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LIBAN

LE SECTEUR DE L’ELECTRICITE

Octobre 2013

Poste de Beyrouth - Brussels Invest & Export

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Historique

En 1970, l’Electricité du Liban (EDL), l’établissement public à caractère industriel et


commercial libanais qui contrôle 90 % des activités de production, de transport et de
distribution d'électricité du pays, produisait assez d’énergie pour pouvoir en revendre à
la Syrie. En 1975, la guerre se profile et la situation change avec la destruction des
stations de distribution, le vol du courant et l’impossibilité de percevoir le prix de
l’électricité fournie. Le déficit s’accumule d’année en année. A la fin de la guerre, soit en
1990, la capacité de production d’électricité du Liban était réduite à environ 600
mégawatts ayant pour résultat de sévères rationnements dans tout le pays ; le conflit
ayant affecté aussi bien les unités de production que les réseaux de distribution.

Au début des années 90, l’Etat libanais a mis en œuvre un vaste programme de
réhabilitation des centrales électriques et d’extension du réseau. Les gros titres de la
remise en état du secteur électrique peuvent être groupés en trois activités :

- Production de l’électricité : réhabilitation des centrales de Zouk et de Jieh,


construction des grandes centrales de Zahrani et de Beddawi, et des petites usines
de Tyr et de Baalbeck,
- Transport du courant de haute tension (HT) : construction de plusieurs sous-stations
et d’un réseau de lignes HT pour couvrir le territoire,
- Distribution : réhabilitation et extension des réseaux

Le tout a coûté des milliards de dollars en capital, en frais de fonctionnement, en perte


d’exploitation et en intérêts sans que pour autant le courant ne soit assuré à la
population d’une façon satisfaisante. En effet : le réseau d’alimentation électrique de
220 kV est resté incomplet, le centre national de contrôle n’a pas été installé, la
consommation non payée représente toujours 35% de la production distribuée (à part
13% de perte technique) et l’entretien des installations ne se fait pas selon les normes,
etc. Ces problèmes, essentiellement exacerbés pour des raisons politiques et de
corruption, persistent pour la plupart jusqu’à maintenant.

Plus de 23 ans après la fin de la guerre civile, les citoyens sont toujours victimes de
fortes pénuries de courant car l’offre d’électricité est insuffisante par rapport à la
demande. En effet, le Liban a la capacité de couvrir seulement 63% de la demande
pendant les pics de consommation. Vingt-trois ans, donc, de paix civile précaire et 15
autres années passées dans le noir quasi-total. Durant ces années, l’Etat a dépensé,
en vain, des centaines de milliers de dollars dans le but d’améliorer la situation. De
nouvelles centrales électriques auraient dû voir le jour mais les gouvernements qui se
sont succédé n’ont pas effectué d’investissements réels, ce qui a conduit le pays à la
situation actuelle.

Tous les indicateurs de ce secteur vital révèlent la gravité des nombreux problèmes
chroniques qui entravent l’exécution des principaux travaux, menacent ce secteur et
portent de lourds préjudices à l’économie nationale.

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L’électricité est donc un des casse-tête permanents qui traîne depuis la première
période de reconstruction jusqu’à présent. Les années de guerre en ont fait un secteur
déficitaire et défaillant qui coûte au Trésor des milliards de livres libanaises chaque
année.

Situation actuelle du secteur

En résumé, le secteur électrique est confronté aujourd’hui à deux grands problèmes :


l’un d’ordre technique et l’autre d’ordre financier.

Du point de vue technique, au niveau de la consommation, il y a un grand écart entre la


demande nationale, dont les besoins sont de 2 300 à 2 400 mégawats, et l’offre qui est
d’environ 1 600 mégawats. La production d’électricité au Liban est donc loin de suffire
aux besoins du pays et de sa population. Les coupures fréquentes de courant ont ainsi
conduit les ménages à recourir à des générateurs privés pour assurer un
approvisionnement continu en électricité ; leur entrainant des coûts supplémentaires.
De telles déficiences se chiffrent en milliards de dollars de pertes annuelles pour
l’économie libanaise.

En moyenne pour l’ensemble du pays, la fourniture d’électricité est de 18h par jour
(75%), avec un chiffre moyen plus élevé pour la zone du Grand Beyrouth (21h par jour).
Le déficit de production s’aggrave par ailleurs en été, période de pointe.

La production, la transmission et la distribution souffrent toutes de problèmes


accumulés. Les causes du rationnement et de l’accroissement des pannes sont
nombreuses :

- Le pourcentage des pertes techniques est élevé parce que l’installation du réseau de
220 kV est incomplète. Ces pertes varient cependant d’une région à l’autre, dépassant
dans certaines régions les 15 % et atteignant les 20 % dans des endroits comme la
Békaa.

- Des goulots d’étranglement se forment au niveau des réseaux de distribution et les


pannes se font plus nombreuses durant les heures de pointe en été et en hiver.

- L’absence de programmes électroniques de contrôle, tels que le GIS qui étudient et


organisent le flux d’énergie pour assurer l’approvisionnement en courant et réduire les
pertes techniques.

- Des carences au niveau de l’entretien périodique, par des experts techniques, des
centrales principales, des sous-stations et des réseaux de distribution.

- Les problèmes au niveau du réseau de distribution englobent la présence de vieux


pôles en acier rouillé, l’absence d’un contrôle efficace des compteurs, d’un système de

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secours, l’incapacité d’empêcher le vol de courant et d’effectuer des travaux d’entretien
préventifs, etc.

Ces problèmes sont également accentués par le fait que, depuis le déclenchement de
la guerre en Syrie, le Liban a vu un afflux de plus de 1 million de réfugiés, mettant
encore plus de pression sur le secteur.

D’un point de vue financier, l’électricité, qui est subventionnée par l’état, est un gouffre
pour le pays étant donné qu’elle constitue son troisième plus grand poste de dépenses
après le service de la dette et les salaires. En effet, le déficit chronique de l’EDL,
coûtent aujourd’hui au pays des millions de dollars par jour.

Ce déficit résulte principalement du coût accru et des fluctuations du pétrole ; les


principales stations de relais fonctionnant toujours au diesel plutôt qu’au gaz naturel.
L’envolée du prix du brut a contribué à creuser le déficit. De plus, la structure des tarifs
n’a pas été révisée depuis près de 15 ans et les branchements illicites ainsi que les
factures impayées se poursuivent et constituent un grand manque à gagner pour l’EDL.

A cet égard, le Fonds Monétaire International (FMI) a estimé le coût des subventions à
l’électricité au Liban après impôts à 4,61 % du PIB en 2011, soit le sixième taux le plus
élevé parmi 175 pays dans le monde. Toujours selon la même source, ces coûts ont
absorbé 19,6 % du total des recettes de l’État durant la même année.

A cela s’ajoute les problèmes institutionnels: l’EDL est dans un état de délabrement
avancé, avec des structures de fonctionnement obsolètes et une politique tarifaire
structurellement déficitaire. Flanquée de salariés dont la moyenne d’âge se situe aux
alentours de 58 ans, il s’agit d'une institution qui fait ainsi figure d’abysse financier sans
nom, et surtout sans aspiration de réforme. S’ajoutent à cela 2 500 journaliers souvent
en grève et qui revendiquent d’être cadrés; ce qui entraîne une diminution de la collecte
des factures ainsi que l’insuffisance de personnel.

Production, transmission, distribution et importation


Excepté les quatre petites concessions privées (Zahlé, Jbeil, Aley et Bhamdoun
desservant environ 82 000 abonnés) et les centrales hydroélectriques privées/semi-
privées, l’EDL détient un quasi-monopole sur la production, la transmission et la
distribution de l’électricité dans le pays. Environ la moitié de la capacité de production
de l’EDL est en voie d’obsolescence alors que l’autre moitié opère dans des conditions
sous-optimales car elles fonctionnent au gasoil au lieu du gaz naturel.

L’énergie électrique au Liban est en partie produite localement à partir de centrales


hydro-électriques et thermiques, et en partie achetée à la Syrie et à l’Egypte :

- L’énergie produite à partir des centrales thermiques traditionnelles représente 88% de


la production totale. La capacité thermique est répartie entre trois centrales au fioul

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lourd à Zouk, Jieh et Hraycheh (turbines à vapeur), deux turbines à gaz à cycle
combiné alimentées au diesel (CCGT) à Beddawi et Zahrani et deux turbines à gaz à
cycle ouvert (OCGT) à Tyr et Baalbeck.

Le problème réside dans le fait que ces centrales thermiques, nonobstant une
puissance installée combinée de 2 038 MW, produisent actuellement uniquement 1 685
MW. Ces installations sont dans un état vétuste et mal entretenues. Certaines ont plus
de 40 ans d’âge. En fait, le dernier projet d’électricité commissionné date de 2002 et
concernait l’expansion de l’usine de Beddawi.

- L’énergie importée (589 GWh de Syrie et 527 GWh d’Egypte) représentait 7,5% de la
production totale et était acheminée au Liban grâce à des interconnexions régionales.
Le déclenchement des révolutions dans ces pays a cependant interrompu cet
approvisionnement et ce, à partir de 2011.

Une des raisons de l'état déplorable du secteur de l'énergie réside dans l'accès limité
du Liban au gaz. Deux centrales au gaz construites en 1996, à un coût de 1,4 milliard
de dollars, fonctionnent avec un rendement inférieur à leur capacité étant donné
qu’elles utilisent le fioul plutôt que le gaz naturel, ce qui nécessite des révisions
périodiques des installations. En 2005, la construction du gazoduc qui relie la centrale
électrique de Beddawi au réseau de gaz syrien a été achevée mais les stations
restantes au Liban fonctionnant aux turbines à gaz (Baalbeck, Tyr et Zahrani) ne sont
pas encore connectées au gazoduc de Beddawi.

- Trois centrales hydrauliques (Litani, Nahr Ibrahim et Bared) produisent 4,5% de


l’énergie totale du pays avec une capacité actuelle de 190 MW. Cette capacité de
production n’est pas complètement exploitée étant donné que la capacité installée est
de 274 MW.

Total installed thermal capacity

Total installed capacity Available capacity Efficiency


Plant
(MW) (MW) (%)

Zouk 607 520 38

Jieh 346 295 33

Tyre (Sour) 70 70 38

Baalbeck 70 70 38

5
Zahrani 435 435 48

Deir Ammar
435 435 48
Beddawi

Hraycheh 75 na na

Sources: EDL; Banque mondiale

Plan de sauvetage

Afin d’augmenter la capacité de production, le Ministre de l’Energie et des Ressources


hydrauliques Gebran Bassil a annoncé, en juin 2010, un plan détaillé de sauvetage du
secteur. Il s’agit en quelque sorte d’une feuille de route qui prévoyait l’accroissement
de la capacité de production totale à 4 000 mégawatts en 2014 et 5 000 MW après 2015
moyennant des investissements de 4 870 millions de dollars.

Résumé officiel du plan:

Ce plan stratégique constitue un cadre global pour le secteur énergétique au Liban et


inclut dix initiatives stratégiques intégrées et corrélées pour couvrir l’infrastructure du
secteur, les sources énergétiques, et les aspects légaux. Il remédie à la majorité des
problèmes du secteur énergétique, commençant par l’augmentation de la capacité de
production afin de combler le manque actuel, la prévision de la demande et la réserve
nécessaire avec l’infrastructure nécessaire au transport et à la distribution de l’énergie
générée aux consommateurs. Les infrastructures du transport et de la distribution
seront réhabilitées pour absorber les capacités additionnelles et améliorer
l’interopérabilité du système, et ainsi réduire les pertes techniques. Ce plan appelle
également pour la mise en place de « smart grid » utilisant des compteurs
déconnectables à distance depuis des centres de contrôle, qui seront gérés par des
fournisseurs de service spécialisés pour la période transitionnelle pour moduler la
consommation et réduire les pertes non techniques.

Du côté des ressources, la capacité additionnelle devrait inclure les sources d’énergie
conventionnelles qui sont les plus économiques, avec le moindre impact
environnemental, majoritairement le gaz naturel ; et les énergies renouvelables telles
que les éoliennes, le solaire, le traitement des déchets « waste to energy » ; etc. Les
nécessités de l’infrastructure pour le gaz naturel (station de gaz naturel liquéfié,
gazoduc le long du littoral, etc.) sont intégrées dans le plan. Du côté de la gestion de la
demande, le plan a pour but de développer plusieurs initiatives de « demand side
management » et efficacité énergétique (ex : CFL, SWH, etc.) pour aplanir
l’augmentation de la charge et améliorer son facteur, qui se traduisent par des
économies garanties. Afin d’augmenter la pénétration des compteurs d’énergie

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efficients, le plan appelle à l’adoption des standards et normes pour les promouvoir. De
plus, une restructuration tarifaire amenant à un équilibre financier graduel dans le
budget fiscal de EDL, est nécessaire pour, à la fois, augmenter la trésorerie et alléger la
charge financière sur l’économie et le consommateur, en éliminant le besoin des
générateurs privés et offrant un service fiable 24h/24

Le résultat de ce plan stratégique sera un secteur énergétique solide avec plus de 4000
MW de capacité de production en 2014 et 5 000 MW après 2015, des réseaux de
transport et de distribution fiables, et une fourniture d’électricité efficiente qui permet le
développement socio-économique global du Liban. Le plan cible une mise en œuvre
graduelle des initiatives à court et moyen termes avec un coût total de $ 4 870 millions
pour 4 000 MW (contribution du Gouvernement Libanais à hauteur de $ 1 550 millions,
du secteur privé $ 2 320 millions, et des organisations internationales jusqu’à $ 1 000
millions), et un montant additionnel de $ 1 650 millions pour le long terme.
L’implémentation complète de toutes les initiatives stratégiques dans ce plan réduiront
les pertes totales de $ 4,4 milliards en 2010 à zéro en 2014, avec un service continu
24/24, et la possibilité de gain à l’horizon 2015 ; alors que sans action engagée, les
pertes atteindront $ 8,1 milliards en 2014 ».

Avancement du plan énergétique à ce jour

Le plan s’étale sur trois phases: à court terme (2010-2012), à moyen (2012-2014) et à
long terme (2015 et au-delà). Il prévoit de réhabiliter les centrales existantes et propose
la construction de nouvelles unités de production de 600-700 MW au total pour
compenser le manque d’énergie disponible.

La situation politique que connaît le Liban, les tiraillements entre opposants et loyalistes
et l’absence de vote des budgets au cours des dernières années ont retardé l’exécution
de programme, surtout en ce qui concerne la phase à court terme. Cependant, malgré
l’incertitude politique dans la région et la démission du gouvernement en mars 2013,

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Beyrouth a commencé à agir en 2013 et a attribué quelques contrats pour de grands
projets électriques.

■ Centrales flottantes

Le Ministère de l’Energie a commandé des navires de production d’énergie en


provenance de Turquie qu’il compte exploiter pendant trois ans et ceci afin de permettre
la réhabilitation de certaines centrales existantes dont la capacité de production pour le
moment n’est que de 40%, vu la vétusté des équipements. Ces deux centrales
flottantes, qui appartiennent au groupe turc Karadeniz Holding, sont arrivées au Liban
au courant de cette année. La première, Fatmagül Sultan, a été reliée à la centrale de
Zouk depuis le 4 avril 2013 et l’alimente avec 188 MW. La deuxième barge, Orhan Bey,
qui est arrivée au Liban mi-août et a été reliée à la centrale de Jieh, devrait en principe
produire 82 MW.

Ces deux bateaux turcs font partie intégrante du plan global pour l’énergie. Ensemble,
ils devraient alimenter le réseau électrique libanais de 270 MW jusqu’à ce que les
centrales de Zouk et de Jieh finissent d’être réhabilitées. Ils sont capables d’opérer au
carburant liquide comme au gaz naturel, fournissent une alimentation continue et fiable
et garantissant ainsi le courant sur tout le territoire et pas seulement à proximité de leur
point d’ancrage. Il s’agit donc d’un premier pas vers la résolution de la crise de
l’électricité et vers le rétablissement du courant 24h/24, en 2015.

■ Centrales électriques de Zouk et de Jieh

En février dernier, Le Ministère de l’Energie a signé un contrat de 348 millions de


dollars avec un consortium composé de deux compagnies, l’une danoise, Burmeister &
Wain Scandinavian Contractor (BWSC), et l’autre allemande, MAN Diesel & Turbo. Ces
entreprises se sont engagées à construire deux centrales d’une capacité maximale de
production de 272 MW à Jieh et Zouk (où sont également situées les actuelles
centrales). La banque britannique HSBC et l’Agence danoise pour le crédit à
l’exportation (EKF) ont toutes deux fourni un prêt à environ 4 % de taux d’intérêt, dont la
somme n’a pas été dévoilée, pour financer les projets.

La première pierre de la nouvelle centrale de Zouk a été posée en avril 2013. D’une
capacité de production de 194 mégawatts, la nouvelle centrale aura la capacité de
fonctionner au gaz naturel en plus du fuel. La première phase de ce projet sera
achevée durant l’été 2014 alors que sa totalité devrait être terminée à l’automne de la
même année.

À cela s’ajoute la réhabilitation de l’ancienne centrale de Zouk, dont la capacité de


production devrait augmenter à 550 MW, ainsi que l’apport, toutefois temporaire, des
188 MW produits par la centrale électrique flottante turque Fatmagül Sultan.

Construite en 1984, l’ancienne centrale de Zouk assure plus de 25 % de l’électricité du


Liban. Censée produire 600 mégawatts par jour, elle n’en fournit aujourd’hui que 350.

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■ Centrale électrique de Deir Ammar 2

Le Ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil, a signé en avril 2013 un


contrat d’une valeur de 470 millions de dollars avec la société grecque-chypriote J&P
Avax pour la construction d’une nouvelle centrale à Deir Ammar 2, située près de
Tripoli. Le projet prévoit la construction d’une usine à cycle combiné d’environ 450 MW,
conçue pour être alimentée de fuel lourd, fuel léger et gaz naturel.

Cette décision intervient dans un climat tendu ; de nombreuses voix s’élevant contre le
ministre pour avoir demandé l’annulation, en raison d’un dépassement de budget, du
premier appel d’offres qui avait donné gagnante la joint-venture entre la société
espagnole Abener et la société libanaise Butec.

Quatre candidats avaient présenté une offre pour la construction de cette nouvelle
centrale. Il s’agit d’ESSAR (Inde), de J&P Avax (Chypre), de Sepco 3 (Chine) et d’Al
Ghanim/Metka (Koweït/Grèce). Ils étaient tous associés à un partenaire libanais. Les
trois derniers étaient déjà candidats lors de la première adjudication.

Energies renouvelables - ER
Le Liban dépend à 97% de carburants d’origine fossile pour combler son besoin
énergétique ; ce qui constitue un immense fardeau économique et environnemental. Le
pays dispose pourtant d’un bon potentiel en matière d’énergies renouvelables : solaire,
éolienne et hydraulique. Toutefois, un certain retard a été accumulé dans ce domaine
par rapport aux autres pays de la région. L’exploitation de ces ressources est à ses
débuts et se résume à une utilisation à titre personnel ou à très petite échelle. En effet,
en l’absence de vraie politique de soutien public, le secteur privé a pris la relève.

Situation actuelle du secteur

Energie solaire :

Malgré le fait que le Liban bénéficie de 3 000 heures de soleil par an, seulement 1% de
la consommation libanaise d’énergie électrique est obtenue par l’énergie solaire. Cette
énergie était cependant presque exclusivement utilisée pour le chauffage de l’eau et
non pour la production d’électricité par la technique photovoltaïque puisque cette
dernière nécessite de grands capitaux, de grands espaces et son rendement est plutôt
faible. Le chauffe-eau solaire se développe ainsi depuis quelques années avec une
croissance annuelle moyenne de 30% alors que le solaire thermique enregistre une
progression de l’ordre de 15% par an. Les initiatives de certaines banques locales
incitent le développement de ce secteur en offrant un chauffe-eau solaire individuel à
tout contractant d’un prêt immobilier et proposent des « prêts verts » à un taux d’intérêt
très bas pour les agriculteurs.

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Toutefois, afin de compenser la pénurie d’électricité, le secteur privé ainsi que semi
public commencent à se tourner vers de petits projets innovants d’énergie solaire pour
générer de l’électricité. Ainsi, le Centre Libanais pour la Conservation de l’Energie a
récemment lancé le « Beirut River Snake Project » ou projet du fleuve de Beyrouth qui
vise à couvrir une partie du fleuve de panneaux solaires qui seront reliés au réseau
électrique. A terme, ce projet devrait permettre de produire 10 MW d’électricité. D’autres
initiatives privées à petite échelles sont également envisagées.

Par ailleurs, plusieurs institutions et bailleurs de fonds internationaux tels que le


Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) et l’EU s’intéressent et
financent divers projets dans ces domaines au Liban. Citons ici le projet “Country
Energy efficiency and renewable energy Demonstration project for the recovery Of
Lebanon” (CEDRO), mis en place par le PNUD. Cette initiative entre dans le cadre du
projet MedSolar, financé par l’Union européenne, à travers son programme de
coopération, dénommé Instrument européen de voisinage et de Partenariat (IEVP) et,
en particulier, le programme de Coopération Transfrontalière en Méditerranée
(CTMED), qui coordonne l’effort énergétique de l’UE et des pays méditerranéens.

L’objectif du projet est de soutenir la reconstruction du Liban ainsi que les activités de
réforme et de compléter la stratégie nationale de réforme du secteur de l’énergie à
travers la mise en œuvre de projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.
Ceci englobe, entre autres, la suppression des obstacles à la promotion d’application
des énergies renouvelables au Liban. Le projet s’articule autour de trois axes : le
premier concerne la mise en place d’un modèle de démonstration concernant le
renforcement des installations et des infrastructures du secteur public, le deuxième
implique l’activation du processus de réplication, et le troisième comprend le
déclenchement d’une stratégie énergétique durable et d’un plan d’action au niveau
national.

Dans le cadre de ce projet, le PNUD vient de lancer un projet-pilote. Il a pour objectif de


permettre aux entreprises de remplacer les générateurs, qui relaient
l'approvisionnement défaillant de l’Electricité de l’Etat, par des panneaux solaires
photovoltaïques (PV). La 4ème phase du programme CEDRO vient d’être annoncée.

Energie éolienne :

Quant à l’énergie éolienne, elle pourrait à long terme générer près de 20% de
l’électricité produite actuellement. Il s’agit pourtant d’une ressource encore très mal
exploitée au Liban. Le projet d' »Atlas national des vents du Liban » avait cependant
identifié les sites les plus venteux du pays et a permis d'estimer la capacité de
production d'énergie éolienne à 1 500 mégawatts, soit environ 90% de la capacité de
production électrique actuelle. Plusieurs régions avaient été repérées comme
prometteuses, notamment dans le Akkar et Jabal el-Cheikh. La carte des vents s'étend
aussi sur un espace maritime allant jusqu'à 20 km des lignes de base côtières.

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Initié il y a plusieurs années, le projet de constitution d'un atlas des vents a été reporté à
plusieurs reprises avant d'être repris « de zéro » en 2010. Il s’inscrit dans le cadre du
projet CEDRO.

De petits projets commencent cependant à voir le jour tel que le projet planifié Hawa
Akkar qui fournira l’électricité à environ 60 000 foyers dans la région défavorisée de
Akkar au nord du Liban avec une capacité de production de 60 MW. Quatre entreprises
internationales se sont qualifiées suite à l’appel d’offre lancé par le Ministère de
l’Energie.

Hydroélectricité :

Le Liban, surnommé par les pays arabes « le château d’eau du Moyen Orient »
possède une richesse inexploitée : l’eau. En effet, 15 fleuves traversent le pays. Le plus
important, le Litani, assure 70% d’hydroélectricité. En 1976, l’hydroélectricité
représentait 69 % de la production électrique totale, mais au cours des années elle a
diminué pour atteindre les 7% en 2006 et 4,5% aujourd’hui.

Les petits aménagements hydroélectriques sont adaptés à la nature montagneuse


libanaise. Cependant, les centrales hydroélectriques présentent quelques
inconvénients. En raison de la faible capacité de stockage, la production annuelle des
centrales est soumise à des obstacles climatiques : la variation saisonnière des pluies
qui modifie la production hydroélectrique et plus de 70% du montant annuel des pluies
tombent durant une période de 3 à 4 mois, entraînant un déficit important en été. De
plus, l’augmentation de la demande en eau potable et en irrigation suite à la croissance
démographique menace cette production.

Par ailleurs, en ce qui concerne le développement de l’efficacité énergétique et des


énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment et de la construction, l’UE intervient
dans le cadre du programme MED-ENEC. Outre des conseils sur les politiques et le
développement des entreprises, l'accent est mis sur le soutien de grands programmes
de construction pour leur permettre d'agir en tant que multiplicateurs de technologies et
mesures respectueuses du climat.

Les ER dans le cadre du plan de réforme

Lors de la conférence sur le climat tenue à Copenhague, le Liban s’est engagé


officiellement à couvrir une partie de sa consommation d’énergie en recourant aux
sources d’énergies renouvelables d’ici 2020. Pour la première fois, le gouvernement
libanais a pris des mesures déterminées en la matière. Ainsi, le plan de réforme du
secteur électrique « s’engage à lancer, soutenir, et renforcer toutes les initiatives
publiques, privées et individuelles pour adopter l’utilisation des énergies renouvelables,
afin que celles-ci atteignent 12% en 2020 soit 900KTEp ou 10500GWh pour l’énergie
primaire alors qu’elles représentent moins de 1% (hors hydro énergie) et environ 4%,
énergie hydraulique comprise. Les 12% avancés représenteront 2700 GWh pour
l’énergie électrique soit 6 fois la production hydraulique actuelle

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En termes d’ER, le plan de réforme vise à :

a. Compléter l’atlas des vents pour le Liban et lancer l’installation des champs des
éoliennes via l’IPP avec le secteur privé,
b. Démarrer une pré-étude de faisabilité pour les champs photovoltaïques (PV),
c. Encourager les secteurs public et privé à adopter les technologies d’incinération afin
de produire l’électricité à partir des déchets,
d. Encourager toutes les initiatives individuelles et privées à produire l’énergie
hydraulique; même le « micro-hydro ».

D’après les experts, le plan de sauvetage n’a néanmoins pas précisé clairement si le
pourcentage indiqué couvrait l’énergie primaire, l’énergie finale ou seulement l’énergie
électrique. Même si seul l’approvisionnement en énergie électrique est visé, le
pourcentage de 12 % pour les ER est un objectif ambitieux surtout dans un pays qui a
encore des progrès considérables à réaliser pour réhabiliter un secteur d’électricité
défaillant. Selon eux, le développement des énergies renouvelables au Liban est freiné
par l’absence d’une véritable volonté étatique de mener une réforme du secteur et par
l’insuffisance des fonds et des investissements. Ils ajoutent que, « au cas où l’EDL reste
en monopole horizontal et vertical avec une tarification qui ne reflète pas les coûts de
production et qui n’a pas changé depuis 1994, il n’est pas sûr que la production
électrique à partir des énergies renouvelables se développe dans le pays (coût de
production plus élevé que les prix soutenus par l’EDL, pas de possibilité de connexions
au réseau,...) ». Le seul marché potentiellement prometteur reste celui des chauffe-eau
solaires (solaire thermique). Dans ce cas là, il faudrait que le parc de chauffe-eau
solaires (CES) atteigne, en 2020, le chiffre de 1 750 000 (à comparer avec le parc
actuel qui ne dépasse pas les 100 000 chauffe-eau), chiffre impossible à atteindre
compte-tenu du taux de pénétration annuelle des CES, des contraintes architecturales
et de l’urbanisation très forte du pays.

La seule possibilité d’amorcer un développement sensible des ER au Liban réside dans


la modification de l’environnement institutionnel qui devra induire la démonopolisation
de l’EDL en ouvrant le secteur de l’électricité au privé, la promotion de la production
décentralisée et notamment à partir des énergies renouvelables et la pratique d’une
tarification de l’énergie électrique qui reflète les coûts directs de production et ceux
indirects liés à la pollution et à la production de CO2 ».

Conclusion

Bien que le Liban souffre d’une image d’instabilité compte tenu du contexte géopolitique
régional tendu et du fait qu’un nouveau gouvernement n’a pas encore été formé, le
secteur de l’énergie offre de nombreuses opportunités. En effet, étant donné le déficit
croissant entre l’offre et la demande d’électricité, le Liban a finalement pris la décision
de sortir de «l’obscurité » et le processus d’appels d’offres a été lancé.

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En restant fidèle au Liban malgré les difficultés, la Belgique est aujourd’hui idéalement
positionnée pour saisir les très nombreuses opportunités liées à la mise en valeur du
secteur. Elles se concrétisent notamment donc par les appels d’offre internationaux
émis par les instances officielles ainsi que par les demandes de fourniture de biens et
de services qui émaneront du secteur privé.

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