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3e Conférence Francophone de MOdélisation et SIMulation Conception, Analyse et Gestion des Systèmes Industriels

MOSIM’01 – du 25 au 27 avril - Troyes (France)

UNE APPROCHE D'INGENIERIE INTEGREE POUR LA LOGISTIQUE :


INTERETS ET LIMITES DE LA COOPERATION

Jacques LAMOTHE, Michel ALDANONDO

Ecoles des Mines d'Albi-Carmaux


Campus Jarlard - Route de Teillet
81000 Albi
Mél : jacques.lamothe@enstimac.fr
Mél : michel.aldanondo@enstimac.fr

RESUME : La réactivité des entreprises multi-site envers une demande fluctuante nécessite une amélioration perma-
nente du fonctionnement de leur chaîne logistique. La communication proposée vise, suivant une démarche de type
Design For X (DFX), à synthétiser les différentes actions remettant en cause la partie physique d'une chaîne logistique
(produits, procédés et implantations) permettant de mieux supporter ou réagir aux fluctuations de la demande. Cette
synthèse correspond aux premiers éléments de cadrage du Design For Supply Chain Management (DFSCM). Elle per-
met de définir le cadre et les objectifs de coopération entre l'ingénierie d'un produit et sa logistique.
Dans une première partie, la notion de DFX est rappelée et est particularisée à notre problème de DFSCM avec un
indicateur de performance original prenant en compte l'aspect fluctuant de la demande. Par la suite, toutes les actions
permettant d'améliorer l'indicateur proposé sont structurées suivant une typologie produit, procédé et implantation.

MOTS-CLES : Ingénierie intégrée, Logistique, Indicateurs, Réactivité.

1 INTRODUCTION logistique, la seconde partie synthétisera les modifica-


tions de conception et leur impact sur la réactivité de la
Dans la dernière décennie, le recentrage de la plupart des chaîne logistique pour conclure sur la mise en rapport de
entreprises sur leur activité industrielle principale les a ces modifications avec les aspects coopératifs des entre-
amenées à l'externalisation et l'acquisition de parts im- prises en réseau.
portantes d'activité (Aliouat, 1996), (Garette et Dus-
sauge, 1995). Ces bouleversements ont induit une dé- 2 DE LA CONCEPTION POUR X (DFX) A LA
pendance forte de la performance des entreprises envers CONCEPTION POUR LA GESTION DE LA
leur chaîne logistique pour maîtriser la qualité du service CHAINE LOGISTIQUE (DFSCM)
rendu au client final. De plus, l'augmentation de la fré-
quence de lancement de nouveaux produits et de ver- 2.1 Eléments de Conception pour X (DFX)
sions intermédiaires, alliée aux incertitudes sur les quan-
tités à produire, pose à l'entreprise des problèmes de Le DFX est une démarche d'ingénierie intégrée. Dans
réactivité (Subbu et al., 1999). Notre objectif est de son acception la plus générale (Huang, 1996), DFX est
montrer dans quelles mesures des modifications de compris comme la conception de W pour améliorer l'in-
conception portant sur les produits, les procédés et l'im- dicateur Y sur le processus X où :
plantation industrielle de ces derniers peuvent améliorer • X fait référence à un processus dans le cycle de vie
la réactivité de la chaîne logistique. d'un produit.
Au cours des années 90, l'ingénierie intégrée (Concurrent • Y fait référence à un indicateur de performance du
Engineering en anglais) a proposé des approches visant à processus X.
intégrer conception de produit et conception de procédé. • W fait référence à des éléments pouvant faire l'objet
Notre but à plus long terme est de proposer des appro- d'une re-conception.
ches autorisant la prise en compte de la conception de la Souvent, un terme X,Y ou W est oublié dans la défini-
chaîne logistique dans cette démarche intégrée. Nous tion. Cela signifie que tous les aspects possibles de ce
plaçons en conséquence notre approche dans une démar- terme doivent être considérés. Ainsi, la conception pour
che de type Conception pour X (« Design For X » ou la fabrication (« Design For Manufacturing » ou DFM)
DFX) présentée dans (Huang, 1996). L'objet de la pre- vise à agir sur tous les éléments physiques possibles dans
mière partie est de définir précisément la notion de le but de rendre la Fabrication la plus efficace possible.
Conception pour la gestion de la chaîne logistique L'efficacité, correspondant en fait au « Y », est prise ici
( « Design For Supply Chain Management » ou dans son acception la plus large en termes de coût, de
DFSCM) ou conception pour la gestion de la chaîne qualité et de délai. De même, la conception pour la réac-

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tivité (« Design For Reactivity » ou DFR) vise à modi- La chaîne logistique est donc un ensemble de flux de
fier un produit ou un procédé de manière à améliorer produits et de ressources humaines et techniques et
l'indicateur « réactivité » à l'échelle de tous les processus constitue une partie opérative. C'est le bon fonctionne-
du cycle de vie d'un produit. ment de cette partie opérative qu'il faut évaluer pour la
mise en œuvre de notre démarche, ce bon fonctionne-
2.2 Eléments de conception pour la gestion de la ment est directement dépendant d'une partie commande
chaîne logistique (DFSCM) correspondant à l'activité gestion de la chaîne logistique.
Les modifications de conception viseront alors soit à
Dans la logique de la démarche DFX, nous souhaitons améliorer directement le fonctionnement de la partie
définir et typer la notion de DFSCM que l'on peut tra- opérative de la chaîne logistique, soit à fournir des le-
duire par Conception pour la performance de la Chaîne viers d'action et des degrés de liberté au gestionnaire de
Logistique. la chaîne logistique pour permettre de faire face aux
Ceci nous amène donc à détailler : fluctuations de la demande.
• le ou les processus concernés par la « chaîne logisti-
que », le X. Ceci nécessite de définir précisément le 2.2.2 L'indicateur de performance (le Y)
terme « chaîne logistique » et de replacer les proces- Les indicateurs de performance de la chaîne logistique
sus qui y font référence ; visent à évaluer le service rendu aux clients. Ils visent à
• les indicateurs de performance d'une chaîne logisti- refléter l'avantage concurrentiel de l'entreprise. Le mo-
que qui pourront être améliorés, le Y ; dèle SCOR (Supply Chain Council, 2000) définit les
• les éléments physiques sur lesquels pourront porter quatre indicateurs suivants / (i) : la fiabilité de la chaîne
les actions de conception, le W. caractérisée par différents taux de service, (ii) la flexibi-
lité de la chaîne mesurée par des temps de cycle en ré-
Dans la bibliographie, la conception pour la logistique ponse à une variation de la demande, (iii) le coût total de
(« Design for Logistics » ou DFL) a été introduite par l'ensemble de la chaîne, décomposable en multiples
plusieurs auteurs. Dowlatshahi (Dowlatshahi, 1996), composantes et (iv) la rotation des actifs reflétant la
(Dowlatshahi, 1999) considère le terme logistique dans dynamique de fonctionnement de la chaîne.
son acception la plus large qui recouvre les domaines de Notre préoccupation de réactivité nous a conduit à rete-
(i) support logistique sur tout le cycle de vie d'un produit nir un mix des trois premiers types d'indicateurs. Mais au
ou d'un procédé, (ii) logistique industrielle ou gestion de lieu de les quantifier de manière « isolée », nous préfé-
flux, (iii) packaging et (iv) transport. Il présente ensuite rons les corréler sous la forme d'une fonction liant trois
pour chaque domaine les enjeux du DFL. De même, le variables. Les deux premières variables, correspondant
sigle DFSCM a été employé par L. Lee (Lee, 1993), (Lee aux types 1 et 3 du supply chain council, sont :
et Sasser, 1995) pour présenter diverses actions de re- - le taux de service, que nous notons Tx, : nombre de
conception d'éléments physiques. Nous plaçons nos commandes livrées en quantité et en délai de manière
travaux dans la même continuité. Toutefois, alors que correcte,
Lee mesurait l'impact des modifications envisagées sur - le coût total, que nous notons Ct, comprenant entre
le dimensionnement des stocks de sécurité, nous montre- autres : installation, personnel, transport et stock.
rons que ces modifications ont des impacts beaucoup Pour la troisième variable nous substituons à la flexibi-
plus larges liés à la performance globale d'une chaîne lité (type 2 du SCOR) une notion de :
logistique et notamment sur sa réactivité. D'autres au- - fluctuation de la demande, que nous notons Fd, sous
teurs (Erixon, 1996), (Garg et Tang, 1997), (Van Hoek et la forme d'un rapport ∆D / (D x d) quantifiant la va-
Weken, 1998) ont démontré qu'en modifiant certaines riation de la demande (∆D) mise en rapport avec la
caractéristiques physiques d'un produit ou d'un procédé, quantité de produit demandée (D) et le délai de la
des indicateurs de taux de service et de coût de stockage demande objet de fluctuation (d).
peuvent être améliorés. Nous situerons ces contributions
par rapport à notre démarche. Taux de service
Compromis actuel Fonctionnement
2.2.1 Processus logistique objet d'évaluation (le X) recherché
Une des premières définitions du terme chaîne logistique
(« supply chain ») a été fournie par Lee et Cohen (Cohen
et Lee, 1988). Ils définissent la chaîne logistique comme Fluctuation de la
« un réseau d'installations qui assure les fonctions d'ap- demande
provisionnement en matières premières, de transforma-
tion de ces matières en composants puis en produits
finis, de stockage et de distribution du produit fini vers Coûts logistiques
les clients ». Bien qu'étant, à l'origine, centrée sur le
Figure 1. Indicateur de réactivité de la chaîne logistique
fonctionnement d'une entreprise, cette définition s'étend
facilement au contexte des entreprises en réseau, ou
Nous pouvons ainsi caractériser la chaîne logistique par
entreprise étendue.
une fonction : Tx = f ( Fd , Ct ) qui, pour une fluctuation
de demande et un coût total, fournit un taux de service

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comme cela est représenté sur la figure 1. La surface (Y) sera explicité avec éventuellement des précisions sur
représentée caractérise pour nous la réactivité de la la décision de gestion à ajuster ou modifier (X).
chaîne logistique et constitue l'indicateur que nous vou-
lons améliorer par notre approche. 3.1 Les actions sur le produit

2.2.3 Les éléments objet des actions correctives (le W) 3.1.1 Actions d'amélioration de la morphologie des
De manière similaire au système de production où la produits
décomposition en système physique, système de gestion Ces actions visent à reconcevoir un produit de manière à
et système d'information est bien acceptée, nous avons rendre plus efficace les procédés de production, d'assem-
différencié en 2.2.1 les notions de chaîne logistique et de blage, de stockage et de contrôle.
gestion de chaîne logistique et nous ajoutons maintenant La conception pour la fabrication et l’assemblage
la notion de système d'information. Les actions correc- (« Design For Manufacturing and Assembly » ou
tives peuvent bien sûr être entreprises au sein de ces trois DFMA) vise à faciliter la fabrication et l'assemblage d'un
sous-systèmes. produit. Dans l'industrie mécanique par exemple, le
Les actions correctives peuvent de même se ranger en DFMA analyse chaque pièce pour vérifier si la morpho-
deux catégories ; les actions de type ajustement de para- logie peut être améliorée pour faciliter la manipulation
mètre qui ne modifient pas la logique de fonctionnement ou l'assemblage du produit. De même, des actions de
de la chaîne considérée (par exemple : modification d'un conception pour le transport et stockage (« Design for
réglage de procédé diminuant les rebuts, choix d'un Transportability and Stockability » ou DFTS) visent à
transport plus rapide, diminution du niveau d'un point de modifier la morphologie des produits, diminuer poids et
commande…) et les actions de type modification qui ont volume, de manière à faciliter stockage et transport
un impact sur la logique de fonctionnement de la chaîne (Huang, 1996). Ces actions touchant à la morphologie
(par exemple : modification de la structure d'un produit, des produits ont été étendues à la remise en cause de la
délocalisation d'un procédé, passage en juste à temps). nomenclature du produit, ces extensions seront docu-
mentées par la suite.
Performance Ajustement de paramètres Modification
de la chaîne Les améliorations obtenues, outre l'aspect plus ergono-
Actions sur : Ajustement de paramètres Modification :
- systèmes de décision de : - de la gestion mique du travail, se traduisent par des réductions du
- système d'information - gestion de la chaîne de la chaîne temps de séjour et d'occupation de l'espace par le pro-
- gestion de l'information - de la gestion duit.
de l'informa- Il en résulte, d'une part, une diminution de la composante
tion
Actions sur Non abordé Modification :
coût de l'indicateur Y et d'autre part une disponibilité
- le système physique - produit, accrue des moyens de production, d'assemblage, de stoc-
procédé, kage, de contrôle et de transport. Ces surplus de capacité
- implantation disponible constituent un degré de liberté, fourni au
des procédés.
gestionnaire de la chaîne, qui peuvent être utilisés par
Figure 2. Les actions correctives de notre approche exemple pour des commandes en retard ou pour réduire
la taille des lots et les délais dans le but d'améliorer la
Nous nous intéressons dans ce travail aux actions de type composante taux de service de l'indicateur Y.
modification entreprises au sein du système physique.
Les éléments du système physique (le W) sont les pro- 3.1.2 Actions de modularisation des produits
duits, les procédés (fabrication, assemblage, contrôle, L'objet de ce type d'action est d'obtenir des composants
stockage et transport) mettant en œuvre les 5 M (matière, (modules) interchangeables rapidement dans un grand
milieu, méthode, main-d'œuvre, matériel) et l'implanta- nombre de produits différents (Subbu et al., 1999). La
tion géographique de ces procédés. Nous ne considérons modularisation vise donc à complètement redéfinir l'ar-
donc pas les actions liées directement aux parties déci- chitecture d'un ensemble de produits pour structurer des
sionnelles et informationnelles. Par contre, l'évaluation modules communs. L'interchangeabilité suppose de
de l'impact des actions sur la réactivité de la chaîne lo- standardiser non pas le module mais les interfaces entre
gistique préconisera éventuellement des modifications et modules et les types de fonctions ou, plus généralement,
ajustements (leviers d'action et degrés de liberté) sur les les objectifs de chaque module. Par la suite, un module
systèmes de décision et d'information, comme cela est pourra avoir différentes versions (références) corres-
représenté en figure 2. pondant à des performances différentes pour les objectifs
recherchés.
3 LES ACTIONS CORRECTIVES DU DFSCM

Les trois paramètres W, X et Y du design DFSCM étant Erixon (Erixon, 1996), Van Hoek et Weken (Van Hoek
définis, les actions correctives de conception envisagées et Weken, 1998) soulignent les retombées de la modula-
sont décomposées selon les trois domaines (produit, risation des produits. Nous les reprenons et montrons
procédé, localisation). Chaque action sera définie (W) et comment elles confortent notre démarche.
l'impact sur le déplacement de la surface de l'indicateur Le produit remplissant les besoins différents est obtenu
en faisant un assemblage des modules. Si la modularisa-

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tion est bien menée, il découle une réduction de la diver- améliorations issues de la modularisation, à savoir :
sité en composants (10 produits composés de 10 compo- baisse de la sensibilité aux fluctuations de la demande,
sants = 100 composants alors que 10 produits composés coût plus faible et meilleur taux de service. Cependant,
à partir de 50 modules = 50 composants modulaires). en ce qui concerne le suréquipement, le gain en coût
n'est pas systématique et il est nécessaire d'évaluer le
Cette réduction de diversité a des impacts multiples : compromis entre le surcoût lié au suréquipement et les
• - la demande sur les produits va se répercuter sur améliorations sur les autres composantes de l'indicateur.
les modules. Les modules étant moins diversifiés
que les composants, les augmentations et diminu- 3.2 Les actions sur le procédé
tions des quantités demandées peuvent se compenser
et rendre la chaîne logistique moins sensible à la 3.2.1 Actions d'amélioration locale de chaque procédé
fluctuation de la demande (Fd). De nombreuses actions développées notamment dans le
• - à coût constant, il est possible d'avoir des ni- cadre de l'approche juste à temps ont permis d'améliorer
veaux de stock par module plus importants et d'être localement les performances de chaque procédé. Nous
moins facilement en rupture de modules. De fait, la citerons à ce titre les actions de types SMED, TPM,
composante taux de service (Tx) est améliorée. TQM et mise en ligne ou en îlots des procédés.
L'indépendance des modules permet de faire appel à de
la sous-traitance plus facilement. Constituant un degré de Toutes ces améliorations ont fourni des résultats specta-
liberté pour la planification, le recours à la sous-traitance culaires au cours des années 90 et ont amélioré les trois
permet de réduire les commandes en retard et d'améliorer composantes de notre indicateur.
le taux de service. La sous-traitance peut néanmoins
dégrader la composante coût. 3.2.2 Flexibilité des procédés à l'intérieur d'un site
Cette indépendance permet de paralléliser fabrication, Pour faire face à la diversité des besoins clients se réper-
conception et évolution des modules. Cette parallélisa- cutant dans les produits, modules et composants, une
tion réduit de manière importante le temps de cycle de action significative consiste à rechercher et acquérir une
production et provoque ainsi une amélioration du taux de flexibilité des procédés de production. Divers cas sont
service à coûts équivalents. Elle peut autoriser une spé- alors envisageables et résumés dans le tableau ci-
cialisation des moyens par module qui permet des gains dessous.
de productivité et de flexibilité et réduit la composante Référence(s) de produit ou composants
coût. 1 M
moyens 1 1 réf >> 1 procédé 1 réf >> 1 procédé
3.1.3 Actions de standardisation des produits indépen- 1 procédé >> 1 réf 1 procédé >> M réfs
dants de (Machine dédiée) (Flexibilité du moyen)
Les produits étant modularisés, il est encore possible de production
réduire la diversité en standardisant les modules. La N 1 réf >> N procédés 1 réf >> N procédés
standardisation peut s'effectuer en standardisant les com- 1 procédé >> 1 réf 1 procédé >> M réfs
posants des modules et/ou en suréquipant les modules. (gammes alternatives) (gammes alternatives)
(Flexibilité du moyen)
La standardisation des composants (Huang, 1996) est La flexibilité de moyens (1, M) introduite depuis une
une approche assez ancienne qui correspond aux appro- vingtaine d'années permet à différents produits d'utiliser
ches de type technologie de groupe. L'idée est de propo- un même moyen. L'impact principal de cette flexibilité
ser aux concepteurs, qui ont souvent le choix entre plu- de moyens est d'améliorer la composante taux de service
sieurs solutions quasi-équivalentes, d'utiliser un nombre en présence de fluctuation du mix produit de la demande.
limité de composants prédéfinis. Ce genre d'approche est La flexibilité (N, 1) correspond à l'introduction de gam-
d'ailleurs préconisé par les méthodes de type DFMA et mes alternatives tout en conservant des moyens de pro-
correspond le plus souvent à un nettoyage de la base duction dédiés à chaque produit. Cette forme de flexibi-
produit de l'entreprise (suppression par exemple des lité n'est pas intéressante car, les moyens étant dédiés à
doublons fonctionnels des références non vivantes). une référence, une utilisation optimale des moyens sup-
L'objet du suréquipement (Aldanondo et al., 1997), (Du- pose une demande stable pour chaque produit. Cette
pont et Erol, 1999) est de concevoir produits et modules forme de flexibilité ne s'est pas développée car, en cas de
de telle façon que différentes demandes puissent être besoin, les industriels préfèrent recourir à la sous-
satisfaites par un même produit ou par un même module. traitance.
On obtient ainsi une réduction importante du nombre de La flexibilité des procédés (N, M) comprenant moyens
références (produit et module) tout en conservant la polyvalents et gammes alternatives offre au gestionnaire
même diversité au niveau de l'offre. Ce résultat est ce- les degrés de liberté les plus intéressants pour faire face
pendant obtenu au prix d'une augmentation du coût (les aux fluctuations de la demande et améliorer le taux de
fonctionnalités les plus basiques seront satisfaites au prix service de la chaîne logistique. La principale difficulté
de la fonctionnalité la plus évoluée). posée ici est l'exploitation efficace des degrés de liberté
qui nécessite la mise en place d'outils d'aide à la déci-
Ces deux actions visant avant tout une réduction de di- sion.
versité, leur impact sur l'indicateur s'additionne aux

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3.2.3 Différenciation retardée du produit par action Les cas (N, 1) et (N, M) permettent de dupliquer des
sur les procédés procédés sur des sites proches de la demande. La compo-
L'objet de la différenciation retardée est de modifier sante taux de service s'améliore du fait de la proximité de
l'ordre des procédés (changement de l'ordre des phases la demande mais la composante coût se détériore le plus
du mode opératoire) pour repousser les opérations géné- souvent du fait des coûts de production (installations
rant de la diversité vers la fin du processus (Lee et Tang, dupliquées) malgré la réduction de coûts de transport
1998). (proximité géographique). Le cas (N, M) fournit des
degrés de liberté permettant si nécessaire d'équilibrer les
L'intérêt de cette action est de rendre la chaîne logistique charges des installations mais nécessite des outils d'aide
moins sensible aux fluctuations de la demande. La diver- à la décision délicats à mettre en œuvre (planification
sité se produisant plus tard dans le processus, le délai de multi-site (Boronad-Thierry, 1994) ou coopération entre
livraison sur lequel la quantité fluctue (noté d dans la sites).
composante Fd = ∆D / (D x d) ) peut être plus petit. De
ce fait, la chaîne logistique est moins sensible aux fluc-
3.3.2 Différenciation retardée géographique
tuations et donc le taux de service augmente. De plus,
En considérant le processus de transformation de ma-
cette réduction de délai fournit un levier pour la mise en
tière, cette action vise à déplacer (et dupliquer) physi-
flux tendu des opérations retardées. Enfin, l'inversion a
quement un processus à forte différenciation sur des sites
pour effet de réduire la diversité des composants des
avals plus proches de la demande (Lee et al., 1993), (Lee
opérations avancées, d'où des gains équivalents à une
et Billington, 1994), (Lee et Feitzinger, 1995) et consiste
standardisation de composants.
donc à inverser un processus de transformation de ma-
tière et un processus de stockage + transport. De manière
3.3 Les actions sur la localisation de processus
duale, les opérations générant une faible diversité pour-
ront être rassemblées sur un nombre limité de sites afin
3.3.1 Flexibilité des installations de réaliser des économies d'échelle et des gains de pro-
Cette action vise à disposer, pour une famille de produits ductivité. Dans le cadre de l'ECR (Martin, 1997), cette
donnée, de procédés dupliqués sur plusieurs sites géo- dualité est utilisée pour rendre des stocks à la charge du
graphiques, afin d'être géographiquement plus proche de fournisseur et limiter les manutentions chez le distribu-
la demande ou de faire appel à des pays dont les coûts de teur (cross-docking).
production sont plus faibles. Le tableau ci-dessous ré- Cette action corrective pousse ainsi à situer les processus
sume les différentes possibilités. à forte diversité au plus près des clients et à conserver les
processus à faible diversité sur des sites à haute produc-
famille de produits ou tivité et faible coût de fonctionnement.
famille de composants
1 M
La proximité de la demande des installations de fin de
installation de 1 1 famille >> 1 1 famille >> 1 instal-
fabrication ou installation lation chaîne permettra d'améliorer la composante taux de
d’assemblage 1 installation >> 1 1 installation >> M service mais dégradera la composante coût. Les déci-
famille familles sions concernant cette forme de localisation des procédés
(Installation dé- (Flexibilité de
sont très délicates car liées à la fiabilité géographique de
diée) l'installation)
la demande, à la disponibilité des transports et à la stabi-
N 1 famille >> N 1 famille >> N lité des pays à coût de production modéré.
installations installations
1 installation >> 1 1 installation >> M 3.4 L'impact d'actions combinées
famille familles
(production (production répartie)
répartie) (Flexibilité de Les actions envisagées dans le cadre de la démarche
l'installation) DFSCM fournissent souvent des leviers pour proposer
des modifications du système de décision et agir ainsi
Les cas (1, 1) et (1, M) permettent de localiser des pro- indirectement sur l'indicateur de réactivité. Ceci rend
cédés dans des pays à bas prix de revient mais ont ten- difficile la mesure de l'impact attendu et la gestion des
dance à éloigner géographiquement la production de la actions de re-conception. Pour une gestion effective de la
demande, surtout si les transports sont longs. En toute combinaison d'actions entre tous les acteurs de la chaîne
rigueur, la composante coût (coût de production + coûts logistique, il apparaît nécessaire de mettre en lumière des
de transport) de l'indicateur va baisser mais le taux de caractéristiques du système physique servant d'objectif
service aussi. L'intérêt d'une telle approche ne peut donc aux actions et fournissant les leviers nécessaires pour
se concevoir que pour les premières étapes du processus l'amélioration de la réactivité de la chaîne logistique.
de production, c’est-à-dire pour les composants de bas de L'analyse des actions proposées et de leur impact fait
nomenclature relativement standard et donc peu sujets à ressortir trois caractéristiques : (i) la réduction de diver-
fluctuation. sité réduit les variations de demande à subir mais ouvre
surtout la voie à une tension des flux ; (ii) La flexibilité
des moyens machine ou installations permet dualement
de supporter plus de variations de demande à coûts et

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taux de service constants ; (iii) Le temps de cycle pertur- propres des partenaires et l'intérêt de l'alliance, no-
bé (TCP) est, pour chaque type de variation de demande tamment pour la répartition des gains et propriétés,
Fp, le temps de cycle entre la mise à disposition d'un • chaque partenaire souhaite protéger des savoir-faire
produit au client de la chaîne logistique et un stock de la et compétences propre,
chaîne jugé stable à la variation subie : la réduction du • la répartition du pouvoir dans l'alliance : fixe, selon
TCP améliore le taux de service mais permet aussi une les projets, au gré du marché,
meilleure tension des flux et par la même une réduction • la durée et la stabilité de l'alliance (40 % durent
des coûts. Le tableau ci-dessous résume l'impact des moins de 4 ans et 85 % moins de 10 ans). Le temps
actions sur ces trois caractéristiques. de retour sur investissement des actions correctives
Moins de Plus de Moins de TCP doit être homogène avec ces durées.
diversité flexibilité
DF MA,S,T X X Les actions sur le produit ou le procédé sont des actions
Standardisation X locales à une installation. Elles ne posent donc pas de
Modularisation X X
difficulté quant à la protection des savoir-faire et des
Améliorer X X
un procédé compétences. Par contre, vu qu'elles ont des effets glo-
Flexibilité X baux, elles peuvent poser des problèmes quant à la ré-
machines partition des gains.
Inversion X X
de procédé Les actions de localisation de procédé, dans le cadre
Flexibilité X X d'une alliance, redéfinissent la part des activités réalisées
installation par chaque partenaire et par la suite le partage des béné-
Différenciation X X
géographique
fices (soit un partenaire cède une part d'activité à un
autre, soit il réalise une nouvelle implantation). Elles
Il apparaît ainsi un ordre guidant la combinaison d'ac- rentrent donc fortement en conflit avec les objectifs
tions de re-conception dans le but de gagner en réactivité propres des partenaires et leurs intérêts dans une alliance.
en tendant les flux à la demande en aval, et en simpli- Or ces actions sont souvent un facteur clé de la réussite
fiant les flux amont : d’une démarche DFSCM. Leur mise en place ne
s’envisage donc que dans le cadre d’alliances sur une
• étudier les actions locales d’un site ayant la faculté
durée longue où un partenaire peut imposer ses vues.
de réduire de manière importante le TCP : DFMA,
mais surtout Modularisation et Inversion de procé-
5 CONCLUSION
dés. Des opérations candidates à une mise en flux
tendu apparaissent ainsi.
Dans cette communication, nous avons développé les
• étudier standardisation et flexibilité des moyens
actions correctives à appliquer dans le cadre d’une dé-
pour simplifier le flux amont de ces opérations.
marche de Design For X appliquée à une chaîne logisti-
• analyser la différenciation géographique et la flexi- que. Nous avons introduit ainsi un indicateur de perfor-
bilité des installations pour rapprocher de la de- mance de la chaîne logistique qui intègre le besoin de
mande les opérations candidates (gain supplémen- réactivité de la chaîne au travers d’une mesure de la
taire sur le TCP) et mettre ainsi en flux tendu un fluctuation de la demande acceptée par celle-ci. Les
maximum d'opérations à forte diversité. actions développées touchent la conception d’un produit,
de ses procédés d’obtention ou la localisation géographi-
4 LIMITES DU DFSCM DANS LE CADRE D'UN que de ceux-ci. Elles peuvent se combiner pour amélio-
RESEAU D'ENTREPRISES rer trois caractéristiques physiques d’une chaîne (la di-
versité, la flexibilité, et le temps de cycle perturbé) et
Les installations d’une chaîne logistique appartiennent fournir les leviers au système de décision pour améliorer
rarement à une seule firme. La chaîne est ainsi un réseau l’indicateur de performance de la chaîne. Enfin, nous
d'entreprises reliées par des relations clients-fournisseurs avons discuté les limites de ces actions dans le cadre
ou divers types d'alliance. Les alliances déforment le jeu d’une chaîne définie par des alliances entre partenaires,
de la concurrence et rendent moins strictes les relations plutôt que par l’appartenance à une firme.
clients-fournisseurs (Aliouat, 1996), (Groves et Valsa-
makis, 1998). D’où leur utilité pour le développement de BIBLIOGRAPHIE
chaînes logistiques. Nous ne discuterons pas ici les di-
vers types d’alliances et leur rôle dans le cadre d’une Aldanondo M., Clermont P., Geneste L., 1997. Aide à la
chaîne logistique. Nous soulignerons plutôt qu’elles sont production de brut en production manufacturière à
avant tout le résultat de stratégies convergentes des par- demande fluctuante, MOSIM'97, Rouen, France, 5-6
tenaires et induisent des contraintes sur le fonctionne- Juin
ment de la chaîne logistique (Garette et Dussauge, 1995), Aliouat B., 1996. Les stratégies de coopération
(de Brandt, 1996) : industrielle, Collection Gestion, Ed Economica.
• l'indépendance de hiérarchie des partenaires induit Anderson A.M., 1997. Agile product development for
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MOSIM’01 – du 25 au 27 avril 2001 - Troyes (France)

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