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Le français, langue
diasporique d’un genre spécifique ?
Nicole Koulayan
L’espèce humaine s’est assez vite caractérisée par une grande mobilité qui l’a
façonnée, millénaire après millénaire. Les migrations d’ordre économique,
historique, colonialiste, personnelle ou autres, continuent de dynamiser une
grande partie des sociétés contemporaines. Depuis le déplacement du monde
rural vers la ville, ou les exodes dus à la guerre, jusqu’à l’émigration officielle et
clandestine vers des horizons que l’on imagine plus prometteurs.
Les analyses se sont très tôt attachées à séparer les notions de diaspora et de
migration, bien que la première soit la conséquence de la seconde. Pourtant,
elles peuvent arriver à se confondre à certains moments spécifiques de leur
histoire. Cela semble être le cas pour la communauté française et sa langue
vieille de plus de huit cent années. Dans ce long cheminement, on l’aura vue
émerger, résister, se développer, s’institutionnaliser, s’exporter. Siècle après
siècle, elle gagnera une identité plurielle, solide, toujours plus vigoureuse,
comme l’atteste sa situation géo-linguistique dans le monde d’aujourd’hui.
Au travers de l'expansion du français hors de France, qui s’est très vite
manifestée sous différentes formes, nous nous essaierons à une analyse du
français à l’aune d’une interprétation diasporique.
Notre travail commencera par un état des lieux (passé et présent) de la situation
géographique du français et par le rappel de ses différents statuts
sociolinguistiques. Puis, nous nous appuierons sur les définitions des notions
phares investies dans notre démarche (communauté, langue maternelle,
diaspora, langue en diaspora, langue de diaspora et identité) pour arriver à une
analyse en abîme dont devrait résulter une compréhension plus fine de la
situation du français dans le monde.
même temps qu’elle bénéficiera des influences d’un français fortement littéraire
venu du continent.(Hagège,1997)
Ensuite, du XVIIe au XXes, elle se transportera aux quatre coins du monde, dans
les régions états, pays, territoires, départements, devenus à ce jour indépendants,
mais dans lesquels une partie de la population parle encore le français.
Il s’agira par ordre chronologique:
- XVIIè : du Canada, St-Pierre et Miquelon, Martinique et Guadeloupe,
Guyane, Sénégal, Madagascar, Terre-neuve, Réunion, Pondichéry,
Chandernagor, Haïti, Louisiane ;
- XVIIIè: Maurice, Mahé, Karikal, Seychelles, Yanaon,
- XIXè : Algérie, Guinée, Comores (sauf Mayotte), Tahiti, Nouvelle-
Calédonie, Mauritanie, Liban, Syrie, Kampuchea (ex Cambodge), Cochinchine,
Congo, marquises et Tuamotou, Tunisie, Gambier (Polynésie française), Zaïre,
Annam (Vietnam), Bénin, Tonkin, Wallis et Futuna, République Centrafrique,
Gabon, Côte d’Ivoire, Laos, Mali, Burkina-Faso ;
- XXè: Niger, Tchad, Cameroun, Maroc, Burundi, Togo, Vanuatu, Ruanda
Soit un total de cinquante espaces géographiques répartis sur l’ ensemble de
notre planète et sur lesquels des Français se sont installés pour un temps plus ou
moins long. Ils ont créé autant de communautés1 francophones vivant loin de
leur territoire d’origine.
Aujourd’hui, le français est la langue officielle de plusieurs pays : Bénin,
Burkina-Faso, République Centrafricaine, Congo-Brazaville, Côte d’Ivoire,
Gabon, Guinée, Sénégal, et langue co-officielle en Belgique, Suisse, Canada,
Haïti, Burundi, Seychelles,.. pour une totalité de 51 états et 34 pays. Seconde
langue de communication au niveau mondial , elle est la langue maternelle de 75
millions de personnes. Or, le territoire national n’en relevait que 617475
millions lors du dernier recensement (1999), voici ce qu’il en est des
proportions : 82% de la population en France, 23,2% au Canada, 41%en
Belgique, 18,4% en Suisse, 58% pour Monaco2. Pour l’ensemble de ces
territoires, le français revêt des statuts différents : langue seconde dans les pays
où il a acquis le statut de langue officielle ou co-officielle ; langue de
l’administration dans les pays de l’Afrique de l’ouest ; langue de communication
dans certains autres ; enfin langue étrangère pour le reste du monde.
1 Nous entendons par communauté le sens tel qu’il est présenté dans les dictionnaires ou encyclopédies, à
savoir :
Communauté : Caractère de ce qui est commun à plusieurs personnes, à plusieurs groupes sociaux …Groupe de
personnes vivant ensemble et partageant des intérêts, une culture ou un idéal communs (Hachette, 1997).
Langue et diaspora
langue de diaspora étant celle qui perdure au-delà de la troisième génération elle
sera donc celle qui immanquablement se trouvera confrontée au contact des
langues, ne serait -ce qu’au minimum à celle du pays d’accueil. Nous avons par
ailleurs évoqué ce phénomène générateur de bilinguisme, il apparaît que, dans
leur majorité, les communautés francophones se trouvent encore confrontées à
ce phénomène de contact de langue que la sociolinguistique a beaucoup décrit et
analysé. Ils sont souvent traduits par l’alternance codique, le calque, et
l’emprunt. A ce moment on peut parler de langue mixte. Dans le cadre d’une
langue de la diaspora nous connaissons des exemples comme le judéo-espagnol
ou le chiac (parler mixte français-anglais utilisé en Louisiane).
Au contraire, pour une langue en diaspora la continuité avec la langue d’origine
reste préservée dans sa norme telle qu’elle avait été définie par la communauté
dans le territoire d’origine et revêt ainsi un caractère fondamental. C’est
pourquoi on la retrouvera à peu prés exempte des traits qui caractérisent les
contacts de langues, exceptés les traits prosodiques (intonation, mélodie,
accents) comme avec le français des communautés de Français expatriés depuis
longtemps en Afrique ou dans l’Océan Indien et Caraïbes.
On peut aussi voir cohabiter une pratique mixte et une norme standard
identifiée comme puriste par ses locuteurs exemples : l’arménien occidental vs
l’arménien oriental ou le grec démotique vs le grec pontique, pour le français on
relève cette cohabitation caractéristique en Acadie (Nouveau Brunswick).
Conclusion
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