Vous êtes sur la page 1sur 25

FONCTIONS DE LYAPUNOV : APPLICATION

À L’ÉTUDE DE DIFFUSIONS

par

Philippe Carmona

Résumé. — Cette note fait la synthèse de plusieurs papiers de Luc


Rey-Bellet, et Lawrence Thomas [2, 4, 3, 7, 6, 5, 1]. Elle montre
comment utiliser une fonction de Lyapunov pour:
– Montrer qu’une diffusion n’explose pas (est définie pour tout temps)
– Montrer l’existence d’une mesure de probabilité invariante
– Montrer l’unicité d’une mesure de probabilité invariante
– Montrer la convergence exponentielle du semi groupe vers la mesure
invariante.
Nous utilisons les critères obtenus pour montrer l’existence, l’unicité de
la mesure de probabilité invariante pour une chaı̂ne d’oscillateurs en
communication avec deux réservoirs de température. Nous obtenons
également la convergence exponentielle du semi-groupe vers la mesure
invariante.

1. Critère de non explosion d’une équation différentielle


stochastique
Etant donnée l’équation différentielle stochastique
(1) dXt = b(Xt ) dt + σ(Xt ) dBt
avec Xt ∈ Rn , Bt un mouvement Brownien m dimensionnel. On suppose
les coefficients b : Rn → Rn , σ : Rn → Mn×m localement Lipschitziens.
Alors on sait que pour tout point de départ x0 , il y a existence (locale)
sur un intervalle aléatoire [0, ζ[, avec ζ > 0 presque sûrement.

Classification mathématique par sujets (2000). — .


2 PHILIPPE CARMONA

Il y a existence globale, i.e. ζ = +∞ presque sûrement, si b et σ ont une


croissance sous linéaire

Exemple 1. — On considère une particule dans un potentiel V , ie dont


la dynamique est déterminée par le Hamiltonien H(p, q) = 21 p2 + V (q).
Celle ci est placée dans un bain de chaleur à la température T > 0, i.e.
aux équations q̇ = ∂p H, ṗ = −∂q H, on rajoute un bruit de type Ornstein-
Uhlenbeck (ou Langevin):
(2) dqt = dpt dt
p
(3) dpt = (−γp − ∇V (qt )) dt + 2γT dBt .
γ > 0 est un paramètre de scaling et V est supposé C 2 . En conséquence
(4) |V (q)| ≤ C(1 + |q|) ⇒ existence globale
Que faire si V (q) = q 4 ?

Définition .1. — Une fonction de Lyapunov est une fonction continue


W : Rn → R+ telle que W (x) ≥ 1 et limW (x)|x|to∞ = +∞. En partic-
ulier les ensembles de niveau {x : W (x) ≤ a} sont compacts.

Théorème .2. — Si les coefficients b, σ sont localement lipschitziens,


s’il existe une constante c et une fonction de Lyapunov W telles que
LW ≤ cW
Alors il y a existence globale des solutions, pour tout point de départ, et
Ex [W (Xt )] ≤ ect W (x).

Application à l’exemple 1. — Ici L = A + L0 + L1 , avec Af =


2
∂p H∂q f − ∂q H∂p f le générateur du hamiltonien H = p2 + V (q),
L0 f = −γp∂p f , L1 f = γT ∂p22 f
On a
AH = 0, L1 H = γT , L0 H = −γp2
Donc
LH = γ(T − p2 ) ≤ γT
Comme H est minoré, par exemple si V ≥ 0, il existe C telle que W =
H + C ≥ 1 et LW ≤ γT ≤ γT W .
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 3

Preuve du théorème .2. — Étant donné x0 , soit X(t) la solution issue de


x0 de l’équation différentielle stochastique, définie sur [0, ζ[. Soit
τn = inf {t > 0 : W (Xt ) > n}
le temps de sortie du compact {W ≤ n}. Si n > W (x0 ), alors l’équation
différentielle stochastique avec coefficients b̄(x) = b(x) 1(W (x)≤n) et σ̄(x) =
σ(x) 1(W (x)≤n) globalement lipschitziens admet une unique solution X̄t
issu de x0 : donc ζ > τn et Xt = X̄t sur t ≤ τn . On peut appliquer la
formule d’Itô à Mt = W (Xt )e−ct sur l’intervalle [0, t ∧ τn ]:
(5) Z t∧τn Z t∧τn
Mt∧τn = M0 + e−cs ∇W (Xs ) dBs + e−cs (LW − cW )(Xs ) ds .
0 0
R t∧τn −cs
Le terme Nt∧τn = M0 + 0 e ∇W (Xs ) dBs est une martingale lo-
cale continue positive car Mt ≥ 0 et LW ≤ cW , c’est donc une vraie
surmartingale et Ex0 [Mt∧τn ] ≤ Ex0 [M0 ] c’est à dire:

W (x0 ) ≥ Ex0 W (Xt∧τn )e−ct∧τn ≥ Ex0 W (Xτn ) 1(τn ≤t) = nPx0 (τn ≤ t) .
   

Donc pour tout t > 0, Px0 (τn ≤ t) → 0 donc τn → +∞ Px0 presque


sûrement, et ζ ≥ lim sup τn = +∞ presque sûrement.
Maintenant, en faisant n → +∞, il vient , par Fatou,
W (x0 ) ≥ Ex0 lim inf W (Xt∧τn )e−ct∧τn = Ex0 W (Xt )e−ct .
   

2. Existence d’une mesure invariante


On introduit le semi groupe de la diffusion
Pt f (x) = Ex [f (Xt )]
Une mesure de probabilité π est dite invariante si
Z Z
∀t, f Pt f (x) dxπ(dx) = f (x)π(dx)

ou de façon équivalente (en dérivant l’équation précédente)


Z
∀f ∈ D(L) , π(dx)Lf (x) = 0

Dans le cadre de notre exemple 1, il est facile de vérifier que π(dx) =


e−βH(p,q) dpdq est une mesure invariante, avec β = T1 . Si V (q) ∼ (const)|q|k
4 PHILIPPE CARMONA

avec k ≥ 1 ,alors il est facile de normaliser π pour en faire une proba-


bilité. Les résultats de la section suivante pourront même s’appliquer
et dire que π est l’unique mesure de probabilité invariante : nous au-
rons donc ainsi construit un modèle de réservoir à température T , car le
bruit à permi de choisir parmi une infinité de mesures invariantes de la
dynamique Hamiltonienne la mesure de Gibbs π = πβ .
Comme on ne peut pas toujours exhiber une solution proba à L∗ π = 0,
avec L∗ l’adjoint au sens des distributions de L, on va utiliser la com-
pacité. Rappelons le
Théorème de Prokhorov. — Une famille de probabilités (µi )i∈I définie
sur un espace métrique séparable complet (E, d) est relativement compacte
pour la convergence faible ssi elle est tendue, i.e.
∀ǫ > 0, ∃ K compact , sup µi (K C ) ≤ ǫ.
i

Lemme .3. — La famille (µi )i∈I est tendue s’il existe une fonction pos-
itive W tendant vers +∞ à l’infini telle que
sup µi (W ) < +∞ .
i

Démonstration. — En effet, par l’inégalité de Markov,


1 1
µi (W > a) ≤ µi (W ) ≤ sup µi(W ) ≤ ǫ
A A i
si A = A0 assez grand. Soit K un compact tel que W (x) > A sur K C ,
alors supi µi (K C ) ≤ ǫ.
La réciproque est vraie si E est en outre localement compact, car il
existe une suite croissante de compacts Kp telle que supi µi (KpC ) ≤ 2−2p ,
et
P onp peut , quitte à les grossir, imposer E = ∪Kp : alors W (x) =
p 2 1(Kp \Kp−1 ) (x) convient.

Lemme .4. — Si le semi groupe est Fellérien et s’il existe une fonction
de Lyapunov W et x0 ∈ E tels que supt Pt W (x0 ) < +∞, alors il existe
une probabilité invariante.
Démonstration. — Considérons la famille de probabilités
1 ∞
Z
µt (f ) = Ps f (x0 ) ds
t 0
ALors supt µt (W ) ≤ supt Pt W (x0 ) < +∞, donc d’après le Lemme de
Prokhorov, la suite µt est tendue et admet une sous suite µtn tn ↑ +∞
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 5

convergeant faiblement vers une probabilité ν : si f continue bornée,


µtn (f ) → ν(f ).
Donc si r > 0 et f est continue bornée, alors le semi groupe étant
Fellérien, Pr f est continue bornée et µtn (Pr f ) → ν(Pr f ). Or,
1 r+tn 1
Z
µtn (Pr f ) = Ps f (x0 ) ds = ((r + tn )µr+tn (f ) − rµr (f )) → ν(f )
tn r tn
Donc ν(Pr f ) = ν(f ), d’où l’invariance de ν.

Voici une condition suffisante sur la fonction de Lyapunov pour obtenir


l’existence d’une proba invariante.
Théorème .5. — S’il existe des constantes c > 0, b < +∞, 0 < κ <
1, t0 > 0 et une fonction de Lyapunov W telles que:
1. LW ≤ cW
2. Pt0 W (x) ≤ κW (x) + b1K (x)
Alors il existe une probabilité invariante.

Remarque .6. — Les conditions 1 et 2 sont entraı̂nées par l’unique


inégalité LW (x) ≤ −αW (x) + β pour deux constantes α > 0 et 0 ≤
β < +∞, car alors LW ≤ β ≤ βW et
d
Pt W (x) = Pt LW (x) ≤ −αPt W (x) + β
dt
donc en intégrant cette inégalité
Z t
1 − e−αt
−αt
Pt W (x) ≤ e (W (x)+ βeαs ds) = e−αt W (x)+β ≤ e−αt W (x)+β/α
0 α
Donc, à t > 0 fixé, si l’on considère le compact K = {W (x) ≤ A} avec
β
A grand, pour que κ = e−αt + αA < 1, alors si x ∈ K C , W (x) > A donc
β
Pt W (x) ≤ e−αt W (x) + β/α ≤ (e−αt + )W (x)
αA
donc,
Pt W (x) ≤ κW (x) + β/α.
Observons que l’exemple 1 ne s’applique pas directement ici, en util-
isant la caractérisation avec le générateur, même en utilisant la fonc-
tion de Lyapunov W = eθH . En effet, en utilisant le fait que si X est
6 PHILIPPE CARMONA

un opérateur différentiel du premier ordre, alors X(ef ) = ef X(f ) et


X 2 (ef ) = ef ((Xf )2 + X 2 f ), on obtient
AW = θW A(H) = 0 , L0 W = −θγp2 W L1 W = γT θW (1 + θp2 )
et donc

LW = γθW (T − p2 (1 − T θ))
ce qui ne convient pas, même si 0 < θT < 1, car {p2 ≤ A} n’est pas un
compact !

Démonstration. — On a
P2t0 W (x) ≤ κPt0 W (x) + bPt0 1K (x) ≤ κ2 W (x) + b + κb1K (x)
et par une récurrence immédiate:
Pnt0 W (x) ≤ κn W (x) + b + κb + · · · + κn−2 b + κn−1 b1K (x)
donc
b
Pnt0 W (x ≤ κn W (x) +
1−κ
N’oublions pas que comme LW ≤ cW on a Ps W (x) ≤ ecs W (x), donc, si
nt0 ≤ t < (n + 1)t0 , alors
Pt W (x) = Pnt0 (Pt−nt0 W )(x) ≤ ec(t−nt0 ) Pnt0 W (x)
b b
≤ ect0 (κn W (x) + ) → ect0
1−κ 1−κ
C’est une suite convergente, donc une suite bornée, et on peut appliquer
le critère précédent (Lemme .4).

On peut sous les mêmes hypothèses établir une propriété de récurrence:


Proposition .7. — Sous les hypothèses précédentes, si
τK = inf {t > 0 : Xt ∈ K}
désigne le premier temps de passage en K, alors il existe δ > 0 tel que
∀x, Ex eδτK < +∞
 

En particulier, pour tout point de départ x, on atteint le compact K en


un temps fini presque sûrement.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 7

Démonstration. — Quitte à grossir K, on peut supposer que K = {W ≤ A}.


Montrons par récurrence que τ = τK satisfait:
κn
∀x 6∈ K , Px (τ > nt0 ) ≤ W (x)
A
Alors, par Markov, comme sur τ > t0 , on a Xt0 6∈ K,
Px (τ > (n + 1)t0 ) = Px (τ > t0 , (τ > nt0 ) ◦ θt0 )
 
= Ex 1(τ >t0 ) PXt0 (τ > nt0 )
κn
 
≤ Ex 1(τ >t0 ) W (Xt0 )
A
κn κn
 
≤ Ex W (Xt0 )
A A
κn κn+1
≤ Pt0 W (x) ≤ W (x) .
A A
On en déduit aisément l’existence d’un moment exponentiel pour la vari-
able aléatoire τK , en encadrant nt0 ≤ t ≤ (n + 1)t0 et obtenir la majora-
tion avec γ > 0,
Px (τ > t) ≤ e−γt
.

3. Unicité de la mesure invariante


La première hypothèse supplémentaire que nous devrons faire est une
hypothèse de régularité. Rappelons qu’un semi groupe (Pt )t≥0 est dit
Fellerien s’il envoie l’espace des fonctions continues bornées sur lui même
; on peut le démontrer en utilisant la continuité de la solution d’une
équation différentielle stochastique par rapport aux paramètres. Il est
dit fortement Fellerien si pour t > 0, Pt envoie les fonctions essentielle-
ment bornées (de L∞ ) dans les fonctions continues bornées. Il est dit
régularisant (smooth) si pour t > 0, il admet une densité C ∞ et s’il
envoie les fonctions essentiellement bornées dans les fonctions de classe
C ∞ . On établit cette propriété en utilisant le critère de Hörmander.
La seconde hypothèse que nous ferons est l’hypothèse d’irréductibilité :
il existe t0 > 0, tel que pour tous x ∈ Rn et tout 0 ouvert, Pt0 (x, 0) > 0.
Grâce aux équations de Chapman Kolmogorov, alors cette propriété est
vérifiée pour tout t ≥ t0 .
8 PHILIPPE CARMONA

Cette seconde hypothèse peut être établie en utilisant le théorème de sup-


port de Stroock et Varadhan : si Xt est solution de l’équation différentielle
stochastique au sens de Stratonovitch
dXt = b(Xt ) ∂t + σ(Xt )∂Bt ,
alors
suppPt0 (x, .) = At0 (x)
Le support de la mesure Pt0 (x, .) est la fermeture de l’ensemble des points
y atteignables en t0 , c’est à dire des points y tels qu’il existe un contrôle u
constant par morceaux (ou C 1 ) tel que l’équation différentielle ordinaire
ẋ(t) = b(x(t)) + σ(x(t))u(t) , x(0) = x, x(t0 ) = y
admette une solution.
Pour l’exemple 1, étant donné x0 = (p0 , q0 ) et x1 = (p1 , q1 ), soit φ(s)
chemin de classe C 2 tel que φ(0) = q0 , φ′ (0) = p0 , et φ(t0 ) = q1 , φ′ (t0 ) =
p1 . Alors le contrôle suivant convient :
1 ˙ 
u(t) = √ φ̇ + ∇V (φ) + γ φ̇
2γT

Théorème .8. — On se place sous les hypothèses du Théorème .2. On


suppose en outre que le semi-groupe est irréductible et fortement Felle-
rien. Alors, il existe une unique mesure de probabilité invariante.
La preuve de ce théorème, i.e. la preuve de l’unicité de la mesure invari-
ante, va utiliser essentiellement les notions de récurrence et d’ergodicité.
Rappelons tout d’abord le
Théorème ergodique de Birkhoff. — Soit (X, F , µ) un espace de prob-
abilité. SOit (φt )t≥0 un semigroupe de transformations de X qui préserve
la mesure µ, c’est à dire φt : X → X est mesurable, φt ◦ φs = φt+s et
µ(φ−1
t (A)) = µ(A). Alors, pour toute fonction f ∈ L (µ),
1

1 t
Z
lim f (φs (x)) ds = E [f | I] dµ(x)pp
t 0
où E [f | I] désigne l’espérance conditionnelle, par rapport à µ et à la
tribu des invariants : I = {A ∈ F : φ1t (A) = A}.
La probabilité µ, ou le semigroupe (φt )t≥0 sont dits ergodiques si I est
presque sûrement triviale, c’est à dire que pour tout A ∈ I, µ(A) = 0
ou 1, ou encore que les fonctions I mesurables sont µ presque partout
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 9

constantes. Dans ce cas, si f ∈ L1 (µ), alors E [f | I] = f dµ, µ presque


R
partout.
Étant donnée une mesure invariante π pour le semigroupe (Pt )t≥0 on con-
sidère Pπ la loi du processus de loi initiale π. C’est à dire que l’on se place
sur l’espace canonique (Ω = E R+ , E ⊗R+ , Px , x ∈ E) avec les applications
coordonnées Xt (ω) = ω(t) et le semigroupe du shift θt (ω)(s) = ω(t + s)
; alors, Z
Pπ (A) = Px (A) π(dx) = Pπ (X. ∈ A)
Le shift préserve la mesure Pπ car sous Pπ , X0 a pour loi π, donc Xt a
pour loi πPt = π et par la propriété de Markov,
Z
Eπ [f (θt (ω))] = Eπ [EXt [f (ω)]] = Pπ (Xt ∈ dx)Ex [f ] = Eπ [f ]

Lemme .9. — Si le semi-groupe (Pt )t≥0 admet deux probabilités invari-


antes distinctes π1 6= π2 , alors pour tout α ∈ (0, 1), si π = aπ1 +(1−a)π2 ,
la probabilité Pπ n’est pas ergodique et il existe une fonction h positive
bornée, invariante pour le semi groupe, non constante.
Démonstration. — Raisonnons par l’absurde et supposons Pπ ergodique.
Soit A ∈ I, alors Pπ (A) = 0, 1, donc si Pπ (A) = 0 , alors Pπ1 (A) =
Pπ2 (A) = 0 et si Pπ (A) = 1, alors Pπ1 (A) = Pπ2 (A) = 1. Soit f mesurable
bornée. Par le théorème ergodique de Birkhoff, appliqué à la fonction
F (ω) = f (X0 (ω)), il existe A tel que Pπ (A) = 1, et
1 t
Z Z
∀ω ∈ A , f (ω(s)) ds → m = f dπ
t 0
On a Pπ1 (A) = Pπ2 (A) = 1, donc par convergence dominée,
1 t
Z Z
m = lim Eπ [f (ω(s))] ds = f dπi
t 0 i
R R
et on a donc f dπ1 = f dπ2 pour toute fonction f mesurable bornée,
d’où π1 = π2 , ce qui est contradictoire.
Il existe donc A ∈ I tel que 0 < Pπ (A) < 1. Soit h(x) = Px (A), alors
par propriété de Markov,
h(x) = Px (θt−1 (A)) = Ex [PXt (A)] = Ex [h(Xt )] = Pt h(x)
Donc (h(Xt )t≥0 est une martingale positive, qui converge presque sûrement:
h(Xt ) = PXt (A) = E [1A ◦ θt | Ft ] = E [1A | Ft ] → 1A (ω) ∈ {0, 1} p.s.
10 PHILIPPE CARMONA

Si la fonction h était constante, alors cette constante ne pourrait être que


0 ou 1 et cela entraı̂nerait que Pπ (A) ∈ {0, 1}, ce qui est contradictoire.

Nous allons voir maintenant que l’hypothèse d’irréductibilité entraı̂ne la


récurrence des ouverts.

Lemme .10. — Sous les hypothèses du théorème, tout ouvert non vide
est récurrent pour la chaı̂ne de Markov (Xnt0 )n≥0 . En conséquence, toute
fonction f mesurable bornée ou positive, qui est invariante pour la chaı̂ne,
Pt0 f = f , est constante presque partout.

Démonstration. — Soit A un ouvert non vide. La fonction 1A est bornée,


donc la fonction x → Pt0 1A (x) est continue, et on a par irréductibilité
δ = inf x∈K Pt0 1A (x) > 0, car K est compact. On considère la chaı̂ne de
Markov Yn = Xnt0 de matrice de transition Q = Pt0 , et le schéma de
succès échec suivant τ0 = 0,

τp =∈ {n > 1 + τp−1 : Yn ∈ K} , ξp = 1(Y1+τp ∈A)

Alors, d’après la Proposition .7, pour tout p, τp est fin presque sûrement,
 
Px (ξ1 = 0) = Px (Y1+τK 6∈A ) = Ex PYτK (Y1 6∈ A) ≤ 1 − c

et donc, par récurrence et la propriété de Markov,


h i
Px (ξ1 = 0, . . . , ξp = 0) = Ex 1(Y1+τK 6∈A) PY1+τK (ξ1 = 0, . . . , ξp−1 = 0) ≤ (1−c)p

ce qui entraı̂ne que P (∀p, ξp = 0) = 0, et A est récurrent.


Soit alors f mesurable, bornée ou positive, invariante pour la chaı̂ne.
Le semi-groupe est fortement Fellerien donc f = Pt0 f est continue.
Si f est non constante alors il existe α < β tels que les ensembles
A = {x : f (x) < α} et B = {x : f (x) > β} soient ouverts non vides donc
récurrents. Comme Pt0 f = f , Mn = f (Yn ) = f (Xnet0 ) est une mar-
tingale, positive ou bornée, donc convergeant vers une variable aléatoire
intégrable Z. Comme A et B sont récurrents on obtient que presque
sûrement, Z ≤ α et Z ≥ β ce qui est absurde.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 11

4. Convergence exponentielle vers la mesure invariante


Pour une chaı̂ne de Markov sur un espace d’états fini, l’irréductibilité de
sa matrice de transition assure la convergence exponentielle vers l’unique
mesure de probabilité invariante, par le
Théorème de Perron-Frobenius. — Soit P une matrice stochastique
sur un espace d’états fini telle que il existe k, tel que pour tout n ≥ k la
matrice P n soit à coefficients strictement positifs:
n
∀n ≥ k , ∀i, j , Pi,j >0
Alors P admet une unique mesure invariante π et il existe γ, c > 0 tels
que n
− π(y) ≤ Ce−γn .

sup Px,y
x,y

L’analogue en théorie des semigroupes existe, si l’on considère des semi-


groupes compacts. L’espace de Banach considéré dépend de la fonction
de Lyapunov W :

HW = {f : E → Rborelienne : kf kW < +∞} , avec kf kW = sup |f (x)|W (x)


x∈E

Théorème .11. — On suppose que le semi-groupe est irréductible et


régularisant sur E = Rn , que pour une constante c > 0, LW ≤ cW
et qu’il existe une suite de compacts Kn , des constantes bn ∈ (0, +∞),
o < κn < 1, telles que κn → 0 et pour un t0 > 0,
Pt0 W (x) ≤ κn W (x) + bn 1Kn (x)
Alors, (Pt )t≥0 définit un semigroupe d’opérateurs sur HW , compacts pour
t ≥ t0 . Le processus admet une unique mesure invariante π et pour des
constantes γ, C > 0 on a
kPt − πkW ≤ Ce−γt
c’est à dire que pour toute f ∈ HW ,
Z
Pt f (x) − f dπ ≤ Ce−γt W (x) .

Démonstration. — Comme LW ≤ cW on a Pt W (x) ≤ ect W (x) et donc


Pt est un opérateur linéaire sur HW de norme kPt k ≤ ect .
Étape 1 Montrons que P2t0 est compact.
12 PHILIPPE CARMONA

Observons que pour toute f ∈ HW ,



1K c (x)Pt0 f (x) &le1K c (x)Pt0 |f |(x)
n n

≤ 1Knc (x)kf kW Pt0 W (x)


≤ 1Knc (x)kf kW κn W (x)
et donc

1K c Pt0 ≤ κn → 0 .
n W
Montrons que Λ = 1Kn Pt0 1Kn est compact. On va montrer que de toute
famille (fi )i∈I de HW telle que kfi kW ≤ 1, on peut extraire une sous
suite fp telle que Λfp converge dans HW . Remarquons tout d’abord
que comme e semi groupe est fortement Fellerien, et 1Kn fi est bornée, la
fonction Pt0 1Kn fi est continue, et (Λfi )i∈I est une familles de fonctions de
CKn , fonctions continues sur le compact Kn . Cet ensemble est équiborné
car pour tout x ∈ Kn ,
|Λfi(x)| ≤ kfi kW Pt0 W (x) ≤ κn W (x) ≤ κn sup W (y)
y∈Kn

Cet ensemble est également équicontinue, car le semi-groupe étant régularisant,


pour tous x, y ∈ Kn ,
Z
|Λfi (x) − Λfi (y)| ≤ |pt0 (y, z) − pt0 (x, z)||fi (z)| dz
z∈Kn
Z
≤ |y − z| sup |∂u pt0 (u, v)|kfi kW W (z) dz ≤ Cn |y − x| .
u,v∈Kn Kn

Par le théorème d’Arzela-Ascoli, il contient une sous suite (fp )p≥0 telle
que Λfp converge dans C(Kn ) vers f , ce qui entraı̂ne comme W ≥ 1, que
Λfp converge dans HW vers f 1Kn .
Maintenant il suffit d’écrire

P2t0 = 1Knc Pt0 ◦ Pt0 + 1Kn Pt0 ◦ 1Knc Pt0 + 1Kn Pt0 1Kn
Les deux premiers opérateurs convergent vers 0 dans HW , et le dernier
opérateur est compact, donc P2t0 est compact. Quitte à remplacer Pt0
Étape 2 Pt0 n’admet que 1 comme valeur propre de module 1, et 1 est
valeur propre simple.
Supposons que 1 n’est pas valeur propre simple. Alors il existe f ∈ HW ,
non constante, telle que Pt0 f = f . Quitte à diviser f par sa norme,
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 13

on suppose kf kW ≤ 1. Alors, g = |f | est sous harmonique: g ≥ 0 et


g = |Pt0 f | ≤ Pt0 |f | = Pt0 g. On en déduit que
b
g(x) ≤ Pnt0 g(x) ≤ Pnt0 W (x) ≤ κn W (x) +
1−κ
b
et donc que g(x) ≤ 1−κ est bornée. Donc f est Pt0 -invariante bornée,
donc constante d’après le Lemme .10.
Maintenant supposons que f ∈ HW soit un vecteur propre de Pt0 associé
à la valeur propre λ de module 1. Si on note χ = Eλ (Pt0 ) l’espace propre,
de dimension finie car Pt0 est compact, associé à la valeur propre λ, alors
pour tout t ≥ 0, Pt Pt0 = Pt0 Pt entraı̂ne que χ est stable par Pt , et donc,
sur ce sev de dimension finie, Pt = etL ; En conséquence, si λ = eit0 α
sur χ on a Pt f = eitα f et donc, pour t = 2φkα > t0 , Pt f = f . Ceci
est contradictoire avec l’hypothèse d’irréductibilité (appliquée ici en t au
lieu de t0 ) et le Lemme .10.
Étape 3 Établissons la convergence exponentielle.
Comme Pt0 est un opérateur compact, son spectre σ(Pt0 ) est au plus
dénombrable, avec 0 comme seul point d’accumulation possible : en outre
toute valeur non nulle du spectre est une valeur propre avec une multi-
plicité finie. En conséquence on peut décomposer l’espace HW en somme
directe HW = H1 ⊕H2 , avec H1 sous espace propre associé à la valeur pro-
pre 1, de module maximal, constitué des fonctions constantes, et H2 sur
lequel le rayon spectral de Pt0 est strictement inférieur à 1 : Rad(Pt0 ) < 1
sur H2 .
Comme Pt = Pt−t0 Pt0 est compact pour t ≥ t0 , il est clair( voir par
exemple Davies Theorem 3.19) que σ(Pt ) = {0} ∪ etσ(L) et donc pour des
constantes γ, C > 0,
kPt kH2 ≤ Ce−γt
R
ce qui est exactement Rla convergence désirée, car f → f dπ est la pro-
jection sur H1 , ie f − f dπ ∈ H2 .

5. Étude d’une particule en communication avec un réservoir


La dynamique de la particule a la position q de moment p est déterminée
par le Hamiltonien
p2
H(p, q) = + V (q) (p, q ∈ R)
2
14 PHILIPPE CARMONA

avec V : R → R potentiel de classe C2 tel que pour des constantes


a > 0, k ≥ 2:
V (λq) ∼ aλk |q|k (λ → +∞)
Cette particule est en contact avec un réservoir de chaleur à la température
T , modélisé par un processus d’Ornstein-Uhlenbeck agissant comme un
bruit sur le moment p, c’est à dire que pour une constante γ > 0,
(6) dqt = pt dt
p
(7) dpt = (−γp − ∇V (qt )) dt + 2γT dBt .
Le but de cette section est d’utiliser les résultats généraux sur les fonc-
tions de Lyapunov pour montrer qu’il existe une unique mesure de prob-
abilité invariante vers laquelle le semi groupe converge exponentiellement
vite.
Nous avons déjà traité le problème d’irréductibilité, via le théorème de
support, et il est aisé d’appliquer ici le théorème de Hörmander qui prouve
que le semi-groupe est régularisant. En effet, le générateur s’écrit
p
L = X0 + X12 , X1 = γT ∂p , X0 = (−γp − V ′ (q))∂p + p∂q
√ √
En conséquence, [X1 , X0 ] = −γ γT ∂p + γT ∂q et {X1 , [X1 , X0 ]} est de
rang maximal 2 en tout point (p, q).
Nous avons vu que LH = γ(T − p2 ) ≤ γT et si W = eθH ,
LW = γθW (T − p2 (1 − T θ)) ≤ γθT W .
La solution de l’eds existe pour tout temps, mais on n’a pas LW ≤
−αW + β. Il nous reste à montrer qu’il existe une suite de compacts Kn ,
des constantes bn < +∞ et 0 < κn < 1, κn → 0 telle que pour un t0 > 0,
Pt0 W (x) ≤ κn W (x) + bn 1Kn (x)
En prenant Kn = {x : W (x) ≤ an } avec an → +∞, il nous suffit de
montrer que
Pt0 W (x)
lim sup =0
a→+∞ {x:W (x)>a} W (x)
.
Supposons que cela n’est pas le cas, alors il existe ǫ > 0, an ↑ +∞ et xn
tel que W (xn ) = an , vérifiant
Pt0 W (xn )
≥ ǫ.
W (xn )
Nous aurons besoin du
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 15

Lemme .12. — Il existe des constantes C > 0, β > 1 ne dépendant que


de γ, T, θ telle que C > 0 si 0 < θ < T1 , et
Pt W (x) h Rt 2
i1/β
≤ eγT θt Ex e−C 0 p(s) ds
W (x)

Démonstration. — Il suffit d’appliquer la formule d’ito au Hamiltonien


p Z t Z t
H(Xt ) − H(x) = 2γT ps dBs + γ(T − p(s)2 ) ds .
0 0

1 1
Étant donné deux exposants conjugués, α
+ β
= 1, on a

Pt W (x)
= Ex eθ(H(Xt )−H(x))
 
W (x)
 
p Z t Z t 
θT γt 2
=e Ex exp θ 2γT ps dBs − γθ γp(s) ds
0 0
θT γt
=e Ex [UV ]
 1/β
≤ eθT γt Ex [U α ]1/α Ex V β
avec
p Z t Z t
2
(8) U = exp(θ 2γT ps dBs − αγT θ p2s ds)
0 0
Z t
(9) V = exp(−γθ(1 − T θα) p2s ds)
0
α
Nous avons Ex [U ] = 1 puisque c’est la martingale exponentielle, d’où le
résultat si α est choisi suffisamment proche de 1 pour que 1 − T θα > 0.

5.1. Le scaling. — Nous allons utiliser la forme du potentiel V (q) en


observant que lorsque l’énergie W (x) est forte, alors le bruit gaussien
n’a pratiquement plus d’influence, et la particule cherche à redescendre
au plus vite la montagne potentielle, elle accumule donc pendant un
intervalle de temps constant, une vitesse p minimum.
Étant donné E > 0, on pose
1 1 1 1 1 1
pE (t) = E − 2 p(E k − 2 t), qE (t) = E − k q(E k − 2 t) .
16 PHILIPPE CARMONA

Alors XE = (pE , qE ) est solution de l’équation différentielle stochastique


(S(
E)
dqE (t) = pE (t) dt
1 1 p 1
dpE (t) = (−E 2 − k γpE (t) − ∇VE (qE (t))) dt + 2γT E 2k −3/4 dBE (t)
1 1 1 1
avec BE (t) = E − 2k + 4 B(E k − 2 t) un mouvement Brownien standard, VE (q) =
1
1
E
V (E k q). C’est une dynamique Hamiltonienne, perturbée par un petit
bruit (quand E est grand) et associée au hamiltonien
1
HE (pE , qE ) = p2E /2 + VE (qE ) = H(p, q)
E
En d’autres termes, si Xt est solution du système initial (S) avec X0 = x
et énergie initiale H(x) = E, alors XE (t) est solution du système (SE )
1 1
avec, XE (0) = xE = (E − 2 p, E − k q) et HE (xE ) = 1. Pour E = +∞ on a
la disparition du bruit stochastique

dq∞ (t) = p∞ (t) dt



(S∞ )
dp∞ (t) = (−ǫγp∞ (t) − ∇V∞ (q∞ (t))) dt
avec ǫ = 1(k=2) , et le potentiel est V∞ (q) = a|q|k .

5.2. L’étude de la dynamique à l’infini. — En haut de la montagne


on n’entend pas de bruit, et donc on ne cherche qu’une chose, c’est de
redescendre la pente de potentiel : en conséquence il y a acquisition de
vitesse.
Lemme .13. — Étant donné τ > 0, il existe cτ > 0 telle que
Z τ
inf p∞ (s)2 ds ≥ cτ .
{x:H∞ (x)=1} 0

Démonstration. — Soit en effet x(t) une solution de S∞ , issue de x 6=


(0, 0) et supposons que Z τ
p(s)2 ds = 0
0
Alors, p(s) = 0, donc q(s) = C est constante sur [0, τ ], et donc sur cet
intervalle
0 = ṗ = −ǫγp − ∇V∞ (C) = −∇V∞ (C)
Vu la forme de V∞ (q) = a|q|k cela impose C = 0 et donc x = (0, 0) ce
qui est contradictoire.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 17

Par
R τ continuité par rapport aux conditions initiales, l’application x →
2
0
p(s) ds est continue sur le compact K = {x : H∞ (x) = 1}. Elle est
strictement positive sur K car il ne contient pas 0, donc elle y atteint
son minimum cτ , qui est donc strictement positif.

5.3. Preuve de l’existence et l’unicité de la mesure invariante.


— Rappelons que nous raisonnons par l’absurde et donc qu’ il existe
ǫ > 0 et xn tel que H(xn ) = En ↑ +∞, vérifiant
Pt0 W (xn )
≥ ǫ.
W (xn )
A la solution (Xt )t≥0 issue de xn , on associe le processus changé d’échelle
(XEn (t))t≥0 , issu de x̄n tel que
p̄2n 1 1
HEn (x̄n ) = 1 = + V (Enk q̄n )
2 En
Vu les propriétés de croissance à l’infini du potentiel V , la suite x̄n reste
dans un compact et admet donc une sous suite convergente, que nous
noterons encore x̄n → x̄∞ . Par continuité H∞ (x̄∞ ) = 1 et par continuité
de la solution d’une équation différentielle stochastique par rapport aux
conditions initiales, et aux paramètres, ceux ci restant dans un compact,
on en déduit que, si on réalise ces solutions par rapport au même mou-
vement Brownien,
 
2
E sup(XEn (t) − X∞ (t)) −−−−→ 0 .
t≤τ n→+∞

Supposons k = 2. Alors, on prend τ = t0 , et comme


Z t0 Z τ
2
p(s) ds = En pEn (s)2 ds
0 0
on a, en vertu du Lemme .12,
 Z τ 1/β
Pt0 W (xn ) γθT t0 2
≤e Ex̄n exp(−CEn pEn (s) ds)
W (xn ) 0
Or, pour tout α > 0, par le Lemme .13,
 Z τ   Z τ 
2
Ex̄n exp(−α pEn (s) ds) → Ex̄∞ exp(−α p∞ (s) ds) ≤ e−αcτ
2
0 0
18 PHILIPPE CARMONA

et donc, comme En → +∞,


 Z τ 
2
Ex̄n exp(−CEn pEn (s) ds) → 0 .
0

Supposons maintenant k > 2. On prend n ≥ n0 suffisamment grand pour


1
−1
que t0 En2 k ≥ τ . Alors,
1−1
Z t0 1
Z t0 En2k Z τ
2 + 21 2
p(s) ds = En k
pEn (s) ds ≥ pEn (s)2 ds .
0 0 0
En conséquence, on a de même,
 Z τ 1/β
Pt0 W (xn ) γθT t0
1
+ 21 2
≤e Ex̄n exp(−CEn
k
pEn (s) ds) → 0.
W (xn ) 0

5.4. Conclusion. — Nous avons obtenu dans les deux cas une con-
tradiction, donc nous pouvons conclure à la convergence exponentielle
vers une unique mesure de probabilité invariante. Comme nous connais-
sons une mesure invariante, la mesure de Gibbs µβ (dx) = Z1 eβH dx à la
température T = β1 , nous avons donc un bon modèle de réservoir, c’est à
dire un système Markovien composé d’un système Hamiltonien perturbé
par un bruit qui choisit, parmi l’infinité de mesures de probabilité invari-
antes, la mesure µβ , et dont le semigroupe converge exponentiellement
vite vers la mesure µβ .

6. Étude d’une chaı̂ne d’oscillateurs en communication avec


deux réservoirs à des températures différentes
La dynamique de la particule a la position q ∈ Rn de moment p est
déterminée par le Hamiltonien
X p2
i
H(p, q) = + V (q) (p, q ∈ R)
1≤i≤n
2
avec V : R → R potentiel de la forme
X X
(10) U (1) (qi ) + U (2) (qi − qi+1 ) ,
1≤i≤n 1≤i≤n−1

qui satisfait les deux hypothèses suivantes


FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 19

(H1) : Hypothèse de croissance à l’infini. Les deux fonctions U (i)


sont de classe C ∞ , et pour des constantes a(i) > 0 on a:
(11) lim λ−ki U (i) (λx) = a(i) |x|ki (i = 1, 2)
λto+∞

et
(12) k2 ≥ k1 ≥ 2 .

(H2) : Hypothèse de non dégénérescence.


– la fonction q → ∂q U (2) est inversible sur R∗
– L’équation ∇V∞ (q) = 0 admet pour unique solution dans Rn , q = 0,
avec
X k X
(13) V∞ (q) = 1(k=2) a(1) |qi | 1 + a(2) |qi − qi+1 |k2 .

– Pour tut q ∈ R il existe un entier m = m(q) ≥ 2 tel que ∂ m U (2) (q) 6=


0.
Les réservoirs de chaleurs de températures T1 et Tn agissent sur les mo-
ments des particules 1 et n comme des processus d’Ornstein-Uhlenbeck,
c’est à dire que pour une constante γ > 0,

(14) dqj (t) = pj (t) dt (1 ≤ j ≤ n)


p
(15) dp1 (t) = (−γp1 (t) − ∂q1 V (qt )) dt + 2γT1 dB1 (t)
(16) dpj (t) = (−∂qj V (qt )) dt (2 ≤ j ≤ n)
p
(17) dpn (t) = (−γpn (t) − ∂qn V (qt )) dt + 2γTn dBn (t)
On écrit ce système d’équation différentielle stochastique sous la forme
condensée
(
dq(t) = p(t) dt
(S) p
dp(t) = (−γΛp(t) − ∇q V (q(t))) dt + 2γT dB(t)
avec Λ : Rn → R2 la projection λ(x1 , . . . , xn ) = (x1 , xn ) et T : (x1 , xn ) →
(T1 x1 , Tn xn ), et B(t) = (B1 (t), B2 (t)) un mouvement Brownien de R2 .
Le but de cette section est d’utiliser les résultats généraux sur les fonc-
tions de Lyapunov pour montrer qu’il existe une unique mesure de prob-
abilité invariante vers laquelle le semi groupe converge exponentiellement
vite.
20 PHILIPPE CARMONA

6.1. Existence, Irréductibilité et Régularité du semi groupe. —


Nous supposons déjà traité le problème d’irréductibilité, via le théorème
de support, et il est aisé d’appliquer ici le théorème de Hörmander qui
prouve que le semi-groupe est régularisant. En effet, le générateur s’écrit
p p
L = X0 + X12 + Xn2 , X1 = γT1 ∂p1 , Xn = γT1 ∂pn
X
X0 = A − γ(p1 ∂p1 + pn ∂pn ) A = pi ∂qi − ∂qi V (q) ∂pi
i
√ √
En conséquence, [X1 , X0 ] = γT1 (−γ∂p1 +∂q1 ) et [Xn , X0 ] = γTn (−γ∂pn +
∂qn ). L’algèbre de lie des crochets itérés contient donc déja ∂p1 , ∂pn , ∂q1 ,
∂qn et

[∂q1 , X0 ] = (∂ 2 U (1) (q1 ) + ∂ 2 U (2) (q1 − q2 ))∂p1 − ∂ 2 U (2) (q1 − q2 )∂p2


On considère le crochet de Lie
∂q1 , . . . , ∂q1 , ∂ 2 U (2) (q1 − q2 ) = ∂ m U (2) (q1 −q2 ) 6= 0 pour m = m(q1 −q2 )
  

Il s’ensuit que l’algèbre contient ∂p2 et on arrive de proche en proche à


une algèbre de rang maximum.
La fonction
√ de Lyapunov choisie est W = eθH . Compte tenu de AH = 0,
Xi H = γTi pi , Xi2 H = γTi , on a

LW = θW X0 H + W ((θX1 H)2 + θX12 H) + W ((θXn H)2 + θXn2 H)


= γθW ((T1 + Tn ) − (p21 + p2n ) + θ(T1 p21 + Tn p2n )) ≤ cW
La solution de l’eds existe pour tout temps, mais on n’a pas LW ≤
−αW + β.
Il nous reste à montrer qu’il existe une suite de compacts Kn , des con-
stantes bn < +∞ et 0 < κn < 1, κn → 0 telle que pour un t0 > 0,
Pt0 W (x) ≤ κn W (x) + bn 1Kn (x)
En prenant Kn = {x : W (x) ≤ an } avec an → +∞, il nous suffit de
montrer que
Pt0 W (x)
lim sup =0
a→+∞ {x:W (x)>a} W (x)

.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 21

Supposons que cela n’est pas le cas, alors il existe ǫ > 0, an ↑ +∞ et xn


tel que W (xn ) = an , vérifiant
Pt0 W (xn )
≥ ǫ.
W (xn )
Nous aurons besoin du

Lemme .14. — Il existe des constantes C > 0, β > 1 ne dépendant que


1
de γ, T, θ telle que C > 0 si 0 < θ < Tmax , et
Pt W (x) h Rt 2
i1/β
≤ eγ(T1 +Tn )θt Ex e−C 0 kΛp(s)k ds
W (x)
Démonstration. — Identique à celle du Lemme .12.

6.2. Le scaling. — Nous allons utiliser la forme du potentiel V (q) en


observant que lorsque l’énergie W (x) est forte, alors le bruit gaussien
n’a pratiquement plus d’influence, et la particule cherche à redescendre
au plus vite la montagne potentielle, elle accumule donc pendant un
intervalle de temps constant, une vitesse p minimum.
Étant donné E > 0, on pose
1
1 − 12 − k1 1
− 21
pE (t) = E − 2 p(E k2 t), qE (t) = E 2 q(E k2 t) .
Alors XE = (pE , qE ) est solution de l’équation différentielle stochastique

dq(t) = p(t) dt
(
(SE ) 1 1 1
− 43
p
dp(t) = (−E 2 − k γΛp(t) − ∇q VE (q(t))) dt + E 2k2 2γT dB(t)
1 1 1 1
avec BE (t) = E − 2k + 4 B(E k − 2 t) un mouvement Brownien standard de
1
R2 , VE (q) = E1 V (E k2 q). C’est une dynamique Hamiltonienne, perturbée
par un petit bruit (quand E est grand) et associée au hamiltonien
1
HE (pE , qE ) = p2E /2 + VE (qE ) =H(p, q)
E
En d’autres termes, si Xt est solution du système initial (S) avec X0 = x
et énergie initiale H(x) = E, alors XE (t) est solution du système (SE )
1 1
avec, XE (0) = xE = (E − 2 p, E − k q) et HE (xE ) = 1. Pour E = +∞ on a
la disparition du bruit stochastique
22 PHILIPPE CARMONA

dq(t) = p(t) dt

(S∞ )
dp(t) = (− 1(k2 =2) γΛp(t) − ∇q V∞ (q(t))) dt

6.3. L’étude de la dynamique à l’infini. — En haut de la montagne


on n’entend pas de bruit, et donc on ne cherche qu’une chose, c’est de
redescendre la pente de potentiel : en conséquence il y a acquisition de
vitesse.

Lemme .15. — Etant donné τ > 0, il existe cτ > 0 telle que


Z τ
inf kΛp∞ (s)k2 ds ≥ cτ .
{x:H∞ (x)=1} 0

Démonstration. — Soit en effet x(t) une solution de S∞ , issue de x 6=


(0, 0) et supposons que
Z τ
Λp(s)2 ds = 0

0

Alors, pour i = 1, 2, pi (s) = 0, donc qi (s) = Ci est constante sur [0, τ ],


et donc sur cet intervalle

0 = ṗi = −ǫγpi − ∂qi V∞ (q) = −∂qi V∞ (q)

c’est à dire, pour i = 1,


(2) (1)
∂U∞ (C1 − q(t)) = −∂U∞ (C1 ) .

En vertu de l’hypothèse de non dégénérescence cela entraı̂ne que soit


q2 (t) = C1 soit on peut inverser et obtenir q2 (t) = C2 sur cet intervalle.
Donc p2 = 0 et de proche en proche on montre que les qi sont constantes
sur cet intervalle. Toujours en vertu de l’hypothèse de non dégérescence,
ce la entraı̂ne que sur [0, τ ], q(t) = C ∈ Rn et ∇V∞ (C) = 0 donc C = 0
ce qui est contradictoire.
Par
R τ continuité par rapport aux conditions initiales, l’application x →
2
0
kΛp(s)k ds est continue et strictement positive sur le compact K =
{x : H∞ (x) = 1}, puisque K ne contient pas 0. Elle y atteint donc son
minimum cτ , qui est donc strictement positif.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 23

6.4. Preuve de l’existence et l’unicité de la mesure invariante.


— Celle ci est mutatis mutandis identique à la preuve dans le cas d’une
particule et d’un réservoir.
Rappelons que nous raisonnons par l’absurde et donc qu’ il existe ǫ > 0
et xn tel que H(xn ) = En ↑ +∞, vérifiant
Pt0 W (xn )
≥ ǫ.
W (xn )
A la solution (Xt )t≥0 issue de xn , on associe le processus changé d’échelle
(XEn (t))t≥0 , issu de x̄n tel que
p̄2n 1 1
HEn (x̄n ) = 1 = + V (Enk q̄n )
2 En
Vu les propriétés de croissance à l’infini du potentiel V , la suite x̄n reste
dans un compact et admet donc une sous suite convergente, que nous
noterons encore x̄n → x̄∞ . Par continuité H∞ (x̄∞ ) = 1 et par continuité
de la solution d’une équation différentielle stochastique par rapport aux
conditions initiales, et aux paramètres, ceux ci restant dans un compact,
on en déduit que, si on réalise ces solutions par rapport au même mou-
vement Brownien,
 
2
E sup(XEn (t) − X∞ (t)) −−−−→ 0 .
t≤τ n→+∞

6.5. Conclusion. — Nous avons obtenu dans les deux cas une contra-
diction, donc nous pouvons conclure à la convergence exponentielle vers
une unique mesure de probabilité invariante.

6.6. Analyse des hypothèses H1 et H2. —


(1) (2)
Interaction sans “pinning”. — Si par exemple U∞ = 0 et U∞ (q) =
1 2
2
q . Alors on ne peut pas appliquer les techniques précédentes car la
dynamique est dégénérée et l’équation ∇V∞ (C) = 0 admet des solutions
non nulles qi = C, ∀i.

6.7. Interactions quadratiques. — On suppose que U (1) (q) = q 2 et


U (2) (q) = αq 2 pour un α > 0. C’est le potentiel le plus petit que l’on
peut considérer. Alors, k1 = k2 = 2 et
X X
VE (t) = V∞ (t) = V (t) = qi2 + α (qi − qi+1 )2 .
i i
24 PHILIPPE CARMONA

La fonction q → ∂U (2) (q) = 2αq est bien inversible, et ∂ 2 U (2) = 2α > 0.


Il nous reste à vérifier que l’équation ∇V (q) = 0 admet comme unique
solution q = 0. On obtient,

 0 = ∂q1 V = 2q1 + 2α(q1 − q2 )

(18) 0 = ∂qj V = 2qj + 2α(2qj − qj+1 − qj−1 ) (2 ≤ j ≤ n − 1)

 0 = ∂ V = 2q + 2α(q − q )
qn n n n−1

C’est une équation récurrente linéaire dont la solution générale est qj =


ar1j + br2j , avec r1 et r2 les deux solutions, distinctes, de l’équation car-
actéristique :
1
(19) x2 − (2 + )x + 1 = 0 ,
α
(le discriminant est strictement positif).
Les deux équations extrêmes nous donnent alors un système linéaire de
deux équations à deux inconnues a, b:
a(r12 − 2r1 ) + b(r22 − 2r2 ) = 0
1 1
a(r1n − r1n−1 ) + b(r2n − r2n−1 ) = 0
2 2
dont le déterminant est
1 1
∆ = (r12 − 2r1 )(r2n − r2n−1 ) − (r22 − 2r2 )(r1n − r1n−1 )
2 2
En utilisant l’équation caractéristique (19), l’équation ∆ = 0 est équivalente

r1 − 1 r2 − 1
=
ur1 + v ur2 + v
r−1
Donc l’équation ur+v = cte a deux solutions distinctes r1 , r2 ce qui est
absurde. Don ∆ 6= 0 et l’unique solution du système est a = b = 0 ce qui
impose qj = 0 pour tout j.

Références
[1] J.-P. Eckmann, C.-A. Pillet, and L. Rey-Bellet, Non-equilibrium
statistical mechanics of anharmonic chains coupled to two heat baths at
different temperatures, Comm. Math. Phys., 201 (1999), pp. 657–697.
[2] L. Rey-Bellet, Statistical mechanics of anharmonic lattices,
arXiv:math-ph/0303021.
FONCTIONS DE LYAPUNOV ET DIFFUSIONS 25

[3] L. Rey-Bellet, Statistical mechanics of anharmonic lattices, in Ad-


vances in differential equations and mathematical physics (Birmingham,
AL, 2002), vol. 327 of Contemp. Math., Amer. Math. Soc., Providence,
RI, 2003, pp. 283–298.
[4] L. Rey-Bellet and L. E. Thomas, Exponential Convergence to
Non-Equilibrium Stationary States in Classical Statistical Mechanics,
arXiv:math-ph/0110024.
[5] L. Rey-Bellet and L. E. Thomas, Asymptotic behavior of thermal
nonequilibrium steady states for a driven chain of anharmonic oscillators,
Comm. Math. Phys., 215 (2000), pp. 1–24.
[6] , Exponential convergence to non-equilibrium stationary states in clas-
sical statistical mechanics, Comm. Math. Phys., 225 (2002), pp. 305–329.
[7] L. Rey-Bellet and L. E. Thomas, Fluctuations of the entropy produc-
tion in anharmonic chains, Ann. Henri Poincaré, 3 (2002), pp. 483–502.

January 6, 2006
Philippe Carmona, Philippe Carmona, Laboratoire Jean Leray, UMR
6629, Université de Nantes, BP 92208, F-44322 Nantes Cedex 03 BP
E-mail : philippe.carmona@math.univ-nantes.fr

Vous aimerez peut-être aussi