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AU COEUR DE LA NORME :
LE TRACÉ ET LA MESURE
Pour une distinction entre normes et règles de droit
Catherine Thibierge
Professeur à l’université d’Orléans
I. DE LA NORME EN GÉNÉRAL
Conclusion
AU COEUR DE LA NORME :
LE TRACÉ ET LA MESURE
Pour une distinction entre normes et règles de droit
Catherine Thibierge
Professeur à l’université d’Orléans
“Retour amont”
R. Char
*****
4
W. Wundt, Ethik, 1886. Cpdt, P.J. Proudhon, pour la “norme conjugale”, in Système des
contradictions économiques, ou Philosophie de la misère, vol. 1, 1846.
5
Selon A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie,15è éd. 1985, “Ce terme, très
rare autrefois, est devenu depuis quelques années d’un usage courant (comparer l’article Norm dans
Eiseler, 1ère éd. 1899 et 3è éd. 1910). Quant à ses dérivés : normativité (1949), normativisme (1935)
et normativiste (1968)” : A. Lalande, Norme, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 1ère
éd. 1926, Puf, Quadrige, 15è éd. 1985. V. cpdt chez Cicéron, les deux sens du terme “Norma” ,
désignant à la fois l’équerre et la norme, l’outil et le principe directeur de l’action, V° Normal,
Encyclopédie philosophique universelle, Les notions philosophiques, Puf.
6
Après une première utilisation chez le juriste Ernst Bierling, Des normes et de leur transgression,
1872-1916.
7
O. Pfersmann, Norme, Dictionnaire de la culture juridique, dir. D. Alland et S. Rials, Lamy // Puf, 2003.
8
Pour une illustration en droit financier, T. Granier, in Droit financier, dir. d’A. Couret et H. Le
Nabasque, Précis Dalloz, 2008 (à paraître), qui, à propos de la régulation exercée par l’Autorité des
marchés financiers, évoque l’ “édifice normatif” encadrant les marchés financiers (n°44), composé
notamment d’instructions, de recommandations, de communiqués, de positions ou de rescrits
(n°304).
9
Normes, normes juridiques, normes pénales, Pour une sociologie des frontières, Ph. Robert, F.
Soubiran-Paillet, M. van de Kerchove, (dir.), t. 1, L’Harmattan, Logiques sociales, 2000.
10
Par ex : G. Tusseau, Les normes d’habilitation, Dalloz, 2006 ; C. Pérès-Dourdou, La règle
supplétive, LGDJ, t. 421, 2004 : F. Violet, Articulation entre la norme technique et la règle de droit,
Puam, 2003.
11
Pour le même constat à propos de la règle de droit, J.F. Perrin, Règle, in Vocabulaire fondamental
du droit, A.P.D., t.35, 1990, p.245, n°1.
12
Même si tout le droit ne se réduit pas aux normes : on peut en effet concevoir que le droit soit plus
vaste que les seules normes. Par ex., sur la distinction, parmi les textes juridiques, entre les “textes
normatifs”, destinés à produire des effets de droit, et les “textes informatifs”, constituant des discours
sur le droit, v. E. Millard, in E. Matzner (dir.), Droit et langues étrangères 2, traductions juridiques,
domaine du juriste, du linguiste ou du jurilinguiste ?, Actes du colloque de l’Université de Perpignan,
14 et 15 Avril 2000, Presses univ. de Perpignan, 2001, p.156.
Norme et normativité13 , concepts juridiques clefs, dans le passage d’un
droit moderne à un droit “postmoderne”. La compréhension de la normativité
par les juristes et par les juges est intimement reliée à la conception qu’ils se font du
droit. Dans une conception positiviste et formelle du droit, la normativité découle de
l’appartenance de la norme à un ordre normatif, ce qui suppose qu’elle émane de
l’autorité compétente et qu’elle ait été édictée dans le respect des procédures
requises. Dans une conception déontique, la normativité se manifeste dans la
formulation de l’énoncé de la norme, qui interdit, oblige ou permet. Ces conceptions
de la normativité peinent à rendre compte des évolutions actuelles de la normativité
juridique, caractérisées par une véritable “inflation des normes”14 doublée de leur
croissante hétérogénéité.
Il est proposé ici, creusant un sillon dessiné par d’autres15, d’approfondir et d’affiner
une approche théorique de la norme qui s’appuie moins sur son appartenance à
l’ordre juridique, sa formulation prescriptive ou ses caractères obligatoire ou
sanctionné, que sur ses fonctions ; notre hypothèse est que le recours aux racines du
terme peut fournir une inspiration éclairante pour en construire une représentation à la
fois cohérente et féconde, apte à élargir la catégorie “norme” sans la réduire aux
seules règles de droit et à différencier les types de normes juridiques dans leur
actuelle hétérogénéité. Ce sillon nous mènera de la norme en général (I) à la norme
juridique en particulier (II) pour parvenir à l’aussi insaisissable qu’essentiel concept de
normativité en droit (III).
I. DE LA NORME EN GÉNÉRAL
La double définition de la norme. Dans son sens abstrait, le terme “norme” s’est
décliné selon deux voies, celles de la normativité et de la normalité. Or, selon que l’on
emprunte l’une ou l’autre, la norme ne revêt pas la même définition.
Elle est souvent définie comme “type concret ou formule abstraite de ce qui doit
être”28 ou comme “type idéal ou règle par rapport auxquels sont portés des
jugements de valeur”29. Cette première sorte de définition emprunte la voie de la
normativité, celle de ce qui doit ou devrait être30. La norme peut, dans ce registre, se
concevoir diversement comme idéal, comme but, comme règle ou principe, et de
manière synthétique et unitaire, comme un modèle31. L’intérêt du terme “norme” étant
précisément de fournir un nom générique pour ces différentes idées d’idéal, de but,
de règle, de principe... La voie de la normativité met ainsi l’accent sur la norme comme
modèle à suivre.
On peut aussi définir la norme comme “l’état habituel, régulier, conforme à la majorité
des cas ou à ce qui doit être”. Cette seconde définition de la norme relève de la voie
de la normalité, au double sens de ce qui est conforme à une moyenne, au type le
plus fréquent, à ce qui se produit d’habitude, et de ce qui devrait être. Elle se réfère
pour partie à ce qui est, en termes de statistique, de fréquence, de régularité,
autrement dit de moyenne, et pour une autre partie à ce qui devrait être32 . La voie de
la normalité est donc celle de la norme à la fois comme modèle existant, né de la
moyenne ou de la majorité, et / ou comme modèle à suivre.
22
Souvent employé cependant dans le sens plus étroit d’“obligatoire”.
23
Le suffixe “if” correspond à une propriété alors que le suffixe “eur” renvoie au vecteur d’une action.
24
V. cpdt Ph. Jestaz qui propose une redéfinition du contrat comme un “système normateur à courte
portée”, in La nouvelle crise du contrat, Rapport de synthèse, Dalloz, Actes, 2003, p.258.
25
A. Lalande, Normal, op. cit.
26
Par exemple, des températures normales, au sens de conformes aux moyennes saisonnières.
27
A force de répétition, le normal peut finir par devenir normatif. A. Lalande, Normal, op. cit., qui
souligne le caractère très équivoque du terme “normal” désignant tantôt un fait, possible à constater
scientifiquement et tantôt une valeur attribuée à ce fait par celui qui parle, en vertu d’un jugement
d’appréciation qu’il prend à son compte. Par ex., la phrase “ce n’est pas un comportement normal”,
peut avoir une connotation de constat (au sens de non habituel) ou de jugement. G. Canguilhem, Le
normal et le pathologique, Puf, Quadrige, 2007, Norme et moyenne, qui remet en cause l’assimilation
de la norme, au sens de normal, et la moyenne, p.96s. spéc. p.116. Eg., S. Chassagnard, La notion
de normalité en droit privé français, thèse Toulouse 2000, p.2, n°3 “entre moyenne et valeur, le
concept (de normalité) oscille”.
28
Définition donnée par Lalande, op. cit., et reprise par le dictionnaire Robert, 2008.
29
Définition du Dictionnaire de la langue philosophique, Paul Foulquié, Puf, 1982.
30
En effet, “le normatif est un genre qui contient deux espèces : l’impératif et l’appréciatif”. “Elle n’est
pas nécessairement une loi ni un commandement ; elle peut être un idéal, sans aucun caractère
d’obligation”, selon A. Lalande, op. cit.
31
Avec une énumération qui varie en partie : “loi, modèle, principe, règle” pour le dictionnaire Robert ;
et “idéal, règle, but, modèle suivant le cas (cf canon)” pour Lalande, op. cit..
32
Sur la propension normative de la normalité, S. Chassagnard, La notion de normalité en droit privé
français, th. préc., p.12, n°22 et p.789, n°1171.
Entre ces deux voies de définition de la norme, il y a des différences très claires : la
norme, au sens de normatif, renvoie à un type ou une formule, alors que prise au
sens de normal, elle renvoie à première vue à un état. Entre elles, il y a aussi des
interférences car, si la normativité relève clairement du devoir-être, la normalité quant à
elle “opère une fusion de l’être et du devoir-être”, ne se laissant réduire ni à une pure
moyenne, ni à un idéal33, au point que “l’imbrication étroite des dimensions normative
et descriptive” a pu paraître “constitutive de la notion même de normalité”34. Quoiqu’il
en soit dans les deux sens, la norme a vocation à servir de référence, de repère, de
modèle. Cette unité est à la source de la diversité de ses fonctions.
En tant qu’outil abstrait, la norme a vocation à fournir une référence ; elle constitue un
modèle35.
La norma, modèle concret pour tracer et/ou pour mesurer. On l’a vu, la
norma, au sens de l’outil matériel, est une équerre en forme de T, servant à réaliser et
à vérifier angles droits et lignes droites. D’une part, sa fonction première est de fournir
un modèle de tracé : elle sert à l’action39, en guidant le tracé en train de s’accomplir.
D’autre part, elle permet de vérifier si deux droites formant un angle sont bien
rectilignes et perpendiculaires. Elle sert alors après coup, une fois l’action faite, à la
vérification de ce qui a été accompli. Elle permet la comparaison. Ces deux fonctions
33
S. Chassagnard, La notion de normalité en droit privé français, th. préc., n°18, p.10.
34
D. Loschak, Droit, normalité et normalisation, in Le droit en procès, Puf, Curapp, 1983, p.51, spéc.
p.66.
35
P. Amselek, Perspectives critiques d’une réflexion épistémologique sur la théorie du droit (essai de
phénoménologie juridique), LGDJ, 1964, p.63s., pour une définition fonctionnelle du normatif ; A.
Jeammaud, La règle de droit comme modèle, D. 1990. Ch. 199, spéc. p.202, n°9 et les auteurs cités à
la note 9 ; D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, éd. O. Jacob, 1997, p.171 ; M. Pichard,
Le droit à, Etude de législation française, Economica, 2006, n°217, p.289. Pour une première
apparition en doctrine de l’idée de modèle associée à la norme : J. Grafton Rogers, Vers une solution
scientifique du problème de la libre décision judiciaire, Mél. Gény, t.2, Sirey, 1934, p.552, spéc.
pp.565-566.
36
Selon L. Couturat, cité en note dans le vocabulaire Lalande, op. cit., Norme, qui met l’accent sur le
modèle à imiter.
37
P. Foulquié, op. cit., Puf 1982, Norme, qui met l’accent sur le modèle pour juger.
38
Comme le modèle de l’artiste par exemple.
39
Concrètement, elle guide la main de celui qui l’utilise.
se sont transposées à la norme abstraite.
La norme, modèle abstrait pour guider et/ou pour juger. Dans son rôle
premier, la norme fournit modèle ou référence en ce qu’elle permet de tracer des
lignes : non plus des lignes droites ou perpendiculaires, mais des lignes de conduite,
d’action ou d’idéal ; elle permet de soutenir l’action en elle-même (le tracé lui-même)
et de donner une direction vers un but (la finalité du tracé). C’est un “type à imiter”40,
une direction à suivre41. C’est là une fonction principale du modèle. La norme est donc
un modèle pour agir, plus exactement, elle fournit un modèle pour l’action42.
Dans cette fonction première, coexistent deux éléments : la norme et l’action de
son destinataire, en train de se faire. Dans ce rôle de direction43, la norme sert l’action.
Dans son rôle second, la norme fournit référence en ce qu’elle permet de vérifier,
de mesurer, d’évaluer, de comparer ce qui a été tracé, une action accomplie, par
exemple un comportement. C’est alors un modèle pour juger, pour apprécier une
conformité, une comptabilité.
Il y a ici non plus deux mais trois éléments : la norme, ce qui a été accompli, et celui
qui mesure l’un par rapport à l’autre. Il s’agit de comparer à la norme, de vérifier si elle
a été suivie, respectée. Dans le champ du droit, un tiers, généralement un juge,
intervient. Dans ce rôle d’étalon, la norme sert la vérification.
Cette double fonction affleure parfois dans la doctrine44. Elle est en outre contenue
dans le verbe normare qui signifie à la fois “ajuster suivant la norme” et “comparer à la
norme”45. Ce double sens permet la réponse à deux questions distinctes. Comment
faire ? En suivant, en s’ajustant à la norme, en imitant la norme, en la respectant, ou en
s’en inspirant. La norme guide l’action se faisant en tant que modèle d’action.
Comment vérifier ce qui a été fait ? En comparant à la norme, modèle de vérification,
qui permet la mesure et donc le jugement.
Ces fonctions de la norme prise dans son sens général peuvent s’avérer
éclairantes pour la compréhension des normes juridiques dans toute leur
40
C’est là l’un des sens du terme “norme”, qui chapeaute différentes sortes de modèle : à reproduire
ou dont s’inspirer (modèle du peintre), à suivre (modèle-patron du couturier), à imiter (modèle au sens
d’exemple, d’idéal, de référence). Il ne s’agit pas ici de mesure mais de tracé, guidance, de direction.
41
P. Amselek, Le droit technique de direction publique des conduites humaines, Droits 1989, n°10,
p.7. J. Chevallier, La normativité, Etudes et doctrines, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°21. “Le
droit doit être conçu comme un dispositif normatif, visant à agir sur les comportements sociaux : (...) il
indique les règles à observer, trace les lignes de conduite à suivre”.
42
Ce sont des “règles pour des actions”, A. Jeammaud, La règle de droit comme modèle, préc., n°1 ;
P. Dubouchet, Les normes de l’action, Droit et morale, Introduction à la science normative, 1ère éd.,
L’Hermès, 1990, p.12.
43
En ce sens, L. Husson, Le fait et le droit, APD, 1964, t. IX, p.237, selon lequel “le noyau de la notion
de règle n’est pas l’idée d’une mesure commune mais celle d’une direction”.
44
L. Robert-Wang, Règle de droit, Dictionnaire de la culture juridique, dir. D. Alland et S. Rials,
Lamy/Puf, 2003, p.1327, qui, après avoir cité P. Amselek, définit la règle comme “une référence à
partir de laquelle les individus peuvent agir en connaissance de cause ; de même (sic), les juges
peuvent-ils, à l’aide de cette référence, évaluer ce qu’entreprennent ces personnes”. V. ég. P.
Amselek, Norme et loi, APD, t.25, La loi, Sirey, 1980, p.89, selon lequel “la fonction des normes, c’est
de mesurer” (p.95), et qui, parmi les grandes variétés spécifiques de normes, distingue les normes
ayant une fonction directive, dont la “finalité instrumentale essentielle est de servir à guider, à diriger la
conduite des hommes”, “outils de référence destinés à guider l’action des hommes dans la conduite
d’eux-mêmes” (p.96). Cette fonction de guide, de direction, semble être incluse pour l’auteur à dans
celle, plus large, de mesure. Ces deux fonctions , guider l’action et l’évaluer, nous semblent au
contraire distinctes .
45
A. Lalande, op. cit., Normatif. On retrouve ces deux fonctions, ajuster et comparer-vérifier, dans les
sens techniques modernes du mot “règle”, instrument d’ajusteur mécanicien ou de vérificateur. V. sur
ces sens, Dictionnaire historique de langue française, A. Rey (dir.), 2000, Règle.
hétérogénéité.
46
Pour ce constat, J.F. Perrin, Règle, in Vocabulaire fondamental du droit, A.D.P., t.35, 1990, p.245,
n°1.
47
P. Amselek, Norme et loi, préc., spéc. pp.91 et 95. Eg. “la notion de modèle de jugement, schéma
abstrait utile pour la mesure (...) fournit le noyau dur” de sa définition, J.F. Perrin, art. préc., résumé,
p.245. P. Dubouchet, Les normes de l’action, Droit et morale, Introduction à la science normative,
op.cit., p.60.
48
L. Husson, Le fait et le droit, A.P.D., 1964, t. IX, p.237.
49
Cf. l’intitulé de l’ouvrage de Ch. Starck, La constitution, Cadre et mesure du droit, Economica, Puam,
1994.
50
“La règle de droit est une règle de conduite qui s’impose aux hommes vivant en société et dont le
respect est assuré par l’autorité publique”, P. Roubier, Théorie générale du droit, Paris, Sirey, 1951,
p.1 ; “les ordres sociaux considérés comme des ordres juridiques sont des ordres de contrainte de la
conduite humaine”, H. Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, note 13, p.46.
51
A. Jeammaud, art. préc., spéc. p.200, n°5.
52
A. Jeammaud, art. préc., spéc. p.203, n°12.
53
Article 212 du Code civil.
54
En ce qu’elle fournit un modèle de rapports entre les personnes (article 1382 du Code civil).
norme de qualification55, d’attribution d’une prérogative à un sujet56 , d’effets d’un acte57
ou d’une situation de fait58 ou encore, une norme d’habilitation59, etc.
Mais si la règle n’est pas toujours une norme de conduite, c’est plus largement une
norme pour l’action60. Elle peut en effet toujours être utilisée, directement ou
indirectement pour orienter un comportement61. Car “s’il est vrai que les règles
juridiques n’ont pas forcément pour objet immédiat de diriger des conduites, elles n’en
ont pas moins toujours cette direction pour effet, et même pour effet recherché”62.
Ce qui frappe dans cette première fonction, c’est la diversité des types de
modèles de tracé fournis par la règle de droit. Cependant, ce qui lui donne sa
signification normative, ce n’est pas tant la diversité de ses objets, que sa vocation
même à servir de modèle, à diriger l’action. Non pas ce sur quoi porte le modèle
fourni par la règle, mais ce à quoi il sert.
Mais à l’image de la règle63, outil concret, la règle de droit ne comporte pas que
cette seule fonction de permettre le tracé. La définition de la règle au sens matériel
comporte en effet deux fonctions : elle désigne un “instrument long, à arêtes vives et
rectilignes, pour tracer des lignes ou pour mesurer des longueurs”64; de même, la
règle de droit comporte elle aussi une deuxième fonction, de mesure, en ce qu’elle
constitue également une norme de jugement.
Certaines parmi les normes qui participent du droit sont des instruments de tracé et
non de mesure : recommandations d’autorités administratives indépendantes, avis de
la Cour de cassation, principes déclaratoires etc. Elles sont de plus en plus
nombreuses à avoir vocation à diriger les comportements, et plus largement les
actions, sans pour autant prétendre fournir au juge un outil de mesure de leur légalité.
C’est une normativité-guide et non une normativité-mesure qui les caractérise. A
l’inverse, d’autres instruments juridiques, tels que les standards, se présentent comme
de simples outils de mesure.
Ils constituent bien des normes, au sens de modèles de référence, sans pour
autant revêtir la nature de règles de droit. Tel est le cas du standard qui ne fournit à lui
seul et en lui-même aucune direction mais qui constitue un étalon.
Les deux fonctions de tracé et de mesure entretiennent des liens très contrastés
(A), peuvent contribuer à éclairer les frontières de la normativité en droit (B) et
jouissent inégalement d’une spécificité juridique (C) qui permet de les distinguer du
tracé et de la mesure fournis par d’autres types de normes sociales.
Ces liens entre le tracé fourni et la mesure permise par la norme juridique, loin d’être
systématiques, peuvent, lorsqu’ils existent, s’avérer tout à fait saisissants.
111
Contrairement à la règle, un standard, et plus largement une notion, ne s’énoncent pas en une
proposition (normative), c’est-à-dire sous la forme d’une phrase, contenant généralement un verbe
conjugué. Sa formulation est plus courte et dénuée de verbe. Ce qui ne signifie pas que la notion (ou
le standard) et la règle soient sans liens. D’une part, parce que la notion (ou le standard) peut participer
de l’énoncé d’une règle. Et d’autre part, parce que la notion (ou le standard) est régie par un
ensemble de règles qui en constituent le régime.
112
S. Rials, op. cit, n°28, p.33 et n°128 bis, p.184.
113
Le débiteur a-t-il eu le comportement d’un “bon père de famille”, d’un “professionnel normalement
prudent et diligent” placé dans la même situation ?
114
Sur cette distinction, cf infra III, C, 2°) , a) La typologie des mesures possibles en droit.
précises et détaillées pour leurs destinataires115 mais qui ne constituent pas pour autant
des normes de jugement de ces comportements116.
A l’inverse, des instruments de tracé indéterminé peuvent constituer des outils de
mesure fort efficaces pour le juge. Certaines règles fournissent en effet des guides
d’action tout à fait flous. C’est le cas des normes juridiques qui contiennent des
standards, à l’instar de l’article 6 du Code civil, selon lequel “On ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes
moeurs”. Le flou de la norme de comportement ainsi exprimée n’empêche pas cette
règle de fournir au juge une norme de jugement tout à fait efficace en termes de contrôle
de la légalité des décisions et des conventions.
a) La norme spontanée,
ou l’émergence progressive du modèle pour agir et pour juger
121
J.G. Belley, Le droit soluble, Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, préf. J.
Carbonnier, LGDJ, coll. droit et société, 1996 .
122
C’est le cas des normes qui naissent d’une source formelle, même si la qualité de leur source ne
semble pas toujours suffire. Cf supra C. 1°)
123
P. Deumier, Le droit spontané, Economica, 2002., n°369, p.361. Sur l’analyse de ce processus qui
commence par des manifestations individuelles (un acte originel qui se transforme en habitude) puis
prend la dimension collective d’une pratique pour ensuite se transformer en une norme spontanée,
voir 1ère Partie - Le processus de création spontanée de la règle.
124
P. Deumier, op. cit., p.264 et p.245.
125
P. Deumier, op. cit., p.290, n°301.
126
P. Deumier, op. cit., p.293, n°302.
b) La norme déclaratoire,
ou la possible densification d’un instrument de tracé en instrument de mesure
127
R. Vanneuville et S. Gandreau, “Le principe de précaution saisi par le droit”, La documentation
française, Réponses Environnement, 2006.
128
Dans la Déclaration de Rio, issue du sommet de la Terre du même nom, de 1992, qui a énuméré
une liste de principes destinés à guider l’action des Etats en matière de protection de la terre et de
l’environnement, dont le principe de précaution faisait partie.
129
Pour une invitation à dépasser l’opposition binaire entre droit (hard law) et non-droit (soft law), et à
intégrer le droit déclaratoire dans une gradation normative, E. Decaux, Déclarations et conventions en
droit international, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°21, Dalloz, 2006.
130
Au sens d’instrument de tracé et de mesure.
131
J.G. Belley, Le droit soluble, Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, op. cit. ;
Internormativité et production de la norme éthique en matière médicale, projet de recherche du
C.R.J.O., univ. de Rennes, ayant donné lieu à la publication de l’ouvrage Les lois “bioéthique” à
l’épreuve de faits. Réalités et perspectives, Paris, Puf, coll. droit & justice, 1999.
132
A. Penneau, Respect de la norme et responsabilité civile et pénale de l’homme de l’art, in Aspects
juridiques de la normalisation technique, L.P.A. 1997, numéro spécial, avant-propos.
133
M. Lanord, La norme technique et le droit : à la recherche de critères objectifs, R.R.J. 2005, p.619,
spéc. p.623.
souple”134. C’est un instrument de tracé non-juridique qui entretient des rapports de
plus en plus étroits avec le droit.
Son non-respect peut en effet contribuer à caractériser une faute, car elle constitue
aujourd’hui135 un indice, voire une référence dans l’appréciation de la responsabilité
civile, notamment en ce qu’elle peut permettre d’éclairer des standards juridiques136. A
l’instar de la norme spontanée, la norme technique, elle aussi, peut fournir un étalon en
termes de normalité. Ainsi, par l’utilisation qu’en fait le juge, elle participe à la
détermination de la responsabilité.
Cela n’en fait pas pour autant une véritable norme juridique137, et encore moins une
règle de droit : en effet, si elle peut étayer la décision d’un juge du fond pour qualifier
une faute et retenir une responsabilité, son non-respect ne saurait en revanche
engendrer un contrôle de légalité. Par conséquent, si elle contribue à la mesure
juridique, elle ne constitue pas par elle-même un instrument juridique de mesure138.
L’approche des normes par leurs fonctions permet ainsi de préciser les liens que la
norme technique entretient avec la norme juridique, sans pour autant la confondre avec
elle. Ses liens peuvent s’avérer plus étroits avec la norme déontologique.
134
F. Violet, Articulation entre la norme technique et la règle de droit, Puam, 2003, p.477 (reprenant la
terminologie employée par P. Amselek, in L’évolution générale de la technique juridique dans les
sociétés occidentales, préc.).
135
Comp. A. Penneau, Respect de la norme et responsabilité civile et pénale de l’homme de l’art, in
Aspects juridiques de la normalisation technique, L.P.A. 1997, numéro spécial, p.28.
136
M. Lanord Farinelli, La norme technique : une source du droit légitime ?, R.F.D.A. 2005, p.738,
spéc. p.742,, pour le recours à la norme technique pour éclairer des standards juridiques, en droit
interne et en droit communautaire note 52 : “Le droit communautaire n’hésite pas à utiliser les normes
techniques comme mesure explicative des standards juridiques” (c’est nous qui soulignons).
137
Articulation n’est pas assimilation ; en ce sens, F. Violet, op. cit., p.477. A. Jeammaud, Introduction
à la sémantique de la régulation juridique, Des concepts en jeu, in Les transformations de la régulation
juridique, dir. J. Clam et G. Martin, LGDJ, 1998, p.47, spéc. p.59. Comp. L. Boy, Normes techniques
et normes juridiques, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°21, Dalloz, 2006.
138
F. Violet, op. cit., p.477 : “La norme technique semble se situer à mi-chemin entre le Droit et le non-
droit”.
139
Cass. Civ. 1ère, 18 mars 1997, Bull. I, n°99.
140
Cass. Com., 29 avril 1997, n°94-21424 ; ég. Cass. Crim., 13 février 2007, n°06-82-264.
141
En ce sens, M. L. Moquet-Anger, La déontologique médicale : de l’éthique à la norme juridique, in
Les lois “bioéthique” à l’épreuve des faits. Réalités et perspectives, Paris, Puf, coll. droit et justice,
1999, extrait disponible sur internet sous le texte “Internormativité et production de la norme éthique
en matière médicale”, p.5s., spéc. p.6.
sa fonction de mesure offre des qualités de rigueur technique très spécifiques au droit142.
Cette dualité de fonctions des normes juridiques rend vaine, à notre avis, la recherche
d’un critère unique de juridicité. En revanche, elle peut apporter un éclairage sur les
nombreux “indicateurs de juridicité”.
- L’objet du tracé indiqué par la norme juridique : un modèle pour agir, parmi
d’autres. Les normes de politesse, certaines normes morales ou autres normes
sociales ont ce même objet de fournir un modèle d’action. Le modèle juridique pour agir
aurait-il une spécificité incontestable ? On peut en douter si l’on en juge les difficultés
doctrinales à faire la distinction entre les domaines des règles de droit et de morale, la
comparaison de leur domaine respectif amenant un inévitable constat de
chevauchement. On peut en douter aussi compte tenu de la difficulté à identifier le
comportement spécifiquement juridique à la racine de la norme spontanée, dont l’objet
permettrait de la distinguer de l’usage purement social143.
- La qualité du tracé indiqué par la norme. Après avoir énoncé des principes
de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi144, le Conseil constitutionnel a, en
2005, déclaré contraire à la Constitution une disposition législative qu’il a jugée
“manifestement dépourvue de toute portée normative”145, au motif que “la loi a pour
vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative”.
La conception de la normativité qui ressort de cette jurisprudence soulève des
interrogations doctrinales146.
On peut donc dire que la règle de droit est une norme de jugement, modèle pour
juger, instrument de mesure en termes de normativité, à la différence des simples
normes d’évaluation en termes de normalité qui, elles, ne sont pas nécessairement
juridiques.
b) Notion de mesure
Une autre voie peut être envisagée. Plutôt que de se mettre en quête d’un
introuvable critère du juridique, apte à rendre compte des normes juridiques dans leur
diversité, il peut s’avérer plus fructueux d’identifier de simples “indicateurs de la juridicité”.
Non pas ce qui fait qu’une norme est juridique, mais plus modestement ce qui permet
d’y voir une norme juridique. On peut en effet proposer des indicateurs très forts de la
juridicité des normes, mais dont aucun ne serait suffisant à les concerner toutes.
Il nous semble fécond de le faire à partir du tracé et de la mesure.
Si l’on compare, on constate que, pour la norme instrument de tracé, les indicateurs de
juridicité sont plutôt faibles, car le plus souvent non spécifiques des normes juridiques.
Alors que concernant la norme instrument de mesure, on découvre des indicateurs de
juridicité forts, de nature technique, à la fois qualitatifs et fiables : ils peuvent contribuer à
distinguer une norme juridique d’un autre type de norme.
*****
Dans notre culture juridique, la règle de droit peut être considérée comme
l’expression la plus aboutie de la norme juridique, en ce qu’elle est à la fois modèle
pour agir et modèle pour juger162. La conjonction de ces deux fonctions portées à leur
plus haut degré d’intensité par les caractères qui lui sont traditionnellement attachés
(général, obligatoire et sanctionné), en fait un instrument juridique privilégié et
contribue à expliquer la place centrale qu’elle détient dans la conception que les
juristes ont du droit.
Pour conjointes qu’elles soient dans la règle, ces deux fonctions de tracé et de
mesure n’en sont cependant pas moins dissociables, ce qui laisse place à d’autres
sortes de normes juridiques dont certaines, comme les recommandations, sont des
normes de comportement sans être des normes de jugement (le tracé sans la
mesure, la direction sans l’étalon ni la sanction163), alors que d’autres, comme les
standards, sont des normes d’évaluation d’un comportement ou d’une situation (la
mesure sans le tracé, l’étalon sans la direction). Ce constat emporte une série de
conséquences sur le concept de normativité, sur l’expression “valeur normative” et sur
la conception du droit.
162
La distinction, également possible, entre “normes de comportement” et “normes de jugement”
présente l’avantage de la clarté et l’inconvénient de l’étroitesse : concernant les premières, il vaudrait
mieux dire “normes pour l’action”, catégorie plus large que les seules normes de comportement
(supra II, A, 1°) ; concernant les secondes, la norme de jugement n’est pas le seul instrument juridique
de mesure ; le standard ou la norme spontanée peuvent aussi fournir un instrument d’évaluation en
termes de normalité (supra III. C. 2°) b.
163
Sans la sanction juridique s’entend.
164
Sur la discussion et la remise en cause des caractères général et sanctionné de la règle de droit, D.
de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ? éd. O. Jacob, 1997, 1ère partie - Deux idées
courantes sur les caractères présumés de la règle de Droit.
saurait ni se réduire à l’obligatoire165, ni s’identifier à la sanction. Cette dernière n’est
qu’une conséquence possible, certes fréquente mais non nécessaire, de la mesure
juridique. Ce qui laisse ouverte la possibilité de normes sans sanction juridique, telles
que les normes déclaratoires, incitatives, recommandatoires ou encore les standards....
L’existence de ces fonctions de tracé et de mesure n’est pas propre à la
normativité juridique. Mais ce qui lui est propre, c’est l’objet de la mesure juridique
qu’elle permet : la norme juridique est en effet la seule à pouvoir permettre une
mesure de la légalité166.
165
Assimiler le normatif à l’obligatoire, c’est confondre la nature de la norme révélée par sa fonction
(instrument de référence, modèle) avec l’un de ses caractères possibles (obligatoriété du modèle
fourni).
166
Au sens large, ce qui inclut toutes sortes de mesures juridiques, cf. III.C, 2°) a) Typologie des
mesures possibles en droit.
167
A certaines conditions cependant, tel que l’examen de la qualité de leur source par exemple.
168
Comme les Principes européens de droit du contrat (PEDC).
169
P. Amselek, Norme et loi, préc., selon lequel “la fonction des normes, c’est de mesurer” (p.95).
Comp. J.L. Sourioux, op. cit., qui qualifie le droit de “mesureur social” (n°179 in fine, p.225) et qui,
parmi les trois fonctions qu’il attribue au droit (mesurer, diriger, décider) (n°20s., p.27s.), voit dans la
fonction de mesure “celle qui joue le rôle de matrice” (n°28 p.34). La mesure “matrice du droit” est une
mesure au sens large, à dimension philosophique, alors que la mesure “fonction de la norme” est une
mesure au sens strict et technique. Les deux ne semblent cependant pas exclusives l’une de l’autre.
170
J. Derrida, Force de loi, éd. Galilée, 1994, p.38 : “Le droit n’est pas la justice. Le droit est l’élément
du calcul, et il est juste qu’il y ait du droit, mais la justice est incalculable, elle exige qu’on calcule avec
de l’incalculable”.
ensemble de règles, le droit recouvre ainsi un ensemble de normes171.
Mais l’intérêt à faire des normes une catégorie englobante de celle des règles de
droit se révèle plus ou moins perceptible selon les disciplines juridiques. Certaines,
comme le droit pénal, sont en effet composées pour l’essentiel de règles de droit et
la distinction n’y éclaire peut-être que des phénomènes à la marge, alors que d’autres,
comme le droit financier et plus largement les matières associées au développement
de la régulation, accordent une large place aux normes de moindre normativité172. Pour
elles, cette distinction entre les fonctions de tracé et de mesure prend tout son sens.
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catherine.thibierge@univ-orleans.fr
171
Cet élargissement de la teneur du droit est conforme à celui de ses sources : l’usage de le définir
comme un ensemble de règles remonte au XIXè siècle, à une époque où la loi, et donc la règle -
légale- était considérée comme la source principale du droit, et où la jurisprudence n’était en revanche
pas tenue pour telle. Au XXème siècle, la doctrine, sous l’impulsion notamment de Gény en France,
s’ouvre à la pluralité des sources et dans le même temps utilise plus largement le terme “norme” qui
englobe plus que la seule loi. La corrélation est nette : autant il était logique de définir le droit comme
un ensemble de règles (essentiellement légales) à une époque où la loi était tenue pour la principale
source du droit, autant cette définition apparaît trop restrictive aujourd’hui où la pluralité des sources
est reconnue par tous.
172
T. Granier, in Droit financier, dir. d’A. Couret et H. Le Nabasque, Précis Dalloz, 2008 (à paraître),
qui, à propos de la régulation exercée par l’Autorité des marchés financiers, place sous le titre
“pouvoir normatif”, et à la suite les unes des autres dans une continuité induite par ce titre, des
normes très diverses dont une grande partie ne sont pas des règles de droit : règlement général (issu
du pouvoir réglementaire délégué), instructions, recommandations, communiqués, positions, rescrits
(n°304).
173
P. Deumier, Le droit spontané, Economica, 2002, n°429, p.437 ; ég. C. Thibierge, Sources du
droit, sources de droit : une cartographie, in Libres propos sur les sources du droit, Mél. Ph. Jestaz,
Dalloz, 2006, p.519.
174
Type de pluralisme très marqué en droit de la famille, où se sont multipliés les modèles de famille ou
de divorce, par exemple.
PLAN DÉTAILLE
AU COEUR DE LA NORME :
LE TRACÉ ET LA MESURE
Catherine Thibierge
Professeur à l’université d’Orléans
I. DE LA NORME EN GÉNÉRAL
A. Qu’est-ce qu’une norme ?
La norme, instrument de référence
Le double sens des adjectifs dérivés de la norme, “normatif” et “normal”
La double définition de la norme
. Au sens de “normatif”, la norme est modèle à suivre
. Au sens de “normal”, la norme est modèle existant, descriptif et/ou à suivre
2°) L’existence d’une possible corrélation entre les destinataires du modèle pour agir
et le type de mesure juridique possible
. Illustration par le principe de précaution
Conclusion
Concept de normativité
Valeur normative
Conception du droit., “pluralisme normatif”