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Oxman Bernard H. Le régime des navires de guerre dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
In: Annuaire français de droit international, volume 28, 1982. pp. 811-850;
doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1982.2519
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1982_num_28_1_2519
INTRODUCTION
Première partie
Elle est tirée de l'art. 8, §2, de la Convention de 1958 sur la haute mer (5).
Comme son prédécesseur, l'art. 29 n'exige pas que le navire soit armé pour être
considéré comme navire de guerre. Le changement le plus important réside dans le
fait qu'un tel navire n'a plus besoin d'appartenir à la « marine de guerre » d'un
Etat, d'être placé sous le commandement d'un officier inscrit sur la « liste des
officiers de la flotte militaire » et de comporter un équipage soumis aux règles de
la discipline en usage dans la « marine militaire » (5 bis). L'emploi du terme
générique « forces armées » est destiné à tenir compte de l'intégration des
différentes branches des forces armées dans divers pays, de l'utilisation de bâtiments de
mer par certaines armées de terre et forces aériennes, ainsi que de l'existence de
gardes-côte en tant qu'unités distinctes des forces armées de certains Etats.
Lorsqu'on apprécie la portée de cette définition, il convient de ne pas perdre
de vue qu'elle ne revêt de l'importance que dans les cas où la Convention fait une
distinction entre règles applicables aux navires de guerre et règles applicables aux
autres navires. Il y a lieu de rappeler que les navires de guerre constituent une
sous-catégorie des navires d'Etat utilisés à des fins non commerciales, qui, à leur
tour, représentent une sous-catégorie des navires en général (6)
Que la définition donnée par l'art. 29 ait un caractère fonctionnel ou non, on
peut en conclure certainement qu'un navire de guerre est vu comme un
instrument politique et militaire de l'Etat. Dans la mesure où la Convention contient
valables pour toute la Convention. Toutefois, cet article contient très peu de définitions, lesquelles ne
proviennent d'ailleurs que des textes de la Ire Commission sur les activités concernant les fonds
océaniques et des textes de la IIIe Commission sur la pollution marine, ainsi que des clauses finales. Les
efforts faits par le Comité de rédaction pour y faire passer d'autres définitions, d'application générale,
n'ont pas abouti.
La règle juridique de base sur l'immunité des navires de guerre figurant à l'art. 8, §1, de la
Convention sur la haute mer se trouve reproduite textuellement dans l'art. 95 de la nouvelle convention.
En fait, il serait anormal de supposer qu'il a été décidé d'exclure, sans raison apparente, la définition
des navires de guerre, contenue dans l'art. 8, § 2, de la Convention sur la haute mer du nouveau régime
de la haute mer et de l'ajouter au régime de la mer territoriale. (De plus, comme la Convention de 1958
sur la haute mer faisait, à l'origine, partie d'un ensemble intégré d'articles portant sur tout le droit de
la mer, tel qu'il avait été élaboré par la Commission internationale du droit en 1956, il y a des raisons
pour supposer que la définition était, dès le début, destinée à s'appliquer à toute la mer, et non à la
seule haute mer.)
(5) Nations Unies, Rec. des Traités, 1958, vol. 450, p. 82.
(5 bis) II est à noter que, contrairement à la version anglaise, la version française tant de la
Convention de 1958 que de celle de 1982 ne parle que de « discipline militaire », sans autre précision.
(6) C'est ainsi, par exemple, que, puisque l'exception de la pollution faite à l'art. 236 s'applique
aux navires de guerre comme aux autres navires appartenant à un Etat ou exploités par lui lorsque
celui-ci les utilise, au moment considéré, exclusivement à des fins de service public non commerciales, la
ligne précise de démarcation entre navires de guerre et autres navires d'Etat non commerciaux ne
présente pas un intérêt particulier pour l'interprétation et l'application dudit article.
La nouvelle convention emploie indifféremment les termes « ship » et « vessel » dans sa version
anglaise, en retenant le premier dans les textes tirés des Conventions de 1958 sur le droit de la mer et le
second dans les textes tirés de diverses conventions sur la pollution marine. La distinction faite dans la
version anglaise n'apparaît pas dans les versions officielles arabe, chinoise, espagnole, française et russe,
encore que le texte russe se serve, lui aussi, de deux mots différents à des endroits où les autres textes,
y compris le texte anglais, ne le font pas. Au sein du Comité de rédaction de la Conférence, il y avait un
accord général pour insérer à l'article 1er une disposition indiquant que les termes « ship » et « vessel » et
les deux termes russes avaient le même sens, mais les difficultés rencontrées pour traduire une telle
disposition dans les langues qui n'employaient pas deux mots différents dans le texte de la Convention et
la contrariété manifestée par certains groupes linguistiques devant l'incapacité des groupes linguistiques
anglais et russe à choisir un seul mot ont conduit à la conclusion qu'il était vraiment inutile d'insister
sur ce point.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 815
des règles juridiques particulières pour les navires de guerre par rapport aux
autres navires, ces règles portent, comme on peut s'y attendre, sur :
- les activités politiques ou militaires d'un Etat visant un autre Etat;
- les actes d'exécution forcée d'un Etat à l'égard des ressortissants d'un
autre Etat; et
- l'immunité de juridiction des instruments politiques et militaires d'un
Etat par rapport à un autre Etat.
La deuxième raison tenant à la structure des textes a une portée un peu plus
large. Lors de la Conférence de 1958, les articles unifiés sur le droit de la mer
furent répartis entre quatre conventions. Parmi celles-ci, deux seulement
présentaient un lien particulier avec le régime des navires de guerre : la Convention sur
la mer territoriale et la Convention sur la haute mer. La Convention de 1982
regroupe l'essentiel du contenu de ces deux conventions dans seulement deux de
ses dix-sept parties et neuf annexes, dont beaucoup intéressent également le
régime des navires de guerre. Par conséquent, le terme « Convention » élimine tout
risque d'ambiguïté.
Une autre différence qui existe entre les deux dispositions réside dans le fait
que l'art. 22 ne mentionne pas les navires de guerre. Bien que logiquement on
puisse affirmer que ces derniers constituent une sous-catégorie de la catégorie des
navires d'Etat utilisés à des fins non commerciales, cet article se trouve dans une
sous-section intitulée « Règles applicables aux navires d'Etat autres que les navires
de guerre » et est suivie d'une sous-section différente qui s'institule « Règle
applicable aux navires de guerre ». La règle contenue dans cette dernière sous-
section, qui est reprise en substance dans l'art. 30 de la nouvelle convention,
dispose que, si un navire de guerre passe outre à une sommation de respecter les
règlements de l'Etat côtier relatifs au passage dans la mer territoriale, cet Etat
peut exiger que le navire quitte la mer territoriale. Le pouvoir d'exiger le départ
de son territoire est, bien entendu, le moyen classique employé par un Etat qui
n'a pas de juridiction en matière de pouvoirs de police à l'égard d'un agent ou d'un
instrument souverain d'un Etat étranger, qu'il s'agisse d'un diplomate ou d'un
navire de guerre.
En comparaison de la retentissante déclaration d'« immunité complète de
juridiction vis-à-vis de tout Etat autre que l'Etat du pavillon » dont jouissent les
navires d'Etat non commerciaux en haute mer en vertu de l'art. 9 de la
Convention sur la haute mer (disposition qui est reprise à l'art. 96 de la Convention de
1982), la formule « aucune disposition des présents articles » semble quelque peu
moins tranchante. La raison en est qu'en 1958 il existait une divergence d'opinion
quant à la portée et aux effets des immunités des navires d'Etat non commerciaux
autres que les navires de guerre lorsqu'ils se trouvent dans la mer territoriale.
L'adjonction des navires de guerre à cette clause dans la Convention de 1982
ne reflète cependant aucune controverse au sujet de la portée ou des effets de
l'immunité des navires de guerre. Elle correspond bien plus à l'opinion générale
que les règles du droit international en matière d'immunité des navires de guerre
et des autres navires d'Etat non commerciaux doivent continuer à s'appliquer.
Cela explique la suppression de la référence peu logique aux « immunités dont
jouissent ces navires en vertu desdits articles » qui figure à l'art. 22 de la
Convention de 1958. Toutefois, cela n'explique pas la suppression de la référence
au droit international.
Du point de vue de l'économie du texte, l'abandon de la référence au droit
international se trouve compensé par le dernier alinéa du préambule de la
Convention de 1982, qui affirme que « les questions qui ne sont pas réglementées
par la Convention continuent d'être régies par les règles et principes du droit
international général ». Il traduit l'allergie générale (bien que non systématique)
aux références au droit international dans la Convention qu'ont manifestée les
représentants des pays en développement qui, pour de tout autres raisons, ont
lutté contre l'introduction de telles références dans la Charte des Nations Unies
sur les droits et les devoirs économiques et dans la Déclaration des Nations Unies
sur les principes régissant les fonds marins au-delà des limites de la juridiction
818 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
ment à des fins de service public non commerciales. Cependant, chaque Etat prend des mesures
appropriées n'affectant pas les opérations ou la capacité opérationnelle des navires ou aéronefs lui
appartenant ou exploités par lui de façon à ce que ceux-ci agissent, autant que faire se peut, d'une
manière compatible avec la Convention.
(13) C'est la raison pour laquelle on avait inséré le prédécesseur de l'art. 236 dans la Convention
de Londres de 1973 sur la pollution marine.
(14) Comme dans le cas de l'art. 29, examiné dans la note 4 supra, on peut soutenir que, puisque
l'art. 236 figure dans la partie XIII de la Convention, il ne s'applique qu'aux dispositions de cette partie.
Sur ce point, il est nécessaire d'examiner de plus près les autres dispositions relatives à la
pollution :
- Parmi les régimes géographiques applicables au-delà de la mer territoriale qui contiennent des
dispositions antipollution, ceux de l'art. 56 de la partie V, relative à la zone économique exclusive, ne
font que renvoyer à la partie XII, et ceux de la partie XI et des annexes qui s'y rapportent, relatives aux
activités concernant les fonds marins, visent, par définition, les seules activités d'exploration et
d'exploitation des ressources minérales de la zone, activités qui ne concernent pas les navires de guerre.
- Dans la mesure où il s'agit du passage inoffensif dans la mer territoriale, le long passage
consacré à cette question dans la partie XII, art. 211, §4, et art. 220, §2, la référence expresse à la
partie II de la Convention à l'art. 211, § 4, et la référence inverse de la partie II à la partie XII contenue
dans l'art. 19, §2, lettre h), et dans le chapeau de l'art. 21, § 1, rendraient extrêmement difficile toute
tentative de ramener les effets de l'art. 236 aux seules dispositions de la partie XII.
- Le droit de passage en transit dans les détroits et le droit de passage archipélagique sont plus
libéraux que le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale, mais plus limités que la pleine liberté
de navigation valable au-delà de la mer territoriale. Il serait malaisé d'argumenter que l'art. 236
s'appliquerait à la fois à la liberté de navigation et au droit de passage inoffensif, mais ne s'appliquerait
pas au passage en transit et au passage archipélagique.
De même que la Convention ne comporte pas d'article général pour toutes les définitions
d'application générale, de même elle ne contient pas de chapitre général unique réunissant toutes les dispositions
applicables à l'ensemble de la Convention. La brève partie XVI sur les dispositions générales regroupe
seulement quelques éléments laissés pour une large part par les négociations de la IIe Commission, que
l'on a mis dans une nouvelle partie afin de ne pas rouvrir des débats sur le fond au sein de ladite
commission. A vrai dire, la partie XII constitue elle-même un chapitre de portée générale applicable à
l'ensemble de la Convention dans le domaine de la protection et de la préservation du milieu marin.
820 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
Par conséquent, on serait peu fondé, si tant est qu'on le soit, à soutenir que l'art. 236 signifie
autre chose que ce qu'il affirme expressément, c'est-à-dire qu'il s'applique à la Convention tout entière
et, partant, à tous les règlements internationaux et nationaux en matière d'environnement qui y sont visés.
Quant à savoir si des entités non parties à la Convention peuvent invoquer une telle exclusion en tant
que règle du droit international coutumier, ce n'est pas le lieu, ici, d'en débattre.
(15) Convention, art. 282, 286.
(16) Convention, art. 298, §1, b).
(17) Ibid.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 821
Deuxième partie
1. La haute mer
(25) Convention, art. 110. On peut soutenir que cette extension constitue une rectification
technique, conforme à celle qui a été faite de manière semblable dans le domaine de la piraterie à l'art. 21 et
à l'art. 23, §4, de la Convention de 1958 sur la haute mer. Ces extensions apparaissent sans doute
inutiles au vu des modifications apportées à la définition de navires de guerre dans la Convention de
1982. Il est possible que l'on soit amené à regretter leur rédaction peu précise si - comme le donnent à
entendre certains experts britanniques - les Etats commencent à déléguer de tels pouvoirs de police à
des personnes privées sur les plates-formes de forage de pétrole. Les armées privées ont disparu (ou
auraient dû disparaître) avec le féodalisme ; la « guerre de course » en mer a disparu (ou aurait dû
disparaître) avec le système mercantile.
(26) L'art. 110, S 1. de la Convention est ainsi libellé :
Droit de visite
1. Sauf dans les cas où l'intervention procède de pouvoirs conférés par traité, un navire de guerre
qui croise en haute mer un navire étranger, autre qu'un navire joussant de l'immunité prévue aux
art. 95 et 96, ne peut l'arraisonner que s'il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire :
a) se livre à la piraterie;
bj se livre au transport d'esclaves;
c) sert à des émissions non autorisées, l'Etat du pavillon du navire de guerre ayant juridiction en
vertu de l'art. 109;
d) est sans nationalité; ou
e) a en réalité la même nationalité que le navire de guerre, bien qu'il batte pavillon étranger ou
refuse d'arborer son pavillon.
(27) Un autre changement plus technique a consisté à remplacer la formule « un navire de
commerce étranger » par « un navire étranger, autre qu'un navire jouissant de l'immunité prévue aux
art. 95 et 96 ». On pourrait également faire remarquer que la nouvelle convention emploie, en anglais, le
pronom personnel neutre * it »(il), au lieu du féminin « she »(elle) employé traditionnellement, lorsqu'elle
parle d'un navire. Les délégués féminins de divers pays anglophones ont appuyé ce changement. La
délégation britannique, représentant un chef d'Etat féminin et un chef de gouvernement également
féminin, n'a pas pris position à ce sujet.
(28) Convention, art. 109. L'importance principale de cet amendement demandé par les Etats
membres de la C.E.E. réside dans son insertion, sous forme de référence, dans le régime de la zone
économique (art. 58, §2, de la Convention). On peut soutenir que, dans cette zone, son extension aux
installations n'est pas nécessaire en raison de la juridiction exclusive de l'Etat côtier sur les installations
et ouvrages utilisés à des fins économiques et que, dans une certaine mesure, elle est restreinte par cette
juridiction (art. 60, § 1, b), de la Convention).
(29) Ibid. Les émissions ne sont pas autorisées si elles sont diffusées « à l'intention du grand
public... en violation des règlements internationaux » (à l'exclusion des appels de détresse).
(30) Ibid. Convention, art. 105, 107.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 825
La nouvelle convention prévoit que la haute mer « est affectée à des fins
pacifiques » (34). Cette disposition s'applique aussi à la zone économique (35). On a
beaucoup écrit sur le sens qu'il faut donner au terme « fins pacifiques », tel qu'il
est employé dans divers instruments internationaux. L'analyse de cette notion
dépasse le cadre de la présente étude. Néanmoins, il est opportun de faire quelques
observations à ce sujet.
Des dispositions analogues ont été introduites antérieurement dans le Traité
de l'Antarctique (36), dans le Traité sur l'espace extra-atmosphérique (37) et dans
(31) Convention, art. 100.
(32) Convention, art. 108.
(33) Convention, art. 92.
134) Convention, art. 88.
135) Convention, art. 58, §2.
36) Nations Unies, Rec. des Traités, 1959, vol. 402, p. 71, art. 1er.
(37) Nations Unies, Rec. des Traités, 1967, vol. 610, p. 205, art. 4.
826 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
la Déclaration de l'Assemblée des Nations Unies sur les fonds marins situés au-
delà des limites de la juridiction nationale (38). Dans les Traités de l'Antarctique
et sur l'espace extra-atmosphérique, la formule « fins pacifiques » est
immédiatement suivie d'interdictions spécifiques concernant les fortifications militaires, les
manœuvres militaires et les essais d'armes. Dans la Déclaration sur les principes
régissant les fonds marins au-delà des limites de la juridiction nationale, on a
envisagé la négociation d'interdictions militaires spécifiques dans le cadre des
négociations sur le contrôle des armements. Cette négociation a eu lieu et abouti à
faire proscrire dans le Traité l'installation d'armes nucléaires et d'autres armes de
destruction massive sur le fond de la mer (39).
Cet historique semblerait indiquer qu'une clause de « fins pacifiques » ne
renferme pas, en elle-même et par elle-même, une règle portant sur le contrôle des
armements (40). D'ailleurs, le préambule de la Convention sur le droit de la mer ne
contient rien qui précise que le contrôle des armements constitue l'un de ses
objectifs (4l). A cet égard, son but diffère considérablement de ceux des Traités de
l'Antactique et sur l'espace extra-atmosphérique.
On peut supposer qu'il y a accord général pour estimer que la clause des « fins
pacifiques », si elle a un contenu juridique, interdit les activités militaires non
compatibles avec la Charte des Nations Unies. Il ne peut certainement pas y avoir
de désaccord sur la conséquence qui en résulte, à savoir que les activités militaires
qui sont compatibles avec la Charte - telles que l'exercice du droit de légitime
défense ou l'exécution des mesures coercitives du Conseil de sécurité - ne sont
pas prohibées. La question qui se pose est de savoir si cette conséquence est la
seule qu'on puisse en tirer, notamment au vu de l'interdiction générale faite par
la Convention de tout emploi de la force contraire à la Charte des Nations Unies.
Plus précisément, la question est celle-ci : si la clause des « fins pacifiques » a un
contenu juridique allant au-delà d'une interdiction des activités militaires non
compatibles avec la Charte des Nations Unies, mais ne représente pas une mesure
spécifique de contrôle des armements en tant que telle, existe-t-il d'autres
possibilités ?
L'ampleur et la complexité de la Convention sur le droit de la mer prouvent
intrinsèquement qu'une référence, en une seule phrase, aux fins pacifiques,
applicable à la fois par l'Etat côtier et par les grandes puissances et à la zone
économique exclusive comme à la haute mer située au-delà de celle-ci, et donc à
tous les usagers de toutes les mers et de tous les océans au large de la mer
territoriale, n'était pas destinée à imposer de nouvelles contraintes juridiques, aux
activités militaires s' exerçant en mer. L'histoire de l'utilisation militaire des mers
se compte en millénaires. Comme en témoignent les Traités de l'Antarctique et
sur l'espace extra-atmosphérique, l'introduction de limitations juridiques dans le
domaine des activités militaires, même pour des régions où ne se sont pas
déroulées d'importantes activités de cette nature, exige plus de détails qu'une
simple phrase. S'il est une chose qui ressort clairement des délibérations de la
Conférence, c'est que l'un des mobiles fondamentaux qui animaient les principales
Puissances maritimes lors de la négociation d'une nouvelle convention sur le droit
de la mer consistait à protéger dans toute la mesure du possible la liberté de
mener des activités militaires en mer. Il est peu probable qu'elles en eussent
accepté une limitation vague et de portée indéterminée sans négociations
approfondies et sans de multiples détails.
Il va sans dire que toute clause de « fins pacifiques » contenue dans un
instrument juridique peut avoir une signification juridique variable, liée au
contexte de ce dernier. Dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer, si le
sens de cette clause va réellement au-delà d'une simple injonction de respecter les
interdictions faites par la Charte des Nations Unies relativement à la conduite
d'activités militaires en mer, il peut tout au plus être considéré comme équivalant
à un vœu, à un objectif de principe devant guider les Etats lors de négociations
futures sur le contrôle des armements, menées dans les enceintes et dans un
contexte appropriés (42).
Aux yeux de' certains, cette interprétation de la clause des « fins pacifiques »
peut apparaître comme la révélation inconvenante que les mots n'ont guère de
substance, si tant est qu'ils en aient. Ce serait comme si l'on mettait en doute les
(42) Ceux qui préfèrent s'en tenir davantage aux nuances linguistiques faites dans le texte
constateront que l'art. 88 déclare que la haute mer « est affectée à des fins pacifiques », sans employer le
mot « seulement » ou « exclusivement ». Ils compareront ce langage avec celui de l'art. 141 de la
Convention sur le droit de la mer, aux termes duquel la Zone internationale des fonds marins est ouverte
à « l'utilisation à des fins exclusivement pacifiques », avec celui de l'art. 1er du Traité de l'Antarctique,
selon lequel l'Antarctique est utilisé seulement à des fins pacifiques, et avec celui de l'art. 4 du Traité
sur l'espace extra- atmosphérique, qui dispose que la Lune et les autres corps célestes sont utilisés à des
fins exclusivement pacifiques.
Une difficulté pratique que présente cette approche linguistique est que celle-ci exigerait
d'attribuer des effets juridiques plus stricts à l'imposition des « fins pacifiques » dans le cadre de la Zone
internationale les fonds marins, sans qu'il y ait des éléments de preuve intrinsèques ou extrinsèques
pour étayer cette disctinction ou fournir une indication sur sa nature. Les articles sur la haute mer et
ceux relatifs à la Zone internationale des fonds marins ont été élaborés dans des commissions distinctes,
suivies en général par des personnes différentes même dans le cas des petites délégations. Le Comité de
rédaction de la Conférence était pressé par des délais rigoureux et n'a pu harmoniser les textes qu'en
l'absence d'objection. Toute harmonisation de textes émanant de deux commissions différentes obligeait
les délégués siégeant au Comité de rédaction à obtenir au préalable l'accord de leurs représentants
nationaux auprès des deux commissions, ce qui soulevait assez souvent des problèmes logistiques de
même que des problèmes politiques et des problèmes de personnes. Beaucoup a été fait, mais il est vrai
aussi que beaucoup n'a pu être fait.
828 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
La Zone internationale des fonds marins est définie comme constituée par
« les fonds marins et leur sous- sol au-delà des limites de la juridiction
nationale (43). Hormis le cas inhabituel des rochers inhabitables et tout à fait
isolés (44), elle se compose, en fait, des fonds marins situés au large de la limite du
plateau continental de l'Etat côtier, telle qu'elle est définie dans la Convention;
cette limite est représentée soit par une ligne qui se trouve à une distance de
200 milles marins des lignes de base de la côte, soit par le rebord externe de la
marge continentale, la délimitation retenue étant celle qui se situe le plus au
large (45). L'ensemble de la Zone internationale des fonds marins se trouve donc
sous les eaux extérieures de la haute mer.
Pratiquement toutes les dispositions relatives à la Zone internationale ont
trait aux « activités menées dans la Zone ». Cette expression vise « toutes les
activités d'exploration et d'exploitation des ressources de la Zone » (46). Par
conséquent, elles ne présentent, pour l'essentiel, aucun rapport avec le régime des
navires de guerre, si ce n'est qu'aux termes de l'art. 87 et de l'art. 147, §3, qui
s'y rattache, l'exercice des libertés de la haute mer doit s'effectuer en tenant
dûment compte des droits concernant les activités menées dans la Zone.
L'art. 87 mentionne expressément des libertés de la haute mer qui impliquent
l'utilisation des fonds marins, telles que la pose de câbles et de pipe-lines ou la
construction d'îles artificielles et d'installations, et sous-entend d'autres
utilisations analogues (par exemple, ancrage). La question peut donc se poser de savoir
si, mises à part celles qui traitent de l'exploration et de l'exploitation des
ressources minérales, les dispositions portant sur la Zone internationale des fonds
marins sont incompatibles avec le régime de la haute mer ou, plus précisément,
avec l'exercice des libertés de la haute mer par les navires de guerre. Les
dispositions de base concernant ladite zone qui ne se limitent pas expressément à
la question de l'exploration et de l'exploitation des ressources minérales sont
l'art. 136, l'art. 137, §1, et les art. 138 et 141 (47).
(43) Convention, art.
1er.
(44) Convention, art.
121.
(45) Convention, art.
76.
(46) Convention, art.
1er.
(47) L'art. 136, l'art.
137, S 1. et les arts. 148 et 141 de la Convention sont ainsi libellés:
Article 136
Patrimoine commun de l'humanité
La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l'humanité.
Article 137
Régime juridique de la Zone et de ses ressources
1. Aucun Etat ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur une
partie quelconque de la Zone ou de ses ressources ; aucun Etat aucune personne physique ou morale ne
peut s'approprier une partie quelconque de la Zone ou de ses ressources. Aucune revendication, aucun
exercice de souveraineté de droits souverains ni aucun acte d'appropriation n'est reconnu.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 829
D'autre part, un article sur la recherche scientifique marine dispose que « les
Etats Parties peuvent effectuer des recherches scientifiques marines dans la
Zone », contient sa propre clause des « fins pacifiques » et demande que l'on
favorise la coopération internationale en matière de recherche scientifique
marine (48). Cette disposition n'est qu'un sommaire des règles générales de la
Partie XIII sur la recherche scientifique en général.
La clause de l'art. 141 déclarant la Zone « ouverte à l'utilisation » est à mettre
en parallèle avec l'affirmation contenue dans l'art. 87 selon laquelle la haute mer
est ouverte à tous les Etats. De même, la clause des « fins pacifiques » de l'art. 141
trouve un parallèle dans l'art. 88, aux termes duquel la haute mer est affectée à
des fins pacifiques, disposition que nous avons déjà examinée. L'art. 137 est le
pendant, plus approfondi, de l'interdiction de toute revendication de souveraineté
sur la haute mer faite à l'art. 89.
Il ne reste ainsi que le principe du « patrimoine commun » énoncé à l'art. 136.
La question la plus épineuse que soulève ce principe est le point de savoir si les
activités expressément réglementées par les dispositions de la Convention relatives
à la Zone internationale des fonds marins - et en particulier les activités qui
requièrent l'autorisation de l'Autorité internationale des fonds marins - peuvent
être exercées en dehors du système institué par la Convention ou d'une manière
non compatible avec lui. Etant donné que lesdites dispositions ne contiennent
aucune réglementation ni aucune limitation précise des activités des navires de
guerre ou d'autres activités militaires, en dehors de celles qui s'appliquent en tout
état de cause en vertu du régime de la haute mer, la solution de cette question n'a
aucun rapport avec les sujets considérés dans la présente étude (49).
En conséquence, les dispositions relatives à la Zone internationale des fonds
marins ne semblent en rien incompatibles avec l'exercice des libertés de la haute
mer par les navires de guerre.
Article 138
Conduite générale des Etats concernant la Zone
Dans leur conduite générale concernant la Zone, les Etats se conforment à présente partie, aux
principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et aux autres règles du droit international, avec le
souci de maintenir la paix et la sécurité et de promouvoir la coopération internationale et la
compréhension mutuelle.
Article 141
Utilisation de la Zone à des fins exclusivement pacifiques
La Zone est ouverte à l'utilisation à des fins exclusivement pacfiques par tous les Etats, qu'il
s'agisse d'Etats côtiers ou sans littoral, sans discrimination et sans préjudice des autres dispositions de
la présente partie.
(48) Convention, art. 143. Les problèmes qui se posent sont examinés ailleurs à propos de la clause
des « fins pacifiques » relative à la haute mer (voir supra) et de la recherche scientifique marine dans la
zone économique exclusive (voir infra).
(49) La question se poserait bien sûr si un navire de guerre se livrait à l'exploration et
l'exploitation de ressources minérales.
(49 bis) Voir page 830.
830 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
(49 bis) Les art. 55, 56, 57, 58 et 59 de la partie V et l'art. 86 de la partie VI de la Convention sont
ainsi libellés :
Partie V
ZONE ÉCONOMIQUE EXCLUSIVE
Article 55
Régime juridique particulier de la zone économique exclusive
La zone économique exclusive est une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci,
soumise au régime juridique particulier établi par la présente partie, en vertu duquel les droits et la
juridiction de l'Etat côtier et les droits et libertés des autres Etats sont gouvernés par les dispositions
pertinentes de la Convention.
Article 56
Droits, juridiction et obligations de l'Etat côtier
dans la zone économique exclusive
1. Dans la zone économique exclusive, l'Etat côtier a :
a) des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des
ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds
marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à
l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des
courants et des vents;
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, en ce qui concerne :
la mise en place et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages;
la recherche scientifique marine;
la protection et la préservation du milieu marin;
c) les autres droits et obligations prévus par la Convention.
2. Lorsque, dans la zone économique exclusive, il exerce ses droits et s'acquitte de ses obligations
en vertu de la Convention, l'Etat côtier tient dûment compte des droits et des obligations des autres
Etats et agit d'une manière compatible avec la Convention.
3. Les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol énoncés dans le présent article s'exercent
conformément à la partie VI.
Article 57
Largeur de la zone économique exclusive
La zone économique exclusive ne s'étend pas au-delà de 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale.
Article 58
Droits et obligations des autres Etats dans la zone
économique exclusive
1. Dans la zone économique exclusive, tous les Etats, qu'ils soient côtiers ou sans littoral,
jouissent, dans les conditions prévues par les dispositions pertinentes de la Convention, des libertés de
navigation et de survol et de la liberté de poser des câbles et pipelines sous-marins visées à l'art. 87,
ainsi que de la liberté d'utiliser la mer à d'autres fins internationalement licites liées à l'exercice de ces
libertés et compatibles avec les autres dispositions de la Convention, notamment dans le cadre de
l'exploitation des navires, d'aéronefs et de câbles et pipelines sous-marins.
2. Les art. 88 à 115, ainsi que les autres règles pertinentes du droit international, s'appliquent à
la zone économique exclusive dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la présente partie.
3. Lorsque, dans la zone économique exclusive, ils exercent leurs droits et s'acquittent de leurs
obligations en vertu de la Convention, les Etats tiennent dûment compte des droits et des obligations de
l'Etat côtier et respectent les lois et règlements adoptés par celui-ci conformément aux dispositions de la
Convention et, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la présente partie, aux autres
règles du droit international.
Article 59
Base de règlement des conflits dans le cas où la Convention n'attribue
ni droits ni juridiction à l'intérieur de la zone économique exclusive
Dans les cas où la Convention n'attribue de droits ou de juridiction, à l'intérieur de la zone
économique exclusive, ni à l'Etat côtier ni à d'autres Etats et où il y a conflit entre les intérêts de l'Etat
côtier et ceux d'un ou de plusieurs autres Etats, ce conflit devrait être résolu sur la base de l'équité et
eu égard à toutes les circonstances pertinentes, compte tenu de l'importance que les intérêts en cause
présentent pour les différentes parties et pour la communauté internationale dans son ensemble.
Partie VI
HAUTE MER
Article 86
Champ d'application de la présente partie
La présente partie s'applique à toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone
économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux intérieures d'un Etat, ni dans les eaux archipéla-
giques d'un Etat archipel. Le présent article ne restreint en aucune manière les libertés dont jouissent
tous les Etats dans la zone économique exclusive en vertu de l'art. 58.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 831
L'art. 58, § 1, incorpore les libetés de la haute mer « visées à l'art. 87 » dans
le régime de la zone économique exclusive, avec cependant une différence
importante : il contient sa propre liste des libertés de la haute mer valables dans la zone
économique, et cette liste n'a pas le caractère exemplatif exprimé par le mot
« notamment ». Tout en ne comportant pas les références de l'art. 87 à la liberté
de la pêche, à la liberté de la recherche scientifique et à la liberté de construire des
îles artificielles et des installations, il reprend les références de ce dernier article
aux libertés de navigation et de survol et à la liberté de poser des câbles et des
pipelines sous-marins et il ajoute une référence à « d'autres fins
internationalement licites liées à l'exercice de ces libertés et compatibles avec les autres
dispositions de la Convention, notamment dans le cadre de l'exploitation des (sic)
navires, d'aéronefs et de câbles et pipelines sous-marins ». Dans la mesure où il
s'agit des navires de guerre, cette clause nouvelle équivaut, en fait, à la formule
« notamment » de l'art. 87.
en est de même dans la zone économique exclusive (50), avec en outre l'obligation
zone.
de « tenir dûment compte des droits et des obligations de l'Etat côtier » dans cette
Ce serait un exercice plutôt futile que de méditer sur le point de savoir si les
manœuvres et exercices navals sont autorisés à l'intérieur de la zone des 200
milles. En principe, ils le sont. Les Etats n'ont tout simplement jamais accepté de
renoncer à ces droits dans toutes les mers semi-fermées du globe, notamment dans
toutes celles qui bordent l'Europe et l'Arabie, par exemple. Ce qu'il convient de se
demander, c'est si une activité donnée, s'exerçant dans un lieu donné, est
compatible avec l'obligation de « tenir dûment compte ». Par exemple, on pourrait
difficilement faire admettre un exercice militaire qui cause un dommage considérable à
une importante ressource naturelle que l'Etat côtier est en train d'exploiter dans
la zone économique. Cependant les intérêts purement politiques ou militaires
tendant à éviter la présence d'un navire de guerre dans la région ne relèvent pas
des droits de l'Etat côtier dans sa zone économique, tels que prévus par l'article
56, et donc ne sont pas l'objet de l'obligation de tenir « dûment compte » de ces
droits.
La nature « hauturière » des droits et obligations que les navires de guerre ont
dans la zone économique se trouve fortement consolidée par les dispositions du § 2
de l'art. 58. Celui-ci incorpore toutes les dispositions du régime de la haute mer
dans le régime de la zone économique, à l'exception de l'énumération des libertés
figurant à l'art. 87 (puisque l'art. 58, §1, contient sa propre enumeration) et des
dispositions relatives à la pêche (puisqu'en principe il n'y a pas de liberté de la
pêche dans la zone économique exclusive). En particulier, il apparaît que les règles
de l'art. 95 sur l'immunité complète de juridiction des navires de guerre vis-à-vis
de tout autre Etat, les règles relatives à l'obligation de prêter assistance, les règles
interdisant le transport d'esclaves et les règles concernant la nationalité des
navires, la piraterie et le droit de visite ne contiennent rien qui soit «
incompatible » avec les dispositions de la partie V, portant sur la zone économique exclusive.
La poursuite d'un navire commencée licitement ailleurs peut être continuée à
travers la zone économique exclusive d'un Etat étranger jusqu'à la limite
extérieure de sa mer territoriale.
Aux termes de l'art. 58, § 3, les Etats, lorsqu'ils exercent leurs droits et
s'acquittent de leurs obligations dans la zone économique exclusive, sont tenus de
respecter les lois et règlements adoptés par l'Etat côtier conformément aux
dispositions de la Convention et aux règles compatibles du droit international.
L'art. 17 de la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë constitue le
précédent de cette disposition. Il vise une situation où le droit ou la liberté de se
livrer à une activité est soumis à un certain degré de réglementation par l'Etat
côtier.
Dans la zone économique exclusive, cette situation peut se présenter à un
double point de vue. D'abord, et c'est le cas le plus important, l'Etat côtier
possède, l'égard des navires exerçant la liberté de navigation dans la zone
économique exclusive, le droit de prendre certaines mesures de mise en application des
règlements internationalement approuvés concernant les rejets de polluants dans
(50) Par suite d'un problème technique lié aux dispositions de renvoi de l'art. 58, §2, la règle de
l'art. 87, § 2, qui prévoit que chaque Etat exerce les libertés de la haute mer en tenant dûment compte
de l'intérêt que présente l'exercice de ces libertés pour les autres Etats n'est pas incorporée
expressément dans le régime de la zone économique par l'art. 58, §2. Toutefois, l'art. 58, § 1, emploie la formule
générale « les libertés... visées à l'art. 87 ». Puisque cette référence est faite à l'ensemble de l'art. 87, elle
peut, et bien entendu devrait, être comprise comme englobant la limitation de base de ces libertés
énoncée au § 2 de cet article.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 833
ladite zone, ainsi que de ses propres règlements relatifs aux immersions de déchets
dans celle-ci (5l). En second lieu, ainsi qu'il ressort de l'art. 79, applicable en fait
à l'ensemble des fonds marins situés dans la zone économique exclusive,
l'obligation de l'Etat côtier de ne pas entraver la pose ou l'entretien de câbles et de
pipelines sous-marins sur le plateau continental s'entend sous réserve de son droit
de prendre des mesures raisonnables pour l'exploration des fonds marins,
l'exploitation de leurs ressources naturelles et la prévention, la réduction et la maîtrise
de la pollution par les pipelines. En outre, la délimitation du tracé pour la pose de
pipelines sur le fond est soumise au consentement de l'Etat côtier (52). Aucune de
ces deux séries de dispositions ne semble se rapporter particulièrement aux
activités des navires de guerre. Ainsi, la clause des « lois et règlements » de
l'art. 58, § 3, ne doit pas retenir davantage notre attention aux fins de la présente
étude.
En principe, le droit d'autoriser la conduite d'une activité dans la zone
économique est attribué :
a à l'Etat côtier en vertu de l'art. 56 et des articles qui y sont visés;
b à tous les Etats en vertu de l'art. 58 et des articles qui y sont visés; ou
c ni à l'un ni aux autres.
Ces catégories s'excluent mutuellement. S'il apparaît qu'une activité est
susceptible de relever à la fois des art. 56 et 58, c'est au juriste qu'il revient de
décider lequel s'applique correctement. En revanche, s'il y a lieu de supposer
qu'une activité ne tombe dans le champ d'application ni de l'un ni de l'autre, alors
la question est à régler en fonction de la disposition de l'art. 59 sur les « droits
résiduels ».
Il est peu probable que le genre d'activités dont s'occupe la présente étude
soulève des problèmes au sujet de l'applicabilité des droits souverains de l'Etat
côtier sur les ressources naturelles ou à l'égard d'autres activités tendant à
l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques. Toute entrave
de l'exercice de ces droits soulève la question de l'obligation de l'Etat du pavillon
de « tenir dûment compte », et non celle des droits de réglementation que possède
l'Etat côtier (sauf dans le cas particulier des installations, qui va être examiné ci-
après).
(51) Convention, art. 210, art. 211, §5 et 6, art. 216 et art. 220, §3 à 7. En outre, dans les zones
recouvertes par les glaces, l'Etat côtier peut adopter et faire appliquer ses propres lois et règlements
pour prévenir la pollution par les navires (art. 234).
(52) D'aucuns pourraient faire valoir qu'il existe une troisième catégorie, à savoir l'exercice d'une
autorité réglementaire raisonnable visant à faire en sorte que les navires exerçant la liberté de
navigation ne se livrent pas à des activités qui nécessitent le consentement de l'Etat côtier, en
particulier la pêche. Par exemple, l'Etat côtier peut-il exiger des bateaux de pêche exerçant la liberté de
navigation dans la zone économique qu'ils arriment leurs engins de pêche de la même manière que les
bateaux de pêche exerçant le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale ? L'art. 58, §3, ne
constitue pas la base pour l'analyse de cette question. Il n'y a pas de pouvoir général de réglementation
de la navigation en vue de faciliter le respect des droits de l'Etat côtier sur d'autres activités.
L'analyse de cette question doit s'appuyer sur le droit de l'Etat côtier de faire respecter ses droits
souverains exclusifs sur l'exploitation des ressources naturelles. Dans l'exercice de ces droits, l'Etat
côtier peut raisonnablement indiquer que le fait pour un bateau de pêche naviguant dans la zone de ne
pas se conformer aux pratiques courantes et de ne pas arrimer ses engins de pêche selon des méthodes
usuelles relativement simples fera présumer qu'une enquête plus poussée sur d'éventuelles infractions
en matière de pêche mérite d'être effectuée.
Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les navires qui veulent se livrer à la pêche dans la zone
économique de cet Etat côtier (ou, probablement, de la Communauté dans le cas de l'Europe occidentale)
peuvent se voir imposer à ce titre des conditions d'arrimage d'engins de pêche et d'autres conditions
destinées à faciliter l'application des règlements dudit Etat en matière de pêche.
834 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
On trouve les autres droits de l'Etat côtier non pas dans l'art. 56 lui-même,
mais dans les articles auxquels renvoient les lettres b) et c) de son § 1 . Comme on
l'a déjà fait remarquer, la juridiction en matière de protection et de préservation
du milieu marin ne présente pas un intérêt direct pour la présente étude.
Dans ce dernier cas, il mérite tout particulièrement d'être noté que l'art. 260,
relatif aux zones de sécurité établies autour des installations de recherche
scientifique marine, qui traite d'une question semblable à celle réglée à l'art. 60, S 5, est
le seul article de la série traitant de ce sujet à mentionner uniquement les
« installations » et non le « matériel ».
Par rapport à la seconde question, il est clair que l'art. 60, § 1, lettre b), ne
vise pas les types d'activités dont s'occupe la présente étude (sous réserve de
l'examen des aspects liés à la recherche scientifique marine). Par conséquent, si un
objet est considéré à juste titre comme une « installation » ou un « ouvrage », le
point de savoir s'il est soumis aux droits exclusifs de l'Etat côtier dépend
normalement avant tout de ce qu'il relève ou non de l'art. 60, § 1, lettrée).
Le problème est de déterminer si l'installation ou l'ouvrage peut « entraver
l'exercice des droits de l'Etat côtier dans la zone ». Comme l'indique la règle
générale de la bonne foi stipulée par l'art. 300, les cas d'entrave potentielle
doivent être résolus de bonne foi à la lumière des circonstances particulières. On a
fait observer que, en l'absence d'un quelconque préjudice de grande portée
affectant les ressources naturelles, les installations et ouvrages qui, à un moment
donné, échappent à la connaissance de l'Etat côtier et de ses ressortissants ne
pourraient en bonne logique être considérés, à ce moment-là, comme une entrave à
l'exercice des droits de l'Etat côtier dans la zone (54).
4. Aux fins de l'application du § 3, les circonstances peuvent être considérées comme normales
même en l'absence de relations diplomatiques entre l'Etat côtier et l'Etat qui se propose d'effectuer des
recherches.
5. Les Etats côtiers peuvent cependant, à leur discrétion, refuser leur consentement à l'exécution
d'un projet de recherche scientifique marine par un autre Etat ou par une organisation internationale
compétence dans leur zone économique exclusive ou sur leur plateau continental dans les cas suivants :
a) si le projet a une incidence directe sur l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles,
biologiques ou non biologiques;
b) si le projet prévoit des forages dans le plateau continental, l'utilisation d'explosifs ou
l'introduction de substances nocives dans le milieu marin;
c) si le projet prévoit la construction, l'exploitation ou l'utilisation des îles artificielles,
installations et ouvrages visés aux art. 60 et 80 ;
d) si les renseignements communiqués quant à la nature et aux objectifs du projet en vertu de
l'art. 248 sont inexactes ou si l'Etat ou l'organisation internationale compétente auteur du projet ne
s'est pas acquitté d'obligations contractées vis-à-vis de l'Etat côtier concerné au titre d'un projet de
recherche antérieur.
Article 248
Obligation de fournir des renseignements à l'Etat côtier
Les Etats et les organisations internationales compétentes qui ont l'intention d'entreprendre des
recherches scientifiques marines dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental d'un
Etat côtier fournissent à ce dernier, six mois au plus tard avant la date prévue pour le début du projet
de recherche scientifique marine, un descriptif complet indiquant :
a) la nature et les objectifs du projet;
b) la méthode et les moyens qui seront utilisés, en précisant le nom, le tonnage, le type et la
catégorie des navires, et un descriptif du matériel scientifique ;
c) les zones géographiques précises où le projet sera exécuté;
d) les dates prévues de la première arrivée et du dernier départ des navire de recherche ou celles
de l'installation et du retrait du matériel de recherche, selon le cas;
e) le nom de l'institution qui patronne le projet de recherche, du Directeur de cette institution et
du responsable du projet;
f) la mesure dans laquelle on estime que l'Etat côtier peut participer au projet ou se faire
représenter.
Article 249
Obligation de satisfaire à certaines conditions
1. Les Etats et les organisations internationales compétentes qui effectuent des recherches
scientifiques marines dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental d'un Etat côtier doivent
satisfaire aux conditions suivantes :
a) garantir à l'Etat côtier, si celui-ci le désire, le droit de participer au projet de recherche
scientifique marine ou de se faire représenter, en particulier, lorsque cela est possible, à bord des
navires et autres embarcations de recherche ou sur les installations de recherche scientifique, mais sans
qu'il y ait paiement d'aucune rémunération aux chercheurs de cet Etat et sans que ce dernier soit obligé
de participer aux frais du projet;
b) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, des rapports préliminaires, aussitôt que possible, ainsi
que les résultats et conclusions finales, une fois les recherches terminées;
c) s'engager à donner à l'Etat côtier, sur sa demande, accès à tous les échantillons et données
obtenus dans le cadre du projet de recherche scientifique marine, ainsi qu'à lui fournir des données
pouvant être reproduites et des échantillons pouvant être fractionnés sans que cela nuise à leur valeur
scientifique ;
d) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, une évaluation de ces données, échantillons et résultats
de recherche, ou l'aider à les évaluer ou à les interpréter;
e) faire en sorte, sous réserve du §2, que les résultats des recherches soient rendus disponibles
aussitôt que possible sur le plan international par les voies nationales ou internationales appropriées;
f) informer immédiatement l'Etat côtier de toute modification majeure apportée au projet de
recherche ;
g) enlever les installations ou le matériel de recherche scientifique, une fois les recherches
terminées, à moins qu'il n'en soit convenu autrement.
Article 258
Mise en place et utilisation
La mise en place et l'utilisation d'installations ou de matériel de recherche scientifique de tout
type dans une zone quelconque du milieu marin sont subordonnées aux mêmes conditions que celles
prévues par la Convention pour la conduite de la recherche scientifique marine dans la zone considérée.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 837
(55) Si ces activités impliquent plus qu'une simple observation, des questions peuvent se poser au
sujet de l'obligation de tenir dûment compte de l'intérêt que présente l'exercice des libertés et des droits
de la haute mer pour les autres Etats, ou même au sujet de l'obligation de respecter la souveraineté
territoriale d'un Etat étranger à terre. De telles questions ne rentrent pas dans le cadre de la présente
étude.
838 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
Dans ce qui précède, nous avons examiné les catégories générales d'activités
(c'est-à-dire la mise en place d'objets, le collecte de renseignements) qui relèvent à
la fois de l'art. 56 et de l'art. 58, situation qui oblige à établir entre les sous-
catégories des lignes de démarcation nuancées et fondées sur certains principes.
L'art. 59, lui, porte sur la situation opposée, c'est-à-dire celle où une activité ne
tombe pas sous le coup de l'art. 56 ou de l'art. 58.
On risque de se tromper fortement si on prend l'art. 59 trop à la lettre. Dans
leurs efforts pour garantir l'utilisation continue et sans entrave de la zone
économique par leurs navires de guerre, les Puissances maritimes ont concentré
principalement leur attention sur l'art. 58 et non l'art. 59. En effet, alors que ce
dernier était déjà proche de son libellé final dans le tout premier texte de
négociation de 1975, il a fallu encore deux années pour parvenir à un accord sur
une version révisée de l'art. 58, sur l'élimination de toute définition de la haute
mer à l'art. 86 et sur l'insertion d'un nouvel art. 55 qui satisfasse les principales
Puissances maritimes.
L'objet sur lequel porte l'art. 59 est avant tout une question de principe.
Certains Etats côtiers « territorialistes » ont soutenu que la zone économique
devrait, en principe, être une zone soumise à la juridiction de l'Etat côtier, sous
réserve de certains droits limitativement énumérés que possèdent tous les Etats.
D'autres, notamment les grandes Puissances maritimes, ont fait valoir que la zone
économique devrait, en principe, être une zone de haute mer ouverte à tous, sous
réserve de certains droits exclusifs limitativement énumérés que possède l'Etat
côtier. En fait, l'art. 59 a retenu la solution d'une attribution de droits ou de
juridiction en fonction des utilisations particulières, plutôt que sur la base d'un
statut théorique. Ainsi que le laisse entendre l'article introductif 55 sur la zone
économique exclusive lui-même, le caractère particulier du régime fonctionnel
d'attribution des droits est l'essence même de la zone économique exclusive.
Il apparaît donc qu'en cas de besoin l'indication de l'application correcte de
l'art. 59 dérive, en fait, de l'orientation générale des art. 56 et 58 eux-mêmes. La
première question qui se pose est de savoir si l'activité considérée correspond au
type d'activité traité à l'art. 56 ou à celui traité à l'art. 58. A cet égard, il
convient de noter que l'art. 56 porte en général sur des activités localisées qui ont
une importance économique effective ou potentielle, tandis que l'art. 58 s'occupe
d'une façon générale d'activités militaires et de communication.
8. Le plateau continental
Troisième partie
1. Passage inoffensif
Le « passage inoffensif » est le régime classique du passage dans la mer
territoriale. Ce régime a été étendu en 1958 aux eaux intérieures englobées par un
système de lignes de base droites, et en 1982 aux eaux archipélagiques situées en
dehors des voies de circulation archipélagiques. En même temps, il a été remplacé,
en 1982, par un régime de « passage en transit » dans la plupart des détroits
servant à la navigation internationale.
(59) Convention, art. 18, §2, art. 38, §2, art. 53, §3.
(60) Convention, art. 19, §2, l);
(61) Convention, art. 39, §1. c), art. 54.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 841
(62) Les art. 19 et 21, l'art. 24, § 1 et l'art. 30 de la Convention sont ainsi libellés :
Article 19
Signification de l'expression « passage inoffensif »
1. Le passage est inoffensif aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre ou à
la sécurité de l'Etat côtier. Il doit s'effectuer en conformité avec les dispositions de la Convention et les
autres règles du droit international.
2. Le passage d'un navire étranger est considéré comme portant atteinte à la paix, au bon ordre ou
à la sécurité de l'Etat côtier si, dans la mer territoriale, le navire se livre à l'une quelconque des activités
suivantes :
a) menace ou emploi de la force contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance
politique de l'Etat côtier ou de toute autre manière contraire aux principes du droit international
énoncés dans la Charte des Nations Unies;
exercice ou manœuvre avec armes de tout type;
collecte de renseignements au détriment de la défense ou de la sécurité de l'Etat côtier;
propagande visant à nuire à la défense ou à la sécurité de l'Etat côtier;
lancement, appontage ou embarquement d'aéronefs;
lancement, appontage ou embarquement d'engins militaires;
g) embarquement ou débarquement de marchandises, de fonds ou de personnes en contravention
aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d'immigration de l'Etat côtier;
h) pollution délibérée et grave, en violation de la Convention;
i) pêche ;
j) recherches ou levés;
k) perturbation du fonctionnement de tout système de communication ou de tout autre
équipement ou installation de l'Etat côtier;
l) toute autre activités sans rapport direct avec le passage.
842 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
Article 21
Lois et règlements de l'Etat côtier relatifs au
passage inoffensif
1. L'Etat côtier peut adopter, en conformité avec les dispositions de la Convention et les autres
règles du droit international, des lois et règlements relatifs au passage inoffensif dans sa mer
territoriale, oui peuvent porter sur les questions suivantes :
a) sécurité de la navigation et régulation du trafic maritime;
b) protection des équipements et systèmes d'aide à la navigation et des autres équipements ou
installations ;
c) protection des câbles et des pipelines;
a) conservation des ressources biologiques de la mer;
ei prévention des infractions au lois et règlements de l'Etat côtier relatifs à la pêche;
f) préservation de l'environnement de l'Etat côtier et prévention, réduction et maîtrise de sa
pollution ;
g) recherche scientifique marine et levés hydrographiques;
h) prévention des infractions aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou
d'immigration de l'Etat côtier.
2. Ces lois et règlements ne s'appliquent pas à la conception à la construction ou à l'armement des
navires étrangers, à moins qu'ils ne donnent effet à des règles ou des normes internationales
généralement acceptées.
3. L'Etat côtier donne la publicité voulue à ces lois et règlements.
4. Les navires étrangers exerçant le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale se
conforment à ces lois et règlements ainsi qu'à tous les règlements internationaux généralement acceptés
relatifs à la prévention des abordages en mer.
Article 24
Obligations de l'Etat côtier
1. L'Etat côtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer
territoriale, en dehors des cas prévus par la Convention. En particulier, lorsqu'il applique la Convention
ou toute loi ou tout règlement adopté conformément à la Convention, l'Etat côtier ne doit pas :
a) imposer aux navires étrangers des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre
l'exercice du droit de passage inoffensif de ces navires ;
b) exercer de discrimination de droit ou de fait contre les navires d'un Etat déterminé ou les
navires transportant des machandises en provenance ou à destination d'un Etat déterminé ou pour le
compte d'un Etat déterminé.
Article 30
Inobservation par un navire de guerre des lois
et règlements de l'Etat côtier
Si un navire de guerre ne respecte pas les lois et règlements de l'Etat côtier relatif au passage dans
la mer territoriale et passe outre à la demande qui lui est faite de s'y conformer, l'Etat côtier peut exiger
que ce navire quitte immédiatement la mer territoriale.
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 843
2. Passage en transit
Article 41
Voies de circulation et dispositifs de séparation du trafic
dans les détroits servant à la navigation internationale
1 . Conformément à la présente partie, les Etats riverains des détroits peuvent, lorsque la sécurité
des navires dans les détroits l'exige, désigner des voies de circulation et prescrire des dispositifs de
séparation du trafic.
4. Les navires étrangers exerçant le droit de passage en transit par le détroit doivent se conformer
à ces lois et règlements.
5. En cas de contravention à ces lois et règlements ou aux dispositions de la présente partie par un
navire ou un aéronef jouissant de l'immunité soueraine, l'Etat du pavillon du navire ou l'Etat
d'immatriculation de l'aéronef porte la responsabilité internationale de toute perte ou de tout dommage qui peut
en résulter pour les Etats riverains.
Article 14
Obligations des Etats riverains de détroits
Les Etats riverains de détroits ne doivent pas entraver le passage en transit
Article 233
Garanties concernant les détroits servant à la
navigation internationale
Toutefois, si un navire étranger autre que ceux visés à la section 10 (*) a enfreint les lois et règlements
visés à l'art. 42, § 1, lettres a) et b), causant ou menaçant de causer des dommages importants au milieu
marin des détroits les Etats riverains des détroits peuvent prendre les mesures de police appropriées
tout en respectant mutatis mutandis la présente section (**).
Remarque :
(*) La disposition pertinente de la section 10 (art. 236) se lit comme suit : « Les dispositions de la
Convention relatives à la protection et à la préservation du milieu marin ne s'appliquent ni aux navires
de guerre ou navires auxiliaires, ni aux autres navires ou aux aéronefs appartenant à un Etat ou
exploités par lui lorsque celui-ci les utilise, au moment considéré, exclusivement à des fins de service
public non commerciales ».
(") Cette section (7), intitulée «Garanties», contient des restrictions concernant l'exercice des
pouvoirs de mise en application en matière de pollution et destinées à protéger les propriétaires des
navires et des cargaisons et les équipages, ainsi que les producteurs et les consommateurs.
(69) On peut soutenir que cette omission est sans préjudice du cas plutôt rare où il existe une
responsabilité en vertu des principes généraux du droit concernant la negotiorum gestio.
846 CONVENTION SUR LE DROIT DE LA MER
3. Passage archipélagique
nefs jouissent du droit de passage archipélagique, qui ne peut pas être suspendu.
Si l'Etat archipel n'a pas désigné pas de voies de circulation ou de routes
aériennes, le droit en question peut s'exercer à l'intérieur des voies et routes
servant normalement à la navigation internationale (76).
La Convention définit le passage archipélagique à l'art. 53, §3 (77).
Les règles qui régissent les droits de l'Etat du pavillon et ceux de l'Etat
archipel en ce qui concerne l'exécution du passage archipélagique sont identiques à
celles fixées pour le passage en transit dans les détroits qui servent à la navigation
internationale (78).
Les voies de circulation archipélagiques, ainsi que les routes aériennes
traversant l'espace aérien surjacent, sont désignées par l'Etat archipel après adoption de
ses propositions par l'organisation internationale compétente. Elles passent par
les eaux archipélagiques et la mer territoriale adjacente et doivent comprendre
toutes les routes servant normalement à la navigation ou au survol
internationaux (79).
Les voies sont définies par des axes traversant l'archipel. Pendant le passage
archipélagique, les navires et aéronefs ne peuvent s'écarter de plus de 25 milles
marins de part et d'autre de ces axes et, à l'intérieur de cet espace, ils ne peuvent
pas naviguer à une distance des côtes bordant les îles qui soit inférieure au
dixième de la distance sépara ces îles (80). Ces larges voies de circulation avaient,
entre autres, pour but de répondre au besoin qu'éprouvent les navires de guerre et
les groupes tactiques militaires passant par des routes aussi longues et aussi
exposées de recourir à des tactiques d'évitement et de déployer un large rideau
défensif de navires, d'hélicoptères et d'avions autour du noyau des groupes
tactiques. Aussi bien l'Etat de transit que l'Etat archipel ont un intérêt à prévenir la
création d'une cible tentante.
CONCLUSION
Si l'analyse que nous venons de faire peut surprendre en quoi que ce soit,
c'est dans le fait que le régime des navires de guerre instauré par la Convention de
1982 ne contient rien de nouveau qui surprenne.
S 'appuyant sur les débats antérieurs du Comité des Nations Unies pour les
fonds marins, qui a préparé la Conférence, ce résultat n'a été en aucune façon,
pour reprendre les mots de Shakespeare, a foregone conclusion, une conclusion à
priori. De toutes parts sont venus des appels en faveur de la création d'une
organisation mondiale dotée d'un pouvoir général sur toutes les utilisations des
océans, des pressions en vue de l'institution de zones de paix, des requêtes tendant
à la démilitarisation des fonds marins et à l'imposition de restrictions sur l'emploi
des sous-marins, de la force nucléaire et des armes atomiques, et des affirmations
audacieuses (paraphrasant Shakespeare) soutenant que nous étions venus pour
enterrer Grotius, non pour faire son éloge (we came to bury Grotius, not to praise
him). Même pendant que la Conférence se déroulait, un diplomate africain
influent, s' adressant au secrétaire d'Etat Kissinger, exprimait l'avis que la liberté de
manœuvre des navires de guerre américains était inacceptable dans la zone
économique de son pays. C'était peu après que le secrétaire d'Etat eut mis au
point avec le chef d'Etat de ce diplomate un ensemble d'accords nouveaux de
coopération militaire. Que cet incident ait pu avoir un effet peu heureux sur
l'appréciation fondamentale du secrétaire d'Etat quant à l'utilité d'une diplomatie
multilatérale à l'échelle mondiale, n'entre pas ici en considération; il ne fait
qu'illustrer le problème sous-jacent.
D'autre part, si l'on songe aux changements véritablement révolutionnaires
que la Convention a entraînés sur la carte des juridictions s' exerçant sur les mers,
on s'attendrait à trouver quelques modifications spectaculaires dans les règles qui
régissent les navires de guerre. L'extension de la souveraineté de l'Etat côtier sur
de grandes superficies d'eaux archi pélagiques et sur une mer territoriale de
12 milles, la création d'une énorme zone économique de 200 milles marins,
englobant toutes les mers marginales du globe, l'extension des droits souverains sur les
fonds marins au moins jusqu'à cette distance et, au-delà, jusqu'au rebord de la
marge continentale, la création de nouvelles obligations et l'instauration d'une
nouvelle juridiction de l'Etat côtier dans le domaine de l'environnement, enfin la
création d'une organisation internationale chargée, selon son statut, de contrôler
toutes les activités menées dans la zone restante des fonds marins, auraient pu
avoir des répercussions monumentales pour les navires de guerre.
En fait, les pressions exercées dans le sens d'une démilitarisation se sont
trouvées déportées par une ample utilisation de clauses de « fins pacifiques » et de
renvois à des clauses d'interdiction de la menace ou de l'emploi de la force
contenues dans la Charte des Nations Unies, qui n'ont que très peu d'effet sur le
régime juridique, si tant est qu'elles en aient. Quant à tous les régimes nouveaux
ou à tous les élargissements géographiques des régimes existants, la Convention
écarte ou atténue expressément, dans chaque cas, leur incidence sur les activités
des navires de guerre :
- il existe un droit de passage archipélagique fort libéral dans de larges voies
de circulation traversant les eaux archipélagiques nouvellement reconnues;
RÉGIME DES NAVIRES DE GUERRE 849
- le régime du passage inoffensif dans une mer territoriale plus vaste est
rendu plus objectif, et il est remplacé, dans les détroits, par un régime plus libéral
de passage en transit.
- les libertés de navigation et de survol en haute mer, ainsi que les autres
utilisations internationalement licites de la mer liées à ces libertés, sont
expressément préservées dans la zone économique;
- les libertés de la haute mer bénéficient d'une protection plus précise
contre les empiétements que l'Etat côtier pourrait commettre dans l'exercice de
ses droits
- lessur
navires
le plateau
de guerre
continental
sont exclus
(81 ); du champ d'application de toutes les
dispositions - la réglementation
relatives à l'environnement;
des fonds marins est tributaire d'une définition des
termes « activités menées dans la Zone » qui ne couvre pas les activités militaires
ou la recherche scientifique marine.
Ce n'est donc une surprise pour personne que les Etats-Unis n'aient pas été la
seule délégation, encore que certainement la plus active, à susciter ce résultat.
L'ironie veut que ce soit une Administration américaine fortement engagée à
développer la capacité militaire des Etats-Unis dans le monde, y compris la
capacité d'intervention de sa puissance navale, qui ait refusé d'accepter la
Convention lorsqu'elle fut achevée en 1982, à cause de ses dispositions sur les activités
relatives aux fonds marins. Ce que l'on sait moins, et qui est peut-être étonnant,
c'est que l'un des meneurs dans la lutte contre l'acceptation de la Convention
était la Secrétaire à la Marine alors en poste.
Ces observations soulèvent une question plus fondamentale concernant
l'avenir du régime des navires de guerre. Derrière les raisonnements savants et
contradictoires sur le contenu du droit international coutumier futur se profile
la réalité des priorités : la volonté de passer aux actes dans une situation où le
droit est fait, et défait, par assentiment. C'est la forte priorité accordée aux
considérations économiques sur les considérations politiques ou militaires qui a
incliné le reste du monde à concéder aux grandes Puissances l'essentiel de ce
qu'elles souhaitaient obtenir au sujet des aspects militaires auxquels elles avaient
donné la priorité lors de la Conférence; en gros, on peut supposer que le même
raisonnement vaudrait, avec le temps, pour le processus d'évolution du « droit
coutumier ». On peut s'interroger sur le point de savoir si les grandes Puissances
en général, et les Etats-Unis et l'Europe occidentale en particulier, ne
commencent pas eux-mêmes à rétrograder la priorité relative qu'ils vouent aux
considérations navales (et notamment au renforcement de la mobilité et des opérations des
forces navales à l'échelon mondial) en faveur de considérations d'ordre économique
et écologique et peut-être même en faveur d'une forme différente d'organisation de
la défense, lorsqu'ils façonnent leur politique étrangère.
Si nous assistons actuellement à une telle évolution des priorités, qui a pris
une tournure spectaculaire avec les décisions américaine, allemande et britannique
de ne pas signer la Convention, alors il faut nous attendre à une mutation
correspondante du droit avec le temps. Ignorer les conférences des Nations Unies
et les conférences multilatérales ne fera pas disparaître les pressions en faveur
d'une modification du droit, car celles-ci ne proviennent pas seulement - et
même pas principalement — de ces institutions. Les pressions que l'on observe
résultent d'une combinaison de peur, de xénophobie et du désir de se procurer un
avantage relatif, à laquelle se trouve confronté tout navire pénétrant dans une
région étrangère. Le « droit », considéré à un moment quelconque, reflète
l'équilibre qui s'établit entre ces pressions essentiellement « côtiéristes » et les contre-
pressions qu'exercent les grandes Puissances navales au nom de leurs flottes sur
tous les fronts, tant politiques et économiques que militaires. Si les priorités de
ces Puissances changent, les contre -pressions correspondantes changent également.
Lorsque le droit est sur le point de subir une telle transformation, il est
probable que l'on ne s'en rend pas bien compte dans un premier temps. Ceux qui
sont les plus proches des décisions susceptibles, en définitive, d'imposer de
nouvelles restrictions aux navires de guerre s'inquiéteront surtout de démontrer
clairement qu'ils n'ont pas pris de tels risques. Aussi est-il vraisemblable que, dans un
proche avenir, de fortes « contre-pressions » concernant la question des navires de
guerre marqueront le langage que tiendront et les actions qu'entreprendront les
Etats-Unis et quelques-uns de leurs alliés. Le risque d'une détérioration croîtra à
mesure qu'augmentera la distance séparant, dans le temps et sur le plan politique,
ceux qui ont la responsabilité des décisions relatives à la Convention et ceux qui
doivent résoudre quotidiennement des problèmes de priorités. Si ce risque
croissant n'est pas perçu et éliminé à ce stade, le « droit » évoluera certainement (à
moins que les Soviétiques ne soient à même de le contenir, ce dont on peut
douter).
Bien entendu, les gouvernements futurs pourront mieux cerner le problème et
agir de manière à le résoudre efficacement. Ce n'est qu'alors que nous aurons
quelques chances de voir le régime des navires de guerre subir aussi peu de
restrictions que possible.