par le décret sont que l’exécution de la décision doit entraîner
des conséquences difficilement réparables et que les moyens avancés doivent être sérieux et de
nature à justifier l’annulation de la décision attaquée.
636 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 19.
637 Idem, Cons. 22.
638 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
639 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22.
L’existence du procès 157
juridictionnelles
236. Dans le cadre de décisions rendues par des autorités juridictionnelles, non
seulement l’effet suspensif de l’appel n’est exigé que dans des situations
même parfois être écarté dans certaines hypothèses, fort contestables. Ainsi, en 2010,
est admise par le Conseil constitutionnel, car elle participe de l'objectif de valeur
237. L’ancien état du droit de visite et de saisie avait justement fait l’objet d’une
640 Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, Époux P. et autres [Perquisitions fiscales], JO, 31 juillet
2010, p. 14202.
641 C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France préc.
642 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, JO, 5 août 2008, p. 12471, article
164.
158 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
238. En raison de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale qu’elle poursuit 643, la
effectuer des visites et des saisies de documents, afin d’établir la preuve de la fraude
son objet644 comme dans ses modalités d’application, les ordonnances prises pour
paraphées par le juge judiciaire n’étant pas rares645, le Conseil constitutionnel n’aurait
pas dû valider le défaut d’effet suspensif d’un tel dispositif. Au moins aurait-il pu
239. À deux autres reprises, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la nécessité
d’assortir une décision aux conséquences graves, voire définitives, d’un report de son
exécution, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel. En 1997, il admet ainsi que le
643 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000, JO, 31 décembre 1999,
p. 19991, Cons. 52 ; Décision n° 2001-457 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances rectificative pour
2001, JO, 29 décembre 2001, p. 21172, Cons. 6 ; Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi
de finances pour 2004, JO, 31 décembre 2003, p. 22636, Cons. 10 ; Décision n° 2009-597 DC du 21
janvier 2010, Loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale
des personnes établies depuis moins de cinq ans, JO, 26 janvier 2010, p. 1620, Cons. 2 ; Décision n° 2009-
598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des
collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, JO, 26 janvier 2010, p. 1619, Cons. 2 ; Décision n° 2010-
16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. [Organismes de gestion agréés], JO, 24 juillet 2010, p. 13728,
Cons. 6.
644 Le professeur Christophe de LA MARDIÈRE fait observer, qu’alors que le droit de visite a été
conçu pour lutter contre le banditisme fiscal, les carences du contrôle exercé par le juge judiciaire
ont entraîné une banalisation de la procédure, « Perquisitions fiscales : l'impuissance du droit »,
Constitutions, 2011, n°4, p. 595.
645 Idem, p. 597.
646 Cass. Crim., 22 mars 2001, Sté Trigone Conseil Littoral, pourvoi n° 99-30197, R.J.F., 2001, p. 1252.
L’existence du procès 159
menace grave pour l'ordre public. Ce n’est qu’au regard des conséquences sérieuses,
public sur l’atteinte à la liberté individuelle. Il n’y a, dès lors, pas lieu de trouver
incohérente650, une démonstration juridique qui pose un principe 651, avant de décrire
dans le détail les circonstances de fait et de droit, réunies en l’espèce, qui peuvent
public, est sans doute celle qui est la plus protectrice de l’effet suspensif de l’appel.
240. En 2011, le Conseil constitutionnel censura l'article 389 du code des douanes,
décision semble conforme aux effets attendus de l’effet suspensif de l’appel, mais les
conditions posées dans les motifs tempèrent l’appréciation que l’on peut porter sur
cette jurisprudence. En effet, après avoir affirmé que le caractère non suspensif d'un
647 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, JO,
25 avril 1997, p. 6271.
648 Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 préc.
649 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc.
650 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », op. cit., p. 11 et 12.
651 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 60.
652 Idem, Cons. 63.
653 Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011 préc.
654 Idem, Cons. 10.
160 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
considérablement la portée de l’effet suspensif de l’appel, qui n’est imposé qu’en cas
d’effets irréversibles d’une mesure et, même dans cette hypothèse, qui ne semble pas
sommet de la hiérarchie des normes, n’est pas indifférent aux aménagements dont il
fait l’objet. Néanmoins, la protection qu’il lui apporte ne présente pas toutes les
pas un réexamen exhaustif du litige et seule l’institution des cours d’appel a pu être
justice peut légitimement être rangé parmi les droits de la défense 658, en tant que gage
CONCLUSION DU TITRE 1
même s’il peut faire l'objet d'atteintes, pourvu qu'elles ne soient pas substantielles 661.
empêchant ainsi le justiciable d’y faire valoir ses droits. L’action jurisprudentielle du
Conseil est d’autant plus à saluer, qu’à la différence d'autres pays européens ayant
inscrit le droit au juge directement dans leur norme fondamentale662, il n'existe pas en
juridiction663, même s’il lui accorde une protection indirecte, par l’intermédiaire du
juridiction, ni les deux principaux effets qui y sont attachés ne sont efficacement
l'impartialité du tribunal, qui sont autant de gages de bonne justice pour les
justiciables.
L’existence du procès 163
245. Le juge, parce qu’il est en charge de la conduite du procès, dans des conditions
deux garanties essentielles du procès équitable, aux exigences très proches, mais qui
246. L'indépendance est une qualité structurelle du juge, qui se manifeste dans ses
relations avec les deux autres pouvoirs publics constitutionnels et dont l’objectif
fonctionnement internes des juridictions. Elle n’est cependant pas dénuée de tout lien
le produit d’une construction historique vieille de plusieurs siècles, qui conduit à une
pas les mêmes difficultés et n’est pas réglée de manière uniforme, selon l’ordre de
juridictions concerné.
249. Le constat est celui d’un paradoxe, dans la mesure où l’ordre juridictionnel le
plus ancien, l’ordre judiciaire, par ailleurs le seul dont le statut est explicitement
protégé par le texte même de la Constitution, est pourtant celui dont l’indépendance
sensible, sur le plan politique, de certaines fonctions qui y sont exercées, au premier
664 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1984 ;
« L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des pouvoirs en
France », op. cit., p. 172.
665 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.
666 GUINCHARD S., « Procès équitable », Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1,
Section 3, Art. 1, § 192.
667 CANIVET G., « La conception française de l'indépendance de la justice », Intervention le 25 mars
2011 à la faculté de droit de l’Université d’Oslo sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, adresse internet :
http://www.jus.uio.no/ifp/om/aktuelt/arrangementer/2011/Texte%20conf%C3%A9rence%20Oslo-1.pdf,
consulté le 23 février 2013.
166 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
rang desquelles, celles prises en charge par le ministère public668, n’est probablement
pas étranger aux pressions qui pèsent sur la magistrature judiciaire 669. La juridiction
administrative ne souffre pas exactement des mêmes difficultés, alors que les actes
que peu souvent contestées, à l’exception de certaines affaires restées célèbres, tel que
l’arrêt Canal670, qui fera dire au général de GAULLE : « N’est-il pas scandaleux de voir
ce corps, fait pour aider l’État, se signaler sous une forme pareille au sujet de la cause d’un
250. L’action du Conseil constitutionnel s’est donc orientée dans deux directions, de
différents textes, souvent organiques, soumis à son contrôle (Section 1). D’autre part,
668 RASSAT M.-L., Le ministère public entre son passé et son avenir, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
sciences criminelles, Paris, 1967.
669 Cf en ce sens, BREDIN J.-D., « Qu'est-ce que l'indépendance du juge ? », Justices, 1996, p. 161.
670 C.E., Ass., 19 octobre 1962, Sieurs Canal, Robin et Godot, n° 58502, Rec. p. 552, G.A.J.A., 17 èd., 2009,
n° 81, p. 538.
L’existence du procès 167
du siège et ceux du parquet671 ». Sa position est conforme à l’article 1er, paragraphe II, de
vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet ». Face
membres, d’un corpus minimal de garanties statutaires (§ 1.). Mais unité ne signifiant
pas exactement alignées sur celles du siège (§ 2.), même si les différences statutaires
253. Comme leurs homologues du siège, les procureurs font partie intégrante du
GUYOMAR, dans ses conclusions sous l’arrêt Mme Nadège A.673, il en résulte « que des
671 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du
Code de procédure pénale, JO, 15 août 1993, p. 11599, Cons. 5.
672 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature, JO, 23 décembre 1958, p. 11551.
673 C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadège A, n° 311938.
168 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
garanties particulières s’attachent à la qualité de magistrat, sans incidence sur ce point qu’il
judiciaire, agissant soit directement sur le statut des magistrats (B), soit par
« accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire675 » :
255. Le statut des magistrats de l’ordre judiciaire est le seul de la fonction publique
française à être déterminé par la voie organique, même si une certaine ambiguïté
674 GUYOMAR M., concl. sous C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadège A., Gaz. Pal., 21 octobre 2010, n° 294,
p. 16.
675 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 relative au statut de la magistrature, JO, 1er février 1994, p. 1773, Cons. 3.
L’existence du procès 169
alinéa de l’article 64 dispose qu’« une loi organique porte statut des magistrats », alors
que de manière concomitante, l’article 34 précise, quant à lui, que « la loi fixe les règles
concernant [...] le statut des magistrats ». Le Conseil constitutionnel n’y voit aucune
de la Constitution, il semblerait que les magistrats visés par l’article 34 soient ceux de
la Cour des comptes, ce qui atténue quelque peu la confusion des deux domaines
676 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc., Cons 3 et Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 3 : « Considérant qu'en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le
caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la
compétence du législateur, le constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux
magistrats de l'ordre judiciaire ; ... ».
677 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, R.F.D.C., 1992, p. 320-321.
170 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
particulière680 et parce qu’elles font nécessairement l’objet d’un contrôle exercé par le
article, toutes les dispositions de la loi organique qui lui est transmise, sans le
ordinaires. Le contrôle de conformité des lois organiques est ainsi d’une amplitude
totale, toutes les mesures envisagées par le législateur étant confrontées à l’ensemble
Ainsi, alors que le rapprochement des dispositions de l’article 64, avec celles des
678 CAR J.-C., Les lois organiques de l'article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958, Economica/P.U.A.M.,
Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1999.
679 ROBLOT-TROIZIER A., Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la Constitution française :
recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris,
2007.
680 Article 46, alinéas 2 et 3.
681 La Constitution l’exige doublement : en premier lieu, au titre de l’article 46, alinéa 5, qui empêche
toute promulgation de la loi organique sans brevet de constitutionnalité et en second lieu, en vertu
de l’article 61, alinéa 1er, qui délimite la compétence du Conseil constitutionnel. Elles sont, en vertu
de l’article 17 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel, JO, 9 novembre 1958, p. 10129, obligatoirement transmises au juge constitutionnel
par le premier Ministre, cette transmission étant « exclusive de toute autre procédure », faisant « ainsi
obstacle à ce que le Conseil constitutionnel puisse être saisi d'une loi organique sur le fondement du
deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution », Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi
organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut
de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3122, Cons. 2.
L’existence du procès 171
"l'autorité judiciaire", conduit le Conseil constitutionnel, comme avant lui son voisin
du Palais Royal682, à conclure que « l'alinéa 3 de l'article 64, aux termes duquel "une loi
organique porte statut des magistrats", vise seulement les magistrats de carrière de l'ordre
judiciaire683 », il n’en tire pas pour autant tous les enseignements. En effet, fort de ce
constat, le juge constitutionnel aurait dû, en toute logique, déclasser les dispositions
relative au statut de la magistrature. Il n’en fit rien, ce qui traduit, de toute évidence,
son désir d’assurer aux magistrats supplétifs, une indépendance identique à celle de
loi ordinaire.
260. Il en est ainsi, par exemple, quand le législateur organique fixe les règles d'accès
proximité qui doit certes, fixer elle-même les règles statutaires applicables, contient
682 C.E., Ass., 2 février 1962, Sieur Beausse, Rec. p. 82-83 ; A.J.D.A., 1962, p. 147, chron. GALABERT J.-
M. et GENTOT M.
683 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc., Cons. 7.
684 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats »,
R.D.P., 2001, p. 831.
685 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 38.
172 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
261. Si les débordements de la loi organique, sur le domaine réservé par l’article 34
motif d’inconstitutionnalité, la réciproque n’est pas vraie. Une loi ordinaire, qui
ministres et qui ne figurent pas dans la liste énoncée à l’alinéa précédent, doivent être
Constitution689.
686 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité, JO, 27
février 2003, p. 3480, Cons. 8.
687 Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, JO, 19
septembre 1986, p. 11294, Cons. 87.
688 Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges
consulaires], JO, 5 mai 2012, p. 8016, Cons. 20.
689 Décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite
outre-mer], Cons. 7.
L’existence du procès 173
elle ajoute, de manière ostensible, au texte constitutionnel. Mais même dans cette
Constitution.
263. Tel est le cas, par exemple, quand la loi organique impose que l’avis prononcé
simple, selon la catégorie de juges concernée690. Même si, comme le fait justement
juillet 1976692, qui avait échappé à la sagacité du Conseil693, cette précision, introduite
fondamentale.
magistrature, permettant une modulation dans le temps de ces derniers, traduit, une
265. Le Conseil constitutionnel l’a précisé à plusieurs reprises, la loi organique visée
par le troisième alinéa de l’article 64 doit « déterminer elle-même les règles statutaires
réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées 695 ».
lieu, le concours du pouvoir exécutif ne peut être spontané, il ne peut intervenir qu’à
266. En second lieu et c’est sans doute ici le point essentiel, de la nature et de
constitutionnel de tracer la ligne de partage entre, d’un côté, la règle de principe, qui
découlera son pouvoir de contrôle substantiel sur la norme organique. Il n’est donc
267. Il en est ainsi, par exemple, de la détermination des conditions dans lesquelles
s’exerce que sur des points d’exécution, mais, de plus, elle est directement corrélée
aux directives générales posées par la loi organique, ne lui laissant qu’une faible
marge d’action.
franchi, quand le législateur organique laisse au décret « le soin de définir les activités
privées, qui, en raison de leur nature, ne peuvent être exercées par un magistrat [...] en
l'État701, qui confiait à un décret en Conseil d'État, la liberté de déterminer les activités
disponibilité. Même si cette loi n’avait pas été déférée au Conseil constitutionnel, on
pas exactement dans une situation statutaire comparable à celle des autres
fonctionnaires de l’État, ce qui peut se concevoir pour ces derniers, est plus
269. Cependant, le législateur peut renvoyer au décret, le soin de fixer les mesures
à la retraite, qui souhaitant exercer une activité privée, doit en informer, au préalable,
de ces deux illustrations, portant sur des questions voisines, permet de situer assez
celui-ci fixe les règles statutaires applicables aux magistrats judiciaires. Pour ne pas
juridiction, il ne doit déléguer que des points techniques d’application des principes,
dont il a lui-même tracé les grandes lignes, desquelles le règlement ne peut s’écarter.
701 Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'État, JO, 12 janvier 1984, p. 271.
702 Cf infra n° 322 et s.
703 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc., Cons. 9 et 10.
L’existence du procès 177
d’interposition entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, dont il est, sans doute,
l’accroissement de ses compétences (b), tout en regrettant que les deux principales
réformes constitutionnelles de 1993706 et 2008707 n’aient pas tiré toutes les leçons des
expériences passées.
de la magistrature
politique, dans laquelle la séparation des pouvoirs ne serait pas déterminée, n’aurait point de
d’un pouvoir public dans l’exercice d’un autre. Mais cette interprétation fait fi de la
704 GICQUEL J., « Le Conseil supérieur de la magistrature : une création continue de la République »,
Droit et politique à la croisée des cultures : mélanges Philippe Ardant, L.G.D.J., Paris, 1999, p. 289.
705 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 354 et s.
706 Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre
1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVIII, JO, 28 juillet 1993, p. 10600.
707 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.
708 Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
178 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
conception dualiste de la séparation des pouvoirs, qui est celle des révolutionnaires
de 1789, comme celle des constituants de 1958709. Et elle s’explique aisément, quand
on la replace dans le contexte politique dans lequel elle a été pensée, puis rédigée et
l’État.
272. Cette rédaction de l’article 64 ne s’est, cependant, imposée que très tardivement
le Conseil interministériel du 1er septembre 1958, pour qu’elle soit préférée aux
magistrature semblait une noble tâche, auréolée d’un parfum libéral, qui faisait alors
être ce protecteur de l’autorité judiciaire, tout au moins jusqu’en 1962 714. Il était alors
représenté, à titre principal, par le Chef de l’État et dans une moindre mesure, par le
garde des Sceaux, est une des deux manifestations principales du renforcement
tributaire de l’exécutif. C’est donc bien, principalement, par la rupture partielle des
s’est affirmée. Il est donc, sur ce point, difficile de partager le point de vue du
séparés et fortement équilibrés et, qu'au-dessus des contingences politiques, soit établi un arbitrage national
qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons ».
714 Le mode de désignation du Président de la République au suffrage universel direct, ajouté à la
réforme du quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral (Loi constitutionnelle n° 2000-964
du 2 octobre 2000 relative à la durée du mandat du Président de la République, JO, 3 octobre 2000,
p. 15582) rendant peu probable une discordance des majorités, parlementaire et présidentielle, lui
ont ôté sa hauteur et sa neutralité institutionnelles, le transformant d’arbitre, en chef de la majorité.
715 Loi du 30 août 1883 sur la réforme de l'organisation judiciaire, JO, 31 août 1883, p. 4569.
716 RENOUX T., « Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire »,
Justices, n° 3, 1996, p. 111. Il faut tout de même signaler que le professeur Thierry RENOUX limite
ce renforcement aux seuls magistrats du siège.
180 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
276. Cette réforme répondait aux critiques qui déjà, en 1998, s’étaient exprimées
contre le projet qui maintenait ce lien avec l’exécutif, plaçant la France dans un
révision, qui entérinait la proposition 69 du Comité BALLADUR 720, n’avait fait alors
l’objet d’aucun débat parlementaire animé, elle était même déjà partiellement
présente dans les conclusions du Comité VEDEL de 1993721, qui avait proposé de
717 Elle découle d’un amendement de Paul COSTE-FLORET, qui confie la vice-présidence au ministre
de la Justice, alors que Michel DEBRÉ souhaitait plutôt voir le garde des Sceaux présider
l’institution. Pour lui, il y aurait été à sa place, alors qu’à l’inverse, c’était une forme d’abaissement
de la fonction présidentielle, que de faire participer ainsi le Chef de l’État aux affaires de la justice,
Source : Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, La
Documentation française, vol. 1, 1987, p. 158.
718 Celle-ci confiera la présidence de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, au
premier président de la Cour de cassation et celle compétente à l'égard des magistrats du parquet,
au procureur général près la Cour de cassation.
719 Article 104 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 : « La magistrature
constitue un ordre autonome et indépendant de tout autre pouvoir. Le Conseil supérieur de la magistrature
est présidé par le président de la République [...] ».
720 Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales au Président de la République en date du 5 mars
2009, JO, 6 mars 2009, p. 4161.
721 Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993, JO, 16 février 1993, p. 2537.
L’existence du procès 181
277. Cette réforme, à la tête du C.S.M., n’est pas uniquement « décorative ». En effet,
du Chef de l’État, celle-ci était « loin d’être purement formelle722 », ainsi qu’en
sur l’ordre du jour de l’assemblée plénière724, mais aussi exercer une influence réelle
sur les nominations qui lui étaient proposées. Il est donc assez manifeste que cette
de M. Arnaud MARTIN, qui minimisent quelque peu l’influence que cette position
278. Cette révision reste malgré tout très largement inaboutie, confinant même au
(et n’est même plus membre de droit) l’institution, qui, sans être encore l’organe
présidentiel réalisé à l'article 65, ont tous été repoussés pendant les débats
bergerie727 », n’est donc pas encore tout à fait levée. Sans compter que le lien avec
l’exécutif, distendu en apparence, n’a pas totalement disparu, puisqu’il demeure par
le truchement du ministre de la Justice, qui n’est, certes, plus vice-président, mais qui
peut tout de même assister aux séances des formations du Conseil supérieur de la
direct des évolutions qui touchent le C.S.M. depuis 1993, moment où le Président de
désignation, majoritairement électif prévu par la Constitution de 1946 729, n’avait pas
produit les résultats escomptés, c’est à dire la recherche du juste équilibre entre les
C.S.M. sous l’autorité pleine et entière du Chef de l’État. Il en nommait la totalité des
727 CARSASSONNE G., La Constitution introduite et commentée, Seuil, Coll. Points, 9e éd., Paris, 2009,
p. 312.
728 Article 65 de la Constitution, alinéa 9.
729 Article 83 de la Constitution du 27 octobre 1946. En faisant abstraction des deux membres de droit
que sont le Président de la République et le ministre de la Justice, sur les douze autres membres
restant, dix sont désignés par l’élection : six personnalités élues par l’Assemblée nationale et quatre
magistrats élus par leurs pairs.
730 Le Président de la République les choisissait dans une liste comprenant le triple de candidats que
le nombre de postes à pourvoir. Ainsi, pour six magistrats, le bureau de la Cour de cassation
proposait au Chef de l’État dix-huit noms possibles et pour un conseiller d’État, l’assemblée
générale du Conseil d’État fournissait une liste de trois noms. Les deux dernières personnalités
étaient laissées au libre choix du Président de la République.
L’existence du procès 183
1958, même si elle trouve certainement son fondement dans le premier alinéa de
HAENEL731, il semblerait que la crainte principale eut été que le Chef de l’État choisît
nouvelle de l’article 13, qui permet de faire obstacle aux choix présidentiels, quand
suffrages exprimés au sein des deux commissions. Ce droit de véto parlementaire est
une initiative qui mérite l’approbation, comme le signale fort justement le professeur
Jean GICQUEL732, tant elle ne peut apporter qu’une plus grande transparence, dans
282. Il est tout de même regrettable que les deux grandes réformes constitutionnelles
enseigne que parmi les organes européens analogues, seul le Portugal permet au chef
magistrature733. Mais aussi, depuis qu’il ne le préside plus, cette prérogative permet
mais ce n’est plus le cas, puisque cette hypothèse est devenue tout à fait incertaine
supérieur de la magistrature
fonction de nomination est celle qui a connu la valorisation la plus satisfaisante, alors
que, dans le même temps, la fonction disciplinaire n’a été que faiblement étendue et
constitutionnelle continue depuis sa création, avec des degrés variables, pour les
285. En ce qui concerne les juges du siège, les nominations s’opèrent selon deux
est tenue d’opérer un choix entre les candidatures (afin de respecter le principe de
magistrats du siège, le C.S.M. dispose, depuis 1993, d’un pouvoir d’avis conforme,
sur les propositions effectuées par le garde des Sceaux. Dans un cas comme dans
286. À deux reprises, le Conseil constitutionnel est intervenu de manière active, sur
des magistrats. En 1992, la loi organique735 avait déjà tenté d’imposer l’avis conforme
du Conseil supérieur de la magistrature, sur les nominations des juges du siège, pour
734 Pour les emplois les plus élevés, les conseillers à la Cour de cassation, dont le premier président et
les présidents de chambre, premier président de cour d’appel et depuis la réforme de 1993, les
présidents de tribunal de grande instance, les nominations sont effectuées par le Président de la
République, en vertu de l’article 13, alinéa 2 de la Constitution.
735 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3086.
736 Cf supra n° 263.
186 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
incluse dans l’article 10 de la loi contrôlée, fut censurée par le juge constitutionnel 737.
287. Sur la forme, indépendamment des incidences engendrées sur les prérogatives
dont elle est supposée, fidèlement, faire application, est flagrante. Sur le fond, il est
un peu audacieux, comme le fait Thierry RENOUX, d’y voir le désir de « restaurer la
normatif à emprunter, pour réaliser la réforme désirée. D’ailleurs, ce fut chose faite
l’année suivante, par le biais d’une révision constitutionnelle 740, conformément aux
constitutionnelle.
déclaration d'aptitude des auditeurs de justice, émise par le jury à la sortie de l’Ecole
futur magistrat serait le mieux à même d’exercer. N’y voyant aucune difficulté sur le
judiciaire.
289. En premier lieu, le jury doit prendre en compte des critères objectifs, découlant
émettra son avis sur la nomination de l’auditeur de justice 742. Comme le souligne le
l'autorité judiciaire.
290. Pour ce qui est des magistrats du parquet, les pouvoirs de nomination connurent
laquelle fut instituée une formation compétente à leur égard. On peut toutefois
déplorer que le constituant soit resté au milieu du gué et n’ait pas aligné les
291. En effet, depuis la révision de 1993, la formation idoine du Conseil émet un avis
sur les propositions du garde des Sceaux, pour les nominations des magistrats du
parquet744, à l’exception toutefois des emplois, auxquels il est pourvu en Conseil des
étendant la procédure de l’avis simple, à l’ensemble des emplois, c’est à dire à ceux
simplement consultative de cet avis, qui, juridiquement, n’empêche pas le garde des
par avance, à respecter l’avis formulé par la formation compétente. Par suite, l’avis
eut été souhaitable, que cette pratique du respect systématique des avis rendus par le
afin de mettre le droit en conformité avec le fait. C’est d’ailleurs ce que proposait la
Commission de réflexion sur la justice, présidée par Pierre TRUCHE748, qui souhaitait
744 Auparavant, depuis la loi organique du 25 février 1992, cette compétence était exercée par la
commission consultative du parquet.
745 Emplois de procureur général près la Cour de cassation et de procureur général près la cour
d’appel.
746 Article 65, alinéa 5 : « La formation compétente à l’égard des Magistrats du Parquet donne son avis sur les
nominations qui concernent les Magistrats du Parquet ».
747 Antérieurement, le Conseil supérieur de la magistrature était mis devant le fait accompli par la
décision du Conseil des ministres.
748 TRUCHE P., Rapport au Président de la République de la commission de réflexion sur la justice, La
Documentation française, Coll. des rapports officiels, Paris, 1997.
L’existence du procès 189
que le constituant n’ait pas suivi ces préconisations, car l’harmonisation complète des
pouvoirs respectifs des deux formations irait dans le sens d’une plus grande unité et
293. Les pouvoirs disciplinaires du C.S.M. n’ont été que peu renforcés et ce, malgré la
réforme constitutionnelle de 2008, qui a ouvert pour la première fois la saisine aux
justiciables.
siège.
garde des Sceaux, qui dispose seul du pouvoir de sanctions, lesquelles sont
749 C’est la réforme de juillet 1993, qui a transféré à la formation compétente nouvellement instituée,
cette prérogative détenue auparavant par la commission de discipline du parquet.
190 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
conforme.
situation des magistrats du parquet sur celle de leurs homologues du siège, tel que le
d’harmoniser, devant le Conseil d’État, les modalités de recours introduits contre les
décisions disciplinaires.
parquet, n’aurait pas porté préjudice à la relation hiérarchique existant entre le garde
des Sceaux et ces derniers. Le droit comparé nous apprend ici encore, qu’en Italie, le
magistrats, dont les sanctions sont prises à l’issue d’une procédure à caractère
l’autorité judiciaire.
au ministre de la Justice et, depuis 2001, aux premiers présidents de cours d'appel et
aux procureurs généraux. C’est une initiative à saluer, à la fois dans son principe,
mais aussi, au regard de ses modalités d’application, prévues par la loi organique,
ses fonctions [...], susceptible de recevoir une qualification disciplinaire756 », est de nature à
de saisine ont bien souvent des réticences à introduire une procédure disciplinaire
hiérarchie. De ce point de vue, ainsi qu’en termes d’image, point non négligeable au
des plaintes des justiciables, mais qui ne pourront siéger ultérieurement dans la
dernier760.
301. Toutes ces dispositions ont reçu l’aval du Conseil constitutionnel, qui n’a
satisfaisante dans son dispositif, car le seul fait qu’un magistrat soit mis en cause, par
une partie, dans un contentieux sur lequel il lui reste à se prononcer, semble
758 JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, Presses de
l'Université Toulouse 1 capitole, Coll. Mutation des normes juridiques, Toulouse, 2010.
759 Article 14 de la loi organique n° 2010-830 préc.
760 Conseil supérieur de la magistrature, Rapport annuel 2004-2005, p. 197.
761 Cette hypothèse visait les procédures qui, s’étendant dans le temps, repoussent assez loin le
moment où le justiciable lésé par le comportement défaillant d’un magistrat, pourra saisir le
Conseil supérieur de la magistrature.
L’existence du procès 193
cause d’accéder à son dossier765, celle-ci serait passée entre les « fourches caudines »
n’est pourtant pas rare de la part du juge constitutionnel, qui apprécie souvent
pondération directe des intérêts en conflit, que celui-ci a opérée. En somme, quand
censure766.
garde des Sceaux, il se prononça ainsi sur des problématiques d’ordre général, telles
plus segmentées, comme sur la notion d’intérêt du service. Dans son premier rapport
devoir de donner son avis sur toute question touchant à l’indépendance et aux conditions de
son exercice768 ».
304. Comme c’est souvent le cas en droit constitutionnel, ces pratiques praeter legem
65, tel qu’issu de la réforme du 23 juillet, officialise ainsi ces réunions plénières 769. En
huitième alinéa de l’article 65771, pouvait, en effet, laisser penser que la saisine
obligatoire du garde des Sceaux ne portait que sur les questions intéressant le
prononcer proprio motu sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. Le
Constitution, cette prérogative ajoutée à l’article 17 de la loi organique qui lui a été
transmise774.
306. La décision du juge constitutionnel n’est pas à blâmer. La loi organique doit faire
application des dispositions constitutionnelles, c’est à dire les préciser, mais sans les
plus qu’à espérer une réforme constitutionnelle ambitieuse sur le sujet, telle que la
préconisait le Comité consultatif, présidé par le doyen VEDEL775, c’est à dire confier
attirant, de manière préventive, son attention sur les risques potentiels d’atteinte à
Constitution.
magistrature, via la loi organique portant statut des magistrats et via le Conseil
se dessine le profil du magistrat indépendant. Les qualités, dont il doit être revêtu, se
déploient dans deux directions. D’une part, il doit être juridiquement compétent, ce
relative au statut des magistrats779, permettait la nomination directe aux fonctions des
pendant huit ans au moins des fonctions juridiques, auprès des administrations
constitutionnelles, tant sur le plan quantitatif (a), qu’en termes qualitatifs (b), qui
publics essaient de trouver des solutions satisfaisantes, mais n’en est pas moins
777 BONINCHI M., FILLON C. et LECOMPTE A., Devenir juge : modes de recrutement et crise des
vocations de 1830 à nos jours, P.U.F., Coll. Droit et justice, Paris, 2008.
778 Loi organique du n° 71-603 du 20 juillet 1971 complétant l'article 21 de la loi organique n° 70-642
du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 21 juillet 1971, p. 7187.
779 Loi organique n° 70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 19 juillet 1970,
p. 6747. Le statut des magistrats non professionnels était initialement institué par les articles 14 à
18 de cette loi.
780 Décision n° 71-45 DC du 16 juillet 1971, Loi organique complétant l'article 21 de la loi organique du 17
juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
781 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, Loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats
de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d’appel en service
extraordinaire, JO, 26 février 1998, p. 2976, Cons. 8 : « Considérant qu'aucune règle ni aucun principe de
valeur constitutionnelle ne s'oppose à un mode de recrutement exceptionnel et transitoire de magistrats,
motivé par la pénurie de personnel observée dans certaines juridictions ; [...] ».
198 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
n’est, de toute évidence, pas question qu’une éventuelle indépendance altérée des
juridiction n’est donc pas hostile, en soi, à l'exercice temporaire des charges
professionnels et, quand elles le sont par des magistrats supplétifs, des garanties
311. Deux éléments essentiels d’appréciation peuvent être mis en évidence, dans cette
mesurée des fonctions judiciaires peut être prise en charge par des magistrats non
part des fonctions judiciaires, réservée aux magistrats supplétifs, est restée dans des
312. Il en sera ainsi pour les conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en
service extraordinaire, institués pour cinq ans, par la loi organique du 25 février
782 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 64 ; Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995
préc., Cons. 8 et 29 ; Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, préc., Cons. 17.
783 « [...] la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement
réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des personnes qui n'entendent pas pour
autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que dans cette hypothèse, des garanties appropriées
permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions
judiciaires ».
L’existence du procès 199
1992784 et pour les conseillers de cour d’appel en service extraordinaire, mis en place
par la loi organique du 19 janvier 1995785, limités à trente et pour une durée de cinq
ans, portée à dix ans par la loi organique du 24 février 1998786, qui augmente aussi
cause « le caractère exceptionnel de l'exercice des fonctions judiciaires par des personnes
nombre de postes ouverts ayant prévalu, en l’espèce788. Une légère évolution est
magistrats permanents, au sein d'une même juridiction, mais selon la part des
proximité789.
313. En second lieu, si, par exception, des magistrats supplétifs peuvent être conduits
accorder les mêmes droits et obligations que les magistrats professionnels, « sous la
seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs
statutaire, y compris à l’égard de ceux qui ne souhaitent pas y faire carrière. Le plus
simple eut été alors d’inclure ces magistrats temporaires au sein de l’autorité
314. Le Conseil constitutionnel a adopté, sur cette délicate question, une position
Constitution dans son ensemble et, plus précisément, le troisième alinéa de l'article
64, « vise seulement les magistrats de carrière de l'ordre judiciaire791 », ce qui, en toute
logique, s’il avait poussé le raisonnement à son terme, aurait dû l’amener à exclure
les magistrats supplétifs du statut organique de 1958. Or, tel n’est pas le cas, ce qui
conduit à une situation pour le moins ubuesque. Les magistrats temporaires voient
1958 relative au statut de la magistrature, visée par l’article 64, alinéa 3. Mais, pour
autant, cette inscription n’entraîne pas leur intégration dans le corps judiciaire, lequel
est pourtant régi par le statut des magistrats, pris en application de l'article 64 de la
Constitution. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel l’a décidé, à propos des juges
de proximité792. Le moins que l’on puisse dire est que la logique juridique a des
transposition, puisque se seront écoulés presque dix ans795 (et même quinze796, en ce
316. Dès 1998, le juge constitutionnel établira, explicitement, cette relation directe
entre la qualité du juge et son indépendance 797. La première est une condition
quand il avance que « la capacité ainsi acquise par le magistrat grâce à sa réussite à un
seront examinés au prisme de cette grille de lecture. Pour se conformer aux exigences
les talents des candidats et parmi ces derniers, uniquement ceux en lien avec les
fonctions de magistrats799.
voire à prononcer une décision d’annulation. Ainsi, quand les qualités juridiques,
concours de nature à permettre de vérifier, à cet effet, les connaissances juridiques des
fonctions de juge de proximité, peuvent figurer des personnes ayant, certes, exercé
attendu de la part des magistrats judiciaires. Il est difficile d’en dire autant du champ
799 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 3 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 4.
800 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 9 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 42.
801 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 14.
802 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 11 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 44.
L’existence du procès 203
de la loi, de vérifier, outre les qualités juridiques des candidats, leur aptitude à
rendre la justice803 ?
devrait s’agir là d’une exigence minimale, applicable à tous mais qui le serait de
dans l’architecture juridictionnelle et étant donné que les candidats n’ont jamais
D’ailleurs, le Conseil n’a pas hésité à en faire application pour les juges de
proximité805, il n’y a donc aucune raison qu’il en soit autrement pour les autres
magistrats temporaires, quelle que soit leur place dans la hiérarchie judiciaire. En
outre, comme le signale, fort à propos, le professeur Thierry RENOUX806, il est même
second degré de juridiction, alors même que certains jugements sont rendus en
803 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 10 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 43.
804 Ibidem.
805 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 12 : « Considérant, toutefois, que, si les
connaissances juridiques constituent une condition nécessaire à l'exercice de fonctions judiciaires, ni les
diplômes juridiques obtenus par les candidats désignés ci-dessus, ni leur exercice professionnel antérieur ne
suffisent à présumer, dans tous les cas, qu'ils détiennent ou sont aptes à acquérir les qualités indispensables
au règlement des contentieux relevant des juridictions de proximité ; qu'il appartiendra en conséquence à la
formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, avant de rendre son avis, de s'assurer que les
candidats dont la nomination est envisagée sont aptes à exercer les fonctions de juge de proximité ».
806 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, R.F.D.C., 2001, p. 731.
204 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
interdire tout cumul de fonctions judiciaires, avec l’exercice parallèle d’une activité
1958809 pose, dans son premier alinéa, le principe de l’incompatibilité de l'exercice des
dérogations individuelles possibles, qui peuvent être accordées par les chefs de Cour.
Il s’agit toutefois que l’exercice de ces deux activités simultanées ne porte pas
titre temporaire, prennent le soin de déterminer les conditions et les limites dans
807 L’article 23 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au
Conseil supérieur de la magistrature, JO, 26 juin 2001, p. 10119, offre aux pouvoirs publics une
délégation permanente pour pallier ponctuellement les pénuries de personnels au sein de
l’autorité judiciaire, alors qu’auparavant, une loi organique spéciale était nécessaire à la création
d’un concours particulier.
808 A l’exception de la création des ordres de juridiction, qui, en vertu de l’article 34 de la
Constitution, nécessite une loi, ce qui est aussi le cas, en vertu de la jurisprudence
constitutionnelle, pour les modalités de recrutement des magistrats qui en découlent. Cf Décision
n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 15 : « les juridictions de proximité ne pourront être mises
en place qu'une fois promulguée une loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres ».
A noter toutefois que le juge constitutionnel n’exige pas que la loi ait la qualité de loi organique.
809 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 préc.
810 Idem, alinéa 2.
L’existence du procès 205
judiciaire.
évolution, dans le sens d’un resserrement des exigences. C’est, en tous cas, ce qui
324. Ainsi, en 1995813, l’article 41-14 de la loi examinée814 ménage la possibilité, pour
325. La première est circonscrite aux membres des professions libérales juridiques et
peuvent les exercer, dans le ressort du tribunal de grande instance, dans lequel ils ont
continue d’exercer une activité libérale, ne peut également effectuer un acte inhérent
appartient816.
326. Il est plutôt surprenant que cette seconde condition, complément nécessaire de
celle du juge constitutionnel, qui aurait dû compléter la loi par le biais d’une réserve
adjonctive. C’est d’ailleurs ce qu’il fera en 2003, ce qui démontre que, dans
constitutionnel, dans une réserve interprétative, précise que ces dispositions doivent
être comprises, comme visant, non seulement l'exercice à titre individuel d'une
profession libérale, mais aussi une activité professionnelle, accomplie au sein d'une
vertu d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, pour les
815 Cette précision est le fait d’un amendement sénatorial. Il est facilement constatable que, des deux
assemblées parlementaires, la chambre haute est celle qui contribue le plus à l’indépendance de la
magistrature.
816 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons 20.
817 Ibidem.
818 Décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur, JO, 21 janvier 1984,
p. 365.
819 Décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique,
culturel et professionnel, JO, 30 juillet 1993, p. 10750.
L’existence du procès 207
sans pour autant que le Conseil maintienne ici, la distinction des fondements de leur
328. Entre les deux décisions de 1995 et 2003, une autre incompatibilité a été ajoutée
par l'article 14 de la loi organique du 25 juin 2001821, qui modifie le deuxième alinéa
voir accorder de dérogations par les chefs de Cour, afin d’exercer ponctuellement des
329. La troisième condition occupe une place singulière, puisqu’il s’agit plutôt d’un
aucune difficulté de compatibilité avec leur charge, il est indispensable que les
avertir le premier président de la cour d’appel, ce qui est conforme à l'article 50-2 de
profession, ou quand une des parties au litige est une relation professionnelle, passée
celle incluse dans la première condition, à savoir que l’interdiction s’applique aussi
bien à une activité professionnelle exercée seul, que dans le cadre d'une association
a admis cet exercice concomitant, non sans avoir posé, dans la seconde, de strictes
siège ou au parquet.
825 « Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les
poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d’appel ou les présidents de
tribunal supérieur d'appel.
Copie des pièces est adressée au garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui peut demander une enquête à
l'inspection générale des services judiciaires ».
826 Cf infra n° 525.
L’existence du procès 209
les magistrats du siège de ceux du parquet. D’un côté, l’inamovibilité (A), qui ne
bénéficie qu’aux juges et, de l’autre, le lien de subordination hiérarchique (B), qui ne
333. L’inamovibilité des magistrats du siège est un principe garanti par le quatrième
1958827. Très tôt, le Conseil a consacré sa valeur constitutionnelle 828 et a établi un lien
laquelle résulte de leur absence d’inamovibilité, qui ne permet pas de garantir leur
autorités publiques831.
334. Cependant, c’est un principe qui ne bénéficie qu’aux seuls magistrats du siège,
ce qui n’est pas le cas dans toutes les constitutions européennes, puisqu’en Italie, par
exemple, l’inamovibilité est garantie à l’égard de tous les magistrats832. Il s’agit d’une
différence statutaire, certes, non négligeable, mais qui ne doit, pour autant, pas être
surestimée. D’un côté, les magistrats du parquet sont dans une situation, bien que
hiérarchie supérieure du ministère public. D’un autre côté, l’inamovibilité n’est pas
synonyme d’immobilité et ne confère donc pas aux juges du siège, un droit acquis à
occuper, toute leur carrière durant, la même fonction, au sein de la même juridiction.
335. Ceci étant, mise à part la précision apportée par le second alinéa de l’article 4 de
l’Ordonnance statuaire de 1958, qui dispose que « le magistrat du siège ne peut recevoir,
sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement », les dispositions
normatives écrites ne sont guère prolixes sur les conséquences que l’inamovibilité
contours du principe, lequel, comme Thierry RENOUX l’a fait observer le premier,
semble comprendre deux facettes833. Une première, géographique, qui protège le juge
830 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 154.
831 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 351 et s.
832 Article 107 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 : « Les magistrats sont
inamovibles. Ils ne peuvent être déchargés, suspendus, déplacés ou affectés à d’autres fonctions que par une
décision du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée soit pour des motifs et avec les garanties de défense
établies par l’ordre judiciaire, soit avec leur consentement (…) ».
833 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 137.
L’existence du procès 211
avancement834.
336. Toute la difficulté du statut du juge réside dans le juste dosage à trouver entre,
que fonctionnelle et, de l’autre, le mettre à l’abri des sanctions éventuelles, en raison
mobilité des magistrats « apparaît [...] comme une source d’enrichissement dans l’exercice
prolongée peut nuire à leur indépendance et encore davantage, sans doute, à leur
oscillé entre ces deux exigences, de prime abord, délicates à concilier. L’analyse de sa
fonctionnel.
337. La première correspond aux mesures qui subordonnent l’avancement des juges,
à une mobilité antérieure. Il en est ainsi, par exemple, du troisième alinéa de l'article
qui fixe la règle, en vertu de laquelle, aucun magistrat ne peut être nommé à un
emploi hors hiérarchie, s'il n'a exercé auparavant deux fonctions au premier grade et,
338. Dans chacune de ces deux situations, le Conseil constitutionnel a considéré que
limitent la durée des fonctions judiciaires, afin de faire bénéficier aux juges, des
du caractère temporaire des fonctions exercées. Ces garanties sont de deux ordres,
conditions de durée de la fonction temporaire (1), alors que la seconde concerne les
limité (2).
judiciaire temporaire
temps certaines fonctions judiciaires. Elle ne détermine pas non plus de plancher, en
d’inamovibilité, est qu’une nomination d’un magistrat, pour un temps limité, doit
842 Décision n° 80-123 DC du 24 octobre 1980, Loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 25
octobre, p. 2491.
214 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
après six mois, le magistrat venu remplacer dans ses fonctions, le titulaire du poste,
absent pour cause de longue maladie, est jugée contraire à la Constitution843. Alors
s’étend dorénavant au ressort de la cour d’appel, alors qu’il était jusqu’alors limité à
343. En 1995846, c’est également la précision de l'article 7 de la loi examinée, qui fixe
à sept ans, la durée d'exercice par un magistrat, des fonctions de chef d'une même
juridiction et à dix ans, celle des fonctions de juge spécialisé au sein d'un même
tribunal848, sans encourir la censure, dans la mesure où les magistrats qui acceptent
dans le temps de ces fonctions et sans s’exposer à une affectation non désirée, avant
le terme849.
position sur ce point, mais en conservant le même objectif : préserver les magistrats, à
La première, qui s’est construite en trois étapes, concerne les conseillers référendaires
848 Dans un avis du 13 mars 2013, le C.S.M. a considéré qu’il fallait distinguer, pour l'application de
l'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature, deux catégories de magistrats : ceux ayant fait l'objet après le 1 er janvier
2002 « d'une nomination dans des fonctions de vice-président avec désignation concomitante dans des
fonctions spécialisées » et ceux n’ayant pas reçu après cette date « une telle nomination et qui ont
conservé à ce jour leur titre et leur rang dans la juridiction sans être assujettis à la nouvelle règle de
limitation à dix ans des fonctions spécialisées ». Texte de l’avis disponible sur le site du Conseil
supérieur de la magistrature : http://www.conseil-superieur-
magistrature.fr/userfiles/Avis_formation_pleniere_13032013.pdf, consulté le 10 juillet 2013.
849 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc., Cons. 32.
216 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
une disposition qui autorisait le gouvernement, au terme des dix années de fonctions
principe d’inamovibilité est ici flagrante, quand bien même le magistrat acceptant de
telles fonctions sait, dès sa nomination, qu’il est susceptible d’être affecté à l’issue,
organique introduit, quelques mois plus tard, les garanties qui faisaient défaut au
désormais être affectés dans une juridiction, qu’en fonction des demandes qu’ils ont
exprimé des souhaits, en choisissant un des trois postes qui leur sont proposés.
Conseil852. Les restrictions ajoutées par la loi organique du 18 janvier 1991853, qui
d’abord d’être prononcé dans une période proche du terme des fonctions et ensuite,
déterminé lui-même l’éventail des solutions ou que ces dernières lui aient été
varié par la suite, mais sans que l’on puisse pour autant évoquer un déclin du
348. En 2001, dans le cadre de cette seconde jurisprudence 858, le législateur organique
limite à sept ans la durée d'exercice par un magistrat des fonctions, au siège comme
au parquet, de chef d'une même juridiction et à dix ans, celle des fonctions de juge
spécialisé859, au sein d'un même tribunal. Dans le premier cas de figure, les
magistrats, parvenus au terme des sept années de présidence d'une même juridiction,
sont réaffectés dans la juridiction de niveau supérieur. Dans le second cas, les juges
spécialisés sont réintégrés, au terme de dix ans, à grade équivalent, dans l'exercice
des fonctions de magistrat du siège, dans le tribunal où ils étaient déjà affectés860.
855 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 724.
856 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats », op.
cit., p. 857.
857 CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2004, n° 16, p. 129.
858 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc.
859 Juge d'instruction, juge des affaires familiales, juge des enfants et juge de l'application des peines.
860 Pour l'application de cette règle, Cf avis du C.S.M. en date du 13 mars 2013, note n° 848.
218 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
des conseillers référendaires à la Cour de cassation, mais sans qu’il faille pour autant
somme, en acceptant le poste, les magistrats donnent leur accord, par anticipation, à
consentement anticipé avait été avancée, pour justifier l’affectation d’office des
essentielle entre les deux situations. En janvier 1967, dans le dispositif prévu, les
non pas sur leur destination, qu’ils ignoraient, mais sur le principe de l’affectation
350. En second lieu, le consentement donné par le magistrat s’opère sur une
affectation unique, proposée par l’autorité de nomination et pas dans le cadre d’un
choix. Pour autant, les anciens conseillers référendaires, même s’ils ont eux-mêmes
l’avance sa future destination, même si celle-ci n’est pas soumise à un choix, avant
Jean-Éric SCHOETTL862, qui met les intéressés à l'abri de tout arbitraire à l'expiration
861 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
862 SCHOETTL J.-É., note, Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 5.
L’existence du procès 219
voit une affectation d’office863. Au contraire, l’ensemble de ces mesures est plutôt de
351. Si l’indépendance des membres du parquet semble bien assurée à l'égard des
aussi envers les justiciables, dont les plaintes et leur devenir ne conditionnent en rien
le déclenchement des poursuites, la situation est plus délicate dans les relations avec
hiérarchique existant entre le garde des Sceaux et le parquet, lequel n’a été que très
partiellement rompu par la réforme législative de l’été 2013866 (1). Pour autant, cette
863 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
864 Article préliminaire du Code de procédure pénale, paragraphe premier, alinéa 2.
865 BREDIN J.-D., « Qu'est-ce que l'indépendance du juge ? », op. cit., p. 161.
866 Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du
ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique, JO, 26
juillet 2013, p. 12441.
220 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
352. Le lien de subordination des magistrats du parquet est posé, à la fois, par
l’article 5 de l’ordonnance statutaire de 1958867, qui dispose qu’ils « sont placés sous la
direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des Sceaux,
Justice envers les procureurs généraux868, ainsi que le pouvoir hiérarchique de ces
ministère public870, avec d’un côté, un édifice à deux étages871 et de l’autre, une
faire exercer l'action publique, d'être tenu informé de l'activité judiciaire et en ce qui
concerne le garde des Sceaux, par la possibilité d'exprimer des directives générales
de politique répressive.
867 Par ailleurs, l’article 43 de la même ordonnance précise que « Tout manquement par un magistrat aux
devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. [...]. La
faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du
ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique ».
868 Code de procédure pénale, article 30, tel que modifié par la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013
préc. : « Le ministre de la Justice [...] adresse aux magistrats du ministère public des instructions
générales ».
869 Code de procédure pénale, article 36 : « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la
République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des
poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge
opportunes ».
870 DRÉNO J.-P., « Les relations entre le parquet général et le parquet », Gaz. Pal., 20 décembre 2008,
n° 355, p. 19.
871 Garde des Sceaux et procureur général près la Cour de cassation, qui n’a aucune relation
hiérarchique avec les autres membres du parquet.
872 Garde des Sceaux, procureurs généraux près les cours d’appel et procureurs de la République près
les tribunaux de grande instance.
L’existence du procès 221
pouvoir hiérarchique du garde des Sceaux, modifié auparavant à deux reprises 875,
transitif, mis en œuvre par le Conseil, part du postulat que le ministre de la Justice
garde des Sceaux adresse au parquet, lesquelles ne portent atteinte à aucune exigence
qu’être renforcée par la récente réforme législative de l’été 2013879. En effet, la loi du
expressément la possibilité pour le garde des Sceaux, de donner des instructions aux
Gouvernement comme le maillon fort de la loi, cette question divisa pourtant les
ne persiste dans sa volonté de les supprimer. Il n’en demeure pas moins que le
finalement pas été retenue. Seule une réforme constitutionnelle modifiant les
879 La loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 préc. n’a pas été déférée au Conseil constitutionnel, ce qui
empêche de savoir si sa ligne jurisprudentielle sur cette question a sensiblement évolué depuis
mars 2004.
880 « Il (le ministre de la justice) ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles ».
881 Cet alignement du mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège, soumis à un
avis conforme et non plus à un avis simple de la formation compétente du C.S.M., faisait partie du
projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, voté le 4
juillet 2013 par le Sénat, mais suspendu le même jour par le Gouvernement, Cf infra n° 1016 et s.
L’existence du procès 223
obéissance obligatoire aux réquisitions écrites dans l'application de la loi (b), alors
que l’exercice des pouvoirs propres du parquet agit de même, dans le domaine de la
356. La combinaison des article 1er 883 et 31884 du Code de procédure pénale confère au
alinéa, de l’article 1er du Code de procédure pénale, les pouvoirs exclusifs pour
d’engager des poursuites885, sous certaines limites toutefois886, mais aussi du choix de
la forme procédurale qu’il estime la mieux adaptée, y compris les voies alternatives.
République, ni dans un sens défensif, afin d'éviter que les juridictions pénales ne
358. Ensuite et tout au plus (c’est le seul moyen réellement coercitif, dont dispose le
procédure pénale, peuvent-ils seulement, quand ils les jugent opportunes, exiger par
de parquet, qui ne peut, par ailleurs, s’exercer que dans un sens, celui de la mise en
mouvement de l’action publique, est rarement mis en œuvre, tant les hypothèses de
359. Enfin, des pouvoirs propres des procureurs de la République, tout autant que de
généraux ne disposent pas d’un pouvoir d’ingérence dans la gestion du parquet, qui
887 Les procureurs généraux ont mis en place des procédures de prévention, individuelles ou
collectives (réunions de concertation), des divergences éventuelles, pouvant survenir sur les suites
judiciaires à donner à certains faits délictueux.
L’existence du procès 225
à l’audience. Se trouve ainsi posé par ces deux textes, le principe selon lequel le
parquet est, certes, lié dans ses écrits par les instructions qu'il reçoit de sa hiérarchie,
mais garde toute liberté de s'en éloigner dans ses réquisitions orales 890. Pour le dire
parquet des actes mais il ne peut lui imposer une opinion ». C’est donc un principe
droit processuel judiciaire, puisque l’adage bien connu « la plume est serve, mais la
parole est libre » est antérieur au Code d'instruction criminelle, mais qui connaît tout
de réserve892.
361. La Cour de cassation, contestant la définition donnée par l'article 1 er, du titre
VIII, de la loi du 16-24 août 1790893, précisait, dès 1803, dans un arrêt du 14 pluviôse,
poursuite des délits », tantôt « organe de la loi pour requérir l'application des peines », la
888 « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous
l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. A l'audience, leur parole est libre ».
889 Le ministère public « est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont
données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44. Il développe librement les observations orales
qu'il croit convenables au bien de la justice ».
890 JEAN J.-P., « Le ministère public entre modèle jacobin et modèle européen », R.S.C., 2005, p. 670 ;
CHARPENEL Y., SOULEZ-LARIVIERE D., ROUSSEAU D., « Le statut du Parquet », Constitutions,
2011, p. 295.
891 NADAL J.-L., « La liberté de parole du ministère public », Gaz. Pal., 20 décembre 2008, n° 355, p. 5.
892 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 préc., article 10 : « Toute manifestation d'hostilité au
principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute
démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ».
893 « Les officiers du ministère public sont agens du pouvoir exécutif auprès des tribunaux. Leurs fonctions
consistent à faire observer, dans les jugemens à rendre, les lois qui intéressent l’ordre général ».
226 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Haute juridiction judiciaire rappelait la liberté de parole dont celui-ci bénéficie lors
des infractions.
362. La liberté de parole à l’audience est, en quelque sorte, une « dérogation au principe
Elle offre la possibilité aux magistrats du ministère public, de s'exprimer en leur âme
et conscience, en fonction de leur propre analyse juridique des faits et dans le seul
qui peut ainsi préciser les éléments sur lesquels il s’inscrit en désaccord, avec les
894 Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du
parquet, 9 octobre 1987. Disponible sur le site internet du Conseil supérieur de la magistrature,
dans la partie « Recueil des décisions et avis disciplinaires » : http://www.conseil-superieur-
magistrature.fr/discipline-des-magistrats?m=decision&vid=550, consulté le 26 octobre 2012.
895 Ibidem.
896 NADAL J.-L., « La liberté de parole du ministère public », op. cit., p. 12.
897 Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du
parquet, 9 octobre 1987, préc. : « la liberté de parole appartient aux magistrats du ministère public à
toutes les audiences où leur présence est requise ; qu’il en est ainsi de l’audience solennelle de rentrée prévue
par l’article R711-2 du code de l’organisation judiciaire ».
L’existence du procès 227
parquet899, n’est, pourtant, pas partagée par la Cour européenne des droits de
qui a ôté au garde des Sceaux son pouvoir de donner au procureur général des
juridiction strasbourgeoise900.
l’indépendance du parquet
364. Si, finalement, peu de points de désaccords flagrants peuvent être mis en
Cour européenne des droits de l’homme (1). Même si une harmonisation des
898 Cf CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit.,
p. 129.
899 Sur l’ensemble de cette théorie, RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale :
juges ou magistrats ? », Justices, 1998, n° 10, p. 75.
900 LYON-CAEN P., « Vers un parquet indépendant ? », D, 2013, p. 1359.
228 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Convention, pas plus qu’il ne répond aux exigences attendues du « juge ou d’un autre
magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » de l’article 5, paragraphe 3,
car une qualité essentielle lui fait défaut, pour mériter l’une ou l’autre de ces
l’autorité qui s’attache aux arrêts de Grande chambre, ne modifie en rien la position
nette du juge strasbourgeois sur la question. Il eut été, par ailleurs, fort surprenant
synonyme abrégé de "juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions
judiciaires904" ».
366. Ces trois notions, initialement issues des travaux de la Commission des droits de
relatif aux droits civils et politiques » du 16 décembre 1966, avaient d’ailleurs été
choisies pour recouvrir la diversité des systèmes juridiques 905, sans qu’il faille y
901 C.E.D.H., 10 juillet 2008, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03, § 61.
902 C.E.D.H., 20 novembre 2010, Moulin c/ France, requête n° 37104/06, Gaz. Pal., 9 décembre 2010,
n° 343, p. 6, chron. BACHELET O., § 59.
903 C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03, Gaz. Pal., 21-22 mai 2010,
n° 143, p. 2, chron. LOUVEL B. ; Gaz. Pal., 27 avril 2010, n° 117, p. 15, chron. MATSOPOULOU H.
904 C.E.D.H., 4 décembre 1979, Schiesser c/ Suisse, requête n° 7710/76, série A, n° 34, A.F.D.I., 1980,
p. 325, obs. PELLOUX R., § 29.
905 Cf ROBERT M., « L'Autorité judiciaire, la Constitution française et la Convention européenne des
droits de l'homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 32, p. 29.
L’existence du procès 229
vérifier si les institutions judiciaires des pays membres présentaient les garanties
paragraphe 3907. Les magistrats français du ministère public ne répondent pas aux
jurisprudence en la matière. Elle n’en demeure pas moins très contestable (a), même
s’il convient d’en atténuer la portée juridique (b), légèrement surestimée par les
367. Dès 1979908, la Cour européenne des droits de l’homme exige, du juge ou du
personne qui vient d’être arrêtée ou détenue, des qualités d’indépendance à l’égard
du pouvoir exécutif, c’est à dire une liberté d’action qui ne doit pas être entravée par
concreto, objectif et détaillé, de la réalité du cas d’espèce qui lui est présenté, afin
906 Article 5 § 1 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf
dans les cas suivants et selon les voies légales : [...] c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant
l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une
infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une
infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; [...] ».
907 Article 5 § 3 : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du
présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer
des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure.
La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à
l'audience ».
908 C.E.D.H., 4 décembre 1979, Schiesser c/ Suisse, préc.
230 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
conclure qu’il présente les garanties d’indépendance suffisantes, requises par l’article
suisse, à sa hiérarchie (le parquet général) ainsi qu’aux autorités exécutives (la
théorie dite « des apparences ». Dans une démarche opportuniste, consistant, selon
les circonstances, à les mettre en avant ou, au contraire, à les ignorer, elle permet au
paragraphe dans l’affaire Delcourt911, la manière dont elle donne à se montrer est
désormais un critère essentiel de l’indépendance des juges912. C’est ainsi que dans
une affaire roumaine comparable, la Cour européenne, après avoir noté « qu’un
alors plus recouvrir que les seuls magistrats dépourvus de liens institutionnels
hiérarchisés avec la Chancellerie, à savoir les juges. Telle est la conclusion à tirer, de
l’inverse de son homologue du siège915, les qualités exigées, pour effectuer le contrôle
judiciaire sur les mesures privatives de liberté de l’article 5, même s’il fallut attendre
qu’un cargo battant pavillon cambodgien soit arraisonné au large du Cap Vert, pour
en avoir confirmation916.
examen, cinq jours après son arrestation917. Après avoir rappelé les dispositions
371. Cette position prête à discussion, au regard du droit positif et ce, au moins pour
deux raisons, même si le statut des magistrats du parquet reste perfectible 919. Tout
d’abord, la nomination des magistrats par un membre de l’exécutif, n’est pas, en soi,
ministère public, auquel la juridiction européenne se livre, est très lacunaire, car il ne
L’arrêt est muet, ou presque922, sur les pouvoirs propres des procureurs, autant que
sur leur liberté de parole à l’audience. Difficile, dans ces conditions, de considérer
judiciaire923 », pas plus qu’une « tempête sur le parquet924 », tout au plus, pour filer la
vise qu’une seule de ses prérogatives, le contrôle judiciaire des mesures privatives de
liberté. Le membre du parquet ne peut simplement pas être « cet autre magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », devant lequel une personne arrêtée
ou détenue doit être traduite dans les meilleurs délais. La Cour européenne ne dit
public, elle l’a clairement affirmé dans l’arrêt Moulin : « La Cour n'ignore pas que le lien
de dépendance effective entre le ministre de la Justice et le ministère public fait l'objet d'un
débat au plan interne [...]. Toutefois, il ne lui appartient pas de prendre position dans ce débat
qui relève des autorités nationales : la Cour n'est en effet appelée à se prononcer que sous le
373. Les conséquences ne sont donc pas aussi importantes que prévues initialement,
d’autant que le droit français est en conformité avec les prescriptions de la juridiction
cassation inscrit son appréciation dans le sillage de celle de Strasbourg. Elle revient
de l’ordre judiciaire qui a pour mission de veiller à l’application de la loi », comme cet
« c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le ministère public est une autorité
qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte928 »,
375. Le Conseil constitutionnel a une autre lecture du statut du ministère public 930.
judiciaire « qui [...] comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet931 ».
377. Ainsi, en matière de garde à vue, le Conseil a d’abord conclu que l'intervention
d’un juge pouvait être exigée pour en prolonger la durée935, avant de se montrer plus
précis, en énonçant explicitement que « l'intervention d'un magistrat du siège est requise
pour la prolongation de la garde à vue au-delà de 48 h936 », mais « qu’avant la fin de cette
378. Il en est de même pour l’injonction pénale, procédure pouvant comporter des
initiative du ministère public, mais nécessite la décision d’un magistrat du siège 939.
conception dualiste du corps judiciaire. Elle est simplement une illustration, tout à
portant sur la procédure dite de « petit dépôt941 », deux jours seulement après l’arrêt
défèrement au juge. Voici une question sur laquelle le droit de la Constitution est
judiciaire, donc du magistrat du siège, qu’au bout de quatre jours945, là où les règles
941 Article 803-3 du Code de procédure pénale : « En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de
l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux
de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans
un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé
est immédiatement remis en liberté ».
942 Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. [Mise à la disposition de la justice], JO, 19
décembre 2010, p. 22374.
943 Idem, Cons. 11.
944 Ibidem.
945 C.E.D.H., 29 novembre 1988, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, requêtes n° 11209/84 ; 11234/84 ;
11266/84 et 11386/85, série A, n° 145-B.
L’existence du procès 237
européenne, puisque celle-ci n’exige l’intervention d’un juge, qu’au-delà d’un délai
supérieur à celui prévu par le droit interne. En somme, les injonctions du juge
strasbourgeois peuvent être résumées ainsi : toute personne arrêtée doit être
381. Le droit interne, lui, impose l’intervention d’un magistrat du siège, pour décider
donc bien avant l’épuisement du délai européen. En d’autres termes, peu importe
les quatre jours. Les dispositions constitutionnelles forment ainsi une garantie
382. Il n’y a donc peu de raisons de penser que le statut constitutionnel du parquet
946 MATHIEU B. et VERPEAUX M. (dir.), Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz, Coll. Thèmes &
commentaires, Les Cahiers constitutionnels de Paris I, Paris, 2012.
238 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
siège, serait certainement de nature à renforcer leur situation, pour que, demain plus
influant sur les exigences qualitatives attendues d’un magistrat, telles que la
947 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 99.
948 Décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. [Condition de bonne moralité pour
devenir magistrat], JO, 6 octobre 2012, p. 15655.
949 « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
L’existence du procès 239
membres n’est fixé que par un décret en Conseil d’État, ce qui semble satisfaire la
prétoire, l’indépendance des juges administratifs n’a jamais été véritablement mise
en cause.
les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, a d’abord admis,
administrative s’est donc réalisée selon deux voies différentes. En premier lieu, sur le
par le biais des validations d’actes administratifs (§ 1.). En second lieu, sur la base de
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un
délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ».
240 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
d’actes administratifs
386. Les validations législatives950, procédé par lequel le législateur répute réguliers
des actes juridiques, administratifs le plus souvent, dont la légalité risquerait d'être
contestée devant le juge, sont des dispositifs éminemment contestables, tant ils
l’affaire Zielinski952.
950 MATHIEU B., Les « Validations » législatives : pratique législative et jurisprudence constitutionnelle,
op. cit.
951 Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996, JO, 31 décembre 1995,
p. 19099, Cons. 33 à 35 ; Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, JO, 27 décembre 1998, p. 19663, Cons. 7.
952 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France, requêtes n° 24846/94 et
34165/96 à 34173/96, A.J.D.A., 2000, p. 533, obs. FLAUSS J.-F., Procédures, avril 2000, n° 94, obs.
FRICERO N., R.F.D.A., 2000, p. 289, chron. MATHIEU B., J.C.P., 2000, I, 2203, obs. SUDRE F.
L’existence du procès 241
citoyen (2), qui réalise, en son sein, la combinaison de la séparation des pouvoirs et
juridictions
953 MATHIEU B., « Les validations législatives devant le juge de Strasbourg : une réaction rapide du
Conseil constitutionnel mais une décision lourde de menaces pour l'avenir de la juridiction
constitutionnelle », R.F.D.A., 2000, p. 289.
954 PRÉTOT X., « Le Conseil constitutionnel, la Cour Européenne de Strasbourg et les validations
législatives : à constitutionnalisme, conventionnalisme et demi », Le nouveau constitutionnalisme :
mélanges en l'honneur de Gérard Conac, Economica, Paris, 2001, p. 232.
955 Ibidem.
956 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes administratifs, JO, 24 juillet
1980, p. 1868.
957 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, JO, 30
décembre 1999, p. 19730.
242 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, dégagé à partir de
390. Les pouvoirs, législatif et exécutif, sont tenus, non seulement de s’abstenir de
censurer les jugements prononcés par les juridictions, ce qui protège l'autorité de la
chose jugée, mais aussi de leur adresser des injonctions. La Cour européenne des
pouvoir de rendre une décision obligatoire ne (peut) être modifiée par une autorité non
pour évaluer le degré d’indépendance d’une juridiction. Ainsi, quand le statut des
juges les protège des ingérences émanant des autorités exécutives, c’est un signe
probant de leur indépendance962, alors qu’à l’inverse, une juridiction ne saurait être
totalement libre de ses décisions, quand elle sollicite l’avis conforme d’une autorité
gouvernementale963.
958 Ibidem.
959 Loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d'État, JO, 31 mai 1872, p. 3625.
960 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6.
961 C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas, requête n° 16034/90, série A, n ° 228, R.U.D.H.,
1994, p. 261, note SUDRE F., § 45.
962 C.E.D.H., 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, requête n° 9273/81, série A, n° 117, § 21 : « Les membres
desdites commissions exercent leurs fonctions à titre indépendant et ne sont soumis à aucune instruction
(articles 8 de la loi fédérale sur les autorités agricoles et 20 § 2 de la Constitution fédérale). L'administration
ne peut ni annuler ni amender leurs décisions (...) ».
963 C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, requête n° 15287/89, série A, n° 296-B, A.J.D.A.,
1995, p. 137, obs. FLAUSS J.-F ; J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F., § 38.
L’existence du procès 243
391. Les pouvoirs publics ne peuvent pas davantage se substituer aux juridictions,
dans le jugement des litiges dont ils ont la charge, ce qui protège les tribunaux d’un
dessaisissement ponctuel d’une affaire, relevant de leur office. Une fois encore, les
administratif, les plus à même de voir leur pouvoir juridictionnel atteint par des
interventions exogènes, est protégée aux trois stades d’évolution d’une procédure
peuvent, par la suite, influer sur l’issue de celui-ci, soit en adressant, en cours
l’égard des deux autres pouvoirs publics constitutionnels. En ce sens, son apport à la
964 C.E.D.H., 23 octobre 1985, Benthem c/ Pays-Bas, requête n° 8848/80, série A, n° 97, § 40.
965 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6.
966 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 169.
244 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
toutefois, attendre presque vingt ans, pour que le Conseil constitutionnel en tire tous
validations législatives.
délimitation de leur portée. Ce n’est certes, pas la première fois que le Conseil vise
967 Décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'élection de l'Assemblée territoriale et
du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie, JO, 25 mai 1979, Rec. p. 27.
968 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France préc.
969 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 préc., Cons. 64.
L’existence du procès 245
une telle exigence dans un considérant970, mais c’est, de manière inédite, qu’il censure
application d'un arrêté et dont la régularité aurait pu être contestée, devant le juge
elle voulait purger l'acte administratif. La Haute juridiction estime que cette absence
pour défaut de base légale, quel que soit le grief reproché à l’acte réglementaire, sur
la base duquel les décisions administratives ont été édictées. Le droit au recours
obstacle à ce qu’un acte administratif puisse échapper, quelle que soit son illégalité, à
l’examen du juge.
397. Le Conseil réitérera le même raisonnement, huit jours plus tard, en contrôlant la
cette fois, que les deux mesures de validation législative, de l'article 25 examiné974,
970 Décision n° 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie politique, JO, 14 janvier
1995, p. 733, Cons. 9 : « Considérant que le législateur [...] avait la faculté d'user de son pouvoir de prendre
des dispositions rétroactives afin, soit de régler comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations
nées de l'annulation de délibérations prises par des collectivités territoriales, soit de prévenir celles qui
pourraient naître d'annulations que le juge administratif serait conduit à prononcer ; que toutefois il ne
pouvait prendre de telles mesures qu'à condition de définir strictement leur portée qui détermine l'exercice
du contrôle de la juridiction administrative ; ».
971 Idem, Cons. 65.
972 Cf supra n° 63.
973 Décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, JO, 31 décembre
1999, p. 20012.
974 Il s’agit de deux validations d'avis de mise en recouvrement, la première correspondant à des avis
susceptibles d’être contestés pour incompétence territoriale de l'agent qui les a émis et la seconde,
246 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
validation des actes administratifs, aux seuls motifs ayant conduit le législateur à agir
définie975. Elle s’inscrit ainsi dans une démarche globale d’affermissement des
398. Alors qu’elles bénéficiaient jusque-là d’une immunité totale, les validations
l’existence d’un motif d’intérêt général. Si les deux premières exigences sont restées
en raison de l’insuffisance des informations, au regard des exigences réglementaires posées par le
livre des procédures fiscales, portées sur la notification des avis.
975 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de
l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, JO, 31 décembre 2006,
p. 20320, Cons. 36. Il s’agissait, en l’espèce, d’une disposition validant les décomptes des heures
supplémentaires et les durées des repos compensateurs des transporteurs routiers.
L’existence du procès 247
sévère
399. Une loi de validation est, par nature, rétroactive, ce qui constitue une
le principe de la séparation des pouvoirs et celui de la garantie des droits 976, dont
juridictions977 ». Sur ce fondement, a ainsi été censuré l’article 111 de la loi de finances
rectificative pour 2005978, qui avait pour principal objet de priver d'effet, pour la
période antérieure au 1er janvier 2001, deux arrêts passés en force de chose jugée, l’un
401. En somme, si les validations préventives peuvent être admises, sous certaines
976 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005, JO, 31
décembre 2005, p. 20730, Cons. 6.
977 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6. En l’espèce, la disposition litigieuse ne
procédait pas à la validation du décret annulé par le Conseil d'État, Cf Cons. 1.
978 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 préc.
979 C.J.C.E., Ass. plén., 12 septembre 2000, Commission c/ France, affaire 276/97.
980 C.E., 29 juin 2005, SA Ets Louis Mazet et autres, n° 268681, Rec p. 264.
248 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
suprêmes, des deux ordres de juridiction, ont eu l’occasion de préciser ce qu’il fallait
entendre par « décision de justice passée en force de chose jugée ». La Cour de cassation981
renvoie à l’article 500 du Code de procédure civile 982, tandis que le Conseil d’État
considère « que la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort présente, même
si elle peut faire l'objet ou est effectivement l'objet d'un pourvoi en cassation, le caractère
d'une décision passée en force de chose jugée983 ». Les deux Hautes juridictions ont donc
une position convergente sur le sens à accorder à la force de chose jugée, qui fait
prohibition des validations législatives986, même s’il exclut du champ des sanctions
981 Cass. Ass. Plén., 21 décembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n° 88-15744, Bull. civ., 1990, A.P., n° 12,
p. 23.
982 « A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le
jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier
n'a pas été exercé dans le délai ».
983 C.E., Ass., 27 octobre 1995, Ministre du logement c/Mattio, n° 150703, Rec. p. 359 ; R.J.F., 1995, n° 12,
concl. J. ARRIGHI DE CASANOVA.
984 Cf infra n° 594 et s.
985 « [...] la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait avoir pour effet de soustraire au
principe de non-rétroactivité les dispositions de ladite délibération édictant des sanctions, sans distinction
entre celles dont l'application revient à une juridiction et celles dont l'application revient à
l'administration [...] », Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour
1982, JO, 31 décembre 1982, p. 4034, Cons. 34.
986 « [...] le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les
juridictions répressives, mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition
L’existence du procès 249
intérêts de retard, qui ne constituent qu'une réparation pécuniaire 987. Par la suite, le
403. Ces deux conditions, du respect des décisions de justice passées en force de
chose jugée et du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, doivent
législateur. Il en est ainsi, dans la décision du 29 décembre 2005 précitée 989, puisque
l’article 111 de la loi examinée porte une atteinte, directe et radicale, à l'exécution
Conseil opérant alors, depuis la fin de l’année 1999, une mise en balance entre, d’un
côté, les principes heurtés par le dispositif et, de l’autre, l'intérêt général invoqué par
même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ; »,
Idem, Cons. 33.
987 Idem, Cons. 34.
988 Décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988, Loi de finances rectificative pour 1988, JO, 30 décembre
1988, p. 16700, Cons. 6.
989 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 préc., Cons. 6.
990 MERLAND G., L'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll.
Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004.
250 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
critères précédemment présentés. Mais depuis que la Cour européenne a estimé que,
temps qu’il intensifiait son contrôle. Dorénavant, la validation n’est acceptée qu’à la
405. Si certains objectifs d'intérêt général sont le plus souvent admis par le Conseil
la plus souvent invoquée994, il arrive que l'intérêt général mis en avant par le
pas, en soi, une exigence d'intérêt général, susceptible de justifier une validation
législative. Il n'est donc recevable, qu'à la condition impérative que les montants
991 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France préc., § 57.
992 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 préc., Cons. 64.
993 Ainsi, dans la décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier, JO, 13 avril 1996, p. 5730, le Conseil précise qu’« il ne lui appartient pas de se
prononcer en l’absence d’erreur manifeste sur l’importance des risques encourus » (Cons. .
994 Cf, par exemple, la continuité et la bonne marche du service public de l’enseignement supérieur
(Décision n° 85-192 DC du 24 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions d’ordre social, JO, 26 juillet,
p. 8510), la continuité du service public des transports urbains (Décision n° 88-250 DC du 29
décembre 1988 préc.), la continuité des services publics fiscaux et juridictionnels (Décision n° 99-
425 DC du 29 décembre 1999 préc.).
L’existence du procès 251
1995, à censurer une mesure de validation, en considérant qu'elle n'était pas justifiée
civile995.
406. Mais qu’elle emporte des conséquences financières ou pas, la Haute juridiction
admise, qu’à la condition expresse que le but d’intérêt général qu’elle poursuit, soit
Conseil constitutionnel ayant considéré que l'intérêt général poursuivi n’était pas
suffisant998.
407. Le juge constitutionnel aboutit à cette conclusion à l'issue d'un contrôle entier, le
nécessaire à l'objectif poursuivi. En l'espèce, tel n’était pas le cas, puisque l'objet de la
présence.
408. L’analyse des principes et des solutions, mis en œuvre aujourd’hui par le juge
jurisprudence équilibrée, qui n’est pas hostile, par principe, au procédé, mais qui ne
l’admet toutefois qu’avec parcimonie. La loi de validation ne doit pas se traduire par
une immixtion abusive du pouvoir législatif, en vue d'influer sur l’issue d’un litige.
d’un dispositif de validation, à atteindre le but qu’il s’est fixé, constitue une manière
législative, restrictive de droits, doit être motivée par la poursuite d'un objectif
d'intérêt général suffisant, qu'elle doit, par ailleurs, être à même d'atteindre. Le
pouvoir, que le Conseil constitutionnel se refuse à exercer en tant que tel, car il ne
française de la séparation des pouvoirs, qui s’appuie sur une interprétation de la loi
des 16-24 août 1790, posant le principe de séparation des autorités, administrative et
judiciaire1000. Pour l’essentiel, elle induit une réserve de compétence au profit du juge
semble bien étroit (A) et la protection dont il devrait bénéficier, affaiblie par les
compétences en faveur du juge administratif, pas plus qu’il n’existe de critères clairs
1000 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 172.
254 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
administrative
actes administratifs de la puissance publique (1). Il n’est pas exclu, que les deux
réservées par nature à l'autorité judiciaire1003 », bien qu’ici encore, les frontières soient
principe fondamental reconnu par les lois de la République, tiré de la loi des 16-24
août 1790 et du décret du 16 fructidor An III1004, qui posent, tous deux, le principe de
de trois critères principaux, dont deux d’entre eux ne peuvent être appréciés qu’en
les associant.
414. D’abord, les décisions, dont le juge administratif doit avoir à connaître, émanent
placées sous leur contrôle. Ensuite, ces organes décisionnels ne doivent avoir agi que
premier critère organique avec le second critère fonctionnel, permet de mieux situer
la typologie des actes juridiques, relevant du contrôle du juge administratif, dont, par
décisions, prises dans le cadre des fonctions de police administrative des étrangers,
qui constituent, à n’en point douter, l’une des expressions les plus irréductibles du
pouvoir régalien de l’État. À contrario, il est sans doute possible d’exclure, de cette
administratifs émanant des organismes privés, qui ne peuvent se voir confier des
416. Enfin, la réserve de compétence, telle qu’elle est définie dans la décision n° 86-
1005 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers
en France, JO, 1er août 1989, p. 9679, Cons. 21. L’adverbe « notamment », situé en début
d’énumération, permet d’en conclure que la liste n’est pas limitative.
1006 Les mesures de refus d'entrée sur le territoire national, les décisions relatives à l'octroi d'une carte
de séjour, les décisions concernant la délivrance de la carte de résident, la décision d'expulsion
d'un étranger ou de son assignation à résidence, Ibidem.
256 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
semble recouvrir les seul litiges de l’excès de pouvoir et laisser de côté, le contentieux
plus efficient, dans les litiges où les compétences des deux ordres de juridictions se
juridictionnelles.
en résulte1009.
418. Est-ce à dire que c’est le moyen juridique, qui détermine dorénavant la
1007 PENA A., « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme juridictionnel : la nouvelle
donne », R.F.D.A., 2011, p. 951.
1008 Décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc. et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 préc.
1009 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc., Cons. 37.
L’existence du procès 257
restriction de liberté, par rapport aux circonstances de faits. Si une telle hypothèse
compter que celle-ci ne s’exerce que dans le cadre imprécis des « matières réservées par
l'autorité judiciaire »
décrite, ne s’exerce qu’« à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité
mode opératoire selon lequel elle s’exerce, en d’autres termes, à la manière dont les
Jacques MOREAU1013, par exemple, ne portant pas le même regard sur la manière
420. Il n’est pas particulièrement aisé d’identifier, au regard des textes et surtout de la
la justice1014. La propriété privée est aussi une autre de ces matières. Il était déjà
années plus tard1017, de la plus claire des manières. Enfin, la décision du 28 juillet
individuelle.
421. C’est à propos de cette dernière, que les difficultés les plus importantes
première assez extensive, en estimant que la liberté individuelle devait être protégée
« sous tous ses aspects1019 » et une seconde plus restrictive, au cours de laquelle la
accorder à cet article une portée excessive, trop éloignée de l’intention initiale du
constituant, pour qui la liberté individuelle est à relier à la protection contre les
422. Au-delà du contenu, le plus délicat, mais aussi le point essentiel, est d’identifier
préciser les modalités. Il semblerait, mais la plus grande prudence s’impose, tant la
jurisprudence constitutionnelle ne brille pas, sur ce point, par sa clarté, que le degré
de la contrainte subie.
1020 La définition stricte de la liberté individuelle est celle retenue dans les deux décisions relatives à
l’hospitalisation contrainte, Décisions n° 2010-71 QPC préc., Cons. 16 et n° 2011-135/140 QPC préc.,
Cons. 7 : « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé
des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire
à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de
la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à
l'autorité judiciaire ; ».
1021 L’autorité judiciaire est traditionnellement conçue comme la gardienne de la liberté individuelle, le
principe ayant été initialement posé par la jurisprudence du Tribunal des conflits, dans la décision
Hilaire du 18 décembre 1947, repris par l’article 66 de la Constitution.
1022 Sur ce point, Cf GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, R.F.D.A.,
1989, p. 696.
260 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
mesure restrictive de liberté, n’affectant que la seule liberté d’aller et venir, par
l’autorité judiciaire1023. Il n’en reste pas moins que cette ligne de partage, entre les
mesures privatives et les mesures limitatives de liberté, semble difficile à tracer et que
compétent.
424. Une fois que l’on a identifié, plus ou moins distinctement, les « matières réservées
par nature à l'autorité judiciaire », reste encore à préciser la manière dont les
juge administratif, en leur sein, sont alors envisageables. Selon une première
425. Selon une seconde conception, sans en être entièrement écartée, la compétence
matières « naturelles », n’y serait pas exclusive. Il y aurait, en quelque sorte, quand
une de ces matières est concernée, une présomption de judiciarité, ce qui signifie par
ailleurs, qu’il y aurait nécessairement une répartition des compétences entre les deux
1023 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 23 : « [...] la compétence reconnue à l'autorité
judiciaire en matière de liberté individuelle et notamment de peines privatives de liberté [...] ».
L’existence du procès 261
privation de liberté1024.
juridiction administrative
matière dans laquelle elle s’inscrit, peut être également contournée par le législateur,
difficile à cerner, d’autant que le juge constitutionnel, qui y fait souvent référence
dans le cadre des transferts de compétences, dont elle est la principale justification,
justice est surtout une notion fonctionnelle1027, pour reprendre l’une des branches de
la dichotomie, dégagée par le doyen VEDEL, à propos de la voie de fait 1028. En effet,
1024 Sur ce point, Cf MOREAU J., « La liberté individuelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, op. cit.,
p. 1670 ; PENA A., « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme juridictionnel : la
nouvelle donne », op. cit., p. 951.
1025 Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 préc., Cons. 4.
1026 APCHAIN H., « Retour sur la notion de bonne administration de la justice », A.J.D.A., 2012, p. 587.
1027 LAVAL N., « La bonne administration de la justice », L.P.A., 12 août 1999, n° 160, p. 12.
1028 VEDEL G., « De l'arrêt Septfonds à l'arrêt Barinstein », J.C.P., 1948, I, 682.
262 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
administration de la justice [...] peut être satisfaite aussi bien par la juridiction judiciaire que
constitutionnel applique, avec une certaine souplesse, les critères qu’il a fixés, qui
conflits1031.
sein d’un des deux ordres juridictionnels, le Conseil constitutionnel a dégagé trois
conditions. C’est à l’aune de ces critères, qu’il évalue si l’unification d’un contentieux,
effective des droits des intéressés1033 ». En deuxième lieu, l’aménagement réalisé par le
réunifié, doit être celui qui est « principalement intéressé1035» par les litiges concernés.
Afin d’identifier le juge, le mieux à même de trancher les contestations visées par la
optimal. Il apparaît, en effet, que le critère matériel joue un rôle déterminant, tant
dans les hypothèses où il s’agit d’approuver les choix du législateur, que lorsqu’il
431. Ainsi, dans la décision fondatrice de 1987, il ne fait guère de doute que le Conseil
de la concurrence est une autorité administrative, qui rend des décisions prises dans
lesquelles peuvent, par ailleurs, être sanctionnées pénalement par le juge répressif, le
juge administratif. Pourtant, le Conseil constitutionnel accepte sans sourciller, que les
recours soient justiciables de la même Cour d'appel de Paris, ce qui fait écrire au
professeur Pierre DELVOLVÉ, avec un brin de provocation mais surtout, avec une
certaine lucidité, que la juridiction d’appel du quai des Orfèvres est en train de
432. Une fois encore, c’est la nature privée des matières confiées à l’autorité
expressions les plus abouties de la souveraineté nationale et qui plus est, ne faisant
pas partie du secteur réservé par nature à l’autorité judiciaire, pour que le
433. Il est assez manifeste que l’application de ces trois critères n’est pas d’une
434. Pour conclure, il convient d’insister sur la relation étroite, existant en France,
système entre deux ordres juridictionnels1045. D’un côté, l’ordre judiciaire repose en
exécutif. Celle-ci vise à préserver les membres du corps judiciaire, dans l’exercice de
de la magistrature, sur leur statut et en insistant sur les critères d’excellence, qui
435. D’un autre côté, l’ordre administratif dépend principalement du Conseil d’État,
dont l’autorité des décisions n’a été, qu’à de très rares occasions, remise en cause par
législateur peut valider des actes administratifs, susceptibles d’être annulés par le
436. L’impartialité est, avec l’indépendance, l’une des deux vertus essentielles dont le
juge doit être paré, afin de garantir le caractère équitable du procès qu’il est amené à
« qualité de celui qui ne prend pas parti pour l'un plutôt que pour l'autre ». En ce sens,
impartial serait celui dépourvu de parti pris, ce qui, dans une affaire donnée, le
437. Posée par des textes normatifs internationaux 1049, mais aussi nationaux1050,
accorde une place privilégiée1051, commença par distinguer une approche subjective,
celle visant le comportement ponctuel du juge dans une affaire donnée, d’une
démarche objective, recentrée autour des garanties entourant son office 1052.
1048 Cf, par exemple, Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. [Composition de la
commission départementale d'aide sociale], JO, 26 mars 2011, p. 5406, Cons. 3.
1049 Article 14, § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 6, § 1 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
1050 Article L111-5 du Code de l'organisation judiciaire : « L'impartialité des juridictions judiciaires est
garantie par les dispositions du présent code et celles prévues par les dispositions particulières à certaines
juridictions ainsi que par les règles d'incompatibilité fixées par le statut de la magistrature ».
1051 Cf, par exemple, C.E.D.H., 17 février 2004, Maestri c/ Italie, requête n° 39748/98, J.D.I., 2005, p. 541,
obs. BENZIMRA-HAZAN J., § 15 : « [...] De plus, le lien de solidarité – confirmé par serment – qui unit
les maçons italiens est incompatible avec l'indépendance et l'impartialité indispensables au pouvoir
judiciaire [...] ».
1052 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, requête n° 8692/79, série A, n° 53, § 30 :
« [...] l’impartialité [...] peut [...] s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre
268 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
conformité d’une norme, abstraitement définie, à une autre, de rang plus élevé dans
des considérations subjectives, dans l’examen des dispositions dont il est saisi. De
considère désormais, que l’impartialité figure bien au nombre des droits et libertés
que la Constitution garantit, au sens de l’article 61-1. Elle peut donc être invoquée à
l’impartialité du juge. D’une part, celle qui résulte d’un cumul de fonctions,
stades de celle-ci. La garantie de neutralité, assurée par celui qui porte sur l’affaire un
regard neuf à chaque étape décisive, est ainsi mise en échec. Le Conseil
D’autre part, celle qui découle d’un lien existant entre juge et partie,
une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle
circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour
exclure à cet égard tout doute légitime ».
1053 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 préc., Cons. 24.
1054 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
1055 Cf infra n° 1008.
L’existence du procès 269
varie alors en fonction du caractère et de l’intensité du lien, qui relie le juge à une des
440. L’impartialité fonctionnelle est celle qui résulte du seul exercice des
qui leur sont accordées suffisent, en elles-mêmes, à soulever des suspicions légitimes
441. D’une part, celle où l’impartialité est affaiblie par l'exercice cumulatif, sur le
cette question, tant il lui semble qu’un regard neuf, porté à chaque étape d’un
442. D’autre part, celle où l’impartialité peut être altérée par l'exercice successif de
consultatif, par exemple, d’éléments juridiques déterminants, pour l’issue d’un litige
dont ils ont la charge judiciaire. Dans cette hypothèse, la position du Conseil
443. En matière répressive, le procès qui est, comme le décrit le professeur Jean
raison pour laquelle, pour éviter qu’un magistrat, ayant participé à la phase
préparatoire d’une affaire et qui s’est probablement forgé un avis à cette occasion,
1056 PRADEL J., « La notion européenne de tribunal impartial et indépendant selon le droit français »,
R.S.C., 1990, p. 692.
1057 MATHIAS E., Les procureurs du droit : de l'impartialité du ministère public en France et en Allemagne,
Ed. CNRS, Coll. CNRS droit, Paris, 1999.
1058 La séparation des fonctions de poursuite et d’instruction, n’est pas posée par un article précis du
Code de procédure pénale, mais découle de la combinaison de deux dispositions de ce dernier.
L’article 31, d’abord, qui affirme que « Le ministère public exerce l'action publique et requiert
l'application de la loi » et l’article 49, qui dispose que « Le juge d'instruction est chargé de procéder aux
informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III ».
L’existence du procès 271
formes de sanctions coercitives. C’est le cheminement mis en œuvre ici, qui conduit
dans le cadre des procédures disciplinaires (2) et des actions ouvertes, devant les
présomption d'innocence et les droits des victimes1060. De longue date pourtant, dès le
principe de justice qui ne permet pas qu’un magistrat puisse être, dans la même affaire, partie
1059 « Elle (la procédure pénale) doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des
autorités de jugement ».
1060 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.
1061 Cass. crim., 23 mars 1860.
272 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
pluralité des regards portés sur un dossier pénal permet, à la fois, de réduire les
qui aura initié l’action publique1063. La Cour européenne des droits de l’homme
juge.
446. C’est, à n’en point douter, ce même principe de justice, c’est à dire cette exigence
de regard neuf, car différent, à chaque étape de la procédure judiciaire pénale, qui
elle l’est certainement et ce, pour deux raisons. D’abord, elle initie la jurisprudence
celle d’une certaine fermeté du juge constitutionnel dans ce domaine. Ensuite, il n’est
procédure pénale, qui ne vise que la séparation des autorités chargées de l'action
1062 Cf Cass. Crim., 26 avril 1990, pourvoi n° 88-84586, Bull. crim., 1990, n° 162, p. 418 ; Cass. Crim., 5
décembre 2001, pourvoi n° 01-81407, Bull. crim., 2001, n° 253, p. 838.
1063 JOSSERAND S., L'impartialité du magistrat en procédure pénale, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque des
sciences criminelles, Paris, 1998 ; KUTY F., L' impartialité du juge en procédure pénale : de la confiance
décrétée à la confiance justifiée, Larcier, Coll. de thèses, Bruxelles, 2005.
1064 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique préc.
1065 Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc.
L’existence du procès 273
pénal à modifier sa copie, pour aboutir à la composition pénale, quatre ans plus
tard1066.
tentative d’introduction en droit français, d’une voie de droit bien connue des
surtout de proposer une solution intermédiaire entre, d’un côté, le classement sans
448. Prévue pour les délits correctionnels, dont le quantum de la peine encourue ne
par le ministère public à la personne intéressée. Celle-ci dispose alors d’un délai d’un
449. Saisi par les parlementaires, sans que ceux-ci invoquent un grief particulier à
d’un raisonnement qui, sans être dépourvu d’une certaine cohérence, n’en demeure
1066 Loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, JO, 20 octobre 1999,
p. 9247.
1067 PAPADOPOULOS I., Plaider coupable : la pratique américaine, le texte français, P.U.F, Coll. Droit et
justice, Paris, 2004.
1068 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc.
1069 Cons. 2 : « Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel de relever toute disposition de la loi
déférée qui méconnaîtrait des règles ou principes de valeur constitutionnelle ».
274 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
principe selon lequel, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des
considéré que certaines mesures pouvant faire l'objet d'une injonction pénale, parce
d'une autorité de jugement, tout au moins en ce qui concerne les délits de droit
commun.
constitutionnel, qui s’est sans doute saisi de la première opportunité, pour affirmer
452. En effet, il qualifie de sanctions pénales1070, les mesures prévues par le dispositif
à l’encontre du délinquant. Or, les caractères les plus évidents de l’injonction pénale
diffèrent considérablement de ceux de la peine et ce, sur trois points importants 1071.
1070 Cons. 6 : « [...] que dans le cas où elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des sanctions
pénales ; [...] ».
1071 PRADEL J., « D'une loi avortée à un projet nouveau sur l'injonction pénale », D, 1995, p. 171.
L’existence du procès 275
En premier lieu, l’injonction pénale repose sur l’acceptation du délinquant, alors que
la peine est imposée à son destinataire. En deuxième lieu, ce dernier peut finalement
refuser de se plier à la mesure prévue à son encontre, ce qui n’est pas le cas de la
peine, qui doit impérativement être exécutée. Enfin, en troisième lieu, les injonctions
pénales ne devaient pas être inscrites au casier judiciaire, ce qui n’est pas le cas des
condamnations pénales.
453. La Haute juridiction eut été plus précise, en qualifiant de sanctions punitives, les
des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement, dans cette
punitif1073, quand bien même, pour cela, eut-il fallu étirer un peu les qualifications
juridiques. Mais il est vrai qu’en 1995, le Conseil constitutionnel ne faisait pas encore
preuve d’une telle audace et cantonnait encore les principes du droit répressif à la
de droit commun, alors que pour tous les autres délits, ceux soumis à un régime
le premier cas, mais pas dans la seconde hypothèse. Aucune considération juridique
ne justifie que le droit soit plus protecteur des libertés, en matière de délits de droit
par exemple, qui permettait alors aux directeurs et receveurs d’utiliser la contrainte,
pénale, en tant que moyen de traitement judiciaire des infractions les moins graves,
mais seulement l’absence d’intervention d’un juge du siège, confirmant, ici encore, la
1075 Article 345 du Code des douanes, version 1995 : « Les directeurs et les receveurs des douanes peuvent
décerner contrainte pour le recouvrement des droits et taxes de toute nature que l'administration des
douanes est chargée de percevoir, pour le paiement des droits, amendes et autres sommes dues en cas
d'inexécution des engagements contenus dans les acquits-à-caution et soumissions et, d'une manière
générale, dans tous les cas où ils sont en mesure d'établir qu'une somme quelconque est due à
l'administration des douanes ».
1076 RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? », op. cit.,
p. 75.
1077 Le président du tribunal correctionnel pour les délits, le tribunal de police ou le juge de proximité
pour les contraventions, ou encore le juge des enfants pour les mineurs.
L’existence du procès 277
l'action publique et des autorités de jugement. Celui-ci sera pourtant rejeté par le
l’injonction pénale, au motif principal que, si la peine est effectivement proposée par
le ministère public, seul un magistrat du siège peut l’homologuer, après s’être assuré
que l'intéressé a reconnu, en toute liberté et en toute sincérité, être l'auteur des faits. Il
fonctions répressives1084.
1078 Introduite en droit interne, dans le Code de procédure pénale, par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999
préc.
1079 En faisant abstraction de la tentative avortée d’injonction pénale, pour cause de censure
constitutionnelle, Cf supra n° 445 et s.
1080 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 préc.
1081 Cf infra n° 678 et s.
1082 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
1083 La nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime , les intérêts de la société
les déclarations de la victime apportant un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur.
1084 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 107 : « [...] qu'il ressort de l'économie générale
des dispositions contestées que le président du tribunal de grande instance pourra également refuser
d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les
conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ; que, sous cette
278 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
le cas de figure où c’est la même personne qui les exerce successivement, le plus
est validée, sous la réserve déterminante, que le juge en charge de l’homologation ait
toute latitude pour la refuser, quand les conditions de son acceptation ne lui
l’impartialité. Dans une telle situation, il ne serait alors plus possible de parler de
double regard sur l’affaire, tant le second serait voilé par l’intensité du premier.
458. Cette position du juge constitutionnel français n’est pas sans susciter le débat. La
justice imposée « d’en haut » vers une justice négociée, voire contractualisée 1085. En
effet, il n’est pas interdit de voir dans l’acte homologué, une forme de convention, ne
serait-ce que parce que les mineurs ont été exclus du dispositif, en raison de leur
réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe de séparation des autorités chargées de
l'action publique et des autorités de jugement ; ».
1085 ALT-MAES F., « La contractualisation du droit pénal mythe ou réalité ? », R.S.C., 2002, p. 501.
1086 SAAS C., « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur »,
R.S.C., 2004, p. 827.
L’existence du procès 279
et des autorités de jugement, même sous de prudentes réserves, est, elle, plus sujette
à discussion.
République, qui voit ses prérogatives renforcées, alors même que son statut, lui, n’a
compétences se réalise ici au détriment du juge du siège, qui n’est là que pour
« approbation judiciaire à laquelle la loi subordonne certains actes et qui, supposant du juge
force exécutoire d'une décision de justice1089 ». Son rôle s’apparente, d’une certaine
manière, à celui d’un juge de l’excès de pouvoir des décisions du parquet, réduit à
délinquant1090.
460. C’est sur ce point précis, que la décision constitutionnelle ne donne pas, sur le
de culpabilité n'est pas, dans son principe, contraire à la séparation des autorités de
poursuite et de jugement, c'est à la condition sine qua non que le magistrat du siège ne
1087 Cf Cons. 1 de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 préc. : « l’article 61 de la Constitution ne (lui)
confère pas [...] un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui
donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son
examen ».
1088 Cf supra. n° 351 et s.
1089 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit. : Cf « Homologation ».
1090 SAINT-PAU J.-C., « Le ministère public concurrence-t-il le juge du siège ? », Rev. Dr. Pén.,
Septembre 2007, étude 14, p. 13.
280 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
renforcée par l’élargissement des hypothèses possibles de refus, opéré par la réserve
461. Cette exigence, outre une certaine ambiguïté relevée par certains auteurs 1091, peut
souvent à un simple acquiescement judiciaire d'un acte, dont les termes essentiels
seraient hors de portée de celui qui les approuve, confère au juge du siège des
pouvoirs, sans doute encore trop limités. Dans ces conditions, voir dans
d’impartialité, peut sembler tout de même très optimiste, tant le risque d’un contrôle
simplement formel est important. Il est tout de même difficile de nier, que les
procédure pénale, il était assez naturel que le Conseil l’étende à d’autres formes de
1091 BUSSY F., « Nul ne peut être juge et partie », D, 2004, p. 1745.
L’existence du procès 281
463. Là, où la plupart des barreaux des pays occidentaux séparent strictement les
France régnait un certain désordre, sanctionné par la Cour de cassation. En 2000 1095,
l'article 189 du décret du 27 novembre 19911096 le pouvoir d'apprécier les suites à donner à
jugement, puisqu’il pouvait, de sa propre initiative 1097, procéder à une enquête sur le
1092 C’était d’autant plus souhaitable, que les deux juridictions suprêmes nationales et la Cour
européenne des droits de l’homme retiennent, depuis longtemps, une conception matérielle du
tribunal et appliquent ainsi le principe d’impartialité des juridictions, à toutes les institutions
indépendantes dotées de pouvoirs de sanction. Cf C.E., Ass., 3 décembre 1999, Didier, n° 207434,
Rec. p. 399, R.F.D.A., 2000, p. 210, concl. A. SEBAN, « que, cependant - et alors même que le Conseil des
marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le
moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité
rappelé à l'article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet
organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'État à l'encontre de sa
décision ».
1093 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. [Conseil de discipline des
avocats], JO, 30 septembre 2011, p. 16472.
1094 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. [Discipline des vétérinaires], JO, 26
novembre 2011, p. 20016. La question de l’impartialité fonctionnelle des membres de la formation
disciplinaire des vétérinaires, sera traitée dans la partie suivante (B) 2)), dans la mesure où
l’argumentation du juge constitutionnel ne distingue pas la problématique de la séparation des
autorités de poursuite et de jugement, de celle du cloisonnement entre les fonctions d’instruction
et de jugement.
1095 Cass. 1ère civ., 23 mai 2000, pourvoi n° 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n° 151, p. 99.
1096 Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
1097 « Ou à la demande du procureur général ou sur la plainte de toute personne intéressée ».
282 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
disciplinaire restreinte), qu’il présidait, selon les termes l’article 6 du même décret.
barreau de Paris est maintenu dans ses attributions disciplinaires. Cette exception se
justifie par la situation particulière de ce barreau, qui enregistre la moitié des avocats
inscrits en France et qui se trouve, dès lors, moins exposé aux risques de proximité
que ses homologues provinciaux. Ces conseils de discipline sont composés d’avocats,
les conseil de l’ordre, ne font pas partie de ces instances disciplinaires. À Paris, la
1098 BLANCHARD B., Obs., Cass. 1ère civ., 23 mai 2000, D, 2002, p. 859.
1099 Loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou
juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes
aux enchères publiques, JO, 11 février 2004, p. 2847.
1100 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1972, p. 131.
1101 Cette réforme législative n’a toutefois pas concerné la procédure disciplinaire applicable aux
avocats en Polynésie française, ce qui suscita une question prioritaire de constitutionnalité
spécifique à la situation des avocats polynésiens, Décision n° 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M.
Jérôme P. [Conseil de discipline des avocats en Polynésie française]. Le Conseil constitutionnel a donc
décidé, via une réserve d’interprétation, que le principe d’impartialité empêchait le bâtonnier en
exercice de l’ordre du barreau de Papeete, ainsi qu’aux anciens bâtonniers ayant engagé la
poursuite disciplinaire, de siéger dans la formation disciplinaire du conseil de l’ordre du barreau
(Cons. 9).
L’existence du procès 283
465. Dans les deux formes d’organisation prévues par l’article 22-2 de la loi du 31
décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004, le bâtonnier, qui
466. En effet, même s’il n’est plus membre lui-même du conseil de discipline, le
bâtonnier, autorité de poursuite, siège au conseil de l'ordre parmi les membres des
cette formation sont désignés par le conseil de l'ordre, lequel est présidé par le
bâtonnier en exercice, autorité de poursuite, le lien ainsi établi n’est pas, en soi, de
exige que ce soit la même personne qui les exerce, elle-même, successivement, ce qui
également la même position, sur cette question du cumul des fonctions de poursuite
exercé par le Conseil national, lequel entendait en appel les décisions rendues par le
Certes, dans les barreaux les plus importants, le conseil de l'ordre se réunit
des membres des formations disciplinaires. Mais l’objet de ces séances de travail ne
porte que sur des questions purement administratives. Il n’y a donc aucune raison
siègent au conseil de discipline seraient d’un quelconque parti pris dans une affaire
dans une autre instance, dont l’objet et le rôle n’ont rien de comparable.
470. Bien différente en tous cas est la situation du magistrat du siège dans la
entre les organes administratifs et les instances disciplinaires, bien plus qu’une
Commission bancaire, conformément aux pouvoirs que lui confère l'article L613-21
autorité de régulation. Bien que la Commission bancaire ait été absorbée par
affaire, qu’elle serait compétente pour juger ultérieurement. D’une manière générale,
fait planer un doute sur son impartialité, lorsqu’il s’agira de statuer sur le fond du
litige1118, même si le droit positif reconnaît certaines situations, dans lesquelles elle est
double condition que celles-ci soient, d’une part, justifiées par la poursuite d’un
objectif d’intérêt général et, d’autre part, encadrées par des garanties à même
dans son versant juridictionnel1121, n’est pas nouvelle puisqu’elle constituait déjà le
475. Le Conseil d’État, d’abord, dans le premier volet de l’affaire Dubus 1122, considéra
soi, contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits
administrative à statuer ainsi. Ce n’est là, en tous cas, qu’un palliatif bien fragile et
1120 Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre [Autorité de la
concurrence : organisation et pouvoir de sanction], JO, 13 octobre 2012, p. 16031 ; Décision n° 2012-286
QPC du 7 décembre 2012, Société Pyrénées services et autres [Saisine d'office du tribunal pour
l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire], JO, 8 décembre 2012, p. 19279, Cons. 4.
1121 En vertu des textes législatifs, la Commission bancaire revêt une double nature juridique, autorité
administrative quand elle exerce sa mission de surveillance, juridiction administrative quand elle
exerce son pouvoir de sanction.
1122 C.E., 30 juillet 2003, Société Dubus SA, n° 240884.
1123 Idem (cinquième considérant) : « [...] qu'une telle possibilité conférée à une juridiction de se saisir de son
propre mouvement d'affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n'est pas, en soi,
contraire à l'exigence d'équité dans le procès rappelé par l'article 6-1 de la convention européenne des droits
de l'homme et des libertés fondamentales ; ».
1124 Dans les deux décisions (constitutionnelle et conventionnelle), commentées ci-après, précisément,
dans les deux cas, un titulaire avait participé à la décision d'ouverture des poursuites, puis avait
siégé dans la formation de jugement, faute de suppléants suffisamment nombreux pour atteindre
le quorum.
288 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
même, si ce n’était pas la première fois qu’elle adoptait cette contestable position1125,
européenne des droits de l’homme. Ce fut chose faite en 2009, dans le même dossier,
grande imprécision des textes applicables, qui est mise en cause par le juge européen.
la « théorie des apparences1128 » qui a été déterminante ici, tant la Cour estime que
« la société requérante pouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes
personnes qui l’ont poursuivie et jugée1129 » et en conclut donc, qu’elle « croit nécessaire
d'encadrer plus précisément le pouvoir de se saisir d'office de manière à ce que soit effacée
procédure1130 ».
477. Autrement dit, pour le Conseil d’État1131, comme pour la Cour européenne, la
c’est que l’acte de saisine laisse trop ostensiblement percer l’opinion du juge, en
1125 Cf notamment C.E., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited, n° 180122, Rec. p. 433 ; A.J.D.A.,
2000, p. 1071, note SUBRA DE BIEUSSES P., L.P.A., 8 février 2001, n° 6, p. 272, note SALOMON R.,
même si le Conseil d’État parvient à une solution différente ici.
1126 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France préc.
1127 Elle affirme même qu’elle « s’accorde avec l’analyse du Conseil d’État, qui n’a pas remis en cause la
faculté d’autosaisine de la Commission bancaire », Idem, § 60.
1128 JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, op. cit.
1129 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France préc., § 60.
1130 Ibidem.
1131 C.E., 6 janvier 2006, Sté Lebanese Communication Group, n° 279596, Rec. p. 1.
L’existence du procès 289
impliquant une appréciation préalable. Les faits litigieux ne doivent pas paraître
établis, sans possibilité de remise en cause. Quand tel est le cas, il y atteinte au
procédure est validée dans l’hypothèse inverse1133. Pour la Cour de Strasbourg, toutes
mêmes. La procédure de saisine d’office peut passer entre les « fourches caudines »
Cour en jugeant que, « eu égard à l'insuffisance des garanties dont la procédure était
poursuivre, d'une part, et sur la sanction, d'autre part, était de nature à faire naître un doute
été accordé aux dispositions litigieuses, en raison des garanties légales entourant la
480. Depuis, le législateur français a tiré tous les enseignements normatifs qui
prudentiel, qui sépare de manière très étanche les fonctions de poursuite, exercées
autant, ce modèle procédural rigoureux, en parfaite conformité avec les exigences les
plus sévères, est encore loin d’être généralisé à toutes les autorités administratives
désormais pas seulement aux juridictions au sens organique du terme, mais devra
être respectée par toutes les entités indépendantes, dotées de pouvoirs coercitifs. Un
nombre important d’autorités (et pas des moindres) devront sans doute être
réformées, afin de mettre leur structure en adéquation avec les exigences du juge
jugement
481. La distinction étanche, entre celui qui instruit une affaire et celui qui la juge, est
cadre naturel, celui du droit pénal (1), en détaillant clairement les contraintes qui en
découlent, avant de l’étendre à une autre forme de sanction punitive, celle prononcée
pénale. D’abord, l’article 491142, alinéa 2, affirme que le juge d’instruction ne peut, à
Ensuite, l’article 253 du même Code, pose les conditions d’exclusion de la cour
magistrats qui, dans l'affaire soumise à la Cour d'assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou
d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond
publique et des autorités de jugement, ses exigences dépassent, ici encore, celles de la
équitable repose sur la nécessité d’un juge de qualité, indépendant des pouvoirs
484. Il eut d’abord une première occasion, dont il ne s’est malheureusement pas saisi,
Même si l’on peut regretter ce rendez-vous en partie manqué, notamment pour deux
1142 « Le juge d'instruction est chargé de procéder aux informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III.
Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge
d'instruction [..] ».
L’existence du procès 293
raisons qui seront exposées, il sera toutefois possible d’en tirer de riches
Conseil dut se prononcer, sur la conformité aux droits et libertés que la norme
Ces tribunaux sont présidés par un magistrat du siège et sont composés de quatre
un agent des affaires maritimes, voire deux, quand le prévenu n’est pas un marin. Le
second lieu, une violation du principe d’impartialité du juge, puisque les fonctions
1143 Décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux],
JO, 3 juillet 2010, p. 12120.
1144 L’adjectif « commercial » a été choisi pour désigner le caractère professionnel et non militaire, de la
compétence de ces tribunaux.
1145 Décret-loi du 29 juillet 1939 modifiant les art. 25, 30, 31, 33, 35, 36, 37, 86, 88, 90, 91, 92, 93 et 94 de
la loi du 17-12-1926 portant Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, JO, 3 août 1939,
p. 9820.
1146 Les tribunaux maritimes commerciaux sont compétents pour connaître des contraventions ou
délits prévus par les articles 39 à 43, 45, 54 à 57, 59, 62 à 67, 80 à 85, 87 et 87 bis du Code
disciplinaire et pénal de la marine marchande.
1147 Décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010 préc., Cons. 2.
1148 Le quatrième alinéa de l’article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, dispose
que l’administrateur, membre du tribunal maritime commercial, n’a pas participé préalablement à
l’instruction de l’affaire jugée.
294 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
juge indépendant peut, ponctuellement, ne pas être impartial, en raison des fonctions
qu’il exerce dans une juridiction donnée (impartialité fonctionnelle) ou, eu égard aux
liens qu’il entretient avec une des parties au procès, dans lequel il assure une des
cette qualité n’est autre que « l’indépendance en action »1150. Tel est, sans doute, le
séparation des fonctions judiciaires aux seules infractions de droit commun, était
d’opportunité1152, le juge constitutionnel serait, sans doute, bien avisé d’y renoncer.
488. Le second regret, enfin : l’abstention de la Haute juridiction sur cette question,
des deux fonctions. Le Conseil constitutionnel n’est réellement hostile au cumul des
c’est la même personne qui les exerce successivement. La décision du 3 juillet 2010 ne
une année supplémentaire, pour obtenir un élément de réponse plus précis à cette
question.
489. Deux décisions controversées de l’été 20111154, qui suscitèrent d’ailleurs des
l'organisation judiciaire, qui permet au juge des enfants ayant instruit un dossier, de
reproche lui était adressé : aucune disposition du nouvel article 24-1 de l’ordonnance
des mineurs, qui voit ainsi ses fondements sérieusement ébranlés, par la
jurisprudence constitutionnelle.
491. La justice pénale des mineurs1157 bénéficie, depuis le début du XXe siècle1158, d’un
distribution des compétences entre les différents acteurs, dans le but récurrent
1156 Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, JO, 4 février 1945, p. 530.
1157 BAILLEAU F . (dir.), La justice pénale des mineurs en Europe : entre modèle Welfare et inflexions néo-
libérales, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 2007 ; YOUF D. (dir.), La justice pénale des
mineurs, La documentation française, Paris, 2007.
1158 Le tribunal pour enfants a été créé par l’article 18 de la loi sur les tribunaux pour enfants et
adolescents et sur la liberté surveillée du 22 juillet 1912, JO, 25 juillet 1912, p. 6690.
1159 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 26.
L’existence du procès 297
lui appartient ensuite de répartir les affaires à instruire, entre le juge d’instruction et
dernier, qui cumule alors les fonctions d’instruction et de sanction. C’est aussi le cas,
juger les mineurs récidivistes de plus de seize ans, poursuivis pour des délits punis
possibilité offerte au juge des enfants, qui a instruit le dossier, de présider ensuite,
Conseil constitutionnel, dans la décision de juillet. Ce grief, qui n’avait pas été
mineur justiciable. Le fait que ce soit le même magistrat, qui suive le dossier de
l’instruction jusqu’au jugement, permettrait ainsi une meilleure prise en compte des
1160 Le juge d’instruction a une compétence exclusive en matière criminelle alors que la compétence est
partagée en matière délictuelle et en matière de contraventions de cinquième classe.
1161 Délits et contraventions de cinquième classe commis par les mineurs de dix-huit ans, ainsi que des
crimes commis par les mineurs de seize ans.
1162 Il est assez intéressant de constater, que la capacité du Conseil constitutionnel de soulever d’office
une question de conformité à la Constitution, même précisément, dans le souci de protéger ce
principe, peut poser un problème d’impartialité. Il est, en effet, possible de se demander si, dans
un cas comme celui-ci, la saisine d’office ne préjuge pas un tant soit peu de la décision finale.
298 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
ces justifications sont passées sous silence par les deux décisions du Conseil, qui n’a,
excessives au regard des principes qui ont toujours sous-tendu la justice des mineurs.
question et surtout, elles reposent sur une logique rigoureuse en apparence, mais qui
495. Pour le Conseil constitutionnel, que le juge des enfants qui a instruit la
mineurs, habilitée à prononcer des peines. Il est possible d’en tirer deux
enseignements.
strictement prohibée, que dans le champ d’application matériel des peines. C’est
donc là une acception stricte du principe de séparation des fonctions répressives, qui
n’est là pour garantir l’impartialité de la justice, que dans le cas où celle-ci serait
qui n’a réellement de sens qu’en matière pénale, afin d’assurer un double regard
objectif sur une même affaire. Dans l’hypothèse où la procédure ne peut conduire
approfondie du dossier, par un même magistrat, retrouve tout son sens. Il sera
seulement fait observer, qu’on comprend difficilement pourquoi, le juge des enfants
L’existence du procès 299
magistrat ayant instruit le dossier, qui est censurée par le Conseil constitutionnel, pas
l’article 49, alinéa 2 et l’article 253, précédemment cités1163, qui posent le principe de
distinction, dont il est difficile de cerner les raisons ou de situer le fondement. Le juge
des enfants serait-il moins partial, en siégeant comme simple assesseur, plutôt qu’en
préalablement instruite ? Tout au plus, son influence sur la décision finale, sera, sans
doute, atténuée, mais le risque de partialité individuelle reste le même dans les deux
situations.
498. Ces deux jurisprudences constitutionnelles traduisent une exigence plus sévère,
met en balance1167.
499. La même année, la Cour européenne de Strasbourg adopte une position assez
permet. Elle ne condamne pas le cumul de fonctions en soi, mais estime qu’il pourrait
d’instruction qu’il a pu diligenter. Pour affiner son analyse, le juge européen reprend
visage, elle « doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la
conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective
amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute
légitime1172. ».
500. Dans l’affaire Nortier, il n’y avait pas violation des stipulations
qui ne fut pas le cas, en 2010, dans une affaire polonaise, Adamkievicz 1173, dans
comme aussi dans celles des règles de Beijing, approuvées par les Nations unies le 6 septembre 1985, qui
reconnaissent la spécificité du droit pénal des mineurs ; », Cass. crim, 7 avril 1993, n° 92-84725, préc.
1167 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 28 : « Considérant, enfin, que, lorsqu'il fixe les
règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences
constitutionnelles énoncées ci-dessus avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir
les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la
sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ; ».
1168 C.E.D.H., 24 août 1993, Nortier c/ Pays-Bas, requête n° 13924/88, série A, n° 267, R.T.D.H., 1994,
p. 437, note VAN COMPERNOLLE J.
1169 C.E.D.H., 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, requête n° 10486/83, série A, n° 154, J.D.I., 1990,
p. 727, obs. ROLLAND P. et TAVERNIER P.
1170 Idem, § 48 : « Elle consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains
faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier ».
1171 Idem, § 47 : « Au demeurant, l’impartialité personnelle (subjective) d’un magistrat se présume jusqu’à la
preuve du contraire, non fournie en l’espèce ».
1172 Idem, § 46.
1173 C.E.D.H., 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, requête n° 54729/00.
L’existence du procès 301
501. D’abord, la Cour prend soin de rappeler les principes posés dans la décision
Nortier, qui ne sont pas remis en cause, dès lors que le cumul de fonctions est
502. Surtout, ces deux décisions, Nortier et Adamkiewicz, ne sont que les deux
positive et la seconde, à une conclusion négative. Dans les deux cas, la Cour
inéluctablement à la censure.
une affaire sur laquelle il sera ultérieurement amené à statuer, est une préoccupation
Padovani1175 ou Bulut1176, il est manifeste que le cumul des fonctions judiciaires n’est
plus, en soi, une cause automatique de partialité1177. Il y a là, à l’égard d’une mesure
même critère de validité que celui opérant pour la saisine d’office. Ni l’une, ni l’autre
mais ce qui est prohibé, c’est qu’elles laissent, de manière trop ostentatoire,
1177 Idem, § 33 : « En l'espèce, la crainte que la juridiction de jugement ait pu ne pas être impartiale se fonde sur
le fait que l'un des juges avait interrogé des témoins lors de l'instruction préparatoire. Incontestablement,
pareille situation peut susciter chez le prévenu des doutes sur l'impartialité du juge, mais on ne saurait
pourtant les considérer comme objectivement justifiés qu'en fonction des circonstances de la cause; qu'un
juge de première instance ait déjà eu à connaître de l'affaire avant le procès ne saurait en soi justifier des
appréhensions quant à son impartialité ».
1178 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 préc.
1179 Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 préc. ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
1180 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc., Cons. 5 : « Considérant, en deuxième lieu, qu'il
résulte des termes de l'article 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée que le bâtonnier de l'ordre du
barreau de Paris n'est pas membre de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris ; ».
L’existence du procès 303
droits de l’homme, qui adoptent, toutes deux, sur la question, des positions
deuxième degré, qui entend en appel, les jugements rendus par la Chambre régionale
cela, elle s’inscrit parfaitement en droite ligne, de ce qui avait été jugé pour les
disciplinaire, ne doit pas conduire celui qui a accompli des actes d’instruction, à
cette indispensable réserve, que le brevet de constitutionnalité est accordé. Une fois
encore, comme il l’avait fait précédemment pour le juge des enfants, le Conseil
à une disposition législative d’y porter atteinte est ainsi devenu, aujourd’hui, un
1181 Les dispositions litigieuses n’empêchent pas, non plus, ce cumul de fonctions.
1182 Article L242-8 du Code rural et de la pêche maritime.
1183 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc.
1184 Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010 préc.
304 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Commission bancaire, en estimant « qu’aucun principe général du droit, non plus que les
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'impose la séparation des phases
européenne partageait cet avis conciliant. Dans la même affaire, elle a jugé, que le
508. Ce sont ici les mêmes considérations que dans l’affaire Adamkiewicz , qui
1187
concreto qu’elle met en œuvre. La perméabilité des deux fonctions n’est condamnable,
seconde. Telle est la position constante du juge strasbourgeois. C’est ainsi, en tous
cas, qu’il faut interpréter la mise en garde de la Cour européenne des droits de
l’homme, contre toute réalisation d'acte d'accusation trop prononcé, durant la phase
d’instruction.
509. Le Conseil constitutionnel a une opinion plus tranchée, qui trouve sans doute
pas, à elle seule, la grande sévérité de la Haute juridiction, sur le cumul de fonctions
reflète surtout l’importance prioritaire qu’il accorde aux qualités de probité du juge,
510. Le problème soulevé par la participation, d’une même personne, sur le même
avec la confusion des fonctions judiciaires. C’est sans doute ce qui explique la
même fermeté, hostile à toute forme de cumul. Tout au moins, le Conseil n’applique
sociale
512. Les Commissions départementales d’aide sociale (C.D.A.S.), puisque c’est d’elles
compétentes pour juger des recours, formés contre les décisions du président du
Conseil général ou du préfet, en matière d’aide sociale. Les litiges qu’elles entendent,
sur l'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées et, en ce qui
maladie universelle.
pouvoir, où elle constitue un moyen de légalité externe, fréquemment utilisé par les
organise leur composition, prévoit, en effet, que ces dernières comprennent, outre un
dans ces commissions pouvaient être amenés à se prononcer sur des questions
dossier qu’un de ses collègues, du même service départemental (ou lui-même), avait
514. Le Conseil d'État avait jugé1194 que la seule présence de fonctionnaires, parmi les
légitime sur l'impartialité de celle-ci, y compris quand l’État était partie au litige.
1191 « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou
le magistrat désigné par lui pour le remplacer. Elle comprend, en outre :
- trois conseillers généraux élus par le conseil général ;
- trois fonctionnaires de l'État en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l'État dans le
département [...] ».
1192 Cf supra n° 484 à 486, concernant les Tribunaux maritimes commerciaux.
1193 Cf infra n° 535 et s.
1194 C.E., 6 décembre 2002, Trognon, n° 240028 ; R.F.D.A., juillet-août 2003, p. 694, concl. FOMBEUR P. ;
A.J.D.A., 2002, p. 1418, obs. BIGET C.
308 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
estime, de longue date, que l’intégration d’agents publics dans une formation de
jugement, n'est pas suffisante, en elle-même, pour faire douter de son impartialité1195.
515. Cependant, dans le cas précis où les agents publics, siégeant dans la formation
de jugement, étaient amenés à connaître des dossiers traités par leur service, dans le
cadre de leurs fonctions administratives, le Conseil d'État avait considéré qu’il y avait
juridiction administrative avait jugé que des garanties étaient alors nécessaires, pour
Conseil d’État1197 n’a pas conduit à une interdiction de siéger à l’encontre des
C.D.A.S., mais a seulement fixé des règles d’interprétation strictes, afin que les
516. Le Conseil constitutionnel se montre plus radical que son voisin du Palais
Constitution, ses deuxième et troisième alinéas, ce qui exclut la présence des trois
le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité 1198, ne permet pas toutes les
nuances autorisées par un examen concret, tel qu’il est pratiqué par les juridictions
1195 C.E.D.H., 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, requête n° 2614/65, série A, n° 13. La Cour estime, en
revanche, qu’un lien de subordination avec l'administration, partie au procès, mettrait en cause
cette impartialité.
1196 C.E., 6 décembre 2002, Trognon préc., Cons. 4 : « [...] qu'il peut être porté atteinte à ce principe lorsque,
sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un fonctionnaire
appelé à siéger dans une des formations de jugement de la commission centrale d'aide sociale le font
participer à l'activité des services en charge des questions d'aide sociale soumises à la juridiction ; qu'il suit
de là que lorsqu'elles statuent, comme en l'espèce, sur un litige portant sur des prestations d'aide sociale
relevant de l'État, ces formations ne peuvent comprendre, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres
membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service ou de la direction en charge de l'aide
sociale au ministère des affaires sociales ; ».
1197 C.E., 6 décembre 2002, Trognon préc.
1198 C’est ce que fait remarquer le professeur Guillaume DRAGO, « Quels principes directeurs pour le
procès constitutionnel ? », op. cit., p. 448, à propos du contrôle effectué par le Conseil, sur une
question de constitutionnalité « qu’il doit trancher, in abstracto ».
L’existence du procès 309
nature du contrôle, le Conseil constitutionnel adopte ici une position nette, qui, de
même que celle manifestée lors du contrôle du cumul des fonctions judiciaires,
centrales d’aide sociale (C.C.A.S.), qui entendent en appel, les décisions prises par les
disposition ne faisait obstacle à ce que cette juridiction comprenne en son sein, pour
juger d’un litige relevant de l’État, des agents publics, exerçant leur activité au sein
causes ont donc produit les mêmes effets : le Conseil a adopté une position identique
à celle retenue à propos des C.D.A.S., dans la décision précitée du 25 mars 2011 1200. Il
1199 Décision n° 2012-250 QPC du 8 juin 2012, M. Christian G. [Composition de la commission centrale
d'aide sociale], JO, 9 juin 2012, p. 9794.
1200 Décision n° 2010-110 QPC préc.
310 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
518. Eu égard à la qualité des membres qui composent le Conseil constitutionnel, les
marginales (1). Les règles procédurales du procès constitutionnel, pour essayer d’y
remédier, existent bel et bien et donnent des résultats plutôt satisfaisants, même s’il
que l’on exerce au soir d’une brillante carrière politique, administrative ou juridique.
Il n’est donc pas rare, surtout depuis l’arrivée du contrôle a posteriori, qu’un juge
constitutionnelles, quand celles-ci statuent sur des contestations relatives aux droits
membre de la Haute juridiction française, peut prendre deux formes distinctes, selon
1201 Pour une approche historique de la notion, BERNABÉ B., La récusation des juges : étude médiévale,
moderne et contemporaine, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, 2009.
1202 C.E.D.H., 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne, requête n° 12952/87, série A, n° 262, R.F.D.C., 1994,
p. 175, obs. COHEN-JONATHAN G et FLAUSS J.-F.
L’existence du procès 311
personnalités issues du monde politique1204 et, dans une moindre mesure, d’anciens
de textes législatifs (ou alors, les avoir combattus dans les assemblées
juge constitutionnel.
d’un ancien membre du Conseil d'État, qui, dans le cadre de ses fonctions
projet (ou d’une proposition1205) de loi, qu’il serait amené à examiner ensuite, dans le
d’État, qui voit ainsi une autorité qui a contribué à la confection d’un acte normatif,
préventif, car, non seulement, ce ne sont pas les mêmes qui conseillent et qui jugent
mais, de surcroît, l'avis litigieux ne leur est pas communiqué. Toutefois, sans trop
s’avancer, il est vraisemblable que les sages auraient validé la dualité fonctionnelle
de leur voisin du Palais Royal, dans la mesure où, en 20001207, dans le contrôle d’une
523. La Cour européenne des droits de l’homme ne partage pas exactement cette
position. En 1995, elle a jugé, au sujet du Conseil d'État luxembourgeois, que « le seul
fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des mêmes décisions, les deux
1206 C.E., 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n° 320667, Gaz. Pal., 14 mai 2010, p. 13, obs.
ROUSSEAU D.
1207 Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, JO, 27 juillet 2000, p. 11550.
1208 Idem, Cons. 42 : « Considérant que la disposition critiquée [...] confie à un décret en Conseil d'État la
fixation de la liste des cantons concernés ; qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire d'arrêter cette liste,
sous le contrôle du juge administratif, dans le respect du critère énoncé par la loi ; que le grief est, dès lors,
inopérant ; ».
1209 C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, requête n° 14570/89, série A, n° 326, § 45, D,
1996, p. 301, note BENOIT-ROHMER F., A.J.D.A., 1996, p. 383, chron. FLAUSS J.-F., J.C.P., 1996, I,
3910, obs. SUDRE F. ; AUTIN J.-L. et SUDRE F., « La dualité fonctionnelle du Conseil d'État en
question devant la Cour européenne des droits de l'homme », R.F.D.A., 1996, p. 777.
1210 Ibidem.
1211 Loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, JO du
Grand-Duché de Luxembourg, Recueil de Legislation A, n° 79, p. 2261, 19 novembre 1996.
L’existence du procès 313
juge européen a quelque peu tempéré sa position, dix ans plus tard, à propos du
Conseil d’État français1213. Refusant d’adopter une position trop rigide sur la
525. Le déport est le devoir du juge, de s'abstenir chaque fois que son impartialité
pourrait être remise en cause. Avant l’entrée en vigueur du contrôle a posteriori, les
être citées, mais sans mention particulière dans la décision concernée, telle que celle
1212 Les fonctions juridictionnelles furent transférées à une Cour administrative, alors que le Conseil
d'État continuait d'assurer les fonctions consultatives.
1213 C.E.D.H., 9 novembre 2006, Société Sacilor-Lormines c/ France, requête n° 65411/01, AUTIN J.-L. et
SUDRE F., « L'impartialité structurelle du Conseil d'État hors de cause ? », R.F.D.A., 2007, p. 342.
1214 « [...] il n'y pas lieu d'appliquer une doctrine particulière de droit constitutionnel à la situation du Conseil
d'État français et de statuer dans l'abstrait sur la compatibilité organique et fonctionnelle de la consultation
du Conseil d'État [...] », C.E.D.H., 9 novembre 2006, Société Sacilor-Lormines c/ France préc., § 71.
1215 Idem, § 74.
1216 Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au
droit d'asile, JO, 12 mai 1998, p. 7092.
314 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
penché sur le Traité élaborant une Constitution pour l'Europe, à l'élaboration duquel
il avait pris une part prépondérante. Même s’il souffrait d’un certain nombre de
constitutionnalité, que cette pratique devait être institutionnalisée, au sein d’un texte
20101219.
526. La récusation est, quant à elle, le droit à la disposition d’une partie, de pouvoir
obtenir qu’un membre d’une juridiction ne prenne part à la décision, quand son
impartialité semble incertaine. Son fonctionnement est également prévu par le même
article, relatif à la procédure suivie par le Conseil, lors de l’examen des questions
constitutionnel visé. Celui-ci peut l’acquiescer ou la refuser, ce qui donne alors lieu à
les risques de partialité en son sein. À l’occasion de deux affaires distinctes, traitées le
1217 Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité élaborant une Constitution pour l'Europe, JO, 24
novembre 2004, p. 19885.
1218 En premier lieu, il n'était pas toujours simple de distinguer les déports volontaires, pour éviter les
risques de partialité, des absences classiques. En second lieu, les abstentions étaient
discrétionnairement décidées par le seul membre concerné, sans contrôle particulier du Conseil
constitutionnel sur le choix effectué.
1219 Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010 préc.
L’existence du procès 315
même jour1220, le Conseil fut saisi en juin 2011, de six demandes de récusation : il en
écarta trois et, deux d’entre elles provoquèrent le déport des membres concernés1221.
528. Manifestement, les trois rejets l’ont été sur le fondement de l’alinéa 4 de l’article
4 du règlement intérieur précité, qui dispose que « le seul fait qu'un membre du Conseil
précision était sans doute, nécessaire, pour éviter des motifs de récusation en trop
grand nombre, risquant, de plus, de mettre en échec les délibérations, pour cause de
législative examinée n’est pas suffisante, en elle-même, pour caractériser une cause
de récusation, en revanche, c’est bien le cas quand « les actes accomplis impliquent que
leur auteur a porté une appréciation sur la constitutionnalité de cette norme1223 ». C’est la
raison qui justifie ici, l’abstention de MM. Jacques BARROT et Michel CHARASSE.
demande de récusation tous ses effets, lui préférant le mécanisme plus maîtrisé (et
surtout, moins formalisé) de l’abstention. Il est possible de le regretter, tant il eut été
Celle-ci, à n’en point douter, aurait été riche d’enseignements complémentaires, sur
530. En ordonnant que le magistrat qui statue sur une affaire ne soit, ni celui qui l’a
constitutionnelle, sans doute desservie par les faiblesses du contrôle abstrait, révèle
MOTULSKY, « une idée inhérente à la qualité même de juge1224 ». En somme, elle est la
traduction contentieuse de l’adage, selon lequel « nul ne peut être juge et partie1225 »,
c’est à dire que « le juge doit être neutre par rapport à la situation qu’on lui soumet et par
rapport à la personne des parties qui argumentent devant lui1226 ». La Haute juridiction
1224 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 190.
1225 BUSSY F., « Nul ne peut être juge et partie », op. cit., p. 1745.
1226 FRISON-ROCHE M.-A., « L'impartialité du juge », D, 1999, p. 53.
L’existence du procès 317
532. En premier lieu, se trouvent les hypothèses dans lesquelles le magistrat aurait un
intérêt à favoriser une partie au procès, dans la mesure où le verdict lui permettrait
533. En second lieu, il y a des situations plus délicates à trancher, dans la mesure où
avec une des parties au litige, à une communauté humaine ou d’idées. Le caractère
insidieux de la relation entre juge et partie, ainsi que la difficulté d’établir le lien de
partie
534. La disjonction nette entre, celui qui demande le respect de la règle de droit et
deux principales catégories d’acteurs du procès, peut être dégradé dans des
hypothèses où, juge et partie, partagent un intérêt. La neutralité de celui qui rend la
318 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
justice1227 est alors corrompue, par les doutes planant sur ses motivations à agir. Telle
magistrature1230 (B).
d’aide sociale, statuant sur des litiges dans lesquels le département est impliqué,
536. Dès 2002, dans l’arrêt Maciolak1231, dans une affaire concernant la Commission
Pascale FOMBEUR, relevait, à juste titre, toutes les ambiguïtés suscitées par la seule
1227 FONTBRESSIN (de) P., « La neutralité du juge », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du
citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruylant, Coll. Union des avocats européens,
Bruxelles, 2001.
1228 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
1229 Cf supra n° 511 et s.
1230 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc.
1231 C.E., 6 décembre 2002, Maciolak, n° 239540, Rec. p. 426.
L’existence du procès 319
peuvent rester totalement indifférents à l’égard des dépenses sociales, premier poste
privilégier les intérêts économiques du département, dont ils votent le budget. Dans
une hypothèse inverse, il n’est pas exclu qu’un électeur de leur canton soit partie au
mathématiquement. Il pourrait alors leur être reproché une partialité dictée par des
intérêts électoralistes.
autant, l’avertissement adressé par le Conseil d’État, ne fit pas réagir le législateur.
538. C’est donc dans un cadre jurisprudentiel très établi, qu’intervient la décision du
1232 FOMBEUR P., concl. sous C.E., 6 décembre 2002, Maciolak, R.F.D.A., 2003, p. 694.
1233 C.E., 30 janvier 2008, Association orientation et rééducation des enfants et adolescents de la Gironde,
n° 274556.
1234 C.E., 21 octobre 2009, M. Bertoni, n° 316881.
1235 Cf les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales de 2001 et du Conseil d’État de 2010
préc.
1236 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
320 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
juridiction était alors prévisible. Dans un sixième considérant1237, très peu explicite
sur les raisons qui l’ont conduit à statuer en ce sens, mais qui rejoignent
539. Le contrôle abstrait mis en œuvre par le Conseil, y compris dans le cadre d’une
prisme d’un examen concret, n’est pas en cause ici. Les deux juridictions suprêmes
vertu duquel, l’élu d’une collectivité territoriale1238, ne peut siéger dans la formation
est partie.
de la magistrature
première fois, verra siéger une majorité de non magistrats dans ses deux
1237 « Considérant, d'autre part, que méconnaît également le principe d'impartialité la participation de membres
de l'assemblée délibérante du département lorsque ce dernier est partie à l'instance ; ».
1238 Cf C.E., 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, n° 158463. L'un des magistrats de la formation du
tribunal administratif qui a rendu le jugement était la fille d'un conseiller municipal de
Sartrouville, commune partie au litige.
1239 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.
1240 Le C.S.M. a été institué par la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l’organisation judiciaire, JO, 31
août 1883, p. 4569.
L’existence du procès 321
profondeur1242.
révision de juillet 20081244. Son article 7 insérait dans la loi organique du 5 février
19941245, deux articles 10-1 et surtout, 10-2, qui définissent les exigences
542. L’article 10-1 pose, dans un premier alinéa, une obligation comportementale, à
10-1. Si les magistrats, membres du C.S.M., sont déjà soumis aux exigences
s’imposent aussi aux « personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs
fonctions1246 », permet d’étendre ces obligations à tous les autres conseillers, ainsi qu’à
conseillers, magistrats ou « laïcs », quelle que soit la formation et quel que soit le
1241 Le C.S.M. comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à
l’égard des magistrats du parquet, qui ont été créées par la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27
juillet 1993 préc.
1242 Cf supra n° 283 et s.
1243 Loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 préc.
1244 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc.
1245 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, JO, 8 février
1994, p. 2146.
1246 Article 10-1 de loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 préc.
322 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
statut1247 et précise, si besoin était, que le membre visé par la contestation ou par une
décision le concernant1248.
543. L’article 10-2, relatif aux règles de déport, est, à la fois, plus riche
544. Le premier alinéa définit une règle générale, dont le champ d’application
l’élaboration d’une décision, dès le moindre doute sur leur impartialité individuelle.
C’est ici, la description d’une modalité, nécessaire au respect des exigences posées
par le premier alinéa de l’article 10-1. L’abstention est, en effet, avec la récusation,
premier alinéa de l’article 10-2, formalise ainsi, dans un texte normatif, un usage
généralisé, alors que la loi organique, dans sa rédaction antérieure1250, n’imposait que
545. Dans le deuxième alinéa, le législateur organique a cru bon de préciser les
C.S.M. La loi organique lui interdit de participer aux délibérations du C.S.M., dans
magistrat, dans une juridiction située dans le ressort du barreau, auprès duquel il est
546. Dans ce second cas, le lien est avéré : les deux professionnels du droit se
membre du C.S.M., pourrait être altérée, d’une manière ou d’une autre, par la
décision rendue par le magistrat, dans l’affaire au cours de laquelle les deux hommes
547. Dans le premier cas, le lien est plus prospectif et le risque d’impartialité plus
de conflit d’intérêts est, elle, bien réelle. Les deux prohibitions de siéger, si elles ne
exigeante du C.S.M., qui doit conduire à un déport systématique d’un membre, dès
la moindre suspicion de partage d’un intérêt commun, entre un juge et une partie. Le
participation d’un chef de Cour, ayant auparavant alerté un ministre sur les lacunes
du magistrat sanctionné1252.
1251 BONNET J., « Le Conseil d’État et le Conseil supérieur de la magistrature », R.D.P., 2004, p. 987
et s., plus particulièrement p. 1005 et 1006.
1252 C.E., 29 juillet 2002, Mme Roubiscoul, n° 224952.
324 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
548. S’il s’est montré disert sur les hypothèses devant aboutir au déport de l’avocat,
membre du C.S.M., le législateur organique est resté silencieux, sur les situations
réserve constructive, dut alors préciser les règles de déport, applicables aux chefs de
interdiction de siéger est faite aux chefs de Cour et de juridiction, quand il s’agit de
nommer un magistrat pour assumer des fonctions dans leur juridiction et, d’autre
549. Cette réserve découle directement des travaux de la Commission des lois du
Sénat1253, qui souhaitait voir explicitement inscrites dans la loi organique, les
rapport sénatorial illustrait d’ailleurs son propos, avec l’une des deux hypothèses
visées par la réserve constitutionnelle, à savoir le cas d’un chef de juridiction, saisi
conflits d’intérêts. Il serait très imprudent d’en dire autant, concernant le second
risque de partialité personnelle, qui réside dans l’idée que le juge peut favoriser une
1253 Rapport n° 635 (2008-2009) de M. Jean-René LECERF, fait au nom de la commission des lois, déposé
le 29 septembre 2009.
1254 Idem, p. 62.
L’existence du procès 325
partie, parce qu’il entretient un lien avec elle, sans forcément en retirer, par ailleurs,
un bénéfice particulier.
551. Dans certains cas, la neutralité d’un membre de la juridiction peut être mise en
doute, en raison de l’existence de liens, plus ou moins directs, avec une partie au
procès. Cette situation, qui se différencie du cas précédent, dans la mesure où il n’y a
profession (A), ni dans le cas des liens syndicaux, entre l’assesseur du tribunal de
sécurité sociale et les parties, le Conseil constitutionnel n’a cru bon de soulever
déplorer car cela lui aurait permis de se pencher sur des structures juridictionnelles,
équitable.
conseil de discipline
552. La composition du conseil de discipline des avocats, dont les membres sont
juridiction ne trouva aucun grief fondé sur l’impartialité fonctionnelle 1256, susceptible
553. Bien plus que l’interrogation, portant sur l'indépendance des membres de
dans le fait de confier la fonction de poursuite au bâtonnier, alors que ses attributions
assure, d’un côté, la défense des membres du barreau dans les actes de la vie civile et
acceptable.
Comment, dans ces conditions, pourrait-il, dans le même temps, être celui qui
entame des poursuites disciplinaires, à l’encontre de son confrère, qui aurait manqué
au respect de ces règles ? Cela semble d’autant plus contraire au droit positif, que la
556. En troisième lieu, selon les termes mêmes de l’article 21, alinéa 2, de la loi du 31
décembre 1971 précité, « [...] Il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel
entre les membres du barreau. Tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice
sans doute, cette fonction qui entre le plus en conflit avec sa qualité d’autorité de
désormais compétent pour trancher, en premier ressort, les réclamations portant sur
les honoraires des avocats1266, ainsi que les litiges liés à un contrat de travail
salarié1267. S’il semble plutôt naturel, au regard de l’autorité qu'il exerce sur les
avocats, que le législateur lui ait attribué ces contentieux, il n’en demeure pas moins,
que ces litiges étant souvent liés à des procédures pour manquements
1261 Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n° 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n° 247, p. 196.
1262 Sur la question, GRUMBACH T. et KELLER M., « Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale
...encore ? », Dr. soc., 2006, p. 52.
1263 Cass. Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-28027, Bull. civ., 2012, V, n° 3.
1264 Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1991, p. 519.
1265 Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
1266 Idem, articles 175 et s.
1267 Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 préc.
328 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
557. Il est regrettable que le juge constitutionnel ne se soit pas saisi de ces questions,
qui n’étaient, certes, pas explicitement posées par la requérante. Tout au plus, le
procédurales n’ont pas suivi une évolution parallèle à celles des règles substantielles.
général, ou à une formation collégiale, comme cela a pu exister, dans l’ancien droit,
et les justiciables
559. Le tribunal des affaires de sécurité sociale est une juridiction civile spécialisée,
sociale, c’est à dire naissant à l’occasion d’une obligation de cotisation, ou d’un droit
1268 « [...] dans une affaire particulière, la question de la partialité d’un juge disciplinaire à l’égard du bâtonnier
est susceptible de se poser au regard des liens qui les unissent [...] ».
1269 Selon les termes de l’article 6 de l’Ordonnance n° 45-2591 du 2 novembre 1945 relative au statut
des avoués, JO, 3 novembre 1945, p. 7161, l’autorité de poursuite disciplinaire était confiée à la
chambre départementale.
L’existence du procès 329
comprend deux assesseurs, l’un représentant les travailleurs salariés et l’autre, les
premier président de la cour d’appel, sur une liste dressée par les autorités
560. C’est ce point particulier qui pose problème et qui est à l’origine de la question
mode de désignation des assesseurs, de porter atteinte au principe d'égal accès aux
assesseurs1274. La Haute juridiction en conclut que les salariés ont les mêmes chances
positions doctrinales sur la question1276 : les syndicats sont supposés représenter tous
organisation. Mais il faudrait, tout de même, faire preuve d’une naïveté certaine,
pour ne pas douter que les organisations professionnelles les plus représentatives,
fassent prévaloir leurs intérêts partisans, en privilégiant des candidats issus de leurs
rangs.
probabilité d’être désigné aux fonctions d’assesseurs, serait optimisée par une
que l’adhésion à un syndicat était une simple faculté 1278. Il est fort regrettable, une
fois encore, que les sages n’aient pas relevé d’office ce moyen d’inconstitutionnalité,
des assesseurs, à l’instar de ce qui se fait pour les conseillers prud’homaux, auxquels
563. La passivité du Conseil dans cette décision suscite immédiatement une crainte
légitime : n’y a t-il pas un risque de partialité personnelle, selon que le justiciable soit
1276 SAVATIER J. , « La notion de représentativité des syndicats en droit français », Les Cahiers de droit,
vol. 9, n° 3, 1968, p. 435.
1277 Article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits
et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».
1278 Décision n° 83-162 DC du 20 juillet 1983, Loi relative à la démocratisation du secteur public, JO, 22
juillet 1983, p. 2267, Cons. 85 : « [...] la disposition critiquée ne saurait permettre que soit imposé en droit
ou en fait, directement ou indirectement, l'adhésion ou le maintien de l'adhésion des salariés d'une
entreprise à une organisation syndicale [...] ».
L’existence du procès 331
l’égard des assesseurs (qui n’exercent pas de mandat impératif), dont il ont proposé
par l'article L144-1 de ce même Code, qui sont pourtant minimales. Elles consistent,
prêtant serment.
liée à la nature abstraite du contrôle qu’il exerce, même lors de l’examen d’une
véritablement être appréciée, que dans le cas d’un contrôle concret, seul capable
1279 « Il (Le tribunal des affaires de sécurité sociale) comprend, en outre, un assesseur représentant les
travailleurs salariés et un assesseur représentant les employeurs et travailleurs indépendants ».
1280 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack C./Belgique préc., § 30.
332 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
précédemment, qui sont « suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime1281 ».
565. En conclusion, il est possible d’affirmer que l’impartialité du juge est une qualité
consubstantielle à l’idée même de règle de droit. Parce qu’il permet à cette dernière
de produire ses effets, le juge doit garder ses distances 1282 à l’égard des éléments
constitutifs du procès. C’est la raison pour laquelle, comme l’écrit le professeur Renée
KOERING-JOULIN, « l'idée d'un juge partial, déjà très choquante en matière de divorce ou
de responsabilité civile par exemple, devient carrément insupportable en matière pénale 1283 ».
droit, grâce à l’intervention d’un juge, mis à l’abri des préjugements par une
circonstances l’imposent.
1281 Ibidem.
1282 COMMARET D.-N., « Une juste distance ou réflexions sur l'impartialité du magistrat », D, 1998,
p. 262.
1283 KOERING-JOULIN R., « La notion européenne de « tribunal indépendant et impartial » au sens de
l'article 6 par. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme », R.S.C., 1990,
p. 765.
1284 FONTBRESSIN (de) P., « La neutralité du juge », op. cit., p. 79.
1285 La juxtaposition des deux expressions « préjugement » et « préjugé », proches phonétiquement,
tout en n’ayant pas exactement la même signification, provient du professeur Serge GUINCHARD,
dans son répertoire sur le droit au procès équitable chez Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1, Section 3,
Art. 2.
L’existence du procès 333
CONCLUSION DU TITRE 2
tribunal, au bénéfice des justiciables souhaitant y faire reconnaître leur droits, s’est
logiquement et parallèlement concentré autour des qualités dont le juge devait être
Conseil, elle est prioritairement conçue comme un rempart contre les ingérences du
pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires. Le juge constitutionnel a ainsi œuvré
protecteur minimum1286, ce qui n’exclut pas des degrés entre les magistrats du siège
et ceux du parquet1287.
568. Dans une moindre mesure, l’action du juge constitutionnel s’est aussi orientée
1286 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats »,
op. cit., p. 831.
1287 RENOUX T., « Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet », op. cit., p. 221.
334 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
juridictionnelle minimale, afin de limiter les empiètements du juge judiciaire sur ses
prérogatives.
d’impartialité. Celle qui peut être altérée par un cumul de fonctions juridictionnelles,
qui peut conduire le juge à des préjugements et celle qui résulte de son
présence.
L’existence du procès 335
droit au juge, parce que celui-ci constitue la condition sine qua non de mise en œuvre
protection qui empêche toute forme d’atteinte substantielle 1288. Néanmoins, le droit
de qualité et sont pour les justiciables, autant de gages de la tenue d’un procès
toute partialité du juge rejaillit inexorablement sur les droits des parties. Le Conseil
une solution au litige, soit doté de ces deux qualités, indissociables de sa fonction
juridictionnelle.
demeure pas moins soucieuse de la qualité du procès, qui passe par la reconnaissance
orientés vers les justiciables, leur permettant de défendre au mieux leurs intérêts
dans une instance contentieuse et plus précisément, quand ils font l’objet d’une mise
en cause, dans le cadre d’une procédure répressive. Les droits des parties contribuent
(Titre 1).
s’agit pas ici de sa priorité, a parallèlement œuvré dans le sens d’une amélioration
des jugements. Les garanties procédurales qui y participent ne sont d’autant pas à
1290 Le professeur Emmanuel JEULAND, par exemple, les qualifie ainsi parce qu’ils s’appliquent avant
tout à l’organisation juridictionnelle : Droit processuel Une science de la reconstruction des liens de droit,
2e éd., L.G.D.J., Coll. Manuels, Paris, 2007, p. 176.
1291 Ibidem.
La qualité du procès 339
577. Les droits des parties au procès s’articulent autour de deux principes
justiciable susceptible de se voir infliger une sanction punitive, alors que le second,
au-delà des limites du droit pénal. Parallèlement, le régime juridique que le Conseil
(Chapitre 1).
579. Le principe du respect des droits de la défense, même s’il est toujours teinté
droit répressif. Désignant les prérogatives accordées aux parties pour protéger leurs
(Chapitre 2).
CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, P.U.F., Coll. Thémis,
1292
580. La présomption d’innocence est le principe le plus souvent inscrit dans les
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 d’abord, dispose dans son
article 9 que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable,
s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.1294 ». L’article 9-1 du Code
introduit par la loi du 15 juin 20001297, proclame dans son troisième alinéa que « Toute
personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été
établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans
les conditions prévues par la loi. » Sa valeur constitutionnelle résulte, quant à elle, de la
1293 Cf LAZERGES C., « La présomption d’innocence en Europe », Archives de politique criminelle, 2004,
n° 26, p. 125.
1294 Ce n’est toutefois que lors de la décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie, JO, 11
juillet 1989, p. 8734, que le Conseil constitutionnel rattachera la présomption d’innocence, pour la
première fois, à l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « la présomption d’innocence affirmée par l’article
9 de la Déclaration des Droits de 1789 », Cons. 7.
1295 « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute
condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une
instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi,
prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins
de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale,
responsable de cette atteinte ».
1296 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc.
1297 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.
342 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
c’est sans doute parce qu’elle comprend deux facettes distinctes. Une première,
classique, selon laquelle nul ne peut être condamné sans qu’ait été apportée à son
fondement une règle procédurale principale qui fait reposer la charge de la preuve
sur l’accusation et une autre accessoire, selon laquelle le doute doit profiter à
signifie que nul ne peut être présenté publiquement comme coupable des faits pour
lesquels une accusation pénale a été initiée, avant qu’il n’ait été définitivement
condamné. Prise dans cette dimension, la règle conduit à la consécration d’un droit
subjectif de la personnalité.
582. Pourtant, malgré ces affirmations fortes, gravées dans trois corpus normatifs (cas
unique en Europe, même si la plupart des états voisins ont inscrit le principe dans
583. Même si tel n’est pas notre point de vue, cette opinion de Claude LOMBOIS, loin
récente dans l’histoire judiciaire de notre pays, puisque sa traduction, dans les
sous l’empire de l’Ordonnance royale de COLBERT de 1670, qui tient lieu de Code
recherche des auteurs d’infractions et leur sévère répression priment sans réserve sur
L’avocat, considéré comme une entrave dans la recherche de la vérité, n’assiste pas
son client (lequel est placé sur la sellette, en position physique d’infériorité par
rapport aux autres acteurs du procès) face aux questions du juge, lequel n’a, par
1301 « Si l’on vous dit que c’est un Grand Principe, n’allez pas le croire, ou pas trop vite », Ibidem.
1302 Le président Robert BADINTER relate par exemple qu’un professeur anglo-saxon lui avait confié
qu’il enseignait à ses étudiants qu’en droit français, « on était présumé coupable jusqu’à preuve de son
innocence », BADINTER R., « La présomption d’innocence, Histoire et Modernité », Le droit privé
français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, Paris, 2001, p. 133.
1303 Les premières illustrations tangibles de la présomption d’innocence remontent toutefois au Digeste
de Justinien.
1304 Son « Traité sur la tolérance » publié en 1763 comporte de nombreuses dénonciations de
l’ordonnance criminelle qu’il considère comme n’étant « dirigée qu’à la perte des accusés » et dans
laquelle « l’innocent n’a nulle consolation à espérer ».
344 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
avec le courant libéral qui souffle sur les milieux intellectuels du XVIIIe siècle.
585. Ces dénonciations, autant philosophiques que juridiques, finiront par trouver un
écho dans l’opinion publique et dans la législation royale de la fin de règne de Louis
XVI. Ainsi, pour la première fois, le 30 août 1780, dans une déclaration annonçant
une réforme profonde des conditions carcérales, le monarque pose les fondements de
Louis XVI y affirme en substance, qu’un homme déclaré innocent par un tribunal, ne
doit pas avoir subi auparavant des conditions d’incarcération d’une rigueur telle,
d’humanisation de la procédure pénale. Citons l’édit du 1er mai 17881306, véritable acte
Ainsi, l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que l’on doit
1305 Dans le Traité « Des délits et des peines » édité en 1764, le grand juriste italien écrit notamment
« qu’un homme ne peut être considéré comme coupable avant la sentence du juge ».
1306 Comme d’autres réformes importantes, les parlements refuseront toutefois d’entériner cet édit,
obligeant le Roi à tenir un lit de justice afin de l’imposer le 8 mai 1788.
1307 La question préalable était une pratique judiciaire consistant à torturer les condamnés afin
d’obtenir les noms de leurs complices. La question préparatoire, c’est-à-dire la torture, qu’on
faisait subir aux inculpés pour leur arracher des aveux, avait été abolie auparavant en 1780.
1308 Ce qui leur permettait d’exercer un recours en grâce auprès du Roi.
1309 « Adrien, Jean-François DUPORT, Député en 1789, né à Paris le 5 février 1759, mort à Appenzell (Suisse)
le 15 août 1798, était, sous l'ancien régime, conseiller au parlement en la chambre des enquêtes. Il se trouvait
l'un des plus jeunes magistrats de sa compagnie, lors de la lutte qui, en 1787 et 88, s'établit entre la
La qualité du procès 345
projet de réforme de la procédure pénale. Son rapport fut, à quelques détails près,
une série de mesures provisoires destinées à augmenter les garanties des accusés 1311,
octobre 1791, qui met fin au système des preuves légales, source de dérives, tant il
conduisait le juge à obtenir les aveux de l’inculpé par tout moyen, y compris (et
procédures, ce texte est aussi, dans l’histoire du droit pénal français, le premier à
magistrature et les ministères Calonne et Brienne, et il fut l'un de ceux qui s'y firent le plus remarquer »,
Extrait de la biographie, Site internet de l’Assemblée nationale, Base de données des députés
français depuis 1789 : http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=12256, consulté
le 14 décembre 2012.
1310 Dans cette déclaration, Louis XVI affirmait « ne plus vouloir risquer que des hommes accusés ou
soupçonnés injustement et reconnus ensuite innocents par les tribunaux, aient essuyé d’avance une punition
rigoureuse, par leur seule détention dans des lieux ténébreux et malsains ». Ce qui revient à dire que la
présomption d’innocence impose de placer un homme en détention, dans la seule hypothèse où il
est jugé indispensable de s’assurer de sa personne.
1311 Assistance d’un avocat, non seulement au cours du jugement, mais pendant tous les actes de
l’instruction (article 10), adjonction de notables aux juges dans chaque ville (article 11),
comparution des accusés devant le juge dans les vingt-quatre heures, publicité des audiences
(article 21).
346 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
588. Renforcée de manière régulière et progressive sur un peu plus d’un siècle, la
l’assistance d’un conseil1313, elle ne déploie guère ses effets, dans toute leur plénitude,
589. Il faudra attendre 18971314 pour revenir à la situation posée par la loi des 25
septembre-6 octobre 1791, à savoir l’assistance d’un conseil juridique, pendant tous
les actes de l’instruction, non sans protestation d’ailleurs, l’avocat étant perçu comme
apparus ces trente dernières années, sous le contrôle du juge constitutionnel, peuvent
Son souci permanent est de ne pas entraver exagérément l’action du législateur, dans
1312 La détention préventive est la règle, la liberté, l’exception et pas seulement en matière d’infraction
criminelle, l’instruction retrouve l’opacité qui prévalait avant le texte de 1791.
1313 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 53.
1314 Loi ayant pour objet de modifier certaines règles de l'instruction préalable en matiere de crimes et
de délits dite « Constans » du 8 décembre 1897, JO, 10 décembre 1897, p. 6907.
1315 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 préc.
La qualité du procès 347
présomption d’innocence
dont découlent la plupart des autres principes du droit processuel répressif. Il est,
pénale plus sévère, outre la sécurité juridique et le principe de légalité, trouve son
qu’elle est encore présumée innocente, au moment où elle est soupçonnée d’avoir
commis une infraction, que la personne mise en cause ne peut se voir appliquer une
donc vocation à être le plus large possible. C’est la raison pour laquelle, au fur et à
qui gouverne le litige (§ 1.), que pour ce qui est des débiteurs de l’obligation de
1316 KOERING-JOULIN R. et SEUVIC J.-F., « Droits fondamentaux et droit criminel », A.J.D.A., 1998,
p. 108.
348 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
d’innocence, au-delà des seules sanctions prévues par le Code pénal (B). Cependant,
clarifier les critères d’identification des deux catégories normatives, afin de pouvoir
chacun de ces deux cas. Cette entreprise l’a conduite à élaborer une définition
nécessité une clarification de la famille des dispositions n’ayant pas le caractère d’une
des qualifications législatives, qui ne sont pour autant que très rarement contredites
punitive
des sanctions pénales, au sein duquel la présomption d’innocence tient une place
déterminante.
595. En 1995, M. Jacques KLUGER faisait déjà observer cette mutation du droit
coïncidence parfaite entre d’une part, les institutions pénales et le droit de punir et
d’autre part, les normes répressives et le droit pénal. Autrement dit, si le droit pénal
n’est plus seul à définir les sanctions des comportements répréhensibles, de surcroît,
mesure punitive1318, dégagées par la Haute juridiction, ne s’est pas penché sur les
1317 KLUGER J., « L’élaboration d’une sanction punitive dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », R.S.C., 1995, p. 505.
1318 M. Jacques KLUGER identifie trois critères de détermination de la constitutionnalité d’une mesure
punitive : les objectifs à valeur constitutionnelle, la procédure équitable et la sévérité de la
sanction, Ibidem.
350 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
articulés de remarquable façon. Il semblerait néanmoins qu’il ait commis une erreur
sanctions punitives élaborée par le Conseil constitutionnel, qui lui applique alors, en
598. Cependant, si la disposition contrôlée n’a pas été qualifiée ainsi par les autorités
publiques, le juge constitutionnel poussera plus loin son examen afin d’identifier
punition et la rangera dans la catégorie des sanctions punitives, afin que son
pénales.
finances pour 1981 contenait une règle rétroactive, contraire à un des principes posés
1319 FARINA-CUSSAC J., « La sanction punitive dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et
de la Cour européenne des droits de l’homme. (Eléments pour une comparaison) », R.S.C., 2002,
p. 517.
1320 Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, Loi de finances pour 1981, JO, 31 décembre 1980,
p. 3242.
1321 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en
vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ».
La qualité du procès 351
pas été répercutés sur l’acheteur. Le Conseil estima alors que l’objectif poursuivi
avait donc pas lieu de rattacher cette disposition au domaine pénal et par
600. En deuxième lieu, dans le cas contraire, quand la mesure litigieuse ne vise aucun
objectif punitif, mais comporte un simple caractère recognitif, elle ne peut être
à l’article L773-20 du Code du travail1324 par la loi du 27 juin 2005, permet le retrait
maternel dont l’agrément a été retiré. La requérante voyait dans cette conséquence
présomption d’innocence.
601. S’il ne fait aucun doute, que le retrait d’agrément est bien une sanction
administrative ayant un caractère punitif, ne serait-ce que parce qu’il peut faire
l’objet d’une action juridictionnelle devant le juge administratif, dans le cadre d’un
qui ne porte en elle aucun caractère disciplinaire, ne peut être assimilée à une peine
602. La Cour européenne adopte une démarche tout à fait comparable. En effet, si la
mesure vise « à punir pour empêcher la réitération d’agissements semblables »1327, c’est un
des indices essentiels qu’il s’agit bien d’une sanction, relevant du champ matériel
Cour, il apparaît d’ailleurs que ce critère est le seul vraiment décisif pour déterminer
603. En troisième lieu, après celui de la nature formelle de la sanction, donnée par la
critère qui semble plus contestable : celui de la sévérité de la sanction. En effet, s’il est
dans la catégorie des sanctions punitives. À ce titre, l’exemple choisi par Jérôme
FARINA-CUSSAC est assez significatif et par là même, guère probant pour illustrer
irrégulière, une interdiction de plein droit du territoire, pour une durée d’un an à
D.D.H.C.
605. Après avoir rappelé les dispositions constitutionnelles applicables aux peines
révolutionnaire de 1789.
1328 Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée,
d'accueil et de séjour des étrangers en France, JO, 29 août 1993, p. 12196.
1329 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
1330 Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-senateurs.103159.html, consulté le 15 janvier 2013.
1331 Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-deputes.103158.html, consulté le 15 janvier 2013.
1332 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc., Cons. 49 : « [...] sans égard à la gravité du comportement
ayant motivé cet arrêté (de reconduite à la frontière), sans possibilité d’en dispenser l’intéressé ni même d’en
faire varier la durée [...] ».
354 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
606. La sévérité (ainsi que le caractère automatique de la mesure) est, sans conteste, la
nécessité entre l’infraction commise et la sanction, qui n’est pas respectée ici, d’où la
disposition n’est pas le critère de son appartenance à la catégorie des mesures ayant
le caractère d’une punition. C’est le but recherché par la disposition annulée, qui la
rattache à cette famille juridique. L’interdiction du territoire, qui fait suite à l’arrêté
de reconduite à la frontière, est une mesure de coercition, destinée à punir celui dont
inconstitutionnalité.
d’une mesure de police administrative, prise dans le seul but de prévenir les troubles
à l’ordre public et qui, à ce titre, doit être écartée du domaine répressif, comprenant
les seules sanctions pénales et les mesures ayant le caractère d’une punition.
1333 LABAYLE H., « Le droit des étrangers au regroupement familial, regards croisés du droit interne
et du droit européen », R.F.D.A., 2007, p. 101.
La qualité du procès 355
609. Le critère de distinction entre une sanction punitive et une mesure n’ayant pas
ce caractère, réside dans l’objectif visé par la disposition. Cette jurisprudence a été
d’expulsion, qui « sont des mesures de police auxquelles sont assignés des objectifs différents
de ceux de la répression pénale1335 ». Le propos est sans ambiguïté : le but recherché par
toute politique répressive étant de lutter contre la délinquance par la sanction des
auteurs d’infractions, à l’inverse, l’objectif d’une mesure de police ne revêt donc pas
d’intention punitive.
610. Cette affirmation sera doublement confirmée en 1993, dans la décision sur la loi
d’écart, « les décisions d’expulsion qui constituent des mesures de police 1337 » sont
qualifiées quelques lignes plus loin de « mesures de police administrative1338 ». Une telle
répétition n’est ici nullement fortuite, elle relève à la fois de l’art de la persuasion et
législatives, l’une modifiant les cas prévus par l’ordonnance du 2 novembre 1945,
dans lesquels un étranger ne peut faire l’objet d’un arrêté d’expulsion, l’autre posant
qualifications législatives établies, est ici manifeste. Elle s’inscrit en droite ligne de sa
donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois
612. La démarche de la Cour européenne des droits de l’homme est fort différente,
elle n’hésite pas à requalifier les dispositifs litigieux, soumis à son contrôle, quand
elle considère que le législateur interne a commis une erreur d’appréciation. Elle
considère que ce critère n’est qu’un indice, c’est « un simple point de départ » et
« l’indication qu’il fournit n’a qu’une valeur formelle et relative »1340, puisque la Cour ne
s’estime pas liée par les qualifications nationales. Son opération de requalification
Convention1341. Ainsi, dans l’affaire Jamil c/ France1342, elle classa dans la catégorie des
peines, une mesure de contrainte par corps, au regard du but recherché et surtout du
régime correspondant1343.
613. Les exemples similaires sont assez nombreux dans la jurisprudence de la Cour
conduire était qualifié de mesure de police administrative par les autorités françaises.
avait, de son côté, censuré une mesure automatique d’interdiction du territoire, suite
à toute reconduite à la frontière1346. Il est vrai que le contexte juridique était fort
différent dans les deux cas : dans le premier, la sanction automatique était
respect des prescriptions du procès équitable, alors que dans le second, elle faisait
celle du Conseil constitutionnel, c’est surtout parce que les incidences ne sont
législateur de l’État partie (ou en la superposant, pour être plus précis, dans la
action n’a pour seul avantage juridique que de permettre l’application de l’article 6
juridictionnel, si elles ne faisaient pas preuve d’une certaine nuance, qualifiée parfois
1345 C.E.D.H., 9 février 1995, Welch c/ Royaume Uni, requête n° 17440/90, série A, n° 307. Ces critères
sont : sanction prononcée suite à une condamnation par un juge pénal et sévérité de la sanction.
1346 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
1347 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en
droit pénal : entre audace et prudence », op. cit., p. 193.
358 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
dans la mesure où, selon eux, elle entraînerait une sanction à l’encontre d’une
personne dont la culpabilité n’aurait pas été établie par un jugement définitif. Après
étrangers des droits de caractère général et absolu de séjour sur le territoire national 1350 », la
de séjour (pour des motifs d’ordre public), à la catégorie des mesures de police et non
à celle des sanctions. Le motif invoqué par les députés requérants était donc
du domaine répressif »1351, dont les mesures de police ne font pas partie. Ce qui évita au
616. Le malaise de la Haute juridiction est tout de même perceptible dans la réserve
de poursuites, au sens de l’article 75 de la loi déférée, sont « les seuls étrangers ayant
commis les faits qui les exposent à l’une des condamnations prévues par les dispositions du
code pénal auxquelles renvoie l’article 75 de la loi déférée1352 ». La précision ajoutée par le
considérer qu’un individu a commis les faits qui lui sont reprochés avant toute
condamnation ? Même en limitant les cas aux infractions flagrantes, comme le fait
M. Jean-Éric SHOETTL dans son commentaire (il semblerait que ce soit ainsi qu’il
faille traduire la locution « ayant commis les faits »), ce qui évite, contrairement à ce
les étrangers seulement soupçonnés d’avoir commis les infractions visées, se voient
retirer leur titre de séjour, la décision n’est pas pleinement satisfaisante. Mais elle
617. Ici, une fois encore, même si elle épouse (et respecte) celle du législateur, la
qualification que le juge donne à la disposition litigieuse est motivée par l’objectif
pénales est considérée, par la Haute juridiction, comme une mesure de police en
raison de ses vertus préventives, dans la mesure où les infractions visées sont toutes
618. Un autre critère, qui ne paraît pas déterminant, mais qui permet d’affiner les
de police, qui s’applique indifféremment, à tous les étrangers ayant commis les faits
Haute juridiction semble en effet plutôt réticente, à voir une sanction punitive, dans
une décision qui n’est pas directement prise en considération de la personne. C’était
1353 LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
1354 LAZERGES C., « Le rôle du Conseil constitutionnel en matière de politique criminelle », Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2009, n° 26, p. 34.
360 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
déjà un élément qui faisait défaut aux mesures d’expulsion visées par la décision
sanctions pénales
cette solution ne fut pas si évidente, tant la présomption d’innocence est un principe
621. Consacrée dès 19811357, mais sans précision sur le fondement, puis rattachée à
européenne des droits de l’homme, en grande partie dues à une rédaction restrictive
Commission estime que les stipulations de cet article ne sont pas applicables en
matière pénale.
pénale, en raison de la maladresse des motifs mis en avant par les auteurs de la
saisine. Ainsi, en 19801363, les requérants invoquaient « qu’en prenant des mesures
fondées sur des faits constitutifs de délits l’autorité administrative se substituerait à l’autorité
judiciaire »1364. Etait en cause une mesure d’expulsion et le Conseil constitutionnel dut
préciser, qu’en raison des objectifs préventifs qui leur sont assignés et de ce fait
catégorie des mesures de police. En résumé, elles n’ont pas de caractère punitif, en
la loi confère à l’autorité administrative le pouvoir de prendre un arrêté d’expulsion fondé sur
des faits de nature à justifier une condamnation pénale, alors même qu’aucune condamnation
définitive n’aurait été prononcée par l’autorité judiciaire »1365. La Haute juridiction dissocie
sans ambiguïté les deux familles de mesures, qui poursuivent des objectifs
spécifiques, sans corrélation nécessaire entre elles et qui sont prononcées par des
autorités distinctes.
charge de la preuve, en faveur des personnes qui s’étaient vu refuser la location d’un
« qu’il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les règles de preuve
dérogatoires qu’elles instaurent trouvent à s’appliquer "en cas de litige" ; qu’il s’ensuit que
ces règles ne sont pas applicables en matière pénale et ne sauraient, en conséquence, avoir
624. L’article 158 de la loi litigieuse, insère dans l’article premier de la loi n° 89-462 du
6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, deux alinéas. Le premier pose
cité dans son intégralité : « En cas de litige relatif à l’application de l’alinéa précédent, la
personne s’étant vu refuser la location d’un logement présente des éléments de fait laissant
incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée. Le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime
utiles ».
mesure où le juge dont il est fait mention est le juge civil. La conclusion à laquelle il
trouve à s’appliquer puisque le juge pénal n’est pas compétent ici. Que la charge de
la preuve puisse obéir à des règles différenciées selon les matières (civile, fiscale,
commerciale, pénale) est une souplesse nécessaire. Mais que le fardeau repose sur la
l’appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée.
1368 AÏT-OUARET, A., La présomption d'innocence et la preuve pénale, Mémoire de DEA. dactyl.,
Bordeaux IV, 2004.
1369 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.
364 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
européenne des droits de l’homme1372. Après avoir signalé qu’il ne heurte nullement
doit, d’une part, ne pas entraîner une privation de liberté1373 et, d’autre part, « être
assorti(e) par la loi de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement
garantis »1374. Suit une brève liste de principes gouvernant le régime juridique des
les droits de la défense, que l’on suppose non exhaustive car précédée de la précision
la décision de 2002, comme il a été constaté précédemment, n’a pas permis de lever le
1370 GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
1371 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc.
1372 MODERNE F., « Sanctions administratives et protection des libertés individuelles au regard de la
Convention européenne des droits de l’homme », L.P.A., 1990, n° 8, p. 15 ; DUBRULLE J.-B., « La
difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le pouvoir de sanction des autorités
administratives indépendantes », op. cit., p. 14.
1373 Le domaine d’application des sanctions administratives sera encore limité en 2009, lors de la
décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur
internet, JO, 23 juin 2009, p. 10248, en excluant les sanctions dont l’objet est de restreindre l’exercice
de la liberté de communication et d’expression.
1374 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 30.
1375 Cf supra n° 623 et s.
1376 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc.
La qualité du procès 365
classement sans suite, le principe est inversé : les données personnelles sont
628. Cette décision est tout à fait intéressante et ce, à double titre, à la fois sur
donc bien d’une sanction, mise en œuvre par une autorité administrative de l’État,
critère punitif ne semble pourtant guère évident, ce qui n’est pas le cas de la
trouve donc à s’appliquer dans le cadre d’une décision administrative, donc dans
629. En second lieu, sur le fond de la décision cette fois, il est intéressant d’observer
d’ordre public appréciées par l’autorité judiciaire »1377, justifiant la conservation des
dans le fichier et dont les conditions sont fixées par l’article 39 de la loi relative à
630. En conclusion, loin d’être « une nouvelle brèche dans le respect dû à la présomption
du Conseil constitutionnel et par la loi de 1978 paraissent insuffisantes aux yeux des
domaine répressif et rendre ainsi inopérant le grief invoqué. Qu’il soit permis de
partager plutôt le point de vue de Thierry RENOUX, qui signale que le juge
d’innocence, tout au moins de manière tacite, dans le cadre du droit fiscal. Ainsi, lors
du contrôle de la loi de finances pour 20001381, qui prévoyait dans son article 103 une
1378 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JO, 7 janvier
1978, p. 227.
1379 LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
1380 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, 4e éd., Litec, Coll. Codes bleus, Paris, 2010,
p. 148.
1381 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 préc.
1382 Idem, Cons. 54.
La qualité du procès 367
aussi en direction des acteurs publics, dont l’action serait à même d’y porter atteinte.
doivent être respectées par toutes les autorités publiques intervenant dans le
principe. L’action du premier est vérifiée et bornée par la Haute juridiction, lors de
son contrôle de constitutionnalité de la loi (A), qui, à cette occasion, n’hésite pas à
user de sa technique des réserves directives, afin de guider le second dans son
d’orientation1384, afin de guider le législateur dans son action future (1). C’est ensuite,
conformité (2).
mesure qui excéderait ce qui est nécessaire pour s’assurer de la personne d’un
présumé innocent. Le moins que l’on puisse en attendre est donc qu’il n’édicte pas
lui même de règles qui, par leur excessive sévérité, outrepasseraient cette
constitutionnel était saisi du contrôle d’une disposition permettant la garde à vue (de
crimes ou délits punis d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement,
1384 Le terme est de Jean RIVERO, note, « Filtrer le moustique et laisser passer le chameau », Décis.
Cons. const. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, A.J.D.A., 1981, p. 107.
1385 MORANGE J., La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. (26 août 1789), 4e éd., P.U.F, Coll.
Que sais-je ?, Paris, 1995, p. 41.
1386 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
La qualité du procès 369
637. Le contrôle, opéré par le Conseil constitutionnel pour examiner la rigueur des
mesures instituées par le législateur, est un contrôle approfondi, qui fait intervenir
législateur, sur l’échelle de la sévérité des dispositions applicables aux mineurs. Ici, le
qu’une mesure de contrainte ne doit concerner que les enfants à partir d'un âge
minimum et qu’en toutes hypothèses, une mesure de garde à vue ne peut s’appliquer
à un mineur de treize ans1388.Le deuxième critère, lié à la gravité des actes, influe sur
prohibition des peines planchers, pour les mineurs sans condamnation préalable1389.
moins rigoureuse juridiquement, mais laissant au juge une plus grande latitude dans
aboutit à la censure du « régime de la garde à vue du mineur de treize ans, même assorti de
1387 On retrouve cette nécessité dans le considérant de principe (n° 26) de la Décision n° 2002-461 DC
du 29 août 2002 préc., qui fonde le principe fondamental reconnu par les lois de la République en
matière de justice des mineurs.
1388 Idem, Cons. 29.
1389 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de
la sécurité intérieure, JO, 15 mars 2011, p. 4630, Cons. 27.
1390 La principale de ces modalités est que la décision doit être soumise au contrôle d'un magistrat
spécialisé dans la protection de l'enfance, Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 29.
370 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
639. Le législateur a dû tirer les conséquences de cette décision, en tenant compte des
mineurs de moins de treize ans, avec un plancher de dix ans, utilisable à titre
exceptionnel pour des crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement de plus
de sept ans. Cette rétention, forme de garde à vue pour jeunes mineurs, subordonnée
juridiction.
640. L’amnistie, mot d’origine grecque, dont la racine étymologique renvoie à « l’acte
rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux
(ces faits étant réputés avoir été licites, mais non pas ne pas avoir eu lieu)1394 ». Il s’agit donc
constitutionnel1395 » mais qui reste une fiction juridique, se matérialisant dans un acte
mesure de clémence par laquelle le président de la République, en vertu du droit que lui
1391 Magistrat du ministère public ou juge d'instruction, tous deux spécialisés dans la protection de
l'enfance.
1392 Loi n° 94-89 du 1er février 1994, JO, 2 février 1994, p. 1803.
1393 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau
code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, JO, 26 janvier 1994, p. 1380.
1394 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit.
1395 RUIZ-FABRI H., « Les institutions de clémence (amnistie, grâce, prescription) en droit
international et droit constitutionnel comparé », Archives de politique criminelle, 2006, n° 28, p. 237.
La qualité du procès 371
condamné à l’exécution de la peine prononcée contre lui (remise de peine) ou substitue à cette
de poser [...] des règles dont l’application incombera aux autorités ou organes désignés par
prérogatives en matière d’amnistie, mais peut déléguer leur mise en œuvre à une
autre autorité de l’État1399. Cependant, il dispose d’une large compétence, qui lui a
permis de définir les contours du droit de l’amnistie, tant en ce qui concerne son
litigieux, on constatera que le législateur n’a pas hésité à amnistier des sanctions
dépassant le cadre strict de la matière pénale, sans que le Conseil constitutionnel n’y
trouve rien à redire1400. Les limites du droit d’amnistier coïncident donc strictement
sur ce point, avec celles de la présomption d’innocence, qui s’étend à l’ensemble des
1396 Ibidem.
1397 Sur l’ensemble de la question : DANET J., GRUNVALD S., HERZOG-EVANS M. et LE GALL Y.,
Prescription, amnistie et grâce en France, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires, Paris, 2008 ; ROCHE-
DAHAN J., L'amnistie en droit français, Thèse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
1398 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, JO, 17 janvier 1982, p. 299, Cons. 39.
1399 C’est ce que fit la loi d’amnistie n° 95-884 du 3 août 1995, JO, 6 août 1995, p. 11804, qui habilite,
dans son article 13, le président de la République à amnistier par décret, une catégorie déterminée
de personnes, simplement poursuivies ou déjà condamnées pour certaines infractions. On parle
dans ce cas de "grâce amnistiante", que le dictionnaire CORNU définit comme la "grâce accordée par
le président de la République dans les conditions spéciales prévues par une loi d’amnistie et à laquelle cette
loi attache par avance les effets de l’amnistie".
1400 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 préc., Cons. 15 : « Considérant ainsi que le législateur a pu,
sans méconnaître aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle, étendre le champ
d’application de la loi d’amnistie à des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but d’apaisement
politique ou social ».
372 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
celle-ci peut survenir avant le jugement, alors que le présumé innocent fait l’objet de
644. C’est précisément l’amnistie avant jugement qui était en cause dans la décision
« Loi portant amnistie » de 19891401. Les auteurs de la saisine lui faisaient grief de
de faire la preuve de son innocence. Selon eux, l’amnistie agirait ici comme une
présumant coupables tous ceux qu’elle vise, sans leur donner les moyens d’apporter
pour le moins concise1402, « que dans la mesure où l’amnistie a pour effet d’interdire
des poursuites pénales, elle ne méconnaît en rien le principe proclamé par l’article 9 de la
Déclaration de 1789 selon lequel tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été
déclaré coupable1403 ».
RENOUX1405, qui voit dans l’amnistie avant jugement « une véritable présomption
législative d’innocence ».
646. Mais sur un plan sociologique, la requête parlementaire n’est pas dénuée de
fondements : bien souvent, une simple mise en examen résonne déjà comme une
1988, que l’amnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle ni à la réhabilitation ni à l’action en
condamné1407 ». En effet, la révision est une procédure judiciaire qui vise « une décision
pénale définitive pouvant être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable
d’un crime ou d’un délit1408 ». La réhabilitation judiciaire est, quant à elle, une cause
d’extinction des peines, qui suppose une condamnation par un tribunal à une peine
condamnation a été prononcé. Or, dans la décision de 1989, seules les amnisties avant
1404 Ces faits sont réputés licites, mais contrairement à ce qu’écrit M. Claude FRANCK, obs., Décis.
Cons. const. n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, J.C.P., 1990, II, 21409, ils ne sont pas réputés
inexistants : « Loin d’y porter atteinte, l’amnistie en généralise , au contraire, l’application, en réputant
l’inexistence de certains faits répréhensible ».
1405 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 154.
1406 MAKOWIAK J., « L’amnistie en question », R.D.P., 2008, p. 511.
1407 Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989 préc., Cons. 11.
1408 Article n° 622 du Code de procédure pénale.
1409 Article n° 782 du Code de procédure pénale.
374 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
certainement pas dans une mesure d’oubli et d’apaisement social que celle-ci
648. Plus encore que le législateur sans doute, le juge en charge de l’application des
afin d’orienter les décisions de celui-ci, dans un sens compatible avec le grand
effet, parce que le législateur répressif lui a laissé une grande marge d’appréciation, à
la fois dans le choix des poursuites, confié au parquet (2), ainsi que dans la possibilité
de prononcer une mesure judiciaire privative de liberté, conférée au siège (1), il est
celui qui est le plus susceptible d’y porter atteinte. Son action est donc strictement
encadrée par le Conseil constitutionnel, qui n’hésite pas à user de la technique des
1410 Sur l’ensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des décisions
interprétatives en France et en Italie, op. cit. ; DISANT M., L'autorité de la chose interprétée par le Conseil
constitutionnel, op. cit. ; VIALA A., Les réserves d'interprétation dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, op. cit.
La qualité du procès 375
réserves directives, pour indiquer au juge les choix les plus respectueux de la
présomption d’innocence.
jugement
650. La détention provisoire1411 est une mesure grave, probablement même la plus
de liberté qui consiste à incarcérer une personne mise en examen, mais dont la
culpabilité n’a pas encore été établie par un jugement définitif. En ce sens, elle heurte
incontestablement la présomption d’innocence, d’autant que c’est bien sous cet angle
explicatif au regard de la détention avant jugement, que celle-ci est présentée dans
l’article 9 de la Déclaration de 17891412. Cependant, c’est une modalité qui a son utilité
pourrait, non seulement prendre la fuite, mais également détruire les preuves de
651. Afin de concilier ces impératifs contradictoires, la loi du 17 juillet 1970 1413,
modifiée à de nombreuses reprises et en dernier lieu par la loi du 5 mars 2007 1414, a
1411 Sur la question, GUÉRY C., Détention provisoire, Dalloz, Coll. Référence, Paris, 2001.
1412 « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter [...] ».
1413 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 préc.
1414 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JO, 7 mars 2007, p. 4297.
1415 L’article 137 du Code de procédure pénale dispose que « Toute personne mise en examen, présumée
innocente, demeure libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté,
elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent
insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique. A titre exceptionnel, si les obligations
du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas
d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire ».
376 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
innocent qui a fait l’objet d’une détention provisoire et qui a ensuite bénéficié d’un
judiciaire libérale, qui pose la liberté avant jugement comme le principe et impose de
circonscrire les mesures de contrainte dans des limites exiguës. Le Conseil admet les
l’occasion de préciser explicitement sa position pour la première fois en 2002 1419, lors
1416 En vertu de l’article 143-1 du Code de procédure pénale, la détention est toujours possible en
matière criminelle alors qu’en matière correctionnelle, elle ne peut être prononcée que lorsque le
délinquant encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois années.
1417 Loi n° 2000-1354 du 30 décembre 2000 tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus
innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale, JO, 31
décembre 2000, p. 21191.
1418 Ce n’est pas l’avis de tous les commentateurs de cette décision. M me Valentine BÜCK, par exemple,
obs., Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, R.S.C., 2003, p. 612, fait observer que les
conditions, posées par le Conseil constitutionnel, relatives aux finalités recherchées par la
détention provisoire, sont plus larges et donc en-deçà des exigences fixées par la loi. Il semblerait
qu’elle commette ici une confusion : l’article 37 de la loi examinée précise les conditions de
prolongation de la détention provisoire, alors que la Haute juridiction vise la situation de mise en
détention provisoire. Il n’est donc pas surprenant que les premières soient plus rigoureuses que les
secondes.
1419 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc.
La qualité du procès 377
peut même avoir valeur constitutionnelle1422. Ces finalités visées par la mesure sont la
654. Cette jurisprudence fera l’objet d’une confirmation en 2010 1423, dans le cadre
Perben II1424, qui n’avait pas été examinée lors du contrôle à priori1425. La disposition
litigieuse est l’article 803-3 du Code de procédure pénale, qui, par dérogation aux
gardée à vue est traduite devant une autorité judiciaire à fins de poursuite.
Conseil constitutionnel reproduise ici son considérant de principe de 2002 1427, tant les
1424 Avant 2004, cette période intermédiaire privative de liberté, entre la phase d’enquête et la phase
judiciaire proprement dite, n’était régie par aucun texte, ce qui devait, inéluctablement et fort
logiquement, conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l’homme, C.E.D.H., 27 juillet 2006, Zervudacki c/ France, requête n° 73947/01.
1425 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
1426 L’article 803-2 du Code de procédure pénale dispose que « Toute personne ayant fait l’objet d’un
défèrement à l’issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même
devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la
procédure ». Cependant, cette comparution n’est pas toujours possible immédiatement, en raison de
l’heure, nocturne parfois, à laquelle la garde-à-vue peut s’achever.
1427 « Considérant que le principe de présomption d’innocence, proclamé par l’article 9 de la Déclaration de 1789,
ne fait pas obstacle à ce que l’autorité judiciaire soumette à des mesures restrictives ou privatives de liberté,
avant toute déclaration de culpabilité, une personne à l’encontre de laquelle existent des indices suffisants
quant à sa participation à la commission d’un délit ou d’un crime ; que, toutefois, c’est à la condition que ces
mesures soient prononcées selon une procédure respectueuse des droits de la défense et apparaissent
nécessaires à la manifestation de la vérité, au maintien de ladite personne à la disposition de la justice, à sa
protection, à la protection des tiers ou à la sauvegarde de l’ordre public », Décision n° 2010-80 QPC du 17
décembre 2010 préc., Cons. 5.
1428 Là où la détention provisoire peut atteindre quatre ans et huit mois, la période située entre la fin
de la garde à vue et la comparution devant le magistrat ne peut excéder vingt-quatre heures, en
vertu de l’article 145-2 du Code de procédure pénale.
La qualité du procès 379
656. La commission d'une infraction entraîne, par nature, une atteinte à l'ordre public
et à l'intérêt général, puisqu'elle a pour effet de contrevenir aux règles prévues par la
loi. C'est la raison pour laquelle, dans notre système procédural, toute infraction
pénale peut donner naissance à une action judiciaire particulière, exercée par le
encadrée d'engager ou non, des poursuites contre l'auteur de celle-ci. Quand il opte
pour cette solution1431, en dehors des situations où la saisine du juge d’instruction lui
est commandée par la loi1432, le juge constitutionnel lui impose, par l’effet du principe
657. Cette solution de principe a été posée par le Conseil constitutionnel dès 1981,
personnes »1433, dont le double objectif était annoncé dès son intitulé. Parmi toutes les
dispositions originales envisagées par le texte, celle qui allie le mieux l’espérance
1429 En vertu de l’article 1er du Code de procédure pénale, il s'agit de « l'action judiciaire qui est exercée
par le parquet au nom de la société et qui tend au prononcé d'une sanction pénale à l'encontre de l'auteur
d'une infraction ».
1430 L'article 40 du Code de procédure pénale dispose que « le Procureur de la République reçoit les
plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1 ».
Sur les origines prétoriennes du principe, MOROZ X., « Les initiatives procédurales des parquets
au XIXème siècle », Archives de politique criminelle, 2003, n° 25, p. 85.
1431 L'ouverture d'une information est simplement facultative et le parquet n'y procédera, en principe,
que lorsque les faits sont particulièrement complexes ou nécessitent des recherches
supplémentaires.
1432 En vertu des articles 79 du Code de procédure pénale et 5 de l'ordonnance du 2 février 1945
relative aux mineurs, l'ouverture d'une instruction est obligatoire chaque fois que l'infraction
commise est un crime ou encore lorsque son auteur est inconnu ou est un mineur de dix-huit ans
(dans ce dernier cas, la règle ne joue pas pour les contraventions des quatre premières classes).
1433 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc.
380 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
article 393 dans le Code de procédure pénale1434, offre au procureur le choix entre
deux procédures, selon le degré de difficulté de l’affaire. Pour les plus délicates, une
un juge d’instruction. Pour les moins complexes d’entre elles, une procédure plus
modalités distinctes1435.
annoncés par le gouvernement, dans les motifs de la loi. Même s’il est effectué de
manière sommaire et qu’il est passé relativement inaperçu, il s’agit ici d’une des
l'aptitude d’un dispositif à atteindre le but que le législateur s’est librement fixé 1436.
En l’espèce, le Conseil constate que l’objet de cette nouvelle procédure est bien de
1434 Auparavant, l’article 71 du Code de procédure pénale prévoyait, qu’en cas de flagrant délit et
quand le fait était puni d’une peine d’emprisonnement, alors que le juge d’instruction n’était pas
saisi, le procureur de la République pouvait mettre l’inculpé sous mandat de dépôt, après l’avoir
interrogé sur son identité et sur les faits qui lui étaient reprochés, afin de saisir le tribunal selon la
procédure de flagrant délit prévue par les articles 393 à 397 du même Code.
1435 La convocation par procès verbal, la saisine immédiate ou la saisine préalable du président du
tribunal ou d'un juge délégué par lui en cas de réunion impossible du tribunal le jour même,
Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 30.
1436 Le professeur Valérie GOESEL-LE BIHAN situe le point de départ de ce contrôle avec la décision
n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils
généraux et des conseils régionaux, « Réflexion iconoclaste sur le contrôle de proportionnalité exercé
par le Conseil constitutionnel », R.F.D.C., 1997, p. 227.
1437 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 32. Le Conseil constitutionnel utilisera plutôt
par la suite, à partir de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 16, l’objectif de
bonne administration de la justice (« il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice... »).
La qualité du procès 381
alors déclaré conforme à la Constitution, que sous réserve que le juge du siège saisi
dossier, de vérifier que l’option prise par le parquet ne nuit pas au prévenu. Dans le
Conseil constitutionnel confie cette tâche délicate, dont Loïc PHILIP pense qu’elle est
moins qu’il s’agit là d’une véritable injonction faite au juge, de faire respecter par le
le souligner car, au jour de cette décision, rares étaient les interventions aussi
1441. RIVERO J., note, « Filtrer le moustique et laisser passer le chameau », Décis. Cons. const. n° 80-127
DC, op. cit., p. 107. Jean RIVERO souligne cependant que les directives du Conseil constitutionnel
ont été reprises dans une circulaire du garde des Sceaux du 7 février 1981, adressée aux procureurs
généraux.
1442 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en
aujourd’hui encore. L’article 393 du Code de procédure pénale, issu de cette loi, n’a
été modifié qu’à une seule reprise et sur un point de détail1443. Examiné à l’occasion
verbal.
respect aux deux acteurs publics, susceptibles de lui porter l’atteinte la plus
souci de l’équilibre des droits des parties1446. Il s’agit, d’un côté, de permettre à
1443 L’article 224 de la Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc. a substitué le terme « avocat » à celui de
« conseil ».
1444 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. [Défèrement devant le procureur de la
République], JO, 7 mai 2011, p. 7850.
1445 La décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., constitue un changement des circonstances
de droit qui justifie le réexamen de l’article 393 du Code de procédure pénale.
1446 Cf infra n° 761 et s.
La qualité du procès 383
d’innocence, est le résultat d’un dosage réfléchi, qui résulte directement des
prérogatives que lui confère le Titre VII de la Constitution. Celui-ci, il n’eut de cesse
alors vers deux directions. D’une part, encadrer les expressions législatives
pas museler l’action du législateur dans ses objectifs de sécurité publique (§ 2.).
présomption d’innocence
probatoires1450, exigence dont elle confie le contrôle à l’autorité judiciaire 1451. Il y a là,
d’apporter les preuves de ce qu’elle avance, la personne mise en cause, elle, bénéficie
s’incriminer soi-même. Ce sont là toutes les questions suscitées par les dispositifs de
l’administration de la preuve
666. S’il incombe au ministère public d’apporter les éléments probatoires à l’appui de
ses prétentions, la preuve qui serait obtenue en violation des droits constitutionnels
1450 Cf GUINCHARD S., « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », op. cit., p. 201,
particulièrement p. 211 et s.
1451 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme Élise A. et autres [Garde à vue
II], JO, 19 novembre 2011, p. 19480, Cons. 30 : «...il appartient en tout état de cause à l'autorité judiciaire
de veiller au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ».
1452 « La preuve incombe à celui qui allègue ».
La qualité du procès 385
constitutionnelle que de celle de la Cour européenne des droits de l’homme, avec des
la sécurité à l’intérieur des frontières, deux dispositifs aux objets comparables, mais
réalisation d’analyses scientifiques comparatives, avec les indices prélevés pour les
besoins de l'enquête. L’objectif de tels prélèvements est donc de réunir les éléments
chacun des deux cas. Ne serait-ce qu’à ce titre, pour répondre à la question posée par
669. Au rang des points communs, les deux dispositifs, selon les requérants,
rappelons le, est un principe de valeur législative1457, mais dont le respect constitue
matérielle sur une personne, un prélèvement effectué sur le suspect, qui encourt une
sanction en cas de refus. Les similitudes s’arrêtent là. En ce qui concerne les
objectif. Il n’est donc guère surprenant, que les garanties prévues par les deux
dispositions diffèrent.
670. Les prélèvements externes, tels qu’ils ressortent des débats parlementaires, parce
1457 En vertu de l’article 16 du Code civil, « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à
la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »
1458 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au
don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au
diagnostic prénatal, JO, 29 juillet 1994, p. 11024, Cons. 18. Sur la question, GIMENO CABRERA V.,
Le traitement jurisprudentiel du principe de dignité de la personne humaine dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel français et du Tribunal constitutionnel espagnol, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004 ; PAVIA M.-L. et REVET T. (dir.), La dignité de
la personne humaine, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 1999.
1459 Les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis un viol
ou une agression sexuelle, dans le premier cas, les personnes susceptibles d’être placées en garde à
vue, dans le second. C’est ce qu’il ressort de la réserve d’interprétation incluse dans le considérant
54, quand le Conseil constitutionnel précise « que les "personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits en cause" sont celles qui sont déjà tenues de comparaître devant l'officier de
police judiciaire en vertu de l'article 62 du Code de procédure pénale ».
1460 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 préc.
1461 MATHIEU B. et VERPEAUX M., Obs., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A.,
18 septembre 2003, p. 6.
La qualité du procès 387
considérer la douleur que sous son aspect physique 1462, n’emporte pas totalement
l’adhésion.
671. Ceci étant, il sera fait observer une différence majeure entre les deux procédures.
Dans le cas des prélèvements externes à des fins judiciaires, aucune voie d’exécution
d’office n’est prévue. Alors que dans le cas des prélèvements internes pour raisons
point douter, l’objectif recherché par la mesure qui justifie que le législateur ait prévu
une exécution forcée dans un cas et l’ait exclue dans l’autre. La santé de la victime
premier, cela n’est pas une nouveauté : le refus de contribuer à la réalisation de cet
1462 Pour des manifestations de douleurs psychologiques, Cf infra n° 677, un exemple tiré de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
1463 L’objectif de la manifestation de la vérité judiciaire est assimilable, dans la jurisprudence
constitutionnelle, à celui de la recherche des auteurs d’infractions, consacré par la décision n° 2004-
492 DC du 2 mars 2004 préc.
1464 Cf infra n° 722.
388 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
la mesure. Seules les personnes déjà tenues de comparaître devant l'officier de police
de ces prélèvements.
674. En deuxième lieu, les traces A.D.N. de ces personnes ne pourront en aucun cas
être enregistrées, ni encore moins conservées, dans le fichier national automatisé des
675. En troisième lieu, si une sanction1467 mesurée est bien prévue, en cas de refus de
lieu ici de partager l’analyse de M. Jean-Éric SCHOETTL1468 qui fait d’abord observer,
probablement pas suffisamment dissuasif, pour empêcher celui qui, sachant que
676. Le Conseil a donc fait preuve d’une grande vigilance dans cette décision, à
d’un système probatoire, par rapport au respect des droits fondamentaux. Et ce n’est
qu’en raison des risques sanitaires encourus par la victime et dans un souci
d’équilibre entre les droits de cette dernière et ceux de son agresseur présumé, que le
677. La Cour européenne, quant à elle1469, a été confrontée à la question, dans une
hypothèse beaucoup plus nette d’atteinte aux droits fondamentaux, par des
techniques policières, en vue de collecter des éléments de preuve. Elle dut apprécier
réalisées en vue d’obtenir des aveux. Sans grande surprise, tant il était avéré que les
3 de la Convention1472.
équitable de l’article 6, paragraphe 1, mais aussi par le respect des droits garantis
1469 C.E.D.H., 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, requête n° 5310/71, série A, n° 25.
1470 Station debout contre un mur, encapuchonnement de la tête avec un sac, bruits et sifflements
imposés, privation de sommeil et privation de nourriture, solide et liquide.
1471 Sans pour autant mériter recevoir, selon la Cour européenne des droits de l’homme, la
qualification de torture parce que la Convention a voulu marquer par ce terme « d’une spéciale
infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances. », C.E.D.H.,
18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni préc., § 167.
1472 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».
390 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
doit répondre à une certaine éthique, dont l’objet est double1474 : le respect du corps
humain, protégé des traitements dégradants par l’article 3 et celui de la vie privée,
apparue en 2004, comme la forme la plus aboutie et surtout la plus proche, des
Ces deux voies de droit diffèrent tout de même dans la mesure où la C.R.P.C.
procédure de plea bargaining peut être mise en œuvre quelle que soit la gravité de
l’infraction, alors que dans les pays d’Europe latine1477, elle demeure circonscrite aux
délits mineurs.
680. Cependant et c’est là leur principal point commun, elles reposent toutes deux
mise en cause ne conteste pas la réalité des faits qui lui sont reprochés, que tout débat
681. Le choix d’une voie de droit différente, selon que le mis en cause ait reconnu les
faits ou qu’il les nie, est tout de même sujet à discussion. En dehors du fait que l’aveu
ne met nullement à l’abri d’une possible erreur judiciaire, quand bien même la
réflexion sur la Justice1481, qui faisait remarquer qu'il serait sans doute délicat de
raison de cette division possible au sein des poursuites. En effet, le tribunal chargé de
défense sur l’aveu de celui qui aurait choisi parallèlement la procédure de C.R.P.C.
certains auteurs y voyant même le risque d'une portée exorbitante1482, les conditions
procédurales, qui ont présidé à son recueil, vont alors bénéficier d’une attention
683. Ainsi, l’article 495-8 du Code de procédure pénale, exige que le suspect
présence de son avocat. Il dispose ensuite d’une période de réflexion de dix jours, lui
laissant le temps suffisant pour consulter son conseil, avant d’accepter la proposition
imposée par le législateur, est d’autant plus remarquable que ce n’est pas le cas dans
toutes les procédures judiciaires. Ainsi, dans les deux hypothèses de défèrement
juridiction s’est prononcée sur cette question1486 et a considéré que l’absence d’un
d’inconstitutionnalité1487.
auparavant, examiner que les conditions posées par le législateur ont été respectées.
d’abord que les conditions matérielles d’application de la C.R.P.C. ont bien été
observées par le ministère public. Il va donc, non seulement vérifier la réalité des
correspondent bien aux infractions visées par la procédure, mais aussi la justification
justiciable, c’est à dire, non seulement que l’intéressé a accepté la peine proposée en
685. Une observation critique peut être formulée à l’encontre du contrôle lacunaire
exercé par le Conseil constitutionnel sur ces dispositions. La Haute juridiction passe
délai de réflexion, qui n’est, sans doute pas sans incidence sur la réponse apportée à
1487 Sous réserve tout de même que le Procureur de la République n’ait ni la possibilité d'interroger la
personne déférée, ni de consigner les propos qu’elle pourrait prononcer sur les faits qui font l'objet
de la poursuite. Cette étape doit seulement lui permettre d’informer la personne mise en cause sur
les suites de la procédure et de lui notifier ses droits. C’est, en quelque sorte, la nécessaire
conséquence de l’absence de l’avocat lors du défèrement.
1488 Article 495-9 du Code de procédure pénale.
1489 Article 495-11 du Code de procédure pénale.
1490 Même si l’on peut raisonnablement penser que la présence de l’avocat apporte cette garantie.
1491 Article 495-11 du Code de procédure pénale.
394 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
686. Il est tout de même dommage, que le Conseil ne se soit pas penché plus en
ici. La Cour européenne des droits de l'homme, dans l’arrêt Deweer1493, avait fait le
constat que « si la perspective de comparaître devant le juge pénal est assurément de nature
à inciter beaucoup d'« accusés » à se montrer accommodants, la pression qu'elle crée sur eux
n'a rien d'incompatible avec la Convention ». En somme, la seule menace d'exercer des
En tous cas, la question aurait mérité que le juge constitutionnel s’y attardât, même si
le contrôle abstrait de l’article 61 n’aurait sans doute pas permis d’y apporter des
1492 « Lorsque la personne demande à bénéficier, avant de se prononcer sur la proposition faite par le procureur
de la République, du délai prévu au dernier alinéa de l'article 495-8, le procureur de la République peut la
présenter devant le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci ordonne son placement sous contrôle
judiciaire ou, à titre exceptionnel et si l'une des peines proposées est égale ou supérieure à deux mois
d'emprisonnement ferme et que le procureur de la République a proposé sa mise à exécution immédiate, son
placement en détention provisoire, selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 394 ou les
articles 395 et 396, jusqu'à ce qu'elle comparaisse de nouveau devant le procureur de la République. Cette
nouvelle comparution doit intervenir dans un délai compris entre dix et vingt jours à compter de la décision
du juge des libertés et de la détention. A défaut, il est mis fin au contrôle judiciaire ou à la détention
provisoire de l'intéressé si l'une de ces mesures a été prise ».
1493 C.E.D.H., 27 février 1980, Deweer c/ Belgique, requête n° 6903/75, série A, n° 35.
La qualité du procès 395
687. Toujours est-il que le contrôle exercé par le président du tribunal de grande
tel que le juge constitutionnel l’appelle de ses vœux, paraît convenable. Non
seulement le magistrat du siège n’est lié, ni par les propositions du procureur, ni par
reconnu, en toute liberté et en toute sincérité, être l'auteur des faits. Cela n’est guère
l’homme1496, qui implique le droit de garder le silence, sans que celui-ci puisse être
manifestation de la vérité. L’essentiel étant, que le recueil des aveux n’ait été vicié en
aucune manière et que le juge du siège puisse refuser l’homologation, quand les
conditions de sa validité ne sont pas réunies. Cela peut être le cas, par exemple, en
cas de contrariété évidente entre les faisceaux de preuves et les aveux du suspect.
été mises en évidence, traduit à la fois son attachement au grand principe cardinal de
judiciaire1500. Parce que le ministère public est dispensé d’apporter les preuves de la
culpabilité du suspect, les garanties que le juge constitutionnel ajoute, même si elles
devant un magistrat du parquet. En cela, cette position est tout à fait conforme à sa
1498 La nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime , les intérêts de la société
les déclarations de la victime apportant un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur peuvent justifier le refus
d’homologation de la procédure.
1499 LAZERGES C., « Le Conseil constitutionnel, acteur de la politique criminelle », op. cit., p. 735.
1500 Cf supra n° 363, 376, 455 et Cf infra n° 807.
La qualité du procès 397
Haute juridiction a élaboré sur cette question, une jurisprudence pertinente, car
de la présomption n’est alors admis que sous de strictes conditions par le juge
constitutionnel (B).
692. S’il ne fait pas de doute, qu’un jugement définitif de culpabilité met un terme au
évidente en droit interne, quand la décision de justice n’est pas revêtue de la force de
chose jugée. Autrement formulé, est-ce qu’en droit français, un présumé innocent
cesse de l’être, dès le prononcé du premier jugement statuant sur sa culpabilité, alors
juge judiciaire, concordantes sur cette délicate interrogation, semblent apporter sur
ce point une même réponse plutôt positive en apparence, mais qui nécessite quelques
1501 Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions
pénales, JO, 23 novembre 2005, p. 18172.
398 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
prévenus en état de récidive légale1502. Les auteurs de la saisine voyaient dans cette
l'exception et de la détention la règle1503 ». Ces arguments n’ont pas été reçus par le juge
constitutionnel, qui estime que cette disposition « n'est pas incompatible avec le principe
qu'elle s'attache à une peine d'emprisonnement ferme prononcée par la juridiction répressive
après que celle-ci a décidé que la culpabilité du prévenu est légalement établie1504 ».
même provisoire. Il ne revêt plus la même force que dans la situation où le prévenu
d’ailleurs qu’en raison de l’atténuation du principe, provoquée, d’un côté, par cette
1502 « S'il s'agit d'une récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, le tribunal délivre
mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s'il en décide autrement
par une décision spécialement motivée ».
1503 Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005 préc., Cons. 3.
1504 Idem, Cons. 5.
1505 Cf supra n° 600 et 601, en ce qui concerne la nature de la mesure litigieuse.
1506 SCHOETTL J.-É., Chron., Décis. Cons. const. n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Gaz. Pal., 18-20
décembre 2005, p. 9.
La qualité du procès 399
culpabilité provisoire et de l’autre, par les garanties qui l’accompagnent1507, que cette
695. En outre, si l’on compare cette décision avec celle de 2002, portant sur la loi
légale, peut être délivré par le juge1511 à l'audience du tribunal correctionnel, quel que
soit le quantum de la peine prononcée. Si les deux mesures ont reçu l’approbation du
laquelle le Conseil se montre tout à fait exigeant, quand il s’agit de délivrer un brevet
présumé innocent.
1507 En vertu des dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 148-1 du Code de procédure
pénale, le prévenu pourra interjeter appel de sa condamnation et demander immédiatement sa
mise en liberté à la cour d’appel, puis ultérieurement autant de fois qu'il le souhaitera.
1508 Ce qui n’est d’ailleurs pas exactement synonyme de conformité, le Conseil ayant l’habitude de
1511 Sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée.
1513 Cass. crim., 28 février 1996, pourvoi n° 95-85041 ; Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n° 95-85785,
permis de conduire, assortie de l'exécution provisoire 1514, n'est pas incompatible avec
697. La position de la Cour européenne sur cette question apparaît moins protectrice
que celle du droit interne, qui retient la conception du Code civil, selon laquelle
d’une personne, comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une
698. Tout en relevant qu’un tel système juridique n’est pas exempt de critiques, la
Cour européenne admet quand même, que les décisions de majorations d’impôts de
l’administration fiscale suédoise ont été exécutées, avant même qu’un tribunal n’ait
statué sur la question de savoir si les requérants étaient, ou non, tenus de les payer.
Cependant, la Cour précise que la sanction, qui entre bien dans le champ
ultérieure des justiciables, dans le cadre d’une procédure judiciaire. Il ne faudrait pas
1514 L’ancien article L13 alinéa 2 du Code de la route autorisait la suspension et l'annulation du permis
de conduire par les cours et tribunaux statuant en matière correctionnelle ou de police, au titre de
peines complémentaires.
1515 Article 9-1 du Code civil, Cf supra n° 580 et 581.
1516 C.E.D.H., 25 juillet 2002, Janosevic c/ Suède, requête n° 34619/97.
1517 La chose est admise depuis l’arrêt Bendenoun c/ France, 24 février 1994 préc.
La qualité du procès 401
699. Il n’en reste pas moins, que cette jurisprudence de la Cour européenne des droits
d’une procédure judiciaire, autant il est autrement plus difficile d’admettre que celle-
700. Objet de critiques encore plus nombreuses, sans doute, les situations juridiques,
dans lesquelles l’infraction est imputée automatiquement à une personne, ont fait
conséquences juridiques que celle-ci, n’est pas sans susciter la controverse1520. Pour
culpabilité, elle prend soin de les enserrer dans des limites raisonnables (2), non sans
Une fois encore, la doctrine constitutionnelle traduit un équilibre subtil entre d’un
1518 La procédure judiciaire suédoise permet au requérant d’obtenir le remboursement des majorations
versées à l’administration fiscale en cas de succès du recours juridictionnel.
1519 Pour une approche critique de la notion, INCHAUSSPÉ D., « La présomption d'innocence, une
idée fausse ? », Gaz. Pal., 24 juillet 2012, n° 206, p. 9.
1520 Cf FELDMAN J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, J.C.P., I, 25.
402 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
constitutionnellement protégés.
matière répressive
culpabilité
voire un contresens juridique, dans un système pénal qui fait reposer la majorité de
imaginer qu’un système juridique dans un État de droit puisse, dans certaines
demeurerait tant qu’elle n’a pas fait la démonstration du contraire ? Sans compter
dans cette quête de la manifestation de la vérité judiciaire. Tout d’abord, les éléments
de preuve ont pu disparaître, ou peuvent être détenus par des tierces personnes
(l’administration, par exemple), inaccessibles à celui qui ne dispose pas des moyens
secret professionnel, par exemple. Autant d’entraves sur le chemin de l’innocence qui
devrait [...] pas souffrir l’exception1521 » et d’en conclure que « le droit de la présomption
1521 Ibidem.
1522 Ibid.
La qualité du procès 403
pour acquise la commission de l’infraction, soit dans son élément matériel, soit dans
la plus souvent tenue pour établie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil
diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des
qui « doit inclure, outre l’élément matériel de l’infraction, l’élément moral, intentionnel ou
non, de celle-ci »1524. Cette obligation, qui n’allait pas de soi et qui ne découle pas
légalité des délits et des peines) et 9 de la Déclaration de 1789 1525. Et de conclure que
moral, son brevet de constitutionnalité n’est obtenu que sous réserve de l’application
1523 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux
infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, JO, 19 juin 1999,
p. 9018.
1524 Idem, Cons. 16.
1525 Il découlerait de « l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, s’agissant des crimes et
délits, que la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d’actes pénalement
sanctionnés », Ibidem.
1526 Il s’agissait de l’article 7 de la loi contrôlée qui ajoute au Code de la route un article L4-1 ainsi
rédigé : « Est puni de trois mois d’emprisonnement et de 25 000 francs d’amende tout conducteur d’un
véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée
égal ou supérieur à 50 km/h, commet la même infraction dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle
cette condamnation est devenue définitive ».
404 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
par le juge pénal, dans le silence du texte, des dispositions générales de l’article 121-3
alinéa 1er du Code pénal disposant qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention
alinéa, une exception à la règle fixée dans le premier. En effet, il peut y avoir tout de
même délit, à la condition que ce soit prévu par la loi, dans des hypothèses de faute
sécurité1527.
caractériser l’infraction, sauf si la loi précise l’élément moral, en visant une des
situations prévues par l’article 121-3 alinéa 3 du Code pénal. Notons toutefois que le
juge constitutionnel, qui ne se prononce pas ici sur la valeur normative de cette
1527 L’article 121-3 du Code pénal, tel qu’issu de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, JO, 14 mai 1996,
p. 7211, dispose : « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,
s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait ».
1528 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc., Cons. 64 et 65.
1529 Idem, Cons. 73 et 77.
La qualité du procès 405
légalement établies
aujourd’hui en droit français, alors qu’elles étaient beaucoup plus nombreuses sous
l’empire de l’ancien Code pénal et visaient tant l’élément matériel que l’élément
moral de l’infraction. Au titre de ce dernier, on peut citer par exemple, l’ancien article
708. Ainsi, citons l’article 392 du Code des douanes qui dispose, dans son paragraphe
Cette disposition donna lieu à une application dans une célèbre affaire 1530, qui se
termina devant la Cour européenne des droits de l’homme. Les faits de l’espèce
comme étant la sienne, une malle qui ne portait pourtant pas son nom et dans
jours après, une seconde valise lui était destinée, qui ne contenait, elle, aucun produit
illicite. M. Salabiaku expliqua alors qu’il avait commis une erreur d’appréciation en
prenant pour le sien le premier bagage. Néanmoins, il devait être poursuivi devant le
juge judiciaire, pour délit pénal d’importation illicite de stupéfiants et délit douanier
1530 C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, requête n° 10519/83, série A, n° 141.
406 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
d’Appel de Paris, qui lui accorda le bénéfice du doute sur l’infraction d’importation
sur le fondement de l’article 392 du Code des douanes. Après épuisement des voies
710. Ce recours fut écarté, tant par la Commission que par la Cour européenne, ce qui
donna l’occasion à cette dernière de préciser sa position sur la délicate question des
présomptions de culpabilité établies par la loi. Elle indiqua à cette occasion que si les
résultant d’une négligence, ils ne doivent pas dépasser « des limites raisonnables
cas présent, la Cour estima qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6, paragraphe 2
soient pleinement respectés. La position, tant de la Cour que des juridictions internes,
est loin de convaincre nombre d’observateurs1532 et l’on fera remarquer ici que,
strasbourgeoises.
712. De la même façon, les articles 399 et 400 du Code des douanes présument la
713. Enfin, mais la liste est loin d’être exhaustive, l’article 418 du même Code
sont trouvées sans acquit de paiement, dans la zone géographique terrestre couverte
par les douanes1534. Dans ce cas précis, il s’agit encore d’une présomption de
culpabilité soit légalement établie, « ne met pas obstacle aux présomptions de fait ou de
droit instituées en matière pénale, dès lors que les dites présomptions, comme celle de l’article
418 du Code des douanes, prennent en compte la gravité de l’enjeu et laissent entiers les
l’arrêt Salabiaku précédemment analysé1536, dont la Cour de cassation fait ici une
715. Le droit routier est également un domaine de prédilection pour les présomptions
dernier n’interdit pas les présomptions de droit ou de fait, dès lors qu’elles ne sont
pas irréfragables et que les droits de la défense sont assurés. Cette jurisprudence sera
par l’article L121-2 du Code de la route, dans la mesure où elle laisse entiers les
717. Néanmoins, il sera fait observer que la Cour européenne avait posé une
soutenir, qu’en matière d’infractions aux règles sur le stationnement, les enjeux
limites raisonnables fixées par la Cour de Strasbourg étaient ici, de toute évidence,
dépassées.
culpabilité
présomptions de culpabilité
autorisées et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules, va lui fournir
l’opportunité de se pencher sur cette délicate question, qui n’est pas appréciée avec la
719. Dans cette décision portant sur une loi relative à la sécurité routière 1540, la Haute
1539 Ainsi le Tribunal constitutionnel espagnol déclare les présomptions de culpabilité contraires à la
Constitution du 27 décembre 1978.
1540 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc.
410 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
déférée, qui introduisait dans le Code de la route un article L21-21541 ainsi rédigé :
réglementation sur les vitesses maximales et sur les signalisations imposant l’arrêt du
véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre événement de force
majeure ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable
de l’infraction ».
720. Les auteurs de la saisine font valoir que ce texte, instituant une véritable
affirme que de telles présomptions peuvent être établies par la loi, y compris en
cumulatives1543.
inhérente à tout contentieux juridictionnel, est commune avec les exigences fixées par
722. Enfin, la troisième, qui peut s’analyser comme une forme de réserve directive à
l’égard du juge chargé de mettre en œuvre le texte législatif, précise que les faits de
citoyen, en vertu duquel « nul n’est punissable que de son propre fait1544 ». Elle peut donc
se lire de cette façon : en l’absence d’événement de force majeure, tel que le vol de
personnelle dans la commission des faits. Soit il n’en est pas l’auteur, mais il refuse
(ou est dans l’incapacité) d’apporter des éléments justificatifs utiles 1545. Dans les deux
cas, son comportement s’analyse en une faute personnelle, constituée par le refus de
première, demande seulement aux législateurs des États parties, d’enserrer les
enjeux, tout en permettant aux présumés coupables de faire valoir, dans de bonnes
œuvre de ces conditions, fixées par la jurisprudence Salabiaku, s’opère avec une
certaine souplesse. Ainsi, dans l’affaire Pham Hoang1547, la Cour considère que les
articles 369 paragraphe 2, 373, 392 paragraphe 1 et 399 du Code des douanes ont été
est vrai et elle le souligne, la Cour n’a pas à mesurer in abstracto la conformité à la
concreto, que leur mise en œuvre par les juridictions nationales ne heurte pas les
724. C’est ici qu’interviennent les juridictions judiciaires nationales qui, selon le
certaines présomptions prévues par le Code douanier 1549. Sans aller jusqu’à qualifier
de cassation ne sont pas toujours d’une grande sévérité, à l’instar de ce qui avait été
L121-2 du Code de la route1551. La condition de gravité des enjeux, posée par la Cour
été, ce qui amène à penser que la jurisprudence constitutionnelle est moins encline à
juge du quai de l’Horloge. Ce constat initial sera d’ailleurs confirmé par l’évolution
1547 C.E.D.H., 25 septembre 1992, Pham Hoang c/ France, requête n° 13191/87, série A, n° 243.
1548 Idem, § 33.
1549 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 175., à propos de l’article 392 § 1
du Code des douanes, en cause dans l’affaire SALABIAKU.
1550 JUNOSZA-ZDROJEWSKI G., chron., C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, « La
présomption d’innocence contre la présomption de culpabilité », Gaz. Pal., 1989, n° 3, p. 308.
1551 Cf supra n° 100 à 103.
La qualité du procès 413
des exigences du juge constitutionnel, dans son contrôle des dispositions législatives
durcissant les exigences. Il le fit tout d’abord dix ans plus tard, lors du contrôle de la
avoir un doute dans l’esprit de certains1553, le Conseil constitutionnel lève ici toute
726. Ce dispositif législatif avait, entre autres pour objet, de créer une autorité
illégal. La loi dote cette Haute autorité de sanctions pouvant aller jusqu’à une
pour responsable de toutes les violations aux droits d’auteurs effectuées depuis sa
pouvait renverser, qu’à la seule condition d’apporter la preuve que sa ligne avait fait
l’exception de l’exigence du respect des droits de la défense, qui est passée sous
regard des faits ne pose guère de problèmes, le point d’achoppement se situe dans la
difficulté d’apporter la preuve de son innocence. En effet, celle-ci ne peut résulter que
de la production des éléments de nature à établir que l’atteinte portée aux droits
d’auteurs ou aux droits voisins procède de la fraude d’un tiers 1557. C’est ici une des
différences majeures avec les conditions d’exonération posées par la loi examinée
disposait de trois moyens pour démontrer qu’il n’était pas l’auteur de l’infraction.
Parmi eux se trouvait notamment le vol, bien moins délicat à établir que le piratage
d’une ligne internet, qui peut être réalisé à distance via une connexion sans fil.
1555 « La personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller
à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à
disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un
droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise ».
1556 Cons. 17 : « [...] en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière
répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en
matière contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est assuré le respect
des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité ».
1557 Article L331-38 du Code de propriété intellectuelle.
La qualité du procès 415
728. Deux autres différences majeures expliquent les divergences de solutions entre
les deux décisions, à dix années d’écart. En 2009, seul le titulaire du contrat
d’abonnement peut être sanctionné, alors que le dispositif contrôlé en 1999, prévoyait
peine encourue pour l’infraction au Code de la route n’était que pécuniaire, alors que
729. Il n’est donc guère surprenant que les deux décisions aboutissent à des
éventuelle de la loi HADOPI dans sa première version1559 qui aurait pu, à juste titre,
des conditions qu’il a lui même posées, qui, rappelons le, dépassent les exigences du
730. Cette jurisprudence sera confirmée (et même durcie), dans le cadre du contrôle
l’encontre des parents qui n’ont pas fait respecter la mesure : ceux-ci sont passibles
caractère réfragable.
731. Il n’était pas question ici d’un cas de responsabilité pénale du fait d’autrui : les
fait respecter l’interdiction de sortie imposée à leur enfant. Mais, alors que le titulaire
présomption d’innocence, les parents du mineur récalcitrant n’ont ici aucune cause
732. Il semble donc que, des trois conditions cumulatives posées en 2009, celle-ci soit
cet article aurait sans doute échappé à l’annulation, si le législateur avait prévu ne
celle prévue dans la disposition épargnée de 1999. Le moins que l’on puisse en dire,
c’est que la juridiction constitutionnelle a appliqué ici, avec une grande sévérité, sa
aussi imposé le respect tant au législateur qu’au juge, en usant de directives à leur
menace d’une sanction punitive. Alors, parallèlement, bien que les deux principes
constitutionnel n’a eu de cesse de renforcer les intérêts de chacune des parties dans
entre les différents éléments constitutifs1565. De tous les éminents juristes qui se sont
penchés sur la question, Henri MOTULSKY est celui dont l’apport à la notion et
l’influence corrélative sur le droit positif ont été le plus marquants. La raison en est
simple : il a œuvré toute sa vie juridique durant, pour faire reconnaître à ce « principe
immortel1566 » sa valeur de droit naturel, c’est à dire comme une « traduction juridique
dire le statut juridique auquel il souhaitait voir accéder les droits de la défense, qu’il
d’application, puisqu’il estime que les droits de la défense doivent organiser aussi
bien les rapports entre les parties1569, que les relations entre ces dernières et le juge1570,
mais aussi un large contenu, qui s’étend bien au-delà du seul principe du
contradictoire1571. Alors, s’il n’est sans doute pas plus beau principe directeur du
1564 WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », op. cit., p. 36.
1565 AMRANI-MEKKI S., « Qu'est devenue la pensée de Henri MOTULSKY ? Les droits de la
défense », Procédures, n° 3, Mars 2012, dossier n° 6.
1566 MOTULSKY H., « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des
principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D, 1972, p. 92.
1567 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 176-177.
1568 Idem., p. 178.
1569 Id., p. 183 et s.
1570 Id., p. 189 et s.
1571 Id., p. 183 et s.
420 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
justice1573 », il n’en est pas non plus de plus ambigu, en raison d’un contenu
difficilement trouvable1574.
736. Les droits de la défense ont d’abord été consacrés par la jurisprudence
la procédure à laquelle ils sont applicables (§ 1.), qu’en ce qui concerne les catégories
1572 BOLARD G., « Les juges et les droits de la défense », Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, Paris, 1991,
p. 70.
1573 CANIVET G., « Economie de la justice et procès équitable », op. cit., p. 2086.
1574 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice,
op. cit., p. 364.
1575 C.E., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. p. 133 ; C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec.
p. 213.
1576 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 préc., Cons. 2.
La qualité du procès 421
constitutionnel, qui admet l’invocation des droits de la défense dans des procédures
débouchant sur des décisions au caractère punitif peu prononcé (B), rendues par des
autorités qui dépassent largement le cadre circonscrit des juridictions pénales (A).
pénal un terrain d’élection privilégié et c’est d’ailleurs, dans le cadre d’une procédure
juridictionnelle répressive que leur valeur constitutionnelle a été consacrée 1577, ils ne
procès stricto sensu. En effet, ils trouvent à s’appliquer durant les étapes d’instruction
du procès pénal, mais aussi au-delà des sentences rendues par les juridictions
juridictionnelles.
1577 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 préc., Cons. 2. Auparavant, le Conseil constitutionnel
avait, de manière implicite, reconnu une simple valeur législative aux droits de la défense, mais il
est vrai que la valeur normative du principe était restreinte au domaine fiscal, Décision n° 72-75 L
du 21 décembre 1972, Nature juridique des dispositions de l'article 48, alinéa 2, modifié, de la loi du 22
juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs et article 13, paragraphes 1 et 2, de
la loi du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en
matière fiscale, JO, 31 décembre 1972, p. 13900. Sur la question, Cf FAVOREU L., chron., Décis.
Cons. const. n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, R.D.P., 1978, p. 820.
422 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
amont du procès proprement dit, c’est à dire durant ses phases préparatoires. Il ne
fait plus de doute aujourd’hui qu’il bénéficie aux personnes mises en cause, pendant
les actes d’investigations policières1578, comme les interrogatoires menés durant les
gardes à vue1579 ou pendant les retenues douanières1580 et, lors de toute la période de
détention provisoire1581. L’idée générale qui préside à cette extension des droits de la
défense, à toute la procédure pénale entendue largement, est qu’une personne mise
en cause doit pouvoir bénéficier de garanties lui permettant de défendre ses intérêts,
à chaque étape du processus juridictionnel, au cours duquel il pourrait leur être porté
pénaliste1584, ils ne profitent pas uniquement à celui en situation de défense, c’est à dire
devant faire face à une accusation pénale. Le juge constitutionnel a en effet agi dans
1578 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 20 ; Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003
préc., Cons. 49.
1579 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 12 ; Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet
2010 préc.
1580 Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres [Retenue douanière], JO, 23
septembre 2010, p. 17291, Cons. 7 ;
1581 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
1582 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc, Cons. 16 : « [...] que la garde à vue est ainsi
souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la
personne mise en cause ; ».
1583 Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la
Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21379, article 23-2, alinéa 2.
1584 CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 627.
La qualité du procès 423
MOTULSKY défendait l'idée que les droits de la défense ne devaient pas être
réservés à la seule matière pénale, alors que, de son côté, Gérard CORNU estimait, au
contraire, que « leur puissance évocatrice lance si fort l'esprit vers le pénal, qu'il n'est pas
sain de propager, dans un procès civil entre parties égales, l'image intimidante de l'inculpé
face à la société1585 ».
parties1586, doit ainsi édicter les règles procédurales permettant d’assurer le respect
des droits de la défense devant toute juridiction et pas seulement donc, devant les
tribunaux pénaux1587. Cette extension sera confirmée, à deux reprises, durant l’année
1989. Une première fois, le Conseil constitutionnel y affirme que les droits de la
que le principe des droits de la défense régit la procédure suivie devant le juge de
l'impôt1589, sans que dans aucune de ces situations, sa valeur normative n’en soit
altérée1590. Les doutes légitimes, formulés par Louis FAVOREU, sur la variation
une hiérarchie des normes1591, s’en trouvent levés. Est ainsi confirmé aussi, que la
1585 CORNU G., « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (fragment d’un état des
questions) », op. cit., p. 94.
1586 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 183 et s.
1587 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à l'application des peines, JO, 5 septembre
1986, p. 10788, Cons. 3.
1588 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché
financier, JO, 1er août 1989, p. 9676, Cons. 44.
1589 Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990, JO, 30 décembre 1989,
p. 16498, Cons. 58.
1590 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », op. cit., p. 19.
1591 FAVOREU L., chron., Décis. Cons. const. n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, op. cit., p. 820.
424 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
quand l’autorité qui a prononcé la décision n’est pas juridictionnelle et ce, même
le législateur doit être encore plus vigilant dans la mise en œuvre des mesures
744. Depuis que le droit pénal n’est plus la seule source normative de répression des
autonome le domaine répressif au sens large, qui englobe l’ensemble des mesures
juridique des sanctions pénales, à l’ensemble des mesures à caractère punitif et leur
faire ainsi bénéficier des principes constitutionnels propres à la matière pénale, tels
en est ainsi pour les droits de la défense, qui, dans la jurisprudence constitutionnelle,
exigence est cependant appréciée avec une certaine souplesse par le Conseil
constitutionnel (1), qui refuse seulement d’intégrer dans le champ d’application des
comptables (2).
procès, a connu une extension continue. Le plus petit dénominateur commun semble
être l’exigence d’une sanction ayant le caractère d'une punition, c’est à dire visant à
ailleurs, que celle-ci soit nécessairement envisagée par le Code pénal1602, puisqu’elle
médicale, destinée à évaluer l'état de santé des salariés, pour vérifier s’ils peuvent
mesure n’a pas de but punitif, seulement le rétablissement d’une situation juridique,
puisqu’il ne mentionne pas expressément les droits de la défense, mais seulement les
donc que l’intention punitive ne soit plus déterminante, mais que les droits de la
défense trouvent matière à s’appliquer, dès qu’une mesure individuelle emporte des
747. Cette idée semble confirmée par la décision du juge constitutionnel de faire
disposition qui, selon ses propres termes, présentait « le caractère d'une simple mesure
de police de l'audience et ne revêtait pas celui d'une sanction disciplinaire 1610 ». Il est vrai
qu’il s’agit ici du cas très particulier d’une mesure permettant au président d'une
la salle d'audience, parce qu’il lui est reproché de troubler la sérénité des débats, sans
décembre 1971, qui avait ôté aux juridictions le pouvoir d’édicter des sanctions
quiétude des échanges judiciaires), tout au moins par ses effets (l’éviction possible de
deux jours de la salle d’audience), à une sanction ayant le caractère d’une punition,
comptables
l’application des droits de la défense, n’est toutefois pas sans limite. Ainsi, une
retenue sur traitement d’un fonctionnaire pour service non exécuté (heures de
telle décision peut se cumuler avec une procédure disciplinaire, dont elle se distingue
constitutionnel) suffit, en soi, pour justifier la retenue sur traitement qui se trouve
inopérant le grief invoquant la violation des droits de la défense, dans le cadre d’une
à éteindre l'action publique, laquelle devra ensuite être homologuée par l’autorité
judiciaire1614. L’idée gouvernant cette jurisprudence est que les droits de la défense
par l’autorité publique et non, quand elle est le résultat d’une concertation avec
750. Cette restriction du champ d’application des droits de la défense est à la fois
l’homologation d’un juge du siège. La plus célèbre, en même temps que la plus
culpabilité, n’a pas été exclue du champ d’application des droits de la défense par le
lequel n’aura peut-être même pas lieu et la refuse ici1617. Il est, par ailleurs, critiquable
de les exclure d’une procédure dans laquelle la décision n’est pas unilatéralement
directions.
752. En premier lieu, les personnes physiques ne sont plus les seules à pouvoir jouir
des droits de la défense. En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu dès 1980, par
753. Cette extension en direction des personnes morales sera confirmée, par la suite, à
acte des évolutions juridiques au lieu de les initier, a fait preuve ici d’une
sanction1621, qui peut être exercé à l’encontre des personnes morales et de l’autre,
l’introduction dans le Code pénal de 1992, d’une responsabilité pénale des personnes
pouvaient être destinataires d’une sanction administrative faisant grief ou, qu’elles
commises par leurs organes ou leurs représentants, quand ils agissent pour leur
compte, il y avait donc lieu d’accorder aux personnes morales, le bénéfice des
754. En deuxième lieu, les droits de la défense ne profitent pas uniquement non plus,
(ou morale, donc) qui a pris l'initiative d'engager une procédure, juridictionnelle ou
même ici plus protectrice des intérêts des administrés, que celle adoptée par le
Conseil d’État, pour qui les droits de la défense ne sont pas applicables aux décisions
personnelle1625.
définition des droits de la défense telle que la formulait MOTULSKY1626, en tant qu’ils
offrent les garanties nécessaires à toute partie à l’instance pour y faire valoir leurs
droits mais aussi, à la valeur juridique que leur confère la Cour de cassation, pour
756. Enfin, en troisième lieu, la dernière forme d’extension, celle qui fit le plus débat,
concerne la victime qui s’est constituée partie civile lors de la procédure répressive,
constitutionnel ouvre ainsi dans le procès pénal, les droits de la défense, au-delà de
Thierry RENOUX et Michel de VILLIERS1630, il n’y a pas lieu d’être surpris que la
restriction de l’accès au juge soit constitutif d’une violation des droits de la défense,
puisque le droit d’agir en justice est, pour la Cour européenne des droits de l’homme,
constitutionnelle, qui fait de la partie civile une partie à part entière du procès 1632, est
1626 Pour MOTULSKY, les droits de la défense doivent être compris dans l’acception large de « défense
des intérêts de chacune des parties », « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect
des droits de la défense en procédure civile », op. cit., p. 184.
1627 Cass. Ass. plén., 30 juin 1995, pourvoi n° 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n° 4, p. 7.
1628 C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas, requête n° 14448/88, série A, n° 274.
1629 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 8.
1630 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 225.
1631 C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni préc.
1632 Cf supra n° 199 et s.
432 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
conforme aux droits octroyés par le Code de procédure pénale, que le Conseil prend
d’une erreur de droit, est bien « la plus novatrice rendue à ce jour par le Conseil
réel pour la protection du droit des victimes, mais confirme aussi que les droits de la
de plus en plus large, qui rejaillit favorablement sur les composantes du principe.
758. Le contenu des droits de la défense, tel que le Conseil constitutionnel le définit,
irréprochable1641. Leur exclusion des droits de la défense est due, pour la première, à
aujourd’hui les contours d’un « noyau dur » d’une forme d’habeas corpus à la
mieux ses intérêts avant tout jugement. Y figurerait alors, le droit à l’assistance d’un
avocat (§ 2.), qui fait aussi partie des éléments fondamentaux du procès équitable, au
sens que la Cour européenne lui confère1643 et, le droit à une procédure juste et
équitable (§ 1.).
759. Le droit à une procédure juste et équitable est garanti, dans la jurisprudence
droits de l'homme et du citoyen, qui visent deux hypothèses distinctes. D’une part,
1639 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre [Motivation des arrêts d'assises],
JO, 2 avril 2011, p. 5893, Cons. 10.
1640 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 195-196.
1641 Cf trois décisions antérieures, qui pourraient, au contraire, laisser supposer l’appartenance de la
motivation des jugements aux droits de la défense : Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.,
Cons. 30 ; Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication, JO, 2 août 2000, p. 11922, Cons. 13 ; Décision n° 84-182 DC
du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
1642 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 367.
1643 C.E.D.H., 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, requête n° 14032/88, série A, § 34 ; R.S.C., 1994, p.
370, obs. PETTITI L.-E ; A.F.D.I., 1994, p. 684, obs. PELLOUX R ; COSTA J.-P., « Les droits de la
défense selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme », Gaz. Pal., octobre
2002, p. 1418.
434 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
veille à la préservation de l’équilibre des droits des parties. Cette garantie constitue la
litiges comparables et à vérifier, que la garantie autonome d’équité est respectée pour
chacune d’entre elles. En somme, cette protection s’applique à des hypothèses, dans
litiges similaires. Une telle ramification des chemins procéduraux est acceptée par le
manière équivalente l’équilibre des droits des parties et garantisse ainsi, en toutes
(dans la mesure où tous les justiciables sont soumis au même itinéraire procédural),
l’équilibre des droits des parties peut être rompu par l’inobservation d’une qualité
1644 JEAN-PIERRE D. et MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le principe d'égalité des armes », Rev. Rech.
Jur., 1993, p. 489 ; MARCUS-HELMONS S., « Quelques aspects de la notion d’égalité des armes »,
op. cit., p. 67 ; COHEN-JONATHAN G, « L'égalité des armes selon la Cour E.D.H. «, L.P.A., 28
novembre 2002, p. 21.
1645 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 préc., Cons. 41.
1646 Cf, en ce sens, C.E., 29 juillet 1998, Mme Esclatine, Rec. p. 320 ; A.J.D.A., 1999, p. 69, note ROLIN F. :
« Considérant que le principe du contradictoire, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge... ».
1647 CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 627.
1648 C.E.D.H., 30 octobre 1991, Borges c/ Belgique, série A, n° 214-A ; C.E.D.H., 20 février 1996, Vermeulen
c/ Belgique, requête n°19075/91, J.C.P., 1997, I, 4000, obs. SUDRE F.
La qualité du procès 435
sera alors sauvegardé, que si le caractère contradictoire n’est pas atteint dans sa
substance (B).
un certain nombre de principes non écrits, qui viennent préciser la notion de procès
Cour est sans doute le principe dit de « l’égalité des armes », qui suppose l’absence
reprise et perfectionnée, pour finalement aboutir à l’idée que l’égalité des armes
cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de
762. Cette idée d’équilibre relatif des droits des parties sera réceptionnée en droit
juste et équitable1652, qui contraint le législateur à ne placer aucune des parties dans
une position telle, qu’elle souffrirait d’une infériorité procédurale insurmontable par
peut alors envisager que des justiciables, confrontés à des litiges comparables, soient
1649 Commiss. E.D.H., 30 juin 1959, Szwabowicz c/ Suède, requête n° 434/58, Ann. II, p. 355.
1650 C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique préc., § 34.
1651 C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas préc., § 33 ; C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c./
Autriche préc., § 47 ; C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c./ France, requête n° 22209/93, § 34.
1652 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 44.
436 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
l’équilibre des droits des parties à l’instance. En ce sens, le principe des droits de la
compétentes sont organisées selon des règles spécifiques (1). À contrario, l’équité de
la procédure ne peut être considérée comme préservée, quand l’accès au juge est
763. Que le législateur prévoie que des litiges similaires seront tranchés par des
juridictions différentes (a), ou qu’ils seront jugés par les mêmes tribunaux, mais dans
procédure n’en est pas pour autant altérée, dans la mesure où les parties au procès ne
se trouvent, dans aucune des ces hypothèses, en situation de déséquilibre pour faire
certains litiges de leur juge naturel1653, ce qui conduit à faire trancher par des
d'une partie, certaines affaires présentant « une difficulté juridique sérieuse portant sur
l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties ». En
2010, l’article 689-11 du Code de procédure pénale, initié par la loi portant adaptation
en estimant que la procédure conservait son caractère juste et équitable, quelle que
765. Ces deux solutions identiques appellent pourtant une appréciation divergente.
1653 RENOUX T., « Le droit au juge naturel, droit fondamental », R.T.D. civ., 1993, p. 33.
1654 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc. ; Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010, Loi
portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, JO, 10 août 2010,
p. 14682.
1655 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, JO, 10
septembre 2002 p. 14934. Cet article a depuis été abrogé par l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin
2006 portant refonte du Code de l'organisation judiciaire et modifiant le Code de commerce, le
Code rural et le Code de procédure pénale.
1656 Loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale
internationale, JO, n° 0183 du 10 août 2010, p. 14678.
1657 Génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, agression.
1658 Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010 préc.
438 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties 1660. Le
devant la justice ne semble pas heurté, puisque la procédure suivie, quel que soit le
public.
766. Il est toutefois possible d’être plus nuancé concernant la position adoptée par le
En premier lieu, il est assez incompréhensible que cette faculté de renvoi soit
circonscrite aux seules affaires civiles. Est-ce à dire que la compétence pénale du juge
de proximité1665 ne peut être confrontée à une « difficulté juridique sérieuse portant sur
mesure où seules les questions civiles délicates peuvent bénéficier de l’expertise d’un
juge professionnel ?
767. En deuxième lieu, il n’est pas évident non plus que le Conseil constitutionnel
applique ici, avec une grande rigueur, les critères qu’il a lui-même fixés dans la
précision suffisante pour répondre aux exigences de 1975, sans compter que le
l’insuffisance de ses compétences sur la question1668. Une telle exigence aurait sans
administration de la justice.
constitutionnel fut amené à vérifier si l’équilibre des droits des parties n’était pas
769. La présence ou non dans les formations collégiales des tribunaux correctionnels,
d’un juge de proximité choisi sur une liste d’aptitude, illustre l’hypothèse d’une
grande instance qu’il appartient d’établir la liste des juges de proximité de son
somme, le juge constitutionnel dût se prononcer sur le fait de savoir, si les droits de
770. La collégialité étant conservée dans les deux cas, la jurisprudence dite « juge
juridiction, il n’y avait nullement lieu de penser, que les droits de la personne mise
en cause seraient moins bien assurés, en présence d’un magistrat non professionnel
dans la formation de jugement. D’autant que ses capacités juridiques ont été
président du tribunal de grande instance choisit de l’inscrire sur la liste des juges de
quantitative, deux infractions comparables pouvant être jugées, soit par une
dans la décision du 10 juin 20091677, avait suscité pour les autorités gouvernementales,
potentielles aux droits d’auteurs, par le biais de dispositifs « peer to peer » ou depuis
à une procédure qui ne serait plus ni juste, ni équitable, en violation du principe des
droits de la défense.
volume contentieux dans des délais acceptables, tout en assurant aux justiciables les
visant à les raccourcir, quitte à alléger corrélativement les garanties de procédure 1680.
Cela semble être le cas ici, puisque la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale
773. Que la mesure envisagée par le législateur restreigne de manière relative (a) ou
absolue (b) l’accès à la justice à l’égard d’un des acteurs du procès, la décision du
parfois les effets indésirables par le biais d’une réserve d’interprétation), en raison du
son attachement au principe d‘égalité devant la justice, dont l’atteinte est appréciée
avec une sévérité accrue, quand elle résulte d’une limitation du recours juridictionnel
effectif, ce qui confirme l’idée que le droit d’agir en justice est un objectif prioritaire
774. L’égalité des armes processuelles entre les parties fait l’objet, de la part du
Conseil constitutionnel, d’une protection accrue, quand elle risque d’être rompue en
se trouvent lésés, puisqu’elle traite avec la même exigence, les atteintes portées aux
s’est constituée partie civile1686, que celles-ci aient une origine financière1687 ou
juridique1688.
775. Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré, aussi bien les dispositions du Code de
en l’absence d’action du ministère public1689, que celles qui ne permettaient pas aux
permis à la personne mise en cause dans un procès pénal, d’interjeter appel de toutes
les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne dispose pas, dans la suite
1682 Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre [Frais irrépétibles devant les
juridictions pénales], JO, 22 octobre 2011, p. 17969.
1683 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc. Cf supra n° 180 et s.
1684 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cf supra n° 199 et s. ; Décision n° 2011-112 QPC
du 1er avril 2011, préc., Cf supra n° 206 et s.
1685 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 7.
1686 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 8.
1687 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc. ; Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011
préc.
1688 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc. ; Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011
préc.
1689 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc.
1690 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc.
444 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
œuvré dans le sens d’un rééquilibrage des droits des parties, à tous les stades du
retenant une conception extensive de la notion de partie au procès, qui outrepasse les
seules parties classiques dans une instance pénale, en englobant toutes les personnes
responsables, alors même qu’ils ne sont pas directement impliqués par la sentence
répressive1692.
procédure soit juste et équitable afin de garantir l'équilibre des droits des parties, s’en
trouve doublement élargie. Elle englobe désormais toutes les parties au procès, y
compris celles qui n'ont qu'un lien ténu avec l'infraction commise. Mais aussi, même
si le processus avait été amorcé dès avril 20111693, est ici confirmée l’idée, que le juge
peut obtenir le remboursement de ses frais de justice, cette faculté soit accordée à
l'ensemble des parties au procès. En l’espèce, seule la partie civile et les organismes
tiers payeurs intervenant à l'instance, d’un côté1694, ainsi que la personne poursuivie
plus remarquable, que les requérants contestaient seulement les conditions dans
remboursement de ses frais de justice, qu’ils trouvaient plus restrictives que celles
des autres parties au procès pénal qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation1697.
777. Pour le Conseil constitutionnel, qui accorde une attention particulière au droit
parties au procès est franchie, quand une d’entre elles se retrouve, pour une durée
adversaire processuel. En effet, comment dans ces conditions pourrait-elle avoir une
convenables, puisque le chemin qui conduit au prétoire lui est fermé ? La réponse à
la question est fournie par la jurisprudence Golder de la Cour européenne des droits
justiciable d‘en bénéficier n’était pas réalisée. C’est à cette position de bon sens que le
778. La situation s’est en effet présentée à lui, quand une question prioritaire de
organisé par l'article 100 de la loi de finances pour 1998 1701, dans sa rédaction
leur départ précipité et contraint (eu égard aux pertes enregistrées et au coût inhérent
retour en France. La principale d’entre elles consiste à prohiber toute forme d’actions
en justice visant à recouvrer une créance, dont un rapatrié serait le débiteur, dès lors
rapatriés, dont la définition était fournie par l’article 1er de la loi du 26 décembre
19611704. Il fut progressivement étendu par le législateur et le juge, aux conjoints, aux
d’application matériel, circonscrit à l’origine aux dettes contractées dans les anciens
consécutive au rapatriement, puis des dettes sans lien direct avec le retour en France,
causées par la seule activité économique non salariée du rapatrié 1706. Le dispositif ne
1701 Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, JO, 31 décembre 1997, p. 19261.
1702 Loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, JO, 31 décembre 1998,
p. 20116.
1703 Moratoires, remises de dettes, prêts de consolidation, plans d’apurement et suspension des
poursuites.
1704 Loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-
mer, JO, 28 décembre 1961, p. 11996.
1705 Loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 de finances rectificative pour 1986, JO, 31 décembre 1986,
p. 15873, article 44, paragraphe I.
1706 Décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une
profession non salariée, JO, 6 juin 1999, p. 8334.
La qualité du procès 447
comportait donc plus qu’un lien ténu avec l’objectif initial, celui d’aider une
780. Pour ce qui est des effets de la mesure, ils prirent au fil du temps, un caractère à
créance appartenait au juge, qui pouvait l’accorder pour une durée maximale de trois
ans, par la suite, son rôle fut réduit au seul constat du dépôt du dossier en préfecture,
lequel entraîne de plein droit l’interruption des actions en justice introduites par les
trouve illimitée, en raison des prolongations possibles provoquées par les recours
hiérarchiques devant le ministre chargé des rapatriés, puis contentieux devant le juge
administratif. Toutes ces raisons avaient d’ailleurs conduit la Cour de cassation, dans
de l'homme1707.
temps ou d’échelonnement de ses dettes, il n’est pas démuni de voies de droit quand
1707 Cass. Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 05-11519, Bull., 2006, n° 3, p. 5.
1708 Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012 préc., Cons. 3.
448 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
déséquilibre des droits des parties est flagrant, puisque le débiteur peut interrompre
le procès pendant une durée indéterminée, alors que le créancier ne dispose lui
782. Même si le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel souligne que les
deux catégories de mesure ne poursuivent pas les mêmes finalités, elles n’en
demeurent pas moins comparables par leurs effets. Il résulte de cette restriction
abusive du droit au juge, que la procédure n’est plus juste et équitable et, par
conséquent, que le principe des droits de la défense n’est plus préservé. En ce sens, il
condition que ces dernières soient indifféremment justes et équitables, c’est à dire
principe est celui du respect des droits de la défense, au sein duquel la faculté de
1709 Procédure de sauvegarde des entreprises : articles L. 620-1 à L. 628-7 du Code de commerce ;
Redressement judiciaire : articles L. 631-1 à L. 632-4 du Code de commerce ; Liquidation judiciaire :
articles L. 640-1 à L. 644-6 du Code de commerce.
1710 Code de la consommation, articles L. 330-1 à L. 334-12 et articles R. 331-1 à R. 336-8.
1711 Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012 préc., Cons. 7.
1712 WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », op. cit., p. 36.
La qualité du procès 449
contradictoire1715. Pour autant, il n’y a pas vraiment de consensus sur la question, les
inquisitoriale1717 et quelle que soit la branche du droit dans laquelle il s’inscrit 1718, y
contradictoire ne devrait pas être une option, un choix possible laissé à la disposition
du législateur1720.
784. Au regard de ces considérations, qui témoignent de la place cardinale que lui
sera surpris par le statut un peu hésitant que lui confère le Conseil constitutionnel 1721.
contradictoire est appliqué dans un cadre étroit (1) et les tempéraments dont il peut
faire l’objet sont admis avec une certaine bienveillance par la Haute juridiction, dont
contradictoire
vocation à gouverner que les procédures juridictionnelles, c’est à dire que sont
disciplinaire et pas dans les autres hypothèses1724. Il n’est pas imposé non plus dans
pénale, qui limite l’accès de l’avocat aux pièces déterminantes du dossier pendant la
1722 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin
2011 préc.
1723 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29 ; Décision n° 2001-451 DC du 27
novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc., Cons. 53.
1724 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 préc., Cons. 24.
1725 Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, JO, 30 décembre 1984,
p. 4167, Cons. 35.
La qualité du procès 451
aurait pas lieu de respecter le principe du contradictoire 1726. Voilà qui constitue un
jugement1727.
contradiction est moins étendu que celui du droit à l’assistance effective d’un avocat,
ce qui n’est pas dénué de toute contradiction. À quoi bon permettre, en effet,
l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue, si on ne lui donne pas les moyens
difficile de conclure que les droits de la défense, au sens de « la possibilité offerte à toute
personne de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure dont l’aboutissement est
procédure
constitutionnelle en tant que corollaire des droits de la défense 1729, comprend deux
garantit le droit d’être informé des faits reprochés à une personne1737, aussi bien que
des recours exercés contre elle1738, ou des motifs d’une décision disciplinaire
une phase est compensée par sa présence à un autre stade de l’instance. Cette analyse
1730 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 184-185.
1731 JEAN-PIERRE D. et MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le principe d'égalité des armes », op. cit.,
p. 504.
1732 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29. Le principe comprend, pour la personne
mise en cause, la faculté de « présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés », ainsi que
« d'avoir accès au dossier le concernant ».
1733 Cass. crim., 20 septembre 2000, Bull. crim., n° 274 ; Rev. Dr. Pén., 2001, Chron. 14, obs. MARSAT C. :
« Le prévenu doit être informé (...) de la nature et de la cause de la prévention (...) et doit être mis en mesure
de se défendre tant sur les divers chefs d’inculpation (...) que sur chacune des circonstances aggravantes ».
1734 C.E.D.H., 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique préc., § 33. Il s’agit de « la faculté pour les parties à un
procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un
magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision et de la discuter ».
1735 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29 ; Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992
préc., Cons. 29.
1736 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
1737 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 8.
1738 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986 préc., Cons. 4.
1739 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
La qualité du procès 453
790. Dans le cadre de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique 1743,
laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités1745. En somme, c’est parce que
aval, les décisions de refus de remise en liberté peuvent être contestées devant la
1740 C.E.D.H., 8 décembre 1983, Pretto c/ Italie, requête n° 7984/77, § 27 ; C.E.D.H., 22 février 1984, Sutter
c/ Suisse, requête n° 8209/78, § 33.
1741 MOTULSKY H., « La réforme du Code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les
principes directeurs du procès », J.C.P., 1966, I, 1996, § 3.
1742 Ibidem.
1743 Décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012 préc.
1744 Idem, Cons. 6.
1745 Ibidem.
454 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
« a minima »1747, le juge constitutionnel exige que le prévenu placé en détention ait eu
étonnant ici est, sans doute, que le Conseil se satisfasse de l’absence de publicité des
audiences, quand d’ordinaire, il l’impose dans le cadre d’un procès pénal pouvant
la contradiction, plus difficile car plus exposée. En ce sens, la publicité est un principe
nom du peuple, doit être placée sous son contrôle1751. Il peut donc sembler
du ministère public.
792. L’appartenance du droit à l’assistance d’un avocat, aux garanties des droits de la
des situations de mise en cause de celui-ci, notamment sur le plan pénal. Néanmoins,
son intervention n’est véritablement exigée par le Conseil constitutionnel que dans
des conditions restrictives (A) et les modalités de son action de défenseur sont elles-
conditions sont réunies simultanément : sa présence doit réellement être utile pour la
procédure, à laquelle celle-ci ne peut se soustraire (1). Cependant, même dans les
l’intervention de l’avocat
794. La garde à vue est une mesure privative de liberté, prise à l’encontre d’une
personne soupçonnée d’être à l’origine d’un crime ou d’un délit puni d'une peine
456 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
être lourde de conséquences pour la suite de l’instance. À ce titre, elle est une parfaite
défenseur. Pourtant, l’assistance effective d’un avocat n’y a été imposée par le
circonstances1756. En effet, bien qu’examinées lors du contrôle a priori à l’été 1993 1757,
795. L’apparition de l’avocat en garde à vue s’est d’abord réalisée par le biais d’un
libre entretien, à l’expiration d’un délai de vingt heures1759, lequel a, par la suite, été
rendu possible dès le début de la garde à vue, grâce à la loi du 15 juin 2000, qui en
prolongation des vingt-quatre premières heures par la loi du 9 mars 20041761. Bien que
pour le juge constitutionnel, il s’agisse là d’un « droit de la défense qui s'exerce durant la
phase d'enquête de la procédure pénale1762 », tout le droit répressif français était marqué
nuire à l’efficacité de l’enquête. Ainsi, le rapport LÉGER faisait état d’une opposition
n’était pourtant pas incongru d’y voir, au contraire, un moyen de garantir l’intégrité
des déclarations effectuées par le gardé à vue et les conditions satisfaisantes dans
796. La position adoptée par le Conseil constitutionnel en 1993 est courageuse, tant la
place accordée à l’avocat en garde à vue a toujours été en France, très en deçà de ce
qu’elle est dans d’autres pays européens, comme une étude du Sénat a pu le mettre
constitue une forme de garantie légale des droits constitutionnels de la défense et sur
797. Cette décision, rendue par le juge constitutionnel en 1993, préfigurait déjà la
1763 Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale remis le 1er septembre 2009 à M. le Président de la
République et à M. le Premier Ministre, La documentation française, p. 18.
1764 Les documents de travail du Sénat, Série Législation comparée, La garde à vue, n° LC 204, décembre
2009.
1765 LE GUHENEC F., « La loi du 24 août 1993. Un rééquilibrage de la procédure pénale », J.C.P., 1993,
I, 3720.
1766 LESCLOUS V., « Un an de droit de la garde à vue », Droit pénal, 2007, n° 9, chron. 3 ; Droit pénal,
2008, n° 9, Septembre 2008, chron. 7 ; Droit pénal, n° 9, Septembre 2010, chron. 7.
1767 DAOUD E., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, « Garde à vue : faites
entrer l'avocat ! », Constitutions, 2011, n° 4, p. 571.
458 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
assister par un avocat, notamment lors des interrogatoires de la garde à vue, violait le
garde à vue apparaissait alors fort incertaine et il n’était donc guère étonnant, au
qui peut emporter des conséquences importantes sur la situation de son destinataire
pourront ensuite être utilisées dans le cadre d’une procédure répressive, ouverte à
son encontre1772. Il en était déjà ainsi en 1981, quand une disposition législative
davantage que dans une salle d’audience, lors d’un procès pénal. Au regard de ces
1768 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie, requête n° 36391/02 ; C.E.D.H., 13 octobre 2009,
Dayanan c/ Turquie, requête n° 7377/03, D, 2009, p. 2897, note RENUCCI J.-F. ; R.S.C., 2010, p. 231,
obs. ROETS D.
1769 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc.,Cons. 28.
1770 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc., § 56 à 62.
1771 Articles 323 à 323-10 du Code des douanes.
1772 Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010 préc., Cons. 7.
1773 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 52.
La qualité du procès 459
étonnant que le Conseil constitutionnel n’ait pas jugé judicieux de l’imposer durant
les perquisitions de nuit et les visites domiciliaires 1774, à l’exception des infractions
l’intervention de l’avocat
799. Quand une des deux conditions fait défaut, c’est à dire que la personne mise en
cause n’est pas soumise à une mesure de contrainte ou que la présence de l’avocat ne
République à l'issue de sa garde à vue1776, le Conseil, après avoir admis qu’il s’agit là
d’une « mesure de contrainte nécessaire à l'exercice des poursuites1777 », n’en considère pas
moins qu’à ce stade de la procédure, l’assistance de l’avocat n’a pas lieu d’être. Il en
est ainsi, puisque ce nécessaire rendez-vous judiciaire « a pour seul objet de permettre à
de la personne déférée qui porteraient sur les faits à l’origine de l’action en justice 1779.
ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a
faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».
l’empire de la loi du 6 août 19751781, mais fut retiré par celle du 2 février 1981 1782, en
l’égard de son client, à cette étape de la procédure. Le plus ennuyeux est que le
de la Haute juridiction1783.
cours duquel le parquet fait le choix de la suite à donner à l’action publique. À cette
ses déclarations, y compris sur les faits à l’origine des poursuites, lesquelles, en vertu
n’empêche d’en faire mention lors du procès. Il est donc vraiment regrettable que,
l’assistance d’un avocat présenterait une utilité certaine, mais sa présence n’est
pourtant pas exigée par le Conseil constitutionnel 1785, car la personne suspectée ne
laquelle c’était l’appréciation portée par le Conseil sur la réalisation d’une des deux
l’existence même de l’autre condition (la contrainte) qui est sujette à débats.
803. Il est difficile de comprendre en quoi l'exercice d'un acte de contrainte peut être
pourrait la laisser apparaître comme assez peu cohérente avec celle du 6 mai 2011 1787,
une interdépendance entre l’inscription des propos tenus par le suspect dans le
européenne des droits de l’homme, pour qui les seuls soupçons pesant sur une
d’elle1788, sans qu’il soit nécessaire de se demander si elle est entendue sous la
contrainte ou de son plein gré1789. La loi du 14 avril 2011, qui n’avait pas été déférée
date de l'infraction reprochée, ainsi que de son droit de quitter à tout moment les
condamnation strasbourgeoise.
805. Même dans des hypothèses où une personne est placée contre sa volonté, dans
une situation qui pourrait avoir des incidences importantes sur la suite de la
l’intervention de l’avocat soit repoussée, voire parfois refusée. Il en est ainsi dans les
806. Le régime juridique de droit commun de la garde à vue prévoit, en effet, deux
peut débuter sans attendre l'expiration du délai prévu de deux heures1792 après que
l'avocat désigné est informé par l'officier de police judiciaire1793, quand les nécessités
des confrontations, peut aussi être différée de douze (sur autorisation du ministère
opérations policières nécessite une certaine célérité qui peut, à titre exceptionnel,
justifier une audition du suspect, sans attendre l’écoulement des deux heures
l’égalité des armes, qu’un magistrat à l’origine de l’action publique, puisse limiter de
la sorte les droits de la partie adverse. Sur le fond, cette solution traduit surtout une
présence auprès de son client pourrait nuire à la prévention des atteintes imminentes
aux personnes. Voilà qui témoigne en tous cas d’une bien singulière conception du
808. Le régime dérogatoire du droit commun de la garde à vue est encore davantage
marqué par les hypothèses d’évincement de l’avocat, encore qu’il soit utile de
de stupéfiants1798, des autres crimes et délits1799. Dans le premier cas, l'entretien peut
défenseur n’affecte que les modalités d'exercice des droits de la défense, mais pas le
principe1801 et qu’en conséquence, il n’est pas contraire à la Constitution. Dans tous les
cas, le gardé à vue ne peut bénéficier de l’assistance effective d’un avocat pendant les
réexamen des mesures contrôlées en 19931803, ne vaut pas pour le régime dérogatoire
1796 RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? », op. cit.,
p. 75.
1797 VERGÈS E., « Garde à vue : le rôle de l'avocat au cœur d'un conflit de normes nationales et
européennes », D, 2011, p. 3005.
1798 Article 706-73 du Code de procédure pénale, 3° et 11°.
1799 Article 706-73 du Code de procédure pénale, 1°, 2°, 4°-10° et 12°-18°.
1800 Article 706-88 du Code de procédure pénale.
1801 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 32.
1802 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., Cons. 15 à 18.
1803 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
1804 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
La qualité du procès 465
809. Il est bien difficile de comprendre ici ce qui justifie la distinction effectuée par le
de gardes à vue n’a pas suivi, en proportion, la même expansion ? Est-ce que les
seuls habilités à décider du placement d'une personne en garde à vue dans ces
s’est aussi déplacé vers la phase d'enquête policière, qui est devenue le moment
crucial dans la réunion des éléments servant de base au jugement. En outre, les
sur celui de droit commun. Car si l’entrée de l’avocat lors de la garde à vue constitua
une avancée significative pour les droits de la défense, il est tout de même regrettable
que le périmètre de ces derniers puisse être modulé selon la gravité de l’infraction
suspectée, alors même que, selon les propres mots de la Cour européenne, « c'est face
aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut
libre choix de l’avocat (1) ou de ses moyens d’action (2), portent atteinte aux modalités
812. Le droit positif connaît des hypothèses, dans lesquelles la liberté de choix d’un
avocat est restreinte. Il en est ainsi quand l’auteur d’un pourvoi en cassation doit être
814. En premier lieu, il comporte la liberté de défendre soi-même ses intérêts, quand
de son choix, ce que prévoit aussi le texte même de la Convention européenne des
caractère absolu, puisqu’elle admet que les autorités compétentes puissent lui
l’exigent1814.
815. Le droit de se défendre seul est protégé par le juge constitutionnel français,
effet illusoire de consacrer une telle faculté à l’intention des personnes mises en
cause, si les modalités de mise en œuvre n’assuraient pas aux justiciables des
défendre seul ou être assisté d'un avocat (au besoin commis d'office) résulte d’un
choix effectué en toute liberté par la personne mise en cause, une certaine inégalité
contraire à la Constitution1816.
même prive une des parties, du droit d’être mis en possession d’informations
capitales pour la suite de la procédure. Il en est ainsi quand la copie des réquisitions
1812 C.E.D.H., 13 mai 1980, Artico c/ Italie, requête n° 6694/74, série A, n° 37, § 33.
1813 C.E.D.H., 26 juillet 2007, Weber c/ Suisse, requête n° 3688/04.
1814 C.E.D.H., 28 février 2002, Biondo c/ Italie, requête n° 51030/99.
1815 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. [Communication du réquisitoire
définitif aux parties], JO, 10 septembre 2011, p. 15273, Cons. 4.
1816 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 25, à propos de la purge des nullités de la
procédure d'instruction.
1817 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 préc.
1818 Cass crim., 2 mai 1903, Rev. Dr. Pén., 1905, 1, p. 23.
468 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
ministère public, lui demandant d’adresser directement aux parties non représentées
conjointe aux parties et à leurs avocats, au lieu de supprimer un droit à l’un pour
l’octroyer à l’autre1822.
817. En second lieu, la liberté de choisir la défense adéquate comporte aussi le droit
celle de la Cour européenne1823, ce droit n’a pas de portée absolue, puisqu’il peut être
courageusement à ce que l’avocat soit prié de quitter la salle d’audience, alors qu’il
1819 Cette solution ne vaut toutefois pas pour la phase de jugement, Cf Cass. Crim., 12 juin 1996,
pourvoi n° 95-82735, Bull. crim., 1996, n° 248, p. 749, J.C.P., 1997, I, 3998, n° 12, obs. MARON A. ;
C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c/ France préc.
1820 PERRIER J.-B., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, « Communication
du réquisitoire définitif aux (avocats des) parties », A.J. Pénal, janvier 2012, n° 1, p. 46.
1821 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 préc., Cons. 5.
1822 CHAVENT-LECLERE A.-S., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, « La
notification des réquisitions doit désormais être faite aux parties et non à leurs avocats »,
Procédures, janvier 2012, n° 1, p. 24.
1823 C.E.D.H., 29 septembre 1992, Croissant c/ Allemagne, requête n°13611/88, série A, n° 237 ; J.C.P.,
1993, I, 3654, obs. SUDRE F.
1824 Article 63-4-3 du Code de procédure pénale.
La qualité du procès 469
n’avait manqué à aucune de ses obligations1825, il est plutôt étonnant que trente ans
difficulté, même s’il est remplacé par un confrère (mais qui n’aura pas été désiré1826).
l’assistance de l’avocat pendant la garde à vue de droit commun et pour les mêmes
raisons, il est difficilement concevable qu’une telle limitation des droits de la défense
siège, de retirer au gardé à vue la liberté de choisir son avocat, pour confier ce choix
au bâtonnier, qui aurait désigné un avocat à partir d’une liste établie par le bureau
espagnole, profondément marquée par les attentats perpétrés par les organisations
séparatistes basques, qui prévoit que l'avocat est toujours commis d'office en matière
client. Les raisons qui sous-tendent cette disposition dénotent une méfiance à l’égard
de l’avocat, qui pourrait entretenir des liens idéologiques avec le gardé à vue et de ce
sera censurée par le juge constitutionnel, non pas en raison de la restriction injustifiée
personne mise en cause du libre choix de son avocat, pour que la loi ne méconnaisse
qui n’est guère satisfaisant. Quelle que soit la gravité de l’infraction suspectée, il est
820. Outre la limitation du libre choix de l’avocat, l’exercice des droits de la défense
de la personne mise en cause peut être entravé par les restrictions portées aux
moyens d’action de son défenseur. Ainsi, la loi du 14 avril 2011 autorise l'officier de
police judiciaire à s'opposer aux questions que l’avocat peut poser à l'issue d’un
à vue1830. En dehors du fait qu’il est encore étonnant que ce soit le ministère public
qui soit le destinataire de ces remarques, il est plutôt incertain qu’une telle
européenne, selon laquelle l’accusé doit pouvoir disposer de « toute la vaste gamme
821. De manière plus préjudiciable encore, la loi du 14 avril 2011 empêche également
documents tels que le procès-verbal de placement en garde à vue, qui ne contient pas
éclairée1833.
juge constitutionnel, qui semble par là-même exclure son application pendant les
mise à disposition du dossier1836. En effet, il avait exigé du pouvoir décrétal, via une
le grand processualiste a toujours envisagé les droits de la défense comme une limite
regard des positions de MOTULSKY. Il n’en demeure pas moins que les droits de la
parmi les principes directeurs du procès. Alors, même s’ils ne désignent plus
défenseur, ils expriment toujours une forme d’idéal de justice, celle que le Conseil
sans avoir été interpellé et mis en demeure de se défendre1842 ». Les droits de la défense font
ainsi pleinement partie du modèle universel du procès 1843, au sein duquel ils
occupent une place centrale. Ils sont l’expression d’une certaine « démocratie
de droit, qui peut être déduite du régime juridique dont ils font l’objet.
1838 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 30, à propos du
respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que MOTULSKY considérait
comme une obligation de « droit naturel jurisprudentiel », « Le droit naturel dans la pratique
jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile », op. cit., p. 187.
1839 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 367.
1840 « Une seule des notions procédurales puisées dans le droit naturel » écrivait MOTULSKY, « Le droit
naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile »,
op. cit., p. 180.
1841 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 364.
1842 Cass. civ., 7 mai 1828, S. 1828, 1, 329.
1843 GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S, DELICOSTOPOULOS I.-S, Droit
processuel. Droits fondamentaux du procès, 6e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris, 2011,
n° 223 et s.
1844 GUINCHARD S., « Vers une démocratie procédurale », Justice, 1999, p. 91.
La qualité du procès 473
CONCLUSION DU TITRE 1
824. Au terme de cette sous-partie, il apparaît que les droits des parties au procès
peuvent revêtir deux formes distinctes. L’une est générale, puisqu’elle bénéficie à
tout citoyen concerné par une procédure contentieuse : les droits de la défense.
L’autre est plus spécifique, puisqu’elle ne vise que le justiciable susceptible de se voir
envisagées par le Code pénal et s’impose, tant au législateur qu’au juge. La politique
cette volonté de ne pas s’immiscer dans les orientations de politique pénale choisies
826. Proche du précédent mais plus vaste encore, le principe du respect des droits de
pénales et même dans le cadre de procédures se déroulant devant des autorités non
l’homme et du citoyen1848.
articulés autour d’une garantie générale, le droit à une procédure juste et équitable et
d’une garantie particulière, le droit à l’assistance d’un avocat, dont le statut juridique
constitutionnalité. Ces deux protections, orientées vers les parties, ont en commun de
contribuant à la qualité des décisions de justice, qui peuvent varier d’une procédure
à l’autre.
concentre les attentions les plus prononcées, est indiscutablement le juge. Parce que
c’est lui qui va offrir la solution juridictionnelle au litige, il doit être revêtu de
respect de ces deux qualités du juge, indispensables à la tenue d’un procès équitable.
829. Parmi les règles procédurales directrices du procès, la collégialité des formations
côté, n’est pas dépourvu de certains atouts, liés aux exigences qu’impose la solitude
des pouvoirs publics ne s’accompagne pas d’une rupture d’égalité devant la justice
(Chapitre 1).
830. La motivation des décisions de justice constitue, quant à elle, un des principaux
moyens de vérifier que le procès s’est tenu dans des conditions d’équité. Pourtant, la
(Chapitre 2).
La qualité du procès 477
prime abord, inséparable d’un certain idéal de justice, celui qui conduit à des
l’expérience de l’Ancien Régime et relayée par les esprits éclairés du siècle libéral,
France, est irriguée par ce principe d’organisation des juridictions, auquel on prête
généralement des vertus de justice mesurée et réfléchie, qui doivent cependant être
nuancées. Pourtant, le juge unique n’a cessé, depuis la IIIe République, de gagner du
terrain, dans toutes les formes de contentieux, même si sa progression est susceptible
832. Son expansion législative n’a d’ailleurs guère connu d’entraves, dans la mesure
ne sont pas non plus sans limites, puisque la collégialité bénéficie d’une protection
juridictions
834. La culture judiciaire, façonnée par des siècles d’histoire, joue un rôle essentiel
embryonnaires de mise en place d’une justice royale, des juges statuant seuls au nom
du Souverain, tels que les prévôts, les baillis ou encore les sénéchaux 1849, la
collégialité des formations de jugement s’est imposée dès le XVIe siècle. Sa trajectoire
sera d’ailleurs rectiligne, tout au moins jusqu’à la seconde partie du XIX e siècle,
traduisant cette méfiance culturelle à l’égard des magistrats, dont on suppose qu’à
1849 Il faut aussi mentionner, à l’époque médiévale de la justice « décentralisée », les seigneurs qui
jugeaient seuls leurs sujets, soupçonnés d’avoir enfreint la règle ou commis quelques exactions.
La qualité du procès 479
836. Le point de départ de la collégialité des juridictions peut être fixé au début du
règne de FRANÇOIS 1er, dans une série d’édits de 1523 et 1524, qui modifient
la justice, aidé seulement en cela de quelques assesseurs sans voix participative, les
textes royaux mettent en place des offices patrimoniaux, qui transforment ainsi le
de cinq juges en son sein. La vénalité des offices a joué un rôle déterminant dans
allégé par les onéreuses campagnes militaires, entreprises depuis les origines
1850 RIGAUDIERE A., Introduction historique à l'étude du droit et des institutions, 3e éd., Economica, 2006,
p. 578.
1851 Tout au contraire, leur prix ne cessèrent d’augmenter, sous l’effet d’un mécanisme mercantile
classique d’augmentation de la demande.
1852 HAKIM N., « La collégialité : histoire d’un mode d’organisation de la justice », HOURQUEBIE F.
(dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant,
Bruxelles, 2011, p. 32.
480 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
degré, les sièges présidiaux, qui entendaient en appel, les décisions des baillages ou
nombre de juges par siège présidial ne devait être inférieur à sept, ce qui constituait
fondements posés par les textes royaux du siècle précédent. L'Ordonnance de Saint-
COLBERT de 1670, elle initia le raisonnement selon lequel, les infractions les moins
graves ne nécessitent pas la collégialité, à l’inverse des délits plus sévères 1855. Elle
1853 L’édit de Crémieu du 19 juin 1536 fait de ces tribunaux des juridictions de droit commun et les
organise en chambres, compétentes pour connaître des affaires en fonction de la matière.
1854 C’est la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 qui dispose, en son article 125,
«Qu’ il ne se fera d’oresnavant aucun partage ès-procez pendans en nos cours souveraines, ains seront tenus
nos présidens et conseillers convenir en une mesme sentence et opinion, à tout le moins en tel nombre qu’il
s’en puisse ensuivre arrest et jugement auparavant de vacquer et entendre à autre affaire » et qui fixe, dans
l’article 126, la règle selon laquelle « Et à ceste fin, pour empescher lesdits partages, voulons et ordonnons
que quand il passera d’une voix, soit le jugement et arrest conclu et arresté ».
1855 Article 10 du titre XXV « Des sentences, jugements et arrêts » de l’Ordonnance criminelle d’août
1670 : « Aux procès qui seront jugés à la charge de l'appel par les juges royaux, ou ceux des seigneurs,
auxquels il y aura des conclusions à peine afflictive, assisteront au moins trois juges qui seront officiers, si
tant il y en a dans le siège, ou gradués ».
La qualité du procès 481
magistrature, en souvenir des blocages institutionnels, dont elle est à l’origine et qui
de formations collectives de jugement, pas plus que de lien entre la collégialité, son
nombre et sa taille. Les échanges d’arguments entre les députés se rejoignent tous sur
ventôse an IX, qui supprime les assesseurs des juges de paix, mais donne à chacun
1856 Idem, article 11 du titre XXV : « Les jugements en dernier ressort se donneront par sept juges au moins ; et
si ce nombre ne se rencontre dans le siège, ou si quelques-uns des officiers sont absents, récusés, ou
s'abstiennent pour cause jugée légitime par le siège, il sera pris des gradués ».
1857 Toutes les juridictions prévues par la Loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790 (juges de
paix, tribunal de district, tribunal de commerce, tribunal criminel), de droit commun ou
spécialisées, en première instance comme en appel, sont collégiales.
1858 FURET F. et HALEVI R., Orateurs de la Révolution française , t. 1, Les constituants, Gallimard, 1989.
482 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
la fin du XIXe siècle, avec la mise en place de la IIIe République. C’est durant les
projets de réforme judiciaire les plus consistants, portés par des hauts personnages
de l’État, René VIVIANI alors garde des Sceaux et surtout, Aristide BRIAND,
loi, présenté à la chambre des députés n’aboutit pas, il n’en demeure pas moins que
l’idée est ancrée dans l’air du temps. Elle est, par ailleurs, relayée par une doctrine
dynamique et fournie, prenant appui sur des expériences étrangères (au premier
1859 Article 116 : « Les jugements seront rendus à la pluralité des voix ».
1860 Deux exemples de juridictions collégiales : pour les tribunaux en matière correctionnelle, l’article
180 du Chapitre II « Des tribunaux en matière correctionnelle », du Titre I « Des Tribunaux de
police », du Livre II « De la Justice », dispose : « Ces tribunaux pourront en matière correctionnelle,
prononcer au nombre de trois juges ». En ce qui concerne les cours d’assises, le Chapitre II « De la
formation des cours d’assises », du Titre II « Des affaires qui doivent être soumises au jury » du
même Livre II, prévoit deux organisations différenciées selon le lieu géographique d’implantation,
mais toutes deux collégiales.
1861 Livre II « De la Justice », Titre I « Des Tribunaux de police », Chapitre II « Des Tribunaux de simple
police », § 1. « Du tribunal du juge de paix, comme juge de police », Articles 139 et s.
1862 Idem, § 2. « De la juridiction des maires comme juges de police », Articles 166 et s.
La qualité du procès 483
connaissent le juge statuant seul) et qui voit dans la magistrature unique, un moyen
responsabilisation.
842. Depuis, les entorses à la collégialité n’ont cessé de s’étendre, dictées la plupart
l’autorité morale et intellectuelle que les pouvoirs publics lui accordent et, surtout, la
confiance que ces derniers placent en lui. À l’aune de cette grille de lecture, se
dégagent alors deux tendances principales, dont les contours épousent les limitations
844. Dans le premier, le juge est l’acteur principal du procès, essentiellement parce
qu’il joue un rôle normatif considérable, que nul ne songerait à lui contester. En
484 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
pouvoir du juge. Cette analyse est confirmée par le professeur Michel TROPER 1864,
qui développe une théorie réaliste de l'interprétation, sur la base d'une réflexion,
si elle est un texte juridique vivant, qu’il s’agira donc d’interpréter à la lumière des
faire l’objet d’une lecture fidèle aux intentions originelles de ses auteurs. Son analyse
que le juge est, d'une certaine manière, le détenteur exclusif du pouvoir normatif.
845. C’est, de manière tout à fait claire, la ligne doctrinale adoptée par les systèmes
compétence, non pas de dire le droit, mais bien de faire le droit et dont l’expression la
plus aboutie, réside dans la règle du précédent. Le juge est ainsi chargé de prendre
position, entre deux versions argumentées et présentées devant lui par des plaideurs
éclairés1865. À partir des situations particulières qu’il est amené à trancher, il bâtit un
puisque tout au contraire, l’édifice processuel dans son entier, repose sur la lucidité
système de Common law ne pose aucun obstacle à son action, qui est, tout au
explicitement.
s’exprimer ostensiblement par le prisme des opinions séparées 1866. La grande probité
de pensée et de paroles, sans porter atteinte, pour autant, à l’autorité des jugements
rendus.
dans leurs aspects organisationnels, une grande méfiance à l’encontre des juges. La
traduction de cette inquiétude à l’égard des magistrats prend alors deux formes
dissociées. En premier lieu, la collégialité est de mise et demeure la règle, pour ses
somme, une juridiction est une entité dans laquelle, loin de faire la force, l’union
1866 Cf MASTOR W., Les opinions séparées des juges constitutionnels, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit
public positif, Paris, Aix-en-Provence, 2005.
1867 STRICKLER Y., « Le juge unique en procédure pénale », L.P.A., n° 35, 2002, p. 10.
1868 HOURQUEBIE F., « Collégialité et cultures judiciaires », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de
collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p. 7.
486 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
848. En second lieu, grâce à ses traits désincarnés, voire déshumanisés 1869, la
jugement, en passant par l’amplitude des votes avec laquelle le verdict a été rendu,
judiciaires doivent être moribonds, pour s’en remettre à de tels artifices d’opacité,
magistrature. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, quand la crainte de
mise en cause du juge, corrélée directement à l’ampleur des enjeux sociaux 1871,
semble inexistante ou dérisoire, les formations à juge unique retrouvent leur place.
indésirables, qui, en fin de compte, s’équilibrent (A). Il n’en demeure pas moins que
des deux, c’est manifestement le magistrat statuant seul qui a la préférence des
détriment de la collégialité. Les acteurs normatifs, animés le plus souvent par des
1869 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de
collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p. 61 et s.
1870 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », R.F.D.C.,
2006, p. 720.
1871 Cf infra n° 883 et s.
La qualité du procès 487
juridictions
850. Le Conseil constitutionnel n’a jamais pris position ouvertement, entre les deux
sans doute par les avantages respectifs de la collégialité (1) et du juge unique (2),
qu’il serait possible (et souhaitable) d’allier, en modifiant quelque peu l’organisation
851. Même si le Conseil constitutionnel n’a jamais établi de lien entre les deux, la
majorité des auteurs prête deux vertus principales à la collégialité : elle favoriserait
852. La collégialité, telle qu’elle est organisée dans le système juridictionnel français,
comporte trois grands traits dominants. En premier lieu, elle se caractérise par
l’égalité parfaite qui prévaut entre les membres de la formation de jugement, autant
qualitativement que quantitativement1872. D’une part, tous les juges se prononcent sur
1872 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et
cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 111.
488 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
les mêmes questions, à l’exemple de la cour d’assises, où les jurés citoyens et les
autrement dans les systèmes de Common law, qui séparent strictement la question
peine), avait été introduit une première fois, en droit français, par une loi des 16-21
criminelle de 1808. Cette séparation fut définitivement abandonnée avec une loi du
25 novembre 1941 sur le jury. D’autre part, dans une juridiction collégiale, la
pondération des voix des membres est identique, quel que soit leur statut.
d’assises statuant en appel, qui comporte douze membres, depuis la loi du 10 août
2011 citée précédemment, puisque la disposition issue de l’article 13 porte à neuf (au
1873 PRADEL J., « Le jury en France, une histoire jamais terminée », R.I.D.P., 2001, p. 175.
1874 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », op. cit., p. 112.
1875 Auparavant, c’est en premier ressort que la règle de l’imparité n’était pas observée, puisque la cour
d’assises, statuant en première instance, comportait douze membres, trois magistrats
professionnels et neuf jurés citoyens, ce qui correspond à sa composition actuelle en appel.
La qualité du procès 489
l’imparité est sans conséquences sur la détermination des verdicts, puisque les
du principe du secret des délibérés1877. En droit interne, cette règle est poussée à son
du rapporteur.
consiste à affirmer que la confidentialité des prises de position des juges les met à
des pouvoirs publics, législatif ou exécutif, quand les décisions du magistrat ne leur
majorité. Par voie de conséquence, leurs auteurs s’en trouveraient fragilisés pour
856. De telles affirmations peuvent être contestées et sont démenties par certaines
des opinions séparées de chacun des neuf membres de la Cour traduit au contraire
leur grande indépendance, dont elle est, simultanément, la meilleure caution. C’est
dissidentes, mais respectées par les autres membres, qui contribue à accroître
en même temps que leur grande légitimité, forgée au cours du temps et de l’histoire.
ne peut pas s’assurer à l’avance une Cour favorable. (...) Chaque fois que vous nommez
L’exemple, à la fois le plus tangible et le plus récent, nous est offert par la décision
disposition législative, pour lui appliquer ensuite le régime juridique d’une autre
juridiction, ni des peines, ni des sanctions ayant le caractère d'une punition. Mais
elles ne peuvent tout de même être appliquées à des personnes condamnées avant la
Voici la parfaite illustration d’une décision, qui est le fruit d’un compromis entre les
difficilement intelligible et surtout, affaiblie dans son autorité morale. Ce qui est tout
de même un paradoxe, quand on sait qu’il s’agit là d’un des reproches majeurs
adressés aux opinions dissidentes, celui d’atténuer la force persuasive des décisions
de justice.
1885 Cité par le professeur Wanda MASTOR, « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit.,
p. 72, traduit de l’ouvrage de Laurence TRIBE, God Save This Honorable Court: How the Choice of
Supreme Court Justices Shapes Our History, New American Library, 1986, p. 61.
1886 Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 préc.
1887 CHALTIEL F., obs., Décis. Cons. const. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, L.P.A., 2008, n° 58, p. 3.
1888 Idem, Cons. 9.
492 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
l’impartialité des juges, en les contraignant, par la confrontation des vues entre
avant tout une qualité individuelle du juge. Par conséquent, la collégialité ne semble
sera diluée, à défaut d’être neutralisée, dans la masse collective des opinions des
autres.
délibération, laquelle ne peut déboucher que sur un jugement plus éclairé, sans doute
citant les propos du Premier président DRAI, tenus en 1995 à Toulon lors du XXIe
colloque de l’I.E.J. consacré au juge unique, la collégialité serait ainsi une « leçon de
chacun, une garantie de justice mieux équilibrée et à laquelle, le juge unique ne peut
860. Selon l’adage bien connu, le juge unique serait assurément inique 1893. En dehors
du bon mot obtenu par la substitution de la voyelle initiale, devant laquelle il était
responsabilité qui est la sienne, notamment au regard des effets de sa décision sur les
justiciables, même si son office est souvent restreint aux affaires ayant les enjeux
sociaux les moins dommageables1894. Il ne peut ici s’en remettre aux bienfaits de la
collectivité en terme de sagacité, six yeux voyant naturellement mieux que deux. Il
juridique des magistrats de l’ordre judiciaire peut être engagée, sur la base de l’action
récursoire de l’État, dans deux cas exhaustivement énumérés par l’article L141-3 du
une fraude ou encore une concussion, mais aussi en cas de déni de justice 1895, c’est à
dire quand « les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en
1893 Certains auteurs considèrent que cet adage découle des mots de MONTESQUIEU, dans « De
l’esprit des lois », Livre VI, Chapitre VII, quand il écrit que « le magistrat unique (...) ne peut avoir lieu
que dans un Gouvernement despotique1893 ». Il semble pourtant tout à fait inapproprié, puisque
comme l’écrit le professeur Wanda MASTOR, c’est précisément la transparence de ses positions,
résultant de la solitude de sa fonction, qui est révélatrice de son indépendance, « Pour une
« humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 71.
1894 Cf infra n° 883 et s.
1895 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
494 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
état et en tour d'être jugées1896 ». Il semble d’ailleurs tout à fait naturel que
des Sceaux1898. Voilà un point sur lequel la discordance des majorités, présidentielle et
l’anonymat des prises de position, offre le meilleur des abris contre les erreurs
judiciaires et leur légitime réparation. Son action est davantage exposée et nécessite
donc des qualités individuelles, tant professionnelles qu’humaines, que tous les
magistrats ne possèdent pas. Peut-être faut-il en conclure, qu’il existe une forme de
hiérarchisation entre les deux offices, au regard de la valeur et des vertus requises.
système judiciaire dans l’affaire d’Outreau, qui instaure une nouvelle sanction
disciplinaire : l’interdiction d’exercer, pour une durée maximale de cinq ans, des
fonctions à juge unique ? N’est-ce pas ici l’indice que l’office du juge statuant seul
(que tout magistrat n’est pas en capacité d’exercer, ou mieux, ne mérite pas
tel ou tel juge. Il est alors, assez tentant pour un plaideur, de choisir le magistrat, en
expérimentés savent devant qui introduire l’instance de divorce, afin d’avoir les
devant la justice.
découlent. L’alliance des bénéfices des deux systèmes peut être obtenue par la
collégialité « transparente », celle qui laisse percer au grand jour les opinions de ses
sur la collégialité, dont les vertus délibératives sont avérées, trois mauvais juges ne
1901 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 71.
1902 CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 129.
496 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
perspicace dans son appréciation des faits et, pertinent dans l’application du
juridiction, constituera toujours une meilleure solution. C’est peut être ce qui
son irrésistible ascension, constante du droit positif, qui a connu une accélération
866. Les causes de la progression du juge statuant seul sont variables, certaines plus
nobles que d’autres. En effet, son extension répond à deux impératifs distincts. Il est
comme un oxymore (2). Cependant, il n’en est pas toujours ainsi, son institution
justiciable (1).
justice
867. Trois éléments déterminants justifient le recours au juge unique, en lieu et place
1903 CADIET L., « Efficience versus Equité », Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruylant, Bruxelles,
2004, p. 25.
La qualité du procès 497
civile, qui y est plus accentuée qu’en matière pénale ou en contentieux administratif,
en raison de la grande diversité des litiges, qui nécessite une segmentation des
compétences. C’est ainsi que sont apparus des magistrats spécialisés, par exemple, le
trouve dans le souci d’installer une proximité avec le justiciable 1909. Ce lien, parfois
nécessaire dans certains domaines, est certainement plus facile à établir dans le cadre
justice, que dans l’enceinte plus protocolaire et intimidante d’une salle d’audience,
871. Ici encore, si le juge unique est très présent en procédure civile, c‘est aussi parce
que les affaires qui, en raison de leur nature, requièrent une plus grande proximité
avec les parties aux procès, y sont très nombreuses. Dès les origines de la justice
civile contemporaine, le juge de paix, mis en place par la loi des 16-24 août 1790 et
dont l’office est organisé par le Titre III du célèbre texte révolutionnaire, répondait à
cette nécessité de mettre en place une justice civile proche du citoyen, dans la gestion
des litiges aux enjeux restreints1910. Aujourd’hui, l’illustration la plus évidente est
fournie par le juge aux affaires familiales, dans le traitement des ruptures
un juge unique, en raison de la nécessaire proximité avec les deux parties (et de
au juge de la mise en état, une compétence exclusive pour gérer toutes les exceptions de procédure
et les incidents susceptibles de mettre un terme à l'instance. Quant au juge de l’exécution, depuis
l’ordonnance du 21 avril 2006 portant réforme de la saisie immobilière, JO, 22 avril 2006, p. 6024,
entrée en vigueur le 1er janvier 2007, il s’est vu transféré tout le contentieux de la saisie
immobilière, au détriment du tribunal de grande instance qui en a été, symétriquement, dessaisi.
1909 MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile», op. cit., p. 127.
1910 L’article 9 du Titre III de la loi des 16-24 août 1790 prévoyait que « le juge de paix, assisté de deux
assesseurs, connaîtra avec eux de toutes les causes purement personnelles et mobilières, sans appel jusqu’à la
valeur de cinquante livres, et à charge d’appel jusqu’à la valeur de cent livres (...) », tandis que l’article
suivant décrivait en détail la liste exhaustive des contentieux civils, sur lesquels il devait statuer.
1911 Code de procédure civile, articles 127 à 131.
La qualité du procès 499
872. La troisième raison, qui justifie que, dans une démarche d’amélioration de la
unique plutôt qu’à une formation collégiale, a trait au temps et à ce souci d’optimiser
la durée des instances. À ce titre, il est intéressant de noter, que le juge statuant seul
constitue alors la meilleure des solutions, dans les deux situations les plus éloignées.
873. D’un côté, comme le résume fort à propos le professeur Jacques NORMAND,
« lorsqu’il n’y a pas de temps à perdre1913 », c’est à dire dans les procédures d’urgence.
Quand une mesure conservatoire doit être prise, il est en effet plus simple et plus
rapide de s’en remettre à une personne seule, que de mobiliser une juridiction en
formation collégiale. Le simple bon sens, allié au souci d’efficacité, gage ici de bonne
justice, dicte cette solution qui s’impose d’elle-même. Les procédures d’urgence
seront mieux gérées par un magistrat seul que par un collège, à la logistique
1912 Même si la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, JO, 27 mai 2004, p. 9319, a simplifié
et raccourci les procédures.
1913 NORMAND J., « Dommage imminent et trouble manifestement illicite », La justice civile au vingt et
unième siècle, Mélanges Pierre Julien, Paris, 2003, p. 324. La formule complète, qui émane des propos
d’un avocat général parisien, est que le juge unique s’impose « lorsqu’il n’y a pas de temps à perdre
ou lorsqu’il est inutile de perdre son temps ».
1914 Sans compter que dans ces différentes situations, le juge unique permet de rendre des décisions
rapides, non seulement en raison de l’évincement de la collégialité, mais surtout grâce à
l’allègement de certaines garanties procédurales, telles que la contradiction ou la publicité.
500 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
pris une dimension nouvelle avec la loi du 30 juin 2000 1918 et son décret
874. D’un autre côté, à l’autre bout du spectre, quand le besoin de régulation et de
suivi dans le temps de certaines affaires, qui ne peuvent être tranchées dans
mise1921. Le juge est alors bien plus que le représentant d’une institution qui doit
Son rôle est plus large, ne serait-ce qu’en raison de l’étendue de la procédure dans le
est, d’ailleurs, à corréler avec la première qui a été évoquée, car dans ce cas de figure,
le juge unique, le mieux à même de gérer ces contentieux, est souvent un magistrat
spécialisé.
1915 En dehors de l’hypothèse classique de l’urgence, le Code de procédure civile prévoit trois autres
cas d’ouverture de référé devant les juridictions de première instance : en cas de dommage
imminent ou de trouble manifestement illicite (Article 809), quand l'obligation n'est pas
sérieusement contestable (Article 808) et enfin, en cas de risque de dépérissement d’une preuve
importante pour l’issue du contentieux (Article 145).
1916 GABARDA O., « L'intérêt d'une bonne administration de la justice », R.D.P., 2006, n° 1, p. 153.
1917 Existaient déjà, par exemple, le référé-constat (R. 531-1 CJA) qui permet de « désigner un expert pour
constater (au besoin, en allant sur les lieux du litige) sans délai les faits susceptibles de donner lieu à un
litige devant la juridiction », ou encore le référé- instruction (R. 532-1 CJA), traditionnellement utilisé
pour diligenter un expert afin qu’il effectue toute mesure utile d'expertise ou d'instruction, sans
compter nombre de référés spécialisés.
1918 Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, JO, 1 er
juillet 2000, p. 9948.
1919 Décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l'application de la loi n° 2000-597 du 30 juin
2000 préc., JO, 23 novembre 2000, p. 18611.
1920 Le référé-suspension d’un acte administratif (Article L521-1 du Code de justice administrative), le
référé-liberté fondamentale, (Article L521-2 du Code de justice administrative) et enfin, le référé-
mesures utiles ou référé-conservatoire, (Article L521-3 du Code de justice administrative).
1921 MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile», op. cit., p. 127.
1922 Ibidem.
La qualité du procès 501
certainement moins nobles et donc plus délicates à avouer. Elles ont pourtant, de
tous temps, été prépondérantes dans les orientations des pouvoirs publics,
876. Dans chacun de ces cas de figure, contrairement aux hypothèses précédemment
877. La principale raison invoquée, pour justifier la présence du magistrat unique, est
l’accroissement du contentieux. C’est sous ce motif, par exemple, qu’a été institué en
Italie, le « juge unique de première instance », dans le but de réduire le temps moyen
simplificateur, permet de comprendre aisément, qu’en faisant gérer une affaire par
un juge unique, en lieu et place d’un collège de trois, par exemple, on triple la
1923 Cf Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 préc., Cons. 4. Le Conseil constitutionnel fait
accéder le principe de bonne administration de la justice au rang d’objectif de valeur
constitutionnelle.
1924 BERTAGNOLY E., « Le délai raisonnable », R.T.D.H., 1991, n° 5, p. 21 ; VALERY A., « Qu’est-ce
qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme ? », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, op. cit., p. 91 ; VAN COMPERNOLLE J., « Le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable : les effectivités d'un droit processuel autonome », Justice et droits fondamentaux : études
offertes à Jacques Normand, 2003, Litec, Paris, p. 471 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Délai
raisonnable du procès, recours effectif ou déni de justice », R.F.D.A., 2003, p. 85.
502 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
878. Devant l’augmentation régulière du volume d’affaires à traiter, dans une société
qui se judiciarise un peu plus chaque jour, la logique arithmétique peut justifier
qu’une juridiction soit tentée d’augmenter ainsi le nombre de ses chambres. Il est
tout de même possible d’émettre une réserve. Outre cette logique strictement
économique, qui peut sembler inadaptée dans le cadre d’un service public comme
celui de la justice1925, le juge unique, privé de l’échange d’arguments, n’est sans doute
justice. Or, les procédures d’appel étant, le plus souvent, davantage justifiées par
l’incompréhension des motifs du jugement, que par le seul fait d’avoir succombé en
879. Devant cet afflux croissant de litiges à trancher, le législateur a dû établir des
lesquelles l’intervention d’un collège n’a pas semblé nécessaire aux pouvoirs publics
1925 AMRANI-MEKKI S., Le temps et le procès civil, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris,
2002 ; « Le principe de célérité », Rev. franç. d’adm.pub., n° 125, 2008, p. 43.
1926 MELLERAY F., « Les trois visages du juge unique administratif », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe
de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles,
2011, p. 85.
La qualité du procès 503
880. Correspondent d’abord à cette situation, les affaires qui paraissent simples
juridiquement, c’est à dire celles dont la solution semble évidente, ou tout au moins,
concertation particulière et qui peut être, favorablement réglé, par un juge unique ?
professeur Jacques NORMAND, celle où le juge unique s’impose « lorsqu’il est inutile
881. Entrent notamment dans cette catégorie, les affaires dont la qualification
juridique des faits induisent des questions de droit, qui semblent déjà avoir été
résolues par la jurisprudence. C’est l’objet même du dispositif institué par le décret
la justice est certainement une solution subie, davantage que réellement voulue. Il
faut lui permettre, dans certains cas, d’agir vite au moyen de mesures techniques, qui
1927 NORMAND J., « Dommage imminent et trouble manifestement illicite », op. cit., p. 324.
1928 Décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 modifiant la partie réglementaire du Code de justice
administrative, JO, 4 août 2005, p 12772.
1929 Pour le professeur René CHAPUS, Droit du contentieux administratif, op. cit., une série de litiges
regroupe « les multiples recours formés contre une même réglementation par une pluralité de justiciables se
trouvant dans des situations similaires et agissant en ordre dispersé ». Cette hypothèse est apparue suite
à l’engorgement des tribunaux administratifs en 1992, qui connurent un afflux massif de vingt-sept
mille recours, relatifs au supplément familial de traitement dans la fonction publique.
504 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
souvent ce sont les petites affaires qui font les grandes décisions, il suffit de songer,
cas, plutôt inattendue. N’est-ce pas là, d’une certaine façon, l’introduction en droit
des difficultés, les premières pouvant être traitées par un juge seul, les secondes
inévitablement artificiel et imprécis. Comment savoir, a priori, qu’un litige sera facile
à trancher ? Que l’appréciation des faits est évidente et que la solution s’inscrira, dès
lors, dans un schéma préétabli ? Tout contentieux est singulier et tout est affaire de
circonstances. Dans le cas contraire, il serait sans doute même superflu de s’en
883. S’insèrent ensuite dans ce cadre, les litiges comportant peu d’enjeu social. En
sur des droits et obligations de caractère civil, ou à une accusation en matière pénale,
droits de l'homme, est insusceptible d’avoir une incidence substantielle sur son
884. Elle est d’abord contraire à l’esprit même de la justice. Qu’il ne paraisse pas
entre les litiges simples et ceux qui le seraient moins. Mais, que le choix du juge
résoudre, mais en raison de la soi-disant faiblesse des enjeux, difficile à apprécier par
d’une action indemnitaire repose sur le seul montant des dommages et intérêts
demandés. Même si un second regard est porté sur l’affaire, celui du rapporteur
public, qui fait profiter le juge unique de son analyse, ce traitement contentieux par
un magistrat statuant seul, est fort discutable, d’autant que dans une proportion
ressort .
885. Elle aboutit, surtout, à une forme assez contestable de hiérarchisation des
citoyens, car les contentieux, qui entrent dans la catégorie de ceux statués à juge
justiciables de premier rang, ceux dont le litige serait traité collégialement et des
justiciables de second rang, pour lesquels le magistrat statuerait seul. Même si, ainsi
à juge unique, mais en conservant un minimum de garanties procédurales, c’est à dire en audience
publique et après audition du rapporteur public. Il s'agit pour l'essentiel, de litiges considérés
comme étant de faible portée, pouvant être réglés par un magistrat expérimenté, éclairé par les
conclusions du rapporteur public.
1933 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94 et s.
1934 Article R811-1 du Code de justice administrative.
1935 MELLERAY F., « Les trois visages du juge unique administratif », op. cit., p. 96.
506 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
juridictions
collégialité n’a pas valeur constitutionnelle et que, par voie de conséquence, le juge
possibles des juridictions, mais elle ne saurait accepter que des justiciables se
trouvant dans des conditions similaires, voient leur litige tranché par des juridictions
888. À la fin du mois de juin 1975, le Parlement adoptait définitivement, mais à une
très courte majorité d’une voix au Sénat, une loi, qui modifiait les articles 398 et 398-1
889. Cette réforme ne faisait que généraliser celle du 29 décembre 19721937, qui
toujours possible, soit à la demande du président, soit à celle du juge unique saisi
loi de 1972 visait seulement quatre catégories de délits clairement identifiés, celle de
1936 Il s’agit des délits prévus par le Chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, JO,
30 juillet 1881, p. 4201, intitulé « Des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout
autre moyen de publication ».
1937 Loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines dispositions relatives à la
procédure pénale, aux peines et à leur exécution, JO, 30 décembre 1972, p. 13783.
1938 « 1° Les délits en matière de chèques ;
2° Les délits prévus par le code de la route, par la loi n° 58-208 du 27 février 1958 instituant une obligation
d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, par l’article 319 du code pénal,
lorsque l’homicide a été causé à l’occasion de la conduite d’un véhicule, et par l’article 320 du même code ;
3° Les délits en matière de coordination des transports ;
4° Les délits prévus par le code rural en matière de chasse et de pêche. »
1939 Article 398-1 du Code de procédure pénale : « [...] Toutefois, le tribunal statue obligatoirement dans les
conditions prévues par le premier alinéa de l'article 398 (« Le tribunal correctionnel est composé d'un
président et de deux juges. ») lorsque le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa comparution à
l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate [...] ».
508 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
1975 avait une portée beaucoup plus large, puisqu’elle concernait l’ensemble des
infractions jugées par la juridiction répressive, à l’exception d’une seule catégorie 1940.
890. Déférée au Conseil le 23 juillet 19751941, la loi fut censurée par la juridiction
devant la justice, « qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la
Constitution 1942
». Trois enseignements majeurs et une conséquence essentielle,
indissociable », et par voie de conséquence, que « le principe d'égalité devant la justice (...)
proposaient d’y voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République,
issu de l'article 16 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire 1945, le
1940 La Commission des lois du Sénat était d’ailleurs très hostile à cette généralisation de la procédure
et proposait seulement une extension de la liste des délits concernés.
1941 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc.
1942 Idem, Cons. 4.
1943 Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974 préc.
1944 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94.
1945 « Tous les citoyens sans distinction plaident dans la même forme et devant les mêmes juges dans les mêmes
cas ».
La qualité du procès 509
texte « revêtu de la signature de Louis XVI1946 », mais il était surtout, beaucoup plus
892. Sur le contenu du principe, celui-ci « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant
dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des
juridictions composées selon des règles différentes1948 ». Ce qui est donc prioritairement
arbitraires, en fonction du délit, mais peut-être aussi, selon son auteur1949. L’atteinte
catégories d’infractions à un juge unique, alors que les autres seraient confiées à une
formation collégiale.
considérant lève toute forme de doute et apporte une réponse plutôt claire à ces
1946 RIVERO J., note, Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, A.J.D.A., 1976, p. 46.
1947 CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, op. cit. ; LARSONNIER V., Les Principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel,
Thèse dactyl., Montpellier I, 2002.
1948 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc., Cons. 5.
1949 Idem, Cons. 3 : « Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un
tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ».
1950 Cf infra n° 923 et s.
510 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
« alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale1951 », il est permis de déduire de l’emploi de
l’adverbe « surtout », qu’il estime que le principe s’impose, avec une acuité renforcée
devant les tribunaux répressifs, mais qu’il s’applique aussi, avec une moindre
reconnu par les lois de la République et les lois d'ordre public sur l'organisation judiciaire
française en ce qui concerne les juridictions de jugements qui sont toujours collégiales,
des litiges correctionnels par un juge unique. Il faut tout de même faire preuve d’une
elle était contraire au principe d’égalité » et en déduit, que « son absence de réponse à ce
nette de consacrer un principe, il est plutôt hasardeux d’y voir seulement une
économie de moyens.
été démontré précédemment, que la collégialité ne peut être considérée comme une
condition sine qua non de l’indépendance1955 et de l’impartialité des juges1956, tant les
du tribunal, est beaucoup trop ténu pour être solidement établi, sauf à entreprendre
désormais improbable que les critères de reconnaissance, posés par la décision « Loi
pense qu’il n’est pas exclu que la collégialité puisse faire, à l’avenir, l’objet d’un
silence observé par le Conseil sur cette question ne lui semble pas hypothéquer les
question1962. Elle ne s’est, en effet, jamais prononcée explicitement en faveur d’un des
deux systèmes et n’a pas fait, à ce jour, de la collégialité, une condition du procès
des recours devant la juridiction strasbourgeoise se fait aujourd’hui à juge unique 1963.
Elle n’a d’ailleurs jamais établi de lien, entre le droit à un tribunal impartial et
cette question, preuve d’une audace que les juges strasbourgeois n’ont pas même
esquissée.
1962 Le texte même de la Convention européenne, plus particulièrement l’article 6 § 1, est muet sur ce
point.
1963 Protocole n° 14, Article 27 (entré en vigueur le 1 er juin 2010), Compétence des juges uniques : « 1.
Un juge unique peut déclarer une requête introduite en vertu de l’article 34 irrecevable ou la rayer du rôle
lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire ».
1964 C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique, requêtes n° 6878/75 et 7238/75,
série A, n° 43, Cah. dr. eur., 1982, p. 201, obs. COHEN-JONATHAN G ; A.F.D.I., 1982, p. 495, note
PELLOUX R., § 55 : « D’après la jurisprudence de la Cour (...), seul mérite l’appellation de tribunal un
organe répondant à une série d’autres exigences - indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en
cause, durée du mandat des membres (...) ».
C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni préc. : « Pour déterminer si un organe peut
passer pour indépendant - notamment à l’égard de l’exécutif et des parties (...), la Cour a eu égard au mode
de désignation et à la durée du mandat des membres (...) ».
1965 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », op. cit., p. 103.
La qualité du procès 513
1975
897. Par la suite, le Conseil constitutionnel a été confronté, à trois reprises, à des
des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs
agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous
dispositif à la Constitution. Nonobstant le fait que la loi aurait dû, sur le plan
est remarquable ici de constater, que le Conseil n’a pas fait obstacle à l'adoption
législative d'une procédure contentieuse spécifique à juge unique. Ce qui conduit les
d’infractions aux droits d’auteurs, réalisées sur Internet. L’une des solutions
1970 Sur ce point, Cf PRÉTOT X., « L'application du principe d'égalité à l'étranger en France », R.D.S.S.,
1990, p. 437 et s.
1971 GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, op. cit., p. 561.
1972 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc.
1973 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 préc.
La qualité du procès 515
confier le jugement de ces délits à un magistrat pénal statuant seul, le cas échéant
ainsi d’ajouter à la liste, déjà hétéroclite, des infractions tranchées par le tribunal
précédemment citée, les délits prévus aux articles L335-2, L335-3 et L335-4 du Code
de la propriété intellectuelle.
juste titre, pas reçu favorablement par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où
conditions. Contrairement à la situation de 1975, il n’y a donc ici aucun risque que
deux justiciables, ayant commis le même acte délictuel, puissent être jugés dans des
conditions différentes, l’un par un magistrat unique, l’autre par une formation
collégiale. En effet, la répartition des contentieux n’est pas laissée à la libre discrétion
objectifs.
en la matière, qui traduit, de toute évidence, une certaine indifférence quant au choix
renvoi1978, les dispositions de cet article porteraient atteinte au principe d'égalité des
citoyens devant la justice, « faute pour le législateur d'avoir suffisamment encadré les
juridiction administrative1979 ».
syndicat1980, que le reproche adressé à cette disposition soit double. D’une part, elle
litiges seraient jugés par un magistrat statuant seul. Cette différence de traitement
publicité des audiences, tous deux absents des procédures à juge unique. En effet,
c’est l’article L222-1, qui sert de fondement légal à l’article R222-1, par lequel le
pouvoir réglementaire détermine la liste des litiges, dans lesquels les présidents de
la liste des contentieux jugés selon la procédure allégée par ordonnances. D’autre
justice.
905. Sur la première contestation, il est manifeste que l’article L222-1 du Code de
l'objet du litige et la nature des questions à juger peuvent lui permettre de fixer la
liste des contentieux échappant à la collégialité. L’arbitraire est donc exclu, puisque
portant sur un objet identique, seront jugées nécessairement selon les mêmes formes
procédurales. C’est ici toute la différence avec le dispositif, prévu par le législateur de
1975 et censuré par le Conseil dans la décision du 23 juillet, que le syndicat requérant
revêt une importance non négligeable, tant les magistrats administratifs, notamment
eux.
formation collégiale certains litiges, que l’objet et la nature des questions qu’ils
soulèvent avaient initialement placés dans la catégorie de ceux devant être tranchés
par un magistrat statuant seul, peut certes interroger au regard du principe d’égalité
devant la justice. Mais une telle faculté, dictée par un souci de bonne administration
justice.
déterminée
Haute juridiction, pour avoir délégué une prérogative que la norme fondamentale lui
1983 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 24 : « Considérant que le législateur a instauré
cette faculté de renvoi au tribunal d'instance, eu égard à la nature particulière de la juridiction de proximité
et dans un souci de bonne administration de la justice ; que cette procédure, qui constitue une garantie
supplémentaire pour le justiciable, ne porte pas atteinte, en l'espèce, à l'égalité devant la justice ».
La qualité du procès 519
908. Dans la décision de juillet 1975, le deuxième grief principal adressé à la loi, a été
de grande instance, c’est à dire à une autorité judiciaire, le soin de distribuer les
des compétences1984.
909. Ce n’était certes pas la première fois qu’un tel moyen d’inconstitutionnalité était
invoqué par le Conseil, mais en matière de législation ordinaire, la chose était inédite.
910. Trois ans avant la jurisprudence « Juge unique »1986, le Conseil constitutionnel
avait déjà annulé un dispositif par lequel, le législateur organique cédait à chaque
pour déterminer l’autorité tenue de statuer sur les incompatibilités des députés et
1984 Sur la question, Cf GALLETTI F., « Existe-t-il une obligation de bien légiférer ? Propos sur
« l’incompétence négative du législateur » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel »,
R.F.D.C., 2004, n° 58, p ; 387 ; MILANO L., « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi »,
op. cit.
1985 Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 préc.
1986 Décision n° 71-46 DC du 20 janvier 1972, Loi organique modifiant certaines dispositions du titre II de
l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux
incompatibilités parlementaires, JO, 25 janvier 1972, p. 1036.
1987 Idem, Cons. 3.
520 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
enfreindre la Constitution1989.
compétence à une autre autorité normative, qui fixerait à sa place, les règles
générales qu’il était tenu d’édicter, mais confie au président de juridiction, le pouvoir
discrétionnaire de répartir les litiges, au cas par cas, à des formations de jugement
différemment composées et ce, sans la moindre indication pour guider ses choix. Le
risque, comme le font remarquer Louis FAVOREU et Loïc PHILLIP1990, eut été, dans
le meilleur des cas, qu’il se forgeât une jurisprudence personnelle, selon des critères
posée par Jean RIVERO1992, est la suivante : la solution établie par le Conseil
1988 Les motivations du Conseil constitutionnel n’étaient, sans doute, pas uniquement dictées par des
règles de compétences. Il s’agissait aussi de ne pas renouer avec les excès de IVe République,
durant laquelle les chambres disposaient d’une latitude quasi complète pour fixer les normes
régissant leur fonctionnement interne.
1989 TREMEAU J., La réserve de loi, Compétence législative et Constitution, Economica/P.U.A.M., Coll.
Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1997, p. 37 : « La réserve de loi tend à devenir une norme
opposable au législateur, supposant que celui-ci exerce effectivement la compétence que la Constitution lui
attribue, sans qu’il puisse s’en défausser, sous peine d’inconstitutionnalité… la réserve de loi constitue une
charge pour le Parlement, et non une simple faculté ».
1990 FAVOREU L. et PHILIP L., chron., Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit.,
p. 1320.
1991 « Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles
concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale
que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-
dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au
Conseil constitutionnel ; ».
1992 RIVERO J., note, Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit., p. 63. Jean RIVERO
n’envisage cette question que sous l’angle du principe d’égalité.
La qualité du procès 521
procédure pénale ? Ou est-ce une compétence plus générale, quelle que soit la nature
du contentieux, dès qu’il s’agit de définir les exceptions à la forme collégiale des
juridictions ?
pour la première hypothèse, Louis FAVOREU et Jean RIVERO mettant l’accent sur la
matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens », y voyant de toute
des hypothèses d’atteinte aux droits fondamentaux. Pour autant, tous les juristes qui
1993 Cf GHEVONTIAN R., « Collégialité et Constitution», op. cit., p. 59 ; PARISI C., « L’extension du
système du juge unique en Europe », R.I.D.C., 2007, p. 657.
522 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
formations de jugement1995.
forme collégiale des juridictions, repose sur deux postulats juridiques principaux :
juridiction (b).
1994 COHENDET M.-A., « Vers une généralisation du juge unique ? », A.J.D.A., 2006, p. 1465.
1995 COHENDET M.-A., « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 713.
1996 Idem, p. 722, le second paragraphe de la première section (I-B) intitulé « POUR LA
RECONNAISSANCE DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE CE PRINCIPE ».
1997 GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, op. cit.
La qualité du procès 523
917. Le premier alinéa de l’article 34 dispose que « la loi fixe les règles concernant les
(…) garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés
publiques (…) ». De manière assez classique, son premier argument repose sur les
protégé tant par la Cour de Strasbourg que par le Conseil constitutionnel 2000. En
918. Le législateur serait donc seul compétent pour organiser le régime juridique,
raisonnement est astucieux, mais il comporte une faiblesse structurelle qui a déjà été
telle que celle qui modifie le nombre de membres d’une juridiction, transforme les
920. Tous les auteurs ne partagent pas cet avis. Ainsi, le professeur René CHAPUS
estime que « le juge unique ne constitue (...) pas une juridiction distincte : il reste membre
de la juridiction collégiale dont il n’est qu’une émanation provisoire 2007 ». C’est ainsi que M.
CHAPUS justifie le renvoi toujours possible d’une affaire, du juge unique vers la
formation collégiale, alors même que les textes peuvent rester muets sur la
position : le magistrat statuant seul n’est pas une juridiction nouvelle, mais
seulement une forme procédurale particulière du tribunal dont il fait partie2009. Une
921. Marie-Anne COHENDET avance un autre argument pour étayer sa thèse. Lors
sur les recours introduits par les étrangers placés en rétention, contre les refus de
considéra cependant, que la collégialité n’était pas remise en cause par une telle
qu’elle avait initialement posée2011, Mme COHENDET croit déceler dans cette décision,
Son raisonnement repose sur le silence observé par la Conseil constitutionnel, qui n’a
pas déclassé l’article 57 de la loi, permettant les dérogations à la forme collégiale des
juridictions. Elle en conclut que c’est une forme d’acceptation tacite de la compétence
législative en la matière2013.
articles 19, 22, 33 et 34 de la loi avaient un caractère réglementaire. Ce qui fait écrire
2011 « La décision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 2006 relative à la loi sur l'immigration permet-elle au
gouvernement de généraliser le recours au juge unique par voie réglementaire ou bien l'oblige-t-elle à
recourir à la voie législative ? », COHENDET M.-A, « Vers une généralisation du juge unique ? »,
op. cit., p. 1465.
2012 COHENDET M.-A., « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 724.
2013 Le professeur Marie-Anne COHENDET aurait d’ailleurs pu émettre exactement la même
remarque à propos de la décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc., qui étendait la pratique du
juge unique devant les juridictions judiciaires et administratives.
2014 Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, JO,
24 avril 2005, p. 7173.
2015 Idem, Cons. 23.
2016 Décision 82-143 DC du 30 juillet 1982 préc.
2017 « par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une
disposition de nature réglementaire contenue dans une loi (...) ", Idem, Cons. 11.
La qualité du procès 527
démentie2018 ». La Haute juridiction n’affirme pas que ces dispositions sont contraires à
démarche qui est la sienne, quand elle est saisie dans le cadre de la procédure de
contradiction avec les articles 34 et 37 de la Constitution2020 », était soulevé par les auteurs
de la saisine, ce qui n’est pas le cas dans la décision sur la loi relative à l'immigration
est donc plutôt audacieux d’en tirer un quelconque enseignement sur la valeur
923. La position défendue par Marie-Anne COHENDET sera démentie par le Conseil
citée, dans laquelle la Haute juridiction juge que les dispositions de la procédure
qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 de la
pas été invoqué par le requérant. Le Conseil constitutionnel a donc tenu à rappeler
cette répartition des compétences, qu’il avait déjà posée dans la décision n° 88-153 L
2018 AUBY J.-B., « L'avenir de la jurisprudence Blocage des prix et des revenus », Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2005, n° 19, p.107.
2019 Ibidem.
2020 Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 préc., Cons. 22.
2021 Décision n° 2010-54 QPC préc., Cons. 3.
2022 Décision n° 88-153 L du 23 février 1988, Nature juridique de dispositions contenues dans les articles 8,
140 et 143 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des
528 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
principe général dégagé en 19592023 : quelle que soit la matière, c’est au pouvoir
Conseil d’État adopte d’ailleurs, sur cette question, la même position que son voisin
seulement les critères de répartition des contentieux (l'objet du litige et la nature des
qu’il a prises, ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par la
entreprises, JO, 25 février 1988, p. 2647, Cons. 2 : « les dispositions de la procédure à suivre devant les
juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne concernent pas la procédure pénale
et qu’elles ne mettent en cause aucune des règles, ni aucun des principes fondamentaux placés par la
Constitution dans le domaine de la loi ».
2023 Décision n° 59-1 L du 27 novembre 1959 préc.
2024 C.E., 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253 préc.
2025 A l’exception des procédures d’urgence en matière d’asile, confiées par la loi à un juge unique.
La qualité du procès 529
judiciaire, a connu, dans une période récente, un recul significatif, mais d’une
LAMANDA, lors de son installation à la Cour de la cassation 2026, il n’est guère permis
de douter de ses vertus, le juge unique présente aussi quelques qualités intrinsèques,
qui ne sont sans doute pas étrangères à son expansion. Nonobstant ces
lors que sont respectées l’égalité entre les justiciables et la compétence des pouvoirs
juge unique répond aux exigences fixées par le juge constitutionnel. Ainsi, si elle
cohabiter, de plus en plus souvent, avec un magistrat unique, mieux adapté aux
2026 « Ne doutez pas des vertus de la collégialité. Elle est le propre de la magistrature », Discours prononcé par
le Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, lors de l’audience solennelle
d’installation, le 30 mai 2007, Site internet de la Cour de cassation :
http://www.courdecassation.fr/institution_1/occasion_audiences_59/installation_chefs_70/premier_presiden
t_10464.html, consulté le 25 janvier 2013.
2027 APCHAIN H., « Retour sur la notion de bonne administration de la justice », op. cit., p. 587 ;
LAVAL N., « La bonne administration de la justice », op. cit., p. 12.
La qualité du procès 531
au sein des droits fondamentaux du procès, dans une vision universaliste 2028 et, peut-
927. D’une part, le législateur dispense parfois le juge de cet exercice exigeant, voyant
tout un pan du droit, particulièrement le droit du divorce, est caractérisé par cette
248-1 du Code civil2029 (repris dans l’article 1128 du Code de procédure civile)
autorise le juge, sur demande des époux, à ne pas mentionner, dans la décision, leurs
torts et leurs griefs. La Cour de cassation a considéré, à deux reprises 2030, que cette
la part des juges eux-mêmes, pour lesquels elle représente une contrainte excessive,
au regard de leur volume de travail et des exigences de « productivité » qui leur sont
2028 GUINCHARD S., « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », op. cit., p. 209.
2029 « En cas de divorce pour faute et à la demande des conjoints, le juge aux affaires familiales peut se limiter à
constater dans les motifs du jugement qu'il existe des faits constituant une cause de divorce, sans avoir à
énoncer les torts et griefs des parties ».
2030 Cass. 2ème civ., 20 mars 1991, pourvoi n° 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n° 88, p. 48 ; Cass. 2ème civ., 1er
avril 1998, pourvoi n° 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n° 116, p. 69.
532 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
ne sont plus rares et les juridictions suprêmes ne rendent pas toujours des décisions,
pas lui accorder une place privilégiée, parmi les droits fondamentaux procéduraux.
justice
jugement, dont elle constitue, avec les visas et le dispositif, le triptyque plancher
d’acceptabilité, il n’en fut pas toujours ainsi dans l’histoire judiciaire (§ 1.). Pourtant,
la motivation est solidement ancrée dans notre système juridique, tant sa raison
2031 Cf MASTOR W. et (de) LAMY B., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
D, 5 mai 2011, p. 1154 : « Il n'est pas même pertinent de se demander s'il existe ou non un droit « à » la
motivation. La motivation est consubstantielle à l'activité de juger : « je juge donc je motive » ».
La qualité du procès 533
normatif ne remonte guère qu’à la loi des 16-24 août 1790, qui décrit dans l’article 15
outre « le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction », « les motifs qui auront
atténué seulement par quelques rares exceptions, des jugements épars, dans lesquels
l’affirmation d'une règle de droit, dans le but d’en conserver une trace écrite pour le
futur, tient lieu de motifs, sans le moindre syllogisme judiciaire 2033. L’une des
principales raisons de cette absence de motifs, dans les verdicts juridictionnels, était
Paris, d’asseoir leur autorité à l'égard de la Cour du Roi, en excluant toute forme de
harmonie avec les droits savants, notamment le droit romain, dont les deux
2032 L’article 15 du Titre V de la loi des 16-24 août 1790 dispose : « La rédaction des jugements, tant sur
l’appel qu’en première instance, contiendra quatre parties distinctes.
Dans la première, les noms et les qualités des parties seront énoncés.
Dans la seconde, les questions de fait et de droit qui constituent le procès seront posées avec précision.
Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction, et les motifs qui auront
déterminé le jugement, seront exprimés.
La quatrième enfin contiendra le dispositif du jugement ».
2033 GIUDICELLI-DELAGE G., « La motivation des décisions de justice », Thèse dactyl., Poitiers, 1979,
p. 30 et 40.
2034 La procédure formulaire et la procédure extraordinaire.
2035 GIUDICELLI-DELAGE G., « La motivation des décisions de justice », op. cit., p. 24.
534 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
933. Le XVe siècle marque une première évolution, avec l’apparition des recueils
grande majorité appartient au barreau, précisent les motifs de droit ou de fait, qui ont
d'AGUESSEAU, par exemple, déconseillant leur lecture dans ses « Instructions sur
les études propres à former un magistrat2037 », ces ouvrages n’en constituent pas
934. Au XVIe siècle, les recueils de jurisprudence ont ainsi contribué, de manière
autre. Cela semble d’autant plus nécessaire, avec l’apparition des juridictions d’appel
transmission des causes ayant déterminé leur position. Sensibilisés par les carences
devienne une revendication de la noblesse et du tiers état, lors de la réunion des États
résultat probant.
935. Alors qu’elle est pourtant relayée par les philosophes du siècle des Lumières,
notamment VOLTAIRE, qui prit position dans la célèbre affaire Calas2038, la demande
de suppression des verdicts non motivés ne devait être effective qu’avec la période
2036 La littérature juridique désigna aussi sous le nom « d’arrêtistes », ces magistrats ou avocats qui ont
pour principal objectif de recueillir et de commenter la jurisprudence des cours souveraines du
royaume.
2037 d’AGUESSEAU H.-F., « Instructions sur les études propres à former un magistrat », Œuvres de M.
le chancelier d’Aguesseau, I, Paris, 1759.
2038 Afin d'obtenir la réhabilitation de Jean CALAS, VOLTAIRE publia, en 1763, l'ouvrage « Traité sur
la tolérance ».
La qualité du procès 535
révolutionnaire. Même la réforme judiciaire de mai 1788, initiée par le garde des
motiver les décisions de justice, l’un des six édits se contentant d’imposer, aux arrêts
qu’embryonnaire, émane du décret des 8-9 octobre 17892039, qui contraint les juges à
inclure dans la décision de condamnation, le récit des faits les ayant conduits au
verdict. Mais, ce n’est qu’avec la disposition de la loi des 16-24 août 1790, mentionnée
dispose, en son article 208, que « les séances des tribunaux sont publiques ; les juges
délibèrent en secret ; les jugements sont prononcés à haute voix ; ils sont motivés, et on y
motivation sera effective grâce à la loi du 20 avril 18102041, qui sanctionne par la
nullité, les jugements qui n’auraient pas respecté cette prescription2042. À partir du
2039 L’article 22 du décret des 8-9 octobre 1789 dispose que « Toute condamnation à une peine afflictive ou
infamante, en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l’accusé sera
condamné, sans qu’aucun juge puisse jamais employer la formule " Pour les cas résultant du procès " ».
2040 Cette mention dans la Constitution de l’an III, est la seule de toute l’histoire constitutionnelle
française, à l’exception du projet de Constitution du 19 avril 1946, rejeté par référendum le 5 mai,
qui disposait, dans son article 9, que « Nul ne peut être maintenu en détention s'il n'a comparu dans les
quarante-huit heures devant un juge appelé à statuer sur la légalité de l'arrestation et si ce juge n'a
confirmé, chaque mois, la détention par décision motivée ».
2041 Loi n° 5351 du 20 avril 1810 sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice.
2042 L’article 7 de la loi du 20 avril 1810 dispose : « Les arrêts qui ne sont pas rendus par le nombre de juges
prescrit, ou qui ont été rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, ou qui
n'ont pas été rendus publiquement, ou qui ne contiennent pas les motifs, sont déclarés nuls ».
536 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Cette inscription lui conférera le champ d’application matériel le plus large possible
et une valeur normative qui, même si elle n’est pas positionnée au sommet de la
hiérarchie, comme cela peut être le cas dans certains pays d’Europe occidentale 2047,
n’en demeure pas moins significative2048. Il faut dire que la motivation des décisions
2043 Sa première inscription, dans un code procédural, remonte à l’article 163 du Code d'instruction
criminelle de 1808, qui prévoit que « Tout jugement définitif de condamnation sera motivé, et les termes
de la loi appliquée y seront insérés, à peine de nullité ».
2044 L'article 485 du Code de procédure pénale (concernant le tribunal correctionnel) dispose : « Tout
jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la décision », alors que
l’article 593 du même Code sanctionne l’inobservation du principe : « Les arrêts de la chambre de
l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas
des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son
contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ». Les dispositions de l’article 485 sont
étendues au tribunal de police et à la juridiction de proximité, par le biais de l’article 543, qui
dispose que « Sont applicables à la procédure devant le tribunal de police et devant la juridiction de
proximité les articles 475-1 à 486 concernant les frais de justice et dépens, la restitution des objets placés
sous la main de la justice et la forme des jugements ».
2045 L’article 455 du Code de procédure civile dispose que « Le jugement doit être motivé », alors qu’à
l’instar du Code de procédure pénale, l’article 458 prévoit que « Ce qui est prescrit par les articles [...]
455 (alinéa 1) [...] doit être observé à peine de nullité ».
2046 L'article L9 du Code de justice administrative dispose : « Les jugements sont motivés ».
2047 L’article 111 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 dispose : « Toutes
les mesures juridictionnelles doivent être motivées ». L’article 149 de la Constitution belge du 17 février
1994 dispose, quant à lui, que « Tout jugement est motivé ».
2048 L’obligation de motivation a valeur législative en matière pénale et administrative, réglementaire
en matière civile.
La qualité du procès 537
938. Tant par ses qualités et par les fonctions qu’elle exerce dans la structure du
jugement (A), que par son ancrage constitutionnel (B), même indirect, la motivation
est une partie irréductible d’un verdict judiciaire, nécessaire à son accessibilité et à
son intelligibilité.
justice, ce qui explique que la loi l’impose dans la quasi-totalité des contentieux. Nul
le XVIIIe siècle, déclaré par anthropomorphisme, que « le motif étant l'âme du jugement,
se servir d'un arrêt sans en rapporter les motifs c'est se servir d'un corps sans âme 2049 ». De
tels propos, sans être dénués de toute raison, sont, sans doute, un peu excessifs, mais
ont le mérite de souligner l’importance des motifs, dans une décision de justice et ce,
clairement identifiés : les parties au procès (1), le juge (2) et enfin, la juridiction
940. Les principaux bénéficiaires de la motivation d’un jugement sont les parties au
procès, qui peuvent ainsi comprendre les raisons syllogistiques ayant amené la
Motiver permet ainsi de porter à la connaissance des principaux intéressés, les étapes
regard des faits de l’espèce, doit permettre aux parties et notamment à celle qui a
dans l'affaire Taxquet contre Belgique du 16 novembre 2010, qui précise d’abord, que
« pour que les exigences d'un procès équitable soient respectées, le public, et au premier chef
l'accusé, doit être à même de comprendre le verdict qui a été rendu2050 », avant de rajouter
que « la motivation a également pour finalité de montrer aux parties qu'elles ont été
entendues et, ainsi, de contribuer à une meilleure acceptation de la décision 2051 ». Les motifs
d’une décision de justice ont bien, aux yeux du juge strasbourgeois, cette double
civiles, qui sont les plus affectées par les faits mis en jugement, puisque ce sont elles
doivent être à même de comprendre pourquoi leur cause n’a pas été entendue.
942. Loin d’être une contrainte à la charge de celui qui la pense et la rédige, la
motivation est surtout un paravent, pour protéger le juge contre les tentations
humaines les plus arbitraires2052 et minimiser les risques de partialité. C’est, pour le
Conseil constitutionnel, comme pour la Cour européenne des droits de l’homme, qui
se rejoignent sur ce point, une fonction essentielle attribuée aux motifs dans un
jugement.
943. La juridiction constitutionnelle estime, en effet, avec une louable constance, que
règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans [...] le
jugements répressifs est une garantie qui doit être mise en œuvre par le législateur,
certains verdicts, dans des contentieux bien circonscrits, ce n’est qu’à la condition de
2053 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc., Cons. 22 : « sont également de nature à éviter
l'arbitraire la motivation, exigée par l'article 74 du statut, de la décision rendue par la chambre de première
instance ».
2054 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 11 ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août
2011 préc., Cons. 22.
2055 Ibidem.
2056 Idem, Cons. 11 : « si la Constitution ne confère pas à cette obligation un caractère général et absolu,
l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées
par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire ».
2057 C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique, requête n° 926/05, § 43.
540 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
sait que « la prééminence du droit et la lutte contre l'arbitraire sont des principes qui sous-
tendent la Convention2058 ».
termes, c’est parce que le justiciable a droit à un tribunal impartial, que les jugements
doivent être motivés. Elle est, en quelque sorte, la partie visible et l’instrument
946. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme sont, à ce titre, les
exemples jurisprudentiels les plus significatifs, décrivant avec une minutie inégalée,
les détails des faits de l’espèce ainsi que le raisonnement syllogistique du juge, dont il
est alors aisé d’apprécier la cohérence juridique qui l’a conduit jusqu’au dispositif. À
motivation minimale d’une juridiction de renvoi, par simple reproduction des motifs
utilisés par le juge de premier ressort, laissant suspecter un défaut d’impartialité, par
expédient, qui ne peut satisfaire aux exigences d’impartialité attendues de celui qui
l’a rédigée.
947. Les juridictions qui pratiquent la règle du précédent sont plus exigeantes encore
dans leur motivation, dans la mesure où toute rupture avec les jurisprudences
confiance légitime ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante 2064 », n’en
demeure pas moins très attentive sur la qualité de la motivation, quand la solution
du contrôle de la décision
rendu par le tribunal inférieur. C'est à cette intention, que l'obligation de motiver a
été imaginée par les révolutionnaires de 1789, comme un moyen d’éviter la naissance
législatives utilisées et des raisonnements mis en œuvre. C'est aussi la même volonté
des motifs plus détaillés, eu égard notamment au caractère déterminant de leur conclusion pour le droit à
réparation du requérant. », § 43.
2063 C.E.D.H., 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, requête n° 8950/80, série A, n° 127. Le tribunal n’avait
pas expliqué en quoi, les circonstances ayant conduit à ne pas réinscrire un avocat au tableau
revêtaient un caractère « exceptionnel ».
2064 C.E.D.H., 18 décembre 2008, Unédic c/ France, requête n° 20153/04, § 38.
2065 Loi du 27 novembre-1er décembre 1790, portant institution d’un tribunal de cassation et réglant sa
composition, son organisation et ses attributions, JO, 20 août 1944, p. 65.
542 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
949. Cette fonction de la motivation est la plus souvent mise en avant, quand on ne la
résume pas à cette simple règle procédurale. C’est extrêmement réducteur, car la
présence des motifs dans une décision insusceptible de recours. À la lecture de bon
nombre d’arrêts du Conseil d’État, comme de la Cour de cassation 2066, ainsi que
que telle est la position des trois cours suprêmes sur la question, même si le juge
constitutionnel considère que « l’autorité (de ses décisions) s'attache non seulement à
leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le
fondement même2067 ».
950. De son côté, la Cour européenne a effectué cette corrélation, entre la présence
Hadjianastassiou2068. Elle y affirme que « les États contractants jouissent d’une grande
liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de respecter les
impératifs de l’article 6. Les juges doivent cependant indiquer avec une clarté suffisante les
motifs sur lesquels ils se fondent. C’est ainsi, par exemple, qu’un accusé peut exercer
pas d’obligation aux États parties, en toutes circonstances, d’instituer des juridictions
raisons précises ayant amené le tribunal à trancher, afin d’exercer efficacement les
2066 BERENGER F., La motivation des arrêts de la Cour de cassation : de l'utilisation d'un savoir à l'exercice
d'un pouvoir, P.U.A.M., 2003, Mémoire de D.E.A.
2067 Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962 préc., Cons. 1.
2068 C.E.D.H., 16 décembre 1992, Hadjianastassiou c/ Grèce, requête n° 12945/87, série A, n° 252.
2069 Idem, § 33.
La qualité du procès 543
20002070, n’ait pas cru bon d’imposer la motivation littérale des verdicts de cours
951. Pour autant, la présence de telles voies de droit n’est pas la condition nécessaire
verdict serait définitif. La Cour européenne des droits de l’homme l’a clairement dit
dans l’arrêt Dulaurans2071 : le procès ne peut être équitable qu’à la condition que les
par le tribunal, quand il les juge pertinentes. Il a ensuite obligation d’y répondre dans
952. Les motifs constituent les indices les plus probants du bien-fondé d’un jugement
puis vérifiable grâce à sa présence, la motivation ne doit évidemment pas orner les
motivation : « l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse
2070 Article 380-1 du Code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.,
qui dispose : « Les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire
l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent chapitre.
Cet appel est porté devant une autre cour d'assises désignée par la chambre criminelle de la Cour de
cassation et qui procède au réexamen de l'affaire selon les modalités et dans les conditions prévues par les
chapitres II à VII du présent titre ».
2071 C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, requête n° 34553/97 ; D, 2000, p. 883, note CLAY T. ;
Procédures, août-sept 2000, p. 186, obs. FRICERO N. ; J.C.P., 2000, II, 10344, note PERDRIAU A.
2072 Idem, § 33 : « La Cour rappelle que le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la
Convention, englobe, entre autres, le droit des parties au procès à présenter les observations qu’elles estiment
pertinentes pour leur affaire. La Convention ne visant pas à garantir des droits théoriques ou illusoires mais
des droits concrets et effectifs [...], ce droit ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment «
entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi. Autrement dit, l’article 6 implique
notamment, à la charge du « tribunal », l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments
et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence ».
544 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
des garanties, elle le protège contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses
moyens ont été sérieusement examinés ; elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa
légalité des délits et des peines (1), rejaillit nécessairement sur les décisions de justice
comme une des composantes des droit de la défense, ou encore comme un élément
1) Le fondement principal
faite au tribunal de motiver son jugement réside dans le principe de légalité des
2073 FAYE E., « La Cour de cassation, traité de ses attributions, de sa compétence de la procédure
observée en matière civile suivi du Code des lois, décrets, ordonnances et règlements », La mémoire
du droit (réimpression. de l'édition de 1903), 1999.
2074 Sur la question, Cf DELMAS SAINT HILAIRE J.-P., « Les Principes de la légalité des délits et des
peines : Réflexions sur la notion de légalité en droit pénal », Mélanges en l'honneur du Doyen Pierre
Bouzat, Pedone, 1980, p. 149.
2075 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
La qualité du procès 545
ni peine, sans texte légal, ce que confirme l’article 111-3 du Code pénal2076.
notamment que les infractions et les sanctions correspondantes doivent être définies
juge. Il en résulte, que la définition d’une incrimination doit inclure, non seulement
l’élément matériel de l’infraction, mais aussi l’élément moral, qu’il soit intentionnel
l’examen de la loi Perben II2078, en énonçant que les infractions devaient être définies
elles ont été respectées. Le principe de légalité des délits et des peines fournit ainsi à
2076 « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou
pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.
Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou
par le règlement, si l'infraction est une contravention ».
2077 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc., Cons. 16.
2078 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc. En l’espèce, le Conseil considère que la notion de
« bande organisée », constituant une circonstance aggravante pour certains crimes ou délits, a été
suffisamment définie par le législateur (Cf Cons. 14) , ce que contestera une partie de la doctrine.
2079 Idem, Cons. 5.
2080 Cass. Crim., 1er février 1990, pourvoi n° 89-80673, Bull. crim., 1990, n° 56, p. 153.
2081 Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Gérard D. [Définition du délit de harcèlement sexuel], JO,
5 mai 2012, p. 8015.
546 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
statut, de la décision rendue par la chambre de première instance, ainsi que la motivation de
957. De manière plus ténue, deux autres fondements, de valeur constitutionnelle, ont
958. Les auteurs de la saisine, dans la décision portant sur la motivation des verdicts
des cours d’assises, invoquaient une atteinte aux droits de la défense, garantis par
répondu, de manière fort peu motivée, que les droits de la défense sont respectés,
dans le cadre d’un procès devant une cour d’assises. Il serait donc hasardeux d’en
2082 Décision n° 77-101 L du 3 novembre 1977, Nature juridique de dispositions de l'ordonnance n° 58-997
du 23 octobre 1958 portant réforme des règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JO, 6
novembre 1977, p. 70, Cons. 2.
2083 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
2084 Idem, Cons. 42.
2085 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc.
2086 Idem, Cons. 22.
La qualité du procès 547
l'obligation [...] de statuer par décision motivée, [...] les dispositions susvisées ne
méconnaissent pas le principe des droits de la défense2089 ». Mais, d’un autre côté, la
contraire2090. Plus nette est la jurisprudence de la Cour européenne, qui considère que
la motivation « oblige le juge à fonder son raisonnement sur des arguments objectifs et
été renversée de bon droit. C’est d’ailleurs ce que laisse sous-entendre le juge
contre l’arbitraire des autorités publiques, dont l’exclusion constitue une exigence
2087 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 30 ; Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet
2000 préc., Cons. 13.
2088 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc.
2089 Idem, Cons. 8.
2090 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre [Motivation des arrêts d'assises],
JO, 2 avril 2011, p. 5893, Cons. 10.
2091 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet contre Belgique préc., § 91.
2092 MASTOR W. et de LAMY B., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
op. cit., p. 1154.
2093 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc. ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
548 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
contre l’arbitraire2094.
affirme que « toute décision prononçant une sanction doit être motivée2096 ». Cependant,
décisions punitives émanant d'une autorité administrative 2097 (§ 1.), n’atteignant pas
les rives des verdicts de cour d’assises, qui continuaient à n’être motivés que sous
forme de réponses apportées par la Cour, aux questions fermées posées par son
président (§ 2.).
autorités administratives
961. Les autorités administratives indépendantes, qui sont des entités de nature non
sanction par le Conseil constitutionnel, alors qu’il eut été possible de voir dans cette
accordé à l’Administration pour punir des comportements sociaux considérés comme des
infractions à une réglementation préexistante2100 » n’en demeure pas moins « une des
admet l'attribution d'un pouvoir répressif, permettant de « punir sans juger2102 », à des
rigoureuses 2103. C’est ce que fit aussi le Conseil d’État, en encadrant strictement cette
recours contre un acte administratif unilatéral n’a pas d’effet suspensif (B).
2100 MODERNE F., Sanctions administratives et justice constitutionnelle : contribution à l'étude du jus
puniendi de l'État dans les démocraties contemporaines, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif,
Paris, Aix-en-Provence, 1993, p. 5.
2101 Conseil d’État, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, Paris, La Documentation
Française, 1995, p. 35.
2102 DELMAS-MARTY M. et TEITGEN-COLLY C., Punir sans juger : de la répression administrative au
droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992.
2103 Décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 préc.
2104 Le Conseil d’État a précisé le régime juridique du droit des sanctions administratives, de deux
manières. D’une part, si, en principe, seule une loi peut instaurer un régime de sanction
administrative, le Conseil d’État a estimé que, lorsque le pouvoir réglementaire est compétent pour
fixer certaines règles d'exercice d'une profession, il l'est également pour prévoir des sanctions
administratives qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec cette réglementation (C.E.,
Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l'Intérieur c/ Benkerrou, n° 255136, Rec. p. 298 ; A.J.D.A., 2004, n° 31, p.
1695, chron. LANDAIS C. et LENICA F.; D.A., 2004, n° 11, p. 27, note BREEN E.). D’autre part,
l'exercice du pouvoir de sanction doit être assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les
droits et libertés constitutionnellement garantis. Ainsi, le respect des droits de la défense, le
principe de la nécessité et de la proportionnalité des peines, le principe de la légalité des délits, le
principe de non-rétroactivité des lois pénales et sa limite relative aux lois plus douces, vaut aussi
en matière de sanctions ayant le caractère d'une punition, prononcées par une autorité
administrative (C.E. Avis, 5 avril 1996, Houdmond, n° 176611, Rec. p. 116).
2105 La formulation est de Maurice HAURIOU. Le « privilège du préalable » signifie que la décision
s’appliquera sans l’intervention du juge. Sur la question, Cf CHAPUS R., Droit administratif général,
15e éd., Montchrestien, Coll. Domat droit public, Paris, 2001, p. 491.
550 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
administratives
962. En imposant une motivation explicite aux sanctions prononcées par les autorités
loi du 11 juillet 19792106, qui prescrit une obligation de motiver les actes administratifs
administrative est assimilable, sur le plan des effets, à une décision administrative
individuelle défavorable : toutes deux ont des conséquences concrètes sur la situation
d’attendre de son administration quand elle agit. Toute l’évolution du droit des actes
détournement de pouvoir.
964. En droit public français, les décisions administratives n'ont pas, contrairement
2106 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative a la motivation des actes administratifs et a l'amélioration
des relations entre l'administration et le public, JO, 12 juillet 1979, p. 1711.
2107 CHAPUS R., Droit administratif général, op. cit., , p. 1129 et s.
La qualité du procès 551
décision des motifs qui la fondent, d’autant qu’aucun principe général du droit ne
principe, rappelé par le Conseil d'État, restait donc "Pas de motivation sans texte",
mesures de tutelle sur les collectivités locales ou encore les décisions emportant des
965. La loi du 11 juillet 1979 n'a pas renversé le principe de non-motivation des
puisque, selon les termes de la loi, doivent être motivées, les décisions défavorables
2108 C.E., Ass., 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille Fret, n° 74877 ; n° 75123, Rec. p. 704.
2109 C.E., 10 février 1978, Rischmann, n° 96495, Rec. p. 685.
2110 C.E., Ass., 28 mai 1954, Barel, n° 28238 ; n° 28493 ; n° 28524 ; n° 30237 ; n° 30256, Rec. p. 308.
2111 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 préc., article 1 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être
informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent »
et article 2 : « Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux
règles générales fixées par la loi ou le règlement ».
2112 Selon les termes de la loi, doivent être motivées les décisions qui :
- restreignent l'exercice des libertés publiques ou de manière générale constituent une mesure de
police ;
- infligent une sanction ;
- subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou abrogent une décision
créatrice de droits ;
- opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance;
- refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les
conditions légales pour l'obtenir
- refusent une autorisation (loi du 17 janvier 1986).
552 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
au premier rang desquels la décision implicite de rejet 2114, pour contourner ces
pouvoirs, sont soumises à une obligation de motivation, plus stricte encore que les
administratives
motiver leurs décisions dès lors qu’elles ne prononcent pas une sanction ayant le caractère
d’une punition2117 ». Une interprétation a contrario, permet d’en déduire que les
2113 Outre la décision implicite de rejet, la loi offre quelques échappatoires à l'administration. Cette
dernière est d’abord dispensée de motiver ses décisions, concernant des faits couverts par le secret,
qu’il s’agisse du secret médical, mais aussi du secret des délibérations du gouvernement, de la
défense nationale et de la politique extérieure, de la sûreté de l'État et de la sécurité publique.
L'urgence absolue justifie également l'inobservation de l'obligation de motiver. Toutefois, sur
demande de l'intéressé, l'administration est tenue, dans le délai d'un mois, de lui en communiquer
les motifs (article 4 de la loi de 1979).
2114 L’article 5 de la loi de 1979 dispose "qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision
explicite aurait du être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation".
2115 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc.
2116 Décision n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle, JO, 10 juillet 2004, p. 12506.
2117 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2004-497 DC du 1er
juillet 2004, Cons. 14.
La qualité du procès 553
motivation des verdicts des cours d’assises2118, précise utilement que cette obligation
de motivation ne peut être étendue à toutes les décisions répressives. Elle doit
exécutoire2121.
l’administration n’a pas d’effet suspensif2122. Par conséquent, contester devant le juge
formation la plus solennelle, ayant décidé « qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une
prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire
application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle
l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue; que, par suite, compte tenu des pouvoirs
dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la
contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux2123 ». Parce que le juge
est donc essentiel qu’il en comprenne les articulations et les soubassements, qui ne
l’équilibre des forces entre magistrats professionnels et jurés populaires, au sein des
cours d’assises, le Conseil accepte que la motivation puisse être éludée (A), à
condition d’être compensée par des garanties, aptes à lutter contre l’arbitraire (B).
motivés
n’est pas totalement transgressée par les verdicts des cours d’assises qui, bien que ne
bénéficiant pas d’une motivation littérale classique, n’en demeurent pas moins
2123 C.E., Ass., 16 février 2009, Sté Atom, n° 274000, Rec. p. 26, R.F.D.A., 2009, p. 259, concl. C. LEGRAS.
La qualité du procès 555
dénués de tout motif (1). La raison principale réside dans le souci de préserver
décision, en ne plaçant pas le jury populaire dans une situation d’infériorité, par
971. La cour d’assises, juridiction non permanente, compétente pour juger les crimes
commis par des personnes âgées de seize ans et plus, est structurée autour de deux
éléments distincts2124 : d’un côté, la Cour au sens strict, composée d'un Président et de
formé de six jurés citoyens2125, désignés selon une procédure complexe2126. Alors que
Titre V de la loi des 16-24 août 17902127, le mode de délibération de la cour d’assises
consistait, avant la modification législative de l’été 20112128, sur la seule addition des
régime de la preuve légale, par le régime de la preuve morale, fondée sur la liberté de
la preuve, mais surtout sur l’intime conviction, juridiquement consacrée par l'article
preuve, mais plutôt une méthode de sélection des éléments probatoires, produits
devant la Cour.
reprises2133, de le saisir, prétextant que « la question posée tend, en réalité, à contester non
doctrine du droit vivant2135 permit enfin aux requérants de contester, devant le juge
constitutionnel, le mode délibératif de la cour d’assises, qui, selon eux, « ne permet pas
2129 « Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre,
affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations :
"Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et
jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de
règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle
leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de
leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les
moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs
devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? ". »
2130 DELMAS-MARTY M., « La preuve pénale », Droits, Revue française de théorie, de philosophie et de
culture juridique, n° 23, P.U.F., avril 1996.
2131 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc.
2132 Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85159, Bull. crim., 2011, n° 11 ; Cass. Crim., 19 janvier
2011, pourvoi n° 10-85305, Bull. crim., 2011, n° 12.
2133 Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83328 ; Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87307 ;
Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82582.
2134 Ibidem.
2135 Cf SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, op. cit.
La qualité du procès 557
questions posées de façon abstraite, se bornant à rappeler chacune des infractions, objet de
973. La vision du Conseil constitutionnel, sur la nature même des arrêts de cours
d’assises, est résumée par le dixième considérant de la décision d’avril 2011 : selon
lui, « les dispositions contestées ont pour seul objet de déterminer les modalités selon
découlant du principe de légalité des délits et des peines2138, car, pour le juge
simplement pas formalisée de manière aussi exigeante que pour les autres décisions
criminelles.
réponses, reprises dans l'arrêt de condamnation, qu'en leur intime conviction, magistrats et
jurés ont donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi, tient lieu de motifs
aux arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique2139 ». Le principe n’est donc
d’une motivation au sens classique, littéral, du terme. Celle-ci se résume à une liste
principales, commandées par l’acte d’accusation qui a saisi la cour d’assises et les
976. Ces modalités de structuration du jugement d’assises sont, par ailleurs, admises
par la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, dans la décision sur la
d’assises n’avait été en mesure de répondre que par "oui" ou par "non", aux questions
posées par le président, en conclut que celles-ci, au nombre de 768, « formaient une
européenne à conclure que « l’arrêt de la cour d’assises était suffisamment motivé aux fins
ne peut être totalement absente2147, ni même revêtir un caractère lapidaire 2148, mais
pour autant, cela ne signifie pas que le tribunal doive répondre d'une manière
2141 Article 356 du Code de procédure pénale : « La cour et le jury délibèrent, puis votent, par bulletins
écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d’abord, et s'il y a lieu, sur les causes
d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur
chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine ».
2142 C.E.D.H., 15 novembre 2001, Papon c/ France, requête n° 54210/00.
2143 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique préc., § 92.
2144 Idem, § 86.
2145 Id., § 92.
2146 Id., § 87.
2147 C.E.D.H., 19 février 1998, Higgins c/France, requête n° 20124/92 ; R.G.D.I.P., 1998, p. 240 et A.J.D.A.,
1998, p. 990, obs. FLAUSS J.-F ; R.D.P., 1999, p. 875, obs. HUGON C.
2148 C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/Grèce préc.
2149 C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas préc.
La qualité du procès 559
977. Un des griefs principaux, reprochés aux verdicts de la cour d’assises, était de
fait observer, que les accusés qui comparaissent devant la cour d'assises sont dans
fait, le législateur pouvait organiser les jugements d’assises, selon d’autres modalités,
sans porter atteinte au principe d'égalité. Tout cela est juridiquement irréprochable,
le juge constitutionnel ayant admis depuis longtemps, que des situations différentes
position que celles présentées pour être jugées, devant une autre juridiction
répressive de droit commun, elles sont surtout dans une situation plus préoccupante,
dans la mesure où le quantum de la peine encourue est plus important. Il eut été plus
d’une protection supérieure, à celles gouvernant les procès devant les juridictions
2150 C.E.D.H., 9 décembre 1994, Ruiz Torija c/Espagne, requête n° 18390/91, série A, n° 303-A ; D, 1996, p.
202, obs. FRICERO N. ; C.E.D.H., 9 décembre 1994, Hiro Balani c/Espagne, requête n° 18064/91, série
A, n° 303-B.
2151 Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou
départementales, JO, 13 juillet 1979, p. 31, Cons. 4 : « Considérant, d'autre part, que si le principe d'égalité
devant la loi implique qu'à situations semblables il soit fait application de solutions semblables, il n'en
résulte pas que des situations différentes ne puissent faire l'objet de solutions différentes ; ».
2152 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc., § 54 : « c'est face aux peines les plus lourdes que le
droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques ».
560 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
978. La raison principale justifiant la motivation des arrêts d’assises, sous forme
de la cour d’assises, qui associe les citoyens au jugement des infractions les plus
graves2153. L’histoire de la cour assises est, toute entière, marquée par la quête de
979. À en lire le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, bien que rien
ne transpire dans la décision même, cet équilibre subtil serait mis en péril, par
raisonnablement penser, que la démarche des jurés citoyens et celle des magistrats
évidemment pas le même bagage juridique, ils ne sont sans doute pas non plus
d’être neutres, expliquent que leur appréhension des faits ne se fera pas avec la
même grille de lecture, les jurés populaires étant moins attachés aux questions
l’influence des magistrats professionnels sur les jurés citoyens serait déterminante
2153 Cf ROUMIER W., L'avenir du jury criminel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque des sciences criminelles,
Paris, 2003.
2154 Association française pour l'histoire de la justice (ouvrage collectif), La Cour d'assises : bilan d'un
héritage démocratique, La Documentation française, Coll. Histoire de la justice, 2001,
particulièrement, DAVID M., « Souveraineté, citoyenneté, civisme : quelle légitimité pour le
jury ?», p. 125.
2155 ROUSSEAU D., « Juger, une profession et un acte citoyen », Projet, 2011, n° 323, p. 17.
2156 Loi du 25 novembre 1941 sur le jury, JO, 12 décembre 1941, p. 5355.
La qualité du procès 561
justice, elle, doit être rendue par et pour les citoyens. Depuis qu’a été renforcé le
partager les motifs de cette justification et les trouver insuffisants », ce qui est d’ailleurs le
mise en évidence d’un crime n’est pas qu’une affaire de syllogisme juridique, « il faut
s'accommoder des particularités de la procédure où, le plus souvent, les jurés ne sont pas
littérale des jugements d’assises2161, il est assez manifeste qu’il le fit, davantage par
motivés. Puisque les deux juridictions associent les citoyens à la justice pénale, il
semblait alors difficile de concevoir que, seuls les jugements les plus sévères seraient
comporteront « l 'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits
982. M. Michel HUYETTE, magistrat, fait remarquer que « motiver ainsi la décision
permettrait, voire imposerait en cours de délibéré d'aller encore plus loin dans la réflexion, en
Difficile de ne pas partager son avis, mais les jurés citoyens sont ils convenablement
armés pour cela ? Il est possible d’en douter. On peut donc être beaucoup plus
circonspect, quand il ajoute que « cela ne semble pas de nature à modifier l'équilibre actuel
motivation n'étant au final rien de plus que la synthèse écrite de ce qui a été principalement
débattu puis retenu par tous les présents, peu important leur statut2165 ».
983. Ne faudrait-il pas alors que les pouvoirs publics prévoient, à l’intention des
rendre ces citoyens, mieux à même de remplir la tâche nouvelle qui leur est dévolue ?
dans la manière de rendre la justice, il est maintenant nécessaire qu’il lui donne les
984. Si, dans sa décision du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que la
motivation des décisions en matière répressive constituait bien une garantie légale de
pour éviter l’arbitraire judiciaire, il a précisé, dans le même temps, que cette
rôle, la loi doit alors instituer des garanties, à même de compenser cette faiblesse
succinctement motivés
985. Après avoir affirmé, dans sa décision du 1er avril 20112167, que la motivation des
de lutte contre le pouvoir arbitraire des juridictions 2168, le Conseil énonce, dans les
motivation succincte des arrêts d’assises. Celles-ci, d’inégale pertinence, peuvent être
2167 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 12.
2168 Idem, Cons. 11.
564 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
littérale des verdicts de cour d’assises2170. Le premier peut être décliné sous deux
facettes complémentaires. D’une part, un versant positif, en vertu duquel toutes les
discutés oralement au cours des débats. D’autre part, son pendant négatif, qui, à
éléments de preuve qui n’auraient pas été produits durant l’audience et qui
ils une anticipation possible, quoi qu’aléatoire, sur l’issue finale du procès. De même,
d’appel, sur les raisons ayant conduit la première Cour à se prononcer en ce sens,
contre des tentations arbitraires, en renforçant son impartialité, qui serait exposée
seule perception qu’elle a eue des échanges qui se sont déroulés devant elle. Mais il
prohibe aussi toute forme d’interruption abusive des audiences. En effet, même si les
débats « peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges, de la partie
civile et de l'accusé », ils « ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu'à ce que la
cause soit terminée par l'arrêt de la Cour d'assises2172 ». Cette seconde conséquence peut
l’avocat avait dû plaider à quatre heures et demie du matin, après une durée
formation de jugement
réside dans les règles régissant les questions, auxquelles la cour d’assises va devoir
répondre. D’abord, il s’agit du contenu des questions posées, qui doit être conforme
quantitative minimale, mais qui ne présume en rien de la qualité des questions. C’est
la raison pour laquelle, par ailleurs, le Conseil constitutionnel demande que les
l’affaire Papon2178, la Cour européenne commence par constater que le jury avait
répondu à chacune des sept cent soixante-huit questions, posées par le président de
la cour d'assises. En raison de leur nombre, leur précision et leur articulation logique,
la juxtaposition de ces questions forme un puzzle cohérent, « une trame apte à servir de
motivation des réponses du jury2179 ». En conséquence de quoi, elle conclut que le grief
mal fondé. La Cour européenne estime donc, elle aussi, que des questions précises et
en nombre suffisant, c’est à dire ne laissant aucun interstice, dans lequel l’arbitraire
991. Dans un deuxième temps, la Cour tempèrera un peu sa position, dans le premier
des deux arrêts Taxquet2181. Pour autant, il ne faut pas voir dans cette décision, un
ci. En effet, les accusés étaient au nombre de huit et les questions n’étaient nullement
préméditation2184.
992. Dans un troisième temps, lorsque l’affaire Taxquet est jugée en grande
justice criminelle. Le droit au procès équitable ne fait pas obstacle « à ce qu'un accusé
soit jugé par un jury populaire même dans le cas où son verdict n'est pas motivé2186 ». C’est
le principe même du procès d’assises, dans son essence profonde, qui est ainsi validé
essentiel de s’assurer que la procédure est encadrée par des garanties suffisantes, afin
strasbourgeoise est prête à accepter que des questions précises, sans ambiguïté et en
nombre suffisant, puissent servir de motivation. Pour autant, rien de tel n’était
respecté en l’espèce, le requérant n'ayant pas bénéficié des garanties nécessaires, lui
993. Il est donc assez étonnant de voir de l’audace, même relative, dans le premier
Il est seulement regrettable que la Haute juridiction, n’ait pas cru bon d’exiger, via
une réserve d’interprétation, que les questions posées par le président de la cour
mode de délibération des jugements de cour d’assises, plus précisément les règles de
majorité, imposées pour adopter les réponses aux questions posées. Avant
majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la
majorité de dix voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel ». Les magistrats
l'accusé2192. Cette condition de majorité qualifiée des deux tiers peut certainement être
envisagée comme un rempart, bien qu’imparfait, contre l’erreur judiciaire, mais il est
l’intention de son principal destinataire. De même, rendre plus difficile le vote d’une
supérieure.
995. La loi d’août 20112193, qui réduit à six, le nombre de jurés siégeant à la cour
d'assises défavorable à l'accusé nécessite une majorité de six voix en premier ressort
et de huit en appel. Si, en première instance, les trois magistrats professionnels votent
prononcent dans le même sens, pour que le verdict soit adopté. Il en résulte qu’une
996. C’est ce que soutiennent, à juste titre, les requérants dans la décision du 4 août
renforcée était une garantie légale, découlant de l’article 359 du Code de procédure
d'assises. Elle n’a donc plus lieu d’être, dans la mesure où la loi sur la participation
2192 En prenant l’hypothèse que le président de la cour d’assises et ses deux assesseurs votent en
défaveur de l’accusé, la décision ne pourrait être adoptée qu’avec, au moins, la réunion de cinq
jurés (sur neuf) en premier ressort et sept (sur douze) en appel.
2193 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 préc.
2194 Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
570 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
aux deux autres garanties, présentées comme telles dans la décision d’avril 2011, il
n’est pas totalement interdit d’être inquiet sur la solidité des principes d’oralité et de
continuité des débats, ainsi que sur la qualité des questions, auxquelles la cour
qu’ils procuraient à l’absence de motivation littérale des arrêts d’assises, à quoi bon
mitigé. De toute évidence, le droit à la motivation des jugements n’est pas une
manière impérative, uniquement quand la décision fait grief et quand elle émane
d’un organe non juridictionnel, c’est à dire dans l’hypothèse où le risque d’arbitraire
est le plus important, car celle-ci provient d’une structure indépendante et qui statue
ne sont qu’une protection parmi d’autres contre la partialité du juge. Leur absence
n’est pas rédhibitoire, elle peut même être favorablement compensée par d’autres
qualité.
CONCLUSION DU TITRE 2
action prioritairement vers le renforcement des qualités du juge, elle n’en oublie pas
de qualité.
bénéficie pas de cette confrontation de vues, n’est cependant pas dénué d’un certain
hiérarchie des normes. Elle n’est pas dépourvue pour autant de toute protection,
puisque le juge constitutionnel s’assure, que le choix opéré par le législateur respecte
hypothèses, à partir du moment où son absence est compensée par d’autres garanties
mais beaucoup moins préoccupée ensuite par les processus judiciaires, qui
1002. Une fois assurée l’existence du procès, grâce au droit de saisir un juge paré des
justiciable, particulièrement quand celui-ci fait l’objet d’une mise en cause, au cours
processuels.
1004. Pour ce qui est de la seconde catégorie, leur statut juridique semble beaucoup
moins affirmé, ce qui justifie que les garanties procédurales, contribuant à la qualité
justice rendue.
Conclusion générale 575
CONCLUSION GÉNÉRALE
1005. Au terme de cette étude consacrée aux principes directeurs du procès, tels
justice.
1006. Notre première préoccupation consistait à dresser une liste des principes
satisfaisante, car la plus lisible et rendant le plus fidèlement compte du droit positif,
était celle réalisée selon l’acteur du procès principalement visé. Ainsi, certains
principes sont orientés vers le juge, même s’ils bénéficient aux parties, tandis que
d’autres sont tournés vers les parties, bien qu’ils concernent aussi le juge. À cette
directeurs du procès, celle des garanties procédurales ayant pour objectif de favoriser
les qualités essentielles du juge et de contrôler le respect des droits des parties.
576 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
1007. Ce recensement des principes directeurs du procès a été rendu possible par le
travail jurisprudentiel réalisé par le Conseil constitutionnel, qui est d’autant plus à
saluer que le statut écrit de la justice est mince dans le texte de la Constitution de
uniquement quatre articles, ne saurait couvrir à lui seul, l’ensemble des impératifs
1008. Outre cette faiblesse liée à la pauvreté des fondements constitutionnels écrits,
1009. Une fois ce travail de classification effectué, notre second objectif était d’évaluer
en matière processuelle fit alors apparaître une gradation des exigences du Conseil,
discrètement perceptible entre les principes orientés vers le juge et ceux dégagés à
l’intention des parties, plus facilement identifiable entre ces derniers et les garanties
droits2203 », celui qui non seulement conditionne l’existence de toutes les autres
n’admettant les atteintes qui lui sont portées, qu’à la condition impérative qu'elles ne
2202 Ibidem. Il s’agit là des trois lacunes principales mises en exergue par le professeur Nicolas
MOLFESSIS.
2203 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », op.cit., p. 305.
2204 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.
578 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
justice. Si le citoyen doit pouvoir accéder, sans entraves excessives, au juge pour y
faire valoir ses droits, ce dernier doit, en outre, être pourvu des vertus indispensables
jurisprudence protectrice des droits des parties au procès, surtout quand ces
dernières font l’objet de poursuites, susceptibles de déboucher sur une sanction ayant
les choix de politique pénale effectués par les autorités publiques, mais attentive à la
cause. De leur côté, les droits de la défense ont fait, à ce jour, l’objet de vingt-quatre
s’étendre bien au-delà de leur terrain d’élection privilégié : la matière pénale. Notion
d’un procès de qualité, caractérisé par le souci de l’équilibre et du respect des droits
1012. Enfin, en troisième lieu, les garanties procédurales qui participent de l’édiction
seul, en expansion régulière par ailleurs. Le juge constitutionnel lui assure tout de
accepte qu’elle soit éludée, dans la mesure où le législateur a prévu des garanties
dans l’hypothèse où le risque d’arbitraire est le plus élevé, c’est à dire quand le
jugement émane d’une autorité non juridictionnelle et qu’il revêt le caractère d’une
punition. La différence majeure, entre cette catégorie et les deux premières, réside
dans le fait que ces garanties procédurales, à l’instar de la publicité des débats ou de
1013. Cet état des lieux effectué, quels chantiers reste-t-il à entreprendre ? Quelles
réponses à ces interrogations, qui ne sont que des pistes de réflexion méritant d’être
constituant serait alors bien avisé d’introduire un peu de cohérence dans le Titre VIII
mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège2207 et d’autre part,
Chancellerie.
institutionnelle a été présentée au Conseil des ministres du 13 mars 2013, avec trois
du mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège ne soit pas
entier. En effet, la loi votée par la Chambre basse prévoit que les procureurs de la
C.S.M. (comme c’est le cas pour les présidents de tribunaux de grande instance et les
premiers présidents de cour d'appel), mais seulement après avis conforme de celui-
1017. Parmi les autres évolutions importantes issues du texte adopté à l'Assemblée
dans chacune des deux formations (six magistrats et quatre non magistrats, ce qu'il
est convenu d'appeler les « laïcs »), la loi constitutionnelle du 23 juillet porta le
nombre de « laïcs » à huit (un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un
rétablir la situation antérieure. Ses directives n’ont pas été suivies par l’Assemblée
nationale, les députés ayant instauré la parité entre magistrats et « laïcs », afin
d’éviter tout risque de corporatisme. Cette décision raisonnable apparaît, par ailleurs,
amendé du vote en première lecture, effectué le 4 juillet 2013 2213. Non seulement le
texte adopté par les sénateurs ne reprend pas les dispositions concernant les
n’ont pas été conservées par la Chambre haute. Ainsi modifié, le projet de réforme a
été suspendu et le Congrès, tel qu’il était prévu à Versailles le 22 juillet 2013, a été
annulé.
1019. Même si le ministre des relations avec le Parlement a précisé que « la procédure
serait reprise ultérieurement », il est permis d’exprimer quelques doutes à ce sujet. Bien
nouvellement élu, semble tout de même fort mal engagée, faute d’avoir su trouver
2212 Rapport n° 3125, fait au nom de la Commission d'enquête chargée de rechercher les causes des
dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour
éviter leur renouvellement. Texte disponible sur le site de l’Assemblée nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/outreau_affaire_dysfonctionnements_justice.asp, consulté le
18 septembre 2013.
2213 Texte disponible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2012-2013/625.html, consulté
le 18 septembre 2013.
2214 Le texte voté par l’Assemblée nationale, conformément aux souhaits du Chef de l’État, prévoyait
que ces membres soient désignés « conjointement par le vice-président du Conseil d’État, le président du
Conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits, le premier président de la Cour de
cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes et un
professeur des universités. Dans chaque assemblée parlementaire, une commission permanente désignée par
la loi se prononce par un avis public sur la liste des personnes ainsi désignées. Aucune ne peut être nommée
si l’addition des votes défavorables à cette liste dans chaque commission représente au moins les trois
cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
Conclusion générale 583
entrevoir une sérieuse difficulté, en vue d’une adoption définitive par le Parlement
convoqué en Congrès, avec une majorité des trois cinquièmes. Si l’on ne peut que le
qu’elle ne connaîtra pas le même avenir, que celle portant sur des thématiques
similaires en 19992215.
1020. Parallèlement, la Garde des sceaux a confié le mardi 2 juin 2013 à M. Jean-Louis
champs de compétence du parquet ainsi que sur son organisation 2216. Les séances de
travail ont commencé le jeudi 11 juillet 2013, la commission devant rendre ses
presse de la Chancellerie, « une concertation sera ensuite conduite avant que la ministre
très sommaire par le texte originel de 1958. Néanmoins, aussi satisfaisante que soit la
2215 Le projet de loi constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature, présenté en Conseil
des ministres le 15 avril 1998, avait été adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6
octobre 1998 et au Sénat le 18 octobre 1998. Mais le 2 décembre 1998, le Président de la République
déclara qu'il souhaitait une réforme globale de la justice. Le 27 octobre 1999, le Chef de l’État
annonça la convocation du Congrès pour le 24 janvier 2000, souhaitant, dans l'intervalle, que le
gouvernement consolide son dialogue avec les deux assemblées parlementaires. Faute d’avoir su
rallier la majorité exigée des trois cinquièmes, la procédure sera suspendue.
2216 Tels sont les quatre axes de réflexion présentés dans la lettre de mission, signée par la ministre de
la Justice le 2 juillet 2013. Texte disponible sur le site du ministère de la Justice :
http://www.presse.justice.gouv.fr/art_pix/LettremissionNadal.pdf, consulté le 18 septembre 2013.
2217 Texte disponible sur le site du ministère de la Justice : http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-
communiques-10095/archives-des-communiques-de-2013-12521/mission-confiee-a-m-jean-louis-nadal-
25689.html, consulté le 18 septembre 2013.
584 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
ne doit pas faire oublier que c’est aux pouvoirs publics, par la voie législative ou
prenant soin, cependant, de ne pas oublier ce que Jean RIVERO avait si bien mis en
évidence : « le Droit [...] a, dans la vie sociale, une fonction à remplir. Fonction de stabilité,
le désir de justice si fort, que dans ce domaine plus que dans aucun autre, « il ne faut
2218 RIVERO J., « Apologie pour les "faiseurs de systèmes" », op. cit., p. 102.
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note, Décis. Cons. const. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, R.D.P., 1995, p. 575
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note, Décis. Cons. const. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, R.D.P., 1996, p. 1245
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note, Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, L.P.A., 6 janvier 2003,
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obs., Décis. Cons. const. n° 95-369 DC, 28 décembre 1995, J.C.P., 1995. I, 3933
obs., Décis. Cons. const. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, J.C.P., 1997, I, 4066
obs., Décis. Cons. const. n° 98-404 DC du 29 juillet 1998, J.C.P., 1999, I, 141
note, Décis. Cons. const. n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, R.F.D.C., 1995, p. 155
note, Décis. Cons. const. n° 93-337 DC du 27 janvier 1994, R.F.D.C., 1995, p. 161
628 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
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1959
1962
1967
1970
1971
1972
1973
n° 10 : Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974 : 60, 891.
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
n° 30 : Décision n° 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Décision du 11 juin 1981 sur une requête
de Monsieur François DELMAS : 75.
1982
n° 32 : Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus,
notamment ses articles 1, 3 et 4 : 36, 922.
1983
1984
1985
1986
1987
1988
n° 56 : Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie : 59, 642, 895.
1989
n° 59 : Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie : 580, 621, 644,
646.
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
n° 103 : Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000 : 238,
631.
2000
n° 106 : Décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Décision du 25 juillet 2000 sur une
requête présentée par Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE : 75.
2001
n° 110 : Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des
magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature : 170, 255, 265, 267, 316, 317,
318, 319, 328, 343, 348.
2002
2003
n° 114 : Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de
proximité : 260, 312, 314, 318, 320, 917.
n° 115 : Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure : 453,
615, 627, 667, 706, 725, 740.
n° 118 : Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004 : 238.
2004
n° 120 : Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité : 41, 353, 456, 467, 654, 672, 682, 750, 791, 798, 808,
955.
n° 121 : Décision n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle : 966.
Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 643
n° 122 : Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l'assurance maladie : 45.
2005
2006
n° 132 : Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances : 749,
762, 785, 826.
n° 134 : Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux
droits voisins dans la société de l'information : 60, 743, 745.
2008
2009
2010
n° 142 : Décision n° 2009-598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III
de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-
Martin : 238.
n° 144 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. : 61, 125, 127, 130,
131.
n° 153 : Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010, Loi portant adaptation du droit pénal à
l'institution de la Cour pénale internationale : 764, 765.
n° 155 : Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, M. Jean-Yves G. : 97, 98, 100.
n° 158 : Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, Union syndicale des magistrats
administratifs : 758, 903, 923.
n° 160 : Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S. : 144, 147,
148, 412, 417, 421.
n° 163 : Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. : 379, 654, 655.
n° 164 : Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. : 170, 740, 791.
n° 165 : Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. : 191, 194, 197,
219.
2011
n° 169 : Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. : 436, 438, 511,
534.
n° 170 : Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D. : 197, 206, 208,
774, 775, 776.
646 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
n° 171 : Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre : 758, 943,
959, 967, 972, 973, 985, 986, 989, 994.
n° 172 : Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011, Mme Denise R. et autre : 600, 601.
n° 173 : Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. : 661, 683, 799,
803.
n° 174 : Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale
et autre : 92.
n° 181 : Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. : 170, 180, 182, 183,
198, 774, 775.
n° 183 : Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs : 489, 504, 943, 959,
996.
n° 186 : Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre : 774, 775,
776.
n° 190 : Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d'Azur :
471, 478.
n° 191 : Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M. : 230, 240.
2012
2013
1862
1899
1908
1909
1913
1930
1944
1945
1949
1954
1956
1957
1961
1962
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1968
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1989
1990
1992
1993
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1995
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2001
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2002
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n° 56 : C.E., 2 avril 2003, Conseil régional de Guadeloupe, n° 246748, Rec. p. 162 : 110.
n° 57 : C.E., 30 juillet 2003, Société Dubus SA, n° 240884 : 475, 477, 507.
2004
2005
n° 62 : C.E.,1er avril 2005, Mme L., n° 264627, Rec. p. 134 : 146, 147.
n° 63 : C.E., 29 juin 2005, SA Ets Louis Mazet et autres, n° 268681, Rec p. 264 : 400.
2006
2007
2008
n° 71 : C.E., 19 décembre 2008, Mme Mellinger épouse Praly, n° 297187, Rec. p. 478 :
140.
2009
2010
2011
1828
1860
1906
1941
n° 4 : Cass. Ch. réunies, 15 juillet 1941, Dame veuve Villa c/ la Compagnie d’Assurances
Générales, pourvoi n° 00-26836 : 127.
1954
1959
1977
n° 7 : Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, pourvoi n° 77-92803, Bull. crim, n° 370,
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1989
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1990
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n° 11 : Cass. Crim., 17 octobre 1990, pourvoi n° 89-87132, Bull. crim., 1990, n° 344,
p. 872 : 989.
n° 12 : Cass. Ass. Plén., 21 décembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n° 88-15744, Bull. civ.,
1990, A.P., n° 12 p. 23 : 401.
1991
n° 13 : Cass. 2ème civ., 20 mars 1991, pourvoi n° 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n° 88,
p. 48 : 927.
n° 14 : Cass. Crim., 6 novembre 1991, pourvoi n° 91-82211, Bull. crim., 1991, n° 397,
p. 1006 : 716.
1992
n° 15 : Cass. Crim., 10 mars 1992, pourvois n° 91-86944 ; 92-80389, Bull. crim., 1992,
n° 105, p. 272 : 374.
1993
n° 16 : Cass. Crim., 7 avril 1993, pourvoi n° 92-84725, Bull. crim., 1993, n° 152, p. 381 :
498.
1995
n° 17 : Cass., Ass. Plén., 30 juin 1995, pourvoi n° 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n° 4,
p. 7 : 755.
1996
n° 19 : Cass. Crim., 30 avril 1996, pourvoi n° 95-85638, Bull. crim., 1996, n° 181,
p. 522 : 974.
n° 20 : Cass. Crim., 12 juin 1996, pourvoi n° 95-82735, Bull. crim., 1996, n° 248,
p. 749 : 816.
n° 21 : Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n° 95-85785, Bull. crim., 1996, n° 289,
p. 892 : 696.
1997
n° 22 : Cass. crim., 29 octobre 1997, Fevret, pourvoi n° 97-81904, Bull. crim., 1997,
n° 357, p. 1208 : 101.
Index chronologique des arrêts de la Cour de cassation 657
1998
n° 23 : Cass. 2ème civ., 1er avril 1998, pourvoi n° 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n° 116,
p. 69 : 927.
1999
n° 24 : Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, Commission des opérations de bourse c/ Oury,
pourvoi n° 97-16440, Bull. civ., 1999, A.P., n ° 1, p. 1 : 478.
2000
n° 26 : Cass. crim., 1er février 2000, pourvoi n° 99-84764, Bull. crim., 2000, n° 51,
p. 140 : 716.
n° 27 : Cass. civ. 1ère, 10 mai 2000, pourvoi n° 99-15696, Bull. civ., 2000, I, n° 136,
p. 91 : 812.
n° 28 : Cass. Civ. 1ere, 23 mai 2000, pourvoi n° 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n° 151,
p. 99 : 462.
n° 30 : Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi n° 99-85366, Bull. crim., 2000 n° 356,
p. 1051 : 93.
2001
n° 31 : Cass. Crim., 22 mars 2001, Sté Trigone Conseil Littoral, pourvoi n° 99-30197 :
238.
n° 32 : Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n° 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n° 247,
p. 196 : 555.
n° 33 : Cass., Ass. plén., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n° 01-84922, Bull. crim.,
2001, n° 206, p. 660 : 33.
n° 34 : Cass. Crim., 5 décembre 2001, pourvoi n° 01-81407, Bull. crim., 2001, n° 253, p.
838 : 445.
2002
n° 35 : Cass. soc., 31 octobre 2002, pourvoi n° 00-18359, Bull. civ., 2002, V, n° 336,
p. 324 : 127.
n° 36 : Cass. crim., 19 février 2002, pourvoi n° 01-88028, Bull. crim., n° 30, p. 89 : 192.
658 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
2003
2005
n° 39 : Cass. Crim., 7 juillet 2005, pourvoi n° 03-85359, Bull. crim., 2005, n° 205,
p. 713 : 94.
n° 40 : Cass., Ass. plén., 11 mars 2005, Société Seritel, pourvoi n° 03-20484, Bull. civ.,
2005, A.P., n° 4, p. 9 : 225.
2006
n° 42 : Cass., Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 05-11519, Bull., 2006, n° 3, p. 5 : 780.
2007
n° 43 : Cass., 2ème civ., 8 mars 2007, pourvoi n° 05-21627, Bull. civ., 2007, II, n° 58 :
221.
2008
n° 45 : Cass. Com, 8 juillet 2008, Société coopérative le Galec, pourvoi n° 07-16761, Bull.
civ., 2008, IV, n° 143 : 93.
2010
n° 55 : Cass. crim., 23 novembre 2010, pourvoi n° 10-81309, Bull. crim., 2010, n° 184 :
181.
n° 58 : Cass. Crim., 15 décembre 2010, pourvoi n° 10-83674, Bull. crim., 2010, n° 207 :
373, 374.
n° 59 : Cass. crim., 15 décembre 2010, n° 10-84112, Bull. crim., 2010, n° 209 : 181.
2011
n° 61 : Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85159, Bull. crim., 2011, n° 11 : 972.
n° 62 : Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85305, Bull. crim., 2011, n° 12 : 972.
n° 63 : Cass. Com., 8 février 2011, Sté Saint-Yves c/ Sté coopérative Capleso, pourvoi n°
09-17034, Bull. civ., 2011, IV, n° 19 : 90.
n° 64 : Cass. Crim., 15 février 2011, pourvoi n° 10-90123, Bull. crim., 2011, n° 26 : 227.
2012
n° 65 : Cass. Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-28027, Bull. civ., 2012, V, n° 3 : 555.
Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 661
1959
1970
1971
1975
1976
1978
1979
1980
1981
1982
n° 12 : C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, requête n° 8692/79 : 437, 445,
469, 564.
1983
1984
1985
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
n° 46 : C.E.D.H., 8 juin 1995, Jamil c/ France, requête n° 15917/89, série A, n° 317 : 612.
1996
1997
n° 55 : C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c./ France, requête n° 22209/93 : 761, 816.
1998
1999
2000
2001
2002
2004
2006
2007
2008
n° 76 : C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France, requête n° 18497/03 : 195, 238, 786.
2009
n° 81 : C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France, requête n° 5242/04 : 471, 475, 476,
507.
2010
2011
Amnistie : Cf Loi
Bonne administration de la justice : 147, 167, 174, 212, 426, 655, 875, 902, 906, 925
Conseil constitutionnel
réserves d’interprétation : 95, 102, 183, 211, 238, 288, 289, 318, 319, 326, 330,
456, 457, 506, 548-550, 629, 648, 649, 659, 660, 673, 687, 688, 752, 799, 815, 821
compétence d’attribution : 72, 458, 611
effets des décisions : 209-211
question prioritaire de constitutionnalité : 111-113, 261
membres : 519-521
déport : 525, 527
récusation : 526-529
article 59 : 76
article 60 : 78
article 61 : 111, 261, 610, 685
article 61-1 : 111, 211, 261, 384, 438
article 62 : 33, 660, 673
article 64 : 254, 255, 258, 265, 271, 272, 275, 278, 280, 313, 314, 333, 383, 895, 1014
article 65 : 171, 258, 263, 264, 278, 279, 286, 294, 295, 304, 305, 541
article 66 : 251, 258, 375, 421, 450, 895
Droits de la défense : 170, 183, 184, 202, 653, 720, 782, 958
domaine d’application
matériel : 738-750
personnel : 751-757
contradictoire : 170, 240, 783-791
domaine d’application : 785-787
limites : 788-791
assistance de l’avocat : 683, 792
conditions de l’assistance : 793-804
limites à l’assistance : 805-810
libre choix : 812-819
moyens d’action : 786, 820-822
Egalité
devant la justice : 60, 174, 175, 243, 773, 815, 884, 886, 887-906
entre parties à la même instance : 176-185, 201, 202
entre justiciables dans des instances identiques : 186-195, 201, 202, 219
des armes (droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des
droits des parties) : 203, 761, 762, 776, 781
Garde à vue :
régime de droit commun : 151, 377, 379, 381, 589, 739, 786, 794-797, 805-807
régime dérogatoire : 808-810, 818
pour les mineurs : 636-639
Inamovibilité : Cf Juge
Juge
droit au juge
fondements constitutionnels nationaux : 57
fondements constitutionnels étrangers : 55, 63
fondements conventionnels : 56
droit d’interjeter appel : 159, 162, 163, 166, 180, 182-184, 189, 193, 212
droit de se pourvoir en cassation : 166, 174, 195, 196-212
juge unique : 189, 767, 771, 860-885
arguments : 861-865
raisons de son expansion : 866-885
inamovibilité : 333-350
géographique : 335-339
fonctionnelle : 335-339
conditions de durée de la fonction judiciaire temporaire : 340-343
modalités de poursuite de carrière à l’issue d’une fonction judiciaire
temporaire : 344-350
Juridictions
administratives
domaine de compétences
- délimitation : 412-425
- protection : 426-432
disciplinaires : 232, 462-469
avocats : 463-466, 469, 552-558
vétérinaires : 504-506
judiciaires
Index alphabétique des matières 675
Justice
de proximité : 260, 312, 314, 318, 320, 325, 764, 766, 769
égalité devant la justice : Cf Egalité
financement : 149-156
gratuité : 149
droits de plaidoirie : 150, 153
aide juridictionnelle : 149, 152, 153
contribution pour l'aide juridique : 151, 154
droit de timbre devant la cour d’appel : 151, 154
pénale maritime : 484-488
pénale des mineurs : 490-503
Loi
organique
relative au statut des magistrats judiciaires : 257-264
contrôle de constitutionnalité : 257
empiètement sur la loi ordinaire : 258-260
empiètement de la loi ordinaire : 261
empiètement sur la constitution : 262
de validation : 105, 108, 109, 386-409, 435
cavalier législatif : 82
de ratification d’une convention internationale : 99
écran législatif : 112
incompétence négative : 265, 266, 268, 818, 908-913
d’amnistie : 640-647
fonds d’indemnisation : 68
Magistrats
recrutement : 309-321
incompatibilités : 268, 269, 322-331
676 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Mort civile : 59
Parquet
indépendance
à l’égard des juridictions : 351
à l’égard du pouvoir exécutif
- subordination hiérarchique : 352, 353
- pouvoirs propres : 356-359
- liberté de parole à l’audience : 360-363
remise en cause par la Cour européenne des droits de l’homme : 365-
371
statut constitutionnel : 374-382
Index alphabétique des matières 677
Parties au procès
parties principales, parties jointes : 177, 178
parties civiles : 198-204, 208, 209
ministère public : 198-201
nouvelles parties en appel : 224
Président de la République
garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire : 271, 272, 273, 278
rôle à l’égard du C.S.M. (présidence, désignation des membres) : Cf Conseil
supérieur de la magistrature
Présomption
d’innocence : 959
histoire : 583-589
domaine d’application
- matériel : 592-631
- personnel : 633-661
charge de la preuve : 664, 666-678
de culpabilité : 701-732
fondements : 702-706
existence en droit positif : 707-717
contrôle de conformité : 718-732
Principes
notion de principe : 17-24
notion de principe directeur du procès : 25-30
notion de principe constitutionnel : 31-37
fondamentaux reconnus par les lois de la République : 58, 117, 144, 164, 327,
385, 389, 415, 491, 736, 895
de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère : 402, 403, 591, 599, 857
d’opportunité des poursuites : 656
du respect de la dignité de la personne humaine: 669, 672, 676
de légalité des délits et des peines : 954-956, 972
678 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
Procédure
confiscation des biens saisis en douane : 93-95
d’urgence : 141, 872
durée : 168, 220
inquisitoire/accusatoire : 8
Procès
définition formelle
éléments constitutifs principaux : 6-10
éléments constitutifs complémentaires : 11-13
définition fonctionnelle : 14, 15
Recours
conditions de recevabilité : 68
intérêt pour agir : 88-103
- caractère personnel : 89, 90
- caractère né et actuel : 90
délai de recours : 61, 116-123
- computation : 116, 122
- forclusion : 117, 120, 122
recours administratifs : 135-142
moyens du recours : 137, 142, 218
demandes en justice : 218-222
* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes. Ne sont également recensés dans cet index, que
les auteurs cités dans le texte même de la thèse et pas ceux auxquels il est seulement renvoyé en
notes de bas de page.
682 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
LAZERGES C. : 209, 616, 630, 668, 757 RIVERO J. : 42, 891, 912, 913, 1021
MARGUÉNAUD J.-P. : 372 SCHOETTL J.-E. : 328, 350, 616, 675, 694
* De 1967 à 2013, c’est à dire, de la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et
complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature à la décision n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Société Invest Hôtels Saint-Dizier
Rennes et autre [Prise de possession d'un bien exproprié selon la procédure d'urgence].
Statistiques 685
I DONNÉES GLOBALES
Années 67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86 Total
Pourcentages 67% 25% 25% 29% 13% 20% 20% 19% 13% 11% 11% 11% 20% 17%
20
18
16
14
12
10
0
67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86
Statistiques 687
Années 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 Total
Pourcentages 30% 13% 35% 11% 11% 15% 33% 29% 26% 27% 38% 18% 39% 25%
25
20
15
10
0
87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99
Statistiques 689
Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012 Total
Pourcentages 20% 13% 11% 22% 25% 29% 43% 27% 15% 23% 21% 13% 22%
30
25
20
15
10
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012
Statistiques 691
120
100
80
60
40
20
0
2010 2011 2012 2013
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2010 2011 2012 2013
Statistiques 693
Déclarations de non-
10 29%
conformité
Déclarations de conformité
5 14%
sous réserve
Total 35 100%
14%
29% 57%
Déclarations de non-
7 44%
conformité
Déclarations de conformité
1 6%
sous réserve
Total 16 100%
6%
50%
44%
Déclarations de non-
17 44%
conformité
Déclarations de conformité
1 3%
sous réserve
Total 39 100%
3%
44%
53%
Déclarations de non-
8 57%
conformité
Déclarations de conformité
3 21%
sous réserve
Total 14 100%
21% 21%
58%
Déclarations de non-
4 21%
conformité
Déclarations de conformité
4 21%
sous réserve
Total 19 100%
21%
58%
21%
DROITS DE LA DEFENSE
Déclarations de non-
12 26%
conformité
Déclarations de conformité
6 13%
sous réserve
Total 47 100%
13%
26%
61%
Déclarations de non-
1 8%
conformité
Déclarations de conformité
0 0%
sous réserve
Total 13 100%
8% 0%
92%
DROITS DE LA DÉFENSE
Malgré le peu de fondements écrits consacrés à la justice dans le texte de la Constitution du 4 octobre 1958, le
Conseil constitutionnel, en réalisant un travail d’actualisation à partir de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen, a permis l’émergence d’un droit constitutionnel processuel, construit autour de principes directeurs.
Ceux-ci peuvent être répartis dans trois catégories : deux principales, selon que l’acteur du procès prioritairement
concerné soit le juge ou les parties et une troisième, complémentaire, celle des garanties procédurales, permettant
de favoriser les qualités essentielles du juge et de contrôler le respect des droits des parties.
Une gradation des exigences du Conseil constitutionnel est discrètement perceptible entre les deux premières
catégories de principes, plus facilement identifiable entre celles-ci et la dernière famille. Cette échelle décroissante
de « densité » des principes directeurs du procès témoigne d’une véritable politique jurisprudentielle en matière de
droit constitutionnel processuel, qui met l’accent sur l’accès au juge, doté des qualités indispensables à
l’accomplissement de sa mission juridictionnelle. Toutefois, aussi satisfaisante que soit l’action du juge
constitutionnel français à l’égard du droit du procès, celle-ci nécessiterait aujourd’hui le relais du constituant, afin
de moderniser le statut constitutionnel de la justice.
In spite of a relatively low number of written dispositions dedicated to justice inside of the body of the
Constitution of October 1958 4th, the constitutional Council, while updating this text through the Declaration of
Human Rights, contributed to the development of a procedural constitutional law, which is structured around
guiding principles. Those principles can be classified within three different categories : two major categories
depend on the trial actor that is primarily concerned, either the judge or the parties; a third and additional
category pertaining to procedural protections, fosters the essential qualities of the judge and secure the protection
of the parties’ rights.
A gradation of the requirements of the constitutional Council is discreetly perceptible between the first two
categories of principles, and more easily identifiable between those first two categories and the last one. This
decreasing scale of “density” yoked to the trial guiding principles highlights a genuine judicial policy when it
comes to procedural constitutional law, emphasizing access to the judge, whom is given essential qualities in
order to achieve its judicial duty. However, the action of the French constitutional judge, as satisfactory as it is
towards the rights of the trial, would easily support the intervention of the constituent power in order to update
Justice’s constitutional status.
Mots clés
Accès au juge, actes de gouvernement, action en justice, appel, autorités administratives indépendantes, autorité
de la chose jugée, avocat, cassation, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, Conseil
constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature, constitutionnalisation du droit processuel, contradictoire,
collégialité, délai raisonnable de jugement, déni de justice, double degré de juridiction, droits de la défense, droit
au recours juridictionnel effectif, effet dévolutif de l’appel, effet suspensif de l’appel, égalité des armes, égalité
devant la justice, garde à vue, impartialité, inamovibilité, injonction pénale, indépendance, instance, instruction,
intérêt pour agir, juge unique, juridiction, magistrat, ministère public, motivation, parquet, partie au procès,
présomption d’innocence, principes directeurs, procès, publicité des audiences, recours administratif préalable,
siège, validations législatives, voies de recours.
Key words
Access to the judge, acts of government, adversarial proceedings, appeal, argumentation, authority, cassation,
collegiality, constitutional Council, constitutionnalization of procedural law, criminal injunction, denial of justice,
equality before the law, equality of arms, force of res judicata, guiding principles, High Council of the Judiciary,
impartiality, independence, independent administrative authorities, instruction, interest to act, Judge,
jurisdiction, lawyer, legal proceedings, legal remedies, legislative validations, party to the proceedings, plea-
bargaining, police custody, preliminary administrative appeal, presumption of innocence, prosecutor, public
prosecutor, publicity of hearings, rights of the defense, single judge, sitting judge, tenure, the devolutive effect of
appeal, the right to a second hearing, the right to be tried within a reasonable period of time, the right to effective
judicial review, the suspensive effect of appeal, trial.
Centre d'Études et de Recherches Comparatives sur les Constitutions, les Libertés et l'État - Université
Montesquieu Bordeaux IV