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 Tendances 

CONTRÔLE DE PROCESS est d’ordre économique. Le contrôle


avancé est en effet longtemps resté l’af-
faire d’un petit nombre de sociétés spé-

LE CONTRÔLE AVANCÉ,
cialisées. Aujourd’hui, à quelques rares
exceptions près (notamment l’Adersa
en France), la plupart des sociétés spé-
cialisées dans le contrôle avancé ont été

UNE AFFAIRE
reprises par les grands fournisseurs de
logiciels et de systèmes de contrôle de
procédés. AspenTech et Honeywell, les
plus actifs jusqu’ici, devront désormais
compter avec Fisher-Rosemount, qui

MOINS COMPLIQUÉE vient de prendre le contrôle de MDC


Technology. Avec de tels soutiens, les
outils de contrôle avancé devraient
rapidement conquérir de nouveaux

QU’IL N’Y PARAÎT


bastions.
Les besoins existent et ils sont immen-
ses. «-Sur l’ensemble des boucles de régulation en fonc-
tionnement dans l’industrie, moins de 1-% d’entre elles
fait appel aux techniques du contrôle avancé. Mais il y a
■ Fisher-Rosemount a organisé récemment une journée d’in- un gisement important d’applications car on peut estimer
que 39-% des boucles installées ne fonctionnent pas de
formation sur le contrôle avancé, ouverte à tous et donc à ceux
manière optimale-», a indiqué Patrick Deruyt-
qui ne sont ni partenaires ni clients de la société américaine. ter, directeur marketing “systèmes” de
L’objectif était de démythifier le concept en montrant à travers Fisher-Rosemount Europe, lors d’une journée
des témoignages que les techniques du contrôle avancé ont lar- sur le contrôle avancé organisée à Lyon
gement fait la preuve de leur efficacité, que ce soit pour résou- par le constructeur, au mois de novem-
dre des problèmes de régulation complexes ou pour optimiser bre dernier. Dans un premier temps, il
est donc important de commencer par
une unité de contrôle de process (et donc réduire les coûts).
identifier les boucles ne fonctionnant pas
De plus, les outils de contrôle avancé deviennent plus faciles à de manière optimale. «-Nous proposons pour cela
mettre en œuvre grâce à leur intégration sur les systèmes de l’outil Inspect que nous avons implémenté sur notre sys-
contrôle de process. tème Delta-V, indique Jackie Laurent, chef de

D
epuis un bon demi-siè-
cle, le PID règne en maî-
tre dans les applications
de régulation. Mais il ne
peut pas tout faire. Dans certains cas, on
l’utilise comme un pis aller et ce qu’il
fait, il ne le fait pas bien. D’autres tech-
niques ont été imaginées pour résou-
dre les problèmes mal solutionnés par le
PID. C’est par exemple le cas du contrôle
multivariable. C’est aussi le cas des mul-
tiples techniques rangées dans la caté-
gorie “contrôle avancé” (commande
prédictive, réseaux de neurones, logi-
que floue, etc.). Ces techniques ont fait
la preuve de leur efficacité mais deux
facteurs ont longtemps freiné leur dif-
doc. Fisher-Rosemount

fusion de masse. Le premier est d’or-


dre technique. Il fallait des puissances
de calcul importantes pour les mettre
en œuvre et elles ne pouvaient pas être
embarquées à bord des contrôleurs de
process (automates programmables ou Les techniques de contrôle avancé, dont la mise en œuvre nécessite en général de concevoir un
modèle du process, permettent d’améliorer le fonctionnement des process et donc de réaliser
systèmes numériques de contrôle com- des économies substantielles. Les principales applications se trouvent aujourd’hui dans les
mande). Aujourd’hui, il n’y a plus de grosses industries. L’amélioration des outils et leur intégration sur les systèmes de contrôle-
réel problème de ce côté-là. L’autre frein commande devraient favoriser l’essaimage des applications.

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Près de 40-% des boucles melet, aujourd’hui consultant en con-
COMPORTEMENTS DES BOUCLES DE RÉGULATIONS de régulation installées
dans l’industrie fonction-
trôle avancé chez Setrange, après avoir
SITUATION DES BOUCLES DE RÉGULATION INSTALLÉES nent mal. Les causes sont “fait sa carrière” chez Shell, rapporte
multiples. Les techniques qu’environ 500-applications Smoc sont
Contrôle avancé 1 % de contrôle avancé appor- opérationnelles dans le groupe Shell.
tent une solution à cer- Smoc de MDC est un outil d’optimisa-
tains des problèmes ren-
Boucles Boucles
contrés (par exemple ceux
tion multivariable basé sur une modéli-
avec fonctionnant sation du process. «-Pour qu’une application de
mauvaises de manière concernant la dynamique
performances satisfaisante du process). contrôle avancé telle que celles réalisées avec Smoc soit un
39 % 60 % succès, il faut établir une coopération très étroite entre les
spécialistes du génie chimique, les spécialistes du process
et bien sûr les spécialistes de l’outil de contrôle avancé ,
explique M.-Sommelet. Il est très important
que l’application soit réalisée et maîtrisée localement,
avec les spécialistes du terrain. Si l’application est mise
CAUSES DES MAUVAISES PERFORMANCES
en place par un consultant externe, ou même un service
DES BOUCLES DE RÉGULATION
central de l’entreprise, il y a de fortes chances qu’elle
Problèmes
débouche sur un échec. Elle marchera au début puis, dès
Mauvaises de conception
performances la première déviation, elle sera abandonnée. Alors que
des capteurs si un technicien a été formé, l’application peut vivre
10 % Mauvaises et évoluer…-». La clé de la réussite d’une
Difficultés liées 5%
performances
à la dynamique
10 % des vannes application de contrôle avancé réside
du process dans la qualité du modèle du procédé
38 %
Mauvais réglages
37 %
et sa facilité pour le mettre à jour afin
de tenir compte des évolutions du pro-
cédé. «-Si on a des difficultés à réaliser et “caler” le
modèle, ce n’est pas la peine d’aller plus loin. Il nous est
arrivé de faire du surplace pendant trois ou quatre mois
parce que nous n’arrivions pas à bien caler le modèle, à
cause des perturbations non mesurables par exemple. Mais
produits Delta-V en France. Inspect surveille à résoudre des problèmes techniques. «-En avec l’expérience, on sait vite ce qui est faisable et ce qui
les boucles installées sur le système, indique celles fait, les véritables enjeux sont économiques, poursuit ne l’est pas-» , ajoute M.-Sommelet.
qui travaillent correctement et fournit un diagnostic pour M.-Deruytter. La mise en œuvre des techniques de
celles qui sont mal réglées-: entrée mauvaise ou incertaine, contrôle avancé permet d’espérer des gains de 3 à 7-% sur Travailler sur des données validées
sortie de la limite de contrôle, variabilité excessive-» . Les la production, une réduction de 10 à 30-% des gaspillages La validation des données n’est pas habi-
causes de mauvais fonctionnement des et des rebuts, une réduction de 5 à 15-% de la facture tuellement classée dans les techniques de
boucles de régulation sont multiples et d’énergie, une réduction de 30 à 70-% sur la variance, une contrôle avancé. Elle y apporte pourtant
ne relèvent pas toutes du contrôle avancé réduction de 10 à 20-% sur les consommations de produits. sa contribution, ainsi que l’ont rappelé
(par exemple, si un capteur n’est pas bon, En pratique, les investissements sont en général amortis en Claude Tourniaire, ingénieur principal
le contrôle avancé ne pourra rien amélio- six mois à peine-». chez SPC Consultants et Bruno Vrielynck,
rer). Mais le contrôle avancé permet de directeur de Belsim (une société belge qui
régler pas mal de problèmes, notamment Le contrôle avancé ne se délègue pas propose le logiciel Vali de validation des
sur les boucles présentant des problèmes A la journée organisée par Fisher-Rosemount, données). La validation des données est
de dynamique. En améliorant le fonction- une large place avait été réservée aux aussi connue sous les appellations de trai-
nement des boucles mal réglées, le con- témoignages et expériences vécues sur tement de cohérence, réconciliation des
trôle avancé ne cherche pas simplement le terrain. C’est ainsi que Pierre Som- données, voire capteurs logiciels. Pour
résumer, disons qu’il s’agit de prendre les
mesures brutes fournies par les capteurs
et de les fiabiliser en prenant en compte
Un arsenal de techniques les connaissances que l’on a du process-:
■ Le Ministère de l’Industrie a publié en - commande à modèle interne même si les mesures brutes sont faites
coopération avec l’Exera un ouvrage* sur les - commande à logique floue avec une grande précision, leur valida-
techniques de commande avancé. Celui-ci - commande à base de réseaux neuronaux tion apporte “un plus” et permet d’amé-
(200-pages, 200-F) recense les techniques - commande à base de systèmes experts liorer le contrôle du process. «-Pour être mise
de commande avancée. Rappelons briève- Les outils d’optimisation du process et ceux en œuvre, la validation des données impose-t-elle d’avoir un
ment les plus connues (nous vous renvoyons de la réconciliation des données participent retour d’expérience sur l’installation-?-», s’interroge
à notre numéro de juin-2000 pour plus de au concept du contrôle avancé. Patrick Verrier, du bureau d’études Forclum
détails)-: *Guide des solutions de commande avancée - à Evreux. Il faut dire que dans son inter-
- commande adaptative Editions de l’Industrie - 75572 Paris Cedex-12 vention, M.-Vrielynck venait de présenter
- commande prédictive Tél.-: 01 53 18 69 00 - Fax-: 01 53 18 38 25
trois applications de validation des don-
- commande LQ
nées dans une raffinerie, sur un site déjà

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LA VALIDATION DES DONNÉES
priori. Parce que la justification a posteriori
ne pose pas de difficulté, surtout si le
•redondances des capteurs contrôle avancé est mis en place sur une
mesures Connaissances •bilans (matières, enthalpiques…) installation déjà opérationnelle et qu’il
•données thermodynamiques
brutes a priori •contraintes est possible de faire des comparaisons
“avant”, puis “après” la mise en place
du contrôle avancé. Toute la difficulté est
APPLICATIONS donc de trouver les bons arguments au
Validation des données Mesures
•Modélisation et optimisation du procédé bon moment. Jay Colclazier, qui a passé
•Bilans de production
fiabilisées •Suivi des paramètres "équipements" 14-ans dans l’industrie (chez Monsanto et
•Indicateurs de performances Celanese) avant de devenir responsable con-
trôle avancé pour le système Delta-V chez
Fisher-Rosemount, rapporte une expérience
Diagnostic •réduction des opérations d’étalonnage vécue qui illustre bien les difficultés ren-
instruments •interventions mieux ciblées et plus rapides contrées-: «-Sur un process batch que je connaissais
bien, j’avais proposé à la direction de l’entreprise de gagner
Le but des techniques de validation des données est de fournir aux contrôleurs de process des 3-minutes sur le traitement de chaque lot. Comme chaque
informations fiables. Pour cette raison, les informations délivrées par les capteurs sont “conso- lot durait 2-heures, le gain était important. L’investisse-
lidées” par les connaissances que l’on possède sur le process (les mesures invraisemblables ne ment était minime, j’avais essayé de démontrer qu’il n’y
sont par exemple pas prises en compte). En mettant en évidence les éventuels problèmes liés à avait pas de risques, j’avais dit qu’il ne me faudrait pas plus
la mesure, la validation des données fournit également des informations utiles pour les services
d’un jour pour configurer l’application. Pourtant, malgré les
de maintenance. (source. SPC Consultants et Belsim)
gains escomptés, malgré le faible investissement à consen-
tir, il m’avait fallu 6-mois pour convaincre la direction-».
en fonctionnement. Il s’agissait surtout représentatif du procédé. On sait qu’à ce Le résultat, vous vous en doutez, dépasse
d’étudier des bilans matière et vapeur. Les niveau deux écoles s’affrontent-: il y a ceux toutes les espérances-: le gain de temps
résultats ont été très probants, explique qui n’ont d’yeux que pour les modèles “de n’a pas été de 3-minutes comme annoncé,
M.-Vrielynck-: «-Par exemple, sur une installation connaissance” établis en écrivant sous forme ni de 5-minutes comme espéré, mais de
de cyclo-hexane, nous avons pu mettre en évidence qu’il ne d’équations mathématiques les lois (physi- 6-minutes. Dans toute décision, rappelle
servait à rien de nettoyer fréquemment un échangeur, celui-ci ques, chimiques, thermodynamiques,…) qui M.-Colclazier, il y a un risque à assumer
ayant peu d’incidence sur la qualité du fonctionnement de régissent le fonctionnement du procédé et et c’est ce risque que pèsent les décision-
l’installation. Même chose pour les opérations d’étalonnage ceux qui se satisfont des modèles de “repré- naires. Certains osent, d’autres pas-; il y
des instruments-: celles-ci ont pu être espacées. Dans une sentation” (ou expérimentaux), obtenus en aussi des moments mieux appropriés que
autre installation, spécialisée dans la fabrication d’hydrogène, soumettant le process à des excitations et en d’autres pour prendre des décisions. Ce
la validation des données a permis de ramener à 1-% l’in- étudiant les réponses correspondantes obte- qui compte aussi, bien entendu, c’est la
certitude sur le rapport vapeur/carbone, alors qu’elle était de nues. «-Créer un modèle n’est pas une affaire si compliquée-! force --et parfois la simplicité-- de l’ar-
30-% jusque-là-!-». Ceci étant, la validation des Avec les outils actuels, les modèles de représentation sont faciles à gumentation. Patrick Delafin (Ato Fina à
données ne se limite pas aux installations obtenir, et ce d’autant que des systèmes du premier ordre (au sens St-Auban) illustre le propos par une expé-
existantes, poursuit M.-Vrielynck-: «-Sur mathématique du terme, Ndlr) permettent de modé- rience vécue-: «-Sur un atelier, nous avions calculé
une nouvelle installation, elle se révèle très utile pour choisir liser énormément de choses-», explique M.-Sommelet. la consommation des matières premières et des “utilities”
l’instrumentation, définir où elle doit être positionnée, s’il faut «-Il n’est pas envisageable de décrire un four verrier sous forme (vapeur, eau, etc. nécessaires au fonction-
prévoir des redondances, etc.-». d’équations mathématiques. C’est trop complexe. Imaginez un four nement d’un process mais n’entrant pas
de 120-m2 de surface, 2-m de profondeur, rempli d’un matériau dans le process lui-même, Ndlr) sur un an et
Commencer par créer un bon modèle dont la composition est variable, où il y a des perturbations difficiles sur chaque mois. Nous avions alors indiqué que les résultats
Gérard Chalaye, du groupe verrier BSN à identifier, etc. Seule la modélisation de type “boîte noire” (ana- que l’on réussissait à obtenir certains mois, on pouvait arriver
Glass-Pack, souligne quant à lui l’intérêt que lyse des réponses du process soumis à des excitations) est réaliste-», à l’obtenir tous les mois de l’année. Et nous avons emporté la
présente la modélisation d’un process, pas- surenchérit M.-Chalaye. décision-». Un autre participant à la réunion
sage obligé pour mettre en œuvre une appli- de Fisher-Rosemount rapporte un exemple
cation de contrôle avancé-: «-Contrôle avancé ou pas, Un pari payant à coup sûr similaire chez Dupont de Nemours.
toute démarche de modélisation d’une unité de process fournit une Cela dit, les industriels soulignent sou- M.-Vrielynck (Belsim) apporte quant à lui
mine d’informations. Elle apporte une sorte d’effet de loupe sur le vent les difficultés qu’ils éprouvent pour un éclairage sur la difficulté qu’il rencon-
fonctionnement du procédé. Elle permet de mettre en évidence les justifier auprès de leur hiérarchie un tre parfois pour justifier un investisse-
imperfections du procédé, et d’expliquer des dysfonctionnements dont investissement en contrôle avancé. Pour ment dans la validation des données-: «-La
on ignorait la cause. Et, bien sûr, elle est indispensable pour optimiser Mme-Laurent (Fisher-Rosemount), il faut validation des données est essentielle pour l’optimisation des
le procédé-». Une personne de Spie Trindel explique commencer par expliquer que le contrôle procédés. Mais comme elle ne participe pas directement à
pour sa part qu’il est très intéressant de dis- avancé est sorti de son ghetto-: «-Avec l’in- cette optimisation, nous avons parfois du mal à justifier son
poser d’un modèle du process avant d’ins- tégration des outils de manière native sur les systèmes de importance. Fort heureusement, elle a d’autres atouts. Grâce
taller l’application-: «-Grâce à la simulation du process, contrôle de process, tant au niveau du matériel que du logi- à la validation des données, il est en effet possible d’obtenir
il est possible de diminuer le temps de mise en route sur site et de ciel, la mise en œuvre devient plus simple. Et si la mise en des diagnostics sur les instruments de mesure, de cibler les
former le personnel-». œuvre est plus simple, elle est plus simple à justifier-». Cela interventions de maintenance, de réduire le nombre et donc
Tout ceci suppose bien sûr que le modèle dit, il n’est pas toujours facile de calculer le coût des opérations d’étalonnage-».
utilisé soit de qualité et qu’il soit bien le retour sur investissement. Du moins a Jean-François Peyrucat

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