Vous êtes sur la page 1sur 722

UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV

ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)

DOCTORAT en DROIT

Eric LESTRADE

LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCÈS


DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Thèse dirigée par Monsieur le Professeur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN

Soutenue le 21 novembre 2013

JURY :

Monsieur Julien BONNET


Professeur à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, rapporteur

Monsieur Guillaume DRAGO


Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Paris II, rapporteur

Monsieur Jean GICQUEL


Professeur émérite à l'Université Panthéon-Sorbonne, Paris I

Monsieur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN


Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de recherche

Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU


Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV

ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)

DOCTORAT en DROIT

Eric LESTRADE

LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCÈS


DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Thèse dirigée par Monsieur le Professeur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN

Soutenue le 21 novembre 2013

JURY :

Monsieur Julien BONNET


Professeur à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, rapporteur

Monsieur Guillaume DRAGO


Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Paris II, rapporteur

Monsieur Jean GICQUEL


Professeur émérite à l'Université Panthéon-Sorbonne, Paris I

Monsieur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN


Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de recherche

Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU


Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
À Muriel

À ma mère

À la mémoire de mon père


REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ici ma profonde gratitude à l’égard de M. le Professeur Ferdinand


MÉLIN-SOUCRAMANIEN pour sa grande disponibilité, son écoute attentive et ses
conseils toujours précieux.
Je souhaiterais aussi lui manifester mes plus sincères remerciements pour la grande
latitude qu'il m'a accordée, sans toutefois me laisser m'égarer dans les méandres du
contentieux constitutionnel.

Merci aussi à Stéphanie et Nicolas, pour m’avoir spontanément prêté leur précieux
concours, ainsi qu’à Denis pour son inestimable soutien logistique.

Enfin, je remercie aussi Muriel, ainsi que ma mère, pour leur patience et leur soutien
moral...et linguistique. Un grand merci à toutes les deux, pour avoir eu la gentillesse
de répondre à mes questions...prioritaires.
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

A.F.D.I. Annuaire Français de Droit International


A.F.H.J. Association Française pour l'Histoire de la Justice
A.I.J.C. Annuaire International de Justice Constitutionnelle
A.J.D.A. Actualité Juridique de Droit Administratif
A.J. Pénal Actualité Juridique Pénal
B.I.C.C. Bulletin d’Information de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de
cassation
Cah. dr. eur. Cahiers de Droit Européen
Cass. Cour de cassation
Cass. 1 civ.
ère
Première chambre civile de la Cour de cassation
Cass. 2 civ.
ème Deuxième chambre civile de la Cour de cassation
Cass. 3 civ.
ème Troisième chambre civile de la Cour de cassation
Cass. Ass. plén. Assemblée Plénière de la Cour de cassation
Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
C.E. Conseil d'État
C.E., Ass. Assemblée du contentieux du Conseil d'État
C.E.D.H. Cour Européenne des Droits de l'Homme
Chron. Chronique
Coll. Collection
Commiss. E.D.H. Commission Européenne des Droits de l'Homme
Cons. const. Conseil constitutionnel
Conv. E.D.H. Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme
et des libertés fondamentale
C.R.P.C. Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité
C.R.F.P.A. Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats
C.S.M. Conseil Supérieur de la Magistrature
D Dalloz (Recueil)
DC Décision de Conformité
D.D.H.C. Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
Dr. Adm. Droit Administratif
Dr. soc. Revue Droit Social
G.A.J.A. Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem
Id. Idem
J.-Cl. adm. Juris-Classeur Administratif
J.C.P. Semaine Juridique (Juris-Classeur Périodique)
J.D.I. Journal du Droit International
JO Journal Officiel
L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
L.P.A. Les Petites Affiches
N.C.P.C. Nouveau Code de Procédure Civile
Obs. Observation
Op. cit. Opus citatum
P.U.A.M. Presses Universitaires d’Aix-Marseille
P.U.F. Presses Universitaires de France
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
R.D.P. Revue du Droit Public
R.D.S.S. Revue de Droit Sanitaire et Social
Rec. Recueil Lebon
R.F.D.A. Revue Française de Droit Administratif
Rev. Dr. Pén. Revue Droit pénal
Rev. Rech. Jur. Revue de Recherche Juridique
R.F.A.P. Revue Française d'Administration Publique
R.F.D.C. Revue Française de Droit Constitutionnel
R.F.F.P. Revue Française de Finances Publiques
R.G.D.I.P. Revue Générale de Droit International Public
R.I.D.C. Revue International de Droit Comparé
R.P.D.P. Revue de droit Pénitentiaire et de Droit Pénal
R.S.C. Revue de Sciences Criminelles
R.T.D. civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil
R.T.D. com. Revue Trimestrielle de Droit Commercial
R.T.D.H. Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme
R.U.D.H. Revue Universelle des Droits de l'Homme
T.C. Tribunal des conflits
SOMMAIRE

Liste des principales abréviations .............................................................................................................7

INTRODUCTION ................................................................................................................................13

PREMIERE PARTIE
L’EXISTENCE DU PROCES

Titre Premier - Le droit au juge .......................................................................................................43

Chapitre I - Le droit constitutionnel au recours juridictionnel effectif ..................................45


Chapitre II - Le droit constitutionnel aux recours juridictionnels successifs ......................111

Titre Second - Le droit à un juge de qualité ..................................................................................163

Chapitre I - Le droit constitutionnel à un juge indépendant .................................................165


Chapitre II - Le droit constitutionnel à un juge impartial .....................................................267

SECONDE PARTIE
LA QUALITE DU PROCES

Titre Premier - Les droits des parties au procès ...........................................................................339

Chapitre I - Le droit constitutionnel à la présomption d’innocence.....................................341


Chapitre II - Les droits constitutionnels de la défense ...........................................................419

Titre Second - Le droit à une décision de justice de qualité .......................................................475

Chapitre I - Le droit « constitutionnel » à la collégialité des juridictions ............................477


Chapitre II - Le droit « constitutionnel » à la motivation des décisions de justice .............531

CONCLUSION GÉNÉRALE ...........................................................................................................575

Bibliographie ........................................................................................................................................585

Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel ............................................................633

Index chronologique des arrêts du Conseil d’État ................................................................................649

Index chronologique des arrêts de la Cour de cassation .......................................................................655

Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ....................................661

Index alphabétique des matières ...........................................................................................................669

Index alphabétique des auteurs ............................................................................................................681

Statistiques ...........................................................................................................................................683

Table des matières.................................................................................................................................705


« Appuyons-nous sur les principes, ils finiront bien par céder »

(de) TALLEYRAND-PÉRIGORD (C.-M.)


Introduction 13

INTRODUCTION

1. La majorité des courants philosophiques considère qu’il ne peut y avoir de société

vertueuse sans justice, puisque cette dernière est la condition de l’harmonie entre les

hommes. Ainsi, ARISTOTE, qui distingue la justice corrective1, reposant sur l’égalité

(chacun doit percevoir l’équivalent de ce qu’il a donné), de la justice distributive 2,

fondée sur la proportionnalité (chacun doit recevoir selon son mérite), considérait-t-il

qu’« elle est une vertu complète au plus haut point, parce qu’elle est usage de la vertu

complète et elle est complète parce que l’homme en possession de cette vertu est capable d’en

user aussi à l’égard des autres et non seulement pour lui-même3 ». Pour ARISTOTE,

comme pour PLATON4, la justice est donc une vertu morale, qui participe de la

nécessaire recherche d’un équilibre entre les membres d’une communauté politique.

2. En conséquence, il n’étonnera guère que la justice ait vocation à intervenir, de

manière décisive, dans toutes les activités humaines, puisque c’est elle qui confère

une « portée effective5 » aux dispositions législatives qui les gouvernent, dans un

processus de codétermination du sens ultime de la norme. En ce sens, il y a une

dizaine d’années, le professeur Thierry RENOUX avait émis l’idée que, si le XIXe

siècle avait été celui du pouvoir législatif et le XX e siècle celui de l’exécutif, le XXIe

siècle serait celui de la justice6. La prévision du constitutionnaliste aixois se fondait, à

1 ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, Livre V, Chapitre 7.


2 Idem, Livre V, Chapitre 6.
3 Id., Livre V, Chapitre 3.
4 PLATON, La République, Livre III.
5 Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d'un
couple non marié], JO, 7 octobre 2010, p. 18154, Cons. 2 ; Décision n° 2010-52 QPC du 14 octobre
2010, Compagnie agricole de la Crau [Imposition due par une société agricole], JO, 15 octobre 2010,
p. 18540, Cons. 4 ; Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, M. Jean-Louis L. [Zone des 50 pas
géométriques], JO, 5 février 2011, p. 2354, Cons. 4.
6 RENOUX T., « Le pari de la justice », Pouvoirs, n° 99, 2001, p. 87.
14 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

la fois sur le constat de « la montée en puissance de la justice dans la société française7 », au

point de devenir un « objet de consommation courante8 », mais aussi sur le rôle joué par

le Conseil constitutionnel, dans l’émergence d’un véritable pouvoir juridictionnel 9,

alors même que la judiciarisation constante de l’activité sociale contrastait

singulièrement avec le statut constitutionnel écrit de la justice, dans le texte

fondateur de la Ve République10.

3. En effet, il est difficile de nier l’apport de la jurisprudence constitutionnelle, dans

l’affirmation de la place centrale de la justice au sein de la Constitution, réalisée grâce

à la redécouverte du principe de la séparation des pouvoirs 11. Il en résulte un droit

constitutionnel processuel en plein essor12, se manifestant principalement dans

l’établissement d’un corpus de principes directeurs du procès, expression d'une

conception de la justice dont ce dernier est le vecteur. Afin de mettre en lumière

l’intérêt de leur étude, il conviendra alors d’en préciser le champ (§ 1.), l’objet (§ 2.) et

enfin, la problématique générale (§ 3.).

7 Idem, p. 89.
8 GUINCHARD S., « La justice, bien de consommation courante », Études de droit de la consommation :
liber amicorum Jean Calais-Auloy, Dalloz, Paris, 2003, p. 461.
9 HOURQUEBIE F., Sur l'émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République, Bruylant,
Bruxelles, 2004.
10 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », Cinquantième anniversaire de la Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008,
p. 293.
11 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », D, 1991, p. 171.
12 TUSSEAU G., « Plaidoyer pour le droit processuel constitutionnel », Constitutions, 2012, p. 585.
Introduction 15

§ 1. Champ de l’étude

4. L’étude s’inscrit dans le cadre du procès qui, étymologiquement, vient du latin

procedere, ce qui signifie « aller de l’avant ». Exceptionnellement, l’origine sémantique

n’apporte ici que peu d’éléments susceptibles de cerner la notion, si ce n’est l’idée

d’un processus en progression continue, vers une réponse apportée à un problème

donné. Toutefois, la combinaison d’une définition formelle du procès (A) et d’une

approche fonctionnelle (B) permet de mieux circonscrire la notion dans toutes ses

dimensions.

A) La définition formelle du procès

5. La définition formelle du procès met en évidence deux catégories distinctes de

composantes, qui entretiennent entre elles un rapport d’interdépendance. Il est ainsi

possible de distinguer, d’un côté, les éléments constitutifs principaux du procès (1) et

de l’autre, les éléments complémentaires (2).

1) Les éléments constitutifs principaux du procès

6. Le Vocabulaire juridique du doyen Cornu définit le procès comme « un litige soumis à

un tribunal, une contestation pendante devant une juridiction13 ». Il y aurait alors deux

composantes irréductibles pour décrire le procès, l’une matérielle, le litige et l’autre

formelle, la procédure, inséparable du fonctionnement de toute juridiction.

13 CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e éd., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 725.
16 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

7. Le litige constitue la substance du procès, il est « le différend porté devant un tribunal

et devenu matière du procès, une fois saisie la justice14 ». Il forme l’élément d’altérité

identifié par le professeur Serge GUINCHARD, dans sa définition du procès 15. Au-

delà, il est la condition fondamentale de son existence, sa quintessence en quelque

sorte, puisqu’en son absence, l’instance est éteinte et le procès n’existe plus. L’article

384 du Code de procédure civile prévoit ainsi les différentes hypothèses d'extinction

de l'instance pour cause de disparition du litige16.

8. La procédure est certainement la composante du procès qui illustre le mieux la

racine étymologique du mot, puisqu’elle est, selon le Dictionnaire Littré de la langue

française, « la manière de procéder en justice », c’est à dire l’ensemble des formalités qui

doivent être accomplies pour progresser vers la solution d'une affaire judiciaire. Elle

est aussi un moyen de classification des procès, selon le poids respectif du juge et des

parties dans la conduite des actes judiciaires. Même si la doctrine processualiste

admet, très largement aujourd’hui, que la plupart des procès revêtent une nature

mixte, la traditionnelle dichotomie, procédure inquisitoriale, d’un côté, procédure

accusatoire, de l’autre, constitue toujours un moyen pédagogique de cerner la

pondération des rôles du juge et des parties dans le déroulement du procès 17.

Néanmoins, quelle que soit la famille à laquelle elle emprunte ses traits dominants, la

procédure se subdivise en deux parties distinctes, l’action en justice et l’instance.

9. En vertu de l’article 30 du Code de procédure civile, l’action est « le droit, pour

l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou

14 Idem, p. 498.
15 GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, 5e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé,
Paris, 2009.
16 « En dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet
de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le
décès d'une partie [...] ».
17 Sur la distinction, Cf AMBROISE-CASTEROT C., « Procédure accusatoire/ Procédure
inquisitoire », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1058.
Introduction 17

mal fondée ». Cette définition consacre la conception de l’action en justice de

MOTULSKY, qui la considérait comme un droit subjectif processuel, destiné à

protéger le droit substantiel, objet du litige 18. MOTULSKY a contribué à autonomiser

la notion d’action en justice, qui n’est désormais plus assimilée, comme dans la

conception romaine classique, au droit subjectif matériel dont le justiciable cherche à

obtenir la reconnaissance.

10. L’instance est, quant à elle, une notion ambivalente. Sur un plan fonctionnel, elle

est d’abord un rapport particulier qui se crée entre les acteurs du procès (les parties

et le juge) : le lien juridique d’instance. Sur un plan matériel, elle correspond à la

succession des actes procéduraux qui jalonnent le procès, depuis la demande en

justice jusqu’à la solution du litige. L’instance est souvent confondue avec le procès

lui-même, alors qu’elle n’est, en toute rigueur, qu’une phase de celui-ci, comme en

atteste la définition du Vocabulaire juridique du doyen CORNU19. Pourtant,

l’assimilation est largement admise entre les deux notions, notamment par la

doctrine. Ainsi, le Dictionnaire de la Justice du professeur Loïc CADIET n’a pas cru

nécessaire d’incorporer une entrée spécifique pour définir l’instance, estimant

suffisant de renvoyer dans l’index à la notion de « procès20 ». Au regard de ces

considérations, les deux termes seront donc indifféremment employés dans la suite

de l’étude.

18 MOTULSKY H., « Le Droit subjectif et l'action en justice », Le Droit subjectif en question - publié avec
le concours du C.N.R.S, Ed. Topos Verlag, Vaduz, 1981, p. 215.
19 « Procédure engagée devant une juridiction, phase du procès », CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e
éd., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 555.
20 CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1348.
18 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2) Les éléments constitutifs complémentaires du procès

11. À ce stade, le procès pourrait donc se définir comme une procédure, visant à

résoudre un différend qui oppose deux ou plusieurs parties. C’est évidemment

insuffisant, tant chacune des deux composantes principales doit être complétée, afin

de correspondre aux exigences de vertu posées par ARISTOTE.

12. En premier lieu, la procédure est tenue de satisfaire certaines exigences,

notamment le respect des droits fondamentaux judiciaires. Le procès ne doit pas

seulement être organisé autour de l’enchaînement logique d’étapes procédurales,

techniquement irréprochables, pour cristalliser les qualités attendues de la justice, en

tant que facteur d’harmonie entre les hommes21. À ce titre, le procès est un rouage

essentiel de l’État de droit. Il suffit seulement de songer à quelques exemples

historiques de simulacres de justice22, pour cerner intuitivement ce qu'il ne doit pas

être : le lieu et le moment d'un jugement acquis d'avance, à peine dissimulé derrière

les apparences de la contradiction. En ce sens, le standard du procès équitable, défini

par les stipulations de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des

droits de l'homme, a valeur de droit fondamental23, en offrant au justiciable une

protection juridictionnelle idoine24.

13. En second lieu, le litige doit être soumis à l’appréciation d’un tiers, bénéficiant

d’une certaine légitimité aux yeux des parties. Celle-ci découle essentiellement de sa

qualité, laquelle est garantie par son mode de désignation. En effet, que le juge soit

un magistrat appartenant à un corps de l’État, recruté selon des critères de

21 AMRANI-MEKKI S., « Procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1083.
22 A titre d’exemple, le procès de SOCRATE ou encore, les procès de Moscou organisés par STALINE
entre 1936 et 1938.
23 GUINCHARD S., « Le procès équitable, droit fondamental ? », A.J.D.A., n° spécial juillet-août 1998,
p. 191.
24 Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000,
Bruylant, Coll. Union des avocats européens, Bruxelles, 2001.
Introduction 19

compétences, ou qu’il soit directement choisi par les parties elles-mêmes pour

arbitrer leur différend, il doit bénéficier des garanties d’indépendance 25 et

d’impartialité26 nécessaires à l’exercice de sa fonction. Dans les deux hypothèses, le

tiers intervenant est considéré comme légitime : au regard de ses garanties

statutaires, dans le premier cas et en raison du consensualisme qui a présidé à sa

désignation, dans le second. Il constitue l’élément d’autorité nécessaire à la définition

du procès27.

B) La définition fonctionnelle du procès

14. La définition formelle du procès a permis de mettre en évidence quatre

composantes constitutives essentielles, combinées deux à deux : un litige, opposant

deux ou plusieurs parties, soumis à l’évaluation d’un tiers légitime, lequel devra se

conformer à une procédure respectueuse des droits fondamentaux judiciaires.

Cependant, la définition de tout objet doit comporter, non seulement les éléments

nécessaires à l’appréhension de sa nature, mais aussi les précisions concernant sa

fonction. C’est ainsi que pour ARISTOTE, la définition constitue « l’énoncé de

l’essence28 » de toute chose. De ce point de vue, le procès a une finalité bien

déterminée au sein d’une communauté politique : il est un facteur d’apaisement des

relations sociales, en mettant un terme aux différends entre les hommes, par

l’application de la règle de droit29, démocratiquement pensée et adoptée. La solution

juridictionnelle est ainsi doublement admise par ses destinataires. L’autorité attachée

25 Cf infra n° 248 et s.
26 Cf infra n° 436 et s.
27 GUINCHARD S., .CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, op. cit.
28 ARISTOTE, Catégories, I, 1 a 1-4.
29 AMRANI-MEKKI S., « Procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1088.
20 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

à la chose jugée découle, à la fois, de l’acceptation du « tribunal30 » à l’origine de la

décision juridictionnelle, mais aussi, de la légitimité démocratique de la norme

applicable au litige. De surcroît, en France, les décisions de justice sont rendues « au

nom du peuple français31 », ce qui constitue un élément de souveraineté, qui renforce

à la fois le jugement lui-même et la légitimité de l’autorité juridictionnelle qui l’a

édicté32.

15. L’association des éléments formels et fonctionnels permet alors d’aboutir à une

définition satisfaisante du procès, parce qu’elle permet d’en rendre compte dans sa

double dimension. Le procès, champ principal de l’étude, sera donc envisagé comme

un instrument d’apaisement des rapports sociaux, grâce au concours d’un tiers légitime, qui

apporte une solution à un litige opposant deux ou plusieurs parties, au moyen d’une

procédure respectueuse des droits fondamentaux processuels.

§ 2. Objet de l’étude

16. L’étude, consacrée aux principes directeurs du procès dans la jurisprudence du

Conseil constitutionnel, conduit nécessairement à préciser les notions de principe

(A), de principe directeur du procès (B) et enfin, de principe constitutionnel (ainsi

que de constitutionnalisation du droit) (C), qui contribuent à en construire le champ

sémantique.

30 Au sens de la jurisprudence Sramek de la Cour européenne des droits de l’homme, C.E.D.H., 22


octobre 1984, Sramek c/ Autriche, requête n° 8790/79, série A, n° 84, § 36 : un tribunal se caractérise
par sa fonction matériellement juridictionnelle, quand « il lui appartient de trancher, sur la base de
normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence », à propos
de l'Autorité régionale des transactions immobilières du Tyrol.
31 Article 454 du Code de procédure civile.
32 ESPARBÈS V., « AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS … » Réflexions sur l’entête des décisions de justice,
Mémoire de D.E.A. dactyl., Paris II, 2008.
Introduction 21

A) La notion de principe

17. Les principes occupent une place centrale dans le fonctionnement des sociétés

humaines et jouent un rôle essentiel, dans le processus de fabrication du droit qui les

gouverne. Le plus souvent, les juristes considèrent la notion comme un postulat de

départ, assimilé par le plus grand nombre, qu’il est donc inutile d’expliciter 33. Les

principes juridiques ont donné lieu à de nombreux et stimulants échanges

doctrinaux34, à partir desquels il est difficilement contestable qu’ils peuvent être

source de perplexité théorique35. De tous les juristes à s’être penchés sur la question36,

Ronald DWORKIN est sans doute celui qui a construit la théorie la plus aboutie 37.

Celle-ci vise à contester les thèses fondamentales du positivisme juridique, qui

soutiennent l’idée de la séparation conceptuelle entre le droit et la morale 38, en

démontrant l’existence autonome des principes en droit et leur distinction des règles

juridiques.

18. Pour y parvenir, DWORKIN va adopter une démarche intellectuelle orientée dans

deux directions. En premier lieu, d’un point de vue statique, il va démontrer que le

concept même de principe possède, intrinsèquement, des éléments d’identification

spécifiques, qui ne peuvent être confondus avec ceux propres aux autres normes

juridiques (1). En second lieu, dans une approche dynamique, DWORKIN va mettre

en exergue le rôle précis joué par les principes dans le raisonnement juridique (2).

33 RIPERT G., Les forces créatrices du droit, L.G.D.J., Paris, 1955, § 132.
34 CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 2008.
35 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 2008, p. 113.
36 Cf BOULANGER J., « Principes généraux du droit et droit positif », Le droit privé français au milieu
du XXe siècle, Etudes offertes à Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950, p. 51 et s.
37 En 1967, DWORKIN publie un essai « The Model of Rules », qui deviendra deux chapitres (« Le
modèle des règles I » et « Le modèle des règles II ») de l’ouvrage Prendre les droits au sérieux, P.U.F,
Coll. Léviathan, Paris, 1995.
38 L’idée de DWORKIN tend à démontrer que les principes non écrits appliqués par les juges sont
des principes moraux et simultanément, des principes juridiques, précisément parce qu’ils font
l’objet d’une pratique judiciaire.
22 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) Les critères intrinsèques d’identification des principes

19. DWORKIN a mis en évidence deux critères principaux d’identification des

principes, qui permettent de les distinguer des autres catégories normatives. Le

premier a trait à leur nature : les principes sont des normes fondamentales, en ce sens

qu’ils fournissent un fondement axiologique à d’autres normes qui appartiennent au

même système juridique. Tel est le cas, quand une juridiction se réfère à un principe

pour édicter une règle nouvelle39. Inversement, les principes, parce qu’ils sont eux-

mêmes des axiomes indispensables à l’identification du profil axiologique d’un

système, ne nécessitent aucun fondement en amont de leur discernement40.

20. Il résulte de cette « fondamentalité » une conséquence inéluctable : leur nature est

inadaptée au test du pedigree, utilisé par les positivistes pour distinguer les règles de

droit valides, de celles qui ne le sont pas, ou des règles morales41, selon la manière

dont elles ont été édictées. DWORKIN propose alors une autre procédure

d’identification des principes, dès lors qu’ils s’inscrivent dans la théorie du droit et

qu’ils fournissent aux règles substantielles ou formelles une assise incontestable 42. Il

s’agit alors de trouver dans le principe, une justification issue de la tradition morale

ou politique et qui étaye la ou les règle(s) de droit correspondante (s)43.

21. Le second critère, qui permet de cerner le concept de principe et de le différencier

des règles de droit, est relatif à leur contenu. Structurellement indéterminés, les

principes se distinguent des règles par deux qualités principales : l’imprécision et la

39 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 87.


40 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 114-115.
41 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 73.
42 Idem, p. 134-137.
43 TUSSEAU G., « Métathéorie de la notion de principe dans la théorie du droit contemporaine - Sur
quelques écoles de définition des principes », CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica,
Coll. Études juridiques, Paris, 2008, p. 80.
Introduction 23

« défectibilité44 ». Si leur caractère général ne semble guère efficient pour distinguer

les principes des règles, en revanche, il en va autrement de leur nature imprécise45.

En effet, celle-ci les rend inaptes à pouvoir être immédiatement et isolément

applicables, comme proposition majeure d’un syllogisme juridique, sans le relais de

normes d’exécution, qui précisent concrètement leur mise en œuvre dans la

résolution du litige46.

2) L’utilisation des principes dans le raisonnement juridique

22. Le second particularisme des principes, parmi les normes juridiques, tient à la

manière dont ils agissent au sein des rouages du droit. Leur « défectibilité », signalée

précédemment, induit une incapacité structurelle à fournir une solution univoque

aux cas concrets, auxquels ils seraient susceptibles de s’appliquer. En illustrant son

propos avec une affaire new-yorkaise, dans laquelle une juridiction devait décider si

un héritier testamentaire, à l‘origine du décès intentionnel du testateur, pouvait tout

de même bénéficier de l’héritage47, DWORKIN met en exergue une différence

majeure entre les principes juridiques et les règles de droit 48. Le principe selon lequel

« nul ne doit pouvoir tirer avantage de sa propre turpitude », utilisé par la Cour pour

déshériter le légataire parricide, permet seulement d’orienter la décision, mais ne

détermine pas les conditions directes d’application de la conséquence juridique

correspondante, ni les exceptions qu’elle est à même de recevoir49. Entre les règles et

les principes, il y a une différence d’automaticité, dans les conséquences qui

découlent de leur mise en œuvre.

44 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 115.
45 CAUDAL S., « Rapport introductif », CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 7.
46 Idem, p. 116.
47 Riggs v. Palmer 115 New York 506, 22 New England 188 (1889).
48 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 80.
49 Idem, p. 83-84.
24 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

23. La seconde différence majeure de fonctionnement dans le raisonnement juridique,

entre les règles de droit et les principes, réside dans le mode de résolution des

conflits pouvant survenir entre normes juridiques. DWORKIN démontre que les

principes sont dotés d’un caractère que les règles ignorent : la valeur, synonyme de

poids ou d’importance50. Quand, dans le cadre du dénouement d’une situation

litigieuse, deux principes antagonistes semblent indiquer des directions opposées,

l’autorité tenue de trancher le différend doit procéder à leur pondération. Il s’agit

d’une technique consistant à établir, entre les deux principes en conflit, une

hiérarchie axiologique mobile51, c’est à dire que le juge doit attribuer un poids à

chacun des deux, ce qui lui permettra de déterminer in fine, le principe à appliquer

dans la situation présente52. L’opération de pondération des deux mêmes principes

pourrait, par ailleurs, déboucher sur une solution inversée, dans un cas concret

différent, les principes n’ayant pas de valeur axiologique absolue.

24. À la différence des principes, les règles de droit ne peuvent être pondérées de la

sorte, puisqu’elles sont dépourvues de cette importance relative, qui sert d’unité de

mesure à l’évaluation comparative. En conséquence, quand elles entrent en conflit,

une seule des deux est nécessairement valide, alors que l’autre ne l’est pas. Le

système juridique résout alors de telles difficultés, grâce à des règles de dénouement

des conflits normatifs, telles que « Lex specialia generalibus derogant53 », « Lex posterior

derogat priori54 » ou encore, au moyen de la hiérarchie des normes.

50 Id., p 84-85.
51 GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 118.
52 DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 80.
53 « La loi spéciale déroge à la loi générale ».
54 « La loi la plus récente déroge à la loi postérieure ».
Introduction 25

B) La notion de principe directeur du procès

25. Le système juridictionnel français se subdivise principalement en trois grands

types de procédures : la procédure civile, la procédure pénale et la procédure

administrative contentieuse. Chacune d’elles est gouvernée par des principes

directeurs codifiés, qui en déterminent les grandes orientations, « les conceptions dont

elle s’inspire, l’éthique qu’elle veut incarner55 ». Chacune aussi possède des traits qui lui

sont propres et qui dépendent essentiellement de trois paramètres : la nature des

litiges dont elle a à connaître, la personnalité des acteurs qui participent au procès et

la nature de la juridiction à l’origine des décisions56. Il en résulte une grande

diversité, en fonction des objectifs spécifiques poursuivis par chaque procédure57,

même si certaines similitudes peuvent apparaître entre procès civil et procès pénal58,

en raison d’une certaine forme d’attraction exercée par les principes directeurs du

procès civil sur la matière pénale59.

26. En premier lieu, la procédure civile comprend un droit commun processuel,

formé par les vingt-quatre premiers articles du Code, regroupés au sein du Chapitre

1er, du Titre 1er, du Livre 1er, intitulé « Les principes directeurs du procès ». Ces derniers

constituent « un cœur de règles primordiales, qui recèlent la quintessence du procès civil60 ».

Il est possible de les classer dans deux catégories distinctes. D’un côté, les treize

premiers articles visent essentiellement à répartir les rôles entre le juge et les parties,

tandis que de l’autre, les onze dispositions suivantes s’attachent surtout à fournir des

55 NORMAND J., « Principes directeurs du procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice,


P.U.F., Paris, 2004, p. 1038.
56 Idem, p. 1039.
57 CADIET L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes
directeurs du procès », Justice et droits fondamentaux : études offertes à Jacques Normand, Litec, Paris,
2003, p. 79.
58 VERGÈS E., « Procès civil, procès pénal : différents et pourtant si semblables », D, 2007, p. 1441.
59 BUSSY F., « L'attraction exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière pénale »,
R.S.C., 2007, p. 39.
60 CORNU G., « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (fragment d’un état des
questions) », Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, Paris, 1991, p. 83.
26 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

garanties de bonne justice61. Mais l’objectif principal, poursuivi par les principes

directeurs du procès civil, reste la clarification et le renforcement de l’office du juge,

ce qui traduit une rupture avec la conception traditionnelle du procès civil, dans

laquelle le juge exerçait, à titre premier, la fonction d’arbitre 62. En instaurant un

principe de coopération entre les différents acteurs du procès, les rôles sont

rééquilibrés, ce qui rapproche, de ce point de vue, la procédure civile de la procédure

pénale. Elle demeure globalement accusatoire, mais intègre dans son fonctionnement

des éléments correctifs issus de la procédure inquisitoire63.

27. En deuxième lieu, le Code de procédure pénale s’ouvre sur un article

préliminaire64, introduit par la loi du 15 juin 200065. Celui-ci pose trois catégories de

principes directeurs du procès répressif, reprenant pour partie les propositions

énoncées par la Commission « Justice pénale et droits de l’homme66 », qui n’avaient

pas été concrétisées dans la loi réformant la procédure pénale de 199367. La première

catégorie de principes est consacrée à la procédure proprement dite, la deuxième aux

droits des victimes d’infractions pénales et la troisième, aux droits des suspects et

personnes poursuivies. La fonction principale de ce corpus de principes directeurs

est d’introduire en droit interne, au sein d’une législation codifiée, l’essentiel des

règles fondamentales du procès équitable, telles qu’elles sont définies dans l’article 6

61 NORMAND J., « Principes directeurs du procès », op. cit., p. 1040.


62 Ibidem.
63 BUSSY F., « L'attraction exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière pénale »,
op. cit., p. 40.
64 Si l’option choisie a été celle de les énoncer dans un article préliminaire, la raison est simplement
pratique, sans portée symbolique particulière. Il s’agissait seulement d’éviter de renuméroter les
articles du Code de procédure pénale, puisque ces principes n’y ont pas été introduits dans le
cadre d’une refonte globale.
65 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits
des victimes, JO, 8 juillet 2000, p. 10323.
66 La Commission « Justice pénale et droits de l’homme », instituée par arrêté de M. Pierre
ARPAILLANGE, ministre de la Justice, le 19 octobre 1988, a présenté plusieurs études, parmi
lesquelles une consacrée aux principes directeurs de la législation pénale.
67 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, JO, 5 janvier 1993, p. 215.
Introduction 27

de la Convention européenne des droits de l’homme et interprétées par la Cour de

Strasbourg.

28. Enfin, en troisième lieu, le Code de justice administrative, promulgué le 4 mai

200068, s’ouvre sur un Titre préliminaire qui, en onze articles, énumère ce qu’il

convient de qualifier de principes directeurs du procès administratif, même si le

Code ne le mentionne pas explicitement69. Ces derniers définissent les caractères

majeurs de la procédure administrative contentieuse, en procédant de manière

chronologique, chacune des étapes processuelles étant visée par un article

(instruction70, débats71, délibéré72, jugement73). Formulés de manière apparemment

technique et objective, ces principes n’en traduisent pas moins les orientations

principales de la procédure administrative et ses fondements axiologiques, dominés

par la justice et l’équité74.

29. Malgré toute la diversité qui vient d’être constatée entre les principes directeurs

des trois procédures, il n’est pas interdit de s’interroger sur ce qui pourrait, à

l’avenir, constituer une forme de « noyau dur » des principes émergents du procès.

Le professeur Serge GUINCHARD, qui s’est plié à l’exercice, identifie trois grandes

normes processuelles qui forment, selon lui, les principes directeurs du procès : la

loyauté procédurale, le dialogue et la célérité75. Aussi intellectuellement séduisante

que soit la démarche, elle n’en comporte pas moins certaines faiblesses, tant la

68 Ordonnance n° 2000-387 du 4 mai 2000 relative à la partie Législative du code de justice


administrative, JO, 7 mai 2000, p. 6904.
69 Par ailleurs, un manuel récent de droit administratif, GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P.,
Traité de droit administratif, Dalloz, Coll. Traités Dalloz, Paris, 2011, intitule un chapitre entier de
l’ouvrage « Les principes directeurs du procès administratif ».
70 Code de justice administrative, article 5.
71 Idem, article 6.
72 Id., article 8.
73 Id., article 9.
74 GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, op. cit., p. 551.
75 GUINCHARD S., « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », Mélanges Jacques Van
Compernolle, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 201.
28 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

présence de tel ou tel principe varie, tout de même, considérablement d’une

procédure à l’autre. La célérité, pour ne citer qu’elle, semble ainsi plutôt mal adaptée,

à un procès aux enjeux aussi lourds de conséquences humaines que le procès pénal.

30. Il paraît donc plus raisonnable de conclure que la codification des principes

directeurs du procès, en dépit des rapprochements observés entre les différentes

procédures, ne permet pas de dégager un socle processuel commun. Cela ne saurait

surprendre, dans la mesure où chaque codification a été réalisée de manière

autonome, en considération des seuls objectifs propres à la procédure concernée. En

revanche, ce droit processuel commun découle de la jurisprudence constitutionnelle,

facteur d’unification du droit du procès, qui en a posé les fondements en droit

interne.

C) La notion de principe constitutionnel et de constitutionnalisation

du droit

31. Les principes, que le juge constitutionnel dégage et qu’il érige au sommet de la

hiérarchie des normes, composent un corps de normes processuelles ayant, pour la

plupart, vocation à s’appliquer à toutes les procédures 76. Ainsi, cette

constitutionnalisation du droit processuel77 aboutit à un droit commun du procès,

dont il faut préciser la genèse, mais aussi les incertitudes qui ont présidé à son

élaboration.

32. La constitutionnalisation du droit est un phénomène se manifestant par

l’influence de la Constitution et de la jurisprudence constitutionnelle, sur une ou

76 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », Le juge entre deux
millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 358.
77 L’expression est utilisée pour la première fois par Serge GUINCHARD, dans l’édition 1991 du
précis Dalloz de procédure civile.
Introduction 29

plusieurs branches du droit, qui se colorent ainsi d’aspects constitutionnels78. Cette

imprégnation de l'ordre juridique par la jurisprudence constitutionnelle a d'abord été

observée par le professeur Michel FROMONT79 (au sujet de l’Allemagne Fédérale) à

travers le prisme de la théorie des droits fondamentaux, avant d'être analysée et

systématisée par le Doyen FAVOREU concernant le cas français, qui a dû au départ

défendre jusqu'à l'existence du phénomène, que nul, ou presque, ne songerait

raisonnablement à contester aujourd'hui80.

33. Louis FAVOREU décrivait le processus de constitutionnalisation du droit comme

se déroulant en deux temps81. La première étape consiste en une accumulation de

normes constitutionnelles, favorisée par l’extension des sources de la Constitution,

suite à la décision du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association82 et par l’élargissement de la saisine

du Conseil constitutionnel en 197483. La seconde étape repose ensuite sur la diffusion

de ces normes dans l’ordre juridique, par le canal de l’article 62 de la Constitution 84.

Grâce à la technique des réserves d’interprétation, c’est non seulement la chose jugée,

mais aussi la chose interprétée, qui s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les

78 MOLFESSIS N., « L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », Pouvoirs,
n° 105, 2003, p. 89.
79 FROMONT M., « Les droits fondamentaux dans l'ordre juridique de la République Fédérale
d'Allemagne », Recueil d'études en hommage à Charles Eisenmann, Editions Cujas, Paris, 1975, p. 49.
80 FAVOREU L., « L’apport du Conseil constitutionnel au droit public », Pouvoirs, 1980, n° 13, p. 17 ;
« L'influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses branches du droit »,
Itinéraires : études en l'honneur de Léo Hamon, Economica, Paris, 1982, p. 235 ; « La
constitutionnalisation du droit », L'unité du droit : mélanges en hommage à Roland Drago, Economica,
Paris, 1996, p. 25.
81 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », op. cit., p. 28 et s.
82 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi
du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
83 Loi n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l'article 61 de la Constitution, JO, 30 octobre
1974, p. 11035.
84 DRAGO G., L'exécution des décisions du Conseil constitutionnel : l'effectivité du contrôle de
constitutionnalité des lois, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence,
1991, p. 26.
30 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

autorités administratives et juridictionnelles85, d’autant que « l'autorité des décisions

visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui

en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même86 ». Si certains auteurs

ont pu émettre des doutes sur l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel,

strictement limitée au texte législatif examiné87, il n’en demeure pas moins que le

Conseil d’État88, comme la Cour de cassation89 ont expressément reconnu être liés par

la jurisprudence constitutionnelle et ont considéré devoir faire une application de la

loi, conforme à l’interprétation donnée par le juge constitutionnel. Louis FAVOREU a

d’ailleurs fait la démonstration, que l’absence de mécanisme, permettant d’assurer le

respect des décisions du Conseil constitutionnel, ne fait pas obstacle à la réception de

sa jurisprudence par les juridictions ordinaires90.

34. Cette irrigation par la Constitution a atteint progressivement toutes les branches

du droit. Le droit processuel ne pouvait donc échapper au phénomène et ce d’autant,

que la procédure est bien souvent la condition de la mise en œuvre d'autres droits, le

procès, le lieu et le moment le plus propice à leur reconnaissance ou leur

rétablissement. Les règles régissant la procédure pénale, la procédure civile et la

procédure administrative contentieuse ont ainsi progressivement pris racine dans le

texte même de la Constitution et ont acquis un statut constitutionnel, grâce au

développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce dernier a alors fait

85 Sur l’ensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des décisions
interprétatives en France et en Italie, Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1997 ; DISANT M.,
L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2010 ; VIALA A., Les réserves d'interprétation dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science
politique, Paris, 1999.
86 Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962, Nature juridique des dispositions de l'article 31 (alinéa 2)
de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole, JO, 25 février 1962, p. 1915, Cons. 1.
87 MOLFESSIS N., « L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 98.
88 C.E., Ass., 20 décembre 1985, S.A. Etablissements Outters, n° 31927, Rec. p. 382 ; D, 1986, p. 283, note
FAVOREU L. ; C.E., Ass., 11 mars 1994, S.A. La cinq, n° 115052, Rec. p. 118.
89 Cass., Ass. plén., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n° 01-84922, Bull. crim., 2001, n° 206, p. 660 ;
D, 2001, p. 3365, note FAVOREU L.
90 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », op. cit., p. 32.
Introduction 31

émerger, non sans un certain mérite, tant le texte constitutionnel est pauvre en

matière de dispositions processuelles, des principes judiciaires fondamentaux,

formant un véritable droit constitutionnel processuel91, qui coexiste dans l'ordre

juridique interne avec le droit au procès équitable, développé par la Cour

européenne des droits de l’homme92.

35. Le professeur Serge GUINCHARD est le premier à avoir relayé les thèses de

Louis FAVOREU, dans le domaine du droit processuel, en mettant en évidence

l’emprise des droits fondamentaux sur cette matière, ce que le Doyen aixois nommait

la « constitutionnalisation-transformation93 », pour décrire les effets de l’imprégnation

de l’ordre juridique, par les droits et libertés constitutionnels94. Serge GUINCHARD a

ainsi démontré l’émergence d’un véritable droit processuel constitutionnel,

englobant tant la matière pénale que civile, même si c’est dans ce domaine que la

constitutionnalisation suscite les réticences les plus vives. Le professeur Bernard

BEIGNIER, par exemple, va même jusqu’à qualifier de « mythe », le phénomène

d’imprégnation de la procédure civile par le droit constitutionnel 95.

36. L’argument majeur, utilisé par les détracteurs du phénomène de

constitutionnalisation de la procédure civile, réside dans la nature essentiellement

réglementaire des normes qui régissent cette matière, laquelle fait obstacle au

91 SCHMITTER G., La constitutionnalisation du droit processuel, Thèse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
92 Aussi souvent que nécessaire, des évaluations comparatives, entre les deux jurisprudences, seront
effectuées au cours de l’étude. Elles démontreront, de manière assez manifeste, que les similitudes
l’emportent sur les divergences, ce qui ne saurait surprendre, tant la conception des libertés, par
chacune des deux juridictions, n’est guère éloignée, Cf ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « La
conception des libertés par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de
l’homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 32, p. 19.
93 FAVOREU L., « La constitutionnalisation du droit », L'unité du droit : mélanges en hommage à Roland
Drago, op. cit., p. 37.
94 GUINCHARD. S., « La constitutionnalisation du droit processuel », Cinquantième anniversaire de la
Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 459.
95 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », FRANCOIS B. et MOLFESSIS N. (dir.),
La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996,
Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris, 1999, p. 157.
32 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

contrôle de constitutionnalité développé par le Conseil constitutionnel 96. Néanmoins,

le professeur GUINCHARD démontre qu’il est réducteur de construire la base de son

argumentation autour de la seule répartition des compétences, entre les articles 34 et

37 de la Constitution97, d’autant que l’empiètement du législateur sur le domaine

réglementaire est potentiellement illimité98. Il en conclut que l’absence de contrôle

n’entraîne pas mécaniquement l’inexistence de la constitutionnalisation, puisque le

Conseil constitutionnel dégage des principes qui ont vocation à s’appliquer à

l’ensemble des contentieux99.

37. À travers ces considérations juridiques, ce qu’une certaine doctrine privatiste

dénonce, c’est en réalité ce qu’elle perçoit comme une tentative d’hégémonie du droit

constitutionnel sur l’ensemble des branches du droit. Les professeurs Dominique

ROUSSEAU et Jérôme ROUX avancent quelques arguments, pour tenter d’expliquer

ces réactions, qui proviennent manifestement d’un malentendu100. Il n’est nullement

contestable que les différentes branches du droit ont développé leurs propres

concepts, avant que le droit constitutionnel, d’apparition plus récente, ne prenne

l’essor qu’on lui connaît aujourd’hui. Il n’est pas davantage douteux qu’il existe des

principes fondamentaux de procédure civile101, qui peuvent même inspirer le Conseil

constitutionnel, afin de les ériger en principes communs pour l’ensemble des

contentieux102. Il n’en demeure pas moins que la hiérarchie des normes incline plutôt

96 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », op. cit., p. 158 ; MOLFESSIS N., « La
procédure civile et le droit constitutionnel », Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après,
Actes du colloque des 11 et 12 déc. 1997, La documentation française, Paris, 1998, p. 249.
97 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », op. cit., p. 358.
98 Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, notamment ses articles 1, 3
et 4, JO, 31 juillet 1982, p. 2470.
99 GUINCHARD S., « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », op. cit., p. 358.
100 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », J.-Cl. adm., fasc. 1455, 1999, p. 3.
101 BEIGNIER B., « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs - Les principes généraux du droit
et la procédure civile », Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec,
Paris, 2001, p. 156.
102 BEIGNIER B., « Procédure civile et droit constitutionnel », op. cit., p. 164.
Introduction 33

à penser qu’il existe bien des bases constitutionnelles du droit processuel, sans

qu’une telle proposition « porte en elle sa propre contradiction103 ».

§ 3. Délimitation et problématique générale de l’étude

38. La définition retenue du procès, en tant qu’instrument d’apaisement des rapports

sociaux, grâce au concours d’un tiers légitime, qui apporte une solution à un litige opposant

deux ou plusieurs parties, au moyen d’une procédure respectueuse des droits fondamentaux

processuels104, permet d’inclure dans le domaine de l’étude, trois formes particulières

de procédures contentieuses. L’arbitrage, d’abord, qui répond à chacun de ces

critères, dans la mesure où l’arbitre tire sa légitimité de sa désignation, résultant d’un

choix commun des parties et qu’il est tenu, par ailleurs, de respecter les principes

directeurs du procès civil105. Pour le reste, ses prérogatives ne diffèrent guère de

celles d’un tribunal étatique106.

39. Deux autres procédures feront l’objet d’une attention particulière, car susceptibles

de déboucher sur une décision faisant grief à son destinataire 107 et pouvant heurter

les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice 108. Il s’agit des procédures

disciplinaires, ainsi que celles se déroulant devant les autorités administratives

indépendantes. Elles peuvent recevoir toutes deux la qualification de procès,

puisqu’elles permettent d’apporter une solution à un litige, à l’issue d’une procédure

respectueuse des garanties processuelles. Il n’y a donc aucune raison de les exclure

103 BEIGNIER B., « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs - Les principes généraux du droit
et la procédure civile », op. cit., p. 170.
104 Cf supra n° 15.
105 Code de procédure civile, article 1464.
106 Code de procédure civile, articles 1442 à 1503.
107 GENEVOIS B., « Le Conseil constitutionnel et la définition des pouvoirs du Conseil supérieur de
l’audiovisuel », note, Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
108 Cf infra n° 462 et s. et n° 504 et s. pour les procédures disciplinaires, n° 471 et s. pour les procédures
applicables aux autorités administratives indépendantes.
34 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

du domaine de l’étude, d’autant qu’elles ont permis au droit constitutionnel

processuel de préciser et même de renforcer, certaines exigences procédurales109.

40. En revanche, même s’il ne sera pas totalement écarté du cadre de l’étude,

puisqu’il est parfois susceptible de fournir des éléments de réflexion utiles à la

démonstration110, le procès constitutionnel n’y sera traité que de manière subsidiaire.

Si la pertinence juridique de la dénomination de « procès », appliquée au contrôle a

priori de constitutionnalité des lois, peut être discutée 111, nul doute que la procédure

de question prioritaire de constitutionnalité répond à la définition du procès que

nous avons retenue. Même si la question prioritaire transmise au Conseil

constitutionnel revêt un caractère objectif112, celui-ci a récemment eu l’occasion de

préciser qu’elle n’était pas un procès général fait à une loi, à l’encontre de laquelle,

n’importe quel justiciable pourrait invoquer un éventail indéterminé de griefs

d’inconstitutionnalité113. Il s’agit au contraire d’une contestation, portant sur une ou

plusieurs dispositions législatives, nécessaires à la résolution d’un litige opposant

une ou plusieurs parties114. Le professeur Dominique ROUSSEAU a ainsi démontré

que tous les éléments constitutifs du procès étaient bien réunis, lors du contrôle a

posteriori de constitutionnalité des lois devant le Conseil constitutionnel115.

109 Cf notamment l’effet suspensif de l’appel, n° 231 et s. et l’exigence de motivation des décisions
émanant d’autorités non juridictionnelles, n° 960 et s.
110 Ce sera, par exemple, le cas quand il sera traité de la délicate question de l’impartialité
fonctionnelle des membres du Conseil constitutionnel.
111 Le professeur Guillaume DRAGO, par exemple, estime qu’il s’agit « d’un procès qui n’en est pas
vraiment un » et « qu’il n’y a pas de véritable procès, sinon un procès fait à un acte législatif », « Quels
principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Justices et droit du procès : du légalisme
procédural à l'humanisme processuel : mélanges en l'honneur de Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 2010,
p. 443.
112 Idem, p. 448.
113 Décision n° 2013-334/335 QPC du 26 juillet 2013, Société SOMAF et autre [Loi relative à l'octroi de
mer], JO, 28 juillet 2013, p. 12664.
114 Idem, Cons. 5.
115 ROUSSEAU D., « Le procès constitutionnel », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 47.
Introduction 35

41. De plus, l’objet même de l’étude porte sur le droit constitutionnel processuel et

non sur le droit processuel constitutionnel, c’est à dire sur « l’ensemble des normes

constitutionnelles qui intéressent le déroulement du procès116 » et non sur « le droit qui régit

les instances conduites devant et par la juridiction constitutionnelle117 ». Ceci nous amènera

donc à étudier, non pas les principes directeurs du procès constitutionnel 118, mais les

principes constitutionnels directeurs du procès. La nuance n’est pas que sémantique

et ne tient pas seulement au positionnement de l’adjectif « constitutionnel » dans la

locution nominale. Le professeur Guillaume DRAGO a identifié les principes

directeurs du contrôle de constitutionnalité 119, autrement dit du procès

constitutionnel et ceux-ci ne coïncident pas exactement avec les principes

constitutionnels directeurs du procès, tels que le Conseil constitutionnel les a

dégagés120.

42. Une fois précisé le cadre de l’étude, il nous faut établir une classification logique

des principes constitutionnels directeurs du procès, qui soit le reflet fidèle de la

jurisprudence constitutionnelle et qui facilite sa compréhension, afin d’en améliorer

la prévisibilité121. Le professeur Michel TROPER122, dans le prolongement de Charles

116 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », op. cit., p. 3.


117 Ibidem.
118 DRAGO G., « Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Justices et droit du procès
: du légalisme procédural à l'humanisme processuel : mélanges en l'honneur de Serge Guinchard, op. cit.,
p. 439.
119 Ibidem.
120 La célérité de la justice et la publicité des débats, identifiées par le professeur DRAGO comme des
principes directeurs du contrôle de constitutionnalité, tant abstrait que concret, ne semblent pas
pouvoir être rangés dans la catégorie des principes constitutionnels directeurs du procès. Ainsi,
dans la jurisprudence constitutionnelle, la célérité de la justice n’a jamais été expressément visée
(seul le délai raisonnable est parfois évoqué, Cf infra n° 169 et 170) et la publicité des débats n’a
fondé qu’une seule déclaration d’inconstitutionnalité à ce jour, même si celle-ci, concernant la
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, n’est pas passée inaperçue, Décision n°
2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO, 10
mars 2004, p. 4637, Cons. 117.
121 Pour Jean RIVERO, la systématisation de la jurisprudence, c’est à dire « coordonner les solutions
particulières en un tout organisé » afin « de les transformer en une matière intelligible », répond à une
nécessité, « Apologie pour les "faiseurs de systèmes" », D, 1951, p. 99.
122 TROPER M., « Les classifications en droit constitutionnel », R.D.P., 1989, p. 945 ; TROPER M. et
HAMON F., Droit constitutionnel, 33e éd., L.G.D.J., Coll. Manuels, Paris, 2012, p. 121-125.
36 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

EISENMANN123, a mis en exergue les qualités attendues d’une classification,

opération intellectuelle qu’il distingue, en propos liminaires, du classement 124. La

classification doit permettre de distribuer, dans les différentes catégories, tous les

objets du genre étudié, lesquels ne doivent pas, non plus, pouvoir être rangés

simultanément dans deux classes distinctes125. Afin d’éviter ce double écueil, le

critère de classement ne doit pas être trop vague126 et doit permettre une

représentation binaire du phénomène étudié127. Il en résulte que pour Michel

TROPER, la valeur logique d’une classification est suffisante, dès lors que le critère

de distribution repose sur une propriété, l’une des classes étant « définie par cette

propriété et l’autre par la propriété contraire, c’est à dire par son absence128 ». Les catégories

s’opposeront ainsi trait pour trait, répondant au principe de non-contradiction129.

43. Dans le cas présent, il apparaît délicat de suivre les préconisations logiques du

professeur Michel TROPER. En effet, l’application du principe de non-contradiction

conduit nécessairement à une systématisation dichotomique de la situation

examinée. Or, il semble difficile de classer tous les principes constitutionnels

directeurs du procès, à l’aide de deux critères exclusifs l’un de l’autre et, même de les

distribuer dans plusieurs catégories parfaitement disjointes. En effet, il existe entre

les normes directrices du procès, une relation d’interdépendance qui rend cette

forme de catégorisation malaisée.

123 EISENMANN C., « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en
science juridique », Archives de philosophie du droit, 1966, n° 11, p. 25.
124 « La classification consiste à déterminer abstraitement des catégories ou classes en indiquant une
caractéristique ou qualité que présenteront tous les objets rangés dans cette classe » alors que « le
classement est seulement l’affectation d’un objet à une classe », TROPER M. et HAMON F., Droit
constitutionnel, op. cit., p. 121. Pour EISENMANN, la classification est « la subdivision d’un genre en
espèces », « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science
juridique », op. cit., p. 31.
125 TROPER M. et HAMON F., Droit constitutionnel, op. cit., p. 122.
126 Idem, p. 123.
127 Id., p. 122.
128 TROPER M., « Les classifications en droit constitutionnel », R.D.P., 1989, p. 947.
129 Ibidem.
Introduction 37

44. En outre, pour Michel TROPER, une classification réussie doit aussi apporter

« une indication scientifique intéressante130 », c’est à dire, « faire progresser la connaissance

en permettant de révéler quelque phénomène caché131 » ou « permettre de réaliser une

économie intellectuelle132 ». Pour le dire simplement, la classification ne doit pas être

gratuite133. À ce propos, le professeur Fabrice MELLERAY signale deux qualités qui

lui semblent essentielles : une valeur descriptive satisfaisante et une valeur

explicative substantielle134. Au regard de ce double objectif, le critère de

catégorisation le plus pertinent des principes directeurs du procès, dégagés par le

juge constitutionnel, est apparu comme étant celui de l’acteur du procès

principalement concerné. Il y aurait ainsi, d’un côté, les principes constitutionnels

directeurs du procès dirigés essentiellement vers le juge et de l’autre, ceux orientés

principalement vers les parties. À cette distinction principale, il convient alors de

rajouter une catégorie annexe, celle des garanties procédurales qui agissent à l’égard

des deux acteurs majeurs du procès, en favorisant les qualités du juge et en

protégeant les droits des parties.

45. Ainsi complétée, la classification des principes constitutionnels directeurs du

procès présente alors un intérêt scientifique, en révélant une forme de gradation des

exigences du Conseil constitutionnel, en fonction de la classe de principes envisagée.

On peut alors se demander, si la distinction mise ainsi en évidence ne pourrait pas

coïncider avec la dichotomie découverte par DWORKIN, entre les principes et les

130 TROPER M. et HAMON F., Droit constitutionnel, op. cit., p. 123.


131 Ibidem.
132 TROPER M., « Les classifications en droit constitutionnel », op. cit., p. 950. Michel TROPER cite
l’exemple des pathologies, classées par ensemble de symptômes, afin de prescrire le traitement
médical correspondant à la cause associée aux symptômes.
133 Michel TROPER cite ici l’exemple d’une classification des constitutions écrites, qui serait effectuée
selon que le nombre d’articles soit pair ou impair. Bien que logique, elle n’apporterait aucun
élément scientifique intéressant, Ibidem.
134 MELLERAY F., Essai sur la structure du contentieux administratif français : pour un renouvellement de la
classification des principales voies de droit ouvertes devant les juridictions à compétence générale, L.G.D.J.,
Coll. Bibliothèque de droit public, Paris, 2001, p. 18.
38 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

règles135. De prime abord, le Conseil constitutionnel semble confondre les deux

catégories normatives. En effet, alors qu’il aurait pu retenir l’idée d’une intervention

modulée du législateur, selon que la loi fixe les règles ou détermine les principes

fondamentaux136, le juge constitutionnel a considéré qu’il n’y avait pas lieu de

distinguer entre les deux137. Pourtant, le Conseil se réfère fréquemment aux

« principes et règles de valeur constitutionnelle138 », ce qui induit une différenciation

axiologique entre les principes d’un côté et les règles de l’autre. Au-delà des

apparences sémantiques, il convient alors d’utiliser la grille de lecture de DWORKIN,

afin de vérifier si les normes processuelles, révélées par le Conseil constitutionnel,

sont bien toutes le siège de principes directeurs du procès, ou si certaines n’abritent

pas plutôt de simples règles procédurales.

46. La confrontation des deux critères principaux d’identification des principes mis

en exergue par DWORKIN, la fondamentalité et l’imprécision, avec les normes

processuelles issues de la jurisprudence constitutionnelle, fait alors apparaître deux

catégories de normes directrices du procès. La première comprend des principes qui

expriment l’équité du procès et qui forment en droit constitutionnel positif, ce que

Jean CARBONNIER désignait comme étant « un peu le droit naturel de la procédure139 »

ou Henri MOTULSKY, « les principes généraux philosophiques140 ». Exprimant l’essence

135 Cf supra n° 19 et s.
136 Article 34 de la Constitution.
137 Décision n° 59-1 L du 27 novembre 1959, Nature juridique de l'article 2, alinéa 3 de l'ordonnance n° 59-
151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne, JO, 14
janvier 1960, p. 442.
138 Parmi de nombreuses décisions qui y font référence, Décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi
autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social, JO, 27 juin 1986,
p. 7978, Cons. 23 ; Décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l'archéologie préventive,
JO, 18 janvier 2001, p. 931, Cons. 10 ; Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à
l'assurance maladie, JO, 17 août 2004, p. 14657, Cons. 45.
139 CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, 25e éd., P.U.F., Paris, 1997, n° 188.
140 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », Mélanges en l'honneur de Paul Roubier, t. 2 : Droit privé, propriété
industrielle, littéraire et artistique, Dalloz, Paris, 1961, p. 178.
Introduction 39

même du procès, ce sont des principes communs à l’ensemble des procédures,

auxquels il n’est possible de déroger que sous de strictes conditions141.

47. La seconde catégorie regroupe des règles essentiellement techniques142,

« contingentes143 », qui peuvent donc être plus facilement écartées et sont susceptibles

de variations selon les contentieux144. Le droit au recours juridictionnel,

l’indépendance et l’impartialité de la justice, les droits de la défense et la

présomption d’innocence (même si cette dernière est réservée à la matière

répressive145) appartiennent à la première famille, tandis que la publicité des débats,

la célérité de la justice146, la collégialité des juridictions et la motivation des décisions

composent l’essentiel de la seconde.

48. En résumé, le genre (les normes directrices du procès) se subdivise en deux-sous

genres : les « véritables » principes directeurs du procès (qui comprennent les

principes tournés vers le juge et ceux dirigés vers les parties) et les « simples » règles

procédurales directrices du procès. Une telle classification permet de présenter

fidèlement le droit constitutionnel positif, de faciliter son appréhension et d’accroître

la prévisibilité de la jurisprudence constitutionnelle. L’idée d’une différence de

« densité » entre les normes directrices du procès, établie selon l’étendue des

exigences et la rigueur du contrôle effectué par le juge constitutionnel, ne semble

donc pas dépourvue de toute pertinence. Malgré l’absence de contrôle de certaines

141 CADIET L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes
directeurs du procès », op. cit., p. 86.
142 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 178.
143 CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, op. cit., n° 189.
144 CADIET L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes
directeurs du procès », op. cit., p. 87.
145 Cf infra n° 593 et s.
146 Même si elles apparaissent à différents endroits de l’étude, le choix a été fait de ne pas consacrer de
longs développements individualisés, ni à la publicité des débats, ni à la célérité de la justice. La
raison en est simple : la jurisprudence constitutionnelle, sans être totalement muette sur la
question, est encore insuffisamment établie sur ces deux règles procédurales, pour pouvoir en tirer
des enseignements d’une fiabilité suffisante.
40 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

dispositions, en raison de leur valeur réglementaire et le défaut de fondements

directs dans le bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a réussi à faire

émerger un droit constitutionnel processuel cohérent. De cette initiative prétorienne,

découle un corps de normes processuelles, de valeur juridique et axiologique

variables, garantissant à la fois l’existence (1ère Partie) et la qualité (2nde Partie) du

procès.
L’existence du procès 41

PREMIÈRE PARTIE : L’EXISTENCE DU PROCÈS

49. Dans un État de droit, le principe cardinal consiste à veiller au respect de la règle

de droit, à travers l'intervention du juge, le mieux à même de garantir l’effectivité de

celle-ci. C’est la fonction sociale assignée au droit d'agir en justice. Le droit d'accès à

un tribunal est la préoccupation prioritaire du Conseil constitutionnel, en matière de

droit processuel, car il conditionne l’existence même du procès. Il se subdivise en

deux exigences complémentaires.

50. En premier lieu, parce que le droit au juge constitue le préalable nécessaire à la

mise en œuvre des autres garanties inhérentes à l’organisation d’un procès équitable,

il bénéficie, en droit constitutionnel français, d’une protection de mieux en mieux

assurée. Le droit d’agir en justice est ainsi le rouage essentiel du procès, tel que le

Conseil constitutionnel l’envisage et l’organise (Titre 1).

51. En second lieu, le Conseil constitutionnel a joué un rôle primordial dans le

renforcement du droit à un juge de qualité. À cette fin, il a développé, grâce à une

relecture de la théorie de la séparation des pouvoirs147, une jurisprudence exigeante,

orientée vers le renforcement des deux caractères essentiels du juge, consubstantiels

à l’idée même de bonne justice : son indépendance et son impartialité (Titre 2).

147 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 169.
L’existence du procès 43

TITRE 1 : LE DROIT AU JUGE

52. Le droit au juge, indifféremment désigné comme le droit à un recours

juridictionnel ou le droit d'agir en justice, est le droit pour toute personne, physique

ou morale, française ou étrangère, d'accéder à la justice pour y faire valoir ses

droits148. Le Conseil constitutionnel veille à ce que l’office du juge ne soit

exagérément entravé, ce qui conduirait inexorablement à une forme de déni de

justice149. Il admet ainsi que le législateur y apporte des limites, afin d’atteindre un

objectif d'intérêt général, mais à la condition, appréciée strictement, qu'aucune

atteinte substantielle ne soit portée à ce droit fondamental (Chapitre 1).

53. Si le droit au recours juridictionnel effectif bénéficie d’une attention particulière

de la part du Conseil constitutionnel, il en va sensiblement autrement de son

prolongement naturel : le droit à des recours juridictionnels successifs, qui peuvent

prendre la forme de l’appel ou de la cassation. Même si le juge constitutionnel n’est

pas indifférent aux aménagements dont ces voies de recours font l’objet, la protection

qu’il leur apporte ne présente pas toujours toutes les garanties de bonne justice

attendues (Chapitre 2).

148 FAVOREU L. et RENOUX T., Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Sirey, Paris, 1992,
p. 90 et s.
149 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public,
Paris, 1964.
L’existence du procès 45

CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU RECOURS JURIDICTIONNEL


EFFECTIF

Introduction La découverte progressive du fondement constitutionnel du droit

constitutionnel au recours juridictionnel effectif

54. Le droit au recours juridictionnel effectif, c’est à dire la faculté réelle d’agir en

justice, afin de demander à un juge de statuer sur le fond d’un contentieux, est une

composante essentielle d’un État de droit. Que ce soit dans son acception formelle,

consistant à garantir le respect de la hiérarchie des normes, ou dans sa conception

substantielle, permettant la protection des droits et libertés, le rôle du juge est central.

À ce titre, comme l’a démontré le doyen FAVOREU, dans sa définition du déni de

justice150, l’État est débiteur d’un devoir de protection juridictionnelle à l’égard des

citoyens, dont le fondement réside dans le droit au juge151.

55. Pourtant, le texte constitutionnel du 4 octobre 1958 est étrangement silencieux sur

ce point. Sans doute faut-il y voir la méfiance culturelle et sociologique des autorités

publiques à l’égard des juges (même si le pouvoir juridictionnel n’est pas totalement

absent de la lettre de la Constitution), tout autant que les considérations

conjoncturelles ayant présidé à l’élaboration de l’acte fondateur de la Ve République.

En effet, ces dernières amenèrent le constituant à prioriser ses travaux en direction

des autorités exécutives de l’État, comme en témoigne l’ordre d’apparition des

pouvoirs publics dans le texte final. Cette discrétion contraste d’ailleurs

ostensiblement avec les nombreuses consécrations expresses, qui jalonnent les lois

150 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
151 FAVOREU L., « Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge », Gouverner,
administrer, juger, Liber amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 513.
46 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

fondamentales des démocraties européennes152. La disposition la plus protectrice,

celle qui semble le mieux encadrer les restrictions législatives d’accès au prétoire est,

sans doute, l’article 24-1 de la Constitution espagnole, qui affirme que « toute personne

a le droit d'obtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et

ses intérêts légitimes sans, qu’en aucun cas, cette protection puisse lui être refusée ». À

l’inverse, celle dont le champ d’application paraît le moins étendu, est l’article 19-4

de la Loi fondamentale allemande, qui énonce que « quiconque est lésé dans ses droits

par la puissance publique dispose d’un recours juridictionnel ».

56. Nonobstant cette précision, liée à l’origine de la violation des droits, dont on

comprend aisément la raison historique, la plupart des démocraties occidentales ont

jugé nécessaire de graver, au sommet de la pyramide normative, le droit de saisir une

juridiction pour y faire valoir ses droits. Il en est de même des principaux

instruments internationaux de protection des libertés fondamentales, qu’il s’agisse de

l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 153,

de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et

politiques du 19 décembre 1966154 et bien entendu, de la Convention européenne des

droits de l'homme, la plus riche en la matière puisqu’elle y proclame, à trois reprises,

aux articles 5, paragraphe 4155, 6 paragraphe 1156 et 13157, le droit au recours

152 L’article 24 de la Constitution italienne dispose qu’« il est reconnu à chacun le droit d'ester en justice
pour la protection de ses droits et de ses intérêts légitimes », alors que l’article 20-1 de la Constitution
portugaise affirme, quant à lui, que « l’accès au droit et le pourvoi devant les différentes juridictions sont
facultés à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts légalement protégés, indépendamment
de ses ressources ».
153 « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes
violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ».
154 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ».
155 « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant
un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention
est illégale ».
156 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle ».
L’existence du procès 47

juridictionnel158. Néanmoins, dans aucune des trois hypothèses visées par le texte

humanitaire européen, la consécration du droit de saisir la justice ne revêt une portée

générale, puisque dans le premier cas, seules les privations arbitraires de liberté sont

protégées, alors que dans le troisième, le recours effectif vise uniquement les droits et

libertés reconnus dans la Convention. Même le droit conventionnel au procès

équitable (et les garanties l’accompagnant), qui induit nécessairement l’accès au juge

afin de pouvoir en bénéficier159, ne trouve matière à s’appliquer qu’en cas de

« contestations sur ses droits et obligations de caractère civil » ou « d’accusation en matière

pénale160 ».

57. L’histoire constitutionnelle française, de son côté, laisse apparaître une seule

véritable incursion, brève et provisoire (voire seulement virtuelle), du droit d’agir en

justice. Il s’agit de l’article 11 du projet de Constitution du 19 avril 1946 161, rejeté par

référendum le 5 mai 1946, ce qui priva d’une part, le droit au recours juridictionnel

d’acquérir valeur de droit positif et, d’autre part, la nouvelle Déclaration des droits de

l'homme de 1946, de constituer un élément potentiel du futur bloc de

constitutionnalité. Le droit français n’a pourtant jamais vraiment occulté cette notion,

puisqu’il consacre l’existence d’un recours juridictionnel approprié, comme l’un des

éléments fondateurs de l’ordre juridique nouveau, tel qu’issu de la révolution,

157 « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à
l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise
par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».
158 COSTA J.-P., « Le droit à un tribunal et ses limites, selon la jurisprudence de la Cour E.D.H. »,
Mélanges en l'honneur de Jean Buffet : la procédure en tous ses états, Petites affiches éd., 2004, p. 159 ;
LAMBERT P., « Le droit d’accès à un tribunal dans la Convention européenne des droits de
l’homme », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, op. cit., p. 57.
159 C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, requête n° 4451/70, série A, n° 18, A.F.D.I., 1975,
p. 330, note PELLOUX R., § 35.
160 Conv. E.D.H., article 6, § 1. Sur le champ d’application du droit de la Convention européenne, Cf
SUDRE F., Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme, 5e éd., P.U.F, Coll. Thémis,
Paris, 2009, p. 218.
161 « La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice et l'insuffisance des ressources ne saurait
y faire obstacle ».
48 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

comme en témoigne le préambule de la Déclaration de 1789162. Faute d’enracinement

constitutionnel direct dans le texte de 1958, le Conseil constitutionnel dut chercher

un fondement autonome, soit parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois

de la République163, soit parmi les dispositions écrites de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen164, comme l’y incitait avec constance la doctrine, tant

processualiste que constitutionnaliste165.

58. Dans la première catégorie, deux dispositions législatives majeures peuvent servir

d’écrin à la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la

République, même si une certaine réticence historique s’impose concernant la

seconde. D’abord, l’article 4 du Code civil, qui proscrit toute forme d’abstention du

juge, dans son devoir de trancher les litiges portés devant son office et qui, par là-

même, confère un solide fondement et une légitimité incontestable à son pouvoir

d’interprétation. Le Code civil ayant été promulgué le 21 mars 1804, par la loi du 30

ventôse de l’an XII, soit deux mois avant le Sénatus-consulte du 28 floréal an XII, qui

proclame la naissance de l’Empire, rien ne s’oppose, en droit, à ce que cette

disposition, interdisant toute forme de déni de justice, soit la source d’un principe

fondamental reconnu par les lois de la République.

162 « Les Représentants du Peuple Français (…) considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de
l'Homme sont les seules causes des malheurs publics (…) ont résolu d'exposer, dans une Déclaration
solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme (…) afin que les réclamations des citoyens,
fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
Constitution et au bonheur de tous ».
163 CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public
positif, Paris, Aix-en-Provence, 2002.
164 Conseil constitutionnel, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence : colloque des
25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel, P.U.F., Coll. Recherches politiques, Paris, 1989 ; PHILIP
L., « La valeur juridique de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,
selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Etudes offertes à Pierre Kayser, t. 2, P.U.A.M.,
Aix-en-Provence, 1979, p. 317.
165 TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », L.P.A., n° 145, 1991, p. 4 ;
RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », dans Présence
du droit public et des droits de l'homme : mélanges offerts à Jacques Velu, Bruylant, Bruxelles, 1992,
p. 307 ; BANDRAC M., « L'action en justice, droit fondamental », Nouveaux juges, nouveaux
pouvoirs ? : Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, Paris, 1996, p. 1.
L’existence du procès 49

59. Ensuite, la loi du 31 mai 1854, portant abolition de la mort civile, extinction

légalement prononcée de la personnalité juridique et qui, selon le dictionnaire de

l'Académie française, emportait la « cessation de toute participation aux droits civils » et

par conséquent, privait la personne de son droit d’ester en justice. Il est néanmoins

possible d’objecter ici, qu’une loi édictée sous le Second Empire peut ne pas

exactement satisfaire aux critères relatifs à la tradition républicaine, posés par le

Conseil constitutionnel, dans la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu

par les lois de la République166. Ce droit fondamental de pouvoir saisir une

juridiction, y compris pour une personne déchue de ses droits civils ou politiques,

suite à une condamnation pénale, est pourtant reconnu en Belgique au sommet de la

hiérarchie des normes167, indice sans doute probant qu’il transcende les régimes

politiques.

60. Dans la seconde catégorie, deux principes essentiels, qu’il est permis de

considérer comme consubstantiels à « l'identité constitutionnelle de la France168 »,

peuvent aussi constituer de pertinents fondements à la reconnaissance du droit

d’agir en justice. Il s’agit d’abord du principe d'égalité, principe matriciel et

prééminent de l’ordre juridique français, qui est, dans la jurisprudence du Conseil,

une condition indispensable à l’exercice d’autres droits constitutionnels169. Même s’il

« ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à

ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre

cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui

166 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, JO, 21 juillet 1988, p. 9448, Cons. 11 et
12.
167 Constitution de la Belgique du 17 février 1994, Article 18 : « La mort civile est abolie ; elle ne peut être
rétablie ».
168 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la
société de l'information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Cons. 19.
169 Sur l’ensemble de la question, MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-
en-Provence, 1997.
50 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l'établit170 », il n’en demeure pas moins que, sauf à accorder une portée excessive aux

notions d’intérêt général ou de situations différentes, le législateur ne peut priver une

catégorie de justiciables du droit d’accéder à un tribunal. Une telle restriction ne

pourrait s’interpréter autrement que comme une rupture du principe d'égalité,

entraînant la censure de la disposition en cause. C’est ce qui fonda la déclaration

d’inconstitutionnalité, dans la célèbre décision dite « Taxation d’office » de 1973171,

initiatrice du contrôle de constitutionnalité des lois au regard du principe d’égalité,

dans laquelle le législateur faisait peser sur les seuls contribuables des tranches

supérieures, une présomption irréfragable de comportements frauduleux, en les

privant d’accéder au prétoire pour y apporter la preuve contraire. Le législateur peut

moduler le droit d’agir en justice, mais à la condition que les différenciations

s’opèrent sur des critères pertinents au regard du fond du droit. Il est manifeste, par

exemple, que certains recours, en raison de leur nature même, sont réservés aux non

nationaux172, voire (même si, dans le cas présent, l’évidence ne se présente pas avec la

même acuité) aux seuls étrangers en situation régulière173.

61. Les premières censures, visant les atteintes au droit de saisir une juridiction, le

furent donc sur le motif tiré d'une atteinte au principe d'égalité et non sur le

fondement du droit au recours juridictionnel174. Une décision de décembre 1985 est, à

ce titre, particulièrement remarquable, le dispositif censuré entravant l’accès au

170 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit
agricole, JO, 10 janvier 1988, p. 482, Cons. 10.
171 Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, JO, 28 décembre 1973,
p. 14004.
172 Décision n° 89-266 DC du 9 janvier 1990, Loi modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, JO, 11 janvier 1990, p. 464,
concernant les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière ; Décision n° 2010-614 DC du 4
novembre 2010, Loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une
coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français, JO, 6 novembre
2010, p. 19825.
173 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions
d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, JO, 18 août 1993, p. 11722.
174 Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au développement des institutions représentatives
du personnel, JO, 23 octobre 1982, p. 3210.
L’existence du procès 51

prétoire, à la fois par le biais de restrictions abusives au droit d’obtenir réparation

d’un préjudice, mais aussi en raison des modalités de calcul du délai de recours,

rendant la recevabilité de l’action en justice singulièrement délicate 175. De telles

limitations, qu’elles proviennent des conditions particulières de mise en jeu de la

responsabilité176 ou de délais de recours trop brefs, voire virtuels177, sont aujourd’hui

directement censurées par le Conseil constitutionnel, sur le fondement du droit

d’agir en justice. Les raisons pour lesquelles, la Haute juridiction semblait éprouver

certaines réticences à annuler d’inacceptables entraves dressées sur le chemin du

prétoire, directement au nom du droit d’accès à un tribunal, ne sont pas des plus

aisées à cerner. Peut-être est-ce, comme l’écrit François LUCHAIRE à propos des lois

AUROUX178, pour ne pas entrer en opposition frontale avec la jurisprudence du

Conseil d’État, hostile alors à toute forme de contrôle juridictionnel des actes de

Gouvernement, « insusceptibles par leur nature d'être portés devant la juridiction

administrative179 ».

62. Pourtant, le juge constitutionnel a pris conscience, assez tôt, de l’existence

autonome d’un droit au recours juridictionnel effectif et de sa valeur normative. Dès

1980, il affirmera ainsi que le libre exercice du droit d'agir en justice « relève de la loi en

vertu de l'article 34 de la Constitution180 ». Même si la décision n’offre pas de précisions

supplémentaires, il semble manifeste que le Conseil constitutionnel considère par là

que le droit au juge est au nombre des libertés publiques. Le législateur, comme le

175 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant
diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle, JO, 14 décembre 1985, p. 14574.
176 Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des entreprises, JO, 27 juillet 2005,
p. 12225 ; Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. [Loi dite "anti-Perruche"], JO, 12
juin 2010, p. 10847 ; Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Époux L. [Faute inexcusable de
l'employeur], JO, 19 juin 2010, p. 11149.
177 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie
française, JO, 13 avril 1996, p. 5724.
178 LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, D, 1983, p. 189.
179 C.E., 29 novembre 1968, Tallagrand, n° 68938, Rec. p. 607.
180 Décision n° 80-119 L du 2 décembre 1980, Nature juridique de diverses dispositions figurant au Code
général des impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, JO, 4 décembre 1980, p. 2850,
Cons. 6.
52 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

fait justement remarquer Thierry RENOUX181, raisonnant par analogie avec la liberté

d’expression et de communication182, est même tenu d’en organiser l’exercice, de

manière à l’optimiser en améliorant son effectivité, puisque la garantie d’autres

droits et libertés en dépend.

63. Il faudra toutefois attendre le milieu des années quatre-vingt-dix et c’est l’objet du

second principe écrit, suggéré par la doctrine dès la décennie précédente 183, pour voir

le Conseil constitutionnel consacrer enfin le droit au juge, en le rattachant à la

garantie des droits de l’article 16 de la Déclaration de 1789 184. Il s’agit, sans doute, à la

fois du fondement constitutionnel le plus solide et dans le même temps, le plus

évident, ce qui sera d’ailleurs confirmé par la jurisprudence du Conseil d’État 185. En

effet, la garantie des droits et libertés étant un principe de valeur constitutionnelle,

on voit difficilement comment, sans accéder au juge, les citoyens pourraient en

bénéficier de manière effective. L’article 24 de la Constitution italienne précité 186 ne

pouvait d’ailleurs s’analyser autrement. Dès lors, toute disposition qui fermerait

l’accès au prétoire porterait directement atteinte au droit que le justiciable voulait y

faire reconnaître.

181 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 316.
182 Décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la
transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, JO, 13 octobre 1984, p. 3200, Cons. 37.
183 François LUCHAIRE, dès 1987, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica, Paris,
1999, rattachait le droit au juge à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
même si le lien portait davantage sur la séparation des pouvoirs. Le président Bruno GENEVOIS,
« Un statut constitutionnel pour les étrangers », R.F.D.A., 1993, p. 882, affirme avoir « le sentiment
que le moment est proche où l'existence du contrôle juridictionnel sera érigée au rang de principe de valeur
constitutionnelle par référence à l'article 16 de la Déclaration de 1789 ».
184 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de
construction, JO, 26 janvier 1994, p. 1382, Cons. 4 ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.,
Cons. 83. Avant cette consécration explicite, deux décisions de l’année 1993, dont la première
permit la prévision du président GENEVOIS, annonçaient déjà la reconnaissance explicite du
fondement : Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc. et Décision n° 93-327 DC du 19 novembre
1993, Loi organique sur la Cour de justice de la République, JO, 23 novembre 1993, p. 16141.
185 C.E., 21 décembre 2001, Epoux Hofmann, n° 222862, Rec. p. 652, R.F.D.A., 2002, p. 176.
186 Cf supra n° 55.
L’existence du procès 53

64. Ancrée solidement dans l’idée que l’effectivité des droits fondamentaux nécessite

une protection juridictionnelle187, l’action du Conseil, en faveur de la reconnaissance

du droit d’agir en justice, est d’abord passée par la découverte d’un fondement

constitutionnel solide et pertinent. Son attachement au droit au recours juridictionnel

effectif est manifeste, il se traduit, par exemple, par l’examen d’office des voies de

droit ouvertes à un débiteur solidaire, afin de pouvoir se défendre face au

créancier188. Le Conseil constitutionnel s’est aussi efforcé d’étendre son champ

d’application, au-delà des seules sanctions ayant le caractère d’une punition 189.

Cependant, le droit au juge, comme presque tous les droits constitutionnels, n’est pas

absolu ; il supporte des limitations, qui doivent, ceci étant, rester dans de

raisonnables limites, c’est à dire ne pas porter « d'atteintes substantielles au droit des

personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction190 ». De

l’évaluation effectuée par le Conseil, sur le caractère substantiel ou non de l’atteinte

portée au droit d’agir en justice, qui constitue la ligne de partage entre la limitation

prohibée et la restriction acceptée, dépendent directement la réalité et l’effectivité du

droit constitutionnel au juge.

65. Au total, l’appréciation que l’on peut porter sur la politique jurisprudentielle du

Conseil constitutionnel, en matière de protection du droit d’agir en justice, est

nuancée. Quand l’accès au tribunal est totalement fermé, soit que le législateur n’ait

pas prévu les voies de droit idoines, soit que les conditions d’aménagement des

recours ne permettent au requérant de saisir la juridiction compétente, la sanction

conduit, le plus souvent, le juge constitutionnel à prohiber les limitations absolues du

187 CHAMPEIL-DESPLATS V. (dir.), A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme : journée d'études
du 24 novembre 2006 à Nanterre, Presses universitaires de Paris X, Nanterre, 2008 ; PLATON S., La
coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l'ordre juridique français, L.G.D.J.,
Coll. des thèses, Paris, 2008.
188 Décision n ° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C., JO, 22 janvier 2011, p. 1387.
189 Le Conseil constitutionnel a, par exemple, imposé le droit au recours juridictionnel pour contester
une mesure de police administrative dénuée de tout caractère punitif, Décision n° 2005-532 DC du
19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la
sécurité et aux contrôles frontaliers, JO, 24 janvier 2006, p. 1138, Cons. 11 et 12.
190 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.
54 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

droit constitutionnel au recours juridictionnel effectif (Section 1). En revanche, quand

les limitations du droit au recours juridictionnel ne sont que relatives, c’est à dire

quand le législateur n’a pas formellement supprimé les voies de recours, mais qu’il

les a soumises à des restrictions telles, que leur exercice est rendu très difficile, le

Conseil constitutionnel ne fait pas toujours preuve de la fermeté souhaitée. Son

acceptation est souvent exagérément conciliante, en ne censurant pas

systématiquement, ce qui s’apparente pourtant à une atteinte au droit constitutionnel

au recours juridictionnel effectif (Section 2).

Section 1 La prohibition fluctuante des limitations absolues du droit

constitutionnel au recours juridictionnel effectif

66. Les limitations totales du droit d’agir en justice, dont le Conseil constitutionnel a

eu à connaître, ont deux sources principales. D’une part, elles peuvent provenir des

conditions de recevabilité des recours. Comme il ne saurait être d’action

juridictionnelle gratuite, n’importe quel requérant ne peut agir contre n’importe quel

acte. Le droit d’accès à un tribunal rencontre alors des tempéraments, résultant des

conditions d’acceptation des requêtes, fixées par le législateur, qui sont inégalement

approuvées par le Conseil, en fonction de leur origine (§ 1.).

67. D’autre part, l’obstruction du chemin vers le prétoire peut aussi découler de

l’intervention directe du législateur, sous des formes diverses. D’un côté, le Conseil

constitutionnel a validé les dispositifs législatifs d’indemnisation des préjudices 191.

Pour le juge constitutionnel, les articulations prévues par le législateur, entre les

offres du fonds et les actions judiciaires ouvertes, ne méconnaissent pas le droit au

191 Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, JO,
24 décembre, p. 20576.
L’existence du procès 55

recours juridictionnel192. De l’autre, de manière moins ponctuelle, l’immixtion du

législateur dans le déroulement d’une instance juridictionnelle, peut également

affecter l’acte juridique en cause. Elle est alors différemment appréciée par le Conseil,

selon qu’elle est prévue ou pas, par la Constitution (§ 2.).

§ 1. Les limitations liées aux conditions de recevabilité des recours

68. Parce que le droit d'accès à un tribunal ne saurait être absolu, sous peine de

dilution des recours et d’encombrement problématique des juridictions, il est soumis

à des conditions de recevabilité. Celles-ci ne peuvent cependant pas restreindre

l’exercice du droit d’agir en justice, au point d’en affecter la substance même. Telle

est la position commune de la Cour européenne des droits de l’homme193 et du

Conseil constitutionnel194, qui exigent, tous deux, un rapport de proportionnalité

entre la restriction et l’objectif qu’elle poursuit 195. Classiquement, les conditions de

recevabilité des actions en justice peuvent être dirigées, à la fois vers le requérant,

mais aussi vers l’objet de son recours. Si ces dernières sont contestables, car elles

privent le justiciable du droit de saisir une juridiction, pour des raisons

exclusivement liées à la nature de l’acte dont il souhaite contester la légalité (A), il

apparaît au juge constitutionnel, que les conditions législatives, liées à l’intérêt pour

agir du requérant, respectent une juste mesure et semblent donc justifiées (B).

192 Idem, Cons. 44.


193 C.E.D.H., 28 mai 1985, Ashingdane c/ Royaume-Uni, requête n° 8225/78, série A, n° 93.
194 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc. ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.
195 C.E.D.H., 4 décembre 1995, Bellet c/ France, requête n° 23805/94, série A, n° 333-B, J.C.P., 1996, I,
3910, obs. FLAUSS J.-F.
56 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) Les limitations contestables relatives à l’objet du recours

69. L’injusticiabilité, partielle ou totale, de l’acte juridique applicable au litige

constitue, à n’en point douter, une des limitations du droit d’agir en justice, les plus

fréquentes mais aussi les plus contestées. Les études et controverses doctrinales

autour de la question sont nombreuses et les échanges intellectuels contradictoires,

particulièrement stimulants196. Malgré les divergences, tous les avis (ou presque)

coïncident au moins sur un point : le caractère insatisfaisant de la situation

juridictionnelle actuelle, même si le recul de l’injusticiabilité des actes de nature

politique, qu’il s’agisse des actes parlementaires197 ou des actes dits « de

Gouvernement198 », ainsi que des actes de nature administrative, telles que les

mesures d’ordre intérieur199, semble avéré200.

70. Alors qu’un pays voisin comme l’Espagne a entrepris une réforme de grande

envergure, pour mettre fin à l'immunité juridictionnelle des actes de nature

politique201, en France, rien de tel n’est intervenu pour le moment. Faute d’action

196 Cf FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement », L'esprit des
institutions, l'équilibre des pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Dalloz, Paris, 2003, p. 607 et
MELLERAY F., « En a-t-on fini avec la théorie des actes de Gouvernement ? », Renouveau du droit
constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, p. 1661.
197 C.E., Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale, n° 163328, Rec. p. 42, concl. C. BERGEAL,
G.A.J.A., 17 èd., 2009, n° 103.
198 DUEZ P., Les actes de gouvernement, Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, Reproduction en fac-similé,
Paris, 2006 ; CAPITANT R., De la nature des actes de gouvernement, Dalloz, Paris, 1964.
199 C.E., Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie, n° 107766, Rec. p. 82, concl. P. FRYDMAN, G.A.J.A.,
17 èd., 2009, n° 97. RIVERO J., Les mesures d'ordre intérieur administratives : essai sur les caractères
juridiques de la vie intérieure des services publics, Sirey, Paris, 1934 ; PÉCHILLON E., Sécurité et droit
du service public pénitentiaire, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public, Paris, 1998.
200 Cf TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », op. cit., p. 4 ; CLIQUENNOIS
M., « Variations actuelles du droit au juge », Service public, services publics, Etudes en l'honneur de
Pierre Sandevoir, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 14 ; FAVOREU L. , « Résurgence de la notion de déni
de justice et droit au juge », op. cit., p. 513. Pour un avis plus nuancé sur le recul de l’acte de
Gouvernement, MELLERAY F., « L'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement en
question », R.F.D.A., 2001, p. 1086.
201 En Espagne, l'article 2 . a) de la loi du 13 juillet 1998 sur la juridiction administrative a mis un
terme à l'immunité juridictionnelle des actes politiques, équivalents espagnols des actes de
gouvernement français. Cette disposition législative pose le principe de la compétence du juge
administratif pour contrôler certains éléments de ces actes échappant auparavant à l’office du juge,
L’existence du procès 57

législative ou de réforme constitutionnelle, le seul espoir de voir diminuer les

contentieux échappant au contrôle juridictionnel réside donc dans la démarche,

volontaire et déterminée, du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.

71. Côté Conseil d’État, la politique jurisprudentielle, menée en matière de contrôle

juridictionnel des actes de nature politique, émanant des autorités exécutives de

l’État, reste encore très effacée. En témoignent deux décisions, dans lesquelles la

Haute juridiction administrative a décliné sa compétence, l’une pour apprécier la

régularité de la nomination, par le Président de la République, d’un membre du

Conseil constitutionnel202, l’autre pour sanctionner la non-saisine de ce dernier par le

Chef de l’État203.

72. Quant au Conseil constitutionnel, même si une légère évolution, dans le sens d’un

resserrement du contrôle est perceptible, la politique jurisprudentielle suivie en la

matière reste toujours timide, freinée par l’argument généralement invoqué de sa

compétence d’attribution204. Néanmoins, quelques améliorations sont à signaler en ce

qui concerne le contrôle juridictionnel des actes de Gouvernement (1), qui laissaient

peut-être entrevoir une issue favorable, à ce que certains auteurs qualifiaient, à juste

titre, de « déni de justice205 ». Les quelques minces espoirs, qui avaient pu naître à

cette occasion, furent malheureusement déçus par une décision récente, sur question

prioritaire de constitutionalité, visant les actes internes des Assemblées

parlementaires (2).

notamment quand ils sont susceptibles d’entraîner des conséquences dommageables ou lorsqu’ils
portent atteinte aux droits fondamentaux.
202 C.E., Ass., 9 avril 1999, Mme Ba., n° 195616, Rec. p. 124, concl. F. SALAT-BAROUX ; R.D.P., 1999, p.
1573, note CAMBY J.-P.
203 C.E., Ordonnance du juge des référés, 7 novembre 2001, Tabaka, n° 239761, Rec. p. 789 ; R.D.P.,
2001, n° 6, p. 1646, note JAN P.
204 Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, JO, 16
janvier 1975, p. 671, Cons. 1 ; Décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la
ratification du traité sur l'Union européenne, JO, 25 septembre 1992, p. 13337, Cons. 1.
205 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
58 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) Le contrôle juridictionnel exceptionnel des actes de

Gouvernement

73. Les actes de Gouvernement forment une catégorie hétéroclite, sans réelle

cohérence et, dont le seul dénominateur commun est de bénéficier d’une immunité

juridictionnelle, en raison du refus du juge administratif d’en connaître206. Le Conseil

d’État a pourtant développé une théorie de la détachabilité de l’acte (de

l’environnement politique dans lequel il a été édicté), ce qui lui permet, par exemple,

de se déclarer compétent pour contrôler une décision administrative de rejet d’une

demande d'extradition207.

74. Le Doyen FAVOREU, qui doutait de l’utilité juridique de cette catégorie

disparate, pensait que l’on pouvait lui substituer avantageusement, la famille des

actes injusticiables208, qui se diviserait alors en deux sous-catégories. D’un côté, les

actes relevant « du droit constitutionnel des institutions209 », dont le contrôle serait

confié à la compétence du Conseil constitutionnel. De l’autre, les actes mettant « en

cause les droits et libertés des individus, ou d’une manière plus générale leurs intérêts 210 »,

qui seraient examinés par le juge administratif. Pour donner pleinement tous ses

effets, un tel redécoupage des compétences supposerait l’intervention du législateur.

Ce fut le cas de la réforme espagnole de 1998, qui bénéficia surtout à l’ordre

juridictionnel administratif, alors que la position de Louis FAVOREU penchait plutôt

en faveur de la compétence du juge constitutionnel, pour contrôler les actes

politiques.

206 FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement » op. cit., p. 610.
207 C.E., Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et gouverneur de la
Colonie royale de Hong-Kong, n° 142578, Rec. p. 267, R.F.D.A., 1993, p. 1179, concl. C. VIGOUROUX,
G.A.J.A., 15 èd., 2005, n° 100.
208 FAVOREU L., « Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement », op. cit., p. 615.
209 Idem, p. 616.
210 Ibidem.
L’existence du procès 59

75. En attendant qu’une telle réforme voie le jour, le Conseil constitutionnel a fait

preuve, à trois reprises au moins, d’une audace mesurée, en ne déclinant pas sa

compétence, face à des décisions qualifiées d’actes de Gouvernement par le Conseil

d’État. Tel a d’abord été le cas, à propos de trois décrets organisant la campagne

électorale préalable à un scrutin législatif211, alors que le Conseil d’État, une semaine

auparavant, s’était déclaré incompétent212. Le juge constitutionnel a ensuite examiné,

dans le cadre du contrôle de constitutionnalité au fond d’une disposition législative

litigieuse213, la régularité de deux décrets en lien avec la procédure législative suivie.

Enfin, le Conseil constitutionnel s'est reconnu compétent pour apprécier la régularité

d’actes préparatoires à un référendum214.

76. Il faut, malgré tout, relativiser quelque peu l’avancée représentée par ces trois

décisions constitutionnelles, dans la mesure où le contrôle des actes réglementaires,

constitutifs d’actes de Gouvernement, était un préalable nécessaire à l’exercice d’une

compétence imposée par la Constitution. Dans le premier cas, l'article 59 lui confie le

contrôle de la régularité de l'élection des députés et des sénateurs, mise en doute ici

sur le fondement de l’article 12, alinéa 2215, dont le requérant contestait les conditions

d’application. En conséquence, puisque c’était la régularité de l'ensemble des

opérations électorales, telles qu'elles étaient organisées par les décrets litigieux, qui

était mise en cause, le Conseil constitutionnel ne pouvait faire l’économie de

l’examen desdits décrets.

211 Décision n° 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Décision du 11 juin 1981 sur une requête de Monsieur François
DELMAS, JO, 12 juin 1981, p. 1725.
212 C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, n° 34486 ; n° 34487 ; n° 34510 ; n° 34511, Rec. p. 244. Le Conseil
d’État avait estimé « qu'il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel qui est, en vertu de l'article 59 de la
Constitution du 4 octobre 1958, juge de l'élection des députes à l'Assemblée nationale d'apprécier la légalité
des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ».
213 Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, JO, 24 août 1985,
p. 9814.
214 Décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Décision du 25 juillet 2000 sur une requête présentée par
Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE, JO, 29 juillet 2000, p. 11768.
215 « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ».
60 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

77. Dans le deuxième cas, puisque c’était l’ensemble de la procédure législative qui

était suspectée d’irrégularité, la juridiction constitutionnelle ne pouvait lever tous les

doutes la concernant, sans procéder à l’examen du texte réglementaire, portant

convocation du Parlement en session extraordinaire, durant laquelle la loi avait été

votée, ni sans vérifier la licéité du décret soumettant la loi à une nouvelle

délibération.

78. Enfin, la troisième hypothèse visait un premier décret, décidant de soumettre un

projet de révision de la Constitution au référendum, autrement dit un acte

préparatoire, que le Conseil d’État range, de longue date, dans la catégorie des actes

de Gouvernement dont il ne peut connaître216. Le litige portait également sur deux

autres décrets, l’un portant organisation du référendum et l’autre relatif à la

campagne électorale. Si le Conseil constitutionnel admet ici, pour la première fois, sa

compétence juridictionnelle pour apprécier un acte préparatoire au référendum, c’est

encore une fois parce que cette action est indispensable à l'efficacité du contrôle des

opérations référendaires, que l’article 60 de la Constitution lui confie. On ne peut

alors qu’approuver l’analyse du professeur Jean-Pierre CAMBY, quand il écrit que

« le fondement de la jurisprudence reste en effet lié à l'existence du contrôle du juge de

l'élection : le raisonnement ne peut donc, en aucun cas, être transposé à tous les actes qui sont

situés en dehors du cadre de ce contrôle contentieux217 ». En d’autres termes, dans chacune

de ces hypothèses, le Conseil constitutionnel s’est retrouvé contraint d’examiner des

actes, qualifiés habituellement d’actes « de Gouvernement », un peu malgré lui, ce

dont on ne peut que se féliciter par ailleurs. Malheureusement, cette incursion restera

exceptionnelle, sa position jurisprudentielle classique, à l’égard des actes de nature

politique, se trouvant d’ailleurs confirmée par sa jurisprudence relative aux actes

parlementaires.

216 C.E., 29 avril 1970, Comité des chômeurs de la Marne et Sieur le Gac, n° 77651 ; n° 77682, Rec. p. 279.
217 CAMBY J.-P., « Le référendum et le droit », R.D.P., 2001, p. 3.
L’existence du procès 61

2) L’acceptation discutable de l’immunité juridictionnelle des

actes parlementaires

79. Les actes internes des assemblées parlementaires constituent le deuxième îlot

d’actes juridiques, bénéficiant encore d’une forme d’immunité juridictionnelle

partielle. Totalement insusceptibles d’être contestés devant une juridiction par les

personnels des assemblées avant 1958218, l’ordonnance du 17 novembre 1958219 et plus

particulièrement son article 8 ouvrent, pour la première fois, deux voies de droit 220,

au bénéfice des agents des services des assemblées parlementaires 221. Ces

dispositions constituèrent, en leur temps, une réelle avancée, permettant dorénavant

de porter devant l’office du juge, tant les actes juridiques que les faits juridiques,

mettant en cause les services administratifs des assemblées parlementaires. Ce

progrès fut, par ailleurs, amplifié par la jurisprudence du Conseil d’État, interprétant

l’article 8 de l’ordonnance de 1958, dans un sens favorable à l’extension du contrôle

juridictionnel.

80. En effet, en 1999, le Conseil d’État étendit la compétence de la juridiction

administrative, à l’égard des actes édictés par les services des assemblées

parlementaires, à une nouvelle hypothèse, non prévue pas l’ordonnance : les litiges

218 Cette immunité ne s’appliquait pas aux actes mettant en cause des tiers. Dès 1899, le Conseil
d’État, C.E., 3 février 1899, Héritiers de Joly, Rec. p. 83, admit sa compétence pour statuer sur la
demande des héritiers de Jules de JOLY (architecte de la Chambre des députés), tendant à obtenir
le paiement d’honoraires.
219 Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires, JO, 18 novembre 1958, p. 10335.
220 La première leur permet de contester, devant la juridiction administrative, tout litige d’ordre
individuel les concernant, tandis que la seconde leur offre la possibilité d’introduire une action en
responsabilité contre l’État, en raison d’un préjudice impliquant les services des assemblées
parlementaires, devant le juge administratif ou le juge judiciaire, selon les circonstances du
dommage.
221 C’est l’affaire GIRARD, du nom du secrétaire des services de l’Assemblée nationale destinataire
d’un arrêté de radiation, signé le 6 mai 1951 par le président de la Chambre, Edouard HERRIOT,
qui est à l’origine de l’apparition de ces deux recours juridictionnels, C.E., Ass., 31 mai 1957, Sieur
Girard, Rec. p. 335.
62 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

relatifs aux décisions prises lors de la passation des marchés publics 222. Cette

progression appréciable de la juridictionnalisation des actes non législatifs des

assemblées parlementaires, obtenue grâce au recours à la notion de contrat

administratif223, aurait même pu connaître une toute autre portée, à en lire les

conclusions du Commissaire du gouvernement, Mme Catherine BERGEAL224. Cette

dernière commence par signaler certaines contradictions évidentes, liées à l’existence

de contrôles juridictionnels, dont font l’objet les actes législatifs des assemblées

parlementaires (contrôle de constitutionnalité devant le juge constitutionnel et de

conventionnalité devant le juge ordinaire), alors que, dans le même temps, tous les

actes administratifs (dont la portée n’est guère comparable) n’y sont pas soumis.

Catherine BERGEAL plaide alors pour une extension de la compétence du juge

administratif, au-delà des seuls cas circonstanciels des hypothèses de marchés

publics.

81. Son raisonnement repose essentiellement sur l’abandon du critère organique, trop

restrictif et n’ayant plus aucun fondement théorique ou historique, le Parlement

n'étant plus, sous l’empire de la Ve République, le seul pouvoir qui tire sa légitimité

du suffrage universel et donc exprimant la volonté générale. Elle propose de lui

substituer un critère matériel225, en vertu duquel tous les actes parlementaires, relatifs

à l’organisation administrative de l’assemblée, seraient des actes administratifs

relevant de la compétence du juge administratif. Le Conseil d’État ne suivra,

malheureusement pas, les préconisations de son Commissaire du gouvernement et

222 C.E., Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale préc.


223 BONNET J., « Le contrôle des marchés passés par les Assemblées parlementaires. Les
répercussions de la jurisprudence "Président de l’Assemblée nationale" (CE, Ass., 5 mars 1999) »,
Contrats publics : mélanges en l'honneur du professeur Michel Guibal, Presses de la Faculté de droit de
Montpellier, Coll. Mélanges, 2006, t. 2, p. 310.
224 BERGEAL C., « Le contrôle de la passation des marchés des assemblées parlementaires »,
Conclusions sur Conseil d'État, Assemblée, 5 mars 1999, Président de l'Assemblée nationale préc.,
R.F.D.A., 1999, p. 333.
225 Mme BERGEAL fait d’ailleurs observer que le Conseil d’État a déjà procédé à une dissociation entre
l'acte et l'autorité qui la prend, pour connaître des recours à l’encontre des actes administratifs des
personnes privées et des actes pris pour l'organisation du service public de la justice.
L’existence du procès 63

s’en tiendra à la seule extension, non négligeable cependant, de la compétence du

juge administratif, aux litiges nés à l’occasion de la passation des marchés publics,

par les services des assemblées parlementaires.

82. Craignant probablement d’autres accroissements jurisprudentiels de la

compétence du juge ordinaire, à l’égard des actes édictés par les assemblées

parlementaires, le législateur entreprit une habile démarche en 2003226, en entérinant,

dans le marbre de la loi (par l’entremise discrète de ce qui s’apparente à un cavalier

législatif), la progression prétorienne de 1999, tout en s’empressant d’affirmer le

caractère exhaustif, des hypothèses de compétences nouvellement enrichies 227. Ce

sont les thèses audacieuses de Catherine BERGEAL, qui se trouvent ainsi

législativement désapprouvées, dans un texte à la constitutionnalité incertaine, mais

malheureusement non déféré au Conseil constitutionnel, ce que certains auteurs ont

alors, à juste titre, déploré228.

83. L’introduction d’un contrôle des lois a posteriori a permis, à son tour, à la

juridiction constitutionnelle de se pencher sur la conformité de l’article 8 de

l’ordonnance du 17 novembre 1958. Le syndicat des fonctionnaires du Sénat

reprochait principalement à cette disposition, d’empêcher toute forme de

contestation, par voie d’action, d’un acte statutaire édicté par les services des

assemblées parlementaires. La question prioritaire de constitutionnalité, jugée

suffisamment sérieuse, avait atteint le prétoire du Conseil constitutionnel 229. Cela

n’avait pas été le cas pour une requête analogue, à l’initiative d’un agent public à la

226 Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation
urbaine, JO, 2 août 2003, p. 13281.
227 L’article 60 de la loi du 1er août 2003 précise, effectivement, que « la juridiction administrative est
également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics », mais
dorénavant, les instances visées par l’ordonnance « sont les seules susceptibles d'être engagées contre
une assemblée parlementaire ».
228 BON P., « Le contrôle des actes non législatifs du Parlement : toujours un déni de justice ? »,
Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 1065.
229 Décision n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du Sénat [Actes internes des
Assemblées parlementaires, JO, 14 mai 2011, p. 8401.
64 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

retraite, qui n’avait réussi à passer le filtre rigoureux du Conseil d’État230, en raison

de la possibilité offerte aux fonctionnaires, de contester les décisions administratives

les concernant, par voie d’exception, à l’occasion de litiges relatifs à leur situation

personnelle.

84. La situation était bien différente ici, aucun litige individuel ne pouvant naître de

la décision contestée, puisqu’il s’agissait du refus opposé par le secrétaire général de

la questure du Sénat, d’organiser des élections professionnelles. Pourtant, le Conseil

constitutionnel ne considéra pas, qu’une telle fermeture du prétoire du juge

ordinaire, fût contraire à la Constitution. Il est possible de le regretter, mais difficile

de s’en étonner, tant la conception que le juge constitutionnel a développée, avec

constance, du droit au recours juridictionnel, est celle d’un droit personnel. Si une

organisation syndicale peut introduire, dans le cadre d’une action de substitution, un

recours aux fins de défense des intérêts d’un salarié, c’est à la condition expresse que

ce dernier ait donné son accord et qu’il conserve la maîtrise du processus judiciaire231.

85. En dehors de la restriction de la compétence du juge administratif, aux litiges

d’ordre individuel concernant les agents des assemblées parlementaires, qui, pour le

Conseil constitutionnel, ne contrevient pas à la norme fondamentale, c’est l’article 8,

dans son ensemble, qui est jugé conforme aux droits et libertés que la Constitution

garantit232. En conséquence, pour le juge constitutionnel, la limitation de la

compétence du juge ordinaire, aux trois hypothèses litigieuses énumérées par

l’ordonnance de 1958, ne porte pas atteinte au droit des personnes intéressées

230 C.E., 24 septembre 2010, Decurey, n° 341685.


231 Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du
licenciement économique et au droit à la conversion, JO, 28 juillet 1989, p. 9503.
232 L’article 1er du dispositif de la décision précise : « L'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est conforme à la Constitution ».
Sur ce point, il est donc difficile de partager l’analyse de Jean-Pierre CAMBY, qui considère qu’il
faut limiter la portée de la décision du 13 mai 2011, aux seules questions des personnels des
assemblées parlementaires, CAMBY J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-129 QPC du 13 mai
2011, Syndicat des fonctionnaires du Sénat, L.P.A., 13 juillet 2011, n° 138, p. 12.
L’existence du procès 65

d’exercer un recours juridictionnel effectif, ce qui est beaucoup plus contestable.

L’exemple choisi par Pierre BON233 illustre parfaitement le caractère insatisfaisant de

la situation. La justiciabilité des litiges, trouvant leur source dans les contrats conclus

par les assemblées parlementaires, dépend donc directement du mode de

rémunération du cocontractant. En effet, il s’agit du critère de distinction entre une

délégation de service public et un marché public, cette seule catégorie de contrats

administratifs permettant l’ouverture d’un recours juridictionnel. L’article 8 de

l’ordonnance du 17 novembre 1958 a ainsi obtenu un label de constitutionnalité qu’il

ne méritait certainement pas.

86. La séparation des pouvoirs, comme pouvait l’écrire Catherine BERGEAL en

1999234 et contrairement aux affirmations de Jean-Pierre CAMBY235, n’est pas

pertinente ici, pour justifier l’immunité juridictionnelle dont bénéficient encore

certains actes non législatifs à contenu administratif, issus de l’activité des services

des assemblées parlementaires. Bien qu’émanant du Parlement, ils restent des actes

administratifs, dont le contrôle juridictionnel devrait relever de la compétence du

juge administratif. Ce rétrécissement des voies d’accès au tribunal, en raison de la

nature de l’acte, objet du recours, revêt aujourd’hui toutes les apparences d’un

archaïsme, constitutif d’une forme de « déni de justice », que Louis FAVOREU

dénonçait déjà, il y a près d’un demi-siècle236, et que seul, maintenant, le législateur

pourrait réparer.

233 BON P., note, Décis. Cons. const. n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du
Sénat, R.F.D.C., 2012, p. 127.
234 BERGEAL C., « Le contrôle de la passation des marchés des assemblées parlementaires », op. cit.,
p. 333.
235 CAMBY J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, op. cit., p. 12.
236 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
66 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) Les limitations justifiées relatives au requérant

87. En droit français, l’auteur d’une prétention est en droit d’agir en justice, à la

condition que l’issue de sa démarche judiciaire présente, à son égard, un intérêt

personnel. C’est ainsi que l’article 31 du Code de procédure civile subordonne le

droit d’accès au tribunal, à deux conditions principales, la qualité pour agir et

l’intérêt pour agir. L’intérêt pour agir peut donc être défini comme l’attribut du

plaideur, dont la situation juridique est susceptible d'être influencée par la règle de

droit et, qui retirera un avantage quelconque, moral ou patrimonial, de l’action en

justice. C’est un élément déterminant dans l’appréciation que porte le Conseil

constitutionnel sur le dispositif législatif, susceptible de porter atteinte au droit au

recours juridictionnel. En d’autre termes, dans la jurisprudence constitutionnelle,

celui qui n’a pas d’intérêt pour agir, ne possède pas non plus de droit subjectif à

l’ouverture d’une voie de recours, alors qu’inversement, celui qui a intérêt pour agir

doit disposer d’un recours juridictionnel, pour faire reconnaître ses droits par le juge.

En somme et la règle est d’application stricte dans la jurisprudence constitutionnelle,

l’intérêt pour agir, interprété par ailleurs rigoureusement par la Haute juridiction, est

une condition certes nécessaire (1), mais aussi suffisante (2), du droit constitutionnel

au recours juridictionnel.

1) L’intérêt pour agir, condition nécessaire du droit au recours

juridictionnel effectif

88. L'exigence, résumée par l’adage "pas d'intérêt, pas d'action", est illustrée par la

décision du 27 novembre 2001237, relative à la loi sur la couverture sociale des

237 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non
salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, JO, 1er décembre 2001,
p. 19112.
L’existence du procès 67

exploitants agricoles, contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

En vertu d’une disposition du Code rural et de la pêche maritime 238, les organismes

de mutualité sociale agricole sont chargés de classer les exploitations agricoles, dans

les différentes catégories de risques, dont la liste est établie par arrêté du ministre

chargé de l'agriculture. Ces décisions ne sont pas soumises à une obligation de

motivation et sont édictées sans procédure contradictoire. De surcroît, elles ne sont

susceptibles de recours, devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification

de l'assurance des accidents du travail, juridiction régie par l’article L143-3 du Code

de la sécurité sociale, que par les chefs d'exploitations ou d'entreprises (et l'autorité

administrative), dans la mesure où elles leur font grief, en impactant directement le

montant des cotisations qu’ils doivent acquitter239. Les auteurs de la saisine

reprochaient à l’article L752-19 du Code rural, de fermer l’accès du prétoire aux

ayants droit des chefs d’entreprises agricoles, en réservant le monopole du droit

d’agir en justice à ces derniers.

89. La réponse du juge constitutionnel est laconique, dépourvue de la moindre

démonstration explicative240, mais repose visiblement sur une conception exigeante

de l’intérêt pour agir et, plus particulièrement, sur une interprétation stricte de ses

caractères direct et personnel, mais aussi, né et actuel. Effectivement, en vertu de

l'article L752-16 du Code rural, seuls les chefs d'exploitations agricoles sont tenus de

s’acquitter des cotisations, destinées à financer le régime d'indemnisation des

accidents du travail et des maladies professionnelles, des travailleurs non-salariés

des professions agricoles. Cependant, eu égard aux écarts conséquents de

contributions assurantielles en fonction du classement, il est indéniable que

l’incidence patrimoniale en résultant, impactera nécessairement, dans le futur et par

ricochet, les légataires.

238 Article L752-12 du Code rural et de la pêche maritime.


239 Article L752-19 du Code rural et de la pêche maritime.
240 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons 37.
68 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

90. Pourtant, le Conseil constitutionnel s’en est tenu à une lecture stricte du caractère

personnel de l’intérêt pour agir, en vertu de laquelle, cette exigence signifie que

l'action doit être exercée par le titulaire du droit ou par son représentant, sauf quand

la loi permet d'agir à la place d'autrui241. Sa jurisprudence manifeste également

l'exigence d'un intérêt né et actuel, au moment où l'action est exercée, c’est à dire

qu’un simple intérêt, hypothétique ou éventuel, apparaît insuffisant pour admettre la

recevabilité du recours. C’est, semble-t-il, la position de la juridiction

constitutionnelle, qui considère qu’en réservant aux chefs d'entreprises agricoles, le

droit de contester en justice les décisions de classement, l'article L752-19 du Code

rural ne porte pas atteinte au droit au recours juridictionnel effectif des ayants droit,

car ces derniers ne sauraient retirer un avantage tangible et immédiat de l'accueil de

leur prétention. De manière corrélative, afin de répondre aux impératifs du droit

constitutionnel au recours juridictionnel effectif, la présence d’un intérêt pour agir

implique obligatoirement l’existence d’une voie de recours, à la disposition du

justiciable.

2) L’intérêt pour agir, condition suffisante du droit au recours

juridictionnel effectif

91. Dès qu’un justiciable, ayant intérêt pour agir, est mis en cause dans une

procédure juridictionnelle, il doit être informé de l’ouverture de celle-ci (a). C’est une

condition qui contribue à l’exercice effectif du droit au recours juridictionnel. Il doit

disposer, ensuite, de voies de droit adaptées, afin de faire valoir ses prétentions et de

défendre ses intérêts, sous peine de violation du droit constitutionnel au recours

juridictionnel (b).

241 Cass. Com., 8 février 2011, Sté Saint-Yves c/ Sté coopérative Capleso, pourvoi n° 09-17034, Bull. civ.,
2011, IV, n° 19.
L’existence du procès 69

a) L’information du justiciable intéressé, condition préalable

du droit au recours juridictionnel effectif

92. Un justiciable, lésé dans ses droits, doit non seulement bénéficier d’une voie de

recours juridictionnelle pour demander au juge de trancher le litige, mais doit aussi

être tenu informé de l’ouverture d’une instance le mettant en cause, qui est, dans

cette hypothèse, la condition sine qua non de la mise en œuvre d’un recours

juridictionnel effectif. En effet, les voies de recours à sa disposition ne seraient que

virtuelles, d’une certaine manière, s’il n’était pas potentiellement placé en mesure de

les actionner, pour cause de méconnaissance de son intérêt à agir. Tel est l’apport

combiné de deux décisions constitutionnelles, complémentaires et rapprochées,

rendues chacune sur question prioritaire de constitutionnalité, l’une en mai 2011 242 et

l’autre en janvier 2012243.

93. La première visait une disposition du Code de commerce, permettant au

ministère public ou au ministre de l’économie, d’introduire une action en justice.

Celle-ci, qualifiée par la Cour de cassation « d’action autonome de protection du

fonctionnement du marché et de la concurrence244 », a pour objet de faire cesser des

pratiques anticoncurrentielles, en demandant l'annulation des clauses contractuelles

illicites, à l’origine de l’infraction. La seconde, intervenue en matière de droit

douanier (lequel contribue, par ailleurs, de manière significative, à l’élaboration d’un

droit constitutionnel jurisprudentiel), concernait la procédure de confiscation des

marchandises saisies, qui permet aux autorités de poursuivre les conducteurs ou les

déclarants, sans être tenues de mettre en cause les propriétaires des biens

242 Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale et autre [Action du
ministre contre des pratiques restrictives de concurrence], JO, 13 mai 2011, p. 8400.
243 Décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B. [Confiscation de marchandises saisies en
douane], JO, 14 janvier 2012, p. 752.
244 Cass. Com, 8 juillet 2008, Société coopérative le Galec, pourvoi n° 07-16761, Bull. civ., 2008, IV, n° 143.
70 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

confisqués245. Ces derniers ne disposent pas non plus ici de l’action en

revendication246, qui permettrait, en cas de succès, d’obtenir en justice la restitution

des objets saisis.

94. Dans les deux situations, les cocontractants (l’entreprise à l’origine des clauses

irrégulières et le partenaire lésé) et le propriétaire des biens confisqués, ne sont pas

nécessairement informés de la naissance d’une action en justice affectant leurs

intérêts et se trouvent ainsi privés de la faculté d'exercer un recours effectif, contre

une mesure portant atteinte à leurs droits, alors que dans les deux cas, ils ont chacun

un intérêt pour agir, personnel et actuel. Mais les similitudes s’arrêtent là, ce qui

conduira d’ailleurs le Conseil constitutionnel à censurer les dispositions du Code

douanier247, alors qu’il validera, sous réserve, les mesures prévues par le Code de

commerce.

95. Une telle divergence jurisprudentielle, face à des situations contentieuses

présentant d’évidentes ressemblances, s’explique aisément. Dans le premier cas, les

deux cocontractants disposent chacun de voies de droit, l’un pour faire annuler les

clauses restreignant la concurrence, l’autre pour faire valoir ses moyens de défense,

comme le lui permet, par exemple, l’article 331 du Code de procédure civile. Rien de

tel dans la seconde hypothèse, dans laquelle le propriétaire dépossédé ne dispose

d’aucun recours juridictionnel effectif. Par conséquent, la réserve d’interprétation,

introduite par le juge constitutionnel dans le premier cas, qui impose aux autorités

publiques d’informer les parties au contrat de l’action introduite par le ministre, ce

245 La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà jugé cette disposition contraire à l’article
6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi
n° 99-85366, Bull. crim., 2000 n° 356, p. 1051.
246 Articles L624-9 à L624-18 et R624-13 à R624-16 du Code de Commerce.
247 La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait, de son côté, estimé le 7 juillet 2005, que ce
régime de confiscation ne portait pas atteinte au droit conventionnel à un recours effectif, Cass.
Crim., 7 juillet 2005, pourvoi n° 03-85359, Bull. crim., 2005, n° 205, p. 713. Ce ne sera pas l’avis de la
Cour européenne des droits de l’homme qui, quatre ans plus tard, rendra un verdict
diamétralement opposé, C.E.D.H., 23 juillet 2009, Bowler International Unit c/ France, requête n°
1946/06.
L’existence du procès 71

qui permet à la partie lésée de se joindre éventuellement à l'autorité publique par

voie d'intervention volontaire248, n’aurait aucun effet juridique dans la première

situation, puisque le propriétaire ne dispose d’aucune voie d’accès au tribunal.

96. En résumé, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, afin que tout

requérant puisse exercer effectivement son droit d’action en justice et qu’ainsi, la

règle de droit ne devienne ce « rouage inerte qui ne fait plus aucun travail dans le

mécanisme du droit249 », chacun doit être informé de l’introduction d’une instance

impliquant ses intérêts, afin de pouvoir y greffer, le cas échéant, une action incidente,

via le mécanisme de l’intervention. Le droit au recours juridictionnel effectif impose

aussi l’ouverture d’un chemin d’accès vers le prétoire, au bénéficie de tout justiciable

ayant intérêt à agir.

b) L’aménagement lacunaire des voies de recours, cause

d’atteinte au droit au recours juridictionnel

97. À partir du moment où une décision, administrative ou juridictionnelle, lui fait

grief, le justiciable dispose d’un intérêt pour agir à son encontre. Le législateur doit

alors prévoir et aménager expressément les voies de recours, de telle manière que le

requérant puisse accéder au juge afin que celui-ci se prononce sur le litige, sous peine

de méconnaître le droit constitutionnel au recours juridictionnel effectif. Tels sont les

enseignements majeurs qui ressortent de la jurisprudence constitutionnelle en la

matière, plus précisément de deux décisions rendues consécutivement250.

248 Articles 328 à 330 du Code de procédure civile.


249 IHERING, La lutte pour le droit, Trad. MEULANAERE, Paris, 1890, p. 54, cité par RENOUX T., « Le
droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit. , p. 312.
250 Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, M. Jean-Yves G. [Amende forfaitaire et droit au
recours], JO, 30 septembre 2010, p. 17781 ; Décision n° 2010-614 DC du 4 novembre 2010, préc.
72 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

98. Il semblerait que le Conseil constitutionnel ne sanctionne frontalement que les

altérations manifestes au droit au recours juridictionnel, c’est à dire celles qui

découlent directement de l’absence de voies de recours explicites251 et fasse preuve

d’une mansuétude contestable, quand l’impasse juridictionnelle, dans laquelle se

retrouve le justiciable, résulte d’un inextricable labyrinthe procédural252. En résumé,

le juge constitutionnel sanctionne, sans hésitation, les seules atteintes ostensibles au

droit d’agir en justice et épargne les entorses larvées, quand bien même les effets sur

la situation du justiciable seraient identiques.

99. Dans le premier cas, était en cause une mesure sui generis253 de raccompagnement,

décidée par le parquet des mineurs et issue d’un accord judiciaire passé avec la

Roumanie, permettant de reconduire, dans leur pays d’origine et à la demande des

autorités publiques, les mineurs roumains isolés sur le territoire national.

Classiquement contrôlée par le truchement de la loi autorisant la ratification de

l’accord international, qui entraîne, fort logiquement, l’examen de la convention

qu'elle a pour objet d’approuver254, cette mesure devait être annulée par le Conseil

constitutionnel, en raison de l’absence de toute possibilité de la contester devant un

juge. Aucune voie de recours n’était prévue, ni dans les stipulations de l’accord, ni

dans les règles de droit interne, lesquelles ne posent aucun principe général, en vertu

duquel les décisions du parquet seraient susceptibles de recours devant une

juridiction. Le Conseil fait donc peser des obligations constitutionnelles positives sur

le législateur, qui doit aménager expressément des voies de recours à l’intention des

justiciables intéressés. Son abstention s’apparente à une violation du droit au recours

251 Décision n° 2010-614 DC du 4 novembre 2010 préc., Cons. 5.


252 Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010 préc., Cons. 7.
253 Il ne s’agit ni véritablement d’une mesure d’assistance éducative, même si elle peut être ordonnée
par le juge des enfants, ni d’une mesure d’éloignement, au sens du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), puisque ce dernier prohibe toute mesure d’expulsion à
l’égard des mineurs étrangers (article L521-4) ou toute mesure de reconduite à la frontière (article
L511-4).
254 Décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980, Loi autorisant la ratification de la convention franco-allemande
additionnelle à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, JO, 19
juillet 1980, p. 1835, Cons. 1.
L’existence du procès 73

juridictionnel effectif, pour cause de privation abusive. Ce constat conduit

logiquement la Haute juridiction, à déclarer la loi autorisant l'approbation de l'accord

franco-roumain, contraire à la Constitution.

100. Dans le second cas, était concernée la procédure de l’amende forfaitaire et plus

particulièrement, les conditions de recevabilité des requêtes en exonération prévues

par l’article 529-10 du Code de procédure pénale255. Le titulaire du certificat

d'immatriculation du véhicule automobile, souhaitant contester la réalité de

l’infraction, doit introduire une requête en exonération, en s’acquittant d’une

consignation préalable d'un montant égal à celui de l'amende forfaitaire,

conformément aux dispositions de l’article 529-10 du Code de procédure pénale. Si

sa requête est déclarée irrecevable par le ministère public pour non respect des

formes prescrites256, il ne dispose d’aucune voie de recours contre la décision

d’irrecevabilité, laquelle emporte pour effet principal de transformer la nature

juridique de la somme consignée, en paiement de l'amende forfaitaire, en vertu de

l'article R49-18 du Code de procédure pénale257. L’action publique se retrouve alors

éteinte, sans que l’automobiliste, s’estimant injustement sanctionné, ait pu faire

étudier sa contestation par une juridiction.

101. La philosophie même qui sous-tend la procédure de l’amende forfaitaire est

d’une constitutionnalité douteuse, puisque elle repose sur une logique inversée, en

vertu de laquelle, seules les infractions contestées sont susceptibles d’être examinées

255 Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010 préc.


256 La requête en exonération n’est recevable que si elle est adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et si elle est assortie de pièces justificatives de l'événement
exonératoire invoqué : récépissé du dépôt de plainte pour vol, copie de la déclaration de cession
du véhicule ou désignation du conducteur. Qu'à défaut de ces justifications, le requérant doit
préalablement consigner une somme équivalente au montant de l'amende forfaitaire.
257 « Si la consignation n'est pas suivie d'une requête en exonération ou d'une réclamation formulée
conformément aux dispositions des articles 529-2, 529-10 et 530, elle est considérée comme valant paiement
de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée ».
74 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

par le juge pénal258. L’efficacité du système est, certes, nécessaire au désengorgement

des tribunaux répressifs, qui ne pourraient faire face à une telle masse contentieuse,

mais il est tout de même critiquable, que les procédures prévues tendent

essentiellement à décourager les requérants de bonne foi, de contester la réalité des

infractions qui leur sont reprochées. Ce dispositif avait d’ailleurs fait l’objet d’une

condamnation, tant en droit interne259, qu’en droit européen des droits de l’homme260.

102. Pourtant, la décision du juge constitutionnel se situe en-dessous des attentes.

Sans même se pencher sur le principe de la consignation préalable à la saisine d'une

juridiction, qui peut s’interpréter comme une dérogation au principe législatif de

gratuité du service public de la justice261, le Conseil déclare le dispositif de requête en

exonération contre l’amende forfaitaire, tel qu’il est prévu par l'article 529-10 du

Code de procédure pénale, conforme à la Constitution. Cependant, afin de respecter

le droit à un recours juridictionnel, le juge constitutionnel l’assortit d’une réserve

constructive : la décision du ministère public, déclarant irrecevable la requête en

exonération, doit pouvoir faire l’objet d’une contestation devant le juge de proximité.

103. Il eut été plus audacieux et surtout, plus en adéquation avec sa mission de

gardien attentif des normes constitutionnelles, d’abroger cette disposition,

manifestement contraire au droit d’accès à un tribunal. Cette décision en demi- teinte

permettra au législateur de compléter un dispositif lacunaire, qui, ainsi « rapiécé »,

satisfera aux timides exigences du Conseil constitutionnel. Une déclaration de non-

conformité totale, à l’instar de celle adressée au dispositif de raccompagnement des

mineurs roumains, à propos duquel on ne voit d’ailleurs pas en quoi il y avait lieu de

258 AYACHE G. et JOSSEAUME R., « Le code de la route à l'épreuve du juge constitutionnel », Gaz.
Pal., 13-14 avril 2011, n° 103-104, p. 8.
259 Cass. crim., 29 octobre 1997, Fevret, pourvoi n° 97-81904, Bull. crim., 1997, n° 357, p. 1208.
260 C.E.D.H., 21 mai 2002, Peltier c/ France, requête n° 32872/96.
261 Principe à valeur législative découlant de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 instituant la
gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives, JO, 31 décembre 1977,
p. 6359.
L’existence du procès 75

distinguer l’échelle de sanctions constitutionnelles, eut conduit les pouvoirs publics à

repenser un système, juridiquement et moralement, bien peu satisfaisant.

§ 2. Les limitations liées à l’intervention directe du législateur : la

ratification législative des ordonnances de l’article 38

104. Les lois de validation262 et les lois de ratification des ordonnances de l’article 38263

de la Constitution sont deux mécanismes d’intervention législative, susceptibles de

porter atteinte au droit au recours juridictionnel, en plaçant hors de portée du juge

ordinaire, des actes juridiques qui, au regard de leur nature et de leur valeur

normative, relèvent normalement de sa compétence. Néanmoins, si les deux familles

de lois emportent les mêmes effets, elles différent par leur objet et leur fondement.

105. Les premières, qui découlent d’une création législative spontanée, sans la

moindre base constitutionnelle, ont pour unique objectif d'interférer dans le

déroulement d’une instance juridictionnelle, en hissant la valeur normative d’un acte

administratif au rang législatif, dans le seul but de le mettre à l’abri d’une annulation.

Elles heurtent, certes, le droit au recours juridictionnel, mais surtout le principe de la

séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la juridiction administrative264. Les

secondes, en revanche, constituent une intervention régulière du législateur, prévue

par la Constitution et dont l’objet est simplement de restituer, à des mesures de

nature législative, intervenues temporairement sous forme réglementaire avec

l’autorisation du Parlement, leur véritable valeur normative265. Même si elles n’en

262 MATHIEU B., Les "Validations" législatives : pratique législative et jurisprudence constitutionnelle,
Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1987.
263 BOYER-MERENTIER C., Les ordonnances de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1996.
264 Elles seront donc opportunément étudiées dans ce cadre, Cf infra n° 386 et s.
265 MAUGÜÉ C., « Le contrôle des ordonnances de codification », Conclusions sur C.E., 17 mai 2002,
Hoffer et autres, R.F.D.A., 2001, p. 454.
76 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

constituent pas moins une limitation au droit d’agir en justice, celle-ci est anticipable

dès le début du processus, ce qui explique la différence d’appréciation, que le Conseil

constitutionnel peut porter à l’égard de chacune de ces deux catégories législatives.

106. Le recours au mécanisme de l’article 38 de la Constitution a connu, ces dix

dernières années, une accélération particulière, qui a souvent été dénoncée 266, facilitée

par la jurisprudence constitutionnelle, dont le contrôle sur le domaine de

l’habilitation267 , la finalité des mesures268, la notion de « programme269 » ou encore,

l’appréciation de l’urgence270, ne présente pas toutes les exigences de sévérité

espérées. Au regard du déplacement des frontières, entre le domaine de la loi et celui

du règlement engendré par le procédé, celui-ci devrait faire l’objet d’une vérification

rigoureuse. Au-delà de l’usage excessif qui en est fait, les ordonnances de l’article 38,

en raison de leur ambivalence271, constituent aussi une atteinte potentielle au droit au

recours juridictionnel, en conférant une immunité contentieuse à un acte

266 DELVOLVÉ P., « L'été des ordonnances », R.F.D.A., 2005, p. 909.


267 Le domaine de l’habilitation peut être très étendu, puisqu’il peut comprendre « toute matière qui
relève du domaine de la loi en application de son article 34 », hormis les domaines réservés par la
Constitution à la loi organique, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité
sociale, Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à
procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, JO, 22 décembre 1999,
p. 19041, Cons. 8 et 15.
268 Décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant le Gouvernement à modifier par ordonnances les
circonscriptions pour l'élection des membres de la chambre des députés du territoire Français des Afars et
des Issas, JO, 13 janvier 1976, p. 343, Cons. 2.
269 DELVOLVÉ P., « L'été des ordonnances », op. cit. Le programme visé par l'article 38 n'est ni le
programme, ni la déclaration de politique générale mentionné par l'article 49 au sujet de
l'engagement de la responsabilité du gouvernement, Décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977 préc.,
Cons. 3. Le Conseil constitutionnel admet même des habilitations portant sur des programmes très
généraux, Décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004, Loi de simplification du droit, JO, 10
décembre 2004, p. 20876, Cons. 4.
270 L’urgence est admise par le Conseil constitutionnel, notamment pour surmonter l’encombrement
de l’ordre du jour parlementaire, Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 préc., Cons. 13.
271 Les ordonnances ont initialement une nature réglementaire, tant qu’elles n’ont pas fait l’objet
d’une ratification, Décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie,
JO, 8 août 1985, p. 9125. Elles peuvent donc être contrôlées par le juge administratif, que ce soit par
la voie d'un recours pour excès de pouvoir ou par la voie de l'exception, à l'occasion de la
contestation de décisions administratives ultérieures, prises sur leur fondement, C.E., 24 novembre
1961, Fédération nationale des syndicats de police, n° 48841, Rec. p. 658.
L’existence du procès 77

administratif272, qui acquiert valeur législative après sa ratification273, ce qui le

soustrait à la compétence des juridictions administratives, tout au moins dans le

cadre du contrôle de légalité274.

107. Le Conseil constitutionnel a été confronté, pour la première fois, à cette question,

au début de l’année 2008275. Les auteurs de la saisine estimaient que la ratification de

l’ordonnance du 12 mars 2007, en lui conférant valeur législative, avait pour but de

placer hors d’atteinte du juge administratif, les recours déposés devant le Conseil

d’État à son encontre. Si le problème juridique était inédit dans la jurisprudence

constitutionnelle, son voisin du Palais Royal avait déjà été amené à se prononcer sur

une telle question, au regard des règles du procès équitable, fondées sur les

stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de

l’homme276. Tout en aboutissant à une conclusion similaire, la démarche

jurisprudentielle des deux Hautes juridictions est sensiblement différente.

108. Le Conseil d’État développe un raisonnement, dont la logique qui le sous-tend,

s’inspire de la même démarche que celle qu’il met en œuvre à propos des lois de

validation. Ce que proscrit la jurisprudence du juge administratif, c’est l’intention

malveillante de la ratification législative, qui aurait « essentiellement pour but de faire

272 MAUGÜÉ C., « Le contrôle des ordonnances de codification », op. cit., p. 454.
273 La ratification des ordonnances ne peut plus intervenir de manière implicite, depuis la loi
constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e
République, JO, 24 juillet 2008, p. 11890 (Cf article 38, alinéa 2 de la Constitution), ce qui a ainsi mis
un terme au régime jurisprudentiel de la ratification implicite, Décision n° 86-224 DC du 23 janvier
1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, JO,
25 janvier 1987, p. 924 ; C.E., 10 juillet 1972, Cie Air Inter, n° 77961 ; T.C., 19 mars 2007, Préfet de
l'Essonne c/ Cour d'appel de Paris, n° C3622.
274 Le juge administratif déclarera le recours pour excès de pouvoir irrecevable, quand il a été formé
postérieurement à la ratification législative ou prononcera un non-lieu à statuer, dans l’hypothèse
où l’action en justice a été introduite antérieurement à celle-ci, C.E., 25 janvier 1957, Sté Ets
Charlionais et Cie, Rec. p. 54.
275 Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008, Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007
relative au code du travail (partie législative), JO, 22 janvier 2008, p. 1131.
276 C.E., 17 mai 2002, Hoffer et autres, n° 232359 ; n° 233434 ; n° 233436, Rec. p. 819 ; R.F.D.A., 2002,
p. 917, concl. C. MAUGÜE.
78 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

obstacle au droit de toute personne à un procès équitable277 » et qui peut être appréciée au

regard des circonstances particulières, entourant l’adoption de la loi de ratification.

En somme, c’est le détournement de pouvoir du législateur, édictant un acte selon

des considérations étrangères à l’intérêt général, qui est condamné par la

jurisprudence administrative, après avoir recherché les motivations poursuivies.

109. Pourtant, de telles considérations ne semblent pas exactement adaptées à l’objet

même des lois de ratification. Là où les validations législatives cherchent uniquement

à placer, hors d’atteinte du juge de l’excès de pouvoir, des actes administratifs

susceptibles d’être annulés, elles sont une étape procédurale logique, prévue dès

l’habilitation et qui rétablit simplement la compétence normative du législateur,

conformément aux dispositions de l’article 34 de la Constitution. C’est ici la position

du Conseil constitutionnel, quand il affirme que « le Gouvernement, en déposant le

projet de loi ratifiant cette ordonnance, et le Parlement, en l'adoptant, se sont bornés à mettre

en œuvre les dispositions de l'article 38 de la Constitution278 ». Comme le font justement

remarquer Mattias GUYOMAR et Pierre COLLIN279, la différence de nature entre les

lois de validation et les lois de ratification, qui amène le président Daniel

LABETOULLE à écrire que les unes sont « soupçonnables » et pas les autres280, rend

inefficace et donc inutile, la recherche d’un quelconque motif d'intérêt général, fût-il

impérieux, guidant la démarche du législateur dans la phase de ratification.

110. Ce qui semble distinguer les jurisprudences, constitutionnelle et administrative,

dans l’appréciation de la conformité du processus de législation déléguée de l’article

38, au droit au recours juridictionnel, est donc cette présomption d’intention

277 Ibidem.
278 Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008 préc., Cons. 4.
279 COLLIN P. et GUYOMAR M., « Conditions auxquelles la légalité d'une ordonnance ratifiée peut être
contestée au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme », A.J.D.A., 2000,
p. 985.
280 LABETOULLE D., « Le nouveau code du travail devant le Conseil constitutionnel », A.J.D.A., 2008,
p. 851.
L’existence du procès 79

poursuivie par le législateur. Pour autant, même s’il concentre principalement son

contrôle sur le respect des procédures prescrites par l’article 38 de la Constitution, le

juge constitutionnel n’en serait, sans doute, pas moins attentif aux conditions,

notamment temporelles, présidant à l’édiction de la ratification législative. Même si

celle-ci (ainsi que le délai maximum dans lequel elle doit intervenir281) est prévisible

dès le vote de la loi d’habilitation, il n’en demeure pas moins qu’une inscription

précipitée à l'ordre du jour de l’assemblée, coïncidant avec le risque d'une annulation

judiciaire imminente, ne pourrait être interprétée que de manière douteuse, quant au

but réellement recherché.

111. Néanmoins, depuis l’introduction d’un mécanisme de contrôle a posteriori de la

constitutionnalité des lois, l’ordonnance ratifiée n’est plus totalement immunisée

contre le contrôle juridictionnel. Ses dispositions, qui sont bien au nombre de celles

visées par l'article 61-1 de la Constitution, peuvent donc faire l’objet d’une question

prioritaire de constitutionnalité282. Ce n’est pas le cas avant leur ratification283, à

l’instar des normes de nature réglementaire284, à la condition toutefois que ces

dernières soient séparables d’autres dispositions législatives, soumises à l’examen du

juge constitutionnel285. Auparavant, la seule voie juridictionnelle ouverte à l’encontre

des lois de ratification, était celle du contrôle abstrait de l’article 61, alinéa 2 286 de la

Constitution, qui n’était pas pleinement satisfaisant, en raison du caractère facultatif

de la saisine du Conseil constitutionnel.

281 L’habilitation législative doit mentionner la date à laquelle le projet de loi de ratification devra être
déposé sur le bureau de l'une des assemblées parlementaires, sous peine de caducité, C.E., 2 avril
2003, Conseil régional de Guadeloupe, n° 246748, Rec. p. 162 ; Dr. Adm., 2003, n° 163.
282 C.E., 19 février 2010, Molline et autres, n° 322407, Rec. p. 20.
283 Décision n° 2011-219 QPC du 10 février 2012, M. Patrick É. [Non lieu : ordonnance non ratifiée et
dispositions législatives non entrées en vigueur], JO, 11 février 2012, p. 2440 ; C.E., 11 mars 2011, M.
Alexandre A., n° 341658.
284 Décision n° 2011-152 QPC du 22 juillet 2011, M. Claude C. [Disposition réglementaire - Incompétence],
JO, 23 juillet 2011, p. 12655.
285 Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Société Numéricâble SAS et autre [Pouvoir de sanction de
l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes], JO, 7 juillet 2013, p. 11356.
286 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 24 et 25.
80 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

112. Cependant, la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, à

l’égard des ordonnances ratifiées, n’est pas sans poser certaines difficultés, tenant à la

mutation normative que l’ordonnance a connue. En raison de leur passé

réglementaire, le juge administratif a déjà pu apprécier leur constitutionnalité 287,

d’autant que la théorie de l’écran législatif est inopérante ici, puisque la loi

d'habilitation, ne présageant en rien du contenu futur de l'ordonnance, ne peut faire

obstacle entre cette dernière et la Constitution. Pourtant, ce premier examen de

constitutionnalité risque fort d’hypothéquer les chances de la question prioritaire

d’atteindre le prétoire du juge constitutionnel, surtout si l’issue du contrôle a été

favorable288.

113. En effet, si la disposition litigieuse de l'ordonnance, encore réglementaire, a été

jugée conforme à la Constitution, il est incertain que le juge administratif la renvoie

au Conseil constitutionnel, en prenant le risque d’une discordance de jurisprudences,

peu probable, ceci étant. Dans le cas contraire, le caractère utile du renvoi ne fait pas

de doute, puisque seul le juge constitutionnel peut annuler une disposition

législative déjà en vigueur, en raison de son inconstitutionnalité. En revanche,

l’appréciation du caractère sérieux de la question risque fort d’être déduit

automatiquement de la contrariété à la Constitution de l’ordonnance

réglementaire289. En d’autres termes, l’atteinte au droit au recours juridictionnel

effectif, inhérent voire consubstantiel, au procédé des ordonnances de l’article 38,

trouve, dans le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, un

correctif, certes lacunaire mais utile. Il contribue, en tous cas, à préserver le droit

d’accès au juge, dans une hypothèse très particulière, dans laquelle la complexité du

287 C.E., 4 novembre 1996, Association de défense des sociétés de course des hippodromes de province,
n° 177162 ; n° 177402 ; n° 177807 ; n° 178874 ; n° 179030 ; Rec. p. 427 ; C.E., 28 mars 1997, Société
Baxter, n° 179049, n° 179050, n° 179054, Rec. p. 114 ; R.F.D.A., 1997, p. 450, concl. J.-C. BONICHOT,
note MÉLIN-SOUCRAMANIEN F.
288 JENNEQUIN A., « La question prioritaire de constitutionnalité à l'épreuve des ordonnances »,
A.J.D.A., 2010, p. 2300.
289 Ibidem.
L’existence du procès 81

régime juridique de l’acte litigieux rendait, avant son apparition, le contrôle

juridictionnel souvent délicat.

Section 2 L’acceptation conciliante des limitations relatives du droit

constitutionnel au recours juridictionnel effectif

114. Les limitations relatives du droit au recours juridictionnel effectif peuvent

revêtir deux formes principales, d’inégale intensité. En droit, d’abord, les difficultés

rencontrées par le justiciable, désireux de soumettre un litige à l’appréciation du

juge, peuvent constituer des obstacles difficilement franchissables, s’apparentant

parfois, sans que le Conseil constitutionnel ne l’évalue ainsi, à des restrictions

absolues (§ 1.). En fait, ensuite, moins dissuasives sans doute, principalement en

raison de la mise en place d’un système d'aide juridictionnelle, les limitations

financières n’en demeurent pas moins réelles et surtout, juridiquement critiquables

(§ 2.).

§ 1. Les limitations juridiques

115. Les obstacles juridiques, dont le Conseil constitutionnel dut apprécier s’ils

constituaient des « atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un

recours effectif devant une juridiction290 », se répartissent en trois catégories distinctes.

En premier lieu, ce sont parfois les conditions de délais de recours et, notamment, la

computation de ces derniers, qui portent atteinte au droit de saisir une juridiction

(A). En deuxième lieu, l’obstacle peut prendre des formes plus insidieuses, car

indirectes, par le biais du droit substantiel, dont le justiciable veut obtenir le bénéfice

devant un tribunal, ce qui est particulièrement prégnant en droit de la responsabilité

290 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.


82 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

délictuelle (B). Enfin, en troisième lieu, c’est l’architecture même des voies

contentieuses, dédale parfois délicat à parcourir, en raison, entre autres, de

l’articulation des recours juridictionnels avec les modes alternatifs de règlement des

litiges, qui peut représenter une sérieuse difficulté sur le chemin du juge (C). Dans

chacune des ces trois hypothèses, on peut regretter que le Conseil constitutionnel

n’ait pas toujours identifié un obstacle dirimant dressé devant le requérant, formant

souvent une entrave substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif.

A) Les limitations liées aux délais de recours

116. En vertu d’une jurisprudence administrative ancienne, l'intérêt général implique

que les situations juridiques ne puissent être perpétuellement remises en question 291.

Il en résulte une des caractéristiques essentielles du contentieux des actes

administratifs : la recevabilité des recours est, en principe, subordonnée au respect

d’un délai de procédure. Cette exigence d’une limitation temporelle, à l'intérieur de

laquelle doit être exercée la requête contentieuse, est destinée à « assurer la stabilité des

situations de droit résultant des décisions administratives292 ». L’un des objectifs visés est

aussi d’éviter qu’un doute ne pèse indéfiniment sur la légalité des décisions de

l’administration. C'est la raison pour laquelle, les délais de recours juridictionnels ont

été progressivement raccourcis, au cours des deux siècles précédents293. Cependant,

afin d’adoucir la rigueur de ces règles de forclusion, certaines mesures ont été

édictées par les pouvoirs publics, pour améliorer la sécurité des justiciables, que la

brièveté des délais pour agir en justice pourrait pénaliser. Ainsi, en vertu de l’article

R421-5 du Code de justice administrative, le délai ne commence à courir, à l’encontre

291 C.E., 20 mars 1862, Ville de Châlons-sur-Marne c/ Navarre, Rec. p. 236.


292 DONNEDIEU DE VABRES J., Conclusions sur C.E., 28 mars 1952, Martin, Piteau et Lhuilier, R.D.P.,
1952, p. 498.
293 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13e éd., Montchrestien, Coll. Domat droit public,
Paris, 2008, p. 597 et s.
L’existence du procès 83

du destinataire d’une décision individuelle, que si la notification qui lui est adressée

indique le laps de temps dont il dispose pour introduire l’action en justice, ainsi que

les voies de recours qui lui sont offertes.

117. La portée de ces règles est déterminante, puisqu’à l'expiration du délai de

contestation, l’action en justice est forclose, l’acte administratif devient définitif,

même si aucune garantie ne permet de s’assurer de sa légalité. Néanmoins, il est

toujours possible d’invoquer l’illégalité d’une décision administrative réglementaire,

à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir exercé contre un acte d’application,

pris sur son fondement294. Dans ce cas précis, le mécanisme de l’exception d'illégalité

perpétuelle, invoqué à l’encontre du règlement administratif, met en œuvre le

principe de légalité administrative, garanti par un principe fondamental reconnu par

les lois de la République295. Ce faisant, il entre en conflit avec le principe de sécurité

juridique, qui découle ici de l'intangibilité des actes administratifs devenus

définitifs296. Autrement dit, la possibilité d’invoquer, à tout moment, par voie

d’exception, l’illégalité du règlement administratif devenu définitif, à l’appui d’une

réclamation contentieuse dirigée contre une autre décision, induit inéluctablement

un risque d'instabilité juridique, particulièrement préjudiciable dans certains

domaines.

118. C’est la raison pour laquelle, le législateur s’est parfois efforcé de limiter, sous le

regard du Conseil constitutionnel, les effets de cette technique, en enserrant dans des

délais, la possibilité d’invoquer une exception d’illégalité à l’encontre d’un acte

réglementaire. La Haute juridiction dut alors apprécier si, au nom de la sécurité

juridique, la limitation apportée par la loi au droit d’agir en justice, à l’encontre d’un

acte administratif, était restée dans de raisonnables proportions. Il se trouva

294 C.E., 29 mai 1908, Poulin, Rec. p. 580 ; C.E., 2 avril 1909, Moreau et Pérot, Rec. p. 376.
295 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15, Cf infra n° 412 et s.
296 Cf MOLFESSIS N., obs., Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Justices, 1997, p. 250.
84 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

confronté à cette situation, à deux reprises 297, qui lui fournirent l’occasion d’ancrer

solidement sa jurisprudence sur le droit au recours juridictionnel effectif.

119. En matière d’urbanisme d’abord298, l’annulation d’une décision individuelle,

prise sur le fondement d’un règlement, parfois ancien, en raison de l’inobservation

d’une exigence strictement formelle d’un document d'urbanisme, peut entraîner des

conséquences très dommageables299. Le rapport LABETOULLE, élaboré à la demande

du gouvernement300, avait mis en évidence, dans ce domaine d’activités, les risques

d’instabilité juridique provoqués par les normes en vigueur, ainsi que la complexité

des procédures de recours, qui conduisit la Cour européenne des droits de l’homme

à condamner la France301.

120. Le législateur est donc intervenu302 pour poser le principe selon lequel, à

l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet d'un document

d'urbanisme, les illégalités externes les moins graves303 ne peuvent plus être

invoquées par voie d'exception. L’idée directrice est que le permis de construire ou

l’autorisation de bâtir ne constituent pas, à proprement parler, des décisions

d’application des plans d’urbanisme, au vu desquels ils sont délivrés. Cette

restriction de la jurisprudence Poulin ne porte, toutefois, pas atteinte à la « doctrine »

297 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc. ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.
298 NICOUD F., Du contentieux administratif de l'urbanisme : étude visant à préciser la fonction du
contentieux de l'urbanisme dans l'évolution du droit du contentieux administratif général, P.U.A.M., Coll.
Centre de recherches administratives, Aix-en-Provence, 2006.
299 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., note, Décis. Cons. const. n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, R.F.D.C.,
1994, p. 368.
300 L'urbanisme : pour un droit plus efficace, Les études du Conseil d'État, La Documentation française,
1992.
301 C.E.D.H., 16 décembre 1992, Geouffre de la Pradelle c/ France, requête n° 12964/87, série A, n° 253-B,
D, 1993, p. 561, note BENOIT-ROHMER F.-L.
302 Article L600-1 du Code de l’urbanisme.
303 Ce principe ne vaut pas pour ce que le Conseil constitutionnel désigne comme les « vices de forme
ou de procédure substantiels », Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc., Cons. 4.
L’existence du procès 85

Alitalia304, selon laquelle l’administration est tenue d'abroger les actes réglementaires

devenus illégaux (ou sans objet305), à la suite d'un changement de circonstances306, ou

dès leur signature. L’administré pourra donc continuer de demander à

l’administration d’abroger le règlement illégal, quel que soit le moment de la

survenance de cette illégalité et d’introduire un recours pour excès de pouvoir, en cas

de décision de refus307. Au regard de ces considérations et de la délimitation du

champ d’application matériel de la restriction de l’exception d’illégalité, aux seuls

actes d’urbanisme, justifiée de surcroît par l’importance quantitative des

contestations fondées sur ces moyens308, le Conseil constitutionnel estime que la

disposition litigieuse ne porte pas d'atteinte substantielle au droit d’agir en justice. Il

en ira différemment, deux ans plus tard, quand le législateur souhaitera apporter une

autre dérogation à la jurisprudence Poulin.

121. La mesure législative concernée limitait à un délai de quatre mois, suivant la

publication des délibérations de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ou

de sa commission permanente, l’introduction des recours pour excès de pouvoir

contre les actes d’application de ces délibérations, quand il est reproché à celles-ci de

ne pas avoir respecté la répartition des compétences normatives entre l'État, le

territoire et les communes309. Contrairement à la solution posée par la décision de

1994, le Conseil constitutionnel voit, dans cette restriction de l’exception d’illégalité,

une violation substantielle du droit de saisir une juridiction, qui ne saurait être

justifiée par l’atteinte à la sécurité juridique, découlant de l’excès de recours.

L’argument est cependant réversible, car si un excès de recours peut effectivement

304 C.E., Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, Rec. p. 44 ; R.F.D.A., 1989, p. 391, concl.
N. CHAÏD NOURAÏ.
305 Précision apportée par l’article 1er de la loi n° 2007-1787 relative à la simplification du droit du 20
décembre 2007, qui « codifie » la jurisprudence Alitalia.
306 C.E., 10 janvier 1930, Despujol, n° 97263, Rec. p. 30, G.A.J.A., 17 èd., 2009, n° 42.
307 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc., Cons. 4.
308 Me Patrick HOCREITERE estime que 60 % des requêtes concernent les seuls vices de forme,
HOCREITERE P., « Le juge constitutionnel et la loi du 9 février 1994 », R.F.D.A., 1995, p. 7.
309 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc.
86 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

entraîner une instabilité juridique, à l’inverse, la privation de tout accès au juge ne

permet pas de supprimer de l’ordonnancement juridique, un acte dont l’illégalité est

avérée310.

122. Outre la consécration constitutionnelle du droit d’agir en justice, sur le

fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789311, la confrontation de ces deux

jurisprudences est riche d’enseignements, car elle permet de mieux cerner les

contours de l’atteinte substantielle au droit d’accès à un tribunal, tel que le juge

constitutionnel l’envisage. La différence majeure entre les deux situations réside dans

l’origine de la forclusion. Dans l’hypothèse concernant les décisions de l'assemblée

polynésienne, la privation de contestation juridictionnelle ne découle pas du

comportement du plaideur et de sa réaction tardive, mais résulte uniquement de

l’attitude de l’autorité normative à l’origine de l’acte312. Il suffirait, comme le fait

remarquer François LUCHAIRE313, que les pouvoirs publics polynésiens

s’abstiennent de faire application des délibérations de leur assemblée pendant quatre

mois, pour les rendre insusceptibles de toute réclamation contentieuse, quand est

opposée l’incompétence de l’auteur de l’acte. Cette limitation était d’autant plus

inacceptable que l’incompétence normative, quelle qu’en soit la raison, est le vice le

plus grave qui puisse affecter la légalité d’une décision administrative, ce qui justifie

que le juge en fasse un moyen d’ordre public314.

123. Cette hypothèse de censure, la première, chronologiquement, sur le fondement

de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est néanmoins

trop manifeste, pour apprécier toute l’étendue de la garantie constitutionnelle

accordée au droit d’accès au juge. Il eut été inconcevable que le Conseil

310 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.F.D.C., 1996, p. 596.
311 Cf supra n° 63.
312 Cf RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, op. cit.
313 LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.D.P., 1996, p. 971.
314 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 84.
L’existence du procès 87

constitutionnel épargnât une disposition, laissant le requérant totalement démuni,

dans une configuration d’illégalité grave et manifeste. Le cadre juridique, tracé par le

Conseil constitutionnel, ne permet d’ailleurs pas de garantir totalement l’effectivité

du droit de saisir un tribunal, puisqu’il ne censure que les violations substantielles,

qui, de toute évidence, nécessitent une atteinte sérieuse au droit d’agir en justice,

pour être caractérisées. Ce constat est d’ailleurs confirmé, quand la limitation

juridique du droit au juge résulte directement du fond du droit substantiel, sur

lequel porte le recours juridictionnel.

B) Les limitations liées au fond du droit

124. La limitation des voies d’accès au juge peut parfois emprunter des chemins

détournés, ce qui rend l’évaluation des atteintes au droit d’agir en justice plus

délicate à apprécier. C’est notamment le cas des dispositions législatives, qui

subordonnent l’exercice d’une voie de recours juridictionnel à des circonstances

particulières ou qui en limitent la portée. En la matière, le droit de la responsabilité

offre des exemples tout à fait significatifs de restrictions indirectes de la saisine d’une

juridiction, par l’entremise de conditions exigeantes d’obtention de la réparation des

préjudices subis, qui ne sont, par ailleurs, pas toujours intégralement indemnisés. Les

règles litigieuses portent d’abord atteinte au principe de responsabilité, fondé sur

l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, transcription

constitutionnelle des règles issues de l’article 1382 du Code civil 315, puis, par ricochet,

au droit de saisir une juridiction, ce second grief n’étant que la conséquence logique

du premier. La jurisprudence constitutionnelle n’offre pas, sur ces questions, toutes

les garanties souhaitées, en validant des dispositifs qui soumettent les actions

315 Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, JO, 16 novembre
1999, p. 16962, Cons. 70.
88 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

juridictionnelles à des restrictions excessives, ne permettant plus de dédommager

correctement les victimes.

125. Le Conseil constitutionnel admet que « le législateur aménage, pour un motif

d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée 316 », mais

les restrictions qui en résultent ne doivent pas constituer « une atteinte disproportionnée

aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui

découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789317 ». Quand le droit d’accès à un tribunal

est limité par le régime juridique de la responsabilité délictuelle, la juridiction

constitutionnelle soumet la validité de la mesure à la réunion de deux critères

cumulatifs.

126. En premier lieu, la responsabilité de l’auteur du dommage doit seulement être

atténuée, mais pas totalement supprimée. Tel était le cas dans la décision du 22

octobre 1982, dans laquelle, les victimes d'actes fautifs, mêmes graves, subis à

l'occasion d'un conflit du travail, dès lors que ces dommages se rattachaient, fût-ce de

façon très indirecte, à l'exercice du droit de grève ou du droit syndical et qu'ils ne

procédaient pas d'une infraction pénale, se retrouvaient sans aucun moyen

d’introduire une action en réparation318. De manière plus nuancée, la responsabilité

des établissements bancaires, ayant consenti un prêt à une entreprise en difficulté, ne

peut être engagée qu’en cas « de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du

débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à

ceux-ci319 », celle des professionnels de santé, n’ayant pas décelé le handicap d’un

enfant lors des examens prénataux, qu’en cas de faute caractérisée320 et celle des

316 Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005 préc., Cons. 10 ; Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010
préc., Cons. 11 ; Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 préc., Cons. 10.
317 Ibidem.
318 Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982 préc.
319 Article L650-1 du Code de commerce.
320 Article 1er, paragraphe I, de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, JO, 5 mars 2002, p. 4118.
L’existence du procès 89

employeurs, à l’origine d’un accident du travail, qu’à la condition d’avoir commis

une faute inexcusable321. En outre, dans ces deux dernières hypothèses, l’intégralité

du dommage n’est pas indemnisé, puisque sont exclus de la réparation, le préjudice

résultant des charges du handicap322, dans le premier cas et tous les préjudices qui ne

sont pas mentionnés par l'article L452-3 du Code de la sécurité sociale, dans le

second323. En résumé, la limitation de responsabilité résulte à la fois du durcissement

des conditions de sa mise en jeu, mais aussi de la portée de l’action en justice, c’est à

dire du bénéfice que le requérant peut en retirer. Sur l’un et l’autre de ces deux

points, la position du juge constitutionnel n’emporte pas l’adhésion.

127. D’une part, concernant les caractères exigés de la faute commise par le

responsable du dommage, la nécessité d’une faute qualifiée ne rend pas la mise en

œuvre de la responsabilité de l’auteur du préjudice particulièrement aisée. Dans la

décision de 2005, l’exonération de responsabilité est presque absolue, tant les

hypothèses expressément visées par l'article L650-1 du Code de commerce ont, dans

le cas de la fraude, un champ d'application fort réduit et pour ce qui est de

l’immixtion dans la gestion du débiteur, une probabilité assez faible d’être rencontrée

en jurisprudence. Le cas de la faute caractérisée, exigée pour engager une action en

responsabilité du médecin, est encore plus délicate à manier. Certes, ce n’était pas

une notion totalement nouvelle, puisqu'elle avait fait son apparition avec la loi du 10

juillet 2000324, mais il était difficile de préciser son contenu et son positionnement

exact sur l’échelle de gravité des manquements à des devoirs préétablis. La décision

321 Article L452-1 du Code de la sécurité sociale.


322 Article 1er, paragraphe I, de la loi n° 2002-303 préc.
323 « Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le
droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par
les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que
celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion
professionnelle [...] ».
324 Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, JO,
11 juillet 2000, p. 10484, Article 1er, alinéa 3.
90 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

constitutionnelle de 2010325 indique qu’elle se distingue de la faute lourde, qui n’est

d’ailleurs plus exigée par la jurisprudence administrative en matière de

responsabilité hospitalière326, mais aussi de la faute simple, sur le terrain de la

preuve. Quant à la faute inexcusable de l’employeur, elle a été assouplie par la

jurisprudence judiciaire, depuis l’arrêt Veuve Villa327. Il n’est plus nécessaire

aujourd’hui qu’elle soit la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, mais

un lien de causalité reste néanmoins une condition essentielle de mise en jeu de la

responsabilité328.

128. D’autre part, pour ce qui est de la limitation des préjudices indemnisables, la loi

dite « anti-Perruche » est particulièrement restrictive, puisqu’elle exclut les charges

spécifiques découlant du handicap de l'enfant tout au long de sa vie 329, qui

représentent, dans la plupart des cas, une partie très importante de l’indemnisation, à

laquelle les parents auraient pu raisonnablement prétendre. Même si certains juges

de la réparation pécuniaire accordent parfois, pour compenser, une indemnité

surévaluée au titre du préjudice moral et des troubles apportés aux conditions

d'existence, il n’en demeure pas moins que cette restriction de l’indemnisation

n’aurait pas du être validée par le Conseil constitutionnel, tant elle limite

considérablement la portée du recours juridictionnel. Cette décision est d’autant plus

surprenante, qu’à l’inverse, une semaine plus tard, grâce à une réserve

325 Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 préc., Cons. 12.


326 C.E., Ass., 10 avril 1992, Epoux V, n° 79027, Rec. p. 171.
327 Cass. Ch. réunies, 15 juillet 1941, Dame veuve Villa c/ la Compagnie d’Assurances Générales, pourvoi
n° 00-26836. La faute inexcusable de l’employeur devait être « d’une gravité exceptionnelle, dérivant
d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de
l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute
intentionnelle ».
328 Cass. soc., 31 octobre 2002, pourvoi n° 00-18359, Bull. civ., 2002, V, n° 336, p. 324.
329 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
préc.
L’existence du procès 91

d’interprétation330, la Haute juridiction supprimera le caractère exhaustif de la liste

énumérative des préjudices indemnisables suite à un accident du travail 331.

129. En second lieu, la gravité de l’atteinte au droit d’obtenir en justice, réparation

d’un préjudice subi, doit respecter un rapport de proportionnalité avec le motif

d’intérêt général, nécessaire pour justifier l’atténuation de la responsabilité. Sur cette

question, le contrôle exercé par le juge constitutionnel n’est pas totalement

satisfaisant.

130. D’abord, il n’est pas toujours évident que l’objectif, avancé par le législateur et

accepté par le Conseil constitutionnel, concerne véritablement l’intérêt général. Ainsi,

exclure des préjudices indemnisables, les charges pécuniaires résultant du handicap

de l'enfant né avec une malformation, permet sans doute aux professionnels de santé,

de souscrire plus facilement une assurance dans des conditions économiquement

acceptables332. Mais s’agit-il là d’un motif d’intérêt général, ou plutôt d’un objectif

visant les seuls intérêts particuliers d’une profession ?

131. Surtout, le contrôle de proportionnalité mis en œuvre par le juge constitutionnel

semble bien lacunaire333, tant l’ampleur de l’atteinte à un droit aussi essentiel que

celui d’agir en justice, par le truchement du principe de responsabilité, ne paraît pas

toujours justifié. Au stade même de l’adéquation, il est fort douteux que les

330 Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 préc., Cons. 18.


331 Article L452-3 du Code de la sécurité sociale.
332 Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 préc., Cons. 15.
333 Sur l’ensemble de la question, Cf PHILIPPE X., Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudence
constitutionnelle et administrative française, Economica/P.U.A.M., Coll. Science et droit administratif,
Paris, Aix-en-Provence, 1990 ; XYNOPOULOS G., Le contrôle de proportionnalité dans le contentieux de
la constitutionnalité et de la légalité : France, Allemagne et Angleterre, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
droit public, Paris, 1995 ; GOESEL-LE BIHAN V., « Réflexion iconoclaste sur le contrôle de
proportionnalité exercé par le Conseil Constitutionnel », R.F.D.C., 1997, p. 227 ; « Le contrôle
exercé par le Conseil Constitutionnel : défense et illustration d'une théorie générale », R.F.D.C.,
2001, p. 67 ; « Le contrôle de proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel :
figures récentes », R.F.D.C., 2007, p. 269 ; « Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil
constitutionnel », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 22, p. 141.
92 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

dispositifs contrôlés soient susceptibles d’atteindre l’objectif fixé. Limiter à trois

comportements, exhaustivement énumérés, les situations dans lesquelles la

responsabilité des établissements bancaires pourrait être engagée, en raison des prêts

accordés aux agents économiques, permet-il vraiment de faciliter le financement des

entreprises en difficulté ? Cela semble peu probable334. Si tant est que la

jurisprudence judiciaire ait entraîné un frein au crédit 335, une limitation légale de la

responsabilité des établissements bancaires ne suffira guère à vaincre leur frilosité à

consentir des prêts à des entreprises fragilisées, tant il existe d’autres paramètres

économiques qui influent sur leurs choix. De la même façon, eu égard au nombre,

heureusement réduit, des enfants concernés par la loi « Kouchner » de 2002,

l’exclusion des charges supplémentaires inhérentes à leur handicap, ne permet pas

de réaliser des économies telles, qu’elles tendraient ainsi à garantir l'équilibre

financier et la bonne organisation du système de santé336.

132. Quant au contrôle de la nécessité d'une mesure, tel qu'il a été défini par la

jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande 337 et qui consiste à s'assurer

qu'elle ne soit pas plus restrictive que ne l'exige l'objectif poursuivi, il n’est pas mis

en œuvre par le Conseil. Ce dernier, estimant que la Constitution ne lui confère pas

« un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du

Parlement338 », ne s’assure pas qu'entre plusieurs moyens possibles, a bien été choisi

celui qui, tout en atteignant le but visé, porte l'atteinte la moins grave aux droits

fondamentaux.

334 Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005 préc., Cons. 12.


335 Cass. Com., 22 mars 2005, Crédit industriel de l'Ouest, pourvoi n° 03-12922, Bull. civ., 2005, IV, n° 67,
p. 70.
336 Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 préc., Cons. 15.
337 La décision de référence en la matière est celle dite « des Pharmacies », rendue par la Cour
Constitutionnelle fédérale allemande, le 11 juin 1958.
338 Idem, Cons. 4.
L’existence du procès 93

133. La jurisprudence constitutionnelle, sur l’examen des dispositifs législatifs

restreignant indirectement le droit d’accès à un tribunal, par le biais d’une limitation

du principe de responsabilité, est topique du positionnement du Conseil

constitutionnel sur les limitations relatives du droit d’agir en justice. Le législateur

peut ne pas formellement supprimer les voies de recours, il n’en demeure pas moins

que certaines restrictions emportent des effets qui s’y apparentent. On peut regretter

que le Conseil constitutionnel n’assimile pas les deux formes de limitations et ne se

montre pas plus sévère à l’égard de dispositions législatives, rendant difficile la

réparation équitable des préjudices subis. La restriction du droit de saisir une

juridiction peut prendre aussi des formes plus structurelles, quand c’est l’architecture

contentieuse, en raison d’une organisation parfois complexe, qui ne permet pas

toujours d’accéder aisément au juge compétent.

C) Les limitations liées à l’architecture contentieuse

134. L’architecture contentieuse française comporte deux subdivisions majeures.

D’une part, la priorité accordée au juge n’exclut pas le recours à d’autres modes, non

juridictionnels, de règlement des litiges, qui occupent une place de plus en plus

importante en droit processuel. Ces contestations, en marge du juge, peuvent parfois

sérieusement compliquer le parcours procédural du justiciable, quand ils deviennent

une condition de la recevabilité ultérieure du recours juridictionnel (1). D’autre part,

en vertu du principe de séparation des autorités, administrative et judiciaire, la

France connaît deux ordres de juridictions, dont l’identification des compétences

n’est pas toujours de nature à faciliter l’exercice du droit d’agir en justice (2).
94 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) Les limitations relatives à l’articulation des recours

administratifs et juridictionnels

135. Le Conseil constitutionnel s’est retrouvé confronté, à plusieurs reprises 339, à une

contestation portant sur l'obligation faite au justiciable, d’introduire un recours

administratif préalable, avant toute action devant le juge, sous peine d’irrecevabilité.

Sa position sur la question est claire : l’exigence d'une procédure, subordonnant le

traitement juridictionnel des litiges, à l'examen d'une réclamation, par l'autorité

administrative à l’origine de la décision contestée, ne contrevient pas au droit

constitutionnel au recours juridictionnel340. La réponse du juge constitutionnel n’est

guère surprenante en soi, tant les recours administratifs préalables s’inscrivent dans

une forme de tradition juridique nationale341, que le Conseil est souvent soucieux de

préserver. Elle n’en demeure pas moins discutable, l’efficacité supposée du

mécanisme restant encore à démontrer et surtout, ses inconvénients potentiels sur

l’action juridictionnelle future, en cas d’échec de la phase précontentieuse, à ne pas

négliger.

136. La priorité accordée au juge, qui reste le lieu naturel de règlement des

contentieux, dans la jurisprudence constitutionnelle, n’exclut pas la prise en

considération d’autres voies, non juridictionnelles, de résolution des litiges. Celles-ci

occupent d’ailleurs une place quantitative croissante en droit interne, essentiellement

339 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988, Nature juridique des deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi
n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public, JO, 13 mars 1988, p. 3392 ; Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité, JO, 21 janvier 1995, p. 1154 ; Décision n° 2000-
437 DC du 19 décembre 2000 préc. ; Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la
maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, JO, 27 novembre 2003,
p. 20154.
340 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988 préc., Cons. 6 ; Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995
préc., Cons. 9 ; Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 préc., Cons. 44 ; Décision n° 2003-484
DC du 20 novembre 2003 préc., Cons. 19.
341 Sur l’ensemble de la question, BRISSON J.-F., Les recours administratifs en droit public français,
contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
droit public, Paris, 1996.
L’existence du procès 95

en raison de l’encombrement des juridictions, auquel elle sont supposées remédier.

Le recours administratif préalable transforme, en quelque sorte, l’administration en

une « chambre des requêtes », jouant un rôle de filtre du contentieux, en réglant les

recours qui, eu égard à la teneur du litige, ne nécessitent pas la saisine d’une

juridiction. Néanmoins, il est évident qu’en cas d’issue défavorable, le recours

administratif préalable devient une cause arithmétique de retard dans l’accès au

prétoire. Pour l’appréciation du délai raisonnable de jugement, la Cour européenne

des droits de l’homme prend d’ailleurs en compte la totalité de la procédure, c’est à

dire en intégrant les recours administratifs préalables, qu’elle ne considère pas

comme détachables de l’ensemble du processus contentieux342.

137. En somme, ces voies préjuridictionnelles de règlements des litiges essaient

d’imposer une tentative de conciliation préalable dans des contentieux de masse, afin

d’éviter, dans la mesure du possible, des procès inutiles343. Quand ces derniers

surviennent malgré tout, les contours du litige sont déjà en partie tracés, puisque le

recours contentieux doit avoir le même objet que le recours administratif préalable.

En revanche, si les conclusions doivent rester inchangées, depuis 2007, la requête

contentieuse peut être fondée sur des moyens nouveaux344. Cela évite de figer le

cadre contentieux, dès la phase administrative et permet ainsi aux requérants de

compléter, devant le juge, les éléments de fait ou de droit, destinés à le convaincre du

bien-fondé de leurs prétentions. Ces différents avantages ont probablement

convaincu le juge constitutionnel, à considérer que les recours administratifs

préalables ne portaient pas atteinte au droit d’agir en justice des administrés 345. Il

342 C.E.D.H., 6 mai 2004, OGIS Institut Stanislas et autres c/ France, requêtes n° 42219/98 et 54563/00.
343 C’est un système qui donne des résultats satisfaisants en matière fiscale, par exemple, où les
réclamations préalables, devant les directions des centres des impôts, règlent près de quatre-vingts
pour cent des litiges. Cependant, ce type de performance n’est certainement pas généralisable,
puisque c’est la nature particulière du contentieux fiscal qui explique cette performance, en raison
de la possibilité offerte à l’administration fiscale de transiger, ce qui n’est pas possible dans le
contentieux de la légalité.
344 C.E., 21 mars 2007, Garnier, n° 284586, Rec. p. 128.
345 Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988 préc., Cons. 6.
96 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

s’agit manifestement d’une affirmation un peu hâtive, qui passe sous silence les

contraintes contentieuses, liées à l’imposition d’un recours administratif,

préalablement à l’action en justice.

138. En premier lieu, le recours administratif préalable n’offre pas toutes les garanties

de sécurité juridique espérées. En effet, l’autorité administrative, saisie d’un recours

préalable obligatoire, statue à la date à laquelle elle se prononce et non, comme il est

d’usage devant le juge, au moment où la décision contestée a été prise 346. Le

justiciable peut se voir ainsi opposer une règle de droit, qui n’était pas encore entrée

en application au moment de l’édiction de la décision litigieuse.

139. En deuxième lieu, le mécanisme du recours administratif peut induire un certain

nombre de difficultés contentieuses, susceptibles de provoquer l’irrecevabilité du

litige devant un tribunal. Le justiciable n’est pas toujours suffisamment informé de

l’obligation d’introduire une contestation devant l’administration, sous peine de rejet

du recours juridictionnel. Si le juge administratif a tenté d’imposer cette information

dans la notification de la décision347, il n’en a pas tiré toutes les conséquences,

puisque même en cas d’inobservation de cette mention, pourtant obligatoire 348, il

maintient l’irrecevabilité de l’action en justice349. Le requérant peut aussi se

méprendre sur l’identité de la décision à contester devant le juge. En effet, la décision

prise suite à un recours hiérarchique se substitue à l’acte administratif initial 350 et sera

donc la seule susceptible d’être contestée, dans le cadre d’un recours juridictionnel.

Ce mécanisme de substitution expose le justiciable à une décision d’irrecevabilité de

346 C.E., 6 juillet 1990, Ministre du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle c/ Mattei,
n° 100489 ; n° 101053 ; Rec. p. 205 ; A.J.D.A., 1991, p. 230, note N. BELLOUBET-FRIER.
347 C.E., 15 novembre 2006, Toquet, n° 264636, Rec. p. 1002 ; A.J.D.A., 2006, p. 2207, obs. S. BRONDEL.
348 Article R421-5 du Code de justice administrative.
349 C.E., 19 mai 2004, Jouve, n° 248175, Rec. p. 234.
350 C.E., 30 mars 1973, Sieur Gen, n° 80680 ; n° 80681, Rec. p. 269, A.J.D.A., 1973, p. 268, conclusions G.
GUILLAUME.
L’existence du procès 97

son action en justice, dans l’hypothèse où il contesterait devant le juge, la seule

décision initiale, qui a disparu de l’ordonnancement juridique351.

140. Le Conseil d’État a donc élaboré une politique jurisprudentielle favorable au

requérant, pour atténuer les effets préjudiciables de cette règle. Il admet les moyens

fondés sur l’illégalité externe, notamment les vices de procédure, entachant la

décision initialement édictée par l’administration, même si elle a été ultérieurement

remplacée par une autre352. Il requalifie aussi, systématiquement, les conclusions

malencontreusement dirigées à l’encontre de la première décision, comme se

rapportant à la décision rendue suite au recours hiérarchique 353. Il n’en demeure pas

moins qu’il s’agit ici de deux hypothèses, dans lesquelles l’obligation de recours

préalable peut fermer l’office du juge, au requérant insuffisamment aguerri aux

subtilités contentieuses.

141. En troisième lieu et, contrairement à ce qu’avance le Conseil constitutionnel354,

l’articulation entre les recours administratifs préalables et les procédures d’urgence

est une véritable source de difficultés contentieuses. Pendant longtemps, le requérant

était dans l’incapacité d’introduire une demande de sursis à exécution, tant que

l’administration ne s’était pas prononcée sur sa contestation obligatoire, ce qui

rendait sa requête ultérieure souvent inutile, car trop tardive 355. Il fallut attendre

2001, pour que le Conseil d'État acceptât enfin, que le juge des référés pût prononcer

la suspension de l’acte, à partir du moment où le justiciable a introduit un recours

351 C.E., 8 décembre 2003, Riche, n° 251197.


352 C.E., 18 novembre 2005, Houlbreque, n° 270075, Rec. p. 513 ; A.J.D.A., 2005, p. 2453, obs. F. LENICA
et C. LANDAIS ; R.F.D.A., 2006, p. 534, T.-X. GIRARDOT, L.P.A., 24 avril 2006, note A. CLAEYS.
353 C.E., 19 décembre 2008, Mme Mellinger épouse Praly, n° 297187, Rec. p. 478; A.J.D.A., 2009, p. 838,
concl. J. BOUCHER ; J.C.P., 2009, II, n° 10054, note P.-O. CAILLE ; R.F.D.A. 2009, p. 169. Cette
position du juge administratif est conforme à celle qu’il adopte, quand, confronté à des conclusions
maladroitement rédigées, il n’hésite pas à les interpréter, conformément à ce qu’il estime être
l’intention du requérant, pour les rendre recevables.
354 Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 préc., Cons. 9 ; Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre
2003 préc., Cons. 19.
355 C.E., 25 mai 1988, Association Le foyer israélite, n° 72632, Rec. p. 956.
98 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

devant l’administration356, mais sans attendre la réponse de cette dernière. Toutes les

difficultés contentieuses n’ont pas été effacées pour autant, puisque le Conseil d’État

ne reconnaît pas, au juge des référés, la compétence pour prononcer une injonction à

l’encontre de l’autorité administrative, qui a édicté la décision contestée, car le

recours préalable a pour effet lui ôter sa compétence, au profit de l’autorité

hiérarchique357.

142. L’articulation des recours, administratif et juridictionnel, n’est pas un obstacle

insurmontable, puisque le justiciable, nonobstant l’exigence de respect des délais

contentieux, sera toujours en mesure de contester, devant un tribunal, la décision de

l’administration. Cependant, même si la limitation de l’accès au juge n’est pas totale,

l’obligation de recours administratif n’en demeure pas moins fort contraignante et

source d’entraves juridictionnelles, sans doute parce qu’ils n’ont jamais été envisagés

comme une étape précontentieuse, mais plutôt comme une démarche administrative

ordinaire358. La position du Conseil constitutionnel sous-estime quelque peu

l’importance de la difficulté car, s’ils ne remettent pas en cause le droit d'agir en

justice contre des décisions de l’administration faisant grief, les recours préalables

n’en constituent pas moins une source de complexification du chemin procédural du

requérant. À un degré moindre, il est possible d’effectuer le même constat à l’égard

de la répartition des compétences, parfois enchevêtrée, entre les deux ordres de

juridictions.

356 C.E., 12 octobre 2001, Société des produits Roche, n° 237376, Rec. p. 463 ; R.F.D.A., 2002, p. 315, concl.
P. FOMBEUR.
357 C.E., 8 juillet 2005, Ministre de la Santé c/ ARH de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 264366.
358 BONICHOT J.-C., « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique ou panacée
administrative ? », Juger l'administration, administrer la justice : mélanges en l'honneur de Daniel
Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 81.
L’existence du procès 99

2) Les limitations relatives à la dualité juridictionnelle

143. Le système juridictionnel français, produit historique d’une conception

particulière de la séparation des pouvoirs359, débouchant sur un dualisme

juridictionnel perméable, est souvent source de difficultés et de confusions. Il est bien

délicat de tracer, avec certitude, les contours de la compétence de chaque ordre de

juridictions, ce qui valut, il y a peu, une condamnation de la France par la Cour

européenne des droits de l’homme360, même si ce sont les circonstances particulières

de l’affaire, qui ont principalement conduit le juge de Strasbourg à statuer en ce sens.

La littérature juridique est pourtant divisée sur la question, certains plaidant en

faveur d’une réunification des deux ordres de juridiction, allant jusqu’à qualifier de

« délétère », la dualité juridictionnelle361, alors qu’à l’inverse, d’autres y voient « un

atout, presque une évidence362 ». Outre les allongements des durées de procédure,

provoqués par les questions préjudicielles d’un ordre à l’autre et les toujours

possibles contrariétés de jurisprudences, la difficulté majeure du dualisme

contentieux réside dans les indéterminations du partage de compétences, entre juge

administratif et juge judiciaire.

144. Le Conseil constitutionnel a tenté d’apporter une clarification, en réservant à la

juridiction administrative, en vertu d'un principe fondamental reconnu par les lois de

la République363, la compétence en matière « d'annulation et de réformation des décisions

prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique364 » par les autorités

administratives, « à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire365 ».

359 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 172.
360 C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France, requête n° 35935/03.
361 DRAGO R. et FRISON-ROCHE M.-A, « Mystères et mirages des dualités des ordres de juridiction
et de la justice administrative », Archives de philosophie du droit, Tome 41, Dalloz, Paris, 1997, p. 135.
362 STIRN B., « Quelques réflexions sur le dualisme juridictionnel », Justices, 1996, n° 3, p. 41.
363 Cf infra n° 413 et s.
364 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15.
365 Ibidem.
100 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

La solution proposée par le juge constitutionnel n’a toutefois pas supprimé toutes les

ambiguïtés, qui se maintiennent notamment avec une particulière acuité, quand un

acte administratif, mettant en œuvre une prérogative de puissance publique porte,

dans le même temps, atteinte à la liberté individuelle366. Il en est ainsi, par exemple,

quand un arrêté préfectoral vient ordonner l’hospitalisation, sans son consentement,

d’une personne présentant un risque d’atteinte grave à l'ordre public ou un danger

pour autrui, voire pour lui-même. Se trouvent alors juxtaposés deux critères majeurs

de reconnaissance des compétences de chacun des ordres de juridiction, provoquant

un enchevêtrement des interventions des juges, administratif et judiciaire. C’est en

raison des effets de la dualité juridictionnelle sur l’accès au juge, qu’une requérante,

dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité 367, invoquait la violation

du droit d’agir en justice des personnes hospitalisées d’office.

145. Le parcours contentieux d’une personne hospitalisée, sans avoir recueilli son

consentement, se divisait en trois interventions procédurales distinctes. Une

première action devait être introduite en justice, devant le juge judiciaire, pour

demander la sortie immédiate. Le magistrat devait alors apprécier la nécessité de

l’internement, au regard de la motivation de l'arrêté préfectoral. Un deuxième

recours devait être porté devant le juge administratif, afin que celui-ci se prononce

sur la légalité formelle de l’acte administratif à l’origine de l’hospitalisation. Enfin,

une troisième requête devait être déposée de nouveau devant la juridiction judiciaire,

afin d’obtenir réparation du préjudice résultant d’un éventuel internement abusif.

146. Comme le font remarquer bon nombre d’auteurs368, un tel chemin procédural est

pour le moins sinueux et ne semble pas exactement favorable aux intérêts des

366 Cf infra n° 421 et s.


367 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement],
27 novembre 2010, p. 21119.
368 FOSSIER T., « Contrôle de légalité et responsabilité en matière d’internement des aliénés : le
désordre des deux ordres ? », R.D.S.S., 2005, p. 450 ; LANDAIS C et LENICA. F., note, C.E.,1er avril
L’existence du procès 101

justiciables, tenus de déposer leurs conclusions devant deux juridictions différentes,

pour contester à la fois, la régularité et la nécessité de leur hospitalisation. Le

professeur Fabrice MELLERAY fait, par ailleurs, justement observer, que le

découpage des compétences paraît délicat à respecter, particulièrement dans le cadre

du référé-suspension, prévu par l'article L521-1 du Code de justice administrative369.

En effet, dans l’attente du jugement, la suspension de l’exécution de l’acte litigieux

nécessite qu’il soit « fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute

sérieux quant à la légalité de la décision370 », mais exige aussi une condition d’urgence.

Or, il semble difficile de pouvoir, d’un côté, vérifier l’urgence d’empêcher l’exécution

d’une décision de l’administration, ordonnant l’hospitalisation psychiatrique d’une

personne, sans, de l’autre, apprécier la nécessité d’une telle privation de liberté.

147. Le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d’État371 et la Cour européenne des

droits de l’homme avant lui372, n’a pas considéré que cet état du droit était contraire

aux exigences constitutionnelles, inhérentes au droit à un recours juridictionnel. Son

raisonnement prend appui sur sa jurisprudence de 1987373, dont il reproduit ici les

deux considérants de principe374, la juridiction administrative ayant même trouvé,

depuis la révision constitutionnelle de 2008, une assise dans le texte de la Loi

fondamentale375. En somme, la juridiction constitutionnelle valide cet éclatement des

compétences contentieuses, comme la Cour de Strasbourg avait pu le faire

auparavant, dans des domaines où les deux ordres de juridiction sont également

2005, Mme L., n° 264627, Rec. p. 134, A.J.D.A., 2005, p. 1231 ; MELLERAY F., « Une occasion
manquée de réformer la répartition juridictionnelle des compétences en matières d'hospitalisation
d'office », note sous C.E., 1er avril 2005, Mme L. préc., L.P.A., 10 octobre 2005, p. 12.
369 Idem, p. 13.
370 Article L521-1 du Code de justice administrative.
371 C.E.,1er avril 2005, Mme L préc., R.T.D. civ., 2005, p. 573, obs. HAUSER J.
372 C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France préc. La Cour y affirme même que « la complémentarité des
recours existants pouvant permettre de contrôler l'ensemble des éléments de la légalité d'un acte, puis
aboutir à la libération de la personne internée », § 108.
373 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.
374 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc., Cons. 35 et 36.
375 Article 61-1 de la Constitution.
102 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

appelés à connaître d’un même processus juridictionnel, à des titres divers 376.

L’unification du contentieux, en matière d’hospitalisation psychiatrique sans

consentement, satisferait indiscutablement aux conditions de bonne administration

de la justice377, mais n’est pas, pour autant, exigée par la Constitution, dans la mesure

où le dualisme juridictionnel ne restreint pas la compétence du juge judiciaire, pour

faire cesser la privation de liberté. Telle est résumée la position du juge

constitutionnel, qui invite, voire incite, le législateur à se saisir de la question. On eut

apprécié qu’il se montrât ici plus directif, quitte à laisser à ce dernier, un délai pour

modifier le droit en vigueur, comme la Constitution l’y autorise 378.

148. Fort heureusement, le législateur, même s’il n’y était pas tenu, mais conscient

sans doute du labyrinthe procédural dans lequel le justiciable, hospitalisé d’office,

était placé, simplifiera les recours des personnes internées sans leur consentement.

Pour autant, la loi du 5 juillet 2011379 n’est pas parvenue à effacer toute complexité

dans la répartition des compétences contentieuses380. Certes, l'article 7 de la loi du 5

juillet 2011, qui crée l’article L3216-1 dans le Code de la santé publique, confie le

contentieux de la régularité des décisions administratives, édictées en matière de

soins psychiatriques, au seul juge judiciaire, qui est effectivement le magistrat de

« l'ordre juridictionnel principalement intéressé381 ». Le justiciable ne devra plus

376 C.E.D.H., 11 mai 2010, Versini c/ France, requête n° 11898/5, dans le cadre du contentieux fiscal ;
C.E.D.H., 21 février 1997, Guillemin c/ France, requête n° 19632/92, A.J.D.A., 1997, p. 985, obs.
FLAUSS J.-F., en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Dans ce domaine, le
Conseil constitutionnel non seulement valide la dualité juridictionnelle, mais semble, au contraire,
considérer que l’articulation des compétences contentieuses entre les deux juges est un gage de
sécurité procédurale pour le justiciable exproprié, Décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012,
Consorts L. [Ordonnance d'expropriation pour cause d'utilité publique], JO, 17 mai 2012, p. 9153, Cons. 6
et 7.
377 Cf infra n° 426 et s.
378 Article 62, alinéa 2.
379 Loi n° 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet
de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, JO, 6 juillet 2011, p. 11705.
380 FARINETTI A., « L'unification du contentieux des soins psychiatriques sans consentement par la
loi du 5 juillet 2011 », R.D.S.S., 2012, p. 111.
381 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 16 ; Décision n° 2010-71 QPC du 26
novembre 2010 préc., Cons. 36.
L’existence du procès 103

disperser son action en justice, entre les deux ordres de juridiction, selon qu’il

conteste la nécessité de son hospitalisation forcée ou la régularité de la décision

administrative lui servant de fondement, le juge des libertés et de la détention étant

désormais pleinement compétent382. Il devra cependant introduire un autre recours

devant le tribunal de grande instance, pour obtenir réparation du préjudice

consécutif à l’internement excessif383. Même si les seuils pécuniaires de compétences,

sur les actions personnelles ou mobilières, peuvent expliquer cette répartition des

contentieux, le législateur aurait certainement pu dispenser le requérant d’un nouvel

éparpillement des actions en justice, fussent-elles au sein du même ordre de

juridiction.

§ 2. Les limitations financières

149. Le principe de gratuité de la justice, idée noble s’il en est, selon laquelle les

facultés contributives ne doivent pas peser sur l’accès au juge, même s’il fut proclamé

par l’Assemblée nationale dès la nuit du 4 août 1789384, découle de la loi du 30

décembre 1977385. La justice a cependant un coût, indéniable et conséquent, dont une

très large proportion est financée sur les deniers publics. Le surplus pécuniaire,

restant à la charge du justiciable, peut être partiellement assumé par le système

d’aide juridictionnelle, qui se définit « comme un concours apporté aux personnes dont les

ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, en les dispensant

totalement ou partiellement des frais occasionnés par l'instance386 ». Néanmoins, le juge

constitutionnel ne considère pas que la gratuité soit une condition, nécessaire et

absolue, à l’exercice du droit au recours juridictionnel, puisqu’il admet,

382 Article 7 de la loi 2011-803 préc.


383 Ibidem.
384 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, Gallimard, Coll. bibliothèque des histoires, Paris,
2012, p. 21.
385 Loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 préc.
386 BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », A.J.D.A., 2001, p. 1016.
104 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

invariablement et sans réserves, la conformité à la Loi fondamentale, de dispositions

législatives y dérogeant pourtant avec une intensité variable (A) et à propos

desquelles, il était loisible de formuler certaines objections constitutionnelles387 (B).

A) Des limitations d’intensité variable

150. Le Conseil constitutionnel fut saisi à trois reprises388, de questions relatives au

financement de la justice et à la participation des justiciables à celui-ci. D’abord, le 25

novembre 2011389, il dut se prononcer sur la conformité à la Constitution du 1° du

paragraphe I de l'article 74 de la loi de finances pour 2011390, qui modifie la loi de

1991 relative à l'aide juridique391. Cette disposition laisse à la charge des bénéficiaires

de l'aide juridictionnelle, les droits de plaidoirie, redevance financière perçue par les

avocats, qu’ils reversent ensuite à la Caisse nationale des barreaux français, afin de

financer le régime vieillesse de la profession. Malgré le faible montant des droits en

question, réévalués à treize euros par le décret du 23 novembre 2011392, le Conseil

d’État jugea la question suffisamment sérieuse pour la transmettre au Conseil

constitutionnel393. Ce renvoi témoigne, probablement, qu’au-delà des seuls enjeux

financiers, l’affaire posait une question de principe, celle du financement du service

public de la justice, qui dépasse la seule problématique de la restriction de l’aide

387 DRAGO G., « La constitutionnalité de la contribution pour l'aide juridique mise en question »,
Gaz. Pal., 12 avril 2012, p. 8.
388 Il décida cependant de joindre deux questions prioritaires de constitutionnalité, aux enjeux et
problématiques approchés, pour statuer par une seule décision, comme le lui permet le règlement
du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalité, Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010, Décision portant
règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires
de constitutionnalité, JO, 18 février 2010, p. 2986.
389 Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011, M. Albin R. [Droits de plaidoirie], JO, 26 novembre
2011, p. 20015.
390 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, JO, 30 décembre 2010, p. 23033.
391 Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, JO, 13 juillet 1991, p. 9170.
392 Décret n° 2011-1634 du 23 novembre 2011 relatif aux droits de plaidoirie des avocats, JO, 25
novembre 2011, p. 19806.
393 C.E., 21 septembre 2011, Albin A., n° 350371.
L’existence du procès 105

juridictionnelle de huit euros quatre-vingt quatre, montant des droits de plaidoirie

au moment de la transmission. Le juge constitutionnel déclara la disposition

litigieuse, conforme au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif

devant une juridiction.

151. Ensuite, le 13 avril 2012394, le Conseil se prononça sur la constitutionnalité de

l'article 54 de la du 29 juillet 2011395, instituant une contribution de trente-cinq euros,

due par la partie qui introduit l’instance, afin de financer le surcoût généré par

l’intervention de l’avocat en garde à vue396, au titre de l'aide juridictionnelle. Il fut

aussi tenu de se pencher sur la conformité à la Constitution, de l'article 54 de la loi du

30 décembre 2009397, qui instaure un droit de cent cinquante euros, acquitté par les

parties au deuxième degré de juridiction, lorsque la constitution d'avocat est

obligatoire devant la cour d’appel. Cette contribution est destinée au financement de

l'indemnisation des avoués près les cours d’appel, dont les charges ont été

supprimées à compter du 1er janvier 2012, par la loi du 25 janvier 2011398. Dans les

deux hypothèses, le Conseil constitutionnel a considéré que l’effort financier,

demandé aux justiciables, était conforme à la Constitution et notamment, au droit

d'exercer un recours effectif devant une juridiction399.

394 Décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stéphane C. et autres [Contribution pour l'aide
juridique de 35 euros par instance et droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel], JO, 14 avril
2012, p. 6884.
395 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, JO, 30 juillet 2011, p. 12969.
396 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, JO, 15 avril 2011, p. 6610.
397 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, JO, 31 décembre 2009,
p. 22940.
398 Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, 26
janvier 2011, p. 1544.
399 Décision n° 2012-231/234 QPC préc., Cons. 9.
106 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) Une appréciation uniformément conciliante

152. Même si les deux décisions ont en commun d’aborder la question du

financement de la justice et de ses différents acteurs, ainsi que la participation du

justiciable à un service public dont il profite, elles n’appellent pas nécessairement les

mêmes commentaires, ni les mêmes critiques. Nonobstant la faiblesse de leur

montant, les droits de plaidoirie viennent en déduction de l’aide juridictionnelle,

dont ils constituent une restriction, laquelle, selon les requérants, contreviendrait au

droit au recours juridictionnel effectif. Implicitement, le Conseil constitutionnel

convient ici que l’aide juridictionnelle et le droit au recours sont étroitement liés, la

première permettant aux justiciables les moins fortunés d’introduire une instance,

dans des circonstances où les frais procéduraux les en auraient probablement

dissuadés. À ce titre, l’aide juridictionnelle est certainement un « droit dérivé » du

droit d’agir en justice400. C’est, en tous cas, la ligne jurisprudentielle du Conseil

d’État, qui estime que les « dispositions particulières régissant l'octroi de l'aide

juridictionnelle [...] ont pour objet de rendre effectif le principe à valeur constitutionnelle du

droit d'exercer un recours401 » et celle de la Cour européenne des droits de l’homme,

pour qui « l’article 6 par. 1 (art. 6-1), s’il garantit aux plaideurs un droit effectif d’accès aux

tribunaux [...] laisse à l’État le choix des moyens à employer à cette fin. L’instauration d’un

système d’aide judiciaire [...] en constitue un, mais il y en a d’autres402 ».

153. Le Conseil constitutionnel, de son côté, avait également déjà eu l’occasion de

l’affirmer, en examinant les incidences éventuelles d’une limitation de l’aide

juridictionnelle sur le droit d’accès à un tribunal403. À cette occasion, il avait autorisé

une limitation dans le temps, du bénéfice de l’aide juridictionnelle, à une seule

400 BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », op. cit., p. 1019.
401 C.E., 10 janvier 2001, Mme Coren, n° 211878 ; n° 213462, Rec. p. 5 ; J.C.P., n° 40, 3 octobre 2001,
p. 1827, chron. MATHIEU B. et VERPEAUX M.
402 C.E.D.H., 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande, requête n° 6289/73, série A, n° 32.
403 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité,
JO, 17 juin 2011, p. 10306.
L’existence du procès 107

obtention404. Il est donc cohérent que le Conseil, qui admet des atteintes au droit

d’accès à un tribunal, à la condition qu’elles ne soient pas substantielles405, considère

que cette franchise juridictionnelle, « eu égard à (son) faible montant406 », n’est pas

contraire au droit de chacun d’agir en justice. Il semble, en tous cas, que cette

participation financière du justiciable à son procès, tant qu’elle reste dans de

raisonnables proportions, ne soit pas dépourvue d’intérêt. Elle n’est

vraisemblablement pas de nature à décourager le requérant de bonne foi,

d’introduire une action en justice pour y faire valoir ses droits, mais peut comporter

un effet dissuasif à l’encontre de certains recours abusifs, favorisés par une gratuité

intégrale.

154. La position du juge constitutionnel, à l’égard du droit de timbre de trente-cinq

euros par instance et de la contribution de cent cinquante euros, au bénéfice du fonds

d'indemnisation des avoués, porte juridiquement davantage à discussion. La

similitude du raisonnement suivi par le Conseil avec la dialectique de la Cour

européenne407 est ici frappante. Les limitations admises par les deux juridictions le

sont à la double condition, d’une part, de ne pas vider le droit au recours

juridictionnel effectif de sa substance et, de respecter l'existence d'une adéquation

entre les moyens employés et le but recherché, lequel doit correspondre, d’autre part,

à l’intérêt général408. C’est précisément sur ce point que l’analyse juridique du Conseil

constitutionnel est lacunaire. La contribution pour l'aide juridique et le droit de

timbre devant la cour d’appel conditionnent, tous deux, la recevabilité de l’action en

404 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc., Cons. 88.


405 Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 préc., Cons. 4 ; Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996
préc., Cons. 83.
406 Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011 préc., Cons. 4.
407 DRAGO G., chron., Décis. Cons. const. n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, Gaz. Pal., 24 avril
2012, n° 115, p. 25.
408 C.E.D.H., 22 octobre 1996, Stubbings c/ Royaume-Uni, requêtes n° 22083/93 et 22095/93, Rec.
C.E.D.H., 1996, IV, n° 18, p. 1487, Justices, 1997, p. 199, obs. COHEN-JONATHAN G. et FLAUSS J.-
F. ; Décision n° 2012-231/234 QPC préc., Cons. 5 et 9.
108 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

justice409 et constituent de ce fait, un obstacle dirimant sur le chemin du prétoire. Ces

deux dispositifs ne poursuivent pas un objectif d'intérêt général mais répondent à un

besoin déterminé, chacun dans une démarche procédurale particulière, en faisant

peser, sur l’ensemble des justiciables, un poids pécuniaire destiné à financer un

contentieux spécifique 410.

155. Sur le terrain du contrôle de proportionnalité411, le dispositif n’aurait pas dû

recevoir son brevet de constitutionnalité. Il ne fait pas de doute qu’il passe

favorablement le test de l’adéquation, la mesure entretient un lien causal avec

l'intérêt poursuivi, puisqu’elle est propre à atteindre le but visé, ou tout au moins,

n’est pas totalement insusceptible d'y parvenir. En revanche, elle apparaît comme

plus restrictive, en raison de son champ d’application personnel, que ne l'exige

l'objectif poursuivi. L’examen de la nécessité d’un dispositif ordonne, qu’à efficience

égale, ce soit les modalités les moins contraignantes pour les destinataires de la règle,

qui soient retenues. Enfin, le contrôle de proportionnalité stricto sensu, qui a pour but

de vérifier si les bénéfices de la mesure décidée par le législateur l'emportent sur ses

effets préjudiciables, donne des résultats mitigés, dans la mesure où elle risque de

dissuader un requérant d'exercer un recours, dans les hypothèses où les enjeux

financiers sont faibles, en comparaison du droit de timbre qu’il doit acquitter.

156. Ces décisions constitutionnelles, dont on peut douter, au regard des

considérations précédentes, qu’elles aient déployé tous leurs effets, mettent en

lumière un problème crucial, celui du financement de l’institution judiciaire et de ses

protagonistes. Une fois encore, la ligne jurisprudentielle suivie par le juge

constitutionnel laisse un goût d’inachevé. On eut apprécié qu’il incitât plutôt le

législateur à repenser un système de financement, destiné à assurer la pérennité et la

409 Articles 62 et 964 du Code de procédure civile.


410 Cf DRAGO G. « La constitutionnalité de la contribution pour l'aide juridique mise en question »,
op. cit., p. 8.
411 Cf supra n° 131.
L’existence du procès 109

qualité de la justice, au lieu de se contenter de mesures palliatives, nécessairement

provisoires et insatisfaisantes.

157. En droit constitutionnel français, le droit d'agir en justice est assurément un

principe fondamental412, dont la mise en œuvre bénéficie d'une effectivité de mieux

en mieux garantie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, malgré les silences

de la Loi fondamentale de 1958413. Cependant, même si le bilan de la

constitutionnalisation du droit au recours juridictionnel effectif est globalement

positif414, il est regrettable que le regard porté par le juge constitutionnel, sur les

dispositifs soumis à son contrôle, ne soit pas toujours aussi sévère que nécessaire,

afin de déceler (et invalider) les obstacles détournés, posés par le législateur sur le

chemin du prétoire. Même s’ils peuvent parfois être contournés, ils n’en constituent

pas moins des entraves à proscrire dans un État de droit, dans lequel le principe

cardinal est d'assurer le respect de la règle juridique, via l'intervention du juge.

412 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 311.
413 TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », op. cit., p. 4.
414 RENOUX T., « La constitutionnalisation du droit au juge en France », RIDEAU J. (dir.), Le droit au
juge dans l'Union européenne, Actes du colloque de Nice, 25 et 26 avril 1997, L.G.D.J., Paris, 1998, p. 109.
L’existence du procès 111

CHAPITRE 2 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AUX RECOURS JURIDICTIONNELS


SUCCESSIFS

Introduction Le déclin progressif du double degré de juridiction

158. La faculté offerte au justiciable, dont la prétention n’a pas été satisfaite par un

premier juge, de présenter sa demande devant une juridiction supérieure qui

procèdera à un nouvel examen du litige, trouve sa traduction juridique dans le

principe du double degré de juridiction. En ce sens, ce dernier participe « des

meilleures et des plus sûres garanties d’une bonne administration de la justice415 », en

offrant la possibilité à un tribunal situé à un niveau différent, composé de magistrats

professionnels plus expérimentés, de contrôler la décision rendue par la première

juridiction et, le cas échéant, de statuer à nouveau sur le contentieux. Pourtant, le

double degré de juridiction est apparu récemment dans l’histoire juridictionnelle

française et son évolution, ces dernières années, est celle « d'une lente érosion416 ».

159. En effet, si le droit d’interjeter appel, manifestation principale du double degré

de juridiction, est ancien, sa limitation à un seul échelon remonte seulement à la

Révolution française417. Le double degré de juridiction a été institué par l'Assemblée

constituante le 2 mai 1790418, en réaction à la complexité excessive de la justice

d’Ancien Régime, qui connaissait parfois jusqu’à quatre ou cinq degrés de

juridiction. L’enchevêtrement des voies de recours était surtout lié à la superposition

des justices, royale et seigneuriale, qui augmentait mécaniquement le nombre de

415 PORTALIS J., Mémoires de l’Académie Royale des Sciences morales et politiques de l’Institut de France,
1841, t. 3, p. 467. PORTALIS cite aussi, en ce sens, la publicité de l’instruction et des jugements,
ainsi que la pluralité et l’inamovibilité des juges.
416 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », A.J.D.A., 2006, p. 1308.
417 HILAIRE J., « Un peu d’histoire », Justices, n° 4, 1996, p. 9.
418 LEFORT C., « Double degré de juridiction », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, op. cit.,
p. 345.
112 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

recours nécessaires, avant que le justiciable puisse espérer obtenir un jugement

définitif.

160. Il fallut attendre le XVIe siècle pour voir les deux organisations judiciaires

s’orienter sur la voie de la simplification. La justice seigneuriale ne comportait plus

que deux niveaux, l’appel étant entendu directement par le seigneur, alors que la

justice royale ne comptait plus que trois degrés en matière civile 419, le droit d’appel

pouvant même parfois être exercé immédiatement devant le parlement. C’était

également le cas en procédure pénale, pour certaines peines afflictives ou

infâmantes420, expressément visées par l’Ordonnance royale de COLBERT de 1670421.

À cette époque, apparaissent aussi les premières limitations du droit d’interjeter

appel des litiges comportant peu d’enjeu social, c’est à dire ceux qui ne peuvent

déboucher sur des condamnations excédant un certain montant, cinq cents Livres, en

l’occurrence.

161. Cette rationalisation de l’organisation hiérarchisée des voies de recours aurait dû

trouver un point d’achèvement, avec la réforme du garde des Sceaux LAMOIGNON

en 1788422. Mais c’était sans compter sur la résistance des parlements, qui

contraignirent le ministre de la Justice de LOUIS XVI à renoncer à son ambitieux

projet, pourtant en adéquation avec les attentes des citoyens, si l’on se fie aux

souhaits de voir la justice ramenée à deux degrés, qu’ils formulèrent, pour des

raisons essentiellement financières, dans les cahiers de doléances.

162. Après la révolution de 1789, les débats autour de la nouvelle organisation

judiciaire du royaume ne pouvaient évidemment éluder la question de l’appel des

jugements. L’idée de la suppression du double degré de juridiction y fut même

419 Prévôts, baillis ou sénéchaux, selon les régions, et enfin, parlements.


420 Il s’agit des peines intermédiaires, situées entre les peines légères et la peine capitale.
421 HILAIRE J., « Un peu d’histoire », op. cit., p. 10.
422 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p 20.
L’existence du procès 113

avancée. Prolongement contemporain de la pratique féodale du combat judiciaire, la

pertinence de son maintien fut débattue, d’autant qu’en matière criminelle,

l’institution du jury populaire, en tant que dépositaire de la vérité judiciaire,

s’opposait à l’idée même de remise en cause de la sentence. La grande réforme

juridictionnelle de 1790 institua donc, dans le procès civil, l’appel dit circulaire,

puisque la décision d’un tribunal de district pouvait être contestée, non pas devant

une juridiction supérieure, mais devant un autre tribunal de même niveau.

163. Les cours d’appel firent leur apparition sous NAPOLÉON, en héritant des

compétences juridictionnelles autrefois dévolues aux parlements423. Si le principe du

double degré de juridiction semblait s’enraciner dans la culture judiciaire française, il

ne revêtait pas pour autant un caractère absolu, deux arguments fréquents venant

contester, d’un côté, la légitimité et de l’autre, l’utilité de l’appel424. En matière

pénale, pour les détracteurs du double degré de juridiction, certains citoyens étaient

indignes de bénéficier du droit d’interjeter appel, en raison de la gravité des actes

commis. De manière plus pragmatique, d’autres arguaient qu’au regard des seuls

enjeux financiers, le coût inhérent à la procédure d’appel annihilait tous les

avantages pécuniaires putatifs de la seconde décision. Ce dernier argument est

évidemment réducteur, en résumant le double degré de juridiction à un moyen

efficace d’améliorer les ressources de l’appelant et en faisant fi des questions de droit.

164. L’histoire juridictionnelle de la France témoigne donc de cette absence

d’unanimité, autour du principe du double degré de juridiction et de son mode

d’expression le plus abouti : le droit d’interjeter appel. Celui-ci, grâce à ses deux

fonctions, réformatrice et annulatrice425, présente pourtant le double avantage de

423 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 49.
424 Idem, p. 13.
425 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », VAN COMPERNOLLE J. (dir.), Le double
degré de juridiction, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 282.
114 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

permettre au juge d'appel d’être à la fois « juge du jugement et juge du litige426 ». La

tendance marquée est cependant au recul du principe, qui subit de nombreuses

limitations, particulièrement en contentieux administratif 427, y compris par le pouvoir

réglementaire428 et sans essuyer la censure du juge429. Ce dernier avait, par ailleurs,

déjà distillé l’idée qu’il n’est pas d’appel sans texte pour l’organiser, ce qui le

conduisit à en déduire, qu’en l’absence de dispositions écrites organisant le double

degré de juridiction, les décisions de justice étaient rendues en premier et dernier

ressort, contestables seulement par la voie du recours en cassation 430. Cette régression

du double degré de juridiction, illustrée par les fréquentes entorses dont il fait l’objet,

lui ôte toute chance d’accéder au rang de principe fondamental reconnu par les lois

de la République431, comme le souhaitaient les parlementaires, auteurs de la saisine

sur la loi relative à la prévention de la corruption en 1993432.

165. Ce constat, tiré de l’observation du droit positif, du repli prononcé du double

degré de juridiction, rejaillit inexorablement sur sa nature (controversée) et plus

426 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308. Mme le Professeur
DEGUERGUE fait, par ailleurs, observer que les pouvoirs du juge d'appel à contrôler la régularité
du premier jugement, ont pu faire l’objet de contestations en doctrine : MOTULSKY H.,
« Nouvelles réflexions sur l'effet dévolutif de l'appel et l'évocation », J.C.P., 1958, I, 1423.
427 Le double degré de juridiction a connu, en procédure administrative contentieuse, une éclaircie
avec l’institution des cours administratives d'appel, par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
portant réforme du contentieux administratif, JO, 1 er janvier 1988, p. 7. Leur création faisait espérer
que le double degré de juridiction était devenu le principe en contentieux administratif, avec pour
seules limitations, les litiges traditionnellement tranchés en premier et dernier ressort par le
Conseil d'État. Il n’en fut rien, puisque le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours
administratives d'appel et modifiant la partie Réglementaire du Code de justice administrative, JO,
n°145 du 25 juin 2003, p. 10657, a supprimé l'appel des jugements, rendus par un juge administratif
statuant seul, dans les litiges considérés comme de faible importance, afin de désencombrer les
prétoires et d’optimiser ainsi le délai de traitement des dossiers. Sur la question, Cf BOISSARD S.,
« Vers un désencombrement des cours administratives d'appel ? », A.J.D.A., 2003, p. 1375.
428 Décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 préc.
429 C.E., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec. p. 690 ; A.J.D.A., 1971, p. 483, note CHEVALLIER J.,
p. 519, concl. J. THERY.
430 C.E., 15 juin 1949, Faveret, Rec. p. 288.
431 LUCHAIRE F., « Un Janus constitutionnel : l'égalité «, R.D.P., 1986, p. 1255.
432 Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques, JO, 22 janvier 1993, p. 1118.
L’existence du procès 115

encore, sur sa valeur juridique (équivoque)433, alors même que l’appel permet la

protection de droits constitutionnels, qui seraient inévitablement altérés par sa

restriction. Ainsi, le Conseil d'État estime que le double degré de juridiction est « une

règle applicable à tous les tribunaux administratifs », que seule la loi pourrait remettre en

cause434, mais sans pour autant se prononcer sur sa nature435. De son côté, la Cour

européenne des droits de l’homme considère que l'article 6 de la Convention ne

l’exige pas en matière civile, puisque cette disposition « concerne d’abord les juridictions

de première instance et ne requiert pas l'existence de juridictions supérieures436 ».

166. Les raisons pouvant expliquer ce phénomène d’érosion sont de deux ordres.

Premièrement, elles tiennent à la position du droit d’interjeter appel dans

l’architecture des voies d’accès au juge. Situé à un échelon intermédiaire, entre le

droit au recours juridictionnel effectif, auquel le juge constitutionnel accorde une

protection particulière437 et le pourvoi en cassation, qui bénéficie également d’un

régime juridique favorable438, en raison du double rôle essentiel joué par la Cour de

cassation, gardienne de l’unité du droit et de l’égalité devant la loi439, le droit d’appel

peut donc subir des restrictions, sans que les garanties juridictionnelles offertes au

justiciable ne soient atteintes dans leur substance 440. Cette conception compensatrice

de la fonction exercée par le pourvoi en cassation est loin d’être évidente, dans la

mesure où seul l’appel offre aux parties au procès, la garantie d’un réexamen

complet de l’affaire, en droit comme en fait 441. Ce qui s’apparente, de prime abord, à

une simple technique procédurale est en réalité, le meilleur gage possible d’un

second jugement impartial.

433 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.


434 C.E., 4 février 1944, Sieur Vernon, Rec. p. 46.
435 C.E., Ass., 4 janvier 1957, Lamborot, Rec. p. 12, A.J.D.A., 1957, p. 108, concl J. CHARDEAU.
436 C.E.D.H., 26 octobre 1984, De Cubber c/ Belgique, requête n° 9186/80, § 32.
437 VANDERMEEREN R., « Permanence et actualité du droit au juge », A.J.D.A., 2005, p. 1102.
438 Cf infra n° 196 et s.
439 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
440 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
441 DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire », D,
2001, p. 3571.
116 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

167. Deuxièmement, le recul du principe peut aussi trouver une explication dans les

conséquences fâcheuses qu’il entraîne inéluctablement. La faculté offerte au

justiciable, de voir le litige auquel il est partie, réexaminé une seconde fois par une

juridiction supérieure, indépendante et impartiale, n’est pas sans induire quelques

effets indésirables, en matière de bonne administration de la justice 442, alors même

que l’exercice d’une voie de recours est supposé participer de cet objectif de valeur

constitutionnelle443. En effet, la bonne administration de la justice est une notion

ambivalente444, en ce sens qu’elle emporte deux objectifs antagonistes.

168. D’un côté, elle implique qu’un justiciable puisse bénéficier d’un second

jugement, en fait comme en droit, qui corrigera les éventuelles erreurs commises par

la première décision juridictionnelle. Mais de l’autre, elle impose aussi qu’il ne soit

pas laissé trop longtemps dans l’attente d’un verdict, qui peut emporter des

conséquences sérieuses sur sa situation juridique. À ce titre, l’organisation d’un

deuxième degré de juridiction induit mathématiquement un allongement de la durée

des procédures. C’est d’ailleurs l’argument le plus souvent employé par les pouvoirs

publics, pour justifier la suppression de l’appel, dans des procédures considérées

comme d’importance secondaire445. Si le constat n’est pas discutable, il est néanmoins

possible d’objecter que la durée d’une instance n’est pas nécessairement le meilleur

paramètre d’appréciation de sa qualité. À une procédure rapide, mais débouchant

sur un jugement erroné, il n’est pas interdit de préférer un procès plus long,

conduisant à une sentence équilibrée, dépourvue d’erreurs de droit.

442 FAVRET J.-M., « La « bonne administration de la justice » administrative », R.F.D.A., 2003, p. 943.
443 Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de
la Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21381, Cons. 4.
444 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
445 PACTEAU B., « Le décret du 24 juin 2003, au secours des cours administratives d'appel », R.F.D.A.,
2003, p. 910.
L’existence du procès 117

169. Bien qu’il n’ait jamais expressément érigé le délai raisonnable de jugement au

sommet de la hiérarchie des normes, contrairement à la Cour européenne des droits

de l’homme, qui estime qu’il est un moyen de garantir l’efficacité et la crédibilité de

la justice446, le Conseil constitutionnel manifeste pourtant à son égard un intérêt

particulier, fût-ce de manière médiate. Ainsi, à chaque fois qu’il doit apprécier la

conciliation opérée par le législateur, entre l’atteinte portée à un principe

constitutionnel, afin d’améliorer la durée d’une procédure juridictionnelle et les

gains obtenus en termes de garanties de bonne de justice, le juge constitutionnel

valide généralement le dispositif, quelle que soit la méthode choisie pour raccourcir

les délais de jugement.

170. À plusieurs reprises, le Conseil a été amené à se prononcer sur la

constitutionnalité de dispositions législatives, ayant toutes pour effet de raccourcir le

délai de procédure, mais empruntant trois voies distinctes pour y parvenir. En

premier lieu, le législateur peut faire le choix de désencombrer les prétoires,

notamment en filtrant les recours considérés comme dilatoires ou infondés447, ou en

instituant des procédures d'indemnisation parallèles448. Les pouvoirs publics se

doivent d’être vigilants sur ce point, dans la mesure où la Cour européenne des

droits de l’homme n’a jamais considéré que l’encombrement des juridictions était un

argument recevable, pour justifier les retards à rendre la justice 449. En deuxième lieu,

il peut également s’efforcer d’optimiser les ressources humaines de la magistrature,

446 C.E.D.H., 24 octobre 1989, H c/ France, série A, n° 162, requête n° 10073/82. La Cour européenne des
droits de l’homme, depuis l’arrêt Kudla, C.E.D.H., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, requête n°
30210/96, A.J.D.A., 2000, p. 1012, note FLAUSS J.-F., a amorcé une nouvelle jurisprudence en
matière de délai raisonnable de jugement, en renvoyant d’abord aux États parties, le soin de mettre
en place, en droit interne, une voie de recours utile pour sanctionner sa violation.
447 Décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, Loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative
au droit d'asile, JO, 11 décembre 2003, p. 21085 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc. ;
Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. [Appel des ordonnances du juge d'instruction
et du juge des libertés et de la détention], JO, 14 juillet 2011, p. 12251.
448 Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 préc.
449 C.E.D.H., 23 mars 1994, Muti c/ Italie, requête n° 14146/88, J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F.
118 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

au risque de heurter le principe d’inamovibilité des magistrats du siège450, en

affectant temporairement du personnel judiciaire, dans des juridictions qui

éprouvent des difficultés à traiter les litiges dont elles sont saisies dans des délais

acceptables. En troisième lieu, il peut aussi simplifier les procédures contentieuses,

essentiellement en allégeant les garanties procédurales, telles que les droits de la

défense451 ou le principe du contradictoire452. Dans chacune de ces situations,

l’arbitrage du Conseil constitutionnel s’est toujours effectué en faveur de

l’optimisation du délai de procédure. En ce sens et bien que le Conseil ne l’ait pas

encore explicitement consacré, il semble bien que le délai raisonnable de jugement

possède tous les caractères d’un objectif de valeur constitutionnelle, puisqu’il permet

de justifier des dérogations limitées, portées à des principes constitutionnels 453.

171. Si la position pragmatique du Conseil constitutionnel incline plutôt en faveur de

l’efficacité du processus judiciaire et donc, dans le sens de la célérité des décisions de

justice, il n’est pas pour autant, indifférent à l’égard du double degré de juridiction. Il

a, néanmoins, longtemps entretenu une certaine incertitude autour de sa valeur

juridique, pénalisé par un obstacle dressé sur l’accession du principe au statut

constitutionnel : l’absence de fondement direct dans le bloc de constitutionnalité.

L’évocation des cours d’appel, dans l’article 65 de la Constitution, à l’occasion de la

définition d’une compétence du Conseil supérieur de la magistrature, ne saurait, à

elle seule, constituer une base juridique pertinente au principe du double degré de

450 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 relative au statut de la magistrature, 14 janvier 1995, p. 727 ; Décision n° 2001-445 DC
du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature,
JO, 26 juin 2001, p. 10125.
451 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, JO, 10
septembre 2002, p. 14953.
452 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. [Détention provisoire : procédure devant
le juge des libertés et de la détention], JO, 19 décembre 2010, p. 22372.
453 (de) MONTALIVET P., Les objectifs de valeur constitutionnelle, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires,
Paris, 2006 ; LUCHAIRE F., « L'objectif de valeur constitutionnelle », R.F.D.C., 2005, p 675.
L’existence du procès 119

juridiction454. Il s’agit cependant de relativiser cette difficulté, puisqu’elle n’empêcha

pas, dans les mêmes circonstances, le droit au recours juridictionnel effectif,

d’acquérir valeur constitutionnelle455.

172. Il fallut attendre une décision de 2004456, pour que le Conseil exprimât enfin

clairement sa position : « le principe [...] n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle457 »,

ce qui ne signifie pas, pour autant, que la juridiction constitutionnelle ne lui accorde

aucune protection. S’il n’a pas érigé le double degré de juridiction au rang des

principes de valeur constitutionnelle, le Conseil veille rigoureusement à ce que sa

suppression, partielle ou totale, n’entraîne de conséquences dommageables sur des

principes, tels que les droits de la défense ou surtout, l'égalité devant la justice, qui

bénéficient d’un soin attentif de sa part458. C’est la raison pour laquelle, les effets que

produit le double degré de juridiction sont assez proches de ceux d’un principe de

valeur constitutionnelle, ce qui conduit François LUCHAIRE à le qualifier de

principe « para-constitutionnel459 ».

173. En somme, le double degré de juridiction peut faire l’objet d’aménagements,

dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, dès lors qu’un certain nombre

de garanties juridictionnelles sont présentes. Il s’agit notamment de l’assurance que

le justiciable disposera ultérieurement, dans la procédure, de voies de recours pour

contester utilement la décision et surtout, que le principe d’égalité devant la justice

sera respecté. Si le double degré de juridiction n'a pas, en soi, valeur

constitutionnelle, il exprime donc indirectement des exigences constitutionnelles 460,

454 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », Justices, n° 4,


1996, p. 22.
455 Cf supra n° 63.
456 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004, Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie
française, 2 mars 2004, p. 4227, Cons. 4.
457 Ibidem.
458 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 27.
459 LUCHAIRE F., « Un Janus constitutionnel : l'égalité », op. cit., p. 1253.
460 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
120 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ce qui justifie qu’il fasse l’objet d’une légitime protection461, couvrant à la fois son

existence (Section 1) et ses effets (Section 2).

Section 1 La protection constitutionnelle de l’existence du double degré de

juridiction

174. Quand le législateur décide de restreindre le double degré de juridiction, il ne

peut le faire que dans le respect du principe d’égalité devant la justice. C’est par le

prisme de ce dernier, que le Conseil constitutionnel protège indirectement le moyen

d’expression privilégié du double degré de juridiction, le droit d’interjeter appel

(§ 1.). Néanmoins, si cette condition est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Encore

faut-il qu’il institue aussi des voies de recours qui permettent, dans la suite de la

procédure, de contester utilement les décisions de première instance. C’est la raison

pour laquelle, le juge constitutionnel accorde une attention particulière au droit de se

pourvoir en cassation, même si la protection dont il lui fait bénéficier n’est pas

exempte de tout reproche (§ 2.).

§ 1. La protection constitutionnelle indirecte du recours en appel

175. Le Conseil constitutionnel impose impérativement au législateur qui souhaite

limiter le droit d’appel, le respect du principe d’égalité devant la justice, dans deux

sphères de situations, à l’intérieur desquelles doivent s’appliquer les mêmes règles

juridiques. En effet, dans la jurisprudence constitutionnelle, le principe d’égalité

devant la justice produit ses effets, aussi bien à l’égard des parties à la même instance

(A), qu’à l’égard des justiciables impliqués dans des procédures juridictionnelles

identiques (B).

461 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 17.
L’existence du procès 121

A) Le respect du principe d’égalité devant la justice entre parties à la

même instance

176. Le principe d’égalité devant la justice, appliqué au droit d’appel des parties à la

même instance juridictionnelle, ne revêt pas la même intensité dans le procès civil (1)

que dans le procès pénal (2). Dans ce dernier, le respect du principe d’égalité devant

la justice doit aussi s’accompagner du maintien d’un nécessaire équilibre entre les

droits des parties au procès.

1) Dans le procès civil

177. Le procès civil distingue traditionnellement deux catégories de parties : les

parties principales et les parties jointes. Le ministère public peut se trouver, selon les

procédures, dans l’une ou l’autre de ces deux situations. Il a la qualité de partie

principale, lorsqu’ il agit « d'office dans les cas spécifiés par la loi462 » ou « pour la défense

de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci463 ». Il n’est que partie

jointe, quand « il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une

affaire dont il a communication464 ». En résumé, quand le ministère public prend

l'initiative d'introduire une instance civile, il est partie principale à la procédure,

alors qu'il n’est que partie jointe quand il est mis en cause ou lorsqu'il intervient dans

un procès, sachant que certaines affaires doivent obligatoirement lui être

transmises465. Il en est ainsi notamment des dossiers intéressant le redressement et la

liquidation judiciaires des entreprises.

462 Article 422 du Code de procédure civile.


463 Article 423 du Code de procédure civile.
464 Article 424 du Code de procédure civile.
465 Ibidem.
122 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

178. C’est à ce propos, que le Conseil constitutionnel se pencha sur la conformité à la

norme fondamentale, de l’article 171 de la loi relative au redressement et à la

liquidation judiciaires des entreprises de janvier 1985466. La disposition litigieuse

permettait au ministère public d’interjeter appel, alors même qu’il n'avait pas agi

comme partie principale au procès. Le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que

la loi gouverne différemment des situations dissemblables, à la condition que la

différence de régime présente un rapport étroit avec l’objet du texte législatif qui

l’organise.467 Il n’est donc guère surprenant, que le juge constitutionnel accepte que le

ministère public, simple partie jointe à la procédure de première instance, exerce des

voies de recours réservées normalement aux parties principales468. Son rôle de

défenseur de l’ordre de public justifie qu’il puisse se voir conférer par la loi, afin

d’exercer efficacement sa fonction469, des droits auxquels les autres parties jointes ne

sauraient prétendre.

179. Toutefois, une telle dérogation, comme le pressentaient certains

commentateurs470, est circonscrite au procès civil, le déséquilibre qu’elle provoque

entre les parties, ne pouvant raisonnablement satisfaire le principe des droits de la

défense471 en matière pénale.

466 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des
entreprises, JO, 20 janvier 1985, p. 820.
467 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10.
468 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
469 Ibidem.
470 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, D, 1986, p. 434.
471 Cf infra n° 734 et s.
L’existence du procès 123

2) Dans le procès pénal

180. Le Conseil constitutionnel fut confronté au problème, à l’occasion d’une

question prioritaire de constitutionnalité, portant sur l’article 186 du Code de

procédure pénale472. Ce dernier fixe limitativement la liste des ordonnances du juge

d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, que le mis en examen peut

contester par la voie de l’appel, alors que le ministère public dispose, de son côté, du

droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction, de toutes les ordonnances

émises par les deux magistrats compétents. Même si les ordonnances, contre

lesquelles la personne poursuivie ne peut former appel, sont peu nombreuses, il n’en

demeure pas moins que son droit d’appel est limité (l’interdiction reste le principe),

alors que celui du procureur de la République est général.

181. Toute l’histoire judiciaire française, depuis le Code d’instruction criminelle de

1808473 jusqu’au Code de procédure pénale de 1958, qui a étendu les cas d’ouverture

de l’appel de l’inculpé, est marquée par l’idée que le droit d’appel du mis en examen

doit conserver un caractère exceptionnel. Il est donc certaines ordonnances du juge

d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, comme celle de renvoi devant

le tribunal correctionnel, contre lesquelles le mis en examen ne peut interjeter

appel474. Le juge constitutionnel développe alors un raisonnement en deux temps,

dont le premier épouse les mêmes contours que celui développé dans la décision de

1985 précédemment évoquée475, mais aboutit à un résultat différent, en raison de la

nature de la procédure et de ses incidences en matière de droits fondamentaux.

472 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc.


473 Le Code d’instruction criminelle reconnaissait seulement le droit d’interjeter appel des
ordonnances du juge d’instruction portant sur la compétence.
474 La chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé, à plusieurs reprises, de transmettre au
Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce point, en
raison de l’absence supposée de caractère sérieux de ladite question : Cass. crim., 23 novembre
2010, pourvoi n°10-81309, Bull. crim., 2010, n° 184 ; 1er décembre 2010, n° 10-83359 ; 7 décembre
2010, n° 10-90110 ; 15 décembre 2010, n° 10-84112, Bull. crim., 2010, n° 209.
475 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc.
124 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

182. En premier lieu, s’appuyant sur la dialectique initiée en 1988 en matière

d’égalité476, le Conseil précise que, le mis en examen et le ministère public ne se

trouvant pas dans des situations identiques, les différences législatives de traitement

entre les parties à la procédure ne sont pas, en elles-mêmes, contraires au principe

d’égalité477. En outre, la limitation du droit d’interjeter appel n’est pas, en soi,

prohibée, quand elle vise des objectifs d’efficacité judiciaire, concourant à la bonne

administration de la justice, en désencombrant les prétoires obstrués par les recours

dilatoires, lorsqu’il existe, par ailleurs, d’autres moyens procéduraux de contester les

décisions478.

183. En second lieu, après avoir vérifié la conformité du dispositif au principe

d’égalité devant la justice, le juge constitutionnel examine d’office, les restrictions du

droit d’appel du seul mis en examen et leurs conséquences sur l’équilibre des droits

des parties au procès479. Il en conclut que ce qui était acceptable en matière civile ou

commerciale480, ne saurait l’être en procédure pénale, sans porter une atteinte

excessive au principe constitutionnel des droits de la défense. Pour y remédier, sans

censurer l’article 186 du Code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel

formule alors une réserve d’interprétation directive, qui supprime le caractère

476 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10 : « Considérant que le principe d'égalité ne
s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement
qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ».
477 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 5. Le commentaire aux Cahiers du Conseil
constitutionnel signale opportunément, que si le dispositif n’est pas contraire au principe d’égalité
entre les parties au procès, il en va différemment entre les droits des personnes mises en examen.
Selon qu’un mineur, suspecté d’avoir commis un crime, a plus ou moins de seize ans, il pourra,
dans le premier cas, interjeter appel de l’ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction,
alors qu’il se trouvera dans l’incapacité juridique, dans le second cas, de contester par la même
voie, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants.
478 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 5.
479 Idem, Cons. 2.
480 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc.
L’existence du procès 125

exhaustif de la liste des ordonnances, contre lesquelles le mis en examen pourra

exercer son droit d’appel481.

184. Dorénavant, la personne mise en cause dans un procès pénal pourra interjeter

appel de toutes les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne

disposerait pas, dans la suite de la procédure, de moyens utiles et efficaces de

contestation482. Ce sera donc, de manière casuistique, au juge du fond, d’apprécier la

recevabilité de l’appel, en fonction de la nature de la décision contestée et des voies

de recours ouvertes dans la suite du chemin procédural. D’après l’avis des

spécialistes aguerris du droit criminel483, cette réserve d’interprétation ne devrait pas

avoir une incidence importante sur la procédure pénale, dans la mesure où la Cour

de cassation accorde, d’ores et déjà, le droit d’appel au mis en examen, dans des

hypothèses non expressément envisagées par l’article 186 du Code de procédure

pénale484. Elle traduit toutefois la volonté manifeste du Conseil constitutionnel de

faire respecter, au-delà du principe d’égalité devant la justice, un certain équilibre

des droits des différentes catégories de parties à l’instance pénale485.

185. Cependant, le principe d’égalité devant la justice ne produit pas seulement ses

effets à l’intérieur d’une même instance juridictionnelle, mais aussi à l’égard de tous

les justiciables impliqués dans des procédures similaires.

481 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 7. Cette démarche n’est pas inédite dans la
jurisprudence constitutionnelle, Cf Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 préc., Cons. 18.
482 Ibidem.
483 DAOUD E. et TALBOT A., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011,
« Procédure pénale : le droit au recours des parties au procès pénal », Constitutions, 2012, p. 520.
484 ASCENSI L., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, « Constitutionnalité des
restrictions au droit d'appel du mis en examen », A.J. Pénal, 2012, p. 44.
485 Cf infra n° 761 et s.
126 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) Le respect du principe d’égalité devant la justice entre justiciables

dans des instances identiques

186. Le Conseil constitutionnel fut amené, par deux fois, à protéger indirectement le

double degré de juridiction, par le truchement du principe d’égalité devant la justice

des justiciables, impliqués dans des procédures semblables. Dans chacune de ces

deux jurisprudences, le juge constitutionnel censura une disposition législative, en

raison des discriminations ostensibles qu’elle induisait. Une évolution est malgré

tout perceptible dans la seconde décision, dans la mesure où le grief

d’inconstitutionnalité, retenu par le Conseil, vise aussi directement l’atteinte au droit

au recours juridictionnel, en raison d’une restriction abusive du droit d’interjeter

appel.

187. D’abord, en 1985, la Haute juridiction souleva d’office l’inconstitutionnalité d’un

article de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des

entreprises486. Ce dernier prévoyait le dessaisissement de la cour d’appel, quand

celle-ci n’avait pas statué au fond dans les deux mois suivant le prononcé du

jugement de premier instance, lui faisant acquérir force de chose jugée487. Ce dernier

ne devenait alors contestable que par la seule voie de la cassation.

188. Le droit des entreprises en difficulté est, certes, marqué par le souci de célérité

des procédures488, dans l’intérêt de tous les protagonistes, ce qui conduit souvent à

l’exclusion des voies de recours contre certaines décisions judiciaires. Néanmoins,

faire dépendre l’existence du double degré de juridiction, d’un paramètre extérieur

au justiciable et sur lequel il ne peut influer, de telle manière qu’un autre, placé dans

les mêmes circonstances, pourrait se voir appliquer un régime juridique différent,

486 Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985 préc.


487 Le Conseil constitutionnel emploie, à tort, la formulation « autorité de chose jugée », Idem, Cons. 14.
488 GENEVOIS B., chron., Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, A.I.J.C., 1985, p. 419.
L’existence du procès 127

constitue indiscutablement une rupture d’égalité des citoyens devant la justice 489. Le

Conseil d'État a, par ailleurs, précisé le périmètre d’intervention du principe d'égalité

devant la justice, qui doit s'entendre du bénéfice de la même procédure, pour une

même catégorie de litiges, au profit de justiciables se trouvant dans une même

situation490.

189. Que le juge constitutionnel ait soulevé d’office ce moyen témoigne visiblement

de son attachement, à la fois au principe d'égalité devant la justice, mais aussi au

droit d’interjeter appel, qui ne doit pas dépendre d’une circonstance étrangère au

justiciable. Le raisonnement développé ici repose d’ailleurs sur les mêmes

soubassements, que celui mis en œuvre dans la décision dite « juge unique » de

1975491. Le pouvoir discrétionnaire du président du tribunal de grande instance, de

confier le jugement de certains litiges à une formation collégiale ou à un juge statuant

seul, y fut justement censuré, puisqu’il conduisait à ce que des justiciables,

poursuivis pour les mêmes infractions, pussent être jugés par des juridictions

différemment composées492. L’atteinte aux droits fondamentaux judiciaires est

cependant plus grave dans le cas de la décision de 1985, puisque c’est du droit à un

second jugement impartial, en fait comme en droit, dont est privé le justiciable qui

aurait interjeté appel devant une juridiction du second degré, peu encline à statuer

promptement.

190. Le professeur Thierry RENOUX fait observer493 que le Conseil constitutionnel fut

déjà confronté à une situation comparable, dans laquelle une juridiction était

dessaisie d’un litige, en raison du dépassement du délai légal dont elle disposait

489 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 26.
490 C.E., 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253, A.J.D.A., 2004, p. 712, note MARKUS J.-P.
491 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure
pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du Code de procédure pénale, JO, 24 juillet
1975, p. 7533.
492 Idem, Cons. 5.
493 RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, op. cit., p. 434.
128 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

pour statuer. Organisant le régime du contentieux de la légalité de l’autorisation

administrative de licenciement économique, la loi du 18 janvier 1979 494, déférée au

juge constitutionnel495, prévoyait le dessaisissement au bout d’un mois, du tribunal

administratif, au profit du Conseil d’État statuant selon la procédure d’urgence.

L’inconstitutionnalité d’un tel dispositif semble toutefois beaucoup moins évidente,

dans la mesure où il s’inscrit dans le cadre d’un renvoi préjudiciel et que la décision

du conseil de prud’hommes est suspendue, dans l’attente de la réponse de la

juridiction administrative. Dans ces conditions, s’il y a effectivement rupture

d’égalité devant la justice, entre les victimes de licenciement économique soumis à

autorisation administrative, elle repose sur un motif d’intérêt général, celui de faire

trancher le litige, dans les meilleurs délais, par la juridiction prud’homale, afin de ne

pas maintenir le salarié licencié dans l’insécurité juridique et sociale.

191. Ensuite, un requérant contesta en 2010496 la constitutionnalité de l'article 207 du

Code de procédure pénale, qui permettait à la chambre de l'instruction, juridiction

du second degré, de se réserver le contentieux de la détention provisoire, en cas de

désaccord avec les décisions du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la

détention. Cette disposition avait pour objectifs d’éviter une succession de décisions

contradictoires entre les deux niveaux de juridictions497 et d’écarter le risque que la

décision de la chambre de l'instruction, saisie en appel par le ministère public, ne se

trouvât privée d’effets, quand elle infirmait celle du juge d'instruction refusant de

494 Loi n° 79-44 du 18 janvier 1979 portant modification des dispositions du Titre 1 er du Livre V du
Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 19 janvier 1979, p. 163.
495 Décision n° 78-101 DC du 17 janvier 1979, Loi portant modification des dispositions du titre 1er du livre
V du Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 18 janvier 1978, p. 256.
496 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. [Détention provisoire : réserve de
compétence de la chambre de l'instruction], JO, 19 décembre 2010, p. 22375.
497 Etant donné que la loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 tendant a renforcer les droits des personnes en
matière de placement en détention provisoire et d'exécution d'un mandat de justice, JO, 10 juillet
1984, p. 2177, avait supprimé, en cas d’appel du ministère public, le maintien en détention
provisoire de l’inculpé, toute décision de remise en liberté du juge d’instruction, contredite ensuite
par la chambre d’accusation, plaçait la personne mise en cause dans une position inconfortable,
alternant liberté et placement en maison d’arrêt, Cf PRADEL J., Obs. sur Cass. crim., 2 juillet 1985,
D, 1986, p. 118.
L’existence du procès 129

placer le mis en examen en détention provisoire. Issu de la loi dite « Perben II »498, ce

dispositif n’était rien d’autre que la consécration législative d’une jurisprudence

judiciaire ancienne, établie en trois étapes.

192. Dans un premier temps, en 1959499, la chambre criminelle de la Cour de cassation

admettait le principe d'une réserve de compétence, générale et automatique, en

matière de détention provisoire, au profit de la chambre d’accusation, en cas de

discordance avec les positions du juge d’instruction 500. Le caractère obligatoire de ce

monopole de compétence sera atténué, dans un second temps, en 1977501. La Haute

juridiction judiciaire confirme que la chambre d’accusation ayant ordonné le mandat

de dépôt, en infirmant la décision du juge d’instruction, peut conserver la

compétence du contentieux de la détention provisoire pour le reste de la procédure,

mais à la condition de s’en réserver expressément la faculté502. Non seulement la

compétence de la chambre d’accusation n’est plus incontournable, mais encore faut-il

qu’elle le précise pour pouvoir l’exercer. Dans un troisième temps, ce principe sera

renversé en 2002 par la chambre criminelle503. Dorénavant, quand la chambre de

l’instruction504 prononcera un mandat de dépôt, elle conservera la compétence de la

détention provisoire pour la suite de l’instance, à moins qu’elle en décide autrement.

Il s’agissait donc d’une position plus proche de celle de l’arrêt Pesquet, une

498 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO,
10 mars 2004, p. 4567.
499 Cass. crim., 22 décembre 1959, Pesquet., Bull. 1959, n° 569.
500 Ibidem : « Que la seule conséquence légale de l'infirmation de la décision du juge était la délivrance, par la
chambre d'accusation elle-même, d'un mandat de dépôt ou d'un mandat d'arrêt, la question de la liberté ou
de la détention de l'inculpé dépendant désormais, et de ce fait, pour la suite de la procédure d'instruction de
sa seule et propre appréciation ».
501 Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, pourvoi n° 77-92803, Bull. crim., n° 370, p. 946.
502 Ibidem, la seule possibilité de dérogation à la compétence du juge d'instruction pour statuer, en
premier ressort, sur les demandes de mise en liberté formées au cours de l'instruction préparatoire
dont il est chargé, survient « lorsque la chambre d'accusation, statuant dans les conditions prévues par
l'article 207, alinéa 1er, dudit code, a pris elle-même une mesure de mise en détention en se réservant
expressément la faculté d'en ordonner le cas échéant la prolongation ou d'y mettre fin soit d'office, soit sur
les réquisitions du ministère public ou sur la demande de l'inculpé ».
503 Cass. crim., 19 février 2002, pourvoi n° 01-88028, Bull. crim., n° 30, p. 89.
504 La chambre de l’accusation est devenue la chambre de l’instruction avec la loi n° 2000-516 du 15
juin 2000 préc.
130 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

présomption de compétence de la chambre de l’instruction, le caractère irréfragable

en moins. Pourtant, c’est la ligne jurisprudentielle adoptée dans l’arrêt Léger, qui

sera inscrite dans la loi de mars 2004 : par principe, le contentieux de la détention

provisoire relève de la compétence du juge d’instruction et du juge des libertés et de

la détention, sauf si la chambre de l’instruction souhaite se la réserver explicitement.

193. Ce dispositif procédural conduit à une rupture d’égalité des citoyens devant la

justice, au regard du droit d’interjeter appel d’une décision juridictionnelle et

débouche même sur une situation inattendue . En effet, deux justiciables placés dans

des situations identiques peuvent ne pas bénéficier du même droit au double degré

de juridiction, selon que les juges, de première instance et d’appel, compétents pour

statuer sur la détention provisoire, sont en accord ou pas. Le mis en examen placé

sous mandat de dépôt par le juge des libertés et de la détention pourra interjeter

appel de la décision devant la chambre de l'instruction et en cas de rejet, continuera

de bénéficier du double degré de juridiction, qui s’accompagne même ici du « double

regard505 » des deux magistrats statuant sur la détention en premier ressort506. Alors

que si le placement sous mandat de dépôt a été ordonné par la chambre de

l’instruction, consécutivement à l’appel du ministère public et que celle-ci a fait le

choix de se réserver le contentieux ultérieur sur la détention, la personne mise en

examen ne bénéficiera plus du double degré de juridiction, puisque ses demandes de

remise en liberté ne seront, à l’avenir, examinées que par la seule chambre de

l’instruction, à l’exception du pourvoi en cassation devant la chambre criminelle. En

résumé, une personne mise en examen, qui aura vu sa mise en liberté refusée par

trois juges distincts, bénéficiera d’un niveau de protection plus satisfaisant, que celui

505 DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire », op.
cit., p. 3571.
506 Selon l’article 148, alinéas 2 et 3 du Code de procédure pénale, « La demande de mise en liberté est
adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République
aux fins de réquisitions.
Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la
communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de
la détention. [...] ».
L’existence du procès 131

pour lequel le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention avaient

estimé que la privation de liberté ne s’imposait pas507.

194. Au regard de ces considérations, le Conseil constitutionnel ne pouvait que

déclarer ces dispositions de l’article 207 du Code de procédure pénale, contraires à

l’article 6 de la Déclaration de 1789508, qui fonde le principe d’égalité devant la loi,

dont l’égalité devant la justice fait partie 509. Dorénavant, la chambre de l’instruction

ne peut plus se réserver le contentieux de la détention provisoire. La solution était

sans doute prévisible, au regard, à la fois, de la restriction manifeste du droit

d’interjeter appel de celui qui avait obtenu une décision de remise en liberté en

première instance, mais aussi en considération du précédent de 1985, évoqué ci-

avant510. Une telle discrimination, provoquée par la suppression du double degré de

juridiction, qui n’était par ailleurs justifiée par aucun objectif d’intérêt général

suffisant511, ne pouvait être acceptée.

195. Néanmoins, la décision est intéressante en ce qu’elle condamne aussi le

dispositif, en raison d’une atteinte en soi au droit au recours juridictionnel512,

indépendamment de la rupture d’égalité qu’il provoque entre justiciables concernés

par des procédures identiques. En 2010, comme en 1985, le justiciable n’était pas

dépourvu du droit de remettre en cause la décision par la voie de la cassation. Dans

les deux cas, la rupture d’égalité devant la justice était un moyen

d’inconstitutionnalité suffisant. Mais dans la jurisprudence de 2010, le Conseil a tenu

à préciser que le dispositif législatif était également contraire à l’article 16 de la

507 DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire », op.
cit., p. 3571.
508 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
509 Sur la question, Cf MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, op. cit., p. 94.
510 Cf supra n° 187.
511 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
512 Ibidem.
132 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen513, qui fonde le droit constitutionnel

d’agir en justice, alors même que les décisions de la chambre de l’instruction

pouvaient être contestées devant la chambre criminelle, par l’intermédiaire du

recours en cassation. Il s’agit là, sans doute, de la démonstration que le pourvoi en

cassation ne saurait suppléer, favorablement et en toutes circonstances, un appel

déficient. Il arrive quand même que le Conseil constitutionnel se satisfasse de

l’institution de voies de recours, qui, à l’instar de la cassation, ne permettent pourtant

pas de pallier valablement le défaut du droit d’interjeter appel514.

§ 2. La protection constitutionnelle imparfaite du recours en cassation

196. Le Conseil constitutionnel accepte que le législateur organise des contentieux, en

prévoyant que les décisions juridictionnelles seront rendues en premier et dernier

ressort515. En effet, si sa jurisprudence consacre le droit d’agir en justice, elle n’a

jamais érigé le droit d’appel contre une sentence d’un juge, en exigence

constitutionnelle516, rejoignant en cela les positions convergentes de la Cour

européenne des droits de l'homme517 et du Conseil d’État518. Cependant, il semblerait

que la constitutionnalité de tels dispositifs repose, outre le nécessaire respect du

principe d’égal accès des citoyens à la justice, sur l’institution de voies de droit, au

premier rang desquelles le pourvoi en cassation, permettant de contester

513 Ibid.
514 C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France, requête n° 18497/03 ; R.S.C., 2008, p. 598, note
MATSOPOULOU H.
515 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004 préc., Cons. 5 ; Décision n° 86-224 DC du 23 janvier
1987 préc.
516 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 19 ;
RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
517 C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, requête n° 2689/65, série A, n° 11, § 25. Cf
CANIVET G., « Economie de la justice et procès équitable », J.C.P., 2001, I, 361, p. 2086.
518 C.E., 6 juin 1949, Faveret préc.
L’existence du procès 133

efficacement, dans le reste de la procédure, les jugements de première instance 519. Il

en est ainsi, par exemple, de la loi organique sur la Cour de justice de la

République520. Même si la juridiction constitutionnelle ne fait pas explicitement, de

l’existence du pourvoi en cassation, une condition sine qua non de la

constitutionnalité des dispositions organisant les arrêts de la commission

d'instruction521 et ceux de la Cour de justice de la République proprement dite 522, elle

est malgré tout un indice majeur de sa conformité à la Loi fondamentale.

197. Il n’étonnera guère, de ce fait, que cette voie de recours, qualifiée de « garantie

fondamentale dont, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient seulement à la loi

de fixer les règles523 » par le juge constitutionnel, soit envisagée comme le moyen

juridictionnel de contestation ultime524, celui dont il est difficile de priver un

justiciable, sous peine de déséquilibrer les droits des parties au procès 525. Le recours

en cassation est donc bien celui qui recueille les faveurs du Conseil constitutionnel 526,

lequel a élaboré une jurisprudence protectrice, tant à l’encontre des limitations

juridiques (A) que des restrictions financières (B), que pourrait lui imposer le

législateur, mais qui n’est pas à l’abri de tout effet indésirable.

519 Décision n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Société Invest Hôtels Saint-Dizier Rennes et
autre [Prise de possession d'un bien exproprié selon la procédure d'urgence], JO, 15 septembre 2013,
p. 15528.
520 Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993 préc.
521 Idem, Cons. 16.
522 Idem, Cons. 17.
523 Décision n° 80-113 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions du Code général des
impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, JO, 17 mai 1980, p. 1231, Cons. 7 ;
Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988, Nature juridique de dispositions du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique, JO, 15 mai 1988, p. 7134, Cons. 10.
524 L’institution d’un pourvoi en cassation ne suffit pourtant pas toujours, en l’absence de voie
d’appel, à garantir la conformité d’une législation au droit au recours, Cf Décision n° 2010-81 QPC
du 17 décembre 2010 préc.
525 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, ROUSSILLON et autres [Article 575 du Code de
procédure pénale], JO, 24 juillet 2010, p. 13727 ; Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme
Marielle D. [Frais irrépétibles devant la Cour de cassation], JO, 2 avril 2011, p. 5892.
526 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 19.
134 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) La protection contre les limitations juridiques

198. Selon Thierry RENOUX, le recours en cassation « ne semble pouvoir être exclu à

l’égard d’aucune décision juridictionnelle527 ». L’affirmation, en forme de souhait, du

constitutionnaliste aixois ne reflète pourtant pas fidèlement la réalité du droit positif.

Ainsi, l’article 575 du Code de procédure pénale528 empêchait les parties civiles, en

l'absence de pourvoi du ministère public, de faire censurer, par la Cour de cassation,

la violation de la loi commise par les arrêts de la chambre de l'instruction statuant sur

la constitution d'une infraction, la qualification des faits poursuivis ou la régularité

de la procédure. Cette limitation absolue de l’accès au recours en cassation sera

justement censurée par le Conseil constitutionnel, au terme d’une démonstration qui

emprunte, peu ou prou, le même raisonnement que celle décrite précédemment, à

propos des restrictions du droit d’interjeter appel des ordonnances du juge

d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, imposées au mis en

examen529. Outre la volonté de préserver le fragile équilibre des parties au procès

pénal, cette jurisprudence constitutionnelle s’inscrit dans une démarche générale

visant à accentuer la place de la victime dans l’instance criminelle, mais aussi dans

un souci manifeste de protéger le recours en cassation, garant de l’unité de la

jurisprudence et de l’égalité devant la loi530.

199. Inspiré originellement d’un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 1822531, en

vertu duquel, l’action civile étant liée à l’action du ministère public, elle ne peut être

exercée indépendamment de cette dernière532 et inscrit pour la première fois dans la

527 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
528 L’article 575 du Code de procédure pénale disposait que « la partie civile ne peut se pourvoir en
cassation contre les arrêts de la chambre de l'instruction que s'il y a pourvoi du ministère public ».
529 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc.
530 RENOUX T., « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », op. cit., p. 319.
531 Cour de cassation, 28 juin 1822, Sieur Niogret, Bull. 1822, n° 7.
532 Ibidem, « [...] que le ministère public ayant acquiescé à l’arrêt de cette chambre, contre lequel il n’a pas formé
de pourvoi, la partie civile est sans droit et sans qualité pour en provoquer l’annulation ».
L’existence du procès 135

loi en 1935533, le principe de l’interdiction du pourvoi en cassation de la partie civile

contre un arrêt de la chambre de l’instruction, en l’absence de pourvoi du ministère

public, s’est retrouvé, dès 1958, à l’article 575 du Code de procédure pénale 534. Même

si le second alinéa pose un certain nombre de dérogations, régulièrement enrichies

par le législateur535, il n’en demeure pas moins que le principe reste celui de la

prohibition du pourvoi exercé seule par la partie civile, ce qui la prive

essentiellement de la faculté de faire annuler, par la Cour de cassation, les arrêts de

non-lieu de la chambre de l’instruction, entachés d’une erreur de droit.

200. A contre-courant de toute l’évolution du droit des victimes d’infractions

pénales536, cette disposition, non déférée au juge constitutionnel dans le cadre du

contrôle a priori des lois, apparaissait comme un des derniers vestiges de la place

originelle sous-valorisée, de la partie civile dans le procès criminel. Depuis que le

juge judiciaire les a autorisées à mettre en œuvre l’action publique 537 malgré l’inertie

du parquet, rien ne justifiait plus que les victimes ne puissent se pourvoir en

cassation, nonobstant l’abstention du ministère public. Saisi par le biais de la

question prioritaire de constitutionnalité 538, le Conseil déclarera contraire à la Loi

fondamentale, cette restriction anachronique du droit de se pourvoir en cassation, là

où ni la juridiction judiciaire539, ni surtout la Cour européenne des droits de

533 Décret-loi du 8 août 1935 modifiant et complétant les dispositions des art. 405 et 408 du Code
pénal, JO, 9 août 1935, p. 8688.
534 Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 instituant le Code de procédure pénale, JO, 8 janvier 1958,
p. 258.
535 Ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960 modifiant certaines dispositions du Code pénal, du Code de
procédure pénale et des Codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer en
vue de faciliter le maintien de l'ordre, de la sauvegarde de l'état et la pacification de l'Algérie, JO, 8
juin 1960, p. 5107 ; Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant a renforcer la garantie des droits
individuels des citoyens, JO, 19 juillet 1970, p. 6751.
536 STRICKLER Y. (dir.), La place de la victime dans le procès pénal, Bruylant, Bruxelles, 2009.
537 Cass. Crim., 8 decembre 1906, Placet, Bull. 1906, n° 443.
538 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc. Trois questions de la Cour de cassation (Cass.
Crim., 31 mai 2010, pourvoi n° 09-85389 ; pourvoi n° 09-87295 ; Cass. Crim., 4 juin 2010, pourvoi n°
09-83936) ont été jointes par le Conseil, afin d’y répondre par une seule décision.
539 Cass. Crim., 23 novembre 1999, pourvoi n° 99-80794, Bull. crim., n° 268, p. 836.
136 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’homme540, n’y avaient décelé d’atteinte au droit au procès équitable. Cette dernière

avait jugé que la partie civile ne saurait disposer d'un droit illimité d’exercer un

pourvoi en cassation contre les arrêts de non-lieu de la chambre d’instruction, dès

lors qu’elle dispose d’une action en réparation du préjudice subi, devant les

juridictions civiles541. De surcroît, la Cour européenne estime aussi que, si le

ministère public, gardien de l'intérêt général, a décidé que le pourvoi en cassation ne

se justifiait pas, la démarche de la partie civile risquait fort de présenter un caractère

dilatoire ou abusif542. Telle ne sera pas la position du Conseil constitutionnel, qui, une

fois encore et contrairement à l’opinion partagée le plus souvent, se montre ici plus

protecteur des droits fondamentaux judiciaires que son homologue européen, grâce à

une démarche intellectuelle sensiblement différente.

201. Pour aboutir à la conclusion que la restriction de l’accès de la partie civile au

juge de cassation était contraire à la Constitution, la Haute juridiction va développer

un raisonnement en deux temps. En premier lieu, elle va contrôler si la limitation

imposée par le législateur n’entraîne pas de discriminations prohibées, à la fois entre

parties à la même instance juridictionnelle, mais aussi entre justiciables impliqués

dans des procédures similaires. Sur le premier point, il apparaît que la partie civile et

le ministère public ne sont pas placés dans une situation identique, en raison du

caractère accessoire, car essentiellement réparateur, de l'action civile. Rien n’empêche

alors le législateur de gouverner autrement des situations différentes543. C’était aussi

la position du juge strasbourgeois, qui estimait que la partie civile ne pouvait « être

considérée comme l’adversaire du ministère public, ni d’ailleurs nécessairement comme son

alliée, leur rôle et leurs objectifs étant clairement distincts544 ».

540 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France, requête n° 48221/99, § 38. Cf CANIVET G., « Economie
de la justice et procès équitable », op. cit., p. 2087.
541 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France préc., § 26.
542 Ibidem.
543 Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 préc., Cons. 10.
544 C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France préc., § 38.
L’existence du procès 137

202. Sur le second point, la possibilité pour la partie civile de se pourvoir en cassation

de manière autonome, en fonction de l’infraction pénale dont elle a été victime, n’est

pas non plus constitutive d’une discrimination illégale. En résumé, quel que soit le

périmètre des situations envisagées, l’article 575 du Code de procédure pénale n’est

pas à l’origine d’une rupture d’égalité devant la justice. Le Conseil constitutionnel

s’était déjà prononcé sur l’attitude à adopter face à des mesures procédant, en

matière pénale, à des traitements procéduraux différenciés. Que le principe d’égalité

soit respecté ne garantit pas, pour autant, la conformité de la disposition à la norme

fondamentale. La juridiction constitutionnelle avait eu l’occasion d’affirmer, qu’outre

la prohibition des distinctions injustifiées, ces dispositifs se devaient d’offrir aux

justiciables une équivalence de garanties, notamment en matières de droits de la

défense545. C’est sur ce terrain que la mesure litigieuse fut légitimement déclarée

contraire à la Constitution, en y adjoignant une condition supplémentaire, qui fait

défaut en l’espèce : l’équilibre des droits des parties au procès546.

203. En second lieu, le Conseil constitutionnel, bien qu’admettant au sein du procès

pénal, la différence de position des différentes catégories de parties, estime que la

restriction imposée aux parties civiles, à l’égard du droit de se pourvoir en cassation

contre les arrêts de la chambre de l'instruction, constitutifs d’une violation de la loi,

n’est pas conforme à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des

droits des parties547. En effet, dans la mesure où le mis en examen peut se pourvoir

contre un arrêt de mise en accusation de la chambre de l’instruction548, rien ne justifie,

pas même le désir de réduire les recours supposés dilatoires, d’empêcher la partie

civile d’en faire de même, à l’encontre des arrêts de non-lieu. Loin « de dégager une

tendance de la procédure pénale dont il demande l'accentuation par cette décision de

545 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire
et artistique sur internet, JO, 29 octobre 2009, p. 18292, Cons. 10. Cf infra n° 771 et s.
546 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 4.
547 Ibidem.
548 Article 217 du Code de procédure pénale.
138 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

censure549 », le juge constitutionnel s’efforce, surtout ici, de mettre un peu d’équité et

de cohérence, dans un dispositif global qui en manquait singulièrement, puisque la

partie civile pouvait, en revanche, interjeter appel contre une ordonnance de non lieu

du juge d’instruction550. Dans un mouvement général d’approfondissement des

droits des victimes dans l’instance pénale551, à l’exception notable de la loi du 5 mars

2007552, qui a encadré plus strictement la constitution de partie civile, il paraissait

difficilement tenable, à partir du moment où la procédure pénale reconnaissait à la

partie civile un véritable statut de partie au procès, de lui amputer un droit

procédural aussi essentiel que celui du pourvoi en cassation553.

204. La décision du Conseil constitutionnel représente, indiscutablement, une

avancée significative pour la défense des droits des victimes d’infractions pénales,

mais aussi pour la protection du recours en cassation, auquel il attache, de toute

évidence, une importance notable. Ce sera d’ailleurs confirmé, quand le pourvoi en

cassation fera l’objet d’une restriction financière, certes moins directe et radicale,

mais bien réelle et suffisamment dissuasive, pour ne pas être négligée.

B) La protection contre les limitations financières

205. Parce que les frais de justice peuvent aussi constituer un frein au droit d’accès à

un tribunal554, le législateur a imaginé des dispositifs, qui reposent sur l’idée que la

549 (de) LAMY B., « Inconstitutionnalité de l'article 575 du Code de procédure pénale : la partie civile
promue par le Conseil constitutionnel », R.S.C., 2011, p. 188.
550 Article 186 du Code de procédure pénale.
551 Droits de la partie civile qui sont rappelés par le Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-15/23
QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 5 à 7.
552 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, JO, 6 mars
2007, p. 4206.
553 LACROIX C., « Les parties civiles à l'assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation », D,
2010, p. 2686 ; DAOUD E. et TALBOT A., « Procédure pénale : le droit au recours des parties au
procès pénal », op. cit., p. 520.
554 BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », op. cit., p. 1016.
L’existence du procès 139

partie qui a obtenu gain de cause dans une procédure qu’elle n’a pas souhaitée, ou

dont elle n’est pas à l’origine, doit pouvoir être remboursée de certaines dépenses

engagées pour défendre ses intérêts, à commencer par les honoraires d’avocat. C’est

ainsi que l'article 800-2 du Code de procédure pénale555 permet à une juridiction

prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, d’ordonner à l’État (ou à la

partie civile quand celle-ci a mis l'action publique en mouvement) de verser, à la

personne poursuivie, une indemnité couvrant les frais irrépétibles de l’instance.

206. Dans le même ordre d’idées, l'article 618-1 du Code de procédure pénale

autorise la Cour de cassation, qui a rejeté le pourvoi d’un prévenu condamné

précédemment dans la procédure, à contraindre ce dernier au remboursement des

frais de la partie civile. Cette possibilité, ouverte par la loi du 15 juin 2000 556, était

l’étape ultime d’un processus qui avait déjà vu la victime bénéficier d’une telle

opportunité devant les juridictions d’instruction557, le tribunal correctionnel558, la cour

d’assises559 et enfin, le tribunal de police560. Dans la mesure où l'article 618-1 du Code

de procédure pénale n’envisageait pas la situation symétrique à celle décrite

précédemment, demeurait donc, en droit interne, une hypothèse où une partie ayant

vu sa cause entendue en cassation, ne pouvait obtenir le remboursement des frais

non compris dans les dépens. Il s’agissait du cas de figure dans lequel le pourvoi

formé par la partie civile avait été rejeté par la chambre criminelle. C’est cette absence

de réciprocité de l’article 618-1 du Code de procédure pénale, qui faisait récemment

l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité 561.

555 Ce dispositif est issu de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.


556 Ibidem.
557 Article 216, alinéa 2, du Code de procédure pénale.
558 Articles 475-1 et 512 du Code de procédure pénale.
559 Article 375 du Code de procédure pénale.
560 Article 543 du Code de procédure pénale.
561 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc.
140 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

207. Il était raisonnable de penser que cette carence de l’article 618-1 pouvait être

comblée par le dispositif prévu à l'article 800-2 du Code de procédure pénale. Telle

n’est pas l’interprétation de la Cour de cassation, qui considère que ces dispositions

ne sont pas applicables devant son prétoire, dans la mesure où elle ne se prononce

que sur la validité des décisions rendues par les juridictions inférieures, en renvoyant

éventuellement au juge du fond le soin de trancher le litige562. Même dans les cas

exceptionnels où, suite à un arrêt de cassation, la Haute juridiction judiciaire estime

qu’il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire, parce que les faits souverainement appréciés

par les juges précédents lui permettent d'appliquer la règle appropriée, il y a tout lieu

de penser, que les décisions rendues dans ces conditions, ne respectent pas les

critères posés par l'article 800-2563. En adéquation avec la doctrine du droit vivant564,

le Conseil constitutionnel, adoptant l’interprétation de la disposition législative

effectuée par les juridictions ordinaires, en conclut alors que la seule disposition

applicable dans le cadre d’un pourvoi en cassation, reste l'article 618-1 du Code de

procédure pénale.

208. Cette disposition du Code de procédure pénale était contestée par la requérante,

en ce qu’elle ne permettait qu’à la seule partie civile d'obtenir, devant la Cour de

cassation, le remboursement des frais engagés lors du pourvoi. Selon elle, cette

différence de régime juridique, en fonction de la qualité de la partie concernée,

562 Cass. crim, 16 octobre 2002, pourvoi n° 02-80945 ; Cass. crim., 8 janvier 2003, pourvoi n° 02-81.476 ;
Cass. crim., 8 avril 2008, pourvois n° 07-86.250 et n° 07-86.251.
563 MARON A., « Charybde et Scylla évités », Droit Pénal, mai 2011, n° 5, p. 36.
564 La doctrine du droit vivant a été élaborée, dans les années 1950, par la Cour constitutionnelle
italienne, pour répondre à la nécessité de trouver un mode de collaboration avec la Cour de
cassation, dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de contrôle incident de
constitutionnalité. Cette doctrine implique que le juge constitutionnel accepte de contrôler la loi
telle qu’elle est interprétée par le juge judiciaire et ne censure que les seules dispositions, dont
l’interprétation n’est pas conforme au texte constitutionnel. Sur l’ensemble de la question, Cf
SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris,
Aix-en-Provence, 2003. Pour une application récente, Décision n° 2013-336 QPC du 1er août 2013,
Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l'entreprise dans les
entreprises publiques], JO,
L’existence du procès 141

contreviendrait au principe d'égalité devant la justice 565. Le Conseil constitutionnel,

au terme du même raisonnement que celui développé l’année précédente, à propos

de l’article 575 du Code de procédure pénale566, voit dans cette disparité de

traitement, une atteinte à l'équilibre entre les parties au procès pénal, dans l'accès au

recours en cassation567. La partie civile se pourvoira plus volontiers en cassation,

puisqu’elle pourra y obtenir le remboursement des frais irrépétibles, ce qui n’est, en

toutes hypothèses, pas le cas du prévenu, qui devra supporter seul ses frais de

justice. La disparité des régimes juridiques entraîne donc une restriction du droit de

se pourvoir en cassation. Il est même certaines hypothèses, dans lesquelles le

prévenu n’a aucun intérêt financier à former un recours devant la chambre

criminelle, y compris en cas de succès de son action et, a fortiori, en cas de rejet du

pourvoi. Ce sont celles où le montant des honoraires d’avocats, inhérents au pourvoi

en cassation, excède l’amende pénale, à laquelle la personne poursuivie a été

condamnée devant le juge du fond.

209. Ici, c’est donc bien la restriction de l’accès à la cassation, qui est condamnée par

le Conseil constitutionnel, par l’intermédiaire du déséquilibre entre les parties au

procès pénal568. Cette décision qui vise a rétablir une certaine équité, entre les droits

de la partie civile et ceux de la personne poursuivie, ne s’inscrit pas dans l’orientation

délibérée de « triangularisation » de la procédure pénale569, dénoncée par une

certaine partie de la doctrine570. Au contraire, la décision débouchant sur une

déclaration d'inconstitutionnalité, ce sont les droits de la victime qui se trouvent

sacrifiés, au nom du renforcement de l’équilibre entre les parties au procès répressif.

En effet, une abrogation immédiate de l’article 618-1 du Code de procédure pénale

565 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 2.


566 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 4.
567 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 7.
568 Cf infra n° 774 et s.
569 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en
droit pénal entre audace et prudence », R.S.C., 2011, p. 193.
570 (de) LAMY B., « Inconstitutionnalité de l'article 575 du Code de procédure pénale : la partie civile
promue par le Conseil constitutionnel », op. cit., p. 188.
142 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conduirait à la suppression des droits conférés à la partie civile par cette disposition.

C’est la raison pour laquelle, le juge constitutionnel décida judicieusement de

reporter les effets de sa décision au 1er janvier 2012, afin de laisser le temps au

législateur d’intervenir, pour aligner les droits de la personne poursuivie sur ceux de

la partie civile. C’est d’ailleurs ce qu’il fit à la fin de l’année 2011. L’article 618-1 du

Code de procédure pénale571, modifié par la loi du 13 décembre 2011572, permet

dorénavant à la personne soupçonnée d’être l’auteur de l’infraction, de solliciter la

condamnation de la partie civile à l’indemniser des frais non compris dans les

dépens.

210. Pour autant, la position de la juridiction constitutionnelle n’était pas dépourvue

d’une certaine faiblesse. En voulant effacer le déséquilibre inconstitutionnel constaté,

sa décision déboucha sur une bien curieuse protection des droits des parties, nivelée

vers le bas. Certes, le report dans le temps des effets de l’inconstitutionnalité incitait

le législateur à étendre au prévenu, le bénéfice des droits reconnus par l’article 618-1

à la victime de l’infraction. Mais rien ne permettait cependant de garantir la réussite

de la démarche entreprise, quelque peu hasardeuse. Le législateur eut gardé le

silence, qu’il n’en fût pas fautif pour autant. La tentative de protection du recours en

cassation de la personne poursuivie se serait alors réalisée au détriment de l’accès au

pourvoi de la partie civile573.

211. Peut-être y avait-il une autre solution, qui aurait consisté à étendre la

jurisprudence issue de la décision « Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-

571 L’article 618-1 du Code de procédure pénale dispose à présent que « lorsqu’une demande en cassation
formée par la personne poursuivie ou par la partie civile a été rejetée, la cour peut condamner le demandeur à
payer à l’autre partie la somme qu’elle détermine, au titre des frais non payés par l’état et exposés par celle-
ci. La cour tient compte de l’équité ou de la situation économique du demandeur pour décider du prononcé de
cette condamnation et en fixer le montant ».
572 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de
certaines procédures juridictionnelles, JO, 14 décembre 2011, p. 21105.
573 MARON A., « Charybde et Scylla évités », op. cit., p. 36.
L’existence du procès 143

Calédonie et dépendances574 », au contrôle effectué dans le cadre de l’article 61-1 de

la Constitution. Le Conseil aurait alors pu estimer que la constitutionnalité de

l’article 618-1 du Code de procédure pénale dépendait de l’appréciation qu’il y avait

lieu de porter sur l’article 800-2 du même Code. En étendant au recours en cassation,

via une réserve d’interprétation, le domaine d’application de cette mesure, l’équilibre

des droits des parties au procès pénal eut été rétabli, chacune disposant ainsi d’un

moyen légal d’obtenir le remboursement des frais irrépétibles, même si pour cela, la

juridiction constitutionnelle dut imposer au juge ordinaire sa lecture de la disposition

litigieuse.

212. Le bilan de la protection constitutionnelle de l’existence du double degré de

juridiction est contrasté. Le principe d’égalité devant la justice constitue un moyen

efficace de protéger le droit d’interjeter appel, surtout quand il se double, dans le

cadre du procès pénal, de l’exigence d’équilibre des droits des parties. Si le

législateur peut restreindre le droit d’appel, quand la bonne administration de la

justice l’impose, il ne peut toutefois pas laisser le justiciable dépourvu de tout moyen

de contestation juridictionnelle. En ce sens, la jurisprudence constitutionnelle accorde

une attention privilégiée au recours en cassation, qu’elle appréhende comme une

compensation satisfaisante au déficit d’appel575, alors que les effets respectifs des

deux voies de droit ne sont guère comparables. Même si les stipulations

européennes, y compris en matière pénale576, n’imposent pas l’obligation d’appel577, il

574 Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et
dépendances, JO, 26 janvier 1985, p. 1137, Cons. 10. Le juge constitutionnel y affirme que « la
régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à
l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ».
575 Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993 préc., Cons. 17.
576 Le premier alinéa de l’article 2 du Protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne des
droits de l’Homme, intitulé « Droit à un double degré de juridiction en matière pénale », stipule
seulement que « Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de
faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L’exercice de
ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi ».
577 Ce d’autant que la réserve émise par la France, au moment de la ratification de ce protocole
additionnel, lui permet de satisfaire aux prescriptions de Strasbourg par l’institution du seul
pourvoi en cassation.
144 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

eut été apprécié que le Conseil constitutionnel se montrât plus exigeant en matière

d’existence du double degré de juridiction, au lieu de parfois même se satisfaire de

recours aux résultats sui generis578, d’autant que sa position à l’égard des effets du

double degré de juridiction, qui ont considérablement évolué ces dernières années,

n’est pas non plus d’une grande lisibilité.

Section 2 La protection constitutionnelle des effets du double degré de

juridiction

213. Deux effets majeurs sont associés au double degré de juridiction. L’un, l’effet

dévolutif (§ 1.), apparaît comme sa traduction juridique, tandis que l’autre, l’effet

suspensif (§ 2.), a plutôt un rôle protecteur en préservant l’effet utile du double degré

de juridiction. Les deux, à des degrés variables, ont en commun de ne pas bénéficier

d’une protection constitutionnelle pleinement satisfaisante.

§ 1. La protection constitutionnelle de l’effet dévolutif de l’appel

214. L’effet dévolutif est la propriété attachée à l’appel, qui permet au justiciable de

bénéficier d’un second jugement, en droit et en fait 579. En ce sens, il peut être envisagé

comme « l'expression même du double degré de juridiction580 », puisque la cour d’appel

va accueillir le litige, ou une partie de celui-ci, pour le trancher à nouveau dans tous

578 Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Société YONNE REPUBLICAINE et autre
[Saisine obligatoire de la commission arbitrale des journalistes et régime d'indemnisation de la rupture du
contrat de travail], JO, 15 mai 2012, p. 9097, Cons. 13.
579 L’article 561 du Code de procédure civile dispose : « L'appel remet la chose jugée en question devant la
juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ».
580 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
L’existence du procès 145

ses aspects, en disposant des mêmes prérogatives que le tribunal de première

instance581.

215. L’effet dévolutif entraîne deux limites, bordant l’étendue du contentieux dont la

juridiction d’appel va devoir connaître. D’un côté, il induit une limite « plancher »,

en ce sens que l’effet dévolutif se présente sous la forme d’un devoir pour le juge

d’appel, tenu de statuer sur tout ce qui a été interjeté582. Non seulement la juridiction

d’appel ne peut refuser de se pencher à nouveau sur le litige, en se dessaisissant de

l’affaire au profit des premiers juges583, mais elle ne peut, non plus, réduire de sa

propre initiative le périmètre du différend à régler. Symétriquement, l’effet dévolutif

implique aussi une limite « plafond », doublement circonscrite. En effet, la juridiction

d’appel ne peut apprécier que les aspects du litige qui ont déjà été tranchés une

première fois et parmi ceux-ci, elle doit se prononcer uniquement sur les points

mentionnés dans l’acte de saisine, c’est à dire ceux sur lesquels il a été interjeté

appel584.

216. La délimitation du contentieux, que les juges du second degré vont connaître,

dépend non seulement, de la volonté de l’appelant de voir certaines questions, sur

lesquelles il estime ne pas avoir obtenu satisfaction, tranchées à nouveau, mais il est

aussi fonction de sa qualité. Dans un procès pénal, selon que l’appel a été interjeté

par le ministère public ou par la partie civile, la cour n’est saisie que de l’action

publique ou de l’action civile585. Ce sont les articles 497586, 509587 et 515588 du Code de

581 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 281.
582 Ibidem.
583 LEFORT C., « Double degré de juridiction », op. cit., p. 348.
584 Idem, p. 349.
585 Ibidem.
586 « La faculté d'appeler appartient : [...]
3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ; [...] ».
587 « L'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant
ainsi qu'il est dit à l'article 515. [...] ».
588 « La cour peut, sur l'appel du ministère public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou en
partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu.
La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur
de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant. [...] ».
146 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

procédure pénale qui précisent le domaine d’application de l’acte d’appel, en

fonction de la qualité de l’appelant. Ces dispositions ont fait l’objet, le même jour, de

deux questions prioritaires de constitutionnalité devant la chambre criminelle 589,

mais non transmises au Conseil constitutionnel, en raison de leur absence de

caractères nouveau et sérieux, ce qui conduit à admettre implicitement la

constitutionnalité de ces dispositifs590. On peut regretter que la chambre criminelle ait

refusé de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité. Elles auraient

permis au Conseil constitutionnel de préciser sa position sur les restrictions pesant

sur la dévolution d’un litige devant la juridiction d’appel, en fonction de la qualité

du demandeur.

217. En résumé, la dévolution du contentieux, pour respecter le principe du double

degré de juridiction, doit porter sur des points du litige que l’appelant veut ou peut

voir tranchés à nouveau, c’est à dire qu’ils doivent nécessairement avoir déjà fait

l’objet d’une décision de première instance. Cette règle implique alors

théoriquement, mais en toute rigueur, deux conséquences principales. D’une part,

elle fait obstacle à ce que les parties présentent de nouvelles prétentions en cause

d’appel (A) et, d’autre part, a fortiori, elle interdit l’apparition de nouveaux acteurs

du procès, au stade du second degré de juridiction (B). Tel est l’enseignement de la

jurisprudence constitutionnelle, dont on peut regretter toutefois qu’elle n’ait pu se

prononcer, dans une période récente, sur cette question de l’effet dévolutif de l’appel,

au regard de l’évolution substantielle de la notion591.

589 Cass. crim., 16 juillet 2010, Sté Norprotex, pourvoi n° 10-81659 pour l’article 497 et Cass. crim., 16
juillet 2010, Dominique Y., pourvoi n° 09-88580, pour les articles 509 et 515. Ces deux articles étant
étroitement liés l’un à l’autre, ils ont fait l’objet d’une seule et même question.
590 DISANT M., « Les juges de la QPC et les principes constitutionnels en matière de Justice », Cahiers
du Conseil constitutionnel, 2011, n° 31, p. 236.
591 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 277.
L’existence du procès 147

A) La prohibition constitutionnelle des prétentions nouvelles en cause

d’appel

218. Dans la mesure où l’essence même du double degré de juridiction induit que le

juge d’appel porte un nouveau regard sur le litige, l’effet dévolutif s’oppose à ce que

les parties présentent pour la première fois, au stade de l’appel, des demandes qui

auraient ainsi échappé à l’examen des premiers juges592. Néanmoins, les moyens

nouveaux, venant étayer une prétention déjà formulée en première instance, sont

acceptés593. Ainsi pourrait être résumée l’une des incidences majeures du principe du

double degré de juridiction.

219. En toute logique, le juge constitutionnel censurera la volonté du législateur, de

permettre à la partie civile de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel 594,

même si celle-ci avait un motif sérieux pour ne pas les avoir formulées en première

instance595. Pour autant, à l’instar de ce qu’il décidera en 1985, concernant le

dessaisissement de la cour d’appel en raison d’un retard à statuer596, ou de ce qu’il fit

en 1975, dans la décision « juge unique597 », c’est en raison d’une rupture d’égalité

devant la justice, que le Conseil déclarera l’article 92 de la loi « Peyrefitte » contraire à

la Constitution598. En d’autres termes, la loi peut priver un contentieux d’une des

conséquences essentielles du double degré de juridiction, mais il n’est pas admis que

l’effet dévolutif de l’appel varie d’un litige à l’autre, en fonction de l’attitude adoptée

592 Article 563 du Code de procédure civile.


593 Ibidem.
594 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des
personnes, JO, 22 janvier 1981, p. 308, Cons. 71.
595 Article 92 de la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des
personnes, JO, 3 février 1981, p. 415.
596 Cf supra n° 187.
597 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc.
598 Il est intéressant de noter que le Conseil ne retient la rupture d’égalité qu’à l’égard du seul
prévenu, alors qu’elle est constituée de la même manière vis à vis de la partie civile (c’est d’ailleurs
ce que faisaient observer les sénateurs dans leur saisine : « cette disposition prive non seulement le
prévenu mais la partie civile elle-même du double degré de juridiction »), quand bien même ce serait elle
qui en serait à l’origine.
148 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

par la victime599. Aujourd’hui, sans présager de façon certaine du fondement que

retiendrait le juge constitutionnel, il est tout de même vraisemblable, en raisonnant

par analogie avec la décision sur la réserve de contentieux de la détention

provisoire600, qu’il déclarerait le dispositif contraire au droit au recours juridictionnel,

indépendamment des inégalités qu’il engendre.

220. La jurisprudence constitutionnelle, prohibant les prétentions inédites devant la

cour d’appel, n’est pas sans présenter quelques inconvénients. Elle provoque une

cristallisation du litige dans l’état où il se trouvait devant les juges de première

instance, alors que les données du problème ont pu évoluer, d’autant qu’en raison de

l’allongement des durées de procédure, il est fréquent que plusieurs années se soient

écoulées dans l’intervalle601. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics sont

venus assouplir la prohibition des demandes nouvelles au stade de l’appel, vidant

quelque peu de sa substance le principe de l’effet dévolutif602.

221. Ainsi, le juge accepte, en cause d’appel, une demande nouvelle en ce qu’elle

repose sur un fondement différent, mais à la condition qu’elle vise la même finalité

qu’une prétention déjà exprimée auparavant dans la procédure603. Ou encore, quand

elle est l'accessoire, la conséquence ou le complément d’une demande formulée en

première instance604, le pouvoir réglementaire605 estimant, dans une formulation

quelque peu sibylline, que les parties ne font là qu’expliciter une prétention

« virtuellement comprise » dans les demandes initiales. Ces deux dérogations à l’effet

dévolutif ne constituent pas, à proprement parler, de véritables entorses au principe.

599 PHILIP L., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, R.D.P., 1981, p. 660.
600 Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 préc.
601 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 283.
602 Idem, p. 288.
603 Article 565 du Code de procédure civile. Application jurisprudentielle : Cass., 2ème civ., 8 mars
2007, pourvoi n° 05-21627, Bull. civ., 2007, II, n° 58.
604 Article 566 du Code de procédure civile.
605 Décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile, JO, 9
décembre 1975, p. 12521.
L’existence du procès 149

Dans le premier cas, la demande n’est inédite qu’au regard de sa base juridique, mais

pas au vu de l’objectif qu’elle recherche et, dans le second cas, la prétention n’est pas

entièrement nouvelle non plus, puisqu’elle est une forme de prolongement naturel

de la demande de départ.

222. Dans le même ordre d’idées, dans le cadre d’une action en réparation d’un

dommage, le juge ne considère pas comme irrecevable, une requête en augmentation

des dommages-intérêts en raison du préjudice subi606. Ici encore, il ne s’agit que

d’une modification quantitative d’une prétention déjà formulée, qui doit être, de

plus, justifiée par la survenance de troubles nouveaux, consécutifs au dommage.

D’une certaine façon, ce n’est donc qu’une demande complémentaire à la première,

qui ne varie pas par sa nature. De ce fait, il n’étonnera guère que les deux juridictions

du Palais Royal aient validé une telle faculté de revalorisation de la réparation

pécuniaire ouverte à l’appelant, quand l’ampleur exacte du préjudice n’est connue

qu’ultérieurement au premier jugement607.

223. L’acceptation de ce tempérament, au principe de l'immutabilité du litige entre le

premier et le second degré, traduit une position équilibrée du Conseil

constitutionnel, prohibant, d’un côté, les demandes en appel totalement inédites et

admettant, de l’autre, celles qui découlent de prétentions préexistantes. Au regard de

cette distinction, le juge constitutionnel ne pouvait que censurer une disposition,

autorisant la victime d'une infraction à se constituer partie civile pour la première

fois en appel.

606 Article 515 du Code de procédure pénale.


607 C.E., 8 juillet 1998, Département de l'Isère, n° 132302, Rec. p. 308 ; A.J.D.A., 1998, p. 797, chron.
FOMBEUR P. et RAYNAUD F. ; Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 72.
150 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) La prohibition constitutionnelle de nouvelles parties en cause

d’appel

224. L’arrivée d’un nouvel acteur du procès, au stade du second degré de juridiction,

semble encore plus attentatoire à l’effet dévolutif de l’appel, dans la mesure où les

prétentions qu’il formera ne peuvent être que nouvelles, intuitu personæ. Dans la

mesure où le Conseil constitutionnel, dans la même décision 608, déclarait contraire à

la norme fondamentale, la disposition législative permettant à la victime de présenter

des demandes nouvelles en cause d'appel, a fortiori, il ne pouvait qu’en décider de

même à l’encontre de l’article 94 de la loi, l’autorisant à se constituer partie civile

pour la première fois devant le juge d'appel609. La victime d’une infraction, qui se

constitue partie civile devant la Cour d’appel, ne permet pas à deux juges successifs

d’apprécier le bien-fondé de sa demande, pas plus qu’elle n’offre la chance au

second, de contrôler la régularité de la décision rendue par le premier. Il s’agit donc

là de l’entorse, sans doute la plus profonde, au principe de l’effet dévolutif de

l’appel610, ce qui justifie sa prohibition sans réserve.

225. Mais une telle interdiction, qui semble pourtant la mieux à même de préserver

rigoureusement l’effet dévolutif de l’appel, se trouve confrontée à un certain réalisme

judiciaire. Que faire, quand on découvre seulement au stade du second degré,

comme c’est souvent le cas des contentieux en cascade 611, un sujet de droit qu’il

semble indispensable d’intégrer aux débats juridictionnels ? D’un côté, l’application

stricte du principe de l’effet dévolutif empêche son arrivée à ce stade de l’instance,

mais de l’autre, introduire une nouvelle action en justice présente des désagréments

608 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc.


609 Idem, Cons. 71.
610 C’est d’ailleurs ce que soutenaient les sénateurs dans la saisine du Conseil, Saisine par 60
sénateurs - 80-127 DC, Site internet du conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1981/80-127-dc/saisine-par-60-senateurs.102678.html, consulté le 27 février 2013.
611 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 284.
L’existence du procès 151

pratiques, au regard de la bonne administration de la justice, sans doute supérieurs

aux avantages. C’est pourquoi le Code de procédure civile prévoit les hypothèses

d’intervention d’un tiers, dans lesquelles des acteurs du procès peuvent apparaître

en cause d'appel612, y compris pour faire éventuellement l’objet d’une

condamnation613, quand l’avancement du contentieux l’impose, c’est à dire

lorsqu’apparaît « l'existence d'un élément nouveau et imprévu, modifiant les données

juridiques du litige et révélé par le jugement ou survenu postérieurement614 ».

226. Même si l’effet dévolutif continue de gouverner l’appel, puisqu’il est

consubstantiel au principe même du double degré de juridiction, ses contours et son

contenu ont profondément évolué. La législation a dû s’adapter, pour faire face à une

complexification des contentieux, sans allonger exagérément les délais de procédure

et encombrer inutilement les prétoires. Le Conseil constitutionnel n’a guère pu

accompagner ce mouvement, dans la mesure où il n’a été réellement sollicité sur ce

point, qu’à une seule occasion lors du contrôle a priori et encore jamais, depuis la

mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité. On peut le regretter,

d’autant que les opportunités n’ont pas manqué615, mais les questions pertinentes des

requérants n’ont, à ce jour, jamais réussi à franchir le filtrage des deux juridictions

suprêmes, comme celle visant l’évocation, gouvernée par l’article 520 du Code de

procédure pénale.

227. Le procédé de l’évocation, « négation du double degré de juridiction616 », est très

contestable puisque qu’il permet à la juridiction d'appel, ayant déclaré un jugement

irrégulier, provoquant son annulation, de trancher elle-même l’intégralité du litige au

fond. Une décision de justice annulée étant supposée ne jamais avoir existé, les

612 Article 554 du Code de procédure civile.


613 Article 555 du Code de procédure civile.
614 Cass. Ass. plén., 11 mars 2005, Société Seritel, pourvoi n° 03-20484, Bull. civ., 2005, A.P., n° 4, p. 9.
615 Cf supra les deux questions prioritaires de constitutionnalité sur les restrictions du droit d’appel de
la partie civile, n° 216.
616 DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », op. cit., p. 1308.
152 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

parties se trouvent donc privées du double degré de juridiction. Et quand bien même

le jugement irrégulier constituerait un premier degré de juridiction, lorsque le juge

d'appel évoque le litige, il l’examine dans son intégralité et peut donc être conduit à

se prononcer sur des aspects non tranchés par les premiers juges. Voilà pourquoi un

requérant contestait le dispositif prévu à l’article 520 du Code de procédure pénale,

au regard du principe du double degré de juridiction et, plus globalement, en raison

d’une atteinte au droit à un procès équitable617.

228. En l’absence de caractères nouveau et sérieux, la question ne fut

malheureusement pas transmise au Conseil constitutionnel. C’est fort regrettable,

car, outre le nécessaire respect de la hiérarchie des normes, l’examen du procédé de

l’évocation aurait fourni au juge constitutionnel une occasion idéale de préciser sa

conception de l’effet dévolutif de l’appel et au-delà, du double degré de juridiction.

Sans extrapoler de manière hasardeuse, on peut raisonnablement penser, au regard

de l’orientation générale de sa jurisprudence, toujours soucieuse de préserver les

équilibres existants, qu’il aurait vraisemblablement fait preuve d’un certain

pragmatisme. Sans doute, eût-il fait prévaloir l’efficacité de la solution de l’évocation

sur le respect scrupuleux de l’effet dévolutif, consistant à renvoyer le litige devant les

juges de première instance, afin de lui faire bénéficier d’un véritable double regard. Il

est possible aussi de le déduire de la protection qu’il offre à la seconde incidence

majeure de l’appel, l’effet suspensif, même si elle n’est pas d’une grande

intelligibilité618, en raison de son caractère qui fluctue selon les circonstances et la

nature des contentieux.

617 Cass. Crim., 15 février 2011, pourvoi n° 10-90123, Bull. crim., 2011, n° 26.
618 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
L’existence du procès 153

§ 2. La protection constitutionnelle de l’effet suspensif de l’appel

229. L’effet suspensif de l’appel est un attribut de la protection du double degré de

juridiction, en ce sens qu’en interrompant la force exécutoire du jugement619, il

permet d’éviter la naissance d’une situation juridique, qui pourrait être remise en

question dans l’hypothèse d’un appel interjeté avec succès620. Cependant, le principe

de l’effet suspensif de l’appel ne revêt pas la même force en contentieux

administratif621, qu’en matière civile. Et même dans le cadre du contentieux de droit

privé, son évolution récente est celle d’un déclin progressif, sous l’effet des réformes

des pouvoirs publics622, qui y voient le vecteur de manœuvres dilatoires, tout autant

qu’un message inapproprié adressé aux justiciables : celui d’une procédure judiciaire

seulement « préparée » au stade de la première instance, avant d’être « finalisée »

devant la cour d’appel623.

230. La jurisprudence constitutionnelle sur cette question est à l’image du droit

positif. L’effet suspensif de l’appel y est dépourvu de portée générale, pouvant même

être écarté quand l’efficacité de la procédure en dépend. Son domaine d’application

est restreint par des conditions rigoureuses624 et sa valeur juridique semble bien

incertaine, oscillant de réglementaire625 à législative626, au gré des circonstances, sans

619 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 278.
620 STRICKLER Y., « L’exécution des jugements et le double degré en matière civile », Justices, n° 4,
1996, p. 127.
621 PAILLET M., « L’exécution des jugements et le double degré en matière administrative », Justices,
n° 4, 1996, p. 139 ; PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l'effet non suspensif de
l'appel en contentieux administratif », Mélanges René Chapus : droit administratif, Montchrestien,
Paris, 1992, p. 493.
622 Sur le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures
d'exécution et à la procédure de changement de nom, JO, n° 302, 29 décembre 2005, p. 20350 :
LISSARRAGUE B., « Décret de procédure du 28 décembre 2005 : quel cadeau ? », Gaz. Pal., 31
janvier 2006, p. 2 ; GERBAY P., « L'article 526 du nouveau Code de procédure civile : premières
approches », Gaz. Pal., 14 février 2006, p. 3 ; VERDUN G., « Décret n° 2005-1678 du 28 décembre
2005 relatif à la procédure civile : réflexions et commentaires », Gaz. Pal., 23 février 2006, p. 9.
623 PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », op. cit., p. 279.
624 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
625 Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988 préc., Cons. 12.
154 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

que le Conseil n’en fasse jamais une exigence constitutionnelle. Nonobstant toutes les

incertitudes qui entourent la jurisprudence constitutionnelle en matière d’effet

suspensif de l’appel, il semblerait toutefois que l’intensité du principe varie, selon

que la décision dont il est interjeté appel, émane d’une autorité juridictionnelle (B),

ou d’un organe administratif ou disciplinaire (A).

A) L’effet suspensif de l’appel des décisions rendues par des autorités

non juridictionnelles

231. À l’instar de la motivation des décisions, qui est imposée avec davantage

d’acuité quand ces dernières sont prises par des autorités administratives 627 ou

disciplinaires, l’effet suspensif de l’appel revêt une intensité supérieure, à l’égard des

décisions provenant d’autorités non juridictionnelles628. Sans doute faut-il interpréter

cette variation de la force du principe, par le souci de préservation de la garantie

apportée par le second regard, juridictionnel celui-ci, sur un contentieux. Cela semble

d’autant plus vrai depuis que les autorités administratives indépendantes se sont vu

reconnaître, par le Conseil constitutionnel, un pouvoir de sanction629.

232. Trois décisions constitutionnelles viennent illustrer ce constat, bien que deux

d’entres elles puissent faire l’objet d’interprétations différentes. En 1985, d’abord, le

juge constitutionnel devait apprécier la conformité au principe des droits de la

défense, d’une disposition permettant à une commission nationale relative aux

administrateurs judiciaires, de prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre de

626 Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M. [Vente des biens saisis par
l'administration douanière], JO, 3 décembre 2011, p. 20015.
627 Cf infra n° 961 et s.
628 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22.
629 GENEVOIS B., « Le Conseil constitutionnel et la définition des pouvoirs du Conseil supérieur de
l’audiovisuel », op. cit., p. 215.
L’existence du procès 155

ces derniers630. En 1989, ensuite, le Conseil devait se prononcer sur la

constitutionnalité du principe même de l'institution de sanctions administratives, au

profit du Conseil supérieur de l’audiovisuel631. Même si les décisions coercitives, que

ces deux autorités sont susceptibles de prononcer, sont de natures distinctes, elles ont

en commun de faire grief, en raison des effets qu’elles emportent sur la situation du

destinataire. C’est la raison pour laquelle, le Conseil constitutionnel impose au

législateur de les assortir d’un certain nombre de garanties, parmi lesquelles se

trouve l’effet suspensif de l’appel632. C’est à cette condition, que dans chacune de ces

deux hypothèses, le pouvoir d’édicter des décisions faisant grief, attribué à une

autorité non juridictionnelle, est déclaré conforme à la Constitution.

233. Les enseignements à tirer de ces deux jurisprudences ne sont pas des plus aisés.

Pour le juge constitutionnel français, l’effet suspensif de l’appel contribue

indéniablement au respect des droits de la défense633. Mais dans la mesure où il fait

partie, à côté de la motivation des décisions et du principe du contradictoire 634, de

l’éventail des garanties permettant aux deux dispositifs de ne pas contrevenir à la

norme fondamentale, il est délicat d’évaluer sa pondération, dans l’appréciation

globale du dispositif effectuée par le Conseil constitutionnel. Tout au plus, est-il

possible de constater que l’effet suspensif de l’appel ne fait l’objet d’aucune mise en

exergue particulière.

234. Mieux encore, dans la jurisprudence de 1989, l’effet suspensif n’est de plein droit

qu’en cas de retrait de l'autorisation mentionné à l'article 42-3 de la loi litigieuse,

alors que dans toutes les autres hypothèses, le report de la force exécutoire du

630 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985, Loi relative aux administrateurs judiciaires, mandataires-
liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise, JO, 20 janvier 1985, p. 819.
631 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication, JO, 18 janvier 1989, p. 754.
632 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8 ; Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989
préc., Cons. 28 à 31.
633 Ibidem.
634 Cf infra n° 783 et s.
156 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

jugement n’est obtenu que par l’entremise du sursis à exécution, ce qui n’est guère

comparable. En effet, d’une part, le sursis à exécution devant le Conseil d’État doit

répondre à des conditions strictes, fixées par le décret de 1963635 et, d’autre part, le

juge d’appel n’est jamais tenu de l’accorder. Le Conseil délivre donc un brevet de

constitutionnalité à une mesure qui ne garantit pas, dans toutes les hypothèses, le

report de l’exécution d’une décision faisant grief, prononcée par une autorité non

juridictionnelle.

235. La troisième jurisprudence constitutionnelle peut sembler, en apparence, plus

protectrice de l’effet suspensif de l’appel. En effet, dans la mesure où le contentieux

des décisions rendues par le Conseil de la concurrence a été transféré à la Cour

d’appel de Paris, alors que celle-ci, contrairement au Conseil d’État, ne peut

prononcer de sursis à exécution, « la loi déférée au Conseil constitutionnel a pour effet de

priver les justiciables d'une des garanties essentielles à leur défense636 ». Mais la censure

n’intervient qu’eu égard à la gravité des sanctions pécuniaires possibles, à l’étendue

des injonctions et à la nature non juridictionnelle de l’autorité susceptible de les

prononcer637, autant de conditions qui limitent le domaine d’application de l’effet

suspensif de l’appel638. Même si le sursis à exécution est qualifié, à cette occasion, de

« garantie essentielle des droits de la défense639 », le droit d’obtenir le report d’une

sanction, pouvant nuire gravement aux intérêts de ses destinataires, paraît bien

fragile au regard des conditions à réunir afin d’en bénéficier. La position du Conseil

constitutionnel est encore moins satisfaisante, quand la décision dont il est interjeté

appel émane d’une autorité juridictionnelle.

635 Décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 portant r.a.p. pour l'application de l'ordonnance 451708 du 31
juillet-1945 et relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État, JO, 1 er août 1963,
p. 7107. Les deux conditions posées par le décret sont que l’exécution de la décision doit entraîner
des conséquences difficilement réparables et que les moyens avancés doivent être sérieux et de
nature à justifier l’annulation de la décision attaquée.
636 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 19.
637 Idem, Cons. 22.
638 MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 28.
639 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22.
L’existence du procès 157

B) L’effet suspensif de l’appel des décisions rendues par des autorités

juridictionnelles

236. Dans le cadre de décisions rendues par des autorités juridictionnelles, non

seulement l’effet suspensif de l’appel n’est exigé que dans des situations

particulières, dans lesquelles l’exécution de la décision de première instance pourrait

engendrer des conséquences graves, voire irréversibles, mais de surcroît, il peut

même parfois être écarté dans certaines hypothèses, fort contestables. Ainsi, en 2010,

l'absence d’effet suspensif du recours en appel, contre l'ordonnance du juge des

libertés et de la détention autorisant la visite des agents de l'administration fiscale,

est admise par le Conseil constitutionnel, car elle participe de l'objectif de valeur

constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale640.

237. L’ancien état du droit de visite et de saisie avait justement fait l’objet d’une

condamnation par la Cour européenne641. Bien qu’il s’agisse probablement de la

prérogative la plus exorbitante que puisse exercer l'administration fiscale et par

conséquent, la plus attentatoire aux libertés fondamentales, ses modalités de mise en

œuvre étaient très peu encadrées. L'ordonnance du juge des libertés et de la

détention n'était ainsi susceptible que d'un recours en cassation. La condamnation

strasbourgeoise provoqua la réaction du législateur, qui institua une voie de recours

devant le premier président de la cour d'appel, mais sans l’accompagner de l’effet

suspensif, pour des raisons liées à l’efficacité de la procédure642. L’institution de la

question prioritaire de constitutionnalité permit de contester la perquisition fiscale

dans son ensemble et plus particulièrement, l’absence de caractère suspensif du

recours contre l’autorisation de la visite domiciliaire.

640 Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, Époux P. et autres [Perquisitions fiscales], JO, 31 juillet
2010, p. 14202.
641 C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France préc.
642 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, JO, 5 août 2008, p. 12471, article
164.
158 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

238. En raison de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale qu’elle poursuit 643, la

mesure est déclarée conforme à la Constitution. En soi, la nécessité de pouvoir

effectuer des visites et des saisies de documents, afin d’établir la preuve de la fraude

fiscale, ne fait pas de doute. Mais au regard du détournement de la procédure, dans

son objet644 comme dans ses modalités d’application, les ordonnances prises pour

autoriser la visite, rédigées par l'administration fiscale elle-même et seulement

paraphées par le juge judiciaire n’étant pas rares645, le Conseil constitutionnel n’aurait

pas dû valider le défaut d’effet suspensif d’un tel dispositif. Au moins aurait-il pu

assortir sa décision d’une réserve d’interprétation constructive, en offrant la

possibilité au juge d’appel d’autoriser le sursis à exécution, dans des hypothèses

d’abus de procédure, telles que celles décrites précédemment646.

239. À deux autres reprises, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la nécessité

d’assortir une décision aux conséquences graves, voire définitives, d’un report de son

exécution, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel. En 1997, il admet ainsi que le

premier président de la cour d'appel puisse, à la demande du procureur de la

République, déclarer suspensif le recours formé par le préfet ou le ministère public,

contre l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, refusant la

prolongation du maintien en rétention, quand le destinataire de la mesure ne dispose

643 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000, JO, 31 décembre 1999,
p. 19991, Cons. 52 ; Décision n° 2001-457 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances rectificative pour
2001, JO, 29 décembre 2001, p. 21172, Cons. 6 ; Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi
de finances pour 2004, JO, 31 décembre 2003, p. 22636, Cons. 10 ; Décision n° 2009-597 DC du 21
janvier 2010, Loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale
des personnes établies depuis moins de cinq ans, JO, 26 janvier 2010, p. 1620, Cons. 2 ; Décision n° 2009-
598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des
collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, JO, 26 janvier 2010, p. 1619, Cons. 2 ; Décision n° 2010-
16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. [Organismes de gestion agréés], JO, 24 juillet 2010, p. 13728,
Cons. 6.
644 Le professeur Christophe de LA MARDIÈRE fait observer, qu’alors que le droit de visite a été
conçu pour lutter contre le banditisme fiscal, les carences du contrôle exercé par le juge judiciaire
ont entraîné une banalisation de la procédure, « Perquisitions fiscales : l'impuissance du droit »,
Constitutions, 2011, n°4, p. 595.
645 Idem, p. 597.
646 Cass. Crim., 22 mars 2001, Sté Trigone Conseil Littoral, pourvoi n° 99-30197, R.J.F., 2001, p. 1252.
L’existence du procès 159

pas de garanties de représentation effectives647. Cette jurisprudence sera affinée et

confirmée par deux fois, quand il s’agira de maintenir le justiciable à la disposition

de la justice, pendant quatre648 puis six heures649, dans l’attente de la demande du

procureur de la République, quand sa remise en liberté pourrait entraîner une

menace grave pour l'ordre public. Ce n’est qu’au regard des conséquences sérieuses,

que la libération de l’étranger en situation irrégulière serait susceptible

d’occasionner, que le juge constitutionnel fait prévaloir la préservation de l’ordre

public sur l’atteinte à la liberté individuelle. Il n’y a, dès lors, pas lieu de trouver

incohérente650, une démonstration juridique qui pose un principe 651, avant de décrire

dans le détail les circonstances de fait et de droit, réunies en l’espèce, qui peuvent

amener à y déroger652. Au contraire, la jurisprudence constitutionnelle sur le maintien

d’un étranger à la disposition de la justice, dans l’attente de la décision du ministère

public, est sans doute celle qui est la plus protectrice de l’effet suspensif de l’appel.

240. En 2011, le Conseil constitutionnel censura l'article 389 du code des douanes,

permettant à l'ordonnance du juge autorisant l'aliénation de biens saisis en douane,

d’être exécutée nonobstant le recours en appel653. De prime abord, le dispositif de la

décision semble conforme aux effets attendus de l’effet suspensif de l’appel, mais les

conditions posées dans les motifs tempèrent l’appréciation que l’on peut porter sur

cette jurisprudence. En effet, après avoir affirmé que le caractère non suspensif d'un

d’un recours ne heurte pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel

effectif654, le juge constitutionnel précise que ce sont les conséquences définitives de la

647 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, JO,
25 avril 1997, p. 6271.
648 Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 préc.
649 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc.
650 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », op. cit., p. 11 et 12.
651 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 60.
652 Idem, Cons. 63.
653 Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011 préc.
654 Idem, Cons. 10.
160 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

mesure d’aliénation, ajoutées à la violation du principe du contradictoire 655, qui

entraînent la censure de la disposition litigieuse656. Voilà qui atténue

considérablement la portée de l’effet suspensif de l’appel, qui n’est imposé qu’en cas

d’effets irréversibles d’une mesure et, même dans cette hypothèse, qui ne semble pas

à même de fonder de manière autonome une déclaration d’inconstitutionnalité.

241. Si le droit au recours juridictionnel effectif a valeur constitutionnelle, il en va

différemment de son prolongement, le droit à une voie de recours, lequel se

subdivise en deux branches : le droit d’interjeter appel et le droit de se pourvoir en

cassation. Le juge constitutionnel, sans ériger le double degré de juridiction au

sommet de la hiérarchie des normes, n’est pas indifférent aux aménagements dont il

fait l’objet. Néanmoins, la protection qu’il lui apporte ne présente pas toutes les

garanties espérées. Le recours en cassation, qui semble avoir sa préférence, ne permet

pas un réexamen exhaustif du litige et seule l’institution des cours d’appel a pu être

considérée comme une « nécessité absolue », garante de la prévention comme de la

réparation de décisions injustes657. En ce sens, le droit de critiquer une décision de

justice peut légitimement être rangé parmi les droits de la défense 658, en tant que gage

de bien-jugé et de moyen de contrôle de l’équité du procès659. Il serait sans doute

opportun que le Conseil constitutionnel s’en convainque et revienne ainsi sur sa

position de 2004660, en élevant son niveau d’exigences en matière de double degré de

juridiction, élément fondamental d’une bonne justice.

655 Id., Cons. 11.


656 Id., Cons. 12.
657 BENTHAM J., Organisation judiciaire, 1928, chapitre 26, p. 135, cité par MOLFESSIS N., « La
protection constitutionnelle du double degré de juridiction », op. cit., p. 17.
658 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 197.
659 WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », D, 1978, chron., p. 36.
660 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004 préc.
L’existence du procès 161

CONCLUSION DU TITRE 1

242. À ce stade de l’étude, le droit au juge apparaît, dans la jurisprudence

constitutionnelle, comme un principe fondamental directeur du procès, en ce sens

qu’il conditionne l’existence de toutes les autres garanties processuelles. C’est la

raison pour laquelle, le droit au recours juridictionnel a valeur constitutionnelle,

même s’il peut faire l'objet d'atteintes, pourvu qu'elles ne soient pas substantielles 661.

C’est ainsi que le Conseil constitutionnel veille attentivement à ce que le chemin

menant au prétoire du juge de première instance ne soit totalement obstrué,

empêchant ainsi le justiciable d’y faire valoir ses droits. L’action jurisprudentielle du

Conseil est d’autant plus à saluer, qu’à la différence d'autres pays européens ayant

inscrit le droit au juge directement dans leur norme fondamentale662, il n'existe pas en

France de principe comparable directement affirmé par la Constitution.

243. Si le droit au recours juridictionnel a la valeur processuelle d’un droit

fondamental, on ne saurait être aussi affirmatif à l’égard de son prolongement

procédural, le droit d’exercer successivement des recours juridictionnels, afin

d’obtenir la réformation ou l’annulation de la première décision de justice. Le Conseil

constitutionnel n’a jamais reconnu la valeur constitutionnelle du double degré de

juridiction663, même s’il lui accorde une protection indirecte, par l’intermédiaire du

principe d’égalité devant la justice. Le statut juridique du droit à des recours

juridictionnels successifs semble donc bien fragile. Ni l’existence du double degré de

juridiction, ni les deux principaux effets qui y sont attachés ne sont efficacement

661 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.


662 Article 24-1 de la Constitution du Royaume d’Espagne du 27 décembre 1978 et article 19-4 de la
Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne du 23 mai 1949.
663 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004 préc., Cons. 4.
162 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

protégés par la jurisprudence constitutionnelle, qui accompagne plus qu’elle ne

freine, le déclin régulier du principe en droit positif.

244. En revanche, le Conseil constitutionnel est particulièrement soucieux

d’accompagner la garantie juridictionnelle du droit d’agir en justice de protections

institutionnelles, au premier rang desquelles se trouvent l'indépendance et

l'impartialité du tribunal, qui sont autant de gages de bonne justice pour les

justiciables.
L’existence du procès 163

TITRE 2 : LE DROIT À UN JUGE DE QUALITÉ

245. Le juge, parce qu’il est en charge de la conduite du procès, dans des conditions

offrant à chacune des parties la possibilité de défendre ses intérêts équitablement,

doit être revêtu de certaines qualités, indispensables à l’intégrité de sa mission. Au

premier rang de ces vertus indissociables de la fonction juridictionnelle, se trouvent

deux garanties essentielles du procès équitable, aux exigences très proches, mais qui

ne se confondent pas pour autant : l'indépendance et l'impartialité.

246. L'indépendance est une qualité structurelle du juge, qui se manifeste dans ses

relations avec les deux autres pouvoirs publics constitutionnels et dont l’objectif

premier est de garantir aux justiciables, un jugement dépourvu de toute forme de

soupçons de pressions extérieures. La jurisprudence constitutionnelle a

progressivement dessiné, de manière différenciée mais toujours exigeante, les

contours du juge indépendant, dans le respect des contraintes propres à chaque

ordre de juridiction (Chapitre 1).

247. L'impartialité, quant à elle, relève davantage de l'organisation et du

fonctionnement internes des juridictions. Elle n’est cependant pas dénuée de tout lien

avec l’indépendance, puisque cette dernière est une forme de préalable à

l'impartialité. En effet, si un juge, indépendant de tout pouvoir extérieur dans

l’exercice de sa fonction juridictionnelle, peut être partial lors d’un contentieux

particulier, il ne saurait être impartial, sans bénéficier auparavant de toutes les

garanties d’indépendance. L’impartialité, forme « d’indépendance en mouvement »

en somme, sort, à des degrés divers, indiscutablement renforcée de la jurisprudence

constitutionnelle, qui œuvre dans le sens d’un approfondissement de la neutralité du

juge, dans l’intérêt d’une justice vertueuse (Chapitre 2)


L’existence du procès 165

CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU JUGE INDÉPENDANT

248. La justice « ordinaire » en France, par opposition à la justice constitutionnelle, est

le produit d’une construction historique vieille de plusieurs siècles, qui conduit à une

division de l’organisation juridictionnelle en deux ordres. La « conception française

de la séparation des pouvoirs664 », qui se traduit par la consécration constitutionnelle

du dualisme juridictionnel665, résulte de deux textes fondamentaux, la loi des 16-24

août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. Le modèle organisationnel français

explique pourquoi la question de l’indépendance de la justice, c’est à dire « la liberté

du juge d'exercer la fonction juridictionnelle [...], de trancher toute question relevant de sa

compétence [...] sans entraves, ni du pouvoir législatif, ni du pouvoir exécutif666 », ne pose

pas les mêmes difficultés et n’est pas réglée de manière uniforme, selon l’ordre de

juridictions concerné.

249. Le constat est celui d’un paradoxe, dans la mesure où l’ordre juridictionnel le

plus ancien, l’ordre judiciaire, par ailleurs le seul dont le statut est explicitement

protégé par le texte même de la Constitution, est pourtant celui dont l’indépendance

statutaire des membres semble la moins convenablement assurée667. Le caractère

sensible, sur le plan politique, de certaines fonctions qui y sont exercées, au premier

664 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1984 ;
« L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des pouvoirs en
France », op. cit., p. 172.
665 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.
666 GUINCHARD S., « Procès équitable », Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1,
Section 3, Art. 1, § 192.
667 CANIVET G., « La conception française de l'indépendance de la justice », Intervention le 25 mars
2011 à la faculté de droit de l’Université d’Oslo sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, adresse internet :
http://www.jus.uio.no/ifp/om/aktuelt/arrangementer/2011/Texte%20conf%C3%A9rence%20Oslo-1.pdf,
consulté le 23 février 2013.
166 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

rang desquelles, celles prises en charge par le ministère public668, n’est probablement

pas étranger aux pressions qui pèsent sur la magistrature judiciaire 669. La juridiction

administrative ne souffre pas exactement des mêmes difficultés, alors que les actes

juridiques des autorités gouvernementales peuvent être contestés devant ses

prétoires. L’indépendance de ses membres et la spécificité de ses attributions n’y sont

que peu souvent contestées, à l’exception de certaines affaires restées célèbres, tel que

l’arrêt Canal670, qui fera dire au général de GAULLE : « N’est-il pas scandaleux de voir

ce corps, fait pour aider l’État, se signaler sous une forme pareille au sujet de la cause d’un

criminel à ce point notoire ? »

250. L’action du Conseil constitutionnel s’est donc orientée dans deux directions, de

manière inégalement satisfaisante. D’une part, la juridiction constitutionnelle a joué

un rôle déterminant dans l’approfondissement de l’indépendance statutaire des

membres du corps judiciaire, du siège comme du parquet, lors de l’examen des

différents textes, souvent organiques, soumis à son contrôle (Section 1). D’autre part,

l’indépendance personnelle des magistrats administratifs ne présentant pas de

difficultés comparables, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’est

essentiellement cristallisée autour de la protection de l’indépendance organique de la

juridiction administrative, avec un résultat plus nuancé (Section 2).

668 RASSAT M.-L., Le ministère public entre son passé et son avenir, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
sciences criminelles, Paris, 1967.
669 Cf en ce sens, BREDIN J.-D., « Qu'est-ce que l'indépendance du juge ? », Justices, 1996, p. 161.
670 C.E., Ass., 19 octobre 1962, Sieurs Canal, Robin et Godot, n° 58502, Rec. p. 552, G.A.J.A., 17 èd., 2009,
n° 81, p. 538.
L’existence du procès 167

Section 1 L’indépendance statutaire des membres de la juridiction judiciaire

251. Pour le Conseil constitutionnel, « l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de

la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats

du siège et ceux du parquet671 ». Sa position est conforme à l’article 1er, paragraphe II, de

l’Ordonnance statutaire du 22 décembre 1958672, selon laquelle « Tout magistrat a

vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet ». Face

aux modifications fréquentes, apportées par le législateur organique au statut de la

magistrature, la juridiction constitutionnelle a contribué au renforcement de son

indépendance, de deux manières complémentaires.

252. Il y a, tout d’abord, chez le juge constitutionnel une volonté manifeste de

consolider l’homogénéité du corps judiciaire, afin de faire bénéficier tous ses

membres, d’un corpus minimal de garanties statutaires (§ 1.). Mais unité ne signifiant

pas uniformité, les garanties constitutionnelles d’indépendance du parquet ne sont

pas exactement alignées sur celles du siège (§ 2.), même si les différences statutaires

ne doivent pas être surévaluées.

§ 1. Les garanties constitutionnelles d’indépendance communes à

l’ensemble du corps judiciaire

253. Comme leurs homologues du siège, les procureurs font partie intégrante du

corps judiciaire. Par conséquent, comme l’affirme le rapporteur public M. Mattias

GUYOMAR, dans ses conclusions sous l’arrêt Mme Nadège A.673, il en résulte « que des

671 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du
Code de procédure pénale, JO, 15 août 1993, p. 11599, Cons. 5.
672 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature, JO, 23 décembre 1958, p. 11551.
673 C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadège A, n° 311938.
168 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

garanties particulières s’attachent à la qualité de magistrat, sans incidence sur ce point qu’il

soit du siège ou du parquet674 ». Le Conseil constitutionnel a tiré les mêmes

conséquences de ce principe d’unité de la magistrature, en identifiant une panoplie

de garanties constitutionnelles d’indépendance, communes à l’ensemble de l’autorité

judiciaire, agissant soit directement sur le statut des magistrats (B), soit par

l’intermédiaire d’outils normatifs ou d’institutions protectrices, profitant

indifféremment aux deux catégories de membres du corps judiciaire (A).

A) Les garanties indirectes d’indépendance des magistrats judiciaires

254. L’article 64 de la Constitution prévoit deux instruments protecteurs, destinés à

« accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire675 » :

la loi organique relative au statut des magistrats judiciaires et le Conseil supérieur de

la magistrature. En élargissant le domaine d’application de la première, ce qui lui

permet d’étendre son contrôle (1) et en renforçant, même de manière imparfaite,

l’indépendance du second (2), la jurisprudence du Conseil constitutionnel a joué un

rôle majeur dans l’approfondissement de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

1) L’élargissement constitutionnel du domaine d’application de la

loi organique relative au statut des magistrats judiciaires

255. Le statut des magistrats de l’ordre judiciaire est le seul de la fonction publique

française à être déterminé par la voie organique, même si une certaine ambiguïté

rédactionnelle subsiste au sein même du texte constitutionnel. En effet, le troisième

674 GUYOMAR M., concl. sous C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadège A., Gaz. Pal., 21 octobre 2010, n° 294,
p. 16.
675 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 relative au statut de la magistrature, JO, 1er février 1994, p. 1773, Cons. 3.
L’existence du procès 169

alinéa de l’article 64 dispose qu’« une loi organique porte statut des magistrats », alors

que de manière concomitante, l’article 34 précise, quant à lui, que « la loi fixe les règles

concernant [...] le statut des magistrats ». Le Conseil constitutionnel n’y voit aucune

redondance, mais plutôt la volonté du constituant d’accentuer les garanties

statutaires des magistrats judiciaires676.

256. D’après le professeur Thierry RENOUX, se prévalant des travaux préparatoires

de la Constitution, il semblerait que les magistrats visés par l’article 34 soient ceux de

la Cour des comptes, ce qui atténue quelque peu la confusion des deux domaines

normatifs677. Toujours est-il que cette interprétation conciliante des ambivalences de

la norme fondamentale ne peut qu’être favorable au domaine d’application de la loi

organique relative au statut des magistrats judiciaires. Elle permet de mieux

comprendre, sur ce point, la jurisprudence constitutionnelle, qui traduit une volonté

manifeste de renforcer la compétence normative du législateur organique, en

acceptant, d’un côté, avec bienveillance, les dispositions relevant normalement de la

loi ordinaire ou de la loi constitutionnelle (a), tout en étant, symétriquement,

beaucoup plus exigeante à l’égard des délégations de compétences, confiées au

pouvoir réglementaire (b).

676 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc., Cons 3 et Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 3 : « Considérant qu'en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le
caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la
compétence du législateur, le constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux
magistrats de l'ordre judiciaire ; ... ».
677 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, R.F.D.C., 1992, p. 320-321.
170 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

a) L’acceptation compréhensive de dispositions relevant de la

loi ordinaire ou de la loi constitutionnelle

257. Les lois organiques678, prolongement naturel et détaillé du texte

constitutionnel679, se distinguent des lois ordinaires par leur procédure d’élaboration

particulière680 et parce qu’elles font nécessairement l’objet d’un contrôle exercé par le

Conseil constitutionnel681. La Haute juridiction examine alors d’office, article par

article, toutes les dispositions de la loi organique qui lui est transmise, sans le

moindre grief d’inconstitutionnalité, contrairement à la saisine traditionnelle des lois

ordinaires. Le contrôle de conformité des lois organiques est ainsi d’une amplitude

totale, toutes les mesures envisagées par le législateur étant confrontées à l’ensemble

des normes constitutionnelles de référence.

258. Néanmoins, le Conseil constitutionnel fait preuve d’une certaine mansuétude, à

la fois dans son appréciation du domaine d’application de la loi organique, mais

aussi, dans la sanction résultant de l’incorporation de dispositions législatives

ordinaires, dans un texte organique, lesquelles se trouvent simplement déclassées.

Ainsi, alors que le rapprochement des dispositions de l’article 64, avec celles des

articles 65 et 66, qui forment ensemble le titre VIII de la Constitution relatif à

678 CAR J.-C., Les lois organiques de l'article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958, Economica/P.U.A.M.,
Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1999.
679 ROBLOT-TROIZIER A., Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la Constitution française :
recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris,
2007.
680 Article 46, alinéas 2 et 3.
681 La Constitution l’exige doublement : en premier lieu, au titre de l’article 46, alinéa 5, qui empêche
toute promulgation de la loi organique sans brevet de constitutionnalité et en second lieu, en vertu
de l’article 61, alinéa 1er, qui délimite la compétence du Conseil constitutionnel. Elles sont, en vertu
de l’article 17 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel, JO, 9 novembre 1958, p. 10129, obligatoirement transmises au juge constitutionnel
par le premier Ministre, cette transmission étant « exclusive de toute autre procédure », faisant « ainsi
obstacle à ce que le Conseil constitutionnel puisse être saisi d'une loi organique sur le fondement du
deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution », Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi
organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut
de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3122, Cons. 2.
L’existence du procès 171

"l'autorité judiciaire", conduit le Conseil constitutionnel, comme avant lui son voisin

du Palais Royal682, à conclure que « l'alinéa 3 de l'article 64, aux termes duquel "une loi

organique porte statut des magistrats", vise seulement les magistrats de carrière de l'ordre

judiciaire683 », il n’en tire pas pour autant tous les enseignements. En effet, fort de ce

constat, le juge constitutionnel aurait dû, en toute logique, déclasser les dispositions

concernant les magistrats judiciaires temporaires, incluses dans la loi organique

relative au statut de la magistrature. Il n’en fit rien, ce qui traduit, de toute évidence,

son désir d’assurer aux magistrats supplétifs, une indépendance identique à celle de

leurs homologues, qui ont fait le choix d’embrasser la carrière684.

259. En quelques rares occasions, il est tout de même arrivé au Conseil

constitutionnel d’identifier, dans une loi organique, des dispositions à valeur

législative ordinaire, mais sans que cela entraîne une déclaration

d’inconstitutionnalité. Tout au plus, se contente-t-il de les déclasser, ce qui

permettrait éventuellement à l’avenir, leur modification ou leur abrogation par une

loi ordinaire.

260. Il en est ainsi, par exemple, quand le législateur organique fixe les règles d'accès

à la fonction publique, des candidats ayant échoué au troisième concours d'entrée à

l'Ecole Nationale de la Magistrature685, pour lesquelles on peine, effectivement, à

apercevoir le lien qu’elles entretiennent avec le statut de la magistrature et son

indépendance. Ou encore, quand la loi organique relative au statut des juges de

proximité qui doit certes, fixer elle-même les règles statutaires applicables, contient

une simple mesure d’administration judiciaire, conférant seulement au juge

682 C.E., Ass., 2 février 1962, Sieur Beausse, Rec. p. 82-83 ; A.J.D.A., 1962, p. 147, chron. GALABERT J.-
M. et GENTOT M.
683 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc., Cons. 7.
684 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats »,
R.D.P., 2001, p. 831.
685 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 38.
172 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

d'instance chargé de la gestion du tribunal, l’organisation de l'activité et des services

de la juridiction de proximité, sans lui octroyer une quelconque compétence, sur le

déroulement de la carrière des magistrats de la juridiction nouvellement instituée 686.

261. Si les débordements de la loi organique, sur le domaine réservé par l’article 34

de la Constitution à la loi ordinaire, ne constituent pas, aux yeux du Conseil, un

motif d’inconstitutionnalité, la réciproque n’est pas vraie. Une loi ordinaire, qui

empiète sur le domaine constitutionnellement réservé à la loi organique, est contraire

à la Constitution. La Haute juridiction l’a affirmé clairement, en 1986687, à propos de

la loi relative à la liberté de communication, qui prévoyait de nommer en Conseil des

ministres, le président de la société de télévision, alors que le quatrième alinéa de

l’article 13 de la Constitution précise que les emplois, pourvus en Conseil des

ministres et qui ne figurent pas dans la liste énoncée à l’alinéa précédent, doivent être

nécessairement déterminés par voie organique. Toutefois, ce motif

d’inconstitutionnalité n’est actif que dans le cadre de la procédure de l'article 61 de la

Constitution. En effet, les empiètements du législateur sur le domaine réservé à la loi

organique, ne peuvent être invoqués à l'appui d'une question prioritaire de

constitutionnalité688, conformément à la jurisprudence constante, en vertu de laquelle,

les griefs, tenant à une inobservation des normes constitutionnelles relatives à la

procédure législative, sont inopérants sur le fondement de l'article 61-1 de la

Constitution689.

262. En revanche, si la loi organique peut empiéter sur le domaine de la législation

ordinaire, sans encourir le risque de censure, il en va sensiblement autrement quand

686 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité, JO, 27
février 2003, p. 3480, Cons. 8.
687 Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, JO, 19
septembre 1986, p. 11294, Cons. 87.
688 Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges
consulaires], JO, 5 mai 2012, p. 8016, Cons. 20.
689 Décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite
outre-mer], Cons. 7.
L’existence du procès 173

elle ajoute, de manière ostensible, au texte constitutionnel. Mais même dans cette

hypothèse d’interférence par le haut dans un autre domaine normatif, la déclaration

d’inconstitutionnalité n’est pas systématique, encore faut-il que l’innovation

introduite par la règle organique entre en conflit, de manière flagrante, avec la

Constitution.

263. Tel est le cas, par exemple, quand la loi organique impose que l’avis prononcé

par le Conseil supérieur de la magistrature, sur les promotions ou les nominations

des magistrats du siège, effectuées par le Président de la République, soit

nécessairement un avis conforme. Cette disposition faisait donc dépendre la décision

de l'autorité de nomination, de la position de cet organisme, alors que l’article 65 de

la Constitution ne prévoyait alors qu’un simple pouvoir de proposition ou d’avis

simple, selon la catégorie de juges concernée690. Même si, comme le fait justement

observer François LUCHAIRE691, il existait un précédent dans la loi organique du 9

juillet 1976692, qui avait échappé à la sagacité du Conseil693, cette précision, introduite

par le législateur organique, outrepassait manifestement les pouvoirs du Conseil

supérieur de la magistrature, en empiétant sur les prérogatives constitutionnelles du

Chef de l’État. Elle ne pouvait donc qu’être déclarée contraire à la norme

fondamentale.

264. À contrario, le juge constitutionnel ne considère pas qu’une disposition

organique qui transfère, du garde des Sceaux vers le Conseil supérieur de la

690 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 22 à 26.


691 LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, « Les lois organiques
devant le Conseil constitutionnel », R.D.P., 1992, p. 396.
692 L’article 16 de la Loi n° 76-614 du 9 juillet 1976, modification des dispositions de l'art. 67 de
l'Ordonnance 581270 du 22-12-1958 et adjonction d'un art. 17-1 à ladite ordonnance (congé
postnatal et recul de la limite d'âge pour l'accès au corps par la voie de concours), relative au statut
de la magistrature, autorisait que certaines nominations temporaires de juges ne soient possibles
qu’après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
693 Décision n° 76-66 DC du 6 juillet 1976, Loi organique modifiant l'article 67 de l'ordonnance n° 58-1270
du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature et introduisant dans ladite ordonnance un article
17-1, JO, 10 juillet 1976, p. 4161.
174 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

magistrature, le pouvoir d'interdiction temporaire des fonctions, à l’encontre des

magistrats du siège, contrevient à l’article 65 de la Constitution 694. L’interprétation

bienveillante, qu’il fait ici des pouvoirs disciplinaires du Conseil supérieur de la

magistrature, permettant une modulation dans le temps de ces derniers, traduit, une

fois encore, sa volonté de renforcer les garanties d’indépendance des magistrats.

b) L’acceptation parcimonieuse des délégations de

compétences au pouvoir réglementaire

265. Le Conseil constitutionnel l’a précisé à plusieurs reprises, la loi organique visée

par le troisième alinéa de l’article 64 doit « déterminer elle-même les règles statutaires

applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir

réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées 695 ».

Deux conséquences essentielles peuvent être tirées de cette affirmation. En premier

lieu, le concours du pouvoir exécutif ne peut être spontané, il ne peut intervenir qu’à

la demande expresse du législateur organique, le sollicitant pour fixer les détails

indispensables à la mise en œuvre des règles qu’il a préalablement fixées.

266. En second lieu et c’est sans doute ici le point essentiel, de la nature et de

l’étendue de l’intervention du pouvoir réglementaire, dépendra la conformité à la

Constitution de la loi organique, autorisant sa collaboration. Il revient donc au juge

constitutionnel de tracer la ligne de partage entre, d’un côté, la règle de principe, qui

relève des prérogatives exclusives du législateur organique, sous peine de commettre

une incompétence négative696 et de l’autre, ses modalités d’application, qui peuvent

être favorablement confiées aux soins du pouvoir réglementaire. De l’endroit où la

694 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 92 à 94.


695 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc., Cons 3 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 3.
696 MILANO L., « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi », R.D.P., 1er mai 2006, n° 3, p. 637.
L’existence du procès 175

Haute juridiction placera le curseur d’acceptation de la délégation de compétences,

découlera son pouvoir de contrôle substantiel sur la norme organique. Il n’est donc

guère surprenant, que la jurisprudence constitutionnelle n’autorise qu’avec

parcimonie, les renvois de compétences vers le pouvoir exécutif, limitant son

intervention aux seules mesures techniques d’application des règles statutaires, ne

présentant aucun risque de réorientation des principes qu’elles mettent en œuvre.

267. Il en est ainsi, par exemple, de la détermination des conditions dans lesquelles

l'École Nationale de la Magistrature organise la formation continue des auditeurs de

justice697, des modalités d'application des règles relatives à la désignation des

magistrats, pour siéger au Conseil supérieur de la magistrature698, ou encore, de la

liste des emplois de président et de premier vice-président de tribunal de grande

instance, de procureur de la République et de procureur de la République adjoint,

placés hors hiérarchie699, dans la mesure où le législateur organique a préalablement

fixé, lui-même, les critères nécessaires à l’identification des tribunaux concernés.

Dans chacune de ces hypothèses, non seulement la compétence du règlement ne

s’exerce que sur des points d’exécution, mais, de plus, elle est directement corrélée

aux directives générales posées par la loi organique, ne lui laissant qu’une faible

marge d’action.

268. Néanmoins, la juridiction constitutionnelle estime que le seuil d’acceptation est

franchi, quand le législateur organique laisse au décret « le soin de définir les activités

privées, qui, en raison de leur nature, ne peuvent être exercées par un magistrat [...] en

disponibilité700 » ou en retraite. Cette disposition, censurée, de l’article 15 de la loi

organique relative au statut de la magistrature du 25 février 1992, n’était qu’une

697 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 35.


698 Décision n° 93-337 DC du 27 janvier 1994, Loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature, JO,
1er février 1994, p. 1776, Cons. 4 à 6.
699 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc., Cons. 10 et 11.
700 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 30.
176 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

transposition de l’article 72 de la loi de 1984 relative à la fonction publique de

l'État701, qui confiait à un décret en Conseil d'État, la liberté de déterminer les activités

privées que ne peut exercer un fonctionnaire en cessation définitive ou en exclusion

temporaire de fonctions, en détachement, mis à disposition ou encore en

disponibilité. Même si cette loi n’avait pas été déférée au Conseil constitutionnel, on

peut raisonnablement supposer que, dans la mesure où les magistrats ne se trouvent

pas exactement dans une situation statutaire comparable à celle des autres

fonctionnaires de l’État, ce qui peut se concevoir pour ces derniers, est plus

difficilement acceptable pour les membres de la magistrature. Au regard des risques

de conflits d’intérêts potentiels, le juge constitutionnel ne pouvait accepter que le

législateur organique délègue au pouvoir réglementaire, sa compétence sur un point

aussi essentiel pour la détermination du régime des incompatibilités

professionnelles, applicables aux magistrats judiciaires702.

269. Cependant, le législateur peut renvoyer au décret, le soin de fixer les mesures

d'application des règles qui gouvernent la situation du magistrat, en disponibilité ou

à la retraite, qui souhaitant exercer une activité privée, doit en informer, au préalable,

le ministre de la Justice, lequel peut éventuellement s'y opposer703. La juxtaposition

de ces deux illustrations, portant sur des questions voisines, permet de situer assez

précisément l’endroit où le Conseil constitutionnel place le curseur, dans

l’appréciation de l’éventuelle incompétence négative du législateur organique, quand

celui-ci fixe les règles statutaires applicables aux magistrats judiciaires. Pour ne pas

ignorer la pleine étendue de sa compétence et encourir la censure de la Haute

juridiction, il ne doit déléguer que des points techniques d’application des principes,

dont il a lui-même tracé les grandes lignes, desquelles le règlement ne peut s’écarter.

701 Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'État, JO, 12 janvier 1984, p. 271.
702 Cf infra n° 322 et s.
703 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc., Cons. 9 et 10.
L’existence du procès 177

2) Le renforcement constitutionnel imparfait de l’indépendance

du Conseil supérieur de la magistrature

270. Le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après, C.S.M.), exemple topique

d’une « création continue de la République704 », est un organe constitutionnel

d’interposition entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, dont il est, sans doute,

le principal garant de l’indépendance705. Le renforcement constitutionnel de son

indépendance rejaillit alors, inéluctablement, sur la magistrature. C’est la raison pour

laquelle, il faut se féliciter, tant de son émancipation organique (a) que de

l’accroissement de ses compétences (b), tout en regrettant que les deux principales

réformes constitutionnelles de 1993706 et 2008707 n’aient pas tiré toutes les leçons des

expériences passées.

a) L’émancipation organique inachevée du Conseil supérieur

de la magistrature

271. L’article 64 de la Constitution fait du Président de la République, le garant de

l’indépendance de l’autorité judiciaire, assisté par le Conseil supérieur de la

magistrature. Au sein d’un bloc de constitutionnalité, qui affirme « qu’une société

politique, dans laquelle la séparation des pouvoirs ne serait pas déterminée, n’aurait point de

Constitution708 », une telle déclaration de principe peut susciter l’étonnement voire

l’incrédulité, tant elle semble traduire, l’approbation constitutionnelle de l’immixtion

d’un pouvoir public dans l’exercice d’un autre. Mais cette interprétation fait fi de la

704 GICQUEL J., « Le Conseil supérieur de la magistrature : une création continue de la République »,
Droit et politique à la croisée des cultures : mélanges Philippe Ardant, L.G.D.J., Paris, 1999, p. 289.
705 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 354 et s.
706 Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre
1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVIII, JO, 28 juillet 1993, p. 10600.
707 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.
708 Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
178 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conception dualiste de la séparation des pouvoirs, qui est celle des révolutionnaires

de 1789, comme celle des constituants de 1958709. Et elle s’explique aisément, quand

on la replace dans le contexte politique dans lequel elle a été pensée, puis rédigée et

quand on la confronte à la définition constitutionnelle originelle du rôle du Chef de

l’État.

272. Cette rédaction de l’article 64 ne s’est, cependant, imposée que très tardivement

dans le processus d’élaboration du texte constitutionnel 710, puisqu’il faudra attendre

le Conseil interministériel du 1er septembre 1958, pour qu’elle soit préférée aux

formulations précédentes711. De manière conjoncturelle, cette attribution régalienne

permettait au Président de la République, de restaurer une image un peu ternie par

les récents évènements algériens, tant la garantie de l’indépendance de la

magistrature semblait une noble tâche, auréolée d’un parfum libéral, qui faisait alors

défaut au Chef de l’État.

273. Elle s’inscrivait aussi dans le prolongement direct de l’article 5 de la

Constitution712, ce Président-arbitre placé au-dessus des contingences partisanes, tel

que le souhaitait le Général de Gaulle, dès le discours fondateur de Bayeux, le 16 juin

1946713. Cette conception du rôle du Chef de l’État, défenseur de l’intérêt général

709 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et


l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », op. cit., p. 297.
710 Cf RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 675.
711 L’indépendance de la magistrature devait être, au départ, « garantie par la Constitution » dans
l’avant-projet du 10 juillet 1958, puis par une loi ordinaire dans le projet du 15 juillet, puis grâce à
un statut, dont le support devait être une loi organique, dans les travaux du Comité consultatif
constitutionnel du 1er août 1958.
712 Article 5 de la Constitution : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure,
par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État.
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». On notera
la similitude rédactionnelle entre le second alinéa de cet article et le premier de l’article 64.
713 « Certes, il est de l'essence même de la démocratie que les opinions s'expriment et qu'elles s'efforcent, par le
suffrage, d'orienter suivant leurs conceptions l'action publique et la législation. Mais aussi tous les principes
et toutes les expériences exigent que les pouvoirs publics : législatif, exécutif, judiciaire, soient nettement
L’existence du procès 179

grâce à sa position de « surplomb », en faisait l’acteur constitutionnel idoine, pour

être ce protecteur de l’autorité judiciaire, tout au moins jusqu’en 1962 714. Il était alors

souhaitable, que ses prérogatives à l’égard de la justice en général et du Conseil

supérieur de la magistrature, en particulier, s’amenuisent.

274. L’assouplissement du lien organique entre le C.S.M. et le pouvoir exécutif,

représenté, à titre principal, par le Chef de l’État et dans une moindre mesure, par le

garde des Sceaux, est une des deux manifestations principales du renforcement

constitutionnel de l’indépendance du Conseil du Palais de l’Alma. Elle se traduit par

la suppression de la présidence par le Chef de l’État (et la vice-présidence par le

ministre de la Justice) et la désignation de ses membres, progressivement moins

tributaire de l’exécutif. C’est donc bien, principalement, par la rupture partielle des

relations entre le Président de la République et le Conseil supérieur de la

magistrature, que l’indépendance de l’institution, issue de la loi du 30 août 1883 715,

s’est affirmée. Il est donc, sur ce point, difficile de partager le point de vue du

professeur Thierry RENOUX, qui fait découler le renforcement du Conseil supérieur

de la magistrature, du rôle du Chef de l’État à l’égard de l’autorité judiciaire716.

séparés et fortement équilibrés et, qu'au-dessus des contingences politiques, soit établi un arbitrage national
qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons ».
714 Le mode de désignation du Président de la République au suffrage universel direct, ajouté à la
réforme du quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral (Loi constitutionnelle n° 2000-964
du 2 octobre 2000 relative à la durée du mandat du Président de la République, JO, 3 octobre 2000,
p. 15582) rendant peu probable une discordance des majorités, parlementaire et présidentielle, lui
ont ôté sa hauteur et sa neutralité institutionnelles, le transformant d’arbitre, en chef de la majorité.
715 Loi du 30 août 1883 sur la réforme de l'organisation judiciaire, JO, 31 août 1883, p. 4569.
716 RENOUX T., « Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire »,
Justices, n° 3, 1996, p. 111. Il faut tout de même signaler que le professeur Thierry RENOUX limite
ce renforcement aux seuls magistrats du siège.
180 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

 La suppression de la présidence du Chef de l’État et de la

vice-présidence du ministre de la Justice

275. À l’instar de la rédaction définitive du premier alinéa de l’article 64, la relation

fonctionnelle entre les deux dispositions constitutionnelles paraissant d’ailleurs

évidente, la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, par le Chef de l’État,

n’est intervenue que dans la phase finale du processus d’élaboration de la norme

fondamentale du 4 octobre 1958717. Pourtant, en dépit de ces hésitations originelles, le

Président de la République continuera à siéger à la tête du Conseil supérieur de la

magistrature, jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008718.

276. Cette réforme répondait aux critiques qui déjà, en 1998, s’étaient exprimées

contre le projet qui maintenait ce lien avec l’exécutif, plaçant la France dans un

particularisme européen, exception faite de l’Italie719, même si les prérogatives

constitutionnelles respectives des deux Chefs de l’État ne sont guère comparables. La

révision, qui entérinait la proposition 69 du Comité BALLADUR 720, n’avait fait alors

l’objet d’aucun débat parlementaire animé, elle était même déjà partiellement

présente dans les conclusions du Comité VEDEL de 1993721, qui avait proposé de

supprimer la vice-présidence de droit du ministre de la Justice et de confier cette

nomination, discrétionnairement, au Président de la République.

717 Elle découle d’un amendement de Paul COSTE-FLORET, qui confie la vice-présidence au ministre
de la Justice, alors que Michel DEBRÉ souhaitait plutôt voir le garde des Sceaux présider
l’institution. Pour lui, il y aurait été à sa place, alors qu’à l’inverse, c’était une forme d’abaissement
de la fonction présidentielle, que de faire participer ainsi le Chef de l’État aux affaires de la justice,
Source : Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, La
Documentation française, vol. 1, 1987, p. 158.
718 Celle-ci confiera la présidence de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, au
premier président de la Cour de cassation et celle compétente à l'égard des magistrats du parquet,
au procureur général près la Cour de cassation.
719 Article 104 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 : « La magistrature
constitue un ordre autonome et indépendant de tout autre pouvoir. Le Conseil supérieur de la magistrature
est présidé par le président de la République [...] ».
720 Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales au Président de la République en date du 5 mars
2009, JO, 6 mars 2009, p. 4161.
721 Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993, JO, 16 février 1993, p. 2537.
L’existence du procès 181

277. Cette réforme, à la tête du C.S.M., n’est pas uniquement « décorative ». En effet,

même si la plupart du temps, cette institution ne se réunissait pas sous la présidence

du Chef de l’État, celle-ci était « loin d’être purement formelle722 », ainsi qu’en

témoignent ses substantielles attributions723. En effet, il pouvait non seulement peser

sur l’ordre du jour de l’assemblée plénière724, mais aussi exercer une influence réelle

sur les nominations qui lui étaient proposées. Il est donc assez manifeste que cette

exclusion du premier personnage de l’État, de la présidence du Conseil supérieur de

la magistrature, est loin d’être seulement symbolique, contrairement aux affirmations

de M. Arnaud MARTIN, qui minimisent quelque peu l’influence que cette position

pouvait avoir sur le fonctionnement de l’organe725.

278. Cette révision reste malgré tout très largement inaboutie, confinant même au

paradoxe, puisque parallèlement, elle confirme le rôle du Président de la République

comme garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, alors qu’il ne préside plus

(et n’est même plus membre de droit) l’institution, qui, sans être encore l’organe

tutélaire de la justice, que le professeur Thierry RENOUX appelle de ses vœux726,

contribue fortement à accroître l’indépendance de celle-ci. Les amendements, tendant

à tirer les enseignements, au premier alinéa de l'article 64, de l’effacement

présidentiel réalisé à l'article 65, ont tous été repoussés pendant les débats

parlementaires. L'ambiguïté, soulignée par la métaphore animalière de Guy

CARCASSONNE, selon laquelle confier l’indépendance de l’autorité judiciaire au

722 RENOUX T., « Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire »,


op. cit., p. 103.
723 MERLEY N., « Le chef de l'État et l'autorité judiciaire sous la Vème République », R.D.P., 1997,
p. 728.
724 Décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, JO, 10 mars 1994,
p. 3779, article 35 : « L'ordre du jour des séances est arrêté par le Président de la République, sur avis du
ministre de la Justice.
Une copie de l'ordre du jour est annexée à la convocation adressée aux membres du conseil supérieur ».
725 MARTIN A., « Le conseil supérieur de la magistrature et l'indépendance des juges », R.D.P., 1997,
p. 741.
726 RENOUX T., « Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire »,
op. cit., p. 108.
182 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Président de la République revient à « proclamer que le loup est garant de la sécurité de la

bergerie727 », n’est donc pas encore tout à fait levée. Sans compter que le lien avec

l’exécutif, distendu en apparence, n’a pas totalement disparu, puisqu’il demeure par

le truchement du ministre de la Justice, qui n’est, certes, plus vice-président, mais qui

peut tout de même assister aux séances des formations du Conseil supérieur de la

magistrature, sauf en matière disciplinaire728.

 La mise en retrait partielle du pouvoir exécutif dans la

désignation des membres

279. La révision, précédemment décrite, peut s’entendre comme le prolongement

direct des évolutions qui touchent le C.S.M. depuis 1993, moment où le Président de

la République a cessé d’en nommer la totalité des membres. En effet, le mode de

désignation, majoritairement électif prévu par la Constitution de 1946 729, n’avait pas

produit les résultats escomptés, c’est à dire la recherche du juste équilibre entre les

craintes de corporatisme d’un coté et, les risques de dépendance à l’égard du

pouvoir, de l’autre. Ce constat, ajouté à l’opportunité de recruter d’éminentes

personnalités, avait conduit le constituant de 1958, à placer la composition du

C.S.M. sous l’autorité pleine et entière du Chef de l’État. Il en nommait la totalité des

neuf membres730, avec l’exigence de contreseing ministériel, l’acte de nomination

727 CARSASSONNE G., La Constitution introduite et commentée, Seuil, Coll. Points, 9e éd., Paris, 2009,
p. 312.
728 Article 65 de la Constitution, alinéa 9.
729 Article 83 de la Constitution du 27 octobre 1946. En faisant abstraction des deux membres de droit
que sont le Président de la République et le ministre de la Justice, sur les douze autres membres
restant, dix sont désignés par l’élection : six personnalités élues par l’Assemblée nationale et quatre
magistrats élus par leurs pairs.
730 Le Président de la République les choisissait dans une liste comprenant le triple de candidats que
le nombre de postes à pourvoir. Ainsi, pour six magistrats, le bureau de la Cour de cassation
proposait au Chef de l’État dix-huit noms possibles et pour un conseiller d’État, l’assemblée
générale du Conseil d’État fournissait une liste de trois noms. Les deux dernières personnalités
étaient laissées au libre choix du Président de la République.
L’existence du procès 183

présidentiel de l’article 65, contrairement à ce qu’il en est pour la désignation des

membres du Conseil constitutionnel, n’étant pas au nombre des pouvoirs propres,

énumérés par l’article 19 de la Constitution.

280. L’omnipotence du Chef de l’État sur l’institution, dans la version originelle de

1958, même si elle trouve certainement son fondement dans le premier alinéa de

l’article 64 de la Constitution, essuya de vives critiques. C’est la raison pour laquelle,

la révision constitutionnelle de 1993 lui ôta la prérogative de choisir la totalité des

membres du Conseil supérieur de la magistrature. Il devra alors partager son

pouvoir de nomination avec les deux présidents des assemblées parlementaires,

chacun des trois désignant une personnalité en dehors du monde juridictionnel et

politique. Le projet de loi constitutionnelle, étudié en première lecture devant les

chambres, prévoyait même sa totale éviction du processus de nomination, au profit

du Conseil constitutionnel. À la lecture du rapport rédigé par le sénateur Hubert

HAENEL731, il semblerait que la crainte principale eut été que le Chef de l’État choisît

le doyen de l’institution, lequel jouit d’une autorité morale et d’un pouvoir

d’influence certains, au sein du C.S.M.

281. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 s’inscrit dans ce prolongement, portant

à deux, le nombre des personnalités désignées dorénavant par le Président de la

République. Son pouvoir de nomination est toutefois encadré par la procédure

nouvelle de l’article 13, qui permet de faire obstacle aux choix présidentiels, quand

l’addition des votes négatifs, enregistrés dans chaque commission permanente

compétente de chacune des assemblées, représente au moins trois cinquièmes des

suffrages exprimés au sein des deux commissions. Ce droit de véto parlementaire est

une initiative qui mérite l’approbation, comme le signale fort justement le professeur

Jean GICQUEL732, tant elle ne peut apporter qu’une plus grande transparence, dans

731 Rapport HAENEL, Sénat, n° 316, p. 92.


732 GICQUEL J., « Le nouveau Conseil supérieur de la magistrature », J.C.P., 2008, I, 176.
184 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

le processus de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

De plus, l’exigence de majorité renforcée, induisant nécessairement un consensus

dépassant les clivages politiques, présente l'avantage d’atténuer les accusations de

politisation, dans le processus de désignation.

282. Il est tout de même regrettable que les deux grandes réformes constitutionnelles

de 1993 et de 2008, n’aient pas totalement coupé le « cordon ombilical » reliant le

Chef de l’État à l’institution judiciaire. Non seulement, l’argument de droit comparé

enseigne que parmi les organes européens analogues, seul le Portugal permet au chef

du pouvoir exécutif de désigner deux membres du Conseil supérieur de la

magistrature733. Mais aussi, depuis qu’il ne le préside plus, cette prérogative permet

au Président de la République d’y rester représenté, ce qui aurait pu éventuellement

offrir un intérêt, en termes de pluralisme, en période de discordance des majorités,

mais ce n’est plus le cas, puisque cette hypothèse est devenue tout à fait incertaine

depuis la réforme du quinquennat.

b) Le renforcement insuffisant des compétences du Conseil

supérieur de la magistrature

283. Des trois compétences assurées par le Conseil supérieur de la magistrature, la

fonction de nomination est celle qui a connu la valorisation la plus satisfaisante, alors

que, dans le même temps, la fonction disciplinaire n’a été que faiblement étendue et

la fonction consultative, restreinte.

733 Article 218 de la Constitution de la République portugaise du 25 avril 1976.


L’existence du procès 185

 La fonction de nomination progressivement valorisée

284. Les pouvoirs de nomination du C.S.M. ont connu une valorisation

constitutionnelle continue depuis sa création, avec des degrés variables, pour les

magistrats du siège et leurs homologues du parquet.

 La nomination des magistrats du siège

285. En ce qui concerne les juges du siège, les nominations s’opèrent selon deux

procédures distinctes, en fonction du grade dans la hiérarchie judiciaire 734, sur

proposition du Conseil supérieur de la magistrature, dont la formation compétente

est tenue d’opérer un choix entre les candidatures (afin de respecter le principe de

l’inamovibilité ), avant d’arrêter sa décision. S’agissant de la nomination des autres

magistrats du siège, le C.S.M. dispose, depuis 1993, d’un pouvoir d’avis conforme,

sur les propositions effectuées par le garde des Sceaux. Dans un cas comme dans

l’autre, le processus est caractérisé par la nécessaire collaboration des autorités de

nomination, dans une démarche de codécision.

286. À deux reprises, le Conseil constitutionnel est intervenu de manière active, sur

les dispositions introduites par le législateur organique, en matière de nomination

des magistrats. En 1992, la loi organique735 avait déjà tenté d’imposer l’avis conforme

du Conseil supérieur de la magistrature, sur les nominations des juges du siège, pour

lesquelles il ne disposait pas d’un pouvoir de proposition736. L’article 65 de la

734 Pour les emplois les plus élevés, les conseillers à la Cour de cassation, dont le premier président et
les présidents de chambre, premier président de cour d’appel et depuis la réforme de 1993, les
présidents de tribunal de grande instance, les nominations sont effectuées par le Président de la
République, en vertu de l’article 13, alinéa 2 de la Constitution.
735 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 février 1992, p. 3086.
736 Cf supra n° 263.
186 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Constitution ne prévoyant alors qu’un avis purement consultatif, cette disposition,

incluse dans l’article 10 de la loi contrôlée, fut censurée par le juge constitutionnel 737.

287. Sur la forme, indépendamment des incidences engendrées sur les prérogatives

de nomination du Conseil supérieur de la magistrature, la décision paraît tout à fait

justifiée, tant la contrariété entre la loi organique et la disposition constitutionnelle,

dont elle est supposée, fidèlement, faire application, est flagrante. Sur le fond, il est

un peu audacieux, comme le fait Thierry RENOUX, d’y voir le désir de « restaurer la

primauté et le pouvoir d’appréciation du Président de la République738 ». Le Conseil

constitutionnel, conformément à son rôle « d’aiguilleur », tel que Louis FAVOREU se

plaisait à le qualifier739, indiquait simplement ici aux pouvoirs publics, le chemin

normatif à emprunter, pour réaliser la réforme désirée. D’ailleurs, ce fut chose faite

l’année suivante, par le biais d’une révision constitutionnelle 740, conformément aux

orientations posées par le juge constitutionnel, quelques mois auparavant. Et

finalement, c’est donc bien la fonction de nomination du Conseil supérieur de la

magistrature, qui se trouva renforcée, sous l’effet de la jurisprudence

constitutionnelle.

288. Une autre illustration, à un degré moindre, de l’intervention du juge

constitutionnel, en faveur des prérogatives de nomination du Conseil supérieur de la

magistrature, peut être identifiée dans sa décision concernant la première affectation

des auxiliaires de justice741. Le législateur organique prévoyait d’assortir la

déclaration d'aptitude des auditeurs de justice, émise par le jury à la sortie de l’Ecole

Nationale de la Magistrature, d’une recommandation, portant sur les fonctions que le

737 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc.


738 RENOUX T., « Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire »,
op. cit., p. 109.
739 FAVOREU L., « Les décisions du Conseil constitutionnel dans l’affaire des nationalisations »,
R.D.P., 1982, p. 419 ; « Souveraineté et supra-constitutionnalité », Pouvoirs, 1993, n° 67, p. 71.
740 Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 préc.
741 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc.
L’existence du procès 187

futur magistrat serait le mieux à même d’exercer. N’y voyant aucune difficulté sur le

principe, le Conseil constitutionnel émet tout de même une double réserve

d’interprétation, afin de satisfaire aux exigences d'indépendance de l'autorité

judiciaire.

289. En premier lieu, le jury doit prendre en compte des critères objectifs, découlant

de la scolarité de l’auditeur, pour formuler sa recommandation, laquelle, en second

lieu, ne doit pas lier le Conseil supérieur de la magistrature, quand ce dernier

émettra son avis sur la nomination de l’auditeur de justice 742. Comme le souligne le

professeur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN743, la réserve directive du Conseil

constitutionnel semble bien artificielle et illusoire. Il sera, en effet, délicat à la

formation chargée des nominations, d’ignorer la recommandation du jury, qui ne

peut, de surcroît, difficilement résulter de critères différents, de ceux utilisés pour

l’établissement du classement de sortie des élèves de la prestigieuse école. Dans ces

conditions et principalement en raison des perturbations provoquées sur le pouvoir

de nomination du Conseil supérieur de la magistrature, il eut été, effectivement,

préférable de déclarer la mesure litigieuse, contraire au principe d'indépendance de

l'autorité judiciaire.

 La nomination des magistrats du parquet

290. Pour ce qui est des magistrats du parquet, les pouvoirs de nomination connurent

une amélioration notable, à partir de la réforme constitutionnelle de 1993, date à

laquelle fut instituée une formation compétente à leur égard. On peut toutefois

742 Idem, Cons. 15.


743 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., note, Décis. Cons. const. n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, R.F.D.C.,
1995, p. 158.
188 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

déplorer que le constituant soit resté au milieu du gué et n’ait pas aligné les

prérogatives de la formation du parquet, sur celles du siège.

291. En effet, depuis la révision de 1993, la formation idoine du Conseil émet un avis

sur les propositions du garde des Sceaux, pour les nominations des magistrats du

parquet744, à l’exception toutefois des emplois, auxquels il est pourvu en Conseil des

ministres745. La réforme de 2008 modifia substantiellement cette compétence, en

étendant la procédure de l’avis simple, à l’ensemble des emplois, c’est à dire à ceux

des procureurs généraux près la Cour de cassation et la cour d’appel746.

292. Tout en se réjouissant de cette avancée747, on peut cependant regretter la valeur

simplement consultative de cet avis, qui, juridiquement, n’empêche pas le garde des

Sceaux, de passer outre la position exprimée par ladite formation. Il convient

néanmoins d’observer qu’en pratique, le ministre de la Justice convient généralement

d’un accord avec le Conseil supérieur de la magistrature, en vertu duquel il s’engage,

par avance, à respecter l’avis formulé par la formation compétente. Par suite, l’avis

consultatif officiel se transforme donc en avis conforme officieux. En conséquence, il

eut été souhaitable, que cette pratique du respect systématique des avis rendus par le

formation du parquet, fût institutionnalisée par la révision constitutionnelle de 2008,

afin de mettre le droit en conformité avec le fait. C’est d’ailleurs ce que proposait la

Commission de réflexion sur la justice, présidée par Pierre TRUCHE748, qui souhaitait

faire bénéficier les magistrats du parquet, de garanties constitutionnelles

d’indépendance, comparables à celles de leurs homologues du siège. Il est dommage

744 Auparavant, depuis la loi organique du 25 février 1992, cette compétence était exercée par la
commission consultative du parquet.
745 Emplois de procureur général près la Cour de cassation et de procureur général près la cour
d’appel.
746 Article 65, alinéa 5 : « La formation compétente à l’égard des Magistrats du Parquet donne son avis sur les
nominations qui concernent les Magistrats du Parquet ».
747 Antérieurement, le Conseil supérieur de la magistrature était mis devant le fait accompli par la
décision du Conseil des ministres.
748 TRUCHE P., Rapport au Président de la République de la commission de réflexion sur la justice, La
Documentation française, Coll. des rapports officiels, Paris, 1997.
L’existence du procès 189

que le constituant n’ait pas suivi ces préconisations, car l’harmonisation complète des

pouvoirs respectifs des deux formations irait dans le sens d’une plus grande unité et

d’une meilleure autonomie du corps judiciaire.

 La fonction disciplinaire faiblement étendue

293. Les pouvoirs disciplinaires du C.S.M. n’ont été que peu renforcés et ce, malgré la

réforme constitutionnelle de 2008, qui a ouvert pour la première fois la saisine aux

justiciables.

 La saisine par les autorités institutionnelles

294. L’article 65 de la Constitution fait distinctement apparaître une modulation des

compétences disciplinaires, entre les deux formations du Conseil supérieur de la

magistrature. Le sixième alinéa de cet article attribue à la formation du siège, la

fonction de conseil de discipline et lui confère donc la qualité d’autorité

juridictionnelle, relevant du pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. Elle

dispose alors, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, d’une

plénitude de compétences, pour prononcer des sanctions à l’égard des magistrats du

siège.

295. En revanche, l’article 65, alinéa 7, donne seulement compétence à la formation

du parquet, sous la présidence du procureur général près la Cour de cassation, pour

formuler des avis disciplinaires purement consultatifs749, qu’elle transmet ensuite au

garde des Sceaux, qui dispose seul du pouvoir de sanctions, lesquelles sont

749 C’est la réforme de juillet 1993, qui a transféré à la formation compétente nouvellement instituée,
cette prérogative détenue auparavant par la commission de discipline du parquet.
190 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

susceptibles de recours pour excès de pouvoir, devant le Conseil d’État. Cette

prérogative du ministre de la Justice peut s’expliquer par le lien d’autorité

hiérarchique, qu’il entretient à l’égard de la magistrature debout750. Néanmoins, à

l’instar de la remarque faite pour la fonction de nomination751, dans la mesure où il

entérine les avis de la formation du parquet, il serait souhaitable de mettre le droit en

harmonie avec la pratique, en constitutionnalisant ici, la procédure de l’avis

conforme.

296. Au-delà, il eut même été opportun d’aligner, en matière disciplinaire, la

situation des magistrats du parquet sur celle de leurs homologues du siège, tel que le

souhaitaient la commission TRUCHE et la commission des lois du Sénat, pendant le

processus d’élaboration de la révision de 2008752. Outre les gains évidents en termes

d’indépendance de la magistrature, une telle initiative aurait présenté l’avantage

d’harmoniser, devant le Conseil d’État, les modalités de recours introduits contre les

décisions disciplinaires.

297. En outre, faire de cette formation l’organe disciplinaire des magistrats du

parquet, n’aurait pas porté préjudice à la relation hiérarchique existant entre le garde

des Sceaux et ces derniers. Le droit comparé nous apprend ici encore, qu’en Italie, le

C.S.M. dispose d’une section disciplinaire statuant à l’égard de l’ensemble des

magistrats, dont les sanctions sont prises à l’issue d’une procédure à caractère

juridictionnel, susceptible d’un recours devant la Cour de cassation753. Alors que le

Conseil d’État a rendu récemment, l'article 6, paragraphe 1 de la Convention

européenne des droits de l'homme, applicable aux procédures disciplinaires devant

750 Cf infra n° 352 et s.


751 Cf supra n° 292.
752 Rapport n° 387 (2007-2008) de M. Jean-Jacques HYEST, fait au nom de la commission des lois, p. 194.
753 Article 105 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 : « [...] les mesures
disciplinaires concernant les magistrats relèvent de la compétence, selon les règles de l’organisation
judiciaire, du Conseil supérieur de la magistrature ».
L’existence du procès 191

le Conseil supérieur de la magistrature754, une telle restriction des prérogatives de la

formation compétente à l’égard des parquetiers, apparaît aujourd’hui comme la

faiblesse principale de l’institution, en matière de garanties d’indépendance de

l’autorité judiciaire.

 La saisine par les justiciables

298. La réforme constitutionnelle de juillet 2008 a étendu aux justiciables, l’ouverture

de la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, réservée jusque là

au ministre de la Justice et, depuis 2001, aux premiers présidents de cours d'appel et

aux procureurs généraux. C’est une initiative à saluer, à la fois dans son principe,

mais aussi, au regard de ses modalités d’application, prévues par la loi organique,

telles que rectifiées par le Conseil constitutionnel755.

299. Sur le premier point, permettre à un justiciable de saisir le Conseil supérieur de

la magistrature, quand il estime le comportement d’un magistrat, « dans l’exercice de

ses fonctions [...], susceptible de recevoir une qualification disciplinaire756 », est de nature à

renforcer l’indépendance de la magistrature. En effet, les autorités institutionnelles

de saisine ont bien souvent des réticences à introduire une procédure disciplinaire

officielle, à l’encontre d’un magistrat au comportement professionnel lacunaire,

privilégiant plutôt ce que Dominique ROUSSEAU qualifie de « traitement

épiscopal757 ». Il en résulte une fragilisation insidieuse du magistrat, certes épargné par

la sanction disciplinaire, mais placé en position de dépendance à l'égard de sa

754 C.E., 30 juin 2010, n° 325319, Mme Elisabeth A.


755 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010, Loi organique relative à l'application de l'article 65 de la
Constitution, JO, 23 juillet 2010, p. 13583.
756 Articles 25 (pour le siège) et 32 (pour le parquet) de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010
relative à l'application de l'article 65 de la Constitution, JO, 23 juillet 2010, p. 13562.
757 ROUSSEAU D., « L'article 28, un C.S.M. sans tête et sans pouvoirs nouveaux », L.P.A., n° 97, 2008,
p. 80.
192 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

hiérarchie. De ce point de vue, ainsi qu’en termes d’image, point non négligeable au

regard de l’importance accordée aux apparences en droit processuel758, cette réforme

présente d’évidentes vertus, comme celle de dissiper les reproches d'impunité,

souvent adressés aux magistrats.

300. Sur le second point, les modalités d’application de la mesure semblent

conformes au principe constitutionnel d'indépendance de l'autorité judiciaire. La loi

organique institue plusieurs commissions d’admission des requêtes, composées de

membres du Conseil supérieur de la magistrature, qui examineront la recevabilité

des plaintes des justiciables, mais qui ne pourront siéger ultérieurement dans la

formation de jugement759. Toutefois, le législateur organique aurait pu

préférentiellement opter pour un organisme indépendant, extérieur au Conseil

supérieur de la magistrature, comme le préconisait un des rapports annuels de ce

dernier760.

301. Toutes ces dispositions ont reçu l’aval du Conseil constitutionnel, qui n’a

censuré qu’un seul point de la loi organique, posant véritablement problème. Il

s’agissait d’une possibilité offerte à un justiciable, d’introduire une plainte devant le

Conseil supérieur de la magistrature, à l’encontre d’un magistrat toujours saisi du

règlement d’un litige le concernant761. La décision du juge constitutionnel,

satisfaisante dans son dispositif, car le seul fait qu’un magistrat soit mis en cause, par

une partie, dans un contentieux sur lequel il lui reste à se prononcer, semble

contraire, en soi, aux principe d’impartialité et d’indépendance de la justice, laisse

toutefois un sentiment mitigé à la lecture des motifs.

758 JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, Presses de
l'Université Toulouse 1 capitole, Coll. Mutation des normes juridiques, Toulouse, 2010.
759 Article 14 de la loi organique n° 2010-830 préc.
760 Conseil supérieur de la magistrature, Rapport annuel 2004-2005, p. 197.
761 Cette hypothèse visait les procédures qui, s’étendant dans le temps, repoussent assez loin le
moment où le justiciable lésé par le comportement défaillant d’un magistrat, pourra saisir le
Conseil supérieur de la magistrature.
L’existence du procès 193

302. En effet, la Haute juridiction ne juge pas la procédure intrinsèquement

inconstitutionnelle, mais seulement imparfaitement assortie de garanties, afin de

préserver l’indépendance de l’autorité judiciaire762. Est-ce à dire que si le législateur

organique avait suffisamment précisé, lui-même, le domaine d’application de la

mesure763, tout en l’enserrant dans un délai764 et en permettant au magistrat mis en

cause d’accéder à son dossier765, celle-ci serait passée entre les « fourches caudines »

du Conseil constitutionnel ? On peine à le croire, mais un tel mode de raisonnement

n’est pourtant pas rare de la part du juge constitutionnel, qui apprécie souvent

favorablement la compensation effectuée par le législateur, au lieu de mesurer la

pondération directe des intérêts en conflit, que celui-ci a opérée. En somme, quand

un dispositif législatif est suffisamment encadré par des garanties procédurales, ce

qui n'atténue pas nécessairement la portée de ses effets négatifs, il échappe à la

censure766.

 La fonction consultative restreinte

303. Pour remplir sa mission de conseiller et d’assistant du Président de la

République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, ainsi que pour

harmoniser le fonctionnement de ses deux formations spécialisées, le C.S.M. avait

pris, dès 1994767, dans le silence de la Constitution, l’habitude de se réunir

mensuellement, en réunion plénière. De sa propre initiative ou à la demande du

garde des Sceaux, il se prononça ainsi sur des problématiques d’ordre général, telles

762 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc., Cons. 21.


763 La nature des procédures et le seuil de gravité du manquement du magistrat permettant la
recevabilité de la plainte du justiciable.
764 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc., Cons. 22.
765 Ibidem.
766 Cf, par exemple, Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la
déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, JO, 26 février 2008, p. 3272, Cons. 22.
767 La première réunion se tint le 10 juin 1994. Rapidement, la réunion plénière fut officialisée puisque
en décembre de la même année, le Président de la République sollicita le Conseil supérieur de la
magistrature, au sujet de l’affaire HALFEN.
194 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

que l’indépendance de la magistrature et la liberté d’expression des magistrats, ou

plus segmentées, comme sur la notion d’intérêt du service. Dans son premier rapport

annuel, en 1995, il considère que sa « fonction consultative confère la possibilité, voire le

devoir de donner son avis sur toute question touchant à l’indépendance et aux conditions de

son exercice768 ».

304. Comme c’est souvent le cas en droit constitutionnel, ces pratiques praeter legem

furent institutionnalisées ultérieurement, lors de la révision de 2008. Le nouvel article

65, tel qu’issu de la réforme du 23 juillet, officialise ainsi ces réunions plénières 769. En

définissant dans le texte même de la norme fondamentale, le périmètre de ses

attributions, le constituant a considérablement restreint le domaine d’intervention de

la formation plénière, en empêchant les avis spontanés, que celle-ci donnait

régulièrement. Après la suppression de la consultation sur les grâces

présidentielles770, il s’agit là d’une nouvelle amputation de la fonction consultative du

Conseil supérieur de la magistrature.

305. Le législateur organique a bien tenté une extension du domaine d’application de

la consultation réalisée par l’institution judiciaire. Une ambiguïté rédactionnelle du

huitième alinéa de l’article 65771, pouvait, en effet, laisser penser que la saisine

obligatoire du garde des Sceaux ne portait que sur les questions intéressant le

768 Conseil supérieur de la magistrature, Rapport annuel 1995, p. 36.


769 En vertu de l’article 65, alinéa 8 de la Constitution, elles sont destinées à « répondre aux demandes
d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 » ou pour se prononcer « sur les
questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de
la justice dont le saisit le ministre de la Justice ».
770 C’est la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 préc., qui a ôté cette fonction au Conseil
supérieur de la magistrature, qui apparaissait au troisième alinéa de l’article 65 de la Constitution :
« Il est consulté sur les grâces dans les conditions fixées par une loi organique ». Il faut tout de même
signaler que l’Ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 préc. ne l’imposait qu’en cas de peine
de mort. Avec l’abolition de la peine capitale, par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981, JO, 10 octobre
1981, p. 2759, la consultation du Conseil supérieur de la magistrature était donc laissée à la
discrétion du Chef de l’État.
771 Article 65, alinéa 8 : « [...] Il se prononce dans la même formation, sur les questions relatives à la
déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit
le ministre de la Justice [...] ».
L’existence du procès 195

fonctionnement de la justice, laissant à la formation plénière, toute latitude pour se

prononcer proprio motu sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. Le

Conseil constitutionnel772, sur la base des travaux préparatoires de la révision de

2008773, a rétabli l’intention originelle du constituant, en déclarant contraire à la

Constitution, cette prérogative ajoutée à l’article 17 de la loi organique qui lui a été

transmise774.

306. La décision du juge constitutionnel n’est pas à blâmer. La loi organique doit faire

application des dispositions constitutionnelles, c’est à dire les préciser, mais sans les

trahir. Si les pouvoirs publics souhaitent, à l’avenir, voir le Conseil supérieur de la

magistrature, se saisir, de sa propre initiative, des questions d’éthique touchant les

magistrats, le juge constitutionnel lui a indiqué la voie normative à suivre. Il ne reste

plus qu’à espérer une réforme constitutionnelle ambitieuse sur le sujet, telle que la

préconisait le Comité consultatif, présidé par le doyen VEDEL775, c’est à dire confier

au Conseil supérieur de la magistrature, une fonction consultative plénière, sur

toutes les questions se rapportant à l’indépendance de l’autorité judiciaire et au

statut de la magistrature776. Ce serait la meilleure réponse possible, pour que le

C.S.M. joue pleinement son rôle d’assistant du Président de la République, en

772 Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994 préc.


773 D’après le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel, en commission des lois, le député
M. Arnaud MONTEBOURG avait déposé un amendement, permettant à la formation plénière de
se saisir elle-même, en cas de dysfonctionnement manifeste de la justice. M. Jean-luc
WARSMANN, rapporteur de la commission des lois, avait alors émis un avis défavorable. Dans la
suite du processus de révision constitutionnelle, l’alinéa 8 de l’article 65, n’a plus subi de
modifications.
774 Article 17 de la loi organique du 5 février 1994, telle que transmise au Conseil constitutionnel : « La
formation plénière du Conseil supérieur a compétence pour connaître des demandes formulées soit par le
Président de la République, au titre de l'article 64 de la Constitution, soit par le garde des Sceaux, ministre
de la Justice, sur les questions énumérées par l'article 65 de la Constitution, ainsi que pour se prononcer sur
les questions relatives à la déontologie des magistrats ».
775 Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993 préc.
776 Le projet de loi constitutionnelle, voté le 4 juin 2013 par l’Assemblée nationale, comprenait cette
prérogative à l’intention de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature (« Il (le
Conseil supérieur de la magistrature) peut se saisir d’office des questions relatives à l’indépendance de
l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats »), mais elle ne fût pas reprise dans le texte adopté
au Sénat le 4 juillet 2013, Cf supra n° 1018.
196 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

attirant, de manière préventive, son attention sur les risques potentiels d’atteinte à

l’indépendance de l’autorité judiciaire, dont il est le garant en vertu de la

Constitution.

307. À côté de ces garanties, profitant « par ricochet » à l’indépendance de la

magistrature, via la loi organique portant statut des magistrats et via le Conseil

supérieur de la magistrature, le juge constitutionnel a aussi renforcé directement

l’indépendance statutaire des membres de l’autorité judiciaire.

B) Les garanties directes d’indépendance des magistrats judiciaires

308. À l’examen des garanties constitutionnelles statutaires, dégagées par le Conseil,

se dessine le profil du magistrat indépendant. Les qualités, dont il doit être revêtu, se

déploient dans deux directions. D’une part, il doit être juridiquement compétent, ce

qui implique un recrutement exigeant (1). C’est une condition essentielle de sa

légitimité, laquelle est indispensable au respect de son action, au service de la justice.

D’autre part, il ne doit pas subir d’interférences personnelles, en raison de l’exercice

d’une activité concomitante, de nature à altérer sa fonction juridictionnelle et qui

nuiraient à sa disponibilité, tant matérielle qu’intellectuelle (2).

1) Les exigences constitutionnelles rigoureuses dans le

recrutement des magistrats judiciaires

309. Face au déficit chronique de magistrats de l’ordre judiciaire, le législateur a, de

longue date, organisé des recrutements exceptionnels, afin de pallier


L’existence du procès 197

conjoncturellement, cette carence structurelle777. Ainsi, la loi organique du n° 71-603

du 20 juillet 1971778, complétant l'article 21 de la loi organique du 17 juillet 1970

relative au statut des magistrats779, permettait la nomination directe aux fonctions des

premier et second grades de la hiérarchie judiciaire, de candidats ayant exercé

pendant huit ans au moins des fonctions juridiques, auprès des administrations

centrales et des services extérieurs de l'État. Le Conseil constitutionnel, tout en

considérant, dès le départ780, cette démarche avec une certaine bienveillance781, a

toutefois progressivement renforcé son contrôle et étendu les normes

constitutionnelles, applicables aux dispositifs législatifs de recrutement dans la

magistrature. Il en résulte un accroissement constant des exigences

constitutionnelles, tant sur le plan quantitatif (a), qu’en termes qualitatifs (b), qui

traduit une volonté manifeste de garantir l'indépendance de la justice.

a) Les exigences constitutionnelles quantitatives dans le

recrutement des magistrats judiciaires

310. Sur le plan quantitatif, le Conseil constitutionnel fait, certes, preuve de

compréhension face aux nécessités de personnels judiciaires, auxquelles les pouvoirs

publics essaient de trouver des solutions satisfaisantes, mais n’en est pas moins

777 BONINCHI M., FILLON C. et LECOMPTE A., Devenir juge : modes de recrutement et crise des
vocations de 1830 à nos jours, P.U.F., Coll. Droit et justice, Paris, 2008.
778 Loi organique du n° 71-603 du 20 juillet 1971 complétant l'article 21 de la loi organique n° 70-642
du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 21 juillet 1971, p. 7187.
779 Loi organique n° 70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 19 juillet 1970,
p. 6747. Le statut des magistrats non professionnels était initialement institué par les articles 14 à
18 de cette loi.
780 Décision n° 71-45 DC du 16 juillet 1971, Loi organique complétant l'article 21 de la loi organique du 17
juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
781 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, Loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats
de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d’appel en service
extraordinaire, JO, 26 février 1998, p. 2976, Cons. 8 : « Considérant qu'aucune règle ni aucun principe de
valeur constitutionnelle ne s'oppose à un mode de recrutement exceptionnel et transitoire de magistrats,
motivé par la pénurie de personnel observée dans certaines juridictions ; [...] ».
198 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

rigoureux, dans son appréciation des dispositifs de recrutements exceptionnels. Il

n’est, de toute évidence, pas question qu’une éventuelle indépendance altérée des

magistrats supplétifs, puisse s’étendre à l’ensemble de la magistrature. La Haute

juridiction n’est donc pas hostile, en soi, à l'exercice temporaire des charges

juridictionnelles, mais rappelle systématiquement, le principe qui gouverne

l’accomplissement d’une telle fonction régalienne de l’État et les limites qui

l’encadrent. De telles fonctions doivent, en principe, être assumées par des

professionnels et, quand elles le sont par des magistrats supplétifs, des garanties

d'indépendance suffisantes doivent leur être accordées782.

311. Deux éléments essentiels d’appréciation peuvent être mis en évidence, dans cette

seconde partie du considérant de principe783. En premier lieu, seule une proportion

mesurée des fonctions judiciaires peut être prise en charge par des magistrats non

professionnels. À l’examen attentif des décisions constitutionnelles, il apparaît que

cette part limitée s’apprécie, grâce au produit obtenu en multipliant le nombre de

postes ouverts au recrutement, par la durée d’exercice de la magistrature. C’est la

combinaison de ces deux variables, qui permet au juge constitutionnel d’évaluer si la

part des fonctions judiciaires, réservée aux magistrats supplétifs, est restée dans des

limites raisonnables. Le Conseil vérifiera précautionneusement cette condition, à

l’examen de chacune des lois organiques qui lui seront transmises.

312. Il en sera ainsi pour les conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en

service extraordinaire, institués pour cinq ans, par la loi organique du 25 février

782 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 64 ; Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995
préc., Cons. 8 et 29 ; Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, préc., Cons. 17.
783 « [...] la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement
réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des personnes qui n'entendent pas pour
autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que dans cette hypothèse, des garanties appropriées
permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions
judiciaires ».
L’existence du procès 199

1992784 et pour les conseillers de cour d’appel en service extraordinaire, mis en place

par la loi organique du 19 janvier 1995785, limités à trente et pour une durée de cinq

ans, portée à dix ans par la loi organique du 24 février 1998786, qui augmente aussi

leur nombre à cinquante. Le Conseil constitutionnel a considéré que les

accroissements respectifs des places et de la durée d’exercice ne remettaient pas en

cause « le caractère exceptionnel de l'exercice des fonctions judiciaires par des personnes

n'ayant pas consacré leur vie professionnelle à la carrière judiciaire787 », le paramètre du

nombre de postes ouverts ayant prévalu, en l’espèce788. Une légère évolution est

perceptible en 2003, à propos des juges de proximité, où l’appréciation de la « part

limitée » s’effectue, non plus en fonction de la proportion entre juges supplétifs et

magistrats permanents, au sein d'une même juridiction, mais selon la part des

compétences transférées des tribunaux d'instance et de police, vers les juges de

proximité789.

313. En second lieu, si, par exception, des magistrats supplétifs peuvent être conduits

à apporter leur collaboration à la fonction judiciaire, la loi organique doit leur

accorder les mêmes droits et obligations que les magistrats professionnels, « sous la

seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs

fonctions790 ». L’incorporation dans la magistrature nécessite une indépendance

statutaire, y compris à l’égard de ceux qui ne souhaitent pas y faire carrière. Le plus

simple eut été alors d’inclure ces magistrats temporaires au sein de l’autorité

judiciaire, au sens de l’article 64 de la Constitution, afin de leur faire bénéficier du

statut organique, visé par le troisième alinéa de cet article.

784 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 préc.


785 Loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
relative au statut de la magistrature, JO, 20 janvier 1995, p. 1042.
786 Loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 portant recrutement exceptionnel de magistrats de
l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en
service extraordinaire, JO, 26 février 1998, p. 2975.
787 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 20.
788 Ibidem : « le nombre de ces personnes restera limité ».
789 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 5.
790 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 64.
200 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

314. Le Conseil constitutionnel a adopté, sur cette délicate question, une position

jurisprudentielle plutôt ambiguë. Il semble considérer que le Titre VIII de la

Constitution dans son ensemble et, plus précisément, le troisième alinéa de l'article

64, « vise seulement les magistrats de carrière de l'ordre judiciaire791 », ce qui, en toute

logique, s’il avait poussé le raisonnement à son terme, aurait dû l’amener à exclure

les magistrats supplétifs du statut organique de 1958. Or, tel n’est pas le cas, ce qui

conduit à une situation pour le moins ubuesque. Les magistrats temporaires voient

ainsi leurs règles statutaires, incluses dans l'ordonnance organique du 22 décembre

1958 relative au statut de la magistrature, visée par l’article 64, alinéa 3. Mais, pour

autant, cette inscription n’entraîne pas leur intégration dans le corps judiciaire, lequel

est pourtant régi par le statut des magistrats, pris en application de l'article 64 de la

Constitution. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel l’a décidé, à propos des juges

de proximité792. Le moins que l’on puisse dire est que la logique juridique a des

limites, ici largement dépassées.

b) Les exigences constitutionnelles qualitatives dans le

recrutement des magistrats judiciaires

315. Sur le plan qualitatif, le Conseil constitutionnel fait application de sa

jurisprudence générale, relative à l’entrée dans la fonction publique de l'État793, telle

qu’issue de la décision du 14 janvier 1983794. Nonobstant le caractère tardif de cette

791 Idem, Cons. 63 ; Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc., Cons. 7.


792 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 7.
793 « Le principe de l'égal accès aux emplois publics, proclamé par l'article 6 de la Déclaration de 1789, impose
que, dans les nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des
talents, il ne s'oppose pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des qualités
des candidats à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires soient différenciées
pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service
public ».
794 Décision n° 83-153 DC du 14 janvier 1983, Loi relative au statut général des fonctionnaires, JO, 15
janvier 1983, p. 354, Cons. 5.
L’existence du procès 201

transposition, puisque se seront écoulés presque dix ans795 (et même quinze796, en ce

qui concerne l’égalité d’accès à la magistrature), avant que le Conseil n’étende à

l'article 6 de la Déclaration de 1789, les normes constitutionnelles applicables aux

magistrats, sa jurisprudence traduit sa détermination à voir les fonctions judiciaires

occupées par des juristes compétents et aptes à rendre la justice.

316. Dès 1998, le juge constitutionnel établira, explicitement, cette relation directe

entre la qualité du juge et son indépendance 797. La première est une condition

essentielle de la réalisation de la seconde, l’indépendance résultant principalement

de la légitimité, laquelle n’est obtenue que par la compétence. Le rapport d’activité

1999 du Conseil supérieur de la magistrature798 n’affirme d’ailleurs rien d’autre,

quand il avance que « la capacité ainsi acquise par le magistrat grâce à sa réussite à un

concours et à une formation de haut niveau concourt à sa légitimité ». Un juge, paré de

toutes les qualités indispensables à sa mission, verra l’autorité persuasive de ses

décisions s’accroître corrélativement au bien-fondé de son action.

317. En conséquence, tous les recrutements instaurés par le législateur organique

seront examinés au prisme de cette grille de lecture. Pour se conformer aux exigences

constitutionnelles d’égale qualité dans l’accès à la magistrature, découlant de l'article

6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le législateur devra, dans le

processus de recrutement, ne prendre en considération que les capacités, les vertus et

795 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc.


796 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc.
797 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 8 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 41. : [...] les règles de recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire fixées par le législateur
organique doivent concourir, notamment en posant des exigences précises quant à la capacité des intéressés
conformes aux conditions découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à
assurer le respect [...] du principe [...] de l'indépendance, dans l'exercice de leurs fonctions, des magistrats
ainsi recrutés ».
798 Rapport d’activité 1999, Réflexions pour l’avenir : l’indépendance et le statut des magistrats, p. 105.
202 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

les talents des candidats et parmi ces derniers, uniquement ceux en lien avec les

fonctions de magistrats799.

318. L’application de ces principes exigeants conduira le Conseil constitutionnel à

émettre plusieurs réserves d’interprétation (certaines communes à tous les

recrutements exceptionnels de magistrats, une autre plus spécifique à une catégorie),

voire à prononcer une décision d’annulation. Ainsi, quand les qualités juridiques,

nécessaires à l'exercice des fonctions judiciaires, ne découlent pas automatiquement

des activités professionnelles antérieures des candidats, les dispositions

réglementaires d’application de la loi organique « devront prévoir des épreuves de

concours de nature à permettre de vérifier, à cet effet, les connaissances juridiques des

intéressés800 ». Et quand parmi les catégories de candidats, pouvant prétendre aux

fonctions de juge de proximité, peuvent figurer des personnes ayant, certes, exercé

antérieurement des fonctions d'encadrement dans le domaine administratif,

économique ou social, mais sans aucune assurance de leurs compétences juridiques,

le Conseil constitutionnel déclare la disposition concernée, contraire aux exigences de

l’article 6 de la Déclaration801. De plus, pour tous les concours d’entrée à la

magistrature, la Haute juridiction introduit la possibilité expresse pour le jury, de ne

pas pourvoir l'ensemble des postes offerts802.

319. Cette jurisprudence constitutionnelle est à saluer, la combinaison de ces deux

réserves directives devant permettre de hausser le niveau d’exigences juridiques,

attendu de la part des magistrats judiciaires. Il est difficile d’en dire autant du champ

d’application de la réserve émise, pour la première fois, dans la décision de 1998,

799 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 3 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 4.
800 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 9 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 42.
801 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 14.
802 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 11 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 44.
L’existence du procès 203

concernant la loi organique, modifiant les conditions de recrutement des conseillers

de cour d’appel en service extraordinaire. En effet, pourquoi réserver aux seuls

concours de conseillers de cour d’appel, l’injonction faite aux autorités d’application

de la loi, de vérifier, outre les qualités juridiques des candidats, leur aptitude à

rendre la justice803 ?

320. Les arguments avancés par le Conseil constitutionnel peinent à convaincre804. Il

devrait s’agir là d’une exigence minimale, applicable à tous mais qui le serait de

manière renforcée pour cette catégorie de magistrats, eu égard à leur positionnement

dans l’architecture juridictionnelle et étant donné que les candidats n’ont jamais

exercé auparavant de fonctions judiciaires, au premier degré de juridiction.

D’ailleurs, le Conseil n’a pas hésité à en faire application pour les juges de

proximité805, il n’y a donc aucune raison qu’il en soit autrement pour les autres

magistrats temporaires, quelle que soit leur place dans la hiérarchie judiciaire. En

outre, comme le signale, fort à propos, le professeur Thierry RENOUX806, il est même

peut-être un peu paradoxal de n’imposer cette exigence constitutionnelle qu’au

second degré de juridiction, alors même que certains jugements sont rendus en

premier et dernier ressort.

321. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence constitutionnelle a contribué à renforcer les

exigences de qualité des magistrats judiciaires, indispensables à la garantie de

l’indépendance de l’autorité judiciaire. On peut seulement déplorer, qu’à partir de

803 Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998 préc., Cons. 10 ; Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001
préc., Cons. 43.
804 Ibidem.
805 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 12 : « Considérant, toutefois, que, si les
connaissances juridiques constituent une condition nécessaire à l'exercice de fonctions judiciaires, ni les
diplômes juridiques obtenus par les candidats désignés ci-dessus, ni leur exercice professionnel antérieur ne
suffisent à présumer, dans tous les cas, qu'ils détiennent ou sont aptes à acquérir les qualités indispensables
au règlement des contentieux relevant des juridictions de proximité ; qu'il appartiendra en conséquence à la
formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, avant de rendre son avis, de s'assurer que les
candidats dont la nomination est envisagée sont aptes à exercer les fonctions de juge de proximité ».
806 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, R.F.D.C., 2001, p. 731.
204 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2001807, le contrôle systématique du Conseil constitutionnel n’ait pu continuer à

s’opérer sur les recrutements exceptionnels de magistrats808, afin de lui permettre

d’affiner sa jurisprudence sur cette question, dans l’intérêt de la qualité de la justice.

2) L’extension constitutionnelle du régime des incompatibilités

professionnelles des magistrats judiciaires

322. Afin de faciliter le recrutement de magistrats temporaires et de ne pas s’aliéner

un certain nombre de profils intéressants, le législateur organique ne pouvait

interdire tout cumul de fonctions judiciaires, avec l’exercice parallèle d’une activité

professionnelle. C’est pourquoi l'article 8 de l'ordonnance organique du 22 décembre

1958809 pose, dans son premier alinéa, le principe de l’incompatibilité de l'exercice des

fonctions de magistrat, avec celui de toutes fonctions publiques ou de toute autre

activité professionnelle ou salariée, mais prévoit, dans le second alinéa, des

dérogations individuelles possibles, qui peuvent être accordées par les chefs de Cour.

Il s’agit toutefois que l’exercice de ces deux activités simultanées ne porte pas

« atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance810 ». C’est la raison pour laquelle,

les différentes lois organiques, qui prévoient le recrutement de magistrats exerçant à

titre temporaire, prennent le soin de déterminer les conditions et les limites dans

807 L’article 23 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au
Conseil supérieur de la magistrature, JO, 26 juin 2001, p. 10119, offre aux pouvoirs publics une
délégation permanente pour pallier ponctuellement les pénuries de personnels au sein de
l’autorité judiciaire, alors qu’auparavant, une loi organique spéciale était nécessaire à la création
d’un concours particulier.
808 A l’exception de la création des ordres de juridiction, qui, en vertu de l’article 34 de la
Constitution, nécessite une loi, ce qui est aussi le cas, en vertu de la jurisprudence
constitutionnelle, pour les modalités de recrutement des magistrats qui en découlent. Cf Décision
n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 15 : « les juridictions de proximité ne pourront être mises
en place qu'une fois promulguée une loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres ».
A noter toutefois que le juge constitutionnel n’exige pas que la loi ait la qualité de loi organique.
809 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 préc.
810 Idem, alinéa 2.
L’existence du procès 205

lesquelles une activité rémunérée peut être exercée, parallèlement à la charge

judiciaire.

323. Le Conseil constitutionnel, de son côté, est particulièrement attentif à ce que le

régime d’incompatibilités, fixé par le législateur organique, soit bien conforme au

principe d'indépendance des magistrats. Sa jurisprudence montre, à ce titre, une

évolution, dans le sens d’un resserrement des exigences. C’est, en tous cas, ce qui

ressort de l’analyse comparative des décisions du 10 janvier 1995 811 et du 20 février

2003812, qui fixent le régime juridique des incompatibilités professionnelles des

magistrats. La doctrine jurisprudentielle du juge constitutionnel s’inscrit ici, dans le

même mouvement d’accroissement des garanties d’indépendance de l’autorité

judiciaire, que celle relative au recrutement des magistrats.

324. Ainsi, en 1995813, l’article 41-14 de la loi examinée814 ménage la possibilité, pour

les magistrats temporaires recrutés comme juge d'instance ou d'assesseur, d’exercer

en même temps, une activité professionnelle. Néanmoins, outre le rappel de

l’exigence générale, selon laquelle la profession exercée simultanément ne peut

porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance, le législateur fixe

quatre conditions à l’acceptation de l'exercice concomitant de ces deux activités.

325. La première est circonscrite aux membres des professions libérales juridiques et

pose le principe d’une incompatibilité géographique : les titulaires de ces charges ne

peuvent les exercer, dans le ressort du tribunal de grande instance, dans lequel ils ont

été affectés. En 2003, à propos des juges de proximité, le législateur organique

réitérera cette interdiction, mais en ajoutera une seconde, symétrique à la première,

811 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc.


812 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc.
813 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc.
814 Loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 préc.
206 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

dont elle est le corollaire indispensable815 : le magistrat temporaire de proximité, qui

continue d’exercer une activité libérale, ne peut également effectuer un acte inhérent

à sa profession, dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle il

appartient816.

326. Il est plutôt surprenant que cette seconde condition, complément nécessaire de

la première, ait échappé, à la fois, à la vigilance du législateur de 1995, mais aussi à

celle du juge constitutionnel, qui aurait dû compléter la loi par le biais d’une réserve

adjonctive. C’est d’ailleurs ce qu’il fera en 2003, ce qui démontre que, dans

l’intervalle, le juge constitutionnel a haussé son niveau d’exigences, en étendant le

régime des incompatibilités professionnelles applicables aux magistrats. Le Conseil

constitutionnel, dans une réserve interprétative, précise que ces dispositions doivent

être comprises, comme visant, non seulement l'exercice à titre individuel d'une

profession libérale, mais aussi une activité professionnelle, accomplie au sein d'une

association ou d'une société civile professionnelle817.

327. La deuxième condition fait obstacle au recrutement des agents publics, à

l’exception des professeurs d’université et des maîtres de conférence, aux postes de

magistrats temporaires. Si cette interdiction de cumul réserve une dérogation aux

enseignants universitaires, c’est en raison de l’indépendance dont ils bénéficient, en

vertu d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, pour les

professeurs818 et, sur le fondement de l’article 11 de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen, pour les autres enseignants-chercheurs819. Est ainsi confirmée

815 Cette précision est le fait d’un amendement sénatorial. Il est facilement constatable que, des deux
assemblées parlementaires, la chambre haute est celle qui contribue le plus à l’indépendance de la
magistrature.
816 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons 20.
817 Ibidem.
818 Décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur, JO, 21 janvier 1984,
p. 365.
819 Décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique,
culturel et professionnel, JO, 30 juillet 1993, p. 10750.
L’existence du procès 207

la place particulière des enseignants universitaires, au sein de la fonction publique,

sans pour autant que le Conseil maintienne ici, la distinction des fondements de leur

indépendance, selon leur statut820.

328. Entre les deux décisions de 1995 et 2003, une autre incompatibilité a été ajoutée

par l'article 14 de la loi organique du 25 juin 2001821, qui modifie le deuxième alinéa

de l'article 8 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, à laquelle le Conseil fait

référence, dans sa décision de 2003822. Dorénavant, les magistrats ne pourront plus se

voir accorder de dérogations par les chefs de Cour, afin d’exercer ponctuellement des

activités d'arbitrage. Cette exception à l'exception, qui renforce le principe de

l’interdiction du cumul d’activités des magistrats, en limitant les situations

dérogatoires, améliore incontestablement la disponibilité des magistrats, comme le

fait justement observer M. Jean-Éric SCHOETTL823. Le juge constitutionnel n’a pas

formulé d’objection824, le législateur organique n’ayant contrevenu à aucun principe

constitutionnel, ni commis la moindre erreur manifeste d‘appréciation, en limitant

les cas de dérogations possibles, au principe de l’exclusivité des fonctions judiciaires.

329. La troisième condition occupe une place singulière, puisqu’il s’agit plutôt d’un

préalable indispensable à la vérification des autres exigences. En effet, afin de

pouvoir s’assurer que la situation professionnelle des magistrats temporaires ne pose

aucune difficulté de compatibilité avec leur charge, il est indispensable que les

autorités judiciaires soient informées de toute modification éventuelle de leurs

activités. Ainsi, en cas de changement dans ce domaine, le magistrat temporaire doit

avertir le premier président de la cour d’appel, ce qui est conforme à l'article 50-2 de

820 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc., Cons. 23.


821 Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 préc.
822 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 19.
823 SCHOETTL J.-É., note, Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, L.P.A., 29 juin 2001, p. 5.
824 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc., Cons. 18.
208 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l'ordonnance organique du 22 décembre 1958825, puisque en vertu de cette

disposition, il est une des principales autorités de saisine du Conseil supérieur de la

magistrature, en matière disciplinaire.

330. Enfin, la quatrième et dernière condition n’est qu’une application, aux

magistrats temporaires, des hypothèses classiques de déport826. Elle interdit au

magistrat supplétif, de connaître d'un contentieux qui comprend un lien avec sa

profession, ou quand une des parties au litige est une relation professionnelle, passée

ou présente. Le Conseil constitutionnel y adjoint la même réserve interprétative, que

celle incluse dans la première condition, à savoir que l’interdiction s’applique aussi

bien à une activité professionnelle exercée seul, que dans le cadre d'une association

ou d'une société, dont le magistrat serait membre.

331. L'exercice simultané des fonctions judiciaires et d'une activité professionnelle

nécessite un encadrement rigoureux et exigeant, afin que l'indépendance des

magistrats ne puisse être prise en défaut. Le juge constitutionnel a minutieusement

vérifié que le législateur organique avait entouré ce cumul d’activités, des

précautions nécessaires, pour éviter tout risque de conflits d'intérêts ou de

fragilisation de la position du magistrat. Dans chacune des deux décisions, le Conseil

a admis cet exercice concomitant, non sans avoir posé, dans la seconde, de strictes

réserves d’interprétation, ce qui témoigne d’une élévation des exigences

constitutionnelles, au profit des garanties d’indépendance de l’autorité judiciaire. Ces

dernières varient tout de même sensiblement, selon le rattachement du magistrat, au

siège ou au parquet.

825 « Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les
poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d’appel ou les présidents de
tribunal supérieur d'appel.
Copie des pièces est adressée au garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui peut demander une enquête à
l'inspection générale des services judiciaires ».
826 Cf infra n° 525.
L’existence du procès 209

§ 2. Les garanties constitutionnelles d’indépendance variables selon les

membres du corps judiciaire

332. De prime abord, deux différences statutaires fondamentales semblent distinguer

les magistrats du siège de ceux du parquet. D’un côté, l’inamovibilité (A), qui ne

bénéficie qu’aux juges et, de l’autre, le lien de subordination hiérarchique (B), qui ne

concerne que les membres du ministère public. Néanmoins, il convient de ne pas

surévaluer les vertus de la première et les désagréments du second et, en

conséquence, de ne pas surestimer les conséquences qui en découlent, sur

l’indépendance des uns et des autres. Tout au plus, le Conseil constitutionnel en

déduit-il une gradation de l’indépendance au sein du corps judiciaire, ce qui n’est

pas la position de la Cour européenne des droits de l’homme, qui refuse

catégoriquement la qualité d’autorité judiciaire, au ministère public (C).

A) L’inamovibilité des magistrats du siège

333. L’inamovibilité des magistrats du siège est un principe garanti par le quatrième

alinéa de l’article 64 de la Constitution et par l’article 4 de l’Ordonnance statuaire de

1958827. Très tôt, le Conseil a consacré sa valeur constitutionnelle 828 et a établi un lien

direct, avec le principe d’indépendance de la magistrature assise. En effet, si les

auditeurs de justice ne peuvent participer, avec voix délibérative, à l'activité

juridictionnelle d'un tribunal, c’est en raison de leur particularité statutaire 829,

laquelle résulte de leur absence d’inamovibilité, qui ne permet pas de garantir leur

827 Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 préc.


828 Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-
1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 19 février 1967,
p. 1793.
829 Décision n° 70-40 DC du 9 juillet 1970, Loi organique relative au statut des magistrats, 19 juillet 1970, p.
6773, Cons. 4.
210 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

indépendance830. Le principe d’inamovibilité est donc un élément important de la

garantie d’indépendance des magistrats du siège, en les protégeant d’une éventuelle

sanction, consécutive aux jugements qu’ils auraient rendus, mécontentant les

autorités publiques831.

334. Cependant, c’est un principe qui ne bénéficie qu’aux seuls magistrats du siège,

ce qui n’est pas le cas dans toutes les constitutions européennes, puisqu’en Italie, par

exemple, l’inamovibilité est garantie à l’égard de tous les magistrats832. Il s’agit d’une

différence statutaire, certes, non négligeable, mais qui ne doit, pour autant, pas être

surestimée. D’un côté, les magistrats du parquet sont dans une situation, bien que

non institutionnalisée, de quasi-inamovibilité, tant les déplacements d'office dans

l'intérêt du service sont rares, à l’exception, peut-être, de certains membres de la

hiérarchie supérieure du ministère public. D’un autre côté, l’inamovibilité n’est pas

synonyme d’immobilité et ne confère donc pas aux juges du siège, un droit acquis à

occuper, toute leur carrière durant, la même fonction, au sein de la même juridiction.

335. Ceci étant, mise à part la précision apportée par le second alinéa de l’article 4 de

l’Ordonnance statuaire de 1958, qui dispose que « le magistrat du siège ne peut recevoir,

sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement », les dispositions

normatives écrites ne sont guère prolixes sur les conséquences que l’inamovibilité

emporte. C’est donc le Conseil constitutionnel, essentiellement, qui a dû préciser les

contours du principe, lequel, comme Thierry RENOUX l’a fait observer le premier,

semble comprendre deux facettes833. Une première, géographique, qui protège le juge

830 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 154.
831 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 351 et s.
832 Article 107 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 : « Les magistrats sont
inamovibles. Ils ne peuvent être déchargés, suspendus, déplacés ou affectés à d’autres fonctions que par une
décision du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée soit pour des motifs et avec les garanties de défense
établies par l’ordre judiciaire, soit avec leur consentement (…) ».
833 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 137.
L’existence du procès 211

contre tout déplacement, non consenti, en dehors du ressort de la juridiction et une

seconde, fonctionnelle, qui met le magistrat du siège, à l’abri d’une affectation

d’office, dans de nouvelles attributions, y compris si ce changement correspond à un

avancement834.

336. Toute la difficulté du statut du juge réside dans le juste dosage à trouver entre,

d’un côté, favoriser son avancement et encourager sa mobilité géographique, autant

que fonctionnelle et, de l’autre, le mettre à l’abri des sanctions éventuelles, en raison

de décisions juridictionnelles qu’il aurait prises. Comme le Sénat a pu le souligner, la

mobilité des magistrats « apparaît [...] comme une source d’enrichissement dans l’exercice

des fonctions juridictionnelles » et « comme la meilleure garantie contre les risques de

pratiques routinières ou de trop grande implication dans la vie locale, nuisibles à

l’indépendance et à l’autorité du magistrat835 ». En effet, une immobilité géographique

prolongée peut nuire à leur indépendance et encore davantage, sans doute, à leur

impartialité, en favorisant les risques de situations de conflits d’intérêts. En outre,

une immobilité fonctionnelle peut altérer la vigilance et la fraîcheur d’esprit,

nécessaires à un jugement équitable et cohérent. Le législateur organique a toujours

oscillé entre ces deux exigences, de prime abord, délicates à concilier. L’analyse de sa

législation laisse entrevoir deux catégories de dispositions, de nature à heurter

l’inamovibilité des magistrats du siège, tant sur le plan géographique que

fonctionnel.

337. La première correspond aux mesures qui subordonnent l’avancement des juges,

à une mobilité antérieure. Il en est ainsi, par exemple, du troisième alinéa de l'article

834 Le professeur Thierry RENOUX dénomme la première, « l’inamovibilité de résidence » et la seconde,


« l’inamovibilité des fonctions », « Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet »,
A.I.J.C., XI, Economica, Paris, 1995, p. 233.
835 Rapport n° 281 (2000-2001) de M. Pierre FAUCHON, fait au nom de la commission des lois, déposé
le 25 avril 2001, p. 24.
212 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

34 de la loi organique du 25 février 1992836, modifiant l'article 36 de l'ordonnance

statutaire de 1958, qui pose une obligation de mobilité, conditionnant l'inscription au

tableau d'avancement837. Ou encore, l'article 7 de la loi organique du 19 juin 2001838,

qui fixe la règle, en vertu de laquelle, aucun magistrat ne peut être nommé à un

emploi hors hiérarchie, s'il n'a exercé auparavant deux fonctions au premier grade et,

quand il s’agit de fonctions juridictionnelles, à condition de les avoir exercées dans

deux juridictions différentes.

338. Dans chacune de ces deux situations, le Conseil constitutionnel a considéré que

les dispositions litigieuses ne portaient pas atteinte à la règle d'inamovibilité des

magistrats du siège. Dans le premier cas839, c’est en raison de son domaine

d’application, qui la circonscrit aux seuls magistrats ne pouvant justifier de cinq

années de services840, que la Haute juridiction lui accorde son brevet de

constitutionnalité. De manière générale, quand la mobilité est consécutive à un

avancement, cela ne pose aucune difficulté particulière d’appréciation, puisque le

principe d’inamovibilité impose qu’aucun juge ne puisse recevoir d’affectation

nouvelle, sans son consentement, même en avancement841.

339. La seconde catégorie de dispositions comprend l’ensemble des mesures qui

limitent la durée des fonctions judiciaires, afin de faire bénéficier aux juges, des

vertus mentionnées dans le rapport du Sénat, préalablement cité. C’est à l’occasion

de l’examen des mesures législatives intervenant dans ce cadre, que le Conseil

constitutionnel a précisé sa conception du principe d’inamovibilité. Sa jurisprudence

836 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 préc.


837 « Nul ne peut être inscrit au tableau d'avancement s'il n'a été nommé dans deux juridictions ou, après avoir
exercé des fonctions juridictionnelles, s'il n'a été nommé à l'administration centrale du ministère de la
justice ou en service détaché ».
838 Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 préc.
839 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 53.
840 Article 49 de la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 préc.
841 Article 4 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 préc., tel qu’interprété par le Conseil
constitutionnel dans la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 préc., Cons. 3.
L’existence du procès 213

peut être résumée ainsi : l’inamovibilité ne s’oppose pas à ce que le législateur

restreigne la durée de certaines fonctions judiciaires, mais elle le contraint alors, à

fixer des garanties de nature à atténuer les conséquences dommageables, résultant

du caractère temporaire des fonctions exercées. Ces garanties sont de deux ordres,

mais contribuent au même double objectif, de prévisibilité de carrière et

d’indépendance des magistrats. La première vise la fiabilité, grâce à la stabilité des

conditions de durée de la fonction temporaire (1), alors que la seconde concerne les

modalités de poursuite de carrière, à l’expiration de l’emploi occupé pour un temps

limité (2).

1) L’exigence de fiabilité des conditions de durée de la fonction

judiciaire temporaire

340. La jurisprudence constitutionnelle n’interdit pas au législateur de limiter dans le

temps certaines fonctions judiciaires. Elle ne détermine pas non plus de plancher, en

dessous duquel la loi organique ne pourrait descendre, dans la fixation de la durée

d’exercice des fonctions, selon la place occupée dans la hiérarchie judiciaire. En

revanche, la première exigence, que le Conseil constitutionnel induit du principe

d’inamovibilité, est qu’une nomination d’un magistrat, pour un temps limité, doit

préciser, dès le départ et de manière immuable, la durée des fonctions. Toute

modification ultérieure, non prévue à l’origine, qu’il s’agisse de repousser ou

d’avancer le terme de la mission, entraînera une censure du juge constitutionnel.

341. Ainsi, deux jurisprudences, relatives aux remplacements des magistrats,

permettent de cerner les contours des exigences constitutionnelles en la matière. En

1980842, la disposition qui permet de changer d’affectation, sans son consentement,

842 Décision n° 80-123 DC du 24 octobre 1980, Loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 25
octobre, p. 2491.
214 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

après six mois, le magistrat venu remplacer dans ses fonctions, le titulaire du poste,

absent pour cause de longue maladie, est jugée contraire à la Constitution843. Alors

que dans la même décision, la disposition organique qui conditionne le

remplacement d’un magistrat, à l'intérieur du ressort d'une cour d’appel, à une

ordonnance du premier président, fixant le motif, la durée et le terme du

remplacement, est considérée comme instituant suffisamment de garanties, pour

satisfaire au principe de l’inamovibilité844.

342. La juxtaposition des deux appréciations constitutionnelles, dans deux

considérants consécutifs, au sein de la même décision, est éclairante. Outre

l’évolution géographique notable du périmètre de l’inamovibilité de résidence, qui

s’étend dorénavant au ressort de la cour d’appel, alors qu’il était jusqu’alors limité à

la juridiction845, ce qui est surtout à noter, c’est la différence de sécurité juridique

entre les deux dispositions législatives. À la prévisibilité de la seconde, en raison du

formalisme et du contenu de l’acte juridique, qui met le magistrat remplaçant à l’abri

de tout aléa, répond l’incertitude et l’arbitraire de la première, qui ne pouvait

qu’essuyer la censure constitutionnelle.

343. En 1995846, c’est également la précision de l'article 7 de la loi examinée, qui fixe

les conditions dans lesquelles des magistrats peuvent remplacer temporairement

leurs collègues empêchés, afin que l’activité de la juridiction ne prenne trop de

retard, qui permet à la disposition contrôlée, de satisfaire aux exigences de

l’inamovibilité847. La mesure prévoit, en effet, la durée maximum du remplacement

(quatre mois non renouvelables), ainsi que l’impossibilité de changement

d'affectation, sans consentement, avant le terme fixé par l'ordonnance du premier

843 Idem, Cons. 5.


844 Idem, Cons. 4.
845 Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 préc.
846 Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995 préc.
847 Idem, Cons. 37.
L’existence du procès 215

président de la cour d’appel. De la même façon, le législateur organique peut limiter

à sept ans, la durée d'exercice par un magistrat, des fonctions de chef d'une même

juridiction et à dix ans, celle des fonctions de juge spécialisé au sein d'un même

tribunal848, sans encourir la censure, dans la mesure où les magistrats qui acceptent

ces responsabilités professionnelles, le font en pleine connaissance de la limitation

dans le temps de ces fonctions et sans s’exposer à une affectation non désirée, avant

le terme849.

2) L’exigence de prévisibilité des modalités de poursuite de

carrière à l’issue d’une fonction judiciaire temporaire

344. La seconde garantie, que le Conseil constitutionnel exige des modalités

d’application, encadrant les dispositifs de fonctions judiciaires limitées dans le

temps, concerne la suite de la carrière du magistrat, au terme de sa mission

temporaire. La Haute juridiction semble toutefois avoir légèrement modifié sa

position sur ce point, mais en conservant le même objectif : préserver les magistrats, à

l'expiration de leurs fonctions, de l’arbitraire des autorités de nomination.

345. Deux jurisprudences illustrent, de manière significative, cette évolution.

La première, qui s’est construite en trois étapes, concerne les conseillers référendaires

à la Cour de cassation. En 1967, le juge constitutionnel annule, au regard du principe

posé par le second alinéa de l'article 4, de l'ordonnance organique 22 décembre 1958,

848 Dans un avis du 13 mars 2013, le C.S.M. a considéré qu’il fallait distinguer, pour l'application de
l'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature, deux catégories de magistrats : ceux ayant fait l'objet après le 1 er janvier
2002 « d'une nomination dans des fonctions de vice-président avec désignation concomitante dans des
fonctions spécialisées » et ceux n’ayant pas reçu après cette date « une telle nomination et qui ont
conservé à ce jour leur titre et leur rang dans la juridiction sans être assujettis à la nouvelle règle de
limitation à dix ans des fonctions spécialisées ». Texte de l’avis disponible sur le site du Conseil
supérieur de la magistrature : http://www.conseil-superieur-
magistrature.fr/userfiles/Avis_formation_pleniere_13032013.pdf, consulté le 10 juillet 2013.
849 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc., Cons. 32.
216 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

une disposition qui autorisait le gouvernement, au terme des dix années de fonctions

des conseillers référendaires, à pourvoir d'office à leur affectation 850. La violation du

principe d’inamovibilité est ici flagrante, quand bien même le magistrat acceptant de

telles fonctions sait, dès sa nomination, qu’il est susceptible d’être affecté à l’issue,

sans son consentement, dans de nouvelles attributions et au sein d’une juridiction

qu’il n’a pas choisie.

346. Ayant tiré les enseignements de la décision constitutionnelle, le législateur

organique introduit, quelques mois plus tard, les garanties qui faisaient défaut au

premier dispositif851. Les conseillers référendaires à la Cour de cassation ne peuvent

désormais être affectés dans une juridiction, qu’en fonction des demandes qu’ils ont

formulées, la dernière année avant le terme de leur mission, ou à défaut d’avoir

exprimé des souhaits, en choisissant un des trois postes qui leur sont proposés.

Même si dans aucune de ces deux hypothèses, le magistrat ne choisit totalement sa

destination, il ne s’agit plus d’affectation d’office et les garanties apportées par le

législateur sont de nature à satisfaire aux exigences posées précédemment par le

Conseil852. Les restrictions ajoutées par la loi organique du 18 janvier 1991853, qui

imposent aux conseillers référendaires de ne pas cantonner leurs demandes

d'affectation, aux seuls emplois de président d'une juridiction ou de procureur de la

République, ne changeront pas la position du juge constitutionnel, qui ne les

considère pas contraires à la Constitution854.

850 Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 préc., Cons. 3.


851 Loi n° 67-618 du 29 juillet 1967 modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre
1958, JO, 30 juillet 1967, p. 7619.
852 Décision n° 67-33 DC du 12 juillet 1967, Loi organique modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-1270
du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 juillet 1967,
p. 7593.
853 Loi n° 91-71 du 18 janvier 1991 organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature et relative à l'amélioration de la gestion
du corps judiciaire, JO, 20 janvier 1991, p. 1046.
854 Décision n° 90-288 DC du 16 janvier 1991, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et relative à l'amélioration de la
gestion du corps judiciaire, JO, 18 janvier 1990, p. 927.
L’existence du procès 217

347. Il est possible de tirer deux formes d’enseignement de la jurisprudence du

Conseil constitutionnel, sur l’application du principe d’inamovibilité aux fonctions

judiciaires limitées dans le temps. Premièrement, le consentement du magistrat du

siège doit être impérativement obtenu avant toute nouvelle affectation.

Deuxièmement, ce consentement, pour ne pas être vidé de sa substance, suppose

d’abord d’être prononcé dans une période proche du terme des fonctions et ensuite,

de s’exprimer parmi un choix d’affectations suffisamment large, que le magistrat ait

déterminé lui-même l’éventail des solutions ou que ces dernières lui aient été

proposées par la Chancellerie. La position du juge constitutionnel a sensiblement

varié par la suite, mais sans que l’on puisse pour autant évoquer un déclin du

principe d’inamovibilité, comme peut l’écrire Thierry RENOUX855, repris et approuvé

par M. Thibault GRAFFIN856 ou le président Guy CANIVET857, à propos des chefs de

juridiction et des juges spécialisés.

348. En 2001, dans le cadre de cette seconde jurisprudence 858, le législateur organique

limite à sept ans la durée d'exercice par un magistrat des fonctions, au siège comme

au parquet, de chef d'une même juridiction et à dix ans, celle des fonctions de juge

spécialisé859, au sein d'un même tribunal. Dans le premier cas de figure, les

magistrats, parvenus au terme des sept années de présidence d'une même juridiction,

sont réaffectés dans la juridiction de niveau supérieur. Dans le second cas, les juges

spécialisés sont réintégrés, au terme de dix ans, à grade équivalent, dans l'exercice

des fonctions de magistrat du siège, dans le tribunal où ils étaient déjà affectés860.

855 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 724.
856 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats », op.
cit., p. 857.
857 CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2004, n° 16, p. 129.
858 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 préc.
859 Juge d'instruction, juge des affaires familiales, juge des enfants et juge de l'application des peines.
860 Pour l'application de cette règle, Cf avis du C.S.M. en date du 13 mars 2013, note n° 848.
218 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

349. Deux points importants différencient effectivement ce régime juridique, de celui

des conseillers référendaires à la Cour de cassation, mais sans qu’il faille pour autant

surestimer ces disparités. En premier lieu, le consentement des magistrats, à leur

réaffectation future, est obtenu en amont de l’exercice des fonctions temporaires. En

somme, en acceptant le poste, les magistrats donnent leur accord, par anticipation, à

leur réaffectation à l’issue, laquelle ne pourra pas, en toutes hypothèses, nuire à la

suite de leur carrière. Le professeur Thierry RENOUX explique que la thèse du

consentement anticipé avait été avancée, pour justifier l’affectation d’office des

conseillers référendaires à la Cour de cassation861. Il y a tout de même une différence

essentielle entre les deux situations. En janvier 1967, dans le dispositif prévu, les

conseillers référendaires pouvaient être, à l'expiration de leurs fonctions, affectés

d'office à un emploi de magistrat du siège. Leur consentement initial portait donc,

non pas sur leur destination, qu’ils ignoraient, mais sur le principe de l’affectation

d’office. En 2001, dès sa nomination, le magistrat connaît les attributions qu’il

exercera, à l'issue de sa mission. L'ensemble de ce dispositif évite aux destinataires

toute mauvaise surprise à l'expiration de leurs fonctions.

350. En second lieu, le consentement donné par le magistrat s’opère sur une

affectation unique, proposée par l’autorité de nomination et pas dans le cadre d’un

choix. Pour autant, les anciens conseillers référendaires, même s’ils ont eux-mêmes

déterminé la liste de leurs destination possibles, se voient imposer leur affectation.

Au regard du principe d’inamovibilité, il est tout de même préférable de connaître à

l’avance sa future destination, même si celle-ci n’est pas soumise à un choix, avant

d’accepter les responsabilités proposées. C’est un dispositif, comme le souligne M.

Jean-Éric SCHOETTL862, qui met les intéressés à l'abri de tout arbitraire à l'expiration

de leurs fonctions et qui ne semble nullement en contradiction avec l’article 4 de

l’Ordonnance statuaire de 1958, comme le laisse supposer Thierry RENOUX, qui y

861 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
862 SCHOETTL J.-É., note, Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 5.
L’existence du procès 219

voit une affectation d’office863. Au contraire, l’ensemble de ces mesures est plutôt de

nature à renforcer le principe d’inamovibilité, en le conciliant favorablement, avec la

nécessaire mobilité, géographique et fonctionnelle, des magistrats.

B) La subordination hiérarchique relative des magistrats du parquet à

l’égard du pouvoir exécutif

351. Si l’indépendance des membres du parquet semble bien assurée à l'égard des

juridictions, qui ne disposent, en vertu du principe de la séparation des autorités de

poursuite et de jugement864, d’aucun pouvoir sur l'exercice de l'action publique, mais

aussi envers les justiciables, dont les plaintes et leur devenir ne conditionnent en rien

le déclenchement des poursuites, la situation est plus délicate dans les relations avec

le pouvoir exécutif865. De prime abord, l’indépendance du ministère public à l’égard

du gouvernement paraît moins garantie, ne serait-ce qu’en raison du lien

hiérarchique existant entre le garde des Sceaux et le parquet, lequel n’a été que très

partiellement rompu par la réforme législative de l’été 2013866 (1). Pour autant, cette

relation de subordination ne compromet pas l’indépendance des procureurs, tant elle

connaît des tempéraments, qui en atténuent la portée (2).

863 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
864 Article préliminaire du Code de procédure pénale, paragraphe premier, alinéa 2.
865 BREDIN J.-D., « Qu'est-ce que l'indépendance du juge ? », op. cit., p. 161.
866 Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du
ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique, JO, 26
juillet 2013, p. 12441.
220 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) Le principe de subordination hiérarchique des magistrats du

parquet à l’égard du pouvoir exécutif

352. Le lien de subordination des magistrats du parquet est posé, à la fois, par

l’article 5 de l’ordonnance statutaire de 1958867, qui dispose qu’ils « sont placés sous la

direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des Sceaux,

ministre de la Justice » et par plusieurs articles du Code de procédure pénale, qui

définissent les conditions dans lesquelles s’exercent l’autorité du ministre de la

Justice envers les procureurs généraux868, ainsi que le pouvoir hiérarchique de ces

derniers, à l’égard des procureurs de la République du ressort de la cour d'appel869.

Ces différentes dispositions décrivent la structure hiérarchique bidimensionnelle du

ministère public870, avec d’un côté, un édifice à deux étages871 et de l’autre, une

organisation à trois niveaux872. Exprimé de manière synthétique, le pouvoir

hiérarchique, au sein du ministère public, se traduit par le droit de déclencher et de

faire exercer l'action publique, d'être tenu informé de l'activité judiciaire et en ce qui

concerne le garde des Sceaux, par la possibilité d'exprimer des directives générales

de politique répressive.

867 Par ailleurs, l’article 43 de la même ordonnance précise que « Tout manquement par un magistrat aux
devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. [...]. La
faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du
ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique ».
868 Code de procédure pénale, article 30, tel que modifié par la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013
préc. : « Le ministre de la Justice [...] adresse aux magistrats du ministère public des instructions
générales ».
869 Code de procédure pénale, article 36 : « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la
République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des
poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge
opportunes ».
870 DRÉNO J.-P., « Les relations entre le parquet général et le parquet », Gaz. Pal., 20 décembre 2008,
n° 355, p. 19.
871 Garde des Sceaux et procureur général près la Cour de cassation, qui n’a aucune relation
hiérarchique avec les autres membres du parquet.
872 Garde des Sceaux, procureurs généraux près les cours d’appel et procureurs de la République près
les tribunaux de grande instance.
L’existence du procès 221

353. Le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer, en 2004873, sur la

conformité de ce principe de subordination, à la norme fondamentale. Etait en cause,

l’article 63 de la loi déférée874, qui décrivait, en les complétant, les contours de

l’autorité hiérarchique du ministre de la Justice, sur les membres du parquet. Ce

pouvoir hiérarchique du garde des Sceaux, modifié auparavant à deux reprises 875,

s’enrichissait de la possibilité d’adresser au parquet, des instructions générales

d'action publique876. Le juge constitutionnel valida le principe de la structure

hiérarchique du parquet, avec le garde des Sceaux à son sommet877. Le raisonnement

transitif, mis en œuvre par le Conseil, part du postulat que le ministre de la Justice

est le représentant, dans le domaine de l'action publique, du Gouvernement, lequel,

en vertu de l'article 20 de la Constitution, « détermine et conduit la politique de la

Nation ». Par conséquent, l’application de la politique répressive gouvernementale

nécessite le relais du ministère public, par l’intermédiaire des instructions que le

garde des Sceaux adresse au parquet, lesquelles ne portent atteinte à aucune exigence

constitutionnelle878. En résumé, pour le Conseil constitutionnel, le principe de la

subordination hiérarchique, auquel les magistrats du ministère public sont soumis,

n’hypothèque pas leur indépendance, à l’égard des autorités exécutives de l’État.

873 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.


874 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 préc.
875 La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc. prévoyait que les instructions devaient être écrites et la loi
n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la
procédure pénale, JO, 25 août 1993, p. 11991, précisait qu’elles devaient, de surcroît, être versées au
dossier.
876 La loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 préc. a supprimé cette référence à l’action publique, pour
retenir dans l’article 30 du Code de procédure pénale, la rédaction suivante : « A cette fin, il adresse
aux magistrats du ministère public des instructions générales ». De même, le ministre de la Justice ne
conduit plus « la politique d'action publique », mais « la politique pénale » déterminée par le
Gouvernement.
877 MBONGO P., « L’originalité statutaire des magistrats du Parquet et la Constitution », Pouvoirs,
2005, n° 115, p. 167.
878 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 98.
222 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

354. Cette position audacieuse du juge constitutionnel ne peut, de toute évidence,

qu’être renforcée par la récente réforme législative de l’été 2013879. En effet, la loi du

25 juillet 2013 a modifié l’article 30 du Code de procédure pénale, en supprimant

expressément la possibilité pour le garde des Sceaux, de donner des instructions aux

procureurs généraux dans des affaires individuelles880. Présentée par le

Gouvernement comme le maillon fort de la loi, cette question divisa pourtant les

deux hémicycles parlementaires, puisque le Sénat, en première lecture, avait rétabli

les instructions individuelles, avant que l'Assemblée nationale, en deuxième lecture,

ne persiste dans sa volonté de les supprimer. Il n’en demeure pas moins que le

ministre de la Justice pourra continuer à adresser des instructions générales aux

magistrats du ministère public, afin de conduire la politique pénale déterminée par le

Gouvernement et ce, d’autant que la publicité obligatoire de ces instructions n'a

finalement pas été retenue. Seule une réforme constitutionnelle modifiant les

modalités de nomination des magistrats du parquet, en les alignant sur ceux du

siège, pourrait véritablement atténuer l’influence des cabinets ministériels de la place

Vendôme, sur la magistrature debout881. La ligne jurisprudentielle du Conseil

constitutionnel à l’égard de l’indépendance du ministère public est, en outre,

corroborée par les tempéraments substantiels, que connaît le principe de

subordination des magistrats du parquet à l’égard de leur hiérarchie.

879 La loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 préc. n’a pas été déférée au Conseil constitutionnel, ce qui
empêche de savoir si sa ligne jurisprudentielle sur cette question a sensiblement évolué depuis
mars 2004.
880 « Il (le ministre de la justice) ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles ».
881 Cet alignement du mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège, soumis à un
avis conforme et non plus à un avis simple de la formation compétente du C.S.M., faisait partie du
projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, voté le 4
juillet 2013 par le Sénat, mais suspendu le même jour par le Gouvernement, Cf infra n° 1016 et s.
L’existence du procès 223

2) Les tempéraments au principe de subordination hiérarchique

des magistrats du parquet

355. Le ministère public exerce deux fonctions essentielles : la mise en mouvement de

l’action publique et l’application de la loi882. Le principe de la subordination

hiérarchique restreignant son indépendance, sa liberté de parole compense son

obéissance obligatoire aux réquisitions écrites dans l'application de la loi (b), alors

que l’exercice des pouvoirs propres du parquet agit de même, dans le domaine de la

poursuite des infractions (a).

a) Les pouvoirs propres du parquet

356. La combinaison des article 1er 883 et 31884 du Code de procédure pénale confère au

procureur de la République, sous réserve de la dérogation introduite par le second

alinéa, de l’article 1er du Code de procédure pénale, les pouvoirs exclusifs pour

mettre en mouvement l’action publique. Il dispose, non seulement, de l’opportunité

d’engager des poursuites885, sous certaines limites toutefois886, mais aussi du choix de

882 Article 31 du Code de procédure pénale.


883 « L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par
les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ».
884 « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe
d'impartialité auquel il est tenu ». A noter que la précision apportée par la fin de l’article a été
introduite par la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 préc.
885 L'article 40 du Code de procédure pénale dispose que « le procureur de la République reçoit les plaintes
et dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1 ».
886 La loi subordonne parfois la recevabilité des poursuites, soit à une plainte préalable de la victime,
soit encore à une plainte de l'administration (les infractions fiscales sont subordonnées à une
plainte préalable du fisc). La poursuite suppose aussi, parfois, une autorisation préalable (l'article
26 de la Constitution permet au parquet de poursuivre librement un parlementaire pendant et en
dehors des sessions, mais l'assemblée à laquelle il appartient peut demander la suspension des
poursuites pendant la durée de la session) ou implique la constitution d’une mise en demeure (par
exemple, l'article L231-4 du Code du travail dispose qu’en cas d'infractions concernant l'hygiène et
la sécurité, les poursuites pénales doivent être précédées d'une mise en demeure, par laquelle
l'inspecteur du travail invite l'entrepreneur à régulariser sa situation).
224 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

la forme procédurale qu’il estime la mieux adaptée, y compris les voies alternatives.

Il en résulte trois conséquences majeures.

357. D’abord, l'autorité hiérarchique ne détient aucun pouvoir d’action de

substitution, ni dans un sens offensif, c’est à dire aucun moyen de mettre en

mouvement l’action publique, pour pallier la carence supposée du procureur de la

République, ni dans un sens défensif, afin d'éviter que les juridictions pénales ne

soient saisies, quand le procureur de la République en a décidé ainsi, en désaccord

avec les instructions données par ses supérieurs hiérarchiques.

358. Ensuite et tout au plus (c’est le seul moyen réellement coercitif, dont dispose le

pouvoir hiérarchique), les procureurs généraux, en vertu de l’articles 36 du Code de

procédure pénale, peuvent-ils seulement, quand ils les jugent opportunes, exiger par

écrit des procureurs de la République, qu’ils engagent des poursuites ou qu’ils

saisissent la juridiction compétente. Ce pouvoir d’instruction, à disposition des chefs

de parquet, qui ne peut, par ailleurs, s’exercer que dans un sens, celui de la mise en

mouvement de l’action publique, est rarement mis en œuvre, tant les hypothèses de

dissonance sont rares887.

359. Enfin, des pouvoirs propres des procureurs de la République, tout autant que de

l'organisation hiérarchique du ministère public, découle le fait que les procureurs

généraux ne disposent pas d’un pouvoir d’ingérence dans la gestion du parquet, qui

leur permettrait de passer outre le procureur de la République, pour adresser

directement des instructions à ses substituts.

887 Les procureurs généraux ont mis en place des procédures de prévention, individuelles ou
collectives (réunions de concertation), des divergences éventuelles, pouvant survenir sur les suites
judiciaires à donner à certains faits délictueux.
L’existence du procès 225

b) La liberté de parole à l’audience du magistrat du parquet

360. L’article 5 de l’ordonnance statutaire888, confirmé par l’article 33 du Code de

procédure pénale889, tempère le principe de l’autorité hiérarchique des chefs de

parquet et du ministre de la Justice, par la liberté de parole des magistrats du parquet

à l’audience. Se trouve ainsi posé par ces deux textes, le principe selon lequel le

parquet est, certes, lié dans ses écrits par les instructions qu'il reçoit de sa hiérarchie,

mais garde toute liberté de s'en éloigner dans ses réquisitions orales 890. Pour le dire

plus joliment, à la manière de Faustin HÉLIE, « le pouvoir exécutif peut imposer au

parquet des actes mais il ne peut lui imposer une opinion ». C’est donc un principe

essentiel, comme l’écrit M. Jean-Louis NADAL891, inscrit depuis longtemps dans le

droit processuel judiciaire, puisque l’adage bien connu « la plume est serve, mais la

parole est libre » est antérieur au Code d'instruction criminelle, mais qui connaît tout

de même certaines limites, ne serait-ce que sa nécessaire conciliation avec le devoir

de réserve892.

361. La Cour de cassation, contestant la définition donnée par l'article 1 er, du titre

VIII, de la loi du 16-24 août 1790893, précisait, dès 1803, dans un arrêt du 14 pluviôse,

la double figure du magistrat du ministère public. Tantôt « agent de la société pour la

poursuite des délits », tantôt « organe de la loi pour requérir l'application des peines », la

888 « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous
l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. A l'audience, leur parole est libre ».
889 Le ministère public « est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont
données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44. Il développe librement les observations orales
qu'il croit convenables au bien de la justice ».
890 JEAN J.-P., « Le ministère public entre modèle jacobin et modèle européen », R.S.C., 2005, p. 670 ;
CHARPENEL Y., SOULEZ-LARIVIERE D., ROUSSEAU D., « Le statut du Parquet », Constitutions,
2011, p. 295.
891 NADAL J.-L., « La liberté de parole du ministère public », Gaz. Pal., 20 décembre 2008, n° 355, p. 5.
892 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 préc., article 10 : « Toute manifestation d'hostilité au
principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute
démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ».
893 « Les officiers du ministère public sont agens du pouvoir exécutif auprès des tribunaux. Leurs fonctions
consistent à faire observer, dans les jugemens à rendre, les lois qui intéressent l’ordre général ».
226 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Haute juridiction judiciaire rappelait la liberté de parole dont celui-ci bénéficie lors

des audiences. Si le principe de la subordination hiérarchique limite,

indiscutablement, l'indépendance du parquet, sa liberté de parole constitue, à n’en

point douter, l’élément le plus déterminant de son indépendance dans l'application

de la loi, à l’instar de ce qu’est l’exercice de ses pouvoirs propres, dans la poursuite

des infractions.

362. La liberté de parole à l’audience est, en quelque sorte, une « dérogation au principe

de la subordination hiérarchique du magistrat du parquet894 », qui a pour effet « de

soustraire ce dernier à la direction et au contrôle de ses chefs hiérarchiques comme à l’autorité

du garde des Sceaux, pour ne le soumettre qu’aux commandements de sa seule conscience895 ».

Elle offre la possibilité aux magistrats du ministère public, de s'exprimer en leur âme

et conscience, en fonction de leur propre analyse juridique des faits et dans le seul

intérêt de la justice. Cette liberté d’expression du magistrat, telle que M. Jean-Louis

NADAL la décrit896, est ainsi le vecteur irréductible de l’indépendance du procureur,

qui peut ainsi préciser les éléments sur lesquels il s’inscrit en désaccord, avec les

instructions reçues de sa hiérarchie. Elle n’est, par ailleurs, pas uniquement

circonscrite aux seules audiences de jugement, puisqu’elle peut aussi s’épanouir

durant les audiences solennelles de rentrée d'une juridiction897.

363. Même si les magistrats du siège, en raison de la spécificité de la fonction de

jugement, bénéficient indiscutablement d’un niveau de garanties plus élevé, au sein

894 Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du
parquet, 9 octobre 1987. Disponible sur le site internet du Conseil supérieur de la magistrature,
dans la partie « Recueil des décisions et avis disciplinaires » : http://www.conseil-superieur-
magistrature.fr/discipline-des-magistrats?m=decision&vid=550, consulté le 26 octobre 2012.
895 Ibidem.
896 NADAL J.-L., « La liberté de parole du ministère public », op. cit., p. 12.
897 Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du
parquet, 9 octobre 1987, préc. : « la liberté de parole appartient aux magistrats du ministère public à
toutes les audiences où leur présence est requise ; qu’il en est ainsi de l’audience solennelle de rentrée prévue
par l’article R711-2 du code de l’organisation judiciaire ».
L’existence du procès 227

de l’autorité judiciaire898, pour autant, l’indépendance du ministère public semble

aujourd’hui constitutionnellement garantie, sous l’effet de la jurisprudence

protectrice du Conseil. Les deux composantes du corps judiciaire peuvent donc

intervenir, alternativement ou successivement, dans le contrôle des mesures

privatives de liberté, selon le degré d’atteinte portée à la liberté individuelle. Cette

séduisante théorie constitutionnelle, sur l’articulation des compétences entre siège et

parquet899, n’est, pourtant, pas partagée par la Cour européenne des droits de

l’homme, qui considère le procureur insuffisamment indépendant pour exercer de

telles prérogatives. Selon toute vraisemblance, la réforme législative de juillet 2013,

qui a ôté au garde des Sceaux son pouvoir de donner au procureur général des

instructions dans des affaires individuelles, ne devrait pas modifier la position de la

juridiction strasbourgeoise900.

C) La divergence jurisprudentielle autour de l’appréciation de

l’indépendance du parquet

364. Si, finalement, peu de points de désaccords flagrants peuvent être mis en

évidence entre les jurisprudences, constitutionnelle et conventionnelle, l’appréciation

de l’indépendance du ministère public en est un, particulièrement prononcé. À la

position nuancée du Conseil constitutionnel (2), répond le refus catégorique de la

Cour européenne des droits de l’homme (1). Même si une harmonisation des

positions serait évidemment souhaitable, il convient néanmoins de ne pas amplifier

les conséquences, attachées à la position tranchée du juge de Strasbourg.

898 Cf CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit.,
p. 129.
899 Sur l’ensemble de cette théorie, RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale :
juges ou magistrats ? », Justices, 1998, n° 10, p. 75.
900 LYON-CAEN P., « Vers un parquet indépendant ? », D, 2013, p. 1359.
228 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) La remise en cause européenne de l’indépendance du parquet

365. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, le procureur de la République

n'est pas une « autorité judiciaire » au sens de l’article 5, paragraphe 1 de la

Convention, pas plus qu’il ne répond aux exigences attendues du « juge ou d’un autre

magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » de l’article 5, paragraphe 3,

car une qualité essentielle lui fait défaut, pour mériter l’une ou l’autre de ces

qualifications : l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif. La Cour l’a dit901 et

répété902, la légère atténuation de la seconde jurisprudence Medvedyev903, nonobstant

l’autorité qui s’attache aux arrêts de Grande chambre, ne modifie en rien la position

nette du juge strasbourgeois sur la question. Il eut été, par ailleurs, fort surprenant

que le procureur adjoint de Toulouse répondît à la qualification de « magistrat habilité

par la loi à exercer des fonctions judiciaires », puisque le procureur de la République de

l’affaire Medvedyev n'était déjà pas une « autorité judiciaire », au sens de la

jurisprudence européenne et que la Cour avait affirmé que « le paragraphe 1 c) [...]

formant un tout avec le paragraphe 3 , l’"autorité judiciaire compétente" » constituait « un

synonyme abrégé de "juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions

judiciaires904" ».

366. Ces trois notions, initialement issues des travaux de la Commission des droits de

l'homme des Nations-Unies, dans la phase préparatoire du « Pacte international

relatif aux droits civils et politiques » du 16 décembre 1966, avaient d’ailleurs été

choisies pour recouvrir la diversité des systèmes juridiques 905, sans qu’il faille y

901 C.E.D.H., 10 juillet 2008, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03, § 61.
902 C.E.D.H., 20 novembre 2010, Moulin c/ France, requête n° 37104/06, Gaz. Pal., 9 décembre 2010,
n° 343, p. 6, chron. BACHELET O., § 59.
903 C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03, Gaz. Pal., 21-22 mai 2010,
n° 143, p. 2, chron. LOUVEL B. ; Gaz. Pal., 27 avril 2010, n° 117, p. 15, chron. MATSOPOULOU H.
904 C.E.D.H., 4 décembre 1979, Schiesser c/ Suisse, requête n° 7710/76, série A, n° 34, A.F.D.I., 1980,
p. 325, obs. PELLOUX R., § 29.
905 Cf ROBERT M., « L'Autorité judiciaire, la Constitution française et la Convention européenne des
droits de l'homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 32, p. 29.
L’existence du procès 229

attacher une importance conceptuelle particulière. C’est donc à la Cour européenne,

qu’est revenue la tâche de préciser le contenu sémantique de ces notions, afin de

vérifier si les institutions judiciaires des pays membres présentaient les garanties

suffisantes, notamment d’indépendance à l’égard des autorités gouvernementales,

pour mériter ces dénominations conventionnelles et en conséquence, pouvoir

accomplir les missions confiées par l’article 5, paragraphe 1, c)906 et l’article 5,

paragraphe 3907. Les magistrats français du ministère public ne répondent pas aux

exigences européennes, ce qui ne surprendra guère, au regard de l’évolution de sa

jurisprudence en la matière. Elle n’en demeure pas moins très contestable (a), même

s’il convient d’en atténuer la portée juridique (b), légèrement surestimée par les

différents commentateurs avisés.

a) Une remise en cause prévisible mais contestable

367. Dès 1979908, la Cour européenne des droits de l’homme exige, du juge ou du

magistrat de l’article 5, paragraphe 3, devant lequel doit être aussitôt traduite la

personne qui vient d’être arrêtée ou détenue, des qualités d’indépendance à l’égard

du pouvoir exécutif, c’est à dire une liberté d’action qui ne doit pas être entravée par

des ingérences extérieures. Afin de le vérifier, la Cour se livre à un examen in

concreto, objectif et détaillé, de la réalité du cas d’espèce qui lui est présenté, afin

d’affirmer que « le procureur de district de Winterthur n’avait reçu de la direction de la

906 Article 5 § 1 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf
dans les cas suivants et selon les voies légales : [...] c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant
l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une
infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une
infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; [...] ».
907 Article 5 § 3 : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du
présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer
des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure.
La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à
l'audience ».
908 C.E.D.H., 4 décembre 1979, Schiesser c/ Suisse, préc.
230 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

justice ou du gouvernement cantonal, comme d’ailleurs du procureur général, ni conseils ni

instructions avant de placer l’intéressé en détention provisoire909 », ce qui lui permet de

conclure qu’il présente les garanties d’indépendance suffisantes, requises par l’article

5, paragraphe 3. Etait en cause ici, la subordination du magistrat du ministère public

suisse, à sa hiérarchie (le parquet général) ainsi qu’aux autorités exécutives (la

direction de la justice et le gouvernement cantonal). Le juge européen ne s’est pas

contenté de l’existence théorique du lien de subordination, mais a contrôlé si, dans le

cas présent, la relation hiérarchique avait influé sur la décision du magistrat.

368. L’évolution de la jurisprudence européenne, sur l’appréciation de

l’indépendance des autorités judiciaires compétentes, dans le cadre du cinquième

paragraphe de la Convention, est caractérisée par l’importance croissante de la

théorie dite « des apparences ». Dans une démarche opportuniste, consistant, selon

les circonstances, à les mettre en avant ou, au contraire, à les ignorer, elle permet au

juge d’optimiser l’effectivité du droit concerné910. Apparue au détour d’un

paragraphe dans l’affaire Delcourt911, la manière dont elle donne à se montrer est

désormais un critère essentiel de l’indépendance des juges912. C’est ainsi que dans

une affaire roumaine comparable, la Cour européenne, après avoir noté « qu’un

procureur de département agit en qualité de magistrat du ministère public, subordonné

d’abord au procureur général, puis au ministre de la Justice913 », parvient à la conclusion,

que le procureur du département d’Argeş ne pouvait donc être indépendant du

pouvoir exécutif914. La comparaison méthodologique avec l’affaire Schiesser est

saisissante : au souci d’exactitude et de détails de la réalité de la situation de la

909 Idem, § 35.


910 Sur l’ensemble de cette question, SUDRE F., « Le mystère des « apparences » dans la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme », R.T.D.H., 2009, p. 623.
911 C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique préc., § 31.
912 C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, requêtes n° 7819/77 et 7878/77, série A,
n° 80, J.D.I., 1986, p. 1058, obs. ROLLAND P. et TAVERNIER P., § 78.
913 C.E.D.H., 22 mai 1998, Vasilescu c/ Roumanie, requête n° 27053/95, Rec. C.E.D.H., 1998, III, vol. 73,
p. 1076, § 40.
914 Idem, § 41.
L’existence du procès 231

première, répondent la brièveté et la superficialité de l’examen des circonstances de

l’affaire, dans la seconde. Que le requérant bénéficie, au bout du compte, de cette

économie de moyens, ne saurait, en toutes hypothèses, satisfaire le juriste.

369. Les autorités judiciaires, visées par l’article 5 de la Convention, ne pouvaient

alors plus recouvrir que les seuls magistrats dépourvus de liens institutionnels

hiérarchisés avec la Chancellerie, à savoir les juges. Telle est la conclusion à tirer, de

l’interprétation restrictive des dispositions conventionnelles, effectuée par la Cour

européenne. Le ministère public français ne revêtait pas, de toute évidence, à

l’inverse de son homologue du siège915, les qualités exigées, pour effectuer le contrôle

judiciaire sur les mesures privatives de liberté de l’article 5, même s’il fallut attendre

qu’un cargo battant pavillon cambodgien soit arraisonné au large du Cap Vert, pour

en avoir confirmation916.

370. Mais la jurisprudence européenne la plus éclairante, sur cette question de

l’indépendance du parquet, reste celle relative à l’affaire Moulin, du nom de cette

avocate toulousaine, déférée devant un juge d’instruction avant d’être mise en

examen, cinq jours après son arrestation917. Après avoir rappelé les dispositions

juridiques applicables, ainsi que droit et la pratique internes pertinents, concernant

notamment le lien hiérarchique ou les procédures de désignation, le juge européen

en conclut que le ministère public français ne répond pas aux exigences

d’indépendance, nécessaires à la qualification autonome de « magistrat » au sens de

l'article 5, paragraphe 3918.

915 C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c/ France préc., § 128.


916 C.E.D.H., 10 juillet 2008, Medvedyev et autres c/ France préc.
917 C.E.D.H., 20 novembre 2010, Moulin c/ France préc.
918 Idem, § 57.
232 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

371. Cette position prête à discussion, au regard du droit positif et ce, au moins pour

deux raisons, même si le statut des magistrats du parquet reste perfectible 919. Tout

d’abord, la nomination des magistrats par un membre de l’exécutif, n’est pas, en soi,

un signe de dépendance à l’égard des autorités gouvernementales, la Cour a déjà eu

l’occasion de l’affirmer920. Mais surtout, l’examen du statut des membres du

ministère public, auquel la juridiction européenne se livre, est très lacunaire, car il ne

prend pas en considération la situation réelle du parquet. Il fait fi de tous les

tempéraments au principe de subordination hiérarchique, précédemment exposés921.

L’arrêt est muet, ou presque922, sur les pouvoirs propres des procureurs, autant que

sur leur liberté de parole à l’audience. Difficile, dans ces conditions, de considérer

que l’évaluation de la situation statutaire des membres du ministère public, a été

effectuée en pleine possession de tous les éléments d’appréciation.

b) Une remise en cause à la portée limitée

372. Les jurisprudences Medvedyev et Moulin ne constituent, ni un« séisme

judiciaire923 », pas plus qu’une « tempête sur le parquet924 », tout au plus, pour filer la

métaphore météorologique, ont-elle fait souffler un léger vent d’inquiétude sur le

statut du ministère public, assez vite dissipé. En effet, la contestation européenne ne

vise qu’une seule de ses prérogatives, le contrôle judiciaire des mesures privatives de

liberté. Le membre du parquet ne peut simplement pas être « cet autre magistrat

habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », devant lequel une personne arrêtée

919 Cf infra n° 382 et n° 1015.


920 C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Un préc., § 79.
921 Cf supra n° 355 et s.
922 Tout au plus, l’arrêt fait-il référence au fait que les dispositions de l'article 36 du Code de
procédure pénale, n'autorisent pas le garde des Sceaux, à ordonner le classement sans suite d'une
procédure.
923 RENUCCI J.-F., « Un séisme judiciaire : pour la Cour européenne des droits de l’Homme, les
magistrats du parquet ne sont pas une autorité judiciaire », D, 2009, p. 600.
924 MARGUENAUD J.-P., « Tempête sur le Parquet », comm. sous C.E.D.H., 10 juillet 2008, Medvedyev
c/ France, R.S.C., 2009, p. 176.
L’existence du procès 233

ou détenue doit être traduite dans les meilleurs délais. La Cour européenne ne dit

rien de plus et ne se prononce surtout pas sur la situation générale du ministère

public, elle l’a clairement affirmé dans l’arrêt Moulin : « La Cour n'ignore pas que le lien

de dépendance effective entre le ministre de la Justice et le ministère public fait l'objet d'un

débat au plan interne [...]. Toutefois, il ne lui appartient pas de prendre position dans ce débat

qui relève des autorités nationales : la Cour n'est en effet appelée à se prononcer que sous le

seul angle des dispositions de l'article 5 § 3 de la Convention, et des notions autonomes

développées par sa jurisprudence au regard desdites dispositions925 ».

373. Les conséquences ne sont donc pas aussi importantes que prévues initialement,

d’autant que le droit français est en conformité avec les prescriptions de la juridiction

européenne. Même la chambre criminelle de la Cour de cassation, tout en alignant

son appréciation conventionnelle sur celle du juge de Strasbourg, considère que le

procureur de la République est néanmoins compétent pour assurer la protection de

la liberté individuelle, pendant la période de temps compatible avec l’exigence de

promptitude, imposée par la Cour européenne des droits de l’Homme926.

2) Le maintien du statut constitutionnel du parquet

374. Tenue de se prononcer sur la conventionnalité du statut du parquet, la Cour de

cassation inscrit son appréciation dans le sillage de celle de Strasbourg. Elle revient

ainsi sur sa position de 1992927, qui définissait le « procureur de la République, magistrat

de l’ordre judiciaire qui a pour mission de veiller à l’application de la loi », comme cet

« autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires », au sens de l’article 5,

paragraphe 3 de la Convention européenne. La chambre criminelle, tirant les

925 C.E.D.H., 20 novembre 2010, Moulin c/ France préc., § 57.


926 Cass. Crim., 15 décembre 2010, pourvoi n° 10-83674, Bull. crim., 2010, n° 207, Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2011, n° 31, p. 231., obs. MASTOR W.
927 Cass. Crim., 10 mars 1992, pourvois n° 91-86944 ; n° 92-80389, Bull. crim., 1992, n° 105, p. 272.
234 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

enseignements des jurisprudences Medvedyev et Moulin, affirme désormais que

« c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le ministère public est une autorité

judiciaire au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors

qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte928 »,

mais estime que le parquet dispose de la compétence suffisante, pour garantir la

sauvegarde de la liberté individuelle, pendant la période de temps « compatible avec

l’exigence de brièveté imposée par le texte conventionnel 929 ».

375. Le Conseil constitutionnel a une autre lecture du statut du ministère public 930.

Dès 1993, la Haute juridiction adoptait une position unificatrice de l'autorité

judiciaire « qui [...] comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet931 ».

Puisqu’en vertu de l'article 66 de la Constitution, celle-ci assure le respect de la liberté

individuelle, il en résulte que les magistrats du parquet sont également compétents

pour contrôler les privations de liberté. Sa politique jurisprudentielle ne va alors

cesser d’œuvrer dans le sens d’un renforcement des garanties d’indépendance,

communes à l’ensemble du corps judiciaire932. Via le contrôle effectué sur le statut

organique des magistrats, le juge constitutionnel va accroître l’unité du corps

judiciaire, ce qui lui permet de renforcer l’indépendance de l’ensemble de la

magistrature933. Cependant, cette action s’accompagne parallèlement de la

reconnaissance constitutionnelle de garanties différenciées, en fonction de

l’appartenance au siège ou au parquet, ce qui implique une gradation dans

l’indépendance statutaire des magistrats.

928 Cass. crim., 15 décembre 2010, pourvoi n° 10-83674 préc.


929 Ibidem.
930 RENOUX T., « Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet », op. cit., p. 221.
931 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 5.
932 Cf supra n° 253 et s.
933 Sur cette idée, Cf GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une
défense discutable de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des
magistrats », op. cit., p. 831.
L’existence du procès 235

376. Le Conseil en déduit une répartition constitutionnelle des compétences, en

fonction du degré de l’atteinte portée à la liberté individuelle934. En d’autres termes,

tant que la privation de liberté reste circonscrite dans de raisonnables limites,

notamment temporelles, le ministère public est compétent pour en contrôler le bien

fondé. Dès que la restriction dépasse un certain seuil, la compétence du parquet

s’efface au profit de celle du siège.

377. Ainsi, en matière de garde à vue, le Conseil a d’abord conclu que l'intervention

d’un juge pouvait être exigée pour en prolonger la durée935, avant de se montrer plus

précis, en énonçant explicitement que « l'intervention d'un magistrat du siège est requise

pour la prolongation de la garde à vue au-delà de 48 h936 », mais « qu’avant la fin de cette

période, le déroulement de la garde à vue est placé sous le contrôle du procureur de la

République, qui peut décider, le cas échéant, de sa prolongation de 24 h937 ».

378. Il en est de même pour l’injonction pénale, procédure pouvant comporter des

mesures restreignant la liberté individuelle qui, en raison de leur gravité, laquelle

découle de leur qualification de sanctions pénales938, ne peuvent intervenir à la seule

initiative du ministère public, mais nécessite la décision d’un magistrat du siège 939.

Contrairement à la position exprimée par M. Francis CASORLA 940, la décision

constitutionnelle relative à l’injonction pénale ne traduit pas un retour à une

conception dualiste du corps judiciaire. Elle est simplement une illustration, tout à

934 Cf RENOUX T. S., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? »,


op. cit.
935 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 5.
936 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue], JO, 31 juillet
2010, p. 14198, Cons. 26.
937 Ibidem.
938 Sur la contestation de cette qualification juridique, Cf infra n° 452.
939 Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995, Loi relative à l'organisation des juridictions et à la procédure
civile, pénale et administrative, JO, 7 février 1995, p. 2097, Cons. 6.
940 CASORLA F., « Les magistrats du parquet et le Conseil constitutionnel », PRADEL J. (dir.), Droit
constitutionnel et droit pénal, Cujas, Coll. Travaux de l'Institut de sciences criminelles de Poitiers,
Paris, 2000, p. 37.
236 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

fait significative, de la répartition constitutionnelle des tâches, au sein de la

magistrature, entre le siège et le parquet et une manière éclairante de matérialiser les

limites constitutionnelles de l’intervention du ministère public.

379. Le Conseil constitutionnel aura d’ailleurs l’opportunité de préciser son point de

vue, lors de la décision rendue suite à la question prioritaire de constitutionnalité,

portant sur la procédure dite de « petit dépôt941 », deux jours seulement après l’arrêt

de la chambre criminelle de la Cour de cassation942. Après avoir réitéré sa conception

classique de l’autorité judiciaire, qui « comprend à la fois les magistrats du siège et du

parquet943 », la Haute juridiction a déclaré conforme à la Constitution, la privation de

liberté nécessaire à la présentation, devant un magistrat, du gardé à vue,

immédiatement à l’issue de celle-ci ou, au plus tard, le lendemain. Le juge

constitutionnel a toutefois exprimé une réserve d’interprétation, exigeant que la

présentation au magistrat du siège se fasse dans un délai maximum de vingt heures à

l’issue de la garde à vue944.

380. En résumé, afin de respecter la protection constitutionnelle de la liberté

individuelle, la privation de liberté ne peut dépasser soixante-huit heures, avant le

défèrement au juge. Voici une question sur laquelle le droit de la Constitution est

plus protecteur que celui de la convention, qui n’exige l’intervention de l’autorité

judiciaire, donc du magistrat du siège, qu’au bout de quatre jours945, là où les règles

constitutionnelles l’imposent à partir de quarante-huit heures, exceptionnellement

941 Article 803-3 du Code de procédure pénale : « En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de
l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux
de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans
un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé
est immédiatement remis en liberté ».
942 Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. [Mise à la disposition de la justice], JO, 19
décembre 2010, p. 22374.
943 Idem, Cons. 11.
944 Ibidem.
945 C.E.D.H., 29 novembre 1988, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, requêtes n° 11209/84 ; 11234/84 ;
11266/84 et 11386/85, série A, n° 145-B.
L’existence du procès 237

allongées de vingt heures supplémentaires. C’est la raison pour laquelle, la Cour de

cassation peut affirmer que le procureur de la République est à même de garantir la

protection de la liberté individuelle, en contrôlant judiciairement sa privation,

pendant toute la période compatible avec la promptitude imposée par la Cour

européenne, puisque celle-ci n’exige l’intervention d’un juge, qu’au-delà d’un délai

supérieur à celui prévu par le droit interne. En somme, les injonctions du juge

strasbourgeois peuvent être résumées ainsi : toute personne arrêtée doit être

présentée, dans un délai maximum de quatre jours, à un magistrat du siège, doté de

l’indépendance suffisante et qui pourra ainsi, sans pressions extérieures, contrôler la

pertinence judiciaire de sa privation de liberté.

381. Le droit interne, lui, impose l’intervention d’un magistrat du siège, pour décider

de la prolongation éventuelle de la garde à vue, au terme de quarante-huit heures,

donc bien avant l’épuisement du délai européen. En d’autres termes, peu importe

que le ministère public contrôle en amont, à partir du moment où un magistrat du

siège, seule autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention, intervient dans

les quatre jours. Les dispositions constitutionnelles forment ainsi une garantie

additionnelle à celles issues de la jurisprudence européenne, bien plus d’ailleurs

qu’elles n’entrent en contradiction avec ces dernières.

382. Il n’y a donc peu de raisons de penser que le statut constitutionnel du parquet

soit menacé de disparition, sous l’effet des décisions strasbourgeoises946. Il reste,

néanmoins, encore quelques chantiers à entreprendre, même si la jurisprudence

constitutionnelle a déjà beaucoup participé à l’approfondissement de son

indépendance statutaire. Un alignement du mode de désignation, ainsi que du

régime disciplinaire, des magistrats du parquet sur celui de leurs homologues du

946 MATHIEU B. et VERPEAUX M. (dir.), Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz, Coll. Thèmes &
commentaires, Les Cahiers constitutionnels de Paris I, Paris, 2012.
238 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

siège, serait certainement de nature à renforcer leur situation, pour que, demain plus

encore qu’aujourd’hui, ils n’aient « rien à craindre ni à désirer de personne »947.

383. Même si l’indépendance du parquet reste encore un point de divergence entre la

Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel, la

jurisprudence de ce dernier a largement contribué à renforcer l’indépendance

personnelle des membres de l’autorité judiciaire, de deux manières. Directement, en

influant sur les exigences qualitatives attendues d’un magistrat, telles que la

compétence, le respect de la dignité de la fonction, la disponibilité, ou encore,

l’intégrité intellectuelle et morale948. Mais aussi indirectement, en participant à la

revalorisation des deux principaux instruments protecteurs prévus par l’article 64 de

la Constitution, la loi organique portant statut des magistrats et le Conseil supérieur

de la magistrature. La problématique de l’indépendance de l’ordre juridictionnel

administratif se présente différemment, les risques d’atteinte s’exerçant plutôt sur la

limitation des compétences de la juridiction ou par l’intermédiaire des ingérences du

pouvoir législatif, dans l’activité juridictionnelle.

Section 2 L’indépendance organique de la juridiction administrative

384. Le Conseil d’État, dans sa fonction juridictionnelle, a effectué, récemment, son

entrée au sein du texte constitutionnel, à la faveur de l’apparition du mécanisme de

question prioritaire de constitutionnalité, à l’article 61-1949. Alors que le statut de ses

947 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 99.
948 Décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. [Condition de bonne moralité pour
devenir magistrat], JO, 6 octobre 2012, p. 15655.
949 « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
L’existence du procès 239

membres n’est fixé que par un décret en Conseil d’État, ce qui semble satisfaire la

Haute juridiction administrative, puisque cela induit la consultation de son

assemblée générale avant l’adoption du texte et le contrôle de la légalité devant son

prétoire, l’indépendance des juges administratifs n’a jamais été véritablement mise

en cause.

385. Pourtant, pendant longtemps, l’existence constitutionnelle de l’ordre

juridictionnel administratif a été indécise. Sa consécration s’est opérée en deux

temps, sous l’effet de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, s’appuyant sur

les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, a d’abord admis,

en 1980, son indépendance, qui ne pouvait avoir de sens qu’à la condition de

s’accompagner de la reconnaissance de compétences propres, ce qui fut chose faite en

1987. La construction constitutionnelle de l’indépendance organique de la juridiction

administrative s’est donc réalisée selon deux voies différentes. En premier lieu, sur le

fondement de la séparation des pouvoirs, la jurisprudence constitutionnelle a pris

garde de protéger la juridiction administrative des immixtions du pouvoir législatif,

par le biais des validations d’actes administratifs (§ 1.). En second lieu, sur la base de

la séparation des autorités, administrative et judiciaire, elle s’est efforcée de garantir

l’activité de la juridiction administrative, par la délimitation d’un périmètre de

compétences, exclusif de toute intervention de l’autorité judiciaire (§ 2.).

être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un
délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ».
240 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

§ 1. La protection constitutionnelle contre les validations législatives

d’actes administratifs

386. Les validations législatives950, procédé par lequel le législateur répute réguliers

des actes juridiques, administratifs le plus souvent, dont la légalité risquerait d'être

contestée devant le juge, sont des dispositifs éminemment contestables, tant ils

viennent heurter plusieurs principes de valeur constitutionnelle. Pourtant, les lois de

validation ont bénéficié, au départ, d’un contrôle lacunaire et bienveillant du Conseil

constitutionnel ; il suffit, pour s’en convaincre, de recenser les deux seules

déclarations d’inconstitutionnalité951, précédant la condamnation de la France dans

l’affaire Zielinski952.

387. Cette manifestation flagrante de la différence de sévérité, à l’égard des

validations législatives, entre les jurisprudences, constitutionnelle et européenne, a

conduit le Conseil à renforcer ses exigences, en développant, notamment, un contrôle

de proportionnalité, entre l'intérêt général poursuivi par le législateur et les principes

heurtés par son intervention, là où il n’effectuait jusqu’alors, qu’un examen réduit à

l'erreur manifeste d'appréciation (B). Parallèlement, la substitution, depuis 1999, du

fondement initial du contrôle, au profit de l'article 16 de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen, s’inscrit dans cette démarche, en permettant au Conseil

constitutionnel d’exiger, dorénavant, du législateur, qu’il limite strictement la portée

de la validation (A). Il ne semble donc plus justifié, de qualifier l’examen du juge

950 MATHIEU B., Les « Validations » législatives : pratique législative et jurisprudence constitutionnelle,
op. cit.
951 Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996, JO, 31 décembre 1995,
p. 19099, Cons. 33 à 35 ; Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, JO, 27 décembre 1998, p. 19663, Cons. 7.
952 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France, requêtes n° 24846/94 et
34165/96 à 34173/96, A.J.D.A., 2000, p. 533, obs. FLAUSS J.-F., Procédures, avril 2000, n° 94, obs.
FRICERO N., R.F.D.A., 2000, p. 289, chron. MATHIEU B., J.C.P., 2000, I, 2203, obs. SUDRE F.
L’existence du procès 241

constitutionnel, de « laxiste953 » ou de « purement formel954 », ne pouvant « être tenu pour

conforme aux exigences d’un État de droit955 ».

A) L’évolution du fondement juridique du contrôle des validations

législatives d’actes administratifs

388. Depuis la décision du 22 juillet 1980956, le Conseil constitutionnel contrôle la

régularité des validations législatives, au regard du principe constitutionnel

d'indépendance des juridictions (1). Le remplacement, en 1999957, de cette base

juridique originelle, par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du

citoyen (2), qui réalise, en son sein, la combinaison de la séparation des pouvoirs et

de la garantie des droits, traduit une évolution significative de la jurisprudence

constitutionnelle, dans le sens d’un renforcement des exigences à l’égard des

validations législatives d’actes administratifs.

1) L’exigence initiale du respect de l’indépendance des

juridictions

389. Une loi de validation, en plaçant des actes juridiques, principalement

administratifs, hors de portée du contrôle du juge ordinaire, constitue une atteinte

953 MATHIEU B., « Les validations législatives devant le juge de Strasbourg : une réaction rapide du
Conseil constitutionnel mais une décision lourde de menaces pour l'avenir de la juridiction
constitutionnelle », R.F.D.A., 2000, p. 289.
954 PRÉTOT X., « Le Conseil constitutionnel, la Cour Européenne de Strasbourg et les validations
législatives : à constitutionnalisme, conventionnalisme et demi », Le nouveau constitutionnalisme :
mélanges en l'honneur de Gérard Conac, Economica, Paris, 2001, p. 232.
955 Ibidem.
956 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes administratifs, JO, 24 juillet
1980, p. 1868.
957 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, JO, 30
décembre 1999, p. 19730.
242 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

manifeste à plusieurs principes constitutionnels, au premier rang desquels

l’indépendance des juridictions. C’est à l’aune de ce fondement juridique, que le

Conseil constitutionnel, le 22 juillet 1980958, va contrôler la conformité à la norme

fondamentale, d’une disposition législative validant des actes administratifs et

individuels, relatifs au statut des personnels enseignants universitaires. Sur la base

d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, dégagé à partir de

la loi du 24 mai 1872959, le juge constitutionnel consacre l’indépendance de la

juridiction administrative, tant sur le plan organique que fonctionnel, tout en

précisant les implications qui en découlent960.

390. Les pouvoirs, législatif et exécutif, sont tenus, non seulement de s’abstenir de

censurer les jugements prononcés par les juridictions, ce qui protège l'autorité de la

chose jugée, mais aussi de leur adresser des injonctions. La Cour européenne des

droits de l’homme partage les mêmes préoccupations, puisqu’elle considère que « le

pouvoir de rendre une décision obligatoire ne (peut) être modifiée par une autorité non

judiciaire au détriment d'une partie961 ». De plus, l'existence de garanties, contre

d’éventuelles pressions extérieures, appartient à la liste des critères qu’elle utilise

pour évaluer le degré d’indépendance d’une juridiction. Ainsi, quand le statut des

juges les protège des ingérences émanant des autorités exécutives, c’est un signe

probant de leur indépendance962, alors qu’à l’inverse, une juridiction ne saurait être

totalement libre de ses décisions, quand elle sollicite l’avis conforme d’une autorité

gouvernementale963.

958 Ibidem.
959 Loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d'État, JO, 31 mai 1872, p. 3625.
960 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6.
961 C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas, requête n° 16034/90, série A, n ° 228, R.U.D.H.,
1994, p. 261, note SUDRE F., § 45.
962 C.E.D.H., 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, requête n° 9273/81, série A, n° 117, § 21 : « Les membres
desdites commissions exercent leurs fonctions à titre indépendant et ne sont soumis à aucune instruction
(articles 8 de la loi fédérale sur les autorités agricoles et 20 § 2 de la Constitution fédérale). L'administration
ne peut ni annuler ni amender leurs décisions (...) ».
963 C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, requête n° 15287/89, série A, n° 296-B, A.J.D.A.,
1995, p. 137, obs. FLAUSS J.-F ; J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F., § 38.
L’existence du procès 243

391. Les pouvoirs publics ne peuvent pas davantage se substituer aux juridictions,

dans le jugement des litiges dont ils ont la charge, ce qui protège les tribunaux d’un

dessaisissement ponctuel d’une affaire, relevant de leur office. Une fois encore, les

jurisprudences, constitutionnelle et européenne, convergent sur ce point, puisque le

juge de Strasbourg condamne également toute usurpation de la fonction

juridictionnelle par un pouvoir extérieur964.

392. En résumé, l’indépendance des tribunaux et, particulièrement, ceux de l’ordre

administratif, les plus à même de voir leur pouvoir juridictionnel atteint par des

interventions exogènes, est protégée aux trois stades d’évolution d’une procédure

contentieuse. En amont du jugement, ni le législateur, ni le gouvernement ne sont en

mesure de soustraire un litige à la compétence de la juridiction, pas plus qu’ils ne

peuvent, par la suite, influer sur l’issue de celui-ci, soit en adressant, en cours

d’instance, des directives au juge tenu de prononcer la sentence, ou en censurant la

décision qu’il aura prise. Par ce considérant de principe965, sont donc

constitutionnellement affirmés, tant le principe de la prohibition de l’immixtion dans

la fonction juridictionnelle, que celui de l’obligation de respecter les décisions

prononcées par le juge.

393. Cette jurisprudence traduit la volonté du Conseil, de reconnaître l’existence d’un

véritable pouvoir juridictionnel, en posant les conditions de son indépendance, à

l’égard des deux autres pouvoirs publics constitutionnels. En ce sens, son apport à la

théorie de la séparation des pouvoirs est conséquent966, puisqu’il n’avait, jusqu’alors,

appréhendé le principe que dans sa dimension duale, en envisageant uniquement les

964 C.E.D.H., 23 octobre 1985, Benthem c/ Pays-Bas, requête n° 8848/80, série A, n° 97, § 40.
965 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6.
966 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 169.
244 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

interactions réciproques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif 967. Il faudra,

toutefois, attendre presque vingt ans, pour que le Conseil constitutionnel en tire tous

les enseignements, en modifiant le fondement juridique de son contrôle des

validations législatives.

2) La substitution de la base juridique au profit de l’article 16 de

la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

394. Suite à la condamnation de la France par la Cour européenne, dans l’arrêt

Zielinski968, le Conseil constitutionnel va réorienter sa jurisprudence en matière de

validations législatives. Le resserrement de ses exigences s’accompagne alors d’une

modification de la base juridique du contrôle, l'indépendance des juridictions étant

opportunément remplacée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et

du citoyen, qui pose le principe de la séparation des pouvoirs, préalable nécessaire à

la garantie des droits.

395. Dans une première décision du 21 décembre 1999, relative à la loi de

financement de la Sécurité sociale969, le juge constitutionnel va censurer une

validation législative, en raison de sa contrariété à l'article 16 de la Déclaration

révolutionnaire de 1789. À cette occasion, apparaît une nouvelle condition de la

constitutionnalité des lois de validation, qui fait défaut en l’espèce : la stricte

délimitation de leur portée. Ce n’est certes, pas la première fois que le Conseil vise

967 Décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'élection de l'Assemblée territoriale et
du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie, JO, 25 mai 1979, Rec. p. 27.
968 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France préc.
969 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 préc., Cons. 64.
L’existence du procès 245

une telle exigence dans un considérant970, mais c’est, de manière inédite, qu’il censure

une disposition en son nom.

396. Le législateur avait entendu valider des décisions individuelles, prises en

application d'un arrêté et dont la régularité aurait pu être contestée, devant le juge

administratif, en raison de l’illégalité de l’acte réglementaire leur servant de

fondement. Ce faisant, la loi de validation ne précisait pas le motif d'illégalité dont

elle voulait purger l'acte administratif. La Haute juridiction estime que cette absence

d'indication du motif précis, dont le législateur entend débarrasser l'acte, est

contraire aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 971. En somme, le

Conseil constitutionnel refuse d’accorder un blanc-seing aux validations réalisées

pour défaut de base légale, quel que soit le grief reproché à l’acte réglementaire, sur

la base duquel les décisions administratives ont été édictées. Le droit au recours

juridictionnel effectif, qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789972, fait

obstacle à ce qu’un acte administratif puisse échapper, quelle que soit son illégalité, à

l’examen du juge.

397. Le Conseil réitérera le même raisonnement, huit jours plus tard, en contrôlant la

constitutionnalité de la loi de finances rectificative pour 1999973, mais considèrera,

cette fois, que les deux mesures de validation législative, de l'article 25 examiné974,

970 Décision n° 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie politique, JO, 14 janvier
1995, p. 733, Cons. 9 : « Considérant que le législateur [...] avait la faculté d'user de son pouvoir de prendre
des dispositions rétroactives afin, soit de régler comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations
nées de l'annulation de délibérations prises par des collectivités territoriales, soit de prévenir celles qui
pourraient naître d'annulations que le juge administratif serait conduit à prononcer ; que toutefois il ne
pouvait prendre de telles mesures qu'à condition de définir strictement leur portée qui détermine l'exercice
du contrôle de la juridiction administrative ; ».
971 Idem, Cons. 65.
972 Cf supra n° 63.
973 Décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, JO, 31 décembre
1999, p. 20012.
974 Il s’agit de deux validations d'avis de mise en recouvrement, la première correspondant à des avis
susceptibles d’être contestés pour incompétence territoriale de l'agent qui les a émis et la seconde,
246 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

précisent suffisamment les irrégularités dont l'acte est purgé. Depuis, sa

jurisprudence, rendue possible sur la base de l’article 16 de la Déclaration des droits

de l’homme et du citoyen, traduit cette volonté de circonscrire la portée de la

validation des actes administratifs, aux seuls motifs ayant conduit le législateur à agir

et censure systématiquement toute validation, dont la portée n’est pas strictement

définie975. Elle s’inscrit ainsi dans une démarche globale d’affermissement des

conditions d’acceptation des validations législatives d’actes administratifs.

B) Le durcissement des conditions d’acceptation des validations

législatives d’actes administratifs

398. Alors qu’elles bénéficiaient jusque-là d’une immunité totale, les validations

législatives vont devoir, à compter de la décision constitutionnelle du 22 juillet 1980,

respecter trois conditions cumulatives : le respect des décisions de justice passées en

force de chose jugée, le principe de non-rétroactivité de la loi en matière pénale et

l’existence d’un motif d’intérêt général. Si les deux premières exigences sont restées

constantes dans la jurisprudence constitutionnelle (1), la troisième a été accentuée à

partir de 1999, suite à la condamnation de la France par la Cour européenne (2).

en raison de l’insuffisance des informations, au regard des exigences réglementaires posées par le
livre des procédures fiscales, portées sur la notification des avis.
975 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de
l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, JO, 31 décembre 2006,
p. 20320, Cons. 36. Il s’agissait, en l’espèce, d’une disposition validant les décomptes des heures
supplémentaires et les durées des repos compensateurs des transporteurs routiers.
L’existence du procès 247

1) La prohibition constante de l’atteinte à la force de la chose

jugée et au principe de non rétroactivité de la loi pénale plus

sévère

399. Une loi de validation est, par nature, rétroactive, ce qui constitue une

présomption d'atteinte à la sécurité juridique. Par ailleurs, elle heurte manifestement

le principe de la séparation des pouvoirs et celui de la garantie des droits 976, dont

parmi ceux-ci, le droit au recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel a

donc été amené, à partir de la décision « Loi portant validation d'actes

administratifs » de 1980, à définir des critères, à l'aune desquels la mesure de

validation est appréciée.

400. Premièrement, la validation ne saurait remettre en cause une décision de justice

devenue définitive. Cette exigence découle directement du considérant de principe

de la décision fondatrice de 1980, quand le juge constitutionnel y affirme « qu'ainsi, il

n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des

juridictions977 ». Sur ce fondement, a ainsi été censuré l’article 111 de la loi de finances

rectificative pour 2005978, qui avait pour principal objet de priver d'effet, pour la

période antérieure au 1er janvier 2001, deux arrêts passés en force de chose jugée, l’un

de la Cour de justice des Communautés européennes979, l’autre du Conseil d'État980.

401. En somme, si les validations préventives peuvent être admises, sous certaines

conditions, en revanche, les validations curatives, celles qui interviennent a posteriori

de la décision du juge administratif, en réactivant l’acte que ce dernier a

976 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005, JO, 31
décembre 2005, p. 20730, Cons. 6.
977 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 6. En l’espèce, la disposition litigieuse ne
procédait pas à la validation du décret annulé par le Conseil d'État, Cf Cons. 1.
978 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 préc.
979 C.J.C.E., Ass. plén., 12 septembre 2000, Commission c/ France, affaire 276/97.
980 C.E., 29 juin 2005, SA Ets Louis Mazet et autres, n° 268681, Rec p. 264.
248 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

préalablement annulé, sont prohibées en toutes circonstances. Les deux Cours

suprêmes, des deux ordres de juridiction, ont eu l’occasion de préciser ce qu’il fallait

entendre par « décision de justice passée en force de chose jugée ». La Cour de cassation981

renvoie à l’article 500 du Code de procédure civile 982, tandis que le Conseil d’État

considère « que la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort présente, même

si elle peut faire l'objet ou est effectivement l'objet d'un pourvoi en cassation, le caractère

d'une décision passée en force de chose jugée983 ». Les deux Hautes juridictions ont donc

une position convergente sur le sens à accorder à la force de chose jugée, qui fait

obstacle à ce que le législateur puisse modifier l’issue d’un contentieux, en validant

une décision de justice jugée en appel, ou à l’expiration du délai pour interjeter

appel, même si elle fait ultérieurement l’objet d’un pourvoi en cassation.

402. Deuxièmement, la validation ne saurait rétroactivement fonder toute sanction,

pénale ou ayant un objet punitif, puisque le Conseil constitutionnel a élaboré une

notion autonome de la sanction punitive984, qui a pour effet d’élargir le domaine

d’application de la prohibition des validations législatives, à toute mesure ayant ce

caractère. Le Conseil constitutionnel l’a rapidement précisé après la décision de

1980985, en prenant soin d’expliciter le domaine d’application matériel de la

prohibition des validations législatives986, même s’il exclut du champ des sanctions

981 Cass. Ass. Plén., 21 décembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n° 88-15744, Bull. civ., 1990, A.P., n° 12,
p. 23.
982 « A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le
jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier
n'a pas été exercé dans le délai ».
983 C.E., Ass., 27 octobre 1995, Ministre du logement c/Mattio, n° 150703, Rec. p. 359 ; R.J.F., 1995, n° 12,
concl. J. ARRIGHI DE CASANOVA.
984 Cf infra n° 594 et s.
985 « [...] la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait avoir pour effet de soustraire au
principe de non-rétroactivité les dispositions de ladite délibération édictant des sanctions, sans distinction
entre celles dont l'application revient à une juridiction et celles dont l'application revient à
l'administration [...] », Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour
1982, JO, 31 décembre 1982, p. 4034, Cons. 34.
986 « [...] le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les
juridictions répressives, mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition
L’existence du procès 249

punitives et admet, en conséquence, leur validation, les majorations de droits et les

intérêts de retard, qui ne constituent qu'une réparation pécuniaire 987. Par la suite, le

juge constitutionnel étendra l’interdiction aux prescriptions légalement acquises, que

le législateur doit s’abstenir de réactiver, puisqu’elles constituent le corollaire du

principe de non rétroactivité en matière pénale988.

403. Ces deux conditions, du respect des décisions de justice passées en force de

chose jugée et du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, doivent

être impérativement observées par le législateur, quand il procède à la validation

d’un acte administratif. Toute contravention à ces exigences constitutionnelles

entraîne automatiquement la censure de la disposition de validation, sans que le

Conseil juge nécessaire de se pencher sur l’intérêt général poursuivi par le

législateur. Il en est ainsi, dans la décision du 29 décembre 2005 précitée 989, puisque

l’article 111 de la loi examinée porte une atteinte, directe et radicale, à l'exécution

d'une décision de justice devenue définitive. Il en va seulement différemment quand

la validation ne porte atteinte à aucune de ces deux exigences constitutionnelles, le

Conseil opérant alors, depuis la fin de l’année 1999, une mise en balance entre, d’un

côté, les principes heurtés par le dispositif et, de l’autre, l'intérêt général invoqué par

le législateur, qui doit être suffisant pour justifier les validations990.

même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ; »,
Idem, Cons. 33.
987 Idem, Cons. 34.
988 Décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988, Loi de finances rectificative pour 1988, JO, 30 décembre
1988, p. 16700, Cons. 6.
989 Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 préc., Cons. 6.
990 MERLAND G., L'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll.
Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004.
250 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2) L’exigence renforcée d’un intérêt général suffisant

404. Auparavant, la seule invocation, par le législateur, de la présence d’un intérêt

général, suffisait généralement à autoriser la validation, nonobstant le respect des

critères précédemment présentés. Mais depuis que la Cour européenne a estimé que,

seuls « d’impérieux motifs d’intérêt général991 », pouvaient justifier l’ingérence du

pouvoir législatif dans l’administration de la justice, dans le but d’influer sur le

dénouement d’un litige, le Conseil constitutionnel a renforcé ses exigences, en même

temps qu’il intensifiait son contrôle. Dorénavant, la validation n’est acceptée qu’à la

condition de poursuivre un « objectif d'intérêt général suffisant992 ». Le juge

constitutionnel, qui, dans un premier temps, n'exerçait qu'un contrôle de l'erreur

manifeste993, sur le point de savoir si la menace pour l'intérêt général justifiait la

mesure de validation, procède désormais à un véritable contrôle de proportionnalité,

afin d’évaluer la pertinence et la suffisance de l’intérêt général allégué par le

législateur. Ce perfectionnemment du contrôle traduit une évolution, dans le sens

d'une plus grande fermeté à l'égard des validations législatives.

405. Si certains objectifs d'intérêt général sont le plus souvent admis par le Conseil

constitutionnel, la préservation du fonctionnement du service public étant la raison

la plus souvent invoquée994, il arrive que l'intérêt général mis en avant par le

législateur soit jugé insuffisant. À ce titre, un motif purement financier ne constitue

pas, en soi, une exigence d'intérêt général, susceptible de justifier une validation

législative. Il n'est donc recevable, qu'à la condition impérative que les montants

991 C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France préc., § 57.
992 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 préc., Cons. 64.
993 Ainsi, dans la décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier, JO, 13 avril 1996, p. 5730, le Conseil précise qu’« il ne lui appartient pas de se
prononcer en l’absence d’erreur manifeste sur l’importance des risques encourus » (Cons. .
994 Cf, par exemple, la continuité et la bonne marche du service public de l’enseignement supérieur
(Décision n° 85-192 DC du 24 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions d’ordre social, JO, 26 juillet,
p. 8510), la continuité du service public des transports urbains (Décision n° 88-250 DC du 29
décembre 1988 préc.), la continuité des services publics fiscaux et juridictionnels (Décision n° 99-
425 DC du 29 décembre 1999 préc.).
L’existence du procès 251

concernés soient tels, qu'ils représentent une menace économique, sociale ou

budgétaire. Le Conseil constitutionnel a ainsi été conduit, pour la première fois en

1995, à censurer une mesure de validation, en considérant qu'elle n'était pas justifiée

par une remise en cause de l'équilibre financier du budget annexe de l'aviation

civile995.

406. Mais qu’elle emporte des conséquences financières ou pas, la Haute juridiction

dresse aujourd’hui, de manière quasi systématique, un véritable bilan coûts-

avantages de la validation examinée. C’est pourquoi, quand l’acte administratif

validé contrevient à un principe de valeur constitutionnelle, la validation n’est

admise, qu’à la condition expresse que le but d’intérêt général qu’elle poursuit, soit

lui-même de valeur constitutionnelle996. C’est ce qui justifie la censure d’une mesure

de validation de l’ensemble des actes, devant permettre la réalisation des travaux

d’extension des lignes de tramway de la communauté urbaine de Strasbourg997, le

Conseil constitutionnel ayant considéré que l'intérêt général poursuivi n’était pas

suffisant998.

407. Le juge constitutionnel aboutit à cette conclusion à l'issue d'un contrôle entier, le

champ de la validation, matériel et temporel, ne devant pas excéder ce qui est

nécessaire à l'objectif poursuivi. En l'espèce, tel n’était pas le cas, puisque l'objet de la

validation était de permettre l'extension rapide des lignes de tramway de la

communauté urbaine de Strasbourg, malgré l'annulation, par le juge administratif,

de la déclaration d'utilité publique. En outre, le juge constitutionnel a pris en

considération, dans sa décision, le fait « que la validation permettrait, à titre accessoire, de

995 Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 préc.


996 Décision n° 97-390 DC du 19 novembre 1997, Loi organique relative à la fiscalité applicable en Polynésie
française, JO, 25 novembre 1997, p. 17020, Cons. 3 ; Décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010,
Société IMNOMA [Intangibilité du bilan d'ouverture], JO, 11 décembre 2010, p. 21712, Cons. 4.
997 Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale, JO, 19
janvier 2005, p. 896.
998 Idem, Cons. 33.
252 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conforter la réalisation des lignes de tramway de Marseille, Montpellier, Le Mans et

Valenciennes999 », ce qui a incontestablement pesé dans la pondération des intérêts en

présence.

408. L’analyse des principes et des solutions, mis en œuvre aujourd’hui par le juge

constitutionnel, dans le contrôle des validations législatives, fait apparaître une

jurisprudence équilibrée, qui n’est pas hostile, par principe, au procédé, mais qui ne

l’admet toutefois qu’avec parcimonie. La loi de validation ne doit pas se traduire par

une immixtion abusive du pouvoir législatif, en vue d'influer sur l’issue d’un litige.

L’exigence d’un motif d'intérêt général suffisant permet au Conseil constitutionnel de

vérifier la finalité de l'intervention du législateur. En effet, le contrôle de l'aptitude

d’un dispositif de validation, à atteindre le but qu’il s’est fixé, constitue une manière

implicite de contrôler le pouvoir discrétionnaire du législateur. Une mesure

législative, restrictive de droits, doit être motivée par la poursuite d'un objectif

d'intérêt général suffisant, qu'elle doit, par ailleurs, être à même d'atteindre. Le

contrôle de l'adéquation permet alors d'opérer un examen du détournement de

pouvoir, que le Conseil constitutionnel se refuse à exercer en tant que tel, car il ne

serait adapté ni à la nature particulière de la norme contrôlée (la loi), ni à celle de

l'organe qui l'a édictée (le Parlement).

409. Même si elle ne mérite plus aujourd’hui les reproches de compréhension

excessive à l’égard du législateur, que la doctrine lui a longtemps adressés, la

jurisprudence constitutionnelle, en matière de validations d’actes administratifs,

reste encore perfectible. Néanmoins, cette protection de l’indépendance organique de

la juridiction administrative ne pouvait être réellement efficace, qu’à la condition de

s’accompagner de la reconnaissance d’une compétence exclusive à son profit.

999 Id., Cons. 32.


L’existence du procès 253

§ 2. La reconnaissance constitutionnelle d’une compétence minimale

réservée à la juridiction administrative

410. L’organisation juridictionnelle interne découle directement de la conception

française de la séparation des pouvoirs, qui s’appuie sur une interprétation de la loi

des 16-24 août 1790, posant le principe de séparation des autorités, administrative et

judiciaire1000. Pour l’essentiel, elle induit une réserve de compétence au profit du juge

administratif et l’interdiction corrélative, adressée au juge judiciaire, de censurer les

actes juridiques de l’administration. Le Conseil constitutionnel s’est, en effet, efforcé

de consacrer un domaine d’intervention, propre à la juridiction administrative, afin

de limiter le mouvement général de déplacement des compétences vers l’autorité

judiciaire. Le constat de l’action jurisprudentielle de la juridiction constitutionnelle

ne donne pourtant pas totalement satisfaction : outre le peu de lisibilité de sa

jurisprudence, le domaine de la compétence réservée à la juridiction administrative

semble bien étroit (A) et la protection dont il devrait bénéficier, affaiblie par les

nécessités d’unification des contentieux (B).

411. Il n’y a donc, en résumé, toujours pas de clause constitutionnelle générale de

compétences en faveur du juge administratif, pas plus qu’il n’existe de critères clairs

de répartition des compétences, entre les deux ordres de juridictions. De manière

assez surprenante, la reconnaissance constitutionnelle d’une compétence réservée à

la juridiction administrative s’est même plutôt traduite, par un renforcement des

attributions en faveur de la juridiction judiciaire.

1000 RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la séparation des
pouvoirs en France », op. cit., p. 172.
254 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) Le domaine réduit de la compétence réservée à la juridiction

administrative

412. Le domaine de compétences de la juridiction administrative, délimité par le

Conseil constitutionnel, dans la décision relative au contentieux du Conseil de la

concurrence1001, semblait déjà circonscrit aux seules annulations ou réformations des

actes administratifs de la puissance publique (1). Il n’est pas exclu, que les deux

décisions récentes, portant sur l’hospitalisation psychiatrique contrainte1002, aient

encore rétréci ce champ de compétences, qui, de surcroît, se heurte aux « matières

réservées par nature à l'autorité judiciaire1003 », bien qu’ici encore, les frontières soient

plutôt floues (2).

1) La limitation du domaine de compétences de la juridiction

administrative au contentieux de l’excès de pouvoir des actes

administratifs de la puissance publique

413. Après avoir, en 1980, dégagé le principe de l’indépendance de la juridiction

administrative, en élaborant, à son profit, un système de protection contre les

ingérences du législateur, le Conseil constitutionnel va reconnaître, sept ans plus

tard, son existence, en la dotant de compétences propres. Sur le fondement d’un

principe fondamental reconnu par les lois de la République, tiré de la loi des 16-24

août 1790 et du décret du 16 fructidor An III1004, qui posent, tous deux, le principe de

séparation entre les fonctions administratives et judiciaires, le juge constitutionnel va

définir une réserve de compétence, propre à la juridiction administrative, sur la base

1001 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.


1002 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc. ; Décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin
2011, M. Abdellatif B. et autre [Hospitalisation d'office], JO, 10 juin 2011, p. 9892.
1003 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15.
1004 Ibidem.
L’existence du procès 255

de trois critères principaux, dont deux d’entre eux ne peuvent être appréciés qu’en

les associant.

414. D’abord, les décisions, dont le juge administratif doit avoir à connaître, émanent

des autorités exécutives de l’État, ou décentralisées, voire des entités publiques

placées sous leur contrôle. Ensuite, ces organes décisionnels ne doivent avoir agi que

dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique. La lecture combinée, du

premier critère organique avec le second critère fonctionnel, permet de mieux situer

la typologie des actes juridiques, relevant du contrôle du juge administratif, dont, par

ailleurs, le Conseil constitutionnel fournira une liste non exhaustive en 19891005.

415. Toutes les décisions concernées1006 forment le noyau dur de la compétence de

l’ordre juridictionnel administratif, parce qu’elle sont la traduction juridique d’un

attribut de la souveraineté nationale. Il en est ainsi, par exemple, de toutes les

décisions, prises dans le cadre des fonctions de police administrative des étrangers,

qui constituent, à n’en point douter, l’une des expressions les plus irréductibles du

pouvoir régalien de l’État. À contrario, il est sans doute possible d’exclure, de cette

compétence incontournable de la juridiction administrative, le contentieux des actes

administratifs émanant des organismes privés, qui ne peuvent se voir confier des

prérogatives d’une telle nature. En résumé, plus la décision de l’administration est

l’émanation de l’exercice de la souveraineté nationale, plus elle fait partie intégrante

du domaine constitutionnellement protégé.

416. Enfin, la réserve de compétence, telle qu’elle est définie dans la décision n° 86-

224 DC, ne concerne que le contentieux de l’annulation ou de la réformation, ce qui

1005 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers
en France, JO, 1er août 1989, p. 9679, Cons. 21. L’adverbe « notamment », situé en début
d’énumération, permet d’en conclure que la liste n’est pas limitative.
1006 Les mesures de refus d'entrée sur le territoire national, les décisions relatives à l'octroi d'une carte
de séjour, les décisions concernant la délivrance de la carte de résident, la décision d'expulsion
d'un étranger ou de son assignation à résidence, Ibidem.
256 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

semble recouvrir les seul litiges de l’excès de pouvoir et laisser de côté, le contentieux

de pleine juridiction (responsabilité, contrats) et celui de la déclaration (appréciation

de légalité, interprétation, déclaration d’inexistence). Dans un souci d’optimisation

de la justice, il ne serait par ailleurs, guère judicieux d’étendre le monopole de

compétences du juge administratif, au contentieux de la déclaration. Il est, en effet,

plus efficient, dans les litiges où les compétences des deux ordres de juridictions se

côtoient, de permettre au juge judiciaire, dans le cadre de son contrôle de la

prolongation d’une privation administrative de liberté, d’apprécier lui-même la

légalité de la décision administrative à l’origine de la privation. Cette articulation des

interventions juridictionnelles correspond à ce que le professeur Annabelle PENA 1007

désigne sous le nom de dualisme de substitution. C’est donc bien la nature du

contentieux qui permet de tracer la ligne de partage entre les compétences

juridictionnelles.

417. Néanmoins, les deux décisions relatives à l’internement psychiatrique forcé,

rendues successivement, sur question de constitutionnalité en 2010 et 2011 1008, jettent

un trouble sur ce qui apparaissait jusqu’alors, comme un critère de distinction stable

et relativement solide, car objectivement identifiable. Le Conseil constitutionnel y

affirme en substance, que si le juge judiciaire ne peut contrôler la légalité de la

décision administrative, servant de base juridique à une mesure d'hospitalisation

contrainte, il est compétent pour apprécier la nécessité de la privation de liberté qui

en résulte1009.

418. Est-ce à dire que c’est le moyen juridique, qui détermine dorénavant la

compétence juridictionnelle et non plus la nature du contentieux, en laissant au juge

administratif, le seul contrôle de la légalité externe de l’acte, à l’origine de la

1007 PENA A., « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme juridictionnel : la nouvelle
donne », R.F.D.A., 2011, p. 951.
1008 Décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc. et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 préc.
1009 Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 préc., Cons. 37.
L’existence du procès 257

privation administrative de liberté ? On ne voit pas, en effet, comment le juge

judiciaire pourrait apprécier la nécessité de la privation de liberté, sans effectuer un

contrôle de l’adéquation de la décision administrative, servant de fondement à la

restriction de liberté, par rapport aux circonstances de faits. Si une telle hypothèse

constitutionnelle venait à être confirmée, ce serait donc un rétrécissement majeur de

la réserve de compétence de la juridiction administrative qui se profilerait, sans

compter que celle-ci ne s’exerce que dans le cadre imprécis des « matières réservées par

nature à l'autorité judiciaire1010 ».

2) L’ambiguïté de la notion de « matières réservées par nature à

l'autorité judiciaire »

419. La réserve de compétence de la juridiction administrative précédemment

décrite, ne s’exerce qu’« à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité

judiciaire1011 ». Il y a une double imprécision dans cette formulation, tenant à la fois,

au champ d’application de cette limite à la compétence administrative, mais aussi au

mode opératoire selon lequel elle s’exerce, en d’autres termes, à la manière dont les

compétences juridictionnelles s’articulent à l’intérieur de son périmètre. Il en a

résulté certaines divergences doctrinales, le doyen FAVOREU1012 et le professeur

Jacques MOREAU1013, par exemple, ne portant pas le même regard sur la manière

d’interpréter la réserve matérielle d’attributions du juge judiciaire.

1010 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 15.


1011 Ibidem.
1012 FAVOREU L., « Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'a pas
valeur constitutionnelle », R.F.D.A., 1987, p. 301 ; chron., Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23
janvier 1987, R.D.P., 1989, p. 482.
1013 MOREAU J., « La liberté individuelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel »,
Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, p. 1661.
258 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

420. Il n’est pas particulièrement aisé d’identifier, au regard des textes et surtout de la

jurisprudence, les matières qui présenteraient une inclination naturelle à relever du

domaine de compétences de la juridiction de droit privé. La doctrine est pourtant

étonnamment convergente sur ce point et recense quatre domaines principaux,

venant borner la réserve de compétence du juge administratif. Le contentieux du

fonctionnement des services judiciaires, en premier lieu, relève de l’office du juge

judiciaire, pour d’évidentes raisons liées à la séparation des autorités, même si

l’exclusion du juge administratif ne vaut pas pour l’organisation du service public de

la justice1014. La propriété privée est aussi une autre de ces matières. Il était déjà

possible, comme le fait justement observer le président Bruno GENEVOIS1015, de le

pressentir implicitement dans la décision n° 85-198 DC1016 et ce fut confirmé, quatre

années plus tard1017, de la plus claire des manières. Enfin, la décision du 28 juillet

1989 citée précédemment1018, énumère en son vingt-troisième considérant, deux

matières supplémentaires, pour lesquelles la compétence de l'autorité judiciaire est

reconnue : les questions relatives à l'état des personnes et surtout, la liberté

individuelle.

421. C’est à propos de cette dernière, que les difficultés les plus importantes

apparaissent, le Conseil constitutionnel ayant oscillé entre deux approches, une

première assez extensive, en estimant que la liberté individuelle devait être protégée

« sous tous ses aspects1019 » et une seconde plus restrictive, au cours de laquelle la

1014 T.C., 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, n° 01420, Rec. p. 642.


1015 GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, R.F.D.A., 1987, p. 293.
1016 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985 préc.
1017 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et
d'agglomérations nouvelles , JO, 28 juillet 1989, p. 9501.
1018 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc.
1019 Décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, JO, 30 décembre 1983,
p. 3871, Cons. 28. Cf aussi, pour l’inclusion de la liberté d’aller et venir, Décision n° 79-109 DC du 9
janvier 1980, Loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des
étrangers et portant création de l'office national d'immigration, JO, 11 janvier 1980 ; pour l’inclusion de
la liberté du mariage, Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc., Décision n° 94-352 DC du 18
janvier 1995 préc.
L’existence du procès 259

Haute juridiction s’est efforcée de trouver des fondements constitutionnels

autonomes, aux différents principes qu’il avait, jusque-là, rattachés à la liberté

individuelle1020. Ce changement d’approche s’explique par la clause de compétence

incluse dans l’article 66 de la Constitution1021 et par la volonté du Conseil, de ne pas

accorder à cet article une portée excessive, trop éloignée de l’intention initiale du

constituant, pour qui la liberté individuelle est à relier à la protection contre les

détentions arbitraires, visées par le premier alinéa1022.

422. Au-delà du contenu, le plus délicat, mais aussi le point essentiel, est d’identifier

les mesures affectant la liberté individuelle et d’essayer d’en déduire le critère de

l’atteinte, déclenchant l’intervention de son gardien constitutionnel, dont il restera à

préciser les modalités. Il semblerait, mais la plus grande prudence s’impose, tant la

jurisprudence constitutionnelle ne brille pas, sur ce point, par sa clarté, que le degré

d’atteinte à la liberté individuelle se mesure en combinant l’intensité, avec la durée

de la contrainte subie.

423. La pondération associée de ces deux paramètres d’appréciation permet au juge

constitutionnel, de distinguer les privations totales de liberté, des seules limitations.

Ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière, même s’il empêche indiscutablement son

destinataire de se déplacer librement sur le territoire national, ne constitue qu’une

1020 La définition stricte de la liberté individuelle est celle retenue dans les deux décisions relatives à
l’hospitalisation contrainte, Décisions n° 2010-71 QPC préc., Cons. 16 et n° 2011-135/140 QPC préc.,
Cons. 7 : « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé
des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire
à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de
la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à
l'autorité judiciaire ; ».
1021 L’autorité judiciaire est traditionnellement conçue comme la gardienne de la liberté individuelle, le
principe ayant été initialement posé par la jurisprudence du Tribunal des conflits, dans la décision
Hilaire du 18 décembre 1947, repris par l’article 66 de la Constitution.
1022 Sur ce point, Cf GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, R.F.D.A.,
1989, p. 696.
260 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

mesure restrictive de liberté, n’affectant que la seule liberté d’aller et venir, par

opposition aux mesures privatives, les seules à même de déclencher l’intervention de

l’autorité judiciaire1023. Il n’en reste pas moins que cette ligne de partage, entre les

mesures privatives et les mesures limitatives de liberté, semble difficile à tracer et que

son principal avantage réside, probablement, dans la marge d’appréciation qu’elle

laisse au Conseil constitutionnel, dans la détermination de l’ordre juridictionnel

compétent.

424. Une fois que l’on a identifié, plus ou moins distinctement, les « matières réservées

par nature à l'autorité judiciaire », reste encore à préciser la manière dont les

compétences juridictionnelles s’exercent à l’intérieur de leur délimitation. Deux

interprétations de l’application des compétences respectives, du juge judiciaire et du

juge administratif, en leur sein, sont alors envisageables. Selon une première

acception, il est possible de considérer que la juridiction administrative est

totalement exclue de ce champ de compétences, à l’intérieur duquel le juge judiciaire

exerce un monopole d’attributions, quelle que soit la nature du contentieux ou la

cause juridique invoquée par le requérant.

425. Selon une seconde conception, sans en être entièrement écartée, la compétence

du juge administratif, en matière d’annulation ou de réformation des actes décisoires

de la puissance publique, n’y bénéficierait plus d’un monopole, ni même d’une

priorité. Pour autant, l’étendue corrélative de la compétence judiciaire, dans ses

matières « naturelles », n’y serait pas exclusive. Il y aurait, en quelque sorte, quand

une de ces matières est concernée, une présomption de judiciarité, ce qui signifie par

ailleurs, qu’il y aurait nécessairement une répartition des compétences entre les deux

ordres de juridiction. Cette interprétation est celle qui se rapproche le plus de la

réalité du droit positif, tant le juge administratif continue d’exercer sa compétence,

1023 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 23 : « [...] la compétence reconnue à l'autorité
judiciaire en matière de liberté individuelle et notamment de peines privatives de liberté [...] ».
L’existence du procès 261

pour apprécier la légalité des décisions émanant des autorités publiques,

particulièrement quand il s’agit de contrôler un acte administratif à l’origine d’une

privation de liberté1024.

B) La protection atténuée du domaine de compétences réservé à la

juridiction administrative

426. La réserve de compétence du juge administratif, déjà restreinte en fonction de la

matière dans laquelle elle s’inscrit, peut être également contournée par le législateur,

dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. La bonne administration de la

justice a été reconnue, par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 décembre

20091025, comme étant un objectif de valeur constitutionnelle. Il s’agit d’une notion

difficile à cerner, d’autant que le juge constitutionnel, qui y fait souvent référence

dans le cadre des transferts de compétences, dont elle est la principale justification,

n'en donne pas une définition claire et univoque1026. La bonne administration de la

justice est surtout une notion fonctionnelle1027, pour reprendre l’une des branches de

la dichotomie, dégagée par le doyen VEDEL, à propos de la voie de fait 1028. En effet,

elle constitue, essentiellement, le fondement d'une technique juridique :

l'aménagement législatif des règles de compétence juridictionnelle.

427. La loi peut, en effet, déroger au principe fondamental dégagé en 1987, en

unifiant « les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel

1024 Sur ce point, Cf MOREAU J., « La liberté individuelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, op. cit.,
p. 1670 ; PENA A., « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme juridictionnel : la
nouvelle donne », op. cit., p. 951.
1025 Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 préc., Cons. 4.
1026 APCHAIN H., « Retour sur la notion de bonne administration de la justice », A.J.D.A., 2012, p. 587.
1027 LAVAL N., « La bonne administration de la justice », L.P.A., 12 août 1999, n° 160, p. 12.
1028 VEDEL G., « De l'arrêt Septfonds à l'arrêt Barinstein », J.C.P., 1948, I, 682.
262 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

principalement intéressé1029 », sous le contrôle du Conseil constitutionnel, qui a fixé

trois conditions d’acceptation à cet aménagement législatif. Le constat de

l’application de cette jurisprudence est double. D’une part, si les transferts de

compétences peuvent s’effectuer de manière bilatérale, puisque « la bonne

administration de la justice [...] peut être satisfaite aussi bien par la juridiction judiciaire que

par la juridiction administrative1030 », ils profitent surtout à l’ordre judiciaire, souvent

apprécié comme étant l'ordre juridictionnel approprié. D’autre part, le juge

constitutionnel applique, avec une certaine souplesse, les critères qu’il a fixés, qui

sont, en outre, suffisamment imprécis, pour ne pas vraiment réduire la liberté

d’action du législateur et permettre ainsi à la Haute juridiction, de gérer la politique

législative d’aménagement des compétences, à la manière d’un Tribunal des

conflits1031.

428. Afin d’évaluer la nécessité de procéder à la concentration des compétences au

sein d’un des deux ordres juridictionnels, le Conseil constitutionnel a dégagé trois

conditions. C’est à l’aune de ces critères, qu’il évalue si l’unification d’un contentieux,

au sein d’un bloc de compétences, se justifie réellement au regard de l'intérêt de la

bonne administration de la justice et si l’aménagement, réalisé par le législateur, lui

paraît conforme aux attentes inhérentes à l’objectif visé. En somme, il s’agit de

s’assurer que le système procédural nouveau, consécutif à l’intervention de la loi,

présente de meilleures garanties, en termes de sécurité juridique, en facilitant

notamment le droit au recours juridictionnel.

429. En premier lieu, le contentieux, que le législateur s’est proposé de réorganiser,

devait présenter des dysfonctionnements tels, que les incohérences en résultant,

1029 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons 16.


1030 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 29.
1031 RENOUX T., « Le conseil constitutionnel peut-il être reconnu comme un Tribunal des conflits ? »,
DRAGO G., FRANCOIS B., et MOLFESSIS N. (dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996, Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris,
1999, p. 273.
L’existence du procès 263

rendaient indispensable son réaménagement. Il en serait ainsi, par exemple, en cas

d’absence « d'une voie de recours appropriée1032 », permettant d’assurer « la garantie

effective des droits des intéressés1033 ». En deuxième lieu, l’aménagement réalisé par le

législateur, doit être « précis et limité1034 ».

430. Enfin, en troisième lieu, l’ordre de juridiction, qui réceptionnera le contentieux

réunifié, doit être celui qui est « principalement intéressé1035» par les litiges concernés.

Afin d’identifier le juge, le mieux à même de trancher les contestations visées par la

nécessaire réorganisation, le Conseil constitutionnel prend deux variables en

considération, les critères, organique et matériel1036, mais qui ne semblent pas

pondérés de la même manière, dans son appréciation de l’ordre juridictionnel

optimal. Il apparaît, en effet, que le critère matériel joue un rôle déterminant, tant

dans les hypothèses où il s’agit d’approuver les choix du législateur, que lorsqu’il

semble judicieux de les censurer.

431. Ainsi, dans la décision fondatrice de 1987, il ne fait guère de doute que le Conseil

de la concurrence est une autorité administrative, qui rend des décisions prises dans

l'exercice de prérogatives exorbitantes du droit commun 1037. Mais, dans la mesure où

le Conseil de la concurrence dispose d’un pouvoir d’injonction, à l’encontre des

entreprises qui se rendraient coupables de pratiques anticoncurrentielles1038,

lesquelles peuvent, par ailleurs, être sanctionnées pénalement par le juge répressif, le

juge constitutionnel valide le dispositif transférant à la Cour d'appel de Paris, le

1032 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 29.


1033 Ibidem.
1034 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 18 ; Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996,
Loi de réglementation des télécommunications, JO, 27 juillet 1996, p. 11400, Cons. 24.
1035 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 16.
1036 Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 préc., Cons. 22 : « [...] qu’une telle unification peut être opérée
tant en fonction de l'autorité dont les décisions sont contestées, qu'au regard de la matière concernée ; ».
1037 GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., p. 294.
1038 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 5.
264 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

contrôle des décisions du Conseil de la concurrence. De la même façon, en 19961039,

l'Autorité de régulation des télécommunications est qualifiée d’autorité

administrative, rendant « des décisions exécutoires prises dans l'exercice de prérogatives de

puissance publique1040 », ce qui fait entrer, de plein droit, le contentieux de l’annulation

ou de la réformation, dans le champ d’application de la réserve de compétence du

juge administratif. Pourtant, le Conseil constitutionnel accepte sans sourciller, que les

recours soient justiciables de la même Cour d'appel de Paris, ce qui fait écrire au

professeur Pierre DELVOLVÉ, avec un brin de provocation mais surtout, avec une

certaine lucidité, que la juridiction d’appel du quai des Orfèvres est en train de

devenir une « juridiction administrative1041 ».

432. Une fois encore, c’est la nature privée des matières confiées à l’autorité

administrative de régulation, consistant en des différends, régis par le droit de la

concurrence et opposant des opérateurs privés, ou des litiges survenus entre

partenaires commerciaux, lors de la négociation ou de l'exécution de conventions de

droit privé1042, qui a été déterminante dans le choix du législateur et dans

l’acceptation du juge constitutionnel. Il faut vraiment que la décision relève d’une

autorité déconcentrée de l’État, prise dans le cadre de l’exercice même d’une

prérogative de puissance publique1043, dans une matière représentant l’une des

expressions les plus abouties de la souveraineté nationale et qui plus est, ne faisant

pas partie du secteur réservé par nature à l’autorité judiciaire, pour que le

réaménagement législatif soit refusé1044.

1039 Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 préc.


1040 Idem, Cons. 21.
1041 DELVOLVÉ P., « La Cour d'appel de Paris, juridiction administrative », Etudes offertes à Jean-Marie
Auby, Dalloz, Paris, 1992, p. 47 à 70, plus particulièrement p. 57.
1042 Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 préc., Cons. 23.
1043 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons. 45 et 46, concernant les arrêtés
ministériels délivrant, refusant de délivrer ou retirant à une entreprise d'assurances, l'autorisation
de participer à la gestion de ce régime.
1044 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 30, à propos du contentieux des arrêtés de
reconduite à la frontière, prévus devant le président du tribunal de grande instance.
L’existence du procès 265

433. Il est assez manifeste que l’application de ces trois critères n’est pas d’une

grande rigueur. Ils ne sont pas strictement cumulatifs, ni la situation de dispersion

du contentieux, ni la précision du réaménagement n’étant systématiquement

vérifiées. L’appréciation portée par le Conseil constitutionnel est donc, dans

l’ensemble, plutôt bienveillante à l’égard du législateur et généralement favorable à

l’ordre judiciaire. La bonne administration de la justice est un objectif de valeur

constitutionnelle qui permet, assez facilement, de transférer tout un pan du

contentieux administratif, vers le juge judiciaire. Elle ne cède devant la réserve de

compétence dévolue à la juridiction administrative, que dans des hypothèses de

contentieux de l’excès de pouvoir, portant sur les fonctions régaliennes de l’État,

comme, par exemple, l'annulation des décisions administratives relatives à l'entrée et

au séjour des étrangers.

434. Pour conclure, il convient d’insister sur la relation étroite, existant en France,

entre l’indépendance de la justice et la spécificité de son organisation judiciaire. Le

modèle français d’administration de la justice est double, en raison de la division du

système entre deux ordres juridictionnels1045. D’un côté, l’ordre judiciaire repose en

grande partie sur l’autorité de la Chancellerie, relais institutionnel de la politique

gouvernementale en matière judiciaire, ce qui explique la protection mise en œuvre

par le Conseil constitutionnel, principalement orientée en direction du pouvoir

exécutif. Celle-ci vise à préserver les membres du corps judiciaire, dans l’exercice de

leur fonction juridictionnelle, de toute forme de soumission à l’égard des autorités

exécutives de l’État, en veillant, directement ou par l’entremise du Conseil supérieur

de la magistrature, sur leur statut et en insistant sur les critères d’excellence, qui

doivent présider à leur recrutement.

1045 PAULIAT H., « Le modèle français d’administration de la justice : distinctions et convergences


entre justice judiciaire et justice administrative », R.F.A.P., 2008, p. 93.
266 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

435. D’un autre côté, l’ordre administratif dépend principalement du Conseil d’État,

dont l’autorité des décisions n’a été, qu’à de très rares occasions, remise en cause par

le pouvoir gouvernemental. C’est donc davantage du côté du Parlement, que les

intrusions dans la fonction juridictionnelle sont à craindre, par le biais de la pratique

contestable des validations législatives. Dans le sillage de la Cour européenne des

droits de l’homme, le Conseil constitutionnel a durci les conditions dans lesquelles, le

législateur peut valider des actes administratifs, susceptibles d’être annulés par le

juge. Au travers de cette double action jurisprudentielle, le juge constitutionnel

français a réalisé, en matière d’indépendance de la justice, une notable actualisation

de la Loi fondamentale de 19581046, mais qui nécessiterait aujourd’hui l’intervention

du constituant, afin d’accéder à une reconnaissance plus explicite1047.

1046 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et


l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », op. cit., p. 293.
1047 PAULIAT H., « Le modèle français d’administration de la justice : distinctions et convergences
entre justice judiciaire et justice administrative », op. cit., p. 95.
L’existence du procès 267

CHAPITRE 2 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU JUGE IMPARTIAL

436. L’impartialité est, avec l’indépendance, l’une des deux vertus essentielles dont le

juge doit être paré, afin de garantir le caractère équitable du procès qu’il est amené à

diriger. Selon le dictionnaire LITTRÉ de la langue française, l'impartialité est la

« qualité de celui qui ne prend pas parti pour l'un plutôt que pour l'autre ». En ce sens,

l’impartialité serait donc la traduction juridique de l’exigence de neutralité. Le juge

impartial serait celui dépourvu de parti pris, ce qui, dans une affaire donnée, le

placerait en situation de totale objectivité, le mieux à même de rendre une justice

éclairée. C’est la raison pour laquelle, pour le Conseil constitutionnel, le principe

d'impartialité est indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles 1048.

437. Posée par des textes normatifs internationaux 1049, mais aussi nationaux1050,

l’impartialité du juge est une qualité polysémique, aussi facile à percevoir

intuitivement, que difficile à cerner dans ses implications, avec le minimum de

rigueur et de précision qu'exige l'analyse juridique. La Cour européenne, qui lui

accorde une place privilégiée1051, commença par distinguer une approche subjective,

celle visant le comportement ponctuel du juge dans une affaire donnée, d’une

démarche objective, recentrée autour des garanties entourant son office 1052.

1048 Cf, par exemple, Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. [Composition de la
commission départementale d'aide sociale], JO, 26 mars 2011, p. 5406, Cons. 3.
1049 Article 14, § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 6, § 1 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
1050 Article L111-5 du Code de l'organisation judiciaire : « L'impartialité des juridictions judiciaires est
garantie par les dispositions du présent code et celles prévues par les dispositions particulières à certaines
juridictions ainsi que par les règles d'incompatibilité fixées par le statut de la magistrature ».
1051 Cf, par exemple, C.E.D.H., 17 février 2004, Maestri c/ Italie, requête n° 39748/98, J.D.I., 2005, p. 541,
obs. BENZIMRA-HAZAN J., § 15 : « [...] De plus, le lien de solidarité – confirmé par serment – qui unit
les maçons italiens est incompatible avec l'indépendance et l'impartialité indispensables au pouvoir
judiciaire [...] ».
1052 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, requête n° 8692/79, série A, n° 53, § 30 :
« [...] l’impartialité [...] peut [...] s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre
268 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

438. En raison de la nature même du contrôle qu’il effectue, consistant à apprécier la

conformité d’une norme, abstraitement définie, à une autre, de rang plus élevé dans

la hiérarchie, le Conseil constitutionnel ne peut que marginalement, faire intervenir

des considérations subjectives, dans l’examen des dispositions dont il est saisi. De

plus, avant l’introduction du mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité,

il n’avait eu que très peu d’opportunités de se pencher sur le respect de ce principe.

Rattaché à l’article 16 de la Déclaration révolutionnaire de 17891053, le Conseil

considère désormais, que l’impartialité figure bien au nombre des droits et libertés

que la Constitution garantit, au sens de l’article 61-1. Elle peut donc être invoquée à

l'appui d'une question de constitutionnalité1054. Celles-ci seront d’ailleurs

relativement nombreuses depuis 2011, beaucoup d’entre elles réussissant à franchir

le filtre des juridictions suprêmes, pour atteindre le prétoire de la rue de

Montpensier. Il n’est donc pas excessif de considérer, que la question prioritaire a

beaucoup contribué à la promotion du principe d’impartialité, comme à l’ensemble

des principes directeurs du procès, dans la jurisprudence constitutionnelle1055.

439. Cette dernière distingue deux hypothèses possibles de remise en cause de

l’impartialité du juge. D’une part, celle qui résulte d’un cumul de fonctions,

conduisant à faire intervenir un même acteur de la procédure judiciaire, à différents

stades de celle-ci. La garantie de neutralité, assurée par celui qui porte sur l’affaire un

regard neuf à chaque étape décisive, est ainsi mise en échec. Le Conseil

constitutionnel est particulièrement vigilant à l’égard de cette exigence (Section 1).

D’autre part, celle qui découle d’un lien existant entre juge et partie,

indépendamment du comportement personnel du magistrat en charge du dossier,

une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle
circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour
exclure à cet égard tout doute légitime ».
1053 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 préc., Cons. 24.
1054 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
1055 Cf infra n° 1008.
L’existence du procès 269

que la juridiction constitutionnelle ne peut évaluer, comme il a été fait remarquer

précédemment. La sévérité de l’examen qu’elle met en œuvre dans cette hypothèse,

varie alors en fonction du caractère et de l’intensité du lien, qui relie le juge à une des

parties au procès (Section 2).

Section 1 La sévère exigence d’impartialité fonctionnelle

440. L’impartialité fonctionnelle est celle qui résulte du seul exercice des

compétences, attribuées aux acteurs intervenant dans le cours d’un procès. Le

comportement personnel de ces derniers est indifférent, les prérogatives plurielles

qui leur sont accordées suffisent, en elles-mêmes, à soulever des suspicions légitimes

autour de leur neutralité. L’étude de la jurisprudence constitutionnelle permet de

mettre en évidence deux situations distinctes, assez clairement identifiées.

441. D’une part, celle où l’impartialité est affaiblie par l'exercice cumulatif, sur le

même dossier, de fonctions judiciaires distinctes, au sein de l'organe exerçant la

fonction juridictionnelle. Le contrôle du juge constitutionnel est intransigeant sur

cette question, tant il lui semble qu’un regard neuf, porté à chaque étape d’un

parcours judiciaire, est une garantie indispensable de justice impartiale (§ 1.).

442. D’autre part, celle où l’impartialité peut être altérée par l'exercice successif de

fonctions administratives (ou politiques) et de fonctions juridictionnelles. Il n’est pas

rare, en effet, que certains acteurs processuels aient eu à connaître, à un stade

consultatif, par exemple, d’éléments juridiques déterminants, pour l’issue d’un litige

dont ils ont la charge judiciaire. Dans cette hypothèse, la position du Conseil

constitutionnel est plus souple, le cumul de fonctions ne conduisant pas à une

censure systématique (§ 2.).


270 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

§ 1. L’examen approfondi du cumul de fonctions juridictionnelles

443. En matière répressive, le procès qui est, comme le décrit le professeur Jean

PRADEL1056, « une longue suite d'actes divers - de poursuite, d'instruction, de mise en

détention, de jugement et d'exécution de celui-ci », peut être divisé en trois temps

essentiels : l’enclenchement des poursuites, l’instruction et le jugement. Afin de

garantir l’impartialité de la justice, à chacune des étapes de ce triptyque procédural, il

paraît donc indispensable de les confier à un acteur judiciaire différent. C’est la

raison pour laquelle, pour éviter qu’un magistrat, ayant participé à la phase

préparatoire d’une affaire et qui s’est probablement forgé un avis à cette occasion,

n’intervienne lors de la sanction, le Code de procédure pénale prévoit un principe de

séparation stricte des fonctions répressives1057. Si le Conseil constitutionnel n’a, à ce

jour, jamais vraiment eu l’opportunité de se prononcer sur la séparation des

poursuites et de l’instruction1058, il a, en revanche, clairement affirmé sa volonté de

voir la fonction de juger, rigoureusement dissociée de celle de poursuivre (A) et de

celle d’instruire (B).

1056 PRADEL J., « La notion européenne de tribunal impartial et indépendant selon le droit français »,
R.S.C., 1990, p. 692.
1057 MATHIAS E., Les procureurs du droit : de l'impartialité du ministère public en France et en Allemagne,
Ed. CNRS, Coll. CNRS droit, Paris, 1999.
1058 La séparation des fonctions de poursuite et d’instruction, n’est pas posée par un article précis du
Code de procédure pénale, mais découle de la combinaison de deux dispositions de ce dernier.
L’article 31, d’abord, qui affirme que « Le ministère public exerce l'action publique et requiert
l'application de la loi » et l’article 49, qui dispose que « Le juge d'instruction est chargé de procéder aux
informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III ».
L’existence du procès 271

A) La séparation stricte des fonctions de poursuite et de jugement

444. Concernant les principes matriciels du droit répressif, la démarche de la

juridiction constitutionnelle décrit, le plus souvent, la même trajectoire. À partir de

bases précisément définies dans le domaine pénal, le Conseil constitutionnel élargit,

dans un second temps, le champ d’application matériel du principe, à d’autres

formes de sanctions coercitives. C’est le cheminement mis en œuvre ici, qui conduit

le juge constitutionnel à définir d’abord, les exigences inhérentes à la séparation des

fonctions répressives, de poursuite et de jugement (1), avant de les préciser ensuite,

dans le cadre des procédures disciplinaires (2) et des actions ouvertes, devant les

autorités administratives indépendantes, dotées d’un pouvoir de sanction (3).

1) L‘apparition du principe dans le domaine de la justice pénale

a) La non conformité de l’injonction pénale

445. Le principe de séparation des fonctions répressives de poursuite et de jugement

est posé par le paragraphe premier, alinéa 2, de l’article préliminaire du Code de

procédure pénale1059, introduit par la loi du 15 juin 2000, renforçant la protection de la

présomption d'innocence et les droits des victimes1060. De longue date pourtant, dès le

milieu du XIXe siècle, la chambre criminelle de la Cour de cassation y voit « un

principe de justice qui ne permet pas qu’un magistrat puisse être, dans la même affaire, partie

poursuivante et juge1061 ». Il s’agit là d’une jurisprudence constante, qu’elle réitérera à

1059 « Elle (la procédure pénale) doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des
autorités de jugement ».
1060 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.
1061 Cass. crim., 23 mars 1860.
272 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

de nombreuses reprises depuis1062. Les raisons, autant philosophiques que

strictement juridiques, qui président à l’existence de ce principe sont simples : la

pluralité des regards portés sur un dossier pénal permet, à la fois, de réduire les

risques de condamnation d’un innocent, mais aussi d’optimiser l’indispensable

impartialité de la justice, en mettant le justiciable à l’abri de l’avis univoque de celui

qui aura initié l’action publique1063. La Cour européenne des droits de l’homme

adopte, dès 19821064, la même position, en posant le principe de l’incompatibilité entre

les fonctions du siège et celles du parquet, au nom de l’impartialité organique du

juge.

446. C’est, à n’en point douter, ce même principe de justice, c’est à dire cette exigence

de regard neuf, car différent, à chaque étape de la procédure judiciaire pénale, qui

fonde la très importante (mais cependant juridiquement fragile), décision de non

conformité du Conseil constitutionnel sur l’injonction pénale en 1995 1065. Importante,

elle l’est certainement et ce, pour deux raisons. D’abord, elle initie la jurisprudence

constitutionnelle, en matière de contrôle du respect de la séparation des autorités de

poursuite et de jugement. Elle donne d’ailleurs la « tonalité » dominante, qui sera

celle d’une certaine fermeté du juge constitutionnel dans ce domaine. Ensuite, il n’est

pas exclu de voir dans la formulation restrictive de l’article préliminaire du Code de

procédure pénale, qui ne vise que la séparation des autorités chargées de l'action

publique et des autorités de jugement, en oubliant la séparation de l’instruction et du

jugement, une conséquence de la décision du 2 février 1995, qui obligea le législateur

1062 Cf Cass. Crim., 26 avril 1990, pourvoi n° 88-84586, Bull. crim., 1990, n° 162, p. 418 ; Cass. Crim., 5
décembre 2001, pourvoi n° 01-81407, Bull. crim., 2001, n° 253, p. 838.
1063 JOSSERAND S., L'impartialité du magistrat en procédure pénale, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque des
sciences criminelles, Paris, 1998 ; KUTY F., L' impartialité du juge en procédure pénale : de la confiance
décrétée à la confiance justifiée, Larcier, Coll. de thèses, Bruxelles, 2005.
1064 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique préc.
1065 Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc.
L’existence du procès 273

pénal à modifier sa copie, pour aboutir à la composition pénale, quatre ans plus

tard1066.

447. L’injonction pénale (initialement nommée transaction pénale), fut la première

tentative d’introduction en droit français, d’une voie de droit bien connue des

systèmes juridiques anglo-saxons, basée sur la reconnaissance des faits reprochés à la

personne mise en cause1067. Deux ans après la médiation pénale1068, il s’agissait

surtout de proposer une solution intermédiaire entre, d’un côté, le classement sans

suite, insatisfaisant au regard de l’objectif de recherche et de sanction des auteurs

d’infractions et, de l’autre, les poursuites, manifestement inadaptées à certaines

infractions modestes, pour lesquelles l’injonction pénale devait constituer une

réponse plus appropriée.

448. Prévue pour les délits correctionnels, dont le quantum de la peine encourue ne

peut dépasser trois années d’emprisonnement, l’injonction pénale, qui consiste

principalement à verser au Trésor public une somme, dont le montant varie en

fonction des circonstances de l'infraction et des ressources du délinquant, est notifiée

par le ministère public à la personne intéressée. Celle-ci dispose alors d’un délai d’un

mois pour l’accepter.

449. Saisi par les parlementaires, sans que ceux-ci invoquent un grief particulier à

l’encontre du dispositif1069, le Conseil constitutionnel censure la mesure, au terme

d’un raisonnement qui, sans être dépourvu d’une certaine cohérence, n’en demeure

pas moins juridiquement fragile, au moins sur deux points précis.

1066 Loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, JO, 20 octobre 1999,
p. 9247.
1067 PAPADOPOULOS I., Plaider coupable : la pratique américaine, le texte français, P.U.F, Coll. Droit et
justice, Paris, 2004.
1068 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc.
1069 Cons. 2 : « Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel de relever toute disposition de la loi
déférée qui méconnaîtrait des règles ou principes de valeur constitutionnelle ».
274 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

450. Le syllogisme du juge constitutionnel repose sur une double proposition

majeure basée, d’une part, sur l'article 66 de la Constitution, en vertu duquel,

l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle et d’autre part, sur le

principe selon lequel, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des

autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle. Après avoir

considéré que certaines mesures pouvant faire l'objet d'une injonction pénale, parce

qu’elles sont prononcées par un tribunal, constituent des peines susceptibles de

porter atteinte à la liberté individuelle, la Haute juridiction conclut à

l’inconstitutionnalité du dispositif, puisque la condamnation est décidée par un

organe de poursuite. En résumé, une sanction pénale qui heurte la liberté

individuelle, protégée par l’article 66 de la Constitution, nécessite l’intervention

d'une autorité de jugement, tout au moins en ce qui concerne les délits de droit

commun.

451. Le Conseil affirme donc ici, au niveau constitutionnel, un principe essentiel du

droit répressif, nullement contestable en soi, tant il concourt à la fiabilité de la

procédure pénale, en exigeant un regard nouveau à chaque étape de celle-ci, afin

d'éviter, ou tout au moins de limiter, les erreurs judiciaires. Mais le juge

constitutionnel, qui s’est sans doute saisi de la première opportunité, pour affirmer

cette règle protectrice de la liberté individuelle, commet une approximation dans la

qualification juridique et introduit une limitation du champ d’application, qui ne

semble guère reposer que sur des considérations d’opportunité.

452. En effet, il qualifie de sanctions pénales1070, les mesures prévues par le dispositif

à l’encontre du délinquant. Or, les caractères les plus évidents de l’injonction pénale

diffèrent considérablement de ceux de la peine et ce, sur trois points importants 1071.

1070 Cons. 6 : « [...] que dans le cas où elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des sanctions
pénales ; [...] ».
1071 PRADEL J., « D'une loi avortée à un projet nouveau sur l'injonction pénale », D, 1995, p. 171.
L’existence du procès 275

En premier lieu, l’injonction pénale repose sur l’acceptation du délinquant, alors que

la peine est imposée à son destinataire. En deuxième lieu, ce dernier peut finalement

refuser de se plier à la mesure prévue à son encontre, ce qui n’est pas le cas de la

peine, qui doit impérativement être exécutée. Enfin, en troisième lieu, les injonctions

pénales ne devaient pas être inscrites au casier judiciaire, ce qui n’est pas le cas des

condamnations pénales.

453. La Haute juridiction eut été plus précise, en qualifiant de sanctions punitives, les

mesures prévues par l’injonction pénale, d’autant que le juge constitutionnel

dessinait, à la même époque1072, les contours de cette catégorie normative naissante.

Rien ne l’aurait empêché pour autant, de faire usage du principe de cloisonnement

des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement, dans cette

nouvelle hypothèse d’alternative aux poursuites, à l’instar de ce qu’il fera avec la

présomption d’innocence, concernant les sanctions administratives à caractère

punitif1073, quand bien même, pour cela, eut-il fallu étirer un peu les qualifications

juridiques. Mais il est vrai qu’en 1995, le Conseil constitutionnel ne faisait pas encore

preuve d’une telle audace et cantonnait encore les principes du droit répressif à la

matière pénale stricto sensu.

454. Le plus étonnant, peut-être, est la limitation du domaine d’application du

principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement, aux seuls délits de

droit commun1074. En somme, l’introduction de cette précision rendrait

inconstitutionnelles toutes les transactions consécutives à la commission d’un délit

de droit commun, alors que pour tous les autres délits, ceux soumis à un régime

1072 Cf infra n° 594 et s.


1073 Cf, par exemple, Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, JO, 19 mars
2003, p. 4789.
1074 Cons. 6 : « [...] que le prononcé et l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne
susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun,
intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique mais requièrent la décision d'une
autorité de jugement conformément aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ; ».
276 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

d’exception, les transactions seraient admises. Il y aurait donc atteinte au principe de

séparation des fonctions répressives et, en conséquence, à l’impartialité du juge, dans

le premier cas, mais pas dans la seconde hypothèse. Aucune considération juridique

ne justifie que le droit soit plus protecteur des libertés, en matière de délits de droit

commun, que pour les infractions soumises à un régime exceptionnel. Les

motivations du Conseil constitutionnel sont sans doute ailleurs, dans le souci de

préserver la constitutionnalité de procédures, telles que la transaction douanière 1075,

par exemple, qui permettait alors aux directeurs et receveurs d’utiliser la contrainte,

pour recouvrer les droits et taxes dus à l'administration des douanes.

455. Le Conseil constitutionnel ne condamne pas, en soi, le principe de l’injonction

pénale, en tant que moyen de traitement judiciaire des infractions les moins graves,

mais seulement l’absence d’intervention d’un juge du siège, confirmant, ici encore, la

répartition constitutionnelle des rôles, au sein de l’autorité judiciaire, entre

magistrature assise et magistrature debout1076. Le législateur en tirera les

enseignements en 1999, en prévoyant la saisine d’une juridiction de jugement1077, par

le procureur de la République, afin d’obtenir la validation de la composition pénale.

1075 Article 345 du Code des douanes, version 1995 : « Les directeurs et les receveurs des douanes peuvent
décerner contrainte pour le recouvrement des droits et taxes de toute nature que l'administration des
douanes est chargée de percevoir, pour le paiement des droits, amendes et autres sommes dues en cas
d'inexécution des engagements contenus dans les acquits-à-caution et soumissions et, d'une manière
générale, dans tous les cas où ils sont en mesure d'établir qu'une somme quelconque est due à
l'administration des douanes ».
1076 RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? », op. cit.,
p. 75.
1077 Le président du tribunal correctionnel pour les délits, le tribunal de police ou le juge de proximité
pour les contraventions, ou encore le juge des enfants pour les mineurs.
L’existence du procès 277

b) La conformité sous réserve de la procédure de comparution

sur reconnaissance préalable de culpabilité

456. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ci-après C.R.P.C.)

est, après la composition pénale1078, la seconde introduction en droit français, d’une

forme de procédure inspirée du plea bargaining américain1079. Introduite en 2004 par la

loi dite « Perben II »1080, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de

culpabilité1081, qui comporte certaines analogies avec l’injonction pénale, essuiera le

même reproche de violation du principe de séparation des autorités chargées de

l'action publique et des autorités de jugement. Celui-ci sera pourtant rejeté par le

Conseil constitutionnel1082, contrairement à ce qu’il en avait décidé en 1995 pour

l’injonction pénale, au motif principal que, si la peine est effectivement proposée par

le ministère public, seul un magistrat du siège peut l’homologuer, après s’être assuré

que l'intéressé a reconnu, en toute liberté et en toute sincérité, être l'auteur des faits. Il

peut cependant la refuser, nonobstant l’acceptation par la personne mise en cause,

mais il ne peut modifier la proposition du procureur. La juridiction constitutionnelle

prendra néanmoins la peine de rajouter, via une réserve d’interprétation, de

nouvelles hypothèses de refus d’homologation1083, non prévues par le texte législatif

et qui conditionnent la conformité du dispositif, au principe de séparation des

fonctions répressives1084.

1078 Introduite en droit interne, dans le Code de procédure pénale, par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999
préc.
1079 En faisant abstraction de la tentative avortée d’injonction pénale, pour cause de censure
constitutionnelle, Cf supra n° 445 et s.
1080 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 préc.
1081 Cf infra n° 678 et s.
1082 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
1083 La nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime , les intérêts de la société
les déclarations de la victime apportant un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur.
1084 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 107 : « [...] qu'il ressort de l'économie générale
des dispositions contestées que le président du tribunal de grande instance pourra également refuser
d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les
conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ; que, sous cette
278 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

457. En résumé, pour le Conseil constitutionnel, le cumul des fonctions de poursuite

et de jugement en matière pénale, n’est réellement contraire à l’impartialité, que dans

le cas de figure où c’est la même personne qui les exerce successivement, le plus

souvent l’autorité chargée de l'action publique. C’est ce qui explique la censure de

l’injonction pénale, là où la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

est validée, sous la réserve déterminante, que le juge en charge de l’homologation ait

toute latitude pour la refuser, quand les conditions de son acceptation ne lui

semblent pas réunies. À ce titre, la Haute juridiction améliore incontestablement le

seuil d’acceptabilité de l’accord conclu entre le parquet et le mis en cause, en

élargissant la palette des situations possibles de refus, auxquelles le juge peut se

référer. Quand un magistrat du siège intervient, après son homologue du parquet,

dans le processus de jugement, il est vraisemblable que pour le Conseil

constitutionnel, seule la marge de manœuvre du premier, restreinte par

l’intervention du second, dans une forme de compétence liée, porterait atteinte à

l’impartialité. Dans une telle situation, il ne serait alors plus possible de parler de

double regard sur l’affaire, tant le second serait voilé par l’intensité du premier.

458. Cette position du juge constitutionnel français n’est pas sans susciter le débat. La

procédure de C.R.P.C. constitue une évolution décisive du droit répressif, d’une

justice imposée « d’en haut » vers une justice négociée, voire contractualisée 1085. En

effet, il n’est pas interdit de voir dans l’acte homologué, une forme de convention, ne

serait-ce que parce que les mineurs ont été exclus du dispositif, en raison de leur

incapacité de contracter1086. Que le juge constitutionnel ne se soit pas dressé en

censeur idéologique des orientations politiques du législateur pénal, n’est ni

réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe de séparation des autorités chargées de
l'action publique et des autorités de jugement ; ».
1085 ALT-MAES F., « La contractualisation du droit pénal mythe ou réalité ? », R.S.C., 2002, p. 501.
1086 SAAS C., « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur »,
R.S.C., 2004, p. 827.
L’existence du procès 279

surprenant, ni même contestable. Sa position sur la question est constante 1087,

conforme à ses attributions, elle ne se prête guère à la critique. En revanche, son

appréciation juridique sur l’absence d’atteinte au principe d’impartialité de ce

dispositif, via la séparation fonctionnelle des autorités chargées de l'action publique

et des autorités de jugement, même sous de prudentes réserves, est, elle, plus sujette

à discussion.

459. Le premier acteur important de cette procédure est le procureur de la

République, qui voit ses prérogatives renforcées, alors même que son statut, lui, n’a

pas suivi une semblable évolution1088. Symétriquement, cet accroissement des

compétences se réalise ici au détriment du juge du siège, qui n’est là que pour

homologuer la proposition du ministère public, c’est à dire apporter une

« approbation judiciaire à laquelle la loi subordonne certains actes et qui, supposant du juge

un contrôle de légalité et souvent un contrôle d'opportunité, confère à l'acte homologué la

force exécutoire d'une décision de justice1089 ». Son rôle s’apparente, d’une certaine

manière, à celui d’un juge de l’excès de pouvoir des décisions du parquet, réduit à

une seule alternative : accepter ou refuser l’accord conclu entre le procureur et le

délinquant1090.

460. C’est sur ce point précis, que la décision constitutionnelle ne donne pas, sur le

plan juridique, totalement satisfaction. Pour le Conseil, si la reconnaissance préalable

de culpabilité n'est pas, dans son principe, contraire à la séparation des autorités de

poursuite et de jugement, c'est à la condition sine qua non que le magistrat du siège ne

soit lié, ni par la proposition du procureur, ni par l’acceptation du délinquant et que

1087 Cf Cons. 1 de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 préc. : « l’article 61 de la Constitution ne (lui)
confère pas [...] un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui
donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son
examen ».
1088 Cf supra. n° 351 et s.
1089 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit. : Cf « Homologation ».
1090 SAINT-PAU J.-C., « Le ministère public concurrence-t-il le juge du siège ? », Rev. Dr. Pén.,
Septembre 2007, étude 14, p. 13.
280 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

sa liberté d'appréciation ne soit entravée d’aucune manière. Celle-ci est même

renforcée par l’élargissement des hypothèses possibles de refus, opéré par la réserve

de conformité du juge constitutionnel.

461. Cette exigence, outre une certaine ambiguïté relevée par certains auteurs 1091, peut

sembler pourtant encore insuffisante pour garantir totalement l’impartialité du

jugement. L'homologation, telle qu’elle est définie et surtout pratiquée, réduite

souvent à un simple acquiescement judiciaire d'un acte, dont les termes essentiels

seraient hors de portée de celui qui les approuve, confère au juge du siège des

pouvoirs, sans doute encore trop limités. Dans ces conditions, voir dans

l’intervention du siège (même renforcée par les réserves constitutionnelles

d’interprétation) lors de la phase d'homologation, une caution suffisante

d’impartialité, peut sembler tout de même très optimiste, tant le risque d’un contrôle

simplement formel est important. Il est tout de même difficile de nier, que les

nouveaux pouvoirs accordés par le Conseil constitutionnel au juge du siège,

permettent de favoriser la juridictionnalisation de la phase d'homologation. En toutes

hypothèses, la qualité de la motivation de l’ordonnance d'homologation sera

certainement un signe de l’intensité du contrôle du fond de l'affaire et par

conséquent, du respect du principe de séparation des fonctions répressives de

poursuite et de jugement, gage d’impartialité du juge.

2) Le prolongement dans le domaine disciplinaire

462. Après avoir posé le principe constitutionnel d'impartialité dans le domaine de la

procédure pénale, il était assez naturel que le Conseil l’étende à d’autres formes de

mesures, revêtant un caractère punitif, au premier rang desquelles se trouvent les

1091 BUSSY F., « Nul ne peut être juge et partie », D, 2004, p. 1745.
L’existence du procès 281

décisions émanant des juridictions disciplinaires1092. L’occasion lui en fut donnée

durant le dernier trimestre de l’année 2011, grâce au mécanisme de la question

prioritaire de constitutionnalité, concernant les activités libérales d’avocat 1093, d’une

part et de vétérinaire1094, d’autre part.

463. Là, où la plupart des barreaux des pays occidentaux séparent strictement les

organes d’administration de la profession d'avocats, des autorités disciplinaires, en

France régnait un certain désordre, sanctionné par la Cour de cassation. En 2000 1095,

la Cour suprême de l’ordre judiciaire interdisait au bâtonnier de présider la

formation disciplinaire et de participer au délibéré, dans la mesure où il « tient de

l'article 189 du décret du 27 novembre 19911096 le pouvoir d'apprécier les suites à donner à

l'enquête à laquelle il procède lui-même, ou dont il charge un rapporteur, en décidant soit du

renvoi devant le Conseil de l'ordre, soit du classement de l'affaire ». En vertu de ce texte

réglementaire, le bâtonnier cumulait, en effet, les fonctions de poursuite et de

jugement, puisqu’il pouvait, de sa propre initiative 1097, procéder à une enquête sur le

comportement de l'avocat mis en cause et prononcer ensuite, le renvoi devant le

1092 C’était d’autant plus souhaitable, que les deux juridictions suprêmes nationales et la Cour
européenne des droits de l’homme retiennent, depuis longtemps, une conception matérielle du
tribunal et appliquent ainsi le principe d’impartialité des juridictions, à toutes les institutions
indépendantes dotées de pouvoirs de sanction. Cf C.E., Ass., 3 décembre 1999, Didier, n° 207434,
Rec. p. 399, R.F.D.A., 2000, p. 210, concl. A. SEBAN, « que, cependant - et alors même que le Conseil des
marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le
moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité
rappelé à l'article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet
organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'État à l'encontre de sa
décision ».
1093 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. [Conseil de discipline des
avocats], JO, 30 septembre 2011, p. 16472.
1094 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. [Discipline des vétérinaires], JO, 26
novembre 2011, p. 20016. La question de l’impartialité fonctionnelle des membres de la formation
disciplinaire des vétérinaires, sera traitée dans la partie suivante (B) 2)), dans la mesure où
l’argumentation du juge constitutionnel ne distingue pas la problématique de la séparation des
autorités de poursuite et de jugement, de celle du cloisonnement entre les fonctions d’instruction
et de jugement.
1095 Cass. 1ère civ., 23 mai 2000, pourvoi n° 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n° 151, p. 99.
1096 Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
1097 « Ou à la demande du procureur général ou sur la plainte de toute personne intéressée ».
282 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conseil de l'ordre siégeant en formation plénière (ou devant une formation

disciplinaire restreinte), qu’il présidait, selon les termes l’article 6 du même décret.

464. Comme le fait observer Me Bernard BLANCHARD1098, cette situation, en totale

contrariété avec les règles du procès équitable, ne pouvait raisonnablement perdurer.

Le législateur est donc intervenu en 20041099, pour modifier la loi du 31 décembre

19711100 et réformer en profondeur, la procédure disciplinaire applicable aux avocats,

afin de la rendre conforme au principe d’impartialité de la justice 1101. A ainsi été

instituée une instance disciplinaire régionale, un conseil de discipline unique dans le

ressort de chaque cour d’appel, à l’exception de la capitale, où le conseil de l'ordre du

barreau de Paris est maintenu dans ses attributions disciplinaires. Cette exception se

justifie par la situation particulière de ce barreau, qui enregistre la moitié des avocats

inscrits en France et qui se trouve, dès lors, moins exposé aux risques de proximité

que ses homologues provinciaux. Ces conseils de discipline sont composés d’avocats,

délégués par chaque conseil de l’ordre dans le ressort de la cour d’appel,

proportionnellement au nombre des plaideurs inscrits. Les bâtonniers, qui président

les conseil de l’ordre, ne font pas partie de ces instances disciplinaires. À Paris, la

procédure demeure interne au conseil de l’ordre : le conseil de discipline est composé

exclusivement de membres du conseil (autres que le bâtonnier), lequel désigne le

président de l’instance disciplinaire.

1098 BLANCHARD B., Obs., Cass. 1ère civ., 23 mai 2000, D, 2002, p. 859.
1099 Loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou
juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes
aux enchères publiques, JO, 11 février 2004, p. 2847.
1100 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1972, p. 131.
1101 Cette réforme législative n’a toutefois pas concerné la procédure disciplinaire applicable aux
avocats en Polynésie française, ce qui suscita une question prioritaire de constitutionnalité
spécifique à la situation des avocats polynésiens, Décision n° 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M.
Jérôme P. [Conseil de discipline des avocats en Polynésie française]. Le Conseil constitutionnel a donc
décidé, via une réserve d’interprétation, que le principe d’impartialité empêchait le bâtonnier en
exercice de l’ordre du barreau de Papeete, ainsi qu’aux anciens bâtonniers ayant engagé la
poursuite disciplinaire, de siéger dans la formation disciplinaire du conseil de l’ordre du barreau
(Cons. 9).
L’existence du procès 283

465. Dans les deux formes d’organisation prévues par l’article 22-2 de la loi du 31

décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004, le bâtonnier, qui

conserve sa qualité d’autorité de poursuite, est donc expressément exclu de la

composition de la formation disciplinaire. Pour autant, les fonctions qu’il exerce,

particulièrement à Paris, semblaient encore insuffisamment disjointes, au point que

les juridictions de l’ordre judiciaire considérèrent la question prioritaire de leur

conformité au principe constitutionnel d’impartialité, suffisamment sérieuse, pour

être transmise rue de Montpensier.

466. En effet, même s’il n’est plus membre lui-même du conseil de discipline, le

bâtonnier, autorité de poursuite, siège au conseil de l'ordre parmi les membres des

formations disciplinaires. Mieux encore, il préside ce conseil qui les désigne.

Pourtant, le Conseil constitutionnel estime que l’éviction du bâtonnier du barreau de

Paris1102, de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre, est une garantie suffisante

de préservation de l’impartialité du conseil de discipline. Même si les membres de

cette formation sont désignés par le conseil de l'ordre, lequel est présidé par le

bâtonnier en exercice, autorité de poursuite, le lien ainsi établi n’est pas, en soi, de

nature à porter atteinte au principe d'impartialité de l'organe disciplinaire 1103.

467. La décision de la Haute juridiction était relativement prévisible, puisqu’elle se

place en droite ligne de ce qu’il avait décidé, en 20041104, à propos de la procédure de

comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Pour que l’organisation

structurelle d’un organe juridictionnel, ou para-juridictionnel, contrevienne au

principe de cloisonnement des fonctions de poursuite et de jugement, le Conseil

exige que ce soit la même personne qui les exerce, elle-même, successivement, ce qui

n’est pas le cas en l’espèce.

1102 La question ne portait pas sur les instances disciplinaires régionales.


1103 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc., Cons. 5.
1104 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., p. 4637.
284 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

468. La Cour européenne des droits de l’homme1105 et le Conseil d’État adoptent

également la même position, sur cette question du cumul des fonctions de poursuite

et de jugement. En 2006, dans une affaire Gubler 1106, concernant la procédure

disciplinaire française des médecins, était contesté le rôle d’autorité de poursuite

exercé par le Conseil national, lequel entendait en appel les décisions rendues par le

Conseil régional de l’ordre. La juridiction strasbourgeoise conclut qu’il n’y a pas

atteinte à l’impartialité, puisque les membres du Conseil national de l’ordre des

médecins, qui siègent dans la formation d’appel, ne peuvent participer à

l’introduction de l’action disciplinaire. Le Conseil d’État pose les même exigences de

respect du principe de cloisonnement des fonctions, en 2007, dans une affaire

concernant l’Autorité des marchés financiers1107.

469. Autant la position du juge constitutionnel, en 2004, pouvait susciter quelques

interrogations1108, autant ici, la situation est bien différente et même en ce qui

concerne la formation disciplinaire parisienne1109, son expertise juridique est assez

convaincante, au regard du respect du principe de cloisonnement des autorités.

Certes, dans les barreaux les plus importants, le conseil de l'ordre se réunit

périodiquement et, à cette occasion, le bâtonnier, autorité de poursuite, siège à côté

des membres des formations disciplinaires. Mais l’objet de ces séances de travail ne

porte que sur des questions purement administratives. Il n’y a donc aucune raison

objective, au sens de la jurisprudence Piersack1110, de penser que les avocats qui

1105 GERARDIN-SELLIER N., « La composition des juridictions à l'épreuve de l'article 6, § 1, de la


Convention E.D.H. », R.T.D.H., 2001, p. 961.
1106 C.E.D.H., 27 juillet 2006, Gubler c/ France, requête n° 69742/01.
1107 C.E., 26 juillet 2007, Société Global Equities, n° 293624.
1108 Cf supra n° 460 et 461.
1109 Le risque de partialité semble moins grand dans les instances disciplinaires provinciales, avec un
conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d’appel. Malheureusement, il sera
difficile d’avoir la réponse à cette question, dans la mesure où la déclaration de conformité du 29
septembre 2011 vaut pour l’ensemble de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971. C’est en tous cas
la raison pour laquelle, la première chambre civile de Cour de cassation a refusé, le 6 octobre 2011,
de transmettre une QPC sur ce point précis, aucun changement de circonstances n’étant intervenu
entre temps.
1110 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique préc.
L’existence du procès 285

siègent au conseil de discipline seraient d’un quelconque parti pris dans une affaire

donnée, à la seule raison qu’ils côtoieraient régulièrement l’autorité de poursuite,

dans une autre instance, dont l’objet et le rôle n’ont rien de comparable.

470. Bien différente en tous cas est la situation du magistrat du siège dans la

procédure de C.R.P.C., dont le rôle consiste seulement à homologuer ou refuser un

acte judiciaire, comportant des dispositions, préalablement fixées en amont par un

membre du parquet. Concernant la profession d’avocat, les imbrications croisées

entre les organes administratifs et les instances disciplinaires, bien plus qu’une

entorse au principe de séparation des fonctions juridictionnelles, posent plutôt de

réelles difficultés au regard de l’impartialité personnelle1111.

3) L’extension aux autorités administratives indépendantes

471. Depuis que le Conseil constitutionnel leur a reconnu un pouvoir de sanction

encadré1112, il ne faisait guère de doute que le principe de séparation des fonctions

répressives devait s’appliquer aussi aux autorités administratives indépendantes 1113.

La décision concernant l’ancienne Commission bancaire1114, remplacée en 2010 par

l’Autorité de contrôle prudentiel1115, ne fit donc que confirmer la jurisprudence

1111 Cf infra n° 552 et s.


1112 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.
1113 Sur la question de l’appréciation de l’impartialité des autorités administratives indépendantes par
le Conseil d’État, DELZANGLES H., L'indépendance des autorités de régulation sectorielles :
communications électroniques, énergie et postes, Thèse dactyl., Bordeaux IV, 2008 ; DUBRULLE J.-B.,
« La difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le pouvoir de sanction des autorités
administratives indépendantes «, L.P.A., 2007, n° 133, p. 14.
1114 Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d'Azur [Pouvoir disciplinaire de
la Commission bancaire], JO, 3 décembre 2011, p. 20496.
1115 Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle
de la banque et de l'assurance, JO, 22 janvier 2010, p. 1392, qui est venue instaurer l’Autorité de
contrôle prudentiel (ACP) à la place de la Commission bancaire, du Comité des entreprises
d’assurance (CEA), du Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement
(CECEI) et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).
286 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

constitutionnelle antérieure, en faisant prévaloir une interprétation exigeante du

principe d'impartialité, qui va même au-delà des prescriptions de la Cour

européenne des droits de l'homme1116.

472. Victime d’un blâme et d’une sanction disciplinaire, prononcés par la

Commission bancaire, conformément aux pouvoirs que lui confère l'article L613-21

du Code monétaire et financier, la Banque populaire de la Côte d'Azur avait

introduit, devant le Conseil d’État, une question prioritaire de constitutionalité,

contestant la conformité, au principe d'impartialité, de la procédure suivie par cette

autorité de régulation. Bien que la Commission bancaire ait été absorbée par

l'Autorité de contrôle prudentiel et que les dispositions litigieuses ne soient plus en

vigueur à la date de la saisine du Conseil constitutionnel, ce dernier avait considéré,

l’année précédente, que de telles circonstances n’étaient pas, en soi, susceptibles de

porter atteinte au caractère sérieux de la question posée1117.

473. Etait en cause, l’absence de séparation entre les fonctions de poursuite et de

sanction, en raison de la faculté pour la Commission bancaire de s’autosaisir d’une

affaire, qu’elle serait compétente pour juger ultérieurement. D’une manière générale,

la capacité d’autosaisine d’une autorité, chargée de rendre ultérieurement un verdict,

fait planer un doute sur son impartialité, lorsqu’il s’agira de statuer sur le fond du

litige1118, même si le droit positif reconnaît certaines situations, dans lesquelles elle est

admise1119. La position du Conseil constitutionnel sur cette question est claire, il a eu

1116 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France, requête n° 5242/04.


1117 Décision n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 2. : « [...] la modification ou l’abrogation
ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l’atteinte éventuelle [aux droits et libertés que la
Constitution garantit] ; qu’elle n’ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par
suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel
au motif de l’absence de caractère sérieux de cette dernière ».
1118 BOLARD G., « L’arbitraire du juge », Le juge entre deux millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai,
Dalloz, Paris, 2000, p. 225.
1119 Article 1er du Code de procédure civile : « Seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi
en dispose autrement ».
L’existence du procès 287

d’ailleurs la double opportunité de la préciser récemment1120. Le principe est celui de

la prohibition de l’autosaisine du juge, qui supporte néanmoins des limitations, à la

double condition que celles-ci soient, d’une part, justifiées par la poursuite d’un

objectif d’intérêt général et, d’autre part, encadrées par des garanties à même

d’assurer le respect du principe d’impartialité des juridictions.

474. Cette remise en cause de la capacité d’autosaisine de la Commission bancaire,

dans son versant juridictionnel1121, n’est pas nouvelle puisqu’elle constituait déjà le

fondement de la contestation dans une même affaire, que plusieurs juridictions,

nationales et européennes, eurent à connaître successivement.

475. Le Conseil d’État, d’abord, dans le premier volet de l’affaire Dubus 1122, considéra

que le pouvoir donné à la Commission bancaire de se saisir elle-même n'était pas, en

soi, contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits

de l'homme1123. Il est vraisemblable que ce soit la pratique procédurale suivie,

permettant, grâce à l’existence de suppléants, une composition de la Commission

différente de celle à l’origine des poursuites, qui ait pu amener la juridiction

administrative à statuer ainsi. Ce n’est là, en tous cas, qu’un palliatif bien fragile et

surtout bien insuffisant1124, pour assurer une garantie satisfaisante d’impartialité. Et

1120 Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre [Autorité de la
concurrence : organisation et pouvoir de sanction], JO, 13 octobre 2012, p. 16031 ; Décision n° 2012-286
QPC du 7 décembre 2012, Société Pyrénées services et autres [Saisine d'office du tribunal pour
l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire], JO, 8 décembre 2012, p. 19279, Cons. 4.
1121 En vertu des textes législatifs, la Commission bancaire revêt une double nature juridique, autorité
administrative quand elle exerce sa mission de surveillance, juridiction administrative quand elle
exerce son pouvoir de sanction.
1122 C.E., 30 juillet 2003, Société Dubus SA, n° 240884.
1123 Idem (cinquième considérant) : « [...] qu'une telle possibilité conférée à une juridiction de se saisir de son
propre mouvement d'affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n'est pas, en soi,
contraire à l'exigence d'équité dans le procès rappelé par l'article 6-1 de la convention européenne des droits
de l'homme et des libertés fondamentales ; ».
1124 Dans les deux décisions (constitutionnelle et conventionnelle), commentées ci-après, précisément,
dans les deux cas, un titulaire avait participé à la décision d'ouverture des poursuites, puis avait
siégé dans la formation de jugement, faute de suppléants suffisamment nombreux pour atteindre
le quorum.
288 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

même, si ce n’était pas la première fois qu’elle adoptait cette contestable position1125,

il était assez prévisible qu’elle exposerait la France à une condamnation de la Cour

européenne des droits de l’homme. Ce fut chose faite en 2009, dans le même dossier,

parvenu jusqu’au prétoire strasbourgeois1126.

476. La Cour européenne, cependant, ne condamne pas, en soi, le principe même de

la faculté d’autosaisine d’une juridiction, chargée ensuite de prononcer les sanctions,

principe pourtant à l'origine de la confusion des pouvoirs1127. C’est plutôt

l’insuffisance des garanties qui devraient l’encadrer, en raison notamment de la trop

grande imprécision des textes applicables, qui est mise en cause par le juge européen.

Cela le conduit, inéluctablement, à prononcer une décision de contrariété de

l’organisation de la Commission bancaire, au regard du principe d’impartialité. C’est

la « théorie des apparences1128 » qui a été déterminante ici, tant la Cour estime que

« la société requérante pouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes

personnes qui l’ont poursuivie et jugée1129 » et en conclut donc, qu’elle « croit nécessaire

d'encadrer plus précisément le pouvoir de se saisir d'office de manière à ce que soit effacée

l'impression que la culpabilité de la requérante a été établie dès le stade de l'ouverture de la

procédure1130 ».

477. Autrement dit, pour le Conseil d’État1131, comme pour la Cour européenne, la

saisine d’office n'est pas, intrinsèquement, contraire aux stipulations

conventionnelles européennes. Pour la juridiction administrative, ce qui est prohibé,

c’est que l’acte de saisine laisse trop ostensiblement percer l’opinion du juge, en

1125 Cf notamment C.E., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited, n° 180122, Rec. p. 433 ; A.J.D.A.,
2000, p. 1071, note SUBRA DE BIEUSSES P., L.P.A., 8 février 2001, n° 6, p. 272, note SALOMON R.,
même si le Conseil d’État parvient à une solution différente ici.
1126 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France préc.
1127 Elle affirme même qu’elle « s’accorde avec l’analyse du Conseil d’État, qui n’a pas remis en cause la
faculté d’autosaisine de la Commission bancaire », Idem, § 60.
1128 JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, op. cit.
1129 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France préc., § 60.
1130 Ibidem.
1131 C.E., 6 janvier 2006, Sté Lebanese Communication Group, n° 279596, Rec. p. 1.
L’existence du procès 289

impliquant une appréciation préalable. Les faits litigieux ne doivent pas paraître

établis, sans possibilité de remise en cause. Quand tel est le cas, il y atteinte au

principe de séparation des fonctions de poursuite et de sanction1132, alors que la

procédure est validée dans l’hypothèse inverse1133. Pour la Cour de Strasbourg, toutes

ces conditions précédentes sont nécessaires, mais nullement suffisantes en elles-

mêmes. La procédure de saisine d’office peut passer entre les « fourches caudines »

du juge européen, mais à la condition expresse, de bénéficier d’un encadrement

précis et efficace. Le Conseil d'État alignera finalement sa position sur celle de la

Cour en jugeant que, « eu égard à l'insuffisance des garanties dont la procédure était

entourée, la circonstance que les mêmes personnes se prononcent sur la décision de

poursuivre, d'une part, et sur la sanction, d'autre part, était de nature à faire naître un doute

objectivement justifié sur l'impartialité de cette juridiction1134 ».

478. C’est dans ce cadre jurisprudentiel fourni, qu’intervient la décision du Conseil

constitutionnel, qui retient ici une acception exigeante du principe constitutionnel

d’impartialité, en imposant une stricte séparation des fonctions de poursuite et de

sanction. Il est, sur cette question, en parfaite symbiose avec l’interprétation de la

Cour de cassation1135 et va au-delà des exigences de la juridiction européenne, car il

semblerait que ce soit le principe même de la confusion des fonctions de poursuite et

de jugement1136, qui entraîne la déclaration de contrariété.

479. Les pratiques ponctuelles des suppléants, exposées précédemment1137 et dont le

ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie faisait état dans ses

1132 C.E., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited préc.


1133 C.E., 30 juillet 2003, Dubus SA préc.
1134 C.E., 8 novembre 2010, Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, n° 329384 ; n° 330042 ;
Bull. Joly Bourse, février 2011, § 52, p. 76, COLLIN P., CRÉDOT F. et SAMIN T., Gaz. Pal., 15-17 mai
2011, p. 1627, note du MARAIS B.
1135 Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, Commission des opérations de bourse c/ Oury, pourvoi n° 97-16440,
Bull. civ., 1999, A.P., n ° 1, p. 1.
1136 Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 préc., Cons. 8.
1137 Cf supra n° 475.
290 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

observations en défense, n’ont pas emporté l’adhésion du juge constitutionnel. Une

légère inflexion est, tout de même, à signaler récemment, concernant la procédure

permettant à l’Autorité de la concurrence de se saisir d’office, sur proposition du

rapporteur général1138, en cas de manquement aux engagements, découlant des

décisions autorisant une opération de concentration. La position du Conseil

constitutionnel rejoint ici celle du juge administratif. Le brevet de constitutionnalité a

été accordé aux dispositions litigieuses, en raison des garanties légales entourant la

saisine1139, considérées comme suffisantes pour éloigner le risque de préjugement1140.

480. Depuis, le législateur français a tiré tous les enseignements normatifs qui

s’imposaient de ces différentes condamnations, en instituant l'Autorité de contrôle

prudentiel, qui sépare de manière très étanche les fonctions de poursuite, exercées

par un collège et celles de jugement, confiées à la commission des sanctions. Pour

autant, ce modèle procédural rigoureux, en parfaite conformité avec les exigences les

plus sévères, est encore loin d’être généralisé à toutes les autorités administratives

indépendantes, dotées d’un pouvoir de sanction. Or, cette exigence constitutionnelle,

1138 Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 préc.


1139 La saisine ne peut intervenir que sur proposition du rapporteur général auprès de l’Autorité de la
concurrence et l’autosaisine ne fait qu’initier de nécessaires investigations, sans présager de leur
issue, Cf LE BOT O., obs., Décis. Cons. const. n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, « Le pouvoir de
sanction des autorités administratives soumis aux principes d'indépendance et d'impartialité »,
Constitutions, 2013, p. 98.
1140 Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 préc., Cons. 20 : « ces dispositions, relatives à l'ouverture
de la procédure de vérification de l'exécution des injonctions, prescriptions ou engagements figurant dans
une décision autorisant une opération de concentration, ne conduisent pas l'autorité à préjuger la réalité des
manquements à examiner ».
A noter que le professeur Olivier LE BOT, obs., Décis. Cons. const. n° 2012-280 QPC du 12 octobre
2012, op. cit., p. 95, considère qu’il s’agit là de la première application du principe d’impartialité, au
pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes, car il place la Commission
bancaire dans la catégorie des juridictions administratives spéciales, tout en considérant qu’elle
exerce concomitamment des fonctions administratives. De ce fait, il semble plus simple de la
classer parmi les autorités administratives indépendantes, avec lesquelles elle partage plus d’un
trait commun. C’est d’ailleurs le choix opéré par le commentaire aux Cahiers du Conseil
constitutionnel, sur la décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013 précitée concernant l’A.R.C.E.P.,
qui précise : « Dans sa décision du 2 décembre 2011 relative au pouvoir disciplinaire de la Commission
bancaire, le Conseil constitutionnel a expressément jugé que la séparation des fonctions de poursuite et de
jugement s’imposait aux autorités administratives indépendantes (AAI) exerçant des fonctions que la loi
qualifie de juridictionnelles ».
L’existence du procès 291

de séparation stricte entre les fonctions de poursuite et de sanction, ne s’impose

désormais pas seulement aux juridictions au sens organique du terme, mais devra

être respectée par toutes les entités indépendantes, dotées de pouvoirs coercitifs. Un

nombre important d’autorités (et pas des moindres) devront sans doute être

réformées, afin de mettre leur structure en adéquation avec les exigences du juge

constitutionnel. Il en est, d’ores et déjà ainsi, de l’Autorité de Régulation des

Communications Électroniques et des Postes (A.R.C.E.P.), qui ne connaissait pas de

séparation disjointe des organes de poursuite et de jugement et qui vient d’être

condamnée, à la faveur d’un changement de circonstances, lors d’une question

prioritaire de constitutionnalité contestant son impartialité structurelle1141.

B) La séparation rigoureuse des fonctions d’instruction et de

jugement

481. La distinction étanche, entre celui qui instruit une affaire et celui qui la juge, est

un gage de justice impartiale, imposé par le Code de procédure pénale. À l’instar de

la démarche entreprise pour la séparation des fonctions de poursuite et de jugement,

le Conseil constitutionnel commença par assurer le respect du principe dans son

cadre naturel, celui du droit pénal (1), en détaillant clairement les contraintes qui en

découlent, avant de l’étendre à une autre forme de sanction punitive, celle prononcée

par une instance disciplinaire (2).

1141 Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, préc.


292 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) L‘initiation du principe dans le cadre pénal

a) La justice pénale maritime

482. La séparation des organes d’instruction et de jugement en matière répressive est

posée, sans la moindre ambiguïté, par deux dispositions du Code de procédure

pénale. D’abord, l’article 491142, alinéa 2, affirme que le juge d’instruction ne peut, à

peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales qu’il a instruites.

Ensuite, l’article 253 du même Code, pose les conditions d’exclusion de la cour

d’assises. Ainsi, ne peuvent en faire partie, « en qualité de président ou d'assesseur les

magistrats qui, dans l'affaire soumise à la Cour d'assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou

d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond

relative à la culpabilité de l'accusé ».

483. Le Conseil constitutionnel fait une application, à la fois extensive et rigoureuse,

de ce principe de cloisonnement des fonctions d’instruction et de sanction. De plus, à

l’image de sa jurisprudence sur la séparation des autorités chargées de l’action

publique et des autorités de jugement, ses exigences dépassent, ici encore, celles de la

Cour européenne des droits de l’homme. Les positions de la juridiction

constitutionnelle confirment, le cas échéant, que sa priorité en matière de procès

équitable repose sur la nécessité d’un juge de qualité, indépendant des pouvoirs

publics et en situation de parfaite neutralité, vis à vis de l’affaire dont il a à connaître.

484. Il eut d’abord une première occasion, dont il ne s’est malheureusement pas saisi,

de clarifier sa position, sur cette question essentielle pour l’impartialité de la justice.

Même si l’on peut regretter ce rendez-vous en partie manqué, notamment pour deux

1142 « Le juge d'instruction est chargé de procéder aux informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III.
Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge
d'instruction [..] ».
L’existence du procès 293

raisons qui seront exposées, il sera toutefois possible d’en tirer de riches

enseignements. Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité 1143, le

Conseil dut se prononcer, sur la conformité aux droits et libertés que la norme

fondamentale garantit, de la composition, des maladroitement nommés Tribunaux

maritimes commerciaux1144. En effet, il s’agit en réalité de juridictions pénales

échevinales, instituées en 19391145 et chargées de juger des infractions maritimes

spécifiques, définies par le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande 1146.

Ces tribunaux sont présidés par un magistrat du siège et sont composés de quatre

assesseurs non magistrats, parmi lesquels un administrateur des affaires maritimes et

un agent des affaires maritimes, voire deux, quand le prévenu n’est pas un marin. Le

requérant invoquait deux griefs d’inconstitutionnalité. En premier lieu, une atteinte à

l’indépendance de la justice, dans la mesure où les fonctionnaires de l’administration

des affaires maritimes restent sous l’autorité hiérarchique du gouvernement1147. En

second lieu, une violation du principe d’impartialité du juge, puisque les fonctions

d’instruction et de jugement, sont successivement exercées par des fonctionnaires,

certes distincts1148, mais rattachés à la même administration.

485. Le Conseil ne va répondre qu’à la première partie de la question prioritaire de

constitutionnalité, estimant que l’atteinte à l’indépendance de la justice,

conformément à sa technique jurisprudentielle de l’économie de moyens, suffit en

1143 Décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux],
JO, 3 juillet 2010, p. 12120.
1144 L’adjectif « commercial » a été choisi pour désigner le caractère professionnel et non militaire, de la
compétence de ces tribunaux.
1145 Décret-loi du 29 juillet 1939 modifiant les art. 25, 30, 31, 33, 35, 36, 37, 86, 88, 90, 91, 92, 93 et 94 de
la loi du 17-12-1926 portant Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, JO, 3 août 1939,
p. 9820.
1146 Les tribunaux maritimes commerciaux sont compétents pour connaître des contraventions ou
délits prévus par les articles 39 à 43, 45, 54 à 57, 59, 62 à 67, 80 à 85, 87 et 87 bis du Code
disciplinaire et pénal de la marine marchande.
1147 Décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010 préc., Cons. 2.
1148 Le quatrième alinéa de l’article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, dispose
que l’administrateur, membre du tribunal maritime commercial, n’a pas participé préalablement à
l’instruction de l’affaire jugée.
294 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

soi, à fonder le motif d’inconstitutionnalité de l’article 90 du Code disciplinaire et

pénal de la marine marchande et ceci, malgré les garanties d’indépendance et

d’impartialité, figurant dans le décret n° 56-1219 du 26 novembre 1956. Le lien de

subordination clairement établi, entre les administrateurs des affaires maritimes et le

gouvernement, est suffisant pour caractériser l’atteinte à l’indépendance de la justice,

rattachée à l’article 16 de la Déclaration de 1789.

486. Il est permis de tirer un enseignement majeur de cette jurisprudence et

d’exprimer deux regrets. L’enseignement, tout d’abord : le grief d’indépendance a,

de toute évidence, éclipsé le reproche d’impartialité, adressé aux tribunaux

maritimes commerciaux. Si l’impartialité a été, d’une certaine façon, absorbée par

l’indépendance, c’est que la seconde est une condition structurelle, indispensable à la

réalisation de la première, qui peut néanmoins, être conjoncturellement altérée. Un

juge indépendant peut, ponctuellement, ne pas être impartial, en raison des fonctions

qu’il exerce dans une juridiction donnée (impartialité fonctionnelle) ou, eu égard aux

liens qu’il entretient avec une des parties au procès, dans lequel il assure une des

fonctions judiciaires1149 (impartialité personnelle). En revanche, un juge privé de son

indispensable indépendance structurelle ne peut être totalement impartial, puisque

cette qualité n’est autre que « l’indépendance en action »1150. Tel est, sans doute, le

théorème juridique à retenir de cette décision constitutionnelle.

487. Le premier regret, ensuite : si le Conseil constitutionnel s’était penché sur la

question de l’impartialité des tribunaux maritimes commerciaux, il eut été possible

de savoir si, la limitation du champ d’application, en matière pénale, du principe de

séparation des fonctions judiciaires aux seules infractions de droit commun, était

1149 Poursuite, instruction ou jugement.


1150 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice «, op. cit., p. 305.
L’existence du procès 295

maintenue1151. Cette précision, introduite lors de l’examen de la constitutionnalité de

l’injonction pénale, ne semblant guère reposer que sur des considérations

d’opportunité1152, le juge constitutionnel serait, sans doute, bien avisé d’y renoncer.

488. Le second regret, enfin : l’abstention de la Haute juridiction sur cette question,

ne permet pas de connaître sa position sur l’incidence réelle de l’identité du titulaire

des deux fonctions. Le Conseil constitutionnel n’est réellement hostile au cumul des

fonctions de poursuite et de jugement en matière pénale, que dans le cas de figure où

c’est la même personne qui les exerce successivement. La décision du 3 juillet 2010 ne

permet pas de savoir avec certitude, même si la rédaction du quatrième considérant

laisse plutôt entrevoir une réponse positive1153, si ce principe est transposable au

cloisonnement des autorités chargées d’instruire et de sanctionner. Il faudra attendre

une année supplémentaire, pour obtenir un élément de réponse plus précis à cette

question.

b) La justice pénale des mineurs

489. Deux décisions controversées de l’été 20111154, qui suscitèrent d’ailleurs des

réactions parfois hostiles1155, offrirent la possibilité au Conseil constitutionnel

d’éclaircir (et de confirmer) sa position, particulièrement exigeante, sur la question

du cloisonnement des fonctions d’instruction et de jugement.

1151 Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc.


1152 Cf supra n° 450 et 451.
1153 « [...] dès lors, même si la disposition contestée fait obstacle à ce que l'administrateur des affaires maritimes
désigné pour faire partie du tribunal ait participé aux poursuites ou à l'instruction de l'affaire en
cause [...] ».
1154 Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants], JO, 9
juillet 2011, p. 11979 ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, JO, 11 août 2011, p. 13763.
1155 LAZERGES C., « La démolition méthodique de la justice des mineurs devant le Conseil
constitutionnel », R.S.C., 2011, p. 728.
296 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

490. La première décision, consécutive à une question prioritaire, portait sur la

conformité aux droits et libertés constitutionnelles, de l'article L251-3 du code de

l'organisation judiciaire, qui permet au juge des enfants ayant instruit un dossier, de

présider ensuite le tribunal pour enfants, en charge de juger l’affaire. De manière

similaire, la seconde, intervenue quant à elle, dans le cadre du contrôle préventif,

concernait la nouvelle juridiction du tribunal correctionnel pour mineurs. Le même

reproche lui était adressé : aucune disposition du nouvel article 24-1 de l’ordonnance

de 19451156, n’interdisait au juge des enfants, chargé de diligenter des opérations

d’instruction, de siéger ultérieurement, en tant que président, dans la juridiction de

jugement nouvellement instituée. Dans les deux cas, la réponse du Conseil

constitutionnel fut la même : l’identité des autorités d’instruction et de jugement

contrevient au principe d’impartialité, y compris, dans la si particulière justice pénale

des mineurs, qui voit ainsi ses fondements sérieusement ébranlés, par la

jurisprudence constitutionnelle.

491. La justice pénale des mineurs1157 bénéficie, depuis le début du XXe siècle1158, d’un

traitement procédural différencié, accentué par l’ordonnance du 2 février 1945

précitée et consacré, par le principe fondamental reconnu par les lois de la

République de 20021159. C’est la volonté et, au-delà, la nécessité, d’apporter la réponse

judiciaire la plus adaptée à l’âge et à la personnalité du mineur délinquant, qui

justifie la création d’une juridiction spécialisée et la mise en place de procédures

spécifiques. En conséquence, l’organisation de la justice pénale des mineurs est d’une

grande complexité. Elle se caractérise par une ramification procédurale et une

distribution des compétences entre les différents acteurs, dans le but récurrent

1156 Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, JO, 4 février 1945, p. 530.
1157 BAILLEAU F . (dir.), La justice pénale des mineurs en Europe : entre modèle Welfare et inflexions néo-
libérales, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 2007 ; YOUF D. (dir.), La justice pénale des
mineurs, La documentation française, Paris, 2007.
1158 Le tribunal pour enfants a été créé par l’article 18 de la loi sur les tribunaux pour enfants et
adolescents et sur la liberté surveillée du 22 juillet 1912, JO, 25 juillet 1912, p. 6690.
1159 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 26.
L’existence du procès 297

d’adapter le traitement judiciaire, au profil du mineur et selon la gravité des

infractions qu’il a commises.

492. Ainsi, si le procureur de la République dispose du monopole des poursuites, il

lui appartient ensuite de répartir les affaires à instruire, entre le juge d’instruction et

le juge des enfants, en fonction de la nature du délit 1160 et de leur degré de

complexité. La fonction de jugement est ensuite partagée, entre, le tribunal pour

enfants1161, saisi par ordonnance du juge d’instruction ou du juge des enfants et ce

dernier, qui cumule alors les fonctions d’instruction et de sanction. C’est aussi le cas,

quand il préside le tribunal correctionnel pour mineurs, juridiction compétente pour

juger les mineurs récidivistes de plus de seize ans, poursuivis pour des délits punis

d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans.

493. C’est cette question de la conformité du cumul de fonctions, résultant de cette

possibilité offerte au juge des enfants, qui a instruit le dossier, de présider ensuite,

lui-même, la juridiction collégiale de jugement, qui a été soulevée d’office par le

Conseil constitutionnel, dans la décision de juillet. Ce grief, qui n’avait pas été

invoqué par le requérant, mais sur lequel le juge constitutionnel a souhaité se

pencher1162, s’explique généralement par le souci d’assurer une certaine stabilité au

mineur justiciable. Le fait que ce soit le même magistrat, qui suive le dossier de

l’instruction jusqu’au jugement, permettrait ainsi une meilleure prise en compte des

intérêts du délinquant, dans la mesure où le parcours judiciaire (souvent parsemé

d’antécédents) de celui-ci serait mieux appréhendé par l’autorité de jugement. Toutes

1160 Le juge d’instruction a une compétence exclusive en matière criminelle alors que la compétence est
partagée en matière délictuelle et en matière de contraventions de cinquième classe.
1161 Délits et contraventions de cinquième classe commis par les mineurs de dix-huit ans, ainsi que des
crimes commis par les mineurs de seize ans.
1162 Il est assez intéressant de constater, que la capacité du Conseil constitutionnel de soulever d’office
une question de conformité à la Constitution, même précisément, dans le souci de protéger ce
principe, peut poser un problème d’impartialité. Il est, en effet, possible de se demander si, dans
un cas comme celui-ci, la saisine d’office ne préjuge pas un tant soit peu de la décision finale.
298 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ces justifications sont passées sous silence par les deux décisions du Conseil, qui n’a,

de toute évidence, pas souhaité les prendre en considération.

494. Les deux censures constitutionnelles peuvent, de prime abord, sembler

excessives au regard des principes qui ont toujours sous-tendu la justice des mineurs.

Elles étaient pourtant anticipables, au regard de la jurisprudence antérieure sur cette

question et surtout, elles reposent sur une logique rigoureuse en apparence, mais qui

dissimule malgré tout, une légère incohérence.

495. Pour le Conseil constitutionnel, que le juge des enfants qui a instruit la

procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance,

de surveillance ou d'éducation, ne pose pas de difficultés particulières, au regard du

principe d'impartialité. Ce qui est condamné, c’est la seule présidence d’une

juridiction de jugement, tribunal pour enfants ou tribunal correctionnel pour

mineurs, habilitée à prononcer des peines. Il est possible d’en tirer deux

enseignements.

496. Premièrement, la confusion des autorités d’instruction et de jugement n’est

strictement prohibée, que dans le champ d’application matériel des peines. C’est

donc là une acception stricte du principe de séparation des fonctions répressives, qui

n’est là pour garantir l’impartialité de la justice, que dans le cas où celle-ci serait

potentiellement susceptible de prononcer des mesures à caractère punitif. C’est

l’essence même du principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement,

qui n’a réellement de sens qu’en matière pénale, afin d’assurer un double regard

objectif sur une même affaire. Dans l’hypothèse où la procédure ne peut conduire

qu’au prononcé de mesures éducatives à caractère préventif, la connaissance

approfondie du dossier, par un même magistrat, retrouve tout son sens. Il sera

seulement fait observer, qu’on comprend difficilement pourquoi, le juge des enfants
L’existence du procès 299

renverrait au tribunal pour enfants, le soin de prononcer des mesures, qu’il a la

compétence d’ordonner lui-même.

497. Deuxièmement, c’est la seule présidence de la juridiction collégiale, par le

magistrat ayant instruit le dossier, qui est censurée par le Conseil constitutionnel, pas

sa simple participation à la formation de jugement. Cette restriction est critiquable, à

plusieurs égards. Les deux principales dispositions du Code de procédure pénale,

l’article 49, alinéa 2 et l’article 253, précédemment cités1163, qui posent le principe de

cloisonnement des autorités d’instruction et de sanction, ne contiennent pas cette

distinction, dont il est difficile de cerner les raisons ou de situer le fondement. Le juge

des enfants serait-il moins partial, en siégeant comme simple assesseur, plutôt qu’en

présidant la formation collégiale, à laquelle il a renvoyé l’affaire qu’il avait

préalablement instruite ? Tout au plus, son influence sur la décision finale, sera, sans

doute, atténuée, mais le risque de partialité individuelle reste le même dans les deux

situations.

498. Ces deux jurisprudences constitutionnelles traduisent une exigence plus sévère,

que celles de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme.

La Haute juridiction judiciaire1164 accepte cette dérogation au principe d’impartialité,

au nom de la spécificité de la justice pénale des mineurs, explicitement admise aussi

par le Conseil dans la décision de 20021165, en faisant prévaloir les préoccupations

éducatives1166 sur les objectifs de sécurité publique, là où le juge constitutionnel les

met en balance1167.

1163 Cf supra n° 482.


1164 Cass. Crim., 7 avril 1993, pourvoi n° 92-84725, Bull. crim., 1993, n° 152, p. 381.
1165 Cf décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 26, préc.
1166 « Mais attendu que l’ordonnance du 2 février 1945, en permettant pour les mineurs délinquants, dans un
souci éducatif, une dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut
exercer successivement, dans une même affaire, les fonctions d’instruction et de jugement, ne méconnaît
aucune disposition de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’une telle dérogation entre dans
les prévisions de l’article 14 du Pacte international de New York, relatif aux droits civils et politiques,
300 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

499. La même année, la Cour européenne de Strasbourg adopte une position assez

proche1168, en introduisant cependant une nuance, que le contrôle in concreto lui

permet. Elle ne condamne pas le cumul de fonctions en soi, mais estime qu’il pourrait

être contraire à l’impartialité du juge, en fonction de l’étendue des mesures

d’instruction qu’il a pu diligenter. Pour affiner son analyse, le juge européen reprend

la distinction, introduite par la jurisprudence Hauschildt1169, entre impartialité

objective1170 et impartialité subjective1171. Selon la Cour, l’impartialité revêt un double

visage, elle « doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la

conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective

amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute

légitime1172. ».

500. Dans l’affaire Nortier, il n’y avait pas violation des stipulations

conventionnelles, dans la mesure où « le juge en question n’avait presque pas entrepris

d’activité d’instruction, le requérant ayant reconnu sa faute dès le début de l’instance », ce

qui ne fut pas le cas, en 2010, dans une affaire polonaise, Adamkievicz 1173, dans

laquelle la juridiction strasbourgeoise conclut à une atteinte au principe

comme aussi dans celles des règles de Beijing, approuvées par les Nations unies le 6 septembre 1985, qui
reconnaissent la spécificité du droit pénal des mineurs ; », Cass. crim, 7 avril 1993, n° 92-84725, préc.
1167 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 28 : « Considérant, enfin, que, lorsqu'il fixe les
règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences
constitutionnelles énoncées ci-dessus avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir
les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la
sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ; ».
1168 C.E.D.H., 24 août 1993, Nortier c/ Pays-Bas, requête n° 13924/88, série A, n° 267, R.T.D.H., 1994,
p. 437, note VAN COMPERNOLLE J.
1169 C.E.D.H., 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, requête n° 10486/83, série A, n° 154, J.D.I., 1990,
p. 727, obs. ROLLAND P. et TAVERNIER P.
1170 Idem, § 48 : « Elle consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains
faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier ».
1171 Idem, § 47 : « Au demeurant, l’impartialité personnelle (subjective) d’un magistrat se présume jusqu’à la
preuve du contraire, non fournie en l’espèce ».
1172 Idem, § 46.
1173 C.E.D.H., 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, requête n° 54729/00.
L’existence du procès 301

d’impartialité. Certains commentateurs1174 ont cru y déceler une évolution de la

jurisprudence européenne, vers une application plus sévère du principe

d’impartialité. Il est difficile de souscrire totalement à cette analyse.

501. D’abord, la Cour prend soin de rappeler les principes posés dans la décision

Nortier, qui ne sont pas remis en cause, dès lors que le cumul de fonctions est

conforme à l'intérêt de l'enfant. C’est la même préoccupation qui a dicté la solution

du juge constitutionnel en juillet 2011, acceptant la confusion des fonctions quand le

juge prononce des mesures éducatives (conformité évidente à l'intérêt de l'enfant), la

refusant quand il préside la juridiction de jugement, habilitée à prononcer des peines

(pas de conformité à l'intérêt de l'enfant).

502. Surtout, ces deux décisions, Nortier et Adamkiewicz, ne sont que les deux

facettes d’une même jurisprudence, la première aboutissant à une application

positive et la seconde, à une conclusion négative. Dans les deux cas, la Cour

européenne cherche à mesurer la densité de l’intervention du magistrat en charge du

jugement, au cours de la phase d’instruction. Toute investigation trop fournie,

laissant percevoir des signes d’appréciation préalable sur le fond, conduira

inéluctablement à la censure.

503. Cette évaluation de l’intensité de l’intervention préalable d’un magistrat, dans

une affaire sur laquelle il sera ultérieurement amené à statuer, est une préoccupation

constante de la jurisprudence européenne des droits de l’homme. Dans les affaires

Padovani1175 ou Bulut1176, il est manifeste que le cumul des fonctions judiciaires n’est

1174 Cf le commentaire de M. Jean-Éric SCHOETTL de la décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011


préc., aux Cahiers du Conseil constitutionnel.
1175 C.E.D.H., 26 février 1993, Padovani c/ Italie, requête n° 13396/87, série A, n° 257.
1176 C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c/ Autriche, requête n° 17358/90, Rec. CEDH, 1996, II, n° 5, p. 346,
A.J.D.A., 1996, p. 1013, obs. FLAUSS J.-F., J.C.P., 1997, I, 4000, obs. SUDRE F.
302 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

plus, en soi, une cause automatique de partialité1177. Il y a là, à l’égard d’une mesure

d’instruction réalisée par l’autorité de jugement, en matière de justice pénale, le

même critère de validité que celui opérant pour la saisine d’office. Ni l’une, ni l’autre

ne sont intrinsèquement contraires aux stipulations conventionnelles européennes,

mais ce qui est prohibé, c’est qu’elles laissent, de manière trop ostentatoire,

transparaître une évaluation préalable sur le fond de l’affaire.

2) Le prolongement dans le domaine disciplinaire

504. Le Conseil constitutionnel réitérera la même fermeté, à l’égard d’une

perméabilité potentielle entre les fonctions d’instruction et de jugement, dans le

cadre de la procédure applicable aux juridictions disciplinaires des vétérinaires 1178.

Rien d’étonnant à cela, dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait déjà

clairement manifesté sa désapprobation de voir le juge des enfants, instructeur d’une

affaire, présider ensuite la juridiction en charge de prononcer les sanctions1179. Puis,

lors de l’examen de l’impartialité du conseil de discipline des avocats, le juge

constitutionnel s’était minutieusement assuré que les dispositions litigieuses faisaient

obstacle au bâtonnier, autorité de poursuite, de siéger par la suite, dans la formation

disciplinaire1180. La combinaison de ces deux décisions laissait donc entrevoir l’issue

du contrôle effectué, sur la composition de la juridiction disciplinaire d’appel de la

profession de vétérinaire et confirmait, ici encore, les solides exigences

1177 Idem, § 33 : « En l'espèce, la crainte que la juridiction de jugement ait pu ne pas être impartiale se fonde sur
le fait que l'un des juges avait interrogé des témoins lors de l'instruction préparatoire. Incontestablement,
pareille situation peut susciter chez le prévenu des doutes sur l'impartialité du juge, mais on ne saurait
pourtant les considérer comme objectivement justifiés qu'en fonction des circonstances de la cause; qu'un
juge de première instance ait déjà eu à connaître de l'affaire avant le procès ne saurait en soi justifier des
appréhensions quant à son impartialité ».
1178 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 préc.
1179 Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 préc. ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
1180 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc., Cons. 5 : « Considérant, en deuxième lieu, qu'il
résulte des termes de l'article 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée que le bâtonnier de l'ordre du
barreau de Paris n'est pas membre de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris ; ».
L’existence du procès 303

constitutionnelles, en matière d’impartialité du juge. De manière constante, ces

dernières dépassent les prescriptions du Conseil d’État et de la Cour européenne des

droits de l’homme, qui adoptent, toutes deux, sur la question, des positions

jurisprudentielles plus nuancées.

505. En l’espèce, était en cause, la possibilité offerte à un membre du Conseil

supérieur de l’ordre des vétérinaires, à l’origine des poursuites et acteur principal

des opérations d’instruction1181, de siéger ensuite, dans la juridiction disciplinaire de

deuxième degré, qui entend en appel, les jugements rendus par la Chambre régionale

de discipline1182. La décision constitutionnelle ne condamne pas, en soi, la présence

de membres en exercice du conseil de l’ordre, dans les formations disciplinaires. En

cela, elle s’inscrit parfaitement en droite ligne, de ce qui avait été jugé pour les

avocats, deux mois auparavant1183.

506. Néanmoins, cette porosité entre les deux instances, administrative et

disciplinaire, ne doit pas conduire celui qui a accompli des actes d’instruction, à

siéger, ultérieurement, au sein de la chambre supérieure de discipline. C’est sous

cette indispensable réserve, que le brevet de constitutionnalité est accordé. Une fois

encore, comme il l’avait fait précédemment pour le juge des enfants, le Conseil

constitutionnel, en application de l’article 7 du règlement du 4 février 20101184, a

soulevé d’office ce grief d’atteinte potentielle au principe d’impartialité, en raison du

cumul possible des fonctions d’instruction et de sanction, ce qui témoigne de son

attachement au strict respect de cette qualité essentielle du juge. Le reproche adressé

à une disposition législative d’y porter atteinte est ainsi devenu, aujourd’hui, un

moyen d’ordre public, dans la jurisprudence constitutionnelle.

1181 Les dispositions litigieuses n’empêchent pas, non plus, ce cumul de fonctions.
1182 Article L242-8 du Code rural et de la pêche maritime.
1183 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc.
1184 Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010 préc.
304 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

507. Le Conseil d'État s’était montré beaucoup plus permissif, au sujet de la

Commission bancaire, en estimant « qu’aucun principe général du droit, non plus que les

stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde

des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'impose la séparation des phases

d'instruction et de jugement au sein d'un même procès1185 ». Sa position ne faisait

d’ailleurs encourir aucune condamnation particulière à la France, puisque la Cour

européenne partageait cet avis conciliant. Dans la même affaire, elle a jugé, que le

cumul des fonctions d'instruction et de sanction, pouvait être compatible avec le

respect de l'impartialité, garanti par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention

européenne, mais à la condition que ce cumul soit « subordonné à la nature et l'étendue

des tâches du rapporteur durant la phase d'instruction, et notamment à l'absence

d'accomplissement d'acte d'accusation de sa part1186 ».

508. Ce sont ici les mêmes considérations que dans l’affaire Adamkiewicz , qui
1187

président à la décision de la Cour européenne, favorisée en ce sens, par le contrôle in

concreto qu’elle met en œuvre. La perméabilité des deux fonctions n’est condamnable,

que si l’étendue et l’orientation de la première laissent présager de l’issue de la

seconde. Telle est la position constante du juge strasbourgeois. C’est ainsi, en tous

cas, qu’il faut interpréter la mise en garde de la Cour européenne des droits de

l’homme, contre toute réalisation d'acte d'accusation trop prononcé, durant la phase

d’instruction.

509. Le Conseil constitutionnel a une opinion plus tranchée, qui trouve sans doute

une partie de sa justification dans la nature, abstraite, de l’examen de

constitutionnalité qu’il effectue. Mais la forme du contrôle n’explique probablement

pas, à elle seule, la grande sévérité de la Haute juridiction, sur le cumul de fonctions

1185 C.E., 30 juillet 2003, Société Dubus SA préc.


1186 C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France préc., § 57.
1187 C.E.D.H., 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne préc.
L’existence du procès 305

judiciaires. En effet, rien ne l’empêchait de valider les dispositions contestées, sous la

réserve directive, que le juge d’application de la loi mesure la portée de l’intervention

de l’autorité de jugement, lors de la phase d’enquête et censure toute forme de

préjugement, intervenu au stade de l’instruction. La rigueur de sa jurisprudence

reflète surtout l’importance prioritaire qu’il accorde aux qualités de probité du juge,

garantes d’une procédure juste et équitable1188. Il peut donc surprendre qu’il ne

manifeste pas toujours les mêmes exigences, en matière de cumul de fonctions

politico- administratives et juridictionnelles, considérant que la nature de la première

intervention ne corrompt pas nécessairement la neutralité indispensable à la seconde.

§ 2. L’interdiction fluctuante du cumul de fonctions juridictionnelles et de

fonctions administratives ou politiques

510. Le problème soulevé par la participation, d’une même personne, sur le même

dossier mais à deux titres différents, le premier, dans le cadre du traitement

administratif ou de l’élaboration politique, le second, dans le cadre d’une procédure

juridictionnelle, est d’une nature assez éloignée, de celui rencontré précédemment,

avec la confusion des fonctions judiciaires. C’est sans doute ce qui explique la

réponse de la juridiction constitutionnelle sur ce point, qui ne fait pas preuve de la

même fermeté, hostile à toute forme de cumul. Tout au moins, le Conseil n’applique

pas, à l’analyse de son organisation et de son fonctionnement internes (B), la

jurisprudence dégagée dans le cadre du contentieux de l’aide sociale (A).

1188 Cf Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc., Cons. 5.


306 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) L’application rigoureuse dans le cadre du contentieux de l’aide

sociale

511. Le Conseil constitutionnel n’eut véritablement qu’une seule occasion de se

prononcer sur la conformité, au principe d’impartialité de la justice, de l’absence de

cloisonnement entre les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles.

Peut-on considérer qu’un procès est encore équitable quand, un ou plusieurs

membres de la juridiction de jugement appartiennent au service administratif, en

charge de traiter un dossier, qui se retrouve ensuite au cœur d’un contentieux

juridictionnel ? Telle est résumée, la question à laquelle le juge constitutionnel a dû

répondre le 25 mars 20111189.

512. Les Commissions départementales d’aide sociale (C.D.A.S.), puisque c’est d’elles

dont il s’agit, sont des juridictions administratives spécialisées de premier ressort,

compétentes pour juger des recours, formés contre les décisions du président du

Conseil général ou du préfet, en matière d’aide sociale. Les litiges qu’elles entendent,

portent principalement, pour la partie relevant de la compétence du Conseil général,

sur l'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées et, en ce qui

concerne les décisions préfectorales, sur les contestations en matière de couverture

maladie universelle.

513. La composition, atypique, de ces Commissions a souvent été contestée, que ce

soit dans des rapports officiels1190, ou lors de contentieux administratifs de l’excès de

pouvoir, où elle constitue un moyen de légalité externe, fréquemment utilisé par les

1189 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.


1190 En 2001, le rapport annuel de l'Inspection générale des affaires sociales, Les institutions sociales face
aux usagers, Doc. fr., p. 213, avait soulevé de nombreuses critiques sur la composition des C.D.A.S.,
litigieuse au regard du principe d'impartialité. Le Conseil d'État, ensuite, à deux reprises en fera de
même. D’abord, dans un rapport de 2004, relatif à l’avenir des juridictions spécialisées dans le
domaine social, Conseil d’État, L’avenir des juridictions spécialisées. Ensuite, il réitérera ses critiques
dans son rapport 2010, en affirmant notamment qu’« une justiciabilité digne de ce nom n'était pas
assurée en matière d'aide sociale » (Conseil d'État, Rapport 2010, p. 326).
L’existence du procès 307

requérants. L’article L134-6 du Code de l’action sociale et des familles1191, qui

organise leur composition, prévoit, en effet, que ces dernières comprennent, outre un

magistrat professionnel (qui préside) et trois conseillers généraux, trois

fonctionnaires départementaux, désignés par le préfet. En dehors d’un problème

d’indépendance, causé par le lien de subordination existant entre les fonctionnaires

et les autorités préfectorales1192 et d’une carence liée à une impartialité personnelle

défaillante, relative à la présence d’élus dans la formation de jugement1193, les

C.D.A.S. souffraient aussi d’un cloisonnement lacunaire, entre fonctions

administratives et fonctions juridictionnelles. En effet, les fonctionnaires siégeant

dans ces commissions pouvaient être amenés à se prononcer sur des questions

relevant de l’activité des services auxquels ils appartiennent. Aucune disposition

n’empêchait qu’un fonctionnaire territorial puisse statuer au contentieux, sur un

dossier qu’un de ses collègues, du même service départemental (ou lui-même), avait

auparavant traité administrativement.

514. Le Conseil d'État avait jugé1194 que la seule présence de fonctionnaires, parmi les

membres d'une juridiction, ne pouvait, en soi, être de nature à constituer un doute

légitime sur l'impartialité de celle-ci, y compris quand l’État était partie au litige.

Rendue dans le cadre du contrôle de conventionnalité, la décision du juge

administratif s’inscrivait ainsi en droite ligne de la jurisprudence strasbourgeoise, qui

1191 « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou
le magistrat désigné par lui pour le remplacer. Elle comprend, en outre :
- trois conseillers généraux élus par le conseil général ;
- trois fonctionnaires de l'État en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l'État dans le
département [...] ».
1192 Cf supra n° 484 à 486, concernant les Tribunaux maritimes commerciaux.
1193 Cf infra n° 535 et s.
1194 C.E., 6 décembre 2002, Trognon, n° 240028 ; R.F.D.A., juillet-août 2003, p. 694, concl. FOMBEUR P. ;
A.J.D.A., 2002, p. 1418, obs. BIGET C.
308 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

estime, de longue date, que l’intégration d’agents publics dans une formation de

jugement, n'est pas suffisante, en elle-même, pour faire douter de son impartialité1195.

515. Cependant, dans le cas précis où les agents publics, siégeant dans la formation

de jugement, étaient amenés à connaître des dossiers traités par leur service, dans le

cadre de leurs fonctions administratives, le Conseil d'État avait considéré qu’il y avait

là, une atteinte caractérisée au principe d’impartialité1196. En conséquence, la Haute

juridiction administrative avait jugé que des garanties étaient alors nécessaires, pour

empêcher ce cas de figure. En d’autres termes, la jurisprudence de principe du

Conseil d’État1197 n’a pas conduit à une interdiction de siéger à l’encontre des

C.D.A.S., mais a seulement fixé des règles d’interprétation strictes, afin que les

dispositions du Code de l’action sociale et des familles respectent le principe

d’impartialité des juridictions.

516. Le Conseil constitutionnel se montre plus radical que son voisin du Palais

Royal : sans toutefois censurer l’intégralité de l’article L134-6, il déclare contraires à la

Constitution, ses deuxième et troisième alinéas, ce qui exclut la présence des trois

fonctionnaires départementaux. Une fois encore, le contrôle abstrait, y compris dans

le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité 1198, ne permet pas toutes les

nuances autorisées par un examen concret, tel qu’il est pratiqué par les juridictions

1195 C.E.D.H., 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, requête n° 2614/65, série A, n° 13. La Cour estime, en
revanche, qu’un lien de subordination avec l'administration, partie au procès, mettrait en cause
cette impartialité.
1196 C.E., 6 décembre 2002, Trognon préc., Cons. 4 : « [...] qu'il peut être porté atteinte à ce principe lorsque,
sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un fonctionnaire
appelé à siéger dans une des formations de jugement de la commission centrale d'aide sociale le font
participer à l'activité des services en charge des questions d'aide sociale soumises à la juridiction ; qu'il suit
de là que lorsqu'elles statuent, comme en l'espèce, sur un litige portant sur des prestations d'aide sociale
relevant de l'État, ces formations ne peuvent comprendre, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres
membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service ou de la direction en charge de l'aide
sociale au ministère des affaires sociales ; ».
1197 C.E., 6 décembre 2002, Trognon préc.
1198 C’est ce que fait remarquer le professeur Guillaume DRAGO, « Quels principes directeurs pour le
procès constitutionnel ? », op. cit., p. 448, à propos du contrôle effectué par le Conseil, sur une
question de constitutionnalité « qu’il doit trancher, in abstracto ».
L’existence du procès 309

administratives et judiciaires. Il révèle ici ses limites, quand il s’agit d’apprécier

l’impartialité de la juridiction sociale, en fonction de la composition exacte de sa

formation de jugement et au regard du rôle précis, joué en amont, par les

fonctionnaires ayant pris part à la délibération. Nonobstant ce paramètre, lié à la

nature du contrôle, le Conseil constitutionnel adopte ici une position nette, qui, de

même que celle manifestée lors du contrôle du cumul des fonctions judiciaires,

traduit sa détermination, à voir l’impartialité fonctionnelle du juge entamée de

quelque manière que ce soit.

517. La Haute juridiction confirmera d’ailleurs sa jurisprudence, quand elle sera

saisie du contrôle de la constitutionnalité de la composition des Commissions

centrales d’aide sociale (C.C.A.S.), qui entendent en appel, les décisions prises par les

Commissions départementales1199. À l’instar de ce qu’il avait jugé le 25 mars 2011, le

Conseil constitutionnel considère que les garanties d’impartialité des fonctionnaires,

membres des sections ou sous-sections, rapporteurs ou commissaires du

gouvernement de la C.C.A.S., ne sont pas suffisantes. En effet, ici encore, aucune

disposition ne faisait obstacle à ce que cette juridiction comprenne en son sein, pour

juger d’un litige relevant de l’État, des agents publics, exerçant leur activité au sein

du service ou de la direction du ministère, en charge de l’aide sociale. Les mêmes

causes ont donc produit les mêmes effets : le Conseil a adopté une position identique

à celle retenue à propos des C.D.A.S., dans la décision précitée du 25 mars 2011 1200. Il

applique d’ailleurs à lui-même cette jurisprudence, mais de manière plus prudente.

1199 Décision n° 2012-250 QPC du 8 juin 2012, M. Christian G. [Composition de la commission centrale
d'aide sociale], JO, 9 juin 2012, p. 9794.
1200 Décision n° 2010-110 QPC préc.
310 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) L’application mesurée dans le cadre du procès constitutionnel

518. Eu égard à la qualité des membres qui composent le Conseil constitutionnel, les

hypothèses de partialité fonctionnelle sont tangibles et sans doute, loin d’être

marginales (1). Les règles procédurales du procès constitutionnel, pour essayer d’y

remédier, existent bel et bien et donnent des résultats plutôt satisfaisants, même s’il

est possible de déplorer une certaine réticence du juge constitutionnel face au

mécanisme de la récusation1201 (2).

1) Les hypothèses d’impartialité fonctionnelle

519. Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont généralement de celles

que l’on exerce au soir d’une brillante carrière politique, administrative ou juridique.

Il n’est donc pas rare, surtout depuis l’arrivée du contrôle a posteriori, qu’un juge

constitutionnel puisse se retrouver face à un texte législatif, à l’élaboration duquel il a

participé, à un titre ou à un autre, ce qui peut évidemment poser problème au regard

de l’impartialité fonctionnelle. D’autant, que depuis l'arrêt Ruiz-Mateos de la Cour

européenne1202, l’exigence d’impartialité s’impose aussi aux membres des juridictions

constitutionnelles, quand celles-ci statuent sur des contestations relatives aux droits

et obligations de caractère civil d'une personne, ou sur le bien-fondé de toute

accusation en matière pénale.

520. Le risque d’atteinte à l’impartialité, en raison des activités antérieures du

membre de la Haute juridiction française, peut prendre deux formes distinctes, selon

le profil du juge constitutionnel. Contrairement à la majorité des autres cours

1201 Pour une approche historique de la notion, BERNABÉ B., La récusation des juges : étude médiévale,
moderne et contemporaine, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, 2009.
1202 C.E.D.H., 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne, requête n° 12952/87, série A, n° 262, R.F.D.C., 1994,
p. 175, obs. COHEN-JONATHAN G et FLAUSS J.-F.
L’existence du procès 311

constitutionnelles, dans lesquelles se côtoient principalement des anciens professeurs

de droit et des juges ordinaires1203, le Conseil comprend une forte proportion de

personnalités issues du monde politique1204 et, dans une moindre mesure, d’anciens

membres des juridictions ordinaires.

521. En ce qui concerne la première catégorie, le risque de cumul à propos d’un

même texte normatif, de fonctions, politique et juridictionnelle, est réel. Directeur de

cabinet du Premier ministre, membre d'un cabinet ministériel, député, sénateur,

ministre ou encore, Président de la République, ils ont pu être associés à l'élaboration

de textes législatifs (ou alors, les avoir combattus dans les assemblées

parlementaires), qu’ils peuvent maintenant être amenés à contrôler, en qualité de

juge constitutionnel.

522. Pour la seconde catégorie, le risque d’atteinte à l’impartialité fonctionnelle, sans

être négligeable, est moindre. Néanmoins, un problème pourrait se poser, à l’égard

d’un ancien membre du Conseil d'État, qui, dans le cadre de ses fonctions

consultatives antérieures, aurait déjà pu émettre un avis sur la constitutionnalité d’un

projet (ou d’une proposition1205) de loi, qu’il serait amené à examiner ensuite, dans le

cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Dans cette hypothèse, la

problématique n’est guère différente de celle liée au dualisme fonctionnel du Conseil

d’État, qui voit ainsi une autorité qui a contribué à la confection d’un acte normatif,

se pencher ensuite sur sa légalité. Malheureusement, mais sans surprise, la question

de la constitutionnalité de la double compétence de la Haute juridiction

administrative, n’a pas atteint le prétoire de la rue de Montpensier, le Conseil d’État

1203 BON P., « Récuser un membre du Conseil constitutionnel », D, 2010, p. 2007.


1204 SCHNAPPER D., Une sociologue au Conseil constitutionnel, Gallimard, Paris, 2010, p. 146.
1205 Article 39 de la Constitution. La possibilité de soumettre les propositions de lois, pour avis, au
Conseil d’État, résulte de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.
312 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

jugeant la question ni nouvelle, ni sérieuse1206, au regard des fondements

constitutionnels de l'institution et des garanties offertes aux justiciables. En effet, les

membres siégeant au contentieux n'ont pas connaissance de l'avis émis au stade

préventif, car, non seulement, ce ne sont pas les mêmes qui conseillent et qui jugent

mais, de surcroît, l'avis litigieux ne leur est pas communiqué. Toutefois, sans trop

s’avancer, il est vraisemblable que les sages auraient validé la dualité fonctionnelle

de leur voisin du Palais Royal, dans la mesure où, en 20001207, dans le contrôle d’une

loi relative à la chasse, il n’ont vu aucune objection particulière, à ce que le Conseil

d’État exerce successivement, sur un même acte réglementaire, sa compétence

consultative et sa compétence contentieuse1208.

523. La Cour européenne des droits de l’homme ne partage pas exactement cette

position. En 1995, elle a jugé, au sujet du Conseil d'État luxembourgeois, que « le seul

fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des mêmes décisions, les deux

types de fonctions est de nature à mettre en cause l'impartialité structurelle de ladite

institution1209 ». Même si une lecture moins radicale de l’arrêt est possible1210, il

semblerait que ce soit le principe même de la double compétence, consultative et

juridictionnelle, de la Haute juridiction, qui ait été condamné par le juge de

Strasbourg, ce qui amena l’année suivante, le Grand-duché à modifier sa

législation1211, afin de séparer organiquement les deux fonctions1212. Néanmoins, le

1206 C.E., 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n° 320667, Gaz. Pal., 14 mai 2010, p. 13, obs.
ROUSSEAU D.
1207 Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, JO, 27 juillet 2000, p. 11550.
1208 Idem, Cons. 42 : « Considérant que la disposition critiquée [...] confie à un décret en Conseil d'État la
fixation de la liste des cantons concernés ; qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire d'arrêter cette liste,
sous le contrôle du juge administratif, dans le respect du critère énoncé par la loi ; que le grief est, dès lors,
inopérant ; ».
1209 C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, requête n° 14570/89, série A, n° 326, § 45, D,
1996, p. 301, note BENOIT-ROHMER F., A.J.D.A., 1996, p. 383, chron. FLAUSS J.-F., J.C.P., 1996, I,
3910, obs. SUDRE F. ; AUTIN J.-L. et SUDRE F., « La dualité fonctionnelle du Conseil d'État en
question devant la Cour européenne des droits de l'homme », R.F.D.A., 1996, p. 777.
1210 Ibidem.
1211 Loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, JO du
Grand-Duché de Luxembourg, Recueil de Legislation A, n° 79, p. 2261, 19 novembre 1996.
L’existence du procès 313

juge européen a quelque peu tempéré sa position, dix ans plus tard, à propos du

Conseil d’État français1213. Refusant d’adopter une position trop rigide sur la

question1214, la Cour déclare que le cumul des fonctions consultatives et

juridictionnelles n'est pas en soi contraire à l'article 6 de la Convention européenne

des droits de l'homme1215.

2) Les solutions procédurales possibles

524. Le remède contre cette violation potentielle de l’impartialité du juge peut

emprunter deux chemins juridiques, le déport (ou abstention) ou la récusation.

525. Le déport est le devoir du juge, de s'abstenir chaque fois que son impartialité

pourrait être remise en cause. Avant l’entrée en vigueur du contrôle a posteriori, les

hypothèses d’abstention étaient plutôt rares. La plus ostensible était celle du

président Pierre MAZEAUD, en 19981216. Au bas du texte de la décision

constitutionnelle, la liste des membres, siégeant lors de la séance, est suivie de la

mention : « À sa demande, M. Mazeaud n'a participé ni à la délibération ni au vote sur la

partie de la décision relative à l'article 29 de la loi déférée ». L’ancien Président du Conseil

s'était abstenu spontanément, dans la mesure où il avait pris position sur la

constitutionnalité d'un article de la loi déférée, alors qu’il présidait la Commission

des lois à l’Assemblée nationale. D’autres célèbres illustrations de déport pourraient

être citées, mais sans mention particulière dans la décision concernée, telle que celle

1212 Les fonctions juridictionnelles furent transférées à une Cour administrative, alors que le Conseil
d'État continuait d'assurer les fonctions consultatives.
1213 C.E.D.H., 9 novembre 2006, Société Sacilor-Lormines c/ France, requête n° 65411/01, AUTIN J.-L. et
SUDRE F., « L'impartialité structurelle du Conseil d'État hors de cause ? », R.F.D.A., 2007, p. 342.
1214 « [...] il n'y pas lieu d'appliquer une doctrine particulière de droit constitutionnel à la situation du Conseil
d'État français et de statuer dans l'abstrait sur la compatibilité organique et fonctionnelle de la consultation
du Conseil d'État [...] », C.E.D.H., 9 novembre 2006, Société Sacilor-Lormines c/ France préc., § 71.
1215 Idem, § 74.
1216 Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au
droit d'asile, JO, 12 mai 1998, p. 7092.
314 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

de M. Valéry GISCARD d'ESTAING, le 19 novembre 20041217, lorsque le Conseil s’est

penché sur le Traité élaborant une Constitution pour l'Europe, à l'élaboration duquel

il avait pris une part prépondérante. Même s’il souffrait d’un certain nombre de

défauts1218, le mécanisme du déport produisait des effets satisfaisants. Néanmoins, il

est apparu évident, après l’entrée en vigueur de la question prioritaire de

constitutionnalité, que cette pratique devait être institutionnalisée, au sein d’un texte

normatif. Ce fut chose faite avec l’article 4, du règlement intérieur du 4 février

20101219.

526. La récusation est, quant à elle, le droit à la disposition d’une partie, de pouvoir

obtenir qu’un membre d’une juridiction ne prenne part à la décision, quand son

impartialité semble incertaine. Son fonctionnement est également prévu par le même

article, relatif à la procédure suivie par le Conseil, lors de l’examen des questions

prioritaires de constitutionnalité. La demande de récusation comprend un écrit

motivé, enregistré au Secrétariat général du Conseil, puis communiqué au juge

constitutionnel visé. Celui-ci peut l’acquiescer ou la refuser, ce qui donne alors lieu à

un examen, par les juges constitutionnels, à l’exception, bien entendu, de celui

concerné par la demande.

527. Les premières applications de cette disposition donnèrent une impression

mitigée sur la réaction du Conseil constitutionnel et sa volonté affichée, de réduire

les risques de partialité en son sein. À l’occasion de deux affaires distinctes, traitées le

1217 Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité élaborant une Constitution pour l'Europe, JO, 24
novembre 2004, p. 19885.
1218 En premier lieu, il n'était pas toujours simple de distinguer les déports volontaires, pour éviter les
risques de partialité, des absences classiques. En second lieu, les abstentions étaient
discrétionnairement décidées par le seul membre concerné, sans contrôle particulier du Conseil
constitutionnel sur le choix effectué.
1219 Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010 préc.
L’existence du procès 315

même jour1220, le Conseil fut saisi en juin 2011, de six demandes de récusation : il en

écarta trois et, deux d’entre elles provoquèrent le déport des membres concernés1221.

528. Manifestement, les trois rejets l’ont été sur le fondement de l’alinéa 4 de l’article

4 du règlement intérieur précité, qui dispose que « le seul fait qu'un membre du Conseil

constitutionnel a participé à l'élaboration de la disposition législative faisant l'objet de la

question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation ». Cette

précision était sans doute, nécessaire, pour éviter des motifs de récusation en trop

grand nombre, risquant, de plus, de mettre en échec les délibérations, pour cause de

quorum insuffisant1222. Si, la seule participation à l'élaboration de la disposition

législative examinée n’est pas suffisante, en elle-même, pour caractériser une cause

de récusation, en revanche, c’est bien le cas quand « les actes accomplis impliquent que

leur auteur a porté une appréciation sur la constitutionnalité de cette norme1223 ». C’est la

raison qui justifie ici, l’abstention de MM. Jacques BARROT et Michel CHARASSE.

529. La démarche de la juridiction constitutionnelle traduit le souci d’appliquer à

elle-même, les principes qu’elle prend soin de préserver, dans le fonctionnement et

l’organisation des formations de jugement, soumises à son examen. Cependant, le

juge constitutionnel montre, de toute évidence, quelque réticence à faire produire à la

demande de récusation tous ses effets, lui préférant le mécanisme plus maîtrisé (et

surtout, moins formalisé) de l’abstention. Il est possible de le regretter, tant il eut été

instructif de lire une véritable décision de récusation, comme le prévoit le règlement.

1220 Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres


[Concours de l'État au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA], JO, 1er juillet 2011,
p. 11294 ; Décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et de
l'Hérault [Concours de l'État au financement par les départements de l'allocation personnalisée
d'autonomie], JO, 1er juillet 2011, p. 11299.
1221 La sixième demande visait Jacques CHIRAC, déclaré en congé depuis mars 2011.
1222 En vertu de l'article 14 de l'Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 préc., « Les décisions et les
avis du Conseil constitutionnel sont rendus par sept conseillers au moins, sauf cas de force majeure dûment
constatée au procès-verbal ».
1223 GUILLAUME M., « Le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité », Gaz. Pal., 23 février 2010, p. 3.
316 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Celle-ci, à n’en point douter, aurait été riche d’enseignements complémentaires, sur

l’étendue et la portée que le Conseil entend donner à l’impartialité fonctionnelle.

530. En ordonnant que le magistrat qui statue sur une affaire ne soit, ni celui qui l’a

instruite, ni celui qui a initié l’action publique, le Conseil a contribué, de manière

significative, à la définition constitutionnelle de l’impartialité fonctionnelle du juge. Il

en a dessiné les contours, précisé les exigences et censuré systématiquement, toute

procédure juridictionnelle qui contreviendrait à ses prescriptions. Il a ainsi dressé le

« portrait-robot » du juge fonctionnellement impartial, à partir du modèle du juge

pénal, qu’il a transposé, avec un certain succès, à l’ensemble des contentieux

susceptibles de déboucher sur des sanctions punitives. Néanmoins, la jurisprudence

constitutionnelle, sans doute desservie par les faiblesses du contrôle abstrait, révèle

une gradation dans l’évaluation des situations de partialité, en ne faisant preuve de

la même sévérité, à l’égard de l’impartialité personnelle du juge.

Section 2 L’exigence variable d’impartialité personnelle

531. L’impartialité personnelle, dont le Conseil constitutionnel assure le respect,

recouvre l’hypothèse, dans laquelle un magistrat qui participe au procès entretient

un lien objectif avec une partie, indépendamment d’un quelconque comportement

personnel, traduisant ainsi un défaut de neutralité, qui est pourtant, selon

MOTULSKY, « une idée inhérente à la qualité même de juge1224 ». En somme, elle est la

traduction contentieuse de l’adage, selon lequel « nul ne peut être juge et partie1225 »,

c’est à dire que « le juge doit être neutre par rapport à la situation qu’on lui soumet et par

rapport à la personne des parties qui argumentent devant lui1226 ». La Haute juridiction

1224 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 190.
1225 BUSSY F., « Nul ne peut être juge et partie », op. cit., p. 1745.
1226 FRISON-ROCHE M.-A., « L'impartialité du juge », D, 1999, p. 53.
L’existence du procès 317

constitutionnelle discerne deux situations, dans lesquelles l’impartialité personnelle

du juge pourrait être mise en cause.

532. En premier lieu, se trouvent les hypothèses dans lesquelles le magistrat aurait un

intérêt à favoriser une partie au procès, dans la mesure où le verdict lui permettrait

de tirer un avantage de la décision, en raison de la satisfaction procurée au

justiciable. L’analyse méticuleuse de la juridiction constitutionnelle traduit ici une

conception exigeante de l’impartialité personnelle du juge, à raison d’un conflit

d’intérêts, direct ou indirect, dans lequel il pourrait être placé (§ 1.).

533. En second lieu, il y a des situations plus délicates à trancher, dans la mesure où

le juge ne recueille aucun bénéfice particulier de la décision de justice, mais dans

lesquelles sa neutralité pourrait être viciée, en raison de son appartenance commune,

avec une des parties au litige, à une communauté humaine ou d’idées. Le caractère

insidieux de la relation entre juge et partie, ainsi que la difficulté d’établir le lien de

causalité, entre cette dernière et l’altération de l’impartialité du magistrat, ne

permettent pas au contrôle abstrait du Conseil constitutionnel, de produire tous les

effets escomptés (§ 2.).

§ 1. L’examen minutieux du partage d’un intérêt commun entre juge et

partie

534. La disjonction nette entre, celui qui demande le respect de la règle de droit et

celui chargé de vérifier qu’elle a été appliquée, conformément aux prescriptions du

système juridique, est une condition évidente du caractère équitable du procès,

consubstantielle à l’idée même de justice. Cet indispensable cloisonnement, entre les

deux principales catégories d’acteurs du procès, peut être dégradé dans des

hypothèses où, juge et partie, partagent un intérêt. La neutralité de celui qui rend la
318 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

justice1227 est alors corrompue, par les doutes planant sur ses motivations à agir. Telle

est la situation à laquelle le Conseil constitutionnel a été confronté, à deux reprises,

quand il dut apprécier les possibilités potentielles de conflits d’intérêts, consécutives

à la composition des Commissions départementales d’aide sociale 1228 (A),

précédemment évoquées pour d’autres griefs1229 et à celle du Conseil supérieur de la

magistrature1230 (B).

A) L’inconstitutionnalité de la formation des Commissions

départementales d’aide sociale

535. La présence de conseillers généraux, au sein des Commissions départementales

d’aide sociale, statuant sur des litiges dans lesquels le département est impliqué,

conduit, de toute évidence, à placer ce dernier, simultanément, en situation de juge et

partie. Si l’hypothèse contentieuse était relativement nouvelle pour le juge

constitutionnel, la jurisprudence administrative en la matière était solidement fixée,

au regard des exigences conventionnelles.

536. Dès 2002, dans l’arrêt Maciolak1231, dans une affaire concernant la Commission

départementale d'aide sociale de l'Allier, le commissaire du gouvernement, M me

Pascale FOMBEUR, relevait, à juste titre, toutes les ambiguïtés suscitées par la seule

présence des élus du département dans la formation de jugement, indépendamment

d’un quelconque comportement individuel, susceptible d’alimenter le doute sur leur

1227 FONTBRESSIN (de) P., « La neutralité du juge », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du
citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruylant, Coll. Union des avocats européens,
Bruxelles, 2001.
1228 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
1229 Cf supra n° 511 et s.
1230 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc.
1231 C.E., 6 décembre 2002, Maciolak, n° 239540, Rec. p. 426.
L’existence du procès 319

impartialité subjective1232. En effet, même s’ils jouissent d’une totale indépendance et

ne sont placés sous l’autorité hiérarchique de personne, les élus du département ne

peuvent rester totalement indifférents à l’égard des dépenses sociales, premier poste

budgétaire de la collectivité territoriale. Ils pourraient donc être suspectés de

privilégier les intérêts économiques du département, dont ils votent le budget. Dans

une hypothèse inverse, il n’est pas exclu qu’un électeur de leur canton soit partie au

litige, notamment dans les petits départements, où la probabilité augmente

mathématiquement. Il pourrait alors leur être reproché une partialité dictée par des

intérêts électoralistes.

537. Toutes ces considérations amèneront d’ailleurs le Conseil d’État, en 20081233, à

condamner la présence de conseillers généraux, désignés par l’Assemblée des

départements de France, dans la composition de la Cour nationale de tarification

sanitaire et sociale. La Haute juridiction administrative réitérera sa jurisprudence

l’année suivante1234, de nouveau à propos des très controversées commissions

départementales d'aide sociale1235, dans lesquelles la présence d’un seul conseiller

général du département, suffit à contrevenir au principe d'impartialité, évoqué par

l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. Pour

autant, l’avertissement adressé par le Conseil d’État, ne fit pas réagir le législateur.

538. C’est donc dans un cadre jurisprudentiel très établi, qu’intervient la décision du

Conseil constitutionnel, le 25 mars 20111236. Les exigences constitutionnelles

découlant de l’article 16 de la déclaration révolutionnaire, n’étant matériellement

guère différentes de celles posées par l’article 6, paragraphe 1, la censure de la Haute

1232 FOMBEUR P., concl. sous C.E., 6 décembre 2002, Maciolak, R.F.D.A., 2003, p. 694.
1233 C.E., 30 janvier 2008, Association orientation et rééducation des enfants et adolescents de la Gironde,
n° 274556.
1234 C.E., 21 octobre 2009, M. Bertoni, n° 316881.
1235 Cf les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales de 2001 et du Conseil d’État de 2010
préc.
1236 Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 préc.
320 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

juridiction était alors prévisible. Dans un sixième considérant1237, très peu explicite

sur les raisons qui l’ont conduit à statuer en ce sens, mais qui rejoignent

probablement les arguments du Conseil d’État, le juge constitutionnel déclare

contraire à la Loi fondamentale, le principe même de la présence des conseillers

généraux, dans la formation des Commissions départementales d'aide sociale.

539. Le contrôle abstrait mis en œuvre par le Conseil, y compris dans le cadre d’une

question prioritaire de constitutionnalité, n’est pas un obstacle à son analyse, dans la

mesure où le comportement subjectif du juge, seul susceptible d’être apprécié par le

prisme d’un examen concret, n’est pas en cause ici. Les deux juridictions suprêmes

du Palais Royal ont, toutes deux, posé un principe indérogeable et convergent, en

vertu duquel, l’élu d’une collectivité territoriale1238, ne peut siéger dans la formation

de jugement qui doit trancher un contentieux, dans lequel la division administrative

est partie.

B) La conformité sous réserve de la composition du Conseil supérieur

de la magistrature

540. Le C.S.M. a été réformé par l’article 31 de la loi constitutionnelle du 23 juillet

20081239, sans que cela constitue, à proprement parler, un bouleversement de

l’institution apparue sous la IIIe République1240. Si sa composition, qui, pour la

première fois, verra siéger une majorité de non magistrats dans ses deux

1237 « Considérant, d'autre part, que méconnaît également le principe d'impartialité la participation de membres
de l'assemblée délibérante du département lorsque ce dernier est partie à l'instance ; ».
1238 Cf C.E., 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, n° 158463. L'un des magistrats de la formation du
tribunal administratif qui a rendu le jugement était la fille d'un conseiller municipal de
Sartrouville, commune partie au litige.
1239 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.
1240 Le C.S.M. a été institué par la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l’organisation judiciaire, JO, 31
août 1883, p. 4569.
L’existence du procès 321

formations1241, a connu certaines modifications substantielles, ni ses attributions

administratives, ni ses compétences disciplinaires, n’ont été modifiées en

profondeur1242.

541. La loi organique, déterminant les conditions d’application de l’article 65 de la

Constitution1243, fut déférée au Conseil constitutionnel, presque deux ans après la

révision de juillet 20081244. Son article 7 insérait dans la loi organique du 5 février

19941245, deux articles 10-1 et surtout, 10-2, qui définissent les exigences

d’indépendance, d’impartialité et de probité des membres du C.S.M.

542. L’article 10-1 pose, dans un premier alinéa, une obligation comportementale, à

l’intention des membres du Conseil supérieur et décrit, dans un second temps, la

procédure disciplinaire, mise en œuvre pour sanctionner les manquements éventuels

à la déontologie. C’est la commission des lois du Sénat, soucieuse de rétablir une

entière confiance dans l’institution, sérieusement ébranlée après l’affaire médiatisée

d’Outreau, qui a souhaité, à l’initiative de son rapporteur, introduire ce nouvel article

10-1. Si les magistrats, membres du C.S.M., sont déjà soumis aux exigences

d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, la mention explicite de ces règles, qui

s’imposent aussi aux « personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs

fonctions1246 », permet d’étendre ces obligations à tous les autres conseillers, ainsi qu’à

l’ensemble des personnes contribuant aux travaux du Conseil supérieur. La

juridiction constitutionnelle insiste sur l’extension de cette obligation, à tous les

conseillers, magistrats ou « laïcs », quelle que soit la formation et quel que soit le

1241 Le C.S.M. comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à
l’égard des magistrats du parquet, qui ont été créées par la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27
juillet 1993 préc.
1242 Cf supra n° 283 et s.
1243 Loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 préc.
1244 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc.
1245 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, JO, 8 février
1994, p. 2146.
1246 Article 10-1 de loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 préc.
322 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

statut1247 et précise, si besoin était, que le membre visé par la contestation ou par une

demande de récusation, ne peut évidemment pas participer à la délibération de la

décision le concernant1248.

543. L’article 10-2, relatif aux règles de déport, est, à la fois, plus riche

d’enseignements et assez remarquablement articulé, tout en ayant des lacunes

rédactionnelles, que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de combler.

544. Le premier alinéa définit une règle générale, dont le champ d’application

personnel s’étend à tous les membres, qui doivent s’abstenir de participer à

l’élaboration d’une décision, dès le moindre doute sur leur impartialité individuelle.

C’est ici, la description d’une modalité, nécessaire au respect des exigences posées

par le premier alinéa de l’article 10-1. L’abstention est, en effet, avec la récusation,

une des deux techniques juridictionnelles, permettant de prévenir tout risque

d’atteinte à l’impartialité de la décision1249. Au sein du Conseil supérieur de la

magistrature, cette pratique était déjà appliquée, notamment, quand un membre

appartient à la même juridiction que le magistrat concerné par la délibération. Ce

premier alinéa de l’article 10-2, formalise ainsi, dans un texte normatif, un usage

généralisé, alors que la loi organique, dans sa rédaction antérieure1250, n’imposait que

le secret professionnel, à l’encontre des membres présents aux délibérations.

545. Dans le deuxième alinéa, le législateur organique a cru bon de préciser les

circonstances, dans lesquelles ce déport devait s’appliquer à l’avocat, membre du

C.S.M. La loi organique lui interdit de participer aux délibérations du C.S.M., dans

deux situations, l’une correspondant à une forme d’impartialité préventive, l’autre

1247 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 préc., Cons. 9.


1248 Idem, Cons. 10.
1249 Cf supra n° 524 et s.
1250 Article 10 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 préc., repris de l’article 7 de l’ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958 préc.
L’existence du procès 323

plutôt curative. En premier lieu, il ne peut siéger lorsqu’il s’agit de nommer un

magistrat, dans une juridiction située dans le ressort du barreau, auprès duquel il est

inscrit. En somme, l’avocat ne peut participer à la nomination d’un magistrat, devant

lequel il pourrait éventuellement être amené à plaider. En second lieu, il ne peut

participer à un avis ou une décision, concernant un magistrat devant lequel il a déjà

plaidé, depuis sa nomination au C.S.M.

546. Dans ce second cas, le lien est avéré : les deux professionnels du droit se

connaissent, pour être intervenus sur un même dossier. L’impartialité de l’avocat,

membre du C.S.M., pourrait être altérée, d’une manière ou d’une autre, par la

décision rendue par le magistrat, dans l’affaire au cours de laquelle les deux hommes

de loi se sont côtoyés.

547. Dans le premier cas, le lien est plus prospectif et le risque d’impartialité plus

hypothétique. Les deux juristes ne se connaissent pas nécessairement, mais la menace

de conflit d’intérêts est, elle, bien réelle. Les deux prohibitions de siéger, si elles ne

couvrent pas toutes les situations de risque d’atteinte à l’impartialité, semblent

justifiées. L’intention du législateur organique traduit manifestement une conception

exigeante du C.S.M., qui doit conduire à un déport systématique d’un membre, dès

la moindre suspicion de partage d’un intérêt commun, entre un juge et une partie. Le

Conseil d’État, compétent pour contrôler les décisions du C.S.M., veille

scrupuleusement au respect de cette exigence1251. Ainsi, la Haute juridiction

administrative n’a pas hésité à annuler une décision du C.S.M., en raison de la

participation d’un chef de Cour, ayant auparavant alerté un ministre sur les lacunes

du magistrat sanctionné1252.

1251 BONNET J., « Le Conseil d’État et le Conseil supérieur de la magistrature », R.D.P., 2004, p. 987
et s., plus particulièrement p. 1005 et 1006.
1252 C.E., 29 juillet 2002, Mme Roubiscoul, n° 224952.
324 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

548. S’il s’est montré disert sur les hypothèses devant aboutir au déport de l’avocat,

membre du C.S.M., le législateur organique est resté silencieux, sur les situations

nécessitant l’abstention des autres conseillers. Le juge constitutionnel, dans une

réserve constructive, dut alors préciser les règles de déport, applicables aux chefs de

Cour et de juridiction. Son raisonnement reprend la même dichotomie, que celle

utilisée par le législateur organique, à propos de l’avocat. Ainsi, d’une part,

interdiction de siéger est faite aux chefs de Cour et de juridiction, quand il s’agit de

nommer un magistrat pour assumer des fonctions dans leur juridiction et, d’autre

part, quand la décision concerne un magistrat exerçant dans leur juridiction.

549. Cette réserve découle directement des travaux de la Commission des lois du

Sénat1253, qui souhaitait voir explicitement inscrites dans la loi organique, les

hypothèses devant conduire au déport des membres du C.S.M., dont la participation

à l’instance serait de nature à susciter un doute sur l’impartialité de la décision. Le

rapport sénatorial illustrait d’ailleurs son propos, avec l’une des deux hypothèses

visées par la réserve constitutionnelle, à savoir le cas d’un chef de juridiction, saisi

d’une affaire engageant un magistrat de son ressort1254.

550. Le Conseil constitutionnel a donc jugé nécessaire de décliner précisément la

règle générale, exprimée par le législateur organique, dans le premier alinéa de

l’article 10-2. Sa réserve d’interprétation traduit une attention particulièrement

vigilante, accordée à l’exigence d’impartialité personnelle des membres du C.S.M. et,

au-delà, à toute mise en cause objective de l’impartialité, en raison de possibles

conflits d’intérêts. Il serait très imprudent d’en dire autant, concernant le second

risque de partialité personnelle, qui réside dans l’idée que le juge peut favoriser une

1253 Rapport n° 635 (2008-2009) de M. Jean-René LECERF, fait au nom de la commission des lois, déposé
le 29 septembre 2009.
1254 Idem, p. 62.
L’existence du procès 325

partie, parce qu’il entretient un lien avec elle, sans forcément en retirer, par ailleurs,

un bénéfice particulier.

§ 2. Le contrôle lacunaire du lien étroit entre juge et partie

551. Dans certains cas, la neutralité d’un membre de la juridiction peut être mise en

doute, en raison de l’existence de liens, plus ou moins directs, avec une partie au

procès. Cette situation, qui se différencie du cas précédent, dans la mesure où il n’y a

pas ici de conflits d’intérêts, recouvre généralement les hypothèse de récusation,

prévues par les dispositions normatives. Néanmoins, ni dans la situation de liens

personnels, entre le bâtonnier et les avocats, justiciables du conseil de discipline de la

profession (A), ni dans le cas des liens syndicaux, entre l’assesseur du tribunal de

sécurité sociale et les parties, le Conseil constitutionnel n’a cru bon de soulever

d’office, le grief d’atteinte au principe d’impartialité personnelle (B). On peut le

déplorer car cela lui aurait permis de se pencher sur des structures juridictionnelles,

ne présentant pas toutes les garanties nécessaires à la conduite d’une procédure

équitable.

A) Les liens personnels entre le bâtonnier et les avocats justiciables du

conseil de discipline

552. La composition du conseil de discipline des avocats, dont les membres sont

désignés par le conseil de l'ordre, sous la présidence du bâtonnier en exercice, lui-

même autorité de poursuite, pose nécessairement question sur l’impartialité de la

juridiction disciplinaire. Cependant, le lien établi, entre les fonctions de

déclenchement de l’instance disciplinaire et celles de jugement, n’a pas paru


326 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

suffisamment direct, pour justifier la censure du Conseil constitutionnel 1255. La Haute

juridiction ne trouva aucun grief fondé sur l’impartialité fonctionnelle 1256, susceptible

d’entraîner l’inconstitutionnalité de la disposition contrôlée.

553. Bien plus que l’interrogation, portant sur l'indépendance des membres de

l'organe disciplinaire à l'égard du bâtonnier, la source du problème réside plutôt,

dans une question d’impartialité personnelle de la juridiction disciplinaire. En effet,

l’inconvénient majeur de l’organisation procédurale de sanction des avocats se situe

dans le fait de confier la fonction de poursuite au bâtonnier, alors que ses attributions

au sein du conseil de l'ordre du barreau l’impliquent nécessairement, à trois titres

différents, auprès des avocats justiciables de la juridiction disciplinaire.

554. En premier lieu, en vertu de l’article 21, alinéa 2, de la loi du 31 décembre

19711257, le bâtonnier représente les intérêts de tous les avocats1258. En conséquence, il

assure, d’un côté, la défense des membres du barreau dans les actes de la vie civile et

de l’autre, en sa qualité de procureur disciplinaire 1259, il dispose de la faculté de les

poursuivre, notamment par citation directe1260, devant le conseil de discipline. Il y a,

dans ce dédoublement fonctionnel, une forme de « schizophrénie » difficilement

acceptable.

555. En second lieu, les attributions du bâtonnier l’amènent nécessairement à

conseiller les avocats, dans le respect des principes déontologiques de la profession.

Comment, dans ces conditions, pourrait-il, dans le même temps, être celui qui

1255 Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 préc.


1256 Cf supra n° 463 et s.
1257 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 préc.
1258 « Le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile ».
1259 LAURAIN Y., « Le bâtonnier, procureur disciplinaire ? », D, 2003, p. 1371.
1260 L’article 29.5.1 du règlement intérieur du barreau de Paris dispose : « L’audience disciplinaire se tient
devant l’une des formations de jugement selon saisine du bâtonnier par citation directe ou décision de renvoi
comme il est dit aux articles 29.3.1, 29.3.2. L’affaire est placée devant l’une des formations de jugement par
le secrétaire desdites formations. »
L’existence du procès 327

entame des poursuites disciplinaires, à l’encontre de son confrère, qui aurait manqué

au respect de ces règles ? Cela semble d’autant plus contraire au droit positif, que la

Cour de cassation a jugé1261, au nom de l’impartialité et à propos de la juridiction

prud’homale1262, que le conseiller ne peut assister un salarié, devant le conseil auquel

il appartient, même si la Haute juridiction judiciaire a, par la suite, circonscrit cette

interdiction, en précisant qu’elle ne s’étendait pas aux autres conseils de

prud’hommes de la même cour d’appel1263.

556. En troisième lieu, selon les termes mêmes de l’article 21, alinéa 2, de la loi du 31

décembre 1971 précité, « [...] Il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel

entre les membres du barreau. Tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice

professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier [...] ». C’est,

sans doute, cette fonction qui entre le plus en conflit avec sa qualité d’autorité de

poursuite. En effet, depuis la réforme de la profession d'avocat, opérée par la loi du

31 décembre 19901264 et son décret d'application du 27 novembre 19911265, il est

désormais compétent pour trancher, en premier ressort, les réclamations portant sur

les honoraires des avocats1266, ainsi que les litiges liés à un contrat de travail

salarié1267. S’il semble plutôt naturel, au regard de l’autorité qu'il exerce sur les

avocats, que le législateur lui ait attribué ces contentieux, il n’en demeure pas moins,

que ces litiges étant souvent liés à des procédures pour manquements

déontologiques, ses prérogatives juridictionnelles entrent ici en conflit avec sa

fonction de poursuite disciplinaire.

1261 Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n° 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n° 247, p. 196.
1262 Sur la question, GRUMBACH T. et KELLER M., « Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale
...encore ? », Dr. soc., 2006, p. 52.
1263 Cass. Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-28027, Bull. civ., 2012, V, n° 3.
1264 Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1991, p. 519.
1265 Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
1266 Idem, articles 175 et s.
1267 Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 préc.
328 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

557. Il est regrettable que le juge constitutionnel ne se soit pas saisi de ces questions,

qui n’étaient, certes, pas explicitement posées par la requérante. Tout au plus, le

commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, signale-t-il le risque de

partialité ponctuelle d’un juge à l’égard du bâtonnier1268. Pourtant, cette confusion

entre les organes de gestion de la profession d'avocats et les autorités compétentes en

matière disciplinaire pose de réels problèmes d’impartialité personnelle. Alors que le

droit français a considérablement renforcé la déontologie de cette profession, il

semble difficile de maintenir ce mélange des genres.

558. Indéniablement, en matière de droit disciplinaire des avocats, les règles

procédurales n’ont pas suivi une évolution parallèle à celles des règles substantielles.

C’est d’autant plus dommage, que la majorité des pays occidentaux a

rigoureusement séparé les autorités disciplinaires, des organes d'administration de la

profession d’avocat. Il conviendrait que le législateur intervienne, pour faire cesser

cette confusion, en confiant, par exemple, le monopole des poursuites au procureur

général, ou à une formation collégiale, comme cela a pu exister, dans l’ancien droit,

pour feu les avoués au tribunal1269.

B) Les liens syndicaux entre l’assesseur du tribunal de sécurité sociale

et les justiciables

559. Le tribunal des affaires de sécurité sociale est une juridiction civile spécialisée,

compétente pour trancher les litiges, relevant du contentieux général de la sécurité

sociale, c’est à dire naissant à l’occasion d’une obligation de cotisation, ou d’un droit

1268 « [...] dans une affaire particulière, la question de la partialité d’un juge disciplinaire à l’égard du bâtonnier
est susceptible de se poser au regard des liens qui les unissent [...] ».
1269 Selon les termes de l’article 6 de l’Ordonnance n° 45-2591 du 2 novembre 1945 relative au statut
des avoués, JO, 3 novembre 1945, p. 7161, l’autorité de poursuite disciplinaire était confiée à la
chambre départementale.
L’existence du procès 329

à percevoir des prestations sociales1270. Il est présidé par un magistrat du siège et

comprend deux assesseurs, l’un représentant les travailleurs salariés et l’autre, les

employeurs et travailleurs indépendants1271. Ces assesseurs sont désignés par le

premier président de la cour d’appel, sur une liste dressée par les autorités

compétentes de l'État, élaborée sur proposition des organisations patronales et

ouvrières les plus représentatives1272.

560. C’est ce point particulier qui pose problème et qui est à l’origine de la question

prioritaire de constitutionnalité1273, soulevée par le requérant. Ce dernier reproche au

mode de désignation des assesseurs, de porter atteinte au principe d'égal accès aux

emplois publics. Dans une démonstration fort peu convaincante, le Conseil

constitutionnel répond que les organisations professionnelles se contentent de

proposer des candidats et n’ont pas le pouvoir de choisir elles-mêmes les

assesseurs1274. La Haute juridiction en conclut que les salariés ont les mêmes chances

d’être désignés, qu’ils soient syndiqués ou qu’ils ne le soient pas, la disposition

litigieuse ne créant pas de différence de traitement entre les deux catégories.

561. Les arguments du Conseil constitutionnel sont conformes à l’interprétation qu’il

a toujours donnée de la Constitution sur ce point 1275, ainsi qu’aux principales

1270 Article L142-2, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale.


1271 Article L142-4 du Code de la sécurité sociale.
1272 Article L142-5 du Code de la sécurité sociale.
1273 Décision n° 2010-76 QPC du 3 décembre 2010, M. Roger L., JO, 4 décembre 2010, p. 21360.
1274 Idem, Cons. 6.
1275 Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 préc., Cons. 22 : « Considérant qu'aux termes du sixième
alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution
de 1958, "tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de
son choix" ; que la réaffirmation par ces dispositions de la liberté syndicale ne fait pas obstacle à ce que le
législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes
fondamentaux du droit du travail et du droit syndical, confère à des organisations syndicales des
prérogatives susceptibles d'être exercées en faveur aussi bien de leurs adhérents que des membres d'un
groupe social dont un syndicat estime devoir assurer la défense ; ».
330 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

positions doctrinales sur la question1276 : les syndicats sont supposés représenter tous

les travailleurs salariés ou indépendants et non, les seuls membres de leur

organisation. Mais il faudrait, tout de même, faire preuve d’une naïveté certaine,

pour ne pas douter que les organisations professionnelles les plus représentatives,

fassent prévaloir leurs intérêts partisans, en privilégiant des candidats issus de leurs

rangs.

562. La conséquence en résultant débouche sur une inconstitutionnalité manifeste : la

probabilité d’être désigné aux fonctions d’assesseurs, serait optimisée par une

adhésion à une organisation professionnelle de salariés ou d'employeurs. C’est, en

toutes hypothèses, contraire à l’article 6 du préambule de 19461277, qui pose le

principe de la liberté syndicale et son corollaire, la liberté de ne pas adhérer. En effet,

la Haute juridiction a déduit de l’emploi que le constituant a fait du verbe « pouvoir »,

que l’adhésion à un syndicat était une simple faculté 1278. Il est fort regrettable, une

fois encore, que les sages n’aient pas relevé d’office ce moyen d’inconstitutionnalité,

qui avait visiblement échappé à la vigilance du requérant. Sans faire de prospective

légistique excessive, il est probable qu’une décision de non conformité aurait

provoqué l’intervention du législateur, en faveur d’un mode électif de désignation

des assesseurs, à l’instar de ce qui se fait pour les conseillers prud’homaux, auxquels

ils empruntent plus d’un trait caractéristique.

563. La passivité du Conseil dans cette décision suscite immédiatement une crainte

légitime : n’y a t-il pas un risque de partialité personnelle, selon que le justiciable soit

syndiqué ou pas, amplifié quand il appartient à la même organisation qu’un des

1276 SAVATIER J. , « La notion de représentativité des syndicats en droit français », Les Cahiers de droit,
vol. 9, n° 3, 1968, p. 435.
1277 Article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits
et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».
1278 Décision n° 83-162 DC du 20 juillet 1983, Loi relative à la démocratisation du secteur public, JO, 22
juillet 1983, p. 2267, Cons. 85 : « [...] la disposition critiquée ne saurait permettre que soit imposé en droit
ou en fait, directement ou indirectement, l'adhésion ou le maintien de l'adhésion des salariés d'une
entreprise à une organisation syndicale [...] ».
L’existence du procès 331

assesseurs ? Le juge constitutionnel, qui a évoqué de lui-même la problématique de

l’indépendance et de l’impartialité, ne répond pas vraiment à cette question. Il se

contente de souligner l’absence d'autorité des organisations professionnelles, à

l’égard des assesseurs (qui n’exercent pas de mandat impératif), dont il ont proposé

la candidature, conformément à la lettre de l’article L142-4 du Code de la sécurité

sociale1279. Par ailleurs, il rappelle les garanties de moralité et d’impartialité, fixées

par l'article L144-1 de ce même Code, qui sont pourtant minimales. Elles consistent,

d’abord, en l’énoncé de conditions de capacité classiques pour une fonction

représentative (âge, nationalité, antécédents judiciaires). Elles fixent, ensuite,

certaines incompatibilités évidentes, pour éviter tout risque de conflits d’intérêts

(présence aux conseils d’administration des caisses de sécurité sociale). Enfin,

l’assesseur est soumis à des obligations de probité, qu’il s’engage à respecter en

prêtant serment.

564. La difficulté à laquelle le Conseil constitutionnel est confronté est intimement

liée à la nature abstraite du contrôle qu’il exerce, même lors de l’examen d’une

question de constitutionnalité. La partialité avérée d’un assesseur à l’égard d’un

justiciable, qui peut, selon les cas, l’avantager ou le défavoriser, ne peut

véritablement être appréciée, que dans le cas d’un contrôle concret, seul capable

d’identifier un risque de partialité objective, celle qui se niche « dans le for

intérieur1280 » du juge. Il n’en demeure pas moins, que la confrontation du mode de

désignation des assesseurs du tribunal des affaires de sécurité sociale, au principe

d’impartialité personnelle, dans son versant objectif, aurait dû conduire le Conseil à

constater l’inconstitutionnalité de la disposition litigieuse. Indépendamment de la

conduite personnelle du juge, que la Haute juridiction n’est pas en mesure

d’apprécier, certains éléments de son statut permettaient de mettre en cause son

1279 « Il (Le tribunal des affaires de sécurité sociale) comprend, en outre, un assesseur représentant les
travailleurs salariés et un assesseur représentant les employeurs et travailleurs indépendants ».
1280 C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack C./Belgique préc., § 30.
332 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

impartialité. Et ce ne sont certainement pas les garanties mentionnées

précédemment, qui sont « suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime1281 ».

565. En conclusion, il est possible d’affirmer que l’impartialité du juge est une qualité

consubstantielle à l’idée même de règle de droit. Parce qu’il permet à cette dernière

de produire ses effets, le juge doit garder ses distances 1282 à l’égard des éléments

constitutifs du procès. C’est la raison pour laquelle, comme l’écrit le professeur Renée

KOERING-JOULIN, « l'idée d'un juge partial, déjà très choquante en matière de divorce ou

de responsabilité civile par exemple, devient carrément insupportable en matière pénale 1283 ».

Assurément, le Conseil constitutionnel partage ce point de vue, tant sa jurisprudence

œuvre dans le sens d’un approfondissement de la neutralité du juge, même si la

juxtaposition des deux substantifs peut s’apparenter à un oxymore1284. Cependant, les

préconisations du juge constitutionnel n’ont pas la même intensité, selon la facette de

l’impartialité à laquelle une atteinte a été portée. Efficace face à un cumul de

fonctions judiciaires, qui rend, quasi mécaniquement, la juridiction partiale, le contrôle

constitutionnel abstrait est plus perméable, quand il s’agit de protéger l’impartialité

personnelle du juge. Toutefois, la volonté du Conseil n’est pas en cause, tant sa

politique jurisprudentielle témoigne de ce souci d’assurer le respect de la règle de

droit, grâce à l’intervention d’un juge, mis à l’abri des préjugements par une

organisation juridictionnelle rationnelle et préservé des préjugés1285, par des

mécanismes de mise à l’écart de la procédure juridictionnelle, quand les

circonstances l’imposent.

1281 Ibidem.
1282 COMMARET D.-N., « Une juste distance ou réflexions sur l'impartialité du magistrat », D, 1998,
p. 262.
1283 KOERING-JOULIN R., « La notion européenne de « tribunal indépendant et impartial » au sens de
l'article 6 par. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme », R.S.C., 1990,
p. 765.
1284 FONTBRESSIN (de) P., « La neutralité du juge », op. cit., p. 79.
1285 La juxtaposition des deux expressions « préjugement » et « préjugé », proches phonétiquement,
tout en n’ayant pas exactement la même signification, provient du professeur Serge GUINCHARD,
dans son répertoire sur le droit au procès équitable chez Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1, Section 3,
Art. 2.
L’existence du procès 333

CONCLUSION DU TITRE 2

566. Le Conseil constitutionnel, ayant pris le soin particulier de préserver l’accès au

tribunal, au bénéfice des justiciables souhaitant y faire reconnaître leur droits, s’est

logiquement et parallèlement concentré autour des qualités dont le juge devait être

pourvu, afin d’exercer au mieux sa fonction juridictionnelle. C’est la raison pour

laquelle, sa jurisprudence fait des qualités d'indépendance et d'impartialité du

tribunal, une garantie essentielle du procès.

567. L'indépendance de la justice est une qualité primordiale, qui se manifeste à

l’égard des deux autres pouvoirs publics constitutionnels. Dans la jurisprudence du

Conseil, elle est prioritairement conçue comme un rempart contre les ingérences du

pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires. Le juge constitutionnel a ainsi œuvré

dans le sens d’un renforcement de l’unité du corps judiciaire, afin de garantir

l’indépendance de toute la magistrature, en lui faisant bénéficier d’un statut

protecteur minimum1286, ce qui n’exclut pas des degrés entre les magistrats du siège

et ceux du parquet1287.

568. Dans une moindre mesure, l’action du juge constitutionnel s’est aussi orientée

vers la juridiction administrative, absente du texte du 4 octobre 1958, dont il a fallu

reconnaître l’existence constitutionnelle et affirmer l’indépendance organique. À

cette fin, le Conseil constitutionnel a dû préserver le juge administratif des

immixtions du pouvoir législatif, tout en lui reconnaissant une compétence

1286 GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une défense discutable
de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indépendance des magistrats »,
op. cit., p. 831.
1287 RENOUX T., « Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet », op. cit., p. 221.
334 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

juridictionnelle minimale, afin de limiter les empiètements du juge judiciaire sur ses

prérogatives.

569. Proche de l’indépendance, l'impartialité s’en différencie toutefois, en ce sens

qu’elle découle plutôt du fonctionnement interne des juridictions et des qualités

personnelles du juge. La jurisprudence constitutionnelle distingue ainsi deux formes

d’impartialité. Celle qui peut être altérée par un cumul de fonctions juridictionnelles,

qui peut conduire le juge à des préjugements et celle qui résulte de son

positionnement individuel et de son intégrité intellectuelle, qui peut l’amener à des

préjugés . Les résultats obtenus par la jurisprudence constitutionnelle sont variables,

principalement en raison de la moindre efficacité du contrôle abstrait, face à des

situations ponctuelles, qui nécessitent un examen concret et minutieux des faits en

présence.
L’existence du procès 335

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

570. Dans la jurisprudence constitutionnelle, l’existence du procès, au sens d’un

instrument d’apaisement des relations sociales, grâce à l’intervention d’un tiers

légitime, qui apporte un règlement à un litige, au moyen d’une procédure

respectueuse des garanties processuelles, suppose la réunion de deux exigences.

571. Une première exigence juridictionnelle correspond à la nécessité de garantir le

droit au juge, parce que celui-ci constitue la condition sine qua non de mise en œuvre

des autres garanties procédurales, inhérentes à l’organisation du procès. La

jurisprudence constitutionnelle a ainsi progressivement renforcé le droit au recours

juridictionnel effectif, en lui accordant valeur constitutionnelle et en lui offrant une

protection qui empêche toute forme d’atteinte substantielle 1288. Néanmoins, le droit

d’agir en justice ne se double pas, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,

du droit d’exercer successivement des recours juridictionnels, dans la mesure où la

Haute juridiction n’a pas, à ce jour, consacré le double degré de juridiction au

sommet de la hiérarchie des normes1289.

572. Cette première exigence d’accès à la justice se prolonge, au plan institutionnel,

par le droit à un tribunal, doté de certaines qualités indispensables à la tenue d’un

procès équitable et qui viennent ainsi compléter la garantie juridictionnelle.

L'indépendance et l'impartialité constituent les deux garanties essentielles d’un juge

de qualité et sont pour les justiciables, autant de gages de la tenue d’un procès

équitable, dans la mesure où l’indépendance est un préalable à l’impartialité et que

toute partialité du juge rejaillit inexorablement sur les droits des parties. Le Conseil

1288 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.


1289 Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004 préc., Cons. 4.
336 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

constitutionnel est particulièrement vigilant à ce que le tribunal, en charge d’apporter

une solution au litige, soit doté de ces deux qualités, indissociables de sa fonction

juridictionnelle.

573. Toutefois, la garantie juridictionnelle du droit au juge, ajoutée à la garantie

institutionnelle du droit à un juge de qualité ne suffisent, à elles seules, à assurer la

tenue d’un procès de qualité. Elles doivent nécessairement s’accompagner de

garanties procédurales, afin de compléter l’éventail des principes processuels,

indispensables à la qualité de la justice rendue.


La qualité du procès 337

SECONDE PARTIE : LA QUALITÉ DU PROCÈS

574. Si l’action jurisprudentielle du Conseil constitutionnel est prioritairement

tournée vers le juge, l’accès à son prétoire et le renforcement des qualités

indispensables à sa mission, qui sont autant de principes institutionnels1290

conditionnant fondamentalement l’existence du procès, la Haute juridiction n’en

demeure pas moins soucieuse de la qualité du procès, qui passe par la reconnaissance

de principes fonctionnels, au bénéfice des parties au procès1291.

575. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a dégagé des principes généraux,

orientés vers les justiciables, leur permettant de défendre au mieux leurs intérêts

dans une instance contentieuse et plus précisément, quand ils font l’objet d’une mise

en cause, dans le cadre d’une procédure répressive. Les droits des parties contribuent

ainsi au perfectionnement de la qualité du procès, en offrant à chacun citoyen

l’assurance d’une procédure respectueuse de ses droits fondamentaux judiciaires

(Titre 1).

576. En second lieu, la qualité du procès s’appréciant aussi directement à la qualité

des décisions juridictionnelles qui en découlent, le juge constitutionnel, même s’il ne

s’agit pas ici de sa priorité, a parallèlement œuvré dans le sens d’une amélioration

des jugements. Les garanties procédurales qui y participent ne sont d’autant pas à

négliger, qu’elles limitent aussi les risques d’arbitraire de la justice.(Titre 2).

1290 Le professeur Emmanuel JEULAND, par exemple, les qualifie ainsi parce qu’ils s’appliquent avant
tout à l’organisation juridictionnelle : Droit processuel Une science de la reconstruction des liens de droit,
2e éd., L.G.D.J., Coll. Manuels, Paris, 2007, p. 176.
1291 Ibidem.
La qualité du procès 339

TITRE 1 : LES DROITS DES PARTIES AU PROCÈS

577. Les droits des parties au procès s’articulent autour de deux principes

fondamentaux. Le premier, la présomption d’innocence, ne bénéficie qu’au seul

justiciable susceptible de se voir infliger une sanction punitive, alors que le second,

les droits de la défense, s’applique à toute instance contentieuse.

578. Le principe de la présomption d’innocence, sans être absolu, puisque le juge

constitutionnel admet des exceptions sous la forme du renversement de la charge de

la preuve, bénéficie dans la jurisprudence constitutionnelle, d’un large rayonnement,

au-delà des limites du droit pénal. Parallèlement, le régime juridique que le Conseil

constitutionnel a ainsi progressivement permis est conforme à sa mission de gardien

de la norme fondamentale, sans toutefois s’immiscer dans les prérogatives du

législateur, en matière de sécurité publique et de lutte contre la délinquance

(Chapitre 1).

579. Le principe du respect des droits de la défense, même s’il est toujours teinté

d’une coloration pénaliste prononcée1292, déborde aussi largement des frontières du

droit répressif. Désignant les prérogatives accordées aux parties pour protéger leurs

intérêts dans toute instance contentieuse, les droits de la défense recouvrent

principalement, dans la jurisprudence constitutionnelle, deux garanties spécifiques :

le droit à une procédure juste et équitable et le droit à l’assistance d’un avocat

(Chapitre 2).

CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, P.U.F., Coll. Thémis,
1292

Paris, 2010, p. 627.


La qualité du procès 341

CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PRESOMPTION D’INNOCENCE

Introduction La présomption d’innocence, de l’Ordonnance royale de Colbert au

Code napoléonien d’instruction criminelle

580. La présomption d’innocence est le principe le plus souvent inscrit dans les

dispositions de droit interne et ce, à différents niveaux de l’édifice normatif1293. La

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 d’abord, dispose dans son

article 9 que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable,

s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour

s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.1294 ». L’article 9-1 du Code

civil1295, ensuite, apparu en 19931296, affirme le droit de chacun au respect de sa

présomption d’innocence. Enfin, l’article préliminaire du Code de procédure pénale,

introduit par la loi du 15 juin 20001297, proclame dans son troisième alinéa que « Toute

personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été

établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans

les conditions prévues par la loi. » Sa valeur constitutionnelle résulte, quant à elle, de la

1293 Cf LAZERGES C., « La présomption d’innocence en Europe », Archives de politique criminelle, 2004,
n° 26, p. 125.
1294 Ce n’est toutefois que lors de la décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie, JO, 11
juillet 1989, p. 8734, que le Conseil constitutionnel rattachera la présomption d’innocence, pour la
première fois, à l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « la présomption d’innocence affirmée par l’article
9 de la Déclaration des Droits de 1789 », Cons. 7.
1295 « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute
condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une
instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi,
prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins
de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale,
responsable de cette atteinte ».
1296 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc.
1297 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.
342 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

décision « Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes » de

19811298, dans laquelle le Conseil constitutionnel affirme qu’elle profite au prévenu.

581. Si la présomption d’innocence bénéficie d’autant de déclarations protectrices,

c’est sans doute parce qu’elle comprend deux facettes distinctes. Une première,

classique, selon laquelle nul ne peut être condamné sans qu’ait été apportée à son

encontre la preuve de sa culpabilité. En ce sens, la présomption d’innocence a pour

fondement une règle procédurale principale qui fait reposer la charge de la preuve

sur l’accusation et une autre accessoire, selon laquelle le doute doit profiter à

l’accusé. Le principe, entendu ainsi, implique aussi indirectement l’interdiction des

présomptions irréfragables de culpabilité. Dans sa seconde acception, le principe

signifie que nul ne peut être présenté publiquement comme coupable des faits pour

lesquels une accusation pénale a été initiée, avant qu’il n’ait été définitivement

condamné. Prise dans cette dimension, la règle conduit à la consécration d’un droit

subjectif de la personnalité.

582. Pourtant, malgré ces affirmations fortes, gravées dans trois corpus normatifs (cas

unique en Europe, même si la plupart des états voisins ont inscrit le principe dans

leur norme suprême1299) ô combien symboliques de notre tradition juridique et de

notre attachement à la protection des droits fondamentaux, certains auteurs

remettent en cause l’effectivité réelle de la protection de la présomption d’innocence

dans l’ordre juridictionnel français. Le professeur Claude LOMBOIS1300, par exemple,

1298 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 33.


1299 En Italie, la présomption d’innocence se présente sous la forme d’une présomption de non-
culpabilité. Elle est inscrite à l’article 27 de la Constitution du 27 décembre 1947, qui dispose dans
son troisième paragraphe : « L’inculpé n’est pas considéré comme coupable jusqu’à sa condamnation
définitive ». En Espagne, la présomption d’innocence fait l’objet d’une reconnaissance
constitutionnelle à l’article 24-2 de la loi constitutionnelle du 27 décembre 1978, qui affirme le droit
de toute personne d’être présumée innocente. En Allemagne, la situation se présente différemment
puisque la présomption d’innocence n’est pas directement inscrite dans la Loi fondamentale du 23
mai 1949, mais son incorporation en droit interne se réalise par le biais de l’article 6 § 2 de la
C.E.D.H. qui, en vertu du droit constitutionnel allemand, a valeur de loi.
1300 LOMBOIS C., « La présomption d’innocence », Pouvoirs, n° 55, 1990, p. 81.
La qualité du procès 343

doute de la grandeur du principe1301, avant de se livrer à une analyse grammaticale et

sémantique de l’article 9 de la Déclaration de 1789, dans le but de démontrer la

faiblesse rédactionnelle qui rejaillirait, selon lui, sur la normativité.

583. Même si tel n’est pas notre point de vue, cette opinion de Claude LOMBOIS, loin

d’être dissidente ou séparée1302, trouve peut-être son origine dans la jeunesse de ce

principe en droit français1303. En effet, la présomption d’innocence est relativement

récente dans l’histoire judiciaire de notre pays, puisque sa traduction, dans les

dispositions normatives, ne remonte guère qu’au siècle des Lumières. Auparavant,

sous l’empire de l’Ordonnance royale de COLBERT de 1670, qui tient lieu de Code

de procédure pénale de l’Ancien Régime, la préservation de l’ordre social par la

recherche des auteurs d’infractions et leur sévère répression priment sans réserve sur

la protection des droits individuels de la personne, réduits à la portion congrue.

L’avocat, considéré comme une entrave dans la recherche de la vérité, n’assiste pas

son client (lequel est placé sur la sellette, en position physique d’infériorité par

rapport aux autres acteurs du procès) face aux questions du juge, lequel n’a, par

ailleurs, pas à motiver ses décisions.

584. Le courant philosophique des Lumières se saisira de cette question, mettant en

exergue les procédés judiciaires inhumains, définis par l’Ordonnance de COLBERT,

au premier rang desquels se trouve la pratique systématisée de la torture comme

moyen privilégié d’obtention des aveux. VOLTAIRE1304, MONTESQUIEU (qui corrèle

la préservation de la liberté à la protection de la présomption d’innocence) ou encore

1301 « Si l’on vous dit que c’est un Grand Principe, n’allez pas le croire, ou pas trop vite », Ibidem.
1302 Le président Robert BADINTER relate par exemple qu’un professeur anglo-saxon lui avait confié
qu’il enseignait à ses étudiants qu’en droit français, « on était présumé coupable jusqu’à preuve de son
innocence », BADINTER R., « La présomption d’innocence, Histoire et Modernité », Le droit privé
français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, Paris, 2001, p. 133.
1303 Les premières illustrations tangibles de la présomption d’innocence remontent toutefois au Digeste
de Justinien.
1304 Son « Traité sur la tolérance » publié en 1763 comporte de nombreuses dénonciations de
l’ordonnance criminelle qu’il considère comme n’étant « dirigée qu’à la perte des accusés » et dans
laquelle « l’innocent n’a nulle consolation à espérer ».
344 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Cesare BECCARIA1305 dénonceront avec force ces pratiques dégradantes, en décalage

avec le courant libéral qui souffle sur les milieux intellectuels du XVIIIe siècle.

585. Ces dénonciations, autant philosophiques que juridiques, finiront par trouver un

écho dans l’opinion publique et dans la législation royale de la fin de règne de Louis

XVI. Ainsi, pour la première fois, le 30 août 1780, dans une déclaration annonçant

une réforme profonde des conditions carcérales, le monarque pose les fondements de

la présomption d’innocence au détour de sa conception de la détention préventive.

Louis XVI y affirme en substance, qu’un homme déclaré innocent par un tribunal, ne

doit pas avoir subi auparavant des conditions d’incarcération d’une rigueur telle,

qu’elles seraient en soi, constitutives d’une punition. S’ensuivra une succession de

réformes audacieuses et novatrices, toutes dirigées vers l’objectif d’adoucissement et

d’humanisation de la procédure pénale. Citons l’édit du 1er mai 17881306, véritable acte

abrogatoire de l’ordonnance criminelle colbertienne, pris à l’initiative du garde des

Sceaux LAMOIGNON, qui supprime tous les traitements considérés comme

avilissants pour la personne humaine, tels que la question préalable1307 ou l’exécution

immédiate des condamnés à la peine de mort1308.

586. Les révolutionnaires se contentèrent donc de poursuivre la modernisation des

procédures judiciaires, largement initiée durant les dernières années de la royauté.

Ainsi, l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que l’on doit

principalement au parlementaire Adrien DUPORT1309, ne fait que reprendre en

1305 Dans le Traité « Des délits et des peines » édité en 1764, le grand juriste italien écrit notamment
« qu’un homme ne peut être considéré comme coupable avant la sentence du juge ».
1306 Comme d’autres réformes importantes, les parlements refuseront toutefois d’entériner cet édit,
obligeant le Roi à tenir un lit de justice afin de l’imposer le 8 mai 1788.
1307 La question préalable était une pratique judiciaire consistant à torturer les condamnés afin
d’obtenir les noms de leurs complices. La question préparatoire, c’est-à-dire la torture, qu’on
faisait subir aux inculpés pour leur arracher des aveux, avait été abolie auparavant en 1780.
1308 Ce qui leur permettait d’exercer un recours en grâce auprès du Roi.
1309 « Adrien, Jean-François DUPORT, Député en 1789, né à Paris le 5 février 1759, mort à Appenzell (Suisse)
le 15 août 1798, était, sous l'ancien régime, conseiller au parlement en la chambre des enquêtes. Il se trouvait
l'un des plus jeunes magistrats de sa compagnie, lors de la lutte qui, en 1787 et 88, s'établit entre la
La qualité du procès 345

substance la déclaration royale de 17801310. Dans le prolongement du texte

fondamental du 26 août 1789 et à la demande expresse de la Commune de Paris,

l’Assemblée constituante chargea une commission de sept membres de présenter un

projet de réforme de la procédure pénale. Son rapport fut, à quelques détails près,

intégralement adopté et devint la loi du 8 octobre-3 novembre 1789, portant réforme

provisoire de la jurisprudence criminelle. Ce dispositif législatif, qui institue toute

une série de mesures provisoires destinées à augmenter les garanties des accusés 1311,

revêt une importance toute particulière dans l’histoire de la législation judiciaire

française : il est le premier à concrétiser le principe de la présomption d’innocence

dans un texte procédural.

587. Enfin, pour parachever l’œuvre de rénovation et d’humanisation de la

procédure judiciaire et tourner définitivement la sombre page de l’ordonnance de

1670, les révolutionnaires publient la grande loi criminelle des 25 septembre-6

octobre 1791, qui met fin au système des preuves légales, source de dérives, tant il

conduisait le juge à obtenir les aveux de l’inculpé par tout moyen, y compris (et

surtout) par la torture. Dominé par le souci d’améliorer la transparence des

procédures, ce texte est aussi, dans l’histoire du droit pénal français, le premier à

instaurer une voie de droit permettant la réhabilitation des innocents.

magistrature et les ministères Calonne et Brienne, et il fut l'un de ceux qui s'y firent le plus remarquer »,
Extrait de la biographie, Site internet de l’Assemblée nationale, Base de données des députés
français depuis 1789 : http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=12256, consulté
le 14 décembre 2012.
1310 Dans cette déclaration, Louis XVI affirmait « ne plus vouloir risquer que des hommes accusés ou
soupçonnés injustement et reconnus ensuite innocents par les tribunaux, aient essuyé d’avance une punition
rigoureuse, par leur seule détention dans des lieux ténébreux et malsains ». Ce qui revient à dire que la
présomption d’innocence impose de placer un homme en détention, dans la seule hypothèse où il
est jugé indispensable de s’assurer de sa personne.
1311 Assistance d’un avocat, non seulement au cours du jugement, mais pendant tous les actes de
l’instruction (article 10), adjonction de notables aux juges dans chaque ville (article 11),
comparution des accusés devant le juge dans les vingt-quatre heures, publicité des audiences
(article 21).
346 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

588. Renforcée de manière régulière et progressive sur un peu plus d’un siècle, la

présomption d’innocence subit un sévère coup d’arrêt avec le Code napoléonien

d’instruction criminelle de 1808. Malmenée au stade de l’instruction1312, durant

laquelle la personne soupçonnée d’avoir commis l’infraction se défend seule, sans

l’assistance d’un conseil1313, elle ne déploie guère ses effets, dans toute leur plénitude,

qu’au stade de l’audience publique.

589. Il faudra attendre 18971314 pour revenir à la situation posée par la loi des 25

septembre-6 octobre 1791, à savoir l’assistance d’un conseil juridique, pendant tous

les actes de l’instruction, non sans protestation d’ailleurs, l’avocat étant perçu comme

un obstacle dans la recherche de la vérité et cette loi, comme la manifestation d’une

défiance intolérable à l’égard du juge, supposé n’instruire qu’à charge. Cette

disposition a longtemps été la dernière modification majeure survenue en matière de

renforcement de la présomption d’innocence (par le biais de l’amélioration du

traitement des présumés innocents), dans le cadre même de la procédure pénale,

jusqu’à l’intervention du législateur en 20111315, pour permettre la présence de

l’avocat dès le début de la garde à vue. À contrario, nombre de dispositifs répressifs

apparus ces trente dernières années, sous le contrôle du juge constitutionnel, peuvent

heurter frontalement le principe de la présomption d’innocence.

590. La juridiction constitutionnelle a toujours œuvré dans le sens d’un renforcement

progressif, mais mesuré, de la protection du principe de la présomption d’innocence.

Son souci permanent est de ne pas entraver exagérément l’action du législateur, dans

la poursuite des objectifs de recherche des auteurs d’infractions et de prévention des

atteintes à l’ordre public, tout en protégeant les droits constitutionnellement garantis

1312 La détention préventive est la règle, la liberté, l’exception et pas seulement en matière d’infraction
criminelle, l’instruction retrouve l’opacité qui prévalait avant le texte de 1791.
1313 KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, op. cit., p. 53.
1314 Loi ayant pour objet de modifier certaines règles de l'instruction préalable en matiere de crimes et
de délits dite « Constans » du 8 décembre 1897, JO, 10 décembre 1897, p. 6907.
1315 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 préc.
La qualité du procès 347

des justiciables. Sa politique jurisprudentielle s’est alors déployée en faveur d’un

élargissement constitutionnel du domaine d’application de la présomption

d’innocence (Section 1), en vue d’élaborer un régime juridique équilibré (Section 2) .

Section 1 L’élargissement constitutionnel du domaine d’application de la

présomption d’innocence

591. La présomption d’innocence est un principe matriciel de la procédure pénale,

dont découlent la plupart des autres principes du droit processuel répressif. Il est,

par exemple, facilement démontrable que le principe de la non rétroactivité de la loi

pénale plus sévère, outre la sécurité juridique et le principe de légalité, trouve son

fondement dans la présomption d’innocence1316. En effet, c’est précisément parce

qu’elle est encore présumée innocente, au moment où elle est soupçonnée d’avoir

commis une infraction, que la personne mise en cause ne peut se voir appliquer une

loi établie et promulguée antérieurement. À ce titre, son domaine d’application a

donc vocation à être le plus large possible. C’est la raison pour laquelle, au fur et à

mesure de son contrôle, le Conseil constitutionnel a étendu le champ d’application

de la présomption d’innocence, tant en ce qui concerne la nature de la réglementation

qui gouverne le litige (§ 1.), que pour ce qui est des débiteurs de l’obligation de

respecter le principe de la présomption d’innocence (§ 2.).

1316 KOERING-JOULIN R. et SEUVIC J.-F., « Droits fondamentaux et droit criminel », A.J.D.A., 1998,
p. 108.
348 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

§ 1. L’extension du champ d’application matériel

592. Le droit pénal, même s’il demeure prépondérant en la matière, a perdu le

monopole de la sanction étatique. Il est désormais concurrencé par d’autres formes

de mesures répressives, prises en dehors du cadre circonscrit de la sphère pénale

stricto sensu. À l’instar de son entreprise d’expansion du domaine d’application de

l’article 8 de la Déclaration révolutionnaire de 1789, la Haute juridiction

constitutionnelle a donc souhaité étendre le rayonnement de la présomption

d’innocence, au-delà des seules sanctions prévues par le Code pénal (B). Cependant,

le caractère punitif de la mesure restant le critère déterminant, cette dilatation du

champ d’application ne devait pas dépasser les frontières du domaine répressif, au

sens que le Conseil constitutionnel lui a conféré (A).

A) La limitation de la présomption d’innocence au domaine répressif

593. Le domaine répressif, au sens du juge constitutionnel, recouvre l’ensemble des

mesures à caractère punitif et a contrario, exclut les dispositions à visée purement

préventive. Mais la frontière est souvent délicate à établir et la Haute juridiction a dû

clarifier les critères d’identification des deux catégories normatives, afin de pouvoir

effectuer son contrôle au regard des normes constitutionnelles applicables dans

chacun de ces deux cas. Cette entreprise l’a conduite à élaborer une définition

autonome de la sanction punitive, afin de lui faire bénéficier de la protection

avantageuse des principes constitutionnels propres à la matière pénale et

notamment, la présomption d’innocence (1). Mais cette démarche a également

nécessité une clarification de la famille des dispositions n’ayant pas le caractère d’une

punition, tout particulièrement concernant les mesures de police, indépendamment

des qualifications législatives, qui ne sont pour autant que très rarement contredites

par la jurisprudence constitutionnelle (2).


La qualité du procès 349

1) L’élaboration d’une définition autonome de la sanction

punitive

594. Le droit pénal, même s’il demeure évidemment prépondérant en la matière, a

perdu le monopole étatique de la répression. Confronté à l’examen de la

constitutionnalité de dispositions législatives sui generis (car prises en dehors de la

sphère pénale au sens strict), sanctionnant des comportements inadaptés, le Conseil

constitutionnel a dû dessiner les contours d’une nouvelle catégorie normative : les

mesures punitives. L’objectif de la démarche est de leur appliquer le régime juridique

des sanctions pénales, au sein duquel la présomption d’innocence tient une place

déterminante.

595. En 1995, M. Jacques KLUGER faisait déjà observer cette mutation du droit

répressif de la sanction1317. Il constatait, à juste titre, qu’il n’y avait plus de

coïncidence parfaite entre d’une part, les institutions pénales et le droit de punir et

d’autre part, les normes répressives et le droit pénal. Autrement dit, si le droit pénal

n’est plus seul à définir les sanctions des comportements répréhensibles, de surcroît,

le juge pénal a parallèlement perdu l’exclusivité de les prononcer. L’apparition de

sanctions répressives ordonnées par des autorités administratives indépendantes est

l’illustration la plus révélatrice de cette transformation du droit de la sanction.

596. Jacques KLUGER, s’il a identifié les conditions de la constitutionnalité de la

mesure punitive1318, dégagées par la Haute juridiction, ne s’est pas penché sur les

critères de la qualification de sanction ayant le caractère d’une punition. Pour M.

1317 KLUGER J., « L’élaboration d’une sanction punitive dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », R.S.C., 1995, p. 505.
1318 M. Jacques KLUGER identifie trois critères de détermination de la constitutionnalité d’une mesure
punitive : les objectifs à valeur constitutionnelle, la procédure équitable et la sévérité de la
sanction, Ibidem.
350 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Jérôme FARINA-CUSSAC, ils sont au nombre de trois1319, d’inégale importance et

articulés de remarquable façon. Il semblerait néanmoins qu’il ait commis une erreur

d’appréciation, quant au rôle joué par le troisième critère mis en évidence.

597. En premier lieu, la qualification juridique législative est le paramètre

déterminant dans l’appréciation du caractère punitif d’une disposition. Toute mesure

qualifiée de sanction pénale par le législateur appartient, de facto, à la catégorie des

sanctions punitives élaborée par le Conseil constitutionnel, qui lui applique alors, en

toute logique, l’arsenal des garanties prévues par le bloc de constitutionnalité.

598. Cependant, si la disposition contrôlée n’a pas été qualifiée ainsi par les autorités

publiques, le juge constitutionnel poussera plus loin son examen afin d’identifier

l’objectif qu’elle recherche. Si le but poursuivi consiste à punir l’auteur du

comportement mis en cause, il conclura que la sanction revêt le caractère d’une

punition et la rangera dans la catégorie des sanctions punitives, afin que son

destinataire bénéficie de la protection constitutionnelle applicable aux sanctions

pénales.

599. La situation s’est présentée en 19801320, quand les auteurs de la saisine

prétendaient que le deuxième alinéa du paragraphe V de l’article 13 de la loi de

finances pour 1981 contenait une règle rétroactive, contraire à un des principes posés

par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1321 : la non

rétroactivité de la loi pénale plus sévère. En l’espèce, il s’agissait d’une mesure

prévoyant le remboursement de droits indûment perçus, à la condition qu’ils n’aient

1319 FARINA-CUSSAC J., « La sanction punitive dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et
de la Cour européenne des droits de l’homme. (Eléments pour une comparaison) », R.S.C., 2002,
p. 517.
1320 Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, Loi de finances pour 1981, JO, 31 décembre 1980,
p. 3242.
1321 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en
vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ».
La qualité du procès 351

pas été répercutés sur l’acheteur. Le Conseil estima alors que l’objectif poursuivi

n’était pas de punir le contribuable, mais simplement de rétablir la légalité. Il n’y

avait donc pas lieu de rattacher cette disposition au domaine pénal et par

conséquent, le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne trouvait

pas à s’appliquer ici1322.

600. En deuxième lieu, dans le cas contraire, quand la mesure litigieuse ne vise aucun

objectif punitif, mais comporte un simple caractère recognitif, elle ne peut être

assimilée à une sanction ayant le caractère de punition, ce qui l’exclut du champ

d’application de la présomption d’innocence. Le Conseil a été récemment confronté à

ce cas de figure, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité relative

au retrait d’agrément des assistants maternels1323. La disposition contestée, introduite

à l’article L773-20 du Code du travail1324 par la loi du 27 juin 2005, permet le retrait

d’agrément des assistants maternels1325, en raison de dangers potentiels pour l’enfant

accueilli. L’employeur est alors contraint de procéder au licenciement de l’assistant

maternel dont l’agrément a été retiré. La requérante voyait dans cette conséquence

inéluctable, une sanction automatique qui méconnaîtrait le principe de la

présomption d’innocence.

601. S’il ne fait aucun doute, que le retrait d’agrément est bien une sanction

administrative ayant un caractère punitif, ne serait-ce que parce qu’il peut faire

l’objet d’une action juridictionnelle devant le juge administratif, dans le cadre d’un

recours pour excès de pouvoir ou d’un référé-suspension, il en va tout autrement de

la mesure de licenciement qui s’ensuit. Privé de son autorisation administrative, il

manque à l’assistant maternel la condition essentielle à la poursuite de son activité

1322 Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980 préc., Cons. 8.


1323 Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011, Mme Denise R. et autre [Licenciement des assistants
maternels], JO, 2 avril 2011, p. 5895.
1324 Devenu l’article L423-8 du code de l’action sociale et des familles depuis le 1 er mai 2008, suite à
l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail, JO, 13 mars 2007, p. 4740.
1325 Celui-ci relève de la compétence du président du Conseil général.
352 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

professionnelle. Le Conseil constitutionnel en conclut que la mesure de licenciement,

qui ne porte en elle aucun caractère disciplinaire, ne peut être assimilée à une peine

ou une sanction ayant le caractère d’une punition et en conséquence, « le grief tiré de

la méconnaissance du principe de présomption d’innocence est inopérant »1326.

602. La Cour européenne adopte une démarche tout à fait comparable. En effet, si la

mesure vise « à punir pour empêcher la réitération d’agissements semblables »1327, c’est un

des indices essentiels qu’il s’agit bien d’une sanction, relevant du champ matériel

autonome des accusations en matière pénale. À l’étude de la jurisprudence de la

Cour, il apparaît d’ailleurs que ce critère est le seul vraiment décisif pour déterminer

qu’une sanction relève de la matière pénale.

603. En troisième lieu, après celui de la nature formelle de la sanction, donnée par la

qualification juridique et celui de l’objectif visé par la mesure (punir un

comportement social inadapté), M. Jérôme FARINA-CUSSAC identifie un autre

critère qui semble plus contestable : celui de la sévérité de la sanction. En effet, s’il est

indéniable que la rigueur excessive d’une mesure (appréciée généralement par le

décalage entre le comportement reproché et l’intensité du dispositif législatif supposé

y remédier), peut être la cause de son inconstitutionnalité, au regard du principe de

proportionnalité, il ne semble pas qu’elle permette en soi de ranger cette disposition

dans la catégorie des sanctions punitives. À ce titre, l’exemple choisi par Jérôme

FARINA-CUSSAC est assez significatif et par là même, guère probant pour illustrer

son point de vue.

1326 Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 3.


1327 C.E.D.H., 24 février 1994, Bendenoun c/ France, requête n° 12547/86, série A, n° 284, § 47. Il était
question ici de majorations d’impôts, mais dont le but n’était pas la réparation pécuniaire d’un
préjudice.
La qualité du procès 353

604. Il s’agit d’une disposition issue de la loi relative à la maîtrise de

l’immigration1328, contrôlée par la juridiction constitutionnelle le 13 août 1993 1329.

L’article 14 de la loi déférée prévoyait à l’encontre de l’étranger en situation

irrégulière, une interdiction de plein droit du territoire, pour une durée d’un an à

compter de son exécution, suite à toute reconduite à la frontière. Les sénateurs

(auteurs de la première saisine1330) argumentaient que cette disposition établissait le

prononcé automatique et indifférencié d’une sanction à caractère pénal, alors que

leurs homologues de l’Assemblée nationale (auteurs de la seconde saisine 1331)

soutenaient, quant à eux, que le dispositif législatif heurtait l’exigence

d’individualisation des peines et des sanctions. Les parlementaires de l’opposition se

rejoignaient donc sur l’affirmation de l’appartenance de cette mesure à la catégorie

des sanctions et sa nécessaire subordination aux exigences posées par l’article 8 de la

D.D.H.C.

605. Après avoir rappelé les dispositions constitutionnelles applicables aux peines

prononcées par les juridictions répressives, étendues à l’ensemble des sanctions

ayant le caractère d’une punition, y compris celles émanant des autorités

administratives, le juge constitutionnel censura la mesure d’interdiction du territoire,

consécutive à la reconduite à la frontière, en raison de son automaticité et de son

excessive sévérité1332, contraires aux exigences de l’article 8 de la Déclaration

révolutionnaire de 1789.

1328 Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée,
d'accueil et de séjour des étrangers en France, JO, 29 août 1993, p. 12196.
1329 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
1330 Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-senateurs.103159.html, consulté le 15 janvier 2013.
1331 Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-deputes.103158.html, consulté le 15 janvier 2013.
1332 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc., Cons. 49 : « [...] sans égard à la gravité du comportement
ayant motivé cet arrêté (de reconduite à la frontière), sans possibilité d’en dispenser l’intéressé ni même d’en
faire varier la durée [...] ».
354 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

606. La sévérité (ainsi que le caractère automatique de la mesure) est, sans conteste, la

cause de son inconstitutionnalité : l’article 8 de la D.D.H.C. exige un rapport de

nécessité entre l’infraction commise et la sanction, qui n’est pas respectée ici, d’où la

censure juridictionnelle. Mais dans le cas présent, l’excessive rigueur de la

disposition n’est pas le critère de son appartenance à la catégorie des mesures ayant

le caractère d’une punition. C’est le but recherché par la disposition annulée, qui la

rattache à cette famille juridique. L’interdiction du territoire, qui fait suite à l’arrêté

de reconduite à la frontière, est une mesure de coercition, destinée à punir celui dont

le comportement illicite et la situation irrégulière ont nécessité l’éviction

administrative du pays. Et c’est bien ce caractère qui provoque son appartenance à la

catégorie des sanctions punitives, pas l’excessive sévérité à l’origine de son

inconstitutionnalité.

607. En revanche, l’arrêté de reconduite à la frontière, lui, n’est que l’expression

d’une mesure de police administrative, prise dans le seul but de prévenir les troubles

à l’ordre public et qui, à ce titre, doit être écartée du domaine répressif, comprenant

les seules sanctions pénales et les mesures ayant le caractère d’une punition.

2) L’exclusion des mesures n’ayant pas le caractère d’une

punition : les mesures de police

608. La jurisprudence constitutionnelle, en matière de mesures de police, n’est pas

particulièrement étoffée mais trouve souvent à s’appliquer en matière de droit des

étrangers1333. Elle se caractérise par une grande constance et un respect scrupuleux

des qualifications opérées par le législateur.

1333 LABAYLE H., « Le droit des étrangers au regroupement familial, regards croisés du droit interne
et du droit européen », R.F.D.A., 2007, p. 101.
La qualité du procès 355

609. Le critère de distinction entre une sanction punitive et une mesure n’ayant pas

ce caractère, réside dans l’objectif visé par la disposition. Cette jurisprudence a été

initiée en 19801334, quand le Conseil a dû examiner la constitutionnalité de décisions

d’expulsion, qui « sont des mesures de police auxquelles sont assignés des objectifs différents

de ceux de la répression pénale1335 ». Le propos est sans ambiguïté : le but recherché par

toute politique répressive étant de lutter contre la délinquance par la sanction des

auteurs d’infractions, à l’inverse, l’objectif d’une mesure de police ne revêt donc pas

d’intention punitive.

610. Cette affirmation sera doublement confirmée en 1993, dans la décision sur la loi

relative à la maîtrise de l’immigration, précédemment citée1336. À trois considérants

d’écart, « les décisions d’expulsion qui constituent des mesures de police 1337 » sont

qualifiées quelques lignes plus loin de « mesures de police administrative1338 ». Une telle

répétition n’est ici nullement fortuite, elle relève à la fois de l’art de la persuasion et

de la science de la pédagogie. En effet, étaient en cause ici deux dispositions

législatives, l’une modifiant les cas prévus par l’ordonnance du 2 novembre 1945,

dans lesquels un étranger ne peut faire l’objet d’un arrêté d’expulsion, l’autre posant

les conditions autorisant l’expulsion en cas d’urgence, ou d’impérieuse nécessité. Les

auteurs de la saisine voyaient, dans l’arrêté d’expulsion, une sanction à l’encontre du

destinataire, alors même que le législateur la qualifiait de mesure de police

administrative, au regard de l’objectif de prévention de la sécurité publique.

611. La volonté de la juridiction constitutionnelle, de ne pas remettre en cause les

qualifications législatives établies, est ici manifeste. Elle s’inscrit en droite ligne de sa

position de principe, adoptée depuis la célèbre décision « Loi relative à l’interruption

1334 Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 préc.


1335 Idem, Cons. 6.
1336 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
1337 Idem, Cons. 57.
1338 Id., Cons. 60.
356 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

volontaire de la grossesse » de 19751339. Le Conseil y revendique sa compétence

d’attribution, en vertu de laquelle « l’article 61 de la Constitution ne (lui) confère pas [...]

un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui

donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois

déférées à son examen ».

612. La démarche de la Cour européenne des droits de l’homme est fort différente,

elle n’hésite pas à requalifier les dispositifs litigieux, soumis à son contrôle, quand

elle considère que le législateur interne a commis une erreur d’appréciation. Elle

considère que ce critère n’est qu’un indice, c’est « un simple point de départ » et

« l’indication qu’il fournit n’a qu’une valeur formelle et relative »1340, puisque la Cour ne

s’estime pas liée par les qualifications nationales. Son opération de requalification

intervient le plus souvent dans un sens favorable à l’application de l’article 6 de la

Convention1341. Ainsi, dans l’affaire Jamil c/ France1342, elle classa dans la catégorie des

peines, une mesure de contrainte par corps, au regard du but recherché et surtout du

régime correspondant1343.

613. Les exemples similaires sont assez nombreux dans la jurisprudence de la Cour

européenne. Lors de l’affaire Malige c/ France1344, le retrait de points du permis de

conduire était qualifié de mesure de police administrative par les autorités françaises.

La Cour requalifia la disposition en « accusation en matière pénale », au regard des

1339 Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 préc.


1340 C.E.D.H., 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas, requêtes n° 5100/71 ; 5101/71 ; 5102/71 ; 5354/72 et
5370/72, série A, n° 22, A.F.D.I., 1977, p. 480, note PELLOUX R ; Cah. dr. eur., 1978, p. 368, note
COHEN-JONATHAN G., § 82.
1341 Il n’y a guère que dans l’arrêt Escoubet c/ Belgique du 28 octobre 1999, requête n° 26780/95, que la
Cour ne retient pas la qualification pénale du droit interne pour écarter l’application de l’article 6.
1342 C.E.D.H., 8 juin 1995, Jamil c/ France, requête n° 15917/89, série A, n° 317, J.C.P., 1996, II, 22677, note
BOURDEAUX G.
1343 Prononcé de la mesure par les juridictions répressives et incarcération pénitentiaire possible.
1344 C.E.D.H., 23 septembre 1998, Malige c/ France, requête n° 27812/95.
La qualité du procès 357

critères issus de la jurisprudence Welch c/ Royaume Uni1345, de manière à permettre

l’application de l’article 6 de la Convention. Il est d’ailleurs assez intéressant de

constater que dans cette affaire, la juridiction strasbourgeoise déclara la sanction

automatique de retrait de points du permis de conduire, conforme aux exigences

posées par l’article 6 de la Convention, alors que le juge constitutionnel français

avait, de son côté, censuré une mesure automatique d’interdiction du territoire, suite

à toute reconduite à la frontière1346. Il est vrai que le contexte juridique était fort

différent dans les deux cas : dans le premier, la sanction automatique était

consécutive à une décision juridictionnelle, prononcée par le juge répressif, dans le

respect des prescriptions du procès équitable, alors que dans le second, elle faisait

suite à une décision administrative.

614. Si la position de la Cour européenne semble, en apparence, plus audacieuse que

celle du Conseil constitutionnel, c’est surtout parce que les incidences ne sont

nullement comparables. En substituant sa propre qualification autonome à celle du

législateur de l’État partie (ou en la superposant, pour être plus précis, dans la

mesure où cette opération n’emporte aucune conséquence en droit interne), son

action n’a pour seul avantage juridique que de permettre l’application de l’article 6

de la Convention. Autrement plus délicate est la position de la Haute juridiction

française, dont les décisions pourraient altérer la stabilité et la cohérence de l’édifice

juridictionnel, si elles ne faisaient pas preuve d’une certaine nuance, qualifiée parfois

de prudence excessive par certains auteurs1347.

1345 C.E.D.H., 9 février 1995, Welch c/ Royaume Uni, requête n° 17440/90, série A, n° 307. Ces critères
sont : sanction prononcée suite à une condamnation par un juge pénal et sévérité de la sanction.
1346 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
1347 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en
droit pénal : entre audace et prudence », op. cit., p. 193.
358 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

615. En 20031348, le Conseil eut à nouveau à se prononcer sur la question de la validité,

au regard du principe de la présomption d’innocence, d’une disposition en matière

de droit des étrangers. Celle-ci modifiait l’ordonnance du 2 novembre 1945, relative

aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, en ajoutant la possibilité

de retrait de la carte de séjour temporaire, à l’étranger passible de poursuites pénales

sur le fondement de dispositions du Code pénal1349. Les auteurs de la saisine

reprochaient à cette disposition, de porter atteinte à la présomption d’innocence,

dans la mesure où, selon eux, elle entraînerait une sanction à l’encontre d’une

personne dont la culpabilité n’aurait pas été établie par un jugement définitif. Après

avoir utilement rappelé « qu’aucune règle de valeur constitutionnelle, n’assure aux

étrangers des droits de caractère général et absolu de séjour sur le territoire national 1350 », la

juridiction constitutionnelle précisa le rattachement de la mesure de retrait de la carte

de séjour (pour des motifs d’ordre public), à la catégorie des mesures de police et non

à celle des sanctions. Le motif invoqué par les députés requérants était donc

inopérant, puisque « la présomption d’innocence ne peut être utilement invoquée en dehors

du domaine répressif »1351, dont les mesures de police ne font pas partie. Ce qui évita au

Conseil de se prononcer sur le fond du problème : la mise en œuvre de la mesure

sans aucune condamnation préalable exigée.

616. Le malaise de la Haute juridiction est tout de même perceptible dans la réserve

d’interprétation qui accompagne la décision de conformité. Les personnes passibles

de poursuites, au sens de l’article 75 de la loi déférée, sont « les seuls étrangers ayant

commis les faits qui les exposent à l’une des condamnations prévues par les dispositions du

code pénal auxquelles renvoie l’article 75 de la loi déférée1352 ». La précision ajoutée par le

Conseil constitutionnel, supposée limiter la portée de la disposition et éviter les

1348 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc.


1349 Etaient visés les articles 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-5 à 225-12-7, 311-4 (7°) et
312-12-1.
1350 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc., Cons. 83.
1351 Idem, Cons. 85.
1352 Idem, Cons. 84.
La qualité du procès 359

applications abusives, n’en est pas moins embarrassante : comment, en effet,

considérer qu’un individu a commis les faits qui lui sont reprochés avant toute

condamnation ? Même en limitant les cas aux infractions flagrantes, comme le fait

M. Jean-Éric SHOETTL dans son commentaire (il semblerait que ce soit ainsi qu’il

faille traduire la locution « ayant commis les faits »), ce qui évite, contrairement à ce

qu’affirment les professeurs Christine LAZERGES et Dominique ROUSSEAU1353, que

les étrangers seulement soupçonnés d’avoir commis les infractions visées, se voient

retirer leur titre de séjour, la décision n’est pas pleinement satisfaisante. Mais elle

n’illustre pas pour autant le « déclin du principe de la présomption d’innocence », comme

Christine LAZERGES a pu l’écrire1354, alors que toute l’évolution de la jurisprudence

constitutionnelle dessine une trajectoire inverse.

617. Ici, une fois encore, même si elle épouse (et respecte) celle du législateur, la

qualification que le juge donne à la disposition litigieuse est motivée par l’objectif

qu’elle vise. Le retrait de la carte de séjour d’un étranger passible de poursuites

pénales est considérée, par la Haute juridiction, comme une mesure de police en

raison de ses vertus préventives, dans la mesure où les infractions visées sont toutes

susceptibles de porter un préjudice grave à l’ordre public.

618. Un autre critère, qui ne paraît pas déterminant, mais qui permet d’affiner les

classifications du Conseil constitutionnel, fait défaut dans le cas présent : le caractère

intuitu personae de la mesure. La disposition contestée est une mesure impersonnelle

de police, qui s’applique indifféremment, à tous les étrangers ayant commis les faits

les exposant à l’une des condamnations, auxquelles renvoie l’article examiné. La

Haute juridiction semble en effet plutôt réticente, à voir une sanction punitive, dans

une décision qui n’est pas directement prise en considération de la personne. C’était

1353 LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
1354 LAZERGES C., « Le rôle du Conseil constitutionnel en matière de politique criminelle », Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2009, n° 26, p. 34.
360 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

déjà un élément qui faisait défaut aux mesures d’expulsion visées par la décision

« Loi relative à la prévention de l’immigration clandestine » de 19801355.

619. En la réservant à l’ensemble des mesures à caractère punitif, à l’exception des

mesures de police à visée préventive, le Conseil constitutionnel œuvre donc, tout au

contraire, dans les sens d’un renforcement de la présomption d’innocence, qui

n’aurait de toutes façons rien à gagner dans une dilution excessive.

B) L’expansion de la présomption d’innocence au-delà des seules

sanctions pénales

620. L’élaboration d’une notion autonome de la sanction punitive, devait

inéluctablement conduire le Conseil constitutionnel, à étendre le domaine

d’application de la présomption d’innocence au-delà des frontières du droit pénal.

En effet, comme l’écrit le professeur Serge GUINCHARD, « on ne peut plus limiter le

domaine de la présomption d’innocence à l’existence d’une accusation pénale »1356. Pourtant,

cette solution ne fut pas si évidente, tant la présomption d’innocence est un principe

historiquement et axiologiquement attaché la matière pénale stricto sensu (1). Mais il

était inévitable que la démarche de la juridiction constitutionnelle, à l’image de celle

qu’elle avait impulsée, concernant les principes du droit répressif découlant de

l’article 8 de la D.D.H.C., conduise à faire rayonner la présomption d’innocence au-

delà des frontières du droit pénal (2).

1355 Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, préc.


1356 GUINCHARD S.,.CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S, DELICOSTOPOULOS I.-S, Droit
processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, op. cit.
La qualité du procès 361

1) La limitation initiale à la matière pénale stricto sensu

621. Consacrée dès 19811357, mais sans précision sur le fondement, puis rattachée à

l’article 9 de la Déclaration révolutionnaire de 1789 huit ans plus tard1358, la

présomption d’innocence est un principe cardinal de la procédure pénale

française1359. À ce titre, l’extension de son application à l’ensemble des mesures

punitives fut loin d’aller de soi, à l’instar des hésitations de la Commission

européenne des droits de l’homme, en grande partie dues à une rédaction restrictive

de l’article 6, paragraphe 2 de la Convention1360. Dans l’affaire Eggs c/ Suisse1361, la

Commission estime que les stipulations de cet article ne sont pas applicables en

l’espèce, dans la mesure où la sanction infligée au requérant1362 ne relevait pas de la

matière pénale.

622. Pendant longtemps, la juridiction constitutionnelle française ne put faire

application du principe de la présomption d’innocence, en dehors de la procédure

pénale, en raison de la maladresse des motifs mis en avant par les auteurs de la

saisine. Ainsi, en 19801363, les requérants invoquaient « qu’en prenant des mesures

fondées sur des faits constitutifs de délits l’autorité administrative se substituerait à l’autorité

judiciaire »1364. Etait en cause une mesure d’expulsion et le Conseil constitutionnel dut

préciser, qu’en raison des objectifs préventifs qui leur sont assignés et de ce fait

1357 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc.


1358 Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989 préc.
1359 HENRION H., « La présomption d’innocence dans les travaux préparatoires au XX ème siècle »,
Archives de politique criminelle, 2005, n° 27, p. 37.
1360 « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie ».
1361 C.E.D.H., 12 juillet 1984, Eggs c/ Suisse, requête n° 7431/76.
1362 Il s’agissait d’une mesure disciplinaire de cinq jours d’arrêts de rigueur, infligée pour
désobéissance, durant une période de service militaire dans une école de recrues. A noter que la
Commission avait conclu le 4 mars 1978 qu’il y avait eu violation de l’article 5, paragraphe premier
de la Convention européenne, en ce que le requérant avait été détenu dans des conditions ne
correspondant à aucun des alinéas et en particulier du fait que la détention n’avait pas été
ordonnée par un tribunal compétent.
1363 Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 préc.
1364 Idem, Cons. 5.
362 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

différents de ceux de la répression pénale, ces dispositions appartiennent à la

catégorie des mesures de police. En résumé, elles n’ont pas de caractère punitif, en

conséquence de quoi, « aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que

la loi confère à l’autorité administrative le pouvoir de prendre un arrêté d’expulsion fondé sur

des faits de nature à justifier une condamnation pénale, alors même qu’aucune condamnation

définitive n’aurait été prononcée par l’autorité judiciaire »1365. La Haute juridiction dissocie

sans ambiguïté les deux familles de mesures, qui poursuivent des objectifs

spécifiques, sans corrélation nécessaire entre elles et qui sont prononcées par des

autorités distinctes.

623. Un doute a pu tout de même s’immiscer en 20021366, quant à l’applicabilité de la

présomption d’innocence aux sanctions punitives, en dehors de la sphère pénale. Les

articles 158 et 169 de la loi de modernisation sociale instauraient une inversion de la

charge de la preuve, en faveur des personnes qui s’étaient vu refuser la location d’un

logement, en s’estimant victimes d’une discrimination prohibée par la loi et au

bénéfice de celles se prétendant l’objet d’un harcèlement moral ou sexuel. La réponse

laconique du juge constitutionnel est pour le moins contestable. Il considère en effet

« qu’il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les règles de preuve

dérogatoires qu’elles instaurent trouvent à s’appliquer "en cas de litige" ; qu’il s’ensuit que

ces règles ne sont pas applicables en matière pénale et ne sauraient, en conséquence, avoir

pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe de présomption d’innocence ».

624. L’article 158 de la loi litigieuse, insère dans l’article premier de la loi n° 89-462 du

6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, deux alinéas. Le premier pose

le principe de l’interdiction de refus de location d’un logement, en raison de motifs

discriminants illicites1367. Le second, fixant le cadre procédural du litige, mérite d’être

1365 Idem, Cons. 6.


1366 Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, JO, 18 janvier 2002, p. 1053.
1367 L’origine, le patronyme, l’apparence physique, le sexe, la situation de famille, l’état de santé, le
handicap, les mœurs, l’orientation sexuelle, les opinions politiques, les activités syndicales ou
La qualité du procès 363

cité dans son intégralité : « En cas de litige relatif à l’application de l’alinéa précédent, la

personne s’étant vu refuser la location d’un logement présente des éléments de fait laissant

supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il

incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée. Le juge forme sa

conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime

utiles ».

625. Le Conseil constitutionnel, au terme d’une démarche très constructive,

interprète le terme « litige » comme synonyme de contentieux extra-pénal, dans la

mesure où le juge dont il est fait mention est le juge civil. La conclusion à laquelle il

aboutit est plus inquiétante encore : la présomption d’innocence (et sa conséquence

procédurale essentielle, le fardeau de la charge de la preuve sur l’accusation 1368), ne

trouve à s’appliquer puisque le juge pénal n’est pas compétent ici. Que la charge de

la preuve puisse obéir à des règles différenciées selon les matières (civile, fiscale,

commerciale, pénale) est une souplesse nécessaire. Mais que le fardeau repose sur la

partie défenderesse, avec l’aval du juge constitutionnel (car s’opérant en dehors de la

matière pénale), en instaurant une véritable présomption de culpabilité quasi

irréfragable, est tout de même plus contestable.

2) L’extension progressive aux sanctions administratives

626. Le Conseil constitutionnel a reconnu, dès 19891369, un pouvoir de sanction aux

autorités administratives, dans le cadre du contrôle des prérogatives du Conseil

l’appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée.
1368 AÏT-OUARET, A., La présomption d'innocence et la preuve pénale, Mémoire de DEA. dactyl.,
Bordeaux IV, 2004.
1369 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.
364 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

supérieur de l’audiovisuel1370. Il veillera toutefois à le soumettre à des conditions

précises, résumées dans la décision « Loi portant diverses dispositions relatives à

l’immigration » de 19971371, à l’image de la démarche entreprise par la Cour

européenne des droits de l’homme1372. Après avoir signalé qu’il ne heurte nullement

le principe de séparations des pouvoirs, (les autorités juridictionnelles n’ayant pas le

monopole de la sanction), le juge constitutionnel précise que cette prérogative forte

doit, d’une part, ne pas entraîner une privation de liberté1373 et, d’autre part, « être

assorti(e) par la loi de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement

garantis »1374. Suit une brève liste de principes gouvernant le régime juridique des

sanctions administratives, comprenant la nécessité et la légalité des peines ainsi que

les droits de la défense, que l’on suppose non exhaustive car précédée de la précision

« en particulier ». Pour autant, le principe de la présomption d’innocence ne figure pas

au rang de ces garanties essentielles accompagnant le pouvoir de sanction. En outre,

la décision de 2002, comme il a été constaté précédemment, n’a pas permis de lever le

doute, bien au contraire1375.

627. En 20031376, le Conseil est amené à contrôler la constitutionnalité des articles 21 et

25 de la loi pour la sécurité intérieure, qui prévoient un dispositif d’enregistrement

numérique de données personnelles, dans un fichier automatisé, mis en œuvre par

les services de la police et de la gendarmerie nationales. Les requérants reprochaient

à cette mesure, parmi d’autres griefs, de contrevenir à la présomption d’innocence,

1370 GENEVOIS B., note, Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
1371 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc.
1372 MODERNE F., « Sanctions administratives et protection des libertés individuelles au regard de la
Convention européenne des droits de l’homme », L.P.A., 1990, n° 8, p. 15 ; DUBRULLE J.-B., « La
difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le pouvoir de sanction des autorités
administratives indépendantes », op. cit., p. 14.
1373 Le domaine d’application des sanctions administratives sera encore limité en 2009, lors de la
décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur
internet, JO, 23 juin 2009, p. 10248, en excluant les sanctions dont l’objet est de restreindre l’exercice
de la liberté de communication et d’expression.
1374 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 30.
1375 Cf supra n° 623 et s.
1376 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc.
La qualité du procès 365

notamment en raison de la possibilité de maintien des données personnelles, même

en cas de décision définitive de relaxe ou d’acquittement, sur prescription motivée

du procureur de la République. Pour ce qui est des décisions de non lieu ou de

classement sans suite, le principe est inversé : les données personnelles sont

conservées, sauf si le procureur de la République en ordonne l’effacement.

628. Cette décision est tout à fait intéressante et ce, à double titre, à la fois sur

l’applicabilité du principe de la présomption d’innocence et sur le fond de la

solution. En premier lieu, le juge constitutionnel ne rejette pas le moyen invoqué

comme inopérant ou manquant en fait, car inapplicable en l’espèce, au regard de la

nature de la mesure à laquelle il manquerait le caractère punitif nécessaire. Il s’agit

donc bien d’une sanction, mise en œuvre par une autorité administrative de l’État,

tout au moins en ce qui concerne l’enregistrement des données nominatives. Le

critère punitif ne semble pourtant guère évident, ce qui n’est pas le cas de la

considération personnelle qui a présidé à la décision. La présomption d’innocence

trouve donc à s’appliquer dans le cadre d’une décision administrative, donc dans

une procédure extra-juridictionnelle et par conséquent, en dehors de la sphère pénale

au sens strict. C’est là le principal enseignement de cette solution.

629. En second lieu, sur le fond de la décision cette fois, il est intéressant d’observer

que la Haute juridiction valide le dispositif, uniquement sous réserve de « nécessités

d’ordre public appréciées par l’autorité judiciaire »1377, justifiant la conservation des

données nominatives et personnelles. Eu égard à cette réserve constructive et au

droit d’accès et de rectification des données, au bénéfice de chaque personne inscrite

dans le fichier et dont les conditions sont fixées par l’article 39 de la loi relative à

1377 Idem, Cons. 41.


366 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’informatique, aux fichiers et aux libertés1378, cette mesure ne contrevient pas au

principe de la présomption d’innocence.

630. En conclusion, loin d’être « une nouvelle brèche dans le respect dû à la présomption

d’innocence », comme l’écrivent Christine LAZERGES et Dominique ROUSSEAU1379, il

s’agit tout au contraire, d’une progression du domaine d’application du grand

principe processuel. Si les compensations apportées par la réserve d’interprétation

du Conseil constitutionnel et par la loi de 1978 paraissent insuffisantes aux yeux des

auteurs précédemment cités, l’inscription et la conservation de données personnelles

informatisées, auraient pu être considérées comme intervenant en dehors du

domaine répressif et rendre ainsi inopérant le grief invoqué. Qu’il soit permis de

partager plutôt le point de vue de Thierry RENOUX, qui signale que le juge

constitutionnel « retient une conception plus souple [...] de la présomption d’innocence, en

dehors de tout procès et de toute accusation1380 ».

631. Il était déjà possible d’observer l’intervention du principe de la présomption

d’innocence, tout au moins de manière tacite, dans le cadre du droit fiscal. Ainsi, lors

du contrôle de la loi de finances pour 20001381, qui prévoyait dans son article 103 une

pénalité spécifique de 80 % en cas de découverte d’une « activité occulte », le juge

constitutionnel valida la disposition législative, qui constituait bien une sanction

ayant le caractère de punition, en précisant « qu’il incombera à l’administration

d’apporter la preuve de l’exercice occulte de l’activité professionnelle1382 ». Même s’il n’est

pas expressément cité, ni son fondement constitutionnel, issu de l’article 9 de la

Déclaration révolutionnaire, explicitement visé, c’est bien le principe de la

1378 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JO, 7 janvier
1978, p. 227.
1379 LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
1380 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, 4e éd., Litec, Coll. Codes bleus, Paris, 2010,
p. 148.
1381 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 préc.
1382 Idem, Cons. 54.
La qualité du procès 367

présomption d’innocence, par le biais de sa conséquence procédurale essentielle, la

charge de la preuve sur l’accusation1383, qui motive cette nécessaire précision.

632. L’extension du domaine d’application de la présomption d’innocence, ne s’est

pas réalisée seulement à l’égard de la nature de la mesure applicable au litige, mais

aussi en direction des acteurs publics, dont l’action serait à même d’y porter atteinte.

§ 2. L’extension du champ d’application personnel

633. La présomption d’innocence induit quelques traductions procédurales, qui

doivent être respectées par toutes les autorités publiques intervenant dans le

processus normatif. Que ce soit au stade de l’élaboration législative de la règle de

droit, procédurale ou substantielle, ou lors de sa mise en œuvre, les deux acteurs

normatifs principaux que sont le législateur et le juge, se doivent de respecter le

principe. L’action du premier est vérifiée et bornée par la Haute juridiction, lors de

son contrôle de constitutionnalité de la loi (A), qui, à cette occasion, n’hésite pas à

user de sa technique des réserves directives, afin de guider le second dans son

application des mesures déférées (B).

A) L’encadrement constitutionnel de l’action du législateur

634. Il est deux situations juridiques dans lesquelles l’action du législateur,

compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution, pourraient mettre à mal la

présomption d’innocence. Il s’agit, tout d’abord, de la détermination de dispositifs

coercitifs, destinés à s’assurer de la personne d’un présumé innocent. Le Conseil

constitutionnel, au terme d’un examen approfondi, procède par directive

1383 Cf infra n° 666 et s.


368 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

d’orientation1384, afin de guider le législateur dans son action future (1). C’est ensuite,

l’édiction de mesures d’amnistie, même si le grief d’inconstitutionnalité paraît moins

évident ici, ce qui conduit d’ailleurs la Haute juridiction à une décision de

conformité (2).

1) L’approfondissement du contrôle de la rigueur législative

excessive pour s’assurer d’une personne présumée innocente

635. L’article 9 de la Déclaration de 17891385 exige du législateur qu’il réprime toute

mesure qui excéderait ce qui est nécessaire pour s’assurer de la personne d’un

présumé innocent. Le moins que l’on puisse en attendre est donc qu’il n’édicte pas

lui même de règles qui, par leur excessive sévérité, outrepasseraient cette

indispensable rigueur. Ce contrôle fait d’ailleurs l’objet d’une attention minutieuse

de la part du Conseil constitutionnel, qui n’a cessé de renforcer les exigences en la

matière à l’égard du législateur.

636. Cet examen de la constitutionnalité de la rigueur d’une mesure, s’appliquant à

une personne en situation de présomption d’innocence, fut initié en 19931386. Le juge

constitutionnel était saisi du contrôle d’une disposition permettant la garde à vue (de

vingt-quatre heures et sans prolongation possible) de mineurs de treize ans, en cas de

crimes ou délits punis d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement,

avec l’accord préalable du procureur ou, dans le cadre de l’exécution d'une

commission rogatoire, d'un juge d'instruction ou d'un juge pour enfants.

1384 Le terme est de Jean RIVERO, note, « Filtrer le moustique et laisser passer le chameau », Décis.
Cons. const. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, A.J.D.A., 1981, p. 107.
1385 MORANGE J., La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. (26 août 1789), 4e éd., P.U.F, Coll.
Que sais-je ?, Paris, 1995, p. 41.
1386 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
La qualité du procès 369

637. Le contrôle, opéré par le Conseil constitutionnel pour examiner la rigueur des

mesures instituées par le législateur, est un contrôle approfondi, qui fait intervenir

trois paramètres principaux : la gradation des mesures en fonction de l'âge1387, la

gravité des faits reprochés et enfin, l'existence éventuelle d'antécédents judiciaires. Le

premier critère nécessite une appréciation préalable de la mesure, prise par le

législateur, sur l’échelle de la sévérité des dispositions applicables aux mineurs. Ici, le

caractère contraignant ou sanctionnateur ne fait guère de doute. Le juge en conclut

qu’une mesure de contrainte ne doit concerner que les enfants à partir d'un âge

minimum et qu’en toutes hypothèses, une mesure de garde à vue ne peut s’appliquer

à un mineur de treize ans1388.Le deuxième critère, lié à la gravité des actes, influe sur

la faculté de recourir à des mesures de contrainte en fonction de la peine encourue.

Enfin, l'existence d'antécédents judiciaires constitue le fondement du principe de

prohibition des peines planchers, pour les mineurs sans condamnation préalable1389.

638. Ces éléments d’appréciation ne sont ni vraiment cumulatifs (situation la plus

favorable pour le législateur), ni véritablement alternatifs (cas le plus exigeant), mais

relèvent davantage de la technique jurisprudentielle du faisceau d'indices, certes

moins rigoureuse juridiquement, mais laissant au juge une plus grande latitude dans

l’évaluation de la constitutionnalité de la disposition litigieuse. Appliquée ici, la

combinaison de ces trois critères, même si le premier a été prépondérant en l’espèce,

aboutit à la censure du « régime de la garde à vue du mineur de treize ans, même assorti de

modalités spécifiques 1390 ».

1387 On retrouve cette nécessité dans le considérant de principe (n° 26) de la Décision n° 2002-461 DC
du 29 août 2002 préc., qui fonde le principe fondamental reconnu par les lois de la République en
matière de justice des mineurs.
1388 Idem, Cons. 29.
1389 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de
la sécurité intérieure, JO, 15 mars 2011, p. 4630, Cons. 27.
1390 La principale de ces modalités est que la décision doit être soumise au contrôle d'un magistrat
spécialisé dans la protection de l'enfance, Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 29.
370 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

639. Le législateur a dû tirer les conséquences de cette décision, en tenant compte des

griefs d'inconstitutionnalité. Il a mis en place une procédure appropriée pour les

mineurs de moins de treize ans, avec un plancher de dix ans, utilisable à titre

exceptionnel pour des crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement de plus

de sept ans. Cette rétention, forme de garde à vue pour jeunes mineurs, subordonnée

à un accord préalable et au contrôle d'un magistrat1391, ne peut dépasser une durée

maximale de dix heures, renouvelable exceptionnellement une fois1392. Déférée au

Conseil1393, cette disposition a été déclarée conforme au texte constitutionnel, les

garanties offertes par le dispositif, qui correspondaient précisément aux directives

d’orientation du juge constitutionnel, ayant emporté la conviction de la Haute

juridiction.

2) L’admission constitutionnelle de l’amnistie législative

640. L’amnistie, mot d’origine grecque, dont la racine étymologique renvoie à « l’acte

de ne pas se souvenir », est définie juridiquement comme « la mesure qui ôte

rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux

(ces faits étant réputés avoir été licites, mais non pas ne pas avoir eu lieu)1394 ». Il s’agit donc

d’un « instrument de conciliation sociale, dont le fondement est bien souvent

constitutionnel1395 » mais qui reste une fiction juridique, se matérialisant dans un acte

normatif, qui expurge de leur illicéité, des comportements répréhensibles

auparavant. En ce sens, elle se distingue de la grâce présidentielle, qui est « une

mesure de clémence par laquelle le président de la République, en vertu du droit que lui

1391 Magistrat du ministère public ou juge d'instruction, tous deux spécialisés dans la protection de
l'enfance.
1392 Loi n° 94-89 du 1er février 1994, JO, 2 février 1994, p. 1803.
1393 Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau
code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, JO, 26 janvier 1994, p. 1380.
1394 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit.
1395 RUIZ-FABRI H., « Les institutions de clémence (amnistie, grâce, prescription) en droit
international et droit constitutionnel comparé », Archives de politique criminelle, 2006, n° 28, p. 237.
La qualité du procès 371

confère l’article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958, soustrait en tout ou partie un

condamné à l’exécution de la peine prononcée contre lui (remise de peine) ou substitue à cette

peine une peine plus douce (commutation de peine)1396 ».

641. Au regard de l’article 34 de la Constitution, c’est au législateur qu’il revient de

fixer les règles concernant l’amnistie1397. Conformément à l’interprétation que la

juridiction constitutionnelle a faite de cette formulation, il appartient donc « à celui-ci

de poser [...] des règles dont l’application incombera aux autorités ou organes désignés par

lui1398 ». En conséquence, le législateur ne dispose pas de l’exclusivité des

prérogatives en matière d’amnistie, mais peut déléguer leur mise en œuvre à une

autre autorité de l’État1399. Cependant, il dispose d’une large compétence, qui lui a

permis de définir les contours du droit de l’amnistie, tant en ce qui concerne son

étendue que ses conditions d’application.

642. Pour ce qui est de la partie du domaine liée à la nature du comportement

litigieux, on constatera que le législateur n’a pas hésité à amnistier des sanctions

dépassant le cadre strict de la matière pénale, sans que le Conseil constitutionnel n’y

trouve rien à redire1400. Les limites du droit d’amnistier coïncident donc strictement

sur ce point, avec celles de la présomption d’innocence, qui s’étend à l’ensemble des

sanctions ayant le caractère d’une punition. Cette superposition parfaite des

1396 Ibidem.
1397 Sur l’ensemble de la question : DANET J., GRUNVALD S., HERZOG-EVANS M. et LE GALL Y.,
Prescription, amnistie et grâce en France, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires, Paris, 2008 ; ROCHE-
DAHAN J., L'amnistie en droit français, Thèse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
1398 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, JO, 17 janvier 1982, p. 299, Cons. 39.
1399 C’est ce que fit la loi d’amnistie n° 95-884 du 3 août 1995, JO, 6 août 1995, p. 11804, qui habilite,
dans son article 13, le président de la République à amnistier par décret, une catégorie déterminée
de personnes, simplement poursuivies ou déjà condamnées pour certaines infractions. On parle
dans ce cas de "grâce amnistiante", que le dictionnaire CORNU définit comme la "grâce accordée par
le président de la République dans les conditions spéciales prévues par une loi d’amnistie et à laquelle cette
loi attache par avance les effets de l’amnistie".
1400 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 préc., Cons. 15 : « Considérant ainsi que le législateur a pu,
sans méconnaître aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle, étendre le champ
d’application de la loi d’amnistie à des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but d’apaisement
politique ou social ».
372 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

domaines permettrait donc potentiellement à l’amnistie, de porter atteinte à la

présomption d’innocence dans toute son étendue matérielle.

643. Concernant les conditions d’application temporelles de l’amnistie, il convient de

distinguer selon le moment de la procédure judiciaire où elle intervient. En effet,

celle-ci peut survenir avant le jugement, alors que le présumé innocent fait l’objet de

poursuites, ou après la sentence du juge, en effaçant les condamnations prononcées,

supposées ne jamais avoir existé, en raison du caractère rétroactif. Seule la première,

l’amnistie avant jugement, est susceptible d’affecter la présomption d’innocence,

dans la mesure où cette dernière cesse de produire ses effets au moment de la

déclaration de culpabilité. L’amnistie, après prononciation judiciaire de culpabilité,

n’entre plus dans le champ d’application de la présomption d’innocence.

644. C’est précisément l’amnistie avant jugement qui était en cause dans la décision

« Loi portant amnistie » de 19891401. Les auteurs de la saisine lui faisaient grief de

contrevenir à la présomption d’innocence, en empêchant la personne mise en cause

de faire la preuve de son innocence. Selon eux, l’amnistie agirait ici comme une

forme détournée et insidieuse de présomption de culpabilité irréfragable, en

présumant coupables tous ceux qu’elle vise, sans leur donner les moyens d’apporter

la preuve contraire. Le Conseil constitutionnel se contente de répondre, de manière

pour le moins concise1402, « que dans la mesure où l’amnistie a pour effet d’interdire

des poursuites pénales, elle ne méconnaît en rien le principe proclamé par l’article 9 de la

Déclaration de 1789 selon lequel tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été

déclaré coupable1403 ».

1401 Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989 préc.


1402 Le professeur Bertrand MATHIEU évoque la « sécheresse » de la réponse du Conseil
constitutionnel, « Fragments d’un droit constitutionnel de l’amnistie », L.P.A., n° 36, 23 mars 1990,
p. 2.
1403 Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989 préc., Cons. 10.
La qualité du procès 373

645. Sur la plan strictement juridique, le raisonnement du juge constitutionnel est

irréprochable : en ôtant toute irrégularité aux actions accomplies par la personne

concernée1404, l’amnistie transforme d’une certaine façon un coupable potentiel en

innocent incontestable. On ne peut alors que partager l’avis du professeur Thierry

RENOUX1405, qui voit dans l’amnistie avant jugement « une véritable présomption

législative d’innocence ».

646. Mais sur un plan sociologique, la requête parlementaire n’est pas dénuée de

fondements : bien souvent, une simple mise en examen résonne déjà comme une

forme de culpabilité partielle. En somme, « pour l’opinion publique, l’inculpation vaut

souvent culpabilité1406 ». C’est sans doute la raison pour laquelle, la juridiction

constitutionnelle prend la peine de rajouter ce qui s’apparente à un motif

surabondant et maladroit : « Considérant au surplus, qu’il ressort du renvoi fait par

l’article 5 de la loi déférée aux dispositions du chapitre IV de la loi n° 88-828 du 20 juillet

1988, que l’amnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle ni à la réhabilitation ni à l’action en

révision devant toute juridiction compétente tendant à faire établir l’innocence du

condamné1407 ». En effet, la révision est une procédure judiciaire qui vise « une décision

pénale définitive pouvant être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable

d’un crime ou d’un délit1408 ». La réhabilitation judiciaire est, quant à elle, une cause

d’extinction des peines, qui suppose une condamnation par un tribunal à une peine

criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle1409. En ce sens, toutes deux ne

concernent donc que les personnes à l’encontre desquelles un jugement de

condamnation a été prononcé. Or, dans la décision de 1989, seules les amnisties avant

1404 Ces faits sont réputés licites, mais contrairement à ce qu’écrit M. Claude FRANCK, obs., Décis.
Cons. const. n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, J.C.P., 1990, II, 21409, ils ne sont pas réputés
inexistants : « Loin d’y porter atteinte, l’amnistie en généralise , au contraire, l’application, en réputant
l’inexistence de certains faits répréhensible ».
1405 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 154.
1406 MAKOWIAK J., « L’amnistie en question », R.D.P., 2008, p. 511.
1407 Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989 préc., Cons. 11.
1408 Article n° 622 du Code de procédure pénale.
1409 Article n° 782 du Code de procédure pénale.
374 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

jugement étaient visées comme attentatoires à la présomption d’innocence. La

précision apportée par le Conseil constitutionnel, supposée rappeler une garantie

supplémentaire, ne fait qu’introduire une certaine confusion inutile.

647. La jurisprudence du Conseil en matière d’amnistie, loin de limiter l’action du

législateur, apparaît au contraire comme un facteur de légitimation, en lui offrant un

label de constitutionnalité. Mais il est vrai que, si le juge constitutionnel impose au

législateur le respect du principe de la présomption d’innocence, ce n’est

certainement pas dans une mesure d’oubli et d’apaisement social que celle-ci

pourrait être altérée.

648. Plus encore que le législateur sans doute, le juge en charge de l’application des

règles processuelles pourrait nuire à la présomption d’innocence. C‘est pourquoi, le

Conseil constitutionnel a dû mettre en œuvre sa technique des réserves directives 1410,

afin d’orienter les décisions de celui-ci, dans un sens compatible avec le grand

principe issu de l’article 9 de la Déclaration de 1789.

B) Le renforcement des directives constitutionnelles à l’égard du juge

649. Le juge joue un rôle déterminant à l’égard de la présomption d’innocence. En

effet, parce que le législateur répressif lui a laissé une grande marge d’appréciation, à

la fois dans le choix des poursuites, confié au parquet (2), ainsi que dans la possibilité

de prononcer une mesure judiciaire privative de liberté, conférée au siège (1), il est

celui qui est le plus susceptible d’y porter atteinte. Son action est donc strictement

encadrée par le Conseil constitutionnel, qui n’hésite pas à user de la technique des

1410 Sur l’ensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des décisions
interprétatives en France et en Italie, op. cit. ; DISANT M., L'autorité de la chose interprétée par le Conseil
constitutionnel, op. cit. ; VIALA A., Les réserves d'interprétation dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, op. cit.
La qualité du procès 375

réserves directives, pour indiquer au juge les choix les plus respectueux de la

présomption d’innocence.

1) Le contrôle des mesures judiciaires privatives de liberté avant

jugement

650. La détention provisoire1411 est une mesure grave, probablement même la plus

attentatoire de toutes à la présomption d’innocence, puisqu’il s’agit d’une privation

de liberté qui consiste à incarcérer une personne mise en examen, mais dont la

culpabilité n’a pas encore été établie par un jugement définitif. En ce sens, elle heurte

incontestablement la présomption d’innocence, d’autant que c’est bien sous cet angle

explicatif au regard de la détention avant jugement, que celle-ci est présentée dans

l’article 9 de la Déclaration de 17891412. Cependant, c’est une modalité qui a son utilité

propre, car il peut s’avérer dangereux de laisser en liberté, un délinquant qui

pourrait, non seulement prendre la fuite, mais également détruire les preuves de

l’infraction, voire faire pression sur des témoins.

651. Afin de concilier ces impératifs contradictoires, la loi du 17 juillet 1970 1413,

modifiée à de nombreuses reprises et en dernier lieu par la loi du 5 mars 2007 1414, a

expressément prévu que la détention provisoire devait rester une mesure

exceptionnelle1415. Les exigences fixées par le Code de procédure pénale sont, à ce

1411 Sur la question, GUÉRY C., Détention provisoire, Dalloz, Coll. Référence, Paris, 2001.
1412 « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter [...] ».
1413 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 préc.
1414 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JO, 7 mars 2007, p. 4297.
1415 L’article 137 du Code de procédure pénale dispose que « Toute personne mise en examen, présumée
innocente, demeure libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté,
elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent
insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique. A titre exceptionnel, si les obligations
du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas
d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire ».
376 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

titre, particulièrement strictes. La détention provisoire est une mesure subsidiaire,

possible uniquement quand le contrôle judiciaire paraît insuffisant au regard des

circonstances de l’affaire et soumise à des conditions liées à la nature de l’infraction

commise1416. Les prérogatives du juge, compétent pour prononcer la mesure privative

de liberté, sont donc rigoureusement encadrées par la loi. De surcroît, le présumé

innocent qui a fait l’objet d’une détention provisoire et qui a ensuite bénéficié d’un

non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement, peut bénéficier d’une indemnisation à

raison du préjudice subi1417. C’est dire si le législateur a pris soin de préserver le

mieux possible la présomption d’innocence, dans le cadre des dispositifs gouvernant

la détention avant jugement.

652. La jurisprudence constitutionnelle s’inscrit parfaitement dans cette philosophie

judiciaire libérale, qui pose la liberté avant jugement comme le principe et impose de

circonscrire les mesures de contrainte dans des limites exiguës. Le Conseil admet les

mesures restrictives ou privatives de liberté, avant toute déclaration de culpabilité,

mais soumet leur constitutionnalité au respect de conditions exigeantes1418. Il eut

l’occasion de préciser explicitement sa position pour la première fois en 2002 1419, lors

de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la justice, qui modifiait

les dispositions du placement et du maintien en détention provisoire.

1416 En vertu de l’article 143-1 du Code de procédure pénale, la détention est toujours possible en
matière criminelle alors qu’en matière correctionnelle, elle ne peut être prononcée que lorsque le
délinquant encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois années.
1417 Loi n° 2000-1354 du 30 décembre 2000 tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus
innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale, JO, 31
décembre 2000, p. 21191.
1418 Ce n’est pas l’avis de tous les commentateurs de cette décision. M me Valentine BÜCK, par exemple,
obs., Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, R.S.C., 2003, p. 612, fait observer que les
conditions, posées par le Conseil constitutionnel, relatives aux finalités recherchées par la
détention provisoire, sont plus larges et donc en-deçà des exigences fixées par la loi. Il semblerait
qu’elle commette ici une confusion : l’article 37 de la loi examinée précise les conditions de
prolongation de la détention provisoire, alors que la Haute juridiction vise la situation de mise en
détention provisoire. Il n’est donc pas surprenant que les premières soient plus rigoureuses que les
secondes.
1419 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc.
La qualité du procès 377

653. Les exigences de la juridiction constitutionnelle peuvent être réparties en trois

catégories1420. Tout d’abord, une première liée à la personne mise en cause, à

l’encontre de laquelle doit exister une suspicion sérieuse de sa participation à la

commission de l’infraction. Cette condition est, de toute évidence, destinée à limiter,

voire éviter, les situations judiciaires, donnant lieu à indemnisation au titre du

préjudice subi, consécutivement à la détention injustifiée. Ensuite, une garantie

procédurale classique, qui accompagne et adoucit chaque dispositif heurtant la

présomption d’innocence : le respect des droits de la défense. Enfin, une exigence

corrélée au but poursuivi par la mesure privative de liberté. Le Conseil

constitutionnel demande un rapport de nécessité1421 (c’est à dire qu’il ne doit pas

exister de mesure moins attentatoire à la présomption d’innocence, permettant

d’obtenir le même résultat) entre la détention provisoire et l’objectif recherché, qui

peut même avoir valeur constitutionnelle1422. Ces finalités visées par la mesure sont la

manifestation de la vérité, la protection et le maintien à la disposition de la justice du

présumé innocent, la protection des tiers et la sauvegarde de l’ordre public. On ne

peut que saluer cette jurisprudence constitutionnelle, qui renforce indéniablement la

présomption d’innocence, en complétant le cadre législatif propre à la détention

provisoire, tout en laissant au juge la marge de manœuvre nécessaire à

l’accomplissement de sa mission, en fonction de chaque situation.

654. Cette jurisprudence fera l’objet d’une confirmation en 2010 1423, dans le cadre

d’une question prioritaire de constitutionnalité, portant sur une disposition de la loi

1420 Idem, Cons. 66.


1421 Ce n’est que depuis la Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 préc., que le Conseil apprécie la
constitutionnalité des privations de liberté au moyen du triple test de l’adéquation, de la nécessité
et de la proportionnalité au sens strict, Cf FAVOREU L. et PHILIP L., Les grandes décisions du
Conseil constitutionnel, 16e éd., Dalloz, Coll. Grands arrêts, Paris, 2011, p. 404 et plus
particulièrement, p. 411 et s.
1422 C’est le cas ici pour l’objectif de sauvegarde l’ordre public, consacré par la Décision n° 2003-484 DC
du 20 novembre 2003 préc.
1423 Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 préc.
378 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Perben II1424, qui n’avait pas été examinée lors du contrôle à priori1425. La disposition

litigieuse est l’article 803-3 du Code de procédure pénale, qui, par dérogation aux

dispositions de l’article 803-21426, réglemente la période qui débute à l’issue de la

garde à vue, en cas de décision de défèrement, c’est-à-dire lorsque la personne

gardée à vue est traduite devant une autorité judiciaire à fins de poursuite.

655. Il y a certes des analogies entre la disposition contrôlée ici et la détention

provisoire examinée en 2002. Les deux mesures bénéficient d’un encadrement

législatif strict et répondent à un même objectif : permettre le maintien du prévenu à

la disposition de la justice. Cependant, on pourra tout de même être étonné que le

Conseil constitutionnel reproduise ici son considérant de principe de 2002 1427, tant les

deux situations ne sont guère comparables, ne serait-ce qu’en matière de durée1428.

Cette réitération traduit une volonté manifeste du juge constitutionnel de renforcer la

présomption d’innocence, dans une situation de privation de liberté avant

établissement de culpabilité, tout en veillant à ne pas entraver exagérément l’objectif

de bonne administration de la justice.

1424 Avant 2004, cette période intermédiaire privative de liberté, entre la phase d’enquête et la phase
judiciaire proprement dite, n’était régie par aucun texte, ce qui devait, inéluctablement et fort
logiquement, conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l’homme, C.E.D.H., 27 juillet 2006, Zervudacki c/ France, requête n° 73947/01.
1425 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
1426 L’article 803-2 du Code de procédure pénale dispose que « Toute personne ayant fait l’objet d’un
défèrement à l’issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même
devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la
procédure ». Cependant, cette comparution n’est pas toujours possible immédiatement, en raison de
l’heure, nocturne parfois, à laquelle la garde-à-vue peut s’achever.
1427 « Considérant que le principe de présomption d’innocence, proclamé par l’article 9 de la Déclaration de 1789,
ne fait pas obstacle à ce que l’autorité judiciaire soumette à des mesures restrictives ou privatives de liberté,
avant toute déclaration de culpabilité, une personne à l’encontre de laquelle existent des indices suffisants
quant à sa participation à la commission d’un délit ou d’un crime ; que, toutefois, c’est à la condition que ces
mesures soient prononcées selon une procédure respectueuse des droits de la défense et apparaissent
nécessaires à la manifestation de la vérité, au maintien de ladite personne à la disposition de la justice, à sa
protection, à la protection des tiers ou à la sauvegarde de l’ordre public », Décision n° 2010-80 QPC du 17
décembre 2010 préc., Cons. 5.
1428 Là où la détention provisoire peut atteindre quatre ans et huit mois, la période située entre la fin
de la garde à vue et la comparution devant le magistrat ne peut excéder vingt-quatre heures, en
vertu de l’article 145-2 du Code de procédure pénale.
La qualité du procès 379

2) La prescription du choix de la poursuite pénale la moins

défavorable au présumé innocent

656. La commission d'une infraction entraîne, par nature, une atteinte à l'ordre public

et à l'intérêt général, puisqu'elle a pour effet de contrevenir aux règles prévues par la

loi. C'est la raison pour laquelle, dans notre système procédural, toute infraction

pénale peut donner naissance à une action judiciaire particulière, exercée par le

parquet : l'action publique1429. En vertu du principe d’opportunité des poursuites 1430,

le procureur, informé de la commission d'une infraction, dispose d’une liberté

encadrée d'engager ou non, des poursuites contre l'auteur de celle-ci. Quand il opte

pour cette solution1431, en dehors des situations où la saisine du juge d’instruction lui

est commandée par la loi1432, le juge constitutionnel lui impose, par l’effet du principe

de la présomption d’innocence, de choisir la voie procédurale la plus pertinente au

regard des faits.

657. Cette solution de principe a été posée par le Conseil constitutionnel dès 1981,

lors de l’examen de la « Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des

personnes »1433, dont le double objectif était annoncé dès son intitulé. Parmi toutes les

dispositions originales envisagées par le texte, celle qui allie le mieux l’espérance

d‘amélioration de la sécurité d’un côté et de préservation de la liberté de l’autre, par

1429 En vertu de l’article 1er du Code de procédure pénale, il s'agit de « l'action judiciaire qui est exercée
par le parquet au nom de la société et qui tend au prononcé d'une sanction pénale à l'encontre de l'auteur
d'une infraction ».
1430 L'article 40 du Code de procédure pénale dispose que « le Procureur de la République reçoit les
plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1 ».
Sur les origines prétoriennes du principe, MOROZ X., « Les initiatives procédurales des parquets
au XIXème siècle », Archives de politique criminelle, 2003, n° 25, p. 85.
1431 L'ouverture d'une information est simplement facultative et le parquet n'y procédera, en principe,
que lorsque les faits sont particulièrement complexes ou nécessitent des recherches
supplémentaires.
1432 En vertu des articles 79 du Code de procédure pénale et 5 de l'ordonnance du 2 février 1945
relative aux mineurs, l'ouverture d'une instruction est obligatoire chaque fois que l'infraction
commise est un crime ou encore lorsque son auteur est inconnu ou est un mineur de dix-huit ans
(dans ce dernier cas, la règle ne joue pas pour les contraventions des quatre premières classes).
1433 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc.
380 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

une accélération de la justice, est certainement la nouvelle procédure de la saisine

directe. L’article 51 de la loi déférée au juge constitutionnel, qui introduit un nouvel

article 393 dans le Code de procédure pénale1434, offre au procureur le choix entre

deux procédures, selon le degré de difficulté de l’affaire. Pour les plus délicates, une

voie procédurale longue, avec l’ouverture d’une instruction préparatoire, confiée à

un juge d’instruction. Pour les moins complexes d’entre elles, une procédure plus

rapide de saisine directe de la juridiction de jugement, pouvant s’opérer selon trois

modalités distinctes1435.

658. Le raisonnement de la Haute juridiction, dans l’analyse de la constitutionnalité

de cette procédure, au regard de la présomption d’innocence, s’articule en deux

temps. Premièrement, le Conseil vérifie l’adéquation de cette mesure, aux objectifs

annoncés par le gouvernement, dans les motifs de la loi. Même s’il est effectué de

manière sommaire et qu’il est passé relativement inaperçu, il s’agit ici d’une des

premières manifestations tangibles, dans sa forme embryonnaire, du contrôle de

l'aptitude d’un dispositif à atteindre le but que le législateur s’est librement fixé 1436.

En l’espèce, le Conseil constate que l’objet de cette nouvelle procédure est bien de

permettre l’accélération de la justice. Cette célérité améliorée entretient effectivement

un lien causal avec l’objectif de bonne marche de la justice1437.

1434 Auparavant, l’article 71 du Code de procédure pénale prévoyait, qu’en cas de flagrant délit et
quand le fait était puni d’une peine d’emprisonnement, alors que le juge d’instruction n’était pas
saisi, le procureur de la République pouvait mettre l’inculpé sous mandat de dépôt, après l’avoir
interrogé sur son identité et sur les faits qui lui étaient reprochés, afin de saisir le tribunal selon la
procédure de flagrant délit prévue par les articles 393 à 397 du même Code.
1435 La convocation par procès verbal, la saisine immédiate ou la saisine préalable du président du
tribunal ou d'un juge délégué par lui en cas de réunion impossible du tribunal le jour même,
Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 30.
1436 Le professeur Valérie GOESEL-LE BIHAN situe le point de départ de ce contrôle avec la décision
n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils
généraux et des conseils régionaux, « Réflexion iconoclaste sur le contrôle de proportionnalité exercé
par le Conseil constitutionnel », R.F.D.C., 1997, p. 227.
1437 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 32. Le Conseil constitutionnel utilisera plutôt
par la suite, à partir de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 16, l’objectif de
bonne administration de la justice (« il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice... »).
La qualité du procès 381

659. Deuxièmement, il examine la conformité de cette procédure de saisine directe,

au regard des exigences inhérentes à la présomption d’innocence. Le dispositif n’est

alors déclaré conforme à la Constitution, que sous réserve que le juge du siège saisi

de l’affaire, contrôle la pertinence du choix effectué par le ministère public 1438.

Autrement dit, il incombe au magistrat de la juridiction de jugement en charge du

dossier, de vérifier que l’option prise par le parquet ne nuit pas au prévenu. Dans le

cas contraire, c’est à dire en cas de recours non pertinent du procureur de la

République à la saisine directe, le juge devra nécessairement, soit procéder à un

supplément d'information, soit prononcer la relaxe du prévenu1439. La conformité de

la mesure est à ce prix : la présomption d’innocence doit profiter au justiciable, en le

protégeant des recours abusifs et en instaurant un principe de faveur dans le choix

de la procédure idoine. Et c’est à un juge indépendant du pouvoir exécutif que le

Conseil constitutionnel confie cette tâche délicate, dont Loïc PHILIP pense qu’elle est

un peu éloignée de la réalité de la justice quotidienne1440.

660. Reste la délicate question de l’efficacité de cette directive d’application, qui ne

peut bénéficier de l’autorité de chose jugée de l’article 62 de la Constitution, qu’à la

condition d’apparaître comme indissociable du dispositif 1441. Il n’en demeure pas

moins qu’il s’agit là d’une véritable injonction faite au juge, de faire respecter par le

procureur et de respecter lui-même, la présomption d’innocence. Il est important de

le souligner car, au jour de cette décision, rares étaient les interventions aussi

audacieuses du juge constitutionnel, même si elles se sont développées depuis1442.

1438 Idem, Cons. 33.


1439 Ibidem.
1440 PHILIP L., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, op. cit., p. 651.

1441. RIVERO J., note, « Filtrer le moustique et laisser passer le chameau », Décis. Cons. const. n° 80-127

DC, op. cit., p. 107. Jean RIVERO souligne cependant que les directives du Conseil constitutionnel
ont été reprises dans une circulaire du garde des Sceaux du 7 février 1981, adressée aux procureurs
généraux.
1442 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en

droit pénal : entre audace et prudence », op. cit., p. 193.


382 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

661. Les prescriptions de la juridiction constitutionnelle en la matière restent valables

aujourd’hui encore. L’article 393 du Code de procédure pénale, issu de cette loi, n’a

été modifié qu’à une seule reprise et sur un point de détail1443. Examiné à l’occasion

d’une question prioritaire de constitutionnalité 1444, rendue possible à raison d’un

changement de circonstances de droit1445, le Conseil n’est pas revenu sur sa

jurisprudence trentenaire, dont on suppose alors, qu’elle s’applique toujours aux

différentes formes de saisine de la juridiction compétente, qu’il s’agisse des

comparutions immédiates, des citations directes ou des convocations par procès-

verbal.

662. En étendant le champ d’application du principe de la présomption d’innocence à

toute forme de sanctions punitives, consécutives ou non à une infraction pénale,

prononcées par une autorité juridictionnelle ou administrative et en en imposant le

respect aux deux acteurs publics, susceptibles de lui porter l’atteinte la plus

conséquente, le Conseil constitutionnel a œuvré dans le sens d’un développement du

principe. Le régime juridique associé, dont il va tracer les contours au fil de sa

jurisprudence, poursuit le même objectif d’un procès de qualité, caractérisé par le

souci de l’équilibre des droits des parties1446. Il s’agit, d’un côté, de permettre à

l’accusation d’apporter les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité et de

l’autre, de préserver les droits constitutionnels propres à la personne mise en cause.

1443 L’article 224 de la Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 préc. a substitué le terme « avocat » à celui de
« conseil ».
1444 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. [Défèrement devant le procureur de la
République], JO, 7 mai 2011, p. 7850.
1445 La décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., constitue un changement des circonstances
de droit qui justifie le réexamen de l’article 393 du Code de procédure pénale.
1446 Cf infra n° 761 et s.
La qualité du procès 383

Section 2 L’élaboration constitutionnelle d’un régime juridique procédural

équilibré de la présomption d’innocence

663. La démarche du Conseil constitutionnel, en matière de présomption

d’innocence, est le résultat d’un dosage réfléchi, qui résulte directement des

prérogatives que lui confère le Titre VII de la Constitution. Celui-ci, il n’eut de cesse

de le répéter, ne lui accorde pas de pouvoir général d'appréciation identique à celui

du législateur, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la

constitutionnalité des lois dont il est saisi1447. Sa politique jurisprudentielle s’oriente

alors vers deux directions. D’une part, encadrer les expressions législatives

procédurales de la présomption d’innocence, dans le souci de préserver les droits

constitutionnels du justiciable (§ 1.). D’autre part, accepter dans de raisonnables

limites, les tempéraments au principe cardinal de la procédure répressive, afin de ne

pas museler l’action du législateur dans ses objectifs de sécurité publique (§ 2.).

§ 1. L’encadrement des expressions procédurales du principe de la

présomption d’innocence

664. La traduction majeure du principe de la présomption d’innocence se trouve dans

la règle procédurale, qui exige que ce soit à la partie poursuivante d’apporter la

preuve de ses allégations. Cette imputation du fardeau de la preuve, a été rappelée

par le Conseil constitutionnel en 1999, dans la décision « Traité portant statut de la

Cour pénale internationale1448 ». Outre cette affirmation de l’attribution de la charge

de la preuve à l’accusation, la Haute juridiction, à la suite de la Cour de cassation 1449,

1447 Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 préc., Cons. 1.


1448 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale internationale, JO, 24
janvier 1999, p. 1317.
1449 Cass. Ass. plén., 7 janvier 2011, pourvois n° 09-14.316 et n° 09-14.667 ; J.C.P., 2011, 1489, obs.
PACLOT Y.
384 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

a aussi récemment confirmé l’obligation de loyauté dans la recherche des éléments

probatoires1450, exigence dont elle confie le contrôle à l’autorité judiciaire 1451. Il y a là,

de toute évidence, un renforcement des exigences constitutionnelles inhérentes au

principe Affirmanti incumbit probatio1452, qui trouve un prolongement dans la nécessité

de respecter les droits fondamentaux, lors de l’administration de la preuve, sous

peine d’irrecevabilité (A).

665. À contrario, corollaire du premier principe, puisque c’est à l’accusation

d’apporter les preuves de ce qu’elle avance, la personne mise en cause, elle, bénéficie

du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. En conséquence, les règles

strictes de validité du régime de la preuve, pourraient s’opposer à ce que l’auteur

d’une infraction reconnaisse l’avoir commise, en contradiction du droit de ne pas

s’incriminer soi-même. Ce sont là toutes les questions suscitées par les dispositifs de

« plaider-coupable », qui aboutissent à une proposition de peine, tels que la

procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, à laquelle la

juridiction constitutionnelle a su apporter des réponses satisfaisantes pour préserver

la présomption d’innocence (B).

A) Le nécessaire respect des droits fondamentaux dans

l’administration de la preuve

666. S’il incombe au ministère public d’apporter les éléments probatoires à l’appui de

ses prétentions, la preuve qui serait obtenue en violation des droits constitutionnels

fondamentaux, ne pourrait être admise. C’est ce qu’il ressort, tant de la jurisprudence

1450 Cf GUINCHARD S., « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », op. cit., p. 201,
particulièrement p. 211 et s.
1451 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme Élise A. et autres [Garde à vue
II], JO, 19 novembre 2011, p. 19480, Cons. 30 : «...il appartient en tout état de cause à l'autorité judiciaire
de veiller au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ».
1452 « La preuve incombe à celui qui allègue ».
La qualité du procès 385

constitutionnelle que de celle de la Cour européenne des droits de l’homme, avec des

degrés d’intensité variables entre les deux juridictions suprêmes.

667. Le Conseil constitutionnel a adopté une position à la fois claire, précise et

pragmatique, au moyen d’une argumentation aux qualités démonstratives certaines,

en 2003, lors de l’examen de la « Loi pour la sécurité intérieure1453 ». En l’espèce, la

norme législative déférée envisageait, parmi d’autres mesures destinées à améliorer

la sécurité à l’intérieur des frontières, deux dispositifs aux objets comparables, mais

poursuivant des buts différents.

668. Le premier prévoyait la possibilité de prélèvements internes1454, sur une

personne soupçonnée d’avoir commis un acte grave de viol ou d’agression intime,

afin de déterminer son état sanitaire, en raison de transmission possible de maladies

sexuelles à la victime. Le second autorisait les prélèvements externes1455, pour la

réalisation d’analyses scientifiques comparatives, avec les indices prélevés pour les

besoins de l'enquête. L’objectif de tels prélèvements est donc de réunir les éléments

probatoires, nécessaires à la manifestation de la vérité. Il est fort éclairant, pour

l’identification du régime juridique imposé par le Conseil constitutionnel dans les

méthodes d’administration de la preuve, de comparer les solutions obtenues dans

chacun des deux cas. Ne serait-ce qu’à ce titre, pour répondre à la question posée par

Christine LAZERGES et Dominique ROUSSEAU1456, la loi pour la sécurité intérieure

a bel et bien été contrôlée.

669. Au rang des points communs, les deux dispositifs, selon les requérants,

porteraient atteinte au même principe : l'inviolabilité du corps humain, qui,

1453 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc.


1454 Un examen médical (une auscultation) et un prélèvement sanguin.
1455 Il s’agit d’un prélèvement permettant d’obtenir les empreintes génétiques par le moyen d’un
recueil de salive, ou encore une prise d'empreintes digitales, le relevé d'un spécimen d'écriture ou
le prélèvement de particules (pollens, poussière) sur les vêtements.
1456 LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC, op. cit., p. 1147.
386 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

rappelons le, est un principe de valeur législative1457, mais dont le respect constitue

une garantie d'un principe constitutionnel, le principe de sauvegarde de la dignité de

la personne humaine1458. Ils nécessitent également tous deux une intervention

matérielle sur une personne, un prélèvement effectué sur le suspect, qui encourt une

sanction en cas de refus. Les similitudes s’arrêtent là. En ce qui concerne les

divergences, les deux mesures ne visent ni les mêmes destinataires1459, ni le même

objectif. Il n’est donc guère surprenant, que les garanties prévues par les deux

dispositions diffèrent.

670. Les prélèvements externes, tels qu’ils ressortent des débats parlementaires, parce

qu’ils ne nécessitent pas d’investigation corporelle, ne comportent pas de caractère

intrusif et sont parfaitement indolores. Le Conseil en conclut qu’ils ne sont pas

attentatoires à la dignité et ne peuvent alors constituer une atteinte à l'inviolabilité du

corps humain. En dehors d’une maladresse rédactionnelle, qui subordonne l'absence

d'atteinte au principe de l'inviolabilité du corps humain à la dignité de la personne,

en inversant les conditions posées dans la décision « Bioéthique » précitée1460, la

réticence des professeurs Bertrand MATHIEU et Michel VERPEAUX1461, à faire de la

douleur l’un des critères de l’atteinte à la dignité de la personne humaine, sauf à ne

1457 En vertu de l’article 16 du Code civil, « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à
la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »
1458 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au
don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au
diagnostic prénatal, JO, 29 juillet 1994, p. 11024, Cons. 18. Sur la question, GIMENO CABRERA V.,
Le traitement jurisprudentiel du principe de dignité de la personne humaine dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel français et du Tribunal constitutionnel espagnol, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004 ; PAVIA M.-L. et REVET T. (dir.), La dignité de
la personne humaine, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 1999.
1459 Les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis un viol
ou une agression sexuelle, dans le premier cas, les personnes susceptibles d’être placées en garde à
vue, dans le second. C’est ce qu’il ressort de la réserve d’interprétation incluse dans le considérant
54, quand le Conseil constitutionnel précise « que les "personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits en cause" sont celles qui sont déjà tenues de comparaître devant l'officier de
police judiciaire en vertu de l'article 62 du Code de procédure pénale ».
1460 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 préc.
1461 MATHIEU B. et VERPEAUX M., Obs., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A.,
18 septembre 2003, p. 6.
La qualité du procès 387

considérer la douleur que sous son aspect physique 1462, n’emporte pas totalement

l’adhésion.

671. Ceci étant, il sera fait observer une différence majeure entre les deux procédures.

Dans le cas des prélèvements externes à des fins judiciaires, aucune voie d’exécution

d’office n’est prévue. Alors que dans le cas des prélèvements internes pour raisons

médicales, le consentement de l’intéressé est souhaitable et doit être

préférentiellement obtenu, mais il ne constitue pas pour autant un obstacle dirimant

à l’accomplissement de l’examen. En effet, celui-ci pourra être effectué quand même,

à la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, sur instructions écrites

du procureur de la République ou du juge d'instruction, qui auront toute latitude

pour en apprécier la nécessité, selon la nature de l'infraction reprochée. C’est, à n’en

point douter, l’objectif recherché par la mesure qui justifie que le législateur ait prévu

une exécution forcée dans un cas et l’ait exclue dans l’autre. La santé de la victime

prime sur la manifestation de la vérité.

672. Il ressort de cette étude comparative un attachement du Conseil constitutionnel,

d’une part à la manifestation de la vérité et d’autre part, au respect des droits

fondamentaux, au premier rang desquels, la dignité de la personne humaine. Pour le

premier, cela n’est pas une nouveauté : le refus de contribuer à la réalisation de cet

objectif de valeur constitutionnelle1463 s’analyse même en une faute personnelle1464.

Pour le second, il sera souligné les garanties qui accompagnent le respect du

principe, lors de l’administration de la preuve et qui mettent celui-ci à l’abri de toute

atteinte éventuelle des autorités publiques, policières ou judiciaires.

1462 Pour des manifestations de douleurs psychologiques, Cf infra n° 677, un exemple tiré de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
1463 L’objectif de la manifestation de la vérité judiciaire est assimilable, dans la jurisprudence
constitutionnelle, à celui de la recherche des auteurs d’infractions, consacré par la décision n° 2004-
492 DC du 2 mars 2004 préc.
1464 Cf infra n° 722.
388 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

673. En premier lieu, la réserve interprétative du considérant 54 évoquée

précédemment1465, permet de circonscrire avec précision la population destinatrice de

la mesure. Seules les personnes déjà tenues de comparaître devant l'officier de police

judiciaire, en vertu de l'article 62 du Code de procédure pénale, pourront faire l’objet

de ces prélèvements.

674. En deuxième lieu, les traces A.D.N. de ces personnes ne pourront en aucun cas

être enregistrées, ni encore moins conservées, dans le fichier national automatisé des

empreintes génétiques1466. Elles ne serviront donc qu’à l’élucidation de l’enquête

policière, au cours de laquelle elles ont été prélevées.

675. En troisième lieu, si une sanction1467 mesurée est bien prévue, en cas de refus de

se soumettre aux opérations de prélèvements, le Conseil constitutionnel y adjoint une

réserve directive à l’intention du juge pénal. Ce dernier devra proportionner la peine

sanctionnant ce manquement à la manifestation de la vérité, en fonction de celle

prévue pour l’infraction, à l'occasion de laquelle le prélèvement a été effectué. Il y a

lieu ici de partager l’analyse de M. Jean-Éric SCHOETTL1468 qui fait d’abord observer,

que la sanction pénale est le seul moyen d'imposer un prélèvement externe à un

suspect récalcitrant. Mais aussi, que le quantum de la peine prévue n’est

probablement pas suffisamment dissuasif, pour empêcher celui qui, sachant que

l’examen le confondrait inévitablement, préfèrerait s’y soustraire, quitte à se voir

prononcer la peine maximale envisagée.

1465 Cf supra n° 669.


1466 Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé par la loi n° 98-468
du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs, JO, 18 juin 1998, p. 9255. Son fonctionnement est défini par le titre XX du
livre IV du Code de procédure pénale, « Du fichier national automatisé des empreintes
génétiques », articles 706-54 à 706-56-1.
1467 Elle est identique dans les deux cas : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
1468 SCHOETTL J.-É., Note, Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A., 28 mars 2003,
p. 4.
La qualité du procès 389

676. Le Conseil a donc fait preuve d’une grande vigilance dans cette décision, à

l’égard de principes constitutionnels qu’il avait précédemment dégagés, en

particulier, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Ce n’est,

à ce jour, qu’au regard de ce principe, qu’il a eu l’occasion de contrôler la validité

d’un système probatoire, par rapport au respect des droits fondamentaux. Et ce n’est

qu’en raison des risques sanitaires encourus par la victime et dans un souci

d’équilibre entre les droits de cette dernière et ceux de son agresseur présumé, que le

Conseil constitutionnel admet les prélèvements internes non consentis. De plus, il ne

valide la constitutionnalité des prélèvements externes qu’entourés de solides

précautions, alors même qu’ils ne peuvent être exécutés d’office.

677. La Cour européenne, quant à elle1469, a été confrontée à la question, dans une

hypothèse beaucoup plus nette d’atteinte aux droits fondamentaux, par des

techniques policières, en vue de collecter des éléments de preuve. Elle dut apprécier

la conformité à la Convention de cinq techniques d’interrogatoire coercitives 1470,

réalisées en vue d’obtenir des aveux. Sans grande surprise, tant il était avéré que les

méthodes susvisées avaient causé de vives souffrances physiques et morales, en

entraînant des troubles psychiques aigus en cours d’interrogatoire, elle conclut

qu’elles s’analysent en une pratique inhumaine et dégradante1471, contraire à l’article

3 de la Convention1472.

678. La Convention européenne des droits de l’homme encadre triplement le système

de l’administration de la preuve, à la fois par les exigences générales du procès

équitable de l’article 6, paragraphe 1, mais aussi par le respect des droits garantis

1469 C.E.D.H., 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, requête n° 5310/71, série A, n° 25.
1470 Station debout contre un mur, encapuchonnement de la tête avec un sac, bruits et sifflements
imposés, privation de sommeil et privation de nourriture, solide et liquide.
1471 Sans pour autant mériter recevoir, selon la Cour européenne des droits de l’homme, la
qualification de torture parce que la Convention a voulu marquer par ce terme « d’une spéciale
infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances. », C.E.D.H.,
18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni préc., § 167.
1472 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».
390 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

spécifiquement par les articles 3 et 81473 de la Convention. L’évaluation de la légalité

de la preuve relève, en principe, de l’appréciation souveraine du juge national et une

preuve obtenue de manière illicite, n’induit pas nécessairement une violation de

l’article 6. Mais si l’obtention de la preuve contredit un droit protégé par un autre

article de la Convention, c’est sur ce fondement que la violation est constatée. En

somme, aux yeux de la juridiction strasbourgeoise, la preuve fournie par l’accusation,

doit répondre à une certaine éthique, dont l’objet est double1474 : le respect du corps

humain, protégé des traitements dégradants par l’article 3 et celui de la vie privée,

préservée des intrusions étatiques par l’article 81475.

B) La compatibilité de la reconnaissance préalable de culpabilité avec

le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

679. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (C.R.P.C.) est

apparue en 2004, comme la forme la plus aboutie et surtout la plus proche, des

procédures de « plaider-coupable », bien connues des systèmes de Common Law1476.

Ces deux voies de droit diffèrent tout de même dans la mesure où la C.R.P.C.

française, contrairement à son homologue anglo-saxonne, n’offre aucun espace de

négociation, entre la personne mise en cause et le ministère public, ni sur la nature, ni

sur le quantum de la peine proposée. En outre, dans les pays anglo-saxons, la

procédure de plea bargaining peut être mise en œuvre quelle que soit la gravité de

1473 Cet article pose le droit au respect de la vie privée et familiale.


1474 L’expression est du professeur Jean PRADEL, « Vers des principes directeurs communs aux
diverses procédures pénales européennes », Mélanges offerts à Georges Levasseur : droit pénal, droit
européen, Litec, Paris, 2007, p. 463.
1475 C.E.D.H., 24 avril 1990, Kruslin c/ France, requête n° 11801/85, série A, n° 176-A ; C.E.D.H., 24 avril
1990, Huvig c/ France, requête n° 11105/84, série A, n° 176-B.
1476 PAPADOPOULOS I., Plaider coupable : la pratique américaine, le texte français, op. cit.
La qualité du procès 391

l’infraction, alors que dans les pays d’Europe latine1477, elle demeure circonscrite aux

délits mineurs.

680. Cependant et c’est là leur principal point commun, elles reposent toutes deux

sur la reconnaissance de culpabilité du suspect, ce qui dispense l’accusation

d’apporter la preuve de ses allégations. L’aveu est ainsi la condition nécessaire à la

mise en œuvre de ces procédures, dont il constitue la colonne vertébrale, en échange

d’une espérance d’atténuation de peine1478. C’est précisément parce que la personne

mise en cause ne conteste pas la réalité des faits qui lui sont reprochés, que tout débat

contradictoire autour de sa culpabilité est évincé et par là même, un certain nombre

de démembrements de la présomption d’innocence, parmi lesquels le droit de ne pas

contribuer à sa propre incrimination, consacré également par la jurisprudence de la

Cour européenne des droits de l’homme1479.

681. Le choix d’une voie de droit différente, selon que le mis en cause ait reconnu les

faits ou qu’il les nie, est tout de même sujet à discussion. En dehors du fait que l’aveu

ne met nullement à l’abri d’une possible erreur judiciaire, quand bien même la

C.R.P.C. ne viserait que les délits1480, ce qui ne modifie d’ailleurs pas

fondamentalement la question, cette dichotomie procédurale n’est pas sans poser un

certain nombre de difficultés juridiques dans la recherche de la vérité judiciaire. Ces

dernières étaient d’ailleurs mises en évidence, en 1997, par la Commission de

réflexion sur la Justice1481, qui faisait remarquer qu'il serait sans doute délicat de

1477 L’Espagne a institué le dispositif du « jugement de conformité », le Portugal la procédure de


« confession » et l’Italie, la procédure du « marchandage ».
1478 En vertu de l’article 495-8 du Code de procédure pénale, la peine d’emprisonnement prononcée ne
peut excéder ni un an, ni la moitié du quantum encouru.
1479 ROETS D., « Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme », A.J. Pénal, 2008, p. 119.
1480 Selon l'article 495-7 du Code de procédure pénale, la procédure de C.R.P.C. vise les délits « punis à
titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à
cinq ans ».
1481 Commission dont la présidence a été confiée en 1997, par le Président de la République, Jacques
CHIRAC, à Pierre TRUCHE, Premier Président de la Cour de cassation.
392 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

reprendre des investigations, interrompues prématurément par un aveu, lequel serait

rétracté ultérieurement. De plus, la Commission relevait un obstacle potentiel, en

raison de cette division possible au sein des poursuites. En effet, le tribunal chargé de

juger le coauteur d’une infraction se trouverait dans une situation embarrassante, si

celui-ci minimisait sa participation aux faits délictueux, en fondant son système de

défense sur l’aveu de celui qui aurait choisi parallèlement la procédure de C.R.P.C.

682. L’aveu de culpabilité constituant le socle du « plaider-coupable » à la française,

certains auteurs y voyant même le risque d'une portée exorbitante1482, les conditions

procédurales, qui ont présidé à son recueil, vont alors bénéficier d’une attention

particulière, à la fois de la part du législateur1483, mais aussi et surtout du juge

constitutionnel lors de son contrôle1484.

683. Ainsi, l’article 495-8 du Code de procédure pénale, exige que le suspect

reconnaisse sa culpabilité, devant le procureur de la République et nécessairement en

présence de son avocat. Il dispose ensuite d’une période de réflexion de dix jours, lui

laissant le temps suffisant pour consulter son conseil, avant d’accepter la proposition

du ministère public. Cette assistance du défenseur devant la partie poursuivante,

imposée par le législateur, est d’autant plus remarquable que ce n’est pas le cas dans

toutes les procédures judiciaires. Ainsi, dans les deux hypothèses de défèrement

devant le Procureur de la République, à l'issue de la garde à vue1485, la personne

comparaît devant la partie poursuivante hors la présence de son avocat. La Haute

juridiction s’est prononcée sur cette question1486 et a considéré que l’absence d’un

1482 SAAS C., « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur »,


op. cit., p. 827.
1483 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 préc.
1484 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
1485 Défèrement prévu par l'article 802-3 du Code de procédure pénale, précédant une information
judiciaire et celui résultant de l'article 393, propre aux procédures de convocation par procès verbal
et de comparution immédiate.
1486 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011 préc., JO, 7 mai 2011, p. 7850.
La qualité du procès 393

défenseur, dans ces circonstances, ne constituait pas un motif

d’inconstitutionnalité1487.

684. De plus, le magistrat du siège chargé de l’homologation de la procédure doit

auparavant, examiner que les conditions posées par le législateur ont été respectées.

Il est possible de les classer en deux catégories. En premier lieu, il va contrôler

d’abord que les conditions matérielles d’application de la C.R.P.C. ont bien été

observées par le ministère public. Il va donc, non seulement vérifier la réalité des

faits et leur qualification juridique1488, de manière à s’assurer que ceux-ci

correspondent bien aux infractions visées par la procédure, mais aussi la justification

de la peine, au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son

auteur1489. Le législateur lui confie ici un véritable contrôle d’opportunité. En second

lieu, il va s’assurer également de la réalité et de l’authenticité du consentement du

justiciable, c’est à dire, non seulement que l’intéressé a accepté la peine proposée en

connaissance de cause, mais également qu’il a reconnu, librement et sans

contrainte1490, les faits qui lui sont imputés1491.

685. Une observation critique peut être formulée à l’encontre du contrôle lacunaire

exercé par le Conseil constitutionnel sur ces dispositions. La Haute juridiction passe

sous silence la question importante de la possible détention provisoire pendant le

délai de réflexion, qui n’est, sans doute pas sans incidence sur la réponse apportée à

la proposition du parquet. Ceci étant, l’omission du Conseil est à relativiser. En effet,

1487 Sous réserve tout de même que le Procureur de la République n’ait ni la possibilité d'interroger la
personne déférée, ni de consigner les propos qu’elle pourrait prononcer sur les faits qui font l'objet
de la poursuite. Cette étape doit seulement lui permettre d’informer la personne mise en cause sur
les suites de la procédure et de lui notifier ses droits. C’est, en quelque sorte, la nécessaire
conséquence de l’absence de l’avocat lors du défèrement.
1488 Article 495-9 du Code de procédure pénale.
1489 Article 495-11 du Code de procédure pénale.
1490 Même si l’on peut raisonnablement penser que la présence de l’avocat apporte cette garantie.
1491 Article 495-11 du Code de procédure pénale.
394 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

en vertu de l’article 495-10 du Code de procédure pénale1492, le juge des libertés et de

la détention n’ordonne le placement en détention provisoire qu’à titre exceptionnel, à

la condition que la peine proposée soit supérieure ou égale à deux mois

d'emprisonnement ferme, assortie d'une exécution immédiate.

686. Il est tout de même dommage, que le Conseil ne se soit pas penché plus en

profondeur sur la question de la liberté du consentement, qui se pose très clairement

ici. La Cour européenne des droits de l'homme, dans l’arrêt Deweer1493, avait fait le

constat que « si la perspective de comparaître devant le juge pénal est assurément de nature

à inciter beaucoup d'« accusés » à se montrer accommodants, la pression qu'elle crée sur eux

n'a rien d'incompatible avec la Convention ». En somme, la seule menace d'exercer des

poursuites ne suffit pas, en elle-même, à caractériser une contrainte prohibée par

l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais le fait

d’accompagner cette menace de pressions supplémentaires, contrevient aux

stipulations de l’article 6, paragraphe 1. Dans le cadre de la C.R.P.C., il n’est pas

totalement incongru de considérer le placement en détention provisoire, comme une

forme de pression amplifiant la menace d'exercer l'action publique en cas de refus.

En tous cas, la question aurait mérité que le juge constitutionnel s’y attardât, même si

le contrôle abstrait de l’article 61 n’aurait sans doute pas permis d’y apporter des

réponses juridiquement satisfaisantes.

1492 « Lorsque la personne demande à bénéficier, avant de se prononcer sur la proposition faite par le procureur
de la République, du délai prévu au dernier alinéa de l'article 495-8, le procureur de la République peut la
présenter devant le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci ordonne son placement sous contrôle
judiciaire ou, à titre exceptionnel et si l'une des peines proposées est égale ou supérieure à deux mois
d'emprisonnement ferme et que le procureur de la République a proposé sa mise à exécution immédiate, son
placement en détention provisoire, selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 394 ou les
articles 395 et 396, jusqu'à ce qu'elle comparaisse de nouveau devant le procureur de la République. Cette
nouvelle comparution doit intervenir dans un délai compris entre dix et vingt jours à compter de la décision
du juge des libertés et de la détention. A défaut, il est mis fin au contrôle judiciaire ou à la détention
provisoire de l'intéressé si l'une de ces mesures a été prise ».
1493 C.E.D.H., 27 février 1980, Deweer c/ Belgique, requête n° 6903/75, série A, n° 35.
La qualité du procès 395

687. Toujours est-il que le contrôle exercé par le président du tribunal de grande

instance, sur les conditions législatives nécessaires à l’homologation, tout au moins

tel que le juge constitutionnel l’appelle de ses vœux, paraît convenable. Non

seulement le magistrat du siège n’est lié, ni par les propositions du procureur, ni par

l’acceptation du prévenu, mais le législateur lui impose de s'assurer que l'intéressé a

reconnu, en toute liberté et en toute sincérité, être l'auteur des faits. Cela n’est guère

surprenant et il s’agit là du minimum requis, au regard de la mise à l’écart, tout au

moins partielle, de la présomption d’innocence, atténuée par la reconnaissance de

culpabilité et en raison des enjeux, la peine pouvant atteindre un an

d’emprisonnement. Mais le Conseil constitutionnel va y ajouter une réserve de

conformité, qui s’analyse en une véritable directive de politique pénale1494.

688. Après avoir rappelé le droit de chacun de ne pas contribuer à sa propre

incrimination1495, consacré depuis longtemps par la Cour européenne des droits de

l’homme1496, qui implique le droit de garder le silence, sans que celui-ci puisse être

interprété comme la reconnaissance des infractions reprochées1497, le Conseil précise

qu’aucune disposition constitutionnelle (ni l’article 9 de la D.D.H.C., ni aucune autre)

n’empêche l’auteur d’une infraction de reconnaître ses actes. Une affirmation

contraire eut été étonnante de sa part, quand on connaît son attachement à la

manifestation de la vérité. L’essentiel étant, que le recueil des aveux n’ait été vicié en

aucune manière et que le juge du siège puisse refuser l’homologation, quand les

conditions de sa validité ne sont pas réunies. Cela peut être le cas, par exemple, en

cas de contrariété évidente entre les faisceaux de preuves et les aveux du suspect.

Dans une démarche protectrice de la présomption d’innocence, il énonce une réserve

1494 La formule est du professeur Christine LAZERGES, « Le Conseil constitutionnel, acteur de la


politique criminelle », R.S.C., 2004, p. 735.
1495 « Considérant que, s'il découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789 que nul n'est tenu de s'accuser, ni
cette disposition ni aucune autre de la Constitution n'interdit à une personne de reconnaître librement sa
culpabilité », Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 110.
1496 C.E.D.H., 25 février 1993, Funke c/ France, requête n° 10828/84, série A, n° 256.
1497 C.E.D.H., 8 février 1996, John Murray c/ Royaume-Uni, requête n° 18731/91, Rec. C.E.D.H., 1996, I.
396 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

qui est à la fois constructive et directive. Constructive parce qu’elle ajoute

indéniablement au texte législatif, en posant de nouvelles hypothèses de refus

possibles de l’homologation1498. Et directive, parce qu’elle s’apparente à une véritable

circulaire ministérielle d’application de la loi1499.

689. La position du Conseil constitutionnel, dans l’appréciation de la validité de la

C.R.P.C. au principe de la présomption d’innocence, même si quelques lacunes ont

été mises en évidence, traduit à la fois son attachement au grand principe cardinal de

la procédure répressive, mais aussi sa conception dichotomique de l’autorité

judiciaire1500. Parce que le ministère public est dispensé d’apporter les preuves de la

culpabilité du suspect, les garanties que le juge constitutionnel ajoute, même si elles

peuvent paraître encore insuffisantes, protègent la procédure contre les vices du

consentement les plus graves. Ce qui constituerait une atteinte à la présomption

d’innocence, par l’intermédiaire d’un de ses attributs : le droit de ne pas contribuer à

sa propre incrimination. Mais surtout, ses directives d’application rapprochent

encore davantage l'audience d'homologation, confiée au juge du siège, d’une

procédure juridictionnelle équitable, précédée d’une étape préparatoire importante,

devant un magistrat du parquet. En cela, cette position est tout à fait conforme à sa

politique jurisprudentielle, consistant à faire varier les responsabilités coercitives en

fonction du degré d’indépendance.

690. Le principe de la présomption d’innocence, comme il vient d’être montré, fait

peser de lourdes obligations procédurales sur l’accusation, notamment dans la

recherche des preuves. Symétriquement, les atténuations au principe ne sont admises

qu’avec une grande parcimonie par le juge constitutionnel.

1498 La nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime , les intérêts de la société
les déclarations de la victime apportant un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur peuvent justifier le refus
d’homologation de la procédure.
1499 LAZERGES C., « Le Conseil constitutionnel, acteur de la politique criminelle », op. cit., p. 735.
1500 Cf supra n° 363, 376, 455 et Cf infra n° 807.
La qualité du procès 397

§ 2. Les tempéraments au principe de la présomption d’innocence

691. De la proposition subordonnée qui introduit l’article 9 de la Déclaration

révolutionnaire, découlent deux conséquences directes. En premier lieu, seule une

déclaration de culpabilité peut mettre un terme à la présomption d’innocence. La

Haute juridiction a élaboré sur cette question, une jurisprudence pertinente, car

nuancée, en dehors de tout dogmatisme (A). En second lieu, c’est à la partie

poursuivante d’établir la culpabilité de celui qui est mis en cause. Le renversement

de la présomption n’est alors admis que sous de strictes conditions par le juge

constitutionnel (B).

A) L’exigence d’une déclaration de culpabilité comme limite du

champ d’application de la présomption d’innocence

692. S’il ne fait pas de doute, qu’un jugement définitif de culpabilité met un terme au

champ d’application temporel de la présomption d’innocence, la réponse est moins

évidente en droit interne, quand la décision de justice n’est pas revêtue de la force de

chose jugée. Autrement formulé, est-ce qu’en droit français, un présumé innocent

cesse de l’être, dès le prononcé du premier jugement statuant sur sa culpabilité, alors

que ce dernier est susceptible de recours ? Les réponses du juge constitutionnel et du

juge judiciaire, concordantes sur cette délicate interrogation, semblent apporter sur

ce point une même réponse plutôt positive en apparence, mais qui nécessite quelques

nuances liminaires avant de nécessaires éclaircissements.

693. Le Conseil constitutionnel, saisi de la « Loi relative au traitement de la récidive

des infractions pénales1501 », devait statuer sur la conformité à la Constitution, d’une

1501 Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions
pénales, JO, 23 novembre 2005, p. 18172.
398 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

disposition modifiant les conditions de délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience

du tribunal correctionnel. Le dernier alinéa de l’article 7 de la loi déférée, insérait

dans le Code de procédure pénale, un article 465-1, relatif aux conditions de

délivrance d'un mandat de dépôt, par le tribunal correctionnel, à l'encontre de

prévenus en état de récidive légale1502. Les auteurs de la saisine voyaient dans cette

mesure, une atteinte à la présomption d'innocence, en ce qu’elle rendrait obligatoire

le mandat de dépôt à l'audience, dans certaines circonstances et renverserait ainsi le

principe posé à l’article 9 de la Déclaration de 1789, « en faisant de la liberté individuelle

l'exception et de la détention la règle1503 ». Ces arguments n’ont pas été reçus par le juge

constitutionnel, qui estime que cette disposition « n'est pas incompatible avec le principe

de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration de 1789, dès lors

qu'elle s'attache à une peine d'emprisonnement ferme prononcée par la juridiction répressive

après que celle-ci a décidé que la culpabilité du prévenu est légalement établie1504 ».

694. Un premier constat s’impose : le Conseil constitutionnel ne rejette pas le grief

comme inopérant, car situé en dehors du champ d’application temporel de la

présomption d’innocence, ce qu’il n’hésite pas, en d’autres circonstances, à conclure

concernant le champ d’application matériel1505. On en déduit logiquement, que la

présomption d’innocence ne cesse pas totalement de produire ses effets, dès le

prononcé du premier jugement de culpabilité. Tout au plus, comme l’écrit M. Jean-

Éric SCHOETTL1506, le principe perd de son intensité avec un jugement de culpabilité,

même provisoire. Il ne revêt plus la même force que dans la situation où le prévenu

n’aurait pas encore comparu devant une juridiction de jugement. Et ce n’est

d’ailleurs qu’en raison de l’atténuation du principe, provoquée, d’un côté, par cette

1502 « S'il s'agit d'une récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, le tribunal délivre
mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s'il en décide autrement
par une décision spécialement motivée ».
1503 Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005 préc., Cons. 3.
1504 Idem, Cons. 5.
1505 Cf supra n° 600 et 601, en ce qui concerne la nature de la mesure litigieuse.
1506 SCHOETTL J.-É., Chron., Décis. Cons. const. n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Gaz. Pal., 18-20
décembre 2005, p. 9.
La qualité du procès 399

culpabilité provisoire et de l’autre, par les garanties qui l’accompagnent1507, que cette

mesure de délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience du tribunal correctionnel,

n’est pas jugée incompatible1508 avec la présomption d’innocence.

695. En outre, si l’on compare cette décision avec celle de 2002, portant sur la loi

d’orientation et de programmation pour la justice 1509, on constate que la mesure de

détention avant jugement, déclarée conforme à la Constitution, ne peut être

prononcée en matière correctionnelle, que lorsque le délinquant encourt une peine

d’emprisonnement, supérieure ou égale à trois années1510. En revanche, dans la

décision de 2005, le mandat de dépôt, à l’encontre de prévenus en état de récidive

légale, peut être délivré par le juge1511 à l'audience du tribunal correctionnel, quel que

soit le quantum de la peine prononcée. Si les deux mesures ont reçu l’approbation du

Conseil constitutionnel, c’est bien que la présomption d’innocence avait perdu de sa

force normative dans le second cas, en raison des circonstances judiciaires. En

conséquence, se trouve encore renforcée cette idée, développée auparavant1512, selon

laquelle le Conseil se montre tout à fait exigeant, quand il s’agit de délivrer un brevet

de constitutionnalité à une mesure, prise dans le but de s’assurer de la personne d’un

présumé innocent.

696. De son côté, la chambre criminelle de la Cour de cassation1513 adopte la même

position que le Conseil, quand elle considère que la suspension temporaire du

1507 En vertu des dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 148-1 du Code de procédure
pénale, le prévenu pourra interjeter appel de sa condamnation et demander immédiatement sa
mise en liberté à la cour d’appel, puis ultérieurement autant de fois qu'il le souhaitera.
1508 Ce qui n’est d’ailleurs pas exactement synonyme de conformité, le Conseil ayant l’habitude de

graduer ses décisions de conformité en fonction du vocabulaire utilisé.


1509 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cf supra n° 652.

1510 Article 143-1 du Code de procédure pénale.

1511 Sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée.

1512 Cf supra n° 635 et s.

1513 Cass. crim., 28 février 1996, pourvoi n° 95-85041 ; Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n° 95-85785,

Bull. crim., 1996, n° 289, p. 892.


400 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

permis de conduire, assortie de l'exécution provisoire 1514, n'est pas incompatible avec

l’article 6, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et

respecte le principe de la présomption d'innocence, dès lors que cette peine

complémentaire intervient après la déclaration de culpabilité.

697. La position de la Cour européenne sur cette question apparaît moins protectrice

que celle du droit interne, qui retient la conception du Code civil, selon laquelle

l'atteinte à la présomption d'innocence est caractérisée par la présentation publique

d’une personne, comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une

instruction judiciaire, avant toute condamnation 1515. En effet, la juridiction

strasbourgeoise souligne « que ni l’article 6 ni, du reste, aucun autre article de la

Convention ne peut être interprété comme interdisant en principe l’exécution de sanctions

avant que celles-ci n’aient acquis force contraignante1516 ».

698. Tout en relevant qu’un tel système juridique n’est pas exempt de critiques, la

Cour européenne admet quand même, que les décisions de majorations d’impôts de

l’administration fiscale suédoise ont été exécutées, avant même qu’un tribunal n’ait

statué sur la question de savoir si les requérants étaient, ou non, tenus de les payer.

Cependant, la Cour précise que la sanction, qui entre bien dans le champ

d’application de la présomption d’innocence, en raison de son appartenance à la

catégorie des accusations en matière pénale1517, ne doit pas compromettre la défense

ultérieure des justiciables, dans le cadre d’une procédure judiciaire. Il ne faudrait pas

que l’exécution de la sanction fiscale soit interprétée comme un aveu de culpabilité

par la juridiction qui statuera.

1514 L’ancien article L13 alinéa 2 du Code de la route autorisait la suspension et l'annulation du permis
de conduire par les cours et tribunaux statuant en matière correctionnelle ou de police, au titre de
peines complémentaires.
1515 Article 9-1 du Code civil, Cf supra n° 580 et 581.
1516 C.E.D.H., 25 juillet 2002, Janosevic c/ Suède, requête n° 34619/97.
1517 La chose est admise depuis l’arrêt Bendenoun c/ France, 24 février 1994 préc.
La qualité du procès 401

699. Il n’en reste pas moins, que cette jurisprudence de la Cour européenne des droits

de l’homme suscite la réprobation. Autant, la logique juridique peut s’accommoder

d’une variation de l’intensité de la présomption d’innocence, en fonction des étapes

d’une procédure judiciaire, autant il est autrement plus difficile d’admettre que celle-

ci soit entamée, avant même la première condamnation par un tribunal indépendant

et impartial, la sanction fût-elle simplement pécuniaire et réversible1518.

700. Objet de critiques encore plus nombreuses, sans doute, les situations juridiques,

dans lesquelles l’infraction est imputée automatiquement à une personne, ont fait

l’objet d’un encadrement précis par le Conseil constitutionnel.

B) L’admission encadrée des présomptions de culpabilité

701. Les présomptions de culpabilité constituent indiscutablement l’atteinte la plus

prononcée au principe de la présomption d’innocence1519. Elles dispensent

l’accusation d’établir la preuve de l’élément matériel ou de l’élément moral de

l’infraction, tenus pour avérés a priori. Même si la plupart des principes

constitutionnels connaissent des tempéraments, une exception aussi lourde de

conséquences juridiques que celle-ci, n’est pas sans susciter la controverse1520. Pour

autant, même si la jurisprudence constitutionnelle admet les présomptions de

culpabilité, elle prend soin de les enserrer dans des limites raisonnables (2), non sans

avoir auparavant, rappelé le principe de leur prohibition en matière répressive (1).

Une fois encore, la doctrine constitutionnelle traduit un équilibre subtil entre d’un

côté, la marge de manœuvre laissée au législateur dans sa poursuite des objectifs

1518 La procédure judiciaire suédoise permet au requérant d’obtenir le remboursement des majorations
versées à l’administration fiscale en cas de succès du recours juridictionnel.
1519 Pour une approche critique de la notion, INCHAUSSPÉ D., « La présomption d'innocence, une
idée fausse ? », Gaz. Pal., 24 juillet 2012, n° 206, p. 9.
1520 Cf FELDMAN J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, J.C.P., I, 25.
402 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

d’intérêt général que sont la préservation de l’ordre public, ou la recherche et la

répression des auteurs d’infractions et, de l’autre, la garantie des droits

constitutionnellement protégés.

1) La prohibition de principe des présomptions de culpabilité en

matière répressive

a) Les fondements de l’existence des présomptions de

culpabilité

702. De prime abord, une présomption de culpabilité s’apparente à un oxymore,

voire un contresens juridique, dans un système pénal qui fait reposer la majorité de

ses fondements procéduraux sur la présomption d’innocence. Comment, en effet,

imaginer qu’un système juridique dans un État de droit puisse, dans certaines

situations, admettre l’hypothèse de la culpabilité de la personne poursuivie, qui le

demeurerait tant qu’elle n’a pas fait la démonstration du contraire ? Sans compter

que le présumé coupable se heurte parfois à des obstacles difficilement surmontables,

dans cette quête de la manifestation de la vérité judiciaire. Tout d’abord, les éléments

de preuve ont pu disparaître, ou peuvent être détenus par des tierces personnes

(l’administration, par exemple), inaccessibles à celui qui ne dispose pas des moyens

inquisitoriaux du juge. Ou encore, les documents indispensables à l’établissement de

la preuve de l’innocence de la personne mise en cause, peuvent être couverts par le

secret professionnel, par exemple. Autant d’entraves sur le chemin de l’innocence qui

font écrire à certains auteurs que « le principe (de la présomption d’innocence) ne

devrait [...] pas souffrir l’exception1521 » et d’en conclure que « le droit de la présomption

d’innocence n’est donc toujours pas pleinement respecté en France1522 ».

1521 Ibidem.
1522 Ibid.
La qualité du procès 403

703. Les présomptions de culpabilité répondent pourtant à une nécessité d’ordre

public : faciliter la répression de la délinquance, en allégeant la charge de la preuve

incombant au ministère public, dans des hypothèses parcimonieusement délimitées

où les éléments probatoires seraient difficiles à réunir. Ces présomptions tiennent

pour acquise la commission de l’infraction, soit dans son élément matériel, soit dans

son élément moral.

704. Concernant l’élément intentionnel, il est sans doute la composante de l’infraction

la plus souvent tenue pour établie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil

constitutionnel a dû en préciser les contours en 1999, dans la décision « Loi portant

diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des

exploitants de réseau de transport public de voyageurs1523 ».

705. La Haute juridiction commence par définir l’incrimination, en matière délictuelle

qui « doit inclure, outre l’élément matériel de l’infraction, l’élément moral, intentionnel ou

non, de celle-ci »1524. Cette obligation, qui n’allait pas de soi et qui ne découle pas

directement de la lettre des dispositions constitutionnelles, résulterait, selon le juge

de la rue de Montpensier, de la combinaison des articles 8 (eu égard au principe de

légalité des délits et des peines) et 9 de la Déclaration de 1789 1525. Et de conclure que

la définition législative de la disposition litigieuse1526 ne comprenant pas cet élément

moral, son brevet de constitutionnalité n’est obtenu que sous réserve de l’application

1523 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux
infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, JO, 19 juin 1999,
p. 9018.
1524 Idem, Cons. 16.
1525 Il découlerait de « l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, s’agissant des crimes et
délits, que la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d’actes pénalement
sanctionnés », Ibidem.
1526 Il s’agissait de l’article 7 de la loi contrôlée qui ajoute au Code de la route un article L4-1 ainsi
rédigé : « Est puni de trois mois d’emprisonnement et de 25 000 francs d’amende tout conducteur d’un
véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée
égal ou supérieur à 50 km/h, commet la même infraction dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle
cette condamnation est devenue définitive ».
404 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

par le juge pénal, dans le silence du texte, des dispositions générales de l’article 121-3

alinéa 1er du Code pénal disposant qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention

de le commettre ». Néanmoins, ce même article 121-3 réserve, dans son troisième

alinéa, une exception à la règle fixée dans le premier. En effet, il peut y avoir tout de

même délit, à la condition que ce soit prévu par la loi, dans des hypothèses de faute

d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de

sécurité1527.

706. Pour résumer la démarche du Conseil constitutionnel, la définition d’une

infraction criminelle ou délictuelle doit nécessairement comprendre l’élément moral :

c’est une exigence qui résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration révolutionnaire.

Dans le silence de la loi, le juge devra donc nécessairement démontrer

l’intentionnalité du comportement litigieux, afin que l’infraction soit avérée. Pour la

juridiction constitutionnelle, l’élément intentionnel est indispensable pour

caractériser l’infraction, sauf si la loi précise l’élément moral, en visant une des

situations prévues par l’article 121-3 alinéa 3 du Code pénal. Notons toutefois que le

juge constitutionnel, qui ne se prononce pas ici sur la valeur normative de cette

exigence de l’élément intentionnel, dans la définition des crimes et des délits, se

montrera très flou en 2003, la qualifiant tantôt de « principe de valeur

constitutionnelle1528 » et un peu plus loin, de « principe général du droit pénal

conditionnant le respect des exigences de l'article 9 de la D.D.H.C.1529 ».

1527 L’article 121-3 du Code pénal, tel qu’issu de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, JO, 14 mai 1996,
p. 7211, dispose : « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,
s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait ».
1528 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 préc., Cons. 64 et 65.
1529 Idem, Cons. 73 et 77.
La qualité du procès 405

b) L’existence parcimonieuse de présomptions de culpabilité

légalement établies

707. Les présomptions légales de culpabilité sont relativement marginales

aujourd’hui en droit français, alors qu’elles étaient beaucoup plus nombreuses sous

l’empire de l’ancien Code pénal et visaient tant l’élément matériel que l’élément

moral de l’infraction. Au titre de ce dernier, on peut citer par exemple, l’ancien article

357-2, alinéa 2, qui présumait volontaire le défaut de paiement de la pension

alimentaire. Elles trouvent cependant un terrain d’élection privilégié dans deux

domaines particuliers, le droit douanier et le droit de la route, en raison de la

fréquence et de la diversité des infractions rencontrées, ainsi que de la difficulté

d’établir dans certains cas la preuve de la culpabilité du supposé délinquant.

708. Ainsi, citons l’article 392 du Code des douanes qui dispose, dans son paragraphe

premier, que « Le détenteur de marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude ».

Cette disposition donna lieu à une application dans une célèbre affaire 1530, qui se

termina devant la Cour européenne des droits de l’homme. Les faits de l’espèce

méritent d’être rapportés, pour une meilleure compréhension de l’appréciation

jurisprudentielle de la disposition douanière. Dans cette affaire, M. Salabiaku, qui

attendait en zone aéroportuaire un colis en provenance du Zaïre, crut reconnaître

comme étant la sienne, une malle qui ne portait pourtant pas son nom et dans

laquelle ont été découverts ultérieurement dix kilogrammes de cannabis. Quelques

jours après, une seconde valise lui était destinée, qui ne contenait, elle, aucun produit

illicite. M. Salabiaku expliqua alors qu’il avait commis une erreur d’appréciation en

prenant pour le sien le premier bagage. Néanmoins, il devait être poursuivi devant le

juge judiciaire, pour délit pénal d’importation illicite de stupéfiants et délit douanier

d’importation en contrebande de marchandises prohibées.

1530 C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, requête n° 10519/83, série A, n° 141.
406 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

709. Condamné en première instance, il interjeta appel du jugement devant la Cour

d’Appel de Paris, qui lui accorda le bénéfice du doute sur l’infraction d’importation

illicite de stupéfiants, mais confirma sa culpabilité en ce qui concerne l’infraction

douanière. Saisie du pourvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation le rejeta

sur le fondement de l’article 392 du Code des douanes. Après épuisement des voies

de recours internes, M. Salabiaku introduisit alors un recours devant la Commission

de Strasbourg, en invoquant l’inconventionnalité de l’article 392 (et de l’application

que les juridictions judiciaires en avaient fait), au regard de l’article 6, paragraphe 2

de la Convention Européenne des droits de l’homme.

710. Ce recours fut écarté, tant par la Commission que par la Cour européenne, ce qui

donna l’occasion à cette dernière de préciser sa position sur la délicate question des

présomptions de culpabilité établies par la loi. Elle indiqua à cette occasion que si les

États sont libres d’ériger en infraction un fait matériel ou objectif, intentionnel ou

résultant d’une négligence, ils ne doivent pas dépasser « des limites raisonnables

prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense1531 » . Dans le

cas présent, la Cour estima qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6, paragraphe 2

de la Convention, car les juridictions judiciaires nationales avaient fait une

application de la disposition douanière, compatible avec la présomption d’innocence,

en discernant dans les circonstances de l’espèce un certain élément d’intentionnalité.

711. En résumé, la Cour européenne admet la mise à l’écart provisoire de la

présomption d’innocence, si la gravité (appréciée souverainement par le juge du

fond) de la situation l’impose et à la stricte condition que les droits de la défense

soient pleinement respectés. La position, tant de la Cour que des juridictions internes,

est loin de convaincre nombre d’observateurs1532 et l’on fera remarquer ici que,

1531 Idem, § 28.


1532 Les professeurs Thierry RENOUX et Michel de VILLIERS estiment que les juridictions judiciaires
ont tempéré le caractère irréfragable de cette présomption, qui leur paraît contraire à l’article 9 de
la D.D.H.C., Code constitutionnel, op. cit., p. 175.
La qualité du procès 407

nonobstant une nécessaire et salutaire convergence entre les jurisprudences,

européenne, judiciaire et constitutionnelle, les exigences du Conseil constitutionnel,

en matière de présomptions de culpabilité1533, semblent dépasser ici les prescriptions

strasbourgeoises.

712. De la même façon, les articles 399 et 400 du Code des douanes présument la

mauvaise foi et l’intérêt à la fraude, de ceux qui achètent ou détiennent des

marchandises importées en contrebande, en quantité supérieure à celles des besoins

de la consommation familiale. C’est ici l’élément matériel de l’infraction qui fait

l’objet d’une présomption.

713. Enfin, mais la liste est loin d’être exhaustive, l’article 418 du même Code

instaure une présomption d’introduction en contrebande des marchandises, de la

catégorie de celles qui sont prohibées ou lourdement taxées à l’entrée, lorsqu’elles

sont trouvées sans acquit de paiement, dans la zone géographique terrestre couverte

par les douanes1534. Dans ce cas précis, il s’agit encore d’une présomption de

l’élément matériel de l’infraction.

714. La chambre criminelle de la Cour de cassation eut l’occasion de se prononcer le

30 janvier 19891535, sur la conformité de cette disposition à l’article 6, paragraphe 2 de

la Conv. E.D.H., dans le cadre de son contrôle de la conventionnalité de la loi interne.

Elle a considéré que l’article 6, paragraphe 2, qui se contente d’exiger que la

culpabilité soit légalement établie, « ne met pas obstacle aux présomptions de fait ou de

droit instituées en matière pénale, dès lors que les dites présomptions, comme celle de l’article

418 du Code des douanes, prennent en compte la gravité de l’enjeu et laissent entiers les

droits de la défense ». On reconnaitra ici la formulation tirée du paragraphe 28 de

1533 Cf infra n° 717 et s.


1534 Sauf évidemment dans l’hypothèse où elles se dirigent vers le bureau des douanes, munies des
documents idoines.
1535 Cass. Crim., 30 janvier 1989, pourvoi n° 86-96060, Bull. crim., 1989, n° 33, p. 97.
408 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’arrêt Salabiaku précédemment analysé1536, dont la Cour de cassation fait ici une

application rigoureusement conforme, sans doute encouragée en cela par la

proximité temporelle des deux affaires.

715. Le droit routier est également un domaine de prédilection pour les présomptions

de culpabilité. Ainsi, l’article L121-2 du Code de la route pose, à l’encontre du

titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule, une présomption de

responsabilité pécuniaire des infractions à la réglementation sur le stationnement des

véhicules, qu’il peut toutefois renverser en établissant l’existence d’un événement de

force majeure ou, en fournissant des renseignements permettant d’identifier l’auteur

véritable de l’infraction. Même si le législateur vise une responsabilité pécuniaire, il

s’agit bien ici d’une présomption de culpabilité réfragable.

716. La Cour de cassation a été amenée à statuer sur la conformité de cette

disposition1537, au regard des exigences posées par l’article 6, paragraphe 2 de la

Conv. E.D.H., telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. La

procédure de l’amende forfaitaire, à l’encontre du titulaire du certificat

d’immatriculation du véhicule en stationnement illicite, ne lui semble donc pas

contredire les stipulations de l’article 6, paragraphe 2 de la Convention, puisque ce

dernier n’interdit pas les présomptions de droit ou de fait, dès lors qu’elles ne sont

pas irréfragables et que les droits de la défense sont assurés. Cette jurisprudence sera

confirmée par la suite, la Cour de cassation considérant que la présomption édictée

par l’article L121-2 du Code de la route, dans la mesure où elle laisse entiers les

droits de la défense, n’est pas incompatible avec l’article 6, paragraphe 2 de la

Convention européenne des droits de l’homme1538.

1536 Cf supra n° 708 et s.


1537 Cass. Crim., 6 novembre 1991, pourvoi n° 91-82211, Bull. crim., 1991, n° 397, p. 1006.
1538 Cass. crim., 1er février 2000, pourvoi n° 99-84764, Bull. crim., 2000, n° 51, p. 140.
La qualité du procès 409

717. Néanmoins, il sera fait observer que la Cour européenne avait posé une

condition supplémentaire de validation d’une présomption simple de culpabilité

légalement établie, puisqu’elle visait la gravité de l’enjeu. Il semble ici difficile de

soutenir, qu’en matière d’infractions aux règles sur le stationnement, les enjeux

soient d’une importance telle, qu’ils puissent justifier l’établissement de

présomptions de droit. Ce qui pouvait donc se défendre en matière de délit douanier

d’importation en contrebande de marchandises prohibées, au regard de cette

exigence de gravité, aurait dû conduire la chambre criminelle à conclure que les

limites raisonnables fixées par la Cour de Strasbourg étaient ici, de toute évidence,

dépassées.

2) L’appréciation constitutionnelle exigeante des présomptions de

culpabilité

a) L’établissement des fondements jurisprudentiels des

présomptions de culpabilité

718. Avant 1999, le Conseil constitutionnel n’avait jamais eu l’occasion de se

prononcer sur la question de la constitutionnalité des présomptions de culpabilité.

L’instauration d’une contravention à la réglementation sur les vitesses maximales

autorisées et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules, va lui fournir

l’opportunité de se pencher sur cette délicate question, qui n’est pas appréciée avec la

même diligence par toutes les juridictions constitutionnelles1539.

719. Dans cette décision portant sur une loi relative à la sécurité routière 1540, la Haute

juridiction devait vérifier la conformité à la Constitution de l’article 6 de la loi

1539 Ainsi le Tribunal constitutionnel espagnol déclare les présomptions de culpabilité contraires à la
Constitution du 27 décembre 1978.
1540 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc.
410 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

déférée, qui introduisait dans le Code de la route un article L21-21541 ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions de l’article L21, le titulaire du certificat d’immatriculation

du véhicule est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour des contraventions à la

réglementation sur les vitesses maximales et sur les signalisations imposant l’arrêt du

véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre événement de force

majeure ou qu’il n’apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable

de l’infraction ».

720. Les auteurs de la saisine font valoir que ce texte, instituant une véritable

présomption de culpabilité à l’encontre du titulaire du certificat d’immatriculation

du véhicule, est contraire au principe de la présomption d’innocence, protégé par

l’article 9 de la Déclaration du 26 août 1789. Le juge constitutionnel n’en disconvient

pas, en posant effectivement le principe selon lequel, le législateur ne saurait instituer

de présomption de culpabilité en matière répressive, entendue au sens large, comme

englobant l’ensemble des sanctions à caractère punitif. Pour autant, le Conseil

affirme que de telles présomptions peuvent être établies par la loi, y compris en

matière délictuelle, voire criminelle1542, nonobstant le strict respect de trois conditions

cumulatives1543.

721. La première concerne le caractère de la présomption : elle ne doit pas être

irréfragable. Dans le cas présent, elle ne pose guère de difficultés, puisque la

disposition litigieuse fournit au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule,

trois moyens de démontrer qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction. La deuxième,

inhérente à tout contentieux juridictionnel, est commune avec les exigences fixées par

la Cour européenne : les droits de la défense doivent être pleinement respectés.

1541 Actuellement, Article L121-3 du Code de la route.


1542 L’adverbe « notamment » indique de manière suffisamment claire que le Conseil constitutionnnel
ne réserve pas exclusivement les présomptions de culpabilité à la matière contraventionnelle.
1543 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc., Cons. 5.
La qualité du procès 411

722. Enfin, la troisième, qui peut s’analyser comme une forme de réserve directive à

l’égard du juge chargé de mettre en œuvre le texte législatif, précise que les faits de

l’espèce doivent induire raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité. Cette

exigence renvoie à l’attachement du Conseil au principe de la responsabilité du fait

personnel, résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du

citoyen, en vertu duquel « nul n’est punissable que de son propre fait1544 ». Elle peut donc

se lire de cette façon : en l’absence d’événement de force majeure, tel que le vol de

véhicule par exemple, qui lui permettrait de s’exonérer de sa responsabilité pénale,

deux situations peuvent alors se présenter. Soit le titulaire du certificat

d’immatriculation est bien l’auteur de l’infraction, mais il décline sa responsabilité

personnelle dans la commission des faits. Soit il n’en est pas l’auteur, mais il refuse

(ou est dans l’incapacité) d’apporter des éléments justificatifs utiles 1545. Dans les deux

cas, son comportement s’analyse en une faute personnelle, constituée par le refus de

contribuer à la manifestation de la vérité, ou en un défaut de vigilance dans la garde

du véhicule1546. C’est cette faute personnelle qui permet de sanctionner un fait

imputable au propriétaire du véhicule, qui n’est donc pas nécessairement un excès de

vitesse ou le non respect d’une signalisation imposant l’arrêt du véhicule.

723. En matière de contrôle des présomptions de culpabilité, la jurisprudence

constitutionnelle semble donc au moins aussi exigeante que celle de la Cour

européenne de Strasbourg et plus audacieuse que celle de la Cour de cassation. La

première, demande seulement aux législateurs des États parties, d’enserrer les

présomptions pénales dans des limites raisonnables, en fonction de la gravité des

enjeux, tout en permettant aux présumés coupables de faire valoir, dans de bonnes

1544 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc., Cons. 7.


1545 Toutefois, François LUCHAIRE relève une contradiction dans cette interprétation constitutionnelle
du texte législatif. L’absence avérée du titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule du lieu
de commission de l’infraction, suffirait à établir un événement de force majeure de nature à
renverser la présomption, quand bien même il en connaitrait l’auteur. Alors que ce refus de révéler
l’identité de celui qui a réellement commis l’infraction constitue une faute personnelle punissable,
obs., Décis. Cons. const. n° 99-411 DC du 16 juin 1999, R.D.P., 1999, p. 1287.
1546 Ibidem.
412 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conditions, leurs moyens de défense, afin de démontrer leur innocence. La mise en

œuvre de ces conditions, fixées par la jurisprudence Salabiaku, s’opère avec une

certaine souplesse. Ainsi, dans l’affaire Pham Hoang1547, la Cour considère que les

articles 369 paragraphe 2, 373, 392 paragraphe 1 et 399 du Code des douanes ont été

appliqués en l’espèce, d’une manière compatible avec la présomption d’innocence. Il

est vrai et elle le souligne, la Cour n’a pas à mesurer in abstracto la conformité à la

Convention des dispositions applicables au litige, mais seulement de vérifier in

concreto, que leur mise en œuvre par les juridictions nationales ne heurte pas les

stipulations de l’article 6, paragraphe 2 de la Convention1548.

724. C’est ici qu’interviennent les juridictions judiciaires nationales qui, selon le

professeur Thierry RENOUX, ont largement tempéré le caractère réfragable de

certaines présomptions prévues par le Code douanier 1549. Sans aller jusqu’à qualifier

sa jurisprudence de libérale, comme le fait Me Georges JUNOSZA-ZDROJEWSKI1550,

on peut toutefois constater que les appréciations de la chambre criminelle de la Cour

de cassation ne sont pas toujours d’une grande sévérité, à l’instar de ce qui avait été

mis en évidence concernant la procédure de l’amende forfaitaire, prévue par l’article

L121-2 du Code de la route1551. La condition de gravité des enjeux, posée par la Cour

européenne des droits de l’homme, aurait dû conduire le juge judiciaire à écarter

l’application de l’article L121-2 du Code de la route en raison de sa contrariété à

l’article 6, paragraphe 2 de la Convention, tel qu’interprété par la Cour. Il n’en a rien

été, ce qui amène à penser que la jurisprudence constitutionnelle est moins encline à

accepter les tempéraments à la présomption d’innocence, que ne peut l’être celle du

juge du quai de l’Horloge. Ce constat initial sera d’ailleurs confirmé par l’évolution

1547 C.E.D.H., 25 septembre 1992, Pham Hoang c/ France, requête n° 13191/87, série A, n° 243.
1548 Idem, § 33.
1549 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 175., à propos de l’article 392 § 1
du Code des douanes, en cause dans l’affaire SALABIAKU.
1550 JUNOSZA-ZDROJEWSKI G., chron., C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, « La
présomption d’innocence contre la présomption de culpabilité », Gaz. Pal., 1989, n° 3, p. 308.
1551 Cf supra n° 100 à 103.
La qualité du procès 413

des exigences du juge constitutionnel, dans son contrôle des dispositions législatives

établissant des présomptions de culpabilité.

b) La confirmation des exigences constitutionnelles

d’acceptation des présomptions de culpabilité

725. Le Conseil constitutionnel eut l’occasion de mettre ultérieurement en application

sa jurisprudence en matière de présomptions de culpabilité, l’approfondissant et en

durcissant les exigences. Il le fit tout d’abord dix ans plus tard, lors du contrôle de la

« Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet » dite

« HADOPI »1552, qui illustre de la plus éclatante des manières, la confirmation de

l’application du principe de la présomption d’innocence aux sanctions

administratives, en dehors de toute procédure juridictionnelle. S’il pouvait encore y

avoir un doute dans l’esprit de certains1553, le Conseil constitutionnel lève ici toute

ambiguïté sur l’extension du domaine d’application de la présomption d’innocence,

au-delà des limites restrictives du droit pénal.

726. Ce dispositif législatif avait, entre autres pour objet, de créer une autorité

administrative indépendante1554, chargée de réprimer le téléchargement numérique

illégal. La loi dote cette Haute autorité de sanctions pouvant aller jusqu’à une

privation de l’accès internet à l’encontre du titulaire du contrat d’abonnement, tenu

1552 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 préc.


1553 Il semblerait que ce soit le cas de Mme Aurélie CAPPELLO, dans son commentaire de la décision
« HADOPI », obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, R.S.C., 2009, p. 415, qui croit
déceler ici une application nouvelle de la présomption d’innocence. Sa confusion provient d’une
interprétation erronée de l’affirmation du Conseil, tirée de la décision n° 2003-467 DC du 13 mars
2003 préc., selon laquelle « la présomption d’innocence ne peut être utilement invoquée en dehors du
domaine répressif ». Ainsi qu’il a été démontré plus haut, cette précision n’avait pour seul objectif
que de distinguer les dispositions à caractère punitif (le domaine répressif) et celles de nature
préventive (en dehors du domaine répressif) afin d’exclure les mesures de police du domaine
d’application de la présomption d’innocence, Cf supra n° 608 et s.
1554 La « Haute Autorité pour la diffusion Des Œuvres et la Protection des droits sur Internet ».
414 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

pour responsable de toutes les violations aux droits d’auteurs effectuées depuis sa

connexion internet. Il lui est reproché un manquement à l’obligation de surveillance

qui lui incombe en vertu de l’article L336-3 du Code de propriété intellectuelle1555. La

loi instituait donc une présomption de culpabilité, que le titulaire de l’abonnement ne

pouvait renverser, qu’à la seule condition d’apporter la preuve que sa ligne avait fait

l’objet d’une utilisation frauduleuse.

727. Le Conseil constitutionnel, après avoir reproduit à l’identique le cinquième

considérant de la décision du 16 juin 19991556, vérifie si les conditions d’acceptabilité

des présomptions légales de culpabilité sont remplies dans le cas présent, à

l’exception de l’exigence du respect des droits de la défense, qui est passée sous

silence par la décision. Si la vraisemblance de l’imputabilité de l’incrimination au

regard des faits ne pose guère de problèmes, le point d’achoppement se situe dans la

difficulté d’apporter la preuve de son innocence. En effet, celle-ci ne peut résulter que

de la production des éléments de nature à établir que l’atteinte portée aux droits

d’auteurs ou aux droits voisins procède de la fraude d’un tiers 1557. C’est ici une des

différences majeures avec les conditions d’exonération posées par la loi examinée

dans la décision de 1999 : le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule

disposait de trois moyens pour démontrer qu’il n’était pas l’auteur de l’infraction.

Parmi eux se trouvait notamment le vol, bien moins délicat à établir que le piratage

d’une ligne internet, qui peut être réalisé à distance via une connexion sans fil.

1555 « La personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller
à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à
disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un
droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise ».
1556 Cons. 17 : « [...] en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière
répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en
matière contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est assuré le respect
des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité ».
1557 Article L331-38 du Code de propriété intellectuelle.
La qualité du procès 415

728. Deux autres différences majeures expliquent les divergences de solutions entre

les deux décisions, à dix années d’écart. En 2009, seul le titulaire du contrat

d’abonnement peut être sanctionné, alors que le dispositif contrôlé en 1999, prévoyait

la mise en cause possible de l’auteur véritable de l’excès de vitesse. Mais surtout, la

peine encourue pour l’infraction au Code de la route n’était que pécuniaire, alors que

la loi HADOPI permet à l’autorité administrative de prononcer une sanction

privative ou restrictive de droit1558.

729. Il n’est donc guère surprenant que les deux décisions aboutissent à des

dénouements distincts, il ne faut y voir aucun revirement de jurisprudence. Les

conditions posées en 1999 étaient remplies, la présomption simple de culpabilité

pouvait être renversée, ce qui n’est pas le cas en 2009. La jurisprudence

constitutionnelle est cohérente en la matière : c’est précisément la validation

éventuelle de la loi HADOPI dans sa première version1559 qui aurait pu, à juste titre,

être reprochée au Conseil constitutionnel. Il ne fait ici qu’une application rigoureuse

des conditions qu’il a lui même posées, qui, rappelons le, dépassent les exigences du

juge judiciaire et du juge européen des droits de l’homme.

730. Cette jurisprudence sera confirmée (et même durcie), dans le cadre du contrôle

de la « Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité

intérieure1560 ». Ce texte instituait une mesure de couvre-feu pour les mineurs1561, à

l’initiative du préfet ou du tribunal pour enfants, avec un mécanisme de sanction à

l’encontre des parents qui n’ont pas fait respecter la mesure : ceux-ci sont passibles

d’une amende contraventionnelle de troisième classe. Cette disposition instaurait

1558 C’est la liberté d’expression et de communication, protégée par l’article 11 de la Déclaration de


1789, qui se trouvait violée par cette disposition.
1559 Une seconde version de la loi sera votée, déférée et validée par le Conseil constitutionnel : Décision
n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc.
1560 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 préc.
1561 Article 43 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, JO, 15 mars 2011, p. 4582.
416 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

une présomption de culpabilité, dont la validité dépendait essentiellement du

caractère réfragable.

731. Il n’était pas question ici d’un cas de responsabilité pénale du fait d’autrui : les

parents sont responsables de leur propre manquement, de même que le titulaire de la

ligne internet, sanctionné en raison de sa carence personnelle à l’obligation de

surveillance de sa connexion1562. Ici, le manquement parental consiste à ne pas avoir

fait respecter l’interdiction de sortie imposée à leur enfant. Mais, alors que le titulaire

du contrat d’abonnement auprès du fournisseur d’accès disposait au moins d’un

moyen de renverser la charge de la preuve1563, ce qui s’est quand même révélé

insuffisant pour éviter la censure du juge constitutionnel, au regard de la

présomption d’innocence, les parents du mineur récalcitrant n’ont ici aucune cause

d’exonération. Ce qui conduit le Conseil constitutionnel à censurer cette disposition,

en raison d’une présomption de culpabilité jugée irréfragable.

732. Il semble donc que, des trois conditions cumulatives posées en 2009, celle-ci soit

déterminante dans l’appréciation de la conformité à la Constitution d’une

présomption de culpabilité légalement établie. Il est toutefois possible de penser que

cet article aurait sans doute échappé à l’annulation, si le législateur avait prévu ne

serait-ce qu’un seul moyen raisonnable de renverser la charge de la preuve. En effet

et contrairement à 2009, la sanction n’était que pécuniaire ici, ce qui la rapproche de

celle prévue dans la disposition épargnée de 1999. Le moins que l’on puisse en dire,

c’est que la juridiction constitutionnelle a appliqué ici, avec une grande sévérité, sa

jurisprudence en matière de présomption de culpabilité. Une réserve d’interprétation

constructive lui aurait probablement permis de valider un dispositif lacunaire, en

apportant cette nécessaire précision.

1562 Cf supra n° 726.


1563 En prouvant que l’atteinte aux droits d’auteurs est le fait d’une personne qui a frauduleusement
utilisé l’accès au service de communication au public en ligne.
La qualité du procès 417

733. En conclusion à ces développements consacrés à la présomption d’innocence, il

convient de rappeler le rôle central joué par la jurisprudence constitutionnelle en

matière de renforcement du principe. Parce qu’elle en a étendu le domaine au-delà

des procédures juridictionnelles et des frontières du droit pénal, parce qu’elle a en

aussi imposé le respect tant au législateur qu’au juge, en usant de directives à leur

intention, la Haute juridiction a pu faire bénéficier d’un principe constitutionnel

protecteur, tous les citoyens à qui il était reproché un comportement litigieux.

Néanmoins, la présomption d’innocence ne profite qu’à celui sur lequel plane la

menace d’une sanction punitive. Alors, parallèlement, bien que les deux principes

couvrent des domaines d’application partiellement superposés, le Conseil

constitutionnel n’a eu de cesse de renforcer les intérêts de chacune des parties dans

une procédure contentieuse, en développant, à la suite de la juridiction

administrative, une protection constitutionnelle des droits de la défense.


La qualité du procès 419

CHAPITRE 2 : LES DROITS CONSTITUTIONNELS DE LA DEFENSE

734. Les droits de la défense sont probablement le principe directeur du procès le

plus délicat à cerner, non seulement, en raison de la diversité possible de leur

composition1564, mais aussi au regard de la difficulté de préciser les relations existant

entre les différents éléments constitutifs1565. De tous les éminents juristes qui se sont

penchés sur la question, Henri MOTULSKY est celui dont l’apport à la notion et

l’influence corrélative sur le droit positif ont été le plus marquants. La raison en est

simple : il a œuvré toute sa vie juridique durant, pour faire reconnaître à ce « principe

immortel1566 » sa valeur de droit naturel, c’est à dire comme une « traduction juridique

d’exigences supérieures [...] considérées comme préexistantes à la norme positive1567 ». C’est

dire le statut juridique auquel il souhaitait voir accéder les droits de la défense, qu’il

rangeait dans la catégorie des principes généraux « philosophiques » du droit1568.

735. Pour MOTULSKY, il découle des considérations précédentes un vaste domaine

d’application, puisqu’il estime que les droits de la défense doivent organiser aussi

bien les rapports entre les parties1569, que les relations entre ces dernières et le juge1570,

mais aussi un large contenu, qui s’étend bien au-delà du seul principe du

contradictoire1571. Alors, s’il n’est sans doute pas plus beau principe directeur du

1564 WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », op. cit., p. 36.
1565 AMRANI-MEKKI S., « Qu'est devenue la pensée de Henri MOTULSKY ? Les droits de la
défense », Procédures, n° 3, Mars 2012, dossier n° 6.
1566 MOTULSKY H., « Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des
principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D, 1972, p. 92.
1567 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 176-177.
1568 Idem., p. 178.
1569 Id., p. 183 et s.
1570 Id., p. 189 et s.
1571 Id., p. 183 et s.
420 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

procès que celui-là1572, puisqu’il rassemble « les critères juridiques de la qualité de la

justice1573 », il n’en est pas non plus de plus ambigu, en raison d’un contenu

difficilement trouvable1574.

736. Les droits de la défense ont d’abord été consacrés par la jurisprudence

administrative, en tant que principe général du droit1575, avant que le Conseil

constitutionnel ne reconnaisse leur valeur constitutionnelle, au titre des principes

fondamentaux reconnus par les lois de la République1576, en vue d’en imposer le

respect au législateur. À partir de ce moment, afin de protéger les droits de chacune

des parties au procès et de conserver ainsi à la procédure son équité, le juge

constitutionnel n’a cessé de renforcer le statut constitutionnel des droits de la

défense, même si le processus reste encore perfectible. Il en a ainsi étendu le domaine

d’application (Section 1) et parallèlement, a développé un système de protection,

articulé autour de deux garanties juridictionnelles principales, le droit à une

procédure juste et équitable et le droit à l’assistance d’un avocat, permettant au

plaideur de défendre au mieux ses intérêts au cours du procès (Section 2).

Section 1 Le domaine d’application étendu des droits de la défense

737. Le domaine d’application des droits de la défense a connu une extension

continue dans la jurisprudence constitutionnelle, tant du point de vue de la nature de

la procédure à laquelle ils sont applicables (§ 1.), qu’en ce qui concerne les catégories

juridiques qui peuvent en bénéficier (§ 2.).

1572 BOLARD G., « Les juges et les droits de la défense », Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, Paris, 1991,
p. 70.
1573 CANIVET G., « Economie de la justice et procès équitable », op. cit., p. 2086.
1574 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice,
op. cit., p. 364.
1575 C.E., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. p. 133 ; C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec.
p. 213.
1576 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 préc., Cons. 2.
La qualité du procès 421

§ 1. L’extension du domaine matériel

738. L’expansion du champ d’application matériel des droits de la défense est

bidimensionnelle. Elle est le résultat de l’appréciation souple du Conseil

constitutionnel, qui admet l’invocation des droits de la défense dans des procédures

débouchant sur des décisions au caractère punitif peu prononcé (B), rendues par des

autorités qui dépassent largement le cadre circonscrit des juridictions pénales (A).

A) L’extension quant à l’autorité prononçant la décision

739. L’extension du domaine d’application des droits de la défense, sous l’influence

de la jurisprudence constitutionnelle, peut être décrite selon un schéma représentant

trois cercles concentriques. Si les droits de la défense rencontrent dans le domaine

pénal un terrain d’élection privilégié et c’est d’ailleurs, dans le cadre d’une procédure

juridictionnelle répressive que leur valeur constitutionnelle a été consacrée 1577, ils ne

sont nullement circonscrits à cette matière et au sein de celle-ci, à la seule phase du

procès stricto sensu. En effet, ils trouvent à s’appliquer durant les étapes d’instruction

du procès pénal, mais aussi au-delà des sentences rendues par les juridictions

répressives et même en dehors des décisions prononcées par les autorités

juridictionnelles.

1577 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 préc., Cons. 2. Auparavant, le Conseil constitutionnel
avait, de manière implicite, reconnu une simple valeur législative aux droits de la défense, mais il
est vrai que la valeur normative du principe était restreinte au domaine fiscal, Décision n° 72-75 L
du 21 décembre 1972, Nature juridique des dispositions de l'article 48, alinéa 2, modifié, de la loi du 22
juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs et article 13, paragraphes 1 et 2, de
la loi du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en
matière fiscale, JO, 31 décembre 1972, p. 13900. Sur la question, Cf FAVOREU L., chron., Décis.
Cons. const. n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, R.D.P., 1978, p. 820.
422 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

740. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a étendu le domaine des droits de la

défense au sein même de la matière pénale, en faisant application du principe, en

amont du procès proprement dit, c’est à dire durant ses phases préparatoires. Il ne

fait plus de doute aujourd’hui qu’il bénéficie aux personnes mises en cause, pendant

les actes d’investigations policières1578, comme les interrogatoires menés durant les

gardes à vue1579 ou pendant les retenues douanières1580 et, lors de toute la période de

détention provisoire1581. L’idée générale qui préside à cette extension des droits de la

défense, à toute la procédure pénale entendue largement, est qu’une personne mise

en cause doit pouvoir bénéficier de garanties lui permettant de défendre ses intérêts,

à chaque étape du processus juridictionnel, au cours duquel il pourrait leur être porté

atteinte, de manière parfois déterminante pour l’issue de l’instance. Le juge

constitutionnel n’affirme d’ailleurs rien d’autre, à propos de la garde à vue, dans la

célèbre décision de l’été 20101582. En effet, le déplacement du centre de gravité de la

procédure pénale est, pour partie, à l’origine du changement de circonstances de

fait1583, permettant au juge constitutionnel de se pencher à nouveau sur la conformité

à la Loi fondamentale, des dispositions litigieuses du Code de procédure pénale.

741. En deuxième lieu, si la matière répressive constitue toujours le lieu naturel

d’application des droits de la défense, qui conservent une forte coloration

pénaliste1584, ils ne profitent pas uniquement à celui en situation de défense, c’est à dire

devant faire face à une accusation pénale. Le juge constitutionnel a en effet agi dans

1578 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 20 ; Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003
préc., Cons. 49.
1579 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 12 ; Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet
2010 préc.
1580 Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres [Retenue douanière], JO, 23
septembre 2010, p. 17291, Cons. 7 ;
1581 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 préc., Cons. 7.
1582 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc, Cons. 16 : « [...] que la garde à vue est ainsi
souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la
personne mise en cause ; ».
1583 Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la
Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21379, article 23-2, alinéa 2.
1584 CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 627.
La qualité du procès 423

le sens d’une expansion du principe, au-delà des seules juridictions répressives.

MOTULSKY défendait l'idée que les droits de la défense ne devaient pas être

réservés à la seule matière pénale, alors que, de son côté, Gérard CORNU estimait, au

contraire, que « leur puissance évocatrice lance si fort l'esprit vers le pénal, qu'il n'est pas

sain de propager, dans un procès civil entre parties égales, l'image intimidante de l'inculpé

face à la société1585 ».

742. Le législateur, puisque le principe s’impose à lui, comme au juge et aux

parties1586, doit ainsi édicter les règles procédurales permettant d’assurer le respect

des droits de la défense devant toute juridiction et pas seulement donc, devant les

tribunaux pénaux1587. Cette extension sera confirmée, à deux reprises, durant l’année

1989. Une première fois, le Conseil constitutionnel y affirme que les droits de la

défense s’imposent « notamment en matière pénale1588 » et une seconde fois, il confirme

que le principe des droits de la défense régit la procédure suivie devant le juge de

l'impôt1589, sans que dans aucune de ces situations, sa valeur normative n’en soit

altérée1590. Les doutes légitimes, formulés par Louis FAVOREU, sur la variation

possible de la valeur juridique des droits de la défense en fonction de la matière

concernée, que le juriste aixois trouvait insatisfaisante dans la perspective d’établir

une hiérarchie des normes1591, s’en trouvent levés. Est ainsi confirmé aussi, que la

« défense » dont il est question dans l’intitulé du principe, correspond à une

1585 CORNU G., « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (fragment d’un état des
questions) », op. cit., p. 94.
1586 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 183 et s.
1587 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à l'application des peines, JO, 5 septembre
1986, p. 10788, Cons. 3.
1588 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché
financier, JO, 1er août 1989, p. 9676, Cons. 44.
1589 Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990, JO, 30 décembre 1989,
p. 16498, Cons. 58.
1590 ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », op. cit., p. 19.
1591 FAVOREU L., chron., Décis. Cons. const. n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, op. cit., p. 820.
424 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conception large de la préservation des intérêts de chaque partie à l’instance et non

du seul défendeur, qui fait face aux récusations du ministère public1592.

743. En troisième lieu, les droits de la défense trouvent à s’appliquer, y compris

quand l’autorité qui a prononcé la décision n’est pas juridictionnelle et ce, même

dans le silence de la loi1593. Se trouvent ici particulièrement concernées, les autorités

administratives, qu’elles soient indépendantes1594 ou intégrées au sein des services de

l’État1595, eu égard à la portée et à la gravité des décisions qu’elles peuvent rendre,

susceptibles de faire lourdement grief, notamment sur le plan pécuniaire, à leurs

destinataires1596. Précisément parce qu’elles ne sont pas de nature juridictionnelle 1597,

le législateur doit être encore plus vigilant dans la mise en œuvre des mesures

destinées à protéger les libertés constitutionnelles1598, particulièrement les droits

fondamentaux processuels. L’apport du droit constitutionnel jurisprudentiel, au

régime juridique applicable aux décisions de l’administration faisant grief, est

considérable, en élargissant le domaine d’application de l’ensemble des grandes

règles de la procédure pénale, au droit administratif répressif1599.

1592 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 364.


1593 Décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998, JO, 31 décembre 1997,
p. 19313, Cons. 38.
1594 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29 ; Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet
2006 préc., Cons. 11.
1595 Décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991, JO, 30 décembre 1990, p.
16609, Cons. 55 et 56 ; Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 préc., Cons. 90 ; Décision n° 92-307
DC du 25 février 1992, Loi portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, JO, 12 mars 1992, p. 3003, Cons. 25 ;
Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc., Cons. 47 et 48.
1596 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22 ; Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989
préc., Cons. 29.
1597 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc., Cons. 22.
1598 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 30.
1599 FAVOREU L., chron., Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.D.P., 1989, p. 453.
La qualité du procès 425

B) L’extension quant à la nature de la décision prononcée

744. Depuis que le droit pénal n’est plus la seule source normative de répression des

comportements indésirables, le Conseil constitutionnel a dû définir de manière

autonome le domaine répressif au sens large, qui englobe l’ensemble des mesures

ayant le caractère d’une punition et exclut les dispositions à visée exclusivement

préventive1600. La démarche du juge constitutionnel vise à appliquer le régime

juridique des sanctions pénales, à l’ensemble des mesures à caractère punitif et leur

faire ainsi bénéficier des principes constitutionnels propres à la matière pénale, tels

qu’il les a dégagés à partir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen1601. Il

en est ainsi pour les droits de la défense, qui, dans la jurisprudence constitutionnelle,

trouvent à s’appliquer dès que la procédure concernée présente un caractère coercitif

et qu’elle peut conduire à la prononciation d’une sanction punitive. Cette dernière

exigence est cependant appréciée avec une certaine souplesse par le Conseil

constitutionnel (1), qui refuse seulement d’intégrer dans le champ d’application des

droits de la défense, les procédures de négociation des sanctions et les mesures

comptables (2).

1) L’exigence d’une sanction punitive libéralement appréciée

745. La jurisprudence constitutionnelle sur le domaine d’application des droits de la

défense, en fonction de la nature de la décision susceptible d’être prise à l’issue du

procès, a connu une extension continue. Le plus petit dénominateur commun semble

être l’exigence d’une sanction ayant le caractère d'une punition, c’est à dire visant à

réprimer un comportement fautif, sans que le juge constitutionnel n’exige, par

1600 Cf supra n° 594 et s.


1601 PRADEL J., « Les principes constitutionnels du procès pénal », Cahiers du Conseil constitutionnel,
2003, n° 14, p. 84.
426 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ailleurs, que celle-ci soit nécessairement envisagée par le Code pénal1602, puisqu’elle

peut être aussi de nature disciplinaire1603, administrative1604, voire fiscale1605.

746. Ce critère de la finalité de la mesure est toutefois libéralement apprécié par le

Conseil constitutionnel. Il considère, par exemple, qu’une procédure de contre-visite

médicale, destinée à évaluer l'état de santé des salariés, pour vérifier s’ils peuvent

bénéficier des avantages législatifs liés à l’absence au travail, consécutive à une

maladie ou à un accident, entre bien dans le champ d’application des droits de la

défense1606. Certes, dans le cas présent, la contre-visite médicale peut conduire à la

suppression du versement des indemnités journalières complémentaires, mais cette

mesure n’a pas de but punitif, seulement le rétablissement d’une situation juridique,

conformément aux dispositions prévues par le droit social. De manière implicite,

puisqu’il ne mentionne pas expressément les droits de la défense, mais seulement les

deux facettes indissociables d’une de ses composantes essentielles1607, le droit à une

procédure contradictoire, le Conseil constitutionnel a même jugé le principe

applicable dans le cadre de l'institution par le législateur d'une servitude

administrative1608, provoquant la censure de la disposition litigieuse. Il semblerait

donc que l’intention punitive ne soit plus déterminante, mais que les droits de la

défense trouvent matière à s’appliquer, dès qu’une mesure individuelle emporte des

conséquences négatives sur la situation personnelle de son destinataire 1609.

747. Cette idée semble confirmée par la décision du juge constitutionnel de faire

application des droits de la défense, pour déclarer contraire à la Constitution, une

1602 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 préc., Cons. 11.


1603 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 7 et 8.
1604 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 préc., Cons. 30.
1605 Décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 préc., Cons. 54 à 57.
1606 Décision n° 77-92 DC du 18 janvier 1978, Loi relative à la mensualisation et à la procédure
conventionnelle (contre-visite médicale), JO, 19 janvier 1978, p. 422, Cons. 2 à 4.
1607 Le droit d’être informé et le droit d’être entendu.
1608 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985 préc., Cons. 12.
1609 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 264.
La qualité du procès 427

disposition qui, selon ses propres termes, présentait « le caractère d'une simple mesure

de police de l'audience et ne revêtait pas celui d'une sanction disciplinaire 1610 ». Il est vrai

qu’il s’agit ici du cas très particulier d’une mesure permettant au président d'une

juridiction, en vertu de ses pouvoirs de police de l'audience, d’évincer un avocat de

la salle d'audience, parce qu’il lui est reproché de troubler la sérénité des débats, sans

qu’il ait nécessairement manqué à ses obligations déontologiques et qu’il soit

passible de poursuites disciplinaires. Cette mesure tirait son origine de la loi du 31

décembre 1971, qui avait ôté aux juridictions le pouvoir d’édicter des sanctions

disciplinaires à l’égard des avocats, pour le confier au Conseil de l’Ordre. Pour

autant, la mesure de police s’apparentait, si ce n’est par l’objectif recherché (la

quiétude des échanges judiciaires), tout au moins par ses effets (l’éviction possible de

deux jours de la salle d’audience), à une sanction ayant le caractère d’une punition,

dont la nature disproportionnée semble peu prêter à discussion, puisque la seule

circonstance d’avoir compromis la sérénité des débats peut la déclencher1611.

2) L’exclusion des décisions concertées et des mesures purement

comptables

748. Cette interprétation souple du caractère punitif d’une disposition, favorable à

l’application des droits de la défense, n’est toutefois pas sans limite. Ainsi, une

retenue sur traitement d’un fonctionnaire pour service non exécuté (heures de

service ou obligations de service non effectuées) n’est pas, selon le Conseil

constitutionnel, assimilable à une sanction disciplinaire, mais n’est qu’une simple

mesure relevant de la réglementation de la comptabilité publique 1612. En effet, une

telle décision peut se cumuler avec une procédure disciplinaire, dont elle se distingue

1610 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 52.


1611 PHILIP L., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, op. cit., p. 658.
1612 Décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977, Loi modifiant l'article 4 de la loi de finances rectificative pour
1961 (obligation de service des fonctionnaires), JO, 22 juillet 1977, p. 3885, Cons. 1 et 2.
428 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

par l’absence d’appréciation sur le comportement personnel de l'agent. L’inexécution

« suffisamment manifeste » de ses obligations de service (condition posée par le Conseil

constitutionnel) suffit, en soi, pour justifier la retenue sur traitement qui se trouve

alors, hors du champ d'application des droits de la défense1613.

749. Se trouvent également exclues du domaine d'application des droits de la

défense, les décisions concertées, résultant d’une procédure de transaction, qui

supposent donc l’accord du destinataire. Le juge constitutionnel a ainsi jugé

inopérant le grief invoquant la violation des droits de la défense, dans le cadre d’une

procédure permettant au maire d'une commune, de proposer à l’auteur de certaines

contraventions ayant causé un préjudice à la municipalité, une transaction de nature

à éteindre l'action publique, laquelle devra ensuite être homologuée par l’autorité

judiciaire1614. L’idée gouvernant cette jurisprudence est que les droits de la défense

auraient vocation à s’appliquer uniquement dans les procédures coercitives,

susceptibles de déboucher sur une décision faisant grief, imposée unilatéralement

par l’autorité publique et non, quand elle est le résultat d’une concertation avec

l’auteur des faits répréhensibles.

750. Cette restriction du champ d’application des droits de la défense est à la fois

surprenante et critiquable. Surprenante, car le droit interne connaît d’autres formes

de procédures pénales transigées, supposant l’accord du destinataire de la décision et

l’homologation d’un juge du siège. La plus célèbre, en même temps que la plus

controversée d’entre elles, la comparution sur reconnaissance préalable de

culpabilité, n’a pas été exclue du champ d’application des droits de la défense par le

Conseil constitutionnel1615. De surcroît, il est tout de même curieux que le juge

constitutionnel fasse application des droits de la défense pendant des phases

1613 Idem, Cons. 3.


1614 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, JO, 2 avril 2006, p. 4964,
Cons. 3.
1615 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 114.
La qualité du procès 429

préparatoires du procès (garde à vue, retenue douanière, détention provisoire) 1616,

lequel n’aura peut-être même pas lieu et la refuse ici1617. Il est, par ailleurs, critiquable

de les exclure d’une procédure dans laquelle la décision n’est pas unilatéralement

imposée, alors que la personne mise en cause devrait précisément pouvoir y

bénéficier de garanties, lui permettant de défendre au mieux ses intérêts, à un

moment déterminant du processus décisionnel auquel elle participe.

§ 2. L’extension du domaine personnel

751. Parallèlement à l’extension du domaine matériel, la liste des bénéficiaires des

droits de la défense n’a également cessé de s’allonger, principalement dans trois

directions.

752. En premier lieu, les personnes physiques ne sont plus les seules à pouvoir jouir

des droits de la défense. En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu dès 1980, par

l’intermédiaire d’une réserve d’interprétation constructive, la faculté aux personnes

morales d’invoquer les droits de la défense1618, ce qui, à ce moment précis, constituait

effectivement « un apport manifestement original à la théorie des droits fondamentaux1619 ».

753. Cette extension en direction des personnes morales sera confirmée, par la suite, à

deux reprises1620. Le juge constitutionnel, à qui il est souvent reproché de prendre

acte des évolutions juridiques au lieu de les initier, a fait preuve ici d’une

anticipation notable. En effet, cette expansion du domaine personnel peut trouver sa

1616 Cf supra n° 740.


1617 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 223.
1618 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, JO,
24 juillet 1980, p. 1867, Cons. 8.
1619 FAVOREU L., chron., Décis. Cons. const. n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, R.D.P., 1980, p. 1658.
1620 Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992 préc., Cons. 29 ; Décision n° 2004-510 DC du 20 janvier
2005, Loi relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de
grande instance, JO, 27 janvier 2005, p. 1412, Cons. 9.
430 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

source dans deux innovations du droit, postérieures à la décision constitutionnelle de

1980 : d’un côté, la reconnaissance aux autorités administratives d’un pouvoir de

sanction1621, qui peut être exercé à l’encontre des personnes morales et de l’autre,

l’introduction dans le Code pénal de 1992, d’une responsabilité pénale des personnes

morales, du fait personnel par représentation1622. À partir du moment où elles

pouvaient être destinataires d’une sanction administrative faisant grief ou, qu’elles

étaient susceptibles d’être tenues pour pénalement responsables des infractions

commises par leurs organes ou leurs représentants, quand ils agissent pour leur

compte, il y avait donc lieu d’accorder aux personnes morales, le bénéfice des

garanties permettant de défendre leurs intérêts.

754. En deuxième lieu, les droits de la défense ne profitent pas uniquement non plus,

au seul défendeur au procès, mais peuvent aussi bénéficier à la personne physique

(ou morale, donc) qui a pris l'initiative d'engager une procédure, juridictionnelle ou

pas, en vue de faire reconnaître un droit1623. La position du Conseil constitutionnel est

même ici plus protectrice des intérêts des administrés, que celle adoptée par le

Conseil d’État, pour qui les droits de la défense ne sont pas applicables aux décisions

administratives défavorables1624, à moins que ces dernières découlent d’une faute du

destinataire de la décision, qui conduit à remettre en cause sa situation

personnelle1625.

1621 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.


1622 Article 121-2, alinéa 1, du Code pénal dispose : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont
responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour
leur compte, par leurs organes ou représentants ».
1623 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc., Cons. 83 à 86.
1624 C.E., 16 mars 1979, Ministre du Travail c/ Stephan, n° 11552, Rec. p. 120 ; A.J.D.A., 1979, p. 46, concl.
GALABERT J.-M.
1625 C.E., 4 mai 1962, Dame Ruard, Rec. p. 296 ; A.J.D.A., 1962, p. 420, chr. GALABERT J.-M. et
GENTOT M.
La qualité du procès 431

755. Cette conception du champ d’application personnel est conforme à la fois, à la

définition des droits de la défense telle que la formulait MOTULSKY1626, en tant qu’ils

offrent les garanties nécessaires à toute partie à l’instance pour y faire valoir leurs

droits mais aussi, à la valeur juridique que leur confère la Cour de cassation, pour

qui « la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère

constitutionnel1627 ». Les refuser à un justiciable, au prétexte qu’il est à l’origine de

l’action en justice, contreviendrait gravement au principe d’égalité des armes,

puisque celui-ci se trouverait alors en situation de désavantage important par

rapport à son adversaire judiciaire1628.

756. Enfin, en troisième lieu, la dernière forme d’extension, celle qui fit le plus débat,

concerne la victime qui s’est constituée partie civile lors de la procédure répressive,

dans laquelle l’auteur supposé du préjudice est mis en cause. Le Conseil

constitutionnel ouvre ainsi dans le procès pénal, les droits de la défense, au-delà de

la personne mise en accusation, à la partie lésée qui a connu une atteinte

patrimoniale ou physique1629. Contrairement à ce que peuvent écrire les professeurs

Thierry RENOUX et Michel de VILLIERS1630, il n’y a pas lieu d’être surpris que la

restriction de l’accès au juge soit constitutif d’une violation des droits de la défense,

puisque le droit d’agir en justice est, pour la Cour européenne des droits de l’homme,

une condition essentielle de leur exercice effectif1631. De plus, cette décision

constitutionnelle, qui fait de la partie civile une partie à part entière du procès 1632, est

1626 Pour MOTULSKY, les droits de la défense doivent être compris dans l’acception large de « défense
des intérêts de chacune des parties », « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect
des droits de la défense en procédure civile », op. cit., p. 184.
1627 Cass. Ass. plén., 30 juin 1995, pourvoi n° 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n° 4, p. 7.
1628 C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas, requête n° 14448/88, série A, n° 274.
1629 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 8.
1630 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 225.
1631 C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni préc.
1632 Cf supra n° 199 et s.
432 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conforme aux droits octroyés par le Code de procédure pénale, que le Conseil prend

le soin minutieux d’énoncer1633.

757. Cette jurisprudence constitutionnelle, qui permet à la partie civile de se pourvoir

en cassation contre les arrêts de non-lieu de la chambre de l’instruction, entachés

d’une erreur de droit, est bien « la plus novatrice rendue à ce jour par le Conseil

constitutionnel en matière pénale sur question prioritaire de constitutionnalité1634 ».

Néanmoins, elle ne conduit, ni à consacrer, au bénéfice des parties civiles, un droit

général de se pourvoir en cassation contre l'ensemble des arrêts de la chambre de

l'instruction, ce qui transformerait le statut des victimes au sein du procès pénal, en

une forme de ministère public de substitution1635, ni encore moins, à ouvrir

« directement la voie à la vindicte publique »1636. Elle constitue, en revanche, un progrès

réel pour la protection du droit des victimes, mais confirme aussi que les droits de la

défense contribuent à l'égalité des parties dans le procès1637, grâce à un rayonnement

de plus en plus large, qui rejaillit favorablement sur les composantes du principe.

Section 2 L’objet diversifié des droits de la défense

758. Le contenu des droits de la défense, tel que le Conseil constitutionnel le définit,

n’est guère facile à identifier. Le juge constitutionnel parsème parfois sa

jurisprudence d’indices, permettant d’exclure de l’ensemble des droits de la défense,

des garanties procédurales telles que la collégialité des juridictions 1638 ou la

1633 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 5 à 7.


1634 LAZERGES C., « La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel en
droit pénal : entre audace et prudence », op. cit., p. 206.
1635 LACROIX C., note, Décis. Cons. const. n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, « Les parties civiles à
l'assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation », op. cit., p. 2690.
1636 RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 227.
1637 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 368.
1638 Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, Union syndicale des magistrats administratifs [Juge
unique], JO, 15 octobre 2010, p. 18542, Cons. 5.
La qualité du procès 433

motivation des décisions de justice1639, à l’inverse de la position de MOTULSKY1640,

même si la jurisprudence constitutionnelle n’est pas, sur ce point, d’une lisibilité

irréprochable1641. Leur exclusion des droits de la défense est due, pour la première, à

l’indifférence du Conseil constitutionnel quant au mode organisationnel des

juridictions et pour la seconde, à son positionnement chronologique tardif dans le

procès. Le périmètre des droits constitutionnels de la défense épouse alors

aujourd’hui les contours d’un « noyau dur » d’une forme d’habeas corpus à la

française1642, dont le contenu irréductible permettrait au plaideur de défendre au

mieux ses intérêts avant tout jugement. Y figurerait alors, le droit à l’assistance d’un

avocat (§ 2.), qui fait aussi partie des éléments fondamentaux du procès équitable, au

sens que la Cour européenne lui confère1643 et, le droit à une procédure juste et

équitable (§ 1.).

§ 1. Le droit à une procédure juste et équitable

759. Le droit à une procédure juste et équitable est garanti, dans la jurisprudence

constitutionnelle, sur la base juridique de deux dispositions de la Déclaration des

droits de l'homme et du citoyen, qui visent deux hypothèses distinctes. D’une part,

sur le fondement de l’article 6 du texte révolutionnaire, le Conseil constitutionnel

1639 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre [Motivation des arrêts d'assises],
JO, 2 avril 2011, p. 5893, Cons. 10.
1640 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 195-196.
1641 Cf trois décisions antérieures, qui pourraient, au contraire, laisser supposer l’appartenance de la
motivation des jugements aux droits de la défense : Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.,
Cons. 30 ; Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication, JO, 2 août 2000, p. 11922, Cons. 13 ; Décision n° 84-182 DC
du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
1642 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 367.
1643 C.E.D.H., 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, requête n° 14032/88, série A, § 34 ; R.S.C., 1994, p.
370, obs. PETTITI L.-E ; A.F.D.I., 1994, p. 684, obs. PELLOUX R ; COSTA J.-P., « Les droits de la
défense selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme », Gaz. Pal., octobre
2002, p. 1418.
434 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

veille à la préservation de l’équilibre des droits des parties. Cette garantie constitue la

réception interne du principe d’origine anglo-saxonne d’égalité des armes1644, dégagé

par les juridictions européennes des droits de l’homme, à partir de l’article 6,

paragraphe 1 de la Convention. Cette exigence constitutionnelle amène le Conseil à

porter un regard panoramique sur l’ensemble des procédures applicables à des

litiges comparables et à vérifier, que la garantie autonome d’équité est respectée pour

chacune d’entre elles. En somme, cette protection s’applique à des hypothèses, dans

lesquelles le législateur a pu prévoir des procédures différentes pour régler des

litiges similaires. Une telle ramification des chemins procéduraux est acceptée par le

Conseil constitutionnel, à la condition que chacune des voies de droit préserve de

manière équivalente l’équilibre des droits des parties et garantisse ainsi, en toutes

hypothèses, le caractère juste et équitable de la procédure (A).

760. D’autre part, sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen1645, indépendamment du principe d’égalité devant la justice

(dans la mesure où tous les justiciables sont soumis au même itinéraire procédural),

l’équilibre des droits des parties peut être rompu par l’inobservation d’une qualité

essentielle du procès équitable : le droit à une procédure contradictoire1646, parce que

« la contradiction est l’âme du procès1647 ». De ce point vue, il convient de souligner que

la jurisprudence constitutionnelle est plus précise que celle de la Cour européenne

des droits de l’homme, qui vise souvent indifféremment principe du contradictoire et

égalité des armes1648. Le droit constitutionnel à une procédure juste et équitable ne

1644 JEAN-PIERRE D. et MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le principe d'égalité des armes », Rev. Rech.
Jur., 1993, p. 489 ; MARCUS-HELMONS S., « Quelques aspects de la notion d’égalité des armes »,
op. cit., p. 67 ; COHEN-JONATHAN G, « L'égalité des armes selon la Cour E.D.H. «, L.P.A., 28
novembre 2002, p. 21.
1645 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 préc., Cons. 41.
1646 Cf, en ce sens, C.E., 29 juillet 1998, Mme Esclatine, Rec. p. 320 ; A.J.D.A., 1999, p. 69, note ROLIN F. :
« Considérant que le principe du contradictoire, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge... ».
1647 CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 627.
1648 C.E.D.H., 30 octobre 1991, Borges c/ Belgique, série A, n° 214-A ; C.E.D.H., 20 février 1996, Vermeulen
c/ Belgique, requête n°19075/91, J.C.P., 1997, I, 4000, obs. SUDRE F.
La qualité du procès 435

sera alors sauvegardé, que si le caractère contradictoire n’est pas atteint dans sa

substance (B).

A) Le droit à une procédure équilibrée

761. La Cour européenne des droits de l’homme, au fil de sa jurisprudence, a dégagé

un certain nombre de principes non écrits, qui viennent préciser la notion de procès

équitable, inhérente à l’article 6, paragraphe 1. À la suite de la Commission

européenne1649, celui qui a connu l’effectivité la plus forte dans la jurisprudence de la

Cour est sans doute le principe dit de « l’égalité des armes », qui suppose l’absence

de différence de traitement entre les parties, aucune ne devant être désavantagée

dans sa relation processuelle avec l’autre1650. Progressivement, cette solution sera

reprise et perfectionnée, pour finalement aboutir à l’idée que l’égalité des armes

implique « l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa

cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de

net désavantage par rapport à son adversaire1651 ».

762. Cette idée d’équilibre relatif des droits des parties sera réceptionnée en droit

interne par le Conseil constitutionnel, sous la forme de l’exigence d’une procédure

juste et équitable1652, qui contraint le législateur à ne placer aucune des parties dans

une position telle, qu’elle souffrirait d’une infériorité procédurale insurmontable par

rapport à son adversaire. En vertu de la jurisprudence constitutionnelle, le législateur

peut alors envisager que des justiciables, confrontés à des litiges comparables, soient

soumis à des procédures juridictionnelles distinctes, mais à la condition que ces

1649 Commiss. E.D.H., 30 juin 1959, Szwabowicz c/ Suède, requête n° 434/58, Ann. II, p. 355.
1650 C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique préc., § 34.
1651 C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas préc., § 33 ; C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c./
Autriche préc., § 47 ; C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c./ France, requête n° 22209/93, § 34.
1652 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 44.
436 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

dernières soient indifféremment justes et équitables, c’est à dire qu’elles garantissent

l’équilibre des droits des parties à l’instance. En ce sens, le principe des droits de la

défense est une des conditions essentielles de la conformité des procédures

juridictionnelles, au principe constitutionnel d’égalité devant la justice. Il garantit

ainsi l’équité de la procédure et n’est rien d’autre que la réception en droit

constitutionnel, du principe d’origine anglo-saxonne d’égalité des armes. Pour le

Conseil constitutionnel, le principe est respecté même quand les juridictions

compétentes sont organisées selon des règles spécifiques (1). À contrario, l’équité de

la procédure ne peut être considérée comme préservée, quand l’accès au juge est

injustement restreint selon la qualité des parties (2).

1) L’acceptation d’organisations juridictionnelles différentes pour

des litiges comparables

763. Que le législateur prévoie que des litiges similaires seront tranchés par des

juridictions différentes (a), ou qu’ils seront jugés par les mêmes tribunaux, mais dans

des compositions distinctes (b), pour le juge constitutionnel français, l’équité de la

procédure n’en est pas pour autant altérée, dans la mesure où les parties au procès ne

se trouvent, dans aucune des ces hypothèses, en situation de déséquilibre pour faire

valoir leurs intérêts.

a) L’acceptation de la compétence de juridictions différentes

pour des litiges comparables

764. À deux reprises, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la

conformité au principe d’égalité devant la justice, de dispositifs visant à soustraire


La qualité du procès 437

certains litiges de leur juge naturel1653, ce qui conduit à faire trancher par des

juridictions différentes, des contentieux présentant de fortes similitudes 1654. En 2002,

l’article L331-4 du Code de l'organisation judiciaire, introduit par la loi d'orientation

et de programmation pour la justice1655, permettait au juge de proximité

nouvellement institué, de renvoyer au tribunal d'instance, d'office ou à la demande

d'une partie, certaines affaires présentant « une difficulté juridique sérieuse portant sur

l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties ». En

2010, l’article 689-11 du Code de procédure pénale, initié par la loi portant adaptation

du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale1656, étendait la

compétence personnelle des juridictions pénales nationales, à certaines infractions

commises au-delà du territoire de la République, pour lesquelles ni l’auteur, ni la

victime n’ont la nationalité française, en distrayant ainsi certains crimes 1657 de la

juridiction répressive créée par la convention de Rome du 17 juillet 1998. Dans

chacune de ces deux situations, le juge constitutionnel a validé le dispositif législatif,

en estimant que la procédure conservait son caractère juste et équitable, quelle que

soit la juridiction en charge du litige, car elle préservait en toutes hypothèses

l’équilibre des droits des parties.

765. Ces deux solutions identiques appellent pourtant une appréciation divergente.

Concernant la décision de 20101658, les conditions d’exercice de la compétence du juge

1653 RENOUX T., « Le droit au juge naturel, droit fondamental », R.T.D. civ., 1993, p. 33.
1654 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc. ; Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010, Loi
portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, JO, 10 août 2010,
p. 14682.
1655 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, JO, 10
septembre 2002 p. 14934. Cet article a depuis été abrogé par l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin
2006 portant refonte du Code de l'organisation judiciaire et modifiant le Code de commerce, le
Code rural et le Code de procédure pénale.
1656 Loi n° 2010-930 du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale
internationale, JO, n° 0183 du 10 août 2010, p. 14678.
1657 Génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, agression.
1658 Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010 préc.
438 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

national, définies minutieusement par le législateur 1659, prémunissent la répartition

des contentieux contre un risque d’arbitraire. En outre, le juge constitutionnel avait

déjà examiné en 1999, la conformité de la procédure applicable devant la Cour pénale

internationale, aux exigences constitutionnelles relatives à l'existence d'une

procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties 1660. Le

Conseil s’était notamment assuré de l’effectivité du droit à l’assistance d’un

défenseur1661, ainsi que du caractère contradictoire de la procédure1662 et ce, à chacune

des étapes du procès1663. Dans ces conditions, le principe constitutionnel d’égalité

devant la justice ne semble pas heurté, puisque la procédure suivie, quel que soit le

tribunal compétent, garantira à l’accusé la possibilité de défendre sa cause dans des

conditions satisfaisantes, sans déséquilibre manifeste par rapport au ministère

public.

766. Il est toutefois possible d’être plus nuancé concernant la position adoptée par le

Conseil constitutionnel, à l’égard de la mesure permettant au juge de proximité de

transmettre un litige au tribunal d’instance, en raison de sa complexité juridique 1664.

En premier lieu, il est assez incompréhensible que cette faculté de renvoi soit

circonscrite aux seules affaires civiles. Est-ce à dire que la compétence pénale du juge

de proximité1665 ne peut être confrontée à une « difficulté juridique sérieuse portant sur

1659 L’auteur présumé doit « résider habituellement » sur le territoire de la République, le


comportement reproché doit constituer une infraction dans l’État dans lequel elle a été commise,
qui doit par ailleurs avoir ratifié la convention de Rome, à moins que l’État de résidence habituelle
de la personne soupçonnée ne l’ait fait. Enfin, la Cour pénale internationale doit avoir
expressément décliner sa compétence.
1660 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc., Cons. 25.
1661 Ibidem : « [...] la personne interrogée soit par le procureur, soit par les autorités judiciaires nationales peut
être assistée à tout moment par le défenseur de son choix ou un défenseur commis d'office [...] ».
1662 Ibid. : « [...] la chambre de première instance, en vertu de l'article 64, " veille à ce que le procès soit conduit
de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de l'accusé " [...] ».
1663 Ibid. : « [...] qu'est assuré le respect des droits de la défense dès la procédure initiale devant la Cour et
pendant le procès lui-même [...] ».
1664 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc.
1665 En vertu du premier alinéa du nouvel article 706-72 du Code de procédure pénale, créé par l'article
10 de la loi déférée, « la juridiction de proximité est compétente pour juger des contraventions de police
dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État ».
La qualité du procès 439

l'application d'une règle de droit1666 » ? Par ailleurs, cette exclusion du contentieux

répressif, de la possibilité de renvoi des affaires juridiquement épineuses au tribunal

d’instance, ne provoque-t-elle pas une autre forme de rupture d’égalité, dans la

mesure où seules les questions civiles délicates peuvent bénéficier de l’expertise d’un

juge professionnel ?

767. En deuxième lieu, il n’est pas évident non plus que le Conseil constitutionnel

applique ici, avec une grande rigueur, les critères qu’il a lui-même fixés dans la

jurisprudence dite « juge unique1667 ». Il était principalement reproché au législateur

de laisser discrétionnairement au président de la juridiction, le choix de la collégialité

ou de l’unicité de juge, au lieu d’organiser lui-même, selon des critères précis et

pertinents, l’attribution des litiges. La clé de répartition des contentieux civils, en

fonction de la difficulté juridique qu’ils posent, laquelle est appréciée

discrétionnairement par le seul juge de proximité, n’est manifestement pas d’une

précision suffisante pour répondre aux exigences de 1975, sans compter que le

législateur n’impose nullement au juge de proximité, d’apporter la preuve de

l’insuffisance de ses compétences sur la question1668. Une telle exigence aurait sans

doute dû faire l’objet d’une réserve d’interprétation, dans un souci de bonne

administration de la justice.

b) L’acceptation de la compétence des mêmes juridictions mais

différemment composées pour des litiges comparables

768. Dans une hypothèse sensiblement différente de la précédente, le Conseil

constitutionnel fut amené à vérifier si l’équilibre des droits des parties n’était pas

1666 Article L331-4 du Code de l'organisation judiciaire.


1667 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc.
1668 RENOUX T., obs., Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, R.F.D.C., 2003, p. 548.
440 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

modifié devant le tribunal correctionnel, en fonction de la composition de ce dernier,

qui peut varier qualitativement ou quantitativement.

769. La présence ou non dans les formations collégiales des tribunaux correctionnels,

d’un juge de proximité choisi sur une liste d’aptitude, illustre l’hypothèse d’une

différence qualitative dans la composition d’une juridiction, compétente pour juger

des affaires similaires. En effet, la création de la juridiction de proximité

s’accompagna de la possibilité de faire siéger un de ses membres, aux côtés de deux

magistrats professionnels, dans les formations collégiales correctionnelles 1669, au sein

desquelles il serait nécessairement minoritaire1670. C’est au président du tribunal de

grande instance qu’il appartient d’établir la liste des juges de proximité de son

ressort, susceptibles de siéger en qualité d'assesseur dans ces formations 1671. En

somme, le juge constitutionnel dût se prononcer sur le fait de savoir, si les droits de

la personne mise en cause bénéficient de garanties équivalentes, selon que la

formation collégiale de jugement devant laquelle elle comparaît est exclusivement

composée de magistrats professionnels, ou comporte un juge qui n’a pas souhaité

embrasser la carrière judiciaire1672.

770. La collégialité étant conservée dans les deux cas, la jurisprudence dite « juge

unique » de 1975 ne trouvait pas à s’appliquer en la matière. De plus, les règles

procédurales restant strictement identiques, quelle que soit la composition de la

juridiction, il n’y avait nullement lieu de penser, que les droits de la personne mise

en cause seraient moins bien assurés, en présence d’un magistrat non professionnel

dans la formation de jugement. D’autant que ses capacités juridiques ont été

1669 Article L331-5 du Code de l'organisation judiciaire.


1670 Décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005 préc., Cons. 19. La réserve émise ici par le Conseil
constitutionnel empêche un juge de proximité de siéger avec un autre juge temporaire comme
assesseur au sein du tribunal correctionnel.
1671 Idem, Cons. 13.
1672 Id., Cons. 21 et s.
La qualité du procès 441

doublement vérifiées : au moment de son recrutement dans le corps1673 et quand le

président du tribunal de grande instance choisit de l’inscrire sur la liste des juges de

proximité susceptibles de siéger en qualité d’assesseur1674. La décision

constitutionnelle de conformité apparaît donc justifiée, au regard de l’équilibre

respectif des droits des parties.

771. En 2009, à propos de la procédure applicable au jugement des violations de la

propriété intellectuelle, effectuées par l’intermédiaire de dispositifs de

téléchargement numérique, l’hypothèse était singulièrement différente1675. En effet, la

différence de composition de la juridiction de jugement n’était plus qualitative mais

quantitative, deux infractions comparables pouvant être jugées, soit par une

formation correctionnelle collégiale classique, soit par le tribunal correctionnel

statuant à juge unique ou selon la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale 1676.

L’intervention d’une autorité juridictionnelle, imposée par le juge constitutionnel

dans la décision du 10 juin 20091677, avait suscité pour les autorités gouvernementales,

un certain nombre d’inquiétudes pratiques, eu égard au grand nombre d’atteintes

potentielles aux droits d’auteurs, par le biais de dispositifs « peer to peer » ou depuis

des sites internet de téléchargement. Le Conseil constitutionnel devait donc apprécier

si la solution du législateur, consistant à confier le jugement de ces délits à un juge

répressif unique, le cas échéant selon la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale,

conduisait à une « régression des garanties procédurales1678 » et par voie de conséquence,

à une procédure qui ne serait plus ni juste, ni équitable, en violation du principe des

droits de la défense.

1673 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, préc., Cons. 12.


1674 Décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005 préc., Cons. 24.
1675 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc.
1676 Articles 495 à 495-6 du Code de procédure pénale. Ces articles ont été déclarés conformes à la
Constitution dans la décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 75 à 82.
1677 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 préc.
1678 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc., Cons. 9.
442 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

772. De manière prévisible, le juge constitutionnel valide la solution du législateur,

sans doute la mieux à même de résoudre la délicate équation consistant à traiter le

volume contentieux dans des délais acceptables, tout en assurant aux justiciables les

garanties procédurales nécessaires. La position du Conseil constitutionnel est à la fois

symbolique de sa neutralité, quant au choix du mode organisationnel des

tribunaux1679, mais aussi de son souci de préserver des délais raisonnables de

jugement, ce qui l’amène, le plus souvent, à apprécier favorablement les dispositifs

visant à les raccourcir, quitte à alléger corrélativement les garanties de procédure 1680.

Cela semble être le cas ici, puisque la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale

conduit le président du tribunal à statuer sans débat préalable1681.

2) Le refus des restrictions inégales dans l’accès au juge

773. Que la mesure envisagée par le législateur restreigne de manière relative (a) ou

absolue (b) l’accès à la justice à l’égard d’un des acteurs du procès, la décision du

Conseil constitutionnel reste celle de la condamnation du dispositif (dont il neutralise

parfois les effets indésirables par le biais d’une réserve d’interprétation), en raison du

déséquilibre provoqué entre les parties à l’instance. Cette jurisprudence témoigne de

son attachement au principe d‘égalité devant la justice, dont l’atteinte est appréciée

avec une sévérité accrue, quand elle résulte d’une limitation du recours juridictionnel

effectif, ce qui confirme l’idée que le droit d’agir en justice est un objectif prioritaire

dans la jurisprudence constitutionnelle.

1679 Cf infra n° 886 et s.


1680 Cf supra n° 169 et s.
1681 Article 495-1 du Code de procédure pénale.
La qualité du procès 443

a) Le déséquilibre des droits des parties par une limitation

relative de l’accès au juge

774. L’égalité des armes processuelles entre les parties fait l’objet, de la part du

Conseil constitutionnel, d’une protection accrue, quand elle risque d’être rompue en

raison de restrictions injustifiées, apportées au droit d’accès à un tribunal, qu’il soit

de première instance1682, d’appel1683 ou de cassation1684. De surcroît, la jurisprudence

constitutionnelle est indifférente à la qualité de la partie dont les droits procéduraux

se trouvent lésés, puisqu’elle traite avec la même exigence, les atteintes portées aux

intérêts de la personne poursuivie1685 et les restrictions des droits de la victime qui

s’est constituée partie civile1686, que celles-ci aient une origine financière1687 ou

juridique1688.

775. Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré, aussi bien les dispositions du Code de

procédure pénale qui interdisaient aux parties civiles de se pourvoir en cassation

contre les arrêts de la chambre de l'instruction, constitutifs d’une violation de la loi,

en l’absence d’action du ministère public1689, que celles qui ne permettaient pas aux

personnes poursuivies d'obtenir, devant la Cour de cassation, le remboursement des

frais irrépétibles engagés lors du pourvoi1690. Le juge constitutionnel a également

permis à la personne mise en cause dans un procès pénal, d’interjeter appel de toutes

les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne dispose pas, dans la suite

1682 Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre [Frais irrépétibles devant les
juridictions pénales], JO, 22 octobre 2011, p. 17969.
1683 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc. Cf supra n° 180 et s.
1684 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cf supra n° 199 et s. ; Décision n° 2011-112 QPC
du 1er avril 2011, préc., Cf supra n° 206 et s.
1685 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc., Cons. 7.
1686 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc., Cons. 8.
1687 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc. ; Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011
préc.
1688 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc. ; Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011
préc.
1689 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 préc.
1690 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc.
444 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

de la procédure, de moyens utiles de contestation1691. Il a, de la sorte, efficacement

œuvré dans le sens d’un rééquilibrage des droits des parties, à tous les stades du

procès. La Haute juridiction a encore approfondi et affiné sa jurisprudence, en

retenant une conception extensive de la notion de partie au procès, qui outrepasse les

seules parties classiques dans une instance pénale, en englobant toutes les personnes

appelées à intervenir. Cette hypothèse vise principalement les civilement

responsables, alors même qu’ils ne sont pas directement impliqués par la sentence

répressive1692.

776. La conception constitutionnelle de l’égalité des armes, qui impose que la

procédure soit juste et équitable afin de garantir l'équilibre des droits des parties, s’en

trouve doublement élargie. Elle englobe désormais toutes les parties au procès, y

compris celles qui n'ont qu'un lien ténu avec l'infraction commise. Mais aussi, même

si le processus avait été amorcé dès avril 20111693, est ici confirmée l’idée, que le juge

constitutionnel exige, de manière systématique, qu’à partir du moment où une partie

peut obtenir le remboursement de ses frais de justice, cette faculté soit accordée à

l'ensemble des parties au procès. En l’espèce, seule la partie civile et les organismes

tiers payeurs intervenant à l'instance, d’un côté1694, ainsi que la personne poursuivie

mais non condamnée, de l’autre1695, pouvaient en bénéficier. La décision est d’autant

plus remarquable, que les requérants contestaient seulement les conditions dans

lesquelles la personne poursuivie, mais non condamnée, pouvait obtenir le

remboursement de ses frais de justice, qu’ils trouvaient plus restrictives que celles

permettant à la partie civile d'obtenir un tel dédommagement1696. C’est donc d’office

1691 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 préc.


1692 Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 préc..
1693 Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 préc.
1694 Article 475-1 du Code de procédure pénale.
1695 Article 800-2 du Code de procédure pénale.
1696 Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 préc., Cons. 3.
La qualité du procès 445

que le juge constitutionnel a soulevé la question de l’exclusion du remboursement,

des autres parties au procès pénal qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation1697.

b) Le déséquilibre des droits des parties par une limitation

absolue de l’accès au juge

777. Pour le Conseil constitutionnel, qui accorde une attention particulière au droit

au recours juridictionnel effectif1698, la limite du déséquilibre tolérable entre les

parties au procès est franchie, quand une d’entre elles se retrouve, pour une durée

indéterminée, privée d’accès à la justice, en raison de la qualité particulière de son

adversaire processuel. En effet, comment dans ces conditions pourrait-elle avoir une

possibilité raisonnable de présenter sa cause au tribunal, dans des conditions

convenables, puisque le chemin qui conduit au prétoire lui est fermé ? La réponse à

la question est fournie par la jurisprudence Golder de la Cour européenne des droits

de l’homme1699. Il serait en effet illusoire ou artificiel d’offrir des garanties de

représentation et de défense satisfaisantes, si la condition essentielle qui permet au

justiciable d‘en bénéficier n’était pas réalisée. C’est à cette position de bon sens que le

Conseil constitutionnel s’est rallié au début de l’année 20121700.

778. La situation s’est en effet présentée à lui, quand une question prioritaire de

constitutionnalité lui a été transmise, concernant le dispositif d’aide aux rapatriés,

1697 Idem, Cons. 10.


1698 Cf supra n° 54 et s.
1699 C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni préc., § 35 : « Aux yeux de la Cour, on ne
comprendrait pas que l’article 6 par. 1 (art. 6-1) décrive en détail les garanties de procédure accordées aux
parties à une action civile en cours et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier en
réalité: l’accès au juge. Équité, publicité et célérité du procès n’offrent point d’intérêt en l’absence de
procès ».
1700 Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012, COFACE [Suspension des poursuites en faveur de
certains rapatriés], JO, 28 janvier 2012, p. 1675.
446 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

organisé par l'article 100 de la loi de finances pour 1998 1701, dans sa rédaction

postérieure à l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 19981702. En raison de

leur départ précipité et contraint (eu égard aux pertes enregistrées et au coût inhérent

à ce bouleversement), les autorités publiques, au nom de la solidarité nationale, ont

progressivement imaginé certaines mesures1703, afin de faciliter financièrement leur

retour en France. La principale d’entre elles consiste à prohiber toute forme d’actions

en justice visant à recouvrer une créance, dont un rapatrié serait le débiteur, dès lors

que ce dernier a déposé un dossier de désendettement en préfecture dans le délai

imparti. Un dispositif législatif qui, à l’origine, trouvait sa justification dans la

louable et nécessaire protection d’une catégorie de français, en raison des difficultés

qu’ils ont rencontrées, devint au fur et à mesure du temps, déséquilibré au regard de

son champ d’application et de ses effets.

779. Concernant le domaine d’application personnel, il couvrait au départ les seuls

rapatriés, dont la définition était fournie par l’article 1er de la loi du 26 décembre

19611704. Il fut progressivement étendu par le législateur et le juge, aux conjoints, aux

personnes morales, aux indivisions et aux cautions1705. Quant au domaine

d’application matériel, circonscrit à l’origine aux dettes contractées dans les anciens

territoires français, il engloba par la suite les dettes inhérentes à la réinstallation

consécutive au rapatriement, puis des dettes sans lien direct avec le retour en France,

causées par la seule activité économique non salariée du rapatrié 1706. Le dispositif ne

1701 Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, JO, 31 décembre 1997, p. 19261.
1702 Loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, JO, 31 décembre 1998,
p. 20116.
1703 Moratoires, remises de dettes, prêts de consolidation, plans d’apurement et suspension des
poursuites.
1704 Loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-
mer, JO, 28 décembre 1961, p. 11996.
1705 Loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 de finances rectificative pour 1986, JO, 31 décembre 1986,
p. 15873, article 44, paragraphe I.
1706 Décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une
profession non salariée, JO, 6 juin 1999, p. 8334.
La qualité du procès 447

comportait donc plus qu’un lien ténu avec l’objectif initial, celui d’aider une

population durement éprouvée par des évènements indépendants de sa volonté.

780. Pour ce qui est des effets de la mesure, ils prirent au fil du temps, un caractère à

la fois automatique et disproportionné. Automatique, puisque si au départ, le

pouvoir de suspendre les poursuites judiciaires aux fins de recouvrement d’une

créance appartenait au juge, qui pouvait l’accorder pour une durée maximale de trois

ans, par la suite, son rôle fut réduit au seul constat du dépôt du dossier en préfecture,

lequel entraîne de plein droit l’interruption des actions en justice introduites par les

créanciers. Disproportionné, car la suspension des instances juridictionnelles se

trouve illimitée, en raison des prolongations possibles provoquées par les recours

administratifs, gracieux devant la commission en charge de l’étude des dossiers et

hiérarchiques devant le ministre chargé des rapatriés, puis contentieux devant le juge

administratif. Toutes ces raisons avaient d’ailleurs conduit la Cour de cassation, dans

sa formation la plus solennelle, à déclarer les dispositions relatives au

désendettement des rapatriés, permettant une restriction abusive de l’accès à la

justice, contraires à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits

de l'homme1707.

781. Dans ces conditions, la décision du Conseil constitutionnel était prévisible et

s’inscrit, de manière cohérente, dans sa jurisprudence sur la réception en droit

interne du principe anglo-saxon d’égalité des armes, envisagée comme une

composante du principe d’égalité devant la justice, sur le fondement de l'article 6 de

la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 17891708. En effet, dans

l’hypothèse où un créancier fait face à un débiteur « protégé », c’est à dire ayant la

possibilité d’introduire une procédure administrative lui permettant de bénéficier de

temps ou d’échelonnement de ses dettes, il n’est pas démuni de voies de droit quand

1707 Cass. Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 05-11519, Bull., 2006, n° 3, p. 5.
1708 Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012 préc., Cons. 3.
448 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

son débiteur peut introduire une procédure collective1709 ou une procédure de

surendettement des particuliers1710. En revanche, il en va tout autrement face à un

débiteur éligible à la procédure de désendettement des rapatriés, dans laquelle le

déséquilibre des droits des parties est flagrant, puisque le débiteur peut interrompre

le procès pendant une durée indéterminée, alors que le créancier ne dispose lui

d’aucune voie de recours pour contester la suspension de l’instance.

782. Même si le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel souligne que les

deux catégories de mesure ne poursuivent pas les mêmes finalités, elles n’en

demeurent pas moins comparables par leurs effets. Il résulte de cette restriction

abusive du droit au juge, que la procédure n’est plus juste et équitable et, par

conséquent, que le principe des droits de la défense n’est plus préservé. En ce sens, il

y a donc atteinte au principe d’égalité devant la justice, car le législateur a imaginé

des procédures juridictionnelles différentes pour des litiges comparables, mais la

condition que ces dernières soient indifféremment justes et équitables, c’est à dire

qu’elles garantissent invariablement l’équilibre des droits des parties à l’instance,

n’est plus respectée1711.

B) Le droit à une procédure contradictoire

783. Pour la majorité de la doctrine1712, à la suite de MOTULSKY, qui considère que le

principe est celui du respect des droits de la défense, au sein duquel la faculté de

1709 Procédure de sauvegarde des entreprises : articles L. 620-1 à L. 628-7 du Code de commerce ;
Redressement judiciaire : articles L. 631-1 à L. 632-4 du Code de commerce ; Liquidation judiciaire :
articles L. 640-1 à L. 644-6 du Code de commerce.
1710 Code de la consommation, articles L. 330-1 à L. 334-12 et articles R. 331-1 à R. 336-8.
1711 Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012 préc., Cons. 7.
1712 WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », op. cit., p. 36.
La qualité du procès 449

contradiction1713 n’est qu’une application1714, les droits de la défense englobent le

contradictoire1715. Pour autant, il n’y a pas vraiment de consensus sur la question, les

positions doctrinales oscillant entre relation d’équivalence et relation

d’appartenance1716. Consubstantiel au procès, que la procédure soit accusatoire ou

inquisitoriale1717 et quelle que soit la branche du droit dans laquelle il s’inscrit 1718, y

compris dans le cadre du contrôle concret du procès constitutionnel 1719, le principe du

contradictoire ne devrait pas être une option, un choix possible laissé à la disposition

du législateur1720.

784. Au regard de ces considérations, qui témoignent de la place cardinale que lui

accorde la doctrine processualiste la plus avisée au sein des droits de la défense, on

sera surpris par le statut un peu hésitant que lui confère le Conseil constitutionnel 1721.

En effet, dans la jurisprudence constitutionnelle, le droit à une procédure

contradictoire est appliqué dans un cadre étroit (1) et les tempéraments dont il peut

faire l’objet sont admis avec une certaine bienveillance par la Haute juridiction, dont

l’appréciation pragmatique autorise certaines entorses législatives (2). Le

contradictoire est ainsi un exemple caractéristique de ces principes, que le juge

1713 Les expressions « principe du contradictoire » ou « principe de la contradiction » seront utilisées


indifféremment. Sur cette question sémantique, voir les libres propos introductifs du professeur
Pierre BON, GOURDOU J., LECUQ O et MADEC J.-Y. (dir.), Le principe du contradictoire dans le
procès administratif : actes des deuxièmes rencontres Tribunal administratif / Faculté de droit de Pau, 17
septembre 2009, L'Harmattan, Paris, 2010, p. 14.
1714 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 183.
1715 GUINCHARD S., « Le procès équitable, droit fondamental ? », op. cit., p. 200 ; RENOUX T. et (de)
VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 260.
1716 Sur l’ensemble de la question, FRISON-ROCHE M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire,
Thèse dactyl., Paris II, 1988, spéc. n° 8 et s.
1717 CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 628.
1718 SCHRAMECK O., « Quelques observations sur le principe du contradictoire », L'État de droit :
mélanges en l'honneur de Guy Braibant, Dalloz, Paris, 1996, p. 629.
1719 DRAGO G., « Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », op. cit., p. 450 ;
ROUSSEAU D., « Le procès constitutionnel », op. cit., p. 50.
1720 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 838.
1721 SCHRAMECK O., « Quelques observations sur le principe du contradictoire », op. cit., p. 633.
450 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

constitutionnel consacre au sommet de la hiérarchie des normes, mais qui ne

bénéficient pas pour autant de la protection corrélative.

1) Le domaine d’application circonscrit du principe du

contradictoire

785. Dans la jurisprudence constitutionnelle, le principe du contradictoire n’a

vocation à gouverner que les procédures juridictionnelles, c’est à dire que sont

exclues de son domaine d’application, les phases préparatoires du procès et les

procédures administratives1722, à l’exception toutefois de celles pouvant conduire au

prononcé d’une sanction ayant le caractère d’une punition1723. Ainsi, le Conseil

constitutionnel l’exige uniquement dans les procédures de licenciement pour motif

disciplinaire et pas dans les autres hypothèses1724. Il n’est pas imposé non plus dans

les phases d’enquêtes ou d’investigations, comme dans le cadre des perquisitions

fiscales, où il peut tout de même recevoir application mais de manière facultative,

dans l’hypothèse où l'administration fiscale souhaiterait utiliser, dans la suite de la

procédure, le résultat des recherches menées1725.

786. De manière plus contestable encore, l’article 63-4-1 du Code de procédure

pénale, qui limite l’accès de l’avocat aux pièces déterminantes du dossier pendant la

garde à vue, est l’illustration la plus marquante de l’évincement du contradictoire

pendant la phase d’enquête policière. Tout l’argumentaire développé par le Conseil

constitutionnel repose sur une critiquable idée directrice : la garde à vue ne

1722 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin
2011 préc.
1723 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29 ; Décision n° 2001-451 DC du 27
novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 préc., Cons. 53.
1724 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 préc., Cons. 24.
1725 Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, JO, 30 décembre 1984,
p. 4167, Cons. 35.
La qualité du procès 451

s’inscrivant pas dans une phase juridictionnelle de la procédure répressive, il n'y

aurait pas lieu de respecter le principe du contradictoire 1726. Voilà qui constitue un

rétrécissement majeur du champ d’application du principe, au regard de la

jurisprudence européenne des droits de l’homme, pour qui la contradiction

s'applique aussi aux phases du procès, situées en amont de la procédure de

jugement1727.

787. Il faut également faire observer que le domaine d’application du principe de la

contradiction est moins étendu que celui du droit à l’assistance effective d’un avocat,

ce qui n’est pas dénué de toute contradiction. À quoi bon permettre, en effet,

l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue, si on ne lui donne pas les moyens

matériels de défendre les intérêts de la personne mise en cause ? Il semble alors

difficile de conclure que les droits de la défense, au sens de « la possibilité offerte à toute

personne de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure dont l’aboutissement est

susceptible de préjudicier à ses droits1728 », produisent la plénitude de leurs effets

pendant la période de garde à vue.

2) L’appréciation pragmatique du caractère contradictoire de la

procédure

788. Le droit au caractère contradictoire de la procédure, qui a valeur

constitutionnelle en tant que corollaire des droits de la défense 1729, comprend deux

facettes complémentaires et indissociables, que MOTULSKY avaient déjà mises en

1726 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 28.


1727 A propos des visites domiciliaires : C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France préc.
1728 SCHRAMECK O., « Quelques observations sur le principe du contradictoire », op. cit., p. 631.
1729 Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 préc., Cons. 58.
452 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

évidence1730 : le droit à l’information et le droit à être entendu. Ces deux piliers du

contradictoire1731 sont réunis dans la définition du principe, telle que les

jurisprudences, constitutionnelle1732, judiciaire1733 et européenne des droits de

l’homme1734, la fournissent. Le Conseil constitutionnel apporte ainsi sa protection tant

au volet « passif » de la contradiction, le droit d’avoir accès au dossier 1735, qu’à sa

composante « active », le droit de présenter ses observations1736. Sa jurisprudence

garantit le droit d’être informé des faits reprochés à une personne1737, aussi bien que

des recours exercés contre elle1738, ou des motifs d’une décision disciplinaire

prononcée à son encontre1739.

789. Pour autant, le juge constitutionnel apprécie le caractère contradictoire d’une

procédure de manière globale, en considérant que l’absence de contradiction durant

une phase est compensée par sa présence à un autre stade de l’instance. Cette analyse

panoramique d’une procédure, afin d’évaluer une qualité particulière du procès

équitable, se retrouve aussi dans la jurisprudence de la Cour européenne, quand il

s’agit d’évaluer le caractère public d’un procès. La publicité à un niveau de la

1730 MOTULSKY H., « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
défense en procédure civile », op. cit., p. 184-185.
1731 JEAN-PIERRE D. et MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le principe d'égalité des armes », op. cit.,
p. 504.
1732 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29. Le principe comprend, pour la personne
mise en cause, la faculté de « présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés », ainsi que
« d'avoir accès au dossier le concernant ».
1733 Cass. crim., 20 septembre 2000, Bull. crim., n° 274 ; Rev. Dr. Pén., 2001, Chron. 14, obs. MARSAT C. :
« Le prévenu doit être informé (...) de la nature et de la cause de la prévention (...) et doit être mis en mesure
de se défendre tant sur les divers chefs d’inculpation (...) que sur chacune des circonstances aggravantes ».
1734 C.E.D.H., 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique préc., § 33. Il s’agit de « la faculté pour les parties à un
procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un
magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision et de la discuter ».
1735 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 29 ; Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992
préc., Cons. 29.
1736 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
1737 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980 préc., Cons. 8.
1738 Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986 préc., Cons. 4.
1739 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc., Cons. 8.
La qualité du procès 453

procédure compense son absence à un autre moment1740. MOTULSKY considérait

aussi le contradictoire comme une règle d'organisation du procès susceptible

d’aménagements1741, mais à la condition que les atteintes dont il fait l’objet ne

conduisent pas à une abolition des droits de la défense1742.

790. Dans le cadre de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique 1743,

l’absence de contradictoire devant le juge qui procède au transfert de propriété est

admise par le Conseil constitutionnel pour deux raisons principales. La première

tient à la compétence limitée du juge de l’expropriation à ce stade de l’instance, qui

se borne à constater que le dossier est conformément constitué1744. La seconde réside

dans la compensation offerte par l’ensemble des garanties sur l’ensemble de la

procédure, telles que le droit de se pourvoir en cassation contre l’ordonnance

d’expropriation ou l’observation de la contradiction de la procédure, au terme de

laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités1745. En somme, c’est parce que

l’ordonnance d’expropriation est édictée de manière quasi mécanique, après le

constat de la légalité de l'utilité publique (au regard de la déclaration d'utilité

publique et de l'arrêté de cessibilité) et que tous ces actes juridictionnels sont

susceptibles de recours en justice, que la procédure peut se dispenser du

contradictoire, à une étape où les prérogatives du juge se trouvent restreintes.

791. De la même manière, l'examen des demandes de mise en liberté du prévenu

peut se dispenser du contradictoire devant le juge des libertés et de la détention,

quand en amont, le placement en détention provisoire en avait bénéficié et qu’en

aval, les décisions de refus de remise en liberté peuvent être contestées devant la

1740 C.E.D.H., 8 décembre 1983, Pretto c/ Italie, requête n° 7984/77, § 27 ; C.E.D.H., 22 février 1984, Sutter
c/ Suisse, requête n° 8209/78, § 33.
1741 MOTULSKY H., « La réforme du Code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les
principes directeurs du procès », J.C.P., 1966, I, 1996, § 3.
1742 Ibidem.
1743 Décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012 préc.
1744 Idem, Cons. 6.
1745 Ibidem.
454 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

chambre de l’instruction1746. Toutefois, afin de maintenir une forme de contradictoire

« a minima »1747, le juge constitutionnel exige que le prévenu placé en détention ait eu

connaissance de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du parquet. Le plus

étonnant ici est, sans doute, que le Conseil se satisfasse de l’absence de publicité des

audiences, quand d’ordinaire, il l’impose dans le cadre d’un procès pénal pouvant

conduire à une privation de liberté1748. La publicité1749, associée à l’oralité1750, est

indéniablement à la fois un facteur de facilitation, mais aussi de contrôle du principe

du contradictoire. Les échanges d’arguments en sont favorisés et l’inobservation de

la contradiction, plus difficile car plus exposée. En ce sens, la publicité est un principe

procédural fondé sur un idéal de démocratie, en vertu duquel la justice rendue au

nom du peuple, doit être placée sous son contrôle1751. Il peut donc sembler

surprenant que le Conseil constitutionnel accepte ici qu’une demande de mise en

liberté soit étudiée au terme d’une procédure écrite, le prévenu en détention

provisoire fût-il mis en possession des positions respectives du juge d'instruction et

du ministère public.

§ 2. Le droit à l’assistance d’un avocat

792. L’appartenance du droit à l’assistance d’un avocat, aux garanties des droits de la

défense ne fait guère de doute, tant la jurisprudence 1752 et la doctrine1753 se rejoignent

1746 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 préc.


1747 PERRIER J.-B., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, « Procédure écrite et
exigence du contradictoire pour l'examen des demandes de mise en liberté par le juge des libertés
et de la détention », A.J. Pénal, 2011, n° 3, p. 136.
1748 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc., Cons. 25 ; Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002
préc., Cons. 81 ; Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 117.
1749 ROURE S., « L’élargissement du principe de publicité des débats judiciaires : une judiciarisation
du débat public », R.F.D.C., 2006, p. 738.
1750 CHEMIN B., «Le statut de l’oralité », A.J.D.A., 2011, p. 604.
1751 ROURE S., « L’élargissement du principe de publicité des débats judiciaires : une judiciarisation
du débat public », op. cit., p. 741-742.
1752 Cass. crim., 22 juin 1954, Bull. crim., n° 395.
1753 CAROTENUTO S., « Le statut constitutionnel de l’avocat », L.P.A., 23 juin 2003, p. 5.
La qualité du procès 455

sur cette question. De son côté, la jurisprudence constitutionnelle a joué un rôle

primordial dans le renforcement de la présence de l’avocat auprès de son client, dans

des situations de mise en cause de celui-ci, notamment sur le plan pénal. Néanmoins,

son intervention n’est véritablement exigée par le Conseil constitutionnel que dans

des conditions restrictives (A) et les modalités de son action de défenseur sont elles-

mêmes rigoureusement encadrées (B).

A) Les conditions restrictives de l’intervention de l’avocat

793. Le Conseil constitutionnel impose l’intervention d’un avocat quand deux

conditions sont réunies simultanément : sa présence doit réellement être utile pour la

défense des intérêts de la personne mise en cause, à une étape déterminante de la

procédure, à laquelle celle-ci ne peut se soustraire (1). Cependant, même dans les

situations de contrainte, dans lesquelles l’action d’un défenseur présenterait une

réelle pertinence, il arrive que le juge constitutionnel valide les tempéraments

législatifs à l’intervention de l’avocat (2).

1) L’exigence cumulative d’une situation de contrainte et de

l’utilité de l’intervention de l’avocat

a) La présence cumulative de la contrainte et de l’utilité de

l’intervention de l’avocat

794. La garde à vue est une mesure privative de liberté, prise à l’encontre d’une

personne soupçonnée d’être à l’origine d’un crime ou d’un délit puni d'une peine
456 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

d'emprisonnement, afin de la maintenir à la disposition des enquêteurs1754. Elle peut

être lourde de conséquences pour la suite de l’instance. À ce titre, elle est une parfaite

illustration d’une mesure contrainte, rendant indispensable l’intervention d’un

défenseur. Pourtant, l’assistance effective d’un avocat n’y a été imposée par le

Conseil constitutionnel, grâce au mécanisme de la question prioritaire de

constitutionnalité, qu’en juillet 20101755, à la faveur d’un changement de

circonstances1756. En effet, bien qu’examinées lors du contrôle a priori à l’été 1993 1757,

les dispositions litigieuses nécessitaient un nouvel examen, au regard de l’inflation

du nombre de gardes à vue et de la place prépondérante que cette phase de l’enquête

policière a prise dans la constitution du dossier nécessaire au jugement1758.

795. L’apparition de l’avocat en garde à vue s’est d’abord réalisée par le biais d’un

libre entretien, à l’expiration d’un délai de vingt heures1759, lequel a, par la suite, été

rendu possible dès le début de la garde à vue, grâce à la loi du 15 juin 2000, qui en

prévoyait également un second au bout vingt heures1760, repoussé au début de la

prolongation des vingt-quatre premières heures par la loi du 9 mars 20041761. Bien que

pour le juge constitutionnel, il s’agisse là d’un « droit de la défense qui s'exerce durant la

phase d'enquête de la procédure pénale1762 », tout le droit répressif français était marqué

par cette réticence à l’égard de la présence de l’avocat en garde à vue, suspecté de

nuire à l’efficacité de l’enquête. Ainsi, le rapport LÉGER faisait état d’une opposition

majoritaire des membres du Comité à la présence de l'avocat lors des premières

1754 Article 62-2, alinéa 1, du Code de procédure pénale.


1755 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc.
1756 Idem, Cons. 14 à 18.
1757 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
1758 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., Cons. 18.
1759 Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 préc. Cependant, la loi du 4 janvier 1993 prévoyait déjà
l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue (sauf en matière de trafic de stupéfiants ou
de terrorisme), mais reportait au 1er janvier 1994, l'entrée en vigueur de ces dispositions, en
instituant pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 1993, un régime transitoire fixant cette
intervention à la vingt-et-unième heure de garde à vue.
1760 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc., article 11.
1761 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 préc., article 85.
1762 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 12.
La qualité du procès 457

auditions policières, considérée comme une entrave au bon déroulement de

l'enquête, à un moment déterminant pour la recherche de la vérité judiciaire 1763. Il

n’était pourtant pas incongru d’y voir, au contraire, un moyen de garantir l’intégrité

des déclarations effectuées par le gardé à vue et les conditions satisfaisantes dans

lesquelles elles ont été recueillies.

796. La position adoptée par le Conseil constitutionnel en 1993 est courageuse, tant la

place accordée à l’avocat en garde à vue a toujours été en France, très en deçà de ce

qu’elle est dans d’autres pays européens, comme une étude du Sénat a pu le mettre

en évidence1764. Le juge constitutionnel y affirme le caractère de défense pénale de

l’entretien pendant la garde à vue, ce qui renforce la légitimité de la place de l’avocat

durant l’enquête policière et favorise les modalités de son intervention1765. Sa

jurisprudence empêche aussi une régression du principe même de ce droit, qui

constitue une forme de garantie légale des droits constitutionnels de la défense et sur

lequel, le législateur ne pourra donc revenir.

797. Cette décision, rendue par le juge constitutionnel en 1993, préfigurait déjà la

jurisprudence décisive de juillet 2010, qui amplifie la place et le rôle de l’avocat

durant la garde à vue. Cette procédure nécessaire à la résolution de l’enquête, nul ne

saurait raisonnablement en disconvenir, a connu certains excès que la jurisprudence

judiciaire n’a su endiguer1766, incapable de contrôler la condition de mise en œuvre

liée aux nécessités de l'enquête1767. En revanche, la Cour européenne des droits de

l'homme a considéré que la privation absolue et systématique de tout droit de se faire

1763 Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale remis le 1er septembre 2009 à M. le Président de la
République et à M. le Premier Ministre, La documentation française, p. 18.
1764 Les documents de travail du Sénat, Série Législation comparée, La garde à vue, n° LC 204, décembre
2009.
1765 LE GUHENEC F., « La loi du 24 août 1993. Un rééquilibrage de la procédure pénale », J.C.P., 1993,
I, 3720.
1766 LESCLOUS V., « Un an de droit de la garde à vue », Droit pénal, 2007, n° 9, chron. 3 ; Droit pénal,
2008, n° 9, Septembre 2008, chron. 7 ; Droit pénal, n° 9, Septembre 2010, chron. 7.
1767 DAOUD E., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, « Garde à vue : faites
entrer l'avocat ! », Constitutions, 2011, n° 4, p. 571.
458 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

assister par un avocat, notamment lors des interrogatoires de la garde à vue, violait le

droit au procès équitable1768. La conventionnalité du régime juridique français de la

garde à vue apparaissait alors fort incertaine et il n’était donc guère étonnant, au

regard de la convergence des catalogues de droit invocables devant les deux

juridictions, qu’il fît l’objet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.

En symbiose avec la jurisprudence européenne, le Conseil constitutionnel a conclu à

l'inconstitutionnalité du régime de droit commun de la garde à vue, sur le fondement

de la violation des droits de la défense. À Paris1769 comme à Strasbourg1770, c’est la

restriction générale du droit à l’assistance d’un défenseur, sans la prise en compte

des circonstances particulières de l'espèce, qui est unanimement condamnée.

798. En résumé, pour le juge constitutionnel, toute mesure supposant la contrainte et

qui peut emporter des conséquences importantes sur la situation de son destinataire

doit impliquer la présence effective d’un avocat. Il en est ainsi de la rétention

douanière1771, puisqu’elle permet de procéder à l'interrogatoire d'une personne

retenue contre sa volonté et de compulser ses déclarations dans un procès-verbal, qui

pourront ensuite être utilisées dans le cadre d’une procédure répressive, ouverte à

son encontre1772. Il en était déjà ainsi en 1981, quand une disposition législative

permettait au président d’une juridiction, en vertu de ses pouvoirs de police,

d’écarter de la salle d’audience un avocat, dans des conditions portant

ostensiblement atteinte aux droits de la défense1773. Difficile, en effet, de trouver un

lieu et une circonstance, dans lesquels la présence d’un défenseur s’impose

davantage que dans une salle d’audience, lors d’un procès pénal. Au regard de ces

critères d’identification de la nécessité de l’assistance d’un avocat, il est plutôt

1768 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie, requête n° 36391/02 ; C.E.D.H., 13 octobre 2009,
Dayanan c/ Turquie, requête n° 7377/03, D, 2009, p. 2897, note RENUCCI J.-F. ; R.S.C., 2010, p. 231,
obs. ROETS D.
1769 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc.,Cons. 28.
1770 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc., § 56 à 62.
1771 Articles 323 à 323-10 du Code des douanes.
1772 Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010 préc., Cons. 7.
1773 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 52.
La qualité du procès 459

étonnant que le Conseil constitutionnel n’ait pas jugé judicieux de l’imposer durant

les perquisitions de nuit et les visites domiciliaires 1774, à l’exception des infractions

susceptibles d'être qualifiées d'actes de terrorisme1775. Mais peut-être qu’ici aussi, un

opportun changement de circonstances pourrait permettre un nouvel examen des

articles 706-89 à 706-94 du Code de procédure pénale.

b) La présence alternative de la contrainte ou de l’utilité de

l’intervention de l’avocat

799. Quand une des deux conditions fait défaut, c’est à dire que la personne mise en

cause n’est pas soumise à une mesure de contrainte ou que la présence de l’avocat ne

présente pas un caractère indispensable au regard des incidences futures de la phase

concernée, le juge constitutionnel estime que l’intervention d’un défenseur ne se

justifie pas. Ainsi, dans l’hypothèse du défèrement devant le procureur de la

République à l'issue de sa garde à vue1776, le Conseil, après avoir admis qu’il s’agit là

d’une « mesure de contrainte nécessaire à l'exercice des poursuites1777 », n’en considère pas

moins qu’à ce stade de la procédure, l’assistance de l’avocat n’a pas lieu d’être. Il en

est ainsi, puisque ce nécessaire rendez-vous judiciaire « a pour seul objet de permettre à

l'autorité de poursuite de notifier à la personne poursuivie la décision prise sur la mise en

œuvre de l'action publique et de l'informer ainsi sur la suite de la procédure1778 ». Tout au

plus, le juge constitutionnel formule-t-il une réserve d’interprétation, interdisant à

l’autorité d’application du texte, de consigner dans le procès-verbal, les déclarations

1774 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 46 et 47.


1775 Décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, Loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des
atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et
comportant des dispositions relatives à la police judiciaire, JO, 23 juillet 1996, p. 11108.
1776 Article 393 du Code de procédure pénale.
1777 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011 préc., Cons. 7.
1778 Idem, Cons. 12.
460 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

de la personne déférée qui porteraient sur les faits à l’origine de l’action en justice 1779.

Il ne s’agit là, en somme, que de l’application à la procédure de défèrement, du

principe inscrit à l’article préliminaire du Code de procédure pénale par la loi du 14

avril 20111780, selon lequel « en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation

ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a

faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».

800. Le bénéfice de l'assistance d'un avocat, à ce stade de la procédure, existait sous

l’empire de la loi du 6 août 19751781, mais fut retiré par celle du 2 février 1981 1782, en

même temps que les prérogatives permettant au procureur de la République

d'interroger la personne déférée et de la placer sous mandat de dépôt, jusqu'à sa

comparution devant le tribunal. La logique du législateur est claire : la présence d’un

défenseur est corrélée à l’étendue du pouvoir dont dispose l’autorité judiciaire à

l’égard de son client, à cette étape de la procédure. Le plus ennuyeux est que le

Conseil constitutionnel approuve le processus de construction de ce raisonnement,

lequel comporte pourtant quelques faiblesses semblant avoir échappé à la vigilance

de la Haute juridiction1783.

801. Le défèrement correspond à un moment charnière de la procédure répressive, au

cours duquel le parquet fait le choix de la suite à donner à l’action publique. À cette

occasion, la personne mise en cause peut demander au ministère public de recueillir

ses déclarations, y compris sur les faits à l’origine des poursuites, lesquelles, en vertu

de la réserve constitutionnelle, ne peuvent être consignées dans le procès-verbal

mentionnant les formalités de la comparution. Pour autant, bien qu’elles

1779 Id., Cons. 13.


1780 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 préc.
1781 Loi n° 75-701 du 6 août 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale,
JO, 7 août 1975, p. 8035.
1782 Loi n° 81-82 du 2 février 1981 préc.
1783 DANET J., « Le défèrement au procureur sans assistance d'un avocat : une conformité à la
Constitution avec réserve, signe d'une réponse fragile », R.S.C., 2011, p. 415.
La qualité du procès 461

n’apparaissent pas expressément dans un document judiciaire versé au dossier, elles

n’en demeurent pas moins portées à la connaissance du procureur, que rien

n’empêche d’en faire mention lors du procès. Il est donc vraiment regrettable que,

dans le sillage de la décision de juillet 2010, le Conseil constitutionnel ait laissé

subsister dans la procédure pénale, une étape déterminante, à l’occasion de laquelle

la personne déférée ne peut bénéficier de l’assistance d’un avocat.

802. Symétriquement, l’audition libre1784 correspond à une situation dans laquelle

l’assistance d’un avocat présenterait une utilité certaine, mais sa présence n’est

pourtant pas exigée par le Conseil constitutionnel 1785, car la personne suspectée ne

fait l'objet d'aucune mesure de contrainte, puisqu’elle consent à être entendue

librement par les autorités policières. Contrairement à l’hypothèse précédente, dans

laquelle c’était l’appréciation portée par le Conseil sur la réalisation d’une des deux

conditions (l’utilité de l’intervention de l’avocat) qui était discutable, ici, c’est

l’existence même de l’autre condition (la contrainte) qui est sujette à débats.

803. Il est difficile de comprendre en quoi l'exercice d'un acte de contrainte peut être

apprécié comme un critère déterminant du bénéfice des droits de la défense. Certes,

cette décision est conforme à la jurisprudence du 30 juillet 2010, qui condamnait

l'absence d’avocat auprès du gardé à vue pendant les interrogatoires de police, en

mettant l’accent sur le caractère imposé de la mesure, apprécié comme une

circonstance aggravante1786. En revanche, une lecture distraite de cette décision

pourrait la laisser apparaître comme assez peu cohérente avec celle du 6 mai 2011 1787,

qui conduit à penser qu’il existe, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,

une interdépendance entre l’inscription des propos tenus par le suspect dans le

dossier de procédure et le droit de celui-ci à être assisté par un défenseur. Elle

1784 Article 62, alinéa 1 du Code de procédure pénale.


1785 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc.
1786 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., Cons. 28.
1787 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011 préc., Cons. 12 et 13.
462 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

confirme en réalité la nécessité constitutionnelle de réunir les deux conditions

simultanément pour pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat.

804. Cette double exigence est manifestement contraire à la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l’homme, pour qui les seuls soupçons pesant sur une

personne interrogée suffisent à déclencher la présence d’un défenseur auprès

d’elle1788, sans qu’il soit nécessaire de se demander si elle est entendue sous la

contrainte ou de son plein gré1789. La loi du 14 avril 2011, qui n’avait pas été déférée

avant sa promulgation, continue, après le contrôle a posteriori du juge

constitutionnel, de permettre l'audition sans avocat d'une personne suspectée. La

seule réserve (à l’efficacité douteuse1790) qu’elle soit informée de la nature et de la

date de l'infraction reprochée, ainsi que de son droit de quitter à tout moment les

lieux de l’interrogatoire1791, ne mettent nullement la France à l’abri d’une nouvelle

condamnation strasbourgeoise.

2) Les tempéraments à l’intervention de l’avocat

805. Même dans des hypothèses où une personne est placée contre sa volonté, dans

une situation qui pourrait avoir des incidences importantes sur la suite de la

procédure, le juge constitutionnel accepte parfois avec bienveillance, que

l’intervention de l’avocat soit repoussée, voire parfois refusée. Il en est ainsi dans les

procédures de garde à vue et pas uniquement dans les régimes dérogatoires.

1788 C.E.D.H., 14 octobre 2010, Brusco c/ France, requête n° 1466/07, § 44 à 48.


1789 C.E.D.H., 27 octobre 2011, Stojkovic c/ France et Belgique, requête no 25303/08, § 53.
1790 BACHELET O., chron., Décis. Cons. const. n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011,
Gaz. Pal., 22 novembre 2011, n° 326, p. 18.
1791 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 20.
La qualité du procès 463

806. Le régime juridique de droit commun de la garde à vue prévoit, en effet, deux

hypothèses dans lesquelles les interrogatoires et les confrontations peuvent se

dérouler hors l’assistance effective de l'avocat. Premièrement, l'audition du suspect

peut débuter sans attendre l'expiration du délai prévu de deux heures1792 après que

l'avocat désigné est informé par l'officier de police judiciaire1793, quand les nécessités

de l'enquête l’exigent. Deuxièmement, la présence de l'avocat, lors des auditions ou

des confrontations, peut aussi être différée de douze (sur autorisation du ministère

public) voire de vingt-quatre heures (sur autorisation du juge des libertés et de la

détention), de manière exceptionnelle et pour des raisons de force majeure liées à

l’efficacité de l’enquête ou à la sécurité des personnes1794. Dans les deux cas, le

dispositif reçoit le satisfecit du Conseil constitutionnel, qui considère que les

modalités de mise en œuvre de ces deux reports permettent une conciliation

équilibrée (ou tout au moins pas totalement déséquilibrée, la nuance a son

importance1795), entre deux droits constitutionnels intrinsèquement antagonistes, le

respect des droits de la défense et la recherche des auteurs d'infractions.

807. Ce dispositif et l’approbation constitutionnelle dont il a fait l’objet appellent une

appréciation critique. Autant il est possible de comprendre que l’efficience des

opérations policières nécessite une certaine célérité qui peut, à titre exceptionnel,

justifier une audition du suspect, sans attendre l’écoulement des deux heures

prévues, autant le fait de différer l’assistance de l’avocat, sous le contrôle du

procureur de la République, suscite la réprobation, sur la forme et sur le fond. Sur la

forme, même si le découpage apparaît conforme à la répartition constitutionnelle des

compétences entre les juges du siège et le ministère public, en fonction du degré de

1792 Article 63-4-2, alinéa 3 du Code de procédure pénale.


1793 Article 63-3-1, alinéa 4 du Code de procédure pénale.
1794 Article 63-4-2, alinéa 4 du Code de procédure pénale.
1795 PERRIER J.-B., chron. décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, A.J. Pénal,
2012, p. 102.
464 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’atteinte portée à la liberté individuelle1796, il est difficile d’accepter, au nom de

l’égalité des armes, qu’un magistrat à l’origine de l’action publique, puisse limiter de

la sorte les droits de la partie adverse. Sur le fond, cette solution traduit surtout une

évidente suspicion à l'égard de l'avocat1797, dont on ne voit guère pourtant en quoi, la

présence auprès de son client pourrait nuire à la prévention des atteintes imminentes

aux personnes. Voilà qui témoigne en tous cas d’une bien singulière conception du

rôle de l’avocat, dans une procédure répressive.

808. Le régime dérogatoire du droit commun de la garde à vue est encore davantage

marqué par les hypothèses d’évincement de l’avocat, encore qu’il soit utile de

distinguer au sein de la criminalité organisée, les infractions de terrorisme et de trafic

de stupéfiants1798, des autres crimes et délits1799. Dans le premier cas, l'entretien peut

être retardé à la soixante-douzième heure1800 et dans le second, à la quarante-

huitième. Le juge constitutionnel considère que ce délai d’intervention d’un

défenseur n’affecte que les modalités d'exercice des droits de la défense, mais pas le

principe1801 et qu’en conséquence, il n’est pas contraire à la Constitution. Dans tous les

cas, le gardé à vue ne peut bénéficier de l’assistance effective d’un avocat pendant les

auditions. Toutes ces dispositions sont restées intactes, puisque le changement de

circonstances constaté par le Conseil constitutionnel en 2010 1802 et justifiant le

réexamen des mesures contrôlées en 19931803, ne vaut pas pour le régime dérogatoire

de la garde à vue, déféré en 20041804.

1796 RENOUX T., « Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? », op. cit.,
p. 75.
1797 VERGÈS E., « Garde à vue : le rôle de l'avocat au cœur d'un conflit de normes nationales et
européennes », D, 2011, p. 3005.
1798 Article 706-73 du Code de procédure pénale, 3° et 11°.
1799 Article 706-73 du Code de procédure pénale, 1°, 2°, 4°-10° et 12°-18°.
1800 Article 706-88 du Code de procédure pénale.
1801 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc., Cons. 32.
1802 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., Cons. 15 à 18.
1803 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
1804 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc.
La qualité du procès 465

809. Il est bien difficile de comprendre ici ce qui justifie la distinction effectuée par le

juge constitutionnel. En quoi les éléments qui fondent le changement de

circonstances du régime de droit commun ne pourraient-ils pas s’appliquer aux

gardes à vue dérogatoires ? Est-ce que, dans ce domaine, l'augmentation du nombre

de gardes à vue n’a pas suivi, en proportion, la même expansion ? Est-ce que les

modifications des conditions d'accès à la qualité d'officier de police judicaire, les

seuls habilités à décider du placement d'une personne en garde à vue dans ces

matières également, y ont moins d’impact qu'en droit commun ?

810. En matière de délinquance organisée, le centre de gravité de la procédure pénale

s’est aussi déplacé vers la phase d'enquête policière, qui est devenue le moment

crucial dans la réunion des éléments servant de base au jugement. En outre, les

jurisprudences européennes Salduz1805 et Danyan1806, citées précédemment, auraient

valablement pu constituer un changement de circonstances de droit, qui aurait ainsi

permis au Conseil constitutionnel d’aligner le régime dérogatoire de la garde à vue,

sur celui de droit commun. Car si l’entrée de l’avocat lors de la garde à vue constitua

une avancée significative pour les droits de la défense, il est tout de même regrettable

que le périmètre de ces derniers puisse être modulé selon la gravité de l’infraction

suspectée, alors même que, selon les propres mots de la Cour européenne, « c'est face

aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut

degré possible par les sociétés démocratiques1807 ».

1805 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc.


1806 C.E.D.H., 13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie, préc.
1807 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc., § 54.
466 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

B) Les modalités entravées de l’action de l’avocat

811. L'entrée de l'avocat lors de la garde à vue a constitué une indiscutable

progression du principe des droits de la défense. Il faut tout de même la nuancer,

dans la mesure où les entraves à son intervention, qu’il s’agisse de la restriction du

libre choix de l’avocat (1) ou de ses moyens d’action (2), portent atteinte aux modalités

d’exercice des droits de la défense.

1) La restriction du libre choix de l’avocat

812. Le droit positif connaît des hypothèses, dans lesquelles la liberté de choix d’un

avocat est restreinte. Il en est ainsi quand l’auteur d’un pourvoi en cassation doit être

représenté par un avocat au Conseil1808, ce que les jurisprudences, judiciaire et

européenne1809, admettent au regard de la spécificité procédurale du recours en

cassation, qui justifie l’assistance d’un défenseur expérimenté1810.

813. Le droit de choisir librement son défenseur est, dans la jurisprudence

constitutionnelle, un droit qui ne revêt pas un caractère absolu et qui se subdivise.

814. En premier lieu, il comporte la liberté de défendre soi-même ses intérêts, quand

le contentieux n’impose pas le ministère d’avocat, ou de faire appel à un défenseur

de son choix, ce que prévoit aussi le texte même de la Convention européenne des

droits de l’homme1811. Cette disposition conventionnelle consacre le droit, au bénéfice

1808 Article 973 du Code de procédure civile.


1809 C.E.D.H., 8 février 2000, Voisine c/ France, requête n° 27362/95, D, 2000, p. 651, note THIERRY J.
1810 Cass. 1ère civ., 10 mai 2000, pourvoi n° 99-15696, Bull. civ., 2000, I, n° 136, p. 91, D, 2000, p. 649, note
FRICERO N.
1811 Article 6, § 3, c) : « Tout accusé a droit notamment à [...] se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un
défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté
gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; ».
La qualité du procès 467

de l’accusé, de choisir le mode de défense qui lui semble le mieux adapté à la

situation contentieuse1812, même si la Cour de Strasbourg ne lui confère pas un

caractère absolu, puisqu’elle admet que les autorités compétentes puissent lui

imposer l’assistance d’un avocat1813, quand les intérêts supérieurs de la justice

l’exigent1814.

815. Le droit de se défendre seul est protégé par le juge constitutionnel français,

principalement sur le fondement du principe d’égalité devant la justice. Il serait en

effet illusoire de consacrer une telle faculté à l’intention des personnes mises en

cause, si les modalités de mise en œuvre n’assuraient pas aux justiciables des

garanties égales, au regard du respect des droits de la défense 1815. La jurisprudence

constitutionnelle sur la question témoigne d’une position équilibrée. Puisque se

défendre seul ou être assisté d'un avocat (au besoin commis d'office) résulte d’un

choix effectué en toute liberté par la personne mise en cause, une certaine inégalité

dans la stratégie de défense devant la juridiction de jugement n'est donc pas

contraire à la Constitution1816.

816. En revanche, il en va autrement, quand le choix de défendre ses intérêts soi-

même prive une des parties, du droit d’être mis en possession d’informations

capitales pour la suite de la procédure. Il en est ainsi quand la copie des réquisitions

définitives du procureur de la République n'est adressée qu'aux seuls avocats des

parties1817. Pourtant, la Cour de cassation refuse de longue date1818 la communication

1812 C.E.D.H., 13 mai 1980, Artico c/ Italie, requête n° 6694/74, série A, n° 37, § 33.
1813 C.E.D.H., 26 juillet 2007, Weber c/ Suisse, requête n° 3688/04.
1814 C.E.D.H., 28 février 2002, Biondo c/ Italie, requête n° 51030/99.
1815 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. [Communication du réquisitoire
définitif aux parties], JO, 10 septembre 2011, p. 15273, Cons. 4.
1816 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc., Cons. 25, à propos de la purge des nullités de la
procédure d'instruction.
1817 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 préc.
1818 Cass crim., 2 mai 1903, Rev. Dr. Pén., 1905, 1, p. 23.
468 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

du dossier pendant la phase d’instruction1819, au mis en examen ayant fait le choix de

se défendre seul. Plusieurs options s’offraient au juge constitutionnel pour mettre le

droit positif en conformité avec le respect du principe du contradictoire et plus

globalement, avec le respect des droits de la défense1820. À la censure de l’alinéa 2 de

l'article 175 du Code de procédure pénale, ou à la réserve directive à l’intention du

ministère public, lui demandant d’adresser directement aux parties non représentées

le réquisitoire, le Conseil a préféré la réserve constructive, en procédant lui même à la

rectification du texte législatif litigieux1821. Même s’il y a lieu d’approuver le

rétablissement du contradictoire, il s’agit là d’une option malheureuse, dans la

mesure où il aurait sans doute été plus opportun de prévoir la communication

conjointe aux parties et à leurs avocats, au lieu de supprimer un droit à l’un pour

l’octroyer à l’autre1822.

817. En second lieu, la liberté de choisir la défense adéquate comporte aussi le droit

de choisir librement son avocat. Dans la jurisprudence constitutionnelle, comme dans

celle de la Cour européenne1823, ce droit n’a pas de portée absolue, puisqu’il peut être

différé, voire retranché à la personne mise en cause. Concernant le régime de droit

commun, la loi du 14 avril 2011 permet à l’officier de police judiciaire d’aviser le

procureur de la République, afin que celui-ci demande au bâtonnier de désigner un

autre avocat1824. Alors qu’en 1981, le Conseil constitutionnel s’opposait

courageusement à ce que l’avocat soit prié de quitter la salle d’audience, alors qu’il

1819 Cette solution ne vaut toutefois pas pour la phase de jugement, Cf Cass. Crim., 12 juin 1996,
pourvoi n° 95-82735, Bull. crim., 1996, n° 248, p. 749, J.C.P., 1997, I, 3998, n° 12, obs. MARON A. ;
C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c/ France préc.
1820 PERRIER J.-B., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, « Communication
du réquisitoire définitif aux (avocats des) parties », A.J. Pénal, janvier 2012, n° 1, p. 46.
1821 Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 préc., Cons. 5.
1822 CHAVENT-LECLERE A.-S., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, « La
notification des réquisitions doit désormais être faite aux parties et non à leurs avocats »,
Procédures, janvier 2012, n° 1, p. 24.
1823 C.E.D.H., 29 septembre 1992, Croissant c/ Allemagne, requête n°13611/88, série A, n° 237 ; J.C.P.,
1993, I, 3654, obs. SUDRE F.
1824 Article 63-4-3 du Code de procédure pénale.
La qualité du procès 469

n’avait manqué à aucune de ses obligations1825, il est plutôt étonnant que trente ans

après, la Haute juridiction accepte qu’il soit évincé du commissariat, en cas de

difficulté, même s’il est remplacé par un confrère (mais qui n’aura pas été désiré1826).

De plus, à l’instar de la remarque formulée à propos du report possible de

l’assistance de l’avocat pendant la garde à vue de droit commun et pour les mêmes

raisons, il est difficilement concevable qu’une telle limitation des droits de la défense

soit confiée à un parquetier.

818. En matière de terrorisme, le législateur envisageait, sur décision du juge du

siège, de retirer au gardé à vue la liberté de choisir son avocat, pour confier ce choix

au bâtonnier, qui aurait désigné un avocat à partir d’une liste établie par le bureau

du Conseil national des barreaux1827. Cette réforme s’inspirait de la législation

espagnole, profondément marquée par les attentats perpétrés par les organisations

séparatistes basques, qui prévoit que l'avocat est toujours commis d'office en matière

de terrorisme, mais qui, en contrepartie, impose sa présence effective auprès de son

client. Les raisons qui sous-tendent cette disposition dénotent une méfiance à l’égard

de l’avocat, qui pourrait entretenir des liens idéologiques avec le gardé à vue et de ce

fait, serait susceptible de manquer à certaines de ses obligations déontologiques. Elle

sera censurée par le juge constitutionnel, non pas en raison de la restriction injustifiée

aux droits de la défense qu’elle entraîne, mais eu égard à l’incompétence négative

dont le législateur a fait preuve1828.

819. Si le dispositif donne satisfaction, il en va différemment des motifs qui fondent

la décision. Il suffirait donc au législateur d’encadrer plus strictement, avec des

critères précis, le pouvoir confié au juge de priver, même temporairement, la

1825 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 52.


1826 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 33.
1827 Article 706-88-2 du Code de procédure pénale.
1828 Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012, Ordre des avocats au Barreau de Bastia [Garde à vue en
matière de terrorisme : désignation de l'avocat], JO, 18 février 2012, p. 2846, Cons. 7.
470 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

personne mise en cause du libre choix de son avocat, pour que la loi ne méconnaisse

pas l'étendue de sa compétence et échappe ainsi à la censure constitutionnelle. Voilà

qui n’est guère satisfaisant. Quelle que soit la gravité de l’infraction suspectée, il est

difficile d’admettre que le législateur puisse, conformément à la Constitution, priver

le gardé à vue de choisir l’avocat, avec lequel il ne pourra, de surcroît, s’entretenir

qu’à la soixante-douzième heure.

2) La restriction des moyens d’action de l’avocat

820. Outre la limitation du libre choix de l’avocat, l’exercice des droits de la défense

de la personne mise en cause peut être entravé par les restrictions portées aux

moyens d’action de son défenseur. Ainsi, la loi du 14 avril 2011 autorise l'officier de

police judiciaire à s'opposer aux questions que l’avocat peut poser à l'issue d’un

interrogatoire ou d’une confrontation, quand il juge qu’elles sont de nature à nuire

au bon déroulement de l'enquête1829. Le Conseil constitutionnel considère que les

droits de la défense ne sont pas méconnus, en raison des compensations apportées

par le législateur à cette limitation d’une composante essentielle du rôle de l’avocat,

notamment la faculté d’adresser des observations écrites au parquet pendant la garde

à vue1830. En dehors du fait qu’il est encore étonnant que ce soit le ministère public

qui soit le destinataire de ces remarques, il est plutôt incertain qu’une telle

amputation des prérogatives de l’avocat soit conforme à la jurisprudence

européenne, selon laquelle l’accusé doit pouvoir disposer de « toute la vaste gamme

d'interventions propres au conseil1831 ».

1829 Article 63-4-3, alinéa 2 du Code de procédure pénale.


1830 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 34.
1831 C.E.D.H., 13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie préc., § 32.
La qualité du procès 471

821. De manière plus préjudiciable encore, la loi du 14 avril 2011 empêche également

l’avocat de prendre connaissance des éléments du dossier lui permettant d'exercer

efficacement la défense du gardé à vue1832. Il ne peut en effet consulter que des

documents tels que le procès-verbal de placement en garde à vue, qui ne contient pas

suffisamment de données précises pour permettre la mise en place d’une défense

éclairée1833.

822. Il s’agit là d’une atteinte manifeste au principe du contradictoire, accepté par le

juge constitutionnel, qui semble par là-même exclure son application pendant les

phases pré-juridictionnelles1834. Cette solution apparaît comme peu cohérente avec le

constat de la place grandissante occupée par l’enquête policière, dans la constitution

du dossier nécessaire au jugement1835. Elle peut surprendre aussi, au regard de la

jurisprudence de 1993, dans laquelle le Conseil constitutionnel avait accompagné la

mise à disposition du dossier1836. En effet, il avait exigé du pouvoir décrétal, via une

réserve d’interprétation, qu’il précise les conditions objectives nécessaires au bon

fonctionnement du cabinet d'instruction, susceptibles de limiter l'accès des avocats

aux éléments de procédure1837.

823. En conclusion à ces considérations inhérentes aux droits de la défense, il importe

de souligner la mutation que le principe a connue depuis MOTULSKY. En effet, là où

le grand processualiste a toujours envisagé les droits de la défense comme une limite

aux pouvoirs du juge, c’est à ce dernier, au contraire, que le Conseil constitutionnel

1832 Article 63-4-1 du Code de procédure pénale préc., Cf supra n° 786.


1833 BACHELET O., chron., Décis. Cons. const. n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011,
op. cit., p. 18.
1834 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 28.
1835 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 préc., Cons. 18.
1836 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993 préc.
1837 Idem, Cons. 17 à 19.
472 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

en confie souvent aujourd’hui le respect1838. Certes, le rétrécissement du domaine

d’intervention des droits de la défense1839 et de leur statut juridique1840 est évident, en

regard des positions de MOTULSKY. Il n’en demeure pas moins que les droits de la

défense occupent, dans la jurisprudence constitutionnelle, une place de premier plan

parmi les principes directeurs du procès. Alors, même s’ils ne désignent plus

aujourd’hui que quelques droits subjectifs processuels1841, au premier rang desquels

se trouvent le droit à une procédure juste et équitable et le droit à l’assistance d’un

défenseur, ils expriment toujours une forme d’idéal de justice, celle que le Conseil

constitutionnel essaie de promouvoir et dans laquelle « personne ne doit être condamné

sans avoir été interpellé et mis en demeure de se défendre1842 ». Les droits de la défense font

ainsi pleinement partie du modèle universel du procès 1843, au sein duquel ils

occupent une place centrale. Ils sont l’expression d’une certaine « démocratie

procédurale1844 » et au-delà, c’est probablement toute la conception politique de l’État

de droit, qui peut être déduite du régime juridique dont ils font l’objet.

1838 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 préc., Cons. 30, à propos du
respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que MOTULSKY considérait
comme une obligation de « droit naturel jurisprudentiel », « Le droit naturel dans la pratique
jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile », op. cit., p. 187.
1839 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 367.
1840 « Une seule des notions procédurales puisées dans le droit naturel » écrivait MOTULSKY, « Le droit
naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile »,
op. cit., p. 180.
1841 GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », op. cit., p. 364.
1842 Cass. civ., 7 mai 1828, S. 1828, 1, 329.
1843 GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S, DELICOSTOPOULOS I.-S, Droit
processuel. Droits fondamentaux du procès, 6e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris, 2011,
n° 223 et s.
1844 GUINCHARD S., « Vers une démocratie procédurale », Justice, 1999, p. 91.
La qualité du procès 473

CONCLUSION DU TITRE 1

824. Au terme de cette sous-partie, il apparaît que les droits des parties au procès

peuvent revêtir deux formes distinctes. L’une est générale, puisqu’elle bénéficie à

tout citoyen concerné par une procédure contentieuse : les droits de la défense.

L’autre est plus spécifique, puisqu’elle ne vise que le justiciable susceptible de se voir

infliger une sanction punitive : la présomption d’innocence. Chacune de ces deux

garanties sort renforcée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pour qui ces

principes fondamentaux du droit processuel forment une protection procédurale

minimale, au profit des parties au procès.

825. Le principe constitutionnel de la présomption d’innocence1845, loin de traduire un

déclin1846, jouit au contraire dans la jurisprudence constitutionnelle, d’un vaste

domaine d’application, dont la superficie dépasse celle du droit pénal. La

présomption d’innocence bénéficie ainsi à tout justiciable à même de recevoir une

sanction, consécutive à un comportement fautif, au-delà des seules infractions

envisagées par le Code pénal et s’impose, tant au législateur qu’au juge. La politique

jurisprudentielle équilibrée, mise en œuvre par le Conseil constitutionnel, traduit

cette volonté de ne pas s’immiscer dans les orientations de politique pénale choisies

par le législateur, tout en protégeant efficacement les droits constitutionnellement

garantis des personnes mises en cause.

826. Proche du précédent mais plus vaste encore, le principe du respect des droits de

la défense a été imposé par le Conseil constitutionnel, au-delà des juridictions

1845 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 préc., Cons. 33.


1846 LAZERGES C., « Le rôle du Conseil constitutionnel en matière de politique criminelle », op. cit.,
p. 34.
474 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

pénales et même dans le cadre de procédures se déroulant devant des autorités non

juridictionnelles. La seule exigence d’une possible sanction punitive au terme de

l’instance, comme facteur déclencheur de l’application des droits de la défense, est

elle-même souplement appréciée par le juge constitutionnel. Simultanément, leur

statut constitutionnel s’est progressivement affirmé, en tant que principe

fondamental reconnu par les lois de la République, au départ1847, puis, dans un

second temps, sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen1848.

827. Ils sont aujourd’hui, dans la jurisprudence constitutionnelle, essentiellement

articulés autour d’une garantie générale, le droit à une procédure juste et équitable et

d’une garantie particulière, le droit à l’assistance d’un avocat, dont le statut juridique

s’est renforcé, notamment sous l’effet de l’introduction de la question prioritaire de

constitutionnalité. Ces deux protections, orientées vers les parties, ont en commun de

préexister au déroulement du procès, à la différence des garanties procédurales

contribuant à la qualité des décisions de justice, qui peuvent varier d’une procédure

à l’autre.

1847 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 préc., Cons. 2.


1848 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 préc., Cons. 41.
La qualité du procès 475

TITRE 2 : LE DROIT À UNE DECISION DE JUSTICE DE QUALITÉ

828. Dans la jurisprudence constitutionnelle, l’acteur principal du procès, celui qui

concentre les attentions les plus prononcées, est indiscutablement le juge. Parce que

c’est lui qui va offrir la solution juridictionnelle au litige, il doit être revêtu de

qualités essentielles à la réalisation de sa mission, au premier rangs desquelles,

l’indépendance et l’impartialité. Les règles de procédure que le Conseil

constitutionnel va dégager ont alors principalement pour objectif, de favoriser le

respect de ces deux qualités du juge, indispensables à la tenue d’un procès équitable.

Elles contribuent de ce fait à l’élaboration d’une décision juridictionnelle de qualité.

829. Parmi les règles procédurales directrices du procès, la collégialité des formations

de jugement, associée au secret du délibéré, est souvent présentée comme un facteur

d’indépendance et d’impartialité du juge, en l’abritant des pressions extérieures,

grâce à la préservation de la confidentialité de ses opinions. Le juge unique, de son

côté, n’est pas dépourvu de certains atouts, liés aux exigences qu’impose la solitude

de son office. La jurisprudence constitutionnelle est, de ce fait, relativement

indifférente au mode organisationnel des juridictions, mais veille à ce que le choix

des pouvoirs publics ne s’accompagne pas d’une rupture d’égalité devant la justice

(Chapitre 1).

830. La motivation des décisions de justice constitue, quant à elle, un des principaux

moyens de vérifier que le procès s’est tenu dans des conditions d’équité. Pourtant, la

jurisprudence constitutionnelle n’a pas de positon dogmatique sur cette question,

imposant la motivation littérale classique des jugements, uniquement dans les

hypothèses juridictionnelles, dans lesquelles le risque d’arbitraire est le plus élevé

(Chapitre 2).
La qualité du procès 477

CHAPITRE 1 : LE DROIT « CONSTITUTIONNEL » À LA COLLEGIALITÉ DES


JURIDICTIONS

831. La collégialité fait partie intégrante de la tradition juridictionnelle française. Elle

est un élément consubstantiel à la culture judiciaire du pays, tant elle semble, de

prime abord, inséparable d’un certain idéal de justice, celui qui conduit à des

décisions, dont l’équilibre et la modération sont obtenus grâce à la confrontation des

idées. La collégialité se nourrit aussi de la méfiance à l’égard du juge, alimentée par

l’expérience de l’Ancien Régime et relayée par les esprits éclairés du siècle libéral,

MONTESQUIEU et TOCQUEVILLE notamment, qui lui fournissent un socle

doctrinal solidement établi. Ainsi, toute l’histoire moderne, puis contemporaine de la

France, est irriguée par ce principe d’organisation des juridictions, auquel on prête

généralement des vertus de justice mesurée et réfléchie, qui doivent cependant être

nuancées. Pourtant, le juge unique n’a cessé, depuis la IIIe République, de gagner du

terrain, dans toutes les formes de contentieux, même si sa progression est susceptible

de degrés, en fonction de la matière concernée (Section 1).

832. Son expansion législative n’a d’ailleurs guère connu d’entraves, dans la mesure

où le Conseil constitutionnel n’a jamais érigé la collégialité en principe de valeur

constitutionnelle. Cependant, les entorses à la composition collégiale des juridictions

ne sont pas non plus sans limites, puisque la collégialité bénéficie d’une protection

constitutionnelle indirecte, par le prisme du principe d’égalité devant la justice et du

respect impératif de l’autorité normative compétente (Section 2).


478 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Section 1 Les fondements culturels et théoriques de la collégialité des

juridictions

833. Malgré une inclination historique et culturelle de la France pour l’organisation

collégiale des juridictions (§ 1.), sa position, autrefois dominante dans l’ordre

juridique interne, n’a cessé de décliner (§ 2.), en raison de la progression régulière du

juge unique, commandée le plus souvent par de pragmatiques motifs budgétaires.

§ 1. La culture judiciaire de la collégialité des juridictions

834. La culture judiciaire, façonnée par des siècles d’histoire, joue un rôle essentiel

dans la détermination des règles du droit positif. C’est particulièrement vrai en

matière de droit processuel d’organisation des juridictions. La tradition historique de

méfiance à l’égard du juge (A), alliée à l’appartenance de la France à la famille

juridique romano-germanique (B), expliquent l’attachement du système

juridictionnel national à la collégialité.

A) Le poids de la tradition historique

835. Même si l’histoire juridictionnelle française a connu, lors des étapes

embryonnaires de mise en place d’une justice royale, des juges statuant seuls au nom

du Souverain, tels que les prévôts, les baillis ou encore les sénéchaux 1849, la

collégialité des formations de jugement s’est imposée dès le XVIe siècle. Sa trajectoire

sera d’ailleurs rectiligne, tout au moins jusqu’à la seconde partie du XIX e siècle,

traduisant cette méfiance culturelle à l’égard des magistrats, dont on suppose qu’à

1849 Il faut aussi mentionner, à l’époque médiévale de la justice « décentralisée », les seigneurs qui
jugeaient seuls leurs sujets, soupçonnés d’avoir enfreint la règle ou commis quelques exactions.
La qualité du procès 479

plusieurs, le phénomène de neutralisation mutuelle mettra les citoyens et les

autorités publiques, à l’abri de l’omnipotence de celui qui juge sans en référer à

personne, sinon à lui-même.

836. Le point de départ de la collégialité des juridictions peut être fixé au début du

règne de FRANÇOIS 1er, dans une série d’édits de 1523 et 1524, qui modifient

profondément l’institution des baillages et sénéchaussées1850. En effet, là où

jusqu’alors le représentant de l'autorité du monarque était chargé de faire appliquer

la justice, aidé seulement en cela de quelques assesseurs sans voix participative, les

textes royaux mettent en place des offices patrimoniaux, qui transforment ainsi le

bailli ou le sénéchal en une véritable juridiction collégiale, comportant un minimum

de cinq juges en son sein. La vénalité des offices a joué un rôle déterminant dans

l’établissement de la collégialité au sein des juridictions. Les motivations

économiques et l’équilibre des finances publiques furent, de tout temps, une

préoccupation majeure des autorités étatiques. La patrimonialisation des offices

constitua une formidable opportunité de renflouer le budget de l’État, passablement

allégé par les onéreuses campagnes militaires, entreprises depuis les origines

capétiennes. Ces offices de justice n’eurent d’ailleurs aucun mal à trouver

preneurs1851, étant donnée, comme le précise M. Nader HAKIM1852, l’inclination

croissante de la bourgeoisie pour les charges honorifiques, synonymes de prestige

social et de reconnaissance publique.

837. Les textes suivants ne firent qu’approfondir la dimension collégiale des

juridictions royales, en fixant les protocoles d’organisation et de fonctionnement,

1850 RIGAUDIERE A., Introduction historique à l'étude du droit et des institutions, 3e éd., Economica, 2006,
p. 578.
1851 Tout au contraire, leur prix ne cessèrent d’augmenter, sous l’effet d’un mécanisme mercantile
classique d’augmentation de la demande.
1852 HAKIM N., « La collégialité : histoire d’un mode d’organisation de la justice », HOURQUEBIE F.
(dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant,
Bruxelles, 2011, p. 32.
480 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

qu’il s’agisse de la détermination de leurs compétences1853, ou des règles de majorité

des voix, nécessaires à l’adoption de la sentence1854. La pluralité des juges connut

ensuite une étape décisive, avec l’instauration en 1551, de juridictions de second

degré, les sièges présidiaux, qui entendaient en appel, les décisions des baillages ou

des sénéchaussées de leur ressort. Non seulement l’organisation judiciaire du

Royaume se voyait dotée d’un échelon juridictionnel supplémentaire, mais

conformément à une règle implicite, selon laquelle le nombre de magistrats des

formations de jugement va croissant selon leur rang dans la hiérarchie judiciaire, le

nombre de juges par siège présidial ne devait être inférieur à sept, ce qui constituait

autant d’offices patrimoniaux nouveaux...et autant d’écus sonnants et trébuchants

dans les caisses du Royaume.

838. La législation du XVIIe siècle n’apporta pas de modifications particulières aux

fondements posés par les textes royaux du siècle précédent. L'Ordonnance de Saint-

Germain-en-Laye de 1667 touchant réformation de la justice, consacrée à la matière

civile, maintenait la collégialité de principe au niveau des tribunaux présidiaux, mais

rétablissait le juge unique dans les baillages et sénéchaussées, principalement en

raison de l’accroissement du contentieux. Quant à l’Ordonnance criminelle de

COLBERT de 1670, elle initia le raisonnement selon lequel, les infractions les moins

graves ne nécessitent pas la collégialité, à l’inverse des délits plus sévères 1855. Elle

1853 L’édit de Crémieu du 19 juin 1536 fait de ces tribunaux des juridictions de droit commun et les
organise en chambres, compétentes pour connaître des affaires en fonction de la matière.
1854 C’est la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 qui dispose, en son article 125,
«Qu’ il ne se fera d’oresnavant aucun partage ès-procez pendans en nos cours souveraines, ains seront tenus
nos présidens et conseillers convenir en une mesme sentence et opinion, à tout le moins en tel nombre qu’il
s’en puisse ensuivre arrest et jugement auparavant de vacquer et entendre à autre affaire » et qui fixe, dans
l’article 126, la règle selon laquelle « Et à ceste fin, pour empescher lesdits partages, voulons et ordonnons
que quand il passera d’une voix, soit le jugement et arrest conclu et arresté ».
1855 Article 10 du titre XXV « Des sentences, jugements et arrêts » de l’Ordonnance criminelle d’août
1670 : « Aux procès qui seront jugés à la charge de l'appel par les juges royaux, ou ceux des seigneurs,
auxquels il y aura des conclusions à peine afflictive, assisteront au moins trois juges qui seront officiers, si
tant il y en a dans le siège, ou gradués ».
La qualité du procès 481

perpétua ainsi cette constante normative, en vertu de laquelle, la taille de la

formation de jugement est proportionnelle à sa place dans l’édifice juridictionnel 1856.

839. La chose est bien connue : les révolutionnaires de 1789 se méfient de la

magistrature, en souvenir des blocages institutionnels, dont elle est à l’origine et qui

ont certainement contribué au renversement de la monarchie absolue. Mais

contrairement à une idée inscrite dans l’inconscient collectif, la période

révolutionnaire n’est pas à l’origine de la collégialité des juridictions, dans le meilleur

des cas en a-t-elle seulement perpétué la tradition1857, sans toutefois l’amplifier.

Mieux encore, il n’y a pas véritablement de fondement idéologique à la mise en place

de formations collectives de jugement, pas plus que de lien entre la collégialité, son

cortège de vertus présumées et le nouveau régime politique. Tout est affaire

d’opportunités, de circonstances et de considérations budgétaires, les débats dans

l’enceinte de l’Assemblée constituante en témoignent 1858. Ainsi, les discussions sur ce

sujet tournèrent principalement autour de l’organisation du tribunal de district, son

nombre et sa taille. Les échanges d’arguments entre les députés se rejoignent tous sur

la nécessité de ne pas offrir au corps judiciaire, une organisation favorable à son

rassemblement, susceptible de déboucher ultérieurement sur un contre-pouvoir, à

l’instar des compagnies de magistrats des Parlements d’Ancien Régime.

840. La période napoléonienne n’innove pas sur ce thème, la collégialité restant

prépondérante, y compris dans les juridictions administratives naissantes, avec les

conseils de préfecture. Tout au plus, en matière civile, est à signaler la loi du 29

ventôse an IX, qui supprime les assesseurs des juges de paix, mais donne à chacun

1856 Idem, article 11 du titre XXV : « Les jugements en dernier ressort se donneront par sept juges au moins ; et
si ce nombre ne se rencontre dans le siège, ou si quelques-uns des officiers sont absents, récusés, ou
s'abstiennent pour cause jugée légitime par le siège, il sera pris des gradués ».
1857 Toutes les juridictions prévues par la Loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790 (juges de
paix, tribunal de district, tribunal de commerce, tribunal criminel), de droit commun ou
spécialisées, en première instance comme en appel, sont collégiales.
1858 FURET F. et HALEVI R., Orateurs de la Révolution française , t. 1, Les constituants, Gallimard, 1989.
482 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

deux suppléants, chargés de pallier leur défaillance en cas d’empêchement légitime.

Les deux grands codes napoléoniens d’organisation judiciaire du début du XIXe

siècle, le Code de procédure civile de 18061859 et le Code d'instruction criminelle de

18081860, consacrent tous deux, la collégialité comme la modalité de fonctionnement

privilégiée des juridictions du pays, à la relative exception des infractions mineures,

sur lesquelles statuent deux catégories de magistrats de police, mais en formation

individuelle : le juge de paix1861 ou le maire1862.

841. Le véritable moment historique de remise en cause de la collégialité, intervient à

la fin du XIXe siècle, avec la mise en place de la IIIe République. C’est durant les

années charnières, autour du passage au XXe siècle, qu’apparaissent en ce sens, les

projets de réforme judiciaire les plus consistants, portés par des hauts personnages

de l’État, René VIVIANI alors garde des Sceaux et surtout, Aristide BRIAND,

Président du Conseil et emblématique ministre des affaires étrangères. Leur

aspiration commune est de diminuer le nombre de magistrats, pour des raisons

essentiellement budgétaires, la Grande guerre ayant largement amputé les finances

publiques. Le moyen d’y parvenir consiste alors, à instaurer le juge unique en

premier instance et un collège réduit à trois magistrats en appel. Mais si le projet de

loi, présenté à la chambre des députés n’aboutit pas, il n’en demeure pas moins que

l’idée est ancrée dans l’air du temps. Elle est, par ailleurs, relayée par une doctrine

dynamique et fournie, prenant appui sur des expériences étrangères (au premier

rang desquelles, se trouvent deux grandes nations, l’Allemagne et l’Angleterre, qui

1859 Article 116 : « Les jugements seront rendus à la pluralité des voix ».
1860 Deux exemples de juridictions collégiales : pour les tribunaux en matière correctionnelle, l’article
180 du Chapitre II « Des tribunaux en matière correctionnelle », du Titre I « Des Tribunaux de
police », du Livre II « De la Justice », dispose : « Ces tribunaux pourront en matière correctionnelle,
prononcer au nombre de trois juges ». En ce qui concerne les cours d’assises, le Chapitre II « De la
formation des cours d’assises », du Titre II « Des affaires qui doivent être soumises au jury » du
même Livre II, prévoit deux organisations différenciées selon le lieu géographique d’implantation,
mais toutes deux collégiales.
1861 Livre II « De la Justice », Titre I « Des Tribunaux de police », Chapitre II « Des Tribunaux de simple
police », § 1. « Du tribunal du juge de paix, comme juge de police », Articles 139 et s.
1862 Idem, § 2. « De la juridiction des maires comme juges de police », Articles 166 et s.
La qualité du procès 483

connaissent le juge statuant seul) et qui voit dans la magistrature unique, un moyen

de contraindre les juges à des obligations de probité, d’excellence et de

responsabilisation.

842. Depuis, les entorses à la collégialité n’ont cessé de s’étendre, dictées la plupart

du temps par de pragmatiques raisons économiques, dont il est savoureux de

constater qu’elles ont, en toutes époques, présidé à la détermination de l’organisation

judiciaire. Là où la vénalité des offices incitait la royauté à multiplier les

magistratures, par le biais commode et arithmétique de la collégialité, l’État

républicain a rapidement compris que le juge unique était un efficace vecteur

d’optimisation du service public de la justice, au meilleur coût. Néanmoins, ce n’est

pas la seule explication à l’extension des formations de jugement à magistrat unique,

tant la tradition juridique romano-germanique est prégnante, dans l’élaboration des

règles d’organisation judiciaire.

B) L’influence de la famille juridique

843. La culture judiciaire exerce, indiscutablement, une influence majeure sur

l’orientation des règles de droit positif qui gouvernent le procès. Il en va notamment,

voire particulièrement ainsi, en ce qui concerne la place du juge dans l’instance,

l’autorité morale et intellectuelle que les pouvoirs publics lui accordent et, surtout, la

confiance que ces derniers placent en lui. À l’aune de cette grille de lecture, se

dégagent alors deux tendances principales, dont les contours épousent les limitations

des deux grands systèmes juridiques, l’un d’inspiration anglo-saxonne, le modèle de

Common law et l’autre, d’origine latine, le modèle romano-germanique.

844. Dans le premier, le juge est l’acteur principal du procès, essentiellement parce

qu’il joue un rôle normatif considérable, que nul ne songerait à lui contester. En
484 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

interprète authentique de la règle de droit, il est le révélateur de son essence et de sa

portée. Pour Hans KELSEN1863, l’interprétation est un acte de volonté et pas

seulement un acte de connaissance, ce qui, pour le maître autrichien, traduit bien le

pouvoir du juge. Cette analyse est confirmée par le professeur Michel TROPER 1864,

qui développe une théorie réaliste de l'interprétation, sur la base d'une réflexion,

menée à partir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il se demande

si elle est un texte juridique vivant, qu’il s’agira donc d’interpréter à la lumière des

circonstances du moment, ou à l’inverse, un corpus normatif inerte, qui devra alors

faire l’objet d’une lecture fidèle aux intentions originelles de ses auteurs. Son analyse

l’amène à pencher, sans ambiguïté, pour la première hypothèse, de laquelle il déduit

que le juge est, d'une certaine manière, le détenteur exclusif du pouvoir normatif.

845. C’est, de manière tout à fait claire, la ligne doctrinale adoptée par les systèmes

juridiques d’inspiration de Common law. En effet, ce modèle reconnaît au juge cette

compétence, non pas de dire le droit, mais bien de faire le droit et dont l’expression la

plus aboutie, réside dans la règle du précédent. Le juge est ainsi chargé de prendre

position, entre deux versions argumentées et présentées devant lui par des plaideurs

éclairés1865. À partir des situations particulières qu’il est amené à trancher, il bâtit un

corpus jurisprudentiel, duquel il dégage des règles applicables pour l’avenir. Le

système juridictionnel ne manifeste pas de défiance particulière à son encontre,

puisque tout au contraire, l’édifice processuel dans son entier, repose sur la lucidité

de sa vision juridique et ses qualités dialectiques. C’est la raison pour laquelle le

système de Common law ne pose aucun obstacle à son action, qui est, tout au

contraire, favorisée, désentravée et surtout, singularisée. Le principe matriciel qui

gouverne les juridictions de Common law est celui de la liberté individuelle de

1863 KELSEN H, Théorie pure du droit, Éd. de la Baconnière, Neuchâtel, 1988.


1864 TROPER M., « Le Problème de l'interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle »,
Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Cujas, 1975, p. 133.
1865 VAN COMPERNOLLE J., « Principe de collégialité et cultures judiciaires : réflexions conclusives »,
HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21
septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 262.
La qualité du procès 485

chaque juge de forger sa propre opinion et surtout, de pouvoir l’exprimer

explicitement.

846. Cette grande règle de fonctionnement débouche sur deux conséquences

pratiques complémentaires. D’une part, le juge unique demeure le principe, tout au

moins en première instance, où il s’impose de manière évidente et quasi naturelle.

Au-delà des considérations économiques, qui président souvent à son institution

dans les contrées romano-germaniques, il correspond davantage ici, à un idéal de

justice indépendante et responsabilisée. D’autre part, même dans les formations

collégiales de jugement, la position du juge est individualisée, puisque elle peut

s’exprimer ostensiblement par le prisme des opinions séparées 1866. La grande probité

et l’indépendance intellectuelle dont les magistrats jouissent, bénéficient à leur liberté

de pensée et de paroles, sans porter atteinte, pour autant, à l’autorité des jugements

rendus.

847. À l’inverse, les systèmes juridiques d’inspiration romano-germanique trahissent,

dans leurs aspects organisationnels, une grande méfiance à l’encontre des juges. La

traduction de cette inquiétude à l’égard des magistrats prend alors deux formes

dissociées. En premier lieu, la collégialité est de mise et demeure la règle, pour ses

vertus présumées de frein au subjectivisme du juge1867 et de rempart, contre ses

potentiels abus de pouvoirs, pouvant éventuellement confiner à l’arbitraire 1868. En

somme, une juridiction est une entité dans laquelle, loin de faire la force, l’union

serait au contraire gage de modération, par l’action conjuguée des positions

contraires des magistrats qui la composent.

1866 Cf MASTOR W., Les opinions séparées des juges constitutionnels, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit
public positif, Paris, Aix-en-Provence, 2005.
1867 STRICKLER Y., « Le juge unique en procédure pénale », L.P.A., n° 35, 2002, p. 10.
1868 HOURQUEBIE F., « Collégialité et cultures judiciaires », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de
collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p. 7.
486 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

848. En second lieu, grâce à ses traits désincarnés, voire déshumanisés 1869, la

collégialité offrirait au juge une protection, contre toutes formes de pressions

extérieures1870. C’est une caractéristique particulière des institutions juridictionnelles

françaises, le juge est individuellement dissimulé, à l‘abri d’une collégialité

monolithique et déresponsabilisante, supposée lui apporter un rempart contre

l’animosité des justiciables. Le secret du délibéré est bien gardé : du nom du

rapporteur aux opinions individuelles de chacun des membres de la formation de

jugement, en passant par l’amplitude des votes avec laquelle le verdict a été rendu,

rien ne transpire des pores de la collégialité « à la française ». Que les systèmes

judiciaires doivent être moribonds, pour s’en remettre à de tels artifices d’opacité,

afin de pallier les déficits de légitimité et d’autorité intellectuelle de leur

magistrature. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, quand la crainte de

mise en cause du juge, corrélée directement à l’ampleur des enjeux sociaux 1871,

semble inexistante ou dérisoire, les formations à juge unique retrouvent leur place.

§ 2. Le statut déclinant de la collégialité

849. Les deux systèmes d’organisation juridictionnelle, la collégialité et le juge

unique, présentent chacun un certain nombre d’atouts, mais aussi d’effets

indésirables, qui, en fin de compte, s’équilibrent (A). Il n’en demeure pas moins que

des deux, c’est manifestement le magistrat statuant seul qui a la préférence des

pouvoirs publics. Il a connu, ces dernières années, une avancée constante, au

détriment de la collégialité. Les acteurs normatifs, animés le plus souvent par des

1869 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de
collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p. 61 et s.
1870 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », R.F.D.C.,
2006, p. 720.
1871 Cf infra n° 883 et s.
La qualité du procès 487

objectifs de rentabilité économique, voient ainsi en lui un vecteur efficace de

performance judiciaire, face à l’augmentation exponentielle des litiges à trancher (B).

A) Les arguments controversés des deux systèmes d’organisation des

juridictions

850. Le Conseil constitutionnel n’a jamais pris position ouvertement, entre les deux

systèmes organisationnels des formations de jugement. Cette neutralité s’explique

sans doute par les avantages respectifs de la collégialité (1) et du juge unique (2),

qu’il serait possible (et souhaitable) d’allier, en modifiant quelque peu l’organisation

collégiale des juridictions françaises.

1) Les arguments contestables en faveur de la collégialité

851. Même si le Conseil constitutionnel n’a jamais établi de lien entre les deux, la

majorité des auteurs prête deux vertus principales à la collégialité : elle favoriserait

l’indépendance des juges (a) et améliorerait leur impartialité (b).

a) La collégialité et l’indépendance des juges

852. La collégialité, telle qu’elle est organisée dans le système juridictionnel français,

comporte trois grands traits dominants. En premier lieu, elle se caractérise par

l’égalité parfaite qui prévaut entre les membres de la formation de jugement, autant

qualitativement que quantitativement1872. D’une part, tous les juges se prononcent sur

1872 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et
cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 111.
488 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

les mêmes questions, à l’exemple de la cour d’assises, où les jurés citoyens et les

magistrats professionnels se penchent ensemble sur la culpabilité de l’accusé et, en

cas de réponse positive, sur la fixation du quantum de la peine. Il en va tout

autrement dans les systèmes de Common law, qui séparent strictement la question

de la culpabilité, confiée aux jurés populaires, de celle de la sanction, dont la fixation

relève de la compétence des magistrats professionnels. Le professeur Jean

PRADEL1873 fait observer, que ce système anglo-saxon de répartition des

compétences, entre le fait (la question de la culpabilité) et le droit (la question de la

peine), avait été introduit une première fois, en droit français, par une loi des 16-21

septembre 1791 (qui réformait la procédure pénale, gouvernée jusqu’alors par

l'Ordonnance criminelle de COLBERT), puis repris dans le Code d'instruction

criminelle de 1808. Cette séparation fut définitivement abandonnée avec une loi du

25 novembre 1941 sur le jury. D’autre part, dans une juridiction collégiale, la

pondération des voix des membres est identique, quel que soit leur statut.

L’expression du choix du président de la cour d’assises ne pèse pas davantage,

arithmétiquement tout au moins, dans la prise de décision, que celle de ses

assesseurs ou d’un membre du jury.

853. En deuxième lieu, la collégialité se conjugue, par principe, avec la règle de

l’imparité1874, pour d’évidentes questions de majorité. Seule exception notable, la cour

d’assises statuant en appel, qui comporte douze membres, depuis la loi du 10 août

2011 citée précédemment, puisque la disposition issue de l’article 13 porte à neuf (au

lieu de douze auparavant) le nombre de jurés1875. Néanmoins, cette entorse à

1873 PRADEL J., « Le jury en France, une histoire jamais terminée », R.I.D.P., 2001, p. 175.
1874 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », op. cit., p. 112.
1875 Auparavant, c’est en premier ressort que la règle de l’imparité n’était pas observée, puisque la cour
d’assises, statuant en première instance, comportait douze membres, trois magistrats
professionnels et neuf jurés citoyens, ce qui correspond à sa composition actuelle en appel.
La qualité du procès 489

l’imparité est sans conséquences sur la détermination des verdicts, puisque les

décisions d’assises ne peuvent être prises qu’à la majorité renforcée1876.

854. Enfin, en troisième lieu, la collégialité française s’accompagne impérativement

du principe du secret des délibérés1877. En droit interne, cette règle est poussée à son

paroxysme, puisque ni le nom du rapporteur1878, ni le résultat du vote (supposé

affaiblir l’autorité de la décision, en cas de courte majorité) et surtout, ni les opinions

des membres de la juridiction s’écartant du jugement prononcé, ne sont rendus

publics. Le droit processuel français, sous couvert d’assurer l’indépendance des

juges, puisque pour certains auteurs, la collégialité en serait une condition

essentielle1879, a une conception très accentuée de celle-ci, qui donne au collège

judiciaire l’apparence d’un « bloc monolithique1880 » et hermétique. Dans certaines

juridictions étrangères, telles que la Cour constitutionnelle italienne, par exemple,

l’interdiction des opinions séparées ne se double pas nécessairement de l’anonymat

du rapporteur.

855. L’argument le plus fréquemment mis en avant par les défenseurs de la

collégialité, en tant qu’instrument de protection de l’indépendance des magistrats,

consiste à affirmer que la confidentialité des prises de position des juges les met à

l’abri de toutes formes de pressions extérieures1881. Pression de la hiérarchie d’abord,

dont la notation pourrait varier, en fonction des tendances jurisprudentielles du

magistrat. Pressions des justiciables ensuite, à commencer en contentieux

1876 Cf infra n° 994 et s.


1877 LÉCUYER Y., « Le secret du délibéré, les opinions séparées et la transparence », R.T.D.H., 2004,
p. 197.
1878 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 66.
1879 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 719.
1880 L’expression est de Wanda MASTOR, « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit.,
p. 66.
1881 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 720.
490 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

administratif, par le plus puissant d’entre eux, l’administration1882. Enfin, pression

des pouvoirs publics, législatif ou exécutif, quand les décisions du magistrat ne leur

semblent pas faciliter la mise en œuvre des politiques gouvernementales, ou tout

moins, constituent un frein à leur efficience, particulièrement en matière répressive.

En somme, par un raisonnement a contrario, l’introduction des opinions séparées, en

permettant d’identifier les inclinations de chacun des membres de la formation de

jugement, conduirait à une forme de stigmatisation des avis divergents de la

majorité. Par voie de conséquence, leurs auteurs s’en trouveraient fragilisés pour

l’avenir, atteints dans l’indépendance de leurs vues.

856. De telles affirmations peuvent être contestées et sont démenties par certaines

expériences étrangères de collégialité « ouverte », à commencer par la plus

symbolique de toutes, la Cour suprême américaine 1883. La possibilité de divulgation

des opinions séparées de chacun des neuf membres de la Cour traduit au contraire

leur grande indépendance, dont elle est, simultanément, la meilleure caution. C’est

précisément en raison de leur liberté morale et intellectuelle, que chaque magistrat

du sommet du pouvoir judiciaire américain peut dévoiler sans crainte, sa prise de

position divergente. Et c’est corrélativement l’expression de ses opinions, certes

dissidentes, mais respectées par les autres membres, qui contribue à accroître

l’indépendance de la juridiction suprême de Washington et de ses hauts magistrats,

en même temps que leur grande légitimité, forgée au cours du temps et de l’histoire.

Preuve s’il en est de leur autonomie, à l’égard de l’autorité politique de nomination,

ce fameux « devoir d’ingratitude » selon les mots du président Robert BADINTER1884 et

qu’illustrent de la plus éclatante des manières, les propos d’Harry TRUMAN : « On

1882 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit.


1883 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 69.
1884 Interview au journal Le Monde, 1982.
La qualité du procès 491

ne peut pas s’assurer à l’avance une Cour favorable. (...) Chaque fois que vous nommez

quelqu’un à la Cour suprême, il cesse d’être votre ami1885 ».

857. Au-delà de ses vertus en terme d’indépendance, l’introduction des opinions

individuelles, permet aussi de renforcer la cohérence des décisions de justice.

L’exemple, à la fois le plus tangible et le plus récent, nous est offert par la décision

dite « Rétention de sûreté » du Conseil constitutionnel en 20081886, dans laquelle le

juge développe un acrobatique raisonnement juridique, consistant à qualifier une

disposition législative, pour lui appliquer ensuite le régime juridique d’une autre

catégorie normative1887. Ainsi, les mesures de sûreté ne sont, pour la Haute

juridiction, ni des peines, ni des sanctions ayant le caractère d'une punition. Mais

elles ne peuvent tout de même être appliquées à des personnes condamnées avant la

publication de la loi, ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date,

pour des faits commis antérieurement1888, conformément au principe posé par

l’article 8 de la Déclaration de 1789, de non rétroactivité...de la loi pénale plus sévère.

Voici la parfaite illustration d’une décision, qui est le fruit d’un compromis entre les

avis contraires de ses auteurs et qui, à vouloir concilier l’inconciliable, en intégrant

durant la phase rédactionnelle, les opinions divergentes de chacun, en devient

difficilement intelligible et surtout, affaiblie dans son autorité morale. Ce qui est tout

de même un paradoxe, quand on sait qu’il s’agit là d’un des reproches majeurs

adressés aux opinions dissidentes, celui d’atténuer la force persuasive des décisions

de justice.

1885 Cité par le professeur Wanda MASTOR, « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit.,
p. 72, traduit de l’ouvrage de Laurence TRIBE, God Save This Honorable Court: How the Choice of
Supreme Court Justices Shapes Our History, New American Library, 1986, p. 61.
1886 Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 préc.
1887 CHALTIEL F., obs., Décis. Cons. const. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, L.P.A., 2008, n° 58, p. 3.
1888 Idem, Cons. 9.
492 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

b) La collégialité et l’impartialité des juges

858. La collégialité aurait un deuxième avantage important : elle renforcerait

l’impartialité des juges, en les contraignant, par la confrontation des vues entre

membres de la formation de jugement, à plus de neutralité1889. Cet argument peine à

convaincre. En effet, l’impartialité, qu’elle soit personnelle 1890 ou fonctionnelle1891, est

avant tout une qualité individuelle du juge. Par conséquent, la collégialité ne semble

guère en capacité de modifier la partialité éventuelle de ses membres, en atténuant

les préjugés et en incitant à plus de neutralité. Au mieux, l’impartialité d’un membre

sera diluée, à défaut d’être neutralisée, dans la masse collective des opinions des

autres.

859. En revanche, le bénéfice évident du collège réside dans l’échange d’arguments

qu’il provoque quasi inévitablement, dans la concertation consubstantielle à la

délibération, laquelle ne peut déboucher que sur un jugement plus éclairé, sans doute

mieux préservé des erreurs judiciaires. Selon le professeur Yves STRICKLER1892,

citant les propos du Premier président DRAI, tenus en 1995 à Toulon lors du XXIe

colloque de l’I.E.J. consacré au juge unique, la collégialité serait ainsi une « leçon de

modestie et de tolérance ». À ce titre, le collège offre certainement, par le biais de

jugements plus débattus, fruits de la confrontation des visions intellectuelles de

chacun, une garantie de justice mieux équilibrée et à laquelle, le juge unique ne peut

sans doute raisonnablement prétendre.

1889 GHEVONTIAN R., « Collégialité et Constitution», HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et


cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 55.
1890 Cf supra n° 440 et s.
1891 Cf supra n° 531 e s.
1892 STRICKLER Y., « Le juge unique en procédure pénale », op. cit., p. 10.
La qualité du procès 493

2) Les arguments discutés en faveur du juge unique

860. Selon l’adage bien connu, le juge unique serait assurément inique 1893. En dehors

du bon mot obtenu par la substitution de la voyelle initiale, devant laquelle il était

sans doute difficile de résister, cette affirmation est évidemment abusivement

simplificatrice et potentiellement erronée. Le juge statuant seul présente

indéniablement quelques qualités inhérentes à la solitude de sa fonction, mais induit

aussi quelques conséquences fâcheuses qui en découlent inévitablement.

861. Rendre la justice seul, sans le bénéfice de la concertation et de la confrontation

des arguments, de laquelle jaillit, à un moment ou à un autre, une décision

équilibrée, conséquence inéluctable de l‘échange contradictoire, oblige à l’excellence

morale et intellectuelle. Il ne peut en être autrement, eu égard aux incidences que

cette organisation induit. En effet, le magistrat unique a forcément conscience de la

responsabilité qui est la sienne, notamment au regard des effets de sa décision sur les

justiciables, même si son office est souvent restreint aux affaires ayant les enjeux

sociaux les moins dommageables1894. Il ne peut ici s’en remettre aux bienfaits de la

collectivité en terme de sagacité, six yeux voyant naturellement mieux que deux. Il

doit donc redoubler de vigilance et d’application, d’autant que la responsabilité

juridique des magistrats de l’ordre judiciaire peut être engagée, sur la base de l’action

récursoire de l’État, dans deux cas exhaustivement énumérés par l’article L141-3 du

Code de l'organisation judiciaire : à raison d’une faute lourde consécutive à un dol,

une fraude ou encore une concussion, mais aussi en cas de déni de justice 1895, c’est à

dire quand « les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en

1893 Certains auteurs considèrent que cet adage découle des mots de MONTESQUIEU, dans « De
l’esprit des lois », Livre VI, Chapitre VII, quand il écrit que « le magistrat unique (...) ne peut avoir lieu
que dans un Gouvernement despotique1893 ». Il semble pourtant tout à fait inapproprié, puisque
comme l’écrit le professeur Wanda MASTOR, c’est précisément la transparence de ses positions,
résultant de la solitude de sa fonction, qui est révélatrice de son indépendance, « Pour une
« humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 71.
1894 Cf infra n° 883 et s.
1895 FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, op. cit.
494 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

état et en tour d'être jugées1896 ». Il semble d’ailleurs tout à fait naturel que

l’indépendance statutaire, dont bénéficient les magistrats, s’accompagne de cette

responsabilisation croissante de l’action judiciaire. C’est en tous cas la position du

Président de la République, exprimée lors du 40e anniversaire de l'École Nationale de

la Magistrature, à Bordeaux en octobre 19991897, prolongée par les propos de la garde

des Sceaux1898. Voilà un point sur lequel la discordance des majorités, présidentielle et

parlementaire, n’aura pas eu de dissonance.

862. Le juge unique ne dispose pas du « bouclier1899 » du collège, qui, conjugué à

l’anonymat des prises de position, offre le meilleur des abris contre les erreurs

judiciaires et leur légitime réparation. Son action est davantage exposée et nécessite

donc des qualités individuelles, tant professionnelles qu’humaines, que tous les

magistrats ne possèdent pas. Peut-être faut-il en conclure, qu’il existe une forme de

hiérarchisation entre les deux offices, au regard de la valeur et des vertus requises.

Sinon, comment interpréter l’article 15 de la loi organique relative au recrutement, à

la formation et à la responsabilité des magistrats1900, faisant suite à la défaillance du

système judiciaire dans l’affaire d’Outreau, qui instaure une nouvelle sanction

disciplinaire : l’interdiction d’exercer, pour une durée maximale de cinq ans, des

fonctions à juge unique ? N’est-ce pas ici l’indice que l’office du juge statuant seul

(que tout magistrat n’est pas en capacité d’exercer, ou mieux, ne mérite pas

1896 Article L141-3 du Code de l'organisation judiciaire.


1897 « La responsabilité des juges est en effet le corollaire de leur indépendance. Elle doit être à la mesure des
pouvoirs qui leur sont dévolus. Il ne saurait y avoir, dans une démocratie d'autorité incontrôlée »,
Déclaration de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l’occasion du 40 ème anniversaire
de l'École Nationale de la Magistrature, Bordeaux, le 1er octobre 1999, reprise dans Jacques Chirac,
Mon combat pour la France, Textes et interventions, Odile Jacob, 2007, p. 343.
1898 « La responsabilité du juge est spécifique : elle est à la hauteur de ses pouvoirs et de ses prérogatives, des
exigences du public à son égard et de la confiance importante dont il dispose aujourd'hui (...). Le juge ne
peut pas, dans son propre intérêt, dans l'intérêt de sa mission, être le seul décideur dont la responsabilité ne
serait pas recherchée », Déclaration de Mme Elisabeth GUIGOU, Ministre de la justice, sur « l'Ecole
nationale de la magistrature et la place du juge dans la société », Bordeaux, le 2 octobre 1999.
1899 L’expression est du professeur Wanda MASTOR, « Pour une « humanisation » de la collégialité »,
op. cit., p. 69.
1900 Loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la
responsabilité des magistrats, JO, 6 mars 2007, p. 4184.
La qualité du procès 495

d’assumer, puisque la sanction lui en interdit l’accès, fût-ce temporairement), se place

au-dessus de la fonction collégiale ?

863. Il y a tout de même une conséquence préoccupante à cette forme de

magistrature solitaire. En induisant indubitablement une individualisation de la

décision de justice, il est assez aisé de connaître les orientations jurisprudentielles de

tel ou tel juge. Il est alors, assez tentant pour un plaideur, de choisir le magistrat, en

fonction des caractères du dossier à traiter et du profil de son client. C’est

particulièrement prégnant en matière d’affaires familiales, où les avocats

expérimentés savent devant qui introduire l’instance de divorce, afin d’avoir les

meilleures chances d’obtenir pour leur client, la prestation compensatoire ou la

pension alimentaire la plus généreuse. Il s’agit là, incontestablement, d’une déviance

redoutable du système judiciaire, en totale disharmonie avec le principe d’égalité

devant la justice.

864. Si la collégialité semble offrir des garanties plus satisfaisantes de justice de

qualité, elle doit nécessairement s’accompagner des vertus inhérentes au système du

juge unique, c’est à dire la responsabilisation et l’obligation d’excellence qui en

découlent. L’alliance des bénéfices des deux systèmes peut être obtenue par la

collégialité « transparente », celle qui laisse percer au grand jour les opinions de ses

membres, à la fois manifestation et garantie de leur liberté d’action et de paroles1901.

865. Mais, au-delà du système organisationnel, le plus important est probablement

ailleurs, dans la qualité du juge, sa formation, son expérience de la vie et des

situations conflictuelles qui la jalonnent1902. Sans nullement vouloir jeter l’anathème

sur la collégialité, dont les vertus délibératives sont avérées, trois mauvais juges ne

feront jamais une bonne formation de jugement. Un excellent magistrat, courageux,

1901 MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », op. cit., p. 71.
1902 CANIVET G., « Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 129.
496 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

perspicace dans son appréciation des faits et, pertinent dans l’application du

syllogisme juridique, même si l’organisation judiciaire ne lui offre pas la chance de

l’échange intellectuel d’arguments contradictoires, avec ses homologues de la

juridiction, constituera toujours une meilleure solution. C’est peut être ce qui

explique partiellement l’extension du domaine d’application du juge unique, avec

l’assentiment du Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pourtant pas de la seule cause de

son irrésistible ascension, constante du droit positif, qui a connu une accélération

particulière, ces vingt dernières années.

B) Les facteurs explicatifs de l’expansion du juge unique

866. Les causes de la progression du juge statuant seul sont variables, certaines plus

nobles que d’autres. En effet, son extension répond à deux impératifs distincts. Il est

souvent une solution efficace, mais pas toujours adaptée, d’amélioration de la

productivité judiciaire1903, même si la juxtaposition de ces deux termes résonne

comme un oxymore (2). Cependant, il n’en est pas toujours ainsi, son institution

traduit parfois un souci de mieux rendre la justice, en fonction des attentes du

justiciable (1).

1) Le juge unique dans un souci de meilleure administration de la

justice

867. Trois éléments déterminants justifient le recours au juge unique, en lieu et place

d’une formation collégiale de jugement : d’abord, le souci de spécialisation, afin

d’offrir la meilleure réponse juridictionnelle possible à la technicité croissante des

1903 CADIET L., « Efficience versus Equité », Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruylant, Bruxelles,
2004, p. 25.
La qualité du procès 497

dossiers (a), ensuite, la nécessaire proximité avec le justiciable, inhérente à certains

contentieux (b), enfin, la durée, souhaitée ou subie, de la procédure (c).

a) Le juge unique et la complexité du contentieux

868. Le premier facteur de développement du juge unique dans les procédures

juridictionnelles réside dans la complexité technique des dossiers à traiter, qui

implique un besoin de spécialisation1904. Il est très difficile, voire impossible d’exiger,

(et d’obtenir) ce degré de compétences de tous les membres de la juridiction, dans

des domaines très compartimentés du droit. De ce fait, le souci d’organisation

rationnelle du tribunal, dans l’intérêt premier du justiciable, impose de confier les

tâches les plus singulières juridiquement, à un membre clairement identifié, dont la

compétence s’affinera au fur et à mesure de l’expérience des instances.

869. Ce paramètre est déterminant dans la progression du juge unique en matière

civile, qui y est plus accentuée qu’en matière pénale ou en contentieux administratif,

en raison de la grande diversité des litiges, qui nécessite une segmentation des

compétences. C’est ainsi que sont apparus des magistrats spécialisés, par exemple, le

juge aux affaires familiales1905, le juge de la mise en état1906 ou encore le juge de

l’exécution1907, dotés chacun d’une technicité propre, liée au domaine d’intervention

qui leur est attribué1908.

1904 MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe


de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles,
2011, p. 127.
1905 Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le Code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits
de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales, JO, 9 janvier 1993, p. 495. Articles L213-3 à
L213-4 du Code de l'organisation judiciaire.
1906 Article R213-7 du Code de l'organisation judiciaire.
1907 Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, JO, 14 juillet
1991, p. 9228. Articles L213-5 à L213-7 du Code de l'organisation judiciaire.
1908 Le juge de la mise en état et le juge de l’exécution ont vu leurs rayons d’action considérablement
élargis ces dix dernières années. Ainsi, le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 préc. accorde
498 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

b) Le juge unique et la proximité avec le justiciable

870. La deuxième explication à cette ascension marquée du juge statuant seul se

trouve dans le souci d’installer une proximité avec le justiciable 1909. Ce lien, parfois

nécessaire dans certains domaines, est certainement plus facile à établir dans le cadre

intime d’un bureau, face à un magistrat seul, débarrassé de certains apparats de la

justice, que dans l’enceinte plus protocolaire et intimidante d’une salle d’audience,

devant une formation collégiale de jugement.

871. Ici encore, si le juge unique est très présent en procédure civile, c‘est aussi parce

que les affaires qui, en raison de leur nature, requièrent une plus grande proximité

avec les parties aux procès, y sont très nombreuses. Dès les origines de la justice

civile contemporaine, le juge de paix, mis en place par la loi des 16-24 août 1790 et

dont l’office est organisé par le Titre III du célèbre texte révolutionnaire, répondait à

cette nécessité de mettre en place une justice civile proche du citoyen, dans la gestion

des litiges aux enjeux restreints1910. Aujourd’hui, l’illustration la plus évidente est

fournie par le juge aux affaires familiales, dans le traitement des ruptures

matrimoniales. De la première audience dite de conciliation1911, jusqu’au jugement,

les rendez-vous judiciaires devant le magistrat spécialisé peuvent être nombreux. Le

divorce offre certainement le meilleur exemple de procédure juridictionnelle exigeant

un juge unique, en raison de la nécessaire proximité avec les deux parties (et de

au juge de la mise en état, une compétence exclusive pour gérer toutes les exceptions de procédure
et les incidents susceptibles de mettre un terme à l'instance. Quant au juge de l’exécution, depuis
l’ordonnance du 21 avril 2006 portant réforme de la saisie immobilière, JO, 22 avril 2006, p. 6024,
entrée en vigueur le 1er janvier 2007, il s’est vu transféré tout le contentieux de la saisie
immobilière, au détriment du tribunal de grande instance qui en a été, symétriquement, dessaisi.
1909 MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile», op. cit., p. 127.
1910 L’article 9 du Titre III de la loi des 16-24 août 1790 prévoyait que « le juge de paix, assisté de deux
assesseurs, connaîtra avec eux de toutes les causes purement personnelles et mobilières, sans appel jusqu’à la
valeur de cinquante livres, et à charge d’appel jusqu’à la valeur de cent livres (...) », tandis que l’article
suivant décrivait en détail la liste exhaustive des contentieux civils, sur lesquels il devait statuer.
1911 Code de procédure civile, articles 127 à 131.
La qualité du procès 499

l’étalement de l’instance dans le temps1912, qui transforme l’office du juge, de

sanctionnateur ponctuel, en régulateur sur la durée). Dans ce type de contentieux

humainement sensible, la proximité entre juge et parties est à la fois souhaitable a

priori, mais aussi la conséquence a posteriori, du lien qui se crée inexorablement, au

gré du temps, entre le magistrat et les justiciables.

c) Le juge unique et la durée des procédures

872. La troisième raison, qui justifie que, dans une démarche d’amélioration de la

qualité de la justice, il est parfois préférable de confier un dossier à un magistrat

unique plutôt qu’à une formation collégiale, a trait au temps et à ce souci d’optimiser

la durée des instances. À ce titre, il est intéressant de noter, que le juge statuant seul

constitue alors la meilleure des solutions, dans les deux situations les plus éloignées.

873. D’un côté, comme le résume fort à propos le professeur Jacques NORMAND,

« lorsqu’il n’y a pas de temps à perdre1913 », c’est à dire dans les procédures d’urgence.

Quand une mesure conservatoire doit être prise, il est en effet plus simple et plus

rapide de s’en remettre à une personne seule, que de mobiliser une juridiction en

formation collégiale. Le simple bon sens, allié au souci d’efficacité, gage ici de bonne

justice, dicte cette solution qui s’impose d’elle-même. Les procédures d’urgence

seront mieux gérées par un magistrat seul que par un collège, à la logistique

judiciaire plus lourde et à la prise de décision plus lente1914. Le développement de ces

1912 Même si la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, JO, 27 mai 2004, p. 9319, a simplifié
et raccourci les procédures.
1913 NORMAND J., « Dommage imminent et trouble manifestement illicite », La justice civile au vingt et
unième siècle, Mélanges Pierre Julien, Paris, 2003, p. 324. La formule complète, qui émane des propos
d’un avocat général parisien, est que le juge unique s’impose « lorsqu’il n’y a pas de temps à perdre
ou lorsqu’il est inutile de perdre son temps ».
1914 Sans compter que dans ces différentes situations, le juge unique permet de rendre des décisions
rapides, non seulement en raison de l’évincement de la collégialité, mais surtout grâce à
l’allègement de certaines garanties procédurales, telles que la contradiction ou la publicité.
500 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

instances de référé est prégnant en matière civile1915 et surtout en contentieux

administratif, dans lequel l’augmentation des procédures de référé s’est

naturellement accompagnée de la progression des offices à juge unique 1916. Même si

le droit administratif connaissait auparavant ces voies procédurales1917, le référé a

pris une dimension nouvelle avec la loi du 30 juin 2000 1918 et son décret

d’application1919, qui instituent trois formes nouvelles de procédures d’urgence1920.

874. D’un autre côté, à l’autre bout du spectre, quand le besoin de régulation et de

suivi dans le temps de certaines affaires, qui ne peuvent être tranchées dans

l’immédiateté, se fait sentir, la présence d’un interlocuteur privilégié semble être de

mise1921. Le juge est alors bien plus que le représentant d’une institution qui doit

trancher un litige, en appliquant les règles de droit, aux circonstances de l’espèce.

Son rôle est plus large, ne serait-ce qu’en raison de l’étendue de la procédure dans le

temps et de la nature de son intervention, protectrice et tutélaire1922. Cette situation

est, d’ailleurs, à corréler avec la première qui a été évoquée, car dans ce cas de figure,

le juge unique, le mieux à même de gérer ces contentieux, est souvent un magistrat

spécialisé.

1915 En dehors de l’hypothèse classique de l’urgence, le Code de procédure civile prévoit trois autres
cas d’ouverture de référé devant les juridictions de première instance : en cas de dommage
imminent ou de trouble manifestement illicite (Article 809), quand l'obligation n'est pas
sérieusement contestable (Article 808) et enfin, en cas de risque de dépérissement d’une preuve
importante pour l’issue du contentieux (Article 145).
1916 GABARDA O., « L'intérêt d'une bonne administration de la justice », R.D.P., 2006, n° 1, p. 153.
1917 Existaient déjà, par exemple, le référé-constat (R. 531-1 CJA) qui permet de « désigner un expert pour
constater (au besoin, en allant sur les lieux du litige) sans délai les faits susceptibles de donner lieu à un
litige devant la juridiction », ou encore le référé- instruction (R. 532-1 CJA), traditionnellement utilisé
pour diligenter un expert afin qu’il effectue toute mesure utile d'expertise ou d'instruction, sans
compter nombre de référés spécialisés.
1918 Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, JO, 1 er
juillet 2000, p. 9948.
1919 Décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l'application de la loi n° 2000-597 du 30 juin
2000 préc., JO, 23 novembre 2000, p. 18611.
1920 Le référé-suspension d’un acte administratif (Article L521-1 du Code de justice administrative), le
référé-liberté fondamentale, (Article L521-2 du Code de justice administrative) et enfin, le référé-
mesures utiles ou référé-conservatoire, (Article L521-3 du Code de justice administrative).
1921 MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile», op. cit., p. 127.
1922 Ibidem.
La qualité du procès 501

875. Dans toutes ces hypothèses, c’est l’objectif de bonne administration de la

justice1923 qui impose la présence du juge statuant seul. Il y constitue la meilleure

solution et donc, celle que le législateur ou le pouvoir réglementaire privilégieront.

Cependant, les raisons économiques qui président parfois à ce choix sont

certainement moins nobles et donc plus délicates à avouer. Elles ont pourtant, de

tous temps, été prépondérantes dans les orientations des pouvoirs publics,

nécessairement soucieux de l’état des finances de l’État.

2) Le juge unique dans un objectif de rentabilité économique

876. Dans chacun de ces cas de figure, contrairement aux hypothèses précédemment

exposées, rien, en dehors de préoccupations budgétaires, ne justifie vraiment le choix

du juge statuant seul, de préférence à une solution collégiale.

877. La principale raison invoquée, pour justifier la présence du magistrat unique, est

l’accroissement du contentieux. C’est sous ce motif, par exemple, qu’a été institué en

Italie, le « juge unique de première instance », dans le but de réduire le temps moyen

des procédures judiciaires, suite aux nombreuses condamnations prononcées par la

Cour européenne des droits de l’homme, pour violation du délai raisonnable de

jugement1924. Un raisonnement mathématique, qui peut sembler un peu

simplificateur, permet de comprendre aisément, qu’en faisant gérer une affaire par

un juge unique, en lieu et place d’un collège de trois, par exemple, on triple la

1923 Cf Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 préc., Cons. 4. Le Conseil constitutionnel fait
accéder le principe de bonne administration de la justice au rang d’objectif de valeur
constitutionnelle.
1924 BERTAGNOLY E., « Le délai raisonnable », R.T.D.H., 1991, n° 5, p. 21 ; VALERY A., « Qu’est-ce
qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme ? », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, op. cit., p. 91 ; VAN COMPERNOLLE J., « Le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable : les effectivités d'un droit processuel autonome », Justice et droits fondamentaux : études
offertes à Jacques Normand, 2003, Litec, Paris, p. 471 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Délai
raisonnable du procès, recours effectif ou déni de justice », R.F.D.A., 2003, p. 85.
502 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

productivité de la juridiction en libérant deux magistrats, qui peuvent être affectés à

la gestion d’autres dossiers.

878. Devant l’augmentation régulière du volume d’affaires à traiter, dans une société

qui se judiciarise un peu plus chaque jour, la logique arithmétique peut justifier

qu’une juridiction soit tentée d’augmenter ainsi le nombre de ses chambres. Il est

tout de même possible d’émettre une réserve. Outre cette logique strictement

économique, qui peut sembler inadaptée dans le cadre d’un service public comme

celui de la justice1925, le juge unique, privé de l’échange d’arguments, n’est sans doute

pas la meilleure solution, en termes de qualité de la motivation des décisions de

justice. Or, les procédures d’appel étant, le plus souvent, davantage justifiées par

l’incompréhension des motifs du jugement, que par le seul fait d’avoir succombé en

première instance, ne risque-t-on pas de perdre au second degré, le gain de

productivité obtenu au premier ? La question mérite réflexion.

879. Devant cet afflux croissant de litiges à trancher, le législateur a dû établir des

critères de répartition des affaires. L’analyse des différents contentieux permet de

distinguer deux hypothèses, que le professeur Fabrice MELLERAY désigne sous

l’intitulé évocateur de « petites questions » (a) et de « petites affaires1926 » (b), dans

lesquelles l’intervention d’un collège n’a pas semblé nécessaire aux pouvoirs publics

constitutionnels, tenus de distribuer les compétences.

1925 AMRANI-MEKKI S., Le temps et le procès civil, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris,
2002 ; « Le principe de célérité », Rev. franç. d’adm.pub., n° 125, 2008, p. 43.
1926 MELLERAY F., « Les trois visages du juge unique administratif », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe
de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles,
2011, p. 85.
La qualité du procès 503

a) Les « petites questions »

880. Correspondent d’abord à cette situation, les affaires qui paraissent simples

juridiquement, c’est à dire celles dont la solution semble évidente, ou tout au moins,

ne présente pas de difficultés majeures. Dans ces conditions, pourquoi complexifier,

par une délibération, la résolution d’un différend, qui ne nécessite pas de

concertation particulière et qui peut être, favorablement réglé, par un juge unique ?

Cette hypothèse recouvre la seconde branche de l’alternative rappelée par le

professeur Jacques NORMAND, celle où le juge unique s’impose « lorsqu’il est inutile

de perdre son temps1927 ».

881. Entrent notamment dans cette catégorie, les affaires dont la qualification

juridique des faits induisent des questions de droit, qui semblent déjà avoir été

résolues par la jurisprudence. C’est l’objet même du dispositif institué par le décret

du 28 juillet 20051928, permettant de gérer des requêtes relevant d'une série

contentieuse, c’est à dire des recours ne nécessitant pas de nouvelle appréciation ou

qualification des faits et présentant, pour la juridiction compétente, des questions

identiques à celles qu'elle a tranchées auparavant1929. Cette forme d’automatisation de

la justice est certainement une solution subie, davantage que réellement voulue. Il

faut lui permettre, dans certains cas, d’agir vite au moyen de mesures techniques, qui

ne nécessitent pas forcément le temps de la réflexion. Le magistrat administratif se

présente là comme le « juge de l’expédient ».

1927 NORMAND J., « Dommage imminent et trouble manifestement illicite », op. cit., p. 324.
1928 Décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 modifiant la partie réglementaire du Code de justice
administrative, JO, 4 août 2005, p 12772.
1929 Pour le professeur René CHAPUS, Droit du contentieux administratif, op. cit., une série de litiges
regroupe « les multiples recours formés contre une même réglementation par une pluralité de justiciables se
trouvant dans des situations similaires et agissant en ordre dispersé ». Cette hypothèse est apparue suite
à l’engorgement des tribunaux administratifs en 1992, qui connurent un afflux massif de vingt-sept
mille recours, relatifs au supplément familial de traitement dans la fonction publique.
504 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

882. Cependant, le risque de telles procédures est d’empêcher l’évolution de certaines

jurisprudences, en posant des arrêts de règlement, visant la série concernée. Bien

souvent ce sont les petites affaires qui font les grandes décisions, il suffit de songer,

par exemple, à l’arrêt Fabrègues du Conseil d’État1930. La conséquence est, en tous

cas, plutôt inattendue. N’est-ce pas là, d’une certaine façon, l’introduction en droit

français, d’une règle singulièrement étrangère à notre culture juridique romano-

germanique, celle du stare decisis1931 ? Mais, au-delà de cette curiosité

jurisprudentielle, la distinction entre les affaires simples et celles qui présenteraient

des difficultés, les premières pouvant être traitées par un juge seul, les secondes

nécessitant une concertation et une discussion collégiales, comporte un côté

inévitablement artificiel et imprécis. Comment savoir, a priori, qu’un litige sera facile

à trancher ? Que l’appréciation des faits est évidente et que la solution s’inscrira, dès

lors, dans un schéma préétabli ? Tout contentieux est singulier et tout est affaire de

circonstances. Dans le cas contraire, il serait sans doute même superflu de s’en

remettre à un magistrat unique.

b) Les « petites affaires »

883. S’insèrent ensuite dans ce cadre, les litiges comportant peu d’enjeu social. En

somme, quand la portée de la décision de justice, intervenue suite à une contestation

sur des droits et obligations de caractère civil, ou à une accusation en matière pénale,

pour reprendre la dichotomie établie par l’article 6 de la Convention européenne des

droits de l'homme, est insusceptible d’avoir une incidence substantielle sur son

destinataire, il est inutile de convoquer un collège pour trancher le contentieux1932. La

logique mercantile, qui sous-tend cette hypothèse, suscite quelques réticences.

1930 C.E., 23 juillet 1909, Fabrègues, Rec. p. 727.


1931 Sur ce point, Cf MELLERAY F., « Les trois visages du juge unique administratif », op. cit., p. 94.
1932 En contentieux administratif, cette innovation, introduite par la loi du 8 février 1995 et reprise dans
l’article R222-13 du Code de justice administrative, permet aux tribunaux administratifs de statuer
La qualité du procès 505

884. Elle est d’abord contraire à l’esprit même de la justice. Qu’il ne paraisse pas

indispensable d’utiliser toute la potentialité délibérative du collège, quand l’affaire,

de prime abord, ne semble pas appeler de discussion particulière, pourrait encore se

concevoir intellectuellement, nonobstant le caractère flou et factice de la distinction

entre les litiges simples et ceux qui le seraient moins. Mais, que le choix du juge

unique se fasse, non pas en fonction de la complexité des problèmes juridiques à

résoudre, mais en raison de la soi-disant faiblesse des enjeux, difficile à apprécier par

ailleurs, un verdict judiciaire pouvant comporter des conséquences inattendues sur

son destinataire, n’est pas concevable, au regard du principe constitutionnel d’égalité

devant la justice1933. Ainsi, les hypothèses, visées par le Code de justice

administrative, ne recouvrent pas uniquement des situations juridiques évidentes à

démêler. Il serait, à ce titre, fort hasardeux de croire que la difficulté contentieuse

d’une action indemnitaire repose sur le seul montant des dommages et intérêts

demandés. Même si un second regard est porté sur l’affaire, celui du rapporteur

public, qui fait profiter le juge unique de son analyse, ce traitement contentieux par

un magistrat statuant seul, est fort discutable, d’autant que dans une proportion

majoritaire des hypothèses1934, le tribunal administratif statue en premier et dernier

ressort .

885. Elle aboutit, surtout, à une forme assez contestable de hiérarchisation des

citoyens, car les contentieux, qui entrent dans la catégorie de ceux statués à juge

unique, coïncident avec certaines familles de justiciables1935. Il y aurait alors des

justiciables de premier rang, ceux dont le litige serait traité collégialement et des

justiciables de second rang, pour lesquels le magistrat statuerait seul. Même si, ainsi

à juge unique, mais en conservant un minimum de garanties procédurales, c’est à dire en audience
publique et après audition du rapporteur public. Il s'agit pour l'essentiel, de litiges considérés
comme étant de faible portée, pouvant être réglés par un magistrat expérimenté, éclairé par les
conclusions du rapporteur public.
1933 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94 et s.
1934 Article R811-1 du Code de justice administrative.
1935 MELLERAY F., « Les trois visages du juge unique administratif », op. cit., p. 96.
506 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

qu’il vient d’être démontré, la collégialité ne constitue pas toujours nécessairement la

meilleure solution procédurale, il y a pourtant, dans l’esprit du législateur, cette

hiérarchisation implicite, dans la mesure où elle mobilise davantage de moyens

humains et, par conséquent, de ressources budgétaires.

Section 2 La protection constitutionnelle indirecte de la collégialité des

juridictions

886. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, en matière de collégialité des

formations de jugement, est constante depuis 1975. La Haute juridiction est

indifférente, en soi, au mode d’organisation des juridictions, ce qui implique que la

collégialité n’a pas valeur constitutionnelle et que, par voie de conséquence, le juge

unique n’est contraire à aucune exigence constitutionnelle. En revanche, la

collégialité bénéficie d’une protection constitutionnelle indirecte, par le biais du

principe d’égalité devant la justice (§ 1.) et du respect de l’autorité normative,

désignée selon les règles constitutionnelles de répartition des compétences (§ 2.).

§ 1. Le nécessaire respect du principe d’égalité devant la justice

887. Si le Conseil constitutionnel n’a jamais pris ouvertement position en faveur de la

collégialité ou du juge unique, il a imposé au législateur, dès 1975, l’obligation de

respecter rigoureusement le principe d’égalité devant la justice (A). La jurisprudence

constitutionnelle n’induit pas de hiérarchisation entre les deux organisations

possibles des juridictions, mais elle ne saurait accepter que des justiciables se

trouvant dans des conditions similaires, voient leur litige tranché par des juridictions

différemment composées. Le Conseil prendra toujours soin de veiller au respect de

cette exigence constitutionnelle (B).


La qualité du procès 507

A) L’obligation de respect du principe d’égalité devant la justice en

matière de collégialité des formations de jugement

888. À la fin du mois de juin 1975, le Parlement adoptait définitivement, mais à une

très courte majorité d’une voix au Sénat, une loi, qui modifiait les articles 398 et 398-1

du Code de procédure pénale. Ce texte législatif permettait discrétionnairement, au

président du tribunal de grande instance, de confier le jugement des délits, à

l’exception des délits de presse1936, au tribunal correctionnel, dans sa formation

collégiale classique ou en configuration à juge unique.

889. Cette réforme ne faisait que généraliser celle du 29 décembre 19721937, qui

conférait les même pouvoirs au président de la juridiction judiciaire (après avis de

l’assemblée générale), mais uniquement dans un certain nombre de délits,

limitativement énumérés par la loi1938. Le retour à la collégialité était néanmoins

toujours possible, soit à la demande du président, soit à celle du juge unique saisi

(mais à la condition que le président l’accepte), ou encore de droit, quand le prévenu

est placé en détention au moment de sa comparution1939. En somme, les deux

réformes législatives reposaient sur le même principe de répartition des contentieux

répressifs devant le tribunal correctionnel, mais différaient par leur étendue : là où la

loi de 1972 visait seulement quatre catégories de délits clairement identifiés, celle de

1936 Il s’agit des délits prévus par le Chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, JO,
30 juillet 1881, p. 4201, intitulé « Des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout
autre moyen de publication ».
1937 Loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines dispositions relatives à la
procédure pénale, aux peines et à leur exécution, JO, 30 décembre 1972, p. 13783.
1938 « 1° Les délits en matière de chèques ;
2° Les délits prévus par le code de la route, par la loi n° 58-208 du 27 février 1958 instituant une obligation
d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, par l’article 319 du code pénal,
lorsque l’homicide a été causé à l’occasion de la conduite d’un véhicule, et par l’article 320 du même code ;
3° Les délits en matière de coordination des transports ;
4° Les délits prévus par le code rural en matière de chasse et de pêche. »
1939 Article 398-1 du Code de procédure pénale : « [...] Toutefois, le tribunal statue obligatoirement dans les
conditions prévues par le premier alinéa de l'article 398 (« Le tribunal correctionnel est composé d'un
président et de deux juges. ») lorsque le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa comparution à
l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate [...] ».
508 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1975 avait une portée beaucoup plus large, puisqu’elle concernait l’ensemble des

infractions jugées par la juridiction répressive, à l’exception d’une seule catégorie 1940.

890. Déférée au Conseil le 23 juillet 19751941, la loi fut censurée par la juridiction

constitutionnelle, qui considéra que le dispositif portait atteinte au principe d'égalité

devant la justice, « qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la

Déclaration des droits de l’homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la

Constitution 1942
». Trois enseignements majeurs et une conséquence essentielle,

peuvent être tirés de cette décision.

891. Sur la nature même du principe d'égalité devant la justice, la juridiction

constitutionnelle affirme clairement qu’il fait partie intégrante du principe d'égalité

devant la loi, consacré quelques temps auparavant, lors de la célèbre jurisprudence

dite « Taxation d’office »1943. Le professeur Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN en

arrive à la conclusion que « le principe d'égalité devant la loi constitue un tout

indissociable », et par voie de conséquence, que « le principe d'égalité devant la justice (...)

ne peut pas être considéré comme un démembrement du principe d'égalité, en général1944 ».

La décision est également éclairante sur la source constitutionnelle du principe

d'égalité devant la justice. Là où les soixante sénateurs, auteurs de la saisine,

proposaient d’y voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République,

issu de l'article 16 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire 1945, le

Conseil constitutionnel le rattache directement à la Déclaration des droits de

l'homme de 1789. Il était, sans doute, un peu délicat de qualifier de républicain un

1940 La Commission des lois du Sénat était d’ailleurs très hostile à cette généralisation de la procédure
et proposait seulement une extension de la liste des délits concernés.
1941 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc.
1942 Idem, Cons. 4.
1943 Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974 préc.
1944 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94.
1945 « Tous les citoyens sans distinction plaident dans la même forme et devant les mêmes juges dans les mêmes
cas ».
La qualité du procès 509

texte « revêtu de la signature de Louis XVI1946 », mais il était surtout, beaucoup plus

simple de chercher la source constitutionnelle du principe, dans la déclaration

révolutionnaire, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République,

n’étant généralement mobilisés par le juge constitutionnel qu’à titre subsidiaire1947.

892. Sur le contenu du principe, celui-ci « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant

dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des

juridictions composées selon des règles différentes1948 ». Ce qui est donc prioritairement

condamné ici, c’est le pouvoir discrétionnaire, laissé au président de la juridiction, de

choisir la collégialité ou l’unicité de juge, selon des considérations potentiellement

arbitraires, en fonction du délit, mais peut-être aussi, selon son auteur1949. L’atteinte

au principe d’égalité était indiscutable. Il eut fallu, pour éviter la censure

constitutionnelle, que le législateur organisât lui-même (ou qu’il confiât au pouvoir

réglementaire1950) la répartition des litiges, en attribuant le jugement de certaines

catégories d’infractions à un juge unique, alors que les autres seraient confiées à une

formation collégiale.

893. Se posait aussi la question de la portée du principe d'égalité devant la justice.

Celui-ci était-il cantonné à la seule matière répressive, ou avait-il vocation à

s’appliquer plus largement ? En effet, quand le juge constitutionnel fait référence,

dans sa description du principe, uniquement à des citoyens poursuivis pour des

infractions, il se place exclusivement sur le terrain pénal. Mais le quatrième

considérant lève toute forme de doute et apporte une réponse plutôt claire à ces

1946 RIVERO J., note, Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, A.J.D.A., 1976, p. 46.
1947 CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, op. cit. ; LARSONNIER V., Les Principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel,
Thèse dactyl., Montpellier I, 2002.
1948 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc., Cons. 5.
1949 Idem, Cons. 3 : « Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un
tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ».
1950 Cf infra n° 923 et s.
510 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

interrogations. Si le Conseil considère que les pouvoirs accordés au président du

tribunal de grande instance, mettent en cause le principe d'égalité devant la justice

« alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale1951 », il est permis de déduire de l’emploi de

l’adverbe « surtout », qu’il estime que le principe s’impose, avec une acuité renforcée

devant les tribunaux répressifs, mais qu’il s’applique aussi, avec une moindre

intensité, devant les autres juridictions1952.

894. Le juge constitutionnel n’a, en revanche, rien répondu à l’argument des

requérants, qui considéraient que la loi déférée violait un « principe fondamental

reconnu par les lois de la République et les lois d'ordre public sur l'organisation judiciaire

française en ce qui concerne les juridictions de jugements qui sont toujours collégiales,

spécialement en matière de répression des délits1953 ». Le Conseil ne va pas se prononcer

sur la question de la collégialité, refusant d’y voir un principe de valeur

constitutionnelle et, ne condamne donc pas, en lui-même, le système du jugement

des litiges correctionnels par un juge unique. Il faut tout de même faire preuve d’une

certaine imagination, dans l’interprétation des silences de la juridiction

constitutionnelle, ou d’un optimisme un peu excessif, pour partager l’avis du

professeur Marie-Anne COHENDET. Elle considère, en effet, « qu‘il n’était pas

nécessaire au juge constitutionnel de répondre à cet argument pour déclarer

l’inconstitutionnalité de la disposition prévoyant la faculté de recourir à un juge unique car

elle était contraire au principe d’égalité » et en déduit, que « son absence de réponse à ce

moyen est donc dépourvue de signification1954 ». Rien, en effet, n’empêchait le juge

constitutionnel de se déterminer sur cette question. Devant une opportunité aussi

1951 Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 préc., Cons. 4.


1952 FAVOREU L. et PHILIP L., chron., Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, R.D.P., 1975,
p. 1318.
1953 Saisine par 60 sénateurs - 75-56 DC, Site internet du conseil constitutionnel : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-
1959/1975/75-56-dc/saisine-par-60-senateurs.102526.html, consulté le 12 février 2013.
1954 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 722.
La qualité du procès 511

nette de consacrer un principe, il est plutôt hasardeux d’y voir seulement une

économie de moyens.

895. Il était pourtant difficile, en 1975, au Conseil constitutionnel d’agir différemment

et sa marge de manœuvre s’est encore réduite aujourd’hui, en raison des nombreuses

entorses que la collégialité a connues. En effet, sur quels fondements de la norme

fondamentale, eut-il pu consacrer la valeur constitutionnelle de la collégialité ? Il a

été démontré précédemment, que la collégialité ne peut être considérée comme une

condition sine qua non de l’indépendance1955 et de l’impartialité des juges1956, tant les

arguments en faveur de l’une ou de l’autre des deux formes organisationnelles des

juridictions sont controversés1957. En conséquence, le lien entre la collégialité et les

articles qui fondent le principe d’indépendance de la justice, à savoir les articles 64 et

66 de la Constitution, voire l’article 16 de la Déclaration de 1789 pour l’impartialité

du tribunal, est beaucoup trop ténu pour être solidement établi, sauf à entreprendre

un raisonnement un peu « acrobatique1958 ». Quant à y voir un principe fondamental

reconnu par les lois de la République, la collégialité a rencontré, dans l’histoire

judiciaire contemporaine, tellement d’exceptions dans son application1959, qu’il paraît

désormais improbable que les critères de reconnaissance, posés par la décision « Loi

portant amnistie1960 » de 1988, puissent être respectés. Cependant, Mme COHENDET

pense qu’il n’est pas exclu que la collégialité puisse faire, à l’avenir, l’objet d’un

principe fondamental reconnu par les lois de la République, dans la mesure où le

silence observé par le Conseil sur cette question ne lui semble pas hypothéquer les

chances de la collégialité, d’accéder au rang constitutionnel dans le futur1961.

1955 Cf supra n° 852 et s.


1956 Cf supra n° 858 et s.
1957 GHEVONTIAN R., « Collégialité et Constitution », op. cit., p. 54 et s.
1958 COHENDET M.-A, « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 719 et s.
1959 Cf supra n° 866 et s.
1960 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 préc., Cons. 12. C’est, en particulier, la condition
d’application continue qui fait défaut ici.
1961 Ibidem.
512 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

896. Tout concourt pourtant à penser le contraire, à commencer par la jurisprudence

de la Cour européenne des droits de l’homme, particulièrement discrète sur cette

question1962. Elle ne s’est, en effet, jamais prononcée explicitement en faveur d’un des

deux systèmes et n’a pas fait, à ce jour, de la collégialité, une condition du procès

équitable, ce qui n’étonnera guère, étant donné que le traitement de la recevabilité

des recours devant la juridiction strasbourgeoise se fait aujourd’hui à juge unique 1963.

Elle n’a d’ailleurs jamais établi de lien, entre le droit à un tribunal impartial et

indépendant et le principe de collégialité. Tout au plus, l’emploi réitéré du pluriel à

l’égard de la composition des formations de jugement, dans deux arrêts relatifs à

l’indépendance de la justice1964, laisse peut-être entrevoir une inclination de la

juridiction européenne pour la collégialité, mais il ne s’agit là que de simples

supputations1965. Il serait alors surprenant, que le Conseil constitutionnel fasse, sur

cette question, preuve d’une audace que les juges strasbourgeois n’ont pas même

esquissée.

1962 Le texte même de la Convention européenne, plus particulièrement l’article 6 § 1, est muet sur ce
point.
1963 Protocole n° 14, Article 27 (entré en vigueur le 1 er juin 2010), Compétence des juges uniques : « 1.
Un juge unique peut déclarer une requête introduite en vertu de l’article 34 irrecevable ou la rayer du rôle
lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire ».
1964 C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique, requêtes n° 6878/75 et 7238/75,
série A, n° 43, Cah. dr. eur., 1982, p. 201, obs. COHEN-JONATHAN G ; A.F.D.I., 1982, p. 495, note
PELLOUX R., § 55 : « D’après la jurisprudence de la Cour (...), seul mérite l’appellation de tribunal un
organe répondant à une série d’autres exigences - indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en
cause, durée du mandat des membres (...) ».
C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni préc. : « Pour déterminer si un organe peut
passer pour indépendant - notamment à l’égard de l’exécutif et des parties (...), la Cour a eu égard au mode
de désignation et à la durée du mandat des membres (...) ».
1965 PRADEL J., « Procédure pénale et Collégialité », op. cit., p. 103.
La qualité du procès 513

B) L’application constante de la jurisprudence « Juge unique » de

1975

897. Par la suite, le Conseil constitutionnel a été confronté, à trois reprises, à des

situations juridiques, dans lesquelles, le jugement des litiges par un magistrat

statuant seul pouvait heurter le principe d’égalité.

898. D’abord, en 19901966, dans le cadre sensible du contentieux de reconduite à la

frontière, la Haute juridiction était amenée à se prononcer sur la constitutionnalité

d’un dispositif, réaménagé par le législateur, consécutivement à une invalidation

l’année précédente1967. Celle-ci découlait d’une d’atteinte à la « conception française

de la séparation des pouvoirs », en vertu de laquelle, conformément à la

jurisprudence de principe « Conseil de la concurrence1968 », « à l'exception des matières

réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la

juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice

des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs

agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous

leur autorité ou leur contrôle1969 ». En l’espèce, la disposition déférée prévoyait, à

l’intention de l'étranger faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la

frontière, un recours en annulation avec effet suspensif, devant le président du

tribunal administratif. Les requérants contestaient la constitutionnalité du dispositif,

non pas au regard d’une différence possible de configuration de la juridiction en

fonction du justiciable, mais sur le terrain de la discrimination envers les nationaux,

en raison de l’effet suspensif du recours au bénéfice des seuls étrangers.

1966 Décision n° 89-266 DC du 9 janvier 1990 préc.


1967 Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc.
1968 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 préc.
1969 Idem, Cons. 15. Cf aussi, Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 19.
514 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

899. L'existence d'une différence de situation, entre nationaux et étrangers, au regard

de l'objet de la disposition litigieuse et les considérations d'intérêt général

poursuivies par le législateur, amènent le Conseil à conclure à la conformité du

dispositif à la Constitution. Nonobstant le fait que la loi aurait dû, sur le plan

strictement juridique de l’égalité (mais peut-être ne sont-ce pas là les seules

considérations qui ont présidé à la décision1970), subir la censure du juge

constitutionnel (une seconde fois), sur le terrain de la collégialité des juridictions, il

est remarquable ici de constater, que le Conseil n’a pas fait obstacle à l'adoption

législative d'une procédure contentieuse spécifique à juge unique. Ce qui conduit les

professeurs Pascale GONOD, Philippe YOLKA et Fabrice MELLERAY, à en déduire

que le Conseil constitutionnel a reconnu dans cette décision, tout au moins

implicitement, que la collégialité des juridictions n’était pas un principe à valeur

constitutionnelle1971. Le recours au juge unique se justifie ici par l’urgence de la

procédure, le requérant disposant seulement de vingt-quatre heures, après la

notification de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, pour saisir le juge, ce

dernier devant alors statuer dans un délai de quarante-huit heures.

900. Ensuite, en 20091972, le Conseil devait apprécier la conformité au principe

constitutionnel d’égalité devant la justice, d’une mesure législative visant à réprimer

les atteintes à la propriété intellectuelle, effectuées par le biais de dispositifs de

téléchargement numérique. L’objectif poursuivi par le législateur était de concilier

l’intervention d’une autorité juridictionnelle, imposée par la décision

constitutionnelle du 10 juin 20091973, avec le nombre potentiellement élevé

d’infractions aux droits d’auteurs, réalisées sur Internet. L’une des solutions

envisagées par le gouvernement, afin de résoudre cette délicate équation, a été de

1970 Sur ce point, Cf PRÉTOT X., « L'application du principe d'égalité à l'étranger en France », R.D.S.S.,
1990, p. 437 et s.
1971 GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, op. cit., p. 561.
1972 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc.
1973 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 préc.
La qualité du procès 515

confier le jugement de ces délits à un magistrat pénal statuant seul, le cas échéant

selon la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale1974. À cette fin, la loi prévoyait

ainsi d’ajouter à la liste, déjà hétéroclite, des infractions tranchées par le tribunal

correctionnel statuant à juge unique, initiée par la loi du 29 décembre 1972

précédemment citée, les délits prévus aux articles L335-2, L335-3 et L335-4 du Code

de la propriété intellectuelle.

901. Les auteurs de la saisine contestaient la mise en œuvre de ces procédures

judiciaires particulières, pour les délits de contrefaçons réalisés en ligne, contraires

selon eux, au principe constitutionnel d’égalité devant la justice. L‘argument ne fut, à

juste titre, pas reçu favorablement par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où

la loi litigieuse se contentait de soumettre à des règles identiques, toutes les

infractions répondant à la même définition juridique et commises dans les mêmes

conditions. Contrairement à la situation de 1975, il n’y a donc ici aucun risque que

deux justiciables, ayant commis le même acte délictuel, puissent être jugés dans des

conditions différentes, l’un par un magistrat unique, l’autre par une formation

collégiale. En effet, la répartition des contentieux n’est pas laissée à la libre discrétion

d’un magistrat du siège, fût-il président du tribunal de grande instance, mais

déterminée par la loi, de manière rationnelle et cohérente, en fonction de critères

objectifs.

902. C’est en raison du volume potentiel considérable de litiges à trancher, que la

juridiction constitutionnelle estime qu’une telle mesure se justifie par un souci de

bonne administration de la justice1975. Il s’agit, une fois encore, de l’illustration de

1974 Article 495 et s. du Code de procédure pénale.


1975 Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 préc., Cons. 11 : « Considérant, en premier lieu, qu'eu
égard aux particularités des délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au
public en ligne, il était loisible au législateur de soumettre la poursuite de ces infractions à des règles
spécifiques ; qu'en prévoyant que ces délits seraient jugés par le tribunal correctionnel composé d'un seul
magistrat du siège ou pourraient être poursuivis selon la procédure simplifiée, le législateur a entendu
prendre en compte l'ampleur des contrefaçons commises au moyen de ces services de communication [...] ».
516 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’acceptation constitutionnelle du juge unique et du grand pragmatisme du Conseil

en la matière, qui traduit, de toute évidence, une certaine indifférence quant au choix

du mode organisationnel des formations de jugement.

903. Enfin, en 2010, dans le cadre d’une question prioritaire1976, un syndicat de

magistrats administratifs contestait la constitutionnalité de l'article L222-1 du Code

de justice administrative1977, qui, tout en posant le principe de la collégialité des

formations administratives de jugement, habilitait le pouvoir réglementaire à

préciser les exceptions possibles à la règle. Selon les termes de la décision de

renvoi1978, les dispositions de cet article porteraient atteinte au principe d'égalité des

citoyens devant la justice, « faute pour le législateur d'avoir suffisamment encadré les

dérogations possibles au principe du caractère collégial des décisions rendues par la

juridiction administrative1979 ».

904. Il semblerait, à en lire le mémoire déposé devant le Conseil d’État et

l’argumentation développée par les requérants, reproduite en ligne sur le site du

syndicat1980, que le reproche adressé à cette disposition soit double. D’une part, elle

permettrait à certaines affaires de bénéficier de la collégialité, alors que d’autres

litiges seraient jugés par un magistrat statuant seul. Cette différence de traitement

juridictionnel induirait, par ailleurs, une conséquence directe en terme de garanties

procédurales, la collégialité s’accompagnant du principe du contradictoire et de la

publicité des audiences, tous deux absents des procédures à juge unique. En effet,

c’est l’article L222-1, qui sert de fondement légal à l’article R222-1, par lequel le

1976 Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010 préc.


1977 Article L222-1 du Code de justice administrative, alinéa premier : « Les jugements des tribunaux
administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous
réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger ».
1978 C.E., 16 juillet 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, n° 338829.
1979 Ibidem.
1980 Site internet de l’Union syndicale des magistrats administratifs : http://www.usma.fr/question-
prioritaire-de-constitutionnalite-article-l-222-1-du-code-de-justice-administrative, « Question prioritaire
de constitutionnalité : article L222-1 du Code de justice administrative », consulté le 20 février
2013.
La qualité du procès 517

pouvoir réglementaire détermine la liste des litiges, dans lesquels les présidents de

juridictions sont autorisés à statuer par la procédure allégée de l’ordonnance 1981. Au

regard de l’éviction de ces garanties procédurales, le syndicat requérant estimait que

le législateur, en prévoyant la dérogation de l’article L222-1, aurait dû encadrer plus

strictement le pouvoir réglementaire, dans la délégation qu’il lui a confiée d’édicter

la liste des contentieux jugés selon la procédure allégée par ordonnances. D’autre

part, la faculté consentie au juge unique de renvoyer en formation collégiale,

porterait également une forme d’atteinte à rebours, au principe d’égalité devant la

justice.

905. Sur la première contestation, il est manifeste que l’article L222-1 du Code de

justice administrative encadre l’action du pouvoir réglementaire, dans sa

détermination des catégories d’affaires, tranchées par un magistrat unique. Seuls

l'objet du litige et la nature des questions à juger peuvent lui permettre de fixer la

liste des contentieux échappant à la collégialité. L’arbitraire est donc exclu, puisque

deux affaires soulevant les mêmes questions juridiques, ou deux contestations

portant sur un objet identique, seront jugées nécessairement selon les mêmes formes

procédurales. C’est ici toute la différence avec le dispositif, prévu par le législateur de

1975 et censuré par le Conseil dans la décision du 23 juillet, que le syndicat requérant

invoquait. Quant à l’allègement des garanties procédurales dans ces différentes

hypothèses, il s’explique essentiellement par le caractère provisoire des mesures

susceptibles d’être prises. Néanmoins, même si le jugement prononcé n’est que

temporaire, dans l’attente de la décision de fond, il reste exécutoire 1982. De plus, il

revêt une importance non négligeable, tant les magistrats administratifs, notamment

au sein de la même juridiction, éprouvent quelque réticence à se désapprouver entre

eux.

1981 Cf supra n° 880 et s.


1982 PAILLET M., « L’exécution des jugements et le double degré en matière administrative », op. cit.,
p. 139.
518 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

906. Concernant le second grief, la possibilité offerte au juge unique, de renvoyer en

formation collégiale certains litiges, que l’objet et la nature des questions qu’ils

soulèvent avaient initialement placés dans la catégorie de ceux devant être tranchés

par un magistrat statuant seul, peut certes interroger au regard du principe d’égalité

devant la justice. Mais une telle faculté, dictée par un souci de bonne administration

de la justice, ne peut qu’être admise par la juridiction constitutionnelle. C’est

d’ailleurs ce qu’elle fit en 2002, dans le cadre du contrôle d’une disposition

permettant le renvoi d’une affaire, par la juridiction de proximité au tribunal

d’instance1983. Un tel rehaussement des garanties procédurales, ne pouvait

raisonnablement être apprécié comme une atteinte au principe d’égalité devant la

justice.

§ 2. Le respect imposé de l’autorité normative constitutionnellement

déterminée

907. Le Conseil impose, à l’acteur normatif déterminé par la Constitution, d’exercer

toute sa compétence. C’est ainsi qu’en 1975, le législateur essuya la censure de la

Haute juridiction, pour avoir délégué une prérogative que la norme fondamentale lui

accordait exclusivement (A). De là, s’ensuivit une certaine confusion, autour de

l’identification de l’autorité compétente pour apporter des dérogations à la

collégialité, qui n’est pas nécessairement le législateur, mais dépend du domaine

contentieux concerné (B).

1983 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 préc., Cons. 24 : « Considérant que le législateur a instauré
cette faculté de renvoi au tribunal d'instance, eu égard à la nature particulière de la juridiction de proximité
et dans un souci de bonne administration de la justice ; que cette procédure, qui constitue une garantie
supplémentaire pour le justiciable, ne porte pas atteinte, en l'espèce, à l'égalité devant la justice ».
La qualité du procès 519

A) La censure initiale de l’incompétence négative du législateur

908. Dans la décision de juillet 1975, le deuxième grief principal adressé à la loi, a été

soulevé d’office par le Conseil constitutionnel. En confiant au président du tribunal

de grande instance, c’est à dire à une autorité judiciaire, le soin de distribuer les

contentieux répressifs, soit à un magistrat unique, soit à une formation collégiale de

jugement, la disposition législative litigieuse violait la répartition constitutionnelle

des compétences1984.

909. Ce n’était certes pas la première fois qu’un tel moyen d’inconstitutionnalité était

invoqué par le Conseil, mais en matière de législation ordinaire, la chose était inédite.

La première censure de l’incompétence négative du législateur était intervenue le 26

janvier 19671985, à propos d’une loi organique relative au statut de la magistrature. Il

s’agissait d’une incompétence négative, dans sa forme la plus traditionnelle, c’est-à-

dire un cas de subdélégation explicite en faveur du pouvoir réglementaire.

910. Trois ans avant la jurisprudence « Juge unique »1986, le Conseil constitutionnel

avait déjà annulé un dispositif par lequel, le législateur organique cédait à chaque

assemblée parlementaire, la compétence qu’il tenait de l’article 25 de la Constitution,

pour déterminer l’autorité tenue de statuer sur les incompatibilités des députés et

sénateurs1987. Le constituant lui ayant confié le pouvoir de définir le régime des

incompatibilités parlementaires, il ne pouvait, à son tour, le déléguer à une autre

1984 Sur la question, Cf GALLETTI F., « Existe-t-il une obligation de bien légiférer ? Propos sur
« l’incompétence négative du législateur » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel »,
R.F.D.C., 2004, n° 58, p ; 387 ; MILANO L., « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi »,
op. cit.
1985 Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 préc.
1986 Décision n° 71-46 DC du 20 janvier 1972, Loi organique modifiant certaines dispositions du titre II de
l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux
incompatibilités parlementaires, JO, 25 janvier 1972, p. 1036.
1987 Idem, Cons. 3.
520 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

autorité, sauf à violer la norme fondamentale1988. Le domaine législatif est

indisponible et, comme l’écrira le professeur Jérôme TRÉMEAU quelques années

plus tard, il s’impose au législateur, qui ne peut décliner sa compétence sans

enfreindre la Constitution1989.

911. La situation de 1975 est toutefois différente. Le législateur ne cède pas sa

compétence à une autre autorité normative, qui fixerait à sa place, les règles

générales qu’il était tenu d’édicter, mais confie au président de juridiction, le pouvoir

discrétionnaire de répartir les litiges, au cas par cas, à des formations de jugement

différemment composées et ce, sans la moindre indication pour guider ses choix. Le

risque, comme le font remarquer Louis FAVOREU et Loïc PHILLIP1990, eut été, dans

le meilleur des cas, qu’il se forgeât une jurisprudence personnelle, selon des critères

qu’il aurait lui même établis.

912. Le sixième considérant de la décision1991 a cependant été la source de certaines

incompréhensions et l’objet d’interprétations hasardeuses. La question essentielle,

posée par Jean RIVERO1992, est la suivante : la solution établie par le Conseil

constitutionnel vaut-elle pour toutes les juridictions, ou s’applique-t-elle seulement

1988 Les motivations du Conseil constitutionnel n’étaient, sans doute, pas uniquement dictées par des
règles de compétences. Il s’agissait aussi de ne pas renouer avec les excès de IVe République,
durant laquelle les chambres disposaient d’une latitude quasi complète pour fixer les normes
régissant leur fonctionnement interne.
1989 TREMEAU J., La réserve de loi, Compétence législative et Constitution, Economica/P.U.A.M., Coll.
Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1997, p. 37 : « La réserve de loi tend à devenir une norme
opposable au législateur, supposant que celui-ci exerce effectivement la compétence que la Constitution lui
attribue, sans qu’il puisse s’en défausser, sous peine d’inconstitutionnalité… la réserve de loi constitue une
charge pour le Parlement, et non une simple faculté ».
1990 FAVOREU L. et PHILIP L., chron., Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit.,
p. 1320.
1991 « Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles
concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale
que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-
dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au
Conseil constitutionnel ; ».
1992 RIVERO J., note, Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit., p. 63. Jean RIVERO
n’envisage cette question que sous l’angle du principe d’égalité.
La qualité du procès 521

aux tribunaux pénaux ? En d’autres termes, la compétence du législateur s’imposait-

elle uniquement en raison des pouvoirs répressifs du tribunal correctionnel, puisque

l'article 34 de la Constitution réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la

procédure pénale ? Ou est-ce une compétence plus générale, quelle que soit la nature

du contentieux, dès qu’il s’agit de définir les exceptions à la forme collégiale des

juridictions ?

913. Les commentateurs de l’époque précédemment cités semblent plutôt pencher

pour la première hypothèse, Louis FAVOREU et Jean RIVERO mettant l’accent sur la

détermination, nécessairement législative, des règles de la procédure pénale. Ni l’un,

ni l’autre n’insistent d’ailleurs, outre mesure, sur l’apposition « s'agissant d'une

matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens », y voyant de toute

évidence, ce qui apparaîtra plus tard comme un obiter dictum, au regard de la

jurisprudence constitutionnelle sur l’incompétence négative, nullement circonscrite à

des hypothèses d’atteinte aux droits fondamentaux. Pour autant, tous les juristes qui

se sont penchés sur la question ne partagent pas nécessairement cette analyse.

B) L’absence de compétence exclusive du législateur pour déterminer

les exceptions à la collégialité

914. Une certaine doctrine, favorable à la collégialité, exprime un avis différent, en

forme de souhait, celui de voir la collégialité protégée par la compétence exclusive du

législateur, afin de la mettre à l’abri des atteintes éventuelles du pouvoir décrétal1993.

Marie-Anne COHENDET considère, par exemple, que le législateur est « seul

compétent pour déterminer les exceptions au principe de collégialité » et que, « cette

compétence s'explique par l'importance de la matière pour la garantie des droits et

1993 Cf GHEVONTIAN R., « Collégialité et Constitution», op. cit., p. 59 ; PARISI C., « L’extension du
système du juge unique en Europe », R.I.D.C., 2007, p. 657.
522 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

libertés1994 ». Partant d’une analyse audacieuse de la décision de 1975, elle développe

une théorie, à l’apparence d’un vibrant plaidoyer, en faveur de la collégialité des

formations de jugement1995.

915. Sa thèse, outre une manifeste et assumée inclination « politique1996 » pour la

forme collégiale des juridictions, repose sur deux postulats juridiques principaux :

l’existence de sources constitutionnelles qui fonderaient, selon elle, la compétence du

législateur (1) et l’interprétation de la passivité du Conseil, que le professeur Marie-

Anne COHENDET croit déceler à plusieurs reprises dans la jurisprudence

constitutionnelle (2). Sa position, intellectuellement séduisante, sera cependant

formellement démentie par la Haute juridiction en 2010, qui, par là même,

confirmera la constitutionnalité de l’institution du juge unique (3)1997.

1) Les supposés fondements constitutionnels de la compétence

exclusive de la loi pour aménager la collégialité

916. Marie-Anne COHENDET justifie la compétence exclusive du législateur pour

déroger au principe de collégialité, par deux sources constitutionnelles, tirées de

l’article 34 de la Constitution, qui fondent la compétence du législateur en matière de

libertés publiques (a), ainsi qu’en matière de création de nouveaux ordres de

juridiction (b).

1994 COHENDET M.-A., « Vers une généralisation du juge unique ? », A.J.D.A., 2006, p. 1465.
1995 COHENDET M.-A., « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 713.
1996 Idem, p. 722, le second paragraphe de la première section (I-B) intitulé « POUR LA
RECONNAISSANCE DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE CE PRINCIPE ».
1997 GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, op. cit.
La qualité du procès 523

a) La compétence législative en matière de libertés publiques

917. Le premier alinéa de l’article 34 dispose que « la loi fixe les règles concernant les

(…) garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés

publiques (…) ». De manière assez classique, son premier argument repose sur les

qualités qu’elle prête à la collégialité, comme garantie d’indépendance et

d’impartialité des tribunaux, dont celle-ci serait la condition essentielle, en même

temps que le corollaire. Le droit de voir sa cause entendue par un tribunal

indépendant et impartial, posé directement par l’article 6, paragraphe 1 de la

Convention européenne des droits de l’homme et, dont le fondement constitutionnel

réside dans l’article 16 de la déclaration de 17891998, est un droit fondamental1999,

protégé tant par la Cour de Strasbourg que par le Conseil constitutionnel 2000. En

conséquence, le droit à l’indépendance et à l’impartialité du tribunal doit

nécessairement bénéficier d’une protection, au moins aussi satisfaisante que celle

dont profitent les libertés publiques, puisque ces dernières ne représentent

aujourd’hui, qu’une infime partie des droits fondamentaux2001, dont le respect

s’impose aux pouvoirs publics2002.

1998 Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 préc., Cons. 23.


1999 Les deux exigences permettant de caractériser un droit fondamental sont satisfaites : l’ancrage à un
très haut niveau de la hiérarchie des normes juridiques et la protection par l’intermédiaire du
contrôle effectué par une juridiction constitutionnelle ou conventionnelle.
2000 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc., Cons. 27.
2001 PICARD E., « L'émergence des droits fondamentaux en France », A.J.D.A., 1998, p. 6 ; MEINDL F.-
X. T., La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et
allemandes, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2003 ; sur
l’origine de la notion, JOUANJAN O., « Une origine des « droits fondamentaux » en Allemagne : le
moment 1848 », R.D.P., 1er mai 2012, n° 3, p. 766 ; sur l’évolution sémantique de la notion,
CHAMPEIL-DESPLATS V., « Des « libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : effets et
enjeux d’un changement de dénomination », Jus Politicum, n° 5, Mutation ou crépuscule des
libertés publiques ?, Site internet : http://www.juspoliticum.com/Des-libertes-publiques-aux-droits.html,
consulté le 20 février 2013.
2002 Cette formulation est apparue dans le droit positif français, dans le cadre de la jurisprudence
constitutionnelle en 1990, Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions
relatives à la sécurité sociale et à la santé, JO, 24 janvier 1990, p. 972, Cons. 33 : « Considérant que le
législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques à la condition de respecter les
engagements internationaux souscrits par la France et les libertés et droits fondamentaux de valeur
constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ».
524 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

918. Le législateur serait donc seul compétent pour organiser le régime juridique,

garantissant l’indépendance et l’impartialité des juridictions et, puisqu’il en est le

nécessaire corollaire, pour apporter des dérogations au principe de collégialité. Le

raisonnement est astucieux, mais il comporte une faiblesse structurelle qui a déjà été

signalée : le lien, entre la collégialité et le rôle indispensable qu’elle jouerait sur

l’indépendance2003 et l’impartialité2004 des tribunaux, est fragile et ténu. De

nombreuses expériences étrangères, notamment dans les pays de Common law,

démontrent à l’envi que la « collégialité à la française », n’est pas la seule

organisation juridictionnelle, gage de jugement indépendant et impartial2005.

b) La compétence législative en matière de création de

nouveaux ordres de juridiction

919. L’article 34 de la Constitution confie également, au seul législateur, le pouvoir de

fixer les règles relatives à « la création de nouveaux ordres de juridiction ». Marie-Anne

COHENDET reprend alors à son compte, un raisonnement élaboré par le président

Jaques ARRIGHI de CASANOVA2006, qui tend à démontrer qu’une règle procédurale,

telle que celle qui modifie le nombre de membres d’une juridiction, transforme les

éléments constitutifs de cette dernière, puisqu’elle en change la composition. Or,

toute règle constitutive d’une entité en affecte nécessairement la création et de ce fait,

relèverait donc de la compétence exclusive du législateur.

2003 Cf supra n° 852 et s.


2004 Cf supra n° 858 et s.
2005 Cf supra n° 844 et s.
2006 ARRIGHI de CASANOVA J., « Commentaire de l’ordonnance n° 2000-387 du 4 mai 2000 relative à
la partie législative du Code de justice administrative ; Commentaire des décrets n° 2000-388 et
2000-389 du 4 mai 2000 relatifs à la partie réglementaire du Code de justice administrative »,
A.J.D.A., 2000, Chroniques, p. 639 et s.
La qualité du procès 525

920. Tous les auteurs ne partagent pas cet avis. Ainsi, le professeur René CHAPUS

estime que « le juge unique ne constitue (...) pas une juridiction distincte : il reste membre

de la juridiction collégiale dont il n’est qu’une émanation provisoire 2007 ». C’est ainsi que M.

CHAPUS justifie le renvoi toujours possible d’une affaire, du juge unique vers la

formation collégiale, alors même que les textes peuvent rester muets sur la

question2008. Par ailleurs, la jurisprudence administrative incline vers la même

position : le magistrat statuant seul n’est pas une juridiction nouvelle, mais

seulement une forme procédurale particulière du tribunal dont il fait partie2009. Une

fois encore, l’exclusive intervention du législateur pour s’écarter de la collégialité ne

semble donc pas tout à fait démontrée de manière irréfutable.

2) La supposée passivité du Conseil constitutionnel face à un

possible empiètement de la loi sur le domaine réglementaire

921. Marie-Anne COHENDET avance un autre argument pour étayer sa thèse. Lors

de la décision du 20 juillet 20062010, le Conseil devait apprécier la constitutionnalité

d’une disposition, permettant au président du tribunal administratif, de statuer seul

sur les recours introduits par les étrangers placés en rétention, contre les refus de

séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français. Ce texte législatif

prévoyait donc une exception au principe de collégialité, dans un souci d’efficacité et

2007 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit.


2008 La possibilité de renvoi à la collégialité n’est explicitement mentionnée qu’aux articles R222-19 et
L522-1 du Code de justice administrative.
2009 C.E., 13 juillet 1956, Piéton-Guibout, n° 37649 ; n° 37779, Rec. p. 338, A.J.D.A., 1956, II, p. 321, concl. J.
CHARDEAU, p. 339, chron. FOURNIER J. et BRAIBANT G. : « Considérant que la disposition précitée
de l'article 24 de la loi du 22 juillet 1889 modifiée par la loi du 28 novembre 1955, en confiant au président
du Tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue le pouvoir de prendre, en cas d'urgence, toutes
mesures utiles, a entendu non pas instituer une juridiction nouvelle distincte du Tribunal administratif et
dotée d'une compétence propre, mais seulement organiser, dans le cadre de ce Tribunal, une procédure
particulière dans laquelle, à raison de l'urgence, le président du Tribunal administratif ou le magistrat qu'il
délègue est habilité à statuer aux lieu et place du Tribunal ; ».
2010 Décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, Loi relative à l'immigration et à l'intégration, JO, 25 juillet
2006, p. 11066.
526 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

de célérité, eu égard à la situation particulière du requérant. Le juge constitutionnel

considéra cependant, que la collégialité n’était pas remise en cause par une telle

procédure juridictionnelle. Sur le terrain de la compétence, répondant à la question

qu’elle avait initialement posée2011, Mme COHENDET croit déceler dans cette décision,

la compétence exclusive de la loi pour déroger à la collégialité des juridictions 2012».

Son raisonnement repose sur le silence observé par la Conseil constitutionnel, qui n’a

pas déclassé l’article 57 de la loi, permettant les dérogations à la forme collégiale des

juridictions. Elle en conclut que c’est une forme d’acceptation tacite de la compétence

législative en la matière2013.

922. Cet argument n’emporte pas totalement l’adhésion. Certes, l’année

précédente2014, le juge constitutionnel avait signalé, dans un texte législatif, la

présence de dispositions qui présentaient manifestement un caractère

réglementaire2015. Mais, même si cette décision constituait bien une inflexion

jurisprudentielle importante à la décision « Blocage des prix et des revenus2016 » de

1982, elle ne la remettait que partiellement en cause2017. En effet, l’empiètement du

législateur sur la compétence du gouvernement ne constituait pas un motif

d’inconstitutionnalité, le Conseil signalant seulement, dans le dispositif, que les

articles 19, 22, 33 et 34 de la loi avaient un caractère réglementaire. Ce qui fait écrire

au professeur Jean-Bernard AUBY que « la solution de la décision Blocage... n'est pas

2011 « La décision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 2006 relative à la loi sur l'immigration permet-elle au
gouvernement de généraliser le recours au juge unique par voie réglementaire ou bien l'oblige-t-elle à
recourir à la voie législative ? », COHENDET M.-A, « Vers une généralisation du juge unique ? »,
op. cit., p. 1465.
2012 COHENDET M.-A., « La collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition », op. cit.,
p. 724.
2013 Le professeur Marie-Anne COHENDET aurait d’ailleurs pu émettre exactement la même
remarque à propos de la décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 préc., qui étendait la pratique du
juge unique devant les juridictions judiciaires et administratives.
2014 Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, JO,
24 avril 2005, p. 7173.
2015 Idem, Cons. 23.
2016 Décision 82-143 DC du 30 juillet 1982 préc.
2017 « par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une
disposition de nature réglementaire contenue dans une loi (...) ", Idem, Cons. 11.
La qualité du procès 527

démentie2018 ». La Haute juridiction n’affirme pas que ces dispositions sont contraires à

la Constitution, elle se contente de signaler leur nature réglementaire, à l’image de la

démarche qui est la sienne, quand elle est saisie dans le cadre de la procédure de

l'article 37, alinéa 22019. De surcroît, le grief d’inconstitutionnalité, lié à la présence

dans la loi de 2005, « de nombreuses dispositions sans aucune portée législative... en

contradiction avec les articles 34 et 37 de la Constitution2020 », était soulevé par les auteurs

de la saisine, ce qui n’est pas le cas dans la décision sur la loi relative à l'immigration

et à l'intégration de 2006. Sauf à considérer qu’il constitue un motif d’ordre public, il

est donc plutôt audacieux d’en tirer un quelconque enseignement sur la valeur

normative des dispositions contrôlées.

3) La confirmation de l’absence de compétence exclusive du

législateur en matière de dérogations à la collégialité

923. La position défendue par Marie-Anne COHENDET sera démentie par le Conseil

constitutionnel, dans la décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, précédemment

citée, dans laquelle la Haute juridiction juge que les dispositions de la procédure

administrative contentieuse relèvent bien de la compétence du règlement, « dès lors

qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 de la

Constitution2021 ». L’affirmation est d’autant plus remarquable, que le motif n’avait

pas été invoqué par le requérant. Le Conseil constitutionnel a donc tenu à rappeler

cette répartition des compétences, qu’il avait déjà posée dans la décision n° 88-153 L

du 23 février 19882022, laquelle ne faisait d’ailleurs qu’appliquer au droit processuel, le

2018 AUBY J.-B., « L'avenir de la jurisprudence Blocage des prix et des revenus », Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2005, n° 19, p.107.
2019 Ibidem.
2020 Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 préc., Cons. 22.
2021 Décision n° 2010-54 QPC préc., Cons. 3.
2022 Décision n° 88-153 L du 23 février 1988, Nature juridique de dispositions contenues dans les articles 8,
140 et 143 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des
528 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

principe général dégagé en 19592023 : quelle que soit la matière, c’est au pouvoir

réglementaire d’exécution d’intervenir pour fixer les règles de détail. À partir du

moment où les règles d’application se contentent de mettre en œuvre les orientations

du législateur, sans les mettre en cause, elles ressortent du domaine du règlement. Le

Conseil d’État adopte d’ailleurs, sur cette question, la même position que son voisin

du Palais Royal2024. Appliqué à l'article L222-1 du Code de justice administrative,

contesté dans la décision d’octobre 2010, le principe permet au législateur de fixer

seulement les critères de répartition des contentieux (l'objet du litige et la nature des

questions à juger), laissant au pouvoir réglementaire, le soin de déterminer la liste

des catégories de litiges pouvant être jugés par un magistrat unique.

924. En d’autres termes, la compétence normative suit la matière contentieuse et non

l’action procédurale. Par conséquent, si le législateur est effectivement seul

compétent pour apporter des exceptions au principe de collégialité en matière

pénale, cela relève, en revanche, des prérogatives du pouvoir réglementaire en

procédure civile et en contentieux administratif, à partir du moment où les mesures

qu’il a prises, ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par la

Constitution, ni aucun principe de valeur constitutionnelle. Dans certains pays

comme l’Allemagne, le recours au juge unique ne relève pas des compétences du

législateur2025, puisque les chambres du tribunal concerné peuvent décider de confier

à un magistrat statuant seul, un litige dépourvu de difficultés particulières et n’ayant

pas une portée de principe.

entreprises, JO, 25 février 1988, p. 2647, Cons. 2 : « les dispositions de la procédure à suivre devant les
juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne concernent pas la procédure pénale
et qu’elles ne mettent en cause aucune des règles, ni aucun des principes fondamentaux placés par la
Constitution dans le domaine de la loi ».
2023 Décision n° 59-1 L du 27 novembre 1959 préc.
2024 C.E., 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253 préc.
2025 A l’exception des procédures d’urgence en matière d’asile, confiées par la loi à un juge unique.
La qualité du procès 529

925. La collégialité, inhérente à la culture juridique française et à son histoire

judiciaire, a connu, dans une période récente, un recul significatif, mais d’une

ampleur variable selon les contentieux. Si, à la suite du président Vincent

LAMANDA, lors de son installation à la Cour de la cassation 2026, il n’est guère permis

de douter de ses vertus, le juge unique présente aussi quelques qualités intrinsèques,

qui ne sont sans doute pas étrangères à son expansion. Nonobstant ces

considérations, l’ascension du magistrat statuant seul a été rendue possible par la

jurisprudence de la rue de Montpensier, pour qui, la collégialité des juridictions n'est

pas un principe d'organisation juridictionnelle, ayant valeur constitutionnelle. Dès

lors que sont respectées l’égalité entre les justiciables et la compétence des pouvoirs

publics, déterminée par les articles 34 et 37 de la Constitution, la mise en place du

juge unique répond aux exigences fixées par le juge constitutionnel. Ainsi, si elle

demeure toujours le principe en droit processuel français, la collégialité doit

cohabiter, de plus en plus souvent, avec un magistrat unique, mieux adapté aux

situations d’urgence et de proximité. Cette alternance organisationnelle, mise en

place sous le regard bienveillant mais rigoureux du Conseil constitutionnel, permet à

la magistrature française d’œuvrer dans un souci de bonne administration de la

justice2027, dans l’intérêt premier du justiciable.

2026 « Ne doutez pas des vertus de la collégialité. Elle est le propre de la magistrature », Discours prononcé par
le Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, lors de l’audience solennelle
d’installation, le 30 mai 2007, Site internet de la Cour de cassation :
http://www.courdecassation.fr/institution_1/occasion_audiences_59/installation_chefs_70/premier_presiden
t_10464.html, consulté le 25 janvier 2013.
2027 APCHAIN H., « Retour sur la notion de bonne administration de la justice », op. cit., p. 587 ;
LAVAL N., « La bonne administration de la justice », op. cit., p. 12.
La qualité du procès 531

CHAPITRE 2 : LE DROIT « CONSTITUTIONNEL » À LA MOTIVATION DES


DÉCISIONS DE JUSTICE

926. En France, le principe de motivation des décisions juridictionnelles semble jouer

un rôle central, dans l’objectif de qualité attendu raisonnablement d’une décision de

justice. Sa généralisation à l’ensemble des contentieux inciterait fortement à l’intégrer

au sein des droits fondamentaux du procès, dans une vision universaliste 2028 et, peut-

être, un peu idéaliste, du droit processuel. Pourtant, cette obligation de motivation

semble en recul, sous l’influence principale de deux acteurs normatifs.

927. D’une part, le législateur dispense parfois le juge de cet exercice exigeant, voyant

dans cet allégement procédural, un moyen d’améliorer la célérité du procès. Ainsi,

tout un pan du droit, particulièrement le droit du divorce, est caractérisé par cette

dispense de motivation. À titre d’exemple, en matière de divorce pour faute, l’article

248-1 du Code civil2029 (repris dans l’article 1128 du Code de procédure civile)

autorise le juge, sur demande des époux, à ne pas mentionner, dans la décision, leurs

torts et leurs griefs. La Cour de cassation a considéré, à deux reprises 2030, que cette

disposition ne heurtait pas le droit au procès équitable, posé par l’article 6,

paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

928. D’autre part, l'obligation de motiver fait l'objet de contournements fréquents de

la part des juges eux-mêmes, pour lesquels elle représente une contrainte excessive,

au regard de leur volume de travail et des exigences de « productivité » qui leur sont

demandées. Les jugements, brièvement motivés ou au moyen de motifs stéréotypés,

2028 GUINCHARD S., « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », op. cit., p. 209.
2029 « En cas de divorce pour faute et à la demande des conjoints, le juge aux affaires familiales peut se limiter à
constater dans les motifs du jugement qu'il existe des faits constituant une cause de divorce, sans avoir à
énoncer les torts et griefs des parties ».
2030 Cass. 2ème civ., 20 mars 1991, pourvoi n° 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n° 88, p. 48 ; Cass. 2ème civ., 1er
avril 1998, pourvoi n° 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n° 116, p. 69.
532 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ne sont plus rares et les juridictions suprêmes ne rendent pas toujours des décisions,

brillant par l’éloquence et la pédagogie des motifs qui y sont développés.

929. En conséquence, la motivation qui devrait être un élément incontournable et

surtout inséparable de l’activité juridictionnelle2031, se trouve dotée, selon les

contentieux, d'une valeur inégale. Malgré des fondements historiques et juridiques,

solidement enracinés dans la tradition judiciaire française (Section 1), le Conseil

constitutionnel, à l’instar de la Cour européenne des droits de l'homme, ne semble

pas lui accorder une place privilégiée, parmi les droits fondamentaux procéduraux.

Au-delà d’un socle d’exigences minimales, l’acceptation constitutionnelle des

décisions de justice succinctement motivées traduit cette obligation, à géométrie

variable, de motivation des décisions de justice (Section 2).

Section 1 Les bases historiques et juridiques de la motivation des décisions de

justice

930. Si elle semble aujourd’hui difficilement détachable de l’essence même d’un

jugement, dont elle constitue, avec les visas et le dispositif, le triptyque plancher

d’acceptabilité, il n’en fut pas toujours ainsi dans l’histoire judiciaire (§ 1.). Pourtant,

la motivation est solidement ancrée dans notre système juridique, tant sa raison

d’être est profonde et ses fondements constitutionnels solides (§ 2.).

§ 1. Une absence de motivation historiquement envisagée

931. Alors qu’elle peut apparaître comme consubstantielle à l’idée même de

jugement, l’obligation de motivation des décisions de justice est pourtant récente,

2031 Cf MASTOR W. et (de) LAMY B., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
D, 5 mai 2011, p. 1154 : « Il n'est pas même pertinent de se demander s'il existe ou non un droit « à » la
motivation. La motivation est consubstantielle à l'activité de juger : « je juge donc je motive » ».
La qualité du procès 533

dans l’histoire juridictionnelle française. En effet, son inscription dans un texte

normatif ne remonte guère qu’à la loi des 16-24 août 1790, qui décrit dans l’article 15

du Titre V, l’articulation des parties, au nombre de quatre, qui doivent composer un

verdict judiciaire2032. Dans le troisième volet de la décision, doivent être exprimés,

outre « le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction », « les motifs qui auront

déterminé le jugement ». Il s’agit là du premier fondement, à l'impératif général de

motiver les jugements.

932. Auparavant, la non-motivation des décisions de justice constituait le principe,

atténué seulement par quelques rares exceptions, des jugements épars, dans lesquels

l’affirmation d'une règle de droit, dans le but d’en conserver une trace écrite pour le

futur, tient lieu de motifs, sans le moindre syllogisme judiciaire 2033. L’une des

principales raisons de cette absence de motifs, dans les verdicts juridictionnels, était

de permettre aux Parlements d’Ancien Régime, au premier rang desquels celui de

Paris, d’asseoir leur autorité à l'égard de la Cour du Roi, en excluant toute forme de

justification des sentences prononcées. De plus, cette pratique était en parfaite

harmonie avec les droits savants, notamment le droit romain, dont les deux

principales procédures de recours à l'autorité publique2034 étaient dépourvues de

toute forme de motivation2035.

2032 L’article 15 du Titre V de la loi des 16-24 août 1790 dispose : « La rédaction des jugements, tant sur
l’appel qu’en première instance, contiendra quatre parties distinctes.
Dans la première, les noms et les qualités des parties seront énoncés.
Dans la seconde, les questions de fait et de droit qui constituent le procès seront posées avec précision.
Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction, et les motifs qui auront
déterminé le jugement, seront exprimés.
La quatrième enfin contiendra le dispositif du jugement ».
2033 GIUDICELLI-DELAGE G., « La motivation des décisions de justice », Thèse dactyl., Poitiers, 1979,
p. 30 et 40.
2034 La procédure formulaire et la procédure extraordinaire.
2035 GIUDICELLI-DELAGE G., « La motivation des décisions de justice », op. cit., p. 24.
534 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

933. Le XVe siècle marque une première évolution, avec l’apparition des recueils

d’arrêts et dictionnaires de jurisprudence, dans lesquels les arrestographes2036, dont la

grande majorité appartient au barreau, précisent les motifs de droit ou de fait, qui ont

présidé à la décision finale. Même s’ils furent fort décriés, le chancelier

d'AGUESSEAU, par exemple, déconseillant leur lecture dans ses « Instructions sur

les études propres à former un magistrat2037 », ces ouvrages n’en constituent pas

moins, la source privilégiée des historiens du droit, pour appréhender la pratique

judiciaire d’Ancien Régime.

934. Au XVIe siècle, les recueils de jurisprudence ont ainsi contribué, de manière

essentielle, à la prise de conscience collective, de la nécessité de comprendre le

raisonnement juridique, qui amène le magistrat à statuer dans un sens ou dans un

autre. Cela semble d’autant plus nécessaire, avec l’apparition des juridictions d’appel

ou de cassation, qui ont besoin de connaître les motifs du jugement de premier

ressort, afin d’apprécier la nécessité de le réformer. Ainsi, le Conseil du Roi,

juridiction de cassation des arrêts des Parlements, demandait à ces derniers, la

transmission des causes ayant déterminé leur position. Sensibilisés par les carences

de la justice répressive, il n’est guère surprenant, que la motivation des jugements

devienne une revendication de la noblesse et du tiers état, lors de la réunion des États

généraux à Orléans en 1560, sous l’égide de Catherine de MÉDICIS, mais sans

résultat probant.

935. Alors qu’elle est pourtant relayée par les philosophes du siècle des Lumières,

notamment VOLTAIRE, qui prit position dans la célèbre affaire Calas2038, la demande

de suppression des verdicts non motivés ne devait être effective qu’avec la période

2036 La littérature juridique désigna aussi sous le nom « d’arrêtistes », ces magistrats ou avocats qui ont
pour principal objectif de recueillir et de commenter la jurisprudence des cours souveraines du
royaume.
2037 d’AGUESSEAU H.-F., « Instructions sur les études propres à former un magistrat », Œuvres de M.
le chancelier d’Aguesseau, I, Paris, 1759.
2038 Afin d'obtenir la réhabilitation de Jean CALAS, VOLTAIRE publia, en 1763, l'ouvrage « Traité sur
la tolérance ».
La qualité du procès 535

révolutionnaire. Même la réforme judiciaire de mai 1788, initiée par le garde des

sceaux LAMOIGNON, ne permit qu'une extension partielle, de l'obligation de

motiver les décisions de justice, l’un des six édits se contentant d’imposer, aux arrêts

prononcés en matière répressive, la mention de la qualification juridique précise des

crimes ou des délits concernés.

936. La première exigence de motivation en matière pénale, même si elle n’est

qu’embryonnaire, émane du décret des 8-9 octobre 17892039, qui contraint les juges à

inclure dans la décision de condamnation, le récit des faits les ayant conduits au

verdict. Mais, ce n’est qu’avec la disposition de la loi des 16-24 août 1790, mentionnée

précédemment, que l’obligation de motivation des jugements trouve une véritable

traduction contraignante. Celle-ci sera suivie d’une inscription constitutionnelle 2040,

dans le texte fondamental du Directoire, la Constitution du 5 Fructidor An III, qui

dispose, en son article 208, que « les séances des tribunaux sont publiques ; les juges

délibèrent en secret ; les jugements sont prononcés à haute voix ; ils sont motivés, et on y

énonce les termes de la loi appliquée ».

937. Bénéficiant alors de l’autorité attribuée à la norme suprême, l’obligation de

motivation sera effective grâce à la loi du 20 avril 18102041, qui sanctionne par la

nullité, les jugements qui n’auraient pas respecté cette prescription2042. À partir du

2039 L’article 22 du décret des 8-9 octobre 1789 dispose que « Toute condamnation à une peine afflictive ou
infamante, en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l’accusé sera
condamné, sans qu’aucun juge puisse jamais employer la formule " Pour les cas résultant du procès " ».
2040 Cette mention dans la Constitution de l’an III, est la seule de toute l’histoire constitutionnelle
française, à l’exception du projet de Constitution du 19 avril 1946, rejeté par référendum le 5 mai,
qui disposait, dans son article 9, que « Nul ne peut être maintenu en détention s'il n'a comparu dans les
quarante-huit heures devant un juge appelé à statuer sur la légalité de l'arrestation et si ce juge n'a
confirmé, chaque mois, la détention par décision motivée ».
2041 Loi n° 5351 du 20 avril 1810 sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice.
2042 L’article 7 de la loi du 20 avril 1810 dispose : « Les arrêts qui ne sont pas rendus par le nombre de juges
prescrit, ou qui ont été rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, ou qui
n'ont pas été rendus publiquement, ou qui ne contiennent pas les motifs, sont déclarés nuls ».
536 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

début du XIXe siècle2043, le principe de la motivation obligatoire, sera

systématiquement inséré dans tous les Codes de procédure, qu’il s’agisse

d’infractions pénales2044, de jugements civils2045 ou de contentieux administratifs2046.

Cette inscription lui conférera le champ d’application matériel le plus large possible

et une valeur normative qui, même si elle n’est pas positionnée au sommet de la

hiérarchie, comme cela peut être le cas dans certains pays d’Europe occidentale 2047,

n’en demeure pas moins significative2048. Il faut dire que la motivation des décisions

juridictionnelles dispose de solides fondements, tant théoriques que juridiques.

2043 Sa première inscription, dans un code procédural, remonte à l’article 163 du Code d'instruction
criminelle de 1808, qui prévoit que « Tout jugement définitif de condamnation sera motivé, et les termes
de la loi appliquée y seront insérés, à peine de nullité ».
2044 L'article 485 du Code de procédure pénale (concernant le tribunal correctionnel) dispose : « Tout
jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la décision », alors que
l’article 593 du même Code sanctionne l’inobservation du principe : « Les arrêts de la chambre de
l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas
des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son
contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ». Les dispositions de l’article 485 sont
étendues au tribunal de police et à la juridiction de proximité, par le biais de l’article 543, qui
dispose que « Sont applicables à la procédure devant le tribunal de police et devant la juridiction de
proximité les articles 475-1 à 486 concernant les frais de justice et dépens, la restitution des objets placés
sous la main de la justice et la forme des jugements ».
2045 L’article 455 du Code de procédure civile dispose que « Le jugement doit être motivé », alors qu’à
l’instar du Code de procédure pénale, l’article 458 prévoit que « Ce qui est prescrit par les articles [...]
455 (alinéa 1) [...] doit être observé à peine de nullité ».
2046 L'article L9 du Code de justice administrative dispose : « Les jugements sont motivés ».
2047 L’article 111 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 dispose : « Toutes
les mesures juridictionnelles doivent être motivées ». L’article 149 de la Constitution belge du 17 février
1994 dispose, quant à lui, que « Tout jugement est motivé ».
2048 L’obligation de motivation a valeur législative en matière pénale et administrative, réglementaire
en matière civile.
La qualité du procès 537

§ 2. Les fondements de la motivation des décisions de justice

938. Tant par ses qualités et par les fonctions qu’elle exerce dans la structure du

jugement (A), que par son ancrage constitutionnel (B), même indirect, la motivation

est une partie irréductible d’un verdict judiciaire, nécessaire à son accessibilité et à

son intelligibilité.

A) Les fondements théoriques

939. La motivation est une qualité indéniable du jugement et par extension, de la

justice, ce qui explique que la loi l’impose dans la quasi-totalité des contentieux. Nul

ne songerait raisonnablement à le contester aujourd’hui, certains auteurs ayant, dès

le XVIIIe siècle, déclaré par anthropomorphisme, que « le motif étant l'âme du jugement,

se servir d'un arrêt sans en rapporter les motifs c'est se servir d'un corps sans âme 2049 ». De

tels propos, sans être dénués de toute raison, sont, sans doute, un peu excessifs, mais

ont le mérite de souligner l’importance des motifs, dans une décision de justice et ce,

au moins à trois égards, ou plus exactement, à l’intention de trois destinataires

clairement identifiés : les parties au procès (1), le juge (2) et enfin, la juridiction

chargée du contrôle de la décision (3).

1) La fonction de la motivation à l’égard des parties

940. Les principaux bénéficiaires de la motivation d’un jugement sont les parties au

procès, qui peuvent ainsi comprendre les raisons syllogistiques ayant amené la

juridiction à se prononcer, ce qui facilite inéluctablement l’acceptation de la décision.

Motiver permet ainsi de porter à la connaissance des principaux intéressés, les étapes

2049 FERRIERES C.-J., Dictionnaire de droit et de pratique, Paris, 1779.


538 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

logiques du raisonnement intellectuel, qui ont permis de déboucher sur le dispositif

final. L’articulation des éléments du dossier, qualifiés juridiquement et appréciés au

regard des faits de l’espèce, doit permettre aux parties et notamment à celle qui a

succombé, d’apprécier le cheminement dialectique du juge l’ayant conduit jusqu’au

verdict et, de pouvoir ainsi, si ce n’est le partager, tout au moins l’accepter.

941. C’est la ligne jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l’homme,

dans l'affaire Taxquet contre Belgique du 16 novembre 2010, qui précise d’abord, que

« pour que les exigences d'un procès équitable soient respectées, le public, et au premier chef

l'accusé, doit être à même de comprendre le verdict qui a été rendu2050 », avant de rajouter

que « la motivation a également pour finalité de montrer aux parties qu'elles ont été

entendues et, ainsi, de contribuer à une meilleure acceptation de la décision 2051 ». Les motifs

d’une décision de justice ont bien, aux yeux du juge strasbourgeois, cette double

finalité pédagogique à l’intention du justiciable. Dans le cadre d’un procès pénal, la

motivation du verdict ne concerne d’ailleurs pas uniquement l’accusé. Les parties

civiles, qui sont les plus affectées par les faits mis en jugement, puisque ce sont elles

qui ont subi, directement ou indirectement, des dommages souvent irréparables,

doivent être à même de comprendre pourquoi leur cause n’a pas été entendue.

2) La fonction de la motivation à l’égard du juge

942. Loin d’être une contrainte à la charge de celui qui la pense et la rédige, la

motivation est surtout un paravent, pour protéger le juge contre les tentations

humaines les plus arbitraires2052 et minimiser les risques de partialité. C’est, pour le

Conseil constitutionnel, comme pour la Cour européenne des droits de l’homme, qui

2050 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique, requête n° 926/05, § 90.


2051 Idem, § 91.
2052 GJIDARA S., « La motivation des décisions de justice : impératifs anciens et exigences nouvelles »,
L.P.A., n° 105, 26 mai 2004, p. 3.
La qualité du procès 539

se rejoignent sur ce point, une fonction essentielle attribuée aux motifs dans un

jugement.

943. La juridiction constitutionnelle estime, en effet, avec une louable constance, que

la motivation des décisions de justice constitue une garantie fondamentale contre

l’arbitraire. Elle a eu l’occasion de l’affirmer une première fois en 1999, lors de

l’examen du statut de la Cour pénale internationale2053. Le Conseil constitutionnel

réitérera sa position, à deux reprises et de manière strictement identique, en 2011, en

considérant qu’il « appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des

règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans [...] le

jugement des personnes poursuivies2054 » et que, « l'obligation de motiver les jugements et

arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle2055 ».

944. Le propos ne laisse guère d’espace à l’interprétation : la motivation des

jugements répressifs est une garantie qui doit être mise en œuvre par le législateur,

afin que soit respectée, l’exigence constitutionnelle d’évincement de tout pouvoir

arbitraire des juridictions. Si, toutefois, le législateur peut dispenser de motivation

certains verdicts, dans des contentieux bien circonscrits, ce n’est qu’à la condition de

prévoir des garanties compensatrices2056. De son côté, la Cour européenne envisage la

motivation comme « un rempart contre l’arbitraire » et considère « qu’elle est

indispensable à la qualité même de la justice2057 », ce qui ne surprendra guère, quand on

2053 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc., Cons. 22 : « sont également de nature à éviter
l'arbitraire la motivation, exigée par l'article 74 du statut, de la décision rendue par la chambre de première
instance ».
2054 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 11 ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août
2011 préc., Cons. 22.
2055 Ibidem.
2056 Idem, Cons. 11 : « si la Constitution ne confère pas à cette obligation un caractère général et absolu,
l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées
par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire ».
2057 C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique, requête n° 926/05, § 43.
540 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

sait que « la prééminence du droit et la lutte contre l'arbitraire sont des principes qui sous-

tendent la Convention2058 ».

945. La motivation va non seulement, permettre de vérifier la neutralité intellectuelle

du juge, mais aussi de limiter les risques potentiels de partialité. L’obligation de

motivation est une conséquence du droit à un tribunal impartial2059. En d’autres

termes, c’est parce que le justiciable a droit à un tribunal impartial, que les jugements

doivent être motivés. Elle est, en quelque sorte, la partie visible et l’instrument

d’évaluation de l’impartialité du procès, dans la mesure où elle est le prolongement

logique et écrit des débats contradictoires2060.

946. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme sont, à ce titre, les

exemples jurisprudentiels les plus significatifs, décrivant avec une minutie inégalée,

les détails des faits de l’espèce ainsi que le raisonnement syllogistique du juge, dont il

est alors aisé d’apprécier la cohérence juridique qui l’a conduit jusqu’au dispositif. À

ce titre, la Cour de Strasbourg n’accepte, que sous de rigoureuses conditions, la

motivation minimale d’une juridiction de renvoi, par simple reproduction des motifs

utilisés par le juge de premier ressort, laissant suspecter un défaut d’impartialité, par

absence de deuxième regard sur l’affaire2061. Néanmoins, l’utilisation de notions

génériques, sans rapprochement avec les faits concernés2062, ni qualification juridique

2058 Idem, § 90.


2059 BORÉ L., « La motivation des décisions de justice et la Convention E.D.H. », J.C.P., 2002, I, p. 121.
2060 FRISON-ROCHE M.-A., « L'impartialité du juge », op. cit., p. 55.
2061 C.E.D.H., 26 septembre 1995, Diennet c/ France, requête n° 18160/91, série A, n° 325 ; R.U.D.H., 1996,
p. 15, obs. SUDRE F. Dans ce cas précis, la Cour accepte la motivation de la juridiction de
cassation, par simple incorporation des motifs des juges de première instance et ne conclut pas à la
partialité du tribunal, pour la seule raison que le jugement avait été cassé pour vice de procédure,
sans que le justiciable n’invoque de moyens nouveaux.
2062 C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/ Grèce, requête n° 21522/93 ; R.G.D.I.P., 1998, p. 239, obs.
FLAUSS J.-F. Le tribunal n'avait pas fourni de précisions suffisantes, permettant au requérant
d’apprécier si son comportement était constitutif d’une faute lourde, alors que celle-ci emporte des
conséquences juridiques importantes : « les juridictions internes ont estimé que l’État n’était pas
responsable de la détention du requérant au motif que celui-ci avait commis une "faute lourde". L’absence de
précision quant à cette notion, qui implique une appréciation des faits, imposait que les tribunaux énoncent
La qualité du procès 541

probante2063, est condamnée, car la motivation sommaire qui en résulte, constitue un

expédient, qui ne peut satisfaire aux exigences d’impartialité attendues de celui qui

l’a rédigée.

947. Les juridictions qui pratiquent la règle du précédent sont plus exigeantes encore

dans leur motivation, dans la mesure où toute rupture avec les jurisprudences

antérieurement établies doit être dûment justifiée. C’est la position de la Cour

européenne qui, même en considérant que « la sécurité juridique et la protection de la

confiance légitime ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante 2064 », n’en

demeure pas moins très attentive sur la qualité de la motivation, quand la solution

choisie s’éloigne de la règle dégagée auparavant.

3) La fonction de la motivation à l’égard de la juridiction chargée

du contrôle de la décision

948. La motivation permet aussi à la juridiction supérieure, de contrôler le jugement

rendu par le tribunal inférieur. C'est à cette intention, que l'obligation de motiver a

été imaginée par les révolutionnaires de 1789, comme un moyen d’éviter la naissance

d'une jurisprudence indépendante, le juge devant justifier des dispositions

législatives utilisées et des raisonnements mis en œuvre. C'est aussi la même volonté

qui présida à l’instauration du Tribunal de cassation2065, compétent pour annuler les

arrêts qui s’éloignent trop du texte de la loi.

des motifs plus détaillés, eu égard notamment au caractère déterminant de leur conclusion pour le droit à
réparation du requérant. », § 43.
2063 C.E.D.H., 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, requête n° 8950/80, série A, n° 127. Le tribunal n’avait
pas expliqué en quoi, les circonstances ayant conduit à ne pas réinscrire un avocat au tableau
revêtaient un caractère « exceptionnel ».
2064 C.E.D.H., 18 décembre 2008, Unédic c/ France, requête n° 20153/04, § 38.
2065 Loi du 27 novembre-1er décembre 1790, portant institution d’un tribunal de cassation et réglant sa
composition, son organisation et ses attributions, JO, 20 août 1944, p. 65.
542 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

949. Cette fonction de la motivation est la plus souvent mise en avant, quand on ne la

résume pas à cette simple règle procédurale. C’est extrêmement réducteur, car la

conséquence qui en découle serait inévitablement d’envisager comme facultative, la

présence des motifs dans une décision insusceptible de recours. À la lecture de bon

nombre d’arrêts du Conseil d’État, comme de la Cour de cassation 2066, ainsi que

certaines décisions du Conseil constitutionnel, il n’est d’ailleurs pas exclu de penser

que telle est la position des trois cours suprêmes sur la question, même si le juge

constitutionnel considère que « l’autorité (de ses décisions) s'attache non seulement à

leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le

fondement même2067 ».

950. De son côté, la Cour européenne a effectué cette corrélation, entre la présence

d’une motivation suffisamment solide et l’effectivité des recours, dans l’affaire

Hadjianastassiou2068. Elle y affirme que « les États contractants jouissent d’une grande

liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de respecter les

impératifs de l’article 6. Les juges doivent cependant indiquer avec une clarté suffisante les

motifs sur lesquels ils se fondent. C’est ainsi, par exemple, qu’un accusé peut exercer

utilement les recours existants2069 ». En somme, si les juges strasbourgeois n’imposent

pas d’obligation aux États parties, en toutes circonstances, d’instituer des juridictions

d’appel ou de cassation, quand celles-ci existent, le justiciable doit connaître les

raisons précises ayant amené le tribunal à trancher, afin d’exercer efficacement les

voies de recours à sa disposition. Il est, à ce propos, assez surprenant que le

législateur, quand il a instauré l’appel circulaire des jugements d’assises en juin

2066 BERENGER F., La motivation des arrêts de la Cour de cassation : de l'utilisation d'un savoir à l'exercice
d'un pouvoir, P.U.A.M., 2003, Mémoire de D.E.A.
2067 Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962 préc., Cons. 1.
2068 C.E.D.H., 16 décembre 1992, Hadjianastassiou c/ Grèce, requête n° 12945/87, série A, n° 252.
2069 Idem, § 33.
La qualité du procès 543

20002070, n’ait pas cru bon d’imposer la motivation littérale des verdicts de cours

d’assises, susceptibles de recours.

951. Pour autant, la présence de telles voies de droit n’est pas la condition nécessaire

à l’obligation de motiver les jugements, laquelle subsisterait, quand bien même le

verdict serait définitif. La Cour européenne des droits de l’homme l’a clairement dit

dans l’arrêt Dulaurans2071 : le procès ne peut être équitable qu’à la condition que les

justiciables aient pu présenter leurs observations, lesquelles doivent être examinées

par le tribunal, quand il les juge pertinentes. Il a ensuite obligation d’y répondre dans

les motifs du jugement2072.

952. Les motifs constituent les indices les plus probants du bien-fondé d’un jugement

et, à ce titre, sont nécessaires au contrôle de la juridiction hiérarchiquement

supérieure, mais leur utilité dépasse largement ces considérations techniques.

Facilitant la compréhension par le justiciable et préalable incontournable à

l’acceptation de la décision rendue par le juge, dont l’impartialité est encouragée,

puis vérifiable grâce à sa présence, la motivation ne doit évidemment pas orner les

seules décisions réformables. Le conseiller à la Cour de cassation FAYE l’affirmait

dès le début du vingtième siècle et résume parfaitement le triple bienfait de la

motivation : « l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse

2070 Article 380-1 du Code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 préc.,
qui dispose : « Les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire
l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent chapitre.
Cet appel est porté devant une autre cour d'assises désignée par la chambre criminelle de la Cour de
cassation et qui procède au réexamen de l'affaire selon les modalités et dans les conditions prévues par les
chapitres II à VII du présent titre ».
2071 C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, requête n° 34553/97 ; D, 2000, p. 883, note CLAY T. ;
Procédures, août-sept 2000, p. 186, obs. FRICERO N. ; J.C.P., 2000, II, 10344, note PERDRIAU A.
2072 Idem, § 33 : « La Cour rappelle que le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la
Convention, englobe, entre autres, le droit des parties au procès à présenter les observations qu’elles estiment
pertinentes pour leur affaire. La Convention ne visant pas à garantir des droits théoriques ou illusoires mais
des droits concrets et effectifs [...], ce droit ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment «
entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi. Autrement dit, l’article 6 implique
notamment, à la charge du « tribunal », l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments
et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence ».
544 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

des garanties, elle le protège contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses

moyens ont été sérieusement examinés ; elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa

décision au contrôle de la Cour de cassation2073 ».

B) Les fondements juridiques

953. De manière presque mécanique, l’impératif de clarté attendu des normes

juridiques, particulièrement en matière répressive et découlant du principe de

légalité des délits et des peines (1), rejaillit nécessairement sur les décisions de justice

qui en font application. À titre incident, la motivation a pu également être considérée

comme une des composantes des droit de la défense, ou encore comme un élément

protecteur de la présomption d’innocence (2).

1) Le fondement principal

954. En matière répressive, le fondement constitutionnel principal de l’obligation

faite au tribunal de motiver son jugement réside dans le principe de légalité des

délits et des peines2074, découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen2075. Conformément à l’adage « nullum crimen, nulla pœna sine

2073 FAYE E., « La Cour de cassation, traité de ses attributions, de sa compétence de la procédure
observée en matière civile suivi du Code des lois, décrets, ordonnances et règlements », La mémoire
du droit (réimpression. de l'édition de 1903), 1999.
2074 Sur la question, Cf DELMAS SAINT HILAIRE J.-P., « Les Principes de la légalité des délits et des
peines : Réflexions sur la notion de légalité en droit pénal », Mélanges en l'honneur du Doyen Pierre
Bouzat, Pedone, 1980, p. 149.
2075 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
La qualité du procès 545

lege », il résulte de la disposition révolutionnaire, qu’il ne peut y avoir ni infraction,

ni peine, sans texte légal, ce que confirme l’article 111-3 du Code pénal2076.

955. Le Conseil constitutionnel a tiré plusieurs enseignements de ces dispositions,

notamment que les infractions et les sanctions correspondantes doivent être définies

de manière suffisamment explicite, pour éviter tout risque d’arbitraire de la part du

juge. Il en résulte, que la définition d’une incrimination doit inclure, non seulement

l’élément matériel de l’infraction, mais aussi l’élément moral, qu’il soit intentionnel

ou pas2077. Le juge constitutionnel explicitera encore davantage sa position, lors de

l’examen de la loi Perben II2078, en énonçant que les infractions devaient être définies

en des termes « suffisamment clairs et précis2079 », rejoignant ici la ligne

jurisprudentielle de la Cour de cassation2080, qui exige également que les infractions

soient distinctement déterminées.

956. Au regard des exigences constitutionnelles faites à la loi pénale, de suffisamment

définir les éléments constitutifs de l'infraction, ce que le Conseil constitutionnel vient

encore de répéter récemment à propos de la définition du harcèlement sexuel 2081, il

serait difficilement compréhensible, d’imposer aux dispositions législatives des

contraintes rédactionnelles, si la décision de justice ne permettait pas de vérifier si

elles ont été respectées. Le principe de légalité des délits et des peines fournit ainsi à

2076 « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou
pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.
Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou
par le règlement, si l'infraction est une contravention ».
2077 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 préc., Cons. 16.
2078 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 préc. En l’espèce, le Conseil considère que la notion de
« bande organisée », constituant une circonstance aggravante pour certains crimes ou délits, a été
suffisamment définie par le législateur (Cf Cons. 14) , ce que contestera une partie de la doctrine.
2079 Idem, Cons. 5.
2080 Cass. Crim., 1er février 1990, pourvoi n° 89-80673, Bull. crim., 1990, n° 56, p. 153.
2081 Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Gérard D. [Définition du délit de harcèlement sexuel], JO,
5 mai 2012, p. 8015.
546 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’obligation de motivation, dont l’aménagement relève du domaine de la loi2082, un

fondement constitutionnel pertinent. C’est ce que décidera le Conseil constitutionnel,

dans sa décision du 13 août 19932083, en prenant en considération l’obligation d’une

motivation spéciale, pour prononcer une interdiction du territoire français, qui, au

regard de la gravité de l’infraction commise, lui évite de contrevenir au principe de

légalité criminelle2084. C’est également ainsi, comme une garantie du principe de

légalité des délits et des peines, que la juridiction constitutionnelle a apprécié,

concernant la Cour pénale internationale2085, « la motivation exigée par l’article 74 du

statut, de la décision rendue par la chambre de première instance, ainsi que la motivation de

l’arrêt de la chambre d’appel prévue par l’article 832086 ».

2) Les fondements subsidiaires

957. De manière plus ténue, deux autres fondements, de valeur constitutionnelle, ont

pu être évoqués par le Conseil constitutionnel.

958. Les auteurs de la saisine, dans la décision portant sur la motivation des verdicts

des cours d’assises, invoquaient une atteinte aux droits de la défense, garantis par

l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il leur sera

répondu, de manière fort peu motivée, que les droits de la défense sont respectés,

dans le cadre d’un procès devant une cour d’assises. Il serait donc hasardeux d’en

tirer une quelconque conclusion, sur l’appartenance du droit à la motivation des

jugements, comme composante des droits constitutionnels de la défense, d’autant

2082 Décision n° 77-101 L du 3 novembre 1977, Nature juridique de dispositions de l'ordonnance n° 58-997
du 23 octobre 1958 portant réforme des règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JO, 6
novembre 1977, p. 70, Cons. 2.
2083 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 préc.
2084 Idem, Cons. 42.
2085 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 préc.
2086 Idem, Cons. 22.
La qualité du procès 547

que la jurisprudence constitutionnelle est un peu équivoque sur cette question. En

effet, deux décisions antérieures, concernant les autorités administratives

indépendantes, pouvaient le laisser entrevoir2087. Il était également possible de le

supposer, à la lecture d’une jurisprudence visant le droit disciplinaire, s'exerçant à

l'encontre des administrateurs judiciaires, mandataires liquidateurs et experts en

diagnostics d'entreprise2088, quand le Conseil constitutionnel affirme « qu'en prévoyant

l'obligation [...] de statuer par décision motivée, [...] les dispositions susvisées ne

méconnaissent pas le principe des droits de la défense2089 ». Mais, d’un autre côté, la

décision concernant la motivation des arrêts d'assises incite plutôt à penser le

contraire2090. Plus nette est la jurisprudence de la Cour européenne, qui considère que

la motivation « oblige le juge à fonder son raisonnement sur des arguments objectifs et

préserve les droits de la défense2091 ».

959. La motivation peut également être envisagée comme une garantie de la

présomption d’innocence, fondée sur l’article 9 de la Déclaration révolutionnaire.

Comme le soulignent les professeurs Wanda MASTOR et Bertrand de LAMY 2092, si

l’accusé bénéficie de la présomption d’innocence, le jugement de condamnation doit

permettre, de la manière la plus nette et la plus convaincante, de constater qu’elle a

été renversée de bon droit. C’est d’ailleurs ce que laisse sous-entendre le juge

constitutionnel, dans les deux décisions de 2011 mentionnées précédemment 2093, à

propos des arrêts d’assises. La présomption d’innocence est un rempart juridique

contre l’arbitraire des autorités publiques, dont l’exclusion constitue une exigence

constitutionnelle. L'obligation de motiver les jugements imposée par la loi contribue

2087 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc., Cons. 30 ; Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet
2000 préc., Cons. 13.
2088 Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985 préc.
2089 Idem, Cons. 8.
2090 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre [Motivation des arrêts d'assises],
JO, 2 avril 2011, p. 5893, Cons. 10.
2091 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet contre Belgique préc., § 91.
2092 MASTOR W. et de LAMY B., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
op. cit., p. 1154.
2093 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc. ; Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
548 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

à la réalisation de cet objectif constitutionnel, comme il a été démontré auparavant. Il

en résulte donc, que la motivation des décisions de justice participe également à la

préservation du respect de la présomption d’innocence, par le prisme de la lutte

contre l’arbitraire2094.

Section 2 L’exigence variable de motivation des décisions de justice

960. Dans la décision dite « C.S.A. » de janvier 19892095, le Conseil constitutionnel

affirme que « toute décision prononçant une sanction doit être motivée2096 ». Cependant,

cette obligation de principe devait être ultérieurement circonscrite, aux seules

décisions punitives émanant d'une autorité administrative 2097 (§ 1.), n’atteignant pas

les rives des verdicts de cour d’assises, qui continuaient à n’être motivés que sous

forme de réponses apportées par la Cour, aux questions fermées posées par son

président (§ 2.).

§1. La motivation obligatoire des décisions punitives émanant des

autorités administratives

961. Les autorités administratives indépendantes, qui sont des entités de nature non

juridictionnelle2098, apparues en 19782099, se sont vu reconnaître un pouvoir de

sanction par le Conseil constitutionnel, alors qu’il eut été possible de voir dans cette

prérogative régalienne, une compétence exclusive du juge. Ce « pouvoir répressif

2094 Idem, Cons. 11 ; Idem, Cons. 22.


2095 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 préc.
2096 Idem, Cons. 30.
2097 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc.
2098 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 préc., Cons. 18 : la Commission des opérations de bourse y
est qualifiée d’ « autorité de nature non juridictionnelle ».
2099 La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est la première autorité
administrative indépendante. Elle a été instituée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 préc.
La qualité du procès 549

accordé à l’Administration pour punir des comportements sociaux considérés comme des

infractions à une réglementation préexistante2100 » n’en demeure pas moins « une des

notions les moins assurées du droit administratif2101 ». La juridiction constitutionnelle

admet l'attribution d'un pouvoir répressif, permettant de « punir sans juger2102 », à des

autorités n'appartenant pas au pouvoir juridictionnel, mais sous certaines conditions

rigoureuses 2103. C’est ce que fit aussi le Conseil d’État, en encadrant strictement cette

dérogation à la séparation des pouvoirs2104. Parmi les précautions destinées à assurer

les droits et libertés constitutionnellement garantis, figure l’obligation de motivation

de la sanction, prononcée par l’autorité administrative. Deux explications peuvent

venir au soutien de ce devoir, imposé aux autorités administratives, par le Conseil

constitutionnel. D’une part, l’obligation légale, déjà existante, de motivation de

certaines décisions administratives, notamment les décisions individuelles

défavorables (A). D’autre part, le « privilège du préalable2105 », en vertu duquel un

recours contre un acte administratif unilatéral n’a pas d’effet suspensif (B).

2100 MODERNE F., Sanctions administratives et justice constitutionnelle : contribution à l'étude du jus
puniendi de l'État dans les démocraties contemporaines, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif,
Paris, Aix-en-Provence, 1993, p. 5.
2101 Conseil d’État, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, Paris, La Documentation
Française, 1995, p. 35.
2102 DELMAS-MARTY M. et TEITGEN-COLLY C., Punir sans juger : de la répression administrative au
droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992.
2103 Décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 préc.
2104 Le Conseil d’État a précisé le régime juridique du droit des sanctions administratives, de deux
manières. D’une part, si, en principe, seule une loi peut instaurer un régime de sanction
administrative, le Conseil d’État a estimé que, lorsque le pouvoir réglementaire est compétent pour
fixer certaines règles d'exercice d'une profession, il l'est également pour prévoir des sanctions
administratives qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec cette réglementation (C.E.,
Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l'Intérieur c/ Benkerrou, n° 255136, Rec. p. 298 ; A.J.D.A., 2004, n° 31, p.
1695, chron. LANDAIS C. et LENICA F.; D.A., 2004, n° 11, p. 27, note BREEN E.). D’autre part,
l'exercice du pouvoir de sanction doit être assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les
droits et libertés constitutionnellement garantis. Ainsi, le respect des droits de la défense, le
principe de la nécessité et de la proportionnalité des peines, le principe de la légalité des délits, le
principe de non-rétroactivité des lois pénales et sa limite relative aux lois plus douces, vaut aussi
en matière de sanctions ayant le caractère d'une punition, prononcées par une autorité
administrative (C.E. Avis, 5 avril 1996, Houdmond, n° 176611, Rec. p. 116).
2105 La formulation est de Maurice HAURIOU. Le « privilège du préalable » signifie que la décision
s’appliquera sans l’intervention du juge. Sur la question, Cf CHAPUS R., Droit administratif général,
15e éd., Montchrestien, Coll. Domat droit public, Paris, 2001, p. 491.
550 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) L’obligation légale de motivation de certaines décisions

administratives

962. En imposant une motivation explicite aux sanctions prononcées par les autorités

administratives, le Conseil constitutionnel ne fait que confirmer la règle posée par la

loi du 11 juillet 19792106, qui prescrit une obligation de motiver les actes administratifs

individuels défavorables. En effet, une sanction punitive émanant d’une autorité

administrative est assimilable, sur le plan des effets, à une décision administrative

individuelle défavorable : toutes deux ont des conséquences concrètes sur la situation

du destinataire, qui s’en trouve dégradée.

963. La motivation d’une décision administrative, c'est-à-dire la possibilité d'en

connaître les motifs de fait et de droit, correspond selon le professeur René

CHAPUS2107, à trois exigences distinctes. En premier lieu, la motivation poursuit un

but démocratique, lié à la transparence, que le citoyen est raisonnablement en droit

d’attendre de son administration quand elle agit. Toute l’évolution du droit des actes

administratifs unilatéraux traduit ce souci démocratique. En deuxième lieu, les

motifs de l’acte administratif répondent aussi à l’objectif de bonne administration, en

encourageant cette dernière à s’autocontrôler. En troisième lieu, la motivation

améliore l’efficacité du contrôle de l’action administrative, en permettant au juge

d’examiner les motifs de l’acte et de vérifier ainsi l’absence d’erreur, ou de

détournement de pouvoir.

964. En droit public français, les décisions administratives n'ont pas, contrairement

aux actes juridictionnels, à être motivées. À l'exception de certaines autorités

professionnelles collégiales, pour lesquelles la motivation était obligatoire « eu égard à

2106 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative a la motivation des actes administratifs et a l'amélioration
des relations entre l'administration et le public, JO, 12 juillet 1979, p. 1711.
2107 CHAPUS R., Droit administratif général, op. cit., , p. 1129 et s.
La qualité du procès 551

la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme professionnel2108 », le juge

s'est toujours refusé d'exiger de l'administration, la formulation expresse dans la

décision des motifs qui la fondent, d’autant qu’aucun principe général du droit ne

l’impose2109. Occasionnellement, le juge administratif a pu, lors d'une instance

contentieuse, obliger l'administration à lui communiquer ses motivations 2110. Le

principe, rappelé par le Conseil d'État, restait donc "Pas de motivation sans texte",

même si de nombreuses exceptions écrites subsistaient, intéressant notamment les

atteintes au droit de propriété (en particulier, les autorisations d'urbanisme), les

mesures de tutelle sur les collectivités locales ou encore les décisions emportant des

conséquences graves sur leurs destinataires (sanctions disciplinaires dans la fonction

publique, mesures de police, décisions d'internement dans un hôpital psychiatrique).

965. La loi du 11 juillet 1979 n'a pas renversé le principe de non-motivation des

décisions administratives, mais a seulement élargi le nombre des exceptions,

puisque, selon les termes de la loi, doivent être motivées, les décisions défavorables

ou dérogatoires2111. Ce texte a cependant profondément modifié les contraintes de

l’administration, tant les décisions soumises désormais à l’obligation de motivation

sont nombreuses2112, même si l’administration dispose encore de certains moyens2113,

2108 C.E., Ass., 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille Fret, n° 74877 ; n° 75123, Rec. p. 704.
2109 C.E., 10 février 1978, Rischmann, n° 96495, Rec. p. 685.
2110 C.E., Ass., 28 mai 1954, Barel, n° 28238 ; n° 28493 ; n° 28524 ; n° 30237 ; n° 30256, Rec. p. 308.
2111 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 préc., article 1 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être
informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent »
et article 2 : « Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux
règles générales fixées par la loi ou le règlement ».
2112 Selon les termes de la loi, doivent être motivées les décisions qui :
- restreignent l'exercice des libertés publiques ou de manière générale constituent une mesure de
police ;
- infligent une sanction ;
- subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou abrogent une décision
créatrice de droits ;
- opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance;
- refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les
conditions légales pour l'obtenir
- refusent une autorisation (loi du 17 janvier 1986).
552 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

au premier rang desquels la décision implicite de rejet 2114, pour contourner ces

exigences. En somme, les sanctions prononcées par les autorités administratives,

parce qu’elles constituent une forme de dérogation au principe de la séparation des

pouvoirs, sont soumises à une obligation de motivation, plus stricte encore que les

actes administratifs individuels. L’acceptation du principe même des sanctions

administratives dépend de la qualité des garanties procédurales qui les encadrent, au

sein desquelles la motivation figure en bonne place.

B) Le « privilège du préalable » bénéficiant aux décisions

administratives

966. À deux reprises, d’abord en 20012115, puis en 20042116, le Conseil constitutionnel a

confirmé l’exigence de motivation des sanctions prononcées par les autorités

administratives, en utilisant une formulation négative : « les règles et principes de

valeur constitutionnelle n’imposent pas par eux-mêmes aux autorités administratives de

motiver leurs décisions dès lors qu’elles ne prononcent pas une sanction ayant le caractère

d’une punition2117 ». Une interprétation a contrario, permet d’en déduire que les

autorités administratives sont, à l’inverse, tenues de motiver leurs décisions, quand

celles-ci sont le support normatif d’une sanction.

2113 Outre la décision implicite de rejet, la loi offre quelques échappatoires à l'administration. Cette
dernière est d’abord dispensée de motiver ses décisions, concernant des faits couverts par le secret,
qu’il s’agisse du secret médical, mais aussi du secret des délibérations du gouvernement, de la
défense nationale et de la politique extérieure, de la sûreté de l'État et de la sécurité publique.
L'urgence absolue justifie également l'inobservation de l'obligation de motiver. Toutefois, sur
demande de l'intéressé, l'administration est tenue, dans le délai d'un mois, de lui en communiquer
les motifs (article 4 de la loi de 1979).
2114 L’article 5 de la loi de 1979 dispose "qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision
explicite aurait du être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation".
2115 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc.
2116 Décision n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle, JO, 10 juillet 2004, p. 12506.
2117 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 préc., Cons. 40 ; Décision n° 2004-497 DC du 1er
juillet 2004, Cons. 14.
La qualité du procès 553

967. Le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, de la décision sur la

motivation des verdicts des cours d’assises2118, précise utilement que cette obligation

de motivation ne peut être étendue à toutes les décisions répressives. Elle doit

surtout être interprétée à la lumière du contentieux administratif, avec tous les

particularismes que celui-ci comporte, notamment au regard de l’exorbitance des

pouvoirs de l’administration, quand cette dernière agit au moyen d’actes unilatéraux.

En effet, ceux-ci bénéficient de l’autorité de chose décidée, qui se fonde sur un

principe connu sous le nom de « privilège du préalable », dégagé par le Conseil

d’État, dès le début du XXe siècle2119 et qualifié de « règle fondamentale du droit

public2120 ». Il s’agit d’une prérogative de puissance publique, selon laquelle la

décision administrative s’impose aux particuliers, en dehors même de leur

consentement et sans qu’une décision de justice soit nécessaire pour la rendre

exécutoire2121.

968. Le « privilège du préalable » emporte deux conséquences majeures : l’acte

administratif est présumé légal et un recours contre une décision unilatérale de

l’administration n’a pas d’effet suspensif2122. Par conséquent, contester devant le juge

un acte administratif ne dispense pas le requérant de l’obligation d’y obéir. Il est

donc essentiel que le destinataire de la décision en comprenne les fondements : c’est

la raison principale de l’obligation de motiver les sanctions administratives, posée

par le Conseil constitutionnel. D’autant que la contestation juridictionnelle d’une

sanction administrative est un recours de plein contentieux, le Conseil d’État, dans sa

2118 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc.


2119 C.E., 30 mai 1913, Préfet de l’Eure, n° 49241, Rec. p. 583. L’administration ne peut demander au juge
le prononcé de mesures qu’elle a le pouvoir de décider elle-même, autrement dit, elle n’a pas
besoin de l’intervention du juge pour prendre une décision.
2120 C.E., Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres, n° 25288 ; n° 25323, Rec. p. 357 ; R.A., 1992, p. 627, note
PACTEAU B.
2121 Sur la question, Cf GOFFAUX P., L'inexistence des privilèges de l'administration et le pouvoir
d'exécution forcée, Bruylant, Bruxelles, 2002.
2122 PAILLET M., « L’exécution des jugements et le double degré en matière administrative », op. cit.,
p. 139 ; PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l'effet non suspensif de l'appel en
contentieux administratif », op. cit., p. 493.
554 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

formation la plus solennelle, ayant décidé « qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une

contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de

prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire

application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle

l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue; que, par suite, compte tenu des pouvoirs

dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la

contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux2123 ». Parce que le juge

administratif a ainsi le pouvoir de substituer sa décision à celle de l'administration, il

est donc essentiel qu’il en comprenne les articulations et les soubassements, qui ne

peuvent émaner que des motifs.

§ 2. La motivation facultative des verdicts de cour d’assises

969. Pour le Conseil constitutionnel, la motivation littérale classique des jugements

fait bien partie de l’arsenal procédural, permettant de lutter contre l’arbitraire

judiciaire. Elle n’est, cependant, pas incontournable. En effet, soucieux de préserver

l’équilibre des forces entre magistrats professionnels et jurés populaires, au sein des

cours d’assises, le Conseil accepte que la motivation puisse être éludée (A), à

condition d’être compensée par des garanties, aptes à lutter contre l’arbitraire (B).

A) L’acceptation constitutionnelle des arrêts d’assises succinctement

motivés

970. Pour le juge constitutionnel, l’obligation de motivation des sanctions répressives

n’est pas totalement transgressée par les verdicts des cours d’assises qui, bien que ne

bénéficiant pas d’une motivation littérale classique, n’en demeurent pas moins

2123 C.E., Ass., 16 février 2009, Sté Atom, n° 274000, Rec. p. 26, R.F.D.A., 2009, p. 259, concl. C. LEGRAS.
La qualité du procès 555

dénués de tout motif (1). La raison principale réside dans le souci de préserver

l’équilibre des deux composantes de la cour d’assises, dans l’élaboration de la

décision, en ne plaçant pas le jury populaire dans une situation d’infériorité, par

rapport aux magistrats professionnels (2).

1) La motivation restreinte des arrêts de cours d’assises

971. La cour d’assises, juridiction non permanente, compétente pour juger les crimes

commis par des personnes âgées de seize ans et plus, est structurée autour de deux

éléments distincts2124 : d’un côté, la Cour au sens strict, composée d'un Président et de

deux assesseurs, autrement dit, trois magistrats professionnels et de l’autre, le jury,

formé de six jurés citoyens2125, désignés selon une procédure complexe2126. Alors que

le principe réside dans la motivation des jugements, imposée depuis l’article 15 du

Titre V de la loi des 16-24 août 17902127, le mode de délibération de la cour d’assises

consistait, avant la modification législative de l’été 20112128, sur la seule addition des

2124 Article 240 du Code de procédure pénale.


2125 Article 296 du Code de procédure pénale, modifié par l’article 13 de la loi n° 2011-939 du 10 août
2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des
mineurs, JO, 11 août 2011, p. 13744, qui dispose : « Le jury de jugement est composé de six jurés lorsque
la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ». Auparavant, les jurés
étaient neuf en premier ressort et douze en appel, ce qui était donc l’état du droit, au moment où le
Conseil constitutionnel rendit sa décision sur QPC, le 1 er avril 2011.
2126 Articles 255 et s. du Code de procédure pénale.
2127 Cf supra n° 931
2128 L’article 12 de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 préc. introduit la motivation dans les arrêts des
cours d’assises. Il insère un article 365-1 dans le Code de procédure pénale qui dispose : «Le
président ou l'un des magistrats assesseurs par lui désigné rédige la motivation de l'arrêt.
En cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour
chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises. Ces éléments sont ceux qui ont été
exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l'article 356, préalablement
aux votes sur les questions.
La motivation figure sur un document annexé à la feuille des questions appelé feuille de motivation, qui est
signée conformément à l'article 364.
Lorsqu'en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur
sont reprochés, il n'est pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation, celle-ci doit alors être
rédigée, versée au dossier et déposée au greffe de la cour d'assises au plus tard dans un délai de trois jours à
compter du prononcé de la décision.»
556 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

réponses, positives ou négatives de la Cour, à des questions fermées. Cette forme de

dérogation à l’explicitation des motifs du jugement repose sur la substitution du

régime de la preuve légale, par le régime de la preuve morale, fondée sur la liberté de

la preuve, mais surtout sur l’intime conviction, juridiquement consacrée par l'article

353 du Code de procédure pénale2129. Néanmoins, selon le professeur Mireille

DELMAS-MARTY2130, l'intime conviction ne constitue pas, au sens strict, un mode de

preuve, mais plutôt une méthode de sélection des éléments probatoires, produits

devant la Cour.

972. Le Conseil constitutionnel fut chargé de l’examen de ce mode de délibération de

la cour d’assises2131, suite à deux questions prioritaires de constitutionnalité,

transmises par la Cour de cassation2132, qui avait auparavant refusé, à trois

reprises2133, de le saisir, prétextant que « la question posée tend, en réalité, à contester non

la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la

Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts d'assises

statuant sur l'action publique2134 ». Mais, l’adhésion de la juridiction judiciaire à la

doctrine du droit vivant2135 permit enfin aux requérants de contester, devant le juge

constitutionnel, le mode délibératif de la cour d’assises, qui, selon eux, « ne permet pas

2129 « Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre,
affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations :
"Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et
jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de
règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle
leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de
leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les
moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs
devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? ". »
2130 DELMAS-MARTY M., « La preuve pénale », Droits, Revue française de théorie, de philosophie et de
culture juridique, n° 23, P.U.F., avril 1996.
2131 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc.
2132 Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85159, Bull. crim., 2011, n° 11 ; Cass. Crim., 19 janvier
2011, pourvoi n° 10-85305, Bull. crim., 2011, n° 12.
2133 Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83328 ; Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87307 ;
Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82582.
2134 Ibidem.
2135 Cf SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, op. cit.
La qualité du procès 557

de motiver et d'expliquer les raisons de la décision de la déclaration de culpabilité d'un accusé

et le quantum de sa condamnation, autrement que par des réponses affirmatives à des

questions posées de façon abstraite, se bornant à rappeler chacune des infractions, objet de

l'accusation et ses éléments constitutifs légaux, et ne faisant aucune référence au

comportement et à la personnalité de l'accusé2136 ».

973. La vision du Conseil constitutionnel, sur la nature même des arrêts de cours

d’assises, est résumée par le dixième considérant de la décision d’avril 2011 : selon

lui, « les dispositions contestées ont pour seul objet de déterminer les modalités selon

lesquelles la cour d'assises délibère2137 ». En d’autres termes, les verdicts de cours

d’assises ne remettent pas en cause l’obligation de motivation en matière répressive,

découlant du principe de légalité des délits et des peines2138, car, pour le juge

constitutionnel, ils ne sont pas dépourvus de toute motivation. Celle-ci n’est

simplement pas formalisée de manière aussi exigeante que pour les autres décisions

criminelles.

974. La Cour de cassation partage cette appréciation de la motivation, exprimée sous

forme de questions-réponses. Elle affirme ainsi régulièrement que « l'ensemble des

réponses, reprises dans l'arrêt de condamnation, qu'en leur intime conviction, magistrats et

jurés ont donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi, tient lieu de motifs

aux arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique2139 ». Le principe n’est donc

pas totalement renversé, il est seulement tempéré, ce qui amène M e Olivier

BACHELET2140, par exemple, à qualifier « d’elliptique », la motivation des arrêts de

cours d’assises, ou encore de « motivation par ricochet », en raison des réponses

apportées aux questions posées.

2136 Cf Cass. Crim., 19 janvier 2011, n° 10-85159 préc.


2137 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 10.
2138 Cf supra n° 954 et s.
2139 Cass. Crim., 30 avril 1996, pourvoi n° 95-85638, Bull. crim., 1996, n° 181, p. 522.
2140 BACHELET O., « Motivation des verdicts d’assises : paradoxe et divination », chron., Décis. Cons.
const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Gaz. Pal., 3 au 5 avril 2011, p. 19.
558 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

975. En effet, la délibération de la cour d’assises ne débouche pas sur la rédaction

d’une motivation au sens classique, littéral, du terme. Celle-ci se résume à une liste

de questions2141, rédigée par le président, comportant obligatoirement les questions

principales, commandées par l’acte d’accusation qui a saisi la cour d’assises et les

questions subsidiaires, ajoutées éventuellement à la demande des parties ou du

président, auxquelles sont apportées des réponses, positives ou négatives.

976. Ces modalités de structuration du jugement d’assises sont, par ailleurs, admises

par la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, dans la décision sur la

recevabilité de la requête de Maurice PAPON2142, réitérée par l’arrêt Taxquet

précité2143, la juridiction strasbourgeoise, tout en constatant que le jury de la cour

d’assises n’avait été en mesure de répondre que par "oui" ou par "non", aux questions

posées par le président, en conclut que celles-ci, au nombre de 768, « formaient une

trame apte à servir de fondement à la décision2144 ». En conséquence, ce système de

questions, précises et fort nombreuses en l’espèce, permet « de compenser adéquatement

l’absence de motivation des réponses du jury2145 », ce qui amène logiquement la Cour

européenne à conclure que « l’arrêt de la cour d’assises était suffisamment motivé aux fins

de l’article 6 § 1 de la Convention2146 ». Certes, selon la Cour européenne, la motivation

ne peut être totalement absente2147, ni même revêtir un caractère lapidaire 2148, mais

pour autant, cela ne signifie pas que le tribunal doive répondre d'une manière

détaillée à chaque argument2149. En résumé, pour la juridiction de Strasbourg,

2141 Article 356 du Code de procédure pénale : « La cour et le jury délibèrent, puis votent, par bulletins
écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d’abord, et s'il y a lieu, sur les causes
d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur
chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine ».
2142 C.E.D.H., 15 novembre 2001, Papon c/ France, requête n° 54210/00.
2143 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique préc., § 92.
2144 Idem, § 86.
2145 Id., § 92.
2146 Id., § 87.
2147 C.E.D.H., 19 février 1998, Higgins c/France, requête n° 20124/92 ; R.G.D.I.P., 1998, p. 240 et A.J.D.A.,
1998, p. 990, obs. FLAUSS J.-F ; R.D.P., 1999, p. 875, obs. HUGON C.
2148 C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/Grèce préc.
2149 C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas préc.
La qualité du procès 559

l'étendue de cette obligation varie selon la nature de la décision et doit s'analyser à la

lumière des circonstances2150.

977. Un des griefs principaux, reprochés aux verdicts de la cour d’assises, était de

répondre à des règles différentes de celles régissant les autres catégories de

jugements en matière criminelle. Le Conseil constitutionnel ne le conteste pas, mais il

fait observer, que les accusés qui comparaissent devant la cour d'assises sont dans

une situation différente, de ceux poursuivis pour une infraction délictuelle ou

contraventionnelle, devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police. De ce

fait, le législateur pouvait organiser les jugements d’assises, selon d’autres modalités,

sans porter atteinte au principe d'égalité. Tout cela est juridiquement irréprochable,

le juge constitutionnel ayant admis depuis longtemps, que des situations différentes

puissent faire l'objet de solutions différenciées2151. Mais, en l’occurrence, si les

personnes soupçonnées de crime, ne sont effectivement pas placées dans la même

position que celles présentées pour être jugées, devant une autre juridiction

répressive de droit commun, elles sont surtout dans une situation plus préoccupante,

dans la mesure où le quantum de la peine encourue est plus important. Il eut été plus

conforme à la jurisprudence européenne Salduz2152, qu’à l’inverse, les procédures

judiciaires susceptibles de déboucher sur de sévères condamnations bénéficiassent

d’une protection supérieure, à celles gouvernant les procès devant les juridictions

compétentes pour statuer sur les contraventions et les délits.

2150 C.E.D.H., 9 décembre 1994, Ruiz Torija c/Espagne, requête n° 18390/91, série A, n° 303-A ; D, 1996, p.
202, obs. FRICERO N. ; C.E.D.H., 9 décembre 1994, Hiro Balani c/Espagne, requête n° 18064/91, série
A, n° 303-B.
2151 Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou
départementales, JO, 13 juillet 1979, p. 31, Cons. 4 : « Considérant, d'autre part, que si le principe d'égalité
devant la loi implique qu'à situations semblables il soit fait application de solutions semblables, il n'en
résulte pas que des situations différentes ne puissent faire l'objet de solutions différentes ; ».
2152 C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie préc., § 54 : « c'est face aux peines les plus lourdes que le
droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques ».
560 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2) Le souci de l’équilibre de la composition de la cour d’assises

978. La raison principale justifiant la motivation des arrêts d’assises, sous forme

d’une succession logique de questions fermées, cernant tous les éléments de la

culpabilité éventuelle de l’accusé, se trouve ailleurs, dans la composition particulière

de la cour d’assises, qui associe les citoyens au jugement des infractions les plus

graves2153. L’histoire de la cour assises est, toute entière, marquée par la quête de

l’équilibre optimal, entre magistrats professionnels et jurés populaires2154. Qu’il

s’agisse de la proportion numérique des premiers par rapport aux seconds, ou de la

place respective des deux catégories de juges au sein du procès d’assises, le

législateur a toujours recherché la meilleure pondération possible.

979. À en lire le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, bien que rien

ne transpire dans la décision même, cet équilibre subtil serait mis en péril, par

l’introduction d’une motivation littérale des arrêts d’assises. En effet, on peut

raisonnablement penser, que la démarche des jurés citoyens et celle des magistrats

professionnels ne procèdent pas de la même logique intellectuelle. Ils n’ont

évidemment pas le même bagage juridique, ils ne sont sans doute pas non plus

imprégnés de la même culture judiciaire. Ces considérations sociologiques, loin

d’être neutres, expliquent que leur appréhension des faits ne se fera pas avec la

même grille de lecture, les jurés populaires étant moins attachés aux questions

techniques ou juridiques et davantage sensibles à l'équité 2155. Eu égard au fait qu’ils

délibèrent ensemble2156, en modifiant la structure de la motivation du jugement,

l’influence des magistrats professionnels sur les jurés citoyens serait déterminante

2153 Cf ROUMIER W., L'avenir du jury criminel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque des sciences criminelles,
Paris, 2003.
2154 Association française pour l'histoire de la justice (ouvrage collectif), La Cour d'assises : bilan d'un
héritage démocratique, La Documentation française, Coll. Histoire de la justice, 2001,
particulièrement, DAVID M., « Souveraineté, citoyenneté, civisme : quelle légitimité pour le
jury ?», p. 125.
2155 ROUSSEAU D., « Juger, une profession et un acte citoyen », Projet, 2011, n° 323, p. 17.
2156 Loi du 25 novembre 1941 sur le jury, JO, 12 décembre 1941, p. 5355.
La qualité du procès 561

sur l’issue du litige. La rationalité et la cohérence juridiques y gagneraient peut-être,

mais au détriment de l'image de la justice, à laquelle il est déjà suffisamment

reproché ses traits technocratiques.

980. Si la « démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple2157 », la

justice, elle, doit être rendue par et pour les citoyens. Depuis qu’a été renforcé le

caractère démocratique de leur mode de sélection2158, ces derniers doivent rester

l’élément déterminant, dans la pondération finale de la décision. Comme le précise le

commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, effectivement, « on peut ne pas

partager les motifs de cette justification et les trouver insuffisants », ce qui est d’ailleurs le

cas de la doctrine majoritaire2159, mais, à partir du moment où l’on considère que la

mise en évidence d’un crime n’est pas qu’une affaire de syllogisme juridique, « il faut

s'accommoder des particularités de la procédure où, le plus souvent, les jurés ne sont pas

tenus de – ou ne peuvent pas – motiver leur conviction2160 ».

981. D’ailleurs, quand le législateur finit par se résoudre à imposer la motivation

littérale des jugements d’assises2161, il est assez manifeste qu’il le fit, davantage par

opportunité, que par conviction politico-juridique. En effet, dans le même texte

législatif, se trouvait la création des jurés populaires au sein du tribunal

correctionnel, qui continuait, par ailleurs, à rendre des verdicts classiquement

motivés. Puisque les deux juridictions associent les citoyens à la justice pénale, il

semblait alors difficile de concevoir que, seuls les jugements les plus sévères seraient

rendus sans motivation littérale. Dorénavant, les arrêts de la cour d’assises

comporteront « l 'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits

2157 Abraham LINCOLN, discours de Gettysburg, 1863.


2158 Article 259 et s. du Code de procédure pénale.
2159 BACHELET O., « Motivation des verdicts d’assises : paradoxe et divination », chron., Décis. Cons.
const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, op. cit., p. 19 ; MASTOR W. et de LAMY B., note, Décis.
Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011, op. cit., p. 1154.
2160 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique préc., § 92.
2161 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 préc.
562 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour2162 » et la motivation figurera « sur un

document annexé à la feuille des questions appelé feuille de motivation2163 ».

982. M. Michel HUYETTE, magistrat, fait remarquer que « motiver ainsi la décision

permettrait, voire imposerait en cours de délibéré d'aller encore plus loin dans la réflexion, en

imposant à chaque participant de mieux préciser et argumenter son point de vue2164 ».

Difficile de ne pas partager son avis, mais les jurés citoyens sont ils convenablement

armés pour cela ? Il est possible d’en douter. On peut donc être beaucoup plus

circonspect, quand il ajoute que « cela ne semble pas de nature à modifier l'équilibre actuel

découlant de la présence de magistrats professionnels et de jurés délibérant ensemble, la

motivation n'étant au final rien de plus que la synthèse écrite de ce qui a été principalement

débattu puis retenu par tous les présents, peu important leur statut2165 ».

983. Ne faudrait-il pas alors que les pouvoirs publics prévoient, à l’intention des

futurs jurés, une fois désignés, si ce n’est une formation, techniquement et

matériellement difficilement réalisable, tout au moins une information 2166, afin de

rendre ces citoyens, mieux à même de remplir la tâche nouvelle qui leur est dévolue ?

Puisque le législateur a souhaité modifier, en l’amplifiant, l’implication du citoyen

dans la manière de rendre la justice, il est maintenant nécessaire qu’il lui donne les

moyens de ses ambitions.

984. Si, dans sa décision du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que la

motivation des décisions en matière répressive constituait bien une garantie légale de

2162 Article 365-1 du Code de procédure pénale.


2163 Ibidem.
2164 HUYETTE M., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011, D, 5 mai 2011,
p. 1158.
2165 Ibidem.
2166 Certaines Cours d’appel organisent déjà, à l’intention des jurés, un court stage fonctionnel de
quelques jours, comprenant parfois une visite d’un établissement pénitentiaire, juste avant le début
des audiences. C’est cette pratique qu’il serait souhaitable de généraliser, dans un souci
d’amélioration de la qualité des verdicts d’assises.
La qualité du procès 563

l’exigence constitutionnelle, à l’intention du législateur, de tout mettre en œuvre

pour éviter l’arbitraire judiciaire, il a précisé, dans le même temps, que cette

protection ne revêtait pas de caractère général et absolu. En conséquence, quand la

motivation, en raison de sa nature ou de sa forme, n’est pas en capacité de jouer ce

rôle, la loi doit alors instituer des garanties, à même de compenser cette faiblesse

structurelle. Aux yeux de la juridiction constitutionnelle, celles-ci sont suffisantes

pour atteindre l’objectif qui leur est fixé.

B) Les garanties compensatrices des verdicts de cour d’assises

succinctement motivés

985. Après avoir affirmé, dans sa décision du 1er avril 20112167, que la motivation des

décisions répressives constituait une garantie légale de l’exigence constitutionnelle

de lutte contre le pouvoir arbitraire des juridictions 2168, le Conseil énonce, dans les

considérants 12 à 16, une panoplie de protections, susceptibles de compenser la

motivation succincte des arrêts d’assises. Celles-ci, d’inégale pertinence, peuvent être

regroupées dans trois catégories : premièrement, les garanties liées à l’organisation

de l’audience du jugement (1), deuxièmement, celles liées à la qualité des questions

posées à la formation de jugement (2), enfin, troisièmement, celles concernant les

règles gouvernant les modalités de délibération de la décision (3).

2167 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 12.
2168 Idem, Cons. 11.
564 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1) Les garanties liées à l’organisation de l’audience de jugement

986. Le Conseil constitutionnel considère que les principes d’oralité et de continuité

des débats2169 proposent une première forme de palliatif, à l’absence de motivation

littérale des verdicts de cour d’assises2170. Le premier peut être décliné sous deux

facettes complémentaires. D’une part, un versant positif, en vertu duquel toutes les

preuves et tous les moyens de défense doivent nécessairement être produits et

discutés oralement au cours des débats. D’autre part, son pendant négatif, qui, à

l’inverse, empêche la Cour de prendre en considération, lors de son délibéré, des

éléments de preuve qui n’auraient pas été produits durant l’audience et qui

n’auraient donc pas pu faire l’objet d’un débat contradictoire.

987. En reprenant la nomenclature des vertus théoriques, attribuées généralement à

la motivation2171, il est difficile de voir en quoi l’oralité des débats permettrait la

compréhension du verdict et faciliterait ainsi son acceptation. Au mieux, permettent-

ils une anticipation possible, quoi qu’aléatoire, sur l’issue finale du procès. De même,

le principe de l’oralité des audiences ne peut renseigner efficacement la juridiction

d’appel, sur les raisons ayant conduit la première Cour à se prononcer en ce sens,

puisque, de toutes manières, en vertu de l’article 308 du Code de procédure pénale,

les débats ne peuvent qu’exceptionnellement faire l’objet d’un enregistrement sonore

ou audiovisuel. Tout au plus donc, l’oralité associée à la publicité, peut-elle remplir

la deuxième fonction assignée aux motifs du jugement, à savoir prémunir le juge

contre des tentations arbitraires, en renforçant son impartialité, qui serait exposée

aux yeux du public.

2169 Article 306 et s. du Code de procédure pénale.


2170 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 12.
2171 Cf supra n° 939 et s.
La qualité du procès 565

988. Quant au second, le principe de continuité des débats, il entraîne deux

conséquences majeures. Il impose à la cour d’assises de se retirer pour délibérer,

immédiatement à l’issue de l’audience. La Cour se forge donc une opinion, sur la

seule perception qu’elle a eue des échanges qui se sont déroulés devant elle. Mais il

prohibe aussi toute forme d’interruption abusive des audiences. En effet, même si les

débats « peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges, de la partie

civile et de l'accusé », ils « ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu'à ce que la

cause soit terminée par l'arrêt de la Cour d'assises2172 ». Cette seconde conséquence peut

avoir des effets autant inattendus qu’indésirables, comme en témoigne l’affaire

Makhfi2173, du nom de ce français, qui comparaissait devant la cour d’assises et dont

l’avocat avait dû plaider à quatre heures et demie du matin, après une durée

cumulée de près de seize heures de débats. La Cour européenne estima, qu’aucun

des acteurs du procès n’était en capacité d’assumer ses fonctions, en raison de la

fatigue, provoquée par la durée excessive de l’audience.

2) Les garanties liées à la qualité des questions posées à la

formation de jugement

989. La deuxième garantie, supposée compenser l’absence de motivation littérale,

réside dans les règles régissant les questions, auxquelles la cour d’assises va devoir

répondre. D’abord, il s’agit du contenu des questions posées, qui doit être conforme

à la décision de renvoi2174. Il y a, à l’égard de cette exigence, un alignement parfait

avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci considère en effet, qu’à partir

du moment où magistrats et jurés composant la cour d'assises ont répondu, dans

l'arrêt de condamnation, aux questions principales sur la culpabilité, posées

2172 Article 307 du Code de procédure pénale.


2173 C.E.D.H., 19 octobre 2004, Makhfi c/ France, requête n° 59335/00.
2174 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 15.
566 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conformément au dispositif de la décision de renvoi, l’exigence inhérente à la

substance des questions est satisfaite2175. Il s’agit, certes, d’une prescription

quantitative minimale, mais qui ne présume en rien de la qualité des questions. C’est

la raison pour laquelle, par ailleurs, le Conseil constitutionnel demande que les

questions posées à la Cour soient « claires, précises et individualisées2176 ». Les

jurisprudences, constitutionnelle, judiciaire2177 et européenne des droits de l’homme,

convergent sur ce point, même si la Cour strasbourgeoise a oscillé entre deux

positions sensiblement différentes.

990. Dans un premier temps, lors de l’examen de la recevabilité de la requête dans

l’affaire Papon2178, la Cour européenne commence par constater que le jury avait

répondu à chacune des sept cent soixante-huit questions, posées par le président de

la cour d'assises. En raison de leur nombre, leur précision et leur articulation logique,

la juxtaposition de ces questions forme un puzzle cohérent, « une trame apte à servir de

fondement à la décision et que leur précision compensait adéquatement l'absence de

motivation des réponses du jury2179 ». En conséquence de quoi, elle conclut que le grief

tiré de l'absence de motivation de l'arrêt de la cour d'assises est, de toute évidence,

mal fondé. La Cour européenne estime donc, elle aussi, que des questions précises et

en nombre suffisant, c’est à dire ne laissant aucun interstice, dans lequel l’arbitraire

viendrait se nicher, peuvent apparaître comme une garantie procédurale, à même de

compenser favorablement l'absence de motivation littérale des réponses du jury2180.

991. Dans un deuxième temps, la Cour tempèrera un peu sa position, dans le premier

des deux arrêts Taxquet2181. Pour autant, il ne faut pas voir dans cette décision, un

2175 Cass. Crim., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-87877.


2176 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 15.
2177 Cass. Crim., 17 octobre 1990, pourvoi n° 89-87132, Bull. crim., 1990, n° 344, p. 872.
2178 C.E.D.H., 15 novembre 2001, Papon c/ France préc.
2179 Idem, § 86.
2180 Id., § 92.
2181 C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique préc.
La qualité du procès 567

revirement de la jurisprudence Papon, mais plutôt une application négative de celle-

ci. En effet, les accusés étaient au nombre de huit et les questions n’étaient nullement

individualisées. Laconiques, identiques pour chacun d’eux et en nombre

insuffisant2182, elles ne permettaient pas de « différencier de façon certaine l'implication de

chacun des coaccusés dans la commission de l'infraction2183 ». La trame qu’elles formaient,

était donc insusceptible de remplir la fonction minimale de la motivation, à savoir

permettre aux intéressés, au premier rang desquels l’accusé, de comprendre le

raisonnement ayant conduit au verdict de condamnation. En l’espèce, les questions

étaient tout à fait lacunaires, quantitativement autant que qualitativement et bien

insuffisantes pour distinguer, parmi les éléments de preuve et circonstances de fait,

celles ayant finalement persuadé le jury, à retenir la circonstance aggravante de

préméditation2184.

992. Dans un troisième temps, lorsque l’affaire Taxquet est jugée en grande

chambre2185, la Cour européenne se saisit de ce dossier, pour affiner sa position sur la

conventionnalité des verdicts d’assises et, au-delà, la participation des citoyens à la

justice criminelle. Le droit au procès équitable ne fait pas obstacle « à ce qu'un accusé

soit jugé par un jury populaire même dans le cas où son verdict n'est pas motivé2186 ». C’est

le principe même du procès d’assises, dans son essence profonde, qui est ainsi validé

par le juge européen. Nonobstant l’acceptation de cette particularité, dont « il faut

s'accommoder2187 », la Cour précise, à l’instar du Conseil constitutionnel, qu’il est

essentiel de s’assurer que la procédure est encadrée par des garanties suffisantes, afin

d’éloigner tout risque d’arbitraire. Parmi ces garanties procédurales, la juridiction

strasbourgeoise est prête à accepter que des questions précises, sans ambiguïté et en

nombre suffisant, puissent servir de motivation. Pour autant, rien de tel n’était

2182 Le requérant était personnellement concerné par seulement quatre questions.


2183 C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique préc., § 97.
2184 Ibidem.
2185 C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique préc.
2186 Idem, § 90.
2187 Id., § 92.
568 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

respecté en l’espèce, le requérant n'ayant pas bénéficié des garanties nécessaires, lui

permettant de comprendre le verdict prononcé à son encontre2188.

993. Il est donc assez étonnant de voir de l’audace, même relative, dans le premier

arrêt Taxquet et un retour à la jurisprudence Papon, dans le second2189. Ces trois

arrêts forment, au contraire, un triptyque cohérent et enracinent la position

européenne, à l’égard des procédures d’assises, dans un cadre juridique clair, en

parfaite harmonie avec la ligne jurisprudentielle suivie par le Conseil constitutionnel.

Il est seulement regrettable que la Haute juridiction, n’ait pas cru bon d’exiger, via

une réserve d’interprétation, que les questions posées par le président de la cour

d’assises présentent certaines qualités, qu’elle aurait pu énoncer dans le détail.

3) Les garanties liées aux modalités de délibération du jugement

994. La troisième catégorie de garanties, destinées à éviter l’arbitraire, concerne le

mode de délibération des jugements de cour d’assises, plus précisément les règles de

majorité, imposées pour adopter les réponses aux questions posées. Avant

l’intervention de la loi du 10 août 20112190, sur la participation des citoyens au

fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, l’article 359 du Code

de procédure pénale prévoyait que « Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la

majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la

majorité de dix voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel ». Les magistrats

professionnels étant au nombre de trois, cette disposition imposait donc de recueillir

la majorité absolue des jurés2191, pour pouvoir adopter un verdict défavorable à

2188 Idem, § 100.


2189 MASTOR W. et de LAMY B., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
op. cit., p. 1154.
2190 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 préc.
2191 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 préc., Cons. 16.
La qualité du procès 569

l'accusé2192. Cette condition de majorité qualifiée des deux tiers peut certainement être

envisagée comme un rempart, bien qu’imparfait, contre l’erreur judiciaire, mais il est

difficile de voir en quoi elle faciliterait la compréhension de la décision, notamment à

l’intention de son principal destinataire. De même, rendre plus difficile le vote d’une

décision de justice pénale, préjudiciable à l’accusé, ne permet ni de garantir

l’impartialité individuelle du juge, ni de faciliter le contrôle par la juridiction

supérieure.

995. La loi d’août 20112193, qui réduit à six, le nombre de jurés siégeant à la cour

d'assises en premier ressort et à neuf en appel, modifie aussi les dispositions de

l'article 359 du Code de procédure pénale. Dorénavant, tout jugement de la cour

d'assises défavorable à l'accusé nécessite une majorité de six voix en premier ressort

et de huit en appel. Si, en première instance, les trois magistrats professionnels votent

en faveur de la culpabilité de l’accusé, il suffit seulement que trois jurés citoyens se

prononcent dans le même sens, pour que le verdict soit adopté. Il en résulte qu’une

décision de la cour d'assises, défavorable à l'accusé, ne nécessite plus la majorité

absolue des jurés pour être entérinée.

996. C’est ce que soutiennent, à juste titre, les requérants dans la décision du 4 août

20112194. Le Conseil constitutionnel leur répond que cette exigence de majorité

renforcée était une garantie légale, découlant de l’article 359 du Code de procédure

pénale, destinée à compenser l'absence de motivation classique des arrêts de la Cour

d'assises. Elle n’a donc plus lieu d’être, dans la mesure où la loi sur la participation

des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs,

2192 En prenant l’hypothèse que le président de la cour d’assises et ses deux assesseurs votent en
défaveur de l’accusé, la décision ne pourrait être adoptée qu’avec, au moins, la réunion de cinq
jurés (sur neuf) en premier ressort et sept (sur douze) en appel.
2193 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 préc.
2194 Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 préc.
570 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

prévoit la motivation littérale des verdicts d’assises 2195. En étendant le raisonnement

aux deux autres garanties, présentées comme telles dans la décision d’avril 2011, il

n’est pas totalement interdit d’être inquiet sur la solidité des principes d’oralité et de

continuité des débats, ainsi que sur la qualité des questions, auxquelles la cour

d’assises continue de répondre. Si leur seule utilité résidait dans la compensation

qu’ils procuraient à l’absence de motivation littérale des arrêts d’assises, à quoi bon

les maintenir, maintenant que ces derniers bénéficient de motifs classiques ?

997. Si un bilan doit être tiré de la politique jurisprudentielle du Conseil

constitutionnel, en matière de motivation des décisions de justice, il est assurément

mitigé. De toute évidence, le droit à la motivation des jugements n’est pas une

exigence constitutionnelle prioritaire, aux yeux de la Haute juridiction. Imposés de

manière impérative, uniquement quand la décision fait grief et quand elle émane

d’un organe non juridictionnel, c’est à dire dans l’hypothèse où le risque d’arbitraire

est le plus important, car celle-ci provient d’une structure indépendante et qui statue

en dehors de sa sphère naturelle de compétences, les motifs ayant conduit au verdict

ne sont qu’une protection parmi d’autres contre la partialité du juge. Leur absence

n’est pas rédhibitoire, elle peut même être favorablement compensée par d’autres

garanties procédurales qui, toutefois, n’exercent pas les mêmes fonctions.

Prioritairement soucieuse de garantir le droit à un juge indépendant et impartial, la

jurisprudence constitutionnelle se révèle ici plus indifférente, à l’égard des attributs

du jugement tels que la motivation, qui participent pourtant indiscutablement de sa

qualité.

2195 Article 365-1 du Code de procédure pénale.


La qualité du procès 571

CONCLUSION DU TITRE 2

998. Si la jurisprudence constitutionnelle, en matière de droit processuel, oriente son

action prioritairement vers le renforcement des qualités du juge, elle n’en oublie pas

pour autant les garanties procédurales, qui permettent de favoriser l’indépendance et

l’impartialité de l’autorité en charge de la résolution du litige. Dans cette démarche,

deux garanties principales concentrent son attention, car elles contribuent

conjointement, mais à des stades différents, à la production d’une décision de justice

de qualité.

999. La collégialité des juridictions, produit de la culture juridique et de l’histoire

judiciaire françaises, participe au processus d’élaboration d’un jugement équilibré,

grâce à l’échange d’arguments qu’elle suscite inévitablement entre les membres de la

formation juridictionnelle. De son côté, le système du juge unique, même s’il ne

bénéficie pas de cette confrontation de vues, n’est cependant pas dénué d’un certain

nombre d’avantages, l’individualisation de la position du magistrat statuant seul

l’obligeant à l’excellence morale et juridique. Cet équilibre des bénéfices respectifs

des deux systèmes organisationnels des formations de jugement explique la position

du Conseil constitutionnel, qui n’a pas souhaité ériger la collégialité au sommet de la

hiérarchie des normes. Elle n’est pas dépourvue pour autant de toute protection,

puisque le juge constitutionnel s’assure, que le choix opéré par le législateur respecte

le principe d’égalité devant la justice et la compétence de l’autorité normative, fixée

par les articles 34 et 37 de la Constitution.

1000. De la même manière, la motivation des jugements n’a pas valeur

constitutionnelle, ce qui explique qu’elle puisse être écartée dans certaines


572 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

hypothèses, à partir du moment où son absence est compensée par d’autres garanties

procédurales. Le juge constitutionnel ne l’exige expressément, que dans l’hypothèse

où la décision de justice revêt le caractère d’une sanction ayant un caractère punitif et

qu’elle a été prise par une autorité non juridictionnelle.

1001. La position du Conseil constitutionnel, sur la collégialité des juridictions et la

motivation des décisions de justice, traduit ainsi la gradation des exigences de sa

jurisprudence en matière de droit du procès. Aucun de ces deux attributs ne paraît,

aux yeux du juge constitutionnel, déterminant dans l’appréciation globale du procès,

en tant qu’instrument de mesure de la qualité de la justice rendue. Le droit à la

collégialité et à la motivation est ainsi topique de la jurisprudence constitutionnelle,

soucieuse d’assurer au justiciable un accès au juge revêtu de ses qualités essentielles,

mais beaucoup moins préoccupée ensuite par les processus judiciaires, qui

contribuent pourtant à la fabrication d’une décision de qualité, intellectuellement

comprise et humainement admise.


La qualité du procès 573

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

1002. Une fois assurée l’existence du procès, grâce au droit de saisir un juge paré des

vertus indispensables à l’accomplissement de sa mission, la qualité du procès, au

sens de la jurisprudence constitutionnelle, découle de la reconnaissance de garanties

institutionnelles et procédurales. Ces dernières se dédoublent, les unes en direction

des parties au procès, les autres au bénéfice de la décision juridictionnelle.

1003. En ce qui concerne la première catégorie, la jurisprudence du Conseil

constitutionnel traduit, depuis son origine, un renforcement régulier des droits du

justiciable, particulièrement quand celui-ci fait l’objet d’une mise en cause, au cours

d’une procédure répressive. Ainsi, les droits de la défense et la présomption

d’innocence ont vu leur statut constitutionnel renforcé et leur domaine d’application

élargi. Ils garantissent aujourd’hui à chaque justiciable, que l’instance à laquelle il

participe se déroulera dans des conditions respectueuses des droits fondamentaux

processuels.

1004. Pour ce qui est de la seconde catégorie, leur statut juridique semble beaucoup

moins affirmé, ce qui justifie que les garanties procédurales, contribuant à la qualité

des décisions de justice, puissent varier d’une procédure à l’autre. En effet, ni la

collégialité des juridictions, ni la motivation des décisions de justice ne constituent un

objectif prioritaire dans la jurisprudence constitutionnelle processuelle. Aucun de ces

deux attributs ne paraît, aux yeux du Conseil constitutionnel, déterminant dans

l’appréciation globale du procès, en tant qu’instrument de mesure de la qualité de la

justice rendue.
Conclusion générale 575

CONCLUSION GÉNÉRALE

1005. Au terme de cette étude consacrée aux principes directeurs du procès, tels

qu’issus de la jurisprudence constitutionnelle, il convient de rappeler succinctement

les principaux apports de cette recherche, avant de proposer quelques observations

prospectives, afin de prolonger la réflexion. Ce travail poursuivait essentiellement

deux objectifs : il s’agissait, d’abord, d’opérer une classification des principes

constitutionnels directeurs du procès, avant d’examiner, ensuite, l’étendue des

exigences du Conseil constitutionnel, à l’égard de chacune de ces catégories. Ces

deux opérations, menées conjointement, devaient ainsi permettre d’extraire de la

jurisprudence constitutionnelle, un corpus ordonné de principes directeurs du procès,

expression d'une certaine conception de la justice, dont ce dernier est le vecteur et

d’améliorer ainsi, la prévisibilité des décisions constitutionnelles en matière de

justice.

1006. Notre première préoccupation consistait à dresser une liste des principes

directeurs du procès, dégagés par le Conseil constitutionnel et à les distribuer au sein

d’une catégorisation rationnelle. Il nous a alors semblé que la classification la plus

satisfaisante, car la plus lisible et rendant le plus fidèlement compte du droit positif,

était celle réalisée selon l’acteur du procès principalement visé. Ainsi, certains

principes sont orientés vers le juge, même s’ils bénéficient aux parties, tandis que

d’autres sont tournés vers les parties, bien qu’ils concernent aussi le juge. À cette

summa divisio, il était nécessaire d’ajouter une troisième catégorie de principes

directeurs du procès, celle des garanties procédurales ayant pour objectif de favoriser

les qualités essentielles du juge et de contrôler le respect des droits des parties.
576 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1007. Ce recensement des principes directeurs du procès a été rendu possible par le

travail jurisprudentiel réalisé par le Conseil constitutionnel, qui est d’autant plus à

saluer que le statut écrit de la justice est mince dans le texte de la Constitution de

1958. Le Titre VIII, consacré exclusivement à l’autorité judiciaire et comportant

uniquement quatre articles, ne saurait couvrir à lui seul, l’ensemble des impératifs

constitutionnels en matière de justice. Les insuffisances de la Loi fondamentale ont

alors été partiellement comblées par la jurisprudence constitutionnelle, réalisant à

partir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et notamment son article

16, un louable travail d’actualisation de la Constitution2196.

1008. Outre cette faiblesse liée à la pauvreté des fondements constitutionnels écrits,

un second handicap majeur aurait pu entraver l’élaboration d’un droit

constitutionnel processuel : l’absence de contrôle systématique de dispositions

législatives, heurtant parfois un principe ou une règle de valeur constitutionnelle.

L’introduction du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité a alors

joué un rôle déterminant, quantitativement2197 et qualitativement, permettant même

au Conseil constitutionnel de revoir certaines de ses positions, à la faveur d’un

changement de circonstances2198. De toute évidence, l’ancienne « porte étroite2199 »

menant au prétoire du juge constitutionnel venait de s’entrouvrir 2200. L’apparition

d’un contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois a ainsi permis de réduire, de

manière conséquente, les déficiences structurelles du système juridique français 2201,

2196 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et


l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », op.cit., p. 300.
2197 Pas moins de cinquante-sept décisions (dont cinquante-deux intéressent directement le droit
processuel) consécutives à des questions prioritaires de constitutionnalité ont été utilisées dans
cette étude.
2198 Cf en ce sens, Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013 préc. ; Décision n° 2010-14/22 QPC du 30
juillet 2010 préc.
2199 VEDEL G., « L’accès des citoyens au juge constitutionnel. La porte étroite », La vie judiciaire,
n° 2344, 11-17 mars 1991, p. 1.
2200 DRAGO G., « Le nouveau visage du contentieux constitutionnel », R.F.D.C., 2010, p. 751.
2201 MOLFESSIS N., « L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », op. cit., p. 97.
Conclusion générale 577

en facilitant son adaptation à cette source du droit en pleine expansion, qu’est la

jurisprudence constitutionnelle. L’autorité des décisions du Conseil, la légitimité de

sa jurisprudence, ainsi que la compétitivité des dispositions constitutionnelles 2202 en

ont été considérablement renforcées.

1009. Une fois ce travail de classification effectué, notre second objectif était d’évaluer

si tous les principes directeurs du procès bénéficiaient d’une protection

constitutionnelle équivalente. L’examen des décisions constitutionnelles intervenues

en matière processuelle fit alors apparaître une gradation des exigences du Conseil,

discrètement perceptible entre les principes orientés vers le juge et ceux dégagés à

l’intention des parties, plus facilement identifiable entre ces derniers et les garanties

procédurales contribuant à l’élaboration d’une décision juridictionnelle de qualité.

Cette échelle de « densité » des principes directeurs du procès témoigne d’une

véritable politique jurisprudentielle en matière de droit constitutionnel processuel,

caractérisée par quelques orientations dominantes.

1010. En premier lieu, le droit au recours juridictionnel effectif apparaît, dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme un principe matriciel, « le droit des

droits2203 », celui qui non seulement conditionne l’existence de toutes les autres

garanties processuelles, mais de surcroît, permet la réalisation des droits subjectifs

grâce à l’action en justice. La Haute juridiction lui a reconnu valeur constitutionnelle,

n’admettant les atteintes qui lui sont portées, qu’à la condition impérative qu'elles ne

soient pas substantielles2204. Simultanément, le Conseil constitutionnel a entouré le

droit au juge de protections institutionnelles, au premier rang desquelles se trouvent

l'indépendance et l'impartialité du tribunal, qui sont autant de gages de bonne

2202 Ibidem. Il s’agit là des trois lacunes principales mises en exergue par le professeur Nicolas
MOLFESSIS.
2203 RENOUX T., « La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des Droits et l'indépendance
de la Justice », op.cit., p. 305.
2204 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 préc., Cons. 83.
578 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

justice. Si le citoyen doit pouvoir accéder, sans entraves excessives, au juge pour y

faire valoir ses droits, ce dernier doit, en outre, être pourvu des vertus indispensables

à l’exercice de sa mission. Ces exigences qualitatives sont particulièrement

prégnantes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui veille

rigoureusement à ce qu’aucun des deux autres pouvoirs publics constitutionnels ne

s’immisce dans la fonction juridictionnelle.

1011. En second lieu, à un degré moindre, le juge constitutionnel a développé une

jurisprudence protectrice des droits des parties au procès, surtout quand ces

dernières font l’objet de poursuites, susceptibles de déboucher sur une sanction ayant

le caractère d’une punition. La jurisprudence constitutionnelle en matière de

présomption d’innocence apparaît équilibrée, soucieuse d’éviter les ingérences dans

les choix de politique pénale effectués par les autorités publiques, mais attentive à la

protection des droits constitutionnellement garantis au bénéfice du justiciable mis en

cause. De leur côté, les droits de la défense ont fait, à ce jour, l’objet de vingt-quatre

questions prioritaires de constitutionnalité, témoignant de leur propension à

s’étendre bien au-delà de leur terrain d’élection privilégié : la matière pénale. Notion

floue, voire énigmatique et au contenu difficilement identifiable avec précision, les

droits de la défense recouvrent essentiellement, dans la jurisprudence

constitutionnelle, l’exigence d’une procédure contradictoire et le droit à l’assistance

d’un défenseur. La protection offerte par le Conseil constitutionnel à ces deux

garanties s’est affirmée progressivement, l’introduction du contrôle a posteriori de

constitutionnalité des lois ayant, notamment, renforcé la place de l’avocat dans le

procès, même si son statut constitutionnel reste encore perfectible. Néanmoins, la

jurisprudence constitutionnelle assure aujourd’hui à chaque justiciable, la garantie

d’un procès de qualité, caractérisé par le souci de l’équilibre et du respect des droits

processuels des parties.


Conclusion générale 579

1012. Enfin, en troisième lieu, les garanties procédurales qui participent de l’édiction

d’une décision de justice de qualité ne bénéficient pas d’une protection

constitutionnelle comparable. La collégialité des juridictions, pourtant inhérente à la

culture judiciaire française, loin d’être un axiome absolu dans la jurisprudence

constitutionnelle, peut être favorablement contournée au profit du magistrat statuant

seul, en expansion régulière par ailleurs. Le juge constitutionnel lui assure tout de

même une protection indirecte, par l’entremise du principe d’égalité devant la

justice. Quant à la motivation des décisions de justice, le Conseil constitutionnel

accepte qu’elle soit éludée, dans la mesure où le législateur a prévu des garanties

procédurales de substitution. La Haute juridiction ne l’impose expressément que

dans l’hypothèse où le risque d’arbitraire est le plus élevé, c’est à dire quand le

jugement émane d’une autorité non juridictionnelle et qu’il revêt le caractère d’une

punition. La différence majeure, entre cette catégorie et les deux premières, réside

dans le fait que ces garanties procédurales, à l’instar de la publicité des débats ou de

la célérité des décisions, ne constituent pas une donnée prédéterminée du procès

mais, au contraire, comportent un caractère contingent, qui justifie leur variation

possible d’un contentieux à l’autre.

1013. Cet état des lieux effectué, quels chantiers reste-t-il à entreprendre ? Quelles

améliorations serait-il pertinent d’effectuer afin de parfaire l’architecture du procès et

au-delà, du système juridictionnel français ? On peut tenter d’esquisser quelques

réponses à ces interrogations, qui ne sont que des pistes de réflexion méritant d’être

approfondies. Deux réformes constitutionnelles d’envergure nous semblent

nécessaires, dans le souci d’améliorer l’indépendance de la magistrature, qualité

consubstantielle à l’idée même de justice et préalable nécessaire à toutes les autres.

1014. La première concerne directement le Conseil supérieur de la magistrature et

plus précisément, le lien qui le relie encore au pouvoir exécutif. Il conviendrait de

prolonger la réforme qui a supprimé la présidence de l’institution par le Chef de


580 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

l’État2205, en lui ôtant toute prérogative de désignation des membres du C.S.M. Le

constituant serait alors bien avisé d’introduire un peu de cohérence dans le Titre VIII

de la Constitution, en cessant de faire du Président de la République le garant de

l’indépendance de l’autorité judiciaire2206, dès lors qu’il ne préside plus le C.S.M., ni

n’en désignera plus aucun de ses membres.

1015. La seconde réforme préconisée vise le parquet et indirectement encore, le

Conseil supérieur de la magistrature. Il serait, d’une part, souhaitable d’aligner le

mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège2207 et d’autre part,

d’uniformiser le régime disciplinaire des deux catégories de magistrats2208, en

attribuant à la formation du parquet, la fonction de conseil de discipline. Une telle

harmonisation des compétences des deux formations du C.S.M. serait de nature à

renforcer à la fois l’unité du corps judiciaire et l’indépendance de la magistrature,

notamment en décorrélant la carrière des procureurs, des décisions de la

Chancellerie.

1016. Ces deux modifications d’envergure, partiellement pour la première et en

totalité, en ce qui concerne la seconde, font partie du projet de loi constitutionnelle

n° 815 portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature2209. Impulsée par le

Président de la République, qui en a esquissé les grandes lignes lors de l'audience

solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013, cette réforme

institutionnelle a été présentée au Conseil des ministres du 13 mars 2013, avec trois

autres projets de loi constitutionnelle2210 et a été adoptée par l'Assemblée nationale, le

2205 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 préc.


2206 Article 64 de la Constitution.
2207 Cf supra n° 284 et s.
2208 Cf supra n° 293 et s.
2209 Texte disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale, Menu « Documents parlementaires -
Projets de loi - n° 815 » : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0815.asp, consulté le 18
septembre 2013.
2210 Le premier projet tend à modifier le régime des incompatibilités applicables à l'exercice des
fonctions gouvernementales et à la composition du Conseil constitutionnel, le second porte sur la
Conclusion générale 581

4 juin 20132211. Elle représente indiscutablement une avancée importante pour

l’indépendance de la magistrature, même si l’on peut regretter que le rapprochement

du mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du siège ne soit pas

entier. En effet, la loi votée par la Chambre basse prévoit que les procureurs de la

République et les procureurs généraux ne soient pas nommés sur proposition du

C.S.M. (comme c’est le cas pour les présidents de tribunaux de grande instance et les

premiers présidents de cour d'appel), mais seulement après avis conforme de celui-

ci. En revanche, les dispositions législatives votées par l’Assemblée nationale

transfèrent la compétence disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet,

actuellement dévolue au ministre de la Justice, à la formation compétente du C.S.M.

1017. Parmi les autres évolutions importantes issues du texte adopté à l'Assemblée

nationale, se trouvait aussi une modification affectant la composition du C.S.M., le

nombre de personnalités extérieures étant porté à sept et la parité, imposée. Alors

qu’avant la révision constitutionnelle de l’été 2008, les magistrats étaient majoritaires

dans chacune des deux formations (six magistrats et quatre non magistrats, ce qu'il

est convenu d'appeler les « laïcs »), la loi constitutionnelle du 23 juillet porta le

nombre de « laïcs » à huit (un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un

avocat et six personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire) et

celui des magistrats à sept. Le Président de la République, dans le discours prononcé

lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, avait souhaité

rétablir la situation antérieure. Ses directives n’ont pas été suivies par l’Assemblée

nationale, les députés ayant instauré la parité entre magistrats et « laïcs », afin

d’éviter tout risque de corporatisme. Cette décision raisonnable apparaît, par ailleurs,

responsabilité civile et pénale du président de la République et des membres du gouvernement et


enfin, le troisième vise à l’insertion d'un nouveau titre dans la Constitution, relatif à la démocratie
sociale.
2211 Texte disponible sur le site de l’Assemblée nationale, Menu « Documents parlementaires - Textes
adoptés - n° 144 » : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0144.asp, consulté le 18 septembre 2013.
582 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

conforme aux préconisations de la commission d'enquête parlementaire de

l'Assemblée nationale suite à « l’affaire d'Outreau2212 ».

1018. Le projet de loi constitutionnelle, transmis au Sénat, sortit profondément

amendé du vote en première lecture, effectué le 4 juillet 2013 2213. Non seulement le

texte adopté par les sénateurs ne reprend pas les dispositions concernant les

modalités de désignation des membres non magistrats du C.S.M.2214, mais de surcroît,

la faculté d'auto-saisine de la formation plénière du C.S.M., portant sur les

problématiques de déontologie et d'indépendance, ainsi que l'ouverture à tout

magistrat de la saisine du C.S.M., sur une question déontologique le concernant,

n’ont pas été conservées par la Chambre haute. Ainsi modifié, le projet de réforme a

été suspendu et le Congrès, tel qu’il était prévu à Versailles le 22 juillet 2013, a été

annulé.

1019. Même si le ministre des relations avec le Parlement a précisé que « la procédure

serait reprise ultérieurement », il est permis d’exprimer quelques doutes à ce sujet. Bien

qu’il faille envisager le devenir de cette réforme institutionnelle avec prudence, la

première révision constitutionnelle, initiée par le Président de la République

nouvellement élu, semble tout de même fort mal engagée, faute d’avoir su trouver

un consensus parlementaire en amont. Le vote des sénateurs laisse inévitablement

2212 Rapport n° 3125, fait au nom de la Commission d'enquête chargée de rechercher les causes des
dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour
éviter leur renouvellement. Texte disponible sur le site de l’Assemblée nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/outreau_affaire_dysfonctionnements_justice.asp, consulté le
18 septembre 2013.
2213 Texte disponible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2012-2013/625.html, consulté
le 18 septembre 2013.
2214 Le texte voté par l’Assemblée nationale, conformément aux souhaits du Chef de l’État, prévoyait
que ces membres soient désignés « conjointement par le vice-président du Conseil d’État, le président du
Conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits, le premier président de la Cour de
cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes et un
professeur des universités. Dans chaque assemblée parlementaire, une commission permanente désignée par
la loi se prononce par un avis public sur la liste des personnes ainsi désignées. Aucune ne peut être nommée
si l’addition des votes défavorables à cette liste dans chaque commission représente au moins les trois
cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
Conclusion générale 583

entrevoir une sérieuse difficulté, en vue d’une adoption définitive par le Parlement

convoqué en Congrès, avec une majorité des trois cinquièmes. Si l’on ne peut que le

déplorer pour l’indépendance de la justice, rien à ce jour ne permet donc d’affirmer

qu’elle ne connaîtra pas le même avenir, que celle portant sur des thématiques

similaires en 19992215.

1020. Parallèlement, la Garde des sceaux a confié le mardi 2 juin 2013 à M. Jean-Louis

NADAL, procureur général honoraire près la Cour de cassation, la mission de

conduire les travaux d’une commission pluridisciplinaire de modernisation du

Ministère public. Celle-ci devra s’interroger sur la conduite et la déclinaison de la

politique pénale, sur la direction de la police judiciaire, sur la redéfinition des

champs de compétence du parquet ainsi que sur son organisation 2216. Les séances de

travail ont commencé le jeudi 11 juillet 2013, la commission devant rendre ses

conclusions au ministre de la Justice, le 30 novembre 2013. Selon le communiqué de

presse de la Chancellerie, « une concertation sera ensuite conduite avant que la ministre

arrête les réformes que nécessite la nécessaire modernisation de l’action publique2217 ».

1021. Pour conclure, il importe de souligner l’entreprise jurisprudentielle menée par

le Conseil, pour actualiser le statut constitutionnel de la justice, envisagé de manière

très sommaire par le texte originel de 1958. Néanmoins, aussi satisfaisante que soit la

politique jurisprudentielle menée par le juge constitutionnel en droit processuel, elle

2215 Le projet de loi constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature, présenté en Conseil
des ministres le 15 avril 1998, avait été adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6
octobre 1998 et au Sénat le 18 octobre 1998. Mais le 2 décembre 1998, le Président de la République
déclara qu'il souhaitait une réforme globale de la justice. Le 27 octobre 1999, le Chef de l’État
annonça la convocation du Congrès pour le 24 janvier 2000, souhaitant, dans l'intervalle, que le
gouvernement consolide son dialogue avec les deux assemblées parlementaires. Faute d’avoir su
rallier la majorité exigée des trois cinquièmes, la procédure sera suspendue.
2216 Tels sont les quatre axes de réflexion présentés dans la lettre de mission, signée par la ministre de
la Justice le 2 juillet 2013. Texte disponible sur le site du ministère de la Justice :
http://www.presse.justice.gouv.fr/art_pix/LettremissionNadal.pdf, consulté le 18 septembre 2013.
2217 Texte disponible sur le site du ministère de la Justice : http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-
communiques-10095/archives-des-communiques-de-2013-12521/mission-confiee-a-m-jean-louis-nadal-
25689.html, consulté le 18 septembre 2013.
584 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ne doit pas faire oublier que c’est aux pouvoirs publics, par la voie législative ou

constitutionnelle, de mettre le droit en adéquation avec les exigences sociétales. En

prenant soin, cependant, de ne pas oublier ce que Jean RIVERO avait si bien mis en

évidence : « le Droit [...] a, dans la vie sociale, une fonction à remplir. Fonction de stabilité,

fonction de sécurité2218 ». Et en matière de droit du procès, les attentes sont si grandes et

le désir de justice si fort, que dans ce domaine plus que dans aucun autre, « il ne faut

y toucher que d'une main tremblante2219 ».

2218 RIVERO J., « Apologie pour les "faiseurs de systèmes" », op. cit., p. 102.
2219 MONTESQUIEU (de SECONDAT C.-L.), Lettres persanes, « Lettre CXXIX. USBEK À RHEDI. ».
Bibliographie 585

BIBLIOGRAPHIE

I - OUVRAGES GÉNÉRAUX, MANUELS ET DICTIONNAIRES

ANDRIANTSIMBAZOVINA J., GOUTTENOIRE A., LEVINET M.,


MARGUÉNAUD J.-P. et SUDRE F., Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits
de l'Homme, 6e éd., P.U.F., Coll. Thémis Droit, Paris, 2011

CHAPUS R., Droit administratif général, 15e éd., Montchrestien, Coll. Domat droit
public, Paris, 2001

CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13e éd., Montchrestien, Coll. Domat
droit public, Paris, 2008

CORNU G., Vocabulaire juridique, 9e éd., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2011

DESPORTES F. et LAZERGES-COUSQUER L., Traité de procédure pénale, 2e éd,


Economica, Coll. Corpus, Paris, 2012

DRAGO G., Contentieux constitutionnel français, 3e éd., P.U.F., Coll. Thémis, Paris,
2011

FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., MESTRE J.-L., PFERSMANN O.,
ROUX A. et SCOFFONI G., Droit constitutionnel, 16e éd., Dalloz, Coll. Précis droit
public, Paris, 2013

FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., PENA


A., PFERSMANN O., PINI J., ROUX A., SCOFFONI G. et TRÉMEAU J., Droit des
libertés fondamentales, 6e éd., Dalloz, Coll. Précis droit public, Paris, 2012

FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., OLIVA É., MÉLIN-SOUCRAMANIEN


F., PHILIP L. et ROUX A., Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 17e éd.,
Dalloz, Coll. Grands arrêts, Paris, 2013

FRICERO N., Procédure civile, 9e éd., Gualino, Coll. Mémentos, Paris, 2013

GAUDEMET Y., STIRN B., DAL FARRA T. et ROLIN F., Les grands avis du Conseil
d'État, 3e éd., Dalloz, Coll. Grands avis, Paris, 2008

GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Traité de droit administratif, t. 2, Dalloz,


Coll. Traités Dalloz, Paris, 2011
586 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S. et


DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, 7e éd.,
Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris, 2013

GUINCHARD S. et BUISSON J., Procédure pénale, 9e éd., Litec, Coll. Manuel, Paris,
2013

GUINCHARD S., CHAINAIS C. et FERRAND F., Procédure civile : droit interne et


droit de l'Union européenne, 31e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris, 2012

GUINCHARD S., DEBARD T., MONTAGNIER G. et VARINARD A., Institutions


juridictionnelles, 12e éd., Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris, 2013

HÉRON J. et LE BARS T., Droit judiciaire privé, 5e éd., Montchrestien, Coll. Domat
droit privé, Paris, 2012

JEULAND E., Droit processuel Une science de la reconstruction des liens de droit, 2e éd.,
L.G.D.J., Coll. Manuels, Paris, 2007

KELSEN H., Théorie pure du droit, Éd. de la Baconnière, Neuchâtel, 1988

LITTRÉ E., Le nouveau Littré, Dictionnaire de la langue française, Hachette, Paris, 2008

LONG M., WEIL P., BRAIBANT G., DELVOLVÉ P. et GENEVOIS B., Les grands
arrêts de la jurisprudence administrative, 19e éd., Dalloz, Coll. Grands arrêts, Paris, 2013

MATHIEU B., MACHELON J.-P., MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., PHILIPPE X. et


ROUSSEAU D., Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel, 2e éd., Dalloz, Coll.
Grandes délibérations, Paris, 2013

MATHIEU B. et VERPEAUX M., Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux,


L.G.D.J., Coll. Manuel, Paris, 2002

MÉLIN-SOUCRAMANIEN F. et PACTET P., Droit constitutionnel, 32e éd., Sirey,


Coll. Sirey Université, Paris, 2013

MOTULSKY H. (et M.M. CAPEL), Droit processuel, Montchrestien, Paris, 1973

Ecrits : études et notes de procédure civile, Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, Paris,
2009

OPPETIT B. et TERRÉ F., Philosophie du droit, Dalloz, Coll. Précis droit privé, Paris,
2005

RASSAT M. -L., Institutions judiciaires, 2e éd., P.U.F., Coll. Premier Cycle, Paris, 1996
Bibliographie 587

RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, 5e éd., Litec, Coll. Codes
bleus, Paris, 2013

RENUCCI J.-F., Droit européen des droits de l'homme : contentieux européen, 4e éd.,
L.G.D.J., Coll. Manuel, Paris, 2010

REY-DEBOVE J. et REY A., Le Petit Robert - Dictionnaire alphabétique et analogique de la


langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2010

RIGAUDIÈRE A., Introduction historique à l'étude du droit et des institutions, 3e éd.,


Economica, Paris, 2006

STRICKLER Y., Procédure civile, 4e éd., Paradigme, Coll. Manuel, Orléans, 2013

SUDRE F., Droit européen et droit international des droits de l'homme, 11e éd., P.U.F.,
Coll. Droit Fondamental, Paris, 2012

TROPER M. et HAMON F., Droit constitutionnel, 34e éd., L.G.D.J., Coll. Manuel,
Paris, 2013

ZOLLER E., Droit constitutionnel, 2e éd., P.U.F., Coll. Droit fondamental, Paris, 1999

II - OUVRAGES SPÉCIALISÉS

ALLIX D., Les droits fondamentaux dans le procès pénal, 2e éd., Montchrestien, Coll.
Préparation au C.R.F.P.A., Paris, 2002

AMRANI-MEKKI S., Le temps et le procès civil, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de


thèses, Paris, 2002

BEIGNIER B., Les droits fondamentaux et règles principales du procès civil, 3e éd.,
Montchrestien, Coll. Préparation au C.R.F.P.A., Paris, 2000

BERNABÉ B., La récusation des juges : étude médiévale, moderne et contemporaine,


L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, 2009

BONINCHI M., FILLON C. et LECOMPTE A., Devenir juge : modes de recrutement et


crise des vocations de 1830 à nos jours, P.U.F., Coll. Droit et justice, Paris, 2008

BOYER-MÉRENTIER C., Les ordonnances de l'article 38 de la constitution du 4 octobre


1958, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1996
588 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

BRISSON J.-F., Les recours administratifs en droit public français, contribution à l’étude du
contentieux administratif non juridictionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public,
Paris, 1996

CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, 2e éd.,
P.U.F., Coll. Thémis, Paris, 2013

CADIET L. et RICHER L., Réforme de la justice, réforme de l'État, P.U.F., Coll. Droit et
justice, Paris, 2003

CAPITANT R., De la nature des actes de gouvernement, Dalloz, Paris, 1964

CARBONNIER J., Droit et passion du droit sous la Vème République, 4e éd., Flammarion,
Coll. Champs, Paris, 2008

CAR J.-C., Les lois organiques de l'article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958,


Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1999

CARSASSONNE G., La Constitution introduite et commentée, 11e éd., Seuil, Coll.


Points, Paris, 2013

CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la


République : principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 2002

COHEN-JONATHAN G., Aspects européens des droits fondamentaux, 3e éd.,


Montchrestien, Coll. Préparation au C.R.F.P.A., Paris, 2002

DANET J., GRUNVALD S., HERZOG-EVANS M. et LE GALL Y., Prescription,


amnistie et grâce en France, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires, Paris, 2008

DELICOSTOPOULOS I., Le procès civil à l'épreuve du droit processuel européen,


L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, 2003

DELMAS-MARTY M. et TEITGEN-COLLY C., Punir sans juger : de la répression


administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992

DERRIEN A., Les juges français de la constitutionnalité - Etude sur la construction d'un
système contentieux, Conseil constitutionnel, Conseil d'État, Cour de cassation : trois juges
pour une norme, Bruylant, Coll. Bibliothèque européenne Droit, Bruxelles, 2003

DESPREZ F., Rituel judiciaire et procès pénal, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de sciences
criminelles, Paris, 2009
Bibliographie 589

DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des décisions interprétatives en


France et en Italie, Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1997

DISANT M., L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, L.G.D.J.,


Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2010

DRAGO G., L'exécution des décisions du Conseil constitutionnel : l'effectivité du contrôle


de constitutionnalité des lois, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-
en-Provence, 1991

DUEZ P., Les actes de gouvernement, Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, Reproduction
en fac-similé, Paris, 2006

DWORKIN R., Prendre les droits au sérieux, P.U.F., Coll. Léviathan, Paris, 1995

FAVOREU L., Du déni de justice en droit public français, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
droit public, Paris, 1964

FRANGI M., Constitution et droit privé : les droits individuels et les droits économiques,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1992

FURET F. et HALEVI R., Orateurs de la Révolution française , t. 1, Les constituants,


Gallimard, Paris, 1989

GENEVOIS B., La jurisprudence du Conseil constitutionnel, principes directeurs, S.T.H.,


Paris, 1988

GIMENO CABRERA V., Le traitement jurisprudentiel du principe de dignité de la


personne humaine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français et du Tribunal
constitutionnel espagnol, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science
politique, Paris, 2004

GOFFAUX P., L'inexistence des privilèges de l'administration et le pouvoir d'exécution


forcée, Bruylant, Bruxelles, 2002

GUÉRY C., Détention provisoire, Dalloz, Coll. Référence, Paris, 2001

HOURQUEBIE F., Sur l'émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème


République, Bruylant, Bruxelles, 2004

JAN P., Le procès constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public, Paris,
2001

JOSSERAND S., L'impartialité du magistrat en procédure pénale, L.G.D.J., Coll.


Bibliothèque des sciences criminelles, Paris, 1998
590 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

KRYNEN J., L’emprise contemporaine des juges, Gallimard, Coll. bibliothèque des
histoires, Paris, 2012

KUTY F., L' impartialité du juge en procédure pénale : de la confiance décrétée à la confiance
justifiée, Larcier, Coll. de thèses, Bruxelles, 2005

LUCHAIRE F., Le Conseil constitutionnel - t. 1, Organisation et attributions, 2e éd.


refondue, Economica, Paris, 1997

Le Conseil constitutionnel - t. 2, Jurisprudence, première partie : l'individu, 2e éd.


refondue, Economica, Paris, 1998

La protection constitutionnelle des droits et des libertés, Economica, Paris, 1987

MARGUÉNAUD J.-P., L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de


l'homme sur le droit privé français, La documentation française, Coll. Perspectives sur la
justice, Paris, 2001

MARTIN R., Théorie générale du procès - Droit processuel, Editions juridiques et


techniques, Paris, 1984

MASTOR W., Les opinions séparées des juges constitutionnels, Economica/P.U.A.M.,


Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 2005

MATHIAS E., Les procureurs du droit : de l'impartialité du ministère public en France et


en Allemagne, Ed. CNRS, Coll. CNRS droit, Paris, 1999

MATHIEU B., Les "Validations" législatives : pratique législative et jurisprudence


constitutionnelle, Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1987

MATHIEU B., RENOUX T. et ROUX A., La Cour de justice de la République, P.U.F.,


Coll. Que sais-je ?, Paris, 1995

MEINDL F.-X. T., La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines
constitutionnelles françaises et allemandes, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle
et de science politique, Paris, 2003

MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil


constitutionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-
Provence, 1997

MELLERAY F., Essai sur la structure du contentieux administratif français : pour un


renouvellement de la classification des principales voies de droit ouvertes devant les
juridictions à compétence générale, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit public, Paris,
2001
Bibliographie 591

MERLAND G., L'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,


L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004

MODERNE F., Sanctions administratives et justice constitutionnelle : contribution à


l'étude du jus puniendi de l'État dans les démocraties contemporaines,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1993

MOLFESSIS N., Le Conseil constitutionnel et le droit privé, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque


de droit privé, Paris, 1997

(de) MONTALIVET P., Les objectifs de valeur constitutionnelle, Dalloz, Coll. Thèmes &
commentaires, Paris, 2006

MORANGE J., La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. (26 août 1789), 4e
éd., P.U.F., Coll. Que sais-je ?, Paris, 2002

MOTULSKY H., Principes d'une réalisation méthodique du droit privé. La théorie des
éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, Paris, 2002

NICOUD F., Du contentieux administratif de l'urbanisme : étude visant à préciser la


fonction du contentieux de l'urbanisme dans l'évolution du droit du contentieux
administratif général, P.U.A.M., Coll. Centre de recherches administratives, Aix-en-
Provence, 2006

PÉCHILLON E., Sécurité et droit du service public pénitentiaire, L.G.D.J., Coll.


Bibliothèque de droit public, Paris, 1998

PHILIPPE X., Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudence constitutionnelle et


administrative française, Economica/P.U.A.M., Coll. Science et droit administratif,
Paris, Aix-en-Provence, 1990

PLATON S., La coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans


l'ordre juridique français, L.G.D.J., Coll. des thèses, Paris, 2008

QUILLERE-MAJZOUB F., La défense du droit à un procès équitable, Bruylant, Coll.


Nemesis, Bruxelles, 1999

RASSAT M.-L., Le ministère public entre son passé et son avenir, L.G.D.J., Coll.
Bibliothèque de sciences criminelles, Paris, 1967

RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire - L'élaboration d'un droit


constitutionnel juridictionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris,
Aix-en-Provence, 1984
592 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

RENOUX T. et ROUX A., L'administration de la Justice en France, P.U.F., Coll. Que


sais-je ?, Paris, 1994

RIPERT G., Les forces créatrices du droit, L.G.D.J., Paris, 1955

RIVERO J., Les mesures d'ordre intérieur administratives : essai sur les caractères
juridiques de la vie intérieure des services publics, Sirey, Paris, 1934

ROBLOT-TROIZIER A., Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la


Constitution française : recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Dalloz, Coll.
Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris, 2007

ROUMIER W., L'avenir du jury criminel, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque des sciences
criminelles, Paris, 2003

SCHNAPPER D., Une sociologue au Conseil constitutionnel, Gallimard, Paris, 2010

SERMET L., Convention européenne des droits de l'homme et contentieux administratif,


Economica, Coll. Coopération et développement, Paris, 1996

SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public


positif, Paris, Aix-en-Provence, 2003

SUDRE F., La diffusion du modèle européen du procès équitable, La documentation


française, Coll. perspectives sur la justice, Paris, 2003

SZYMCZAK D., La Convention européenne des droits de l'homme et le juge constitutionnel


national, Bruylant, Coll. Publications de l'Institut international des droits de l'homme,
Bruxelles, 2006

TIMSIT G., Les figures du jugement, P.U.F., Coll. Les voies du droit, Paris, 1993

TIMSIT G., Gouverner ou juger - Blasons de la légalité, P.U.F., Coll. les voies du droit,
Paris, 1998

TREMEAU J., La réserve de loi, Compétence législative et Constitution,


Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1997

VIALA A., Les réserves d'interprétation dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,


L.G.D.J., Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris, 1999

XYNOPOULOS G., Le contrôle de proportionnalité dans le contentieux de la


constitutionnalité et de la légalité : France, Allemagne et Angleterre, L.G.D.J., Coll.
Bibliothèque de droit public, Paris, 1995
Bibliographie 593

III - THÈSES ET MÉMOIRES

AÏT-OUARET, A., La présomption d'innocence et la preuve pénale, Mémoire de D.E.A.


dactyl., Bordeaux IV, 2004

AMAR-LAYAN B., Le contrôle de constitutionnalité de l'acte juridique français, Thèse


dactyl., Toulouse I, 1994

BACQUET-BRÉHANT V., L'article 62, alinéa 2, de la Constitution du 4 octobre 1958.


Contribution à l'étude d'une norme dépourvue de sanction, Thèse dactyl., Paris II, 2003

BERENGER F., La motivation des arrêts de la Cour de cassation : de l'utilisation d'un


savoir à l'exercice d'un pouvoir, Mémoire de D.E.A., P.U.A.M., 2003

DELZANGLES H., L'indépendance des autorités de régulation sectorielles :


communications électroniques, énergie et postes, Thèse dactyl., Bordeaux IV, 2008

ESPARBÈS V., « AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS … » Réflexions sur l’entête des


décisions de justice, Mémoire de D.E.A. dactyl., Paris II, 2008

FISCHER E., Droits fondamentaux, constitution et procédure civile en France et en


Allemagne, Thèse dactyl., Lyon III, 2001

FRISON-ROCHE M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire, Thèse dactyl.,


Paris II, 1988

GIUDICELLI-DELAGE G., La motivation des décisions de justice, Thèse dactyl.,


Poitiers, 1979

LARSONNIER V., Les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans
la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, Thèse dactyl., Montpellier I, 2002

SAUVIAT A., La jurisprudence judiciaire et les décisions du Conseil constitutionnel, Thèse


dactyl., Limoges, 1993

SCHMITTER G., La constitutionnalisation du droit processuel, Thèse dactyl., Aix-


Marseille III, 1994

TOURRET B., Aperçus sur l'interprétation à travers la jurisprudence de la Cour de


cassation et du Conseil constitutionnel, Thèse dactyl., Rouen, 1990

VERGÈS E., Les principes directeurs du procès judiciaire, Thèse dactyl., Aix-Marseille III,
2000
594 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

IV - OUVRAGES COLLECTIFS, JOURNÉES D'ÉTUDES ET COLLOQUES

Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet, Annuaire international de justice


constitutionnelle, XIème Table ronde internationale des 15 et 16 septembre 1995, Aix-en-
Provence, Economica, Paris, 1995

Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30


septembre 2000, Bruylant, Coll. Union des avocats européens, Bruxelles, 2001

Association française pour l'histoire de la justice (ouvrage collectif), La Cour d'assises :


bilan d'un héritage démocratique, La documentation française, Coll. Histoire de la
justice, Paris, 2001

La participation du citoyen à l'administration de la justice, Bruylant, Coll. Les cahiers de


l'Institut d'études sur la Justice, Bruxelles, 2006

La responsabilité professionnelle des magistrats, Bruylant, Coll. Les cahiers de l'Institut


d'études sur la Justice, Bruxelles, 2007

Le dialogue des juges, colloque de Bruxelles, 28 avril 2006, Bruylant, Coll. Les cahiers de
l'Institut d'études sur la Justice, Bruxelles, 2007

Quel avenir pour le ministère public ? Sous l'égide de la Cour de cassation, Dalloz, Coll.
Thèmes et commentaires, Paris, 2007

(d’)AMBRA D., BENOÎT-ROHMER F. et GREWE C., (dir.), Procédure(s) et effectivité


des droits, colloque de Strasbourg, 31 mai-1er juin 2002, Bruylant, Coll. Droit et Justice,
Bruxelles, 2004

BADINTER R. et autre (Institut Louis FAVOREU), Contrôle de constitutionnalité par


voie préjudicielle - La saisine par les citoyens, colloque Ministère de la justice, Paris, 16
février 2009, P.U.A.M, Aix-en-Provence, 2009

BAILLEAU F. (dir.), La justice pénale des mineurs en Europe : entre modèle Welfare et
inflexions néo-libérales, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 2007

CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004

CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris,
2008

CHAMPEIL-DESPLATS V. (dir.), A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme :


journée d'études du 24 novembre 2006 à Nanterre, Presses universitaires de Paris X,
Nanterre, 2008
Bibliographie 595

COHEN-JONATHAN G. et FLAUSS J.-F. (dir.), Mesures conservatoires et droits


fondamentaux, Bruylant, Coll. Droit et justice, Bruxelles, 2005

DRAGO G. (dir.), L'application de la Constitution par les Cours suprêmes, colloque de


Paris, 4 octobre 2006, Dalloz, Coll. Thèmes et commentaires, Paris, 2007

DRAGO G., FRANCOIS B., et MOLFESSIS N. (dir.), La légitimité de la jurisprudence


du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996, Economica, Coll.
Etudes juridiques, Paris, 1999

GOURDOU J., LECUQ O. et MADEC J.-Y. (dir.), Le principe du contradictoire dans le


procès administratif : actes des deuxièmes rencontres Tribunal administratif / Faculté de droit
de Pau, 17 septembre 2009, L'Harmattan, Paris, 2010

GREWE C., JOUANJAN O., MAULIN E., WASCHMANN P. (dir.), La notion de


« justice constitutionnelle », Dalloz, Coll. Thèmes et commentaires, Paris, 2005

HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de


Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011

JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, Presses
de l'Université Toulouse 1 Capitole, Coll. Mutation des normes juridiques, Toulouse,
2010

MATHIEU B. et VERPEAUX M. (dir.), La constitutionnalisation des branches du Droit,


Actes de l'atelier du 3ème Congrès de l'Association française des constitutionnalistes,
Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1998

MATHIEU B. et VERPEAUX M. (dir.), Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz,


Coll. Thèmes & commentaires, Les Cahiers constitutionnels de Paris I, Paris, 2012

PAPADOPOULOS I., Plaider coupable : la pratique américaine, le texte français, P.U.F.,


Coll. Droit et justice, Paris, 2004

PAVIA M.-L. et REVET T. (dir.), La dignité de la personne humaine, Economica, Coll.


Études juridiques, Paris, 1999

PINGEL I. et SUDRE F. (dir.), Le ministère public et les exigences du procès équitable,


Bruylant, Coll. Droit et justice, Bruxelles, 2003

PRADEL J. (dir.), Droit constitutionnel et droit pénal, Cujas, Coll. Travaux de l'Institut
de sciences criminelles de Poitiers, Paris, 2000
596 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

RENOUX T. (dir.), La Cour de cassation et la Constitution de la République, Colloque 9-10


décembre 1994 Aix-en-Provence, La documentation française/P.U.A.M., Paris, Aix-en-
Provence, 1995

Les Conseils supérieurs de la magistrature en Europe, Actes de la table ronde


internationale du 14 septembre 1998, La documentation française, Coll.
Perspectives sur la justice, Paris, 2000

Protection des libertés et droits fondamentaux, La documentation française, Coll.


Notices de la D.F., Paris, 2007

RIDEAU J. (dir.), Le droit au juge dans l'Union européenne, Actes du colloque de Nice, 25
et 26 avril 1997, L.G.D.J., Paris, 1998

ROUSSEAU D. et SUDRE F. (dir.), Conseil Constitutionnel et Cour européenne des droits


de l’homme - Droits et libertés en Europe, Ed. S.T.H., Paris, 1990

ROUSSEAU D. (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, Lextenso éditions,


Gazette du Palais, Coll. Guide pratique, Paris, 2010

RUIZ FABRI H. (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs : Travaux
de l'atelier de droit international de l'UMR de droit comparé de Paris, éd. Soc. législation
comp., Coll. U.M.R. de droit comparé, Paris, 2003

STRICKLER Y. (dir.), La place de la victime dans le procès pénal, Bruylant, Bruxelles,


2009

SUDRE F. (dir.) Le droit français et la Convention européenne des droits de l'homme, Actes
du colloque de Montpellier, février1993, Ed. N.P. Engel, Strasbourg, 1994

VAN COMPERNOLLE J. et SALETTI A. (dir.), Le double degré de juridiction, Etude de


droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2010

VAN COMPERNOLLE J. et TARZIA G. (dir.), L'impartialité du juge et de l'arbitre,


Etude de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2006

YOUF D. (dir.), La justice pénale des mineurs, La documentation française, Paris, 2007

V - ARTICLES

ALT-MAES F., « La contractualisation du droit pénal mythe ou réalité ? », R.S.C.,


2002, p. 501

AMBROISE-CASTEROT C., « Procédure accusatoire/ Procédure inquisitoire »,


CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1058
Bibliographie 597

AMRANI-MEKKI S., « Procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F.,


Paris, 2004, p. 1083

« Le principe de célérité », R.F.A.P., n° 125, 2008, p. 43

« Qu'est devenue la pensée de Henri MOTULSKY ? Les droits de la défense »,


Procédures, n° 3, Mars 2012, dossier n° 6

ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Délai raisonnable du procès, recours effectif ou


déni de justice », R.F.D.A., 2003, p. 85
« La conception des libertés par le Conseil constitutionnel et par la Cour
européenne des droits de l’homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011,
n° 32, p. 19

APCHAIN H., « Retour sur la notion de bonne administration de la justice »,


A.J.D.A., 2012, p. 587

ARNÉ S., « Existe-t-il des normes supra-constitutionnelles ?, Contribution à l’étude


des droits fondamentaux et de la constitutionnalité », R.D.P., 1993, p. 461

ARRIGHI de CASANOVA J., « Commentaire de l’ordonnance n° 2000-387 du 4 mai


2000 relative à la partie législative du Code de justice administrative ; Commentaire
des décrets n° 2000-388 et 2000-389 du 4 mai 2000 relatifs à la partie réglementaire du
Code de justice administrative », A.J.D.A., 2000, Chroniques, p. 639

« Le procès équitable dans la jurisprudence fiscale du Conseil d'État », R.F.F.P.,


2003, n° 83, p. 25

ATIAS C., « La civilisation du droit constitutionnel », R.F.D.C., 1991, p. 435

AUBY J.-B., « L'avenir de la jurisprudence Blocage des prix et des revenus », Cahiers
du Conseil constitutionnel, 2005, n° 19, p.105

AUTIN J.-L. et SUDRE F., « La dualité fonctionnelle du Conseil d'État en question


devant la Cour européenne des droits de l'homme », R.F.D.A., 1996, p. 777

« L'impartialité structurelle du Conseil d'État hors de cause ? », R.F.D.A., 2007,


p. 342

AYACHE G. et JOSSEAUME R., « Le code de la route à l'épreuve du juge


constitutionnel », Gaz. Pal., 13-14 avril 2011, n° 103-104, p. 8

BADINTER R., « La présomption d'innocence, Histoire et Modernité », Le droit privé


français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, Paris, 2001, p. 133

« L'exception d'inconstitutionnalité », Le dialogue des juges : mélanges en l'honneur


du président Bruno Genevois, Dalloz, Paris, 2008, p. 39
598 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

BANDRAC M., « L'action en justice, droit fondamental », Nouveaux juges, nouveaux


pouvoirs ? : Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, Paris, 1996, p. 1

BARTHÉLEMY J., BORÉ L., DI MANNO T., « Constitution et procès équitable »,


Constitutions, Dalloz, Paris, janvier - mars 2010, n° 1, p. 67

BARADUC E., « L'avocat, garant de l'impartialité du juge ? ou quand la déontologie


de l'un sert l'éthique de l'autre », La Cour de cassation, l'Université et le Droit : André
Ponsard, un professeur de droit à la Cour de cassation : Mélanges en l'honneur du président
André Ponsard, Litec, Paris, 2003, p. 39

BEAUD O., « La justice comme problème constitutionnel », Figures de justice : études


en l'honneur de Jean-Pierre Royer, Centre d'histoire judiciaire, Lille, 2004, p. 537

(de) BÉCHILLON D., « Le gouvernement des juges : une question à dissoudre », D,


2002, p. 973

BEIGNIER B., « La protection de la personne mise en examen : de l'affrontement à la


collusion entre presse et justice », Liberté de la presse et droits de la personne, Dalloz,
Paris, 1997, p. 97

« Procédure civile et droit constitutionnel », FRANCOIS B. et MOLFESSIS N.


(dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes,
20 et 21 septembre 1996, Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris, 1999, p. 157

« Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs - Les principes généraux du


droit et la procédure civile », Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Etudes
offertes à Pierre Catala, Litec, Paris, 2001, p. 153

BENHAMOU Y., « Plaidoyer pour le retour en grâce des juges - Contribution à


l'étude critique de la fonction de juger », D, 2009, p. 1040

BERGEAL C., « Le contrôle de la passation des marchés des assemblées


parlementaires », Conclusions sur Conseil d'État, Assemblée, 5 mars 1999, Président
de l'Assemblée nationale, R.F.D.A., 1999, p. 333

BERTAGNOLY E., « Le délai raisonnable », R.T.D.H., 1991, n° 5, p. 21

BLÉRY C., « L'impartialité du juge, entre apparence et réalité », D, 2001, p. 2427

BOLARD G., « Les juges et les droits de la défense », Etudes offertes à Pierre Bellet,
Litec, Paris, 1991, p. 49

« Les principes directeurs du procès civil : le droit positif depuis Henri


Motulsky », J.C.P., 1993, I, 3693
Bibliographie 599

« L’arbitraire du juge », Le juge entre deux millénaires : mélanges offerts à Pierre


Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 225

BON P., « Le contrôle des actes non législatifs du Parlement : toujours un déni de
justice ? », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu,
Dalloz, 2007, p. 1065

BONICHOT J.-C., « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure


juridique ou panacée administrative ? », Juger l'administration, administrer la justice :
mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 81

« Récuser un membre du Conseil constitutionnel », D, 2010, p. 2007

BONNET J., « Le Conseil d’État et le Conseil supérieur de la magistrature », R.D.P.,


2004, p. 987

« Le contrôle des marchés passés par les Assemblées parlementaires. Les


répercussions de la jurisprudence "Président de l’Assemblée nationale" (CE,
Ass., 5 mars 1999) », Contrats publics : mélanges en l'honneur du professeur Michel
Guibal, Presses de la Faculté de droit de Montpellier, Coll. Mélanges, 2006, t. 2,
p. 305

BORÉ L., « La motivation des décisions de justice et la Convention E.D.H. », J.C.P.,


2002, I, 121

BOUGRAB J., « L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? », A.J.D.A., 2001,


p. 1016

BOULANGER J., « Principes généraux du droit et droit positif », Le droit privé


français au milieu du XXe siècle, Etudes offertes à Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950,
p. 51

BOULOC B., « La constitutionnalisation du droit en matière pénale », Cinquantième


anniversaire de la Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 445

BOYER L., « La notion d'équité et son rôle dans la jurisprudence des parlements »,
Mélanges offerts à Jacques Maury, t. 2 : Droit comparé, théorie générale du droit et de droit
privé, Sirey, 1960, p. 257

BREDIN J.-D., « Qu'est-ce que l'indépendance du juge ? », Justices, 1996, p. 161

BUSSY F., « Nul ne peut être juge et partie », D, 2004, p. 1745

« L'attraction exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière
pénale », R.S.C., 2007, p. 39
600 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

CADIET L., « Le spectre de la société contentieuse », Droit civil, procédure, linguistique


juridique : écrits en hommage à Gérard Cornu, P.U.F., Paris, 1994, p. 29

« Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des
principes directeurs du procès », Justice et droits fondamentaux : études offertes à
Jacques Normand, Litec, Paris, 2003, p. 71

« Efficience versus Equité », Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruylant,


Bruxelles, 2004, p. 25

« La légalité procédurale en matière civile », B.I.C.C., n° 636, 15 mars 2006, p. 3

« La sanction et le procès civil », Mélanges dédiés à la mémoire du doyen Jacques


Héron, L.G.D.J., Paris, 2008, p. 125

CAMBY J.-P., « Validations législatives : des strates jurisprudentielles de plus en


plus nombreuses », R.D.P., 2000, p. 611

CANIVET G., « Economie de la justice et procès équitable », J.C.P., 2001, I, 361,


p. 2085

« L'égalité d'accès à la Cour de cassation », Rapport de la Cour de cassation 2003,


L'égalité, La documentation française, Paris, 2004, p. 45

« Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Cahiers


du Conseil constitutionnel, 2004, n° 16, p. 123

CASORLA F., « Les magistrats du parquet et le Conseil constitutionnel », PRADEL J.


(dir.), Droit constitutionnel et droit pénal, Cujas, Coll. Travaux de l'Institut de sciences
criminelles de Poitiers, Paris, 2000, p. 31

« Les principes directeurs du procès pénal, principes généraux du droit ? », Le


droit pénal à l'aube du troisième millénaire : mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas,
Paris, 2006, p. 53

CHAMPEIL-DESPLATS V., « Des « libertés publiques » aux « droits


fondamentaux » : effets et enjeux d’un changement de dénomination », Jus Politicum,
n° 5, Mutation ou crépuscule des libertés publiques ?, Site internet :
http://www.juspoliticum.com/Des-libertes-publiques-aux-droits.html, consulté le 20 février
2013

CHARPENEL Y., SOULEZ-LARIVIERE D., ROUSSEAU D., « Le statut du


Parquet », Constitutions, 2011, p. 295

CHEMIN B., «Le statut de l’oralité », A.J.D.A., 2011, p. 604


Bibliographie 601

CHÉROT J.-Y., « Les rapports du droit civil et du droit constitutionnel : Réponse à


Christian Atias », R.F.D.C., 1991, p. 439

CLIQUENNOIS M., « Variations actuelles du droit au juge », Service public, services


publics, Etudes en l'honneur de Pierre Sandevoir, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 14

COHEN-JONATHAN G., « Le droit au juge », Gouverner, administrer, juger : liber


amicorum Jean Waline, Dalloz, Paris, 2002, p. 471

« L'égalité des armes selon la Cour E.D.H. », L.P.A., 28 novembre 2002, p. 21

COHENDET M.-A., « La collégialité des juridictions : un principe en voie de


disparition », R.F.D.C., 2006, p. 713

« Vers une généralisation du juge unique ? », A.J.D.A., 2006, p. 1465

COLLIN P. et GUYOMAR M., « Conditions auxquelles la légalité d'une ordonnance


ratifiée peut être contestée au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne des
droits de l'homme », A.J.D.A., 2000, p. 985

COMMARET D.-N., « Une juste distance ou réflexions sur l'impartialité du


magistrat », D, 1998, p. 262

CORNU G., « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (fragment
d’un état des questions) », Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, Paris, 1991, p. 83

COSTA J.-P., « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative,


le principe vu par la Cour européenne des Droits de l’Homme », A.J.D.A., 2001,
p. 514

« Les droits de la défense selon la jurisprudence de la Cour européenne des


Droits de l’Homme », Gaz. Pal., octobre 2002, p. 1418

« Le droit à un tribunal et ses limites, selon la jurisprudence de la Cour


E.D.H. », Mélanges en l'honneur de Jean Buffet : la procédure en tous ses états, Petites
affiches éd., 2004, p. 159

COULON J.-M., « L'effectivité de l'accès à la justice et le contrôle de la durée des


procédures », L'honnête homme et le droit : mélanges en l'honneur de Jean-Claude Soyer,
L.G.D.J., Paris, 2000, p. 71

DANET J., « Le défèrement au procureur sans assistance d'un avocat : une


conformité à la constitution avec réserve, signe d'une réponse fragile », R.S.C., 2011,
p. 415
602 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

DAVID M., « Souveraineté, citoyenneté, civisme : quelle légitimité pour le jury ?»,
Association française pour l'histoire de la justice (ouvrage collectif), La Cour d'assises :
bilan d'un héritage démocratique, La documentation française, Coll. Histoire de la
justice, 2001, p. 125

DEBBASCH C., « L'indépendance de la justice », Au carrefour des droits : mélanges en


l'honneur de Louis Dubouis, Dalloz, Paris, 2002, p. 27

DEGUERGUE M., « Le double degré de juridiction », A.J.D.A., 2006, p. 1308

DELMAS-MARTY M., « La preuve pénale », Droits, Revue française de théorie, de


philosophie et de culture juridique, n° 23, P.U.F., avril 1996

« Justice télévisée ou médias justiciers ? », Mettre l'homme au cœur de la justice :


hommage à André Braunschweig, A.F.H.J., Litec, Paris, 1997, p. 151

DELMAS SAINT HILAIRE J.-P., « Les Principes de la légalité des délits et des
peines : Réflexions sur la notion de légalité en droit pénal », Mélanges en l'honneur du
Doyen Pierre Bouzat, Pedone, 1980, p. 149

DELVOLVÉ P., « La Cour d'appel de Paris, juridiction administrative », dans Etudes


offertes à Jean-Marie Auby, Dalloz, Paris, 1992, p. 47

« L'été des ordonnances », R.F.D.A., 2005, p. 909

DINTILHAC J.-P., « Confrontation entre le Code de procédure civile et la


Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales », Le nouveau code de procédure civile, 1975-2005, Economica, Paris, 2006,
p. 415

« L'égalité des armes dans les enceintes judiciaires », Rapport de la Cour de


cassation 2003, L'égalité, La documentation française, Paris, 2004, p. 151

DISANT M., « Les juges de la QPC et les principes constitutionnels en matière de


Justice », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 31, p. 236

DOUVRELEUR J.-O., « Le principe d'indépendance : de l'autorité judiciaire aux


autorités administratives indépendantes », Mélanges Jacques Robert : libertés,
Montchrestien, Paris, 1998, p. 32

DRAGO G., « Exception d'inconstitutionnalité - Prolégomènes d'une pratique


contentieuse », D, 2008, p. 13

« Le nouveau visage du contentieux constitutionnel », R.F.D.C., 2010, p. 751


Bibliographie 603

« Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Justices et droit du


procès : du légalisme procédural à l'humanisme processuel : mélanges en l'honneur de
Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 2010, p. 439

« La constitutionnalité de la contribution pour l'aide juridique mise en


question », Gaz. Pal., 12 avril 2012, p. 8

DRAGO R. et FRISON-ROCHE M.-A., « Mystères et mirages des dualités des


ordres de juridiction et de la justice administrative », Archives de philosophie du droit,
Tome 41, Dalloz, Paris, 1997, p. 135

DRÉNO J.-P., « Les relations entre le parquet général et le parquet », Gaz. Pal., 20
décembre 2008, n° 355, p. 19.

DREYER E., « Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention


provisoire », D, 2001, p. 3571

DRUESNE G., « La jurisprudence constitutionnelle des tribunaux judiciaires sous la


Ve République », R.D.P., 1974, p. 169

DUBRULLE J.-B., « La difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le


pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes », L.P.A., 2007,
n° 133, p. 14

EISENMANN C., « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des


classifications en science juridique », Archives de philosophie du droit, 1966, n° 11, p. 25

FALLON D., « Précisions sur le droit constitutionnel au procès équitable. A propos


de la décision du Conseil constitutionnel 2010-10 QPC du 2 juillet 2010 Consorts C. et
autres », R.F.D.C., avril 2011, n° 86, p. 265

FAVOREU L., « L’apport du Conseil constitutionnel au droit public », Pouvoirs, 1980,


n° 13, p. 17

« L'influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses


branches du droit », Itinéraires : études en l'honneur de Léo Hamon, Economica,
Paris, 1982, p. 235

« Les décisions du Conseil constitutionnel dans l’affaire des nationalisations »,


R.D.P., 1982, p. 419

« L'application directe et l'effet indirect des normes constitutionnelles »,


R.F.D.A., 1984, p. 174

« Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'a pas


valeur constitutionnelle », R.F.D.A., 1987, p. 301
604 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

« La constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale : vers un


droit constitutionnel pénal », Droit pénal contemporain : mélanges en l'honneur
d'André Vitu, Ed. Cujas, 1989, p. 169

« Souveraineté et supra-constitutionnalité », Pouvoirs, 1993, n° 67, p. 71

« La constitutionnalisation du droit », L'unité du droit : mélanges en hommage à


Roland Drago, Economica, Paris, 1996, p. 25

« Légalité et constitutionnalité », Cahiers du Conseil constitutionnel, 1997, n° 3,


p. 73

« Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge », Gouverner,


administrer, juger, Liber amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 513

« Pour en finir avec la théorie des actes de Gouvernement », L'esprit des


institutions, l'équilibre des pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Dalloz,
Paris, 2003, p. 607

FAVOREU L. et RENOUX T., « Le contentieux constitutionnel des actes


administratifs », extrait du Rép. cont. adm., Sirey, 1992

FAVRET J.-M., « La « bonne administration de la justice » administrative », R.F.D.A.,


2003, p. 943

FARINA-CUSSAC J., « La sanction punitive dans les jurisprudences du Conseil


constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme. (Eléments pour une
comparaison) », R.S.C., juillet-septembre 2002, p. 517

FARINETTI A., « L'unification du contentieux des soins psychiatriques sans


consentement par la loi du 5 juillet 2011 », R.D.S.S., 2012, p. 111

FLAUSS J.-F., « Des incidences de la Convention européenne des droits de l’Homme


sur le contrôle de constitutionnalité des lois en France », L.P.A., n° 148, 1988, p. 3

« De la renonciation à la publicité des débats judiciaires », R.T.D.H., 1991, p. 529

« Dualité des ordres de juridiction et C.E.D.H. », Gouverner, administrer, juger :


liber amicorum Jean Waline, Dalloz, Paris, 2002, p. 523

FONTBRESSIN (de) P., « La neutralité du juge », Le procès équitable et la protection


juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruylant, Coll.
Union des avocats européens, Bruxelles, 2001

FOSSIER T., « Contrôle de légalité et responsabilité en matière d’internement des


aliénés : le désordre des deux ordres ? », R.D.S.S., 2005, p. 450
Bibliographie 605

FRICERO N., « Une extension de la notion de » procès équitable « : la consécration


du droit à l'exécution du jugement », D, 1998, p. 74

« Procès civil équitable et juge judiciaire », La justice civile au vingt et unième siècle
: mélanges Pierre Julien, Edilaix, Aix-en-Provence, 2003, p. 182

FRISON-ROCHE M.-A., « L'impartialité du juge », D, 1999, p. 53

FROMONT M., « Les droits fondamentaux dans l'ordre juridique de la République


Fédérale d'Allemagne », Recueil d'études en hommage à Charles Eisenmann, Editions
Cujas, Paris, 1975, p. 49

« La justice constitutionnelle en France : ou l'exception française », Le nouveau


constitutionnalisme : mélanges en l'honneur de Gérard Conac, Economica, Paris,
2001, p. 167

GABARDA O., « L'intérêt d'une bonne administration de la justice », R.D.P., 2006,


n° 1, p. 153

GALLETTI F., « Existe-t-il une obligation de bien légiférer ? Propos sur


« l’incompétence négative du législateur » dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », R.F.D.C., 2004, n° 58, p. 387

GAUDEMET Y., « La conformité des lois à la Constitution », D, 2008, p. 1703

GERARDIN-SELLIER N., « La composition des juridictions à l'épreuve de l'article 6,


§ 1, de la Convention E.D.H. », R.T.D.H., 2001, p. 961

GENEVOIS B., « Le Conseil d'État et la Convention européenne des droits de


l'homme », Gaz. Pal., 2007, n° 163, p. 13

GERBAY P., « L'article 526 du nouveau Code de procédure civile : premières


approches », Gaz. Pal., 14 février 2006, p. 3

GHEVONTIAN R., « Collégialité et constitution», HOURQUEBIE F. (dir.), Principe


de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant,
Bruxelles, 2011, p. 53

GJIDARA S., « La motivation des décisions de justice : impératifs anciens et


exigences nouvelles », L.P.A., n° 105, 26 mai 2004, p. 3

GICQUEL J., « Le Conseil supérieur de la magistrature : une création continue de la


République », Droit et politique à la croisée des cultures : mélanges Philippe Ardant,
L.G.D.J., Paris, 1999, p. 289

« Le nouveau Conseil supérieur de la magistrature », J.C.P., 2008, I, 176


606 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

GIUDICELLI-DELAGE G., « Droits de la défense », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de


la Justice, P.U.F., 2004, p. 364

GOESEL-LE BIHAN V., « Réflexion iconoclaste sur le contrôle de proportionnalité


exercé par le Conseil Constitutionnel », R.F.D.C., 1997, p. 227

« Le contrôle exercé par le Conseil Constitutionnel : défense et illustration d'une


théorie générale », R.F.D.C., 2001, p. 67

« Le contrôle de proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil


Constitutionnel : figures récentes », R.F.D.C., 2007, p. 269

« Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel », Cahiers


du Conseil constitutionnel, n° 22, 2007, p. 141

GOHIN O., « Les principes directeurs du procès administratif en droit français »,


R.D.P., 1995, p. 171

(de) GOUTTES R., « L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme


sur la Cour de cassation », Gaz. Pal., 2007, n° 163, p. 19

GRAFFIN T., « Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une


défense discutable de l'unité du corps judiciaire au profit d'une exigence forte
d'indépendance des magistrats », R.D.P., 2001, p. 831

GRUMBACH T. et KELLER M., « Sur l’impartialité de la juridiction prud’homale


...encore ? », Dr. soc., 2006, p. 52

GUASTINI R., « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique »,
CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris,
2008, p. 113

GUILLAUME M., « Le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil


constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité », Gaz. Pal., 23
février 2010, p. 3

GUINCHARD S., « L'action de groupe », R.I.D.C., 1990, p. 599

« Vers une démocratie procédurale », Justice, 1999, p. 91

« Les procès hors les murs », Droit civil, procédure, linguistique juridique : écrits en
hommage à Gérard Cornu, P.U.F., Paris, 1994, p. 201

« Le procès équitable, droit fondamental ? », A.J.D.A., n° spécial juillet-août


1998, p. 191
Bibliographie 607

« Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel ? », Philosophie du


droit et droit économique : quel dialogue ? : mélanges en l'honneur de Gérard Farjat,
éd. Frison-Roche, Paris, 1999, p. 139

« L'ambition d'une justice civile rénovée », Commentaire du décret n° 98-1231


du 28 décembre 1998 et quelques aspects de la loi n° 98-1163 du 18 décembre
1998, D, 1999, p. 65

« L'application de la Convention européenne par le juge judiciaire »,


communication au colloque de l'Institut Alain-Poher, à l'occasion du XXVème
anniversaire de la ratification par la France de la C.E.D.H., 3 mai 1999, Europe,
octobre 1999, n° spécial H.S., p. 15

« Le droit a-t-il encore un avenir à la Cour de cassation ? », L'avenir du droit :


mélanges en hommage à François Terré, Dalloz, Paris, 1999, p. 763

« Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », Le juge entre deux


millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 355

« Les métamorphoses de la procédure à l'aube du troisième millénaire », Clés


pour le siècle : droit et science politique, information et communication, sciences
économiques et de gestion, Etudes Université Panthéon-Assas (Paris II), Dalloz,
Paris, 2000, p. 1135

« Pour une exécution provisoire à visage humain et le droit de libre critique des
choses de la justice », L.P.A., 28 octobre 2002, n° 215, p. 7

« La justice, bien de consommation courante », Études de droit de la consommation


: liber amicorum Jean Calais-Auloy, Dalloz, Paris, 2003, p. 461

« Le réveil doctrinal d'une belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la


procédure civile entre droit processuel classique, néoclassique ou européaniste
et technique d'organisation du procès », Liber amicorum en l'honneur de Raymond
Martin, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 97

« Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », Mélanges Jacques Van
Compernolle, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 201

« Ô Kress, où est ta victoire ? Ou la difficile réception, en France, d'une (demi-)


leçon de démocratie procédurale », Libertés, justice, tolérance : mélanges en
hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, vol. 2, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 937

« Touche pas à mon code ! », Mélanges Jean Buffet, La procédure dans tous ses états,
Petites affiches éditeur, 2004, p. 269

« La constitutionnalisation du droit processuel », Cinquantième anniversaire de la


Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 459
608 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

GUINCHARD S. et FRICERO N., « Le nouveau Code de procédure civile et la


Convention européenne des droits de l'homme », contribution au colloque organisé par
l’I.E.J. de Paris XIII et la Chambre nationale des avoués sur le trentenaire du N.C.P.C.,
Economica, Paris, 2006, p. 425

HAKIM N., « La collégialité : histoire d’un mode d’organisation de la justice »,


HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de
Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 32

HENRION H., « La présomption d’innocence dans les travaux préparatoires au


XXème siècle », Archives de politique criminelle, 2005, n° 27, p. 37

HÉRON J., « Convention européenne des droits de l'homme et théorie des voies de
recours », Le juge entre deux millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai, 2000, Dalloz,
Paris, p. 369

HILAIRE J., « Un peu d’histoire », Justices, n° 4, 1996, p. 9

HOCREITERE P., « Le juge constitutionnel et la loi du 9 février 1994 », R.F.D.A.,


1995, p. 7

HORVATH E., « Les relations entre le droit constitutionnel et l'organisation


judiciaire », R.I.D.C., 1998, p. 35

INCHAUSSPÉ D., « La présomption d'innocence, une idée fausse ? », Gaz. Pal., 24


juillet 2012, n° 206, p. 9

JAN P., « Les séparations du pouvoir », Constitutions et pouvoirs : mélanges en


l'honneur de Jean Gicquel, L.G.D.J., Paris, 2008, p. 255

JEAMMAUD A., « De la polysémie du terme « principe » dans les langages du droit


et des juristes », CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études
juridiques, Paris, 2008, p. 49.

JEAN J.-P., « Le ministère public entre modèle jacobin et modèle européen », R.S.C.,
2005, p. 670

JEAN-PIERRE D. et MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le principe d'égalité des


armes », Rev. Rech. Jur., 1993, p. 489

JENNEQUIN A., « La question prioritaire de constitutionnalité à l'épreuve des


ordonnances », A.J.D.A., 2010, p. 2300

JEULAND E., « Droit au juge naturel et organisation judiciaire », R.F.A.P., n° 125,


2008, p. 33
Bibliographie 609

JOUANJAN O., « Une origine des « droits fondamentaux » en Allemagne : le


moment 1848 », R.D.P., 1er mai 2012, n° 3, p. 766

KAYSER P., « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile »,


Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des sciences sociales, Toulouse, 1981,
p. 515

KOERING-JOULIN R., « La notion européenne de « tribunal indépendant et


impartial » au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme », R.S.C., 1990, p. 765

KOERING-JOULIN R. et SEUVIC J.-F., « Droits fondamentaux et droit criminel »,


A.J.D.A., 1998, p. 108

KOVAR R., « La notion de juridiction en droit européen», Gouverner, administrer,


juger : liber amicorum Jean Waline, Dalloz, Paris, 2002, p. 607

KRIEGK J.-F., « Les conseils supérieurs de justice, clef de voûte de l'indépendance


judiciaire ? », D, 2004, p. 2166

(de) LA MARDIÈRE C., « Perquisitions fiscales : l'impuissance du droit »,


Constitutions, 2011, n° 4, p. 595

LABAYLE H., « Le droit des étrangers au regroupement familial, regards croisés du


droit interne et du droit européen », R.F.D.A., 2007, p. 101

LABETOULLE D., « Le nouveau Code du travail devant le Conseil constitutionnel »,


A.J.D.A., 2008, p. 851

LAMBERT C., « Le concept européen de procès équitable », R.F.F.P., 2003, n° 83,


p. 41

LAMBERT P., « Le droit d’accès à un tribunal dans la Convention européenne des


droits de l’homme », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen,
colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruylant, Coll. Union des avocats
européens, Bruxelles, 2001, p. 57

(de) LAMY B., « Les principes constitutionnels dans la jurisprudence judiciaire - Le


juge judiciaire, juge constitutionnel ? », R.D.P., 2002, p. 781

LAURAIN Y., « Le bâtonnier, procureur disciplinaire ? », D, 2003, p. 1371

« Le président de la République et l'autorité judiciaire », D, 2007, p. 2396


610 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

LAVAL N., « La bonne administration de la justice », L.P.A., 12 août 1999, n° 160,


p. 12

LAZERGES C., « Le Conseil constitutionnel, acteur de la politique criminelle »,


R.S.C., 2004, p. 735

« La présomption d’innocence en Europe », Archives de politique criminelle, 2004,


n° 26, p. 125

« Dédoublement de la procédure pénale et garantie des droits fondamentaux »,


D, Paris, 2007, p. 573

« Les désordres de la garde à vue », R.S.C., 2010, p. 275

« La question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel


en droit pénal : entre audace et prudence », R.S.C., 2011, p. 193

« La démolition méthodique de la justice des mineurs devant le Conseil


constitutionnel », R.S.C., 2011, p. 728

LE CALVEZ J., « Les principes constitutionnels en droit pénal », J.C.P., 1985, I, 3198

LÉCUYER Y., « Le secret du délibéré, les opinions séparées et la transparence »,


R.T.D.H., 2004, p. 197

LEFORT C., « Double degré de juridiction », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la


Justice, P.U.F., 2004, p. 345

LE GUHENEC F., « La loi du 24 août 1993. Un rééquilibrage de la procédure


pénale », J.C.P., 1993, I, 3720

LESCLOUS V., « Un an de droit de la garde à vue », Droit pénal, 2007, n° 9, chron. 3 ;


Droit pénal, 2008, n° 9, Septembre 2008, chron. 7 ; Droit pénal, n° 9, Septembre 2010,
chron. 7

LEVASSEUR G., « De quelques singularités des voies de recours », Mélanges dédiés à


Jean Vincent, Dalloz, Paris, 1981, p. 213

LISSARRAGUE B., « Décret de procédure du 28 décembre 2005 : quel cadeau ? »,


Gaz. Pal., 31 janvier 2006, p. 2

LOMBOIS C., « La présomption d'innocence », Pouvoirs, n° 55, 1990, p. 81

LUC I., « L'application du principe d'impartialité aux autorités de concurrence


françaises », L.P.A., 2002, n° 34, p. 4
Bibliographie 611

LUCHAIRE F., « Les fondements constitutionnels du droit civil », R.T.D. civ., 1982,
p. 245

« Le Fisc, la liberté individuelle et la Constitution », Études de finances publiques :


mélanges en l'honneur de M. le Professeur Paul Marie Gaudemet, Economica, Paris,
1984, p. 603

« Un Janus constitutionnel : l'égalité », R.D.P., 1986, p. 1229

« Le Conseil constitutionnel et les lois de validation », R.D.P., 1998, p. 23

LYON-CAEN P., « Le Parquet général de la Cour de cassation », D, 2003, p. 211

« Vers un parquet indépendant ? », D, 2013, p. 1359

MAKOWIAK J., « L’amnistie en question », R.D.P., 2008, p. 511

MALAURIE P., « La Cour de cassation, son Parquet général et la Cour E.D.H.


(histoire et enjeux d'une crise) », L.P.A., 7 mars 2003, p. 3

DI MANNO T., « L’influence des réserves d’interprétation », DRAGO G.,


FRANCOIS B. et MOLFESSIS N. (dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996, Economica, Coll. Etudes
juridiques, Paris, 1999, p. 244

MARCUS-HELMONS S., « Quelques aspects de la notion d’égalité des armes », Le


procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, Bruylant, Coll. Union des avocats européens, Bruxelles, 2001, p. 67

MARGUENAUD J.-P., « Tempête sur le Parquet », comm. sous C.E.D.H., 10 juillet


2008, Medvedyev c/ France, R.S.C., 2009, p. 176

MARTENS P., « Les principes constitutionnels du procès dans la jurisprudence


récente des juridictions constitutionnelles européennes », Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2003, n° 14, p. 79

MARTIN A., « Le conseil supérieur de la magistrature et l'indépendance des juges »,


R.D.P., 1997, p. 741

MASTOR W., « Pour une « humanisation » de la collégialité », HOURQUEBIE F.


(dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre
2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 61

MATHIEU B., « Fragments d'un droit constitutionnel de l'amnistie », L.P.A., n° 36, 23


mars 1990, p. 2
612 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

« Les validations législatives devant le juge constitutionnel », R.F.D.A., 1995,


p. 780

« Rétroactivité des lois fiscales et sécurité juridique : l'application concrète d'un


principe implicite », R.F.D.A., 1999, p. 89

« Les validations législatives devant le juge de Strasbourg : une réaction rapide


du Conseil constitutionnel mais une décision lourde de menaces pour l'avenir
de la juridiction constitutionnelle », R.F.D.A., 2000, p. 289

MATSCHER F., « Quelques développements récents de la jurisprudence de la Cour


E.D.H. au sujet des garanties procédurales en matière civile », Mélanges en l'honneur
de Nicolas Valticos : droit et justice, Pédone, Paris, 1999, p. 449

MAUGÜÉ C., « Le contrôle des ordonnances de codification », Conclusions sur C.E.,


17 mai 2002, Hoffer et autres, R.F.D.A., 2001, p. 454

MAYER D., « L'apport du droit constitutionnel au droit pénal en France », R.S.C.,


1988, p. 439

« Le Conseil constitutionnel et le juge pénal (histoire d'une tentative de


séduction vouée à l'échec), Les droits et le droit : mélanges dédiés à Bernard Bouloc,
Dalloz, Paris, 2007, p. 821

MBONGO P., « L’originalité statutaire des magistrats du Parquet et la


Constitution », Pouvoirs, 2005, n° 115, p. 167

Mc KEE J.-Y., « Le Conseil supérieur de la magistrature, siégeant comme conseil de


discipline des magistrats du siège et l'article 6 Conv. E.D.H. », Le juge entre deux
millénaires : mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 89

MÉLIN-SOUCRAMANIEN B., « Collégialité et procédure civile», HOURQUEBIE F.


(dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre
2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 123

MÉLIN-SOUCRAMANIEN F. et STASI M., « Révision de la Constitution : bientôt,


l’exception pour tous ? », D, 2008, p. 1701

MELLERAY F., « L'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement en


question », R.F.D.A., 2001, p. 1086

« En a-t-on fini avec la théorie des actes de Gouvernement ? », Renouveau du


droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007,
p. 1661
Bibliographie 613

« Les trois visages du juge unique administratif », HOURQUEBIE F. (dir.),


Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre
2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 85

MERLEY N., « Le chef de l'État et l'autorité judiciaire sous la Ve République », R.D.P.,


1997, p. 701

MILANO L., « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi », R.D.P., 1er mai


2006, n° 3, p. 637

MODERNE F., « Sanctions administratives et protection des libertés individuelles au


regard de la Convention européenne des droits de l’homme », L.P.A., 1990, n° 8, p. 15

MOLFESSIS N., « La protection constitutionnelle du double degré de juridiction »,


Justices, n° 4, 1996, p. 17

« La procédure civile et le droit constitutionnel », Le nouveau code de procédure


civile : vingt ans après, Actes du colloque des 11 et 12 décembre 1997, La
documentation française, Paris, 1998, p. 245

« L'irrigation du droit par les décisions du Conseil constitutionnel », Pouvoirs,


n° 105, 2003, p. 89

MOREAU J., « La liberté individuelle dans la jurisprudence du Conseil


constitutionnel », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis
Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, p. 1661

MOROZ X., Les initiatives procédurales des parquets au XIXème siècle, Archives de
politique criminelle, 2003, n° 25, p. 85

MOTULSKY H., « Nouvelles réflexions sur l'effet dévolutif de l'appel et


l'évocation », J.C.P., 1958, I, 1423

« Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la


défense en procédure civile », Mélanges en l'honneur de Paul Roubier, t. 2 : Droit
privé, propriété industrielle, littéraire et artistique, Dalloz, Paris, 1961, p. 175

« La réforme du Code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les


principes directeurs du procès », J.C.P., 1966, I, 1996

« Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des


principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D, 1972,
p. 92

« Le Droit subjectif et l'action en justice », Le Droit subjectif en question - publié


avec le concours du C.N.R.S, Ed. Topos Verlag, Vaduz, 1981, p. 215
614 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

NADAL J.-L., « La liberté de parole du ministère public », Gaz. Pal., 20 décembre


2008, n° 355, p. 5

NICOLAS-VULLIERME L., « Le délai raisonnable et le temps », L.P.A., 3 janvier


2005, p. 3

NORMAND J., « Le juge judiciaire, gardien non exclusif des libertés. Le cas des
étrangers », R.T.D. civ., 1996, p. 235

« Le cumul du provisoire et du fond par un même juge est-il compatible avec


l'impartialité requise par l'article 6 C.E.D.H. ? », Les mesures provisoires en droit
belge, français et italien, 1999, Bruylant, Bruxelles, p. 263

« Dommage imminent et trouble manifestement illicite », La justice civile au vingt


et unième siècle, Mélanges Pierre Julien, Paris, 2003, p. 324

« Principes directeurs du procès », CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice,


P.U.F., Paris, 2004, p. 1038

PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l'effet non suspensif de l'appel en


contentieux administratif », Mélanges René Chapus : droit administratif, Montchrestien,
Paris, 1992, p. 493

« Le décret du 24 juin 2003, au secours des cours administratives d'appel »,


R.F.D.A., 2003, p. 910

PAILLET M., « L’exécution des jugements et le double degré en matière


administrative », Justices, n° 4, 1996, p. 139

PARISI C., « L’extension du système du juge unique en Europe », R.I.D.C., 2007,


p. 647

PAULIAT H., « Le modèle français d’administration de la justice : distinctions et


convergences entre justice judiciaire et justice administrative », R.F.A.P., 2008, p. 93

PENA A., « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme


juridictionnel : la nouvelle donne », R.F.D.A., 2011, p. 951

PERROT R., « Les effets de l’appel en droit français », VAN COMPERNOLLE J.


(dir.), Le double degré de juridiction, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 277

PHILIP L., « La valeur juridique de la déclaration des droits de l'homme et du


citoyen du 26 août 1789, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Etudes
offertes à Pierre Kayser, t. 2, P.U.A.M., Aix-en-Provence, 1979, p. 317

« La constitutionnalisation du droit pénal français », R.S.C., 1985, p. 711


Bibliographie 615

« Le procès équitable dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel »,


R.F.F.P., 2003, n° 83, p. 11

PICARD E., « L'émergence des droits fondamentaux en France », A.J.D.A., 1998, p. 6

« La jurisprudence administrative et les exigences du procès équitable »,


SUDRE F. (dir.) Le droit français et la Convention européenne des droits de l'homme,
Actes du colloque de Montpellier, février1993, Ed. N.P. Engel, Strasbourg, 1994,
p. 271

PRADEL J., « La notion européenne de tribunal impartial et indépendant selon le


droit français », R.S.C., 1990, p. 692

« D'une loi avortée à un projet nouveau sur l'injonction pénale », D, 1995, p. 171

« Le jury en France, une histoire jamais terminée », R.I.D.P., 2001, p. 175

« Les principes constitutionnels du procès pénal », Cahiers du Conseil


constitutionnel, 2003, n° 14, p. 84

« Vers des principes directeurs communs aux diverses procédures pénales


européennes », Mélanges offerts à Georges Levasseur : droit pénal, droit européen,
Litec, Paris, 2007, p. 459

« Procédure pénale et Collégialité », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de


collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007,
Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 101

PRALUS-DUPUY J., « Les principes du procès pénal et leur mise en œuvre dans les
procédures disciplinaires », R.I.D.P., 2003, p. 889

PRÉTOT X., « L'application du principe d'égalité à l'étranger en France », R.D.S.S.,


1990, p. 437

« Les validations législatives : de la Constitution à la C.E.D.H. », R.D.P., 1998,


p. 11

« Le Conseil constitutionnel, la Cour Européenne de Strasbourg et les


validations législatives : à constitutionnalisme, conventionnalisme et demi », Le
nouveau constitutionnalisme : mélanges en l'honneur de Gérard Conac, Economica,
Paris, 2001, p. 219

PUIG P., « Hiérarchie des normes : du système au principe », R.T.D. civ., 2001, p. 749

RENOUX T., « L'apport du Conseil constitutionnel à l'application de la théorie de la


séparation des pouvoirs en France », D, 1991, p. 169
616 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

« Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », dans


Présence du droit public et des droits de l'homme : mélanges offerts à Jacques Velu,
Bruylant, Bruxelles, 1992, p. 307

« Le droit au juge naturel, droit fondamental », R.T.D. civ., 1993, p. 33

« Le Conseil constitutionnel et le pouvoir judiciaire en France dans le modèle


européen de contrôle de constitutionnalité des lois », R.I.D. comp., 1994, p. 891

« Le statut constitutionnel des juges du siège et du parquet », A.I.J.C., XI,


Economica, Paris, 1995, p. 221

« Le président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité


judiciaire », Justices, n° 3, 1996, p. 97

« Le Conseil constitutionnel et l’instruction pénale : juges ou magistrats ? »,


Justices, 1998, n° 10, p. 75

« La constitutionnalisation du droit au juge en France », RIDEAU J. (dir.), Le


droit au juge dans l'Union européenne, Actes du colloque de Nice, 25 et 26 avril 1997,
L.G.D.J., Paris, 1998, p. 109

« Justice et politique : pouvoir ou contre-pouvoir ? A propos des responsabilités


pénales et politiques », J.C.P., 1999, I, 161

« Le conseil constitutionnel peut-il être reconnu comme un Tribunal des


conflits ? », DRAGO G., FRANCOIS B., et MOLFESSIS N. (dir.), La légitimité de
la jurisprudence du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre
1996, Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris, 1999, p. 273

« Le pari de la justice », Pouvoirs, n° 99, 2001, p. 87

« La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution


et l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'article 16 de la Déclaration des
Droits et l'indépendance de la Justice », Cinquantième anniversaire de la
Constitution française : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 293

« La doctrine « Gicquel» : le Conseil constitutionnel, expression du pouvoir


juridictionnel », Constitutions et pouvoirs : mélanges en l'honneur de Jean Gicquel,
L.G.D.J., Paris, 2008, p. 437

RENUCCI J.-F., « Un séisme judiciaire : pour la Cour européenne des droits de


l’Homme, les magistrats du parquet ne sont pas une autorité judiciaire », D, 2009,
p. 600

RIVERO J., « Apologie pour les "faiseurs de systèmes" », D, 1951, p. 99


Bibliographie 617

ROBERT M., « L'Autorité judiciaire, la Constitution française et la Convention


européenne des droits de l'homme », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 32,
p. 29

ROETS D., « Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la


jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », A.J. Pénal, 2008, p. 119

ROUHETTE G., « L'ordre juridique processuel », Réflexions sur le droit du procès,


Mélanges offerts à Pierre Raynaud, Dalloz, Paris, 1985, p. 687

« L'effet des décisions des juridictions constitutionnelles à l'égard des


juridictions ordinaires en droit pénal français », Journées de la société de législation
comparée, R.I.D.C., n° 9, 1987, p. 399

« L'effet des décisions des juridictions constitutionnelles à l'égard des


juridictions civiles », Journées de la société de législation comparée, R.I.D. comp.,
n° 9, 1987, p. 407

ROURE S., « L’élargissement du principe de publicité des débats judiciaires : une


judiciarisation du débat public », R.F.D.C., 2006, p. 738

ROUSSEAU D., « L'article 28, un CSM sans tête et sans pouvoirs nouveaux », L.P.A.,
n° 97, 2008, p. 80

« Juger, une profession et un acte citoyen », Projet, 2011, n° 323, p. 17

« Le procès constitutionnel », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 47

ROUSSEAU D. et ROUX J., « Droit constitutionnel processuel », J.-Cl. adm., fasc.


1455, 1999

ROYER G., « La réserve d'interprétation constitutionnelle en droit criminel », R.S.C.,


2008, p. 824

RUIZ-FABRI H., « Les institutions de clémence (amnistie, grâce, prescription) en


droit international et droit constitutionnel comparé », Archives de politique criminelle,
2006, n° 28, p. 237

SAAS C., « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du


procureur », R.S.C., 2004, p. 827

SAINT-PAU J.-C., « Le ministère public concurrence-t-il le juge du siège ? », Rev. Dr.


Pén., Septembre 2007, étude 14, p. 13

SANDRAS C., « Les lois de validation, le procès en cours et l'article 6, § 1,


C.E.D.H. », R.T.D.H., 2002, p. 629
618 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

SAUVIAT A., « Emergence et mérites de la constitutionnalisation du droit privé »,


L.P.A., n° 214, 26 octobre 2000, p. 9

SAVATIER J. , « La notion de représentativité des syndicats en droit français », Les


Cahiers de droit, vol. 9, n° 3, 1968, p. 435

SCHRAMECK O., « Champ d'application et conditions des validations législatives »,


A.J.D.A., 1996, p. 369

« Quelques observations sur le principe du contradictoire », L'État de droit :


mélanges en l'honneur de Guy Braibant, Dalloz, Paris, 1996, p. 629

SOLUS H., « Les réformes de procédure civile. Etapes franchies et vues d'avenir »,
dans Le droit privé français au milieu du XXe siècle : études offertes à Georges Ripert, t. I,
Études générales, droit de la famille, L.G.D.J., Paris, 1950, p. 193

SPITZ J.-E., « La Cour de cassation et la jurisprudence du Conseil constitutionnel »,


L.P.A., n° 120, 1995, p. 15

STIRN B., « Quelques réflexions sur le dualisme juridictionnel », Justices, 1996, n° 3,


p. 41

STRICKLER Y., « L’exécution des jugements et le double degré en matière civile »,


Justices, n° 4, 1996, p. 127

« Le juge unique en procédure pénale », L.P.A., n° 35, 2002, p. 9

SUDRE F., « Les obligations positives dans la jurisprudence européenne des droits
de l'homme », R.T.D.H., 1995, p. 363

« Dix ans d'applicabilité de l'article 6 par la Cour européenne des droits de


l'homme : continuité et incertitude », Justices et droit du procès : du légalisme
procédural à l'humanisme processuel : mélanges en l'honneur de Serge Guinchard,
Dalloz, Paris, 2010, p. 393

TARZIA G., « L'impartialité du juge civil dans l'exercice de ses fonctions », Mélanges
Jacques Van Compernolle, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 716

TAVERNIER P., « La C.E.D.H. et la distinction droit public-droit privé », Liber


amicorum Marc-André Eissen, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 408

TERNEYRE P., « Le droit constitutionnel au juge et ses limites », L.P.A., n° 145, 1991,
p. 4
Bibliographie 619

TROPER M., « Le Problème de l'interprétation et la théorie de la supralégalité


constitutionnelle », Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Cujas, 1975,
p. 133

« Les classifications en droit constitutionnel », R.D.P., 1989, p. 945

TUSSEAU G., « Métathéorie de la notion de principe dans la théorie du droit


contemporaine - Sur quelques écoles de définition des principes », CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. Études juridiques, Paris, 2008, p. 75

« Plaidoyer pour le droit processuel constitutionnel », Constitutions, 2012, p. 585

VALERY A., « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la


Cour européenne des droits de l’homme ? », Le procès équitable et la protection
juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruylant, Coll.
Union des avocats européens, Bruxelles, 2001, p. 91

VAN COMPERNOLLE J., « Evolution et assouplissement de la notion d'impartialité


objective », R.T.D.H., 1994, p. 429

« Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au provisoire : réflexion


sur des arrêts récents », Les droits de l'homme au seuil du troisième millénaire :
mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 935

« Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable : les effectivités d'un droit
processuel autonome », Justice et droits fondamentaux : études offertes à Jacques
Normand, Litec, Paris, 2003, p. 471

« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale »,


Justices et droit du procès : du légalisme procédural à l'humanisme processuel :
mélanges en l'honneur de Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 2010, p. 414

« Collégialité et cultures judiciaires », HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de


collégialité et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007,
Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 7

« Principe de collégialité et cultures judiciaires : réflexions conclusives »,


HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de collégialité et cultures judiciaires, colloque de
Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 257

VANDERMEEREN R., « Permanence et actualité du droit au juge », A.J.D.A., 2005,


p. 1102

VEDEL G., « De l'arrêt Septfonds à l'arrêt Barinstein », J.C.P., 1948, I, 682

« L’accès des citoyens au juge constitutionnel. La porte étroite », La vie judiciaire,


n° 2344, 11-17 mars 1991, p. 1
620 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

VERDUN G., « Décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure


civile : réflexions et commentaires », Gaz. Pal., 23 février 2006, p. 9

VERGÈS E., « Procès civil, procès pénal : différents et pourtant si semblables », D,


2007, p. 1441

« Garde à vue : le rôle de l'avocat au cœur d'un conflit de normes nationales et


européennes », D, 2011, p. 3005

VILLACEQUE J., « Le tribunal de grande instance statuant au fond en matière


civile : la collégialité menacée par les juges uniques », D, 1995, p. 317

VINCENT J., « La procédure civile et l'ordre public », Mélanges en l'honneur de Paul


Roubier t. II . Droit privé - Propriété industrielle, littéraire et artistique, Dalloz, Paris, 1961,
p. 303

WEBER A., « Le juge administratif unique, nécessaire à l’efficacité de la justice ? »,


R.F.A.P., 2008, p. 179

WIEDERKEHR G., « Droits de la défense et procédure civile », D, 1978, p. 36

« Qu'est-ce qu'un juge ? », Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? : mélanges en


l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, Paris, 1995, p. 577

VI - NOTES ET CHRONIQUES DE JURISPRUDENCE

ALCARAZ H. et CHARPY C., note, Décis. Cons. const. n° 2006-540 DC du 27 juillet


2006, R.F.D.C., 2007, p. 85

ASCENSI L., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011,
« Constitutionnalité des restrictions au droit d'appel du mis en examen », A.J. Pénal,
2012, p. 44

AVRIL P. et GICQUEL J., chron., Décis. Cons. const. n° 89-258 DC du 8 juillet 1989,
Pouvoirs, n° 48, 1989, p. 185

Décis. Cons. const. n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Pouvoirs, n° 52, 1990, p. 189

ASCENSI L., obs., Décis. Cons. const. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011,
Constitutionnalité des restrictions au droit d'appel du mis en examen, A.J. Pénal,
2012, p. 44

BACHELET O., « Motivation des verdicts d’assises : paradoxe et divination », chron.,


Décis. Cons. const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Gaz. Pal., 3 au 5 avril 2011, p. 19
Bibliographie 621

chron., C.E.D.H., 23 novembre 2010, Moulin c/ France, Gaz. Pal., 9 décembre


2010, n° 343, p. 6

chron., Décis. Cons. const. n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre


2011, Gaz. Pal., 22 novembre 2011, n° 326, p. 18

BENOÎT-ROHMER F.-L., note, Décis. Cons. const. n° 89-257 DC du 25 juillet 1989,


A.J.D.A., 1989 p. 796

note, C.E.D.H., 16 décembre 1992, Geouffre de La Pradelle c/France, D, 1993,


p. 561

note, C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, D, 1996, p. 301

BLANCHARD B., note., Cass. 1 ère civ., 23 mai 2000, D, 2002, p. 859

BON P., note, Décis. Cons. const. n°2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des
fonctionnaires du Sénat, R.F.D.C., 2012, p. 127

BOURDEAUX G., note, C.E.D.H., 8 juin 1995, Jamil c/ France, J.C.P., 1996, II, 22677

BREEN E., note, C.E., Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l'Intérieur c/ Benkerrou, D.A.,
2004, n° 11, p. 27

BÜCK V., obs., Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, R.S.C., 2003,
p. 612

CAMBY J.-P., obs., Décis. Cons. const. n°2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des
fonctionnaires du Sénat, L.P.A., 13 juillet 2011, n° 138, p. 12

CAPPELLO A., obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, R.S.C., 2009,
p. 415

CHALTIEL F., obs., Décis. Cons. const. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, L.P.A.,
2008, n° 58, p. 3

obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, L.P.A., 24 juin 2009,
p. 7

obs., Décis. Cons. const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, L.P.A., 9


novembre 2010, p. 3

CHEVALLIER J., note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, A.J.D.A.,
1987, p. 345

note, Décis. Cons. const. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, A.J.D.A., 1989, p. 619

CLAY T., obs. C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, D, 2000, p. 883
622 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

COHEN-JONATHAN G., note, C.E.D.H., 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas,


Cah. dr. eur., 1978, p. 368

obs., C.E.D.H., 7 décembre 1976, Handyside c/Royaume-Uni, Cah. dr. eur., 1978,
p. 350

obs., C.E.D.H., 26 avril 1979, Sunday Times c/Royaume-Uni, Cah. dr. eur., 1980,
p. 481

obs, C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique,


Cah. dr. eur., 1982, p. 201

chron., Cass. 1ère civ., 19 décembre 1995, Gaz. Pal., 29 juin 1996, p. 12

COHEN-JONATHAN G. et FLAUSS J.-F., obs., C.E., avis du 8 janvier 1993, Justices,


1993, n° 3, p. 265

obs., C.E.D.H., 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne, R.F.D.C., 1994, p. 175

obs., C.E.D.H., 22 octobre 1996, Stubbings c/ Royaume-Uni, Justices, 1997, p. 199

DAOUD E., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, « Garde à
vue : faites entrer l'avocat ! », Constitutions, 2011, n° 4, p. 571

DAOUD E. et TALBOT A., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet
2010, « Procédure pénale : le droit au recours des parties au procès pénal »,
Constitutions, 2012, p. 520

DOBKINE M., Décis. Cons. const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, D, 2004, p. 956

DRAGO G., obs., Décis. Cons. const. n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, Justices, 1996,
p. 331

note, Cass. Ass. plén. 30 juin 1995, D, 1995, p. 513

obs., Décis. Cons. const. n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, J.C.P., I, 2006, 809

chron., Décis. Cons. const. n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, Gaz. Pal., 24
avril 2012, n° 115, p. 25

DRAGO R. et DECOCQ A., note, Décis. Cons. const. n° 83-164 DC du 29 décembre


1983, J.C.P., 1984, II, 20160

FAVOREU L., chron., Décis. Cons. const. n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, R.D.P.,
1978, p. 817
chron., Décis. Cons. const. n° 76-75 du 12 janvier 1977, R.D.P., 1978, p. 821

chron., Décis. Cons. const. n° 77-99 du 20 juillet 1977, R.D.P., 1979, p. 1663
Bibliographie 623

chron., Décis. Cons. const. n ° 79-109 DC du 9 janvier 1980, R.D.P., 1980, p. 1631

chron., Décis. Cons. const. n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, R.D.P., 1980, p. 1652

chron., Décis. Cons. const. n° 80-122 DC du 22 juillet 1980, R.D.P., 1980, p. 1648

chron., Décis. Cons. const. n° 80-119 L du 2 décembre 1980, R.D.P., 1981, p. 628

note, C.E. Ass., 20 décembre 1985, Sté des établissements Outters, D, 1986,
p. 283

chron., Décis. Cons. const. n° 85-142 L. du 13 novembre 1985, R.D.P., 1986,


p. 385

chron., Décis. Cons. const. n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, R.D.P., 1989,


p. 399

chron., Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, R.D.P., 1989, p. 482

chron., Décis. Cons. const. n° 87-228 DC du 26 juin 1987, R.D.P., 1989, p. 399

chron., Décis. Cons. const. n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, R.D.P., 1989,


p. 399

chron., Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.D.P., 1989, p. 429

chron., Décis. Cons. const. n° 93-323 DC du 5 août 1993, R.F.D.C., 1993, p. 835

chron., Décis. Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, R.F.D.C., 1993, p. 587

chron., Décis. Cons. const. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, R.F.D.C., 1995,


p. 362

note, Décis. Cons. const. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, R.F.D.A., 1995, p. 1246

chron., Décis. Cons. const. n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, R.F.D.C., 1999,


p. 324

FAVOREU L. et PHILIP L., chron., Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975,
R.D.P., 1975, p. 1313

chron., Décis. Cons. const. n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Rec. Cons. const.,
p. 46, Grandes décisions Cons. const. n° 31

FELDMAN J.-P., obs., Décis. Cons. const. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, J.C.P., I,
2008, 38

obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, J.C.P., I, 25

FLAUSS J.-F., obs., C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, A.J.D.A., 1995,
p. 137
624 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

chron., C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, A.J.D.A., 1996,


p. 383

obs, C.E.D.H., 4 décembre 1995, Bellet c/France, J.C.P., 1996, I, 3910

obs., C.E.D.H., 20 février 1996, arrêts Vermeulen c/Belgique et Lobo Machado


c/Portugal, A.J.D.A., 1996, p. 1013

chron., C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c/Autriche, A.J.D.A., 1996, p. 1013

obs., C.E.D.H., 21 février 1997, Guillemin c/France, A.J.D.A., 1997, p. 985

obs., C.E.D.H., 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, A.J.D.A., 1997, p. 986

obs., C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/ Grèce, R.G.D.I.P., 1998, p. 239

obs., C.E.D.H., 19 février 1998, Higgins c/France, R.G.D.I.P., 1998, p. 240

obs., C.E.D.H., 20 mai 1998, Gautrin c/France, A.J.D.A., 1998, p. 991

obs., C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal et autres c/France, A.J.D.A.,


2000, p. 533

note, C.E.D.H., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, A.J.D.A., 2000, p. 1012

chron., C.E.D.H., 17 décembre 2002, A… c/Roy. Uni, A.J.D.A., 2003, p. 607

chron., C.E.D.H., 13 février 2003, Chevrol c/France, A.J.D.A., 2003, p. 606

FRANCK C., obs., Décis. Cons. const. n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, J.C.P., 1990, II,
21409

FRICERO N., obs., C.E.D.H., 9 décembre 1994, Ruiz Torija c/Espagne, D, 1996, p. 202

obs., C.E.D.H., 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, D, 1998, p. 74

obs., C.E.D.H., 29 septembre 1999, Serre c/France, D, 2000, p. 182

obs., C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal et autres c/France, Procédures,


avril 2000, p. 94

obs. C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, Procédures, août-septembre


2000, p. 186

obs., Cass. 2ème civ., 12 juillet 2001, D, 2001, p. 2712

obs., C.E.D.H., 3 décembre 2002, D.R. c/France, D, 2003, p. 592

obs., C.E.D.H., 29 juillet 2003, Santoni c/France, D, 2003, p. 2269

GAUDEMET P.-M., chron., Décis. Cons. const. n° 73-51 DC du 27 décembre 1973,


A.J.D.A., 1974, p. 236
Bibliographie 625

GAUDEMET Y., note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, R.D.P.,
1987, p. 1341

GENEVOIS B., chron., Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, A.I.J.C.,
1985, p. 419

note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, R.F.D.A., 1987, p. 287

note, Décis. Cons. const. n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, R.F.D.A., 1988,


p. 350

note, Décis. Cons. const. n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215

note, Décis. Cons. const. n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, R.F.D.A., 1989, p. 691

note, Décis. Cons. const. n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, R.F.D.A., 1990,


p. 143

note, Décis. Cons. const. n° 92-307 DC du 25 février 1992, R.F.D.A., 1992, p. 185

note, Décis. Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, R.F.D.A., 1993, p. 871

HAMON L., obs., Décis. Cons. const. n° 62-18 L du 16 janvier 1962, S, 1963, p. 303

HAUSER J., obs., Cass. 2ème civ., 20 mars 1991, R.T.D. civ., 1998, p. 351

HENNION-JACQUET P., obs., C.E.D.H. 29 septembre 1999, Serre c/France, R.D.P.,


2000, p. 710

chron., C.E.D.H. 29 mars 2010, Medveyev et autre c/France, D, 2010, p. 1390

HOSTIOU R., note, C.E.D.H. 21 février 1997, Guillemin c/France, A.J.D.A., 1997,
p. 399

note, C.E.D.H. 24 avril 2003, Yvon c/France, D, 2003, p. 2456

HUGON C., obs. C.E.D.H., 19 février 1998, Higgins c/France, R.D.P., 1999, p. 875

obs., C.E.D.H. 29 septembre 1999, Serre c/France, R.D.P., 2000, p. 710

HUYETTE M., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011, D, 5
mai 2011, p. 1158

JUNOSZA-ZDROJEWSKI G., chron., C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France


« La présomption d'innocence contre la présomption de culpabilité », Gaz. Pal., 1989,
n° 3, p. 308

LABAYLE H. ET SUDRE F., chron., C.E.D.H. 17 décembre 2002, A… c/Roy. Uni,


R.F.D.A., 2003, p. 938
626 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

LACROIX C., note, Décis. Cons. const. n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, « Les
parties civiles à l'assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation », D, 2010,
p. 2686

(de) LAMY B., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010,
« Inconstitutionnalité de l'article 575 du Code de procédure pénale : la partie civile
promue par le Conseil constitutionnel », R.S.C., 2011, p. 188.

(de) LAMY B. et MASTOR W., note, Décis. Cons. const. n° 2011-113-115 QPC du 1er
avril 2011, D, 5 mai 2011, p. 1154

LANDAIS C ET LENICA. F., chron. C.E., Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l'Intérieur c/
Benkerrou, A.J.D.A., 2004, n° 31, p. 1695

note, C.E.,1er avril 2005, Mme L., A.J.D.A., 2005, p. 1231

LAZERGES C. ET ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC,


R.D.P., 2003, p. 1147

LE BOT O., obs., Décis. Cons. const. n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, « Le
pouvoir de sanction des autorités administratives soumis aux principes
d'indépendance et d'impartialité », Constitutions, 2013, p. 95

LECUCQ O., note, Décis. Cons. const. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, R.F.D.C., 1997,
p. 571

LIBCHABER R., obs., Cass. Ass. plén., 5 février 1999, R.T.D. civ., 1999, p. 738

LOUVEL B., chron., C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et a. c/ France, Gaz. Pal., 21-
22 mai 2010, n° 143, p. 2

LUCHAIRE F., note, Décis. Cons. const. n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, R.D.P.,
1983, p. 1229

note, Décis. Cons. const. n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, D, 1983, p. 189

note, Décis. Cons. const. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, D, 1988, p. 117

note, Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, R.D.P., 1992, p. 389

note, Décis. Cons. const. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, R.D.P., 1995, p. 575

note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.D.P., 1996, p. 953

note, Décis. Cons. const. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, R.D.P., 1996, p. 1245
obs., Décis. Cons. const. n° 99-411 DC du 16 juin 1999, R.D.P., 1999, p. 1287

obs., Décis. Cons. const. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, R.D.P., 1997, p. 931
Bibliographie 627

note, Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, L.P.A., 6 janvier 2003,
p. 10

MARON A., note, Décis. Cons. const. n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, « Charybde
et Scylla évités », Droit Pénal, mai 2011, n° 5, p. 36

MASTOR W., obs., Cass. crim. 15 décembre 2010, Cahiers du Conseil constitutionnel,
2011, n° 31, p. 231

MATHIEU B., obs., Décis. Cons. const. n° 97-390 DC, 19 novembre 1997, R.F.D.A.,
1998, p. 148
chron., Décis. Cons. const. n° 98-404 DC, 18 décembre 1998, R.F.D.A., 1999, p. 89

chron., Décis. Cons. const. n° 99-422 DC, 21 décembre 1999, R.F.D.A., 2000,
p. 289

chron., C.E.D.H. 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal et autres c/France, R.F.D.A.,


2000, p. 289

note, Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, L.P.A., 6 janvier 2003,
p. 10

MATHIEU B. ET VERPEAUX M., obs., Décis. Cons. const. n° 93-326 DC du 11 août


1993, L.P.A., 5 janvier 1994, p. 20

obs., Décis. Cons. const. n° 95-369 DC, 28 décembre 1995, J.C.P., 1995. I, 3933

obs., Décis. Cons. const. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, J.C.P., 1997, I, 4066

obs., Décis. Cons. const. n° 98-404 DC du 29 juillet 1998, J.C.P., 1999, I, 141

obs., Décis. Cons. const. n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, L.P.A., 17


septembre 2002, p. 5

obs., Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A., 18 septembre


2003, p. 6

MATSOPOULOU H., chron., C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et a. c/ France,


Gaz. Pal., 27 avril 2010, n° 117, p. 15

MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., note, Décis. Cons. const. n° 93-335 DC du 21 janvier


1994, R.F.D.C., 1994, p. 364

note, Décis. Cons. const. n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, R.F.D.C., 1995, p. 155

note, Décis. Cons. const. n° 93-337 DC du 27 janvier 1994, R.F.D.C., 1995, p. 161
628 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

MELLERAY F., « Une occasion manquée de réformer la répartition juridictionnelle


des compétences en matières d'hospitalisation d'office », note sous C.E., sect., 1er avril
2005, Mme L., L.P.A., 10 octobre 2005, p. 12

MICLO F., chron., Décis. Cons. const. n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, A.J.D.A.,
1982, p. 115

MOLFESSIS N., note, Décis. Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, Justices,
1995, p. 201

obs., Décis. Cons. const. n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Justices, 1995, p. 204

obs., Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Justices, 1997, p. 247

obs., Décis. Cons. const. n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, R.T.D. civ., 1999, p. 724

note, Cass. Ass. plén. 10 octobre 2001, Breisacher, R.T.D. civ., 2002, p. 169

MOUTOUH H., note, C.E.D.H. 13 février 2003, Chevrol c/France, D, 2003, p. 931

NICOT S., obs., Décis. Cons. const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, R.F.D.C., 2004,
p. 347

obs., Décis. Cons. const. n° 2005-520 du 22 juillet 2005, R.F.D.C., 2006, p. 165

PACTEAU B., note, C.E., Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres, R.A., 1992, p. 627

PELLOUX R., note, C.E.D.H. , 21 février 1975, Golder c/Royaume-Uni, A.F.D.I., 1975,
p. 330

note, C.E.D.H., 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480

note, C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique,


A.F.D.I., 1982, p. 495

PERDRIAU A., note, Cass. Ass. plén., 30 juin 1995, J.C.P., 1995, II, 22748

obs. C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, J.C.P., 2000, II, 10344

PERRIER J.-B., obs., Décis. Cons. const. n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010,
« Procédure écrite et exigence du contradictoire pour l'examen des demandes de
mise en liberté par le juge des libertés et de la détention », A.J. Pénal, 2011, n° 3, p. 136

obs., Décis. Cons. const. n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011,


« Communication du réquisitoire définitif aux (avocats des) parties », A.J. Pénal,
janvier 2012, n° 1, p. 46
Bibliographie 629

PHILIP L., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, R.D.P., 1981,
p. 651

note, Décis. Cons. const. n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, A.J.D.A., 1984, p. 97

PICARD E., note, Décis. Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, R.F.D.A., 1994,
p. 959

obs., Décis. Cons. const. n° 93-335 DC, 21 janvier 1994, J.C.P., 1994, I, 3461

PRADEL J., note, Décis. Cons. const. n° 80-127 du 20 janvier 1981, D, 1981, p. 101

chron., Décis. Cons. const. n° 95-360 DC du 2 février 1995, D, 1995, p. 171

note, Décis. Cons. const. n° 2007-554 DC du 9 août 2007, D, 2007, p. 2247

RENOUX T., note, Décis. Cons. const. n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, D, 1986,
p. 426

obs., Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, R.F.D.C., 1992, p. 318

obs., Décis. Cons. const. n° 93-326 DC du 11 août 1993, R.F.D.C., 1993, p. 848

obs., Décis. Cons. const. n° 95-360 du 2 février 1995, R.F.D.C., 1995, p. 405

note, Décis. Cons. const. n° 96-373 DC du 9 avril 1996, R.F.D.C., 1996, p. 584

obs., Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, R.F.D.C., 2001, p. 724

obs., Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, R.F.D.C., 2003, p. 548

obs., Décis. Cons. const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, R.P.D.P., 2010, n°
3, p. 629

RENUCCI, J.-F., note, C.E.D.H., 29 mars 2010, Medveyev et autre c/France, D, 2010,
p. 1386

RIVERO J., note, Décis. Cons. const. n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, A.J.D.A., 1976,
p. 44

note, Décis. Cons. const. n° 76-75 du 12 janvier 1977, A.J.D.A., 1978, p. 215

note, « Filtrer le moustique et laisser passer le chameau », Décis. Cons. const. n°


80-127 DC du 20 janvier 1981, A.J.D.A., 1981, p. 101

ROLLAND P. ET TAVERNIER P., obs., C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell


c/Royaume-Uni, J.D.I., 1986, p. 1058

obs., CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, J.D.I., 1990, p. 727


630 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ROUSSEAU D., chron., Décis. Cons. const. n° 92-305 DC du 21 février 1992, R.D.P.,
1993, p. 20

obs., Décis. Cons. const. n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, R.D.P., 1999, p. 77

chron., Décis. Cons. const. n° 98-404 DC du 29 juillet 1998, R.D.P., 1999, p. 79

obs., Décis. Cons. const. n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, R.D.P., 2002,


p. 672

SCHOETTL J-E., chron., Décis. Cons. const. n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, R.D.P.,
1999, p. 1037

chron., Décis. Cons. const. n° 99-422 DC, 21 décembre 1999, A.J.D.A., 2000, p. 4

note , Décis. Cons. const. n° 2000-43 DC du 27 juillet 2000, L.P.A., 31 juillet 2000,
p. 12

note, Décis. Cons. const. n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, L.P.A., 22


décembre 2000, p. 5

note, Décis. Cons. const. n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, L.P.A., 29 juin 2001,
p. 5 et 2 juillet 2001, p. 10

note, Décis. Cons. const. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, L.P.A., 5 septembre


2002, p. 4

note, Décis. Cons. const. n° 2003-466 DC du 20 février 2003, L.P.A., 13 mars


2003, p. 7

note, Décis. Cons. const. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A., 28 mars 2003,
p. 4

note., Décis. Cons. const. n° 2003-486 DC, 11 décembre 2003, L.P.A., 24


décembre 2003, p. 10

chron., Décis. Cons. const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Gaz. Pal., 11 au 15


avril 2004, p. 3

note, Décis. Cons. const. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, L.P.A., 29 septembre


2004, p. 17

chron., Décis. Cons. const. n° 2005-520 du 22 juil. 2005, Gaz. Pal., 2005, p. 6

chron., Décis. Cons. const. n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Gaz. Pal., 18-20
décembre 2005, p. 9

note, Décis. Cons. const. n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, L.P.A., 8 février


2007, p. 37
Bibliographie 631

SCHRAMEK O., obs., Décis. Cons. const. n° 95-375 DC du 9 avril 1996, A.J.D.A.,
1996, p. 369

STAHL J.-H. et CHAUVAUX D., chron., Décis. Cons. const. n° 98-403 DC du 29


juillet 1998, R.D.P., 1999, p. 79

SUDRE F., obs., C.E.D.H., 16 décembre 1992, Sainte Marie c/France, J.C.P., 1993, I,
3654

obs., C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c/Pays-Bas, J.C.P., 1994, I, 3742

obs., C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/ Pays-Bas, R.U.D.H., 1994, p. 261

obs., C.E.D.H., 9 décembre 1994, Affaire des Raffineries grecques c/Grèce, J.C.P.,
1995, I, 3827

obs., C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, J.C.P., 1995, I, 3823

obs., C.E.D.H., 26 septembre 1995, Diennet c/France, R.U.D.H., 1996, p. 15


obs., C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, J.C.P., 1996, I, 3910

obs., C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c/Autriche, J.C.P., 1997, I, 4000

obs., C.E.D.H. 29 août 1997, Worm c/Autriche, J.C.P., 1998, I, 107

obs., C.E.D.H., 24 novembre 1997, Werner c/Autriche, J.C.P., 1998, I, 107

obs., C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal et autres c/France, J.C.P., 2000,
I, 2203

obs., C.E.D.H., 27 août 2002, Didier c/France, J.C.P., 2003, I, 109

obs., C.E.D.H., 24 avril 2003, Yvon c/France, J.C.P., 2003, I, 160

obs., C.E.D.H., 27 novembre 2003, Slimane Kaïd c/France, J.C.P., 2004, I, 107

obs., C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/France, J.C.P., 2008, I, 167

obs., C.E.D.H., 29 mars 2010, Medveyev et autre c/France, J.C.P., 2010, I, 1587

VAN COMPERNOLLE J., obs., C.E.D.H., 24 août 1993, Nortier c/ Pays-Bas, R.T.D.H.,
1994, p. 437

VERPEAUX M., obs, Décis. Cons. const. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, J.C.P.,
2007, I, 34

obs., Décis. Cons. const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, J.C.P., 2009, I, 46


Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 633

INDEX CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL *

1959

n° 1 : Décision n° 59-1 L du 27 novembre 1959, Nature juridique de l'article 2, alinéa 3


de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports
de voyageurs dans la région parisienne : 45, 923.

1962

n° 2 : Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962, Nature juridique des dispositions de


l'article 31 (alinéa 2) de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole : 33,
949.

1967

n° 3 : Décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et complétant


l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature : 333.

n° 4 : Décision n° 67-33 DC du 12 juillet 1967, Loi organique modifiant et complétant


l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature : 346.

1970

n° 5 : Décision n° 70-40 DC du 9 juillet 1970, Loi organique relative au statut des


magistrats, 19 juillet 1970 : 333.

1971

n° 6 : Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des


articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association : 33.

n° 7 : Décision n° 71-45 DC du 16 juillet 1971, Loi organique complétant l'article 21 de


la loi organique du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats : 309.

1972

n° 8 : Décision n° 71-46 DC du 20 janvier 1972, Loi organique modifiant certaines


dispositions du titre II de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi
organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités
parlementaires : 910.

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.


634 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 9 : Décision n° 72-75 L du 21 décembre 1972, Nature juridique des dispositions de


l'article 48, alinéa 2, modifié, de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre
devant les tribunaux administratifs et article 13, paragraphes 1 et 2, de la loi du 27
décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et
pénalités en matière fiscale : 739.

1973

n° 10 : Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974 : 60, 891.

1975

n° 11 : Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire


de la grossesse : 72, 458, 611, 663.

n° 12 : Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, Loi modifiant et complétant certaines


dispositions de procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et
398-1 du Code de procédure pénale : 189, 219, 767, 890, 892, 893.

1976

n° 13 : Décision n° 76-66 DC du 6 juillet 1976, Loi organique modifiant l'article 67 de


l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature
et introduisant dans ladite ordonnance un article 17-1 : 263.

1977

n° 14 : Décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant le Gouvernement à


modifier par ordonnances les circonscriptions pour l'élection des membres de la
chambre des députés du territoire Français des Afars et des Issas : 106.

n° 15 : Décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977, Loi modifiant l'article 4 de la loi de


finances rectificative pour 1961 (obligation de service des fonctionnaires) : 748.

n° 16 : Décision n° 77-101 L du 3 novembre 1977, Nature juridique de dispositions de


l'ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958 portant réforme des règles relatives à
l'expropriation pour cause d'utilité publique : 956.

1978

n° 17 : Décision n° 77-92 DC du 18 janvier 1978, Loi relative à la mensualisation et à la


procédure conventionnelle (contre-visite médicale) : 746.
Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 635

1979

n° 18 : Décision n° 78-101 DC du 17 janvier 1979, Loi portant modification des


dispositions du titre 1er du livre V du Code du travail relatives aux conseils de
prud'hommes : 190.

n° 19 : Décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'élection de


l'Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-
Calédonie : 393.

n° 20 : Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant


les voies nationales ou départementales : 977.

1980

n° 21 : Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, Loi relative à la prévention de


l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers
et portant création de l'office national d'immigration : 421, 609, 618, 622.

n° 22 : Décision n° 80-113 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions


du Code général des impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale :
197.

n° 23 : Décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980, Loi autorisant la ratification de la


convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d'entraide
judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 : 99.

n° 24 : Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des


matières nucléaires : 752, 788.

n° 25 : Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes


administratifs : 388, 389, 400.

n° 26 : Décision n° 80-123 DC du 24 octobre 1980, Loi organique relative au statut de la


magistrature : 341.

n° 27 : Décision n° 80-119 L du 2 décembre 1980, Nature juridique de diverses


dispositions figurant au Code général des impôts relatives à la procédure
contentieuse en matière fiscale : 62.

n° 28 : Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, Loi de finances pour 1981 : 599.

1981

n° 29 : Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant


la liberté des personnes : 219, 222, 580, 621, 657, 658, 747, 798, 817, 825.
636 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 30 : Décision n° 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Décision du 11 juin 1981 sur une requête
de Monsieur François DELMAS : 75.

1982

n° 31 : Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation : 641.

n° 32 : Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus,
notamment ses articles 1, 3 et 4 : 36, 922.

n° 33 : Décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au développement des


institutions représentatives du personnel : 61, 126.

n° 34 : Décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour


1982 : 402.

1983

n° 35 : Décision n° 83-153 DC du 14 janvier 1983, Loi relative au statut général des


fonctionnaires : 315.

n° 36 : Décision n° 83-162 DC du 20 juillet 1983, Loi relative à la démocratisation du


secteur public : 562.

n° 37 : Décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984 : 421.

1984

n° 38 : Décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement


supérieur : 327.

n° 39 : Décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration


et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse : 62.

n° 40 : Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985 : 785.

1985

n° 41 : Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985, Loi relative aux administrateurs


judiciaires, mandataires-liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise : 232, 745,
758, 788, 958.

n° 42 : Décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et à la


liquidation judiciaire des entreprises : 178, 181, 183, 187.

n° 43 : Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en


Nouvelle-Calédonie et dépendances : 211.

n° 44 : Décision n° 85-192 DC du 24 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions


d’ordre social : 405.
Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 637

n° 45 : Décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-


Calédonie : 106.

n° 46 : Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-


Calédonie : 75.

n° 47 : Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du


29 juillet 1982 et portant diverses dispositions relatives à la communication
audiovisuelle : 61, 420, 746.

1986

n° 48 : Décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre


diverses mesures d'ordre économique et social : 45.

n° 49 : Décision n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative à l'application des


peines : 742, 788.

n° 50 : Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de


communication : 261.

1987

n° 51 : Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction


judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence : 106, 111, 117,
144, 147, 148, 196, 231, 235, 248, 412, 419, 420, 427, 429, 431, 658, 743, 898.

1988

n° 52 : Décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la


Caisse nationale de crédit agricole : 60, 178, 182, 201.

n° 53 : Décision n° 88-153 L du 23 février 1988, Nature juridique de dispositions


contenues dans les articles 8, 140 et 143 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985
relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises : 923.

n° 54 : Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988, Nature juridique des deux premiers


alinéas de l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses
mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public : 135, 137.

n° 55 : Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988, Nature juridique de dispositions du code de


l'expropriation pour cause d'utilité publique : 197, 230.

n° 56 : Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie : 59, 642, 895.

n° 57 : Décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988, Loi de finances rectificative pour


1988 : 402, 405.
638 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1989

n° 58 : Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30


septembre 1986 relative à la liberté de communication : 232, 471, 626, 743, 753, 758,
785, 788, 958, 960, 961.

n° 59 : Décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie : 580, 621, 644,
646.

n° 60 : Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en


matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles : 420.

n° 61 : Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et


relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion : 84,
561.

n° 62 : Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la


transparence du marché financier : 742, 762, 961.

n° 63 : Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et


d'entrée des étrangers en France : 414, 420, 423, 424, 429, 432, 898.

n° 64 : Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990 : 742,


788.

1990

n° 65 : Décision n° 89-266 DC du 9 janvier 1990, Loi modifiant l'ordonnance n° 45-2658


du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France : 60, 898.

n° 66 : Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions


relatives à la sécurité sociale et à la santé : 917.

n° 67 : Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des


renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux : 658.

n° 68 : Décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991 : 743,


746.

1991

n° 69 : Décision n° 90-288 DC du 16 janvier 1991, Loi organique modifiant l'ordonnance


n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature et relative à l'amélioration de la gestion du corps judiciaire : 348.
Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 639

1992

n° 70 : Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi organique modifiant l'ordonnance


n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature : 257, 260, 263, 264, 267, 286, 309, 312, 313, 314, 337, 743.

n° 71 : Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, Loi portant modification de


l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France : 743, 753, 788.

n° 72 : Décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la ratification du


traité sur l'Union européenne : 72.

1993

n° 73 : Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la


corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques :
164.

n° 74 : Décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissements publics


à caractère scientifique, culturel et professionnel : 327.

n° 75 : Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier


1993 portant réforme du Code de procédure pénale : 251, 375, 377, 636, 638, 740,
794, 795, 808, 815, 822.

n° 76 : Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de


l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en
France : 60, 63, 421, 604, 605, 610, 613, 743, 754, 956.

n° 77 : Décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993, Loi organique sur la Cour de


justice de la République : 63, 196, 212.

1994

n° 78 : Décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine


incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de
procédure pénale : 639.

n° 79 : Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en


matière d'urbanisme et de construction : 63, 68, 118, 119, 120, 153.

n° 80 : Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994, Loi organique modifiant l'ordonnance


n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature : 254, 255,
265, 269, 288, 305.

n° 81 : Décision n° 93-337 DC du 27 janvier 1994, Loi organique sur le Conseil supérieur


de la magistrature : 267.
640 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 82 : Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps


humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps
humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal : 669.

1995

n° 83 : Décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, Loi organique modifiant l'ordonnance


n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature : 170, 258,
310.

n° 84 : Décision n° 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie


politique : 395.

n° 85 : Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation


relative à la sécurité : 135, 141, 421.

n° 86 : Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995, Loi relative à l'organisation des


juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : 378, 446, 487, 509,
921.

n° 87 : Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996 : 386,


406.

1996

n° 88 : Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie


de la Polynésie française : 61, 63, 64, 68, 115, 117, 118, 121, 122, 153, 242, 571,
1010.

n° 89 : Décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre


économique et financier : 404.

n° 90 : Décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, Loi tendant à renforcer la répression du


terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou
chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la
police judiciaire : 798.

n° 91 : Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996, Loi de réglementation des


télécommunications : 429, 430, 431, 432.

1997

n° 92 : Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions


relatives à l'immigration : 239, 626, 740, 743, 745.

n° 93 : Décision n° 97-390 DC du 19 novembre 1997, Loi organique relative à la fiscalité


applicable en Polynésie française : 406.

n° 94 : Décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998 : 743.


Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 641

1998

n° 95 : Décision n° 98-396 DC du 19 février 1998, Loi organique portant recrutement


exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de
recrutement des conseillers de cour d’appel en service extraordinaire : 309, 310, 312,
315, 316, 317, 318, 319.

n° 96 : Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative à l'entrée et au séjour des


étrangers en France et au droit d'asile : 525.

n° 97 : Décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité


sociale pour 1999 : 386.

1999

n° 98 : Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale


internationale : 664, 765, 791, 917, 943, 956.

n° 99 : Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la


sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de
transport public de voyageurs : 704, 719, 720, 722, 955.

n° 100 : Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de


solidarité : 124.

n° 101 : Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du


Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de
certains codes : 106.

n° 102 : Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, Loi de financement de la sécurité


sociale pour 2000 : 395, 404.

n° 103 : Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000 : 238,
631.

n° 104 : Décision n° 99-425 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificative pour


1999 : 397, 405.

2000

n° 105 : Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse : 522.

n° 106 : Décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Décision du 25 juillet 2000 sur une
requête présentée par Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE : 75.

n° 107 : Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30


septembre 1986 relative à la liberté de communication : 958.

n° 108 : Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité


sociale pour 2001 : 67, 135, 170.
642 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2001

n° 109 : Décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l'archéologie


préventive : 45.

n° 110 : Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des
magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature : 170, 255, 265, 267, 316, 317,
318, 319, 328, 343, 348.

n° 111 : Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la


couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles : 88, 89, 431, 785, 960, 967.

n° 112 : Décision n° 2001-457 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances rectificative pour


2001 : 238.

2002

n° 113 : Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation


pour la justice : 170, 321, 491, 498, 637, 652, 695, 764, 766, 771, 791, 906.

2003

n° 114 : Décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de
proximité : 260, 312, 314, 318, 320, 917.

n° 115 : Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure : 453,
615, 627, 667, 706, 725, 740.

n° 116 : Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de


l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité : 135, 141, 239,
653.

n° 117 : Décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, Loi modifiant la loi n° 52-893 du


25 juillet 1952 relative au droit d'asile : 170.

n° 118 : Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004 : 238.

2004

n° 119 : Décision n° 2004-491 DC du 12 février 2004, Loi complétant le statut


d'autonomie de la Polynésie française : 172, 196, 241, 243, 571.

n° 120 : Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité : 41, 353, 456, 467, 654, 672, 682, 750, 791, 798, 808,
955.

n° 121 : Décision n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle : 966.
Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 643

n° 122 : Décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l'assurance maladie : 45.

n° 123 : Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité élaborant une


Constitution pour l'Europe : 525.

n° 124 : Décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004, Loi de simplification du droit :


106.

2005

n° 125 : Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la


cohésion sociale : 406.

n° 126 : Décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005, Loi relative aux compétences du


tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance :
753, 769, 770.

n° 127 : Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme


pour l'avenir de l'école : 922.

n° 128 : Décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des


entreprises : 61, 125, 131.

n° 129 : Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la


récidive des infractions pénales : 693.

n° 130 : Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances rectificative pour


2005 : 399, 400, 403.

2006

n° 131 : Décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le


terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles
frontaliers : 64.

n° 132 : Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances : 749,
762, 785, 826.

n° 133 : Décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, Loi relative à l'immigration et à


l'intégration : 921.

n° 134 : Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux
droits voisins dans la société de l'information : 60, 743, 745.

n° 135 : Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la


participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre
économique et social : 397, 438.
644 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2008

n° 136 : Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008, Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-


329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) : 107, 109.

n° 137 : Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté


et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental : 302, 653,
857.

2009

n° 138 : Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la


protection de la création sur internet : 626, 725, 771, 900.

n° 139 : Décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative à la protection pénale


de la propriété littéraire et artistique sur internet : 202, 728, 771, 900, 902.

n° 140 : Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à


l'application de l'article 61-1 de la Constitution : 167, 426, 875.

2010

n° 141 : Décision n° 2009-597 DC du 21 janvier 2010, Loi organique tendant à permettre à


Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies
depuis moins de cinq ans : 238.

n° 142 : Décision n° 2009-598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III
de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-
Martin : 238.

n° 143 : Décision n° 2010-117 ORGA du 4 février 2010, Décision portant règlement


intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalité : 150, 506, 525.

n° 144 : Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. : 61, 125, 127, 130,
131.

n° 145 : Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Époux L. : 61, 125.

n° 146 : Décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres : 485.

n° 147 : Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010, Loi organique relative à l'application


de l'article 65 de la Constitution : 298, 302, 534, 541, 542, 735.

n° 148 : Décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre : 261.

n° 149 : Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, ROUSSILLON et autres : 197,


200, 202, 203, 208, 756, 774, 775.

n° 150 : Décision n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. : 238, 472.


Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 645

n° 151 : Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres : 377,


661, 740, 794, 797, 803, 808, 822, 1008.

n° 152 : Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, Époux P. et autres : 236.

n° 153 : Décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010, Loi portant adaptation du droit pénal à
l'institution de la Cour pénale internationale : 764, 765.

n° 154 : Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres : 740,


798.

n° 155 : Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, M. Jean-Yves G. : 97, 98, 100.

n° 156 : Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. : 2.

n° 157 : Décision n° 2010-52 QPC du 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau : 2.

n° 158 : Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, Union syndicale des magistrats
administratifs : 758, 903, 923.

n° 159 : Décision n° 2010-614 DC du 4 novembre 2010, Loi autorisant l'approbation de


l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une coopération en vue de la
protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français : 60, 97, 98.

n° 160 : Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S. : 144, 147,
148, 412, 417, 421.

n° 161 : Décision n° 2010-76 QPC du 3 décembre 2010, M. Roger L : 560.

n° 162 : Décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010, Société IMNOMA : 406.

n° 163 : Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, M. Michel F. : 379, 654, 655.

n° 164 : Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. : 170, 740, 791.

n° 165 : Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. : 191, 194, 197,
219.

2011

n° 166 : Décision n ° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C. : 64.

n° 167 : Décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011, M. Jean-Louis L. : 2.

n° 168 : Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation


pour la performance de la sécurité intérieure : 637, 730.

n° 169 : Décision n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. : 436, 438, 511,
534.

n° 170 : Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D. : 197, 206, 208,
774, 775, 776.
646 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 171 : Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre : 758, 943,
959, 967, 972, 973, 985, 986, 989, 994.

n° 172 : Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011, Mme Denise R. et autre : 600, 601.

n° 173 : Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. : 661, 683, 799,
803.

n° 174 : Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale
et autre : 92.

n° 175 : Décision n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du


Sénat : 83, 85.

n° 176 : Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à


l'intégration et à la nationalité : 153, 170, 239, 785.

n° 177 : Décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre : 412,


417, 421.

n° 178 : Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-


Denis et autres : 527.

n° 179 : Décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-


Denis et de l'Hérault : 527.

n° 180 : Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, M. Tarek J. : 489, 504.

n° 181 : Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. : 170, 180, 182, 183,
198, 774, 775.

n° 182 : Décision n° 2011-152 QPC du 22 juillet 2011, M. Claude C. : 111.

n° 183 : Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs : 489, 504, 943, 959,
996.

n° 184 : Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. : 815, 816.

n° 185 : Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. : 462,


466, 504, 552.

n° 186 : Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre : 774, 775,
776.

n° 187 : Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme Élise


A. et autres : 664, 786, 802, 804, 817, 820, 822, 823.

n° 188 : Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011, M. Albin R. : 150, 153.

n° 189 : Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. : 462, 504.


Index chronologique des décisions du Conseil constitutionnel 647

n° 190 : Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d'Azur :
471, 478.
n° 191 : Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M. : 230, 240.

2012

n° 192 : Décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B. : 92.


n° 193 : Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012, COFACE : 777, 781, 782.
n° 194 : Décision n° 2011-219 QPC du 10 février 2012, M. Patrick É. : 111.
n° 195 : Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012, Ordre des avocats au Barreau de
Bastia : 818.
n° 196 : Décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stéphane C. et autres : 151,
154.
n° 197 : Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Gérard D. : 956.
n° 198 : Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez : 261.
n° 199 : Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Société YONNE
REPUBLICAINE et autre : 212.
n° 200 : Décision n° 2012-247 QPC du 16 mai 2012, Consorts L. : 147, 790.
n° 201 : Décision n° 2012-250 QPC du 8 juin 2012, M. Christian G. : 517.
n° 202 : Décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. : 383.
n° 203 : Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et
autre : 473, 479.
n° 204 : Décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012, Société Pyrénées services et
autres : 473.

2013

n° 205 : Décision n° 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M. Jérôme P. : 464.


n° 206 : Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Société Numéricâble SAS et autre :
111, 480, 1008.
n° 207 : Décision n° 2013-334/335 QPC du 26 juillet 2013, Société SOMAF et autre : 40.
n° 208 : Décision n° 2013-336 QPC du 1er août 2013, Société Natixis Asset Management :
207.
n° 209 Décision n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Société Invest Hôtels
Saint-Dizier Rennes et autre [Prise de possession d'un bien exproprié selon la
procédure d'urgence] : 196.
Index chronologique des arrêts du Conseil d’État 649

INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DU CONSEIL D’ÉTAT *

1862

n° 1 : C.E., 20 mars 1862, Ville de Châlons-sur-Marne c/ Navarre, Rec. p. 236 : 116.

1899

n° 2 : C.E., 3 février 1899, Héritiers de Joly, Rec. p. 83 : 79.

1908

n° 3 : C.E., 29 mai 1908, Poulin, Rec. p. 580 : 117.

1909

n° 4 : C.E., 2 avril 1909, Moreau et Pérot, Rec. p. 376 : 117.

n° 5 : C.E., 23 juillet 1909, Fabrègues, Rec. p. 727 : 882.

1913

n° 6 : C.E., 30 mai 1913, Préfet de l’Eure, n° 49241, Rec. p. 583 : 967.

1930

n° 7 : C.E., 10 janvier 1930, Despujol, n° 97263, Rec. p. 30 : 120.

1944

n° 8 : C.E., 4 février 1944, Sieur Vernon, Rec. p. 46 : 165.

n° 9 : C.E., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. p. 133 : 736.

1945

n° 10 : C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec. p. 213 : 736.

1949

n° 11 : C.E., 15 juin 1949, Faveret, Rec. p. 288 : 164, 196.

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.


650 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1954

n° 12 : C.E., Ass., 28 mai 1954, Barel, n° 28238 ; n° 28493 ; n° 28524 ; n° 30237 ;


n° 30256, Rec. p. 308 : 964.

1956

n° 13 : C.E., 13 juillet 1956, Piéton-Guibout, n° 37649 ; n° 37779, Rec. p. 338 : 920.

1957

n° 14 : C.E., Ass., 4 janvier 1957, Lamborot, Rec. p. 12 : 165.

n° 15 : C.E., 25 janvier 1957, Sté Ets Charlionais et Cie, Rec. p. 54 : 106.

n° 16 : C.E., Ass., 31 mai 1957, Sieur Girard, Rec. p. 335 : 79.

1961

n° 17 : C.E., 24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police, n° 48841,


Rec. p. 658 : 106.

1962

n° 18 : C.E., Ass., 2 février 1962, Sieur Beausse, Rec. p. 82-83 : 258.

n° 19 : C.E., 4 mai 1962, Dame Ruard, Rec. p. 296 : 754.

n° 20 : C.E., Ass., 19 octobre 1962, Sieurs Canal, Robin et Godot, n° 58502 : 249.

1968

n° 21 : C.E., 29 novembre 1968, Tallagrand, n° 68938, Rec. p. 607 : 61.

1970

n° 22 : C.E., 29 avril 1970, Comité des chômeurs de la Marne et Sieur le Gac, n° 77651 ;
n° 77682, Rec. p. 279 : 78.

n° 23 : C.E., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec. p. 690 : 164.

n° 24 : C.E., Ass., 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille Fret, n° 74877 ;


n° 75123, Rec. p. 704 : 964.

1972

n° 25 : C.E., 10 juillet 1972, Cie Air Inter, n° 77961 : 106.


Index chronologique des arrêts du Conseil d’État 651

1973

n° 26 : C.E., 30 mars 1973, Sieur Gen, n° 80680 ; n° 80681, Rec. p. 269 : 139.

1978

n° 27 : C.E., 10 février 1978, Rischmann, n° 96495, Rec. p. 685 : 964.

1979

n° 28 : C.E., 16 mars 1979, Ministre du Travail c/ Stephan, n° 11552, Rec. p. 120 : 754.

1981

n° 29 : C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, n° 34486 ; n° 34487 ; n° 34510 ; n° 34511,


Rec. p. 244 : 75.

1982

n° 30 : C.E., Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres, n° 25288 ; n° 25323, Rec. p. 357 : 967.

1985

n° 31 : C.E., Ass., 20 décembre 1985, S.A. Etablissements Outters, n° 31927, Rec.


p. 382 : 33.

1988

n° 32 : C.E., 25 mai 1988, Association Le foyer israélite, n° 72632, Rec. p. 956 : 141.

1989

n° 33 : C.E., Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, Rec. p. 44 : 120.

1990

n° 34 : C.E., 6 juillet 1990, Ministre du Travail, de l’emploi et de la formation


professionnelle c/ Mattei, n° 100489 ; n° 101053 ; Rec. p. 205 : 138.

1992

n° 35 : C.E., Ass., 10 avril 1992, Epoux V, n° 79027, Rec. p. 171 : 127.

1993

n° 36 : C.E., Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du


Nord et gouverneur de la Colonie royale de Hong-Kong, n° 142578, Rec. p. 267 : 73.
652 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

1994

n° 37 : C.E., Ass., 11 mars 1994, S.A. La cinq, n° 115052, Rec. p. 118 : 33.

1995

n° 38 : C.E., Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie, n° 107766, Rec. p. 82 : 69.

n° 39 : C.E., Ass., 27 octobre 1995, Ministre du logement c/Mattio, n° 150703, Rec.


p. 359 : 401.

1996

n° 40 : C.E., 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, n° 158463 : 539.

n° 41 : C.E., 4 novembre 1996, Association de défense des sociétés de course des


hippodromes de province, n° 177162 ; n° 177402 ; n° 177807 ; n° 178874 ;
n° 179030 ; Rec. p. 427 : 112.

1997

n° 42 : C.E., 28 mars 1997, Société Baxter, n° 179049, n° 179050, n° 179054, Rec. p. 114 :
112.

1998

n° 43 : C.E., 8 juillet 1998, Département de l'Isère, n° 132302, Rec. p. 308 : 222.

n° 44 : C.E., 29 juillet 1998, Mme Esclatine, Rec. p. 320 : 760.

1999

n° 45 : C.E., Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale, n° 163328, Rec.


p. 42 : 69, 80.

n° 46 : C.E., Ass., 9 avril 1999, Mme Ba., n° 195616, Rec. p. 124 : 71.

n° 47 : C.E., Ass., 3 décembre 1999, Didier, n° 207434, Rec. p. 399 : 462.

2000

n° 48 : C.E., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited, n° 180122, Rec. p 433 : 475,
477.

2001

n° 49 : C.E., 12 octobre 2001, Société des produits Roche, n° 237376, Rec. p. 463 : 141.

n° 50 : C.E., Ordonnance du juge des référés, 7 novembre 2001, Tabaka, n° 239761,


Rec. p. 789 : 71.
Index chronologique des arrêts du Conseil d’État 653

n° 51 : C.E., 21 décembre 2001, Epoux Hofmann, n° 222862, Rec. p. 652 : 63.

2002

n° 52 : C.E., 17 mai 2002, Hoffer et autres, n° 232359 ; n° 233434 ; n° 233436, Rec.


p. 819 : 107.

n° 53 : C.E., 29 juillet 2002, Mme Roubiscoul, n° 224952 : 547.

n° 54 : C.E., 6 décembre 2002, Maciolak, n° 239540, Rec. p. 426 : 536.

n° 55 : C.E., 6 décembre 2002, Trognon, n° 240028 : 514, 515.

2003

n° 56 : C.E., 2 avril 2003, Conseil régional de Guadeloupe, n° 246748, Rec. p. 162 : 110.

n° 57 : C.E., 30 juillet 2003, Société Dubus SA, n° 240884 : 475, 477, 507.

n° 58 : C.E., 8 décembre 2003, Riche, n° 251197 : 139.

n° 59 : C.E., 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253 : 188, 923.

2004

n° 60 : C.E., 19 mai 2004, Jouve, n° 248175, Rec., p. 234. : 139.

n° 61 : C.E., Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l'Intérieur c/ Benkerrou, n° 255136 : 961.

2005

n° 62 : C.E.,1er avril 2005, Mme L., n° 264627, Rec. p. 134 : 146, 147.

n° 63 : C.E., 29 juin 2005, SA Ets Louis Mazet et autres, n° 268681, Rec p. 264 : 400.

n° 64 : C.E., 8 juillet 2005, Ministre de la Santé c/ ARH de Provence-Alpes-Côte d’Azur,


n° 264366 : 141.

n° 65 : C.E., 18 novembre 2005, Houlbreque, n° 270075, Rec. p. 513 : 141.

2006

n° 66 : C.E., 6 janvier 2006, Sté Lebanese Communication Group, n° 279596, Rec. p. 1 :


477.

n° 67 : C.E., 15 novembre 2006, Toquet, n° 264636, Rec. p. 1002 : 139.

2007

n° 68 : C.E., 21 mars 2007, Garnier, n° 284586, Rec. p. 128 : 137.

n° 69 : C.E., 26 juillet 2007, Société Global Equities, n° 293624 : 467.


654 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2008

n° 70 : C.E., 30 janvier 2008, Association orientation et rééducation des enfants et


adolescents de la Gironde, n° 274556 : 537.

n° 71 : C.E., 19 décembre 2008, Mme Mellinger épouse Praly, n° 297187, Rec. p. 478 :
140.

2009

n° 72 : C.E., Ass., 16 février 2009, Sté Atom, n° 274000, Rec. p. 26 : 968.

n° 73 : C.E., 21 octobre 2009, M. Bertoni, n° 316881 : 537.

2010

n° 74 : C.E., 19 février 2010, Molline et autres, n° 322407, Rec. p. 20 : 111.

n° 75 : C.E., 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n° 320667 : 522.

n° 76 : C.E., 30 juin 2010, n° 325319, Mme Elisabeth A. : 297.

n° 77 : C.E., 16 juillet 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, n° 338829 :


903.

n° 78 : C.E., 24 septembre 2010, Decurey, n° 341685 : 83.

n° 79 : C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadège A, n° 311938 : 253.

n° 80 : C.E., 8 novembre 2010, Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, n°


329384 ; n° 330042 : 477.

2011

n° 81 : C.E., 10 janvier 2001, Mme Coren, n° 211878 ; n° 213462, Rec. p. 5 : 152.

n° 82 : C.E., 11 mars 2011, M. Alexandre A., n° 341658 : 111.

n° 83 : C.E., 21 septembre 2011, Albin A., n° 350371 : 150.


Index chronologique des arrêts de la Cour de cassation 655

INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION *

1828

n° 1 : Cass. civ., 7 mai 1828, S. 1828, 1, 329 : 823.

1860

n° 2 : Cass. crim., 23 mars 1860 : 445.

1906

n° 3 : Cass. Crim., 8 decembre 1906, Placet, Bull. 1906, n° 443 : 200.

1941

n° 4 : Cass. Ch. réunies, 15 juillet 1941, Dame veuve Villa c/ la Compagnie d’Assurances
Générales, pourvoi n° 00-26836 : 127.

1954

n° 5 : Cass. crim., 22 juin 1954, Bull. crim., n° 395 : 802.

1959

n° 6 : Cass. crim., 22 décembre 1959, Pesquet., Bull. 1959, n° 569 : 192.

1977

n° 7 : Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, pourvoi n° 77-92803, Bull. crim, n° 370,
p. 946 : 192.

1989

n° 8 : Cass. Crim., 30 janvier 1989, pourvoi n° 86-96060, Bull. crim., 1989, n° 33,
p. 97 : 714.

1990

n° 9 : Cass. Crim., 1er février 1990, pourvoi n° 89-80673, Bull. crim., 1990, n° 56,
p. 153 : 955.

n° 10 : Cass. Crim., 26 avril 1990, pourvoi n° 88-84586, Bull. crim., 1990, n° 162, p. 418
: 445.

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.


656 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 11 : Cass. Crim., 17 octobre 1990, pourvoi n° 89-87132, Bull. crim., 1990, n° 344,
p. 872 : 989.

n° 12 : Cass. Ass. Plén., 21 décembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n° 88-15744, Bull. civ.,
1990, A.P., n° 12 p. 23 : 401.

1991

n° 13 : Cass. 2ème civ., 20 mars 1991, pourvoi n° 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n° 88,
p. 48 : 927.

n° 14 : Cass. Crim., 6 novembre 1991, pourvoi n° 91-82211, Bull. crim., 1991, n° 397,
p. 1006 : 716.

1992

n° 15 : Cass. Crim., 10 mars 1992, pourvois n° 91-86944 ; 92-80389, Bull. crim., 1992,
n° 105, p. 272 : 374.

1993

n° 16 : Cass. Crim., 7 avril 1993, pourvoi n° 92-84725, Bull. crim., 1993, n° 152, p. 381 :
498.

1995

n° 17 : Cass., Ass. Plén., 30 juin 1995, pourvoi n° 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n° 4,
p. 7 : 755.

1996

n° 18 : Cass. crim., 28 février 1996, pourvoi n° 95-85041 : 696.

n° 19 : Cass. Crim., 30 avril 1996, pourvoi n° 95-85638, Bull. crim., 1996, n° 181,
p. 522 : 974.

n° 20 : Cass. Crim., 12 juin 1996, pourvoi n° 95-82735, Bull. crim., 1996, n° 248,
p. 749 : 816.

n° 21 : Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n° 95-85785, Bull. crim., 1996, n° 289,
p. 892 : 696.

1997

n° 22 : Cass. crim., 29 octobre 1997, Fevret, pourvoi n° 97-81904, Bull. crim., 1997,
n° 357, p. 1208 : 101.
Index chronologique des arrêts de la Cour de cassation 657

1998

n° 23 : Cass. 2ème civ., 1er avril 1998, pourvoi n° 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n° 116,
p. 69 : 927.

1999

n° 24 : Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, Commission des opérations de bourse c/ Oury,
pourvoi n° 97-16440, Bull. civ., 1999, A.P., n ° 1, p. 1 : 478.

n° 25 : Cass. Crim., 23 novembre 1999, pourvoi n° 99-80794, Bull. crim., n° 268,


p. 836 : 201.

2000

n° 26 : Cass. crim., 1er février 2000, pourvoi n° 99-84764, Bull. crim., 2000, n° 51,
p. 140 : 716.

n° 27 : Cass. civ. 1ère, 10 mai 2000, pourvoi n° 99-15696, Bull. civ., 2000, I, n° 136,
p. 91 : 812.

n° 28 : Cass. Civ. 1ere, 23 mai 2000, pourvoi n° 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n° 151,
p. 99 : 462.

n° 29 : Cass. crim., 20 septembre 2000, Bull. crim., n° 274 : 788.

n° 30 : Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi n° 99-85366, Bull. crim., 2000 n° 356,
p. 1051 : 93.

2001

n° 31 : Cass. Crim., 22 mars 2001, Sté Trigone Conseil Littoral, pourvoi n° 99-30197 :
238.

n° 32 : Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n° 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n° 247,
p. 196 : 555.

n° 33 : Cass., Ass. plén., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n° 01-84922, Bull. crim.,
2001, n° 206, p. 660 : 33.

n° 34 : Cass. Crim., 5 décembre 2001, pourvoi n° 01-81407, Bull. crim., 2001, n° 253, p.
838 : 445.

2002

n° 35 : Cass. soc., 31 octobre 2002, pourvoi n° 00-18359, Bull. civ., 2002, V, n° 336,
p. 324 : 127.

n° 36 : Cass. crim., 19 février 2002, pourvoi n° 01-88028, Bull. crim., n° 30, p. 89 : 192.
658 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 37 : Cass. crim, 16 octobre 2002, pourvoi n° 02-80945 : 207.

2003

n° 38 : Cass. crim., 8 janvier 2003, pourvoi n° 02-81.476 : 207.

2005

n° 39 : Cass. Crim., 7 juillet 2005, pourvoi n° 03-85359, Bull. crim., 2005, n° 205,
p. 713 : 94.

n° 40 : Cass., Ass. plén., 11 mars 2005, Société Seritel, pourvoi n° 03-20484, Bull. civ.,
2005, A.P., n° 4, p. 9 : 225.

n° 41 : Cass. Com., 22 mars 2005, Crédit industriel de l'Ouest, pourvoi n° 03-12922,


Bull. civ., 2005, IV, n° 67, p. 70 : 131.

2006

n° 42 : Cass., Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 05-11519, Bull., 2006, n° 3, p. 5 : 780.

2007

n° 43 : Cass., 2ème civ., 8 mars 2007, pourvoi n° 05-21627, Bull. civ., 2007, II, n° 58 :
221.

2008

n° 44 : Cass. crim., 8 avril 2008, pourvois n° 07-86.250 et n° 07-86.251 : 207.

n° 45 : Cass. Com, 8 juillet 2008, Société coopérative le Galec, pourvoi n° 07-16761, Bull.
civ., 2008, IV, n° 143 : 93.

2010

n° 46 : Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82582, Bull. crim. : 972.

n° 47 : Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83328, Bull. crim. : 972.

n° 48 : Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87307, Bull. crim. : 972.

n° 49 : Cass. Crim., 31 mai 2010, pourvoi n° 09-85389 : 200.

n° 50 : Cass. Crim., 31 mai 2010, pourvoi n° 09-87295 : 200.

n° 51 : Cass. Crim., 4 juin 2010, pourvoi n° 09-83936 : 200.

n° 52 : Cass. crim., 16 juillet 2010, Dominique Y., pourvoi n° 09-88580 : 216.

n° 53 : Cass. crim., 16 juillet 2010, Sté Norprotex, pourvoi n° 10-81659 : 216.


Index chronologique des arrêts de la Cour de cassation 659

n° 54 : Cass. Crim., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-87877 : 989.

n° 55 : Cass. crim., 23 novembre 2010, pourvoi n° 10-81309, Bull. crim., 2010, n° 184 :
181.

n° 56 : Cass. crim., 1er décembre 2010, n° 10-83359 : 181.

n° 57 : Cass. crim., 7 décembre 2010, n° 10-90110 : 181.

n° 58 : Cass. Crim., 15 décembre 2010, pourvoi n° 10-83674, Bull. crim., 2010, n° 207 :
373, 374.

n° 59 : Cass. crim., 15 décembre 2010, n° 10-84112, Bull. crim., 2010, n° 209 : 181.

2011

n° 60 : Cass., Ass. plén., 7 janvier 2011, pourvois n° 09-14.316 et n° 09-14.667 : 664.

n° 61 : Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85159, Bull. crim., 2011, n° 11 : 972.

n° 62 : Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n° 10-85305, Bull. crim., 2011, n° 12 : 972.

n° 63 : Cass. Com., 8 février 2011, Sté Saint-Yves c/ Sté coopérative Capleso, pourvoi n°
09-17034, Bull. civ., 2011, IV, n° 19 : 90.

n° 64 : Cass. Crim., 15 février 2011, pourvoi n° 10-90123, Bull. crim., 2011, n° 26 : 227.

2012

n° 65 : Cass. Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-28027, Bull. civ., 2012, V, n° 3 : 555.
Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 661

INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS


DE L’HOMME *

1959

n° 1 : Commiss. E.D.H., 30 juin 1959, Szwabowicz c/ Suède, requête n° 434/58 : 761.

1970

n° 2 : C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, requête n° 2689/65, série A,


n°11 : 196, 368, 761.

1971

n° 3 : C.E.D.H., 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, requête n° 2614/65, série A,


n° 13 : 514.

1975

n° 4 : C.E.D.H., 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, requête n° 4451/70, série A,


n° 18 : 56, 756, 777.

1976

n° 5 : C.E.D.H., 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas, requêtes n° 5100/71 ; 5101/71 ;


5102/71 ; 5354/72 et 5370/72, série A, n° 22 : 612.

1978

n° 6 : C.E.D.H., 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, requête n°5310/71, série A,


n° 25 : 677.

1979

n° 7 : C.E.D.H., 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande, requête n° 6289/73, série A, n° 32 :


152.

n° 8 : C.E.D.H., 4 décembre 1979, Schiesser c/ Suisse, requête n° 7710/76, série A,


n° 34 : 365, 367.

1980

n° 9 : C.E.D.H., 27 février 1980, Deweer c/ Belgique, requête n° 6903/75, série A,


n° 35 : 686.

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.


662 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 10 : C.E.D.H., 13 mai 1980, Artico c/ Italie, requête n° 6694/74, série A, n° 37 : 814.

1981

n° 11 : C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique, requêtes


n° 6878/75 et 7238/75 : 896.

1982

n° 12 : C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, requête n° 8692/79 : 437, 445,
469, 564.

1983

n° 13 : C.E.D.H., 8 décembre 1983, Pretto c/ Italie, requête n° 7984/77 : 789.

1984

n° 14 : C.E.D.H., 22 février 1984, Sutter c/ Suisse, requête n° 8209/78 : 789.

n° 15 : C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, requêtes n° 7819/77 et


7878/77, série A, n° 80 : 368, 371, 896.

n° 16 : C.E.D.H., 12 juillet 1984, Eggs c/ Suisse, requête n° 7431/76 : 621.

n° 17 : C.E.D.H., 22 octobre 1984, Sramek c/ Autriche, requête n° 8790/79, série A, n°


84 : 14.

n° 18 : C.E.D.H., 26 octobre 1984, De Cubber c/ Belgique, requête n° 9186/80 : 165.

1985

n° 19 : C.E.D.H., 28 mai 1985, Ashingdane c/ Royaume-Uni, requête n° 8225/78, série


A, n° 93 : 68.

n° 20 : C.E.D.H., 23 octobre 1985, Benthem c/ Pays-Bas, requête n° 8848/80 : 391.

1987

n° 21 : C.E.D.H., 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, requête n° 9273/81, série A, n° 117 :


390.

n° 22 : C.E.D.H., 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, requête n° 8950/80, série A,


n° 127 : 946.

1988

n° 23 : C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, requête n° 10519/83, série A,


n° 141 : 708.
Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 663

n° 24 : C.E.D.H., 29 novembre 1988, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, requêtes


n° 11209/84 ; 11234/84 ; 11266/84 et 11386/85, série A, n° 145-B : 380.

1989

n° 25 : C.E.D.H., 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, requête n° 10486/83, série A,


n° 154 : 499.

1990

n° 26 : C.E.D.H., 24 avril 1990, Huvig c/ France, requête n° 11105/84, série A, n° 176-


B : 678.

n° 27 : C.E.D.H., 24 avril 1990, Kruslin c/ France, requête n° 11801/85, série A, n° 176-


A : 678.

1991

n° 28 : C.E.D.H., 30 octobre 1991, Borges c/ Belgique, série A, n° 214-A : 760.

1992

n° 29 : C.E.D.H., 25 septembre 1992, Pham Hoang c/ France, requête n° 13191/87, série


A, n° 243 : 723.

n° 30 : C.E.D.H., 29 septembre 1992, Croissant c/ Allemagne, requête n°13611/88, série


A, n° 237 : 817.

n° 31 : C.E.D.H., 16 décembre 1992, Hadjianastassiou c/ Grèce, requête n° 12945/87,


série A, n° 252 : 950.

n° 32 : C.E.D.H., 16 décembre 1992, Geouffre de la Pradelle c/ France, requête


n° 12964/87, série A, n° 253-B : 119.

1993

n° 33 : C.E.D.H., 25 février 1993, Funke c/ France, requête n° 10828/84, série A,


n° 256 : 688.

n° 34 : C.E.D.H., 26 février 1993, Padovani c/ Italie, requête n° 13396/87, série A,


n° 257 : 500.

n° 35 : C.E.D.H., 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne, requête n° 12952/87, série A,


n° 262 : 519.

n° 36 : C.E.D.H., 24 août 1993, Nortier c/ Pays-Bas, requête n° 13924/88, série A,


n° 267 : 499.
664 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 37 : C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas, requête n° 14448/88,


série A, n° 274 : 755, 761.

n° 38 : C.E.D.H., 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, requête n° 14032/88, série A :


758.

1994

n° 39 : C.E.D.H., 24 février 1994, Bendenoun c/ France, requête n° 12547/86, série A,


n° 284 : 602.

n° 40 : C.E.D.H., 23 mars 1994, Muti c/ Italie, requête n° 14146/88 : 170.

n° 41 : C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas, requête n° 16034/90, série A,


n° 228 : 390, 976.

n° 42 : C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, requête n° 15287/89, série


A, n° 296-B : 390.

n° 43 : C.E.D.H., 9 décembre 1994, Hiro Balani c/Espagne, requête n° 18064/91, série


A, n° 303-B : 976.

n° 44 : C.E.D.H., 9 décembre 1994, Ruiz Torija c/Espagne, requête n° 18390/91, série A,


n° 303-A : 976.

1995

n° 45 : C.E.D.H., 9 février 1995, Welch c/ Royaume Uni, requête n° 17440/90, série A,


n° 307 : 613.

n° 46 : C.E.D.H., 8 juin 1995, Jamil c/ France, requête n° 15917/89, série A, n° 317 : 612.

n° 47 : C.E.D.H., 26 septembre 1995, Diennet c/ France, requête n° 18160/91, série A,


n° 325 : 946.

n° 48 : C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, requête n° 14570/89, série


A, n° 326 : 523.

n° 49 : C.E.D.H., 4 décembre 1995, Bellet c/ France, requête n° 23805/94, série A,


n°333-B : 68.

1996

n° 50 : C.E.D.H., 8 février 1996, John Murray c/ Royaume-Uni, requête n° 18731/91 :


688.

n° 51 : C.E.D.H., 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique, requête n°19075/91 : 760, 788.

n° 52 : C.E.D.H., 22 février 1996, Bulut c/ Autriche, requête n° 17358/90 : 500, 761.


Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 665

n° 53 : C.E.D.H., 22 octobre 1996, Stubbings c/ Royaume-Uni, requêtes n° 22083/93 et


22095/93 : 154.

1997

n° 54 : C.E.D.H., 21 février 1997, Guillemin c/ France, requête n° 19632/92 : 147.

n° 55 : C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c./ France, requête n° 22209/93 : 761, 816.

n° 56 : C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/ Grèce, requête n° 21522/93 : 946, 976.

1998

n° 57 : C.E.D.H., 19 février 1998, Higgins c/France, requête n° 20124/92 : 976.

n° 58 : C.E.D.H., 22 mai 1998, Vasilescu c/ Roumanie, requête n° 27053/95 : 368.

n° 59 : C.E.D.H., 23 septembre 1998, Malige c/ France, requête n° 27812/95 : 613.

1999

n° 60 : C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France,


requêtes n° 24846/94 et 34165/96 à 34173/96 : 386, 394, 404.

n° 61 : C.E.D.H., 28 octobre 1999, Escoubet c/ Belgique, requête n° 26780/95 : 612.

2000

n° 62 : C.E.D.H., 8 février 2000, Voisine c/ France, requête n° 27362/95 : 812.

n° 63 : C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, requête n° 34553/97 : 951.

n° 64 : C.E.D.H., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, requête n° 30210/96 : 169.

2001

n° 65 : C.E.D.H., 15 novembre 2001, Papon c/ France, requête n° 54210/00 : 976, 990.

2002

n° 66 : C.E.D.H., 28 février 2002, Biondo c/ Italie, requête n° 51030/99 : 814.

n° 67 : C.E.D.H., 21 mai 2002, Peltier c/ France, requête n° 32872/96 : 101.

n° 68 : C.E.D.H., 25 juillet 2002, Janosevic c/ Suède, requête n° 34619/97 : 697.

n° 69 : C.E.D.H., 3 décembre 2002, Berger c/ France, requête n° 48221/99 : 200, 201.

2004

n° 70 : C.E.D.H., 17 février 2004, Maestri c/ Italie, requête n° 39748/98 : 437.


666 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

n° 71 : C.E.D.H., 6 mai 2004, OGIS Institut Stanislas et autres c/ France, requêtes


n° 42219/98 et 54563/00 : 136.

n° 72 : C.E.D.H., 19 octobre 2004, Makhfi c/ France, requête n° 59335/00. : 988.

2006

n° 73 : C.E.D.H., 27 juillet 2006, Gubler c/ France, requête n° 69742/01 : 468.

n° 74 : C.E.D.H., 27 juillet 2006, Zervudacki c/ France, requête n° 73947/01 : 654.

2007

n° 75 : C.E.D.H., 26 juillet 2007, Weber c/ Suisse, requête n° 3688/04 : 814.

2008

n° 76 : C.E.D.H., 21 février 2008, Ravon c/ France, requête n° 18497/03 : 195, 238, 786.

n° 77 : C.E.D.H., 10 juillet 2008, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03 :


365, 369.

n° 78 : C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie, requête n° 36391/02 : 797, 810,


977.

n° 79 : C.E.D.H., 18 décembre 2008, Unédic c/ France, requête n° 20153/04 : 947.

2009

n° 80 : C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique, requête n° 926/05 : 944, 991.

n° 81 : C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France, requête n° 5242/04 : 471, 475, 476,
507.

n° 82 : C.E.D.H., 23 juillet 2009, Bowler International Unit c/ France, requête n°


1946/06 : 94.

n° 83 : C.E.D.H., 13 octobre 2009, Dayanan c/ Turquie, requête n° 7377/03 : 797, 810,


820.

2010

n° 84 : C.E.D.H., 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, requête n° 54729/00 : 500, 508.

n° 85 : C.E.D.H., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c/ France, requête n° 3394/03 : 365,


369.

n° 86 : C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France, requête n° 35935/03 : 143, 147.

n° 87 : C.E.D.H., 11 mai 2010, Versini c/ France, requête n° 11898/05 : 147.


Index chronologique des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 667

n° 88 : C.E.D.H., 14 octobre 2010, Brusco c/ France, requête n° 1466/07 : 604.

n° 89 : C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique, requête n° 926/05 : 941, 958,


977, 980, 992.

n° 90 : C.E.D.H., 20 novembre 2010, Moulin c/ France, requête n° 37104/06 : 365, 370,


372.

2011

n° 91 : C.E.D.H., 27 octobre 2011, Stojkovic c/ France et Belgique, requête no 25303/08 :


804.
Index alphabétique des matières 669

INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES *

Actes de gouvernement : 73-78

Actes parlementaires : 79-86

Actes réglementaires : 120

Amende forfaitaire : 100-103

Amnistie : Cf Loi

Appel : Cf Double degré de juridiction

Assises (cour d’)


 motivation des arrêts de cours d’assises : 972-977
 composition : 853, 971, 978-980
 délibération et vote : 994-996

Audition libre : 802

Autorités administratives indépendantes : 231


 séparation des fonctions de poursuite et de jugement : 471-480
 sanctions administratives : 625-630, 725-729, 961-966

Avocat : Cf Droits de la défense

Bonne administration de la justice : 147, 167, 174, 212, 426, 655, 875, 902, 906, 925

Collégialité des juridictions : 767, 770


 histoire : 835-842
 respect du principe d’égalité : 887-906
 respect de l’autorité normative compétente : 907-924

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes.


670 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Common law : 844-846

Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : 456-461, 467, 470, 679-


689, 750

Conflits d’intérêts : 534-550

Conseil constitutionnel
 réserves d’interprétation : 95, 102, 183, 211, 238, 288, 289, 318, 319, 326, 330,
456, 457, 506, 548-550, 629, 648, 649, 659, 660, 673, 687, 688, 752, 799, 815, 821
 compétence d’attribution : 72, 458, 611
 effets des décisions : 209-211
 question prioritaire de constitutionnalité : 111-113, 261
 membres : 519-521
 déport : 525, 527
 récusation : 526-529

Conseil d’État (dédoublement fonctionnel) : 522, 523

Conseil supérieur de la magistrature


 compétences
 fonction de nomination : 263, 284
- des magistrats du siège : 285-289
- des magistrats du parquet : 290-292
 fonction disciplinaire : 264
- sur saisine par les autorités institutionnelles : 294-297
- sur saisine par les justiciables : 298-302
 fonction consultative : 303-306
 composition
 présidence : 274-278
 désignation des membres : 274, 279-282
 obligations déontologiques : 541-550

Constitution du 4 octobre 1958


 article 5 : 273
 article 12, alinéa 2 : 76
 article 19 : 279
 article 20 : 353
 article 34 : 62, 255, 634, 641, 912, 916, 917, 919, 923, 925, 999
 article 37 : 925, 999
Index alphabétique des matières 671

 article 59 : 76
 article 60 : 78
 article 61 : 111, 261, 610, 685
 article 61-1 : 111, 211, 261, 384, 438
 article 62 : 33, 660, 673
 article 64 : 254, 255, 258, 265, 271, 272, 275, 278, 280, 313, 314, 333, 383, 895, 1014
 article 65 : 171, 258, 263, 264, 278, 279, 286, 294, 295, 304, 305, 541
 article 66 : 251, 258, 375, 421, 450, 895

Constitution du 27 octobre 1946 (Préambule) : 562

Constitutionnalisation : Cf Principe - notion de principe constitutionnel

Continuité des débats (principe) : 988, 996

Contradictoire : Cf Droits de la défense

Contrôle de proportionnalité : 131,132, 155, 387, 404, 406-408, 653, 658

Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés


fondamentales
 article 5 § 1 : 365, 366, 368, 369, 381
 article 5 § 3 : 365-370, 374, 381
 article 6 § 1 : 12, 27, 107, 152, 165, 297, 475, 507, 523, 537, 538, 614, 678, 686, 759,
761, 883, 917, 927, 976
 article 6 § 2 : 696, 697, 709, 710, 714, 716, 723, 724

Cour de justice de la République : 196

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen


 article 4 : 124
 article 6 : 315, 317, 318, 759
 article 8 : 592, 599, 604-606, 620, 705, 722, 954
 article 9 : 580, 582, 586, 621, 631, 635, 650, 688, 691, 693, 705, 706, 720, 722
 article 11 : 327
 article 16 : 64, 123, 124, 196, 387, 388, 394-397, 438, 538, 760, 895, 917, 958

Délai raisonnable de jugement : 169-171, 772


672 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Délibéré (secret du) : 848, 854

Déni de justice : 54, 58, 72, 86

Détention provisoire : 191-194, 650-653, 685, 686, 695, 791

Double degré de juridiction : 158


 histoire : 159-163
 recul du principe : 164-167
 fondement : 168, 171
 valeur juridique : 172, 243
 effet dévolutif de l’appel : 214-228
 limites : 215-217
 effet suspensif de l’appel : 229-240
 des décisions rendues par des autorités juridictionnelles : 236-240
 des décisions rendues par des autorités non juridictionnelles : 231-235
 sursis à exécution : 235

Dualité de juridictions : 143, 248, 410, 413, 416, 425, 434

Droit de grève : 126

Droit vivant (doctrine du) : 207, 971

Droits de la défense : 170, 183, 184, 202, 653, 720, 782, 958
 domaine d’application
 matériel : 738-750
 personnel : 751-757
 contradictoire : 170, 240, 783-791
 domaine d’application : 785-787
 limites : 788-791
 assistance de l’avocat : 683, 792
 conditions de l’assistance : 793-804
 limites à l’assistance : 805-810
 libre choix : 812-819
 moyens d’action : 786, 820-822

Ecole Nationale de la Magistrature : 260, 267, 288, 289


Index alphabétique des matières 673

Egalité
 devant la justice : 60, 174, 175, 243, 773, 815, 884, 886, 887-906
 entre parties à la même instance : 176-185, 201, 202
 entre justiciables dans des instances identiques : 186-195, 201, 202, 219
 des armes (droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des
droits des parties) : 203, 761, 762, 776, 781

Exception d'illégalité : 117

Evocation : 227, 228

Fonctions juridictionnelles (poursuite, instruction, jugement) : Cf Impartialité


fonctionnelle

Force de chose jugée : 187, 398, 400, 401, 692

Frais irrépétibles de l’instance : 205, 206, 208, 775, 776

Garde à vue :
 régime de droit commun : 151, 377, 379, 381, 589, 739, 786, 794-797, 805-807
 régime dérogatoire : 808-810, 818
 pour les mineurs : 636-639

Garde des Sceaux :


 vice-présidence du C.S.M. : 278
 nomination des magistrats : 285, 291, 292
 discipline des magistrats : 295, 297
 consultation du C.S.M. : 305
 autorité hiérarchique sur le ministère public : Cf Parquet

Hospitalisation d’office : 145-148

Inamovibilité : Cf Juge

Indépendance du juge : 245-247, 301, 302


674 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Impartialité du juge : 244, 245, 247


 impartialité fonctionnelle : 440-530
 séparation des fonctions de poursuite et de jugement : 444-480
 séparation des fonctions d’instruction et de jugement : 481-509
 impartialité personnelle : 531-564
 déport : 330

Incompétence négative : Cf Loi

Injonction pénale : 377, 446-455

Intérêt général : 403, 404, 405

Juge
 droit au juge
 fondements constitutionnels nationaux : 57
 fondements constitutionnels étrangers : 55, 63
 fondements conventionnels : 56
 droit d’interjeter appel : 159, 162, 163, 166, 180, 182-184, 189, 193, 212
 droit de se pourvoir en cassation : 166, 174, 195, 196-212
 juge unique : 189, 767, 771, 860-885
 arguments : 861-865
 raisons de son expansion : 866-885
 inamovibilité : 333-350
 géographique : 335-339
 fonctionnelle : 335-339
 conditions de durée de la fonction judiciaire temporaire : 340-343
 modalités de poursuite de carrière à l’issue d’une fonction judiciaire
temporaire : 344-350

Juridictions
 administratives
 domaine de compétences
- délimitation : 412-425
- protection : 426-432
 disciplinaires : 232, 462-469
 avocats : 463-466, 469, 552-558
 vétérinaires : 504-506
 judiciaires
Index alphabétique des matières 675

 domaine de compétences : 419, 420, 431, 432


 dessaisissement : 187, 190, 219

Justice
 de proximité : 260, 312, 314, 318, 320, 325, 764, 766, 769
 égalité devant la justice : Cf Egalité
 financement : 149-156
 gratuité : 149
 droits de plaidoirie : 150, 153
 aide juridictionnelle : 149, 152, 153
 contribution pour l'aide juridique : 151, 154
 droit de timbre devant la cour d’appel : 151, 154
 pénale maritime : 484-488
 pénale des mineurs : 490-503

Liberté individuelle : 144, 239, 373-376, 380, 421-423, 450, 451

Loi
 organique
 relative au statut des magistrats judiciaires : 257-264
 contrôle de constitutionnalité : 257
 empiètement sur la loi ordinaire : 258-260
 empiètement de la loi ordinaire : 261
 empiètement sur la constitution : 262
 de validation : 105, 108, 109, 386-409, 435
 cavalier législatif : 82
 de ratification d’une convention internationale : 99
 écran législatif : 112
 incompétence négative : 265, 266, 268, 818, 908-913
 d’amnistie : 640-647
 fonds d’indemnisation : 68

Magistrats
 recrutement : 309-321
 incompatibilités : 268, 269, 322-331
676 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Mesures de police : 608-614

Mesures d’ordre intérieur : 69

Ministère public : Cf Parquet

Modes alternatifs de règlement des litiges : Cf recours administratifs

Mort civile : 59

Motivation des décisions de justice : 878


 histoire : 931-937, 948
 fonction
 à l’égard des parties : 940,941
 à l’égard du juge : 942-947
 à l’égard de la juridiction chargée du contrôle de la décision : 948-952
 fondements juridiques : 953-959

Moyen soulevé d’office : 64, 183, 187, 189, 493, 506

Objectif de valeur constitutionnelle : 170, 236, 426

Opinions séparées : 855-857

Oralité des débats (principe) : 986, 987, 996

Ordonnances de l’article 38 de la Constitution : 104-113


 loi de ratification : 104-110
 contrôle des ordonnances ratifiées : 111-113

Parquet
 indépendance
 à l’égard des juridictions : 351
 à l’égard du pouvoir exécutif
- subordination hiérarchique : 352, 353
- pouvoirs propres : 356-359
- liberté de parole à l’audience : 360-363
 remise en cause par la Cour européenne des droits de l’homme : 365-
371
 statut constitutionnel : 374-382
Index alphabétique des matières 677

Parties au procès
 parties principales, parties jointes : 177, 178
 parties civiles : 198-204, 208, 209
 ministère public : 198-201
 nouvelles parties en appel : 224

Perquisitions fiscales : 236-238

Précédent (règle du) : 845, 882, 947

Président de la République
 garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire : 271, 272, 273, 278
 rôle à l’égard du C.S.M. (présidence, désignation des membres) : Cf Conseil
supérieur de la magistrature

Présomption
 d’innocence : 959
 histoire : 583-589
 domaine d’application
- matériel : 592-631
- personnel : 633-661
 charge de la preuve : 664, 666-678
 de culpabilité : 701-732
 fondements : 702-706
 existence en droit positif : 707-717
 contrôle de conformité : 718-732

Pratiques anticoncurrentielles : 93-96

Principes
 notion de principe : 17-24
 notion de principe directeur du procès : 25-30
 notion de principe constitutionnel : 31-37
 fondamentaux reconnus par les lois de la République : 58, 117, 144, 164, 327,
385, 389, 415, 491, 736, 895
 de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère : 402, 403, 591, 599, 857
 d’opportunité des poursuites : 656
 du respect de la dignité de la personne humaine: 669, 672, 676
 de légalité des délits et des peines : 954-956, 972
678 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Privilège du préalable : 967, 968

Procédure
 confiscation des biens saisis en douane : 93-95
 d’urgence : 141, 872
 durée : 168, 220
 inquisitoire/accusatoire : 8

Procès
 définition formelle
 éléments constitutifs principaux : 6-10
 éléments constitutifs complémentaires : 11-13
 définition fonctionnelle : 14, 15

Publicité des audiences : 789, 791, 904

Question prioritaire de constitutionnalité : Cf Conseil constitutionnel

Recours
 conditions de recevabilité : 68
 intérêt pour agir : 88-103
- caractère personnel : 89, 90
- caractère né et actuel : 90
 délai de recours : 61, 116-123
- computation : 116, 122
- forclusion : 117, 120, 122
 recours administratifs : 135-142
 moyens du recours : 137, 142, 218
 demandes en justice : 218-222

Réserves d’interprétation : Cf Conseil constitutionnel

Responsabilité délictuelle : 124, 222


 conditions de la mise en jeu : 126, 127, 131
 portée de la réparation du préjudice : 126, 128, 131
Index alphabétique des matières 679

Sanctions punitives : 496, 594-606, 642, 744-747

Sécurité juridique : 117, 138, 399, 428

Séparation des pouvoirs : 143, 148, 271, 388, 393, 399

Théorie des apparences : 299, 368, 477


Index alphabétique des auteurs 681

INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS *

ARISTOTE : 1 DELMAS-MARTY M. : 971

ARRIGHI de CASANOVA J. : 919 DELVOLVÉ P. : 431

AUBY J.-B. : 922 DONNEDIEU DE VABRES J. : 116

BACHELET O. : 974 DRAGO G. : 40, 41

BADINTER R. : 856 DRAI P. : 859

BEIGNIER B. : 35 DWORKIN R. : 17, 18, 19, 20, 22, 23, 45, 46

BENTHAM J. : 241 EISENMANN C. : 42

BERGEAL C. : 80, 86 FARINA-CUSSAC J. : 596, 603

BLANCHARD B. : 464 FAVOREU L. : 54, 74, 288, 419, 742, 752,


911, 913

BON P. : 86 FAYE E. : 952

CAMBY J.-P. : 78, 86 FELDMAN J.-P. : 702

CANIVET G. : 347, 735 FERRIERES C.-J. : 939

CARBONNIER J. : 46 FRISON-ROCHE M.-A. : 521

CARCASSONNE G. : 278 (de) GAULLE C. : 249

CASORLA F. : 378 GENEVOIS B. : 420

CHAPUS R. : 920, 963 GICQUEL J. : 271, 281

COHENDET M.-A. : 894, 914-916, GONOD P. : 899


919, 921, 923

COLLIN P. : 109 GRAFFIN T. : 347

CORNU G. : 741 GUINCHARD S. : 248, 620

DEGUERGUE M. : 214, 227 GUYOMAR M. : 109, 253

* Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes. Ne sont également recensés dans cet index, que
les auteurs cités dans le texte même de la thèse et pas ceux auxquels il est seulement renvoyé en
notes de bas de page.
682 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

HAKIM N. : 836 MONTESQUIEU C.-L. : 1021

HÉLIE F. : 360 MOREAU J. : 419

HUYETTE M. : 982 MOTULSKY H. : 531, 734, 735, 741, 755,


758, 783, 788, 789, 823

(von) IHERING R. : 96 NADAL J.-L. : 360, 362

JUNOSZA-ZDROJEWSKI G. : 724 NORMAND J. : 873, 880

KELSEN H. : 844 PENA A. : 416

KLUGER J. : 595 PHILIP L. : 659, 911

KOERING-JOULIN R. : 565 PRADEL J. : 441, 852

LABETOULLE D. : 109 PRÉTOT X. : 387

LAMANDA V. : 925 RENOUX T. : 2, 62, 190, 198, 256, 274, 277,


278, 287, 320, 335, 347, 349, 350, 382,
486, 630, 645, 756, 757, 1010

(de) LAMY : 959 RENUCCI J.-F. : 372

LAZERGES C. : 209, 616, 630, 668, 757 RIVERO J. : 42, 891, 912, 913, 1021

LOMBOIS C. : 582 ROUSSEAU D. : 299, 616, 630, 668

LUCHAIRE F. : 61, 122, 172 ROUX J. : 41

MAKOWIAK J. : 646 RUIZ-FABRI H. : 640

MARGUÉNAUD J.-P. : 372 SCHOETTL J.-E. : 328, 350, 616, 675, 694

MARTIN A. : 277 TRÉMEAU J. : 910

MASTOR W. : 862, 959 TROPER M. : 42, 44, 845

MATHIEU B. : 387, 670 VEDEL G. : 426

MÉLIN-SOUCRAMANIEN F. : 289, 891 VERPEAUX M. : 670

MELLERAY F. : 146, 879, 899 (de) VILLIERS M. : 756, 757

MODERNE F. : 961 YOLKA P. : 899


STATISTIQUES*

* De 1967 à 2013, c’est à dire, de la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et
complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature à la décision n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Société Invest Hôtels Saint-Dizier
Rennes et autre [Prise de possession d'un bien exproprié selon la procédure d'urgence].
Statistiques 685

I DONNÉES GLOBALES

DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
(PARTIE 1)

Années 67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86 Total

Ensemble des décisions DC 3 4 4 7 15 10 10 16 8 18 18 19 20 152

Décisions fondées sur un


2 1 1 2 2 2 2 3 1 2 2 2 4 26
principe directeur du procès

Pourcentages 67% 25% 25% 29% 13% 20% 20% 19% 13% 11% 11% 11% 20% 17%

20

18

16

14

12

10

0
67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86

Ensemble des décisions DC

Décisions fondées sur un principe


directeur du procès
686 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

POURCENTAGES DE DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU


PROCES PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
67 70 71 75 76 78 79 80 81 82 84 85 86
Statistiques 687

DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
(PARTIE 2)

Années 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 Total

Ensemble des décisions DC 10 15 17 19 18 13 15 21 19 15 8 11 18 199

Décisions fondées sur un


3 2 6 2 2 2 5 6 5 4 3 2 7 49
principe directeur du procès

Pourcentages 30% 13% 35% 11% 11% 15% 33% 29% 26% 27% 38% 18% 39% 25%

25

20

15

10

0
87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99

Ensemble des décisions DC

Décisions fondées sur un principe


directeur du procès
688 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

POURCENTAGES DE DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

45%

40%

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%
87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99
Statistiques 689

DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
(PARTIE 3)

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012 Total

Ensemble des décisions DC 15 16 9 23 20 21 14 11 26 22 19 16 212

Décisions fondées sur un


3 2 1 5 5 6 6 3 4 5 4 2 46
principe directeur du procès

Pourcentages 20% 13% 11% 22% 25% 29% 43% 27% 15% 23% 21% 13% 22%

30

25

20

15

10

0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012

Ensemble des décisions DC

Décisions fondées sur un principe


directeur du procès
690 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

POURCENTAGES DE DECISIONS DC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

45%

40%

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012
Statistiques 691

DECISIONS QPC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU PROCES


PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS QPC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Années 2010 2011 2012 2013 Total

Ensemble des décisions QPC 66 115 74 43 298

Décisions QPC fondées sur un


19 20 14 8 61
principe directeur du procès

Pourcentages 29% 17% 19% 19% 20%

120

100

80

60

40

20

0
2010 2011 2012 2013

Ensemble des décisions QPC

Décisions QPC fondées sur un principe


directeur du procès
692 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

POURCENTAGES DE DECISIONS QPC FONDEES SUR UN PRINCIPE DIRECTEUR DU


PROCES PAR RAPPORT AU NOMBRE GLOBAL DE DECISIONS QPC DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%
2010 2011 2012 2013
Statistiques 693

II DONNÉES SPÉCIFIQUES PAR PRINCIPE

DROIT AU RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 20 57%

Déclarations de non-
10 29%
conformité
Déclarations de conformité
5 14%
sous réserve

Total 35 100%

14%

29% 57%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


694 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

DROIT AUX RECOURS JURIDICTIONNELS SUCCESSIFS

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 8 50%

Déclarations de non-
7 44%
conformité
Déclarations de conformité
1 6%
sous réserve

Total 16 100%

6%

50%
44%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


Statistiques 695

DROIT AU JUGE INDEPENDANT

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 21 54%

Déclarations de non-
17 44%
conformité
Déclarations de conformité
1 3%
sous réserve

Total 39 100%

3%

44%

53%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


696 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

DROIT AU JUGE IMPARTIAL

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 3 21%

Déclarations de non-
8 57%
conformité
Déclarations de conformité
3 21%
sous réserve

Total 14 100%

21% 21%

58%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


Statistiques 697

DROIT A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 11 58%

Déclarations de non-
4 21%
conformité
Déclarations de conformité
4 21%
sous réserve

Total 19 100%

21%

58%
21%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


698 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

DROITS DE LA DEFENSE

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 29 62%

Déclarations de non-
12 26%
conformité
Déclarations de conformité
6 13%
sous réserve

Total 47 100%

13%

26%

61%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


Statistiques 699

DROIT A UNE DECISION DE JUSTICE DE QUALITE


(COLLEGIALITE DES JURIDICTIONS ET MOTIVATION DES DECISIONS)

Résultat du contrôle Nombre Pourcentage

Déclarations de conformité 12 92%

Déclarations de non-
1 8%
conformité
Déclarations de conformité
0 0%
sous réserve

Total 13 100%

8% 0%

92%

Déclarations de conformité Déclarations de non-conformité Déclarations de conformité sous réserve


700 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

III TABLEAUX DES DÉCISIONS PAR PRINCIPE

DROIT AU RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF

Résultat du contrôle Références des décisions

93-335 DC ; 94-352 DC ; 99-416 DC ; 2000-437 DC ; 2001-


451 DC ; 2003-484 DC ; 2004-492 DC ; 2005-522 DC ;
Déclarations de conformité 2007-561 DC ; 2008-567 DC ; 2010-2 QPC ; 2010-19/27
QPC ; 2010-71 QPC ; 2010-90 QPC ; 2011-129 QPC ; 2011-
138 QPC ; 2012-256 QPC ; 2012-283 QPC ; 2012-288
QPC ; 2013-311 QPC

82-144 DC ; 85-198 DC ; 96-373 DC ; 99-422 DC ; 2004-509


Déclarations de non -conformité DC ; 2006-545 DC ; 2010-614 DC ; 2010-100 QPC ; 2011-
208 QPC ; 2012-287 QPC

Déclarations de conformité sous 2004-499 DC ; 2010-8 QPC ; 2010-38 QPC ; 2011-126


réserve QPC ; 2012-268 QPC

DROIT AUX RECOURS JURIDICTIONNELS SUCCESSIFS

Résultat du contrôle Références des décisions

Déclarations de conformité 78-101 DC ; 84-182 DC ; 88-248 DC ; 97-389 DC ; 2003-484


DC ; 2010-19/27 QPC ; 2011-631 DC ; 2013-338/339 QPC

Déclarations de non -conformité 80-127 DC ; 84-183 DC ; 86-224 DC ; 2010-15/23 QPC ;


2010-81 QPC ; 2011-112 QPC ; 2011-203 QPC

Déclarations de conformité sous 2011-153 QPC


réserve
Statistiques 701

DROIT AU JUGE INDÉPENDANT

Résultat du contrôle Références des décisions

67-33 DC ; 71-45 DC ; 76-66 DC ; 80-119 DC ; 82-155 DC ;


88-250 DC ; 90-288 DC ; 93-326 DC ; 93-337 DC ; 94-355
Déclarations de conformité DC ; 96-375 DC ; 96-378 DC ; 97-390 DC ; 98-396 DC ; 99-
425 DC ; 2001-445 DC ; 2003-466 DC ; 2004-492 DC ;
2010-78 QPC ; 2010-80 QPC ; 2012-278 QPC

67-31 DC ; 70-40 DC ; 80-123 DC ; 89-261 DC ; 92-305


DC ; 93-336 DC ; 95-360 DC ; 95-369 DC ; 98-404 DC ; 99-
Déclarations de non -conformité 422 DC ; 2001-451 DC ; 2004-509 DC ; 2005-531 DC ;
2006-545 DC ; 2010-611 DC ; 2010-71 QPC ; 2011-135/140
QPC

Déclarations de conformité sous 2002-461 DC


réserve

DROIT AU JUGE IMPARTIAL

Résultat du contrôle Références des décisions

Déclarations de conformité 2010-76 QPC ; 2011-179 QPC ; 2012-280 QPC

95-360 DC ; 2010-10 QPC ; 2010-110 QPC ; 2011-635 DC ;


Déclarations de non -conformité 2011-147 QPC ; 2011-200 QPC ; 2012-250 QPC ; 2013-331
QPC

Déclarations de conformité sous 2004-492 DC ; 2010-611 DC ; 2011-199 QPC


réserve
702 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

DROIT À LA PRESOMPTION D’INNOCENCE

Résultat du contrôle Références des décisions

79-109 DC ; 88-244 DC ; 89-258 DC ; 93-334 DC ; 99-424


Déclarations de conformité DC ; 2001-455 DC ; 2002-461 DC ; 2005-527 DC ; 2010-80
QPC ; 2011-119 QPC ; 2011-125 QPC

Déclarations de non -conformité 93-325 DC ; 93-326 DC ; 2009-580 DC ; 2011-625 DC

Déclarations de conformité sous 80-127 DC ; 99-411 DC ; 2003-467 DC ; 2004-492 DC


réserve

DROITS DE LA DÉFENSE

Résultat du contrôle Références des décisions

77-83 DC ; 77-92 DC ; 80-117 DC ; 84-182 DC ; 84-184


DC ; 86-214 DC ; 88-248 DC ; 89-268 DC ; 90-285 DC ; 92-
305 DC ; 92-307 DC ; 93-325 DC ; 97-395 DC ; 98-408 DC ;
Déclarations de conformité 2001-451 DC ; 2002-461 DC ; 2003-467 DC ; 2004-492 DC ;
2004-510 DC ; 2006-535 DC ; 2006-540 DC ; 2009-590 DC ;
2010-612 DC ; 2010-54 QPC ; 2010-62 QPC ; 2011-631
DC ; 2011-113/115 QPC ; 2011-191/194/195/196/197 QPC ;
2012-247 QPC

80-127 DC ; 85-198 DC ; 86-224 DC ; 89-260 DC ; 93-326


Déclarations de non -conformité DC ; 2010-14/22 QPC ; 2010-15/23 QPC ; 2010-32 QPC ;
2011-112 QPC ; 2011-190 QPC ; 2011-213 QPC ; 2011-223
QPC

Déclarations de conformité sous 76-70 DC ; 97-389 DC ; 2010-62 QPC ; 2011-125 QPC ;


réserve 2011-153 QPC ; 2011-160 QPC
Statistiques 703

DROIT À UNE DÉCISION DE JUSTICE DE QUALITÉ (COLLEGIALITÉ DES


JURIDICTIONS ET MOTIVATION DES DÉCISIONS)

Résultat du contrôle Références des décisions

84-182 DC ; 88-248 DC ; 89-266 DC ; 93-325 DC ; 98-408


Déclarations de conformité DC ; 2000-433 DC ; 2001-451 DC ; 2004-497 DC ; 2009-590
DC ; 2010-54 QPC ; 2011-635 DC ; 2011-113/115 QPC

Déclarations de non -conformité 75-56 DC

Déclarations de conformité sous


réserve
Table des matières 705

TABLE DES MATIERES

§ 1. Champ de l’étude .................................................................................................. 15


A) La définition formelle du procès ................................................................. 15
1) Les éléments constitutifs principaux du procès ........................................ 15
2) Les éléments constitutifs complémentaires du procès............................. 18
B) La définition fonctionnelle du procès ....................................................................... 19
§ 2. Objet de l’étude .................................................................................................... 20
A) La notion de principe .................................................................................... 21
1) Les critères intrinsèques d’identification des principes........................... 22
2) L’utilisation des principes dans le raisonnement juridique .................... 23
B) La notion de principe directeur du procès ................................................ 25
C) La notion de principe constitutionnel et de constitutionnalisation du
droit 28
§ 3. Délimitation et problématique générale de l’étude ............................................... 33
PREMIÈRE PARTIE : L’EXISTENCE DU PROCÈS ....................................................... 41
TITRE 1 : LE DROIT AU JUGE ......................................................................................... 43
CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU RECOURS
JURIDICTIONNEL EFFECTIF .......................................................................................... 45
INTRODUCTION LA DÉCOUVERTE PROGRESSIVE DU FONDEMENT CONSTITUTIONNEL DU
DROIT CONSTITUTIONNEL AU RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF ................................... 45
SECTION 1 LA PROHIBITION FLUCTUANTE DES LIMITATIONS ABSOLUES DU DROIT
CONSTITUTIONNEL AU RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF .............................................. 54
§ 1. Les limitations liées aux conditions de recevabilité des recours ........................... 55
A) Les limitations contestables relatives à l’objet du recours....................... 56
1) Le contrôle juridictionnel exceptionnel des actes de Gouvernement .... 58
2) L’acceptation discutable de l’immunité juridictionnelle des actes
parlementaires ....................................................................................................... 61
B) Les limitations justifiées relatives au requérant........................................ 66
1) L’intérêt pour agir, condition nécessaire du droit au recours
juridictionnel effectif ............................................................................................. 66
2) L’intérêt pour agir, condition suffisante du droit au recours
juridictionnel effectif ............................................................................................. 68
a) L’information du justiciable intéressé, condition préalable du droit au
recours juridictionnel effectif ........................................................................... 69
b) L’aménagement lacunaire des voies de recours, cause d’atteinte au
droit au recours juridictionnel ......................................................................... 71
§ 2. Les limitations liées à l’intervention directe du législateur : la ratification
législative des ordonnances de l’article 38 ....................................................................... 75
SECTION 2 L’ACCEPTATION CONCILIANTE DES LIMITATIONS RELATIVES DU DROIT
CONSTITUTIONNEL AU RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF .............................................. 81
706 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

§ 1. Les limitations juridiques ..................................................................................... 81


A) Les limitations liées aux délais de recours ................................................. 82
B) Les limitations liées au fond du droit ......................................................... 87
C) Les limitations liées à l’architecture contentieuse .................................... 93
1) Les limitations relatives à l’articulation des recours administratifs et
juridictionnels ........................................................................................................ 94
2) Les limitations relatives à la dualité juridictionnelle ............................... 99
§ 2. Les limitations financières.................................................................................. 103
A) Des limitations d’intensité variable .......................................................... 104
B) Une appréciation uniformément conciliante ........................................... 106
CHAPITRE 2 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AUX RECOURS
JURIDICTIONNELS SUCCESSIFS ................................................................................ 111
INTRODUCTION LE DÉCLIN PROGRESSIF DU DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION ................ 111
SECTION 1 LA PROTECTION CONSTITUTIONNELLE DE L’EXISTENCE DU DOUBLE DEGRÉ
DE JURIDICTION .................................................................................................................. 120
§ 1. La protection constitutionnelle indirecte du recours en appel ........................... 120
A) Le respect du principe d’égalité devant la justice entre parties à la
même instance ......................................................................................................... 121
1) Dans le procès civil ...................................................................................... 121
2) Dans le procès pénal ................................................................................... 123
B) Le respect du principe d’égalité devant la justice entre justiciables dans
des instances identiques ......................................................................................... 126
§ 2. La protection constitutionnelle imparfaite du recours en cassation ................. 132
A) La protection contre les limitations juridiques ....................................... 134
B) La protection contre les limitations financières ...................................... 138
SECTION 2 LA PROTECTION CONSTITUTIONNELLE DES EFFETS DU DOUBLE DEGRÉ DE
JURIDICTION 144
§ 1. La protection constitutionnelle de l’effet dévolutif de l’appel............................. 144
A) La prohibition constitutionnelle des prétentions nouvelles en cause
d’appel ...................................................................................................................... 147
B) La prohibition constitutionnelle de nouvelles parties en cause d’appel
150
§ 2. La protection constitutionnelle de l’effet suspensif de l’appel ............................ 153
A) L’effet suspensif de l’appel des décisions rendues par des autorités non
juridictionnelles ....................................................................................................... 154
B) L’effet suspensif de l’appel des décisions rendues par des autorités
juridictionnelles ....................................................................................................... 157
CONCLUSION DU TITRE 1............................................................................................ 161
TITRE 2 : LE DROIT À UN JUGE DE QUALITÉ ......................................................... 163
CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU JUGE INDÉPENDANT .... 165
Table des matières 707

SECTION 1 L’INDÉPENDANCE STATUTAIRE DES MEMBRES DE LA JURIDICTION


JUDICIAIRE 167
§ 1. Les garanties constitutionnelles d’indépendance communes à l’ensemble du corps
judiciaire ......................................................................................................................... 167
A) Les garanties indirectes d’indépendance des magistrats judiciaires ... 168
1) L’élargissement constitutionnel du domaine d’application de la loi
organique relative au statut des magistrats judiciaires ................................. 168
a) L’acceptation compréhensive de dispositions relevant de la loi
ordinaire ou de la loi constitutionnelle ........................................................ 170
b) L’acceptation parcimonieuse des délégations de compétences au
pouvoir réglementaire .................................................................................... 174
2) Le renforcement constitutionnel imparfait de l’indépendance du
Conseil supérieur de la magistrature ............................................................... 177
a) L’émancipation organique inachevée du Conseil supérieur de la
magistrature ..................................................................................................... 177
La suppression de la présidence du Chef de l’État et de la vice-
présidence du ministre de la Justice ......................................................... 180
La mise en retrait partielle du pouvoir exécutif dans la désignation
des membres ................................................................................................ 182
b) Le renforcement insuffisant des compétences du Conseil supérieur
de la magistrature............................................................................................ 184
La fonction de nomination progressivement valorisée ................. 185
La nomination des magistrats du siège ........................................ 185
La nomination des magistrats du parquet ................................... 187
La fonction disciplinaire faiblement étendue .................................. 189
La saisine par les autorités institutionnelles ................................ 189
La saisine par les justiciables .......................................................... 191
La fonction consultative restreinte .................................................... 193
B) Les garanties directes d’indépendance des magistrats judiciaires ...... 196
1) Les exigences constitutionnelles rigoureuses dans le recrutement des
magistrats judiciaires .......................................................................................... 196
a) Les exigences constitutionnelles quantitatives dans le recrutement
des magistrats judiciaires ............................................................................... 197
b) Les exigences constitutionnelles qualitatives dans le recrutement des
magistrats judiciaires ...................................................................................... 200
2) L’extension constitutionnelle du régime des incompatibilités
professionnelles des magistrats judiciaires ....................................................... 204
§ 2. Les garanties constitutionnelles d’indépendance variables selon les membres du
corps judiciaire ............................................................................................................... 209
A) L’inamovibilité des magistrats du siège .................................................. 209
1) L’exigence de fiabilité des conditions de durée de la fonction judiciaire
temporaire ............................................................................................................ 213
708 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

2) L’exigence de prévisibilité des modalités de poursuite de carrière à


l’issue d’une fonction judiciaire temporaire .................................................... 215
B) La subordination hiérarchique relative des magistrats du parquet à
l’égard du pouvoir exécutif ................................................................................... 219
1) Le principe de subordination hiérarchique des magistrats du parquet à
l’égard du pouvoir exécutif ............................................................................... 220
2) Les tempéraments au principe de subordination hiérarchique des
magistrats du parquet ......................................................................................... 223
a) Les pouvoirs propres du parquet ......................................................... 223
b) La liberté de parole à l’audience du magistrat du parquet ............... 225
C) La divergence jurisprudentielle autour de l’appréciation de
l’indépendance du parquet .................................................................................... 227
1) La remise en cause européenne de l’indépendance du parquet .......... 228
a) Une remise en cause prévisible mais contestable ............................... 229
b) Une remise en cause à la portée limitée ............................................... 232
2) Le maintien du statut constitutionnel du parquet .................................. 233
SECTION 2 L’INDÉPENDANCE ORGANIQUE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE..... 238
§ 1. La protection constitutionnelle contre les validations législatives d’actes
administratifs ................................................................................................................. 240
A) L’évolution du fondement juridique du contrôle des validations
législatives d’actes administratifs ......................................................................... 241
1) L’exigence initiale du respect de l’indépendance des juridictions ....... 241
2) La substitution de la base juridique au profit de l’article 16 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ........................................... 244
B) Le durcissement des conditions d’acceptation des validations
législatives d’actes administratifs ......................................................................... 246
1) La prohibition constante de l’atteinte à la force de la chose jugée et au
principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ............................. 247
2) L’exigence renforcée d’un intérêt général suffisant ............................... 250
§ 2. La reconnaissance constitutionnelle d’une compétence minimale réservée à la
juridiction administrative .............................................................................................. 253
A) Le domaine réduit de la compétence réservée à la juridiction
administrative .......................................................................................................... 254
1) La limitation du domaine de compétences de la juridiction
administrative au contentieux de l’excès de pouvoir des actes administratifs
de la puissance publique .................................................................................... 254
2) L’ambiguïté de la notion de « matières réservées par nature à l'autorité
judiciaire » ............................................................................................................ 257
B) La protection atténuée du domaine de compétences réservé à la
juridiction administrative ....................................................................................... 261
CHAPITRE 2 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL AU JUGE IMPARTIAL............ 267
SECTION 1 LA SÉVÈRE EXIGENCE D’IMPARTIALITÉ FONCTIONNELLE.......................... 269
Table des matières 709

§ 1. L’examen approfondi du cumul de fonctions juridictionnelles .......................... 270


A) La séparation stricte des fonctions de poursuite et de jugement ......... 271
1) L‘apparition du principe dans le domaine de la justice pénale ............ 271
a) La non conformité de l’injonction pénale ............................................ 271
b) La conformité sous réserve de la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité ....................................................... 277
2) Le prolongement dans le domaine disciplinaire .................................... 280
3) L’extension aux autorités administratives indépendantes .................... 285
B) La séparation rigoureuse des fonctions d’instruction et de jugement 291
1) L‘initiation du principe dans le cadre pénal ............................................ 292
a) La justice pénale maritime ..................................................................... 292
b) La justice pénale des mineurs ................................................................ 295
2) Le prolongement dans le domaine disciplinaire .................................... 302
§ 2. L’interdiction fluctuante du cumul de fonctions juridictionnelles et de fonctions
administratives ou politiques ......................................................................................... 305
A) L’application rigoureuse dans le cadre du contentieux de l’aide sociale
306
B) L’application mesurée dans le cadre du procès constitutionnel .......... 310
1) Les hypothèses d’impartialité fonctionnelle ........................................... 310
2) Les solutions procédurales possibles ....................................................... 313
§ 1. L’examen minutieux du partage d’un intérêt commun entre juge et partie...... 317
A) L’inconstitutionnalité de la formation des Commissions
départementales d’aide sociale ............................................................................. 318
B) La conformité sous réserve de la composition du Conseil supérieur de
la magistrature ......................................................................................................... 320
§ 2. Le contrôle lacunaire du lien étroit entre juge et partie ..................................... 325
A) Les liens personnels entre le bâtonnier et les avocats justiciables du
conseil de discipline ................................................................................................ 325
B) Les liens syndicaux entre l’assesseur du tribunal de sécurité sociale et
les justiciables ........................................................................................................... 328
CONCLUSION DU TITRE 2............................................................................................ 333
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ................................................................ 335
SECONDE PARTIE : LA QUALITÉ DU PROCÈS ....................................................... 337
TITRE 1 : LES DROITS DES PARTIES AU PROCÈS ................................................. 339
CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PRESOMPTION
D’INNOCENCE .................................................................................................................. 341
INTRODUCTION LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE, DE L’ORDONNANCE ROYALE DE
COLBERT AU CODE NAPOLÉONIEN D’INSTRUCTION CRIMINELLE .................................... 341
SECTION 1 L’ÉLARGISSEMENT CONSTITUTIONNEL DU DOMAINE D’APPLICATION DE LA
PRÉSOMPTION D’INNOCENCE............................................................................................. 347
§ 1. L’extension du champ d’application matériel .................................................... 348
710 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A) La limitation de la présomption d’innocence au domaine répressif ... 348


1) L’élaboration d’une définition autonome de la sanction punitive ....... 349
2) L’exclusion des mesures n’ayant pas le caractère d’une punition : les
mesures de police ................................................................................................ 354
B) L’expansion de la présomption d’innocence au-delà des seules
sanctions pénales ..................................................................................................... 360
1) La limitation initiale à la matière pénale stricto sensu ........................... 361
2) L’extension progressive aux sanctions administratives ........................ 363
§ 2. L’extension du champ d’application personnel .................................................. 367
A) L’encadrement constitutionnel de l’action du législateur ........................... 367
1) L’approfondissement du contrôle de la rigueur législative excessive
pour s’assurer d’une personne présumée innocente ..................................... 368
2) L’admission constitutionnelle de l’amnistie législative ......................... 370
B) Le renforcement des directives constitutionnelles à l’égard du juge .. 374
1) Le contrôle des mesures judiciaires privatives de liberté avant jugement
375
2) La prescription du choix de la poursuite pénale la moins défavorable au
présumé innocent ................................................................................................ 379
SECTION 2 L’ÉLABORATION CONSTITUTIONNELLE D’UN RÉGIME JURIDIQUE
PROCÉDURAL ÉQUILIBRÉ DE LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE.......................................... 383
§ 1. L’encadrement des expressions procédurales du principe de la présomption
d’innocence ..................................................................................................................... 383
A) Le nécessaire respect des droits fondamentaux dans l’administration de
la preuve ................................................................................................................... 384
B) La compatibilité de la reconnaissance préalable de culpabilité avec le
droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ........................................ 390
§ 2. Les tempéraments au principe de la présomption d’innocence .......................... 397
A) L’exigence d’une déclaration de culpabilité comme limite du champ
d’application de la présomption d’innocence ..................................................... 397
B) L’admission encadrée des présomptions de culpabilité ........................ 401
1) La prohibition de principe des présomptions de culpabilité en matière
répressive .............................................................................................................. 402
a) Les fondements de l’existence des présomptions de culpabilité ...... 402
b) L’existence parcimonieuse de présomptions de culpabilité légalement
établies............................................................................................................... 405
2) L’appréciation constitutionnelle exigeante des présomptions de
culpabilité ............................................................................................................. 409
a) L’établissement des fondements jurisprudentiels des présomptions
de culpabilité .................................................................................................... 409
b) La confirmation des exigences constitutionnelles d’acceptation des
présomptions de culpabilité .......................................................................... 413
CHAPITRE 2 : LES DROITS CONSTITUTIONNELS DE LA DEFENSE ............... 419
Table des matières 711

SECTION 1 LE DOMAINE D’APPLICATION ÉTENDU DES DROITS DE LA DÉFENSE ......... 420


§ 1. L’extension du domaine matériel ...................................................................... 421
A) L’extension quant à l’autorité prononçant la décision ........................... 421
B) L’extension quant à la nature de la décision prononcée........................ 425
1) L’exigence d’une sanction punitive libéralement appréciée ................. 425
2) L’exclusion des décisions concertées et des mesures purement
comptables ............................................................................................................ 427
§ 2. L’extension du domaine personnel .................................................................... 429
SECTION 2 L’OBJET DIVERSIFIÉ DES DROITS DE LA DÉFENSE ........................................ 432
§ 1. Le droit à une procédure juste et équitable ......................................................... 433
A) Le droit à une procédure équilibrée ......................................................... 435
1) L’acceptation d’organisations juridictionnelles différentes pour des
litiges comparables .............................................................................................. 436
a) L’acceptation de la compétence de juridictions différentes pour des
litiges comparables .......................................................................................... 436
b) L’acceptation de la compétence des mêmes juridictions mais
différemment composées pour des litiges comparables............................ 439
2) Le refus des restrictions inégales dans l’accès au juge ........................... 442
a) Le déséquilibre des droits des parties par une limitation relative de
l’accès au juge................................................................................................... 443
b) Le déséquilibre des droits des parties par une limitation absolue de
l’accès au juge................................................................................................... 445
B) Le droit à une procédure contradictoire .................................................. 448
1) Le domaine d’application circonscrit du principe du contradictoire .. 450
2) L’appréciation pragmatique du caractère contradictoire de la procédure
451
§ 2. Le droit à l’assistance d’un avocat .................................................................... 454
A) Les conditions restrictives de l’intervention de l’avocat ....................... 455
1) L’exigence cumulative d’une situation de contrainte et de l’utilité de
l’intervention de l’avocat .................................................................................... 455
a) La présence cumulative de la contrainte et de l’utilité de
l’intervention de l’avocat ................................................................................ 455
b) La présence alternative de la contrainte ou de l’utilité de
l’intervention de l’avocat ................................................................................ 459
2) Les tempéraments à l’intervention de l’avocat ....................................... 462
B) Les modalités entravées de l’action de l’avocat ...................................... 466
1) La restriction du libre choix de l’avocat ................................................... 466
2) La restriction des moyens d’action de l’avocat ....................................... 470
CONCLUSION DU TITRE 1............................................................................................ 473
TITRE 2 : LE DROIT À UNE DECISION DE JUSTICE DE QUALITÉ.................... 475
CHAPITRE 1 : LE DROIT « CONSTITUTIONNEL » À LA COLLEGIALITÉ DES
JURIDICTIONS .................................................................................................................. 477
712 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

SECTION 1 LES FONDEMENTS CULTURELS ET THÉORIQUES DE LA COLLÉGIALITÉ DES


JURIDICTIONS 478
§ 1. La culture judiciaire de la collégialité des juridictions ....................................... 478
A) Le poids de la tradition historique ............................................................ 478
B) L’influence de la famille juridique ............................................................ 483
§ 2. Le statut déclinant de la collégialité ................................................................... 486
A) Les arguments controversés des deux systèmes d’organisation des
juridictions ................................................................................................................ 487
1) Les arguments contestables en faveur de la collégialité ........................ 487
a) La collégialité et l’indépendance des juges .......................................... 487
b) La collégialité et l’impartialité des juges .............................................. 492
2) Les arguments discutés en faveur du juge unique ................................. 493
B) Les facteurs explicatifs de l’expansion du juge unique ......................... 496
1) Le juge unique dans un souci de meilleure administration de la justice
496
a) Le juge unique et la complexité du contentieux ................................. 497
b) Le juge unique et la proximité avec le justiciable ............................... 498
c) Le juge unique et la durée des procédures .......................................... 499
2) Le juge unique dans un objectif de rentabilité économique ................. 501
a) Les « petites questions » ......................................................................... 503
b) Les « petites affaires » ............................................................................. 504
SECTION 2 LA PROTECTION CONSTITUTIONNELLE INDIRECTE DE LA COLLÉGIALITÉ DES
JURIDICTIONS 506
§ 1. Le nécessaire respect du principe d’égalité devant la justice.............................. 506
A) L’obligation de respect du principe d’égalité devant la justice en
matière de collégialité des formations de jugement ........................................... 507
B) L’application constante de la jurisprudence « Juge unique » de 1975 . 513
§ 2. Le respect imposé de l’autorité normative constitutionnellement déterminée ... 518
A) La censure initiale de l’incompétence négative du législateur ............. 519
B) L’absence de compétence exclusive du législateur pour déterminer les
exceptions à la collégialité ...................................................................................... 521
1) Les supposés fondements constitutionnels de la compétence exclusive
de la loi pour aménager la collégialité ............................................................. 522
a) La compétence législative en matière de libertés publiques ............. 523
b) La compétence législative en matière de création de nouveaux ordres
de juridiction .................................................................................................... 524
2) La supposée passivité du Conseil constitutionnel face à un possible
empiètement de la loi sur le domaine réglementaire ..................................... 525
3) La confirmation de l’absence de compétence exclusive du législateur en
matière de dérogations à la collégialité ............................................................ 527
CHAPITRE 2 : LE DROIT « CONSTITUTIONNEL » À LA MOTIVATION DES
DÉCISIONS DE JUSTICE ................................................................................................ 531
Table des matières 713

SECTION 1 LES BASES HISTORIQUES ET JURIDIQUES DE LA MOTIVATION DES DÉCISIONS


DE JUSTICE 532
§ 1. Une absence de motivation historiquement envisagée ....................................... 532
§ 2. Les fondements de la motivation des décisions de justice .................................. 537
A) Les fondements théoriques ........................................................................ 537
1) La fonction de la motivation à l’égard des parties ................................. 537
2) La fonction de la motivation à l’égard du juge ....................................... 538
3) La fonction de la motivation à l’égard de la juridiction chargée du
contrôle de la décision ........................................................................................ 541
B) Les fondements juridiques ......................................................................... 544
1) Le fondement principal .............................................................................. 544
2) Les fondements subsidiaires ...................................................................... 546
SECTION 2 L’EXIGENCE VARIABLE DE MOTIVATION DES DÉCISIONS DE JUSTICE......... 548
§1. La motivation obligatoire des décisions punitives émanant des autorités
administratives ............................................................................................................... 548
A) L’obligation légale de motivation de certaines décisions administratives
550
B) Le « privilège du préalable » bénéficiant aux décisions administratives
552
§ 2. La motivation facultative des verdicts de cour d’assises .................................... 554
A) L’acceptation constitutionnelle des arrêts d’assises succinctement
motivés ...................................................................................................................... 554
1) La motivation restreinte des arrêts de cours d’assises ........................... 555
2) Le souci de l’équilibre de la composition de la cour d’assises .............. 560
B) Les garanties compensatrices des verdicts de cour d’assises
succinctement motivés .............................................................................................. 563
1) Les garanties liées à l’organisation de l’audience de jugement ............ 564
2) Les garanties liées à la qualité des questions posées à la formation de
jugement ............................................................................................................... 565
3) Les garanties liées aux modalités de délibération du jugement ........... 568
CONCLUSION DU TITRE 2............................................................................................ 571
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ................................................................. 573
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................ 575
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 585
INDEX CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL * .................................................................................................... 633
INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DU CONSEIL D’ÉTAT *................... 649
INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION *... 655
INDEX CHRONOLOGIQUE DES ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES
DROITS DE L’HOMME *................................................................................................. 661
714 Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES *............................................................... 669


INDEX ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS * ................................................................ 681
TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 705
Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Malgré le peu de fondements écrits consacrés à la justice dans le texte de la Constitution du 4 octobre 1958, le
Conseil constitutionnel, en réalisant un travail d’actualisation à partir de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen, a permis l’émergence d’un droit constitutionnel processuel, construit autour de principes directeurs.
Ceux-ci peuvent être répartis dans trois catégories : deux principales, selon que l’acteur du procès prioritairement
concerné soit le juge ou les parties et une troisième, complémentaire, celle des garanties procédurales, permettant
de favoriser les qualités essentielles du juge et de contrôler le respect des droits des parties.
Une gradation des exigences du Conseil constitutionnel est discrètement perceptible entre les deux premières
catégories de principes, plus facilement identifiable entre celles-ci et la dernière famille. Cette échelle décroissante
de « densité » des principes directeurs du procès témoigne d’une véritable politique jurisprudentielle en matière de
droit constitutionnel processuel, qui met l’accent sur l’accès au juge, doté des qualités indispensables à
l’accomplissement de sa mission juridictionnelle. Toutefois, aussi satisfaisante que soit l’action du juge
constitutionnel français à l’égard du droit du procès, celle-ci nécessiterait aujourd’hui le relais du constituant, afin
de moderniser le statut constitutionnel de la justice.

The Trial’s guiding principles in the jurisprudence of the constitutional Council

In spite of a relatively low number of written dispositions dedicated to justice inside of the body of the
Constitution of October 1958 4th, the constitutional Council, while updating this text through the Declaration of
Human Rights, contributed to the development of a procedural constitutional law, which is structured around
guiding principles. Those principles can be classified within three different categories : two major categories
depend on the trial actor that is primarily concerned, either the judge or the parties; a third and additional
category pertaining to procedural protections, fosters the essential qualities of the judge and secure the protection
of the parties’ rights.
A gradation of the requirements of the constitutional Council is discreetly perceptible between the first two
categories of principles, and more easily identifiable between those first two categories and the last one. This
decreasing scale of “density” yoked to the trial guiding principles highlights a genuine judicial policy when it
comes to procedural constitutional law, emphasizing access to the judge, whom is given essential qualities in
order to achieve its judicial duty. However, the action of the French constitutional judge, as satisfactory as it is
towards the rights of the trial, would easily support the intervention of the constituent power in order to update
Justice’s constitutional status.

Mots clés

Accès au juge, actes de gouvernement, action en justice, appel, autorités administratives indépendantes, autorité
de la chose jugée, avocat, cassation, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, Conseil
constitutionnel, Conseil supérieur de la magistrature, constitutionnalisation du droit processuel, contradictoire,
collégialité, délai raisonnable de jugement, déni de justice, double degré de juridiction, droits de la défense, droit
au recours juridictionnel effectif, effet dévolutif de l’appel, effet suspensif de l’appel, égalité des armes, égalité
devant la justice, garde à vue, impartialité, inamovibilité, injonction pénale, indépendance, instance, instruction,
intérêt pour agir, juge unique, juridiction, magistrat, ministère public, motivation, parquet, partie au procès,
présomption d’innocence, principes directeurs, procès, publicité des audiences, recours administratif préalable,
siège, validations législatives, voies de recours.

Key words

Access to the judge, acts of government, adversarial proceedings, appeal, argumentation, authority, cassation,
collegiality, constitutional Council, constitutionnalization of procedural law, criminal injunction, denial of justice,
equality before the law, equality of arms, force of res judicata, guiding principles, High Council of the Judiciary,
impartiality, independence, independent administrative authorities, instruction, interest to act, Judge,
jurisdiction, lawyer, legal proceedings, legal remedies, legislative validations, party to the proceedings, plea-
bargaining, police custody, preliminary administrative appeal, presumption of innocence, prosecutor, public
prosecutor, publicity of hearings, rights of the defense, single judge, sitting judge, tenure, the devolutive effect of
appeal, the right to a second hearing, the right to be tried within a reasonable period of time, the right to effective
judicial review, the suspensive effect of appeal, trial.

Centre d'Études et de Recherches Comparatives sur les Constitutions, les Libertés et l'État - Université
Montesquieu Bordeaux IV

Vous aimerez peut-être aussi