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THEOLOGIE DU MESSAGE DE KIBEHO

I. GENESE ET FONDEMENTS BIBLIO-SYSTEMATIQUES DU CULTE DE LA MERE


DE DIEU DES DOULEURS DANS L'EGLISE

 GENESE BIBLIQUE DU CULTE


1. Marie dans la prophétie et l'accomplissement de « Son Heure »

Deux événements de la Bible sont les fragments-clés, qui serviront de référence à de nombreux
théologiens faisant des réflexions scientifiques sur la souffrance de Marie, et sur lesquels
s'appuiera également la piété populaire.

Le premier d'entre eux est la prophétie de Siméon (Lc 2,34-35), où l'Evangéliste, dans un
chuchotement théâtral, annonce la tragédie du Golgotha. Le vieil homme "juste et pieux" (Lc
2,25) s'adresse à Marie avec la prophétie concernant l'Enfant et elle-même. La première partie de
sa prophétie révèle la personne de Jésus comme un sujet de controverse. Par contre, la deuxième
partie est l'image des conséquences de l'attitude de tous ceux qui voudraient s'opposer à Jésus. Ils
seront douleurs profondes pour Marie, que Siméon compare à l'épée transperçant son âme.

Un second fragment biblique important dans la genèse du Culte de Notre-Dame des Douleurs est
sa présence au pied de la Croix (Jn 19,25-27). Ainsi, au Golgotha, "au moment le plus important
et décisif de l'histoire du Salut", Marie se tenait à côté de la Croix de son Fils. Cette "Heure" est
justement arrivée au moment de la mort et de la glorification de Jésus. Il faut méditer en général
l'épithète "Femme" dans le contexte biblique général, de même d'ailleurs que la Passion entière
de Jésus sur la Croix. Et c'est ce lien que fait le Proto-évangile (Gn 3,15) à la lumière du Livre de
l'Apocalypse (Ap 12), qui parle de la lutte avec satan.

Le rôle clé de Marie est donc compris dans le contexte de l’"Heure" du Christ, en buvant la
"coupe" donnée par son Père (Jn 18,11). "Tout est accompli" (Jn 19,30), était l'annonce de Jésus
que la mission qu'Il a reçue du Père est parvenue à sa fin, Marie par contre, par sa présence au
pied la Croix, est introduite dans la bataille historique avec satan qui durera jusqu'à la fin des
temps (Gn 3,15; Ap 12). Son lien avec le mystère de la Croix de Jésus - "Son Heure", la rend
Mère de tous les vivants, surtout des croyants (cf. LG 54). Cette participation douloureuse de la
Mère du Christ tant à la Passion de son Fils sur la Croix qu’à sa lutte avec satan a été assez
généralement acceptée dans la littérature théologique ascétique et mariologique et possède une
signification cruciale dans la genèse et le développement de l'étude concernant la souffrance de
Marie.

2. Autres événements douloureux de Marie

Outre ces deux passages bibliques fondamentaux, on a commencé, dès le Moyen-Age, à prêter
attention à d'autres événements douloureux dans la vie de Marie. Il s'agit de :
− la fuite en Egypte (Mt 2,13-15),
− la perte de Jésus, à l'âge de 12 ans, au temple de Jérusalem (Lc 2,43-50),
− le chemin de Croix (Lc 23,26-32; cf. Jn 19,16-17),
− la déposition du corps de Jésus de la Croix (Lc 23,50-52; cf. Jn 19,38),
− sa mise au tombeau (Lc 23,53-56; cf. Jn 19,39-42).

Il existe aussi des tendances de piété populaire concentrées sur les souffrances de Marie durant la
Passion du Christ qui se réfèrent à des textes bibliques :

− l'arrestation de Jésus (Mt 26,47-56),


− sa présentation à Pilate (Mt 27,1-2)
− la condamnation à mort de Jésus (Mc 15,15),
− son crucifiement (Mc 15,23-28),
− sa mort sur la Croix (Mc 15,33-37; cf. Jn 19,25-30),
− des passages décrivant la descente du corps de Jésus de la Croix et sa mise au tombeau.
La théologie biblique des temps modernes ajoute les trois événements "douloureux" suivants :

− l'écartement de sa Mère et de ses frères (Lc 8,19-21),

− la réponse de Jésus à la bénédiction de la maternité de Marie (Lc 11,27-28),

− la réaction de Jésus à la demande maternelle à Cana (Jn 2,1-11).

Les Servites, se basant sur la catégorie biblique du "rejet" de Jésus désignent encore d'autres
passages bibliques :

− la naissance de Jésus dans la pauvreté, déposé dans une mangeoire (Lc 2,6-7)

− le rejet de Jésus par ses compatriotes (Lc 4,28-29)

− l'arrestation de Jésus et la fuite des disciples (Mt 26,49-50.56b),

− la participation de Marie aux souffrances de l'Eglise primitive (Ac 12,1- 3a.5b) et autres.

Ce sont des textes bibliques fondamentaux qui inspireront la piété populaire et les théologiens du
culte de la Mère des Douleurs, en développement dans toute l'histoire de l'Eglise.

Pour résumer tout le panorama de la genèse et du développement de l'enseignement concernant


la souffrance de Marie à travers l'histoire de l'Eglise, on peut remarquer qu'à chaque époque de
l'histoire, les différentes dimensions de la souffrance de la Mère des Douleurs ont été soulignées.
Pendant la période des Pères de l'Église, seuls quelques auteurs se sont occupés de cette
problématique, accentuant la souffrance de Marie durant l'agonie de son Fils au Calvaire. Les
auteurs patristiques antiques n'ont pas vu la souffrance de Marie au Calvaire comme sa
participation à l'œuvre de Rédemption du Christ, mais ils ont créé l'antithèse d'Eve - Marie,
faisant ressortir, grâce à elle, la valeur salvifique de l'incarnation et son rôle important de la Mère
du Fils de Dieu.

Dans la théologie médiévale, le sujet d'intérêt était la compassion de Marie avec Jésus, dont les
débuts remontent au XIe s. (à cette époque, les théologiens monastiques introduisent les
concepts : compassio et oblatio). Le développement de cette théologie est perceptible aux XIIIe
et XIVe s. (scolastique). Les auteurs de cette période cherchaient des réponses aux questions
concernant l’essentiel, la cause et la signification des souffrances de Marie. Selon eux,
l'événement du Calvaire était l'accomplissement de la prophétie de Siméon, parce que le cœur de
Marie a effectivement été transpercé par l'épée d'une douleur dépassant toute souffrance
humaine. Ils ont enseigné que Marie avait accompli la volonté de Dieu en souffrant au pied de la
Croix de son Fils, et cette souffrance a eu une valeur salvifique (perspective christologique et
sotériologique).

Par contre, dans la dévotion populaire est né le culte à la Mère de Dieu des Douleurs, ce qui était
aussi un encouragement pour les chrétiens à méditer ses douleurs, dont le nombre de sept a été
introduit dans l'Eglise au XVe s.

Durant la période post-tridentine, on a traité, dans la mariologie, le sens de la souffrance de


Marie dans l'œuvre de Rédemption, l'appelant par conséquent, Mère Douloureuse Co-
Rédemptrice. Cela concernait généralement les partisans de la thèse d'une coopération directe de
Marie avec son Fils au Calvaire. Ces théologiens donnaient aux souffrances de Marie la valeur
d'actes co-rédempteurs. Dans la dévotion populaire, le culte de la Mère de Dieu Douloureuse
s'était déjà propagé dans toute l'Eglise latine, où l'on méditait les douleurs de Marie, comme dans
la mariologie, dans l'aspect salvifique.

Vat. II a initié un nouveau regard sur le culte de la Mère de Dieu Douloureuse. On a commencé à
présenter les souffrances de Marie dans la perspective biblique et historico-salvifique. Les
théologiens ne s'occupent plus de l'interprétation des différents événements douloureux de Marie,
mais les considèrent comme un tout, et font cela en relation avec le mystère du Christ et de
l'Eglise.

La première perspective souligne le grand lien des souffrances de Marie avec Jésus et son œuvre
de Salut. Cette participation a atteint sa plénitude dans le mystère de la Croix, où la Mère
Douloureuse, unie au Christ dans son anéantissement, a rempli l'héroïque "obéissance de la foi".
Dans la perspective ecclésiologique, la théologie contemporaine indique le moment de l'agonie
de Jésus, lorsqu'il a confié l'Eglise naissante à la maternité de Marie. Face à cette nouvelle
communauté, Marie devient la Mère dans l'ordre de la grâce, Elle est le modèle pour suivre les
vertus théologales. Marie pleurant – l'icône de nombreuses apparitions privées, et de "statues
pleurant" est pour le monde un signe de la souffrance de Marie provoquée par les péchés des
hommes, un appel à la conversion et la révélation de la proximité de la miséricorde de Dieu.

Le plan éternel de Salut, dans lequel Dieu le Père "a uni au Fils souffrant la Mère co-souffrant",
et a également voulu que "près de la Croix du Nouvel Adam se tienne la Nouvelle Eve", montre
la valeur infinie du mystère du sang du Christ et des larmes de sa Mère. Ainsi se révèle, comme
sur le plateau opposé de la balance, la valeur également infinie des hommes qui, malgré diverses
infidélités, sont toujours dans le champ d'activité de la miséricorde salvifique de Dieu qui,
guérissant les péchés, réconcilie les hommes à Dieu et entre eux.

Ce plan divin est de nouveau rappelé et souligné dans les apparitions mariales de Kibeho, où la
profonde tristesse de Marie à cause des péchés du monde révèle sa souffrance et en même temps
son amour infini pour les hommes; ses nombreux conseils constituent de précieux fils
conducteurs pour tous ceux qui sont aux prises avec le mal de ce monde, conduisant sans relâche
chacun d'eux vers l'éternité.

2. 1. Réception du Culte de la Mère de Dieu des Douleurs dans le contexte du message de


Kibeho

2. 1. 1. Urgent appel au repentir et à la conversion des cœurs

"Regrettez, convertissez-vous, revenez à Dieu", c'est le contenu souvent répété du message de


Kibeho, qui influence le reste du message de la Mère de Dieu.

le Catéchisme, dans l'index thématique, considère repentir comme synonyme de regret. Ensuite,
il dit que la pénitence intérieure est une réorientation radicale de toute la vie, une aversion du
mal, un retour et une conversion à Dieu. Cette conversion du cœur est accompagnée par la
tristesse de l'âme et la contrition du cœur. La pénitence intérieure se réalise sous différentes
formes. La Sainte Écriture et les Pères de l'Eglise insistent sur trois formes : le jeûne, la prière,
l'aumône (il s'agit de conversion nous concernant nous-mêmes, Dieu et les hommes). Outre la
purification radicale, provoquée par le baptême et le martyre, on cite comme moyen de pardon
des péchés : les efforts de réconciliation avec notre prochain, les larmes de pénitence, le souci du
Salut du prochain, l'intercession des saints, la pratique de la charité.

Ces bienfaits spirituels de la communion des saints sont également appelés le trésor de l'Eglise.
C'est le prix infini, qu'ont auprès de Dieu les expiations et les mérites du Christ.
Le message rwandais souligne la méditation de la Passion de Jésus et la compassion de Marie
comme aide pour se rendre compte de la participation des chrétiens (par les péchés personnels) dans
la crucifixion contemporaine de Jésus, dont la contemplation présage un espoir de conversion.

En réalité, Dieu ne punit pas de l'extérieur, guidé par un quelconque désir de vengeance. Il s'agit
ici d'un problème d'un autre type. Le péché détruit donc l'ordre et l'environnement naturels créés
par Dieu. Cela ne se produit évidemment pas impunément.

Par le signe des chapelets qui tombent, la Dame de Kibeho a expliqué de manière prophétique
qu'Elle transmettait le message aux propriétaires de tous les objets de dévotions "inacceptables",
afin qu'ils commencent par la pénitence.

Ceux qui ont commis des crimes devraient montrer du repentir et demander pardon à Dieu et aux
victimes de leur agression, afin de réparer ainsi, autant qu'ils le peuvent, le mal perpétré.

Comme toutes les béatitudes de Jésus, la consolation de ceux qui pleurent est pour tous. Il faut se
soumettre au processus de la lente transformation des souffrances qui existent en eux, en
s'appuyant sur leur propre foi dans le Christ, afin d'élever au Rwanda des enfants d'un nouvel
espoir.

2. 1. 2. Diagnostic de l'état moral du monde

Evaluant la condition morale de toute l'humanité, la Vierge dit "que le monde se trouve dans un
très mauvais état". Pour illustrer cette situation, elle a utilisé des expressions très fortes : "Le
monde a des dents […]. Les péchés sont plus nombreux que les gouttes d’eau de la mer […]. Le
monde est de plus en plus mauvais"

Il faut rappeler ici que l'anthropologie théologique distingue en général trois types de perception,
ou de vision : sensorielle (zmysłowa ; np. widoczne drzewo), intérieure (wewn.) et spirituelle
(duchowa ; są w mistyce).

René Laurentin, s'exprimant à ce sujet précise que : "Ce sont des apparitions très limpides qui
voulaient prévenir cette guerre et cette violence qui allait déferler [sur le Rwanda].

Marie, entrant concrètement dans l'histoire de cette nation sur fond du temps profane (tempus
profanum) du Rwanda, a révélé un temps sacré salvifique (kairos hieros, tempus sacrum) dans
une période particulièrement difficile pour cette nation.
Le premier genre de vision présentant le monde plongé dans une guerre fratricide, rempli de
cadavres, de têtes décapitées et de rivières de sang est, jusqu'à un certain point, semblable au
contenu de 3e Secret de Fatima – le périple d'un évêque vêtu de blanc, qui traverse, avec un
groupe de nombreuses personnes, une ville à moitié en ruine et apercevant des cadavres tout au
long de la route et, finalement, eux-mêmes sont tués par un groupe de soldats. Image :
l'événement de la déroute du royaume de Juda lors de l'invasion des Babyloniens en 587/586 av.
J.C. Le Livre des Lamentations et le Psaume 79, 1-3.

La vision du 15 août 1982 montre les conséquences destructrices pour les héritiers actuels de
l'attitude immémoriale des barbares de Babylone.

Se référant à la présentation de soi du prophète Amos ["je suis bouvier et pinceur de sycomores"
(Am 7,14)], Saint Basile le Grand († 379) écrit au sujet de l'Evangélisation des cultures : "le
sycomore est un arbre qui porte beaucoup de fruits. Cependant, s'ils ne sont pas entaillés, ils n'ont
aucun goût; ils n'en auront que lorsqu'on en tirera du jus. C'est pourquoi nous estimons que le
sycomore est le symbole de tous les païens : ils sont très nombreux, mais ils sont comme
insipides. Ceci est le résultat d'une vie selon des habitudes païennes. Si le sycomore parvient à se
faire entailler par le Logos [Jésus], il devient alors savoureux et utile".

La 2e scène terrifiante, selon la description d’Alphonsine, montre des personnes désunies qui se
battent sans cesse dans un lieu sombre et effrayant que Marie a désigné comme „ceux qui
souffriront éternellement et qui n’obtiendront pas le pardon”.

Karl Barth, un des plus éminents théologiens du XXe s., a dit : "Celui qui ne croit pas à
l'apocatastase est un bœuf, par contre, celui qui l'enseigne est un âne".

Marie a dit tristement à Fatima : "Vous avez vu l'enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs.
Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur immaculé".

Une image se répétant dans certaines apparitions privées, à commencer par le message de La
Salette (1846), est également liée à cette question considérée ici. Il s'agit de "la main punissante
du Fils" retenue par la Mère de Dieu en pleurs, implorant miséricorde pour l'humanité.

Selon René Laurentin, la "main punissante du Fils" est uniquement "une formule imagée que la
Vierge employait pour la faire comprendre aux paysans", et en réalité, ce n'est pas Dieu qui punit
ce monde, mais les hommes eux-mêmes qui se détruisent de l'intérieur par la présence en eux de
péchés et d'acceptation de satan. L'homme qui s'éloigne de Dieu et se détourne de toutes les
relations d'amour interhumaines, dans une explosion d'égoïsme, d'hostilité et dans une attitude de
discorde avec les autres, aboutit à sa propre destruction et son auto-anéantissement.
2. 1. 3. Profonde tristesse de la Vierge

Une des voyantes lui ayant demandé pourquoi Elle pleurait et semblait tellement triste, Marie a
répondu : "Vous vous trouvez dans un mauvais état et c'est la raison de mes pleurs". Visions de
la guerre chez Nathalie:

1/ 6.07.1982 ?

2/ 15.08.1982 Marie a eu les larmes dans ses yeux, aussi dans la vision de MC ; les larmes
coulait sur les joues dans la vision chez Alphonsine.

3/ 4.09.1982

4/ 21 (ou 22).01.1983

L'apparition du 15 août 1982, scène essentielle de la Mère pleurant sur le monde pécheur.

L'histoire humaine est marquée d'une suite de souffrances et de larmes, vécues par toutes les
générations ainsi que des personnes particulières. L'espace de la vie terrestre est une sorte de
vallée de larmes. L'homme vient au monde en pleurs, dans les douleurs de sa mère qui le met au
monde. Au cours des événements successifs, outre les moments de joie de l'existence, il éprouve
de nombreux désagréments et souffrances, accompagnés de larmes amères. Et finalement il
quitte ce monde, souvent avec des larmes dans les yeux, parmi les larmes et les pleurs des
personnes les plus chères à son cœur.

Parmi de nombreux visages, celui de la mère baignée de larmes a une signification particulière.

Les passages de la Sainte Écriture soulignant les larmes de Jésus (Lc 19,41; Jn 11,35; He 5,7),
prouvant son humanité et révélant l'amour émouvant de Dieu pour ses créatures, méritent une
attention. Un de ces épisodes montre en particuliers la tristesse de Dieu envers l'humanité
pécheresse; il s'agit des pleurs du Christ sur la mort spirituelle, et donc sur la damnation de
Jérusalem (Lc 19,41).

Marie n'a pas finalement empêché cette tragédie. Nous ne savons pas. C'est une sorte d’équilibre
des forces entre la volonté de Dieu et le prix de la liberté humaine. Dans l'économie du Salut, le
fait est que Marie "[...] n'a [même] pas pu empêcher la mort de son Fils, qui lui a également
demandé d'accepter de souffrir jusqu'à la fin" (René Laurentin).

la polémique du paradigme de la culture de cette région d'Afrique en lien avec le thème de la


tristesse et des larmes: "Ne pleure pas, tu seras un homme mon fils". "Réjouissez-vous avec qui
est dans la joie, pleurez avec qui pleure" (Rm 12,15), dit l'Apôtre des nations, sans indiquer que
ces paroles se réfèrent uniquement au beau sexe qui est plus sensible.
La présence de larmes, et la compassion de manière générale, ne témoigne pas d'une dépréciation
de la masculinité, et encore moins de l'humanité ou de l'attitude chrétienne. Les larmes de Marie
et les larmes de Jésus qui y sont associées, peuvent être aussi une invitation à vaincre un vieux
paradigme de l'homme inébranlable dans les cultures préchrétiennes (Les sociétés qui bloquent
des manifestations fortes des émotions chez les individus, elles doivent façonner des
conventionnelles, rituelles formes des réactions qui sont exigées pour des situations de tension se
répétant comme des mariages, des enterrements”. P. Zimbardo, F. Ruch, Psychologia i życie,
trad. J. Radzicki, Warszawa 1988, p. 354), notamment dans ce coin du monde. Les larmes
révèlent les couches les plus profondes de l'humanité, et parmi elles le cœur - pleinement inquiet,
compatissant, pardonnant. Le pleur purifie le cœur de l'agression, s'approchant des hommes et
surtout du Christ qui, comme vrai Dieu et vrai homme, leur a révélé de diverses manières son
amour, notamment à travers ses larmes.

2. 1. 4. "La foi et l’incroyance viendront sans qu’on s’en aperçoive"

On peut penser que la Dame du Verbe attire l'attention sur toutes les menaces existant pour les
hommes qui, par diverses astuces dans leur praxis de vie, modifient l'Evangile, risquant de se
rapprocher d'un bord d'apparence innocente, d'où il suffit de "tomber" dans l'abîme absorbant nos
vies. Les Pères de l'Église et les théologiens médiévaux estimaient que sans "[...] valeurs
éthiques fondamentales, il est impossible d'arriver à Celui dont la Bible dit qu’Il est l'Amour".

On peut tisser une réflexion sur ce thème autour des questions d'activité intense de la puissance
du mal, qui peuvent constituer une tentative de vérification de notre foi. Marie voulait peut-être
préparer à d'éventuelles persécutions que les croyants peuvent expérimenter de la part d'athées
militants voulant « corriger » à leur manière le monde créé par Dieu.

2. 1. 5. Souffrance salvifique

La Déclaration de Mgr Misago indiquant le contenu du message souligne que "Ce thème est un
des plus importants dans l’histoire des apparitions de Kibeho"

l'enfant de Marie ne se sépare pas de la souffrance".

"Vous m’avez dit qu’il n’y a pas d’autre chemin que le chemin de la Croix pour nous conduire
où vous êtes […]. Votre enfant ne se sépare pas de la Croix". "Pourquoi aimez-vous le bien que
Dieu vous donne, et n'acceptez-vous pas la Croix qui vous unit à Dieu; par quelle voie arriverez-
vous à Dieu ? Personne ne parviendra au ciel sans souffrir".

Le contenu concernant les souffrances salvifiques se retrouve également dans la dernière


apparition à Alphonsine. Marie, entreprenant ce sujet, a dit : "Mon fils a souffert, Il a été
persécuté, calomnié, mais cela ne l'a pas empêché d'être Roi du ciel et de la terre".
Marie Claire lui a dit en sanglotant qu'Elle pouvait disposer d'elle, mais qu'elle ait au moins pitié
de tous les hommes, car ils ne pèchent pas par méchanceté, mais à cause de leur faiblesse et de
leur ignorance. A ce moment, la voyante a commencé à chanceler, car elle s'est retrouvée dans
une vision extatique au milieu d'un buisson couvert de nombreuses épines. Elle a essayé d'en
sortir, mais comme elle a vu que c'était impossible, elle s'est mise à pleurer. Elle a répété les
paroles de la consécration à Marie : "Mère, Je me donne à Toi, c'est Toi qui sais le sens de tout
cela". Marie Claire se trouvait complètement dans les épines. Après une septième chute dans les
épines, elle s'est mise à crier en avouant qu'elle priait pour tous les incroyants. Marie lui a dit que
"c'est pour cela que tu es tombée dans les ronces sept fois, pour que je puisse adoucir leur cœur
endurci.

Le phénomène du jeûne dans le cas de Nathalie : du 16 février au 2 mars 1983.

Le christianisme accepte cette vie, même là où elle est assombrie par la souffrance, car elle reste
toujours don de Dieu, et dans le dévoilement de son dolorisme, elle ouvre aussi à l'homme de
nouvelles assises pour son existence et son sens.

La foi reconnaît que la vie humaine a un sens plus élevé que le seul sens biologique, découvrant
que sa dimension spirituelle est une vie plus riche et plus remplie.

Grâce à ces distinctions, on peut comprendre ce qui différentie la mort de Jésus et celle de
Socrate. Le Christ ne quitte pas ce monde avec le singulier calme du philosophe. Jésus meurt sur
la Croix avec un cri de douleur, et l'orgueil de vouloir s'égaler à Dieu contredit le fait
d'expérimenter jusqu'au tréfonds l'angoisse de l'abandon, acceptant son humanité jusque dans ses
dernières conséquences (cf. Ph 2,6-11). Dans ce contexte, nous pouvons dire que "la Croix du
Christ est la compassion de Dieu avec le monde".

La Dame Douloureuse de Kibeho, illustre la vocation de vie pour Nathalie par un tel type de
charisme extraordinaire s'exprimant dans son cas par un appel à la solitude, à un séjour
permanent à Kibeho, "aussi longtemps qu’Elle le jugerait nécessaire".

L'exemple de la vocation de Nathalie à diverses formes de souffrance est, pour tous les croyants,
une leçon de vie afin de sortir de la tromperie, de la grande illusion concernant leur vie : que si
Dieu est proche, notre vie sera meilleure que celle de Job. Ceci est une sorte d'invitation à
"pardonner à Dieu" pour la souffrance, qui ne cessera jamais ici sur terre.

Dès le Moyen-Age, le fait de verser un peu d'eau dans le calice de vin durant le Rite de la
préparation des dons, "révélait la Messe comme le sacrifice du Christ et l'Eglise". Dans ce rite,
on porte sur l'autel "toute la souffrance et toute la douleur du monde, dans la certitude que tout
est précieux aux yeux de Dieu".
Lors de l'apparition du 15.08.1982, lorsque la Mère des Douleurs a montré à Nathalie une belle
rose rosée (dans la Tradition de l’Eglise, cette couleur est le signe de la tendresse d’un enfant)
comme symbole de ses immenses souffrances, invitant en même temps la voyante à s'unir à
Elle, c'est-à-dire à ajouter de nouvelles roses par les offrandes de sa vie, afin d'embellir le
bouquet de souffrance dont a besoin l'humanité.

2. 1. 6. Priez sans cesse et sans hypocrisie

Marie assurait que "les gens ne prient déjà plus", c'est pourquoi Elle a demandé aux voyantes
"[...] de prier beaucoup pour le monde, d'apprendre aux autres à prier, et de prier à la place de
ceux qui ne prient pas".

A Nathalie : "[...] j'y ajoute aussi celle de prier pour les âmes du purgatoire".

A partir de janvier 1983, Nathalie a souvent répété que sa mission particulière se résumait en
quelques mots : pénitence (kwihana), mortification (kwibabaza), renoncement aux bonnes choses
temporelles (kwigomwa), adoration de Dieu (gusenga), prière d'intercession (kwambaza).

Selon le principe attribué à Aristote, la vie humaine devrait retourner à son Créateur : "Tous les
êtres vivants doivent sans cesse revenir aux sources et aux forces dont ils ont jadis reçu leur
commencement".

Les paroles du Christ : "Veillez et priez en tout temps" (Lc 21,36), qui sont ensuite rappelées de
diverses manières dans la formule fondamentale : "priez sans cesse" (1Th 5,17).

L'élément d'une belle nature dans les scènes de jardin ou de prairie, la beauté de Dieu,
concrétisée dans le paradis terrestre, est également un espace de l’existence des anges avec leur
beauté personnelle présentée dans de nobles fonctions, et celle des saints avec la place singulière
de la Mère de Dieu dans la Communio sanctorum.

Ce paradigme tellement important de la présence de Marie dans l'espace du jardin et du champ


de fleurs - présenté comme un paradis terrestre, porte l'ancienne vérité de l'Église annonçant que
le ciel est avec Marie. La réalité du purgatoire, en tant qu'anticipation du ciel, fortement marquée
d'espoir, contient également de nombreux éléments de lumière et de beauté.

Le thème du "Petit Reste", abordé dans les apparitions de Kibeho, nous place dans le centre de la
question de la mission de l'Eglise dans le monde. Etre chrétien signifie donc "être pour les
autres", où le chrétien, se perdant à lui-même se retrouve à lui-même (Mc 8,35; Jn 12,25).
Tout l'enseignement concernant le purgatoire explique que la mort n'est pas une frontière pour
l'amour, et la possibilité d'aider les autres ne s'éteint pas pour le chrétien au moment de la mort,
mais recouvre toute la Communio sanctorum "de ce côté et de l'autre".

2. 1. 7. Dévotion envers Marie

Interprétant le message, la Déclaration souligne que la dévotion mariale des apparitions de


Kibeho est "concrétisée notamment par une récitation régulière et sincère du chapelet".

"Le diable viendra, il s'en prendra à certaines élèves, excepté celles qui songeront à porter un
chapelet ou un crucifix".

Les paroles de Nathalie lors d'une apparition antérieure (31 mai 1982) : "Mon âme a soif de Toi".
"Je donne ce que Je veux, quand je veux, et où je veux".

Marie est l’Epouse d'Adam - son aide (Gn 2,18-20) devient la "mère de tous les vivants" (Gn
3,20). Avec le temps, le développement de conscience de la théologie du Salut fait que tous ces
aspects d'Eve sont progressivement reconnus également en Marie. Déjà en 377, Épiphane voit en
Elle la "Mère des vivants", et aux XIIe et XIIIe s., la dernière caractéristique de parallèle est
soulignée : Marie est "l'Aide appropriée" pour le Nouvel Adam.

Selon le Cardinal Dias, Marie, en tant que Mère, est entrée il y a environ 200 ans (à partir des
apparitions mariales chez Sainte Catherine Labouré en 1830), de manière décisive et ultime, au
cœur de l'hostilité qui a toujours existé entre Elle et satan, et qui existera jusqu'à la fin des temps;
Elle devient ainsi un puissant antidote contre les pièges diaboliques envers l'humanité.
L'humiliation la plus blessante pour satan est d'être piétiné par les pieds de la Vierge, qui
appartient au genre des êtres inférieurs par rapport au genre spirituel des anges.

2. 1. 8. Chapelet des Douleurs de la Vierge Marie

Marie Claire a enfin entendu une question : connais-tu le Chapelet des Sept Douleurs ? Lorsque
la voyante a répondu négativement, elle a entendu ces paroles : "tu le verras, et tu le connaîtras".

Elle a également demandé que ce chapelet soit récité particulièrement les jours suivants :

- les mardis en souvenir du jour des premières apparitions (2 mars 1982),

- les vendredis parce que ce sont les jours rappelant la mort de Jésus sur la Croix,
- durant le carême,

- la veille des fêtes de Jésus, qui nous rappellent sa Passion, par exemple le 14 septembre -
fête de la Croix Glorieuse; ainsi que les mémoires mariales de ses souffrances, tel le 15
septembre - mémoire de Notre-Dame des Douleurs.

"Ce que je vous demande, c'est le repentir. Si vous récitez ce chapelet en le méditant, vous aurez
alors la force de vous repentir".

Le 4 novembre 1982, la rencontre souhaitée par la voyante avec les évêques du Rwanda a eu
lieu, elle y a notamment exprimé la demande de Marie, de faire connaître le Chapelet des Sept
Douleurs et de le faire réciter par tous les catholiques du Rwanda.

L'histoire de l'Église indique que l'existence officielle du Culte des Sept Douleurs de Marie est
confirmée déjà depuis 1324. Au XVIe s., cette forme de chapelet est déjà connue dans certaines
congrégations, surtout chez les Servites de Marie, comme un des éléments de leur charisme
religieux. Saint Alphonse de Liguori († 1787) a présenté les douleurs de Marie dans le chapelet,
selon l'ordre conservé actuellement et confirmé par la Mère du Verbe à Kibeho.

S. Tereza Kamugisha – leur 1re supérieure générale rw. - a avoué qu'elle avait eu la grâce
d'apparitions mariales (principalement durant son sommeil), qui avaient débuté entre fin 1946 et
début 1947.

Mère Tereza a beaucoup souffert à cause du changement de mentalité de sa congrégation et dans


le contexte de l'abandon de l'habitude de réciter ce chapelet, peinée, elle a répété des paroles
prophétiques : "[...] le chapelet que je vous ai donné, vous avez maintenant refusé de le réciter, il
est récité par quelques rares [sœurs]. Si vous ne continuez pas [à le réciter], rien ne changera.
Celle qui me l'a donné viendra vous enseigner [à le réciter]".

La théologie du Chapelet des Sept Douleurs nous place au milieu de la question de la présence
de Marie dans le mystère salvifique de la mission de Jésus ainsi que de la définition de la valeur
de sa participation personnelle, par les larmes et la souffrance, dans cette œuvre.

La conséquence inévitable de la souffrance du Sauveur sera donc la souffrance de sa Mère :


"Une épée te transpercera l'âme" (Lc 2,35). Ainsi, Marie a reçu la révélation de la vérité que le
destin de son Fils sera un chemin marqué par la souffrance et que, "en tant que Mère Elle sera
incluse dans le cercle des personnes participant au sort et à la souffrance du Sauveur".

La représentation de l'humanité par Marie au Calvaire n'est pas indispensable mais elle constitue
le complément à l'harmonie de l'œuvre de Rédemption.

Marie Claire : "Fais de moi ce que tu veux, mais que ce monde soit sauvé". En interprétant
théologiquement sa mort tragique dans la perspective de ces héroïques paroles d'oblation, on peut
oser la thèse que Marie a effectivement accepté le sacrifice expiatoire de sa vie. La méditation de
la Passion de Jésus et des douleurs de Marie l'ont finalement amenée à se laver dans le sang; ce
sang où, parmi des milliers de ses compatriotes, dans le martyrologe national, elle a terminé son
existence terrestre; les autres ont trouvé la mort par hasard, elle volontairement, elle était prête :
en étant accueillie 12 ans après ses paroles d’oblation, en tant que victime sacrificielle pour le
Salut du monde.

2. 1. 9. La Vierge désire qu’on lui construise une chapelle

Marie parle du "Lieu du Rapprochement de ceux qui étaient dispersés" (Mu Iyegeranya
ry’Abatatanye). Ce nom devait être donné à la grande chapelle.

Mais la vision de 10 juillet 1982 introduit une seconde chapelle, plus petite que la première. La
chapelle de cette apparition était dédiée: "Les Douleurs de la Vierge Marie". Le 4 septembre
1982, Nathalie a transmis les dimensions des deux chapelles : la grande devait avoir une
longueur de 60 mètres, la petite 30 mètres (la Vierge Marie a employé le mot le intambwe [le
pas], mais dans la compréhension rwandaise de mesurer des terrains, ce mot est compris comme
le mètre).

L'inauguration du nouveau sanctuaire a eu lieu le 31 mai 2003 et a été consacrée par Son
Éminence le Cardinal Crescenzio Sepe, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des
Peuples. La chapelle a reçu comme dédicace : "Eglise Notre-Dame des Douleurs".

Les prétendues apparitions de Tereza Kamugisha mentionnées ci-dessus forment, tant pour le
Chapelet des Douleurs de la Vierge Marie que concernant la chapelle, certains prolégomènes à
cette question. C'est en 1955 qu'elle a dû recevoir la première apparition au sujet de la
construction d'une chapelle dédiée aux Sept Douleurs de Marie.

Cette chapelle terminée après douze mois de travaux, Mgr Gahamanyi a célébré la première
Messe le 11 février 1964 en la bénissant.

"Par conséquent, la beauté n'est pas un facteur décoratif de l'action liturgique; elle en est plutôt
un élément constitutif, en tant qu'elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa Révélation"
(Sacramentum caritatis 35).

2. 1. 10. Priez sans relâche pour l'Eglise

Marie adresse cette demande à Alphonsine les 15 août et 28 novembre 1983, la justifiant par les
tourments qui attendent l'Église dans les temps prochains.

Cette dernière attitude s'est notamment révélée au pays des mille collines en 1994, lorsque "la
morale rwandaise était en abîme".
La vie des différentes personnes, y compris les membres de l'Eglise, est l'effet de facteurs
historiques et sociaux, gravitant de manière naturelle vers la destruction, l'injustice et la
souffrance. L'histoire des civilisations révèle un glissement continu de la prospérité à la ruine, de
l'humanisation à l'autodestruction. Les symptômes de tels reculs révèlent entre autres une attitude
négative envers la religion et l'Eglise, et sont visibles dans divers domaines de la vie humaine.
Ces dernières années, l'athéisme intervient de manière exceptionnellement agressive dans les
sciences humaines. Il dit que les psychiatres et les anthropologues vont remplacer les prêtres et
les théologiens – voilà l’avenir de l’humanité. Selon cet athéisme, il faut aider la religion à
mourir. Elle n'est digne d'aucune pitié, car elle-même tue. Les thèses de Christopher Hitchens et
Richard Dawkins (les plus célèbres missionnaires de l'agression athée) retentissent en un mot:
"Si nous ne la tuons pas – elle nous tuera".

CONCLUSION

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