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Surete Et Saisie Conservatoire 130706234041 Phpapp02 PDF
Surete Et Saisie Conservatoire 130706234041 Phpapp02 PDF
D’AIX-MARSEILLE
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………….……p.4
ANNEXES………………………………………………………………..p.81
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………..p.122
2
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
« C’est que le navire est un lieu de travail, un lieu de vie, parfois un lieu de
mort. Et dire qu’un navire souffre, qu’il est français ou étranger, qu’il est pirate
ou flibustier, n’a pas d’autre signification que celle de projeter nos fantasmes sur
une chose qui fait rêver autant qu’elle fait craindre le pire ».
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Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
PRESENTATION
La présente étude a pour but d’exposer les principes généraux du droit russe
régissant trois institutions qui ont fait la preuve de leur grande importance dans la
pratique maritime mondiale. Il s’agira des sûretés maritimes telles que l’hypothèque
et les privilèges maritimes ainsi que de leur exercice dans le cadre de la saisie
conservatoire du navire. Les changements économiques et politiques que la Russie
a connu au cours de ces quinze dernières années ont eu indiscutablement une
influence majeure sur la vie juridique du pays. Le passage à l’économie de marché
n’a pas laissé le droit maritime à l’écart. L’hypothèque maritime, jusque-là inconnue
en droit russe, a été introduite dans le Code de la navigation maritime commerciale,
tandis que le régime juridique des créances maritimes privilégiées et l’institution de
la saisie conservatoire ont connu des changement profonds. L’évolution et
l’historique de chaque institution, ainsi que leur base juridique et doctrinale, vont
être présentées.
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Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
INTRODUCTION
La seconde moitié des années quatre-vingt-dix s’est caractérisée par des réformes
législatives importantes dans le domaine du droit civil et plus spécifiquement du
droit maritime. En 1994, le nouveau Code civil a été adopté. A la différence de son
prédécesseur, il est orienté vers l’économie de marché. Au début de 1999, la
Fédération de Russie est devenue partie à un nombre important de conventions
internationales dans le domaine du droit maritime, y compris la Convention de
Bruxelles de 1924 et ses protocoles. Une étape décisive dans la réforme du droit
maritime russe a été sans doute l’adoption le 30 avril 1999 du nouveau Code de
navigation maritime commerciale (Code maritime). Il est évident que les mesures
visant à réformer la flotte maritime russe doivent être transversales, dans le sens où
elles ne doivent pas se limiter au perfectionnement de la réglementation technique.
5
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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1
Kniga 1929
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Le Code de 1999 contient pour la première fois des dispositions sur l’hypothèque
de navire ou de navire en construction. Ces dispositions sont largement inspirées
de principes généraux du droit des sûretés consacrés dans le Code civil de 1995. Le
Code maritime de 1999 consacre un chapitre entier aux catégories de créances
privilégiées de l’armateur. Le Code donne une liste des créances maritimes en
quelque sorte de premier rang qui priment sur les hypothèques. Cette liste est
identique à celle donnée par la Convention internationale de 19932 sur les
hypothèques et les privilèges maritimes, non encore en vigueur mais ratifiée par la
Fédération de Russie.
2
Annexe VII, le texte de la Convention de 1993.
7
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Code civil de 1995 sur la saisie des biens immobiliers, dont le caractère lacunaire et
peu adapté aux pratiques maritimes créaient beaucoup de difficultés et contribuait à
l’insécurité juridique totale mettant les créanciers du navires dans l’impossibilité
pratique de faire valoir leurs droits. 3 Depuis 1999 la Fédération de Russie est partie
à la Convention de 1952 sur la saisie conservatoire des navires qui a largement
inspiré les dispositions relatives à la saisie conservatoire du Code maritime de 1999.
Le nouveau Code maritime donne désormais la liste des créances limitativement
énumérées qui sont susceptible de donner lieu à la saisie conservatoire du navire.
Un organe juridictionnel est compétent pour ordonner la saisie conservatoire du
navire, même si les parties ont convenu d’une clause attributive de juridiction ou
d’une clause compromissoire disposant qu’un organe juridictionnel d’un autre Etat
est compétent pour trancher le différend opposant les parties.
3
Le Nouveau Code de la navigation commerciale de la Fédération de Russie par Dmitri Litvinski, DMF
2000, N 601, page 153.
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Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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CHAPITRE I :
Or, le Code de navigation maritime ne donnait pas une définition du navire mais
seulement la classification des navires de mer.
9
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Le nouveau Code maritime entré en vigueur le 1er mai 1999 dispose, dans son
article 7, qu’il faut entendre par navire toute installation flottante dotée ou non
d’un système de propulsion et exploitée pour les besoins de la navigation maritime
commerciale 4. Or, un des critères principaux permettant de qualifier une
installation flottante de navire est son exploitation pour la navigation maritime
commerciale. La notion de besoins de la navigation maritime commerciale est
assez large ainsi que la notion de la navigation maritime commerciale.
4
Annexe IV : article 7 du Code maritime de 1999.
5
Annexe III : article 2 du Code maritime de 1999.
10
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Il convient de mentionner que le droit maritime français ne donne pas non plus la
définition du navire. Selon P. Chauveau, le navire est « une entité qui est
composée de plusieurs éléments ».6 Il comprend la coque, les agrès, les appareils et
accessoires, « c’est à dire toutes les machines et tous les instruments qui servent à
sa propulsion, à sa manœuvre et à sa conduite » 7. Du point de vue juridique, les
choses sont plus compliquées car le navire en droit français aussi bien qu’en droit
russe est un bien fortement individualisé soumis à un statut juridique original et
dérogatoire du droit commun.
L’alinéa 1 de l’article 130 du Code civil dispose que les biens immobiliers
comprennent les terrains et tout ce qui est solidement lié au sol, c'est-à-dire des
objets dont le déplacement est impossible sans causer un dommage à leur finalité
même, y compris les forêts, les plantations, les bâtiments et d’autres installations.
Le Code civil considère comme des immeubles les bateaux de mer, les aéronefs, les
bateaux de navigation intérieure et les objets spatiaux. Compte tenu de la spécificité
de ces objets et de la nécessité de contrôler ces biens, le législateur les considère
comme des immeubles. Le fait de considérer ces biens comme des immeubles a
pour seul et unique objectif d’appliquer à ces biens le régime juridique prévu pour
les immeubles. Il s’agit donc d’une fiction juridique.
La raison pour laquelle le législateur a fait un tel choix est évidente. Les biens tels
que les navires ont une grande valeur et les dommages qu’ils peuvent subir peut
être causé non par la rupture de leur lien avec la terre mais par la rupture avec le
milieu habituel de leur exploitation. En ce sens on peut songer à l’immobilisation
6
P. Chaveau, Droit maritime, N156
7
P.Bonassies, Cours du droit maritime (2005-2006) pour le Master II Droit maritime et des Transports
(Aix-Marseille III), N 145, page 98.
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faisant courir les surestaries à l’affréteur au voyage, le manque à gagner etc. Une
telle vision, en quelque sorte « virtuelle », des choses a été exposée au début du
siècle dernier par Zvonitski qui remarquait : « Ainsi les navires et les bateaux de
pêche occupent une place particulière dans le régime juridique du gage. Alors que
des bâtiments qui sont en principe des biens immobiliers sont considérés comme
mobiliers sous certaines conditions, les navires qui sont en principe des meubles
possèdent certaines caractéristiques des immeubles. »8 Un autre auteur éminent
russe, Shershenevitch, écrivait au début du 20ème siècle que « …du point de vue
économique, les navires se rapprochent plus des biens mobiliers, du point de vue
juridique ce sont plutôt des biens immobiliers, du point de vue politique ce sont
des prolongements du territoire de l’Etat dont ils battent le pavillon ».9 Le
Professeur A. Sergeev considère que le choix du législateur s’explique par la valeur
considérable des navires qui nécessite un contrôle renforcé sur leur vie juridique. 10
Le Professeur M. Braginski considère que tout simplement le législateur a étendu le
régime des immeubles aux navires car de la même manière que les immeubles les
navires ont besoin de faire objet d’une publicité.11 M. Erdelevsky considère que les
navires et les bateaux de navigation intérieure doivent être considérés comme des
immeubles dérogeant au droit commun. 12 M. Nemets propose une autre analyse.
Selon cet auteur, la caractéristique la plus importante permettant de distinguer les
biens mobiliers des biens immobiliers est le fait que les biens mobiliers peuvent
être des biens individualisés et des biens de genre, alors que les biens immobiliers
sont toujours individualisés. 13
On sait qu’en droit français, à la différence du droit russe, les navires sont des biens
mobiliers. Selon l’expression du Professeur Pierre Bonassies, le navire est « à mi-
8
A. Zvonitski, Le gage en droit russe, Kiev, 1912, page 401
9
G. Shershenevitch, Cour du droit commercial, SPB, 1909, tome III, page 252.
10
Droit civil, U. Tolstoî , A.Sergeev, édition Teisse, 1996, partie I , page 381.
11
M. Braginski, V.Vitrianski, Principes généraux du droit des contrats, Moscou, édition Statut, 1998,
page 152.
12
A. Erdelevski, La publicité des droits réels sur les immeubles, revue Legalité, Moscou, 1997, N11,
pages 20-24.
13
U. Nemets, Les biens mobiliers et immobiliers, revue « Economie et Dtoit » 1998, N6, page 102.
12
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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chemin des meubles et des immeubles »14 . Selon cet auteur le navire comme
l’immeuble, mais plus encore peut-être que l’immeuble, échappe largement au
principe de l’unité du patrimoine. « C’est un meuble fortement individualisé par
son nom, son port d’attache, son immatriculation. » 15. Le Professeur Antoine
Vialard remarque également que « le navire, incontestablement meuble, ne se
trouve cependant pas soumis au statut mobilier ordinaire, tel qu’élaboré par le droit
civil, voir commercial » 16.
14
P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des
Transports (Aix-Marseille III), N 147, page 99.
15
P.Bonassies, Cours du droit maritime de 2005-2006 pour le Master II Droit maritime et des
Transports (Aix-Marseille III), N 148, page 100.
16
Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 295, page 257.
17
Annexe IX: les articles 130 et 131 du nouveau Code civil de 1995.
13
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clairement dans son alinéa premier que les navires sont des biens immobiliers qui
doivent être immatriculés au registre national. Le même article du Code civil
prévoit que le droit de propriété et tous les autres droits réels sur les immeubles, les
restrictions, ainsi que le changement du titulaire et l’extinction de ces droits,
doivent faire l’objet d’une publicité au registre unique national. L’alinéa 2 de
l’article 131 dispose que dans les cas prévus par la loi pour un certain nombre de
biens, l’immatriculation au registre national peut être complétée par une publicité
spéciale.
Or, la question qui se pose est de savoir si une telle immatriculation, conforme aux
dispositions du Code maritime, est la publicité nationale des biens immobiliers
dont parle l’article 131 du Code civile ou s’il s’agit de la publicité « spéciale » dont
parle l’alinéa 2 du même article. Pour Mme Abramova, l’immatriculation dont
parle le Code maritime est une publicité spéciale et non pas une publicité au
18
Annexe V: Article 33 du Code maritime
14
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L’immatriculation des navires est effectuée par le capitaine d’un port maritime
commercial. Le registre national tenu par les capitaines des ports font parties du
registre national unique. L’immatriculation comporte l’attribution d’un numéro
national qui reste valable tant que le navire reste attaché à un port donné. La
mention correspondante est portée au registre national des navires ou dans le
journal de bord pour les navires de petites dimensions. Le propriétaire du navire se
voit délivrer un certificat attestant de son droit de propriété sur le navire ainsi
qu’un certificat lui donnant le droit de battre le pavillon de la Fédération de Russie
(l’équivalent de l’acte de francisation en droit maritime français).
On sait qu’en droit français le navire peut parfaitement être rattaché à deux
administrations différentes (douane et affaires maritimes), dont les bureaux
peuvent se situer dans des ports différents : le port d’attache douanier, d’une part,
et le port d’immatriculation (affaires maritimes), d’autre part. La coïncidence n’est
pas une obligation mais au regard du droit international, la notion de port
d’immatriculation se confond habituellement avec celle de port d’attache
douanier 20. En droit russe, il s’agit toujours du même et unique port.
19
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 68.
20
Droit maritime, Antoine Vialard, PUF 1997, N 299, page 260.
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CHAPITRE II :
En droit russe, l’hypothèque des navires est une variante du gage qui a ses propres
particularités juridiques, qui la distinguent du gage en général et qui doivent être
pris en compte dans la pratique.
Il est intéressant de noter que l’hypothèque maritime est une institution juridique
ancienne qui trouve son origine dans le contrat de prêt à la grosse aventure22 (ou
« prêt à la grosse » tout court), lequel avait reçu une large application en Europe.
En effet, dans tous les pays européens, l’hypothèque maritime tire son origine
première dans cette ancienne institution elle-même influencée par le droit romain à
travers le nauticum foenus, qui était un contrat de financement aléatoire des
21
A l’exception, bien entendu, des créanciers qui ont des privilèges maritimes sur le navres (voir
Section II du présent Chapitre).
22
« …Ce prêt est un contrat aléatoire aux termes duquel un capitaliste met de l’argent dans une
expédition maritime avec l’espoir, en cas de succès de cette expédition, d’être remboursé et de recevoir
un profit important, la prime de grosse ou le profit maritime ». Ce prêt a une triple fonction : c’est un
contrat d’association, de crédit et d’assurance. Rodière, René et du Pontavice, Emmanuel, Droit
Maritime, Précis Dalloz, 12ème édition, 1997, § 91, page 93.
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Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Il convient de mentionner que dans la Russie impériale d’avant 1917, les juristes
russes s’intéressaient également à la question de l’hypothèque maritime. Il faut
souligner que le régime juridique du gage des biens mobiliers s’appliquait aux
navires de mer et aux bateaux de navigation intérieure. Le principe selon lequel les
biens gagés passaient aux mains du créancier gagiste rendait difficile l’application
de cette institution en matière maritime. En même temps, le contrat de prêt à la
Supprimé : -
grosse existait en vertu des articles 1057 à 1062 du Code de commerce de l’époque,
lequel présentait un intérêt pratique en cas d’avarie commune. La pratique maritime
russe a ensuite développé un autre système de financement de l’expédition
maritime, selon lequel le préteur vendait son navire à une personne qui, en vertu
Supprimé :
d’un contrat particulier, louait ensuite ce navire au préteur. Cetteopération était très
complexe dans la pratique. 24
23
Droits maritimes, 2006, Dalloz, N 334.09, page 279
24
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 78.
17
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que les chantiers navals de ces pays étaient méfiants à l’égard de la Convention
laquelle n’était pas assez protectrice des prêteurs. En énonçant une longue liste des
privilèges maritimes qui anéantissait les droits des créanciers hypothécaires, la
Convention réduisait, en réalité, l’efficacité de l’hypothèque 25.
25
L’hypothèque maritime en France et aux Etats-Unis par Mlle Irène Zanetos, mémoire CDMT, 1999,
page 40.
18
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du fait que l’hypothèque maritime ait gagné deux places dans l’ordre de passage de
créanciers.
En revanche, le danger pour les créanciers hypothécaires réside dans le fait qu’avec
cette nouvelle Convention, le constructeur du navire et son réparateur priment sur
le créancier hypothécaire. Cette disposition est nouvelle par rapport à la
Convention de 1926. Cette même règle existe également en droit français, dans la
loi du 3 janvier 1967.
S’agissant des assurances, le problème semble avoir été résolu en faveur des
créanciers hypothécaires. La Convention interdit à toute personne, ayant droit sur
le navire en raison d’un privilège, d’être « subrogé dans les droits du propriétaire du
navire pour ce qui est des indemnités dues à celui-ci en vertu d’un contrat
d’assurance ».
26
Pierre Bonassies, Le Droit Positif Français en 1993, DMF 1994, pages 3-7.
19
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considérée comme une vraie innovation étant donné que la Convention de 1926
renvoyait aux droits internes pour ces formalités.
Cependant, il convient de noter que la Convention n’a pas non plus suscité
beaucoup d’optimisme de la part des Etats. Elle ne répond pas à toutes les
questions qui distinguent la situation maritime d’aujourd’hui de la situation de
1926. Elle offre aux hypothèques maritimes une meilleure méthode
d’immatriculation et plus de sécurité. Du point de vue rédactionnel, elle est
préférable à la Convention de 1926. Ces dispositions répondent mieux à l’évolution
continue du marché maritime moderne. Mais un équilibre satisfaisant entre les
deux enjeux, à savoir la nécessité de financer les flottes marchandes et les exigences
20
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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de l’industrie maritime, n’a pas, toutefois, été atteint. La Convention n’est pas
encore en vigueur. Elle n’est pas ratifiée par la France.
§3 Objet de l’hypothèque
Comme on l’a déjà évoqué précédemment, les navires peuvent faire l’objet d’une
l’hypothèque, comme les aéronefs, les bateaux de navigation intérieure et les objets
spatiaux. Selon M. Braginski, le législateur les considère comme des immeubles car
ils doivent faire objet d’une publicité au registre national 28.
Il convient de rappeler que lorsque c’est un navire qui fait l’objet de l’hypothèque ,
il faut se référer au Code maritime et à la Loi Fédérale sur l’hypothèque. En ce qui
concerne les bateaux de navigation fluviale, les dispositions du Code maritime ne
leur sont pas applicables. Dans ce cas, il faut appliquer directement la Loi Fédérale
sur l’hypothèque de 1998. Il arrive parfois qu’un bateau de navigation dite mixte
soit immatriculé dans un port et exploité exclusivement pour la navigation
maritime. Les dispositions du Code maritime de 1999 et celles de la Loi Fédérale
sur l’hypothèque sont donc applicables conformément à l’article 3 du Code
maritime. 29
27
Annexe II : Chapitre XX du Code maritime de 1999.
28
Braginski, Commentaire de la partie I du Code civil pour les commerçants, Moscou 1995, page 173.
29
Annexe IV : article 3 du Code maritime de 1999.
21
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La loi permet l’hypothèque sur un navire en construction mais seulement après que
ce navire ait été immatriculé au registre des navires en construction. Les registres
des navires en construction sont tenus par les autorités des ports situés à
proximité des chantiers navals.
Comme on l’a déjà évoqué précédemment, le droit russe, à la différence des droits
de la majorité des pays européens, considère les navires comme des biens
immobiliers obéissant au régime juridique de l’hypothèque.
L’article 374 du Code maritime dispose que le débiteur hypothécaire ne peut être
que le propriétaire du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale
sur le navire 31.
30
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 425.
31
La direction commerciale signifie selon l’article du Code civil que
22
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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L’hypothèque du navire n’est possible qu’en vertu d’un contrat entre le propriétaire
du navire ou la personne ayant le droit de direction commerciale sur le navire et
avec l’accord du propriétaire. La personne qui détient le droit de direction
commerciale doit être créancier débiteur de l’obligation garantie par l’hypothèque.
Il faut mentionner que, de la même façon qu’en droit français, l’hypothèque en
vertu de la loi est exclue en droit russe.
23
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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§4 L’identification du navire
24
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Nonobstant le fait que le navire en droit russe est un bien immobilier, il est
souvent difficile d’identifier le lieu où il se trouve à un moment donné. Par
conséquent, le seul moyen d’identifier le navire pour les besoins de l’hypothèque
est de connaître son nom (actuel et tous les anciens), son type, sa finalité, sa zone
de navigation habituelle, l’année et le chantier de construction, ses principales
caractéristique (le tonnage, la puissance, l’année de la construction de l’engin), le
numéro IMO, le nom et l’adresse du propriétaire, le port d’immatriculation, y
compris des informations sur une ancienne immatriculation et la date de sa
radiation. Toutes ces informations permettent au créancier hypothécaire
d’identifier le navire en cas de réalisation de l’hypothèque. En outre, le Présidium
de la Cour suprême arbitrale a affirmé dans la Lettre d’Information32 du 15 janvier
1998 N26 qu’en absence d’information permettant d’identifier les biens gagés, le
contrat de gage ne peut pas être considéré comme valable33.
32
Il convient d’expliquer que la Cour Suprême Arbitrale est la juridiction supérieure qui statue sur les
pourvois formés contre les décisions des cours arbitrales régionales d’appel. Par analogie avec la Cour
de cassation, mais uniquement pour les litiges d’ordre économique entre des personnes morales ou entre
la personne morale et l’entrepreneur indépendant. Il ne faut pas confondre avec les tribunaux arbitraux
au sens du droit français. C’est comme si existait en France le Tribunal Suprême de Commerce. La
Cour Suprême Arbitrale émet régulièrement les Lettres d’Information destinées aux juridictions
inférieures dans lesquelles elle explique la manière dont il faut appliquer telle ou telle disposition de la
loi.
33
L’hypothèque des navires, aéronefs et objets spatiaux, thèse, M. Abramova, Moscou, 2003, page 126.
25
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commerce ou des ports maritimes de pêche au registre national des navires ou par
les organes de contrôle technique dans le livre des navires de petites dimensions.
La pratique des pays étrangers en la matière démontre que seule l’hypothèque des
biens immobiliers doit faire l’objet d’une publication. Cependant, dans les pays qui
considèrent les navires comme des biens mobiliers, une procédure de publicité est
prévue pour les navires. En règle générale une telle publicité est effectuée dans des
registres spéciaux de trois types : pour les navires, pour les bateaux de pêche et
pour les navires en construction. Dans certains pays la procédure incombe aux
autorités portuaires (Espagne et Italie), en France, ce sont les organes de la douane
qui sont compétents.
26
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34
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 429.
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publié son droit est préféré aux autres. Les hypothèques inscrites le même jour ont
la même valeur. Le droit maritime français contient une disposition identique.
35
Annexe XII : les articles 382, 384 à 386, 388 et 390 du Code civil.
28
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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§7 La fin de l’hypothèque
36
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 427.
37
Annexe XII : Article 352 du Code civil.
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droit continental et les pays de common law, mais également à l’intérieur de ces
familles. L’unification internationale de la réglementation des privilèges maritimes
se heurte à des difficultés insurmontables malgré l’adoption de trois conventions
dans ce domaine (en 1926, 1967, 1993). Le nombre des pays qui ont signé les deux
premières est limité. La Convention de 1993 n’est pas encore entrée en vigueur.
Le chapitre XVII du Code maritime de 1968 traitait les créances privilégiées. Il faut
préciser qu’à la différence de la version russe des Convention de 1926 et 1967, la
notion de «créance privilégiée » reflétait bien la réalité juridique des choses. Le
Code maritime de 1968 disposait que certaines créances maritimes devaient être
satisfaites avant toutes autre créance sur les biens spécialement définis par la loi. Le
concept des créances privilégiées ne contenait pas l’idée de droit de suite. En cas
de vente du navire, la personne qui détenait une créance privilégiée ne pouvait plus
prétendre obtenir une satisfaction sur le prix d’un navire qui avait changé de
propriétaire. Telle n’est pas la position actuelle du droit positif russe en la matière.
38
Le « gage maritime » est le terme choisi par les rédacteurs du Code maritime de 1999 pour
l’institution juridique de « privilèges maritimes ».
31
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Dans la version russe de la Convention sur l’assistance en mer de 1989 (article 20),
on utilise le terme de « gage maritime » comme l’équivalent du « maritime lien » en
common law. Ceci jette une certaine confusion dans l’esprit d’un juriste car on sait
que le texte français parle des privilèges maritimes, le texte anglais des maritimes liens
et le texte russe du gage maritime. D’où la nécessité de préciser que ces trois
définitions reflètent la même réalité juridique. La Convention de 1993 (le texte
russe) parle de créances maritimes en tant que fondement du régime juridique du
« gage maritime ».
39
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 5-6.
40
Le term bodmerei / bottomry provient du mot anglais « bottom » ou « bodem » qui signifient le quille
du navire ou le navire lui-même.
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Comme on a déjà invoqué précédemment foenus nauticum était connu des navigants
de la Grèce Antique. C’était un contrat en vertu duquel une partie prêtait une
somme d’argent à un taux élevé et son remboursement était conditionné par le
succès de l’expédition. En cas de perte du navire, le créancier perdait le droit
d’exiger du débiteur le remboursement de l’emprunt. C’est le prêt à la grosse
aventure qui a donné naissance en droit français à l’hypothèque maritime.
S’agissant du contrat de bodmerei, ce contrat était dépourvu d’aspect spéculatif.
Selon M. Lipavski, le contrat était causé par la nécessité absolue du navire de se
procurer de l’argent au cour de l’expédition maritime loin de son port d’attache 41.
Dans le droit russe d’avant 1917, ce contrat de bodmerei avait ses particularités. La
Charte de la navigation commerciale de l’époque prévoyait les cas de recours au
crédit « d’urgence » par le capitaine, dans un pays étranger, qui n’avait rien d’autre
pour garantir le remboursement du crédit que le navire et la cargaison. Dans de
telles circonstances le droit russe permettait au capitaine de souscrire un emprunt
contre le gage de ces biens.
33
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Un des critères importants du contrat de bodmerei était le fait que le contrat devait
être passé par le capitaine en absence de délégation quelconque de la part du
propriétaire du navire. En droit russe de l’époque, un emprunt passé par le
propriétaire du navire avant le départ de celui-ci et ayant pour but le financement
de l’expédition maritime n’était pas considéré comme un contrat de bodmerei. Le
contrat de crédit conclu par le capitaine sous la demande du propriétaire du navire
n’était pas un bodmerei non plus car la particularité du bodmerei était bel et bien le fait
que le capitaine agissait sans l’accord du propriétaire du navire mais le contrat ainsi
passé engageait ce dernier. Cela trouvait son explication dans le fait que le navire se
trouvait loin de ses côtes, sans aucune possibilité de se mettre en contact avec le
propriétaire, en éprouvant une nécessité extrême de se procurer de l’argent pour
terminer l’expédition commencée.
34
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Il convient de rappeler ici que le droit positif russe, à la différence du droit français,
considère les navires, les bateaux, les objets spatiaux et les aéronefs comme des
biens immobiliers en vertu de l’article 130 du Code civil de 1995. Le législateur a
ainsi recouru à la fiction juridique pour appliquer à ces biens le régime juridique des
biens immobiliers, ce qui s’explique par la très grande valeur de ce type des biens.
Toutefois, avant 1917, le droit russe ne comportait pas une telle disposition
expresse, et par conséquent les navires étaient considérés comme des biens
mobiliers. Il s’ensuivait qu’en Russie tsariste, le créancier du contrat de bodmerei
ne limitait pas son action seulement au navire, à la cargaison et au fret mais pouvait
obtenir la satisfaction de sa créance sur tous les biens du débiteur. On peut donc
en déduire qu’en Russie, en matière de contrat de bodmerei, à la différence de tous
les autres pays, la limitation de la prétention du créancier uniquement à l’objet du
gage n’était pas connue. Une telle particularité, selon M. Lipavsky, n’était pas le
résultat de la volonté du législateur de l’époque mais était plutôt due aux lacunes
dans la réglementation de l’institution du bodmerei en droit maritime russe 43. Les
autres pays considéraient le brodmerei comme un contrat sui generis, alors qu’en droit
russe, c’était un crédit de somme d’argent ordinaire garanti par le gage.
43
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 20.
35
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
financement dicté par l’urgence. Une autre raison ayant contribué au déclin du
bodmerei a été l’apparition des lois sur l’hypothèque maritime : les créanciers
hypothécaires étaient mécontents de voir leur créances être primées par les
créances basées sur le contrat de bodmerei. Le développement juridique du gage
maritime s’effectuait en constante « lutte » contre l’hypothèque maritime.
36
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
5. Les créances concernant les actions entreprises par le capitaine pour satisfaire aux besoins
réels du navire ayant pour but la sauvegarde du navire ou la continuation de l’expédition.
V.B. Lipavsky considère que cette liste reflète parfaitement l’esprit du bodmerei. 44
L’article 182 du Code maritime de 1929 disposait que ces créances s’exerçaient sur :
¾ le prix du navire ;
¾ le fret, le prix des billets de transport des passagers et le prix de
transport de leurs bagages se rapportant à l’expédition en question ;
¾ la prime due au propriétaire du navire dans le cadre de l’avarie
commune, pour le dommage causé au navire ou due à la perte du
fret ;
¾ l’indemnisation due au propriétaire pour l’aide apportée, à
l’exception des sommes dues au capitaine et aux autres personnes au
service du navire.
Le Code maritime de 1968 parlait également des privilèges maritimes dans son
Chapitre XVII. Comme son prédécesseur le Code maritime de 1929, il n’utilisait
pas la notion de gage maritime. Le Code de 1968 parlait de privilèges maritimes
contre le navire ainsi que contre la cargaison. Ces deux groupes de privilèges
étaient traités dans le même article. Les privilèges maritimes eux-mêmes ainsi que
les biens sur lesquels les privilèges s’exerçaient n’ont subi aucune modification
considérable.
44
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 25.
37
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Une nouveauté du Code maritime de 1968 par rapport au Code de 1929 était
l’exclusion de la règle prévoyant que les privilèges maritimes suivent le navire en
cas de vente.
§ 4 Le droit positif
38
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
appliquer la loi du pays du tribunal devant lequel le litige est porté (loi du for) aux
questions sur la nature de la créance et l’ordre de passage des créanciers.
En dernier lieu, avec le nouveau Code maritime de 1999, le gage maritime est
appelé à garantir les créances maritime non seulement sur le navire du propriétaire
mais de manière générale sur le navire de tout exploitant qui l’exploite même en
n’étant pas son propriétaire, ou sur le navire de toute autre personne qui l’exploite
de manière légitime.
Le gage maritime n’existe qu’en vertu de la loi. L’article 334 dispose dans son alinéa
3 que le gage maritime a pour fondement la loi si les conditions définies par cette
dernière sont réunies. La liste des créances maritimes constitue le problème le plus
délicat pour l’unification des dispositions sur le gage maritime. Le gage maritime
affaiblit l’institution de l’hypothèque maritime car les créances garanties par le gage
maritime sont satisfaites en priorité par rapport aux créances garanties par
l’hypothèque. D’où la recherche éternelle d’un compromis entre ceux qui veulent
étendre la liste des créances maritimes et ceux qui sont partisans de la stabilité et de
la prévisibilité des relations juridiques entre les créanciers et les débiteurs dans le
domaine maritime. 45
45
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 419.
39
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
L’article 367 du Code maritime de 1999 donne la liste des créances qui sont
garanties par le gage maritime. Ainsi, le gage maritime garantit les créances
suivantes :
2) les créances du chef de mort ou de lésion corporelle survenant, sur terre ou sur eau, en
relation directe avec l’exploitation du navire ;
Cette disposition est très importante car grâce aux opérations de sauvetage le
navire « reste en vie », ce qui permet l’exercice de tous les autres privilèges
maritimes.
4) les créances du chef des droits de port, de canal et d’autres voies navigables ainsi que des
frais de pilotage ;
Leur signification est considérable étant donné que le capitaine du port peut
refuser l’autorisation de quitter le port en cas de non paiement des droits de port.
46
Annexe XIII : Article 64 et 855 du Code civil de 1995.
40
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Le paragraphe 2 du même article ajoute que les créances visées aux alinéas 2) et 5)
ne sont pas garanties par le gage maritime si elles découlent d’un dommage causé
par une pollution par des hydrocarbures ou autres substances dangereuses ou
nocives ou radioactives. Cette exclusion s’explique par l’existence d’un régime
spécial pour ce type de préjudice, impliquant la création due fonds de limitation de
responsabilité dont parle le chapitre XVIII du Code maritime de 1999.
41
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
42
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
L’article 384 du Code maritime dispose qu’en cas de non exécution par le débiteur
de son obligation garantie par l’hypothèque maritime, le navire comme le navire en
construction peuvent être vendus conformément à la décision du juge du lieu de
saisie autorisant une telle vente. Cet article laisse entendre que le seul moyen pour
le créancier hypothécaire d’exercer ses droits sur le navire est de saisir le juge. Le
principe posé par cet article doit être étendu, selon M. Lipavski, au créancier
détenteur d’un privilège sur le navire garanti par le gage maritime.
47
DMF, page
48
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 62.
43
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
notification doit être envoyée est définie à l’alinéa 1 de l’article 385 du Code
maritime. La notification de la vente forcée du navire doit être envoyée au plus
tard 30 jours avant la date de la vente aux personnes suivantes :
¾ les renseignement sur la date et le lieu de la vente forcée, ainsi que les
renseignements sur les mesures et les procédures en rapport avec une telle
vente que les personnes à qui la notification est faîte doivent connaître afin
de protéger leurs intérêts ;
¾ si la date et l’endroit de la vente forcée ne peuvent pas être définis, les
renseignements sur la date et le lieu possibles de la vente forcée ainsi que
tout autre renseignement doivent être suffisants pour protéger les intérêts
des personnes notifiées. Dans ce cas, la notification supplémentaire sur la
date et le lieu de la vente forcée doit être envoyée au plus tard sept jours
avant la date de la vente.
44
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
prix du navire obtenu à l’issue de la vente forcée. Une telle créance est, toutefois,
primée par les créanciers disposant de privilèges maritimes (gages maritimes).
Il va de soi que le régime juridique ainsi exposé est très proche des règles du droit
français en la matière. De même, en droit anglais, la créancier hypothécaire ou le
créancier qui a un « maritime lien » sur le navire exerce une action in rem devant la
Admiralty Court. Il est à noter que la logique des sûretés maritimes est la même
pour ces trois pays : le navire est en quelque sorte personnalisé et répond lui-même
de ses dettes.
49
Vladimir Lipavski, « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, page 64.
45
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Dans le cadre d’une procédure de faillite, on entend par créance maritime tous les
gages maritimes, les hypothèques des navires, les créances des chantiers de
construction et de réparation fondées sur leur droit de rétention, les créances liées
aux dépenses engagées pour remonter le navire coulé pour sa vente subséquente
ainsi que les dépenses liées à la procédure de saisie et de vente du navire. Le cœur
du problème consiste à définir l’ordre de passage des créanciers, et notamment de
concilier l’ordre de passage des créanciers tel qu’il est défini par la réglementation
sur la procédure collective et l’ordre de passage des créanciers prévu par le Code
maritime. Le Code maritime dispose qu’aucune créance ne peut être satisfaite
prioritairement par rapport aux créances indiquées dans le Code maritime (les
articles 368, 379, 386).
M. Babkine considère que les dispositions de la Loi sur la faillite de 1998 doivent
faire objet de modifications compte tenu de règles posées par la Convention de
1993 et le CNMC de 199950. Cet auteur propose la solution suivante :
50
S.A. Babkine, L’hypothèque des navires : la Convention internationale sur les hypothèques et les
privilèges maritimes de 1993 et son incorporation dans le droit russe, revue « Droit des Transports »,
Moscou, Juriste, 2001, N1, pages 9 à 12.
46
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
La Loi Fédérale sur la faillite de 26 octobre 2002 a changé l’ordre de passage des
créanciers. Les biens faisant l’objet du gage maritime sont compris dans la masse.
En revanche, dans la masse des biens, ils sont individualisés. Les créances des
créanciers gagistes sont payées prioritairement du montant des biens gagés.
Néanmoins, les créances garanties par le gage maritime sont payées après le
paiement des créances super privilégiés (alinéa 1 de l’article 134 de la Loi sur la
faillite) ainsi qu’après le paiement des créances de 1er et de 2ème rang, qui n’ont pas
été modifiés par la Loi de 2002.
Lorsque le navire est grevé des gages maritimes ou s’il a fait l’objet d’une
hypothèque, il doit être compris dans la masse des actifs mais il doit être
47
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
individualisé dans la masse des biens gagés. Sur le prix du navire, il faut payer les
créances maritimes dans l’ordre prévu par le Code maritime. Ces créances doivent
être payées prioritairement par rapport à toutes les créances prévues par l’article
134 de la Loi sur la faillite, y compris les créances non soumises à l’ordre de
passage. Après le paiement des créances maritimes, les créances de l’article 134 de
la Loi sur la faillite sont payées sur le reliquat du prix de vente du navire.
L’article 371 du Code maritime dispose que les privilèges maritimes s’éteignent à
l’expiration d’un délai d’un an à compter de la constitution de ces privilèges sauf si
le navire a fait l’objet d’une saisie. Cette disposition est conforme à l’article 9 de la
Convention de 1993.
Il est à noter qu’en droit français la solution est identique. La saisie seule peut
interrompre le délai d’un an. S’agissant de la suspension ou de l’interruption de la
prescription, la loi ne prévoit aucune cause d’interruption. Néanmoins, le
jurisprudence considère que ce n’est pas un délai préfix. En revanche, en silence de
la loi la doctrine majoritaire (notamment, les professeurs MM. Bonassies et Vialard)
considère que l’assignation en justice interrompe la prescription du principale (la
créance) mais non de l’accessoire (le privilège). La jurisprudence va dans le même
sens : seule la saisie du navire peut interrompre la prescription (T. com. Marseille, 5
février 1957). Cela correspond à l’esprit de l’action in rem qui personnalise le navire.
C’est à dire l’action se dirige contre le navire lui-même qui répond en quelque sorte
« tout seul » de ses propres dettes.51.
Revenant au droit russe, le privilège sur le navire doit être exercé par le créancier
dans les limites temporaires posées par cet article. Le but du législateur était de
51
DMF,
48
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
diminuer autant que possible l’impact négatif des créances privilégiées garanties par
le gage maritime sur les droits des créanciers hypothécaires. A l’expiration d’un an,
le créancier perd son droit de faire valoir le caractère privilégié de sa créance. Le
professeur G. Ivanov considère qu’un tel délai n’est pas susceptible d’une
prolongation conventionnelle 52. Il est intéressant de mentionner que la doctrine
maritimiste française va dans ce sens. Les auteurs pensent que la possibilité d’une
telle prolongation va également à l’encontre de l’esprit de l’action contre le navire.
Ils considèrent que toute prolongation ou interruption par un moyen autre que la
saisie risque de conduire à une accumulation des privilèges puisque le navire reste
en circulation. L’accumulation met en péril le droit réel des créanciers
hypothécaires 53.
52
G. Ivanov, Le régime juridique de la navigation maritime en Fédération de Russie, édition Spark,
Moscou, 2002, page 429.
53
Le logiciel LexisNexis, rubrique « Privilèges maritimes ».
49
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
50
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
droit maritime russe et, par conséquent, n’est pas très bien maîtrisée par les juges
du fond, voire pas du tout.
54
Vladimir Lipavski « Le gage maritime », édition Juriste, Moscou, 2004, pages 70-71.
51
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
CHAPITRE III
LA MISE EN ŒUVRES DES SURETES :
LA SAISIE DU NAVIRE
Section I : L’historique
Le Code maritime 1968 prévoyait que les navires pouvaient appartenir sans
restriction à l’Etat, c'est-à-dire aux kolkhozes et autres organismes et associations
publiques, conformément aux règlements sur le statut juridique de ces personnes
morales. A l’époque soviétique, l’Etat possédait la maîtrise de tout le transport
maritime et fluvial. Autrement dit, l’Etat était le propriétaire des systèmes
d’installations et des moyens destinés au transport des marchandises et passagers
par voie navigable. Il est intéressant des noter que l’Etat pouvait être propriétaire
de tout engin flottant sans distinction du type, de la taille, de la fonction ou d’autres
données, alors que les kolkhozes et autres organismes publics ne pouvaient être
propriétaires d’une flotte, mais pouvaient seulement être propriétaires de quelques
navires individualisés nécessaires pour leur activité. S’agissant des particuliers, le
législateur avait prévu qu’ils pouvaient posséder des navires dont le tonnage ne
dépassait pas dix tonnes. Par ailleurs, de tels navires devaient être uniquement
exploités pour des besoins sportifs ou touristiques.
Les navires appartenant à l’Etat ainsi qu’aux kolkhozes et autres organismes publics
ne pouvaient pas faire l’objet d’un gage des créanciers. En outre, l’article 20 du
Code maritime de 1968 prévoyait le principe d’immunité des navires soviétiques.
Conformément à cet article, une saisie conservatoire ou une détention quelconque
d’un tel navire pour une créance quelconque en rapport avec ce navire ne pouvait
être effectuée sans l’autorisation du Conseil des Ministres de l’URSS. Par ailleurs,
52
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
l’article 21 du Code maritime de 1968 disposait que toute vente à un Etat étranger
ou à une société étrangère d’un navire appartenant à l’Etat, au kolkhoze ou à tout
autre organisme public exigeait une autorisation préalable du Conseil des Ministres.
Les saisies des navires battant pavillon de l’URSS étaient rarissimes. Par exemple,
on peut citer la tentative de saisie du navire de passagers «Russie» en 1948 dans le
port de New York ou du paquebot « Shota Roustavelli » en 1972 dans le port de
Balboa. Ces tentatives avaient été immédiatement empêchées par les interventions
juridiquement parfaites des capitaines et des agents diplomatiques et consulaires55.
Les compagnies de navigation exploitant les navires d’Etat étaient très vigilantes
quant aux paiements dus à des sociétés étrangères pour des services portuaires
rendus aux navires soviétiques et susceptibles d’aboutir en cas de non paiement à la
saisie desdits navires.
Bien entendu, la voie n’était pas totalement fermée. Les magistrats russes pouvaient
ordonner la saisie du navire, mais uniquement en tant que mesure conservatoire,
dans le cadre du litige sur le fond. Ainsi, conformément à l’article 133 du Code civil
de l’époque, le juge pouvait prendre des mesures conservatoires pour garantir la
créance dans les cas où l’absence de telles mesures risquait de rendre l’exécution du
jugement à venir difficile voire impossible. Il en est résulté que la saisie ne pouvait
être ordonnée qu’à partir de la saisie du juge sur le fond du litige. Les choses se
compliquaient si le créancier n’envisageait pas d’engager l’instance au fond devant
une juridiction russe. Cela veut dire qu’après l’obtention de la garantie bancaire, le
créancier devait mettre fin à l’instance en cours. Mais la difficulté résidait dans le
fait que, dans ce cas, le créancier perdait définitivement la totalité du montant des
frais de dépôt de la demande d’assignation. Ainsi, la perte de temps et d’argent était
inévitable dans ce système alors que l’essence même du mécanisme juridique de la
saisie conservatoire est la simplicité et la rapidité qui permettent d’éviter que le
navire débiteur prenne le large.
55
A.V. Siderenko, Les événements de mer, Odessa, édition LATSTAR, 2001, page 365.
53
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
56
Antoine Vialard, Droit maritime, PUF, 1997, N 365, page 311.
54
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Comme nous avons déjà évoqué précédemment, dans les années 1998-1999, la
Fédération de Russie a adhéré à un grand nombre des conventions internationales.
Les dispositions de ces conventions ont été incorporées dans le nouveau Code
maritime en vigueur depuis mai 1999. Le chapitre XXIII du Code maritime de
1999 et la Convention internationale sur la saisie conservatoire des navires de 1952
ont introduit dans le droit russe une nouvelle institution juridique – la saisie
conservatoire.
Ainsi, la Russie n’applique pas la Convention aux navires de guerre et aux autres
navires exploité par l’Etat pour des buts non commerciaux, aux créances
concernant le titre de propriété sur le navire, aux litiges entre les copropriétaires du
navire sur le droit de propriété, sur les questions d’exploitation du navire et
l’affectation des gains perçus de telle exploitation ainsi qu’aux créances en rapport
avec l’hypothèque et le gage du navire 58.
57
Annexe IX : la Convention internationale de 1952 sur la saisie conservatoire des navires.
58
A. Novichenkov, Sur les conséquences juridiques de la ratification par la Russie de la Convention de
1952 sur la saisie conservatoire du navire, revue Droit International, Moscou, 2000, janvier-avril, N1,
page 119-136.
55
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
La saisie des navires en droit russe est régie par les normes du Code maritime ainsi
que par les normes générales du Code de la procédure arbitrale 59. Il faut tenir
compte du fait que les normes du Code maritime réglementant la saisie sont basées
sur les dispositions de la Convention internationale sur l’unification de certaines
règles en matière de saisie conservatoire du 10 mai 1952, qui a été signée par la
Russie en janvier 1999 et ratifiée le 29 octobre 1999.
59
Comme on a indiqué précédemment, en droit russe les tribunaux arbitraux sont seuls à connaître les
litiges entre les personnes morales. La notion de tribunal arbitral en droit russe n’a pas le même sens
qu’en droit français. C’est l’équivalent des tribunaux de commerce en France. Le Code de procédure
arbitrale correspond au Nouveau Code de Procédure Civile français. Il pose des règles de procédure en
matière de la saisie du juge et du déroulement d’instance devant les tribunaux arbitraux russes.
56
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Les règles du Code maritime de 1999 prévoient qu’un navire peut être saisi alors
que la créance maritime en question se rapporte à un autre navire. L’alinéa 2 de
l’article 390 indique que tout autre navire peut être saisi si, au moment du
déclenchement de la procédure de saisie, ce navire appartient à la personne
débitrice du créancier saisissant (phénomène de sister ship). L’exception à cette règle
est la créance relative au droit de propriété sur le navire (article 390, alinéa 2, point
2).
Parmi les créances maritimes, il faut surtout souligner les privilèges maritimes. Ce
sont cinq privilèges mentionnés à l’alinéa 1 de l’article 376 du Code maritime qui
correspondent à ceux de la Convention sur les hypothèques et privilèges maritimes
de 1993 ratifiée par la Russie.
A titre d’exemple on peut évoquer une affaire dans lequel un tribunal égyptien a
prononcé la saisie de trois navires ukrainiens appartenant à l’armateur Compagnie
ukrainienne de navigation sur le Danube et un navire appartenant à la Compagnie
de navigation maritime d’Azov. La saisie a été demandée par la compagnie
57
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Le Code maritime prévoit que seuls les navires au sens de l’article 7 du Code
maritime peuvent faire l’objet d’une saisie : « Il faut entendre par navire toute installation
flottante dotée ou non de propulsion qui est exploitée pour les besoins de la navigation maritime
commerciale ». Pour répondre à la question de savoir si une telle installation flottante
est un navire ou non, il faut se reporter à l’immatriculation à un des registres russes
des navires ou au registre de l’Etat étranger. Lorsque « l’installation flottante »
n’est immatriculée ni dans un des registres russes ni dans aucun registre étranger,
58
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
elle ne peut être considérée comme un navire au sens du Code maritime et les
normes sur la saisie du Code maritime ne lui sont pas applicables. 60
Il en résulte qu’à la différence de la saisie des navires de mer, qui obéit uniquement
aux dispositions du Code maritime, les navires de navigation intérieure et mixte
peuvent être saisis conformément aux règles dudit Code uniquement pendant la
période de temps où, conformément à l’article 3, alinéa 1 précité, le régime de la
saisie du Code maritime leur est applicable. Dans tous les autres cas, les bateaux de
navigation intérieure et mixte sont soumis à la procédure de saisie « en cas de
demande en justice de toute personne ayant une créance contre le propriétaire du bateau
accompagnée de la demande des mesures conservatoires pour garantir la créance » (alinéa 1 de
l’article 25 du Code de navigation intérieure de 2001). Cette disposition correspond
à la lettre aux règles générales du Code de la procédure arbitrale concernant les
mesures conservatoires. Un bateau de navigation intérieure peut être saisi pour
garantir toute créance dans le cadre de l’instance judiciaire sur le fond.
60
A. Makovskaya, La saisie des navires, revue Economie et Droit, Moscou, 2002, N 3, page 90.
59
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Les navires de guerre. - S’agissant des navires d’Etat exploités pour des besoins
non commerciaux, il faut se référer à l’alinéa 2 de l’article 3 du Code maritime qui
dispose que les dispositions du Code ne sont pas applicables, en dehors des cas
expressément prévus par le Code maritime, aux « navires de guerres, navires
d’assistance militaires et autres navires appartenant à l’Etat et exploités par lui
uniquement pour des besoins gouvernementaux et non commerciaux ». Il convient
de souligner qu’au moment de la signature de la Convention de 1952, la Russie a
émis une réserve identique à la formulation de l’article précité. Les navires (russes
ou étrangers) qui remplissent les conditions de l’article 3 ne peuvent pas faire
l’objet d’une saisie pour garantir une créance maritime ou toute autre créance, car
le principe de l’immunité de l’Etat fait obstacle à la saisie.
60
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Le problème du statut réel du navire.- Le droit russe est muet sur cette
question. Toutefois, après l’affaire « Sedov » ayant reçu un énorme écho dans la
presse russe, on peut suggérer que la solution adoptée dans cette affaire par la Cour
d’appel de Rennes peut inspirer le droit maritime russe en la matière. En l’espèce,
la loi compétente pour déterminer le caractère saisissable du voilier Sedov a été dite
non la lex fori mais la loi du statut réel du navire, c’est à dire la loi de pavillon (CA
de Rennes, navire Sedov, 27 juin 2002). « …loi du pavillon est applicable pour
déterminer le statut et la propriété d’un navire ». Il convient donc de consulter la
loi du pavillon du navire afin de savoir si le navire est saisissable ou non.
61
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
2006
Par ailleurs, les tribunaux arbitraux qui sont amenés à traiter les demandes de saisie
conservatoire, doivent également résoudre deux questions importantes. La
première concerne le partage des compétences entre les juridictions civiles de droit
commun et les juridictions arbitrales. La seconde concerne la question de la
compétence territoriale en matière de saisie du navire.
Les litiges concernant la saisie du navire pour garantir une créance maritime
doivent être considérés comme des litiges économiques, selon A. Makovskaya62,
car les créances maritimes telles qu’elle sont définies par l’article 389 du Code
maritime sont des créances économiques par leur nature même : elles sont liées à
l’exercice de l’activité commerciale de la personne morale. Il s’ensuit qu’ à chaque
62
A. Makovskaya, La saisie des navires, revue Economie et Droit, Moscou, 2002, N 3, page 93.
62
Les sûretés maritimes et la saisie conservatoire du navire en droit russe Anastasia Toporkova
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Bien entendu, une telle approche de la compétence territoriale des litiges sur les
saisies n’est pas valable dans les cas prévus par l’alinéa 4 de l’article 389 du Code
maritime lorsque le litige doit être porté devant un tribunal étranger ou devant un
arbitrage de la Fédération de Russie63. Dans une telle situation, la compétence
territoriale ne peut être déterminée qu’en fonction de l’endroit où le navire se
trouve au moment de la saisie. 64
63
Le terme « arbitrage » désigne un droit russe le mode alternatif du règlement des différends ce qui
correspond en droit français au « tribunal arbitral ».
64
A. Makovskaya, La saisie des navires, revue Economie et Droit, Moscou, 2002, N 3, page 93.
63
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la Loi sur la taxe d’Etat dispose que la taxe doit être perçue sur toute demande en
justice déposée devant les juridictions civiles de droit commun, les juridictions
arbitrales et devant la Cour Constitutionnelle de la Fédération de Russie65.
Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 4 de la loi précitée, qui précise les montants des
taxes perçues par les juridictions arbitrales, ne comporte aucune indication directe
du montant de la taxe perçue dans le cadre de demandes de saisie d’un navire. De
telles demandes de mesures conservatoires sur les biens du débiteur ne sont pas
soumises au paiement de la taxe d’Etat car conformément aux dispositions du
Code de procédure civile, elles peuvent être traitées par les tribunaux uniquement
dans le cadre de l’existence d’un litige sur le fond, où la taxe a déjà été payée au
moment de la saisie du tribunal. Logiquement, lorsque la saisine du tribunal sur le
fond coïncide avec la demande de saisie du navire, la taxe d’Etat ne doit pas être
versée par le demandeur pour la demande de mesure conservatoire. En l’absence
d’indication, Mme Makovskaya considère que trois solutions sont possibles :
1) soit la taxe d’Etat n’est pas due car l’article 91 du Code de procédure, qui
donne la liste des demandes soumises à cette taxe, ne mentionne pas la
demande de saisie ;
2) soit la taxe d’Etat doit être perçue sur toutes les demandes de saisie
conformément aux sous-alinéa 1 de l’alinéa 2 de l’article 4 de la Loi sur la
taxe d’Etat et son montant doit être fixé compte tenu du montant de la
créance que la saisie est appelée à garantir ;
3) la taxe d’Etat sur les demandes de saisie doit être d’un montant égal à la taxe
sur toute demande de caractère extra-patrimonial, prévue au sous-alinéa 4
de l’alinéa 4 de l’article 4 de la Loi sur la taxe d’Etat, c'est-à-dire d’un
montant correspondant au décuple du montant minimum du salaire (MMS).
Dans un litige porté devant la Cour arbitral de St Petersbourg en 2001, la
65
Il convient de mentionner qu’à la différence du droit français, en droit russe le contrôle de la légalité
des lois est un contrôle a posteriori, c'est-à-dire toute personne physique ou morale qui estime que telle
ou telle loi est contraire à la Constitution russe de 1993 peut saisir la Cour Constitutionnelle qui a le
pouvoir d’abroger cette loi si elle la juge contraire à la Constitution.
64
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Conformément à l’article 1 de la loi sur la taxe d’Etat, il faut entendre par taxe
d’Etat un paiement perçu par l’Etat pour l’accomplissement par ses organes
compétents ou par ses fonctionnaires d’actes juridiques importants ou pour la
délivrance par ces organes des documents. Comme le remarque Mme Makovskaya,
étant donné que le tribunal qui ordonne la saisie du navire ne statue pas sur le fond
du litige, il serait aussi bien injustifié de ne pas du tout demander le paiement de la
taxe pour la demande de saisie que d’imposer au créancier de payer le montant
correspondant à la taxe due pour la demande de juger le différend sur le fond. 66
C’est pourquoi il est indispensable que le législateur intervienne et définisse
clairement le montant de la taxe exigée pour les demandes de saisie de navire.
Etant donné qu’en droit russe il n’y a pas de normes spéciales sur la procédure de
traitement des demandes de saisie des navires déposées en dehors de l’action sur le
fond, il semble évident que de telles demandes doivent être traitées par les
tribunaux conformément aux dispositions générales du Code de la procédure
arbitrale, en tenant compte des règles posées par le Code maritime.
66
A. Makovskaya, La saisie des navires, revue Economie et Droit, Moscou, 2002, N 3, page 92.
65
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pour que le navire n’ait pas le temps de quitter le port. Toutefois, lorsque la
créance est en rapport avec les opérations de sauvetage, d’abordage, le dommage
causé aux installations portuaires ou toute autre dommage de ce genre, le créancier,
avant même de demander la saisie au tribunal, peut demander aux autorités
portuaires de retenir le navire. Conformément à l’alinéa 1 de l’article 81 67 du Code
maritime, les autorités portuaires ont le droit de retenir le navire au port jusqu’à ce
que son propriétaire ait constitué une garantie suffisante. Une telle décision des
autorités portuaires n’est valable que pendant 72 heures. Il faut qu’entre temps un
tribunal arbitral ou un tribunal composé d’arbitres (« arbitrage ») compétent pour
ordonner la saisie rende une ordonnance aux fins de saisie. Dans le cas contraire, le
navire doit être immédiatement libéré et la saisie tombe.
67
Annexe VII : Article 81 du Code maritime.
66
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bureaux » car ils n’ont aucune expérience dans ce type de litiges. 68 Les magistrats
rejettent purement et simplement les demandes aux fins de saisies déposées pour
les motifs les plus absurdes, en violation des dispositions du Code maritime et
des règles posées par la Convention de 1952. Un tel refus constitue sans aucun
doute un déni de justice (en droit russe « le refus de protection judiciaire »), mais les
créanciers n’interjettent quasiment jamais appel contre une telle décision devant
une juridiction supérieure car, comme le remarque le Professeur S. Kargopolov,
«ils savent qu’en Russie il est souvent difficile voire impossible de faire valoir ses
droits ».
Aujourd’hui, on sait que les pays signataire de la Convention de 1952 n’ont pas
les mêmes procédures en matière de saisie. Il s’agissait du sujet majeur de la
Conférence qui a eu lieu à Londres le 7 décembre 2000 (Obtaining Security for
Shipping Conference) présidée par un associé du cabinet d’avocats Ince&Co.
Les représentants russes, espagnols, américains, chinois et sud-africains
présentaient leurs rapports sur l’application de la Convention de 1952 sur la
saisie conservatoire de navire. Une des représentants de la délégation russe,
Mme Olga Baglay, avocate chez Watson, Farley & Williams, a notamment
dénoncé les difficultés auxquelles les créanciers se heurtent en pratique pour
saisir un navire dans les ports russes : « The arrest procedures remain vague and fraught
with difficulties. You can’t arrest a vessel quickly in Russia. It normally takes a minimun of
one week. Some courts in Russia have no experience in dealing with maritime claims and will
try anything to reject a claim rather than deal with it. There is in fact no arrest procedure in
Russia, and no clear provisions regarding paperwork. And a lot of time is lost along the way
getting relevant documents translated. St Petersburg is the most difficult jurisdiction, closely
followed by Novorossiysk on the Black Sea, where success depends on you knowing the judges
and the judges knowing you. Vladivostok, however, appears to be moving towards the
principles of the convention which should make it easier in the future.”
68
Kargopolov S.G., Sidoruk A.A. « Trois approches à la saisie conservatoire des navires », revue Juge Russe,
Moscou, Juriste, 2002, N 6, page 19.
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Kargopolov S.G., Sidoruk A.A. « Trois approches à la saisie conservatoire des navires », revue Juge Russe,
Moscou, Juriste, 2002, N 6, page 19.
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arbitrales. Les hauts magistrats se sont référés dans leur analyse aux quatre
décisions des tribunaux arbitraux russes respectueuses de l’esprit de la
Convention de 1952 et du Code maritime de 1999. Les voici.
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convention, mais nul autre navire appartenant au propriétaire ne peut être saisi
en vertu de cette créance maritime. En l’espèce, la demande aux fins de saisie
était en rapport avec le navire en question. Conformément aux dispositions du
contrat de transport passé par le transporteur étranger, ce transporteur était bien
l’affréteur coque-nue, et par conséquent, le transporteur était bien responsable
de la perte de la cargaison conformément à la Convention de 1952.
Dans la deuxième espèce citée par la Cour Arbitrale Suprême, les hauts
magistrats ont affirmé le principe selon lequel la saisie du navire, ou sa détention
quelconque, ne peut être autorisée par le tribunal arbitral que pour garantir la
créance maritime, conformément à l’alinéa 1 de l’article 388 du Code maritime.
Dans cette espèce le demandeur a saisi un tribunal arbitral d’une demande de
mesures conservatoires, conformément aux dispositions du Code de procédure
arbitrale et du Code maritime. Le demandeur a indiqué que le navire en question
a fait l’objet d’une inspection en cale sèche. Au moment de la sortie de la
« forme » 70 le navire a endommagé les installations portuaires. La créance du
demandeur avait pour objet les indemnités dues pour les installations
endommagées, ainsi que le paiement des inspections du navire en cale sèche. En
ce qui concerne le préjudice causé aux installations portuaire, le tribunal a donné
droit au demandeur et a ordonné la saisie du navire en question, conformément
à l’alinéa 2 de l’article 388 du Code maritime qui dispose que le navire ne peut
être saisi que pour une créance maritime. En revanche, s’agissant de la demande
de paiement des frais de cale sèche conformément au contrat entre le demandeur
et le propriétaire du navire, le tribunal a affirmé qu’une telle créance n’était pas
une créance maritime au sens de l’article 389 du Code maritime, qui donne une
liste exhaustive de ces créances. Par conséquent, conformément à l’article 388 du
Code maritime, le navire ne peut être saisi pour garantir une créance « non
maritime » qu’en vertu d’une décision de justice statuant sur fond du litige passée
en force de chose jugée.
70
L’espace en cale-sèche où le navire est réparé.
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Ces nouvelles jurisprudences citées ci-dessus permettent d’espérer que les juges
russes commencent progressivement à se familiariser avec les nouvelles sources
du droit maritime russe et qu’il ne s’agit que d’une question de temps. Nous
verrons.
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ANNEXE I
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Le Nouveau Code de la navigation commerciale de la Fédération de Russie par Dmitri Litvinski,
DMF 2000, page 43.
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ANNEXE II
1. To the immovables (the immovable property, realty) shall be referred the land
plots, the land plots with mineral deposits, the set apart water objects and
72
Les articles traduits du russe par Dmitri Litminski, DMF 2000, pages 143 - 144.
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everything else, which is closely connected with the land, i.e., such objects as
cannot be shifted without causing a substantial damage to their purpose, including
the forests, the perennial greed plantings, the buildings and all kind of structures.
To the immovables shall also be referred the air-borne and sea-going vessels, the
inland navigation ships and the space objects. The law may also refer to the
immovables certain other property.
2. The things, which have not been referred to the immovables, including money
and securities, shall be regarded as the movables. The registration of the rights to
the movables shall not be required, with the exeption of the cases, pointed out in
the law.
1. The right of ownership and the other rights of estate to the immovables, the
restriction of theses rights, their arising, transfer and cessation shall be liable to the
state registration of the United State Register, effected by the institutions of justice.
Subject to the registration shall be : the right of ownership, the right of economic
management, the right of operative management, the right of the inherited life
possession, the right of the permanent use, the mortgage, the servitude, and also
the other rights in the cases stipulated by the present Code and by the other laws.
2. In the law-stipulated cases, alongside the state registration, may be effected the
special registration or the registration of the individual kind of the realty.
3. The body which carries out the state registration of the rights to the realty and
the deals with it, shall be obliged, upon the request of the owner of the rights, to
certify the effected registration by issuing a document on the registered right or
deals, or by making a superscription on the document, presented for registration.
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4. The body which carries out the state registration of the rights to the realty and to
the deals with it, shall be obliged to provide information on the effected
registration and on the registered rights to any person. The information shall be
issued at any body engaged in the registration of the realty, regardless of the place
of registration.
5. The refusal of the state registration of the right to the realty or of the deal with it
or the evasion of the competent body from the registration can be appealed before
the court.
6. The order of the state registration and the grounds for the refusal thereof shall
be established in conformity with the present Code by the Law on the Registration
of the Rights to the Realty and the Deals with it.
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INTRODUCTION……………………………………………………….……p
.4
SECTION I : L’hypothèque
maritime………………………………………..…p.20
Section I : Historique………………………………………..
Section II : La diversité des sources………………………………………….
Section III : La créance maritime
Section IV : Les navires objets de la saisie
Section V : La procédure devant le tribunal saisi
Section VI : Les difficultés pratiques d’application du nouveau régime
juridique de la saisie des navires
Section VII : La fin de l’impasse ?
TABLE DES
ANNEXES…………………………………………………………………p.80
ANNEXES………………………………………………………………………
………..p.81
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………
………..p.122
80
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TABLE DES
MATIERES……………………………………………………………….p.123
81
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages généraux :
Articles :
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Thèses et mémoires :
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