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Rencontres Universitaires Internationales NATIONS, NATIONALISMES, NATIONALITÉS,

MINORITÉS dans l’espace euro-méditerranéen 1903-1945, 19-20 novembre 2015, Université de Corse.

Alexandros Dagkas,
« Nationalismes, irrédentismes, changements de frontières dans les Balkans. L’implication du
mouvement social, du début du XXe siècle jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale ».

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Introduction. L’Europe du Sud-Est, les nationalismes, la lutte contre le statu quo social.
1. Le mouvement social au sein des slavophones.
2. Le mouvement social en Grèce face aux minorités. Des Juifs aux slavophones.
3. Face aux slavophones, les différenciations de l’optique et de la politique du mouvement ouvrier
en Grèce sur la nation et la classe sociale.
4. L’endettement du mouvement social.
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Introduction. L’Europe du Sud-Est, les nationalismes, la lutte contre le statu quo social.

Le Sud-Est européen, à la fin du XIXe siècle, était un espace de nations. La primauté des identités
nationales n’était pas contestée par les autochtones et l’existence des frontières n’était pas négociée par
les puissances ayant le pouvoir politique. Nos recherches, centrées sur l’étude des conditions
économiques, sociales, politiques, culturelles et autres en tant que paramètres principaux du processus de
modernisation de la région, tiennent compte des caractéristiques spécifiques de l’espace appartenant à
chaque nation. La transition à la modernisation et le passage au capitalisme de la partie européenne de
l’Empire ottoman, emparée par les jeunes États bourgeois voisins, provoquèrent un conflit persistant. Au
cours de ce combat, les différentes cultures ont mis en avant des dispositions et des pratiques distinctes.
Au milieu d’une situation de heurts nationalistes qui s’accentuait constamment, le mouvement social,
dont le mouvement ouvrier et ses composantes (syndicats, partis politiques, associations culturelles et
autres) se présentaient comme la force la plus agressive, tenta, à l’entre-deux-guerres, de renverser le statu
quo dans la région. Le « grand récit » de l’antagonisme du capitalisme et du socialisme, dans les Balkans,
met en évidence les particularités de la lutte acharnée des deux systèmes sociaux adversaires, ainsi que les
malheurs survenus aux populations autochtones et réfugiées.

1. Le mouvement social au sein des slavophones.

Le développement du mouvement social parmi les populations du Sud-Est européen a des aspects
qui sont liés, à l’ère des nationalismes dans la région, aux soulèvements de libération nationale d’après
1804 dans l’Empire ottoman et l’Autriche-Hongrie, à la création des États-nations et à la construction
d’identités nationales au sein des populations autochtones. D’autres aspects sont également liés aux effets,
dans cette aire géographique, de l’évolution sociale antérieure en Europe occidentale et à la diffusion des
idéologies. Le processus du passage des sociétés locales de la structure traditionnelle à des structures
modernistes et à des réformes impliqua l’introduction des idées contestant le régime social en vigueur et
initia l’articulation d’un mouvement marxiste. Dans ce cadre, le mouvement ouvrier était destiné à se
connecter au sort des slavophones de la Macédoine.
Dans les sociétés des Slaves des Balkans, une particularité du mouvement social-démocrate est
apparue, conduisant à la mise en place d’un modèle local de développement. Les conditions
économiques-sociales d’évolution du mouvement des Slaves des Balkans étaient défavorables, dû aux
circonstances du retard du développement du système capitaliste et de la lente croissance de la classe

1
ouvrière. La fluidité de la composition des classes dans les sociétés balkaniques, l’osmose entre les
diverses couches sociales, la cohésion diminuée au sein de la classe ouvrière, étaient également
responsables de l’immobilité sociale. Le système politique, récemment libéré de la domination ottomane,
souffrait de l’absence de tradition civile et des phénomènes de distorsion du parlementarisme. Le facteur
subjectif, en revanche, fut positif. La communication avec le mouvement russe des intellectuels, un
espace où les processus initiaux se produisaient déjà depuis les années 1870, contribua à la promotion du
marxisme et du socialisme en Bulgarie à partir de 1885. En 1891, fut fondé le parti social-démocrate
bulgare. Dans les régions slaves de l’Autriche-Hongrie, la diffusion facile des idées ouvrières
européennes introduisit la création d’un mouvement local pertinent. En Croatie et en Slovénie, régions
slaves ayant une infrastructure industrielle relativement importante, furent réalisées les premières grèves
pendant les journées de la révolte de Paris en 1871 et après. En 1894, fut fondé le parti social-démocrate
croate ; en 1896, le parti social-démocrate slovène fut considéré comme partie de la social-démocratie
autrichienne. En Voïvodine, le mouvement ouvrier se développait, dans les années 1870, en relation
étroite avec le mouvement hongrois ; en 1890, fut créé un parti social-démocrate, dans lequel se sont
regroupés des socialistes serbes. En Serbie, avant l’émergence de la classe ouvrière, les socialistes
utopiques, précurseurs de l’idéologie socialiste, agirent comme lien entre les mouvements
révolutionnaire-démocrate et ouvrier, jusqu’en 1903, année de la fondation du parti social-démocrate
serbe. En Bosnie-Herzégovine, où une couche nombreuse du prolétariat était constituée de travailleurs
étrangers qualifiés, allemands et hongrois hautement rémunérés, le processus d’articulation d’un parti
marxiste fut accéléré avec la montée du mouvement national après l’annexion de la région, en 1908, par
l’Autriche-Hongrie. En 1909, fut fondé un parti social-démocrate, qui, approuvant l’idéologie de l’austro-
marxisme, préconisa l’autonomie culturelle nationale des peuples slaves des Balkans dans l’État austro-
hongrois. Malgré la vaste manipulation idéologique et l’aliénation politique des peuples, avec la culture
du nationalisme et la propagation de l’expansionnisme territorial, le socialisme gagna du terrain parmi les
intellectuels et ensuite des travailleurs. Les partis sociaux-démocrates bulgare et serbe rejoignirent la
Deuxième Internationale (Internationale socialiste). Au sein du parti bulgare, prévalut, en 1903, la
tendance des socialistes de gauche (socialistes « étroits »), courant relatif aux bolcheviks, qui, face à des
approches révisionnistes du marxisme, imposa, avec une lutte idéologique obstinée, la ligne
révolutionnaire et la perspective de la dictature du prolétariat. Suite à l’expulsion des partisans de la
politique du compromis politique, à l’application du centralisme démocratique [débat démocratique au
sein du parti, mise en œuvre uniforme des décisions en politique] et à la stabilisation de la discipline des
membres de parti, les socialistes « étroits » se présentaient comme un parti ouvrier marxiste indépendant
de l’influence de la classe bourgeoise1. Au cours des confrontations avec d’autres tendances idéologiques,
qui étaient opposées à la ligne du parti des socialistes « étroits », se détacha, en 1905, la tendance centriste
de la social-démocratie bulgare (les « anarcho-libéraux ») ; parmi les militants de la dite aile, se
distinguaient des personnalités comme Nikola Harlakov, Pavel Deliradev, Angel Tomov et le juif
Abraham Benaroya.
En Macédoine et en Thrace, régions ottomanes marquées par frictions entre les différentes
populations ethniques locales depuis le début de la décennie 1870, furent organisés des mouvements,
incités de l’extérieur, ethnocentriques ou de caractère radical. Parmi les slavophones, des autonomistes,
anarchistes, socialistes, anarcho-libéraux se mélangeaient. Le mouvement le plus énergique, celui de la
VMRO (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne), avait deux ailes, en concurrence l’une de
l’autre, essayant d’attirer les autochtones dans une lutte desservant des buts soit nationalistes soit sociaux.
Fondée en 1893 à Salonique, l’organisation attira plusieurs autochtones de la périphérie rurale. Dans les
villes des vilayets de Skopje, de Salonique et d’Andrinople, des comités révolutionnaires furent mis en
place. Des actions armées, comme l’insurrection manquée d’Ilinden en 1903 ou certaines attaques
individuelles contre des cibles humaines sélectionnées, évoluèrent avec une brutalité excessive. La

1
Cf. Augusta Dimou, Entangled Paths towards Modernity. Contextualizing Socialism and Nationalism,
Central European University Press, Budapest - New York 2009, passim.

2
promotion par l’organisation des plans expansionnistes bulgares provoqua, après 1904, la réaction serbe
et grecque, avec la mission de détachements qui s’étaient livrés à l’offensive pour gagner les autochtones
et repousser les autonomistes. Dans une confrontation fratricide entre des parties slavophones et une
guerre non déclarée, en cours avec une férocité sans précédent de tous les côtés, les autorités ottomanes,
malgré l’intervention répressive des corps d’armée et de la gendarmerie, ne pouvaient pas frapper les
bandes rebelles avec efficacité. En 1908, eut lieu la cessation de l’action armée des adversaires, avec la
décision, prise par un certain nombre de cadres de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne
(VMRO), de promouvoir leurs objectifs par la présence parlementaire et les moyens légaux2.
Le mouvement anarchiste local, quant à lui, s’engagea dans une action subversive ouverte. Ses
actions les plus remarquables étaient les attaques à la bombe qu’il mena, en 1903, à Salonique, contre des
cibles européennes3.
Les sociaux-démocrates bulgares travaillèrent, eux, dans la région pour promouvoir l’organisation
de classe. Dans le vilayet de Skopje, Vassil Glavinov, en chef du parti des socialistes « étroits » bulgares
dans la région, créa, en 1894, un groupe, dans lequel furent recrutés des ouvriers autochtones.
L’organisation minuscule, en 1896, prit le titre de Parti social-démocrate de Macédoine, affilié au parti
des socialistes « étroits » de Bulgarie. L’objectif déclaré était l’autonomie de la Macédoine au sein d’une
confédération socialiste des Balkans. L’action révolutionnaire ouvrière s’étendit au vilayet de Salonique,
où, dans la ville de Salonique, furent recrutés quelques dizaines d’autochtones slavophones. Une étape
parallèle était la coopération des « étroits » avec le mouvement nationaliste séparatiste ; Glavinov, en lien
avec le chef des autonomistes Gotsé Deltchev, déployait son activité simultanément dans les deux
mouvements. Après l’imposition du régime des Jeunes-Turcs, en 1908, les sociaux-démocrates dans le
sud de la Macédoine et en Thrace occidentale, profitant de la libre diffusion des idées, intensifièrent la
propagande dans les milieux des gens qui parlaient des dialectes locaux, macédoniens et pomaks [des
Bulgares islamisés]4. Le résultat était maigre. Le mouvement des autochtones slaves, sous domination
ottomane, puis en Macédoine grecque, constituait une moindre partie du mouvement ouvrier, offrant peu
au progrès du socialisme. Les couches sociales arriérées de la campagne, attachées à la culture archaïque
et aux croyances des ancêtres, composaient un environnement négatif pour la construction d’une
conscience sociale et d’une position politique conduisant à la révolte. L’esprit progressiste face aux
mutations sociales était principalement issu de la mobilisation du sentiment national. D’autres groupes
sociaux et idéologiques (les socialistes juifs, les travailleurs grecs, les ouvriers musulmans) présentèrent
une réponse combative et une diffusion des idées novatrices d’un niveau plus élevé.
Pendant les années de guerre, de 1912 jusqu’en 1918, les conflits nationalistes furent suspendus.
Les autonomistes de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO), renversant leur
tactique, soutinrent les objectifs bulgares d’annexion des territoires convoités5. Les revendications
sociales se tinrent également en retraite. Sauf la grève des ouvriers du tabac, éclatée, au cours de
l’intermission de paix de 1914, dans l’ensemble de la périphérie productrice de tabacs macédoniens et
thraciens, des mobilisations ouvrières dignes d’être mentionnées ne s’étaient pas développées. Le
mouvement socialiste en Thrace connut un certain développement pendant l’occupation bulgare de la

2
Cf. Fikret Adanır, Makedonya Sorunu. Oluşumu ve 1908’e Kadar Gelişimi [La Question macédonienne.
Formation et évolution en 1908], Tarih Vakfı, Istanbul 1996, passim.
3
Cf. Nadine Lange-Akhund, « Nationalisme et terrorisme en Macédoine vers 1900 », Balkanologie [en
ligne], 4, No 2, décembre 2000, mis en ligne le 20 juillet 2011, consulté le 23 septembre 2015. URL :
http://balkanologie.revues.org/320
4
Cf. Tchavdar Marinov, “We, the Macedonians. The Paths of Macedonian Supra-Nationalism (1878-
1912)”, We, the People. Politics of National Peculiarity in Southeastern Europe, Diana Mishkova (ed.),
Central European University Press, Budapest - New York 2009, pp. 107-138.
5
Cf. Igor Despot, The Balkan Wars in the Eyes of the Warring Parties. Perceptions and Interpretations,
Universe, Bloomington 2012, passim; Георги Генов, Беломорска Македония 1908-1916 [La
Macédoine égéenne, 1908-1916], Veritas et Pneuma, София 2014, passim.

3
région, en raison de l’effort des sociaux-démocrates bulgares, de 1915 jusqu’en 1918, en vue de
l’organisation syndicaliste et politique des travailleurs, soit slavophones soit grecs et turcs, dépassant ainsi
les barrières nationales. En 1919, les sociaux-démocrates rejoignirent le camp de la Troisième
Internationale (Internationale communiste) et répétèrent les luttes sociales dans la Macédoine bulgare et
yougoslave. Certains cadres de la tendance sociale de l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne (VMRO), comme Dimo Hadzhidimov, rejoignirent le parti communiste bulgare6. Lors des
élections parlementaires, la force enregistrée des communistes était relativement satisfaisante. Le parti
bulgare reçut, lors des élections du 28 mars 1920, 20,4% des voix et le parti yougoslave, lors des élections
du 28 novembre 1920, 12,3% des voix (la zone de l’ancien vilayet de Skopje y étant incluse)7.
A l’intérieur de la périphérie grecque de la Macédoine et de la Thrace, apparurent, depuis le début
de l’année 1919, des organisations du parti social-démocrate grec nouvellement créé (Parti socialiste
ouvrier de Grèce), précurseur du Parti communiste de Grèce. L’effort d’aborder, initialement, les
slavophones avait un résultat limité en comparaison des autres groupes ethniques, où le potentiel humain
des organisations sociales-démocratiques existant auparavant fut muté, composant les sections du
nouveau parti unique.
L’élément crucial, qui détermina ultérieurement le sort des autochtones slavophones du Sud-Est
balkanique, était, en 1919, la situation dans la Bulgarie vaincue de l’après-guerre et les termes du Traité
de Neuilly de ne pas maintenir, dans le pays, des forces totales de l’armée et de la police d’un nombre
d’hommes de plus de 35.000. Face à l’État partiellement démilitarisé, l’Organisation révolutionnaire
intérieure macédonienne (VMRO), puissante, englobant un grand nombre de combattants, irréguliers
féroces et impitoyables, avait le contrôle de la Macédoine bulgare et était en confrontation armée avec le
gouvernement des agrariens. Le coup d’État militaire, le 9 juin 1923, réussit grâce à la VMRO. Les
autonomistes arrêtèrent le premier ministre, Alexandre Stamboliyski, le torturèrent et, avant l’exécution,
lui coupèrent la main droite (il avait signé, le 17 mars 1923, le traité de Nish, s’engageant à bloquer les
attaques de la VMRO sur le territoire yougoslave). Ils jouèrent ensuite un rôle décisif, en septembre 1923,
dans la répression de l’insurrection du parti communiste bulgare. En dehors du pays, pareillement,
l’organisation déployait en Macédoine yougoslave les opérations de trois mille hommes et, dans la région
grecque, d’un corps de quatre cents combattants. Sur la frontière grecque, la situation devint sérieuse, en
octobre 1925, lorsqu’en réponse à un heurt provoqué par les autonomistes, la dictature de Pangalos
développa une opération militaire d’une profondeur de 40 kilomètres dans le territoire de la Bulgarie. Les
soldats grecs trouvèrent devant eux, dans la région de Pétritsi, un corps de 4.000 irréguliers. La frappe
grecque ne produisit aucun résultat, en raison de l’intervention de la Société des Nations, et la structure
des forces armées de la VMRO resta indemne8.
L’état-major de la Troisième Internationale, comprenant que l’Organisation révolutionnaire
intérieure macédonienne (VMRO) devenait virtuellement la puissance qui contrôlait, à un degré avancé,
les évolutions dans le Sud-Est balkanique, évalua la mise en valeur de la question nationale, un problème
qui offrait aux autonomistes l’atout nécessaire pour attirer les masses des slavophones de la région. Une
coalition avec eux aurait pu aboutir à une révolution locale. Après l’échec des révolutions dans les pays
capitalistes de l’Europe occidentale, naquit au siège de Moscou l’espérance de la réalisation de
bouleversements prolétariens en utilisant comme levier, dans l’Europe du Sud-Est, le mouvement
séparatiste slavomacédonien.
Le problème des nationalités avait précédemment préoccupé les organismes communistes à la fin
de 1918, après la Première Guerre mondiale. Le parti communiste bulgare, l’organisme révolutionnaire le

6
Cf. Боян Кастелов, Димо Хаджидимов. Живот и дело [Dimo Hadzhidimov. Vie et travail], Изд. на
Отечествения Фронт, София, 1985, passim.
7
Cf. Dieter Nohlen - Philip Stöver, Elections in Europe. A Data Handbook, Nomos, Baden-Baden 2010,
passim.
8
Cf. Димитър Тюлеков, Обречено родолюбие. ВМРО в Пиринско (1919-1934) [Patriotisme dévoué. La
VMRO à Pirin (1919-1934)], Благоевград 2001, pp. 145-149.

4
plus pesant dans la région, avait adopté, en 1919, la position, selon laquelle la victoire de la révolution
ouvrière dans les Balkans constituait la garantie pour une libre Macédoine, Thrace et Dobroudja. La
Fédération communiste balkanique, appareil local de la Troisième Internationale, déclara, au début de
1920, que les guerres n’avaient pas apporté la libération et l’unification nationale des peuples
balkaniques. La solution proposée était la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat, qui
permettraient de libérer les peuples des Balkans de toute sorte de domination, leur donneraient le droit à
l’autodétermination et les unifieraient au sein d’une République soviétique balkanique. Les décisions
subséquentes de la Fédération communiste balkanique, en 1921, examinaient la question nationale de
manière générale ; ils remettaient la solution à plus tard, à l’avenir, dans le contexte de la révolution
socialiste dans les Balkans. La question nationale apparut, pour la première fois, comme un point distinct
pendant les travaux de la IVe conférence de la Fédération communiste balkanique, du 10 au 13 juin 1922,
à Sofia, avec la présentation de la position que les partis communistes devaient soutenir la lutte des
minorités nationales pour leur libération. Le délégué du parti communiste yougoslave exprima son
désaccord, affirmant que, dans les Balkans, il n’y avait toujours pas de véritable mouvement
révolutionnaire national et que la question de la libération nationale et de l’unification serait résolue avec
la révolution socialiste et la création des Républiques socialistes balkaniques. Une référence spéciale à la
« question macédonienne » fut inscrite à la Ve conférence de la Fédération communiste balkanique, du 8
au 12 décembre 1922 à Moscou, qui eut lieu après la fin du IVe congrès de la Troisième Internationale (du
5 novembre au 5 décembre 1922). Les résolutions de la conférence déclaraient pour la première fois que
la Macédoine et la Thrace se joindraient en tant que républiques autonomes à la future République
soviétique balkanique. On reconnaissait également l’existence d’un mouvement de libération macédonien.
Les communistes devaient enlever l’influence de la bourgeoisie et tirer les forces nationalistes vers la
révolution socialiste.
Les premiers contacts de la Troisième Internationale avec les organisations slavomacédoniennes
en Bulgarie eurent lieu à la fin de 1922. La direction communiste réalisa, à cette époque, que la crise
révolutionnaire dans les pays européens s’était assouplie. A la recherche de nouvelles méthodes et de
nouvelles régions pour le développement de la révolution mondiale, elle choisit comme site de l’action
l’Europe du Sud-Est, où la situation restait tendue. Elle estimait que la révolution dans l’un des pays des
Balkans pourrait créer une dynamique en faveur du processus révolutionnaire à travers le continent. On
estimait aussi que le mouvement agrarien et le mouvement révolutionnaire national constitueraient les
principaux alliés de la classe ouvrière, participant à la force de frappe de la révolution. Au cours des
élaborations de la position sur la question macédonienne, le parti bulgare fut accusé par la Troisième
Internationale, durant la séance plénière du 12 et 13 juin 1923, pour son inertie, parce qu’il ignorait le
mouvement de libération nationale en Macédoine. Lors de la réunion de la Fédération communiste
balkanique du 22 au 24 août 1923, les délégués discutèrent les questions de l’autodétermination des
peuples et de la création d’une République soviétique balkanique. Il fut décidé de renforcer les
mouvements qui luttaient pour l’autonomie et l’indépendance et de les orienter vers la direction
révolutionnaire. La résolution pour les partis communistes bulgare et yougoslave définissait qu’ils
devaient élaborer des positions sur le mouvement national slavomacédonien. Le point commun des
résolutions était l’affirmation que la situation en Bulgarie et en général en Europe du Sud-Est était
révolutionnaire. Le rôle, qui était attribué à l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne
(VMRO) dans l’imminente guerre civile, était essentiel. Aux travaux de la VIe conférence de la
Fédération communiste balkanique, à Moscou, du 8 au 26 novembre 1923, le délégué bulgare Vassil
Kolarov, dans son discours, introduisit une position, selon laquelle les groupes ethniques vivant en
Macédoine voulaient créer une nouvelle nation distincte, qui serait indépendante des autres nations et
aurait son propre territoire. En outre, dans son discours, Grigori E. Zinoviev, délégué de la Troisième
Internationale, souligna qu’une nouvelle vague révolutionnaire gagnait du terrain dans le monde, avec la
potentialité de conduire, dans un avenir proche, à l’éclatement d’une révolution dans les Balkans. Il
résulte de ces thèmes qu’un problème concernant la tactique d’alliances du parti bulgare fut transformé
par l’état-major international en un enjeu stratégique pour tous les partis communistes des Balkans. La
nécessité de créer un front commun avec les organisations slavomacédoniennes contre le régime bulgare

5
exigeait l’adoption, par les partis communistes de la région, d’une politique unique sur la question
macédonienne. De cette façon, les pourparlers avec l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne (VMRO) seraient facilités, tandis que, parallèlement, les positions de l’aile sociale en son
sein seraient renforcées. Si des désaccords étaient apparus entre les partis communistes, il était
indispensable de les surmonter au nom de la révolution imminente. Le contrôle, sur les partis
communistes des Balkans, des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la ligne commune s’intensifia
après 1923, en exerçant des pressions sur la mise en œuvre de la stratégie macédonienne. La réponse des
parties était inadéquate, à cause du manque d’adaptabilité aux nouvelles circonstances et des résistances
internes9.
La Troisième Internationale, dans ses contacts avec l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne (VMRO), favorisa une attitude, par laquelle il serait possible d’isoler les dirigeants
chauvinistes et de la réorienter vers la direction nationale-sociale. Le défi était de développer une
opposition interne d’orientation révolutionnaire, qui isolerait l’aile conservatrice. A l’intérieur de
l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO), existait une aile constituée de cadres
qui étaient inspirés par une idéologie sociale. Ils avaient créé, en 1921, l’Organisation fédérale
macédonienne, ayant des positions similaires à celles de la Fédération communiste balkanique contre les
régimes monarchistes autour de la Bulgarie et en faveur d’une Macédoine unifiée et indépendante,
membre de la future République fédérative balkanique. Le 6 mai 1924, les efforts des communistes furent
couronnés par l’acceptation des positions communes par les interlocuteurs autonomistes Alexandre
Protogerov et Petar Chaulev et par la signature d’un manifeste. Les résolutions du manifeste du mai 1924
furent bientôt renversées en raison du désaccord du dirigeant autonomiste Todor Aleksandrov. Une
scission de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) survint, avec des vagues
d’exécutions de dirigeants de l’aile d’orientation sociale (de Todor Panitsa, en 1925) et de l’aile
nationaliste (d’Aleksandrov, en 1924, et de Protogerov en 1928) et avec la domination d’Ivan Mihailov au
sommet de la hiérarchie. Une autre organisation, favorisant l’alliance avec les communistes, intitulée
VMRO (ob.) [Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (unifiée)], fit son apparition en
octobre 1925, ayant comme chef Dimitar Vlahov, soutenu par Vladimir Poptomov et Nikola Harlakov. La
nouvelle opération ne parvint néanmoins pas à attirer les masses10.
Les populations locales de la Macédoine étaient, pendant la période critique jusqu’en 1925, la
victime des contestations étatiques concernant le statu quo territorial d’après guerre, ainsi que des
négociations pour une redistribution de la région ; d’autre part, ils souffraient des aspirations
révolutionnaires des autonomistes et des communistes. Les problèmes de la vie quotidienne s’accrurent à
l’extrême après l’établissement des réfugiés, privant les couches populaires de la vitalité pour le
développement d’une activité sociale. Ce fut le cas de la ville de Lerin [Florina], pendant l’hiver 1924-
1925, où perdurait une situation de misère parmi les paysans en raison d’une agriculture arriérée, des prix
élevés des biens et de l’exploitation du travail salarié. Simultanément, les réfugiés traversaient le
troisième hiver depuis leur arrivée dans la région, souffrant du froid et de la faim. Selon la plainte du
cadre de l’organisation locale du parti communiste Christos Sechidis, ils étaient obligés de soudoyer les

9
Cf. Vladimir Claude Fišera, « La dimension régionale. Slavisme, fédéralisme et communisme de la
Fédération communiste balkanique au Comité interslave (1920-1946) », Revue des études slaves, 51, No
1, 1978, pp. 85-96 ; Р. П. Гришина, «Формирование взгляда на македонский вопрос в
большевистской Москве, 1922-1924 гг. [Un regard de Moscou des bolcheviks sur la question
macédonienne, 1922-1924]», Македония. Проблемы истории и культуры [Macédoine. Problèmes
d’histoire et de culture], Институт славяноведения - Российская Академия Наук, Москва 1999 ;
Taline Ter Minassian, « Le Komintern et les Balkans », Matériaux pour l'histoire de notre temps, 71, No
1, 2003, pp. 62-70.
10
Cf. Мемоари на Димитър Влахов [Mémoires de Dimitar Vlahov], Нова Македонија, Скопје 1970,
passim ; Димитар Влахов, Предавниците на македонското дело [Traîtres à l'affaire macédonienne],
Култура, Скопје 1983, passim.

6
employés de la Commission pour l’établissement des réfugiés avec 40 ocques [1.280 grammes] de bois
ou 40 drachmes pour être enregistrés dans les listes des bénéficiaires de l’aide11.
L’inversion démographique en Macédoine, avec la réduction de la proportion des populations
autochtones – substrat humain du mouvement révolutionnaire autonomiste – et l’établissement des
réfugiés, avait un impact également négatif sur la tactique des communistes et sur leur intention de créer
une coalition politique et sociale. Les difficultés se présentaient comme étant insurmontables en raison de
l’encerclement des communautés locales par un mécanisme hostile au changement et progrès sociaux.
L’autoritarisme et l’incurie des fonctionnaires de l’État, du gouvernement et des autres institutions,
officielles ou non officielles, témoignaient de la persistance des conditions précédentes ; les nouvelles
tensions fonctionnaient comme un contrepoids face au maintien du territoire dans une situation d’urgence
et à la protestation silencieuse de la population. Le nationalisme et le chauvinisme constituaient un
obstacle à l’introduction des couches agricoles, ouvrières et petites-bourgeoises à une pensée politique
différente et à leur émergence sur la scène de la lutte des classes.
Dans un recueil d’accusations du parti communiste contre les pressions sur les résidents locaux à
Florina et leur intimidation, en juin 1925 le chef du bataillon des chasseurs Giataganas visitait les villages
et essayait de recueillir par la force les signatures des paysans en faveur de la loi sur la garde champêtre
(cependant, parmi les 8-10 villages, dans lesquels il était intervenu, un seul signa)12. A la campagne, sous
la dictature de Pangalos, après l’attentat à la bombe mis en scène par les agents du premier ministre
bulgare Alexandre Tsankov, le régime nomma comme lieutenant le chef des irréguliers Stefos et lui céda
la compétence de contrôler le territoire. Imposant la terreur, il mena son action dans 50 villages, où ses
hommes arrêtaient des paysans slavophones. Ils étaient battus et emprisonnés, bien que, dans leur
majorité, ils n’avaient pas la moindre relation avec le leader autonomiste Alexandre Protogerov et
n’avaient même pas de sympathie pour son intention de les arracher à la ploutocratie grecque et de les
jeter vers la ploutocratie bulgare13. En 1927, le lieutenant Stamboulis insultait les ouvriers et les paysans ;
il frappa le citoyen Papanikolaou après un débat politique entre eux. Le capitaine Zoglopitis frappa, dans
une école de danse, un caporal pour avoir participé à la fête ; il réitéra, le lendemain, l’utilisation de la
violence contre cet homme avant de l’envoyer en prison14. En février 1927, à la frontière, dans la région
du lac Megali Prespa, les autochtones perdirent leur droit de pêche, parce que l’entrepreneur Liogdas
avait loué le lac. Plusieurs habitants du village de Nivitsa [Psarades], au bord du lac, furent sauvagement
battus par les gendarmes pour avoir violé l’interdiction15. Au cours de l’année 1927, la bureaucratie de
l’État épuisait les paysans. Pour payer les amendes qui leur étaient imposées, ils étaient contraints de faire
des longs itinéraires (d’une durée de 10 heures pour les villages les plus éloignés) jusqu’à la ville de
Florina. Ils erraient dans les rues jusqu’à ce que le service ouvre de 9 heures du matin à 4 heures l’après
midi ; ils devaient rester deux ou trois jours dans la file d’attente. Les employés du service se
comportaient à leur égard avec mépris16. De même, les habitants de la ville de Florina souffraient de la
politique de la municipalité. Le maire de Florina, Ioannis Theodosiou, imposa une fiscalité
proportionnelle à l’étendue des champs en stremmes [1.000 mètres carrés], planifia une dépense
administrative annuelle de 76.000 drachmes et embaucha huit gardes champêtres avec un salaire mensuel
de 800-900 drachmes. La taxation procurait 167.000 drachmes. Le maire affirmait qu’il utilisait la somme
restante pour les œuvres municipales, mais l’éclairage public, le maintien des rues et les autres soins
demeuraient encore dans un état lamentable. Au bord de la rivière de la ville, dans les quartiers de l’autre
rive, les familles n’avaient pas accès à leurs maisons puisque les eaux avaient détruit la route mais le
maire ne se souciait pas des réparations nécessaires. Toutefois, il fit construire des ponts devant les

11
Cf. Ριζοσπάστης [Radical] (Athènes), 5-12-1924.
12
Ibid., 15-6-1925.
13
Ibid., 23-9-1926.
14
Ibid., 15-2-1927.
15
Ibid.
16
Ibid., 21-9-1927.

7
maisons des propriétaires fonciers, de Sapountzis et de Filippidis, et du président du conseil municipal
Stefanos Lokmanis. Le 12 mai 1927, à la foire annuelle hors de la ville, sur un terrain municipal ouvert
près de la caserne, les gagne-pain mirent en place des baraques pour la vente de leur marchandise et
durent verser chacun à la caisse de la mairie la somme considérable de 200 drachmes pour l’utilisation de
l’espace. Suite à des pluies incessantes, le petit commerce connut des pertes. La décision initiale du maire
de prolonger la fête après le lundi 16 mai 1927 fut révoquée en raison de l’intervention des marchands
Christos Fiskas, Grigorios Sapountzis et Giannakis Karozis, provoquant l’indignation de l’opinion
publique17.
Avec très peu d’appuis en Macédoine grecque, l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne (VMRO) sous les ordres de Protogerov, puis d’Ivan Mihailov, appliqua principalement la
tactique du recrutement des volontaires extérieurs et de l’exécution, sur le territoire grec, d’actes agressifs
et terroristes18. Dans un recueil d’actions des groupes autonomistes armés, en référence au cas des
événements au cours du mois d’octobre 1933, le 2 octobre 1933 dans l’après-midi des télégrammes
chiffrés reçus par le Commandement supérieur de la gendarmerie de Macédoine et par le Troisième Corps
d’armée confirmaient l’information de l’invasion d’un groupe de huit « comitadjis » [irréguliers de la
VMRO] sur le territoire grec. Ils avaient secoué la région de Skopje et, chassés par les autorités serbes,
avaient traversé la frontière. Apparus dans la région de Koukous [Kilkis], près du village Slopnitsa
[Doganis] à l’endroit appelé Mikro Dasos, ils s’affrontèrent à des détachements grecs. Un des irréguliers,
qui fut arrêté, était Theodoros Gougoulov, natif de Florina émigré en 1930 en Bulgarie. Le télégramme
chiffré suivant adressé au Commandement supérieur de la gendarmerie de Macédoine, le même jour à 20
heures le soir, rapportait qu’un détachement mixte [soldats et gendarmes] avait rencontré le groupe des
irréguliers et qu’ils avaient échangé des tirs. Une autre partie du groupe, qui marchait vers le village
Matsikovon [Evzoni], affronta des détachements de poursuite. Le 3 octobre 1933, selon les annonces des
autorités militaires, communiquées à 1 heure 45 de la nuit, un groupe d’irréguliers attrapé sur le territoire
grec avait affronté un détachement dans la périphérie d’Ano Girmpatch [Ano Sourmena], dans la région
de Kilkis, et ils avaient échangé des coups de feu. Le 3 octobre 1933, apparurent, à 6 heures et demi de
l’après-midi, trois groupes d’irréguliers en dehors du bourg de Souboskon [Ardaia], dans le village
Bachovon [Promahi]. Au moulin du village, ils capturèrent trois bergers, qui, sous la menace des armes,
furent forcés de leur remettre tous les aliments. Les autorités policières prirent des mesures immédiates
pour trouver et arrêter les « comitadjis ». Le 19 octobre 1933, le préfet de la région de Vodena [Edessa]
informa par télégramme l’Administration générale de Macédoine qu’on avait trouvé les traces d’un
groupe de cinq irréguliers dans la région du mont Kaimaktsalan, au lieu-dit Kalyvia. Ils capturèrent une
vieille paysanne et lui posèrent des questions au sujet de la force de la police à proximité du village, puis
l’abandonnèrent avant de prendre une destination inconnue. Le groupe rencontra, le même soir, un
détachement militaire, fut impliqué dans une fusillade qui dura jusqu’à la nuit et, prenant avantage de
l’obscurité, réussit à s’échapper laissant sur le champ un mort. Le 20 octobre 1933, l’après-midi, aux
alentours du village d’Ano Radovon [Ano Koryfi] dans la périphérie de Karatzova, un groupe de trois
irréguliers tenta de passer près des bergeries de Bey et des frères Nanas. Ils furent perçus par les chiens
des troupeaux et furent attaqués par les éleveurs, assistés par le garde forestier Virozis. Après une bataille
de trois heures, deux « comitadjis » furent tués. Le troisième, blessé au bras, prit la fuite, mais fut arrêté
par les villageois et fut remis au détachement le plus proche de la gendarmerie. Le 24 octobre 1933, un
groupe de « comitadjis » apparut dans la région de Kilkis, au nord du village Kilintir [Kalindia]. Ils
arrêtèrent un meunier et lui demandèrent du pain et des informations sur le mouvement des détachements

17
Ibid., 29-1, 24-5, 17-9-1927.
18
Cf. National Archives of the United States, M868, Greece 1930-1939, Skinner to Dept. of State -
Washington, Regarding: the efforts exerted by the Bulgarian Commitadji organisations to stimulate an
influx of Bulgarians from the United States to Western Macedonia, Athens 29-6-1931, 1 p.; Лазар
Колишевски, Аспекти на Македонското Прашане [Aspects de la Question macédonienne], Култура,
Скопjе 1962, pp. 110-111.

8
de poursuite ; puis ils partirent en destination de la frontière bulgare. Le 25 octobre 1933, un télégramme
urgent des officiers dirigeant les mouvements des détachements de poursuite, envoyé au Commandement
supérieur de la gendarmerie de Macédoine, fournit l’information qu’une équipe de trois « comitadjis »
avait pénétré, dans la région de Serres, dans le fort Dova Tepe, où elle avait attaqué les huttes de l’éleveur
Karakostas ; ils s’étaient fournis en nourriture avant de disparaître. La poursuite du groupe était
extrêmement difficile en raison du temps pluvieux et du terrain rugueux19.
En référence au terrorisme, dans un cas à la fin de septembre 1927, furent arrêtés, à Salonique,
Vassil Nanov, provenant du village de Kilintir [Kalindia] de la région du lac Doïran, résident à Sofia, et
Georgios Koulelis, agriculteur, portant des explosifs destinés à des attentats à la bombe contre des cibles
serbes (le consulat, la banque, les installations dans la Troisième Foire internationale de Salonique, la
Zone franche du port). En deux mois, ils furent condamnés à mort20. Dans un autre cas, le 11 octobre
1933, à midi, sur la ligne de chemin de fer Monastir-Florina, à côté du pont de chemin de fer à Kenali, fut
retrouvée une bombe qui allait faire sauter le train passant. Selon les milieux anti-communistes, la
tentative rendit raisonnables les commentaires sur la coopération du parti communiste grec et du comité
bulgare [VMRO] et aida à répandre les rumeurs, favorables aux communistes, concernant des agressions
contre la Grèce ; l’objectif des communistes était de donner l’impression au monde qu’il existait, en
Macédoine grecque et serbe, des minorités, dont l’intérêt serait leur indépendance, et que les autochtones
soulevaient déjà et élargissaient leurs activités jusqu’aux portes de Salonique21. Dans un cas – à l’échelle
des Balkans – des actions terroristes des autonomistes, leur coopération avec le mouvement croate des
Oustachis sous Ante Pavelitch était efficace. On conçut et réalisa l’extermination du roi de Yougoslavie,
Alexandre Karageorgévitch, le 9 octobre 1934, à Marseille, par l’exécuteur de l’organisation Vlado
Tchernozemski22.
Les activités et la nature de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) – le
terrorisme, pas la massification du mouvement – et, de surcroît, les conditions objectives (les
bouleversements démographiques, les changements dans le système du capitalisme) se révélèrent être des
éléments cruciaux pour en déduire les aspirations séparatistes. Au fil des ans, la possibilité de créer un
État séparé dans la région géographique de la Macédoine disparut. Les plans communistes ne furent
également pas couronnés de succès. Au contraire ils se révélèrent théoriquement rigides et politiquement
volontaristes. La Troisième Internationale suspendit les préparatifs de soulèvement en Bulgarie, mais la
politique de coalition avec les autonomistes resta en vigueur. Dans les positions du VIIIe congrès de la
Fédération communiste balkanique, en 1928, se définit la tâche des partis communistes de travailler pour
l’intégration des mouvements libérateurs des peuples opprimés de l’Europe du Sud-Est dans un front
révolutionnaire des ouvriers et des paysans. Ainsi, la propagation, par les partis communistes, de la
position sur une Macédoine et une Thrace unifiées et indépendantes se poursuivit inchangée23. En 1929,
l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (unifiée) [VMRO (ob.)] entra en contact direct
avec le Parti communiste de Grèce, considérant qu’après avoir atteint la coordination de l’action entre les
mouvements national et communiste, l’entente directe était essentielle pour clarifier les aspects pratiques
de la coopération. Dans une lettre, envoyée en septembre 1929, les autonomistes se référaient, entre
autres, à la question de la création d’organisations dans la périphérie macédonienne restant sous le régime

19
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος [Courrier de la Grèce du Nord] (Salonique), 2,5,14,20,21,25,26-
10-1933.
20
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων [Journal des Balkans] (Salonique), 27 à 29-9-1927 ; Archives de la Cour
d’assises de Salonique, Procès verbaux, 1927, Νο 66, 19 à 22-11-1927.
21
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 13-10-1933.
22
Cf. Митре Стаменов, Атентатът в Марсилия. Владо Черноземски. Живот, отдаден на
Македония [L’attaque à Marseille. Vlado Tchernozemski. Une vie consacrée à la Macédoine], Издание
на ВМРО-СМД, София 1993, passim.
23
Cf. National Archives of the United States, Bulgaria 1910-1944, 874, Bulgaria - Communism. A review
of the Communist Movement in Bulgaria, Sofia 9-1-1930, 30 pp.

9
grec, admettant que, malgré les efforts, ils avaient échoué à établir une structure de partisans et de cadres.
Comme cause fut déterminée la taille extrêmement diminuée de la base humaine suite aux accords de paix
et au départ des masses autochtones turques, bulgares et autres. La population non-grecque des
autochtones macédoniens avait été noyée dans une mer de réfugiés. Le changement violent, imposé par la
bourgeoisie grecque et l’impérialisme, ne fut pas accepté par les macédoniens et la question nationale
existait toujours au détriment des minorités nationales opprimées. L’Organisation révolutionnaire
intérieure macédonienne (unifiée) [VMRO (ob.)] se battait pour les droits de la population autochtone
opprimée, slavophone et grecque, contre la dénationalisation violente de la région et le coup économique
provoqué par la répartition de la Macédoine ; la VMRO (ob.) luttait également contre les injustices à
l’égard des réfugiés qui subissaient une « macédonisation » par leur inclusion dans cette zone
économiquement malade. De l’autre côté, le Parti communiste de Grèce constituait un facteur
d’intervention qui était indispensable, dans le but de mobiliser les masses ouvrières, la composante
révolutionnaire la plus constante de la société, et de les incorporer dans le mouvement national
révolutionnaire. Pour les mesures organisationnelles directes, les propositions des autonomistes étaient
liées à la mise en place du siège du commandement provisoire de la VMRO (ob.) dans la ville de
Salonique, en utilisant ce pôle pour recruter des nouveaux membres et pour développer la propagande et
l’action24. La programmation ci-dessus se révéla être une rhétorique indicative du volontarisme. Et le
moindre progrès ne fut pas non plus réalisé. En 1930, fut répétée la tentative d’un agissement, centré à
Salonique, mais en vain. En 1931, une équipe centrale fut finalement constituée en ville, avec des
mobilisations subséquentes, en 1932, pour créer un réseau de groupes dans d’autres régions de la
Macédoine grecque25. En 1933, un rapport, rédigé par les autonomistes de l’Organisation révolutionnaire
intérieure macédonienne (unifiée) [VMRO (ob.)], signalait comme défaillant le développement du
mouvement révolutionnaire national dans la périphérie grecque26. Sur les autres fronts également, en
Bulgarie et en Yougoslavie, la force de l’organisation suivit le trajet d’épuisement de ses alliés, des partis
communistes, jusqu’à sa dissolution en 193627.
La position communiste sur la question macédonienne changea, après les recommandations de
l’état-major de Moscou, pendant le tournant international au cours des années après 1933 et la création du
front des communistes et de la bourgeoisie libérale contre le fascisme28. Le mot d’ordre pour
l’engagement dans des luttes nationales – non de classe – fut adopté. Au niveau européen, le Parti
communiste de Grèce se trouva dans une position prometteuse et tira profit de la situation politique du
pays, espace gardant les libertés civiles jusqu’en 1936, par opposition aux modèles étatiques du « cordon
sanitaire » antibolchevique construit autour de l’Union soviétique, aux régimes autoritaires promulguant
des lois anti-communistes draconiennes et aux dictatures. Pendant la phase de la consolidation de
l’organisation du parti communiste grec, un petit nombre de macédoniens (des hommes, pas des femmes)
se rejoignirent en tant que membres ; certains, comme Andreas Tsipas ou Lazo (Lazaros) Zisiadis-
Terpofsky, émergèrent comme cadres dans la hiérarchie. Ce ne fut cependant pas, dans ces cas-là, un

24
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres,
VMRO (ob.) à Parti communiste de Grèce, Berlin - septembre 1929, signé : Vladimir Poptomov, non
classifié (copie).
25
Ibid., Lettres, VMRO (ob.) à Centre révolutionnaire balkanique, Berlin 21-3-1932, signé : Dimitar
Vlahov - Vladimir Poptomov - Jordan Anastasov, non classifié (copie).
26
Ibid., Lettres, VMRO (ob.) à Fédération communiste balkanique, Berlin 23-10-1933, signé : Vladimir
Poptomov, non classifié (copie).
27
Cf. Public Record Office, FO 286/1131, British Legation - Sofia, C. H. Bentinck to Samuel Hoare,
Sofia 26-9-1935, 3 pp.; Дечо Добринов, ВМРО (обединена) [VMRO (ob.)], Университетско
издателство Св. Климент Охридски, София 1993, passim.
28
Cf. Dimitrov and Stalin, 1934-1943. Letters from the Soviet Archives, Alexander Dallin - F. I. Firsov
(eds.), Yale University Press, New Haven - London 2000, p. 12; The Diary of Georgi Dimitrov, 1933-
1949, Ivo Banac (ed.), Yale University Press, New Haven - London 2003, pp. 28-29.

10
processus de diffusion du communisme dans les milieux des couches autochtones ayant une conscience
ethnique macédonienne, mais l’affiliation au communisme de personnes ayant une multitude de
consciences nationales qui utilisaient la qualité de l’autochtone slavophone en vue de sa mise en valeur
pour le bien du parti. La période de l’amplification des idées communistes et de l’intervention du parti
grec dans la vie politique (aux élections législatives du 26 janvier 1936, 5,7% des voix) se termina
violemment après l’imposition de la dictature fasciste du 4 août 1936, avec la désarticulation complète de
la structure organisatrice. A cet égard, les autres sections de la Troisième Internationale dans les Balkans
(les partis roumain, bulgare et yougoslave), dans des conditions graves, hors-la-loi, et épuisées par
l’extermination impitoyable de la plupart de leurs cadres, réfugiés politiques en Union soviétique, pendant
les purges des années 1936 à 1939 dans l’appareil communiste, furent trouvées en marge. Durant la
période jusqu’à l’entrée de la Grèce dans la Seconde Guerre mondiale en 1940, furent incarcérés, dans la
forteresse d’Acronauplie, à Nauplie dans le Péloponnèse, les slavomacédoniens Lazaros Adamopoulos ou
Damos (dont le métier était tapissier), Zisis Deliopoulos ou Batzios (agriculteur, Kastoria), Lazaros
Zisiadis-Terpofsky (agriculteur, Kastoria), Theodoros Efthymiadis (ouvrier fourreur, Kastoria), Petros
Kentros (cordonnier, Florina), Tasos Karatzas (agriculteur, Kastoria), Mitsos Letskas (Florina), Lazaros
Bozinis (agriculteur, Kastoria), Giorgis Paschos, Kyriakos Pilais (agriculteur, Xyno Nero de Florina),
Andreas Tsipas, Rousalim Harizanis (ouvrier du tabac, Serres), Evripidis Orologas (étudiant, Kastoria)29.

2. Le mouvement social en Grèce face aux minorités. Des Juifs aux slavophones.

Le parti communiste grec, confronté aux changements dans le mouvement ouvrier international,
était amené à planifier des modèles organisationnels successifs et à transformer sans cesse sa ligne
politique. En s’affiliant à la Troisième Internationale, en 1919, avec son fonctionnement, en accord avec
ses statuts, comme section locale d’une organisation internationale unique, récepteur des décisions de
l’état-major de Moscou et des autres appareils (Fédération communiste balkanique, Bureau de Vienne), le
parti connut des conflits concernant les orientations politiques, personnifiés par les anciens cadres – parmi
lesquels les dirigeants ouvriers juifs – et les jeunes militants.

Au sein de la mosaïque multiethnique de la Macédoine et de la Thrace, le mouvement social


profita, après le changement de régime en 1912, de l’incorporation, parmi les minorités, des groupes
progressistes juif, musulman (jusqu’en 1923 en Macédoine) et arménien. Parmi eux, l’élément juif de
Salonique était l’avant-garde. L’action antérieure du mouvement juif de la ville constitua un héritage pour
le futur développement du parti communiste grec. Sous domination ottomane, les travailleurs juifs de
Salonique rejoignirent en masse, en 1908, la Fédération socialiste ouvrière, organisation marxiste en
contact avec les social-démocraties slaves des Balkans, membre de la Deuxième Internationale. Après
1912 et l’intégration de la région dans l’État grec, l’organisation juive était en première ligne du
mouvement grec30 ; elle prit des initiatives créatrices, au cours de la Première Guerre mondiale, en faveur
des intérêts sociaux grecs. Du point de vue organisationnel, la Fédération fit preuve de persévérance dans
l’effort de contribuer à l’unification, dans un seul parti, des organisations de la classe ouvrière de la
Grèce. Dans le parti ouvrier marxiste unifié (Parti socialiste ouvrier de Grèce), en 1918, l’éclaircissement
de la stratégie, du programme et des paramètres organisationnels fut influencé par l’intervention théorique
et idéologique d’Abraham Benaroya et des autres pionniers juifs et grecs, vers la direction social-
démocratique réformiste. Le glissement du parti, en 1919, du camp social-démocrate au communisme,

29
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration
des éléments.
30
Cf. Nia Perivolaropoulou, « La fédération balkanique comme solution des problèmes nationaux : le
projet social-démocrate (1909-1915) », Matériaux pour l'histoire de notre temps, 35, No 1, 1994, pp. 29-
35.

11
produit de la réflexion imposée par la réalité du pouvoir soviétique et de l’exaltation révolutionnaire
mondiale, suscita une agitation au sein du parti, avec un conflit entre les modérés et les radicaux. Après
1922, la mise à distance des tendances idéologiques social-démocrate et communiste était totale. Les
membres de Salonique autour d’Abraham Benaroya furent radiés.
Les dirigeants juifs, avant leur marginalisation, générèrent un désordre autour de l’hypothèse
communiste, par la confusion qui saisit les membres et les partisans du parti communiste grec en ce qui
concernait la suprématie dans le mouvement ouvrier. La direction du parti publia, en février 1924, dans le
journal Rizospastis [Radical], l’annonce de la Fédération communiste balkanique sur la reconnaissance
officielle du parti communiste grec, lui attribuant le sens d’une déclaration de la culpabilité des dissidents
juifs. Le parti encourageait les travailleurs à abandonner ces hommes pour qu’ils ne puissent plus gêner la
mission historique de la classe ouvrière31. Bientôt, l’organisation locale du parti à Salonique diffusa une
déclaration disant qu’elle ne reconnaissait pas ces anciens membres radiés qui voulaient imposer une
politique opposée aux résolutions de la Troisième Internationale et de la Fédération communiste
balkanique, en essayant de semer la confusion et de saper la discipline et l’unité du parti. L’organisation
de la section de Salonique confiait à tous ses membres la tâche de combattre méthodiquement les efforts
de ces renégats, démontrant la volonté de défendre le parti et prêchant la lutte d’épuration sous la conduite
du comité central du parti32.
Mais en réalité, la Fédération communiste balkanique se montrait sceptique. Dans une de ses
interventions, le 20 mars 1924, elle demandait aux dirigeants d’Athènes de ne pas radier arbitrairement
des cadres tels que Benaroya. Le parti devait prendre soin de se dégager des éléments qui se révélaient
dangereux et incorrigibles, mais pas des personnes qui adoptaient des positions erronées en raison de
l’absence de clarté de la situation et des questions qui se posaient33.
Les avertissements ne contribuèrent pas à une réconciliation, parce que le cercle autour de
Benaroya préféra couper les liens et devenir autonome. Parmi les autres Juifs, fut établie, en 1924, une
tendance d’ajustement à l’intérieur du parti, en pleine rupture avec les racines du mouvement social et
l’émergence de nouveaux cadres juifs voués à incarner la ligne idéologique et politique de l’état-major
international. L’ordre de la Fédération communiste balkanique adressé au parti grec concernant l’adoption
du mot d’ordre d’une Macédoine et d’une Thrace unifiées et indépendantes, en suspens depuis 1923, fut
entièrement mis en œuvre à la fin de 1924. Un effet visible fut une nouvelle scission à Salonique et
l’élimination des dissidents. Des escarmouches verbales éclatèrent. Avec une lettre, envoyée au journal
Rizospastis [Radical] en février 1925, certains cadres de Salonique affirmèrent leurs objections à propos
de la question macédonienne. La direction du parti provoqua une querelle, répondant que les dissidents
(appelés, avec mépris, par le journal Foni tou ergatou [Voix du travailleur] « descendants d’Abraham » –
par le nom d’Abraham Benaroya –) préféraient voir les organisations macédoniennes soutenir le premier
ministre de la dictature bulgare Alexandre Tsankov. La réponse du parti, quant au fond, était que la
coopération des communistes avec les autonomistes n’était pas une question d’intérêt national mais
d’intérêt révolutionnaire national et que l’indépendance de la Macédoine ne dépendait pas de
l’établissement d’un gouvernement ouvrier-paysan, mais constituait un problème de libération nationale
qui pourrait être résolu, également, dans un régime bourgeois34. Le journal communiste juif Avanti! (il
était publié en langue judéo-espagnole) enregistra sur la feuille du 1er mars 1925 une annonce, dans
laquelle on soutenait que six cadres de l’organisation du parti à Salonique, le juif Isaac Amon et les grecs
Dimitrios Yotas, Kyriakos Fragopoulos, Konstantinos Aspropoulos, Petros Michailidis et Georgios
Peltekis, membres ayant un passé chargé de fautes (il s’agissait, en fait, d’anciens membres, cadres

31
Cf. Ριζοσπάστης, 8-2-1924.
32
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, documents de Stylianos Kandylakis, Parti socialiste
ouvrier de Grèce (communiste) - Section de Salonique, 27-2-1924, 1 p., non classifié.
33
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres, G.
Dimitrov à Parti socialiste ouvrier de Grèce (communiste), Vienne 20-3-1924, non classifié (copie).
34
Cf. Ριζοσπάστης, 25-2-1925.

12
compétents), effrayés par les persécutions fascistes, s’étaient déclarés contre l’autonomie de la
Macédoine, ce qui avait provoqué leur expulsion. Dans la même phase, Aristidis Dimitratos, ouvrier du
tabac et cadre syndicaliste, se retira du parti35.
Le processus d’intégration du parti grec à la Troisième Internationale, avec le dommage collatéral
de la radiation des cadres historiques, ainsi que sa participation à l’action pour atteindre le renversement
révolutionnaire en utilisant pour levier la question macédonienne, mit en évidence les lacunes
idéologiques et politiques locales. Dans la situation complexe que le mouvement avait devant lui, les
membres obéissaient à la stratégie du centre international sans comprendre la tâche principale, la défense
de l’Union soviétique, et les manœuvres tactiques dans lesquelles s’inscrivait la question macédonienne.
Abraham Benaroya, qui avait participé, auparavant en Bulgarie, au différend idéologique et théorique des
marxistes contre le nationalisme et chauvinisme sionistes, soutenant des positions similaires à l’approche
de Karl Kautsky36, s’était accoutumé aux aspects de la question nationale, sans toutefois disposer de la
compétence éducative nécessaire. En général, dans la lutte politique, le prolétariat juif constituait une base
solide pour le parti grec, mais avec une dynamique limitée. Il possédait un capital culturel, donnant une
qualité et un prestige au parti ; d’autre part, il n’avait pas la taille quantitative requise, les données
démographiques adéquates, par lesquelles, et par le biais d’une redistribution spatiale et d’un resserrement
des relations avec les communautés chrétiennes, il pourrait se joindre à des planifications d’un niveau
plus haut et assurer l’énergie exigée pour la promotion des objectifs stratégiques ultimes. Après 1923, le
poids du facteur juif se réduisit, suite aux choix de tactique de la Troisième Internationale en vue d’une
résurgence de la révolution mondiale qui s’appuierait sur l’alliance, dans les Balkans, avec les
autonomistes armés. Dans l’évolution du différend de la tendance sociale-démocratique avec celle
bolchevique, les cadres historiques juifs participèrent activement au conflit et furent transformés en
victimes, sans être en désaccord avec la « bolchevisation » [processus de développement du parti
communiste à un parti léniniste de « type nouveau »] mais avec les choix politiques qui vinrent avec la
« bolchevisation ». Considérant comme contradictoire l’équilibre idéologique du mouvement communiste
entre les paramètres national et international, ils optèrent pour les traitements locaux de la ligne du parti
(la lutte professionnelle et politique), et non l’acceptation et l’application de la ligne du centre
international (révolution directe), et insistèrent sur une approche révolutionnaire marxiste correcte (une
révolution socialiste en Grèce en termes marxistes) au lieu du pragmatisme politique (l’alliance tactique
avec le mouvement autonomiste en Balkans), poussés vers la sortie et bientôt vers la démobilisation.
La deuxième génération juive au sein du parti fut appelée à mettre en œuvre la politique
d’exploitation du facteur slavomacédonien.
En ce qui concernait l’appareil communiste illégal de Salonique, qui appartenait au réseau
balkanique du parti communiste bulgare et desservait simultanément les affaires de la VMRO (ob.)
[Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (unifiée)], la personne en tête était le journaliste
juif Leon Karasso, membre protégé [inconnu] du parti grec, collaborant avec les bulgares Anton
Nedjalkov et Petar Konstantinov. Abraham Benaroya, employé comme agent maritime de la société
soviétique Sovtorgflot, aidait au transport des matériels même s’il avait été retiré du parti grec. Les
maniements du travail illégal étaient une hypothèse dangereuse. En octobre 1926, Karasso apprit que
deux assassins professionnels de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO)
avaient entrepris l’exécution de Konstantin Bosniak, un Albanais qui soutenait les communistes. Bosniak
se trouvait à Salonique en provenance de Vienne pour conclure un accord avec des compatriotes,
membres d’un groupe révolutionnaire albanais siégeant sur place. La police de la ville s’était informée
mais exposait un comportement passif, soutenant leur œuvre. Karasso renseigna en urgence Anton
Ivanov, qui faisait le lien avec l’appareil illégal de la Troisième Internationale à Istanbul, pour qu’il
informe, à Vienne, le centre communiste (Département des contacts internationaux [OMS]) et

35
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 28-2-1925 ; Μακεδονικά Νέα [Nouvelles macédoniennes] (Salonique), 2-
3-1925.
36
Cf. Karl Kautsky, Rasse und Judentum, Dietz, Stuttgart 1914, passim.

13
l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (unifiée) [VMRO (ob.)]. Un autre problème était
la résidence, en suspens, à Salonique d’un groupe de révolutionnaires bulgares, réfugiés politiques qui
avaient rejoint le parti communiste grec. Ils vivaient dans une pauvreté absolue, parce qu’en tant que
réfugiés illégaux, ils ne pouvaient pas travailler. Karasso contribuait financièrement, seul, étant donné que
le Secours rouge international (MOPR) ne les aidait pas et que le secrétaire régional du parti pour la
Macédoine et la Thrace, Ioannis Monastiriotis, avait, selon sa déclaration, trop de travail avec les Grecs
pour faire face aux problèmes des réfugiés politiques. En outre, la tâche primordiale de Karasso était le
recrutement des slavophones de la Macédoine grecque dans le parti. Il profita du travail préparatoire de
Christo Iankov, cadre du parti bulgare qui passa par Salonique, l’été de 1926, pour accomplir ce but.
Karasso rétablit une chaîne de communication dans la région de Florina avec des camarades qui
inspiraient confiance37.
La diaspora juive dans l’espace macédonien et thracien contribua à la diffusion de l’idéologie et
de la tactique communiste (ainsi que des objectifs autonomistes) dans les zones rurales. Dans le cas du
département d’Évros, en Thrace, le préfet Tzanettos, qui prit ses fonctions en janvier 1928, constata que
les idées subversives avaient pénétré toutes les couches de la société et rédigea immédiatement un rapport
à l’attention de l’Administration générale de Thrace, dans la ville de Komotini (le document, bien que
classé comme confidentiel, fut soustrait par le parti communiste). Il y était rapporté que le communisme
avait infecté les ouvriers, paysans, soldats, élèves, instituteurs, même les gens ayant une aisance
économique. Toutes les périphéries, Alexandroupolis, Ferrai, Souflion, Didimotihon, Nea Orestias,
étaient tenues par les communistes juifs – arméniens aussi et musulmans –, tandis que, extérieurement,
elles étaient enfermées par l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) qui
travaillait pour l’autonomie de la Macédoine et de la Thrace38.
La position particulière, qui caractérisait l’engagement des communistes juifs pendant la mise en
œuvre de l’ordre du parti sur la question macédonienne, était celle de la lutte sur deux fronts, développée
contre le chauvinisme des couches bourgeoises de la Grèce et le chauvinisme sioniste. Au cours des
éclatements des différends au sein des communautés juives, la partie communiste, en alliance avec l’aile
sociale du sionisme (sionistes sociaux-démocrates et communistes), se mettait en rivalité et provoquait
souvent des rixes avec les sionistes nationalistes et la tendance juive généralement conservatrice et
réactionnaire, dans la mesure où le communisme progressait et créait des appuis idéologiques dans la
société grecque. D’autre part, la dispute des communistes juifs avec le bloc de la bourgeoisie grecque
évoluait continuellement. Pendant la diffusion du mot d’ordre communiste pour une Macédoine et une
Thrace unifiées et indépendantes, le nouvel élément, à la fin des années 1920, était le renforcement du
chauvinisme grec (l’intolérance ostensiblement appelée « nationalisme ») et du fascisme, mouvements
dans le spectre de l’anticommunisme et de l’antisémitisme qui avaient attiré un petit nombre d’adeptes.
L’aile nationaliste extrémiste du sionisme était liée, de diverses manières, à ces courants dans les hauts
échelons. Dans les conditions de la crise économique mondiale, la situation, après 1930, déborda,
déclenchée par l’adhésion, en Bulgarie, des sionistes à l’organisation de la jeunesse de l’Organisation
révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) et par leur alignement avec les revendications des
autonomistes (en fait, les plans de Sofia pour une Grande Bulgarie). La fomentation, de ces faits, de
l’antisémitisme en Grèce créa, en 1931, dans la conscience de certaines basses couches sociales,
l’impression de la culpabilité collective des Juifs indépendamment de l’idéologie et les cibla comme des
ennemis de la patrie grecque. Jusqu’à ce temps-là – et, puis, jusqu’en 1935 –, les mots d’ordre contre la

37
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres,
Leon Karasso à An. Ivanov -Constantinople, Salonique 6-10-1926, non classifié (copie) ; Leon Karasso à
An. Ivanov -Constantinople, Salonique - novembre 1926, non classifié (copie) ; An. Ivanov à G.
Dimitrov, Constantinople 1-11-1926 et 3-11-1926, non classifié (copie) ; Leon Karasso à An. Ivanov -
Constantinople, Salonique 11-11-1926, non classifié (copie) ; An. Ivanov à Leon Karasso -Salonique,
Constantinople 24-11-1926, non classifié (copie).
38
Cf. Ριζοσπάστης, 3-3-1928.

14
nation et en faveur de la perspective de classe, complotant contre l’intégrité de l’État grec, appartenaient
aux communistes (y compris les communistes juifs). Au cours de la vague de chauvinisme et
d’antisémitisme, les fascistes inclurent, dans le cercle des ennemis de la nation, tous les Juifs,
indépendamment de leur appartenance idéologique et politique, en procédant à des actes innommables. A
titre indicatif, à Salonique, le lundi 29 juin 1931, les membres de l’organisation fasciste EEE (Trois
Epsilon) incendièrent le quartier juif Campbell39. Dans la ville de Kostour [Kastoria], le samedi 2 juin
1934, des groupes fascistes commirent des agressions contre les autochtones israélites, renversèrent les
plaques du cimetière juif et brisèrent les vitres de maisons40.

Le cas échéant, des poursuites policières furent effectuées. Les Juifs répondaient par des actes
d’agression. Dans un recueil de faits, au début de février 1925, à Salonique, furent produits dans
l’imprimerie du journal Avanti! (dont le journaliste Jacques Ventura était rédacteur en chef) des tracts
prônant l’autonomie de la Macédoine et de la Thrace. Les Turcs et Bulgares étaient dénommés frères et
les Grecs étaient invités à une guerre civile et à un affrontement contre l’État. Les imprimés furent saisis
par le service de sûreté et les procédures de poursuite pénale contre les responsables furent entreprises41.
Le 30 mai 1925, Chaϊm Saporta, membre de l’équipe en chef du journal Avanti!, fut jugé, avec des
communistes grecs, par la cour martiale de Salonique pour avoir participé à des rassemblements où les
discours soutenaient l’autonomie de la Macédoine42. La propagande en faveur de la Macédoine
indépendante ne fut pas interrompue et, le 18 décembre 1925, une sanction administrative de cessation de
publication du journal pour un temps indéfini fut imposée par les autorités de Salonique, parce que ses
articles « ... pourraient provoquer des troubles à l’ordre public »43. Le 27 janvier 1926, les agents du
service de sûreté firent une descente inopinée dans les locaux du journal Foni tou ergatou [Voix de
l’ouvrier] (organe de la Bource du travail de Salonique, du pôle local de l’activité syndicaliste et politique
des communistes), à la suite des renseignements que des feuilles volantes étaient imprimées, et
procédèrent à la confiscation du matériel. Le contenu des feuilles volantes fut caractérisé comme incitant
à la révolte ; furent arrêtés le typographe Jacob Cohen, le conseiller municipal Jacques Ventura et deux
autres Juifs, Juda Mordoh et Samuel Cohen (furent également arrêtés des Grecs, les typographes Nikolaos
Kalevras, Nikolaos Georgiadis, Konstantinos Markou, Nikolaos Chatzopoulos, ainsi que Georgios
Fournaris, Antonios Chatzimoysis, Anastasios Paschalis, Dimitrios Partsalidis, Evangelos Mountouris ou
Mercatas, Leonidas Fotopoulos, Nikolaos Vanikiotis, Christos Kontovas et le conseiller municipal
Konstantinos Aspropoulos). Malgré les arrestations, eut lieu, le même jour, 27 janvier, une tentative
d’affichage des tracts, qui fut arrêtée par les hommes du 5ème Poste de police. Furent libérés, le 30 janvier
1926, les juifs Jacob Cohen, Samuel Cohen et les chrétiens Antonios Chatzimoysis, Nikolaos
Chatzopoulos et Konstantinos Aspropoulos44. Les autres furent conservés en détention. Le procès fut fixé
pour le 30 mars 1926, puis reporté. Le 3 août 1926, il fut à nouveau ajourné et, après la chute de la
dictature de Pangalos (24 août 1926), le nouveau procès, le 5 octobre 1926, fut reporté et les inculpés
furent libérés45. Le 3 décembre 1926, une nouvelle poursuite fut réalisée contre le journal Avanti! pour
des commentaires communistes offensifs, un arrêt de l’édition pour deux mois fut imposé et un procès
contre Chaïm Saporta s’acheva par sa condamnation46. Le 4 mai 1927, fut communiqué à la Bourse du
travail de Salonique une décision du Comité de sûreté concernant l’expulsion, pour une année, de

39
Cf. Ελεύθερον Βήμα [Tribune libre] (Athènes), 30-6-1931.
40
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 4-6-1934.
41
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 6,8-2-1925 ; Μακεδονικά Νέα, 4,5,6,7-2-1925.
42
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 31-5, 2-6-1925 ; Μακεδονικά Νέα, 31-5, 2-6-1925.
43
Cf. Μακεδονικά Νέα, 19,20-12-1925.
44
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 27,28-1-1926 ; Μακεδονικά Νέα, 28,29,31-1-1926.
45
Cf. Μακεδονικά Νέα, 30-3-1926 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 3-8, 5-10-1926.
46
Cf. Μακεδονικά Νέα, 4-12-1926.

15
Solomon Levi, Chaïm Saporta, Chaïm Macas47 (finalement, la peine contre Saporta ne fut pas exécutée).
Des peines d’emprisonnement ou d’exil furent infligées à Isaac Eskenazi (envoyé à l’île de Kimolos),
Angel Stroumsa, Natan Pesah. Les 3 et 4 juin 1927, eurent lieu de nombreuses arrestations d’ouvriers
juifs du tabac (David Amali, Chemaya Mousakas, Abraham Amales, Moys Veisi, Govatza Menachem,
Muson Kampanoua, Chaïm Habania, Juda Angel, Ido Matarasso, Jacques Chaleoua, Juda Sion, Abraham
Chatzian, Machiel Yahiel)48. Deux membres du Parlement grec, le juif David Bohor Shoulam et le
chrétien Grigorios Papanikolaou, furent également arrêtés conformément à l’article 165 de la Constitution
sur les flagrants délits commis par les députés49. Le comité parlementaire de la justice se réunit le 24 août
1927 et consentit à la poursuite des deux députés communistes. Après débat dans le Parlement, le 26 août
1927, le résultat fut pour Grigorios Papanikolaou 97 votes en faveur de la poursuite et 82 contre ; pour
David Bohor Shoulam, 101-7850. Ils furent exilés dans l’île de Syros. Le 2 août 1927, une autre poursuite
fut intentée contre le député Jacques Ventura, pour haute trahison, après la publication d’un commentaire
non signé dans le journal Avanti!, le 28 juillet 1927, qui fut considéré comme sapant la sûreté de l’État.
L’article, qui fut attribué à Ventura, critiquait la Deuxième Foire internationale de Salonique comme une
nouvelle tentative de la bourgeoisie grecque pour prouver, devant les yeux du public, la prépondérance de
l’élément grec en Macédoine. L’hellénisation fut réalisée avec l’établissement des réfugiés et la
modification de la composition démographique précédente de la région, sans contribuer à la solution des
problèmes des populations. Le salut se trouvait dans la création d’une Fédération communiste
balkanique51. Ventura riposta, par une lettre adressée au journal du parti Rizospastis [Radical], se
plaignant que la persécution visait à la neutralisation d’encore un député communiste après Shoulam et
Papanikolaou52. La propagation de l’indépendance de la Macédoine ne cessa pas, ni les persécutions. Le
31 janvier 1928, Chaïm Saporta fut arrêté, comme rédacteur en chef du journal Avanti!, avec l’accusation
de haute trahison53.
En raison de la répression, l’agression des ouvriers se ravivait, avec l’éruption d’actions extrêmes.
Parmi les incidents les plus graves, fut, pendant les événements du soulèvement à Salonique des ouvriers
du tabac en 1928, un conflit armé, le 27 juin, dans le quartier d’Eptalofos, et le meurtre du gardien de nuit
Stylianos Tzenoudis. Il fut abattu par des inconnus qui avaient provoqué un incendie à la maison du
briseur de grève, ouvrier du tabac Stergios Lagarias ou Lagaridis. Le 4 octobre 1929, l’affaire fut jugée,
après des ajournements, devant la cour d’assises de Salonique. Quatre personnes étaient accusées pour les
infractions d’incendie, d’homicide et de tentative d’homicide ; un des accusés, avec les chrétiens K.
Iordanidis, G. Tsigos et Alexandros Makris, était le communiste juif Abraham Angel. Les témoins étaient
le gardien de nuit Ioannis Tzividis (il avait couru, avec Tzenoudis, et avait été blessé), le policier
Panagiotis Stamatopoulos (grièvement blessé, également, pendant la fusillade), la victime Lagaridis et
deux ouvrières du tabac. Angel, Tsigos et Makris furent acquittés au bénéfice du doute, Iordanidis fut
condamné54.
Dans le cas de la grève ouvrière du Premier Mai 1931, le développement de la situation fut
périlleux, avec des bagarres sanglantes entre la police et les travailleurs et des dizaines de manifestants
blessés. Un tract, qui avait circulé à la veille, avait un contenu subversif, appelant les travailleurs à des

47
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 5,6-5-1927.
48
Cf. Μακεδονικά Νέα, 4-6-1927 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 3,4-6-1927.
49
Cf. Το Φως [La lumière] (Salonique), 4-6-1927.
50
Cf. Πρακτικά Συζητήσεων Βουλής [Actes des débats du Parlement hellénique] (Athènes), 1927, 26-8-
1927 ; Μακεδονικά Νέα, 25,27-8-1927.
51
Cf. Μακεδονικά Νέα, 30-7, 3-8-1927 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 2-8-1927.
52
Cf. Ριζοσπάστης, 30-7-1927.
53
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 1-2-1928.
54
Cf. Archives de la Cour d’assises de Salonique, Actes, 19-2-1929, procès des accusés Abraham Angel,
K. Iordanidis, G. Tsigos, Alexandros Makris, procès reporté ; ibid., 24-5-1929, audience ajournée, procès
reporté à nouveau ; ibid., 4-10-1929, audience ajournée.

16
manifestations. La Société d’électricité, les entrepôts de tabac, la Caisse d’assurance des ouvriers du
tabac, le dépôt des tramways, étaient surveillés par la police. Dans l’un des défilés, qui commença par
l’usine de tabac Wix, environ 1.500 ouvriers du tabac chantaient et applaudissaient. D’autres
rassemblements eurent lieu sur la place Sainte-Sophie et la place Aristote. La police intervint. Furent
arrêtés, parmi les meneurs, les juifs Pepo Nissim, électricien, et Michel Kazes, typographe (ainsi que
l’avocat Ilias Kefalidis, les cordonniers ouvriers Ioannis Nilos et Christos Giannoulis, l’employé de
commerce Sp. Vagidis, l’ouvrier de bâtiment P. Gounaris, le secrétaire du Syndicat des employés
hôteliers Ioannis Kaivopoulos et le directeur de l’association sportive Thermaïkos, Ioannis Diamantidis).
Certains policiers furent blessés. Au meeting à la rue Ermou, le comportement des ouvriers du tabac fut
fortement agressif. Une centaine de travailleurs se rassemblèrent au lieu de la Caisse d’assurance des
ouvriers du tabac, où les orateurs prononcèrent des discours contre son administration. La police intervint
de nouveau. Furent arrêtés les marins de commerce Karanikolas et Katsaros parce qu’ils avaient tenté de
lever un drapeau rouge dans le jardin de Bech Tchinar. Furent arrêtés M. Linaris, parce qu’il distribuait
des tracts antinationaux, le cordonnier ouvrier D. Makridis, ainsi que les ouvriers Vlachos, Melakoridis,
Chatzinikolaou, Kalitsaris, Vidakis. Un nouveau meeting eut lieu sur la place Vardar, où s’étaient
ressemblés plus de 400 travailleurs israélites, venant du quartier des victimes de l’incendie de 1917, près
du quartier d’Agia Paraskevi. La police fit irruption et ils furent dispersés au milieu d’incidents graves55.
Dans un recueil des événements suivants, le 23 juillet 1931 les agents du service de sûreté
spéciale effectuèrent une investigation dans les bureaux de la Bourse du travail de Salonique, dans le but
de découvrir des tracts au contenu subversif. Fut arrêtée la travailleuse juive Regina, qui fut molestée et
battue. Un comité ouvrier, élu sur place, fit une démarche auprès de l’Administration générale de
Macédoine, protestant contre la violence56. Le 4 avril 1932, le directeur du journal Avanti! K. Melikoglou
(les communistes avaient placé un Grec comme chef du journal juif) et le membre de la rédaction E.
Cohen furent condamnés, chacun, à 10 mois d’emprisonnement et à 5 mois d’exil pour violation de la loi
scélérate (loi anticommuniste). Les deux journalistes avaient été auparavant inculpés ; ils étaient accusés
que, par leurs articles, ils appelaient les conscrits à ne pas jurer et donc à refuser de déclarer leur fidélité à
la patrie57. Le 3 juin 1932, une inspection inattendue fut réalisée par le service de sûreté de Salonique
dans les bureaux de l’organisation juive du parti communiste, à la suite d’informations que des personnes
recherchées par la justice s’y cachaient. Fut arrêté l’israélite Samuel Cohen ; contre lui, diverses
accusations étaient pendantes pour violation de la loi scélérate58. En octobre 1933, les autorités de
Salonique constatèrent que le parti communiste, après la révélation de sa collaboration avec les
« comitadjis » et l’accalmie observée concernant ses activités, avait pour but la reconstruction de ses
forces et agissait pour reconstituer les écoles de la propagande communiste. Une école pour l’initiation
des jeunes Juifs, étudiants et travailleurs, à la « religion communiste », opérant dans le quartier israélite de
Baron Hirsch, fut démantelée par la police pendant la nuit du 23 au 24 octobre 1933. Le succès de
l’opération policière était que les agents capturèrent, à l’intérieur du bâtiment, les dirigeants de
nombreuses régions de la ville et, surtout, les enseignants des autres écoles communistes qui opéraient
dans les quartiers de Salonique. La découverte de l’école fut rendue possible par la collecte de
renseignements, à l’attention du commandant du 9ème Poste de police Tzikas, concernant une petite
maison du quartier Hirsch où se réalisaient, chaque après-midi, des rencontres de Juifs. Certains individus
qui fréquentaient le lieu étaient connus pour leur activité communiste dans le passé. La surveillance de la
maison confirma qu’une école communiste fonctionnait sur place. Un raid de nuit fut finalement
entrepris. Six gendarmes sous les ordres du policier Tzikas et les hommes de la sûreté encerclèrent le
bâtiment et frappèrent à la porte. Les communistes ne répondirent pas. Certains, voyant qu’il s’agissait
d’un raid, tentèrent de fuir par les fenêtres, mais furent arrêtés par les policiers à l’extérieur. Les agents

55
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 2-5-1931.
56
Ibid., 24-7-1931.
57
Cf. Archives du Tribunal correctionnel de Salonique, Décisions, K. Melikoglou et E. Cohen, 4-4-1932.
58
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 3-6-1932.

17
pénétrèrent dans la maison et arrêtèrent les « étudiants », les « enseignants » et les dirigeants
communistes. Ils saisirent de nombreux livres communistes, des documents et des écrits destinés à
l’initiation des nouveaux disciples, ainsi que d’autres éléments de preuve incriminants qui témoignaient
de l’œuvre des participants. Les personnes arrêtées, facteurs influents du mouvement social juif, étaient
Isaac Jacob, Moys Kazes, A. Samuel, Isaac Betcha, I. Lazar, M. Natan, Joseph Muson et l’ouvrière
Esterina Matalon (également les chrétiens Ap. Dais, G. Nikolaidis et l’ouvrière Eleni Athanasiou). Tous
furent interrogés dans le bâtiment du service de sûreté et furent renvoyés par le procureur devant le
tribunal correctionnel pour violation de la loi scélérate. Les Juifs se mobilisèrent et se réunirent, l’après-
midi du 24 octobre 1933, dans les rues autour de la place Colombe, sans avoir d’autorisation policière à se
rassembler. Le service de poursuites, sous le commandant Failadis, et un escadron de la gendarmerie
équestre intervinrent pour dissoudre violemment la manifestation en cours. La police fut mise en état
d’alerte, prenant en compte les indications de préparation des communistes pour des manifestations
militantes contre l’occupation de Salonique en 1912 par les Grecs, à l’anniversaire le 26 octobre 1933, et
prévoyant des activités antinationales au cours de la cérémonie officielle (désapprobation de l’armée,
critique contre les associations des réservistes et actes connexes)59.
La politique étatique de répression contre le parti communiste grec, ainsi qu’en parallèle,
l’opposition aux arguments antipatriotiques de la propagande communiste, provoquèrent le rétrécissement
de son influence sur les Israélites, mais pas son renversement. La culture juive d’adhésion aux idéaux
modernistes et de questionnement de l’ordre établi fit preuve d’endurance. Dans le cas des élections
législatives et municipales, les communistes retinrent, au sein de la communauté juive, une base
électorale stable, qui était généralement plus du double de l’élément grec. Dans l’exemple des élections
municipales de novembre 1925 – au temps de la dictature de Pangalos –, à Salonique, les candidats
communistes juifs inscrits sur le bulletin de vote avec en tête le progressiste Minas Patrikios, élus
conseillers, étaient le journaliste Jacques Ventura (5.309 voix), Abraham Karasso (5.307), l’ouvrier du
tabac Ischa Beja (5.183), Solomon Ischa Levi (5.215) et Jacob Cohen (5.204). Le candidat Samuel Leon,
typographe, était le seul à rester en dehors du conseil municipal60. A la répétition des élections
municipales du janvier 1926 (le bulletin de vote de Patrikios était majoritaire de nouveau), furent élus
comme conseillers Abraham Karasso (8.254 votes), Solomon Levi (8.235), Jacques Ventura (8.226),
Ischa Beja (8.159) et Leon Sabbetai (8.083), ainsi que Alberto Arditti comme président du conseil
municipal61. Dans l’exemple des élections législatives, à la préfecture de Salonique, le 7 novembre 1926,
Jacques Ventura fut honoré de 3.777 voix, élu député au Parlement grec (pour comparaison, aux mêmes
élections à Florina-Kastoria – foyer des slavophones –, le candidat communiste Nikolaos Kyriakopoulos
fut élu avec 368 voix). Après un revers aux élections du 19 août 1928 (David Shoulam reçut 1.481 votes,
Jacob Ovadia 1.457 votes), le courant de soutien aux communistes à la préfecture de Salonique se
renforça ; à la répétition des élections parlementaires le 2 juillet 1933, le candidat Michel Kazes reçut
3.360 votes62.
Le cas d’Isaac Amon, ouvrier du tabac communiste, syndicaliste (membre du comité exécutif de
la Fédération des ouvriers du tabac de Grèce), cadre du parti jusqu’à son congrès en 1924, constituait une
exception à la règle de l’attachement des Juifs au parti communiste grec. Le 28 juin 1925 (deux jours
après la prise du pouvoir par Theodoros Pangalos), le service de sûreté l’arrêta devant son domicile à la

59
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 25-10-1933.
60
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration
des éléments ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 26-10, 5-11-1925 ; Μακεδονικά Νέα, 5-11-1925.
61
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration
des éléments ; Μακεδονικά Νέα, 12-1-1926 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 11-1-1926.
62
Cf. Ministère de l’Économie nationale - Statistique Générale de la Grèce, Statistique des élections des
députés du 7 novembre 1926, Imprimerie Nationale, Athènes 1928, passim ; ibid., Statistique des
élections des députés du 18 août 1928, Imprimerie Nationale, Athènes 1931, passim ; collection de
documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration des éléments.

18
place Vardar ; le détenu protesta auprès du directeur du service, Stylianos Kandylakis, affirmant qu’il
avait été radié par le parti communiste en raison de son objection à la question macédonienne63. Il
collabora, après 1928, avec les réformistes, en continuant à occuper des postes dirigeants dans les
syndicats, jusqu’en 1934 où il démissionna.
La deuxième génération de communistes juifs était la dernière. La dictature du 4 août 1936 balaya
le communisme, avec l’élimination des dernières traces de l’appareil illégal. Dans un cas, au début de
juillet 1938, le service de sûreté spéciale de Salonique fut mis sur la piste de la commission économique
du parti communiste et des personnes qui le finançaient. Parmi les donateurs apparaissaient les noms de
riches bourgeois (marchands non communistes, industriels, professionnels). Furent arrêtés et avouèrent
leurs actions Leon Anter, qui assistait par des contributions pécuniaires, Isaac Arditti, un communiste qui
offrait une aide économique mensuelle pour le Secours rouge international (MOPR), et les donateurs non
communistes Samuel Cohen et Moys Mizan64. Pendant les années jusqu’en 1940, le mouvement juif
s’appuya sur certains ouvriers, cadres qui, restant fidèles au parti, réussirent à développer une activité
illégale jusqu’à leur arrestation et incarcération dans la prison d’Acronauplie (parmi eux les membres du
parti communiste Michel Kazes, typographe, Jack Angel, employé de commerce, et Albert Esdrati, ainsi
que le membre de l’organisation Archives du marxisme Henri Perahia)65. A l’opposé, la minorité
slavomacédonienne resta en hibernation dans la réserve du mouvement social.

3. Face aux slavophones, les différenciations de l’optique et de la politique du mouvement ouvrier


en Grèce sur la nation et la classe sociale.

Les maux du parti communiste grec provenant de son implication au plan infortuné de la
révolution communiste en Bulgarie avaient pour point de départ la communication plus étendue, à
l’opinion publique en Grèce, après le printemps de 1924, des décisions du centre international de Moscou
pour une alliance avec le mouvement autonomiste en Macédoine.
En termes théoriques et idéologiques, la question nationale composait, pour les marxistes, un
thème de tactique. Cependant, le choix de l’attitude correcte face à chaque problème national était l’objet
d’une analyse spécifique. Depuis la phase du différend, en 1915, de Vladimir I. Lénine avec Rosa
Luxemburg sur le droit des nations à l’autonomie jusqu’à la séparation, la question nationale vis-à-vis du
problème de la lutte des classes donna naissance à des contestations, qui eurent un impact sur les choix
politiques. Les innovateurs du marxisme critiquaient les marxistes orthodoxes pour la subordination de la
question nationale aux intérêts de la lutte des classes du prolétariat et du socialisme. Inversement, les
marxistes orthodoxes croyaient que les réviseurs du marxisme, devant les problèmes du développement
social, remplaçaient les critères de classe par ceux nationaux. Ils croyaient que la convergence de
l’opportunisme et du nationalisme, suite à l’adoption d’approches théoriques des marxismes nationaux et
des communismes nationaux, entraînait une distorsion de la nature internationaliste du socialisme. Elle
détournait le socialisme du patriotisme. Pour les orthodoxes, la soumission des problèmes nationaux au
facteur de classe ne dégradait pas leur valeur. Dans la société, constituée de classes, mais aussi de
communautés ethniques, l’issue des diverses affaires fonctionnant en faveur du socialisme était associée à
la résolution de la question nationale. La subordination de la question nationale à la perspective de classe
ne résultait pas de l’existence de critères nationaux spécifiques qui pourraient résoudre ce problème, mais
de l’existence d’un critère de classe unique. En relation avec le thème de la révolution prévue en Bulgarie
(et par extension en Grèce), l’estimation concernant la question nationale était un choix tactique, avec une
importance accrue pour la réussite de cette opération. Historiquement, fut enregistrée par les Russes, en

63
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 30-6-1925 ; Μακεδονικά Νέα, 29-6-1925.
64
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 6-7-1938.
65
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration
des éléments.

19
1917, la possibilité de résoudre la question nationale à un stade ultérieur, après la prise du pouvoir par le
prolétariat. Les problèmes bourgeois-démocratiques persistants, comme le thème des différences
nationales, seraient résolus au cours de la marche de la révolution socialiste vers son achèvement. En
revanche, dans les Balkans, fit son apparition le concept bulgare, selon lequel la solution de la question
nationale était une tâche bourgeoise qui devrait être résolue dans le cadre du régime bourgeois, avant la
révolution, ayant pour conséquence le renforcement des possibilités de réalisation de la révolution. La
question nationale fut incluse dans un plan politique et les communistes bulgares recherchèrent la
coopération avec le mouvement national des autonomistes slavomacédoniens affirmant leur soutien à une
Macédoine et une Thrace unies et indépendantes.
Après 1923, les discussions entre les cadres des organes supérieurs de l’organisation communiste
internationale sur la situation en Grèce continuèrent, révélant leur préoccupation pour l’inertie et
l’absence de réponse du parti local aux ordres. La Fédération communiste balkanique, ayant installé son
cadre, Ivan Chonos, avocat bulgare d’origine grecque, à Athènes, exerça un contrôle systématique des
progrès réalisés. Dans la phase délicate des travaux du IIIe congrès extraordinaire du parti, en novembre
1924, pour valider la position de la Troisième Internationale sur la question macédonienne, un cadre
supplémentaire, le russe Boris Danilovich Mihailov, fut envoyé sur place66. Leur œuvre était fastidieuse.
La position de la Troisième Internationale sur la question macédonienne suscita, dès le début, des
dispositions de rejet de la part de tous les cadres et membres, de la direction jusqu’à la base de la
pyramide du parti grec. Le différend avec l’organisme international sur la politique nationale trouva un
terrain d’expression avec la présentation d’objections voilées. Le parti passait sa période primaire
d’existence, sans effort consciencieux de la part de chacun pour correspondre à ses obligations et pour
éviter les conflits à l’intérieur du parti, comportement qui, selon la culture des membres, était considéré
comme légitime. Pour les communistes grecs, était soulevée la question de la clarification de la nature du
facteur national. Du point de vue théorique, le problème national n’était pas une question de principe,
mais d’opportunité. Devant la question nationale dans les Balkans, la tactique de la Troisième
Internationale n’était pas dictée par des raisons objectivement révolutionnaires, mais par des raisons
d’opportunité révolutionnaire. La tâche d’attirer les slavomacédoniens de Bulgarie était un travail attribué
au parti communiste bulgare et il n’y avait pas un thème de principe qui imposerait aux autres partis des
Balkans l’adoption d’une tactique internationaliste inadaptée dans les conditions existantes de leurs pays.
Les preuves de ce raisonnement étaient la composition ethnique de la Macédoine (inversion
démographique en Macédoine grecque après l’échange des populations et l’arrivée des réfugiés d’Asie
Mineure), le risque de persécution par l’État (il était lié au niveau de développement organisationnel du
parti) et l’absence d’organisations révolutionnaires nationales locales. Ce dernier argument bouleversait
l’optique de la Troisième Internationale (construction de front révolutionnaire unique avec la participation
des mouvements de libération nationale des pays des Balkans) et laissait en suspens, sans base humaine,
la commande pour une lutte en faveur du mot d’ordre d’une Macédoine et d’une Thrace unies et
indépendantes.
L’attitude officielle du parti grec et la matière de sa propagande comprirent initialement des
allusions fragmentaires à la question nationale. En septembre 1923, fut enregistré dans la feuille officielle
du parti Rizospastis [Radical] un texte (intitulé « Avis aux ouvriers et paysans des Balkans »), faisant
allusion à la position selon laquelle l’indépendance nationale des peuples balkaniques ne pourrait être
atteinte que par la création des républiques autonomes des ouvriers et des paysans, dans tous lieux des
Balkans, et par leur regroupement dans une République confédérationnelle balkanique67.

66
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives de l’État russe d’histoire socio-politique
(РГАСПИ), Lettres, Max Schneider (B. D. Mihailov) -Athènes à Victor (G. Dimitrov) -Vienne,
novembre 1924, non classifié (copie) ; Alexandros Dagkas - Giorgos Leontiadis, Le mouvement
communiste international et la question macédonienne. Les coulisses helléniques, 1924, Épicentre,
Thessaloniki 20082, pp. 275-294.
67
Cf. Ριζοσπάστης, 12 à 14-9-1923.

20
Malheureusement, le temps de la publication de l’avis coïncida avec le début de l’insurrection
communiste en Bulgarie, en septembre 1923, et avec sa répression, jusqu’à la fin du même mois, par le
gouvernement dictatorial en collaboration avec les forces armées des autonomistes. La ligne de la
Troisième Internationale se trouvant exposée devant l’opinion publique grecque, le parti grec fut contraint
de condamner l’intervention de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (VMRO) ; il
publia, dans le journal Rizospastis [Radical], un article acerbe (intitulé « Les “autonomistes” macédoniens
et leur rôle honteux pendant la gigantomachie récente de nos camarades bulgares ») 68. La direction du
parti fut obligée de faire face à la question nationale au début de 1924, après la VIe conférence de la
Fédération communiste balkanique. Une lettre fut adressée à Moscou, contenant une protestation contre la
publication des résolutions de la conférence sur la question macédonienne, ainsi qu’un avertissement
concernant la persécution imminente des communistes par le gouvernement grec. La Fédération
communiste balkanique répondit sans ambages que les Grecs devraient s’adapter aux conditions illégales,
dans lesquelles, éventuellement, ils seraient aussitôt impliqués. Le soulèvement en Bulgarie, qui fut prévu
pour le printemps de 1925, la création d’une base d’unités armées du parti communiste bulgare sur le
territoire grec, ainsi que d’autres plans similaires, prêtaient une priorité à l’arrangement des problèmes
communistes en Balkans tels que l’alignement des partis grec et yougoslave. En effet, les organisations
locales du parti dans l’espace grec n’étaient pas au courant de l’adoption de la position séparatiste et de
l’impératif résultant d’une lutte acharnée pour la victoire de la révolution balkanique. Les renseignements
recueillis par les dirigeants qui contactaient les communistes en Macédoine et le sondage concernant la
présupposition aux résolutions de la Fédération communiste balkanique révélèrent une forte opposition de
la population locale à l’indépendance de la Macédoine et de la Thrace. Dans le cas de la région de Kavala,
où Eleftherios Stavridis, cadre du parti, alla en mai 1924, les organisations du parti rejetèrent même
l’introduction de la question pour une discussion initiale.
En état d’agonie et pour se désengager de l’encerclement, Gianis Kordatos et Thomas
Apostolidis, dirigeants en tête à Athènes, adversaires de la position pour l’indépendance de la Macédoine,
considérèrent qu’ils pourraient reporter indéfiniment la mise en œuvre de la résolution et favorisèrent la
tactique de l’ajournement de l’agissement. Afin de ne pas être accusés d’insubordination à la Troisième
Internationale, ils présentèrent l’inaction comme un travail préparatoire et comme un geste pour
l’implémentation des décisions des organisations supérieures sur la question nationale. La manœuvre fut
inefficace, parce que la position de la Fédération communiste balkanique fut notifiée aux milieux grecs et
causa une tempête qui exigeait des déclarations claires des communistes. En mai 1924, le journal
conservateur Kathimerini [Quotidien] diffusa des accusations selon lesquelles le danger ne venait pas de
la Yougoslavie, mais des bolcheviks, partisans de la fédéralisation communiste de la région69. La
troisième personne de la direction du parti grec, Seraphim Maximos, déclara, par écrit dans le journal
Rizospastis [Radical], que le mouvement communiste ne traitait pas seulement du problème de la
Macédoine sous occupation grecque, mais de la région entière, dont une zone était occupée par la Grèce,
une autre par la Serbie et une autre par la Bulgarie. Alors que la classe bourgeoise de tous les peuples des
Balkans essayait de modifier le caractère ethnologique de la Macédoine, celle-ci demeurait uniforme et
indivisible. Les intentions du capitalisme local et des impérialistes européens se référaient à l’essence de
la question macédonienne, qui ne cesserait d’exister jusqu’à ce que la classe ouvrière des Balkans,
possédant le pouvoir politique, remette le pays aux vrais maîtres, les ouvriers, employés et paysans de la
Macédoine70. L’article de Maximos ne s’identifiait pas à la résolution actuelle de la Fédération
communiste balkanique, mais rétablissait la thèse antérieure, dans la mesure où il parlait du pouvoir
ouvrier et paysan du « peuple macédonien », et non d’une Macédoine indépendante, et reliait
l’indépendance à l’établissement d’un gouvernement ouvrier-paysan, et non par une lutte de libération
nationale qui pourrait être atteinte au sein d’un régime bourgeois également. Un article suivant, très

68
Ibid., 24-10-1923 (correspondance de Sofia, 20-10-1923, signé : Boris Spaltov).
69
Cf. Καθημερινή [Quotidienne] (Athènes), 8-5-1924 ; Ριζοσπάστης, 10-5-1924.
70
Cf. Καθημερινή 8-5-1924 ; Ριζοσπάστης, 10-5-1924.

21
virulent, dans le journal Rizospastis [Radical], contre le premier ministre grec Alexandros Papanastasiou
l’égalait au premier ministre de la dictature bulgare Alexandre Tsankov, lui attribuant le rôle qu’Adolphe
Thiers joua dans la répression de la Commune de Paris en 1871 et à Gustav Noske dans l’écrasement de
la révolte spartakiste en Allemagne en 1919. Ce fut lui qui, à la place des « comitadjis » de Todor
Aleksandrov, mit les prétoriens de Georgios Kondylis. La classe ouvrière allait s’opposer avec la vigueur
nécessaire à ses ennemis71.
L’approche communiste pour une Macédoine et une Thrace unifiées et indépendantes fut investie
avec les résolutions finales des organisations internationales au Ve congrès de la Troisième Internationale
(à Moscou, du 17 juin au 8 juillet 1924) et à la VIIe conférence de la Fédération communiste balkanique
(du 9 au 18 juillet 1924). Dmitri Z. Manouïlski, rapporteur au congrès sur la question nationale, ainsi que
les autres rapporteurs aux réunions, soulignèrent le fait de la riposte et de la résistance du parti grec contre
l’application de la ligne. Seraphim Maximos, l’un des deux délégués grecs (l’autre était le secrétaire de
l’organisation de Salonique, Pantelis Pouliopoulos), dans son intervention, exprima des réserves quant à
la position adoptée. Interlocuteur habile, exercé à l’analyse marxiste, il porta le débat sur le plan
théorique, dévoilant les aspects de Marx et de Lénine qui avaient abordé les questions examinées d’une
manière qui exprimait une approche différente. Staline avait écrit que le prolétariat devrait offrir un appui
aux nationalités opprimées, mais cette thèse ne visait pas à soutenir les mouvements nationaux dans tous
les cas sans exception, mais seulement si l’orientation de leur lutte était contre le capitalisme. Dans le cas
spécifique de l’organisation autonomiste sous Aleksandrov, il s’agissait d’un mouvement qui était attaché
aux forces réactionnaires dans les Balkans. Se référant au mot d’ordre d’une Thrace indépendante,
Maximos, conscient de la situation en vigueur dans cette région en tant qu’originaire, lui-même, de la
Thrace orientale, ajouta qu’il n’y avait pas, sur place, de mouvement national indépendant. Les
populations turque, grecque et bulgare avaient, chacune, leur propre vision de l’unification avec l’État-
nation respectif. Les objections théoriques et politiques de Maximos furent rejetées par le leader bulgare
Georgi Dimitrov, sur un ton dédaigneux, les caractérisant comme absolument fausses. Il déclara que le
mouvement national en Macédoine, ayant déjà une vie de trente ans, avait des forces dont la plus
importante était l’aile réactionnaire d’Aleksandrov. La tâche des communistes, d’après Lénine et Staline,
était l’offre d’assistance aux tendances qui se battaient pour l’indépendance nationale ; en liaison avec la
question des mouvements des pays balkaniques, l’activité des partis communistes devait contribuer au
renforcement de leur lutte contre les classes bourgeoises de la Bulgarie et de la Yougoslavie et au blocage
d’Aleksandrov. Pour la Thrace, Dimitrov, également conscient de la situation (sous occupation bulgare, il
avait déployé une activité dans la région de Xanthi en 1919), admit qu’un mouvement indépendantiste de
masse n’avait pas été développé localement, mais il affirma qu’on certifiait, parmi les autochtones, la
volonté pour le droit à l’autodétermination. L’intérêt des communistes était de lutter ensemble avec les
forces locales contre la domination bourgeoise. Mettant de côté le fait fondamental de l’absence d’un
mouvement local, Dimitrov déclara brusquement qu’il s’opposait aux vues qui reflétaient les intérêts des
cercles réactionnaires grecs et turcs et qui partageaient l’opinion de la non-existence de la question
thracienne72.
La direction de la Fédération communiste balkanique poussait le parti grec à l’extrême. Les
instructions, contenues dans une lettre datée du 29 août 1924, reproduisaient la crainte d’une réaction
violente du pouvoir en Grèce, avec des suggestions pour la prise de mesures pour la défense du parti en
vue de la probabilité de mettre le communisme hors la loi. En créant un appareil illégal du parti, il était
indispensable d’édifier une structure de conduite en réserve, un système de contacts, une imprimerie
secrète. Quant à la tactique de l’action révolutionnaire contre les adversaires, les recommandations
visaient à l’implantation d’aspirations radicales au sein du mouvement national armé. Les communistes
étaient invités à rejoindre les équipes nationales révolutionnaires de Macédoine et de Thrace, obéissant à

71
Cf. Ριζοσπάστης, 17-5-1924.
72
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives de l’État russe d’histoire socio-politique
(РГАСПИ), Actes du Ve congrès de la Troisième Internationale, Moscou 5-7-1924, non classifié (copie).

22
l’ordre d’agir pour la revalorisation de l’esprit révolutionnaire dans le mouvement et pour l’achèvement
d’une unité à la structure organisationnelle et à la lutte pour l’indépendance de la région73.
Malgré les pressions exercées par la Troisième Internationale, la défense grecque continua,
s’efforçant de cacher les instructions concernant la question macédonienne ; à l’intérieur du pays, la
direction du parti ne diffusait pas de renseignements connexes pendant les réunions des organisations
locales et au cours de la propagande dans les masses. Le 30 septembre 1924, après tout, fut révélée, sous
forme d’information dans le journal Rizospastis [Radical], la thèse internationale controversée («
Fédération communiste balkanique, VIIe conférence, “Les résolutions concernant le Parti communiste de
Grèce” »). L’article confirmait que la tâche attribuée aux communistes était de soutenir la révolution
prévue en Bulgarie, rappelant que la situation politique en Grèce exigeait la préparation rapide du parti
par la création de l’appareil nécessaire. Simultanément, revenait, ouverte à un échange d’opinions,
l’élaboration du projet révolutionnaire. Une réorganisation des « noyaux » [organisations du parti] était
indispensable, concevant le renforcement du lien organisationnel avec les grandes entreprises, les
dockers, les travailleurs de l’électricité, les cheminots. Les communistes devaient créer des « factions »
[groupes affiliés au parti] dans les syndicats, ainsi que dans la Confédération des réfugiés, intensifier la
lutte contre l’influence de la classe bourgeoise et du capitalisme et travailler pour l’établissement d’un
pouvoir ouvrier-paysan74. Le cadre organisationnel souffrait sévèrement de l’adoption du cliché
révolutionnaire international (agir dans le but de contrôler l’effectif des entreprises étatiques dans les
secteurs des communications, de l’énergie et des autres branches vitales), rendant inutile la force qui
constituait la particularité grecque, le mouvement des ouvriers du tabac. Les dirigeants de la Fédération
communiste balkanique et de la Troisième Internationale, cependant, voyaient un peu plus loin, compte
tenu de l’existence d’un corps d’autonomistes armés qui constituait un facteur susceptible de contribuer
au renversement du statu quo politique, et cherchaient à trouver l’opportunité de formation de conditions
révolutionnaires respectives en vue d’une prise du pouvoir. Les plans n’étaient pas desservis par l’attitude
du parti grec et le problème persistait, malgré l’achèvement des consultations pour la convocation d’un
congrès à Athènes. En octobre 1924, la Fédération communiste balkanique envoya aux sections-partis
dans les Balkans une copie du Manifeste de mai 1924 de l’Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne (VMRO) (« Appel à la population macédonienne et aux ouvriers et paysans des pays des
Balkans »), avec des suggestions pour la propagation de ses idées dans chaque pays, à nouveau sans
aucune réponse d’Athènes.
Alors que le parti grec constituait le maillon faible des plans communistes, dans d’autres
domaines la cause de la révolution dans les Balkans progressait à un rythme encourageant. Un
rapprochement fut noté avec le premier ministre albanais Fan Noli, réformateur, et le croate, chef des
agrariens, Stepan Raditch. Les consultations, à Vienne, entre la direction du communisme international et
les autonomistes macédoniens révélèrent des convergences de vues. En outre, le chef séparatiste Todor
Panitsa, à la recherche d’alliances tactiques, arriva, à l’automne 1924, à Salonique et à Athènes et
approcha, avec l’agrarien bulgare N. Atanasov, le gouvernement grec, avec la demande qu’ils bénéficient
d’un soutien en espèces et en armes qui seraient utilisées pour renverser le régime de Tsankov en
Bulgarie. Dans les discussions avec le ministre des Affaires étrangères Georgios Roussos et le ministre de
la Défense Georgios Katechakis, il rencontra un esprit de compréhension pour la fonction d’une base
d’assaut près de la frontière gréco-bulgare. Le pas suivant serait la création d’un corps armé
d’autochtones, d’au moins cinq cent hommes, dans la périphérie de Nevrokopion, dans la région de
Drama, et l’avancée vers la région de Pétritsi, où des milliers d’autochtones seraient recrutés et
marcheraient contre la capitale bulgare, Sofia. Parallèlement, les adversaires, autonomistes de Protogerov,
seraient anéantis. Panitsa rencontra Dimitrov, à Vienne, au siège de la Fédération communiste balkanique,
le 17 novembre 1924, et l’informa de ses efforts d’intervention aux affaires bulgares. L’information

73
Ibid., Archives du Parti communiste bulgare, Lettres, G. Dimitrov à Parti socialiste ouvrier de Grèce
(communiste), Vienne 29-8-1924, non classifié (copie).
74
Cf. Ριζοσπάστης, 30-9-1924.

23
pertinente fut diffusée, à partir de Vienne, par lettre, à la Troisième Internationale à Moscou, à Vassil
Kolarov, le 18 novembre 192475. En fin de compte, aucune alliance des communistes ne trouva un
débouché pour créer des fissures dans le front des adversaires.
L’inaction observée auparavant, dans le parti grec, en référence à la question macédonienne prit
fin avec le changement de personnes, à la pyramide de la direction, au IIIe congrès extraordinaire, déroulé
du 26 novembre au 3 décembre 1924 à Athènes. Les dirigeants furent destitués. La nouvelle avant-garde,
ayant en tête le nouveau secrétaire général Pantelis Pouliopoulos, renversa la politique antérieure du
parti ; elle promut les résolutions internationales, imposées par les principes de la Troisième
Internationale, et servit la ligne de solution de la question nationale comme principale tâche
révolutionnaire. Une circulaire sur le problème des réfugiés fut immédiatement publiée76, avec un appel,
aussi, pour l’indépendance de la Macédoine et de la Thrace77. Dans les colonnes du journal Rizospastis
[Radical], une propagation intense de la position sur la question macédonienne commença. Les dirigeants
dissidents, Kordatos et Apostolidis, furent radiés et les membres du parti furent avertis sur la possibilité
que le gouvernement conteste la légitimité de l’action communiste. Les tendances centrifuges, qui avaient
dissout le potentiel humain du parti dans le pays et l’avaient partagé entre des entités indépendantes,
furent traitées avec la publication d’un appel international pour le ralliement de tous au sein des lignes du
parti communiste grec. La tentative d’entretenir d’autres entités, en dehors des organisations du parti, fut
caractérisée de trahison du mouvement ouvrier78.
L’activité du parti communiste sur la question nationale fut axée sur l’effort de remplir deux
objectifs, premièrement la propagation de la position dans les masses et deuxièmement l’établissement
d’un contact reliant les communistes avec le mouvement autonomiste domestique. Dans le cas de la
mobilisation du parti contre les mesures fiscales du gouvernement, en décembre 1924 et en janvier 1925,
fut tentée la popularisation du mot d’ordre correspondant parmi les couches populaires. Dans les
rassemblements en plein air, dans les villes de la Grèce du Nord, contre la charge de nouveaux impôts, les
orateurs soulignaient en conclusion la thèse du parti en faveur de l’indépendance de la Macédoine et de la
Thrace et de l’établissement d’un gouvernement ouvrier-paysan79. Le rôle des propagateurs était
problématique. Pour les travailleurs et paysans ordinaires, la compréhension d’un appel et d’un mot
d’ordre, qui ne présentaient pas de solutions tangibles aux problèmes quotidiens et se référaient à des
réarrangements des frontières, était difficile. La création d’un front avec les autonomistes ne promettait
pas non plus une possibilité encourageante, étant donné que le mouvement séparatiste était minime dans
l’espace grec. Les autochtones slavophones préféraient ne pas être impliqués. Ceux qui établissaient un
contact avec les organisations du parti en Macédoine et en Thrace étaient seulement les communistes et
agrariens bulgares, enfuis de leur pays. Pantelis Pouliopoulos, dans un rapport adressé aux organisations
supérieures à Vienne et à Moscou, le 20 février 1925, les informa que la coopération, jusqu’à cette
période, avec les organisations nationales n’était pas atteinte, se bornant à la communication avec un seul
cadre séparatiste à Salonique80.

75
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres, G.
Dimitrov à Vassil Kolarov, Vienne 18-11-1924, non classifié (copie).
76
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, Parti
communiste de Grèce (section grecque de l’Internationale communiste), No 7, Athènes 17-12-1924, non
classifié (copie).
77
Ibid., Appel, 1 p., non classifié (copie).
78
Ibid., Fédération communiste balkanique, « Appel. A tous les membres du Parti communiste, à tous les
membres du groupe Union communiste, à tous les prolétaires de la Grèce », 4-1-1925, signé : Dimitrov,
non classifié (copie).
79
Cf. Ριζοσπάστης, 6-1-1925.
80
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres,
Comité central du Parti communiste de Grèce à Fédération communiste balkanique et à Troisième
Internationale, Athènes 20-2-1925, non classifié (copie).

24
La propagation de la position pour une Macédoine indépendante, abusive à ce moment
inopportun après la subversion démographique, inappropriée également dans la phase temporelle de la
restauration d’un équilibre économique et d’une stabilité politique dans les pays du système capitaliste,
provoqua l’opposition aiguë de l’entourage social et politique rival. Dans sa défense, le journal
Rizospastis [Radical] entreprit des annotations agressives. Dans une compilation d’articles, on lisait que
les communistes exigeaient l’autonomie de la Macédoine pour qu’elle ne tombe pas entre les mains des
« comitadjis », ni entre les mains des « alliés » serbes qui convoitaient la ville de Salonique, et pour que
les Balkans cessent de constituer un foyer de conflits81. La ploutocratie s’était emparée de la Macédoine
pour sa richesse, non pas parce qu’elle était grecque. En 1916, le premier ministre Eleftherios Venizélos
marchandait la ville de Kavala avec les Bulgares, le premier ministre Dimitrios Gounaris livrait le fort
Rupel et la Macédoine occidentale aux Bulgares, en 1923 Venizélos donnait l’ensemble de la préfecture
de Florina aux Serbes82. Le parti communiste déclarait qu’il s’alignait contre la discrimination de la
population en hétérochtones et autochtones, indépendamment de leur naissance à l’intérieur de l’État
grec, car la distinction se faisait entre les oppresseurs et les opprimés. La solution ne se trouvait pas dans
l’expulsion des autochtones et dans l’installation des réfugiés, ni dans le renvoi des réfugiés pour que les
autochtones restent83. L’immigration compliquait le problème, sans contribuer à sa résolution, puisque les
populations bulgares expulsées nourrissaient le chauvinisme bulgare. La Serbie du premier ministre
Nikola Pasitch occupait une grande partie de la Macédoine, habitée par des macédoniens, Serbes mais
aussi Turcs, Grecs et Bulgares, engendrant des situations qui permettaient une tension constante du
nationalisme grec et bulgare, compliquaient la situation et généraient de nouveaux prétextes à la guerre84.
Le journal Rizospastis [Radical] documentait, en mars 1925, les avertissements d’un conflit imminent par
la publication d’un plan, soustrait frauduleusement, concernant une mobilisation (« Secret, personnel.
Troisième Corps d’armée, 1er Bureau de l’état-major, Département de la mobilisation »), qui témoignait
de la tension sérieuse dans les Balkans et indiquait que les mesures ne concernaient pas une simple
prévoyance, mais en fait une guerre imminente. Selon le document, le général Alexandros Othonaios
ordonna, le 1er mars 1925, « ... l’élaboration d’un plan complet de mobilisation de l’ensemble du pays ...
pour qu’on puisse la préparer et la supplémenter »85.
Malgré le mot d’ordre séparatiste infondé, l’idéologie communiste dépassait les obstacles et, aux
élections parlementaires du 7 novembre 1926, les listes du parti communiste reçurent un nombre de voix
relativement satisfaisant, 4,3%, avec l’élection dans la région des slavophones – nous y avons déjà fait
allusion – d’un député86.
Dans ses efforts pour s’adapter à la réalité, la Troisième Internationale modifiait la tactique sur la
question macédonienne, cherchant à tirer profit du conflit des intérêts nationaux des États balkaniques. En
mai 1927, la Fédération communiste balkanique, stimulée par le discours du député communiste
Maximos au Parlement hellénique, en mars 1927, sur la question nationale, intervint pour corriger
certains aspects erronés. Maximos expliqua au Parlement que les communistes soutenaient, pour la
Macédoine et la Thrace, non pas l’ « autonome » mais l’ « unique et indépendante ». Le parti communiste
n’était pas une organisation qui travaillait pour des buts séparatistes, mais pour changer le statu quo
social. La politique socialiste fut toujours en faveur de l’autodétermination des peuples. En ce qui
concernait les organisations macédoniennes, il fallait blâmer les gouvernements grecs qui avaient expulsé
les macédoniens, les anciens habitants qui composaient la majorité des nationalistes bulgares, et les
avaient jetés dans les bras du chauvinisme bulgare. Maximos ajouta que les communistes grecs se

81
Cf. Ριζοσπάστης, 7-1-1925.
82
Ibid., 17-1-1925.
83
Ibid., 9-4-1925.
84
Ibid., 21,22-2-1925, « Problèmes nationaux. La Question macédonienne ».
85
Ibid., 18-3-1925, « La guerre à la porte ».
86
Cf. Ministère de l’Économie nationale - Statistique Générale de la Grèce, Statistique des élections des
députés du 7 novembre 1926, op. cit.

25
battraient en 1924 pour le succès de la révolution bulgare et le renversement de l’ordre social87. La
Fédération communiste balkanique remarqua que, selon l’impression laissée par le discours du député, les
communistes avaient adopté, dans le passé, le mot d’ordre pour la Macédoine, mais qu’ils ne le
soutenaient plus après l’afflux des réfugiés et l’évolution démographique. La particularité de la
Macédoine grecque ne rendait pas le mot d’ordre de l’autodétermination irréaliste et irréalisable. Le parti
grec devait souligner que le droit à l’autodétermination jusqu’à la séparation appartenait aux
macédoniens. La réduction de la population slavophone locale constituait un argument contre
l’oppression nationale et la dénationalisation appliquées par la classe bourgeoise grecque, et non un
raisonnement qui entravait le droit à l’autodétermination des macédoniens. La position communiste était
en faveur de l’unification des slavophones, nés en Macédoine, et des Grecs nouveaux-venus dans un front
commun pour défendre leurs intérêts face au capitalisme et à l’impérialisme. La lutte commune
émanciperait les réfugiés, établis en Macédoine, de leurs patrons d’Athènes et les orienterait vers la
création de la Macédoine unique et indépendante. Le commentaire de la Fédération communiste
balkanique aboutissait à accentuer la tâche du parti communiste grec de poursuivre résolument les luttes
contre l’oppression nationale et de les lier au combat des communistes en Macédoine serbe et bulgare88.
Les organisations internationales étaient obligées de reprendre les remarques critiques sur
l’adhérence du parti communiste grec à la ligne précédente erronée. Dans un message, en octobre 1927, la
Fédération communiste balkanique affirma que l’attitude du parti communiste grec sur le droit à
l’autodétermination de la Macédoine avait une importance accrue, constituant une rupture au cours du
processus de sa mutation en un parti léniniste de type nouveau (bolchevisation). Cependant le parti se
jetait dans une propagation déformée du mot d’ordre au cours du développement de son action. Le soutien
correct de la thèse ne devrait pas toujours résulter au placement de la question à la première ligne de sa
lutte, ni détourner son attention du contexte international et balkanique. La suggestion était que les partis
communistes devaient se positionner contre la politique d’annexion et de la dénationalisation et
l’oppression nationale résultante contre les autochtones, qui était appliquée par chaque puissance
balkanique sur son territoire ; le parti devait se tourner vers le développement d’un mouvement qui
relierait les luttes de libération nationale au combat ouvrier contre le capitalisme et l’impérialisme.
Surtout, pour la Macédoine sous occupation grecque, l’objectif était de créer un front d’autochtones en
coalition avec les réfugiés contre la classe bourgeoise. Le parti communiste grec était invité à corriger sa
tactique sur la question nationale89. Dans un autre message, un an plus tard – en 1928 –, l’état-major
international émit des instructions pour le parti grec qui harmonisaient la politique d’alors des
communistes avec les résolutions du VIe congrès de la Troisième Internationale – du 18 août au 1er
septembre 1928, à Moscou – et de la VIIIe conférence de la Fédération communiste balkanique (du 30
août au 3 septembre 1928). Le parti communiste grec devait développer des luttes de classe, syndicalistes
et politiques, en tenant compte, en ce qui concernait le mouvement de libération nationale, de la
recommandation visant à un contact avec les organisations existantes en Macédoine, en Thrace et en
Albanie90. De même, en 1929, la ligne de la Fédération communiste balkanique pour les partis
communistes adopta, parmi les tâches immédiates, le regroupement, à une échelle balkanique, des
ouvriers, des paysans et des nationalités opprimées dans une lutte commune contre le capitalisme et le
fascisme, pour repousser la menace de la guerre contre l’Union soviétique91.

87
Cf. Ριζοσπάστης, 30-3-1927.
88
Cf. collection de documents de Giorgos Leontiadis, Archives du Parti communiste bulgare, Lettres,
Fédération communiste balkanique à Parti communiste de Grèce, Vienne 28-5-1927, non classifié (copie).
89
Ibid., G. Dimitrov à Parti communiste de Grèce, Vienne 28-10-1927, non classifié (copie).
90
Ibid., résolution du secrétariat balkanique de la Troisième Internationale pour le Parti communiste de
Grèce, Moscou 13-9-1928, non classifié (copie).
91
Ibid., présentation de G. Dimitrov à la réunion du présidium de la Fédération communiste balkanique
pour les Balkans, Berlin 22-3-1929, non classifié (copie).

26
Le front contre le parti communiste grec, constitué de forces qui étaient subordonnées dans le
système social en vigueur, s’exprimait par des réactions diverses. Dans le cas des fonctionnaires, des
réponses multiples étaient apparues face à la question nationale et sociale. Dans l’exemple des travaux du
3ème congrès de la Fédération des fonctionnaires de Macédoine et de Thrace, les 26 et 27 février 1927 à
Salonique, les tendances prépondérantes se révélèrent au sein des couches sociales petites-bourgeoises. Le
congrès réunit les délégués de l’Association des fonctionnaires de Kozani (S. Xanthopoulos), de Nigrita
(Thomas Oulis), de Kavala et de Pravion (Vasilios Fotiadis), de Serres (Panagiotis Pierros), d’Edessa
(Mavrommatis), de Xanthi (Ioannis Papageorgiou), de Chalcidique (Gritsopoulos), de Kastoria (P.
Batsoutas), de Florina (Dimitrios Tassopoulos), de Drama (Dimitrios Konstantinidis), de Kilkis
(Dimitrios Symeopoulos), de Sidirokastron (Alexandros Voulgaropoulos), de Grevena (Georgios Syrros),
de Kailaria [Ptolémaïs] (Constantinos Asvestas), du Club des fonctionnaires de Salonique (Z. Tseklenis,
St. Petrovas, Ant. Porfiris, Dimitrios Mikropoulos), de l’Union des professeurs de l’enseignement
secondaire de Salonique (Antonios Papaikonomou, Dimitrios Giannoukakos), de la Nouvelle Association
professionnelle des employés du Service des postes, téléphones, télégraphes de Salonique (Dimitrios
Ferentinos, Laskarinis, Tzoufis), de l’Association des instituteurs de Salonique (Panagiotis
Papaevgeniou), de l’Association des employés du Service des postes, téléphones, télégraphes de
Salonique (Georgios Fasois), de l’Association du personnel de la basse catégorie du Service des postes,
téléphones, télégraphes de Salonique (Vasilios Alexogiannis), de l’Association des instituteurs de
Salonique « Anagennisis [la Renaissance] » (Georgios Mingos), du Club des douaniers de Macédoine (St.
Leontaridis, Nikolaos Matsakas, Dimitrios Sakelion). Dans le rapport de l’ancien secrétaire général de la
Fédération, Georgios Katsikeas, et dans les discours des participants, furent soulevées des questions
institutionnelles (décentralisation) et des revendications (augmentations des salaires, permanence). Pour la
liberté d’association – non approuvée, récemment, par le gouvernement –, la plupart des orateurs
favorisaient cette option. Le débat, reflétant la situation sociale, souleva des questions de coopération
avec les travailleurs, mais aussi avec les communistes. Le fonctionnaire anticommuniste Xanthopoulos se
déclara neutre quant à la coopération avec les travailleurs. Oulis s’exprima contre la coopération, car elle
aurait pour conséquence une coopération sociale. Fotiadis favorisa la coopération avec les travailleurs et
avec les communistes, mais en excluant les partisans de l’autonomie de la Macédoine. Pierros, présentant
des positions favorables à la classe ouvrière, parla à plusieurs reprises contre les capitalistes, mais, en
général, il se déclara être nationaliste. Le fonctionnaire anticommuniste Mavrommatis partit parce que la
Bourse du travail de Salonique s’était invitée et participait aux séances avec ses délégués. Konstantinidis
s’exprima en faveur de la coopération, Symeopoulos en faveur de la coopération sur les questions
économiques, et non pas sur les thèmes idéologiques, Asvestas en faveur d’un simple contact, non pas de
coopération, Petrovas en faveur de la coopération dans les limites sociales nationales, Porfiris en faveur
de la coopération dans le champ professionnel uniquement, le douanier Mikropoulos en faveur, le
directeur de lycée Papaikonomou contre, le professeur de l’enseignement secondaire Giannoukakos en
faveur d’un simple contact, mais pas de coopération, Fasois en faveur, l’instituteur Mingos contre la
coopération avec les organisations des travailleurs et les communistes, le douanier Sakelion en faveur de
la coopération économique seulement. Sur la position de Fotiadis en faveur de la coopération avec les
travailleurs et les communistes, Petrounias, délégué de la Confédération des fonctionnaires, venu
d’Athènes, déclara son objection. Il affirma qu’au Parlement, le député communiste Maximos avait
défendu les fonctionnaires, donnant l’impression qu’ils donnaient leur appui au parti communiste. A
Athènes, dit-il, la résolution qui fut adoptée était pour un contact avec les classes laborieuses et non pour
une coopération – quant à un contact avec les communistes, c’était hors de question –. Le deuxième
délégué d’Athènes, secrétaire général de la Confédération, Dimitrios Kapsalis, se plaça en faveur de la
coopération avec les travailleurs. La résolution finale du congrès était en faveur de la coopération avec les
organisations des travailleurs dans le contexte social et national. En ce qui concernait les élections pour le

27
nouvel organe de direction, furent élus Petrovas, Giannoukakos, Ferentinos, Matsakas, Mingos, Ioannis
Papoutsopoulos (premier secrétaire général en 1924), Tseklenis92.

La réaction de l’appareil étatique fut la répression, la persécution. Le ministère de l’Intérieur


modifia la loi du 19 avril 1924 sur le brigandage dans le but de servir des objectifs anticommunistes, en
adoptant de la mesure de l’expulsion des personnes qui conspiraient contre l’ordre social ou visaient à
enlever des parties du territoire grec par la voie de l’autonomie. Les arrestations de membres du parti,
effectuées durant la période jusqu’en 1935, étaient plus de 13.000 et, dans une proportion de 20%, des
peines furent infligées qui allaient jusqu’à l’emprisonnement et l’expulsion93.
Dans un recueil d’incidents, en février 1925 à Drama, à l’Union des anciens combattants, la
majorité communiste de son conseil ajusta les déclarations de l’organisation à la propagande du parti
communiste. Les autres membres réagirent et, le 12 février 1925, demandèrent la convocation d’une
assemblée générale. Après la réponse négative du conseil, ils procédèrent à une réunion, le 19 février
1925, où ils préparèrent une déclaration de protestation. La personne en tête était le membre Th.
Anagnostou, de la Jeunesse démocratique de Drama, rédacteur en chef de la revue hebdomadaire Enosis
[Union]. Ils désapprouvaient les personnes du conseil de l’Union pour la violation des statuts et des buts
statutaires soulignant l’aide mutuelle uniquement et pour leur action antinationale en faveur de
l’autonomie de la Macédoine. Les responsables communistes furent arrêtés par la police94. A Kavala, le
25 février 1925, un rassemblement anticommuniste de la Chambre de commerce eut lieu. Une feuille
volante du parti communiste et de la Bourse du travail de Kavala, qui fut distribuée dans les rues, appelait
les citoyens à riposter. Les distributeurs Konstantinos Sismanidis et Nikolas Bakalbasis furent arrêtés ; ils
furent frappés sauvagement au 1er Poste de police et, déférés devant le tribunal de police, furent
condamnés. Lors du rassemblement, les orateurs offensèrent la position communiste sur l’autonomie de la
Macédoine et de la Thrace95. A Drama, le 14 mars 1925, furent arrêtés par le commandant de la
gendarmerie, colonel Ioannis Papadakis, et le commandant d’escadron Papantonakis certains
communistes, accusés de propagande en faveur du renversement du régime et de l’autonomie de la
Macédoine. Il s’agissait de Christos Tzallas, secrétaire de l’organisation locale du parti communiste et
secrétaire du syndicat de second degré « Panergatiki [Union ouvrière] » (sur les informations des
indicateurs, les gendarmes l’avaient trouvé dans la maison des frères Ziogas – il s’était caché sans succès
dans un placard –), le secrétaire de l’organisation locale de l’Union des anciens combattants Panagiotis
Psonopoulos, le typographe Georgios Georgiadis, le secrétaire général du syndicat « Evdaimonia
[Bonheur] » (nouvellement élu) Andreas Kritikos, le secrétaire du syndicat des serveurs Petros Siskos,
l’employé des postes Avgoustis Chatzopoulos, les ouvriers du tabac Dimitrios Kasapis, membre du
comité de contrôle du syndicat « Evdaimonia [Bonheur] », et Sokratis Kanellopoulos, ancien secrétaire du
syndicat jaune et postérieurement responsable de « salon » [ouvrier, désigné par le syndicat, en tête des
ouvriers d’un atelier des entrepôts du tabac] de la Société de tabacs General, ainsi que les ouvriers Ioannis
Samaras, Christos Syropoulos, Prodromos Andreou ou Tsataltzalis (trouvé au village de Rodoleivos),
Efstratios Komantzidis. Échappèrent à l’arrestation Konstantinos Merkouriou ou Konstantinidis qui avait
écrit le texte des feuilles volantes en faveur de l’autonomie de la Macédoine, Evangelos Tsaousis et Pol.

92
Cf. Archives des associations de Thessalonique, Fédération des fonctionnaires de Macédoine et de
Thrace, No 491 ; Εφημερίς των Δημοσίων Υπαλλήλων [Journal des fonctionnaires], organe de la
Fédération des fonctionnaires de Macédoine et de Thrace (Salonique), 16-2-1927 ; Εφημερίς των
Βαλκανίων, 26,27,28-2-1927 ; Μακεδονικά Νέα, 27,28-2-1927.
93
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce, élaboration
des éléments.
94
Cf. Ο Αγών (Ανατολικής Μακεδονίας και Θράκης) [Le combat (de la Macédoine de l’Est et de la
Thrace)] (Drama), 3,7-1-1925 ; Θάρρος [Courage] (Drama), 4,6,9-1, 21-2-1925 ; Εφημερίς των
Βαλκανίων, 28-2-1925.
95
Cf. Ριζοσπάστης, 3-3-1925.

28
Michailidis. Furent saisis des tracts de la Fédération de la jeunesse communiste de Grèce et furent arrêtés
le secrétaire général Georgios Ziogas et le secrétaire spécial Tasos Voglas. Furent également arrêtés les
ouvriers du tabac Dimitrios Chatzigeorgiou, Alexandros Alexandridis, Filippos Georgiadis, Christos
Mavromatis, Kosmidis, Georgios Vlachakis, Konstantinos Kaloglou (plus tard, ils furent libérés). Les
dossiers du syndicat « Evdaimonia [Bonheur] » furent saisis ; des documents révélant les actes illégaux du
mouvement ouvrier, conservés par mégarde avec le matériel syndicaliste, attirèrent l’attention des
autorités. Le Commandement de gendarmerie de Drama présenta à l’opinion publique de la ville, le 15
mars 1925, une lettre du Secrétariat régional de Macédoine du parti communiste (signé par le secrétaire
Stamkos), adressée à l’organisation du parti à Drama, le 4 mars 1925, où était révélé qu’ils leur
envoyaient du matériau pour la propagation de l’autonomie de la Macédoine et de la Thrace. D’autres
documents étaient disponibles démontrant le financement par les communistes du mouvement séparatiste
et d’un journal turc de la ville de Xanthi en Thrace. Les individus arrêtés furent transférés, le 27 mars
1925, dans les prisons de la ville de Kavala96. L’élimination des cadres du parti fut traitée par des actions
pour un regroupement, malgré l’empêchement provoqué par la surveillance continue du service de sûreté.
A l’occasion du Premier Mai 1925, furent imprimés des tracts du parti communiste et de l’Union des
anciens combattants, dont le contenu soutenait l’autonomie de la Macédoine et faisait appel au peuple
pour accueillir les fugitifs communistes bulgares comme des frères. La distribution du matériel dans la
ville fut interrompue par les forces de répression97. Le 13 juin 1925, Panagiotis Psonopoulos et Dimitrios
Kasapis furent libérés des prisons de Kavala. Les autres furent renvoyés en procès, devant la cour martiale
de Kavala, le 28 juillet 1925, pour haute trahison. Y assistèrent comme témoins le commandant de la
gendarmerie de Drama, Papadakis, et le sous-lieutenant D. Apostolakis98. Les infractions furent ensuite
amnistiées.
A Salonique, le secrétaire général de la Bourse du travail Theodoros Nikotos fut invité, le 21 mars
1925, par la cour martiale à un interrogatoire, après une poursuite de la police concernant son
appartenance au parti communiste et sa participation à l’agitation en faveur de l’autonomie de la
Macédoine. Il fut libéré. De même furent poursuivis et interrogés Konstantinos Aspropoulos, Grigorios
Sarris et Asimakis Theodoridis ; ils conseillèrent aux officiers de lire les journaux, parce que, de cette
manière, ils seraient informés que tous avaient été radiés du parti communiste pour leur désaccord avec la
question macédonienne99.
Le 30 mai et le 1er juin 1925, fut entendu devant la Troisième Cour martiale permanente de
Salonique le cas des communistes qui furent déférés pour haute trahison, ayant parlé en faveur de
l’autonomie de la Macédoine et de la Thrace lors d’un rassemblement de la Bourse du travail de
Salonique, le 28 décembre 1924, au cinéma-théâtre Panthéon, et ayant commis d’autres infractions. Les
inculpés, détenus dans les prisons de Yedi Kule, étaient Anastasios Georgakis (tramwayeur, ancien
conseiller municipal), Georgios Maragos, Georgios Douvas (en tête de la jeunesse communiste), Timos
Vitsoris, Georgios Kourtidis (étudiant en droit, en tête de l’Union des anciens combattants), Grigorios
Papanikolaou (secrétaire général de la Bourse du travail de Salonique), Chaïm Saporta (responsable du
journal Avanti!), Anastasios Chaïnoglou (secrétaire régional de l’organisation de Macédoine du parti
communiste), Aristophanis Papadopoulos (orateur au Panthéon de la part du parti communiste) Georgios
Makropoulos (éditeur responsable du journal Foni tou ergatou [Voix du travailleur], accusé d’avoir
publié, dans le numéro du 4 février 1925, un article contre la guerre, donnant des conseils aux conscrits de
jeter les armes et de retourner dans leurs foyers), Angelos Angeloukas et les fugitifs Nikolaos Zachariadis
(évadé de la prison de Yedi Kule le 29 mars 1925) et Ioannis Tachogiannis. Furent entendus devant le
tribunal comme témoins à charge le commandant du service de sûreté Stylianos Kandylakis, le directeur
du Deuxième Bureau de l’état-major du Troisième Corps d’armée Kanakis, le lieutenant de la

96
Ibid., 15,16,30-3, 15-4-1925 ; Μακεδονικά Νέα, 19-3-1925 ; Θάρρος, 15,16,24,25,28-3, 4-4-1925.
97
Cf. Μακεδονικά Νέα, 10-5-1925.
98
Cf. Ριζοσπάστης, 19-6-1925 ; Θάρρος, 28-7-1925.
99
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 22-3-1925.

29
gendarmerie Gialetakis du 3ème Poste de police, les lieutenants de la gendarmerie Ioannis Fragoudakis et
Granis, le sous-lieutenant Andreas Tsigdinos. Les avocats Nikolaos Tzermias, Nikos Dimitratos, Fokion
Kammonas, Konstantinos Giompres et les témoins à décharge Xenophon Faneros, A. Arvanitakis, G.
Liolios, Binis, Sotirios Tsigaridas, Athanasios Orfanos arguèrent que l’autonomie avait la signification de
la Fédération balkanique. Dans leurs excuses, les déférés invoquèrent des arguments qui soutenaient le
mot d’ordre du mouvement communiste sur la question nationale. Papadopoulos déclara que la classe
bourgeoise préparait une nouvelle guerre impérialiste et que la Macédoine et la Thrace étaient traversées
par les ambitions et les rivalités des ploutocrates des Balkans. Le parti communiste proposa un traitement
non conspirateur, parce qu’il était une section de l’Internationale communiste, de l’organisation
internationale du prolétariat qui ne communiquait avec les « comitadjis » de Tsankov ni ne négociait avec
la bourgeoisie serbe de céder des parties de la Macédoine sous occupation grecque. Le parti grec n’avait
pas soutenu l’autodétermination de la Macédoine sous occupation grecque, mais, en coordination avec les
autres partis communistes des Balkans, l’autodétermination de toutes les parties de la Macédoine selon
des considérations géographiques, comme le parti communiste italien [Partito Comunista d’Italia (Sezione
della Internazionale Comunista)] avait soutenu l’autodétermination du Dodécanèse et le parti communiste
anglais [Communist Party of Great Britain] l’autodétermination de l’île de Chypre. L’inculpé
Papanikolaou (au cinéma Panthéon, son discours était favorable au système de la démocratie soviétique)
déclara pour sa défense que, pendant plus de six ans, il s’élisait secrétaire général de la Bourse du travail
de Salonique, que les travailleurs subissaient des persécutions et que la question macédonienne était
simplement l’occasion de nouvelles poursuites. « ... Vous ne nous persécutez pas pour la question
macédonienne, c’est la classe ouvrière qui est traquée, la classe dont je suis le représentant en ce
moment ; c’est notre idéologie qui est abusée. » Sur l’accusation d’être un exploiteur et sur les
commentaires qu’il avait trois maisons, il dit : « ... Bien que pourrais-je faire des maisons, j’aurais pu
m’en faire construire en 1920 lorsque venaient chez moi les différents cadres de l’éventail royal pour me
mettre sur leur liste électorale, et j’aurais pu devenir un membre du Parlement, parce que, excusez-moi, si
vous attachiez un animal avec un rameau d’olivier à l’urne électorale, il serait élu député, alors qu’au
contraire je n’ai pas recherché les honneurs et je n’ai pas trahi ma classe, et ma seule condition
économique est une chambre louée dans les ruines du quartier Kule Kafe, un pantalon et la prison de Yedi
Kule ». Le défendeur Maragos, s’excusant, dit : « ... On dit que je suis un démagogue et je peux attirer les
foules ... Ce n’est pas ma capacité qui incite les foules, mais le fait qu’en ma personne, on salue les actes
du parti communiste ». Il ajouta qu’il avait parlé dans la salle Skating au nom de l’organisation « Fititiki
Enosis [Union des étudiants] », dont les membres n’oublièrent pas leur classe bien qu’ils aient accédé au
niveau supérieur de l’éducation intellectuelle. L’accusé Vitsoris dit qu’il avait parlé dans la salle Skating
au nom de l’Union des anciens combattants de Salonique malgré le fait qu’il n’avait pas servi comme
soldat. Il déclara qu’il n’avait pas parlé d’une Macédoine indépendante, mais qu’il adoptait le mot
d’ordre, en expliquant: « Est-ce qu’on croit que je n’ai pas le droit de parler d’une question nationale
parce que je ne me suis pas sacrifié jusqu’à maintenant sur le champ de bataille, c’est-à-dire sur l’autel de
l’impérialisme ? » L’accusé Kourtidis déclara que l’établissement des réfugiés se ferait facilement dans
une Macédoine unifiée et indépendante et surtout dans une Thrace unique et indépendante, où les
Thraciens pourraient alors retourner et s’établir, avec un grand nombre de réfugiés provenant d’Asie
Mineure. Il précisa qu’au rassemblement du cinéma Panthéon, « ... je n’ai pas parlé [de la question
nationale], car je n’ai pas reçu d’ordres. Si j’avais eu de telles instructions, j’aurais parlé ». L’accusé
Chaïnoglou renversa l’accusation de trahison nationale, rappelant que la bourgeoisie grecque, même après
la colonisation par les réfugiés, avait reconnu, par le Protocole Politis-Kalfov du 29 septembre 1924,
l’existence d’une minorité bulgare et avait accordé au premier ministre bulgare Tsankov le droit de les
défendre. La Serbie, amie et alliée, exigeait la reconnaissance de 300.000 résidents minoritaires et la
copropriété du port de Salonique. Le premier ministre Andreas Michalakopoulos, essayant de ne pas
reconnaître les demandes serbes, reconnut l’existence d’une ethnicité singulière. Cependant, les excuses

30
des accusés ne produisirent pas de résultats. Des lourdes peines de prison furent infligées (Papanikolaou,
Chaïnoglou, Saporta, Papadopoulos, 18 ans pour chacun ; Douvas, Angeloukas, Kourtidis, Vitsoris,
Maragos 12). Georgakis et Makropoulos furent acquittés100. Le verdict fut traité par les organisations
communistes par une foule de protestations. Seraphim Maximos écrivit un article dans le journal
Rizospastis [Radical], où il comparait les peines infligées, au total 132 ans, contre les communistes avec
l’impunité dont jouissaient les membres de la classe bourgeoise, auteurs des détournements de fonds,
instigateurs des coups militaires et d’autres auteurs de crimes101. L’élan du parti communiste restait intact
et son effort de transmettre le mot d’ordre pour une Macédoine indépendante ne s’adoucissait pas. Dès le
premier moment, la jeunesse communiste, lors d’une conférence dans le nord de la Grèce, approuva la
divulgation d’une déclaration sur la question nationale. Le contenu du texte fut adapté à la situation des
persécutions judiciaires, afin de ne pas provoquer de nouvelle vague de poursuites, avec une liste des
problèmes sociaux dans la région et une référence politique à l’ « ... existence de la Macédoine et Thrace
sous occupation grecque... » et au soin du capitalisme grec pour « ... le maintien par la force de sa
domination sur la Macédoine et la Thrace... »102
Sous le régime dictatorial de Pangalos, furent déférés devant la cour martiale d’Athènes, le 25
août 1925, avec des accusations de soutien à l’autonomie de la Macédoine et de la Thrace, les membres,
anciens et nouveaux, de la direction du parti communiste Pantelis Pouliopoulos, Seraphim Maximos,
Thomas Apostolidis, Ioannis Monastiriotis, Konstantinos Sklavos, Dimitrios (Takis) Fitsios, I. Rempakos,
Vasilios Nikolinakos, D. Foultsakos, Petros Pikros, D. Velentzas. Le témoin à charge Nikolaos
Sargologos, ancien secrétaire général du parti (d’octobre 1922 à septembre 1923) qui rompit ses liens,
déclara que l’autonomie de la Macédoine avait été proposée par le parti communiste bulgare. Le procès
fut ajourné et fut repris le 22 février 1926103. Enfin, la persécution cessa et, après la chute de Pangalos, les
infractions furent ensuite amnistiées.
L’agitation dans les villes et à la campagne continua ; en même temps, continua la persécution.
Dans un recueil, en 1925, dans les régions de Florina et d’Edessa, dans la zone où les problèmes des
agriculteurs, autochtones et réfugiés, persistaient, plusieurs initiatives eurent lieu. Par derrière, les
mouvements étaient conduits par les dirigeants communistes de Florina Stefanos Georgiadis, Vasilios
Konopoulos, Christos Sechidis, Thomas Katsoras, Nikolaos Kyriakopoulos et les cadres d’Edessa,
l’agriculteur Christos Peikos, le professionnel Tr. Chatzigiannis, le réfugié St. Georgiadis. L’Union
agricole de Florina [type d’association inventé localement, dans la campagne, par les communistes],
fondée au début de juin 1925, attira l’attention du service d’intendance. Le lieutenant Stamatoulis
s’occupa de la question et interrogea le président de l’association. Au mois de juin 1925, dans le bourg
d’Ostrovon [Arnissa] de la région d’Edessa, un terrorisme sauvage fut porté contre les membres de
l’organisation des anciens combattants, avec le passage à tabac de plusieurs personnes. Dans le village de
Tsegani [Agios Athanasios] d’Edessa, 12 membres de la branche locale des anciens combattants furent
emprisonnés. Dans le village de Pateli [Agios Panteleimon] de Florina, Katsoras, secrétaire de la branche
locale des anciens combattants, était contraint de marcher, chaque jour, pendant six heures jusqu’au bourg

100
Cf. Μακεδονικά Νέα, 28,29-12-1924, 31-5, 2-6-1925 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 31-5, 2-6-1925 ;
Ριζοσπάστης, 9,13,14,16,18-6-1925.
101
Cf. Ριζοσπάστης, 3-6-1925.
102
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce,
« Fédération de la jeunesse communiste de Grèce. Proclamation de la conférence des organisations de la
Jeunesse communiste de Macédoine et de Thrace. A la jeunesse ouvrière, paysanne, réfugiée et
minoritaire », non classifié, 7-6-1925, 1 p.
103
Cf. Archives de la Cour martiale d’Athènes, Actes, 25-8-1925, procès des accusés Pantelis
Pouliopoulos, Seraphim Maximos, Thomas Apostolidis, Ioannis Monastiriotis, Konstantinos Sklavos,
Dimitrios Fitsios, I. Rempakos, Vasilios Nikolinakos, D. Foultsakos, Petros Pikros, D. Velentzas, procès
reporté ; ibid., 22-2-1926, audience ajournée, procès reporté à nouveau.

31
de Sorovitch [Amyntaion] de Florina pour se présenter au poste de police104. Le 17 décembre 1925, à
Asvestochorion de Salonique, village ayant une population slavophone, le communiste Georgios Bikas
fut arrêté pour propagande en faveur de l’autonomie de la Macédoine105. En décembre 1926, après les
élections législatives [7 novembre 1926], Kyriakopoulos fit une tournée, en qualité de député communiste
de Florina nouvellement élu, dans la campagne. Le 25 décembre 1926, il parla aux villageois de
Pisoderion, le 26 décembre de Zelovon [Antartikon] et Ostima [Trigonon]. Puis il fit le tour des villages
du lac Prespa, German [Agios Germanos], Lampi [Laimos], Medovon [Mileonas], Sterkovon [Platy],
Popli [Lefkonas], Orovnik [Karyai], Laga [Mikrolimni]. Les résidents se plaignaient du comportement
arbitraire du sous-lieutenant Bitsakis qui injuriait les locaux, les appelant Bulgares, parce qu’ils votèrent,
aux élections, pour les communistes. Dans le village German, il avait rassemblé 50 pauvres gagne-pain et
les avait menacés de les emprisonner. Le député transmit les protestations au Commandement de
gendarmerie de Florina. Lui-même, dans les prochains jours, se rendit sur place, accompagné de Christos
Sechidis, et fut entendu à Vladovon [Agra], ainsi que dans la ville d’Edessa et dans les villages de
Negovani [Flabouron], Kouskouveni, Nilesiovitsa et Mahalas106. Le 2 janvier 1927, le député parla à
Florina à un meeting où les habitants vinrent nombreux. Au contraire, un discours dans la ville, le 9
janvier 1927, du député Georgios Modis, vice-président du Parlement grec, grécomane de Bitola
[Monastirion], à un rassemblement dans le cinéma Panthéon, échoua. Pas un ouvrier ou paysan n’y
participa, et des voix furent entendues à la fin, « à bas les ploutocrates »107. Le dimanche 6 février 1927,
eut lieu, dans la ville, un meeting pour le troisième anniversaire de la mort de Lénine [21 janvier 1924],
avec la participation des autochtones, des travailleurs, des professionnels et des intellectuels. Les orateurs
du parti communiste, de la Fédération de la jeunesse communiste et du front électoral (Front uni des
ouvriers, paysans, réfugiés) se référèrent au grand révolutionnaire russe, à la situation actuelle et aux
tâches spécifiques des travailleurs108. Le dimanche 27 novembre 1927, à 11 heures, fut organisée dans la
ville, au cinéma-théâtre Panthéon, un rassemblement du front électoral pour le dixième anniversaire de la
Révolution d’octobre [7 novembre 1917]. Les orateurs, le cadre communiste Sechidis et le député
Kyriakopoulos, infligèrent des remarques critiques contre le Gouvernement œcuménique et la politique
d’imposition lourde ; à la fin, le responsable de la réunion, Tzintzoglou, devait proposer un texte de
protestation pour être approuvé par les participants au meeting. Un lieutenant de la gendarmerie, qui était
présent, voulait, selon les dispositions, contrôler le contenu des discours et essaya de déranger le député,
mais, devant la réaction de l’auditoire, il n’insista pas109.
L’État imposait des sanctions en série. En été 1927, les communistes déplacés étaient, dans l’île
d’Anafi, Ilias Faratzis, Stefanos Kalogeridis, Vasilios Asikis, Dimosthenis Evangelidis, Periklis
Konstantinidis, Achilleas Dimitriadis, Christos Peikos, Athanasios Kalaganis, Georgios Konsolas
(hospitalisé à l’hôpital de l’île de Syros) ; dans l’île d’Amorgos, Stavros Kapetanandreou, Vasilios
Koutoupis, Anagnostis Deligiannis, Konstantinos Sismanis, Nikolaos Zafeiriou, Vasilios Ypsilantis,
Vaios Papanikolaou, Konstantinos Doulias, Evangelos Konstantinou ; dans l’île d’Andros, Emmanouil
Retsas, Pantelis Simos ou Karagitsis, Solomon Levy ; dans l’île de Zakynthos, Carnik Navasartian ; dans
l’île de Théra (Santorin), Angelos Angeloukas ; dans l’île d’Ithaque, Stylianos Arvanitakis ; dans l’île de
Kea, Ioannis Tsigas ; dans l’île de Céphalonie, Verchanes Serafian ; dans l’île de Kimolos, Aristidis
Bountouris, Tasos Katoulas, Georgios Paparigas, Nikolaos Togousidis, Fotios Georgiadis, Epaminondas
Ladas, Georgios Malioufas, Konstantinos Liolios ; en Crète, Stavros Paschalidis (à Rethymnon), Thanos
Anagnostou (à Askyfos), Konstantinos Makropoulos (à Sitia), Apostolos Grozos (à Kastelli de
Kissamos) ; dans la ville de Kyparissia, dans la région de Messénie en Péloponnèse, Georgios Kourtidis ;

104
Cf. Ριζοσπάστης, 15-6-1925.
105
Cf. Μακεδονικά Νέα, 18-12-1925.
106
Cf. Ριζοσπάστης, 25-1-1927.
107
Ibid., 22-1-1927.
108
Ibid., 8-2-1927.
109
Ibid., 3-12-1927.

32
dans l’île de Lemnos, Ioannis Savvidis, Angelos Koufodimos, Eleftherios Mavros, Michail Angelidis,
Konstantinos Mavroudis, Christos Dimopoulos, Apostolos Kontzamanis, Aron Mentes, David Ovanesian,
Kyriakos Tavridis, Ioannis Artopoios, Georgios Ladopoulos, Stamatios Daldogiannis, Athanasios
Doukopoulos, Ilias Maretsas, Markos Zouboulakis, Konstantinos Favas, Memet Fikri ; dans l’île de
Mykonos, Adam Mouzenidis ; dans l’île de Kythnos, Betroz Achigian ; dans l’île de Cythère, Antoine
Michailian ; dans l’île de Naxos, Thomas Doris ; dans l’île de Paros, Ioannis Monastiriotis ; dans l’île de
Skopelos, Haïm Matia ; dans l’île de Samothrace, Charilaos Tsantos, Ioannis Ioannidis, Laskaris
Laskaridis, Konstantinos Kosmidis, Athanasios Bouras ; dans l’île de Skyros, Kypridimos Chatzinikolaou
(provenant de l’île de Chypre) ; dans l’île de Sikinos, Athanasios Orfanos, Onik Kasaretzian, Georgios
Ziogas, Christos Syropoulos, Apostolos Trakas, Vasilios Leloudis, Garabet Baltagian ; dans l’île de
Syros, Aristophanis Papadopoulos, Konstantinos Vassios ; dans l’île de Folegandros, Alexandros
Theodoridis, Dimitrios Tzimas, Aristidis Bozis, Vasilios Pantoflas, Christos Xyloudis, Dimitrios Doukas,
Dimitrios Kartas, Georgios Konstantinidis, Christos Taktikos. Furent transférés de la Canée en Crète dans
l’île de Folegandros les cadres Georgios Chantzopoulos, Georgios Kritikos, Andreas Karatzas110. A la fin
de l’année 1927, les communistes exilés dans l’île d’Anafi étaient P. Konstantinidis, A. Dimitriadis, Ch.
Peikos, S. Kapetanandreou, A. Pilafidis, I. Faratzis, S. Kalogeridis, G. Konsolas, V. Asikis, D. Evagelidis,
K. Vassios ; dans l’île d’Amorgos, Vaios Papanikolaou, I. Doumas, Ap. Grozos, I. Tselios, An.
Deliyannis, Kyr. Konstantinidis, K. Malamidis, Manolias, V. Koutoupis, K. Sismanis, N. Zafeiriou, V.
Ypsilantis ; dans l’île d’Andros, Solomon Levi, P. Sisos, Emm. Retsas, P. Simos ; dans l’île de Théra
(Santorin), S. Stamopras, Ach. Kontaras, Ang. Angeloukas ; dans l’île d’Ithaque, Styl. Arvanitakis ; dans
l’île de Kea, I. Tsigas ; dans l’île de Kimolos, Ar. Bountouris, F. Georgiadis, Ep. Ladas, Isaac Eskenazi,
G. Malioufas, K. Liolios ; dans l’île de Folegandros, G. Konsolas, D. Doukas, Char. Tsiantos, Onik
Kasaretzian, Garabet Maltagian ; dans la ville d’Agios Nikolaos de Crète, K. Makropoulos ; dans l’île de
Naxos, Th. Doris ; dans l’île de Lemnos, Ang. Koufodimos, V. Ververis, El. Mavros ; dans la ville de
Mytilène dans l’île de Lesbos, S. Daldogiannis, G. Liberopoulos ; dans l’île de Paros, I. Monastiriotis, G.
Ziogas, Ap. Trakas, Vas. Leloudis ; dans l’île de Sikinos, Ath. Orfanos ; dans l’île de Skyros, K.
Chatzinikolaou ; dans l’île d’Ios, D. Kartas, G. Chantzopoulos ; dans l’île de Cythère, Vas. Fanitros ; dans
l’île de Skiathos, N. Zagourtzis ; à Sparte, ville du Péloponnèse, Chr. Polymenakos ; dans l’île de
Samothrace, l’ouvrière Stella Esmentzi. A Athènes, dans les prisons de Syngros, étaient détenus les
journalistes P. Pikros, D. Evangelopoulos, T. Fitsios, El. Apostolou, aussi les cadres Pastias Giatsopoulos,
Th. Mangos, Nikolaidis, D. Foultsakos, G. Douvas, Vasilios Konopoulos, Mantzouratos, Rempakos,
Frapos, Georgios Nicholis, tous proscrits pour leur activité séparatiste. Dimitrios Sakarelos et Evangelos
Thomazos étaient emprisonnés pour un crime politique [pour l’homicide d’Ilias Georgopapadatos,
membre de l’organisation Archives du marxisme]. A Salonique, furent emprisonnés D. Dimitriadis, N.
Markinos, Mich. Kogianis, Andr. Kosmas, St. Chantzakos, I. Ioannidis, Evangelos Ioannou, Evangelos
Dimopoulos, Kyros Vasaras, Thomas Chantzis, I. Makrakis, Steph. Katsikopoulos, I. Arvanitakis, G.
Arvanitakis, Angel Stroumsa, Char. Giamourtzis, Natan Pesah, Periklis Saroglou, M. Tertan, I.
Mavrogiannis, I. Makridis, G. Pistas et les députés du Parlement grec Grigorios Papanikolaou et David
Shoulam. Les cadres emprisonnés étaient, dans l’île de Syros, Andr. Kritikos et G. Karatzas. A Patras, Al.
Douvas fut détenu ; dans la ville d’Agrinion, 12 personnes, déférées pour les incidents provoqués par les
ouvriers du tabac, furent emprisonnées ; dans la ville de Drama, 4 personnes inculpées pour les
événements à la société Gary Tobacco Co. [intervention contre le chargement de tabacs non manipulés de
Drama et de Kavala pendant la tentative de leur exportation à l’étranger, le 5 janvier 1927] ; à Kavala, 4
pour les incidents provoqués par les ouvriers du tabac ; à Xanthi, 3 pour la même raison. Les personnes
poursuivies et non arrêtées par les autorités d’Agrinion étaient de 15, du Pirée 1, de Salonique 12, de
Kavala 4, de Drama 6, de Xanthi 2. Au début de l’année 1928, les personnes expulsées dans les îles
étaient de 66, emprisonnées 79, poursuivies 40, au total 185. Quant à leur profession, on comptait 11

110
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce,
élaboration des éléments ; Ριζοσπάστης, 27-7-1927.

33
journalistes d’Athènes, de Salonique et de Kavala, 4 instituteurs, 3 étudiants à l’université, un chimiste,
un commerçant, 14 salariés du secteur privé, 6 typographes, 9 cheminots ; les 136 restants étaient des
ouvriers du tabac. En termes d’identités culturelles (nationales, ethniques et autres), se trouvaient, parmi
eux, un Chypriote, 4 Juifs, 9 Arméniens, un musulman, 6 slavophones. En ce qui concernait le sexe,
toutes les personnes étaient des hommes sauf une. Les membres de leurs familles, mineurs et dépendants,
des exilés étaient de 280, des prisonniers 160, des persécutés 140, au total 580111.
En réponse à la terreur blanche, les travailleurs versaient des cotisations à la branche locale du
Secours rouge international (MOPR), organisation d’assistance sous contrôle communiste. Dans le cas de
la Macédoine occidentale, furent offerts, au Nouvel An 1928, par un « ancien bolchevique » de Florina 25
drachmes, par le « noyau » [organisation communiste] de Corissos de Kastoria 189 drachmes, par le
« noyau » de la ville de Kastoria 150, par le « rayon » [l’ensemble des « noyaux » sur une base
territoriale] de Florina 145, par les cadres Vlatsas et Kalapodas, résidents de Kozani, 170 drachmes112.
La persécution de l’État contre le mouvement séparatiste se systématisa par l’émission de
mandats d’arrêt pour haute trahison. La personne chargée des interrogatoires à Athènes était le juge de la
Cour d’appel Pavlopoulos. Au début de janvier 1928, il interrogea les députés communistes. Dans la ville
de Kavala, le 11 janvier 1928, certains ouvriers du tabac accusés de propagande en faveur de l’autonomie
de la Macédoine, furent interrogés ; le préfet ordonna la dissolution du syndicat communiste
« Kapnergatiki Enosis Kavalas [Union des ouvriers du tabac de Cavala] »113. Dans la ville
d’Alexandroupolis, les autorités initièrent la procédure de contrôle de l’infraction, que les orateurs avaient
commis pendant un meeting ouvrier, le 19 janvier 1928, avec la proclamation de l’autonomie de la
Macédoine et de la Thrace comme élément du programme du parti communiste. A cette occasion, les
auditeurs acclamèrent la position du parti et 50 élèves, appartenant à l’organisation de la jeunesse
communiste dans le lycée de la ville, chantèrent l’hymne de l’Internationale114. A Florina, des procédures
de répression étatiques contre les partisans de l’autonomie furent lancées en janvier 1928. Le 27 janvier
1928, le député Kyriakopoulos, qui allait à la police pour demander la permission de convocation d’un
meeting dédié à l’anniversaire de la mort de Lénine, fut arrêté et transféré à Athènes115. En février 1928,
des interrogatoires de personnes exposées à des activités de propagande en faveur de l’autonomie furent
menés dans la ville116. Le cadre Georgios Bitselas fut arrêté et transféré à Athènes117. A Salonique,
pendant les enquêtes sur le mouvement séparatiste, furent arrêtés, suite aux ordres du magistrat
Pavlopoulos, le 11 février 1928 le cadre Aristophanis Papadopoulos et, le 8 mars 1928, Ioannis
Arvanitakis, secrétaire général de la Bourse du travail de Salonique et membre du comité exécutif de la
Fédération des travailleurs du ravitaillement, Fokion Kammonas, avocat, Theodoros Sapountzis, membre
du comité exécutif de la Fédération des ouvriers du tabac de Grèce, Christos Papadopoulos, ouvrier du
port, Vaios Papanikolaou, ouvrier du tabac, Anastasios Georgakis, tramwayeur, Kyros Vasaras, membre
du comité exécutif de la Fédération des travailleurs du ravitaillement, G. Chrysomalis, ouvrier du tabac,
Theodoros Anagnostopoulos, agriculteur. Ils furent transférés à la station de Transferts d’Athènes. La
Bourse du travail de Salonique publia immédiatement une protestation et, le même jour, convoqua une
réunion extraordinaire des conseils d’administration des syndicats et des comités d’usine. Une déclaration
fut également publiée par la Fédération des ouvriers du tabac de Grèce. Selon les complaintes des
travailleurs, les mandats envoyés par Pavlopoulos étaient blancs, complétés par Stylianos Kandylakis,
commandant du service de sûreté de Salonique, afin de dissoudre les organisations. Face à la démarche de

111
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce,
élaboration des éléments.
112
Cf. Ριζοσπάστης, 5-1-1928.
113
Cf. Μακεδονικά Νέα, 12-1-1928.
114
Cf. Ριζοσπάστης, 3-3-1928.
115
Ibid., 29-1-1928.
116
Ibid., 24-2-1928.
117
Ibid., 2,7-3-1928.

34
la Bourse du travail, le 9 mars 1928, et les protestations, le gouverneur général de Macédoine Achilleas
Kalevras, dit-il, en réponse, qu’il n’était pas au courant et qu’il s’agissait d’actions dirigées par Athènes,
sans la participation des autorités de Salonique118.
A Athènes, les communistes en garde à vue pour l’activité autonomiste, détenus pendant trois
mois, étaient, selon la proposition de Pavlopoulos, en attente d’expulsion (autrement, conformément à la
loi, on devrait les laisser libres). Les personnes détenues étaient Evangelopoulos, Mitsos, Pikros, Nikolis,
Mariolis, Pourlidis, Ioannidis, Pordis, Tounidis, Pantoulas, Batziotis, Papadopoulos, Lampridis,
Akrivopoulos, Giatsopoulos, Iatropoulos, Mantzouranis, Nikolaidis, Magos, Prapas, Psomas,
Monastiriotis, Paparigas, Vogiatzidis, Mouzelos, Fotiadis, Alevras, Voukelatos et les députés
Papanikolaou, Kyriakopoulos et Konstantinidis119. Au Parlement, le 12 février 1928, des protestations
furent entendues contre l’inertie de la justice, qui laissa s’écouler le délai du trimestre de détention
provisoire des députés communistes et, cinq jours après, on devait les laisser libres sans qu’ils
comparaissent au procès. Dans le vote pour la poursuite du député communiste Maximos, sur l’ensemble
de 142 députés présents furent comptés « oui » 64, « non » 78, et la permission ne fut pas donnée120.
A Salonique, en février 1928, l’ancien cadre du parti communiste Kyriakos Fragopoulos subit une
persécution, suite à un mandat de Pavlopoulos, en sa qualité de communiste. L’arrêté déclara qu’il n’était
pas un séparatiste, qu’il était en désaccord avec le parti sur cette question et qu’il avait été radié.
Maintenant, les autorités le poussaient à devenir un séparatiste. Il demanda à être libéré, « ... à moins que
le service cherche à créer des autonomistes par la force »121. De même, le président du conseil municipal
Asimakis Theodoridis fut arrêté arbitrairement, le 20 mars 1928, comme séparatiste ; il déclara qu’il avait
été radié du parti communiste en 1925 parce qu’il était en désaccord sur cette question exactement et que,
sous la même accusation, il avait été acquitté, dans le passé, par la cour martiale122. Dans la ville de
Pravion [Eleftheroupolis] de Kavala, le 5 mars 1928, furent arrêtés, en tant qu’autonomistes, les ouvriers
du tabac Zisis Valtatzis, Diamantis Delimouchtaris, Evripidis Zamouris, Prokopios Rousamanis,
Konstantinos Donias. Détenus à la Station de transferts d’Athènes, ils envoyèrent une lettre au journal
Rizospastis [Radical], le 17 mars 1928, où ils confirmaient que les auteurs des accusations, selon les
informations données pendant les interrogatoires menés par Pavlopoulos, étaient le prêtre Nikolaos
Vlachos (« papa-Nikolas »), l’ouvrier du tabac Stavros Triantaphyllidis, l’ouvrier du tabac Nikolaos
Dermentzoglou, secrétaire général du syndicat conservateur « Enosis Kapnergaton [Union des ouvriers du
tabac] » et le sergent de la gendarmerie Georgios Laousis123.
A Florina, en mars 1928, la ville apparaissait sous alerte, avec des enquêtes, effectuées par la
gendarmerie, dans les maisons et des arrestations. Le 8 mars 1928, l’agriculteur Theodoros Papadimitriou
fut battu au poste de police. Le 21 mars 1928, furent arrêtés, par des mandats de Pavlopoulos,
l’agriculteur Christos Sechidis, secrétaire de la branche locale du Secours rouge international (MOPR),
Papadimitriou et les petits-commerçants Georgios Papanikolaou et Lazaros Konstantinou. Furent
confisqués, dans la maison de Sechidis, les reçus en double du Secours rouge ; les membres du conseil
d’administration furent poursuivis pour collecte de fonds illégale124. Furent également arrêtées 8
personnes à Edessa. Tous furent envoyés à Athènes125.

118
Cf. Μακεδονικά Νέα, 12-2, 9-3-1928 ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 8,9-3-1928 ; Ριζοσπάστης, 12-3-
1928.
119
Cf. collection de documents d’Alexandros Dagkas, Archives du Parti communiste de Grèce,
élaboration des éléments ; Εφημερίς των Βαλκανίων, 9-3-1928.
120
Cf. Πρακτικά Συζητήσεων Βουλής, 1928, 12-2-1928 ; Ριζοσπάστης, 13-3-1928.
121
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 1,2-3-1928.
122
Ibid., 20,21-3-1928.
123
Cf. Ριζοσπάστης, 20-3-1928.
124
Ibid., 16,23-3-1928.
125
Cf. Μακεδονικά Νέα, 22-3-1928.

35
A Salonique, une nouvelle vague d’arrestations fut notée, le 6 mai 1928, suite aux mandats d’arrêt
de Pavlopoulos. Les personnes arrêtées étaient Grigorios Sarris, membre du comité exécutif du syndicat
des tramwayeurs et trésorier de la Bourse du travail de Salonique, Nikolaos Markinos, secrétaire général
du syndicat des tramwayeurs, Ioannis Chaidemenos, Theodoros Dalmas, Konstantinos Baltas ou
Amerikanos, membre du conseil d’administration du fonds d’assistance des tramwayeurs, Leontios
Fotopoulos, Georgios Maragos, Leonidas Chatzistavrou. Les policiers les frappèrent dans les centres de
détention. Une protestation de la Bourse du travail de Salonique fut publiée et, le 7 mai 1928, les conseils
d’administration des syndicats et le Secours rouge furent convoqués à une réunion. La Fédération des
ouvriers du tabac de Grèce procéda à une démarche, le 7 mai, auprès du gouverneur général Kalevras.
Celui-ci répondit que la justice faisait son devoir et que lui, personnellement, était en désaccord avec ces
actions inutiles, puisque la question séparatiste avait disparu126.
Dans la ville de Kavala, le 9 mai 1928, furent arrêtés, en vertu des mandats de Pavlopoulos pour
l’action séparatiste, Vasilios Bekos et Pantelis Pantos, respectivement ancien président et vice-président
de l’Association des otages de Kavala, ainsi qu’Omiros Harvantis, secrétaire de l’Association des
automobilistes, Dimitrios Tzimas, ancien secrétaire général du syndicat « Kapnergatiki Enosis Kavalas
[Union des ouvriers du tabac de Kavala] », et Dimitrios Thomas, ouvrier du tabac127. Dans la ville de
Xanthi, fut arrêté, le 18 mai 1928, pour une action séparatiste, Nikolaos Zafeiriou, ancien secrétaire de la
jeunesse communiste, qui était recherché, depuis longtemps, pour la distribution, à Kavala, de feuilles
volantes en faveur de la Macédoine et de la Thrace indépendantes. La section du service de sûreté de
Kavala le découvrit sur la base des informations recueillies128. En détention pendant six mois, il fut mis à
l’essai le 21 octobre 1928, à la ville de Drama. Le jury déclara l’accusé innocent. Son avocat était
Evrystheus Magiakos, beau-frère du député communiste – de 1926 à 1928 – Konstantinos Merkouriou ou
Konstantinidis ; aux élections parlementaires de 1926, il était candidat député, à Drama, avec le Parti de la
libre opinion de Ioannis Metaxas129.
Dans la ville de Florina, le 16 août 1928, à un rassemblement préélectoral communiste du Front
uni des ouvriers, paysans, réfugiés en vue des élections législatives [le 19 août 1928] dans le cinéma
Panthéon, les minorités applaudirent vivement l’orateur quand il atteignit le point du programme se
référant à la Macédoine et Thrace indépendantes130. Le jour du scrutin, dans le village de Nereti
[Polypotamos] de Florina, le délégué électoral communiste Theodoros Papadimitriou fut battu dans le
centre de vote et fut arrêté131.
Le 10 octobre 1929, la cour d’assises jugea le cas de Papadimitriou et de Tzintzeloglou,
communistes de Florina accusés pour haute trahison. D’après l’acte d’accusation, ils étaient membres du
parti dans la région de Florina et, pendant les élections parlementaires de 1928, s’étaient engagés dans la
propagande séparatiste. Les prévenus nièrent l’accusation et répliquèrent qu’ils avaient été arrêtés parce
qu’escortant le délégué communiste Kyriakopoulos, ils parlaient en bulgare aux résidents locaux,
villageois qui ne connaissaient pas suffisamment le grec. Le jury déclara à l’unanimité leur innocence132.
Le 8 mars 1930, à Koukous [Kilkis], eut lieu le procès de cinq lycéens (Kessidis, Charatsidis,
Pantelidis, Polychroniadis, Kontatzis) qui offraient aux jeunes gens et aux villageois du matériel avec des
textes au contenu subversif. Dans la région, dans les villages de Verlantza [Agioneri] et Tsitemli
[Metamorfosis], le 10 mars 1930, il y avait des incidents et des attaques des villageois contre les

126
Cf. Εφημερίς των Βαλκανίων, 6,7-5-1928.
127
Cf. Μακεδονικά Νέα, 10-5-1928.
128
Ibid., 19-5-1928.
129
Cf. Ριζοσπάστης, 21-10-1928.
130
Ibid., 17-8-1928.
131
Ibid., 23-8-1928.
132
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 11-10-1929.

36
gendarmes et les soldats, avec des mots d’ordre « Vive Lénine », « Vive les Soviets »133. Le Premier Mai
1932, à Salonique, 13 communistes arméniens, ayant à leur tête l’instituteur Bintirchan, criant des mots
d’ordre révolutionnaires, attaquèrent l’église arménienne de la ville, au cours de la divine liturgie. Ils
causèrent des dégâts et blessèrent certains participants avec des couteaux. La police intervint et arrêta tous
les offenseurs134. A Serres, le 9 novembre 1933, furent arrêtés, suite aux mesures actives du service de
sûreté spéciale, dix communistes pour l’écriture, l’impression et la distribution de feuilles volantes au
contenu révolutionnaire, par lesquelles ils appelaient le peuple à s’élever contre le gouvernement et à
soutenir l’autonomie de la Macédoine. Il s’agissait des cadres K. Silimanis, M. Papliolias, N. Kanakaridis,
I. Fierakos ou Stefanidis, N. Bairaklis, Dionysios Menychtas, N. Tsoulias, Ch. Varlakas, D.
Xenoupsathis, Achilleas Dimitriadis. Le commandant du service de sûreté spéciale, lieutenant de la
gendarmerie Christidis, annonça qu’en tête du mouvement était Dimitriadis, professeur privé de français,
qui avait déjà été accusé deux fois pour haute trahison et avait été déporté dans l’île d’Anafi. Les
personnes arrêtées furent déférées au procureur135.
La surveillance de l’État pour des motifs nationaux contre les membres du parti communiste
n’avait plus de raison d’être, après 1933, puisque le mot d’ordre communiste pour la Macédoine fut
modifié. Le changement de la position fut enregistré dans un document officiel lors de la IVe session
plénière du comité central du parti, le 27 septembre 1935, avec la ratification de la résolution, trois mois
plus tard, au VIe congrès du parti. Les persécutions furent réitérées pendant la dictature du 4 août 1936.
Dans une offensive finale, au printemps de 1938, furent arrêtés à Salonique les dirigeants communistes
fuyants et fut dissous le front des agrariens sous Konstantinos Gavriilidis. Un bruit fut provoqué sur
l’importance des arrestations de ceux qui tentaient de démembrer la Grèce et de rendre la Macédoine et la
Thrace indépendantes. Les connaisseurs, au contraire, posaient les faits dans leurs vraies dimensions,
premièrement à l’inexistence d’un danger provenant des bolcheviks et des autonomistes et deuxièmement
au but ultime de l’épuration politique entreprise contre toutes les personnes qui s’opposaient au régime ;
le gouvernement de Ioannis Metaxas, qui travaillait sans relâche pour unifier et pacifier le pays et pour
renforcer la défense de la frontière, avait la double intention de continuer la persécution et de neutraliser
les adversaires de l’ordre nouveau, restauré dans le nord de la Grèce136.

4. L’endettement du mouvement social.

Le problème de la révolution communiste dans les Balkans résidait, comme il s’est avéré, dans
l’imprévisibilité des évolutions économiques, sociales, politiques et autres. Cet obstacle était lié à la
faiblesse du mouvement ouvrier, récepteur d’ordres de loin d’un appareil illégal, de compter sur la
mobilisation de masse des autochtones, donc de remettre au parti politique de la classe ouvrière le rôle de
porteur des aspirations populaires, pour mettre en œuvre la reprise sociale du pays.

133
Cf. Le Progrès (Salonique), 9-3-1930 ; L’Indépendant (Salonique), 9-3-1930 ; Archives diplomatiques
du ministère des Affaires étrangères de la France, Europe 1918-1940, dossier 194, R. Delage à Aristide
Briand, Le communisme en Macédoine, Salonique 11-3-1930, 7 pp.
134
Cf. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de la France, Europe 1918-1940,
dossier 194, Georges Tervier à Pierre Laval, Manifestation communiste à Salonique, Salonique 2-5-1932,
2 pp.
135
Cf. Ταχυδρόμος της Βορείου Ελλάδος, 9-11-1933.
136
Cf. Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de la France, Europe 1918-1940,
dossier 194, Henry Cosme à Georges Bonnet, Répression du communisme en Grèce, Salonique 11-6-
1938, 7 pp.

37
Le parti communiste grec promit aux populations slavophones du nord de la Grèce la révolution,
la restauration ethnique et de classe137. Au lieu de cela, ces autochtones furent exposés à la subordination
politique et sociale, victimes opprimées entre d’un côté la défense politique de l’État grec face aux
aspirations de ses voisins et de l’autre la résistance des forces conservatrices contre l’action des
communistes pour le changement social.
Au cours de l’effort afin de desservir les objectifs stratégiques de la lutte des classes, les
circonstances créent, éventuellement, des exigences révolutionnaires ; les facteurs périphériques se
sacrifient pour les principaux buts. Dans le cas de la lutte des classes en Macédoine, pendant l’entre-deux-
guerres, les pionniers slavophones, qui soutinrent la manœuvre tactique communiste de la promotion de la
position pour l’indépendance de la Macédoine et de la Thrace, contribuèrent à la construction de la digue,
dans le monde entier, pour la défense de l’Union soviétique sans offrir de bénéfices à leur propre
environnement humain.
Dans les conditions de régression politique et sociale du pays, après 1936, le mouvement ouvrier
resta endetté avec la tâche de poursuivre le combat pour les droits des slavophones.

137
Cf. Јосиф Поповски, Македонското прашање на страниците од «Ризоспастис» меѓу двете
војни [La Question macédonienne dans les pages de journal Rizospastis de l’entre-deux-guerres],
Култура, Скопје 1982, passim.

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