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MÉTAMORPHISME
ET GÉODYNAMIQUE
Cours et exercices corrigés

Christian Nicollet
Professeur à l’université Blaise-Pascal
de Clermont-Ferrand

Préface de Jacques Kornprobst


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Illustration de couverture : Microphotographie en LPA d’un agrégat de chlorite remplaçant un grenat


au cours de l’évolution rétrograde. Remarquez les teintes de polarisation violettes anormales de
la chlorite. Des reliques du grenat (qui sont noires car le minéral est isotrope) sont encore visibles.
Même échantillon que celui de la photo 5, planche 1. Source : Christian Nicollet.

© Dunod, Paris, 2010


ISBN 978-2-10-054821-7
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PRÉFACE

Pour qui a le goût de la pétrographie, toutes les roches sont intéressantes. Mais les
roches métamorphiques et les processus qui sont à leur origine – le métamorphisme –
présentent des attraits tout particuliers.
Les séries sédimentaires offrent incontestablement de grandes joies aux géologues :
leurs structures stratifiées, tabulaires, fracturées ou plissées, sont souvent impres-
sionnantes ; les fins détails des microfaciès et des laminites, agréables à l’œil, sont
révélateurs des milieux de sédimentation ; les figures sédimentaires, spécialement
développées dans les turbidites, sont des éléments de premier choix pour définir des
critères de polarité tandis que la découverte de fossiles conduit généralement à une
excitation proche de la jubilation. Toutefois, sauf cas particuliers (des cristaux de
gypses par exemple, vus au microscope polarisant dans des dolomites évaporitiques !),
la composition minéralogique des roches sédimentaires, généralement pauvre et
monotone, peut être à l’origine de graves frustrations.
De ce point de vue, les roches ignées apportent en revanche beaucoup de satisfac-
tion ! Les très gros grains des roches plutoniques, en particulier dans les pegmatites,
et la diversité des espèces minérales, comblent les aspirations des amateurs de miné-
ralogie. Les textures graphiques, le moirage des perthites et des antiperthites, les
phénocristaux zonés et maclés tout comme les mésostases finement enchevêtrées
des roches volcaniques sont autant d’éléments qui enchantent l’œil et dont l’étude
détaillée aux différentes échelles d’observation conduit à une foule d’informations
utiles à la compréhension des mécanismes éruptifs. Toutefois, sur le terrain, faute de
lignes directrices sur lesquelles l’observateur puisse s’appuyer avec confiance, la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

structure des ensembles magmatiques est généralement difficile à décortiquer. Ceci


est particulièrement vrai pour les édifices volcaniques dont l’évolution est dominée
par des phases de construction et de destruction, souvent simultanées, dont la super-
position rend souvent obscure la chronologie exacte des événements. Les volcanologues
sont bien forts, qui sont capables de débrouiller la complexité de ces ensembles !
Les unités métamorphiques ont l’avantage d’être généralement solidement struc-
turées. Elles présentent des schistosités, des foliations, des crénulations qui laissent
parfois encore transparaître la stratification initiale. Elles montrent des linéations
variées, d’intersection ou d’allongement et des figures de cisaillement. Pour qui sait
les distinguer et les interpréter, ces structures sont autant de guides qui permettent

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Préface

d’échafauder une géométrie cohérente et une chronologie des déformations. Les


minéraux participent à cette enquête puisqu’il est possible d’en distinguer différentes
générations développées avant, pendant et après telle ou telle structure caractéristique.
Le nombre d’espèces est très grand puisque les assemblages minéralogiques dépendent
à la fois de la composition chimique globale des matériaux initiaux et des conditions
– température, pression, pression de fluide – des recristallisations. Ces conditions
évoluent au cours du temps, en liaison avec le déroulement des processus géodynami-
ques, et chaque roche peut recéler une superposition d’assemblages qui traduit plus
ou moins fidèlement – car la diffusion des éléments n’est pas un phénomène instan-
tané ! – les trajectoires parcourues par les unités métamorphiques à l’intérieur de la
Terre. Cette variation des conditions des recristallisations peut même s’observer au
microscope sous la forme de réactions minéralogiques, en cours ou inachevées, parmi
lesquelles les coronites sont particulièrement fascinantes.
L’étude et l’interprétation des roches et des séries métamorphiques est donc un
processus compliqué qui fait appel à de nombreuses techniques, naturalistes, physiques,
chimiques et thermodynamiques. L’acquisition de l’expérience nécessaire passe par
un apprentissage, rude mais passionnant, sur le terrain et au laboratoire. Cet apprentis-
sage peut être grandement facilité et raccourci en consultant les ouvrages pertinents.
Celui de Christian Nicollet, que le lecteur a entre les mains, est certainement l’un
des plus agréable à lire et à étudier. Sa présentation très pédagogique et les illustrations,
nettes et convaincantes, ont tout pour séduire les étudiants comme les géologues
plus chevronnés, et les conduire à une compréhension approfondie des mécanismes
complexes des recristallisations métamorphiques dans leurs contextes géodynamiques.

Jacques KORNPROBST
Ancien président de la Société géologique de France
Ancien président de la Société française
de minéralogie et cristallographie
Directeur honoraire de l’observatoire
de physique du globe de Clermont-Ferrand

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TABLE DES MATIÈRES

Préface V

Avant-propos XIII

PARTIE I
MÉTAMORPHISME ET PROCESSUS MÉTAMORPHIQUES

Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables 3


1.1 Définition du métamorphisme 3
1.1.1 Recristallisation et équilibre 3
1.1.2 Préservation des roches métamorphiques et métastabilité 5
1.2 Les limites du métamorphisme 6
1.2.1 Diagenèse et métamorphisme 6
1.2.2 La limite à hautes températures et anatexie 7
1.3 La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre 7
1.3.1 Température et chaleur 7
1.3.2 Pression et profondeur 12
1.3.3 Les fluides 13

Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : des marqueurs


des perturbations thermiques et mécaniques dans la lithosphère 17
2.1 Évolution PT, trajet PTt et géothermes 18
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2.2 Pourquoi les roches recristallisent-elles ? 19


2.3 Le trajet PTt et le gradient métamorphique 22
2.4 Trajets PTt et contextes géodynamiques 24

Chapitre 3 • Les roches métamorphiques : localisation, textures,


structures et classification 27
3.1 Localisation géographique des roches métamorphiques 27
3.1.1 Les différents types de métamorphismes 27
3.1.2 Répartition des roches métamorphiques à la surface du globe 28
3.1.3 Répartition des roches métamorphiques sur un profil de la croûte 29

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Table des matières

3.2 Cartographie du métamorphisme - Minéraux index et isogrades


du métamorphisme 31
3.3 Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T 32
3.3.1 Les limites du métamorphisme et les faciès métamorphiques 32
3.3.2 Les principaux gradients métamorphiques 35
3.4 Structures et textures 37
3.4.1 La recristallisation dynamique 37
3.4.2 La recristallisation statique 38
3.5 Structures et contraintes 38
3.5.1 Schistosité et foliation 39
3.5.2 Les linéations 39
3.6 Les principales textures des roches métamorphiques 41
3.7 Nomenclature des roches métamorphiques 43

Chapitre 4 • Relations chronologiques entre déformation


et recristallisation métamorphique 45
4.1 Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation 45
4.1.1 La chronologie des phases de déformation 45
4.1.2 Relations chronologiques cristallisation-déformation 47
4.1.3 La dimension des structures 50
4.2 Un exemple de relation cristallisation-déformation :
le métamorphisme hercynien au Cap Creus (Espagne) 51
4.3 Trajets PTt et chronologie 54

Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique sur la minéralogie


des roches métamorphiques 58
5.1 Les différentes séquences métamorphiques 58
5.2 La règle des phases 60
5.3 La représentation graphique des paragenèses 61
5.3.1 Système à 2 constituants 61
5.3.2 Système à 3 constituants 62
5.3.3 Système à n constituants – le diagramme ACF pour les roches
de la séquence basique 63
5.3.4 Système à n constituants – les diagrammes A’KF et AFM
pour les roches de la séquence pélitique 67
5.3.5 Représentation graphique des paragenèses des faciès métamorphiques 70

Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques 78


6.1 Interprétation thermodynamique sommaire d’une réaction minéralogique 79
6.2 Réactions solide-solide entre minéraux anhydres 80
6.2.1 Réactions de transition polymorphique : les silicates d’alumine 80

VIII
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Table des matières

6.2.2 Réactions d’exsolution 82


6.2.3 Réactions interminérales solide-solide entre minéraux anhydres 83
6.3 Réactions entre solide-solide hydraté ou réactions de dévolatilisation
et libération de fluides 84
6.3.1 Eau, pente des réactions métamorphiques et rétromorphose 84
6.3.2 Pression partielle de fluide et champ de stabilité des phases hydratées
et carbonatées 85
6.3.3 Infiltration de la phase vapeur ou système fermé aux fluides extérieurs 88
6.4 Le métamorphisme est-il isochimique ? 88
6.4.1 Le quartz d’exsudation 88
6.4.2 Réactions de lessivage 89

Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques


et élaboration d’une grille pétrogénétique 94
7.1 Système à un constituant indépendant 95
7.2 Système à deux constituants indépendants 96
7.3 Système à trois constituants indépendants et élaboration
d’une grille pétrogénétique 98
7.4 Système à plus de trois constituants indépendants 101

Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes :


thermométrie et barométrie géologiques 105
8.1 Réaction continue et réaction discontinue 106
8.1.1 La réaction continue Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V 106
8.1.2 La réaction continue Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V 109
8.2 Le principe de la géothermobarométrie 111
8.3 Un thermomètre basé sur la réaction d’échange fer-magnésium
entre biotite et grenat 112
8.4 Un exemple de géothermobaromètre basé sur l’équilibre cordiérite
= grenat + sillimanite + quartz + H2O 114
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8.5 Les logiciels de calculs thermodynamiques multi-équilibres 116


8.6 Précautions d’utilisation de la géothermobarométrie 119
8.7 Étude des inclusions fluides : caractérisation de la phase fluide
et géothermobarométrie 120
8.7.1 Composition des inclusions fluides 122
8.7.2 Caractérisation des isochores et thermobarométrie 122

Chapitre 9 • Cinétique des réactions et préservation


des roches métamorphiques 124
9.1 Qu’est-ce que la vitesse de réaction ? 124

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Table des matières

9.2 Quels sont les facteurs qui contrôlent une réaction ? 125
9.2.1 La vitesse de diffusion 125
9.2.2 L’influence de la phase vapeur 125
9.2.3 L’influence de la déformation 126
9.3 Métastabilité des paragenèses : l’exemple des silicates d’alumine 127
9.4 Cinétique de réaction et préservation des roches métamorphiques 130

Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie 132


10.1 Définition des migmatites et de l’anatexie 132
10.2 Origines des migmatites 133
10.3 Fusion partielle des métapélites 134
10.4 Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite 135
10.4.1 Influence de l’eau sur la transition faciès amphibolite-faciès granulite
et anatexie 136
10.4.2 Migmatites et granites 138
10.4.3 Charnockites et gneiss charnockitiques 139

PARTIE II
MÉTAMORPHISME ET GÉODYNAMIQUE

Chapitre 11 • Le métamorphisme de contact 145


11.1 L’auréole de contact de l’intrusion de Ballachulish 145
11.2 Diffusion de la chaleur dans l’encaissant et modélisation
du métamorphisme de contact 148

Chapitre 12 • Les métamorphismes de haute pression


et ultra-haute pression-basse température : l’exemple alpin 152
12.1 Les Alpes : de la subduction à la collision 153
12.2 La carte métamorphique des Alpes occidentales 154
12.3 Lithologies et associations minéralogiques types 156
12.4 Le métamorphisme sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira
dans les Alpes occidentales 161
12.5 Le métamorphisme d’ultra-haute pression (UHP) dans le monde 163
12.6 Exhumation des unités de HP-UHP 165
12.6.1 L’évolution rétrograde sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira 166
12.6.2 Des modèles d’exhumation 169
12.7 Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales 173

X
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Table des matières

Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température 177


13.1 La série métamorphique de moyenne pression-haute température
du massif du Lévezou 177
13.2 Le gradient métamorphique de moyenne pression : un coup de frein
à l’enfouissement 181
13.2.1 Les reliques de HP et leur évolution rétrograde 182
13.2.2 De la subduction à la collision 188
13.2.3 Rareté et préservation du faciès des Schistes bleus
dans les chaînes anciennes 189
13.3 Sous-charriage et métamorphisme inverse 190

Chapitre 14 • Le métamorphisme de basse pression-haute température


dans les zones de convergence 200
14.1 Arrière-subduction et ceintures métamorphiques doubles 201
14.2 Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale
médiane – la chaîne hercynienne d’Europe occidentale 203
14.2.1 Le massif hercynien nord-pyrénéen de l’Agly 204
14.2.2 Le massif du Pilat et le dôme anatectique du Velay 207
14.2.3 La Montagne Noire : dôme gneissique extensif ou anticlinal post-nappe ? 210
14.2.4 Vitesses d’exhumation et gradients métamorphiques 211
14.3 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression
de la croûte inférieure – la zone d’Ivrée 213
14.3.1 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression 213
14.3.2 Zone d’Ivrée et différenciation de la croûte 213
14.4 Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT) 216
14.4.1 Les granulites de UHT de la formation d’Andriamena (Madagascar) 218

Chapitre 15 • Métamorphisme de basse pression-haute température


dans les zones d’extension 223
15.1 Amincissement lithosphérique et déchirure crustale : le métamorphisme
de la zone nord-pyrénéenne 223
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

15.1.1 La zone nord-pyrénéenne (ZNP) : couloir d’amincissement lithosphérique


au Crétacé 223
15.1.2 Le métamorphisme de basse pression dans la ZNP 225
15.1.3 La ZNP : métamorphisme et «transtension » senestre intracontinentale 228
15.2 Métamorphisme océanique et hydrothermalisme dans la lithosphère
océanique et dans les ophiolites 228
15.2.1 Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales rapides 231
15.2.2 Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales lentes 235
15.2.3 La semelle métamorphique des ophiolites 244
15.2.4 En conclusion 244

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Table des matières

Chapitre 16 • Les granulites et éclogites dans le manteau :


magmatisme intra-mantellique et recyclage de la lithosphère océanique 249
16.1 Mode de gisement des roches du manteau 249
16.2 Les xénolithes du plateau océanique des îles Kerguelen :
magmatisme et métamorphisme intra-mantellique 250
16.3 Les éclogites du manteau supérieur : cristallisation à haute pression d’un
magma basaltique ou témoins des océans engloutis dans le manteau ? 252

Chapitre 17 • En guise de conclusion : évolution du métamorphisme


dans le temps 255
17.1 Un modèle simplifié d’évolution thermique d’une chaîne de montagnes 256
17.2 Évolution du métamorphisme au cours du temps 260

Annexe 265
1. Diagrammes ACF-A’KF 265
2. Abréviations des minéraux d’après Kretz (1983) et Fettes et Desmons (2007) 268
3. Formules structurales des principaux minéraux 269
4. Quelques assemblages minéralogiques caractéristiques
des principaux faciès métamorphiques 271

Références des articles et ouvrages cités dans le texte 272

Légendes complètes des planches couleurs 280

Index 285

XII
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AVANT-PROPOS
La dynamique de la Terre est conditionnée, depuis sa genèse, par son évolution
thermique. C’est la dissipation de l’énergie thermique qui fait fonctionner la machine
Terre. Volcanisme et flux de chaleur sont des exemples manifestes de l’énergie ther-
mique interne du globe : ils résultent des transferts de la chaleur, des profondeurs du
globe vers la surface, associés au lent refroidissement de notre planète. De même, la
tectonique des plaques est liée à de vastes mouvements de convection dans le
manteau dont le moteur est l’énergie thermique.
Pour nous renseigner sur la situation thermique à l’intérieur de la lithosphère, à
différents moments de son histoire, il nous faut trouver des « fossiles », des traceurs
qui ont enregistré cette situation thermique et les perturbations éventuelles. Les
roches métamorphiques représentent de tels témoins. Elles ont subi des transforma-
tions minéralogiques, à l’état solide, lorsque la température et la pression, c’est-à-dire
la profondeur changeaient. Ainsi, les roches métamorphiques nous informent sur les
variations de la T en fonction de la profondeur.
L’objectif de cet ouvrage est de faire le lien entre les processus métamorphiques
et l’évolution géodynamique de la Terre. Dans ce but, ce précis est divisé en deux
parties. La première concerne la définition du métamorphisme, les causes qui en
sont responsables et les processus pétrogénétiques qui en permettent la réalisation.
Nous tenterons de répondre à des questions telles que : Quelles variables interviennent,
en dehors des seules P et T ? Pourquoi et comment les roches recristallisent-elles ?
Comment interpréter un assemblage de minéraux en fonction de ces variables ? En
terme de trajet P-T-temps ? Quelles relations existent entre ce trajet P-T-temps et le
contexte géodynamique ? Comment fabrique-t-on les outils de mesure des roches méta-
morphiques : diagrammes de phases, grilles pétrogénétiques, géothermobaromètres ?
Cette première partie comprend dix chapitres de difficultés variables. Certains
chapitres sont incontournables. Les chapitres 1 à 4 introduisent les définitions et
nomenclatures des roches métamorphiques ; ils mettent en place le vocabulaire du
pétrologue du métamorphisme. Le chapitre 2 est important, car il présente, avant de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

les détailler dans les chapitres suivants, les processus métamorphiques et la métho-
dologie qui nous permet de faire le lien entre métamorphisme et géodynamique
interne. Le chapitre 9 donne une approche qualitative de la cinétique des processus
métamorphiques : celle-ci permet de comprendre dans quelles mesures une roche
qui est portée dans de nouvelles conditions P et T enregistre minéralogiquement ou
non (ou partiellement) ces nouvelles conditions. Selon le niveau d’approfondissement
souhaité, le lecteur peut reporter à plus tard la lecture de certains chapitres. Il en est
ainsi pour le chapitre 7 traitant de l’élaboration des grilles pétrogénétiques ou bien
du chapitre 8 présentant la thermobarométrie. Dans la deuxième partie, en appliquant
les outils présentés dans la première partie, nous discutons, à l’aide d’exemples
régionaux, principalement français, des interprétations géodynamiques – c’est-à-

XIII
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Avant-propos

dire les processus évolutifs à l’intérieur de la Terre et l’analyse des forces dont ils
résultent – qui peuvent être faites à partir de l’étude des roches métamorphiques. Le
plan de cette deuxième partie s’organise autour des trois gradients métamorphiques
principaux : HP-BT, MP-HT et BP-HT. La majorité des formations métamorphiques
a évolué selon ces trois gradients métamorphiques dont aucun ne coïncide avec le
géotherme d’une lithosphère stable. Ainsi, les roches métamorphiques enregistrent
les perturbations qu’a subies la lithosphère dans différents contextes géodynamiques.
Pour conclure, nous présentons un modèle simplifié de l’évolution du métamor-
phisme au cours d’un cycle orogénique et discutons de l’évolution du métamorphisme
au cours du temps, depuis le début de l’histoire de notre globe.
Le lecteur aura tout intérêt à compléter la lecture de cet ouvrage en visitant le site :
http://christian.nicollet.free.fr/ dédié à la pétrologie. Les deux sont complémentaires :
le livre privilégie le discours ; le site web privilégie l’image. La page http://christian
.nicollet.free.fr/page/LivreMetam/MetamGeodyn.html fait le lien entre cet ouvrage
et ce site. Elle a pour but de diriger le lecteur vers les photos nombreuses sur ce site
susceptibles d’illustrer le texte du livre. Des animations et illustrations en 3D sont
également disponibles. Certains processus non métamorphiques ne sont pas toujours
développés dans l’ouvrage, mais nécessitent parfois des explications qui peuvent être
disponibles sur le site.
Dans le texte qui suit, les nombreux minéraux sont souvent cités par leurs abrévia-
tions. Ces abréviations, proposées par Kretz (1983), sont listées dans l’annexe à la fin
de cet ouvrage.

REMERCIEMENTS
Il y a dix ans, je commençais un site Web dédié au métamorphisme. Il s’agissait
alors de rendre accessibles à mes étudiants les illustrations de mon cours. L’idée de
doubler ce travail d’un manuel sur le métamorphisme était assez logique. Jacques
Kornprobst m’en a donné l’opportunité en me proposant aimablement de prendre le
relais de son ouvrage classique Métamorphisme et roches métamorphiques. Jacques
m’a donné carte blanche pour utiliser son texte et ses figures. Au fil des pages, on
retrouvera une vingtaine de figures et quelques pages que je lui ai empruntées.
Jacques est indéniablement l’instigateur de ce manuel et je l’en remercie !
Mes remerciements iront également à tous ceux avec qui j’ai eu l’occasion d’étudier
le métamorphisme, à tous ceux qui ont bien voulu lire complètement ou en partie cet
ouvrage : R.-P. Ménot, F. Cariou, L. France, S. Guillot, S. Schwartz, M. Fagot-Barraly,
P. Goncalves, C. Laverne, V. Bosse, S. Duchêne, J.-M. Lardeaux, J.-E. Martelat,
F. Faure, A. Leyreloup, D. Vielzeuf, J. Bouloton, T. Hammouda, Y. Rolland,
J.-M. Montel, J.-C. Gehan, J. Barbosa, G. Gosso, I. Spalla, S. Harley, E. Grew,
R. Rakotondrazafy, R. Rambeloson, les étudiants de Toliary, d’Antanarivo, de
Clermont-Ferrand, de Lyon et tous les autres…
La Société suisse de minéralogie et pétrographie, les revues Géologie de la
France, Journal of metamorphic geology et Tectonophysics, la CCGM et S. Schwartz
sont remerciés pour avoir permis l’utilisation de quelques figures et des portions des
cartes des Alpes (planches 4 et 5).

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Partie I
Métamorphisme
et processus
métamorphiques
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LE MÉTAMORPHISME :
DÉFINITION, LIMITES
1
ET VARIABLES

1.1 Définition du métamorphisme


PLAN

1.2 Les limites du métamorphisme


1.3 La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

1.1 DÉFINITION DU MÉTAMORPHISME


Le métamorphisme regroupe l’ensemble de transformations que subissent les roches
lorsque la température, la pression, la nature des fluides et éventuellement la compo-
sition chimique de la roche changent. Ces transformations entraînent une réorgani-
sation des éléments dans les roches et, de ce fait, un changement des minéraux de
ces roches : on dit qu’il y a recristallisation. Ces transformations peuvent aussi se
limiter aux relations texturales entre les différents minéraux, sans changement de
ceux-ci. Par opposition aux roches magmatiques, cette recristallisation se fait à l’état
solide, c’est-à-dire sans l’intervention du magma.
On considère, en première approximation, que le processus est isochimique,
c’est-à-dire qu’il se fait sans changement de la composition chimique, à l’exception,
toutefois, des fluides. Lorsqu’il y a modification significative de la composition
chimique de la roche initiale, dite aussi protolithe, on parle de métasomatose ou
métasomatisme.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Une autre définition du métamorphisme met l’accent sur le rôle important des
fluides : le métamorphisme est un processus de dévolatilisation ou volatilisation,
c’est-à-dire un processus qui entraîne la perte ou le gain des éléments volatils par
libération ou mobilisation d’une phase vapeur. Lorsque l’étude se limite à la croûte
dans laquelle la phase vapeur est principalement la vapeur d’eau, on parle de processus
de déshydratation/hydratation.

1.1.1 Recristallisation et équilibre


Le processus de recristallisation métamorphique peut être illustré par la figure 1.1.
Celle-ci montre la transformation, à l’échelle microscopique, de la roche constituée

3
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

À P0-T0 la roche contient À P1-T1, la réaction … jusqu’à disparition


les minéraux A + B A + B = C intervient… de B.

A
B C

. T
C
A+

A+B
B

A+C
P0T0 P1T1

A C B
c1 c2
R1 R2
P

Figure 1.1 – La recristallisation métamorphique.


Les trois échantillons montrent la recristallisation métamorphique lorsqu’une roche
passe de conditions P0T0 à P1T1. À P0T0, la roche contient les deux minéraux à
l’équilibre A + B. Lorsque la roche est portée à P1T1, la texture coronitique, avec le
minéral C autour de B, témoigne de la réaction A + B Æ C. Lorsque la phase réactive
la moins abondante B est épuisée, la paragenèse de la roche est A + C. Notons
également que les cristaux A ont recristallisé en gros cristaux qui ont une énergie
libre plus faible (voir paragraphe 3.4.2). Le diagramme P-T montre les champs de
stabilité respectifs des paragenèses (domaines gris) et la réaction (ligne entre les
deux domaines gris).
Le segment c1-c2 en bas de ce diagramme est un diagramme de composition binaire
(constituants chimiques c1 et c2) dont l’utilité est discutée au paragraphe 5.3.a. Il
matérialise les compositions respectives des minéraux A, B et C et de deux roches
R1 et R2. Reportés dans les champs gris, ces segments indiquent, en fonction des
minéraux présents, les paragenèses possibles pour les roches dans cette gamme
de composition entre c1 et c2.

4
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1.1 • Définition du métamorphisme

des minéraux A et B aux conditions de P0-T0 en une roche constituée des minéraux
A et C lorsqu’elle est portée dans de nouvelles conditions P1-T1. Le diagramme
pression-température matérialise le « déplacement » de la roche dans l’espace pression-
température. À P0-T0, les minéraux A + B sont à l’équilibre chimique et minéralogique.
Dans les nouvelles conditions P1-T1, A et B ne sont plus stables ensemble et ne
peuvent plus coexister. Il en résulte une réaction interminérale (et chimique) entre A
et B pour donner une nouvelle phase C :
A+B=C
Dans un stade transitoire, il existe un assemblage temporaire dans lequel les trois
minéraux ne sont pas à l’équilibre entre eux. Le nouvel état d’équilibre est atteint
lorsqu’un minéral réactant a disparu.
On appelle paragenèse, l’assemblage de minéraux à l’équilibre thermodynamique
dans la roche. À l’observation pétrographique (macroscopique ou microscopique),
cet état d’équilibre est démontré lorsque toutes les espèces minérales présentes dans
une roche sont en contact entre elles, sans réaction. C’est le cas des deux assemblages
A + B et A + C de la figure 1.1 (figure 2, planche I). Au contraire, l’assemblage minéra-
logique A + B + C sur cette même figure n’est pas une paragenèse : les deux minéraux
A et B sont séparés systématiquement pas le minéral C et ne sont plus stables
ensemble. Le minéral C en couronne autour du minéral B permet de définir ce que
l’on appelle une texture coronitique (dessin du milieu sur la figure 1.1, figures 3 et 4,
planche 1). Dans le diagramme PT, le champ (ou domaine) de stabilité d’un minéral
ou d’un assemblage minéralogique (paragenèse) est l’intervalle DP – DT dans lequel
ce minéral ou cette paragenèse est stable, c’est-à-dire peut exister (champs gris sur
la figure 1.1).

1.1.2 Préservation des roches métamorphiques


et métastabilité
Le pétrologue peut trouver sur le terrain les trois roches représentées sur la figure 1.1.
Pourtant, celles-ci ne sont plus dans les conditions de leur formation, à P0-T0 et P1-T1,
mais à pression et température ambiantes, puisqu’elles ont été recueillies à la surface
du globe. Elles sont en dehors de leur domaine de stabilité et auraient dû se transformer
en un assemblage stable aux conditions de surface. On dit que ces roches, ces associa-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tions de minéraux, ces phases (minéraux) qui sont hors de leur domaine de stabilité,
sont métastables.
Cette métastabilité n’est pas une situation exceptionnelle dans la nature, bien au
contraire ; il s’agit de la situation la plus commune. Pour l’illustrer, on peut choisir
un exemple spectaculaire comme celui du diamant dont la présence à la surface du
globe est « anormale » d’un point de vue thermodynamique. En effet, cette forme
minérale du carbone cristallise et est stable à haute pression (P > 3GPa), c’est-à-dire
à grandes profondeurs (> 90 km), tandis que la forme stable en surface est le
graphite. Pourtant, ces deux minéraux coexistent à la surface pour la plus grande joie
des bijoutiers et des dessinateurs. Le diamant est métastable.

5
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

Nous pouvons également prendre l’exemple de la coexistence eau-glace. Si l’on


sort du congélateur un cube de glace que l’on plonge dans un verre d’eau, celui-ci,
hors de son champ de stabilité, coexiste avec l’eau liquide. La glace met un certain
temps pour se transformer complètement en eau, au cours de la réaction glace Æ eau.
À noter que cette réaction est une réaction de fusion, produisant un changement
d’état, qui est différente des réactions métamorphiques, produisant des changements
de phases. Cependant, la comparaison reste valable. La glace est métastable et met
un certain temps pour fondre. Ce temps de réalisation de la réaction dépend de la
vitesse de réaction ou cinétique de réaction. Celle-ci est variable. Dans le cas
présent, la vitesse de fusion est d’autant plus grande (et le temps de fusion d’autant
plus court) que la température est élevée. La cinétique des réactions métamorphiques
est également très variable : elle dépend, entre autres, de la température, de la défor-
mation, de la présence d’une phase fluide (et tout spécialement, la vapeur d’eau). La
persistance, à la surface, de ces roches formées en profondeur et qui ont préservé
leur passé métamorphique à l’état métastable depuis des millions d’années, indique
que les vitesses de transformation ou vitesses de réaction sont infiniment lentes,
proches de zéro dans les conditions de surface où nous pouvons les observer. C’est
ainsi que des roches métamorphiques sont préservées depuis 3,8 Ga (pourvu qu’elles
échappent à l’altération superficielle hydratée). Ceci sous-entend aussi que le temps
de réalisation des réactions rétrogrades, pendant le refroidissement (et décompression)
jusqu’aux conditions de surface, n’a pas été suffisant pour que celles-ci aboutissent :
il y a compétition entre la vitesse de réaction et la vitesse d’évolution des paramètres
(essentiellement) P et T.

Points clefs

= En conclusion, les transformations métamorphiques que subissent les roches


dépendent de la température, de la pression, de la présence de fluides et de leur
nature, de la variation éventuelle de la composition chimique, de la cinétique
des réactions et de la vitesse d’évolution des paramètres du métamorphisme.

1.2 LES LIMITES DU MÉTAMORPHISME

1.2.1 Diagenèse et métamorphisme


À basses températures et basses pressions, la limite est arbitraire entre les processus
d’altération superficielle, la diagenèse et le métamorphisme. La diagenèse consiste en
une compaction de sédiments, mais s’accompagne aussi de transformations chimiques
qui peuvent être apparentées à des réactions métamorphiques : dissolution, précipi-
tation, recristallisation. À la base d’une série sédimentaire épaisse, on passe progres-
sivement de la diagenèse au métamorphisme d’enfouissement. Ce métamorphisme
ne s’accompagne pas de perturbation thermique, mais se fait dans les conditions du

6
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

géotherme stable d’un bassin sédimentaire : les conditions PT sont toujours faibles. Ce
métamorphisme est à distinguer du métamorphisme régional associé à des perturbations
thermiques et tectoniques.
Un critère de distinction basé sur la cristallinité de l’illite a été souvent utilisé
pour délimiter les champs respectifs du métamorphisme et de la diagenèse. Ce critère
mesure l’évolution cristallographique progressive des phyllites, depuis les phases
argileuses (typiques du domaine de la diagenèse) jusqu’aux phases micacées (typiques
du métamorphisme).

1.2.2 La limite à hautes températures et anatexie


Processus de recristallisation à l’état solide, le métamorphisme est en principe
distinct des phénomènes magmatiques qui impliquent la participation d’un liquide
silicaté et qui se réalisent à plus hautes températures. La zone de transition entre
processus métamorphiques et magmatiques est large et peut atteindre plusieurs centaines
de degrés. Dans les domaines du métamorphisme de haut degré, la température élevée
permet la fusion partielle des matériaux et la production de liquides, généralement
de composition granitique : on parle d’anatexie. Si ces liquides n’ont pas été extraits
et ont cristallisé au sein même des roches qui leur ont donné naissance, il en résulte
des formations mixtes, ou migmatites, qui appartiennent bien au domaine du méta-
morphisme. Les migmatites et l’anatexie seront donc étudiées dans le cadre de cet
ouvrage (chapitre 10).

1.3 LA TEMPÉRATURE, LA PRESSION


ET LES FLUIDES DANS LE GLOBE TERRESTRE

1.3.1 Température et chaleur


Pour que la température d’une roche change, il faut qu’il y ait addition ou perte de
chaleur. Les sources de chaleur peuvent être des roches magmatiques intrusives :
c’est le cas dans le métamorphisme de contact. Elles peuvent être plus régionales dans
le cas du métamorphisme régional et proviennent alors de la croûte et du manteau.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

De manière générale, on sait que la température augmente avec la profondeur selon


une courbe que l’on appelle le géotherme (figure 1.4). Les deux unités de température
utilisées en géologie, de dimension équivalente, sont le degré Celsius (° C) et le
Kelvin (K), avec T (K) = T (° C) + 273.

a) Flux de chaleur et production de chaleur


La première loi de Fourier indique que la chaleur se déplace des zones chaudes vers
les zones froides. Sur Terre, cela signifie que le gradient de chaleur est dirigé vers
l’extérieur du globe. Ceci est exprimé par le flux de chaleur qui représente la quantité
de chaleur qui traverse une surface en un intervalle de temps. L’unité de mesure du

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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

flux de chaleur est le HFU (Heat Flow Unit), avec 1 HFU = 42 mW/m2. La figure 1.2a
montre que ce flux n’est pas réparti équitablement sur le globe.
Dans la croûte océanique, le flux de chaleur est élevé à la ride, avec des valeurs
atteignant plus de 150 mW/m2. Cette valeur diminue et se stabilise à 60 mW/m2 à
l’intérieur de la plaque océanique stable. Elle est de 40 W/m2 dans les zones de
subduction. Cette diminution progressive entre les limites des plaques océaniques,
témoigne de la convection rapide du manteau sous-océanique, mécanisme efficace
d’évacuation de la chaleur, c’est-à-dire de refroidissement du globe. Ainsi, 70 à 80 %
de la perte de chaleur du globe se fait par la lithosphère océanique.
Dans la croûte continentale, le flux de chaleur est élevé, car les roches qui la consti-
tuent sont riches en éléments radioactifs, qui, par leur désintégration, produisent une
quantité de chaleur considérable. Le flux de chaleur dans la croûte continentale est
variable en fonction de la nature et de l’âge des roches, qui sont plus ou moins riches
en éléments radioactifs. Les cratons précambriens, appauvris en éléments radioactifs
qui se sont désintégrés au cours du temps, ont les plus faibles valeurs dans la croûte
(jusqu’à 40 mW/m2). Dans ces croûtes continentales stables, le transfert de la chaleur
se fait essentiellement par conduction.
Ainsi, la variabilité du flux de chaleur résulte de la diversité des sources de chaleur
d’une part et des deux modes de transferts de la chaleur, convection et conduction,
d’autre part.

F
Flux de chaleur à la surface Fv
40 du globe (mW/m2)
Fh surface du globe
50-70 ; 40
e
isotherm

60
-1 T4
lig

50
ne
de
M
an

flu

T3
te

x
au
N

T2
oy
au

a
b T1

Figure 1.2 – Flux de chaleur à la surface du globe, ligne de flux et isotherme.


a : La variation du flux de chaleur est régulière à la surface de la lithosphère océani-
que, avec une décroissance depuis la ride chaude vers les zones froides de
subduction ; la répartition de ce flux à la surface de la lithosphère continentale est
aléatoire en fonction de la diversité lithologique et l’âge des formations. Les nombres
indiquent les valeurs de flux exprimées en milliwatt par m2.
b : Ce flux est globalement perpendiculaire à la surface de la Terre, mais ses variations
impliquent l’existence d’une (faible) composante horizontale (Fh).

8
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

b) Isothermes et géothermes
Si le flux de chaleur est inégalement réparti sur le globe, celui-ci ne peut être stricte-
ment perpendiculaire à la surface : une composante horizontale du flux de chaleur
(Fh) va des points chauds vers les points froids (figure 1.2 b). Les lignes de flux, le
long desquelles la température augmente vers le bas, s’incurvent. Perpendiculaires à
ces lignes, on peut tracer des lignes d’égales températures, les isothermes. Les courbes
isothermes sont resserrées dans les régions de flux élevé telle que la dorsale océanique
où l’asthénosphère chaude monte. À l’intérieur de la plaque océanique, la lithosphère
se refroidit et les isothermes s’espacent. Dans la zone de subduction où s’enfoncent
des roches froides, les isothermes s’étirent dans le manteau (figure 1.3).

Figure 1.3 – Répartition des isothermes (en °C)


dans la lithosphère et manteau supérieur.
Ce schéma est une situation idéalisée de la partie supérieure du globe, dans le
cadre de la tectonique des plaques. Do, la dorsale océanique, se situe à la verticale
des parties ascendantes des cellules convectives du manteau (flèches). La montée
du manteau chaud et le transfert de magmas basiques qui lui est associé, à l’origine
de la lithosphère océanique, engendrent un transfert de chaleur considérable vers
la surface : les courbes isothermes y sont resserrées. À l'intérieur des plaques
stables, en s’éloignant de la ride, la lithosphère nouvellement formée se refroidit et
les courbes isothermes s’espacent. Dans une zone de subduction (Zs), à la verticale
des parties descendantes des cellules convectives, la lithosphère océanique froide
s’enfonce dans le manteau chaud : les isothermes s’invaginent. Aux limites des
plaques (zones instables), le transfert de chaleur est essentiellement convectif ; il
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

est essentiellement conductif à l’intérieur (zones stables).

Sur un diagramme pression-température, une courbe matérialise les variations de


la température en fonction de la profondeur à la verticale d’un point. Cette courbe
est le géotherme. Il varie en fonction du site géodynamique : les géothermes dans les
différentes situations géodynamiques de la figure 1.3 sont représentés sur la figure 1.4.
À la verticale de la ride, la température augmente rapidement en fonction de la
profondeur : la courbe Do est proche de l’axe des T. En s’éloignant de la ride, à
l’intérieur de la plaque lithosphérique, les isothermes s’espacent et le géotherme s’éloi-
gne de l’axe de T. Le refroidissement des roches se fait sans (ou peu de) déplacement

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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

Figure 1.4 – Représentation de différents types de géothermes dans un


diagramme température-profondeur.
Tirets : modèles conductifs de Clark et Ringwood (1964), basés sur la diffusion de
la chaleur dans les matériaux du globe terrestre. GO et GC : géothermes océanique
et continental. À la base de la croûte continentale (à 30-35 km), la température est
d’environ 500 °C. En trait plein : différents géothermes basés sur le modèle de la
figure 1.3. DO et FO : dorsales et fosses océaniques. AS : forme possible des
géothermes situés en arrière des zones de subduction ; une inversion du géotherme
apparaît en s, au niveau où le profil température-profondeur recoupe le plan de
subduction. (Kornprobst, 2001)

vertical des roches : le transfert vertical de chaleur se fait par conduction. Au niveau
de la zone de subduction, la lithosphère océanique froide s’enfonce dans le manteau
chaud. Cependant, elle ne se réchauffe que lentement, car les roches ont une mauvaise
conductivité thermique. La majorité des roches ont des conductivités thermiques
inférieures à 5 W.m–1.K–1. À titre de comparaison, notons que les valeurs sont nettement
plus élevées pour les métaux les plus mauvais conducteurs (entre 20 et 40 pour Ti et
Pb) et atteignent plusieurs milliers de W.m–1.K–1 pour les métaux les plus conducteurs
(390 pour le Cu ; 4 000 pour Ag). En conséquence, les isothermes s’enfoncent dans
le manteau et le géotherme se rapproche de l’axe des pressions.

c) Équation du géotherme
La loi de Fourier permet décrire l’équation de la chaleur dans la lithosphère en fonction
de la profondeur. Elle indique les variations de la température en un point, en fonction
du temps :
∂T / ∂t = A / r . Cp + k —2T – u —T (1)
k est la diffusivité thermique, A la production de chaleur et u la vitesse de déplace-
ment. —2 est l’opérateur Laplacien : il indique la dérivée seconde de T dans l’espace
à trois dimensions. — est le gradient (de T). r est la masse volumique, Cp la capacité
thermique qui mesure la chaleur nécessaire pour faire augmenter d’un degré la
température d’un volume unitaire de roche. Dans le globe, les transferts de chaleur
se font dans les trois dimensions.

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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

Cette expression se simplifie en :


∂T / ∂t = A / r . Cp + k ∂2T / ∂z2 – u ∂T / ∂z (2)
si l’on ne considère que les transferts verticaux (à la vitesse u), en fonction de la
profondeur z. Cette équation fait apparaître les principaux modes de transfert et de
production (ou perte) de chaleur. Dans la croûte continentale, la production de chaleur
(A dans le premier terme de l’équation) est essentiellement liée à la désintégration
des éléments radioactifs ; il faut y ajouter/soustraire la chaleur latente de cristallisa-
tion des magmas/de fusion des roches. Les réactions métamorphiques sont également
sources ou pertes de chaleur selon qu’elles sont exo- ou endothermiques. Le deuxième
terme des équations 1 et 2 quantifie le mode de transfert de chaleur par conduction :
il est fonction de la diffusivité thermique des roches κ, c’est-à-dire de la capacité de
ces roches à laisser circuler la chaleur. Le transfert de chaleur par advection (ou
convectif pour employer un vocabulaire plus commun, mais moins approprié ; troisième
terme de l’équation) est fonction de la vitesse de déplacement du milieu (u) et du
gradient thermique. On remarque qu’advection/convection et conduction sont de
signes contraires et, donc, s’opposent. L’un ou l’autre de ces deux mécanismes domine
dans un contexte géodynamique donné (figure 1.3).
À l’intérieur des plaques, zones stables de la lithosphère, les variations de T en
fonction du temps (∂T/∂t) et la vitesse de déplacement vertical (u) sont (presque)
nulles. Le transfert de chaleur se fait alors uniquement par conduction et l’équation
2 se simplifie pour s’écrire alors :
k ∂2T / ∂z2 = – A / r . Cp ou ∂2T / ∂z2 = – A /k
avec k = k/ r . Cp où k est la conductivité thermique. La solution de cette expression
est l’équation d’une parabole :
T(z) = – A/k . z2 + Q0/k ◊ z + T0
Ceci est l’équation du géotherme (conductif) dans une plaque stable. Q 0 et T0 sont
le flux de chaleur et la température à la surface.
Cette équation mathématique est simple. Dans la nature, les coefficients de cette
équation (A, k) varient en fonction de la nature des roches, mais aussi en fonction de
la température et de la pression. Dans la lithosphère océanique, pauvre en éléments
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

radioactifs, la production de chaleur A est bien plus faible que dans la lithosphère
continentale. Ainsi, le géotherme varie d’une région à l’autre et peut s’écarter signi-
ficative d’une courbe que l’on appelle le géotherme moyen ou géotherme dans la
lithosphère stable (GO et GC de la figure 1.4 et GLs, figures 2.1, 2.4, etc.). Dans cet
ouvrage, nous nous référons souvent à ce GLs, mais il ne faudra pas oublier les
écarts possibles par rapport à ce géotherme moyen !
En dessous de la lithosphère, où les transferts de chaleur sont convectifs, la
température augmente peu avec la profondeur. L’augmentation de température n’est
plus que 0,3 °C/km (valeur qui contraste avec la valeur de 30 °C/km observée à la
surface de la croûte continentale). Le géotherme est qualifié d’adiabatique parce que
les roches qui se déplacent n’échangent pas de chaleur avec leur environnement.

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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

1.3.2 Pression et profondeur


On distingue la pression lithostatique et le déviateur des contraintes.

a) La pression lithostatique
La pression lithostatique (PL) ou contrainte lithostatique est la force exercée, sur une
unité de surface, par la masse des roches (poids des roches) qui se trouvent au-
dessus du point considéré. Elle est fonction de la profondeur, de la masse volumique
(ou densité) et de g, l’accélération de la pesanteur. L’unité officielle, le Pascal, est
bien petite pour la géologie. En effet, le bar vaut 105 pascals. On utilise souvent le
kilobar (kb) ou le mégapascal (1 MPa = 10 bars) ou encore le Gigapascal (1 GPa
= 10 kb). La valeur de la masse volumique r dépend de la nature des matériaux.
Dans la croûte continentale, r est proche de 2 600 kg.m– 3 et PL = 260 MPa vers
10 km de profondeur. La pression est de l’ordre de 1 GPa (10 kbar) au niveau du
Moho. Dans le manteau supérieur ultrabasique, r est de l’ordre de 3 300 kg.m–3 ;
des pressions de l’ordre de 3 GPa sont atteintes vers 100 km de profondeur, à la base
de la lithosphère, au voisinage de la zone à moindre vitesse (ZMV). Une estimation
grossière de la pression lithostatique (en kb) est obtenue en multipliant la profondeur
en kilomètres par 0,27-0,3.

b) Le déviateur des contraintes


La pression lithostatique est isotrope, c’est-à-dire équivalente dans toutes les directions.
Dans les zones déformées, orogéniques où s’exercent des forces tectoniques, la pression
n’est plus isotrope. En effet, les forces tectoniques ou contraintes produisent une
composante anisotrope que l’on appelle le déviateur des contraintes. Si les contraintes
ne sont pas équivalentes, on peut définir un ellipsoïde des contraintes avec trois axes :
un axe maximum, un axe intermédiaire et un axe minimum. La contrainte moyenne
correspond à la partie isotrope, la pression lithostatique. La différence entre la
contrainte dans une direction et cette contrainte moyenne définit le déviateur des
contraintes de cette direction. C’est ce déviateur des contraintes qui est responsable
de la déformation des roches.
On conçoit assez facilement que ce déviateur des contraintes est fonction de la
rhéologie des matériaux, de la « plasticité » des matériaux. Plus une roche est ductile,
« déformable », plus faible est le déviateur des contraintes. Dans les roches méta-
morphiques qui sont ductiles, le déviateur des contraintes ne dépasse pas quelques
centaines de bars et reste faible par rapport à la pression lithostatique au-delà d’une
dizaine de kilomètres de profondeur.
En conséquence, lorsque la pression est quantifiée à partir d’un assemblage minéra-
logique d’une roche métamorphique, c’est essentiellement la pression lithostatique,
donc la profondeur, qui est estimée. C’est pourquoi nous représentons, en règle
générale, dans cet ouvrage, les diagrammes P-T avec les deux paramètres pression et
profondeur sur le même axe, lequel est dirigé vers le bas (par exemple figure 3.3).
Cependant, il faut noter que la déformation produite par le déviateur des contraintes
a un rôle majeur pour la recristallisation des roches : en effet, cette déformation

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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

favorise la réalisation des réactions métamorphiques, en activant la cinétique des


réactions. Nous reviendrons aux paragraphes 4.2 et 9.2.3 sur cette influence de la
déformation sur la cinétique des réactions.

1.3.3 Les fluides


Les fluides sont des phases physiquement distinctes, au même titre que les minéraux,
qui se présentent à l’état de vapeur supercritique : on les appelle phases vapeur (V)
Ils sont constitués d’éléments chimiques qui sont principalement H2O et CO2 auxquels
s’ajoutent CH4, N2, O2, H2, etc., qui contiennent en solution des ions tels que Na+,
K+, Cl–. Ils existent en relative abondance dans la croûte et leur proportion diminue
rapidement avec la profondeur ; ils sont en quantité faible dans le manteau. Leur rôle
est majeur pour la cinétique des réactions et la stabilité des assemblages minéralogiques
(voir paragraphes 6.3.2 et 6.4).

a) Situation des fluides dans une roche


Les fluides occupent des situations différentes au sein des roches, puisqu’ils peuvent
être libres, adsorbés, liés, ou dissous (figure 1.5). Ces situations ont des conséquences
pétrologiques importantes.

Figure 1.5 – Représentation très schématique de la localisation des


« fluides » dans les assemblages minéralogiques.
Les « fluides liés » font partie de la structure des silicates et des carbonates (ici H2O
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

entre sous forme de groupements oxhydriles (OH–) dans la structure de l’amphibole).


Ce terme est impropre, puisque ces « fluides » ne constituent pas une « phase V ».
Les fluides « adsorbés » (tirets) constituent une très fine pellicule (épaisseur de
l’ordre de quelques Å) de molécules « rangées » dans un ordre approximatif le long
des surfaces cristallines. Les fluides « libres » apparaissent sous forme d’une phase
vapeur (pointillé) individualisée dans les pores intergranulaires ou dans les inclu-
sions fluides des minéraux. La porosité (dimension des pores intergranulaires) et la
perméabilité sont très faibles à partir de 15 km de profondeur. (Kornprobst, 2001)

• Fluides libres
La phase fluide est dite « libre », ou « mobile », lorsqu’elle est identifiée en tant que
telle, à l’état de vapeur supercritique dans les conditions du métamorphisme, dans les

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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

pores de l’assemblage minéralogique ou en inclusions dans les minéraux. La roche


est alors « saturée en fluide » : on définit une phase vapeur (V) qui est une phase de
la paragenèse de la roche au même titre que les minéraux, même si elle est peu visible
en lame mince.
La présence d’une phase fluide libre dans une roche permet de définir une pression
de fluide, paramètre important pour l’extension des champs de stabilité des phases
hydratées (micas, amphiboles) et carbonatées (calcite, dolomite ; voir paragraphe 6.3.2).
Des déplacements de la phase fluide à travers le système (en fonction de la perméa-
bilité et à la faveur de gradients de pression) sont très variables et peuvent être
importants (du m. au km). Ils sont très difficiles à évaluer. Ils entraînent naturel-
lement le transport des ions en solution et le fluide représente alors le vecteur principal
de la métasomatose, transport ionique à différentes échelles dans les unités méta-
morphiques (paragraphe 6.4).

• Fluides adsorbés sur les surfaces cristallines


Les fluides se localisent le long des surfaces des cristaux de la roche, sur une épaisseur
de quelques Å, constituant ainsi une phase fluide non mobile ou faiblement mobile.
Son volume est variable et il n’existe pas de limite nette entre elle et les fluides libres.
Citons le cas extrême d’un minéral argileux, la montmorillonite, dont les très fines
paillettes sont capables de retenir par adsorption près de 2 fois leur volume d’eau.
Dans les conditions du métamorphisme, les quantités de fluide adsorbées sont très
faibles. Mais, bien que non mobile, ce stock d’eau ou de gaz carbonique a un rôle
important dans le déroulement des réactions minéralogiques : il constitue en effet un
milieu de diffusion intergranulaire qui permet le déplacement rapide des ions,
favorisant ainsi la déformation et la recristallisation.

• « Fluides liés »
Les molécules de H2O et CO2 font partie de la structure cristalline des minéraux
hydroxylés ou carbonatés, sous forme de groupements (OH)– ou (CO3)2–. Il est donc
impropre de les appeler « fluides » dans ce cas. Ces molécules sont libérées sous la
forme d’une phase fluide par des réactions de déshydratation ou de décarbonatation
ou, plus généralement, de dévolatilisation, de la forme :
H (ou C) = A + V
où H est un minéral (ou un ensemble de minéraux) hydraté(s), C, un carbonate (ou
un ensemble de carbonates), A est un minéral (ou un ensemble de minéraux) anhydre(s)
et V, la phase vapeur d’eau ou de dioxyde de carbone. En voici deux exemples :
CaCO3 + SiO2 = CaSiO3 + CO2

Calcite + Quartz = Wollastonite + Vapeur de CO2


K[Si3AlO10]Al2(OH)2 + SiO2 = Al2SiO5 + K[Si3AlO8] + H2O
Muscovite + Quartz = Sillimanite + Feldspath K + Vapeur d’eau

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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre

Ces « fluides » liés alimentent la phase vapeur en fonction du déplacement des


équilibres précédents vers la droite ou la gauche.
Il est prudent d’écrire dans une réaction libellée avec les noms des phases (deuxième
ligne), V(H2O) ou V(CO2) au lieu de H2O ou CO2, pour bien faire la distinction entre
la phase « physiquement distincte » et le constituant chimique.
• « Fluides dissous » dans les liquides silicatés
À la limite à hautes températures du métamorphisme, interviennent des magmas
silicatés par fusion partielle des roches métamorphiques. L’eau libérée par la fusion
partielle des minéraux hydroxylés entre en solution en quantité importante dans le
liquide silicaté (jusqu’à 10 % en poids). Cette eau n’est pas en quantité suffisante pour
saturer le magma : elle constitue un facteur limitant la fusion hydratée des roches.
Un apport extérieur est nécessaire pour que la fusion se poursuive.
La fusion partielle des roches métamorphiques s’avère être un moyen efficace
pour en extraire l’eau qui est facilement dissoute dans le liquide silicaté, en quantité
d’autant plus forte que la pression est plus élevée. Les résidus solides de la fusion
partielle sont donc généralement très pauvres en eau, ce qui explique qu’ils présen-
tent souvent des assemblages minéralogiques appartenant au faciès Granulite (cf.
paragraphe 10.4).

b) Pression des fluides


La pression de la phase fluide dans une roche s’exprime par comparaison avec la
pression qui règne dans le solide environnant. Deux cas distincts peuvent se présenter :
Dans les domaines superficiels fissurés, l’eau est le fluide essentiel et elle est en
communication avec l’eau phréatique par l’intermédiaire de fissures ; sa pression est
donnée par l’expression Pf = rf gz, où rf est la masse volumique du fluide (1000 kg.m–3
pour l’eau superficielle), g l’accélération de la pesanteur et z la hauteur de la tranche
d’eau. La pression d’eau est donc, dans ce cas, très inférieure à la pression du matériel
solide environnant, PS (PL) = rS gz, où rS est la masse volumique moyenne des roches
superficielles (> 2 000 kg.m–3). Ce domaine fissuré à perméabilité élevée occupe la
partie supérieure de la croûte, de 6 à 15 km de profondeur.
Dans les domaines profonds, isolés de la surface, la perméabilité est faible et la
phase fluide interstitielle n’est pas connectée avec la surface. Un raisonnement simple
montre que dans ces domaines ductiles, la pression des fluides Pf est, en général,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

égale à la pression des solides environnants. Une situation avec Pf différent de Ps ne


peut être que temporaire. En effet, une situation dans laquelle Pf < Ps implique
l’existence d’un gradient de pression à l’échelle microstructurale ; ce gradient doit
rapidement s’équilibrer par réduction du volume des pores, jusqu’à l’égalité Pf = Ps.
Inversement, si Pf > Ps, soit le volume des pores augmente, soit la fracturation
hydraulique provoquée par le fluide en surpression permet le retour à l’égalité Pf = Ps
(voir paragraphe 6.3). Ainsi, à l’équilibre, la pression des fluides est-elle considérée,
sauf cas particulier, comme égale à la pression solide.
Le plus souvent, dans les conditions du métamorphisme, le fluide est mixte, constitué
par un mélange de deux ou plusieurs phases fluides. Dans ce cas, la pression d’une

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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables

espèce déterminée, ou pression partielle de fluide (Ppf), peut être exprimée approxi-
mativement en fonction de la pression totale Ps et de la fraction molaire de l’espèce
considérée dans la phase fluide. Par exemple :
H2 O
P H2 O = P S ⎛ ---------------------------------------------------------⎞ = P ⋅X
⎝ H 2 O + CO 2 + CH 4 + …⎠ S H2 O

La pression des fluides est égale à la somme des pressions partielles des différentes
espèces de fluides présents dans la roche ; elle est égale à la pression solide ou litho-
logique :
PS = Ptotale = ∑ Ppf = P H2 O + P CO2 + P CH4 …

Cette expression de la pression partielle d’un fluide en fonction de sa concentration


dans la phase fluide n’est rigoureuse que si le fluide constitue un mélange idéal de
gaz parfaits, ce qui n’est généralement pas le cas. Le paramètre thermodynamique
pertinent pour décrire la pression partielle d’un fluide dans un mélange est la fugacité
ou pression partielle effective f, qui s’exprime à partir du potentiel chimique mi de
l’espèce i dans la phase fluide. Cette « non-idéalité des gaz parfaits » est particuliè-
rement sensible pour des espèces en très faibles proportions dans la phase fluide
comme l’oxygène, l’hydrogène, etc.

Points clefs

= En évaluant la pression, c’est approximativement la pression lithostatique que


l’on évalue, c’est-à-dire la profondeur. P et T nous informent sur la situation
thermique dans le globe.
= Le déviateur des contraintes, responsable de la déformation des roches, contribue
à la cinétique de réactions.
= La nature des fluides, leur pression partielle interviennent sur les évaluations
thermodynamiques. Mais leur importance est difficile à appréhender, car la phase
vapeur est peu ou pas visible dans une roche. Il faut bien faire la distinction
entre la phase vapeur (fluides libres) et les « fluides liés ». Ainsi, un gneiss à
biotite ou autres minéraux hydratés peut contenir ou non une phase V(H 2O) ; il
en est de même pour une roche ne contenant que des minéraux anhydres. Le
gneiss à biotite sans phase vapeur contient de l’eau en tant que constituant
chimique.
= La phase V (spécialement VH2O) constitue un milieu de diffusion et de trans-
port très favorable aux échanges ioniques et au déroulement des mécanismes
réactionnels : elle influence donc la cinétique des processus métamorphiques.

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ROCHES
MÉTAMORPHIQUES :
LES 2
DES MARQUEURS
DES PERTURBATIONS
THERMIQUES ET
MÉCANIQUES DANS
LA LITHOSPHÈRE

2.1 Évolution PT, trajet PTt et géothermes


PLAN

2.2 Pourquoi les roches recristallisent-elles ?


2.3 Le trajet PTt et le gradient métamorphique
2.4 Trajets PTt et contextes géodynamiques

Dans la lithosphère stable, les roches ne subissent ni déplacements verticaux, ni


perturbations thermiques. Aucune modification de P et T ne les affecte. De ce fait, le
géotherme n’est pas perturbé. Dans un tel quel contexte, ces roches ne sont pas
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

affectées par le métamorphisme. Lorsque cette situation stable est modifiée dans une
zone d’instabilité tectonique, la P et/ou la T exercées sur des roches changent en
fonction de l’enfoncement ou de l’exhumation de la roche et de la perturbation du
géotherme. La roche « suit », au cours du temps (t) une évolution en P et T que l’on
appelle le chemin ou le trajet ou encore la trajectoire P-T-t (figure 2.1 b).
Nous devons comprendre quelle est la relation entre ce trajet PTt et l’évolution du
géotherme au cours du temps. Au cours de ce trajet PTt, les roches sont susceptibles
de recristalliser et d’enregistrer ainsi des portions de ce trajet. Mais qu’est ce qui va
être effectivement enregistré de cette évolution thermique et comment ? Pour répondre
à cette question, il nous faut comprendre pourquoi les roches recristallisent lorsque
P et T changent.

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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…

2.1 ÉVOLUTION PT, TRAJET PTt ET GÉOTHERMES

...
R3 R2 R1 T

.. . .
Tr.
rétro
gra b
d e

.
Tra
TM1 TM2

jet
.. .
TM3

A+V
pro

H
gra
e

d
R1
PM R3
R2
a t1

...
GLs t2 t3
t0
P

Figure 2.1 – Relations géothermes, gradient métamorphique et trajets PTt.


Le schéma (a) montre l’épaississement et l’amincissement d’une unité géologique
sans dimension. Sur le diagramme P-T (b) est matérialisée l’évolution du géotherme
(lignes pointillées) au cours de cet épisode tectonique : GLs est le géotherme dans
la lithosphère stable, c’est-à-dire au début et à la fin de l’événement tectonique ; t0
est le géotherme au début de l’enfouissement (temps t0) qui évolue au cours du
temps vers t1, t2, t3, durant l’exhumation – amincissement. Les boucles matérialisent
les trajets P-T suivis par trois roches (R1…) au cours du temps. Les points noirs
nommés respectivement TM1, TM2 et TM3 correspondent aux températures maxi-
males atteintes par les 3 roches durant leur trajet PTt au temps t1, t2 et t3. Ils sont
appelés les pics en température ou pics thermiques. La ligne en pointillés épais est
le gradient métamorphique qui relie ces pics en température. Ce sont eux qui sont
enregistrés grâce à la paragenèse des roches. Les points gris marquent la position
des roches R1 et R3 sur leur trajet respectif au temps t2. Un exemple de réaction
interminérale est indiqué ; elle s’écrit H = A + V où H est un minéral (ou un ensemble
de minéraux) hydraté(s), A est un minéral (ou un ensemble de minéraux) anhydre(s)
et V, la phase vapeur d’eau. PM est la pression maximale atteinte au cours d’un
trajet PTt. Il est encore appelé le pic en pression.

La figure 2.1 montre un exemple simple de l’épaississement d’une unité géologique


soumise à une compression. Cette unité géologique est sans dimension. Nous pouvons
supposer qu’il s’agit d’une portion de croûte continentale dans une lithosphère
stable. L’épaisseur de cette croûte est en moyenne de 30 km. Soumise à des forces
aux limites compressives, cette portion de croûte s’épaissit par déformation continue
(épaississement) et discontinue (chevauchement) créant un relief positif et une
racine. Lorsque les forces aux limites compressives ne s’exercent plus, cette croûte
épaissie est en déséquilibre gravitaire et s’amincit pour retrouver les conditions
d’équilibre qui sont celles du début de la simulation.
Suivons le parcours de trois roches situées initialement à la surface de la croûte.
Nous observons l’évolution P-T de ces roches sur le diagramme PT de la figure 2.1.

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2.2 • Pourquoi les roches recristallisent-elles ?

Au cours de l’épaississement, ces roches, appartenant à l’unité inférieure sous-


charriée, s’enfoncent rapidement à des profondeurs variables. La pression qui s’exerce
sur elles augmente régulièrement et instantanément en fonction de la profondeur Z.
La température augmentant à l’intérieur du globe, les roches se réchauffent. Comme
les matériaux terrestres ont une mauvaise conductivité thermique, ce réchauffement
se fait lentement au cours de l’enfouissement. Le trajet dans l’espace PT ne suit donc
pas le géotherme de la lithosphère stable (GLs), mais s’en écarte en se rapprochant
de l’axe des pressions. Durant ce stade d’enfouissement et d’épaississement, le
géotherme s’écarte de GLs vers les basses températures (courbe pointillé t0 sur la
figure 2.1).
Lorsque la convergence s’interrompt, les roches ont atteint leurs maxima de
profondeur respectifs, matérialisés sur le trajet dans le diagramme PT par les pics en
pression (PM). Lors de l’amincissement qui suit, la pression exercée sur les roches
R diminue ; cependant, leur température continue d’augmenter pour se rééquilibrer
thermiquement avec l’environnement. En effet, la chaleur produite par désintégration
des éléments radioactifs, abondants dans la croûte continentale, est plus importante
dans cette croûte épaissie que dans la croûte d’épaisseur normale d’une lithosphère
stable. Cette évolution s’accompagne d’un déplacement du géotherme vers les hautes
températures. Celui-ci va dépasser le géotherme « moyen » (GLs) qui est celui d’une
croûte continentale d’une lithosphère stable. Le géotherme évolue vers les hautes
températures (t1, t2, t3). Le trajet PTt passe par un pic en température (TM) au-delà
duquel, l’exhumation se poursuivant, P et T diminuent ensemble jusqu’au retour à la
surface des roches R.
On qualifie de trajet prograde, la portion du trajet où P et T augmentent (jusqu’au
pic en P). Au-delà du pic en température, P et T diminuent simultanément et on parle
de trajet rétrograde. Entre le pic en P et celui en température, il faut préciser que le
trajet est rétrograde en P tandis qu’il est encore prograde en T.
En conclusion, une roche située dans une zone d’instabilité tectonique est soumise
à des variations de la température et de la profondeur, donc de la pression. Cette
roche suit une évolution P-T au cours du temps que l’on peut tracer dans l’espace P-T :
on l’appelle le trajet (ou chemin ou trajectoire) P-T-t (figure 2.1). Cette instabilité
tectonique s’accompagne de perturbations du géotherme et, en conséquence, l’évolu-
tion PTt suivie par la roche est très probablement différente au cours de l’enfouis-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sement et au cours de l’exhumation, comme on peut le constater sur la figure 2.1.


Notons que les pics thermiques TM des différentes roches ne sont pas atteints au
même temps t.

2.2 POURQUOI LES ROCHES RECRISTALLISENT-ELLES ?


Tout le long de ce trajet PTt, les roches se trouvent dans des conditions où P et T
changent. Elles sont alors susceptibles d’être métamorphisées, c’est-à-dire de recris-
talliser à l’état solide. Mais pourquoi les roches recristallisent-elles lorsque la pression
et/ou la température varient ?

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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…

Lorsque P varie
Pour comprendre pourquoi les roches recristallisent lorsque la pression varie, nous
allons nous intéresser à une quartzite de Dora Maira (Alpes Italiennes) dans laquelle
C. Chopin a découvert, en 1984, un minéral exceptionnel : la coésite (figure 2.2).
L’association minéralogique de cette roche est : quartz en abondance, disthène,
phengite (un mica blanc), talc et grenat très magnésien ; la coésite est présente sous
forme de minuscules inclusions dans le grenat ou le disthène. La présence dans cette
roche de petits cristaux de coésite, forme cristalline de très hautes pressions de la
silice, prouve que cette roche sédimentaire (donc formée en surface) a été enfouie
jusqu’à, au moins, 90 km de profondeur avant d’être exhumée.

Figure 2.2 – Transformation polymorphique coésite = quartz


en inclusion dans un grenat.
La coésite, minéral incolore très réfringent (à « fort relief ») est partiellement trans-
formée en quartz (qtz : minéral incolore peu réfringent, à « faible relief »). La fractu-
ration radiale du grenat (grt) autour de l’inclusion témoigne de l’augmentation de
volume de la cavité provoquée par la réaction. Métaquartzite de Dora Maira, Alpes.
Microphotographie en lumière polarisée non analysée ; le segment blanc mesure
0,5 mm.

Quartz et coésite sont deux minéraux qui ont la même composition chimique,
SiO2, mais qui cristallisent dans des systèmes cristallographiques différents, ce qui
leur confére des propriétés physiques différentes, tel que le volume molaire. De tels
minéraux sont appelés des polymorphes (voir paragraphe 6.2.1). Le quartz a un
volume molaire de 2,27 cm3 et est stable à la surface du globe jusqu’à environ 90 km.
La coésite, avec un volume molaire de seulement 2,06 cm3, est stable à des profon-
deurs supérieures à 90 km. Au-delà de cette profondeur, le quartz se transforme en
coésite, par le biais de la réaction quartz Æ coésite. La transformation est réversible
et peut se réaliser dans l’autre sens au cours de la remontée. C’est précisément ce
que l’on observe sur la figure 2.2. En remontant des grandes profondeurs, la coésite,

20
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2.2 • Pourquoi les roches recristallisent-elles ?

qui constituait la majorité de la minéralogie de la roche, s’est transformée en quartz,


à l’exception de minuscules inclusions blindées dans le grenat et le disthène. Dans
ces inclusions, la transformation coésite Æ quartz a débuté, mais s’est interrompue,
car la transformation implique une variation de volume considérable comme l’indi-
quent les volumes molaires respectifs : la fracturation radiale du grenat témoigne de
l’augmentation de volume de la cavité contenant la coésite ; mais cette augmentation
de volume n’a pas été suffisante pour permettre la transformation complète.
Pourquoi cette transformation de coésite (minéral de faible volume) en quartz
(minéral au gros volume) se réalise-t-elle lorsque la roche revient vers la surface ?
Nous savons que la masse volumique (ou la densité) des roches augmente depuis la
surface vers le centre du globe (à l’exception de la zone faible vitesse, sous la litho-
sphère). Cette augmentation de la densité implique que le volume d’une roche diminue
lors de son enfouissement en profondeur (P augmente) et inversement lors de son
exhumation. La roche, composée de cristaux d’une ou plusieurs espèces minérales,
est comprimée. Or, les minéraux sont très peu compressibles. En conséquence, la
diminution de volume imposée par une augmentation conséquente de la pression ne
peut être que partiellement accommodée en comprimant les minéraux. Ainsi, les miné-
raux peu denses, de gros volumes, stables en surface, sont remplacés par des minéraux
plus denses, de petits volumes, en profondeur.
En règle générale, les roches sont polyminérales et les réactions permettant aux
roches ce changement de volume en fonction de la profondeur (pression) font inter-
venir plusieurs minéraux (A, B, C, D…). Ces réactions sont de la forme : A + B
= C + D. Chaque minéral a un volume molaire : VA, VB, etc. VA+VB est la somme
des volumes des phases A et B de la réaction ; VC + VD est la somme des volumes
des phases C et D. On peut calculer la variation de volume de la réaction DV. DV de
la réaction est négatif si l’assemblage des minéraux A + B est remplacé par l’assem-
blage C + D au cours d’une augmentation de la pression (diagramme de gauche sur
la figure 2.3). Dans ce cas, le volume des phases produites C et D est plus petit que
celui des phases réactantes A et B : VC + VD < VA + VB.

Lorsque T varie
Le même raisonnement que précédemment peut être tenu pour comprendre le rôle
de la température sur la recristallisation métamorphique. Lorsqu’une roche de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

surface, froide, s’enfonce dans le globe chaud, un transfert de chaleur Q se produit


entre cette roche qui se réchauffe et son environnement. Dans la roche, Q et T
augmentent de DQ et DT et par voie de conséquence le rapport DQ/ DT est positif. Ce
rapport mesure la variation d’entropie DS de la roche au cours de son réchauffement,
c’est-à-dire la différence entre l’entropie de la roche « chaude » et celle de la roche
« froide ». Ce rapport est positif lorsque T augmente, ce qui signifie que l’entropie
de la roche chaude est plus grande que l’entropie de la roche froide. Remarquons
que l’entropie n’est pas simplement un rapport mathématique ; c’est aussi une
caractéristique intrinsèque des roches et des minéraux constitutifs. L’entropie est le
nombre de façons dont les constituants atomiques et moléculaires peuvent se répartir
dans un minéral (on dit encore que l’entropie mesure le désordre). Mais ce nombre

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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…

de combinaisons possibles dans un minéral n’est pas infini. En fait, l’entropie des
minéraux varie peu. Ainsi, lorsqu’une roche équilibrée à basse température est portée
à haute température, son entropie augmente. Puisque l’entropie des minéraux qui la
constituent varie peu, les minéraux de basses températures sont remplacés par des
minéraux de hautes températures à l’entropie plus élevée.
Ces transformations se font au cours de réactions interminérales telles que : A + B
= C + D avec SC + SD > SA + SB. La variation d’entropie de la réaction est positive
lorsque l’assemblage de minéraux C-D remplace l’assemblage A-B et s’accompagne
d’une augmentation de la T (diagramme du milieu sur la figure 2.3).

T
A C

B
A+B

+
D
+ +

A
C+D

+
B D

C
P

Figure 2.3 – La pente des réactions.


Ces trois diagrammes montrent l’allure d’une réaction interminérale A + B = C + D
dans laquelle les phases produites C + D ont : un volume inférieur à celui des
phases réactantes A + B (diagramme de gauche) ; une entropie supérieure à celui
des phases réactantes A + B (diagramme du milieu) ; un volume inférieur et une
entropie supérieure à celui des phases réactantes A + B (diagramme de droite).

Lorsque P et T varient simultanément


Prenons en considération, d’une manière plus générale, les deux paramètres P et T
(V et S). Considérons que les phases A et B sont remplacées par les phases C et D
par le biais de la réaction : A + B = C + D au cours d’une augmentation de P et de T.
Dans ce cas, le DV de la réaction est négatif et le DS est positif. La pente de cette
réaction est exprimée par le rapport DS/DV. En conséquence, sa pente est négative
(diagramme de droite de la figure 2.3).

2.3 LE TRAJET PTt ET LE GRADIENT MÉTAMORPHIQUE


Qu’enregistrent les roches métamorphiques des trajets PTt de la figure 2.1 ? Tout au
long de cette évolution P-T-t, l’association minéralogique de la roche change afin
que celle-ci soit en équilibre (paragenèse) avec les conditions P-T du moment. Ce
rééquilibrage se fait par le biais d’une succession de réactions minéralogiques telles
que celle décrite dans la figure 1.1 (A + B = C) ou la réaction quartz = coésite dans
le précédent paragraphe ou encore la réaction H = A + V de la figure 2.1. Si ce
rééquilibrage était complet, nous ne trouverions pas de roches métamorphiques à la
surface du globe, mais seulement des roches équilibrées dans les conditions super-
ficielles, avec des assemblages de basses pressions et températures ! En fait, ce

22
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2.3 • Le trajet PTt et le gradient métamorphique

rééquilibrage est plus ou moins complet et les réactions minéralogiques ne se réalisent


pas spontanément et complètement dès que la courbe d’équilibre, telle que A + B Æ C
de la figure 2.1 est franchie. Nous avons défini, au paragraphe 1.1.2, une vitesse de
réalisation de la réaction ou cinétique de réaction qui explique que l’on puisse
recueillir, à la surface de la planète, des roches métamorphiques très anciennes,
préservées à l’état métastable.
Au cours de l’évolution prograde en T (jusqu’au pic thermique) des roches R de
la figure 2.1, la température augmente, la déformation est intense et l’eau, libérée
par les réactions de déshydratation, est disponible. Ce sont des conditions favorables
à la réalisation des réactions. En conséquence, les processus de la recristallisation sont
plus rapides que la vitesse de l’évolution métamorphique, c’est-à-dire que la vitesse
de variation de P et/ou T. Les associations minérales des roches sont constamment
réajustées et les réactions sont complètes. À la fin du trajet prograde en température,
la paragenèse témoigne des conditions optimales (TM sur la figure 2.1) et ne conserve
qu’exceptionnellement des indices de l’évolution progressive depuis les conditions
de basses températures et basses pressions (BT-BP) vers les hautes températures et
hautes pressions (HT-HP). Seules de rares zones préservées de la déformation, sous la
forme de boudins tectoniques de taille variable, métrique à hectométrique (figure 13.6,
figure 3, planche 6), ou bien sous la forme de phases précoces, à l’échelle microscopi-
que, en inclusions dans les phases du pic du métamorphisme, isolées de la circulation
des fluides, peuvent montrer des indices du trajet prograde (figure 2.2 planche 1).
Par contre, au cours de l’évolution rétrograde (en T et P), lorsque l’échantillon est
ramené vers la surface, la température diminue ; généralement la déformation est
limitée et localisée et l’eau n’est plus disponible pour la cristallisation de minéraux
hydratés de basses températures. La cinétique des réactions est faible et les processus
de la recristallisation sont plus lents que les réajustements de la P et de la T. En
conséquence, les réactions sont partielles ou ne se produisent pas et les roches méta-
morphiques conservent généralement le témoignage des conditions maximales en
températures (pic en T : Tmax) qu’elles ont atteintes (figure 2.1).
Dans la croûte continentale, la majorité des réactions sont des réactions de
déshydratation du type :
H=A+V
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dans laquelle H est un assemblage de minéraux hydratés, A de minéraux anhydres et


V la phase vapeur d’eau (H2O). Comme représenté sur la figure 2.1, les courbes
représentatives de ces réactions, dans un diagramme PT, ont une pente positive et la
phase V est du côté haute température de la réaction. Au cours du trajet prograde en
T et P des roches R, cette vapeur est libérée par la roche et favorise la réalisation
des réactions. De faible densité, elle remonte vers la surface et la roche est ainsi
déshydratée. Au cours du trajet rétrograde, lorsque T diminue, les réactions qui sont
réversibles sont franchies en sens inverse, dans le sens A + V Æ H, mais la vapeur
nécessaire à leurs réalisations, n’est plus disponible. La recristallisation, à ce stade
rétrograde, n’est possible que dans les zones très perméables, comme les limites
lithologiques et discontinuités tectoniques (fissures et zones de cisaillement) le long

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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…

desquelles circulent les fluides. Or, les nouveaux minéraux hydratés ont des volumes
plus importants que les minéraux précédents et les fissures sont rapidement colmatées,
ce qui limite la circulation des fluides. De ce fait, la rétromorphose reste localisée.
En conséquence, sauf cas exceptionnel, c’est la paragenèse acquise au pic en T qui
est généralement préservée lorsque les roches métamorphiques atteignent la surface.
C’est ce que le géologue observe principalement sur le terrain : à l’aide d’une simple
loupe, il identifie des minéraux index. Ceux-ci, lorsqu’ils apparaissent dans une
roche, indiquent une augmentation du degré du métamorphisme : ils servent à carto-
graphier des surfaces d’égale intensité métamorphique appelées isogrades (voir chapitre
suivant). Depuis la roche R1 jusqu’à la roche R3, les minéraux index observés
témoignent d’un accroissement de l’intensité du métamorphisme qui caractérise le
gradient métamorphique. Les Anglo-Saxons parlent plus précisément de gradient
métamorphique de terrain (metamorphic field gradient) pour insister sur le fait qu’il
s’agit d’observations faites à l’échelle du terrain, cartographique, à l’inverse du
trajet PTt qui peut être obtenu à partir d’un seul échantillon ou bien de quelques
échantillons d’un même affleurement.
Sur la figure 2.1, ce gradient métamorphique est indiqué par la courbe en tirets
qui relient les pics thermiques atteints par les roches. Ce pic est à l’intersection du
trajet de la roche et du géotherme à tn. De ce fait, on note que les pics en T des diffé-
rentes roches n’ont pas été atteints au même moment. Lorsque R2 atteint son pic en
température à t2 (point noir TM2), la roche R1 a déjà dépassé le sien et suit une
évolution rétrograde en T et P, tandis que R3 n’a pas encore atteint le sien. Ceci est
indiqué sur la figure 2.1b par les 2 points gris à l’intersection du géotherme t2 et les
2 trajets des roches R1 et R3. Ainsi le gradient métamorphique (défini à partir de ces
pics en T), n’a pas une existence à un temps donné. En conséquence, le gradient
métamorphique ne peut, en aucun cas, être assimilé à un paléo-géotherme, même
anormal !

2.4 TRAJETS PTt ET CONTEXTES GÉODYNAMIQUES


Les trajets que nous avons représentés sur la figure 2.1 sont caractéristiques de l’évolu-
tion thermique dans une zone de convergence de type collision. Chaque contexte
géodynamique s’accompagne d’une modification du régime thermique par rapport à
la situation de la lithosphère stable. Cette perturbation est matérialisée par un (ou
des) trajet(s) PTt spécifique(s).
La figure 2.4 en montre quelques exemples. Cette figure montre une coupe simplifiée
de la croûte terrestre. La croûte océanique présente une ride (5) ; elle est épaissie au
niveau d’un plateau océanique (4). La croûte continentale est séparée de la croûte
océanique par une marge passive et une marge active (6). Elle est épaissie au niveau
de cette marge active et dans une zone de chaîne de montagnes (1, 2, 3).
Les trajets PTt de six roches dans des contextes géodynamiques différents sont
dessinés sur le diagramme PT. Nous avons noté précédemment que le stade rétrograde

24
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2.4 • Trajets PTt et contextes géodynamiques

T
5

1 2
6

Solidus
Gabbro
3

P
GLs

5
4 1
2 6 4

Figure 2.4 – Exemples de trajets PTt caractéristiques de contextes


géodynamiques variés.
La croûte continentale est représentée en pointillés et la croûte océanique en noir.
Notez que la position des roches 1, 2, 3 et 6 sur la coupe correspond au pic en
pression de leurs trajets respectifs dans le diagramme PT. Les portions en trait plein
de ces trajets sont les plus susceptibles d’être préservées par les paragenèses des
roches. GLs : géotherme moyen de la lithosphère stable.

en T (portion en trait plein sur la figure) est le plus susceptible d’être préservé. Les
roches 1 et 2 sont dans une situation similaire à celle des roches de la figure 2.1. Il
s’agit de roches de la partie superficielle de la croûte chevauchée dans une conver-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gence continent-continent. Leur trajet dessine une boucle. Mais après un trajet
prograde en P identique, les deux roches atteignent des températures maximales
différentes durant l’exhumation. Plusieurs solutions permettent d’expliquer ces trajets
rétrogrades différents. Une vitesse d’exhumation variable est une des solutions
possibles. La roche 1 remonte rapidement et a peu de temps pour s’équilibrer
thermiquement avec son environnement : son trajet rétrograde se fait sans variation
significative de la température. La roche 2 remonte lentement et, comme sur la
figure 2.1, elle se réchauffe au début de son exhumation. La roche 3 se situe à la base
de la même croûte chevauchée que les échantillons 1 et 2. Son trajet PTt est à peu
près semblable aux deux précédents avec la différence qu’il débute en profondeur et

25
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…

qu’il atteint des conditions de ultra haute température (chapitre 14.4). Le trajet 4 est
celui d’une roche magmatique mise en place à la base de la croûte continentale par
sous placage magmatique ou dans la partie inférieure d’un plateau océanique ou
encore dans le manteau supérieur (paragraphes 14.3 et 16.2). En refroidissant à une
profondeur fixée, la roche magmatique recristallise et peut acquérir une paragenèse
métamorphique. Un gabbro de la croûte océanique mis en place au niveau d’une ride
océanique suit un trajet isobare parallèle à celui de la roche 4, à basses pressions
(trajet 5 ; paragraphe 15.2). En effet, dans une croûte océanique de moins de huit
kilomètres d’épaisseur, la pression ne dépasse pas deux kilobars. Dans une zone de
convergence océan-continent, la croûte continentale s’épaissit tectoniquement et par
sous placage magmatique. Le sous-placage magmatique fournit un apport thermique
conséquent. La roche 6 est réchauffée par cet apport magmatique qui est associé à
un épaississement responsable d’une augmentation de la pression. Cet exemple, un
peu théorique, montre un cas particulier ou le sens de la boucle du trajet PTt est
l’inverse de la boucle classique des roches 1, 2 et 3.
On note qu’à la fin du trajet, certaines roches (3, 4 et 6) sont inaccessibles à
l’observation : un nouvel événement orogénique (et métamorphique) est nécessaire pour
ramener ces roches à la surface ; plus rarement, ces roches peuvent être ramenées à
la surface en enclaves dans les volcans.

En conclusion : que préservent les roches métamorphiques ?

= La finalité la plus intéressante pour le pétrologue qui cherche à comprendre


l’évolution géodynamique d’une région serait la reconstitution des paléo-
géothermes, objectif difficilement atteint. Le trajet PTt témoigne clairement de
la perturbation du géotherme au cours d’un événement tectonique.
= Malheureusement, nous venons de voir que les roches métamorphiques préservent
essentiellement les conditions maximales en températures (TM sur la figure 2.1)
matérialisées par le gradient métamorphique. Celui-ci est caractéristique du
contexte géodynamique, mais il ne nous informe que sur un seul point du trajet
PTt de chacune de ces roches (figure 2.1). Ce qui est limité !
= Les roches contiennent parfois des indices du trajet PTt rétrograde et, plus rarement
encore, des indices du trajet PTt prograde. Ces reliques du trajet PTt ont préservé
une étape (rarement plusieurs) de leur évolution PT parce que, à ce moment
précis, la vitesse de réaction est devenue trop faible (boudin tectonique préservé
de la déformation, absence de fluides, diminution de la température, etc.).
= Ce sont ces roches « rescapées » qui ont enregistré une portion de l’évolution
thermique qu’elles ont suivie que nous devons étudier. En reliant les bribes
d’histoire thermique dont témoigne chacune de ces roches, nous traçons la
trajectoire P-T-t que l’on confronte au gradient métamorphique.

26
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ROCHES
MÉTAMORPHIQUES :
LES 3
LOCALISATION,
TEXTURES, STRUCTURES
ET CLASSIFICATION

3.1 Localisation géographique des roches métamorphiques


3.2 Cartographie du métamorphisme - Minéraux index et isogrades
du métamorphisme
PLAN

3.3 Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T


3.4 Structures et textures
3.5 Structures et contraintes
3.6 Les principales textures des roches métamorphiques
3.7 Nomenclature des roches métamorphiques

3.1 LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE


DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

3.1.1 Les différents types de métamorphismes


Les roches métamorphiques sont classées en trois catégories selon leur contexte
géologique de formation. On distingue des roches du métamorphisme de contact,
des roches du métamorphisme dynamique et des roches du métamorphisme régio-
nal. Les deux premiers types de métamorphisme sont catalogués de métamorphis-
mes locaux, car ils couvrent des régions de dimensions moyennes dans lesquelles
l’échelle est kilométrique (figure 11.1). Les métamorphismes régionaux s’étendent
sur des surfaces qui peuvent être considérables, pour lesquelles l’échelle est déca à
hecto-kilométrique (figures 12.8, 13.2, 14.3, 14.5).

27
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

La cause des variations des paramètres P et/ou T est explicite dans le cas des
métamorphismes locaux. Le métamorphisme de contact se développe à proximité
immédiate d’une intrusion magmatique : la cause majeure de la recristallisation
métamorphique est la chaleur fournie par l’intrusion qui diffuse dans les roches
encaissantes. Ce métamorphisme est aussi qualifié de métamorphisme thermique.
Nous l’étudierons au chapitre 11. Le métamorphisme dynamique se localise dans
des zones étroites de failles et de base de nappes de charriages où la déformation est
très intense ainsi que les sites d’impact de météorites. On parle, dans ce dernier cas,
de métamorphisme de choc ou d’impact. L’impact de grosses météorites à la surface
du globe provoque une augmentation considérable de P et T pendant un temps très
bref. S’il est, fort heureusement, rare à l’heure actuelle, le métamorphisme de choc a
joué un rôle important sur l’origine de la croûte terrestre primitive à l’Hadéen,
pendant la période de l’intense bombardement météorique qui a conclu l’accrétion
du système solaire (3,9 milliards d’années). Nous n’étudierons pas le métamorphisme
dynamique dans le cadre de cet ouvrage. Signalons toutefois, en France, le site
d’impact de Rochechouart, en Haute-Vienne : la chute d’une météorite de 2 km de
diamètre, il y a 200 Ma, est responsable d’un cratère d’environ 20 km de diamètre.
Dans le cas du métamorphisme régional, les variations de la T et P sont dues aux
sources de chaleur interne du globe. Toutes les régions du globe montrant des
perturbations du géotherme sont favorables à la recristallisation métamorphique : les
zones orogéniques, la lithosphère océanique, mais aussi le manteau convectif. L’étude
du métamorphisme régional permet de déchiffrer ces perturbations thermiques dans
le globe, ce qui constitue un préalable indispensable pour faire l’interprétation
géodynamique d’une région. Comme l’indique le titre de cet ouvrage, nous nous
intéressons à la signification géodynamique du métamorphisme : c’est pourquoi nous
traiterons principalement des métamorphismes régionaux affectant la lithosphère.
Toutefois, le métamorphisme d’enfouissement, qui est également un métamorphisme
d’extension régionale, n’est pas traité dans cet ouvrage.

3.1.2 Répartition des roches métamorphiques


à la surface du globe
Pour se faire une idée de la répartition des roches métamorphiques à la surface de la
Terre, observons la répartition des affleurements de ces roches en France (figure 3.1).
Celles-ci se répartissent sur une surface non négligeable de notre pays et sont localisées
dans le Massif central, en Bretagne-Vendée, dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans
les Vosges, en Corse. Elles sont souvent associées à des granites. Elles sont associées
à deux orogenèses principales : l’orogenèse hercynienne paléozoïque et l’orogenèse
alpine cénozoïque. D’autre part, elles se retrouvent sous les quelques centaines à quel-
ques milliers de mètres d’épaisseur de la couverture des grands bassins sédimentaires.
Une telle répartition est en accord avec le fait que les zones orogéniques sont des
sites où les P et T sont perturbées (anomalies thermiques) et sont donc favorables à
la formation des roches métamorphiques. De plus, l’exhumation de ces roches
profondes est favorisée dans les zones crustales épaisses, en déséquilibre gravitaire,

28
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3.1 • Localisation géographique des roches métamorphiques

Figure 3.1 – Répartition des séries métamorphiques sur le territoire français,


en fonction de leur âge et du type de gradient métamorphique
(d’après Kornprobst et al., 1981).
BP : gradient de BP-HT ; P int : gradient MP (ou pressions intermédiaires) -HT ; HP :
gradient HP-BT. p1 : Protérozoïque inf - Icartien ; p2 : Protérozoïque supérieur
(Cadomien) ; ca : Calédonien ; v1 : éohercynien ; v2 : hercynien ; a1 : éoalpin ; a2 :
Lépontin. M : massif des Maures ; mn : Montagne Noire ; Lim : Limousin. Les
boudins noirs représentent les principales formations à métaophiolites et roches
de haute pression (éclogites et granulites) qui apparaissent en reliques dans les
séries hercyniennes. BA : bassin Aquitain. (Kornprobst, 2001)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que sont les chaînes de montagnes. Une répartition équivalente peut être observée,
sur une surface variable et des âges différents, ailleurs à la surface du globe.
Il n’empêche que le métamorphisme se réalise également dans de nombreux autres
contextes géodynamiques comme nous l’avons vu sur la figure 2.4.

3.1.3 Répartition des roches métamorphiques


sur un profil de la croûte
Il est difficile de proposer une coupe synthétique de la croûte continentale, car celle-ci
est extrêmement diversifiée, autant verticalement que latéralement. Cette diversité

29
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

chimique et minéralogique est due à l’origine ancienne de la croûte continentale qui,


contrairement à la croûte océanique, s’est formée et a été remaniée continuellement
depuis plus de 3,8 Ga. On peut cependant proposer un schéma synthétique (figure 3.2)
qui montre que la croûte continentale est constituée d’une partie superficielle
comprenant des roches sédimentaires sur une épaisseur de quelques centaines de
mètres, exceptionnellement et localement de 8 à 10 km et des roches volcaniques.
En dessous, dans la croûte supérieure, c’est le domaine des roches métamorphiques
de faible à moyen degré, fortement plissées et déformées. Elles sont traversées par
des granites intrusifs. La partie inférieure de cette croûte supérieure est le domaine
des granites d’anatexie, produits de la fusion hydratée de métasédiments, au-delà du
métamorphisme de moyen degré. Parfois, croûte supérieure et inférieure sont séparées
par la discontinuité de Conrad.

Croûte superficielle

Croûte supérieure
(R. métamorphiques et
granitoïdes)

z = 16 km Discon. de Conrad

Croûte inférieure
(R. ultra métamorphiques
et magmatiques)

z = 30 km Discon. de Moho
Manteau supérieur
(R. ultrabasiques)

Figure 3.2 – Coupe synthétique de la croûte continentale constituée


principalement de roches métamorphiques.

La croûte inférieure est constituée de roches ultra-métamorphiques du faciès


Granulite montrant un litage métamorphique généralement horizontal. Des méta-
sédiments granulitiques sont associés à des roches magmatiques basiques (d’origine
mantellique) métamorphisées. Les conditions thermiques à l’origine des granulites
en base de croûte continentale sont bien supérieures aux conditions du géotherme de
la lithosphère stable (GLs sur la figure 3.3). Dans une lithosphère stable la température
est voisine de 500 °C à la profondeur de la discontinuité de Mohorovicic (30 km), ce
qui correspond aux températures de la transition des faciès Schistes verts-Amphibolite.
En conclusion, on constate que les roches métamorphiques sont des constituants
majeurs de la croûte continentale, tant en surface qu’en profondeur. Nous montrerons

30
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3.2 • Cartographie du métamorphisme

que le métamorphisme est également présent dans la croûte océanique et dans le


manteau, puisque ce sont également des sites géodynamiques où existent des variations
de températures, de pressions, de la nature des fluides.

3.2 CARTOGRAPHIE DU MÉTAMORPHISME - MINÉRAUX


INDEX ET ISOGRADES DU MÉTAMORPHISME
Pour évaluer l’évolution métamorphique dans une région, on cartographie les lignes
d’égal degré du métamorphisme ou isogrades, caractérisées par l’apparition ou la
disparition de minéraux index. Un isograde sur une carte est une ligne résultant de
l’intersection d’une surface isograde avec la topographie. Ces isogrades indiquent la
première apparition, marquée par un signe + (ou disparition, marquée par un signe –)
d’un minéral, mais ne reflètent pas toujours une réaction spécifique : plusieurs réactions
sont responsables de l’apparition de ce minéral et l’intervention de l’une ou l’autre
de ces réactions peut dépendre du trajet PTt parcouru ou bien de la paragenèse
initiale de la roche. Ainsi, dans les métasédiments argileux, le grenat peut se former
grâce aux réactions suivantes : Chl + Ms + Qtz = Bt + Grt + V H2 O, Chl + Qtz = Grt
+ V H2 O , Chl = Grt + Mag + V H2 O , Chl + Cld + Qtz = Grt + V H2 O ; ces quatre réactions
se réalisent dans la gamme de températures 500-550 °C. Un autre exemple, à plus
hautes températures, est celui de la sillimanite produite par la réaction polymorphique
And/Ky = Sil ou bien par le biais de réactions de déshydratation faisant intervenir
des micas, telle la réaction classique : Ms + Qtz = Kfs + Sil + V. Il est plus judicieux
d’appeler ces « isogrades » d’apparition ou de disparition de « minéraux index »
des « limites d’apparition ou de disparition de minéraux index » qui séparent des
« zones métamorphiques » portant le nom du minéral index et de réserver le terme
d’isogrades à des limites dont on a identifié les réactions métamorphiques. La
figure 13.2 présente la carte des zones métamorphiques dans le dôme hercynien du
Lévezou, dans le Massif central. Cette succession de zones métamorphiques indique
un gradient métamorphique croissant vers le centre du dôme. La carte de la figure 11.1
de l’auréole métamorphique de Ballachulish en Écosse est une véritable carte
d’isogrades, établis à partir de réactions métamorphiques. Sur la carte de la figure 11.8,
la distinction est faite entre les isogrades et les limites d’apparition d’un minéral.
Il faut remarquer que l’apparition ou la disparition d’un minéral ne dépend pas
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

seulement des conditions du métamorphisme, mais aussi de la composition des roches


(chapitre 5). Ainsi, dans la zone métamorphique Biot de la figure 13.2, ce minéral
n’est pas présent dans toutes les roches. D’autre part, le passage dans la zone méta-
morphique voisine Grt n’implique pas la disparition de la biotite. Au contraire, ce
minéral persiste jusque dans les conditions ultimes du métamorphisme, l’anatexie.
Il est difficile de donner une valeur absolue en T et/ou P à un isograde, car les
pentes des réactions sont variables. Pour prendre un exemple, la courbe P-T de la
réaction Ky-Sil (figure 6.2) indique une pente P/T d’environ 20 bars/°C : en consé-
quence, la température de l’isograde d’apparition de la sillimanite dépend de la pression.
D’autre part, la position des courbes des réactions de déshydratation (largement

31
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

utilisées dans la cartographie des isogrades) dans l’espace P-T est très dépendante de
la pression partielle des fluides (voir 6.7). Enfin, la position des courbes de réaction
est également fonction de la composition des roches.
La cartographie précise des isogrades (et, a fortiori, celle des limites d’apparition
de minéraux) est une évaluation qualitative, imprécise des conditions de P et T, mais
cependant bien utile. Facile à mettre en œuvre sur le terrain, elle nécessite l’étude
pétrographique d’un très grand nombre d’échantillons.

3.3 LOCALISATION DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES


DANS L’ESPACE P-T

3.3.1 Les limites du métamorphisme


et les faciès métamorphiques
Le métamorphisme intéresse la majorité de l’espace PT de la figure 3.3. Seul, le
domaine à gauche de la figure, à HP, très BT (limité par une droite de gradient 6°/km),
n’est pas réalisé sur Terre. Nous avons noté précédemment (paragraphe 1.2) que la
diagenèse marque la limite progressive, à BT, BP, avec le métamorphisme. La
courbe d’anatexie (A) marque la limite entre le domaine des transformations à l’état
solide du métamorphisme et celui du magmatisme. Cette courbe d’anatexie indique
les conditions au-delà desquelles les roches commencent à fondre en produisant un
magma de composition granitique : les roches subissent une fusion partielle. Cette
limite n’est pas fixe et peut se déplacer de plusieurs centaines de degrés (à une pression
donnée). Le géotherme GLs matérialise l’augmentation de la T en fonction de la
profondeur à l’intérieur d’une plaque lithosphérique continentale stable. On remarque
que les roches métamorphiques enregistrent des conditions thermiques différentes
de celles de ce géotherme GLs.
Pour raisonner dans ce vaste espace P-T, il est nécessaire de faire des subdivisions.
On peut parler de métamorphisme de très faible degré, de faible degré, de degré
moyen et de degré élevé (Winkler, 1979). Les termes d’anchizone, épizone, mésozone
et catazone qui indiquent une augmentation du degré du métamorphisme sont égale-
ment utilisés. Le découpage en faciès métamorphiques, proposé par Eskola au début
du siècle dernier est plus précis. Le domaine P-T est découpé en portions DT-DP
appelées faciès métamorphiques. Cette notion de faciès métamorphique est bien
pratique, car elle permet de regrouper des roches soumises à des intervalles de P et T
données, indépendamment de leur composition chimique. Une amphibolite (de
composition basaltique) et un micaschiste (de composition de sédiments argileux) à
sillimanite appartiennent au même faciès métamorphique, le faciès Amphibolite. Ainsi,
un faciès métamorphique regroupe toutes les paragenèses ayant cristallisé dans le
même intervalle P-T, quelle que soit la composition chimique de la roche. Ces para-
genèses sont caractéristiques d’un faciès métamorphique et permettent, par conséquent,
d’estimer qualitativement les conditions de formation.

32
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3.3 • Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T

200 400 600 800 1000 T˚C


cor cor co

e
n. A née rn. sanidinite

ès
b-E nne Pr

en
xs

prehnite
0,2 p .H

ag
bl
di zéolite

-pumpe
0,4

sch
A
20

amphibolit
K S HT - B

is te
0,6 P

lleyite

sv
dom

er t
0,8 MP
aine

s
HT

e
non

1,0 40 granulite
réal

1,2 schistes bleus


isé
su

1,4
r Te

HP

GL
rre

1,6 60
s
-

éclogite
P(GPa) Z(Km)
BT

Figure 3.3 – Faciès et gradients métamorphiques dans l’espace P-T.


Le domaine à gauche de la figure, à HP, très BT n’est pas réalisé sur Terre. La transition
est progressive entre la diagenèse et le faciès métamorphique Zéolite. La courbe
d’anatexie (A) indique la limite entre le domaine des transformations à l’état solide
du métamorphisme et celui du magmatisme. Cette limite est mouvante, ce qui
explique la présence de faciès métamorphiques à plus HT. Le champ de stabilité
des silicates d’alumine (A = andalousite ; K = disthène ; S = sillimanite) et le géotherme
de la lithosphère continentale stable (GLs) sont donnés à titre de repères. La T à la
base de la croûte continentale (à 30-35 km) se situe à la transition des faciès Schistes
verts – Amphibolite. Les faciès du métamorphisme de contact (ou métamorphisme
thermique) sont Corn Ab-Ep : Cornéenne à albite et épidote, Corn Hbl : Cornéenne
à hornblende, Corn Prxs : Cornéenne à pyroxènes et Sanidinite.

Les noms des faciès proviennent des noms des roches de composition basique
(basaltiques et gabbroïques), métamorphisées dans les intervalles PT définis pour
ces faciès. Cette nomenclature peut prêter à confusion si l’on n’a pas une utilisation
rigoureuse du vocabulaire : le terme Schiste bleu ne doit pas être utilisé comme une
abréviation pour « une roche du faciès Schistes bleus » ou « une roche dans les
conditions du faciès Schistes bleus », mais seulement pour le cas bien spécifique d’une
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

roche magmatique basique métamorphisée (métabasite) dans les conditions du « faciès


Schistes bleus ».
Le métamorphisme des roches basiques fait intervenir un nombre limité de minéraux
dont le plus commun est l’amphibole qui montre une large gamme de compositions
chimiques. Ces roches sont caractérisées par un nombre limité d’assemblages miné-
ralogiques diagnostiques. Dans l’intervalle P-T d’un faciès métamorphique, l’assem-
blage minéralogique des roches basiques ne change pas beaucoup et peut donc servir
d’assemblage diagnostique de ce faciès. C’est ce qui a justifié le choix du nom de
ces roches comme nom des faciès. Ainsi, dans le faciès Schistes verts, la paragenèse la
plus commune des métabasites est à actinote + chlorite + épidote + albite + quartz ;

33
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

dans le faciès Amphibolite, ces mêmes roches sont à hornblende + plagioclase + grenat
+ quartz. L’isograde d’apparition du grenat, dans les métabasites, marque la limite
des faciès Schistes verts et Amphibolite ; cette limite coïncide également avec un
changement relativement rapide de composition de l’amphibole (actinote – hornblende)
et de celle du plagioclase. Dans ces mêmes intervalles P-T, des métasédiments
présentent d’importantes modifications minéralogiques.
La figure 3.4 montre un choix de réactions isogrades délimitant les différents faciès
métamorphiques. Notons que les limites des faciès sont approximatives, car la posi-
tion des réactions dépend de la composition des roches et de celle de la phase fluide,
comme nous le verrons dans les chapitres suivants. Ce diagramme est établi avec
PH2O = PL (pression lithostatique) jusqu’aux conditions de la courbe d’anatexie ;
au-delà de l’anatexie, la condition PH2O < PL est nécessaire pour que les roches ne
fondent pas, mais soient métamorphisées dans le faciès Granulite.

200 400 600 800 1000 T˚C


cor cor cor
née
e

n. A n. P sanidinite
ès

b-E nne rxs


en

p .H
V

0,2 bl
ag

t+q+
pum + chl

pum + chl + q
di

zéolite
+ac

act + ep + V

schistes
prh

prh-pum

0,4 verts amphibolite


chl + ep + ab + qtz

20 m
opx + cpx + pl + V

0,6 lau tz
+ q lw
lws
hbl

s
dom

(+ ol +
hbl + an + V

) ac opx pl
+c
aine

0,8 t+ px
ch + spl
gl

l+
n+
non

ab
1,0
ep

ep (+

schistes bleus
40 granulite
réal

+
qt
z

)
isé

hbl
+
lws

1,2 + pl
V
sur

cpx
(+)

+gr
t+q+
+V
Terr

V
1,4 p tz
+e g +q op
x+
gln
e

p
r t+ cpx pl
+g
gln (+)

p +g
1,6 60 om rt +
éclogite qtz
P(GPa) Z(Km)

Figure 3.4 – Faciès métamorphiques


et réactions limites (traits pleins) de ces faciès
Cette figure montre un choix de réactions isogrades délimitant les différents faciès
métamorphiques. Quelques réactions supplémentaires (en tirets) permettent de
faire des subdivisions dans ces faciès. En tirets : la réaction lws (+) sépare un
domaine Schistes bleus à lawsonite d’un domaine à épidote, à plus hautes tempé-
ratures ; la réaction gln (+) sépare le faciès Éclogite en un domaine de BT (à glauco-
phane) et un domaine de HT (à hornblende ou barroisite) ; la réaction ep (+)
délimite un sous-faciès Amphibolite à épidote ; la réaction Ol + Pl = Opx + Cpx + Spl
permet de définir des sous-faciès dans le faciès Granulite.

34
9782100522682-Nicollet.fm Page 35 Mardi, 29. décembre 2009 4:34 16

3.3 • Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T

Les faciès du métamorphisme de contact (ou métamorphisme thermique) se dévelop-


pant à la périphérie d’un massif plutonique sont proches de l’axe des températures,
indiquant par là que le paramètre P ne change pas. Les faciès Zéolite, Prehnite-
Pumpellyite, Schistes bleus, Éclogite, Schistes verts, Amphibolite, Granulite sont des
faciès du métamorphisme régional.

3.3.2 Les principaux gradients métamorphiques


La plupart des terrains métamorphiques montrent des variations géographiques
progressives des conditions métamorphiques depuis les faibles degrés jusque, parfois,
aux conditions de l’anatexie. Ces conditions variables dont témoignent ces roches
permettent de tracer une évolution régulière dans le diagramme P-T : c’est le gradient
métamorphique. Les trois domaines grisés (HP-BT, MP-HT et HT-BP) sur la figure 3.3
matérialisent les évolutions métamorphiques régionales les plus souvent enregistrées
par les roches du métamorphisme régional, à travers le monde. Le gradient méta-
morphique de hautes pressions-basses températures (HP-BT) indique que lorsque la
pression (c’est-à-dire la profondeur) augmente, la température reste faible. C’est
l’inverse dans le cas du gradient métamorphique de hautes températures-basses
pressions (HT-BP). L’augmentation de pression est modérée dans le cas du gradient
métamorphique de moyennes pressions-hautes températures (MP-HT, parfois appelé
de pressions intermédiaires-hautes températures : PI-HT). Les conditions de l’anatexie
(courbe A) constituent normalement le stade ultime des métamorphismes de gradient
de BP et de MP. Par contre, la figure 3.3 montre que le domaine de l’anatexie n’est
que difficilement atteint (à très grandes profondeurs) au cours d’un métamorphisme
de HP. Notez également que la succession des silicates d’alumine est différente dans
le cas d’un gradient de MP, avec disthène, puis sillimanite lorsque la température
augmente et dans le cas d’un gradient de BP avec andalousite, puis sillimanite. Dans
un gradient de HP, seul le disthène est stable. Enfin, il faut remarquer qu’aucun de
ces gradients ne coïncide avec le géotherme de la lithosphère stable. Cela signifie
que ces gradients ne se sont pas formés dans les conditions de la lithosphère stable.
Chaque gradient métamorphique est caractérisé par une succession de minéraux
index. Le gradient de HP montre la succession des zones métamorphiques caractérisées
par les minéraux index suivants : lawsonite, carpholite, glaucophane, chloritoïde. Les
minéraux index du gradient métamorphique de MP-HT sont : chlorite, muscovite,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

biotite, chloritoïde, grenat, staurotide, disthène, sillimanite, « anatexie », muscovite (–).


Ceux du gradient métamorphique de BP-HT sont : chlorite, muscovite, biotite,
cordiérite, andalousite, sillimanite, muscovite (–), « anatexie », orthopyroxène.
Ces listes amènent quelques remarques. Ces successions, non exhaustives, peuvent
varier d’une région à l’autre et les minéraux apparaissent dans les lithologies appro-
priées, c’est-à-dire, principalement des sédiments argileux (voir chapitre 5). La liste
est brève en ce qui concerne le métamorphisme de HP. Les limites de la majorité des
zones métamorphiques correspondent à l’apparition des minéraux, à l’exception de
la limite musc (–) qui est au contraire une limite de disparition de ce minéral en
présence de quartz. La limite isograde anatexie n’est pas une limite minéralogique.

35
9782100522682-Nicollet.fm Page 36 Mardi, 29. décembre 2009 4:34 16

Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

Notons que la succession musc (–)-anatexie est inversée pour les gradients MP-HT
et HT-BP. Enfin, l’orthopyroxène se forme à des températures supérieures à celles
du début de l’anatexie.

a) Le gradient de HP-BT
Il est aussi appelé gradient franciscain, défini dans la région de San Francisco en
Californie, dans les séries métamorphiques cénozoïques. Dans le diagramme P-T, il
traverse les faciès Schistes bleus et Éclogites (figure 3.3). Il est typique des chaînes
récentes et des convergences océan – continent actuelles ; rare avant 1 Ga, il est vrai-
semblablement absent à l’Archéen. Les formations métamorphiques correspondantes
sont largement présentes sur tout le rivage de l’océan Pacifique, ainsi que dans les
zones internes de la chaîne alpine. C’est le cas, en particulier, dans les zones liguro-
piémontaises des Alpes occidentales (chapitre 12 et planche 4). Les métabasites
(schistes à glaucophane et lawsonite et éclogites), serpentinites et péridotites sont
abondantes dans les séries affectées par le gradient de HP et représentent des
portions de la lithosphère océanique. Ce gradient est caractéristique du contexte
géodynamique de subduction et du début de la collision.

b) Le gradient de MP-HT
Il a été décrit, par Barrow, dans les séries éo-calédoniennes d’Écosse : il est également
appelé gradient dalradien ou barrovien. Dans l’espace P-T, il traverse les faciès
Schistes verts et Amphibolite et atteint le domaine de l’anatexie (figure 3.3). Il est
relativement rare dans les chaînes récentes cénozoïques, mais constitue de vastes
domaines dans les chaînes paléozoïques, (par exemple, la chaîne hercynienne :
figure 3.1) et plus anciennes. Il affecte des séries essentiellement continentales, mais
contient parfois des éclogites de hautes températures. Il est caractéristique de la
collision dans les chaînes de montagnes (chapitre 13).

c) Le gradient de BP-HT
Il est proche des gradients thermiques du métamorphisme de contact. Défini au Japon,
dans les chaînes d’Abukuma et de Ryocke, il porte le nom de gradient Abukuma. Il
est caractérisé par les conditions des faciès Schistes verts et Amphibolite, l’anatexie
généralisée et souvent le faciès Granulite. Ces localités types correspondent à des
chaînes récentes (Crétacé supérieur) ; mais les gradients de basse pression sont
également bien représentés dans la chaîne hercynienne, spécialement au cours des
derniers stades de cette orogenèse (vers 300 Ma) : en France, le massif du Pilat, la
Montagne Noire dans le Massif central, les massifs nord-pyrénéens (dont celui de
l’Agly) et la zone axiale des Pyrénées sont caractérisés par ce type de gradient
(figure 3.1 et chapitre 14). Le métamorphisme de la zone nord-pyrénéenne, d’âge
Crétacé supérieur (98-81 Ma) correspond également à ces conditions de basse pression
(paragraphe 15.1). Ce gradient est généralisé à l’Archéen.
Le gradient BP-HT est associé à différents contextes géodynamiques : il est associé au
début de la convergence, dans les ceintures doubles métamorphiques (paragraphe 14.1),

36
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3.4 • Structures et textures

à des mécanismes d’amincissement lithosphérique tardi-orogéniques, à la divergence


des plaques dans le rifting continental et surtout océanique (chapitre 15), et enfin à un
état thermique spécifique de la jeune Terre encore chaude à l’Archéen (paragraphe 17.2).
Ces différents types de gradients métamorphiques sont souvent superposés dans
une même région et parfois dans une même unité, comme cela peut être en particulier
déduit de la figure 3.1. Ainsi, d’importantes reliques d’éclogites sont connues dans
les domaines de moyenne pression des chaînes calédoniennes et hercyniennes, et même
dans des unités de basse pression. Des unités de gradient de moyenne pression
évoluent souvent régionalement vers les basses pressions et hautes températures.
Les différents gradients métamorphiques apparaissent donc comme autant d’étapes
successives au cours d’une même évolution orogénique, à l’échelle de la chaîne de
montagnes (paragraphe 17.1).

3.4 STRUCTURES ET TEXTURES


Ces deux mots sont parfois utilisés l’un pour l’autre : il faut reconnaître que la diffé-
rence entre ces deux synonymes n’est pas grande ! La définition étymologique du
mot texture est : état d’une chose tissée tandis que celle de structure est : manière
dont un édifice est bâti. En pétrologie, la texture correspond à l’agencement des
minéraux à petite échelle au microscope, tandis que la structure est l’organisation
géométrique à plus grande échelle (échelle de l’échantillon ou de l’affleurement par
exemple). Dans les roches magmatiques, la texture est qualifiée de grenue ou micro-
litique, mais on parle de la structure litée d’un gabbro. Les roches métamorphiques
présentent aussi une texture, mais les géométries, telles que la schistosité ou la folia-
tion, ont une origine « tectonique » : ces roches ont une (micro)structure foliée. La
texture d’une roche métamorphique résulte de recristallisations liées aux réactions
minéralogiques, mais aussi à de simples réarrangements texturaux, sans modification
de l’assemblage minéralogique.

3.4.1 La recristallisation dynamique


Ce type de recristallisation concerne les matériaux soumis à des contraintes aniso-
tropes ; elle est le résultat de déformations tectoniques et s’accompagne, en général,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’une diminution de la taille moyenne des cristaux (figure 3.5a). La déformation affecte,
en effet, les réseaux cristallographiques des grains (cristaux) qui accumulent ainsi
une énergie de déformation élastique par la multiplication de défauts (dislocations)
au sein des cristaux. La minimisation de cette énergie de déformation passe par
l’élimination des dislocations, qui se fait par migration et regroupement de celles-ci
le long de plans pour former des sous-grains, puis de néoblastes (nouveaux cristaux
à faible énergie élastique), aux dépens des cristaux déformés. Néanmoins, ces derniers
subsistent souvent partiellement ; ils constituent des clastes, ou porphyroclastes
lorsqu’ils conservent des dimensions importantes par rapport à celles des néoblastes
(figure 3.5a).

37
9782100522682-Nicollet.fm Page 38 Mardi, 29. décembre 2009 4:34 16

Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

3.4.2 La recristallisation statique


Il s’agit d’un processus principalement statique, éventuellement postdynamique,
affectant une roche maintenue à températures élevées. Il est contrôlé principalement
par la minimisation de l’énergie de surface intergranulaire. Les joints de grain (ou
interfaces) correspondent en effet à des domaines structuraux désordonnés dans
lesquels les atomes ne présentent pas l’arrangement régulier qui les caractérise au sein
des cristaux. Les joints de grain mobilisent donc une énergie de désordre, d’autant
plus importante que les interfaces sont plus étendues, et à laquelle il faut ajouter un
effet de tension de surface. La minimisation de cette énergie de surface exige une
diminution de la surface intergranulaire, c’est-à-dire une augmentation de la dimen-
sion des grains par migration des joints de grain (figure 3.5b). En conséquence, le
nombre de grains de la roche diminue. Dans un système monominéral placé sous
contraintes isotropes et à température convenable, la surface intergranulaire minimum
correspond au développement de grains équidimensionnels dont les faces font entre
elles des angles de 120°. Ce cas idéal est approximativement réalisé dans les roches
presque exclusivement constituées de calcite (marbres), de quartz (quartzites), de
plagioclase (anorthosites) ou d’olivine (dunites).

Figure 3.5 – Recristallisation à l’état solide


a) Recristallisation dynamique : les grains soumis à la déformation se divisent en
sous-grains (sg) et recristallisent en néoblastes (n) ; il en résulte une minimisation
de l’énergie de dislocation. Les reliques déformées des grains initiaux constituent
les porphyroclastes. b) Recristallisation statique tardi- et postcinématique : les grains
initiaux (limites en pointillé) se réorganisent, se réorientent et croissent en dimension
par migration des joints de grain ; il en résulte une minimisation de l’énergie de
surface intercristalline. Échelle de la figure : 2 mm environ. (Kornprobst, 2001)

3.5 STRUCTURES ET CONTRAINTES


Certaines structures des roches métamorphiques sont héritées de la roche initiale (le
protolithe). C’est souvent le cas pour les roches du métamorphisme de contact qui se
développent sous contraintes isotropes et conservent souvent la trace de la stratification
sédimentaire du protolithe. Des structures héritées des roches ignées sont également

38
9782100522682-Nicollet.fm Page 39 Mardi, 29. décembre 2009 4:34 16

3.5 • Structures et contraintes

observées : anciens filons ou anciennes enclaves, ancien litage magmatique dans les
gabbros. Mais les structures les plus fréquentes et les plus caractéristiques sont les
structures planaires et linéaires, schistosité, foliation et linéations, acquises au cours
des déformations et des recristallisations qui accompagnent le métamorphisme
régional.

3.5.1 Schistosité et foliation


Le plan de schistosité (figure 3.6) est une structure planaire d’origine tectonique
suivant laquelle les roches se débitent préférentiellement. Il se distingue d’un litage
ou de la stratification, car il ne sépare pas des lithologies différentes. Il peut être plus
ou moins continu (« pénétratif »). La schistosité présente un débit fin. La foliation,
quant à elle, fait intervenir un rubanement millimétrique à pluri-millimétrique de
niveaux de nature minéralogique différente. Ce rubanement est, a priori, indépendant
d’un rubanement originel, tel que la stratification, quoiqu’il puisse être contrôlé par
celui-ci. Lorsque l’épaisseur des niveaux de lithologies différentes de la foliation
devient plus importante, on peut parler de litage tectonique ou métamorphique.
Schistosité et foliation ont la même signification structurale : elles matérialisent le
plan d’aplatissement de la matière (X-Y ou l1-l2) et accommodent le raccourcis-
sement. Les différents mécanismes de formation des plans de schistosité et foliation
ne seront pas détaillés ici. On peut, pour plus de détails, se référer, par exemple, à
l’ouvrage de Mercier et Vergely (2004). Il s’agit principalement de mécanismes de
pression – dissolution, rotation rigide, déformation intracristalline et cristallisation
orientée. Ces mécanismes s’accompagnent souvent de recristallisation métamorphique.
Les minéraux métamorphiques qui « marquent » ce plan d’aplatissement permettent
de quantifier les conditions pression et température de la déformation, ce que
l’analyse structurale ne permet pas de faire.

3.5.2 Les linéations


Les linéations sont des structures linéaires portées par les plans de schistosité et folia-
tion. Il en existe trois types principaux : les linéations d’intersection, les linéations
d’allongement et les linéations minérales. On peut parler également de linéation de
boudinage (figure 3.6).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

a) La linéation d’intersection
La linéation d’intersection (Li sur la figure 3.6) correspond à la trace de l’intersection
du plan de schistosité avec une surface antérieure à ce plan qui peut être une stratifi-
cation ou une schistosité plus ancienne. Elle est visible indifféremment sur l’un ou
l’autre plan.

b) La linéation d’allongement ou d’étirement


Cette linéation (Le sur la figure 3.6) est matérialisée, sur le plan de schistosité/foliation,
par l’allongement sous l’effet de la déformation des marqueurs passifs tels que des

39
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

cristaux ou des éléments de la roche (galets dans un conglomérat par exemple). Elle
permet d’identifier la direction d’allongement X (ou l1) de l’ellipsoïde de la défor-
mation finie.

c) La linéation minérale
La linéation minérale (Lm sur la figure 3.6) correspond à la croissance orientée des
cristaux dans la direction d’allongement, sur le plan de schistosité/foliation, au
cours du développement de cette surface (figure 5, planche 3). Comme la linéation
d’allongement, elle permet de matérialiser la direction d’allongement X (ou l1) de
l’ellipsoïde de la déformation finie. Mais elle apporte une information supplémentaire
qui est la contemporanéité de la cristallisation du ou des minéraux métamorphiques
et de la déformation : si la paragenèse de la roche est un bon indicateur de la pression
et de la température, il est ainsi possible de quantifier les conditions de la déformation,
comme nous l’avons noté pour la foliation.
La cartographie combinée de la schistosité/foliation et de la linéation minérale ou
d’étirement (comme la figure 4.3a) permet d’établir une carte régionale de la défor-
mation sur laquelle sont caractérisées les directions des axes de l’ellipsoïde de la

Lm
Le S0

S1 Li S1

S0 L i xe
a
plan
Li
S0

Lb

Figure 3.6 – Les structures des roches du métamorphisme régional.


La roche se débite selon le plan de schistosité (S1). Celle-ci est plus ou moins déve-
loppée selon la lithologie. Li est linéation d’intersection entre la stratification (S0)
et la schistosité (S1) ; cette linéation, visible sur les deux plans S0 et S1, est parallèle
à l’axe du pli contemporain de la déformation à l’origine de la S1. Les galets gris sont
étirés dans la direction X de l’ellipsoïde de la déformation finie et matérialisent la
linéation d’étirement/d’allongement (Le). Les baguettes de cristaux aciculaires noirs
ont cristallisé pendant la déformation (minéraux syncinématiques) dans la direction
d’allongement : ils matérialisent la linéation minérale (Lm) qui est parallèle à Le.
Dans le niveau structural profond, Lm et Le sont souvent parallèles à Li, mais
peuvent être sécants. Remarquez que le plan axial du pli (plan) est parallèle à la S1 ;
notez que l’épaisseur de la « couche à galets » est plus importante à la charnière
que sur les flancs : le pli est anisopaque. Le niveau inférieur est boudiné et on définit
une linéation de boudinage (Lb) qui est perpendiculaire à Le/Lm. La longueur très
approximative de ce bloc diagramme va du centimètre à quelques décimètres.

40
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3.6 • Les principales textures des roches métamorphiques

déformation finie. Notons qu’il n’y a généralement pas de liaison spatiale simple
entre ellipsoïde des contraintes et ellipsoïde de la déformation finie dans le cas de la
déformation ductile.

3.6 LES PRINCIPALES TEXTURES


DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Le développement des textures (figure 3.7) est contrôlé par le régime de contraintes
et par la nature des minéraux des roches.
Les textures granoblastiques caractérisent les roches constituées pour l’essentiel
de minéraux dont les formes sont relativement régulières (quartz, feldspaths, grenat,
cordiérite, pyroxènes, olivine, carbonates, etc.). Lorsque les contraintes sont isotropes
ou faiblement anisotropes au cours de la recristallisation, ces textures sont proches
de l’arrangement idéal correspondant à la minimisation de l’énergie de surface, avec
des joints de grains à 120°. Les contraintes plus nettement anisotropes conduisent à
la croissance préférentielle des grains parallèlement à la schistosité et la texture
devient granoblastique orientée, l’orientation étant déterminée par la trace de la
schistosité sur le plan d’observation. Une déformation très accentuée (forte anisotropie
de contrainte) mène à des textures blastomylonitiques caractérisées par des néoblastes
de très petite taille parmi lesquels des porphyroclastes sont dispersés.
Les textures lépidoblastiques (de lepidos = écaille) sont caractéristiques des roches
très riches en minéraux phylliteux (chlorites et micas à habitus aplati) disposés
parallèlement à la schistosité. Les textures nématoblastiques (de nematos = aiguille)
sont caractéristiques des roches très riches en minéraux aciculaires (amphiboles,
sillimanite), dont l’orientation détermine souvent une linéation d’allongement.
L’association dans une même roche, à l’échelle centimétrique, de niveaux riches
en minéraux phylliteux ou aciculaires, et de niveaux riches en quartz et feldspaths,
détermine l’existence de textures mixtes, granolépidoblastiques et granonémato-
blastiques, extrêmement répandues dans les séries métamorphiques issues de la
recristallisation des pélites et des grauwackes.
Le terme porphyroblastique désigne toute texture caractérisée par le développement
de grands cristaux (porphyroblastes) généralement post-cinématiques. Le terme
porphyroclastique est utilisé pour décrire la présence de cristaux antécinématiques
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

déformés de grande taille (porphyroclastes).


La texture symplectitique (ou symplectique) est caractérisée par l’arrangement
des cristaux néoformés sous la forme de vermicules très fins imbriqués les uns dans
les autres (symplectites). Elle résulte de la transformation d’un minéral ou de minéraux
qui ne sont plus en équilibre et que l’on retrouve parfois, à l’état de relique, au sein
de la texture. En ce sens, elle a la même signification que la texture coronitique dans
laquelle les minéraux néoformés sont disposés en couronne autour et entre les minéraux
précoces réactionnels. L’évolution symplectique et la coronitisation caractérisent les
évolutions d’assemblages minéralogiques qui n’ont atteint, en principe, ni l’équilibre
thermodynamique, ni l’équilibre textural. Par la présence à la fois des minéraux

41
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

Qtz
Ol
Opx+Pl

Grt
Hbl

Grt 7 8

Figure 3.7 – Principales textures des roches métamorphiques.


1. Texture granoblastique : cornéenne, granofels ou marbre (voir aussi figure 2,
planche 1). 2. Texture granoblastique orientée et blastomylonitique (gneiss).
3. Texture granolépidoblastique (gneiss, micaschiste). 4. Texture granonémato-
blastique (amphibolite). 5. Texture porphyroblastique. 6. Texture porphyroclastique.
Échelles 1 à 6 : 1 mm à 1 cm. (Kornprobst, 2001). 7. Texture symplectitique : inter-
croissances d’orthopyroxène, spinelle et clinopyroxène autour d’un grenat au
contact de l’olivine (partiellement serpentinisée) dans une lherzolite ; la symplectite
se forme au cours de la réaction Ol + Grt = Opx + Cpx + Spl (figure 16.1 ; voir
aussi figure 13.5). 8. Texture coronitique : cristallisation d’orthopyroxène et de
plagioclase aux dépens de l’association grenat + quartz au cours d’une baisse de
pression (réaction Grt + Qtz = Opx + Pl) (voir aussi les planches photos). Échelle 7
et 8, grand côté des photos : 3 mm.

42
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3.7 • Nomenclature des roches métamorphiques

néoformés et des minéraux réactifs, elles permettent de reconnaître sans mal les
réactions impliquées.

3.7 NOMENCLATURE DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES


Contrairement aux roches éruptives qui sont classées sur la base de leur composition
minéralogique et chimique, les roches métamorphiques ne font pas encore l’objet d’une
nomenclature claire, universellement acceptée. Les propositions d’une commission
internationale sont publiées, après de longues années de travaux (D. Fettes et
J. Desmons, 2007).
À l’usage, le nom que le géologue donne à une roche métamorphique doit refléter
les caractéristiques qui peuvent être reconnues dans cette roche. Ce nom peut être basé
sur la nature du protolithe, sur la texture ou la minéralogie. Une telle nomenclature
à plusieurs entrées engendre une réelle confusion. Ainsi, la classification d’une roche
peut évoluer au fur et à mesure de l’acquisition d’informations supplémentaires :
observation macroscopique sur le terrain, puis au microscope au laboratoire, de
l’analyse chimique, etc. Plusieurs noms peuvent être reconnus à une roche : ils seront
employés selon les caractéristiques de la roche qu’il apparaît souhaitable de faire
ressortir. Si l’information importante est la nature du protolithe (s’il est encore iden-
tifiable), on parle de métagabbro. Si l’information importante concerne les conditions
métamorphiques, on parle d’amphibolite. Il est possible de combiner plusieurs noms
ou adjectifs et de parler de métagabbro amphibolitique.

a) Nature du protolithe
Si la roche initiale (protolithe) est encore clairement reconnaissable, il est commode
de lui associer le préfixe méta. Métabasalte, métabasite, métagranite, métapélite ou
métachert sont quelques exemples d’appellations largement employées. Dans le cas
où le protolithe n’est pas très bien identifié, mais, par contre, si son origine – ignée
ou sédimentaire – est bien reconnue, les préfixes ortho- ou para- sont alors utilisés.
Ainsi un orthogneiss est un granitoïde déformé et métamorphisé tandis qu’un para-
gneiss est une métapélite ou une métagrauwacke. D’autre part, on regroupe les
protolithes en fonction de leurs compositions chimiques en quatre séquences méta-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

morphiques sur lesquelles nous reviendrons au chapitre 5.

b) Textures des roches


Les roches non schisteuses sont généralement caractérisées par des textures grano-
blastiques isotropes. Ce sont des granofels, roche massive à grain fin, inframilli-
métrique. Cornéennes (hornfels en anglais) sont des termes spécifiques pour désigner
des granofels formés par métamorphisme de contact. Les « schistes » tachetés sont
généralement associés au métamorphisme de contact (cf. chapitre 11) ; ils sont
caractérisés par des porphyroblastes de cordiérite et/ou d’andalousite dans une matrice
très fine, granoblastique peu orientée.

43
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…

Les roches du métamorphisme régional présentent généralement une structure


planaire qui est soit une schistosité, soit une foliation, soit un litage que l’on appelle
tectonique ou métamorphique. Les micaschistes sont des schistes micacés (le plus
souvent biotite et/ou muscovite) dans lesquels les plans de schistosité affectent une
lithologie homogène. Les gneiss présentent une foliation ou un litage tectonique
constitué de lits de lithologies contrastés dont l’espacement est de l’ordre de quelques
millimètres/centimètres. En fait, l’usage courant en langue française réserve le terme
de gneiss aux roches granolépidoblastiques qui montrent l’alternance à l’échelle du
millimètre/centimètre de lits quartzofeldspathiques et de lits micacés. Par extension,
des micaschistes qui contiennent du plagioclase sont parfois appelés gneiss fins.
Cette nomenclature établie sur la base de la texture concerne essentiellement les
métapélites, les métagrauwackes et les métagranitoïdes. Cependant, le terme de schiste
s’applique également à certaines métabasites : schiste vert (schiste à actinote + chlorite
+ épidote), schiste bleu à glaucophane, etc.

c) Composition minéralogique des roches


La nature des assemblages minéralogiques permet de préciser ad libitum la description
des roches métamorphiques : cornéenne à épidote ; micaschiste à staurotide et
disthène ; gneiss à sillimanite et grenat ; etc. Les termes basés sur l’abondance d’un
minéral se définissent d’eux-mêmes. C’est le cas des amphibolites, glaucophanites,
pyroxénites, diopsidites, etc. dans lesquelles un minéral domine : amphibole, glauco-
phane, pyroxène, diospside, etc. Chacun de ces termes peut-être précisé par la mention
d’un autre minéral important de la paragenèse (amphibolite à épidote ; pyroxénite à
grenat ; etc.). Les éclogites sont des clinopyroxénites à grenat dépourvues de plagio-
clase ; le clinopyroxène, appelé omphacite, est sodique et relativement riche en pôle
pur jadéite (NaAlSi2O6).
Les roches carbonatées (à calcite et/ou dolomite) métamorphiques sont des marbres.
Mais ce terme reste imprécis. Lorsque d’autres minéraux calciques sont présents
dans la roche, il est souhaitable de parler de roches (ou gneiss) à silicates calciques.
Notons que le mot marbre a une acception beaucoup plus générale dans l’industrie
de la pierre, où il désigne toute roche susceptible d’acquérir un poli suffisant pour
l’utilisation ornementale. La plupart des « marbres » des marbriers sont des grani-
toïdes, des anorthosites et des serpentines.
Parmi les différents termes présentés dans ce paragraphe, certains sont utilisés non
seulement pour caractériser pétrographiquement certains types de roches, mais aussi
pour définir les conditions du métamorphisme à l’aide des faciès métamorphiques
(cf. paragraphe 3.3.1). Cela n’est pas sans ambiguïté et vient du fait que les faciès
métamorphiques portent le nom de la roche basique dans ces conditions P-T : schistes
verts, amphibolites, éclogites, granulites. Il est donc impératif, lorsque l’on parle des
conditions P-T, de préciser systématiquement, aussi rébarbatif que cela puisse paraître,
« roche dans les conditions du faciès… » et réserver à la description pétrographique
des roches, les mots schistes verts, éclogites, etc.

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CHRONOLOGIQUES
RELATIONS 4
ENTRE DÉFORMATION
ET RECRISTALLISATION
MÉTAMORPHIQUE

4.1 Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation


PLAN

4.2 Un exemple de relation cristallisation-déformation : le métamorphisme


hercynien au Cap Creus (Espagne)
4.3 Trajets PTt et chronologie

Plusieurs épisodes successifs de déformation peuvent affecter les roches métamor-


phiques et être enregistrées par celles-ci. Ce sont alors plusieurs schistosités/foliations
et linéations qui peuvent être observées et se superposer dans une même roche. Des
minéraux métamorphiques cristallisent à différentes étapes de ces déformations. Il
est nécessaire de faire la chronologie relative, et si possible, absolue de ces différents
événements.

4.1 STRUCTURE ET RELATIONS CHRONOLOGIQUES


CRISTALLISATION-DÉFORMATION
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

4.1.1 La chronologie des phases de déformation


Le développement des schistosités/foliations dans les roches métamorphiques permet
d’élaborer une chronologie relative des phases de déformation. Il est rare que la surface
principale observée dans une roche métamorphique soit la surface de stratification
(S0) ; dans la plupart des cas, il s’agit d’une schistosité ou foliation (Sn) dont il est
possible de montrer qu’elle résulte de la déformation ayant affecté soit une S0, soit
une schistosité antérieure ; la première surface d’origine tectonique est qualifiée de S1.
Celle-ci est souvent déformée et plissée par une ou plusieurs déformations ultérieures

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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…

P3
P2

P1

Grt+Bt+V
Chl+Ms+Qtz
P

Figure 4.1 – Superposition de déformations dans une roche métamorphique


observée au microscope et relations cristallisation-déformation.
La roche est un micaschiste à micas et grenat qui présente deux plans de schistosité.
Elle est observée sur une section perpendiculaire à ces deux plans (cette section est
identique à celle du bloc diagramme de la figure 3.6 sur laquelle le pli est visible).
La schistosité S1, marquée par ces micas (m1), est générée au cours de la phase de
déformation P1. Elle est microplissée par une deuxième phase de déformation P2 à
l’origine de la schistosité S2 (marquée par les mêmes micas m2) de plan axial des
microplis. Cette surface est elle-même localement plissée par des plis de phase P3
(la ligne en tiret marque la trace du plan axial des microplis P3). Le grenat contient
des inclusions (de quartz) dont l’alignement matérialise une schistosité interne qui
est parallèle à l’orientation générale de la schistosité S1 : on en conclut que le grenat
a cristallisé au cours de P1 (d’après Bard, 1990). Sur le diagramme PT, les trois
phases (P) de déformation sont replacées sur un probable trajet PTt et par rapport
à la réaction d’apparition du grenat ; celle-ci ne se réalise pas à température fixe, mais
sur un intervalle de température. La paragenèse à grenat et micas, qui marque le pic
thermique de ce trajet, est contemporaine de P1. Voir aussi la figure 1, planche 2.

qui s’accompagnent de surfaces S2, S3, Sn (figure 4.1 ; figure 1, planche 2). Les
dernières structures, comme celles liées à la phase tectonique P3 de la figure 4.1 sont
généralement localisées et caractérisées par un microplissement appelé crénulation,
accompagnées ou non d’une schistosité frustre et localisée.
La figure 4.1 représente une lame mince d’une micaschiste dont la paragenèse est
à trois micas, grenat et quartz comme on en trouve couramment dans la chaîne
hercynienne ; cette roche s’est formée dans les conditions faiblement métamorphiques
du faciès Schistes verts. L’échantillon montre la succession de trois épisodes de
déformation ductile (P) matérialisés par deux plans de schistosités S1 et S2 et un

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4.1 • Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation

microplissement localisé P3. La première surface, la stratification S0 est absente.


Elle est « transposée », c’est-à-dire oblitérée par la surface S1 contemporaine de la
première phase de déformation. La chronologie relative est simple : la première
schistosité (S1) est microplissée et recoupée par la deuxième schistosité (S2) qui est
parallèle au plan axial des microplis au cours de la P2. Cette S2 est, elle-même,
localement microplissée par la phase P3 qui ne génère pas de plan de schistosité.
Localisation de cette dernière déformation et absence de schistosité témoignent que
cette déformation est moins intense que les deux précédentes.

4.1.2 Relations chronologiques cristallisation-déformation


Sur la figure 4.1, nous avons fait une chronologie relative d’apparition des plans de
schistosité qui matérialisent les différents épisodes de déformation dans une roche.
De la même manière, il est possible de faire la chronologie d’apparition des minéraux
par rapport aux différents épisodes de déformation matérialisés par les plans de
schistosité. Plus généralement, on définit trois catégories de phases minérales selon
la chronologie de leur cristallisation par rapport au développement de la schistosité
principale : les phases minérales antécinématiques (ou antéschisteuses) correspondent
à un assemblage minéralogique antérieur au développement de la schistosité prise en
référence. Les phases syncinématiques (ou synschisteuses) se sont développées en
même temps que la schistosité ; les phases postcinématiques (ou postschisteuses) sont
postérieures à cette surface (figure 4.2, planches 1 et 2).

a) Les phases antécinématiques


Elles sont affectées par les déformations qui accompagnent le développement de la
foliation. Elles portent des dislocations plus ou moins marquées (extinctions ondu-
lantes, développement de sous-grains et de bandes de pliage, torsions, plis, etc. ;
figure 4.2a). Elles ont généralement subi une recristallisation partielle, plus ou moins
accentuée suivant l’intensité de la déformation. Elles ont en outre permis la formation
de zones abritées qui n’ont pas subi l’aplatissement général de la roche ; ces zones
d’ombre de pression sont le siège de recristallisations synschisteuses non orientées.
Lorsqu’elles sont de relativement grande dimension, ces phases antéschisteuses
déformées sont appelées clastes ou porphyroclastes.
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b) Les phases syncinématiques


Leur croissance est contrôlée par le développement de la foliation. Ces phases sont
donc généralement orientées parallèlement au plan de foliation (particulièrement
lorsqu’il s’agit de minéraux tabulaires ou en feuillets comme les micas) et parfois
parallèlement à la direction d’allongement, dessinant ainsi une linéation minérale.
Les minéraux synschisteux ne sont pas déformés par les plis synschisteux, mais
donnent au contraire l’impression de « recouper » les charnières. En effet, le plan de
schistosité qui « contient » ces minéraux est parallèle au plan axial des plis et
recoupe donc ces charnières. Les grenats ont un mode de croissance syncinématique
assez spectaculaire ; ils contiennent parfois des inclusions minérales (souvent du

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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…

Figure 4.2 – Les différents types d’associations minéralogiques


par rapport au développement de la schistosité/foliation.
a) Minéraux antécinématiques ; noter les déformations des cristaux (disthène Ky
et feldspath f), le boudinage des amandes de quartz (Qtz) et les zones d’ombre de
pression déterminées par les éléments antéschisteux qui s’opposent à l’aplatissement
de la roche. Des minéraux syncinématiques cristallisent dans ces zones d’ombre.
b) Minéraux syncinématiques ; noter : les plans de clivage des biotites sont parallèles
à la schistosité et ne suivent pas les charnières des plis dessinés à gauche de la
figure ; le contrôle par la schistosité de l’orientation des cristaux de staurotide (St)
et de disthène (Ky), sans développement d’ombres de pression ; l’hélicité du grenat,
marquée par la disposition en hélice des inclusions dans le cristal.
c) Minéraux postcinématiques ; noter la superposition des nouveaux cristaux sur
les structures antérieures : les inclusions minérales dans les porphyroblastes de
chloritoïde (Cld) matérialisent une schistosité interne qui fossilise la schistosité
précoce de la roche ; noter aussi que la biotite, antérieure au développement de la
crénulation, a recristallisé de façon postdynamique dans la charnière située à
droite du dessin (les plans de clivage des cristaux ne sont pas parallèles au plan axial
du micropli) : c’est un phénomène connu sous le nom de restauration polygonale.
Échelle : 0,5 mm à 1 cm. Pour plus de détails, consulter Bard (1980). (Kornprobst,
2001).

48
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4.1 • Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation

quartz) qui dessinent des structures hélicitiques (figure 4.2b) qui résultent, en général,
d’une rotation des cristaux au cours de leur développement.

c) Les phases postcinématiques


Elles se développent indépendamment des contraintes liées à la formation de la
foliation. Elles ont souvent une croissance porphyroblastique typique des phases de
recristallisation statique, qui conduit à la formation de cristaux de grande dimension
par rapport aux autres éléments de la roche (porphyroblastes ; figure 6, planche 1).
Leurs formes se surimposent aux structures antérieures (schistosités, plis, crénulations)
dont il est possible d’observer les traces à l’intérieur de ces cristaux (figure 4.2c).
Lorsqu’ils sont biréfringents ces minéraux sont caractérisés par une extinction franche
qui s’oppose à l’extinction ondulante des porphyroclastes.
La relation chronologique entre la recristallisation métamorphique et la ou les
phases de déformation permet de situer dans quels intervalles de température et de
pression s’effectuent ces épisodes de déformation, ce que le tectonicien ne peut pas
faire avec la seule étude de la déformation. Revenons à la figure 4.1. Les micas, qui
sont chlorite, muscovite et biotite, se disposent dans les plans de schistosité ; on dit
que les plans S1 et S2 sont marqués par (ou portent) ces trois minéraux. Cette loca-
lisation des micas dans les plans de schistosité montre que ceux-ci cristallisent
préférentiellement pendant la déformation qui augmente la cinétique de réaction : ils
sont syncinématiques. Ceci indique que ces deux déformations se sont réalisées dans
les conditions de stabilité de ces trois micas. Du grenat (Grt) est enveloppé par la
schistosité 2, tandis qu’il fossilise des inclusions orientées selon la direction moyenne
de S1 (si l’on fait abstraction des microplis qui n’affectent pas le grenat). Ce grenat
a donc cristallisé pendant la S1 (ou légèrement après). Ce minéral se forme à plus
hautes températures que les micas, au cours de la réaction Chl + Ms + Qtz = Grt
+ Bt + V H2 O représentée sur le diagramme PT de la figure 4.1. Comme beaucoup de
réactions (voir paragraphe 8.1), celle-ci ne se réalise pas à une température fixe (à
une pression donnée), mais sur un intervalle de température. La paragenèse contem-
poraine de S1 est chlorite + muscovite + biotite + grenat + quartz et matérialise le
pic du métamorphisme dans les conditions du faciès Schistes verts. Le trajet PTt en
boucle retrace l’évolution probable de cette roche dans un contexte tectonique de
convergence. Les conditions P-T des différentes phases de déformation peuvent être
positionnées sur cette boucle, conformément à la chronologie relative définie sur la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

figure 4.1. La position de P1 se situe aux températures de réalisation de la réaction


responsable de la formation du grenat. La phase de déformation 2, sans grenat
correspond à des conditions de plus basses températures que précédemment et est
représentée sur le diagramme PT à gauche de la réaction. Il en est de même pour P3.
Ainsi, cette métapélite « fossilise » les conditions du pic thermique, mais également
des indices du trajet PTt rétrograde (en température et pression). Par contre, elle ne
préserve aucune information de son histoire précoce, c’est-à-dire, le trajet prograde
jusqu’au pic en T ! Que ce soit du point de vue structural ou métamorphique,
cette roche ne préserve que la fin de son histoire orogénique, une constatation bien
décevante !

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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…

4.1.3 La dimension des structures


Les structures décrites dans les précédents paragraphes sont d’échelle millimétrique
et sont généralement observées au microscope. Les interprétations structurales qui sont
déduites de ces observations microscopiques peuvent être extrapolées à plus grande
échelle : c’est tout l’intérêt de la microtectonique. Il y a, en effet, une homothétie des
structures à toutes les échelles. La figure 4.3 en montre un exemple spectaculaire :
au centre de la figure 4.3a, l’objet rond est un massif d’anorthosite (gabbro constitué
de 90 % de plagioclase) de près de 10 km de diamètre. Il se comporte comme un
porphyroclaste qui est entouré par la foliation régionale. Au NE du massif, un
« micropli » précoce, d’échelle kilométrique, plissant une S1, est enveloppé par la
foliation nord est-sud ouest (S2). Le massif d’anorthosite est localement déformé sur

1
2
3

1 cm b
a
Figure 4.3 – Deux échelles d’observation : carte de la trace de la foliation
autour du massif d’anorthosite de Saririaky (Sud de Madagascar)
et porphyroclaste de feldspath.
a) La foliation entoure le massif et montre que la mise en place de celui-ci est anté-
cinématique. Comparer avec les figures 4.2a et 2, planche 2. 1 : massif d’anorthosite :
la trace de la schistosité (segment blanc) montre que celui-ci est localement déformé ;
2 : direction et pendage de la foliation ; 3 : direction de la linéation minérale sub-
horizontale. Carte réalisée à partir d’une image SPOT (Martelat et al., 1997).
b) La photo de cet affleurement est prise sur la bordure NO déformée du massif.
Autour du cristal rond centimétrique de feldspath, la schistosité montre la même
disposition que sur la carte a.

50
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4.2 • Un exemple de relation cristallisation-déformation

ces bordures NO et SE. La photo 4.3b est prise dans la partie NO : la géométrie de la
schistosité autour d’un cristal rond de feldspath est très similaire à celle observée sur
la carte a, en particulier au sud du massif.

4.2 UN EXEMPLE DE RELATION CRISTALLISATION-


DÉFORMATION : LE MÉTAMORPHISME HERCYNIEN
AU CAP CREUS (ESPAGNE)
Le Cap Creus, en Espagne, est situé à l’extrémité orientale des Pyrénées, à proximité
de la ville de Cadaquès. Géologiquement, il appartient à la zone axiale hercynienne
de la chaîne pyrénéenne. Il est presque exclusivement constitué de métapélites et
pegmatites. Les métapélites sont métamorphisées dans les conditions d’un gradient de
HT-BP avec la succession des minéraux index typiques : muscovite, biotite, anda-
lousite, cordiérite, sillimanite. Localement, les conditions de l’anatexie produisent
des migmatites à grenat (en noir sur la figure 4.4). Mais à l’exception de ces zones
anatectiques, la muscovite est stable dans ces roches. Celles-ci montrent trois surfaces
tectoniques : 2 schistosités S et une surface de cisaillement C d’orientation NNO-SSE.
Remarquons, sur la carte, que l’isograde de la sillimanite (ligne noire) est décalé par
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 4.4 – Schéma structural du Cap Creus à l’extrémité orientale


de la zone axiale hercynienne des Pyrénées.
Lignes en tirets : trace des schistosités principales S1 et S2 ; lignes fines : trace des
cisaillements ductiles tardifs. Ligne épaisse : limite d’apparition de la sillimanite
séparant la zone à andalousite au sud-ouest de la zone à sillimanite (en pointillé).
Le domaine de l’anatexie est figuré en noir. Notons que l’isograde de la sillimanite
est décalé avec un déplacement dextre par les cisaillements tardifs de direction
NNO-SSE (D’après Druguet et Hutton, 1998).

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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…

3m

3
S2

1
4
S1

And et Crd
C
Ms
Sil

Crd Chl + 400 500 600 700 T ˚C


T Ms
And Sil Sil Ms

C
and
S1 S2 C sil
t 2
crd bt
chl m
s
V
P (kbar)

1 S1
S2
2
and
3
crd and

ky
chl ms

4
sial qtz
bt V

4
ms
Kfs
V

Figure 4.5 – Schéma synthétique des relations cristallisation-déformation


d’un affleurement de micaschistes du Cap Creus (Pyrénées espagnoles),
diagrammes T-t et P-T.
Deux schistosités successives (S1 et S2) sont recoupées par un cisaillement ductile
tardif (C). Des nodules d’andalousite et cordiérite sont syncinématiques de S1 : ils
contiennent une schistosité interne parallèle à celle-ci. La sillimanite se forme au
détriment de l’andalousite et de la cordiérite ; elle est orientée dans S2 et est synciné-
matique de celle-ci ; elle indique les conditions du pic thermique du métamorphisme.
La muscovite se développe à partir de la sillimanite et est postcinématique de S2,
mais antécinématique des cisaillements C. Le diagramme T-t montre la minéralogie
préservée par les différents sites de l’affleurement (1 à 4) en fonction du temps : il y a
un lien entre préservation des minéraux et site structural. Les phases de déformation
sont représentées en surcharge noire sur le trajet P-T-t (flèche grise) de l’affleurement ➤

52
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4.2 • Un exemple de relation cristallisation-déformation

ces cisaillements dextres. Cet isograde, indiquant les conditions optimales du méta-
morphisme, est antérieur aux cisaillements.
Le métamorphisme est prograde au cours des deux premières phases de déformation,
tandis que les cisaillements accompagnent la rétromorphose. À l’échelle de l’affleu-
rement (figure 4.5), des tâches de cordiérite et andalousite (figure 2, planche 3)
contiennent une schistosité interne parallèle à la S1. Ceci suggère que ces minéraux
sont contemporains de cette schistosité. Par contre, ces minéraux sont enveloppés par
la surface S2 qui porte de la fibrolite, sillimanite fibreuse. On observe la transition poly-
morphique andalousite-sillimanite dans le plan de schistosité S2 (figure 3, planche 3),
témoignant ainsi de l’influence de la déformation sur la recristallisation métamorphique.
Le pic du métamorphisme coïncide avec la deuxième phase de déformation (diagramme
PT de la figure 4.5).
Durant l’épisode rétrograde, la cordiérite est partiellement transformée en fins
agrégats de chlorite et muscovite au cours de la réaction Crd + Bt + V = Chl + Ms.
La muscovite se développe de manière statique sur la schistosité S2 au détriment de la
fibrolite. Ceci est bien démontré par la taille de ces nouveaux cristaux (plus gros que
ceux développés au cours de la déformation et contenus dans les plans de schistosité
S1 et S2) et l’orientation quelconque des plans de clivages qui sont parfois perpendicu-
laires à la schistosité. Cependant, cette muscovite est déformée dans les cisaillements ;
elle est post-cinématique de S1-2, mais anté-cinématique de la déformation qui a
produit les cisaillements C.
La figure 4.5 résume les relations entre la cristallisation des différents minéraux et
les différentes phases de déformation. Ces relations chronologiques sont exprimées
schématiquement sur le diagramme température-temps (T-t). Le schéma de l’affleu-
rement montre la relation entre les sites de la déformation (qui est hétérogène) et les
minéraux des roches.
Ainsi, la déformation favorise la recristallisation de nouvelles phases et la dispa-
rition de phases précoces. Ce sont dans les zones les moins déformées (1 et 2) tardi-
vement que la paragenèse la plus précoce est la mieux préservée : la transformation
polymorphique And = Sill se réalise dans le plan de schistosité ; dans les cisaillements
tardifs (3 et 4), les minéraux plus ou moins précoces (andalousite, sillimanite et
muscovite) disparaissent. C’est en observant les paragenèses dans les différents sites
de la déformation hétérogène que l’on peut tracer le trajet PTt.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

➤ sur le diagramme P-T. Une deuxième portion de trajet à plus hautes températures
est amorcée ; celui-ci correspond aux conditions d’un secteur du Cap Creus où la