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Mesures Physiques Annecy – MPh2 SE3 ME3 – 2011 – Philippe Galez

Techniques spectroscopiques d’analyse / Absorption atomique & émission de flamme


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ABSORPTION ATOMIQUE & EMISSION DE FLAMME

1- Introduction-
Ces deux techniques d’analyse élémentaire sont très sensibles et largement utilisées pour
analyser plus de 70 éléments, parfois à l’état de trace. De nombreux appareils permettent de
mettre en œuvre l’une ou l’autre méthode.

La spectrométrie d’absorption atomique repose sur l’absorption ( Fig. 1) par les éléments à
l’état atomique d’un rayonnement issu d’une lampe à cathode creuse ou à décharge. Compte
tenu de la nature discrète des niveaux d’énergie des atomes, la source lumineuse doit contenir
l’élément à analyser ; ainsi son spectre d’émission correspond exactement au spectre
d’absorption de l’élément à analyser. Autrement dit, les photons issus de la lampe remplissent
les conditions de résonance pour les atomes « cible » donc induisent des transitions
électroniques ce qui provoque l’absorption.

L’émission de flamme quant à elle repose sur l’émission (Fig. 1) par des atomes initialement
portés à un état excité d’un rayonnement caractéristique lors du retour à l’état fondamental. Le
spectre d’émission de chaque atome étant caractéristique de ce dernier, l’émission de flamme
est une méthode d’analyse quantitative et peut être utilisée pour identifier des éléments.

Figure 1. Principe de l’absorption et de l’émission par des atomes.

Remarque très importante :

Compte tenu des énergies mises en jeu (quelques eV ; lumière visible et proche UV), les
transitions électroniques impliquent uniquement les niveaux périphériques des atomes.
Elles correspondent au passage d’un électron de la sous-couche non remplie à une
sous-couche inoccupée d’énergie supérieure (absorption) ou au retour d’un électron sur
la sous-couche de valence (émission). Les niveaux de cœur ne sont absolument pas
concernés.

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Exemple
L’atome de sodium a pour configuration fondamentale [Ne] 3s1 et pour niveau
fondamental 2S1/2. Il y a deux transitions permises lorsque l’électron 3s passe sur la
sous-couche 3p (absorption) :

S1/2 → P1/2 (589,583 nm)


2 2

S1/2 → P3/2 (588,996 nm)


2 2

En émission, les transitions « inverses » :

P1/2 → S1/2
2 2

P3/2 → 2S1/2
2

conduisent au fameux doublet jaune du sodium.

Le cours « Spectre des atomes et des molécules » sera revu avec profit pour se
remémorer les notions de configuration, de terme et de niveau.

2- Principe-
Dans les deux cas, les mesures sont effectuées sur des éléments à l’état d’atomes libres. Pour
ce faire, l’échantillon est porté à une température de plusieurs milliers de degrés dans une
flamme ou dans un four en graphite ; on obtient ainsi un gaz d’atomes libres.

Sous l’effet de la température (E = kBT), une partie des atomes se trouvent à l’état excité. La loi
de Boltzmann permet de calculer, pour chaque transition, le rapport N1/N0 des atomes passés à
l’état excité à ceux qui sont demeurés à l’état fondamental :

N1  ∆E 
= g exp −  (équation 1)
N0  k BT 
avec :
T = température absolue ;
g = entier qui dépend de chaque élément et de ses nombres quantiques ;
-23
kB = constante de Boltzmann = 1,38x10 J/K ;
∆E = différence d’énergie entre le niveau excité et le niveau fondamental.

En remplaçant la constante de Boltzmann par sa valeur, la relation 1 devient :

N1  ∆E 
= g exp − 11600  (équation 2)
N0  T 
si ∆E est exprimée en eV. Le tableau 1 donne les valeurs du rapport N1/N0 pour certains
éléments et certaines transitons à différentes températures. On se rend compte à sa lecture
que seule une petite partie des atomes sont dans un état excité même à très haute
température.

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Tableau 1.

ELEMENT TRANSITION E (eV) g 2000 K 3000 K 4000 K


λ (nm)
-5 -4 -3
Na 589 2,10 2 1,03x10 5,95x10 4,53x10
-7 -5 -4
Ca 423 2,93 3 1,25x10 3,60x10 6,12x10
-10 -7 -5
Cu 325 3,82 2 4,77x10 7,69x10 3,09x10
-15 -10 -7
Zn 214 5,79 3 7,81x10 5,68x10 1,53x10

2.1- Mode absorption atomique-

Le principe de la spectrophotométrie d’absorption atomique est schématisé sur la figure 2.

Figure 2. Principe de l’absorption atomique.

La source de lumière délivre un rayonnement constitué des raies caractéristiques de l’élément


qui la compose donc de l’élément à analyser (voir § 1). Le fonctionnement de ce type de lampe
sera détaillé plus loin.

Le faisceau lumineux tombe ensuite sur une flamme ou un four en graphite dans lequel se
trouvent les atomes « cible ». Malgré la température élevée, la très grande majorité de ceux-ci
sont restés à l’état fondamental. Sous l’effet du rayonnement et puisque la condition de
résonance est remplie, des atomes passent de l’état fondamental à un état excité ; une partie
du rayonnement est ainsi absorbé.

Le monochromateur sert à sélectionner une bande de longueur d’onde ou d’énergie au centre


de laquelle se trouve la raie avec laquelle on veut travailler. Sa présence est indispensable
puisque l’on peut être amené à changer de raie caractéristique pour un même élément ou à
analyser un autre élément ; bien sûr, il faut, dans ce dernier cas, changer la source lumineuse.
Compte tenu des longueurs d’onde et des énergies mises en jeu (voir Tableau 1), les éléments
principaux des monochromateurs sont des réseaux.

Enfin un détecteur, le plus souvent un tube photomultiplicateur, mesure l’intensité transmise. Le


principe de l’analyse quantitative est exactement le même que pour la spectrométrie UV/visible
ou la spectrométrie infrarouge. On mesure l’intensité transmise avec échantillon, I, sans
échantillon (solvant seul), I0 et on définit les grandeurs suivantes :

I
la transmittance : T = (équation 3)
I0

I
le pourcentage de transmission : %T = 100 (équation 4)
I0

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le pourcentage d’absorption : % A = 100 − %T (équation 5)

I0
l’absorbance : A = log (équation 6)
I
L’absorbance est la grandeur la plus utile puisqu’elle est proportionnelle à la concentration en
espèce absorbante dans le domaine de validité de la loi de Beer-Lambert :

A=klc (équation 7)

k est le coefficient d’absorption qui est une constante pour une espèce absorbante et une
transition données, l est la longueur du trajet optique dans la zone où se trouve l’espèce
absorbante (longueur de la flamme ou du four en graphite) et c la concentration en espèce
absorbante.

La loi de Beer-Lambert est démontrée dans le cours « Spectrométrie UV/visible » ; nous verrons
ses limitations dans le paragraphe « analyse quantitative par absorption atomique ».

2.1- Mode émission de flamme-

En mode émission de flamme (Fig. 3), on n’utilise pas de source lumineuse. On s’intéresse au
spectre d’émission des atomes à l’état excité qui retournent à l’état fondamental. Ainsi en
procédant à une analyse spectrale par rotation du réseau du monochromateur, on repère les
raies émises donc les éléments présents dans l’échantillon. L’émission de flamme peut être
utilisée en analyse qualitative mais, pour cela, on lui préfèrera de loin l’émission atomique où
l’excitation est réalisée au moyen de plasmas de gaz ou par action d’étincelles ou de lasers –
les températures atteintes sont alors bien supérieures donc les raies d’émissions beaucoup plus
intenses.

Figure 3. Principe de l’émission de flamme.

L’émission de flamme est principalement une méthode d’analyse quantitative. En effet,


l’émission de lumière, pour un élément et une raie caractéristique donnés, est proportionnelle
au nombre de transitions radiatives c’est à dire au nombre d’atomes qui retournent à l’état
fondamental par unité de temps :

∆N
Ie p (équation 8)
∆t
or ∆N/∆t est proportionnel au nombre d’atomes de l’espèce considérée dans la flamme donc :

Ie p N (équation 9)

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et finalement :

I e = kc (équation 10)

où c est la concentration en espèce émettrice. La proprotionnalité entre Ie et c n’est valable que


pour les faibles concentration (voir § analyse quantitative par émission de flamme). En pratique,
on réalise un étalonnage avec une gamme étalon.

3- Appareillage en absorption atomique-


Un schéma plus détaillé des composants d’un spectromètre d’absorption atomique est présenté
ci-dessous (Fig. 4).

Figure 4. Les composants d’un spectromètre d’absorption atomique.

3.1- Les sources de lumière-

Les lampes à cathode creuse (hollow cathode lamps)


Les lampes à cathode creuse sont, pour la plupart des éléments analysables par absorption
atomique, d’excellentes sources lumineuses (Fig. 5).

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Figure 5. Schéma de principe et photographie d’une lampe à cathode creuse.

Elles sont constituées :


- d’un cylindre creusé à l’une de ses extrémités et fait du métal dont on veut produire le
spectre d’émission ; la cathode ;
- d’une anode ;
- d’une enceinte scellée en verre avec une fenêtre la plus transparente possible aux
longueurs d’onde considérées (quartz, verre borosilicate) ; cette enceinte est remplie
d’argon (Ar) ou de néon (Ne) à basse pression (quelques Pa).

Lorsqu’une tension électrique est appliquée entre l’anode et la cathode (300 à 400 V), quelques
atomes du gaz neutre de remplissage sont ionisés et accélérés vers la cathode. Ils arrachent
ainsi des atomes métalliques de cette dernière (on parle de pulvérisation ou de sputtering). Les
chocs avec les ions Ar+ ou Ne+ vont ensuite porter les atomes métalliques à un état excité
(phase d’excitation) dont le retour à l’état fondamental est accompagné de l’émission d’une
lumière caractéristique (phase d’émission). Tout ceci est résumé par la figure 6.

Figure 6. Principe de fonctionnement d’une lampe à cathode creuse.

Les lampes à cathode creuse ont une durée de vie limitée. Ceci est dû en premier lieu à
l’adsorption du gaz de remplissage sur les surfaces internes de la lampe. A mesure que la
pression décroît, l’efficacité des phases de pulvérisation et d’excitation diminue ce qui entraîne
une réduction de l’intensité émise. De nombreux constructeurs augmentent le volume interne
des lampes pour que la pression du gaz de remplissage diminue plus lentement ce qui a pour
effet d’allonger la durée de vie. Par ailleurs, les atomes métalliques pulvérisés peuvent se
redéposés ailleurs que sur la cathode. Cette déplétion peut également affecter la durée de vie
de la lampe mais cela est surtout sensible pour les éléments volatiles comme l’arsenic, le
sélénium ou le cadmium.

Il est de toute façon préférable de travailler avec un courant de lampe raisonnable pour allonger
la durée de vie : 5 à 10 mA selon les lampes. En TP (Séries TESS ou Spectro), on se placera
aux 2/3 de la valeur recommandée par le constructeur.

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Les cathodes sont en général réalisées dans des métaux de très haute pureté et produisent
ainsi des spectres d’émission très purs : les raies parasites dues aux impuretés ont de très
faibles intensités.

Il existe également des lampes « multi-éléments » réalisées avec des cathodes en alliage. Ceci
permet de pouvoir analyser deux éléments (voire plus) avec la même lampe. On ne peut
cependant associer n’importe quels métaux en raison de limitations de nature métallurgique ou
spectrale : les métaux utilisés en combinaison doivent avoir des raies caractéristiques éloignées
les unes des autres.

Les lampes à décharge (electrodeless discharge lamps).


Les lampes à décharge (Fig. 7) sont utilisées lorsqu’il n’y a pas de lampe à cathode creuse pour
un élément particulier (e.g. métaux volatiles). La lampe en elle-même est constituée d’une
ampoule scellée en quartz dans laquelle se trouve une petite quantité d’élément sous forme de
métal ou de sel. Cette ampoule est placée à l’intérieur d’une bobine radiofréquence. Lorsqu’on
applique un courant à la bobine, un champ radiofréquence est créé. Celui-ci vaporise les
atomes à l’intérieur de l’ampoule et les porte à un état excité. L’émission des raies
caractéristiques accompagne le retour à l’état fondamental.

Figure 7. Schéma d’une lampe à décharge.

Les lampes à décharge produisent un faisceau lumineux plus intense que les lampes à cathode
creuse ; elles sont plus stables et ont une durée de vie bien supérieure. Elles présentent donc
des avantages indéniables pour l’analyse. En revanche, elles produisent un faisceau de section
bien supérieure ; on ne peut donc tirer bénéfice de leurs avantages qu’avec des appareils
spécialement conçus. On trouve des lampes à décharge pour les éléments suivants : Sn, As, Bi,
Cd, Cs, Ge, Pb, Hg, P, K, Rb, Se, Te, Th et Zn.

3.2- La modulation du faisceau lumineux-

Le faisceau lumineux issu d’une lampe à cathode creuse doit être modulé de manière à réaliser
une amplification sélective du signal ; il ne faut pas amplifier les signaux qui ne proviendraient
pas de la lampe. Ceci peut être fait de manière mécanique à l’aide d’un chopper, disque ajouré
animé d’un mouvement de rotation ou de manière électronique en modulant le courant
alimentant la lampe (Fig. 8).

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3.3- Dispositif thermique-

Comme nous l’avons déjà mentionné, il est nécessaire d’apporter une énergie thermique
importante pour réduire les éléments à l’état atomique ; c’est cette énergie thermique qui rompt
les liaisons des molécules.

Figure 8. Modulation mécanique ou électronique du faisceau lumineux pour amplification sélective du


signal de la lampe.

Atomisation par nébulisation dans une flamme (Premix burner system).


Dans la plupart des cas, on utilise un brûleur dont un schéma de principe est donné en figure 9.
Celui-ci est alimenté par un mélange gazeux combustible / comburant et produit une flamme
dont la base est un rectangle d’environ 100 mm de longueur et 1 mm de largeur. L’axe optique
est aligné avec la grande dimension de la flamme qui représente donc la longueur apparaissant
dans la relation de Beer-Lambert (équation 7). L’échantillon mis en solution aqueuse est aspiré
et nébulisé (dispersé en très fines gouttelettes) dans ce mélange gazeux. Les éléments à l’état
atomique se retrouvent ainsi dans la flamme qui est « traversée » par le faisceau lumineux.

Figure 9. Schéma de principe du brûleur des spectromètres 3100-3300 de PerkinElmer.


Flow spoiler = répartiteur ; impact bead = crosse en verre.

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Seulement une partie de la solution échantillon aspirée par le nébuliseur est utilisée pour
l’analyse ; les plus fines gouttelettes sont entraînées avec les gaz dans la tête du brûleur. Le
reste est évacué de la chambre de mélange au moyen d’un drain.

Remarque importante :

Lorsque la flamme est allumée, il est absolument nécessaire qu’un liquide soit aspiré par
le nébuliseur – eau distillée ou solution échantillon – sous peine d’endommager la tête
du brûleur. De même, avant d’éteindre la flamme, il faut nettoyer le brûleur en aspirant
de l’eau distillée pendant quelques minutes.

Les caractéristiques de la flamme – réactivité chimique et température – sont des paramètres


importants de l’analyse. La flamme peut être plus ou moins oxydante suivant le rapport
combustible / comburant. La température est donnée par la nature des gaz utilisés (Tableau 2).
Il faut garder en mémoire que n’importe quel type de flamme ne convient pas à n’importe quel
élément. En général les constructeurs d’appareils indiquent les conditions optimales pour
chaque élément. Les autres atomes présents dans la solution jouent également un rôle
important.

Tableau 2. Température de flamme pour différents mélanges combustible / comburant.

MELANGE TEMPERATURE MAXIMALE (K)


butane /air 2 200
propane / air 2 200
hydrogène / air 2 300
acétylène / air 2 600
acétylène / N2O 3 000
acétylène / oxygène / azote 3 100
acétylène / oxygène 3 400
cyanogène C2N2 / oxygène 4 600

Le réglage du brûleur comporte l’alignement de la flamme avec le faisceau, l’optimisation de la


hauteur de la tête du brûleur ainsi que de l’ouverture du nébuliseur. Pour une solution donnée,
on cherche à obtenir l’absorbance la plus élevée.

Atomisation par électrothermie (graphite furnace)


Dans ce cas, l’atomisation est réalisée dans un four en graphite porté à haute température.
Celui-ci est composé d’un tube en carbone ou graphite dans lequel est placée une nacelle
destinée à recevoir l’échantillon solide (quelques mg) ou liquide (quelques µL). Ce tube est
chauffé par effet Joule direct et peut atteindre des températures voisines de 3000 K ; il est
parcouru par un courant et fait office de résistance électrique. L’alimentation du tube peut être
parallèle à l’axe du faisceau (Fig. 10) ou perpendiculaire à ce dernier (Fig. 11). Enfin, le tube est
parcouru par un flux de gaz dont le débit est réglable.

Au cours d’une expérience, le four est chauffé par paliers (Fig. 12). La première étape est le
séchage entre 100°C et 120°C pour les solutions aqueuses.

La seconde étape est la décomposition (pyrolysis step) ; elle a pour but de décomposer une
partie de la matrice organique ou inorganique et de laisser l’élément à analyser dans une

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matrice « moins complexe ». La température de cette étape dépend bien sûr de l’échantillon.
Elle doit être aussi élevée que possible en évitant des pertes de l’élément à analyser.

Vient ensuite l’étape d’atomisation dont le but est de produire un gaz atomique de l’élément à
analyser. La température doit être élevée pour dissocier les molécules c’est-à-dire casser les
liaisons. Elle ne doit pas non plus être excessive ; cela nuit à la qualité de l’expérience en
réduisant le temps de résidence de l’élément à analyser dans le four et à la durée de vie du
four.

Figure 10. Four graphite longitudinal : l’alimentation du tube chauffant est longitudinale.

Figure 11. Four graphite à alimentation transverse : l’alimentation se fait par les cotés.

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Il est recommandé d’atteindre la température d’atomisation le plus rapidement possible et de


réduire (voire d’annuler) le flux gazeux pour augmenter le temps de résidence.

L’atomisation est en général suivie d’une étape de pyrolyse à plus haute température encore
dont le but est de brûler tous les résidus d’échantillon.

Figure 12. Paliers de température lors d’une expérience avec un four graphite.
Chacune des étapes dure quelques secondes.

Remarque :

Avec un dispositif de nébulisation dans une flamme, l’absorbance reste constante tant
qu’il y a de la solution à aspirer. Il n’en va pas de même avec un four graphite (Fig. 13).
Tout d’abord, l’absorbance augmente rapidement reflétant l’augmentation du nombre
d’atomes libres dans le four. Le signal continue d’augmenter tant que le taux de
production d’atomes libres est supérieur au taux de diffusion des atomes en dehors du
four. Il passe par un maximum et finit par décroître lorsque la production diminue. Il tend
enfin vers 0 quand tous les atomes sont perdus par diffusion. C’est l’intégrale de cette
courbe en cloche qui est utilisée pour l’analyse quantitative.

3.4- Le monochromateur-

Le monochromateur (Fig. 14) sert à sélectionner une bande étroite de longueur d’onde au
centre de laquelle se trouve la raie d’absorption de travail. Il est constitué de miroirs et d’un
réseau (voir cours d’optique). Le faisceau issu de la flamme ou du four est collimaté par une
fente d’entrée puis réfléchi par un miroir sur le réseau. A ce niveau-là, il y a dispersion des
longueurs d’onde ; l’angle d’émergence du réseau dépend de la longueur d’onde (Fig. 15).
Après un second miroir, la fente de sortie ne laisse sortir du monochromateur que le
rayonnement compris dans la bande étroite choisie.

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Figure 13. Absorbance en fonction du temps avec un four graphite.

Figure 14. Monochromateur en absorption atomique.

Figure 15. Principe de diffraction du réseau. Pour aller plus loin voir le cours d’optique de Mesures
Physiques.

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3.5- Le détecteur-

Dans le domaine de longueurs d’onde considéré ici, on utilise généralement un tube


photomultiplicateur dont le principe est présenté en figure 16. Il est constitué d’une
photocathode et de dynodes portées à des potentiels électriques négatifs, décroissants en
valeur absolue, le tout dans une enceinte en verre sous vide.

Figure 16. Schéma de principe d’un tube photomultiplicateur.

Les photons issus du monochromateur frappent la photocathode qui émet à son tour des
électrons par effet photoélectrique (voir cours « Spectres des atomes et des molécules »). Ces
photoélectrons sont accélérés vers une première dynode sous l’effet du champ électrique
provoqué par la différence de potentiel. Ils arrachent à cette dynode un nombre plus important
d’électrons qui sont à leur tour accélérés vers une seconde dynode. L’opération est répétée
plusieurs fois si bien que, pour un photon incident, on recueille 105 à 107 électrons dans un
amplificateur courant-tension qui délivre une tension proportionnelle au nombre de photons
incidents.

3.6- Optique des spectromètres-

Les sources lumineuses ont des fluctuations qui nuisent à la qualité des analyses. Pour pallier
cette difficulté on utilise de plus en plus des spectromètres à double faisceau (Fig. 17). Dans
cette configuration, le chopper est « tapissé » de miroirs pour produire un faisceau référence
qui permet de mesurer en permanence l’intensité émise par la lampe. La transmission est dans
ce cas le rapport de l’intensité du faisceau échantillon (celui qui traverse la flamme ou le four
graphite) à celle du faisceau référence.

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Figure 17. Optique d’un spectromètre double-faisceau.

4- Bruit de fond et interférences-

4.1- Bruit de fond avec les fours graphite-

Avec des appareils à brûleur le bruit de fond est en général peu important car on nébulise des
solutions aqueuses diluées.

Avec des fours graphite, la situation est tout autre. Une atomisation incomplète due à la matrice
peut engendrer une absorption parasite. C’est notamment le cas des échantillons contenant des
particules en suspension, des ions difficilement réductibles ou des molécules organiques non
brûlées par manque d’oxygène. Toutes ces espèces présentent des bandes d’absorption plutôt
que des raies fines (voir cours « spectrométrie UV / visible »). Il apparaît alors un fond
d’absorption constant dans la bande définie par le monochromateur. Les constructeurs
d’appareils proposent plusieurs dispositifs pour corriger cet effet.

Correction du bruit de fond par une lampe au deutérium


Une première solution consiste à ajouter une seconde source lumineuse : une lampe au
deutérium (voir cours « spectrométrie UV / visible ») dont le spectre d’émission est continu et
large. On effectue des mesures alternativement avec la lampe à cathode creuse (ou à
décharge) et avec la lampe au deutérium. Avec cette dernière, on n’évalue en pratique que le
fond continu car sa bande passante est une centaine de fois plus large que la raie de travail.
Avec la lampe à cathode creuse, on évalue à la fois le bruit de fond et l’absorption par l’élément
à analyser. En retranchant les deux absorbances, on obtient un résultat provenant du seul
analyte.

Correction par application de l’effet Zeeman


Par application d’un champ magnétique de l’ordre du tesla, on sépare la raie d’absorption en
plusieurs raies polarisées. En ajoutant un polariseur orienté convenablement sur le trajet
optique, on peut effacer une de ces raies. Le bruit de fond n’est pas affecté par le champ
magnétique. Il suffit alors de faire une mesure avec polariseur et de retrancher le résultat à celui
de la mesure sans polariseur. On obtient alors une absorbance provenant du seul analyte.

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Correction par lampe pulsée


En forçant l’intensité dans la lampe jusqu’à des valeurs de 500 mA, on obtient une raie
d’émission plus large et surtout présentant un creux en son milieu. On peut ainsi mesurer le
bruit de fond puisqu’il n’y a plus d’intensité à la bonne longueur d’onde. Dans la pratique, on
travaille alternativement à 10 mA et 500 mA pour mesurer la somme bruit de fond + signal de
l’analyte et le bruit de fond. Il n’y a plus qu’à faire la différence.

4.2- Les interférences-

Les interférences spectrales


Les fours en graphite portés à très haute température émettent un rayonnement thermique qui
s’ajoute à celui de la lampe. Les constructeurs optimisent la géométrie de leurs appareils pour
que ce rayonnement ne parvienne pas au monochromateur.

Il se peut également qu’il y ait superposition de deux radiations : celle que l’on a choisie pour
l’analyse et une raie secondaire d’un autre élément. En absorption atomique, les confusions
sont rares mais il est parfois conseillé d’effectuer des mesures complémentaires à une autre
longueur d’onde. En émission de flamme, ce problème est fréquent tant les spectres sont
complexes ; tous les éléments présents dans l’échantillon émettent des raies caractéristiques.

Superposition de l’absorption et de l’émission d’un même élément


Aux températures de travail, une petite partie des atomes sont dans un état excité. En revenant
à l’état fondamental, ils peuvent émettre des photons dont l’énergie correspond précisément à
la longueur d’onde de travail. On peut corriger cet effet en utilisant une source pulsée :
l’absorption est pulsée alors que l’émission est constante ce qui permet de faire la distinction.

Interactions chimiques
Lors d’une analyse, on ne peut évaluer que le nombre ou la concentration des atomes libres.
Ceux qui demeurent dans des molécules ne sont pas pris en compte puisque les énergies
moléculaires sont différentes ce qui conduit à des résultats erronés. Lorsque l’énergie
thermique n’est pas suffisante pour rompre les liaisons, on parle d’interférences chimiques.
Pour s’en affranchir, on utilise des « agents libérateurs ». Un élément M sera d’autant plus
facilement libéré d’une combinaison MX par le libérateur R que le composé RX est plus stable ;
on a alors la réaction suivante :

R + MX → M + RX
Ainsi, lorsqu’on veut doser du calcium en présence d’ions phosphates ou sulfates, on ajoute du
chlorure de strontium (SrCl2) ou de lanthane (LaCl3) pour éviter la formation de phosphate ou
sulfate de calcium. En fait, ce sont le strontium et le lanthane qui réagiront avec les anions car
les sels correspondants sont plus stables. Le dosage du potassium se fait souvent en présence
d’un mélange de chlorure de césium (CsCl) et de chlorure de lanthane.

Interférences ioniques
L’ionisation dans une flamme des atomes libres a pour effet de réduire l’intensité d’émission en
émission de flamme et l’absorption en spectrométrie d’absorption atomique. Il est donc
nécessaire que les possibilités d’ionisation soient les plus faibles possible. La première
précaution à prendre est de réduire au maximum la température de la flamme sans toutefois
réduire la dissociation des molécules. La seconde consiste à ajouter un excès d’une solution
dite de suppresseur d’ionisation. Par exemple, quand on vaporise dans une flamme une

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Techniques spectroscopiques d’analyse / Absorption atomique & émission de flamme
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solution contenant des ions Ba, Sr ou Ca après lui avoir ajouté une solution contenant des ions
potassium à une concentration de 2 g/L, on obtient un excès d’électrons ce qui a pour effet de
supprimer presque complètement l’ionisation du métal à doser.

Pour s’affranchir de tous ces effets, il est indispensable de se conformer aux recommandations
des constructeurs d’appareils et aux normes en vigueur.

5- Grandeurs caractéristiques-
La sensibilité
En spectrométrie d’absorption atomique, la sensibilité ou concentration caractéristique est la
concentration exprimée en mg/L qui conduit à une absorption de 1% c’est-à-dire une
absorbance égale à 0,0044.

Concentration étalon (mg /L) × 0,0044


Sensibilité (mg /L) =
absorbance mesurée

La limite de détection
La limite de détection correspond à la plus petite concentration mesurable pour un élément. Elle
dépend bien sûr de la sensibilité mais également de la stabilité du signal d’absorbance ; un
signal bruité ne permet pas de discerner de petites variations d’absorbance (Fig. 18). En
revanche, un signal stable – une même solution donne toujours le même résultat – permettra de
détecter de très faibles variations de concentration. La limite de détection est définie par
l’IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) comme la concentration qui donne
une absorbance trois fois supérieure au bruit de la ligne de base (sans analyte). Celui-ci est
égal à l’écart type d’une série de dix mesures d’absorbance de la ligne de base.

Figure 18. Deux situations différentes avec la même sensibilité et des limites de détection différentes. Il est
clair que dans le cas B, on peut distinguer de plus petites variations d’absorbance que dans le cas A où le
signal est plus bruité.

6- Dosage en absorption atomique et émission de flamme-


Dans la pratique, on réalise une courbe d’étalonnage (Fig. 19) avec une gamme étalon. Pour
les concentrations faibles (quelques mg/L en général), l’absorbance est proportionnelle à la
concentration – la loi de Beer-lambert est suivie – et on obtient une droite. En revanche, pour
les concentrations plus élevées, on note un écart grandissant à la linéarité à mesure que la
concentration augmente. Il suffit ensuite de mesurer l’absorbance d’un inconnu pour déduire sa

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concentration en analyte. Dans la pratique, on procédera à des dilutions suffisantes pour


travailler dans le domaine linéaire ou quasi-linéaire.
Une méthode alternative, dite des ajouts dosés, consiste à mesurer l’absorbance
- de l’échantillon inconnu ;
- de ce même échantillon après avoir ajouter des volumes connus d’un étalon à la
concentration en analyte connue.
Par un calcul très simple qui sera développé en TD, on remonte facilement à la concentration
initiale de l’échantillon. Il faut cependant se trouver dans le domaine de validité de la loi de Beer-
Lambert pour obtenir des résultats précis.

En émission de flamme, nous avons vu que l’intensité émise est proportionnelle à la


concentration en analyte (équation 10). Là encore, ceci n’est valable que pour les faibles
concentrations et en l’absence d’autoabsorption et d’ionisation. On établira également une
droite d’étalonnage avec une gamme étalon en prenant soin de rester dans la partie linéaire ou
« à proximité immédiate » en effectuant les dilutions nécessaires. On peut également utiliser la
méthode des ajouts dosés.

Figure 19. Courbe d’étalonnage en absorption atomique.

En émission de flamme, on utilise des spectromètres d’absorption atomique ou des appareils


dédiés appelés photomètres de flamme adaptés au dosage de quelques éléments seulement.

Enfin, si l’émission de flamme peut permettre d’identifier les éléments présents dans un
échantillon (en quantité suffisante), on lui préfère pour l’analyse qualitative les techniques dites
d’émission atomique.

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Références-
Ouvrages :
Analyse Chimique, Méthodes et techniques instrumentales modernes, 6ème édition
F. Rouessac, A. Rouessac, D. Cruché ; Dunod, Paris (2004)
Chimie Analytique, 7ème édition
D.A. Skoog, D.M. West, F.J. Holler; De Boek & Larcier, Paris & Bruxelles (1997)
ème
Analyse chimique quantitative de Vogel, 6 édition
J. Mendham, R.C. Denney, J.D. Barnes, M.J.K. Thomas, De Boeck Université (2005)
Analytical Chemistry,
Séamus P J Higson, Oxford University Press (2003)

Concepts, instrumentation and techniques in atomic absorption spectrophotometry,


R.D. Beaty & J.D. Kerber, Second edition, The Perkin-Elmer Corporation (1993)
Cet ouvrage très complet et très accessible est téléchargeable à l’adresse suivante :
http://las.perkinelmer.com/content/RelatedMaterials/AA%20Concepts%20Book.PDF

Sites internet universitaires et recherche :

http://elchem.kaist.ac.kr/vt/chem-ed/spec/atomic/aa.htm

New Mexico State University


http://www.chemistry.nmsu.edu/Instrumentation/AAS.html

Société Heraeus
http://www.heraeus-noblelight.com/en/optics-analytics/products-for-optics-
analytics/hollow-cathode-lamps.html

Socité MSScientific
http://www.msscientific.de/hollowcathodelamps.htm

Royal Society of Chemistry


http://www.chemsoc.org/pdf/LearnNet/rsc/AA_txt.pdf

Virginia Tech University


http://ewr.cee.vt.edu/environmental/teach/smprimer/aa/aa.html

Sites de constructeurs:

PerkinElmer, Varian, Shimadzu, Buck Scientific Inc., GBC Scientific Equipment Pty Ltd,
Unicam Atomic Absorption

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