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Chapitre 2 

: La théorie d’agence
Introduction :

La théorie d’agence a été développée pour la première fois par Berle et Means (1932). Elle
met en évidence la relation entre la valeur de la firme et les changements dans sa structure
financière due à la délégation du pouvoir du principal à un agent qui le représente dans
l’entreprise. Des conflits d’intérêts ont été créés entre les actionnaires, les créanciers et les
dirigeants et des coûts d’agence ont été payés afin de résoudre le problème d’agence dans les
entreprises.

L’objectif de ce deuxième chapitre est de traiter la théorie d’agence. Nous présentons dans la
première section le problème d’agence. La deuxième section examine les courants de la théorie
d’agence.

Section 1 : Le problème d’agence

1.1 Définition de la relation d’agence

Jensen et Meckling (1976) définissent la relation d’agence comme étant ‘’un contrat dans
lequel une ou plusieurs personnes a recours au service d’une autre personne pour accomplir en
son nom une tache quelconque, ce qui implique une délégation de nature décisionnelle à
l’agent’’. La relation d’agence est née ainsi suite à une délégation du pouvoir d’un principal à un
agent qui le représente au sein de l’entreprise. Cette personne doit agir dans l’intérêt du mandant
(principal). Leur relation est régie par un contrat qui précise leurs droits et leurs obligations.
Néanmoins, cette relation est caractérisée par une forte asymétrie d’information qui crée des
conflits d’intérêts entre le principal et le manager (mandataire). D’une part, l’actionnaire (le
principal) qui est le détenteur des moyens de production cherche à maximiser la valeur de
l’entreprise. Alors que l’agent (manager) qui exploite les moyens de production cherche à
maximiser le revenu et la taille de l’entreprise. Ainsi la relation d’agence peut donc
s’appréhender comme un nœud vers lequel les liaisons convergent et où chaque relation peut se
caractériser par l’asymétrie d’information.

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1.2 L’asymétrie d’information

L’asymétrie d’information se crée lorsqu’un agent détient de l’information qu’un autre n’a
pas et l’utilise pour agir dans son propre intérêt. Cette asymétrie génère plusieurs problèmes.
Nous distinguons deux types d’asymétrie d’information : l’aléa moral (hasard moral) et l’anti-
sélection (sélection adverse).

1.2.1 L’aléa moral

L’aléa moral, appelé aussi le hasard moral, se génère après la conclusion du contrat lorsque
le moral de l’une des contreparties change. Prenons l’exemple de l’assurance maladie. L’assureur
ne peut pas contrôler les dépenses payées par l’assurant à son médecin. Ce dernier peut noter
dans le bulletin de soin des montants gonflés et non payés réellement par le malade.
Dans la relation d’agence, l’aléa moral se présente lorsque l’agent prend des décisions non
observables et au contraire des intérêts du principal. Ce dernier ne peut pas connaître la vraie
action qu’aurait dû faire cet agent pour agir dans son intérêt.

1.2.2 L’anti-sélection

L’anti-sélection, appelée aussi la sélection adverse, se génère avant la conclusion du contrat.


Prenons l’exemple d’une personne qui a acheté une voiture occasion au jour j. Le vendeur lui a
montré que tous les mécanismes de cette voiture sont en bon état et ne nécessite aucune
réparation. Après un mois, l’acheteur a constaté que cette voiture a un problème mécanique qu’il
faut le réparer. Dans cet exemple, la mauvaise qualité de la voiture qui a été constaté après
l’achat s’appelle l’anti-sélection.
Dans la relation d’agence, l’anti-sélection se présente lorsque l’agent cache l’information
réelle au principal au moment de la conclusion du contrat.
1.3 Les conflits d’intérêts :
1.3.1 Le conflit d’agence entre actionnaires et dirigeants 
Le conflit d’agence entre les actionnaires et les dirigeants est engendré suite à une
séparation entre les fonctions de propriétés et de décision (Berle et Means (1932), Jensen et
Meckling (1976)). Les actionnaires qui détiennent la fonction de propriété ont comme objectif
principal l’augmentation de leur richesse en prenant excessivement le risque. Par contre, les
dirigeants (fonction de décision) cherchent à protéger leur capital humain en prenant moins de
risque (Gorton et Rosen (1995)). Ils sont donc plus averses au risque. L’un des moyens de
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résolution de ce conflit d’agence est d’impliquer les dirigeants dans le capital de la banque afin
de converger leurs intérêts à ceux des actionnaires. Ils seront ainsi plus motivés à accroitre la
richesse de la banque et par la suite leur richesse personnelle. Leurs comportements seront
similaires à ceux des actionnaires.
Toutefois, la participation des dirigeants dans le capital de la banque peut accroitre le risque
bancaire. En effet, les dirigeants sont les responsables du choix d’investissement et de la décision
de financement de la banque. Ils peuvent choisir des investissements risqués où leurs
comportements ne sont pas observables afin d’empêcher le contrôle des actionnaires. Ces
derniers vont supporter toutes les conséquences d’une mauvaise décision prise par leurs
dirigeants. Dans le cas où ils ne peuvent pas couvrir la totalité du risque, la banque sera en
faillite.

1.3.2 Le conflit d’agence entre actionnaires et créanciers

La relation entre les actionnaires et les créanciers est caractérisée par une asymétrie
d’information importante due à la divergence de leurs objectifs. En effet, les actionnaires veulent
maximiser leurs richesses en adoptant des stratégies d’investissements très risqués. Au contraire,
les créanciers sont plus averses au risque. Si le risque est élevé, un transfert de richesse sera
généré au profit des actionnaires. Alors que, le montant de la dette va diminuer. Les créanciers
seront ainsi les victimes de cette situation. Ils ne seront pas remboursés dans le cas d’une faillite.
Au niveau du secteur bancaire, le conflit d’agence entre actionnaires et créanciers (ou
déposants) est plus grave. Deux facteurs peuvent expliquer cette spécificité : Le ratio
d’endettement très élevé et le système d’assurance de dépôt (Macey et O’Hara (2003)). En effet,
les banques sont plus endettées que les entreprises non bancaires puisque leur activité est basée
principalement sur la collecte des dépôts (dettes) pour les octroyer sous forme de crédits. Leurs
ressources sont constituées par une part importante des dettes. Alors que, les capitaux propres ne
représentent qu’un pourcentage très faible. Aussi, les banques sont distinguées par le système
d’assurance de dépôt qu’elles adoptent (Merton 77). Ce système les encourage à prendre plus de
risque au détriment des déposants (les principaux créanciers) qui seront moins incités à contrôler
la prise de risque excessive des actionnaires puisqu’ils sont protégés par la réglementation
(Demsetz et al (1977)).

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Afin de résoudre le problème d’agence due à la forte asymétrie d’information, des
mécanismes de contrôles et d’incitation doivent être adoptés. Néanmoins, la mise en place de ces
mécanismes nécessite le payement des coûts d’agence.

1.4 Les coûts d’agence :

Les coûts d’agence sont appelés aussi coûts des mandats. Nous distinguons trois types :
- Les coûts de contrôles : Ce sont des coûts que supporte particulièrement le principal pour
s’assurer que l’agent gère suivant les intérêts du premier. Le principal assume ces coûts pour
tenter de réduire les comportements opportunistes de l’agent et de réduire en parallèle les coûts
d’incitation.
- Les coûts d’obligation connus aussi sous l’appellation coûts d’engagement (bonding coasts).
Ces coûts sont cette fois-ci supportés par l’agent en vue de mettre le principal en confiance et de
le rassurer sur la qualité de sa gestion. Pour ce faire, l’agent fait faire, sous sa propre charge,
rédiger de rapports financiers et réaliser des audits par des personnes externes à l’organisation.
- Les coûts résiduels (residual Coasts) dénommée aussi coût d’opportunité, ce sont des coûts
inhérents à la divergence d’intérêt entre le manager et les actionnaires (mauvaises allocations des
ressources, Stratégie globale non rentable …).
Section 2 Les courants de la théorie d’agence
2.1 La théorie positive de l’agence

Selon Jensen et Meckling (1976), la théorie positive vise à comprendre le fonctionnement des
organisations et plus précisément des sociétés par action. Elle  s'intéresse aux mécanismes
réellement mis en oeuvre par les agents économiques quand ils sont confrontés à des relations
d'agence. Elle s’applique, en particulier à l’architecture de l’organisation et à la gouvernance de
l’entreprise.
2.1.1 La théorie de l’architecture organisationnelle 
La théorie de l’architecture organisationnelle est basée sur deux dimensions : l’allocation des
droits décisionnels à l’intérieur de l’organisation et la conception du système de contrôle.
* L’allocation des droits décisionnels à l’intérieur de l’organisation :
A l’intérieur de l’organisation, les droits décisionnels doivent être répartis entre les « droits liés à
la gestion de la décision » et les droits liés au « contrôle de la décision »

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 Les droits liés à la gestion de la décision comprennent les droits liés à l’exécution de la
décision et l’exploitation des ressources.
 Les droits liés au contrôle de la décision concernent les droits de la surveillance du degré
de réalisation des mesures prises.
* La conception du système de contrôle 
Le système de contrôle distingue :
– Le système d’évaluation et de mesure de la performance.
– Le système d’incitation qui permet de spécifier la relation entre la mesure de la performance et
ses conséquences en termes de sanctions et de récompenses.

Le niveau d’efficience organisationnelle est déterminé à travers la cohérence et la


complémentarité entre ces deux dimensions.

2.1.2 La gouvernance d’entreprise

La gouvernance d’entreprise peut être définit comme ‘’l’ensemble des mécanismes qui ont pour
effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui
«  gouvernent » leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire’’ (Charreaux (1997)).
Cette définition met en relief le rôle important du dirigeant dans la création de valeur. Des
mécanismes sont mis en œuvre afin de limiter ses comportements opportunistes et protéger
l’intérêt des actionnaires et des autres parties prenantes. Ils visent à surveiller l’activité des
dirigeants. Ils peuvent être distingués en deux types : Des mécanismes externes et des
mécanismes internes (Charreaux 1994).
a) Les mécanismes internes
Afin d’assurer un contrôle interne efficace, les entreprises adoptent des mécanismes internes à
savoir le conseil d’administration et la structure de propriété. Ils sont considérés comme des
mécanismes de contrôle direct de l’activité des managers.
* Le conseil d’administration
Le conseil d’administration joue un rôle crucial dans la gouvernance d’entreprise. Plusieurs
études ont montré son influence sur la performance de l’entreprise à travers ses principales
caractéristiques (La taille et la composition) ((Fama and Jensen (1983), Pearce and Zahra
(1992)). Selon Fama (1980), le conseil d’administration doit s’assurer que les dirigeants servent
les intérêts des actionnaires.

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*La structure de propriété :
Nous distinguons trois types de détenteurs de capital : Les actionnaires majoritaires, les
investisseurs institutionnels et les actionnaires dirigeants.  

- Les actionnaires majoritaires 

Les actionnaires majoritaires sont les actionnaires qui détiennent la part la plus élevée dans
l’entreprise, plus de 50%). Leur présence peut influencer positivement et négativement sur la
performance de l’entreprise. D’un coté, les actionnaires majoritaires sont incités à contrôler les
dirigeants contre toute manipulation des informations afin de protéger leur capital. Leur statut
leur permet de mieux contrôler leurs gestions, ce qui améliore la performance de l’entreprise
(Spong et al. (1996), Crespí et al. (2004)). D’un autre coté, leur présence peut détériorer la
situation globale de l’entreprise du fait de l’excès de risque pris par ses actionnaires afin de
maximiser leurs richesses (Kim et al (2007)).

- Les investisseurs institutionnels 

Selon la définition de Vernimmen (2009), les investisseurs institutionnels ‘’Institutional


investors’’ (en anglais) sont représentés par ‘’ les banques, les compagnies d’assurances, les
fonds de placement, les fonds communs de placement ou les sociétés d’investissements à capital
variable, les caisses de retraite’’. Ils jouent un rôle prépondérant en matière de contrôle de la
gestion de l’entreprise. Leur qualité en tant que des investisseurs externes à l’entreprise et
l’information privilégiée dont ils disposent leur permettent de contrôler efficacement la gestion
de la firme (Alexandre et Paquerot (2000)).

- Les actionnaires dirigeants 

L’implication des dirigeants dans le capital de l’entreprise permet de réduire leur conflit
d’agence avec les actionnaires. Jensen et Meckling (1976) soutiennent que plus le capital détenu
par les dirigeants est important plus leurs intérêts se convergent vers ceux des actionnaires.
Autrement dit, le dirigeant ayant un nombre élevé d’actions, cherche à maximiser la valeur de
l’entreprise par rapport à sa richesse personnelle puisqu’il sera influencé par tout comportement
opportuniste. Par contre, Saunders et al (1990) affirment que lorsque le capital détenu par les
dirigeants est important, le risque devient plus élevé. G. Charreaux [1997] stipule que les
dirigeants ayant une part importante du capital de l’entreprise peuvent s’enraciner.

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b) Les mécanismes externes :
Les mécanismes externes représentent l’ensemble des méthodes qui contrôle indirectement les
managers de l’entreprise. Ils jouent un rôle prépondérant et efficace puisqu’ils sont indépendants
de l’entreprise.
* Le marché des biens et des services 
Ce marché constitue un important mécanisme externe qui aligne les intérêts des actionnaires
à ceux des dirigeants. Ces derniers doivent être compétents afin de bien gérer l’entreprise. Ils
doivent optimiser l’allocation de ses ressources pour créer de la valeur. Dans le cas contraire, ils
vont être évincés de leurs postes. La concurrence sur le marché de biens et de services exige la
compétition et la transparence. Ce caractère concurrentiel peut sanctionner les dirigeants en cas
par exemple d’une mévente de leurs produits non conforme à la qualité internationale. Ils seront
considérés comme des dirigeants non performants. Au niveau des banques, cette concurrence est
très faible vu la non disponibilité de l’information (Levine 2004). Aussi, l’Etat constitue un
important actionnaire qui a une part importante dans le capital des banques. Elle évite l’entrée de
nouveaux concurrents (Caprio et Levine 2002).

* Les prises de contrôle 

La prise de contrôle est un autre mécanisme externe qui incite les dirigeants à maximiser la
valeur de l’entreprise. Nous distinguons trois forme de prise de contrôle : Proxy fights, les prises
de contrôle amicales et les offres publiques d’achat hostiles (OPA).

La première forme, ‘’Proxy fights’’, se manifeste lorsqu’un ensemble d’actionnaires se


mettent en accord pour changer les membres du conseil d’administration de l’année en cours.
La deuxième forme, les prises de contrôle amicales, est observée lorsque deux entreprises
se fusionnent ayant un seul objectif ‘’ la création de valeur’’ pour la nouvelle entreprise créée.
Par contre, la troisième forme de prise de contrôle, les offres publiques d’achat hostiles
(OPA), se lance lorsque l’acquéreuse croit qu’elle peut mieux gérer la cible que sa direction
actuelle. Elle est dite hostile parce que la cible et l’acquéreuse sont en désaccord sur les axes à
suivre après le rachat. Ce mécanisme de contrôle constitue une menace pour les dirigeants en
cas où ils n’exercent pas convenablement leur rôle. En effet, les investisseurs qui vont prendre le
contrôle (acquéreur de la firme cible) peuvent remplacer les dirigeants non performants suite à
une mauvaise gestion. Toutefois, les prises de contrôle constituent un moyen d’enracinement
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pour les dirigeants de la firme acquéreuse (Shleifer et Vishny (1988) et un moyen de s’approprier
des rentes (Castanias et Helfat (1992)). Selon les premiers, les dirigeants de la firme acquéreuse
peuvent exproprier les dirigeants performants de l’entreprise cible afin de protéger leurs intérêts
au lieu de préserver la richesse des actionnaires. Le capital managérial des dirigeants ne sera pas
protégé ce qui détruit la valeur de la nouvelle entreprise. Castanias et Helfat (1992) ont utilisé un
modèle de la rente managériale qui permet d’aligner les intérêts des actionnaires à ceux des
dirigeants. Ils affirment que les décisions stratégiques et opérationnelles prises par les dirigeants
peuvent créer des rentes. Ainsi, l’efficacité des prises de contrôle est limitée par les
comportements des dirigeants de la firme acquéreuse.
Au niveau des banques, les prises de contrôle sont très rares vu la non disponibilité d’information
(Prowse (1997)).

* Le marché de travail 

Le marché de travail est représenté par des cabinets ou des bureaux d’emploi qui publient
des informations sur les postes vacants et sur la qualité des dirigeants qui vont les occuper. Il
constitue un mécanisme très important qui peut discipliner les dirigeants. Ces derniers seront
reclassés sur ce marché selon leur réputation. En cas de mauvaise performance, ils vont être
remplacés. Dans le secteur bancaire, ce mécanisme est difficile à appliquer puisque les banques
ne diffusent pas d’information sur la qualité de leurs managers. La mauvaise performance
bancaire peut être expliquée par d’autres facteurs tels que l’environnement économique et
politique en éloignant la responsabilité totale des dirigeants (Macey et O’Hara, (2003)). En plus,
si les banques disciplinent leurs dirigeants pour mauvaise performance, ces derniers peuvent
contredire l’objectif de maximisation de la richesse des actionnaires. Levine (2004) affirme que
les dirigeants peuvent augmenter les taux d’intérêts des emprunteurs en difficultés en vue
d’augmenter leurs revenus qui sont faciles à être manipuler.

2.2 La théorie normative de l’agence

La théorie normative de l’agence appelée aussi la théorie principal-agent s’intéresse à la


définition des contrats optimaux entre individus disposant des informations et des préférences
différentes. Elle utilise la modélisation et exige des hypothèses assez restrictives.

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