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Hatt J. J. Essai sur l'évolution de la religion gauloise. In: Revue des Études Anciennes. Tome 67, 1965, n°1-2. pp. 80-
125;
doi : https://doi.org/10.3406/rea.1965.3739
https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1965_num_67_1_3739
DE LA RELIGION GAULOISE
Introduction
qu'elle soit, sous l'angle des cultes locaux et d'un polythéisme dispersé,
inorganique. Il suffit de faire abstraction de son sacerdoce et de sa
théologie. Admettons un instant qu'un Persan ou un Indien, peu au
courant des réalités occidentales, ait essayé de se faire une idée des
religions de la Lorraine au xvine siècle, se contentant de traverser le
pays et de visiter calvaires et chapelles. Il en eût conclu que les Lorrains
adoraient une déesse mère et un dieu crucifié, une autre déesse mère
portant un enfant sur ses genoux, et une infinité de saints locaux.
Du Père éternel, il n'eût guère été question, et notre voyageur eût
ignoré à coup sûr que les Lorrains étaient catholiques romains.
Sans doute ignorons-nous à peu près tout des doctrines religieuses
des Gaulois, en raison du naufrage total de toutes les traditions
druidiques continentales. Mais est-il possible de ne tenir aucun compte,
dans la conception que nous nous faisons de la religion gauloise, de ce
que les Anciens nous apprennent sur les druides, sur leur caractère
panceltique, sur leur théologie, sur leur enseignement1? Est-il permis
de négliger entièrement les probabilités d'unité et de communauté
d'idées qui résultent de l'existence même de cette doctrine et de cet
enseignement druidique?
Quant à l'unitarisme de P. Lambrechts, il se trouve compromis par
les arguments mêmes sur lesquels il se fonde. P. Lambrechts prétend,
en effet, déduire l'unité originelle du dieu celtique d'une série de
rapprochements qui ne prouvent qu'une chose : les flottements, les
incertitudes, les confusions dans l'interprétation romaine des dieux
gaulois. Ces confusions finiront par aboutir, tardivement, à une
simplification du panthéon, qui est un point d'aboutissement et non un point
de départ. Mais cette tendance peut fort bien correspondre à un retour
à une ancienne triade, comme nous le verrons plus loin.
Pour la soi-disant koïnè méditerranéenne de F. Benoît, elle s'est
constituée, chez les peuples riverains de la Méditerranée, à l'époque
historique. Mais un certain nombre de ces peuples : Ombriens, Vénètes,
Latins, Grecs, ne sont arrivés sur la mer intérieure qu'à la fin de l'âge
du bronze, et sont indo-européens. Il n'y a rien d'étonnant qu'ils aient
des traditions communes avec les Celtes.
En réalité, F. Benoît a, dans l'ensemble, grandement raison
d'insister sur l'étendue et l'importance des apports méridionaux dans la
religion celtique. Faut-il, pour autant, refuser aux Gaulois toute
originalité religieuse? Ces influences ont à coup sûr agi sur la doctrine et
le rituel. Mais il est nécessaire de les envisager dans une perspective
historique qui permette de distinguer les périodes d'emprunt des
époques de création et d'expansion.
1 . Ces textes sont commodément groupés dans Zwicker, Fontes hisloriae religionis Cel-
ticae, 1934, cf. index rerum, druidae, p. 335.
Rev. Et. anc. 6
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Les druides
Un des caractères fondamentaux de la vie sociale et religieuse des
Gaulois est la division de la société en trois classes 2 : les druides, les
chevaliers, la plèbe. G. Dumézil8 a fait très justement observer que
cette division correspond exactement à celle de la société primitive
aux Indes : les prêtres, les guerriers, les producteurs. De nombreux
témoignages des auteurs anciens attestent l'importance et l'ancienneté
du sacerdoce des druides, qui sont comparés aux gymnosophistes de
l'Inde et aux mages de la Perse4. L'ampleur de leur doctrine, l'étendue
1. Chenets à tête de bélier, encore inédits, découverts au Pégue dans les couches
anciennes de la Tène (sondage de l'école) ; dieu au cerf ou prêtre costumé en cerf, figurant
parmi les gravures du Val Camonica, en Italie du Nord, serpents à tête de bélier
décorant des torques de la fin du Hallstatt, voir Cl. Schaeffer, Les tertres funéraires
préhistoriques dans la forêt de Haguenau, II : Les tumulus de l'âge du fer, pi. XX VI a, et p. 222 etsuiv.
2. Caesar, Β. G. VI, 13, 1.
3. G. Dumézil, L'idéologie tripartie des Indo-Européens (collection Latomus), 1958, p. 11.
4. Pseudo-Aristote, Magikos, apud Diogenem Laertium, Vitae philosoph. prooim, p. 1,
voir Zwicker, Fontes..., p. 8.
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1. Posidonius, frg. 116, apud Diod. Sic. V, 31, 2, voir Zwicker, Fontes..., p. 18, et
Caes. VI, 13, 1 ; Pomp. Mela III, 2, 18.
2. Voir J.-J. Hatt, Histoire de la Gaxde romaine, p. 66.
3. Suet., Claud. 25, 5 : Druidarum religionem apud Gallos dirae immanitatis et tantum
civibus sub Augusto interdictam penitus abolevit Claudius.
4. Tac, Hist., II, 59, voir Camille Jullian, Histoire de la Gaule, I, IV, p. 193.
5. Tac, Hist. IV, 54 : Fatali nunc igne signum caelestis irae datum et possessionem re-
rum humanarum transalpinas gentibus portendi superstitione vana druidae canebant.
6. Hist. Aug., Adi Lampridi Alexander Severas XVIII, 60, 6 = I, p. 299 et suiv. (voir
Zwicker, Fontes, p. 97) : Omina mortis haec ferunt : mulier dryas eunti exclamavit Gallico
sermone : « vadas nee victoriam speres, nee te militi tuo credas ».
7. Hist. Aug., Juli Capitolini Maximinus maior XIX, 22, 1 = Π, 19, 25 : Cum igitur
frustra obsideret Aquileiam, Maximinus legatos in eandem urbem misit. Quibus populus
paene consenserat, ni Menofilus cum collega restitisset, dicens etiam deum Belenum per
haruspices respondiese Maximinum esse vincendum. Unde etiam postea Maximiniani
milites jactasse die un tur Apollinem contra se pugnasse...
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Vase de Gundestrup : Sacrifice humain propitiatoire à Teutatès et
pour porter secours à la déesse mère.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 85
1. Voir Dessau 625, CIL V, 732 (Aquilée). Apollini Beleño imperatores Caesares Aur.
Val. Diocletianus et M. Aur. Val. Maximianus P. F. invicti Augg. dedicaverunt. Également
Dessau 4867, CCIL V, 754, 755 ; 4868, CCIL V, 738 ; 4869, CIL V, 737 ; 4870, CIL V, 742 ;
4871, CIL V, 748 ; 4872 ; 4873, CIL V, 749 ; 4874, CIL V, 744.
2. Bellune, voir plus haut, cf. également Hérod., 8, 3, 8.
3. Dessau 4866 a, CIL XII. Belenus, en Narbonnaise : Caliesane, Gallici, t. XI, 1953,
fase. I, p. 112. Esp., Inscr. lai. Narb., 33 et 34. Apollon Grannus adoré en Gaule par
Caracalla, Dion Cassius, LVII, 15, 5.
86 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Les indications que nous donne ici Ausone sont d'un très grand prix.
Elles nous enseignent qu'il existait encore, au ive siècle, dans la haute
société gallo-romaine, des druides se succédant de père en fils et
attachés au culte de Belenus-Apollon-Phoehus.
Le surnom religieux porté par l'un de ces druides, Patera, nous
ouvre peut-être également un aperçu sur les attaches indo-européennes
des druides et sur la survivance de très lointaines traditions dans le
milieu druidique jusqu'au ive siècle de notre ère. En effet, la coupe
(patera) fait partie du groupe des talismans indo-européens, en
rapport avec la triade divine et la division de la société en trois classes,
selon G. Dumézil1. Il s'agit d'une légende des Scythes : trois objets
descendent du ciel, une charrue avec un joug, une hache de combat,
une coupe. Chacun d'eux est le symbole d'une fonction sociale : la
coupe, de la fonction religieuse ; la hache, de la fonction guerrière ; le
joug, de la fonction agraire.
Un témoignage non moins capital de l'importance prise, au ive siècle,
par le culte de l'Apollon gaulois, nous est apporté par le panégyrique
prononcé à Trêves en 310 en l'honneur de Constantin par un rhéteur
d'Autun :
Panégyriques latins, VII, XXI et XXII :
«... ubi deflexisses ad templum toto orbe pulcherrimum, immo ad
praesentem, ut vidisti, deum. Vidisti enim, credo, Constantine, Apolli-
nem tuum comitante Victoria coronas tibi laureas offerentem, quae
tricenum singulae ferunt omen annorum... Et immo quid dico : « credo »?
Vidisti, teque in illius specie recognovisti, cui totius mundi regna
deberi vatum carmina cecinerunt. Merito igitur augustissima illa delu-
bra tantis donariis honestasti ut jam vetera non quaerant, jam omnia
te vocare ad se templa videantur, praecipueque Apollo noster, cujus
ferventibus aquis perjuria puniuntur, quae te maxime oportet odisse.
« Di Immortales, quando ilium dabitis diem, quo praestantissimus
hic deus, omni pace composita, illos quoque Apollinis lucos et sacras
aedes et anhela fontium ora circumeat... (Augustoduno). »
«... Ayant fait un détour vers le temple le plus beau du monde,
bien plus, comme tu as pu le constater, vers le dieu lui-même, en
personne. En effet, tu as vu, je crois, Constantin, ton Apollon,
accompagné de la Victoire, et t'offrant des couronnes de laurier, qui t'apportent
le présage de trente années de règne... Mais pourquoi dire : je crois,
car tu l'as vu effectivement, et tu t'es reconnu sous les traits de celui
auquel les chants divins des poètes ont prédit qu'était destiné l'empire
sur le monde entier. C'est à juste titre que tu as honoré ces sanctuaires
de dons si importants, qu'ils ne regrettent plus les anciennes fondations,
et que désormais tous les temples semblent t'appeler vers eux, et prin-
1. Liste des dédicaces à Apollo Grauaus : Dessau 4646, Ecosse, CIL VII, 1982 ; Dessau
4647, Trêves, 4648, Autun, CIL XIII, 2600 ; 4648, Horbourg, CIL XIII, 5315 ; 4650,
Ulm, CIL III, 5861 ; 4651, Faimingen, CIL III, 5873 ; 4652, Rome, CIL VI, 36.
88 revue des études anciennes
La triade gauloise
1. L. l, p. 58.
2. L. l., p. 54.
3. De Vries, Keltische Religion, p. 130 et suiv.
4. Lambrecbts, l. L, pi. V, 10.
5. Mythologies des steppes et des forêts ; P.-M. Duval, Mythologie celtique, p. 8.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 89
Teutatès
Ésus
1. Remarquons que, sur le chaudron de Gundestrup (cf. pi. IV), le serpent à tête
de bélier, dieu cbtonien, dieu de la mort, précède l'armée dans sa marche.
2. B. G., VI, 16, 1.
3. Zwicker, Fontes, p. 50 ; voir Ê. Thevenot, La pendaison sanglante des victimes offertes
à Ésus-Mars, dans Hommages à Waldemar Déonna (Latomus, 1957), p. 442 à 449.
4. Voir P. Lambrechts, Contributions à l'étude des divinités celtiques, pi. I, fig. 1 et 2.
5. Ibid., pi. Ill, fig. 5.
6. P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, p. 35.
REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Vase de Gundestrup : la déesse mère tient en respe
et le loup de la guerre et de la Mort.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 91
Taranis
1. Un autel de Nîmes, Esp. 6825, porte l'inscription iovi et terrab m atri, associée
à la roue.
2. Esp. 832.
3. P. Lambrechts, l. L, pi. Ill, fig. 6.
4. Zwicker, Fontes, p. 302-303 ; voir J.-J. Hatt, Rota flammis circumsepia, R. A. E.,
1951, 83.
5. E. Thevenot, Sur les traces des Mars celtiques entre Loire et Mont blanc [Disserlationes
archaeologicae Gandenses, 1955).
9i αη
Belenus et Taranis
1. Sprater, Die Jupitersaulen, ein Beilrag zur Religions geschickte der Kelten und
Germanen, dans Pfalzer Heimal, 1951, Heft 3.
2. Zwicker, Fontes, p. 50 : Taranis Ditis pater hoc modo apud eos placatur.
3. E. Linckenheld, Sucellus et Nantosvelta, dans Revue d'histoire des religions, 1929,
p. 69 et suiv. ; P. Lambrechts, l. l, p. 108-109. Voir CIL XIII, 6730, 1014 : svcaelo.
4. Zwicker, Fontes, 24 ; Β. G., VI, 18, 1.
5. Jacques Coupry, Le maître du Ciel et la dame de Vie, dans Gallia, t. CV, 1957, fase. 1,
p. 146, 147.
94 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
il convient sans doute aussi de faire une place aux Dioscures, Castor
et Pollux. Ces derniers paraissent avec leurs noms latins sur le pilier
des nautes *. Nous savons d'autre part que deux héros cavaliers étaient
adorés sous le nom de Martes par les Gaulois, et d'Alces par les
Germains2. On a voulu les assimiler aux dieux gaulois Divanno et Dino-
mogetimaros 3. Ils paraissent également sur la colonne de Mayence 4, où
ils tiennent compagnie à, Apollon-Belenus, dont le caractère
prophétique et indigène est ici confirmé par ce qu'il est figuré accosté du
corbeau. Les attributions médicales et prophétiques de Castor et Pollux
dans la mythologie grecque sont connues5.
Les analyses qui précèdent nous ont permis d'établir la notion d'un
panthéon celtique originel à trois étages, comportant :
Io Un cycle de divinités sidérales, dont les druides de Lucain n'ont
retenu que Taranis, mais qui comportait également un Belenus, dieu
prophétique. Sur un autre plan, nous apercevons cependant, dans le
même groupe, un Mars-Loucetios, dieu du ciel, et un Sucellus, dieu
tonnant, comme si le panthéon gaulois avait connu, à date plus ancienne
peut-être, un groupe ternaire parallèle à celui des Germains, Ziu,
Thor et Donar. Ces dieux cosmiques sont, par Belenus-Apollon, en
rapport avec la classe sacerdotale, les druides.
2° Un grand dieu de la collectivité gauloise, à la fois guerrier et
pacifique, Teutatès, qui est, par excellence, le dieu de la classe des guerriers,
des « équités » de César.
3° Un cycle de divinités naturistes dont Ésus est le chef de file. Ce
sont les dieux des agriculteurs, des producteurs.
A ces trois groupes de dieux, il faut ajouter en tout cas une grande
déesse, la Terre-Mère qui, unie au grand dieu céleste, peut fort bien
d'ailleurs avoir été commune aux trois groupes de dieux.
1. P.-M. Duval, Le groupe de bas-reliefs des « Nautae Parisian », dans Monuments Piot,
tome XLVIII, fase. 2, p. 63 à 90, p. 79.
2. Kruger, Die gallischen und die germanischen Dioskuren, dans Trierer Zeitschrift, 1940,
p. 8-27, et 1941-1942, p. 1-66.
3. Divannoni Dinomogetimaro Martibus, CIL XII, 4218 ; voir E. Thevenot, Sur les
traces des Mars celtiques, p. 111.
4. Esp. 5887 ; voir tome X, p. 97.
5. Voir S. Reinach, article Dioscuri, Dictionnaire des antiquités- .., p. 249 et suiv.
6. Sophus Müller, Le grand vase de Gundestrup en Jutland, dans Nordiske Fotidsminder,
1890-1903, p. 62 à 68, pi. VI à XIV (ici PI. VI, VII et IX).
7. Ibid., pi. VIII (ici PI. VI).
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1. Sophus Müller, Le grand vase de Gundestrup en Jutland, pi. XIII, 2 (ici PI. VII,
en bas).
2. Ibid., pi. X (ici PI. III).
3. Ibid., pi. IX (PI. V).
essai sur l'évolution de la religion gauloise 97
qui n'est autre que le plus ancien poème mythologique celtique que
nous connaissions. Ce qui semble en avoir rendu plus difficile la lecture,
c'est que ces images n'ont jamais été disposées dans un ordre logique
ou chronologique. Les divers épisodes sont, à l'exception de deux
(voir plus loin, PL XII), la quête des taureaux, et les préliminaires
du sacrifice de ce dernier (PL IX), mis en rapport avec les figurations,
en forme d'idoles, des dieux qui en sont les principaux acteurs.
Par bonheur, ces images entretiennent entre elles certains rapports
qui dérivent du fil même du récit et que met en évidence
l'identité voulue de certains personnages, d'une scène à l'autre. C'est cette
constatation qui a été décisive dans la solution d'une énigme que divers
savants se sont efforcés de percer depuis trois générations sans y
parvenir. En effet, c'est en nous fondant sur les identités des figures, d'une
plaque à l'autre, que nous avons pu retrouver la suite des aventures
des dieux et des héros et reprendre le fil du récit légendaire. Mais il a
fallu également compléter, par de fréquents recours à l'imagerie
religieuse gallo-romaine, les lacunes qui apparaissent dans la série des
images du chaudron. Ces dernières ne sont pas dues seulement à la
disparition d'une plaque. Mais elles sont la conséquence du principe
même de composition, suivant lequel les divers personnages, leurs
actions, leurs aventures et leurs avatars sont chaque fois groupés autour
des idoles considérées comme autant de centres d'intérêt. Cette
méthode d'exposition des faits tenait probablement aux exigences mêmes
du culte. Elle a singulièrement compliqué la tâche des commentateurs.
De surcroît, et conformément à un mode d'expression courant chez les
primitifs, les événements successifs sont, autour des idoles, figurés
comme s'ils étaient simultanés.
Le déroulement des avatars et des aventures traversés par la déesse
mère et Ésus semble commandé par deux séries d'événements qui se
conditionnent l'une l'autre : la première série de tribulations concerne
la déesse mère qui épousait, à date fixe, chaque année, le dieu céleste,
pour le tromper ensuite, quelques mois plus tard, en passant du ciel
sous la terre, pour s'unir d'amour avec le dieu chthonien. Cette
infidélité chronique et saisonnière n'était pas sans déterminer
certaines réactions violentes de la part de son premier seigneur et maître.
Il s'ensuivait une lutte entre dieux du ciel, dieux sociaux et dieux da
la terre.
Le second cycle d'aventures, solidaire du premier, concernait Ésus.
Ésus, à date fixe, et cet événement était certainement célébré par une
fête religieuse annuelle, se transformait en Cernunnos, pour passer
dans le monde souterrain, puis, après un séjour de quelques mois dans
les ténèbres de l'Enfer, reparaissait sur la terre, également à date fixe.
Son union et sa lune de miel avec la déesse mère correspondait à la
durée de son séjour supraterrestre. C'est certainement sa transfor-
Rev. Et. anc. - 7
98 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
1. Le carnassier andrò phage et la représentation de l'Océan chez les Celles, dans Congre*
international d'anthropologie et d'archéologie préhistorique, XIVe session, Genève, 1912,
p. 220 à 230.
2. T. I, p. 245 à 247.
3. Liv., X, 28, 12-29, 4 et 29, 19.
4. Sophus Müller, l. L, pi. XIV, 1, 2, et pi. XII, 1 (PI. IX, XIII).
100 REVUE DES ETUDES ANCIENNES
Le Smertrius du Donon
essai sur l'évolution de la religion gauloise 103
Dans la suite, Ésus revenu sur la terre part à son tour à la recherche
du taureau divin, que les grues, connaissant leur destin parce qu'elles
ont été renseignées par l'oiseau prophétique, ont rejoint de leur côté
et sur lequel elles sont venues se percher. Ésus fait assommer et
sacrifier le taureau par Smertrius1 et, grâce au sang de sa tête, seule figurée
sur le bas-relief de Trêves 2, rend aux déesses mères leur forme humaine.
C'est alors sans doute qu'il épousera la déesse mère, et le cycle
recommencera, car, selon toute apparence, c'est un cycle annuel, jalonné
par des fêtes saisonnières.
Nous pouvons d'ailleurs le faire recommencer pour le résumer :
Si Ésus recherche dans la forêt le taureau aux trois grues, c'est pour
rompre l'enchantement qui, par suite de la colère et de la jalousie de Ta-
ranis, a métamorphosé la déesse mère ainsi que ses deux compagnes
en grues. Il se fait aider, dans la mise à mort et le sacrifice du taureau
divin, par Smertrius 3, son double. Puis il se marie avec la déesse mère.
C'est le printemps. En suite, l'été s'avance et vient l'automne, le soleil
décline. Ésus se transforme en Cernunnos et gagne le monde souterrain
en compagnie de Smertrius. La déesse mère le quitte et rejoint son
autre époux, Taranis. Cependant, Cernunnos règne sur les Morts,
protège le cerf et le taureau contre les convoitises du loup, fraye la voie
aux défunts vers la vie d'outre-tombe 4. Sur ces entrefaites, lassée par
les violences et les menaces du tonitruant Taranis et de ses chiens
hurlants, la déesse mère, à la fin de l'hiver, lui est infidèle. Elle va
trouver Smertrius dans les enfers, s'unit d'amour avec lui et l'aide à
triompher du chien monstrueux de la Mort, qu'il étrangle et qu'il
sacrifie, pour se parer de sa dépouille.
Mais le courroux de Taranis ne se fait pas attendre et ne connaît pas
de bornes. Il envoie à la déesse mère un de ses chiens, porteur d'un
charme, qui va la métamorphoser, elle et ses deux compagnes, en trois
grues. L'émotion est grande parmi les dieux. Teutatès veut envoyer
ses guerriers dans les enfers au secours de la déesse. Mais Taranis
foudroie l'émissaire de l'armée dès son arrivée. Plus discrète et plus
efficace est l'action concertée d'Apollon-Belenus et des Dioscures.
Ceux-ci partent en quête du taureau divin, dont le sang doit rendre aux
trois grues leur forme première. Ils les trouvent dans la forêt. Heureu-
1. Voir Lambrechts, Contributions à l'étude des divinités celtiques, pi. XIII, fig. 34, et
S. Reinach, Bronzes figurés, p. 185 à 188, n° 177.
2. Dumézil, Les dieux des Germains, p. 29, 30, 31.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 105
1. On remarquera que, si le Janus bifrons est fréquent avant la conquête, il est quasi
inexistant après ; voir P. Lambrechts, Note sur un passage de Grégoire de Tours, dans
Latomus, tome XIII, fase. 2, avril-juin 1954, p. 211.
2. Zwicker, Fontes, 50 : Teutates-Mercurius, Hesus-Mars, Taranis-Dispater, Teutatès-
106 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Gaulois appelaient indistinctement Teutatès, Mercure ou Mars ; Tara-
nis, Dis Pater ou Jupiter ; Ésus, Mars ou Mercure. Le texte ajoute
qu'Ésus n'est appelé Mercure que dans la mesure où les marchands
l'adorent (sans doute comme distributeur de richesses), et que Taranis
est à la fois dieu du ciel et dieu des combats (ce qui signifie qu'il a
parfois été assimilé à Mars).
Ce témoignage est entièrement conforme aux faits archéologiques.
Le dieu céleste est tantôt identifié à Jupiter, tantôt à Mars, le Teutatès
devient tantôt Mars, tantôt Mercure, et l'Ésus, de même. Un des
meilleurs exemples de cette confusion est la triade des Trévires, qui se
décompose en un : , ,
Mars Loucetios = Taranis (ou dieu céleste) ;
Mars Lenus = Belenus (dieu de sources et de sanctuaires) ;
Mars ou Mercure Jovantucarus = Ésus.
Tour à tour, P. Lambrechts, É. Thevenot, F. Benoît ont tiré
argument de ces confusions pour en déduire qu'il existait un dieu unique,
adoré par les Gaulois avant la conquête et différencié par la suite1.
Cette théorie coïncide partiellement avec la réalité, puisqu'en certains
cas, Mars et Mercure, ou d'autres dieux latins, peuvent correspondre
au dédoublement d'une divinité plus ancienne, comme Teutatès ou
le dieu solaire cavalier. Mais, d'autre part, le fait que certains dieux,
comme Mars et Mercure, paraissent interchangeables, aux côtés d'une
divinité féminine, tient aux noces successives de la déesse mère avec
un dieu du Ciel et un dieu de la Terre, et ne doit pas nous faire croire
à l'unité sous-jacente d'un dieu gaulois, qui aurait été dédoublé (voir
Thevenot, l. L, p. 150 à 152). En réalité, la correspondance entre dieux
latins et dieux indigènes ne pouvait être assurée dans de bonnes
conditions, attendu que les dieux indigènes ne correspondaient pas aux
normes de spécialisation régissant les divinités gréco-romaines. Les
dieux gaulois, répartis en trois étages2, suivant des catégories
primitives, étaient encore chargés d'attributions complexes, correspondant
aux mythes où ils jouaient leur rôle et à leur devenir, au cours de
plusieurs siècles d'évolution religieuse autonome. Le Teutatès était le
résultat d'une synthèse nationale élaborée au cours de la période
conquérante. Les dieux célestes participaient à trois mythes distincts :
celui d'un dieu cavalier solaire, celui d'un lanceur de marteau, celui
d'un lanceur de roue enflammée. Comme ces mythes mettaient en jeu
le ciel, le soleil, la terre et l'eau, ils étaient à la fois chthoniens, aqua-
Ce qui vient encore compliquer les choses, c'est qu'à ces causes de
flottement, d'incertitude et de confusion, dérivant de la politique
romaine d'assimilation et de la nature même des dieux gaulois, s'en
ajoutent d'autres, qui sont liées au particularisme des cités et à leur
désir d'affirmer leur individualité. La triade de Lucain est confédérale,
c'est-à-dire qu'elle n'apparaît que là où nous trouvons plusieurs cités
associées ou confédérées. Dans la généralité des cas, la triade est presque
toujours altérée et souvent difficile à reconnaître, car chacune des
cités gauloises a tenu à s'en former une image particulière, à son usage
propre. La réalité est fort complexe : en effet, toute collectivité
gauloise possède en propre deux formes de groupements divins collectifs :
un groupe de dieux, ou un dieu qui sert à la distinguer de ses voisines,
une version spécifique de la triade panceltique.
C'est ainsi, par exemple, que les Trévires, à côté de la triade Louce-
tios, Lenus et Iovantucaros, qui est leur forme particulière de triade
panceltique, adorent les trois Matres, ou trois Parcae. Les Rèmes ont
pour triade confédérale le groupe Apollon, Mercure, Cernunnos, et
pour dieu particulier le Tricéphale.
Les Triboques, à Argentorate, ont pour triade générale le groupe
Mercure au maillet (Sucellus), Mercure à la bourse (Teutatès) et Hercule
(Ésus-Smertrius), et pour triade particulière Mercure et les deux Eponae.
Le désir qu'avait chaque cité de se singulariser est pour beaucoup
dans la confusion des dieux topiques et rend malaisée l'interprétation
des groupes divins particuliers. Mais l'idée de la triade paraît être un
excellent fil conducteur.
1. Voir J.-J. Hatt, Les monuments gallo-romains de Paris et les origines de la sculpture
votive en Gaule romaine, I : Du pilier des nautes de Paris à la colonne de Mayence, dans
Revue archéologique, 1952, I, p. 68-83, et 1953, II, p. 66-69.
2. Sprater, Die Jupitersaulen, Pfalzer Heimat, 1951, Heft 3, p. 65-66, voir figure p. 67.
3. Ibid., fig. p. 69.
4. J.-J. Hatt, Les monuments gaüo-romains..., R. Α., 1952, I, p. 68-83.
JA
1. Voir P.-M. DuvaJ, Le groupe de bas-reliefs des « Nautae Parisian », dans Mélanges
Piot, tome XLVIII, fase. 2, 1956, p. 63 et suiv.
2. Mélanges Piot, l. l., p. 71.
110 REVUE 0ES ÉTUDES ANCIENNES
1. Voir Coupry, Le maître du Ciel et la dame de Vie, dans Gattia, tome XV, 1957, fase. 1,
p. 146-149 ; E. Thevenot, Sur les traces des Mars celtiques, p. 154.
2. Esp. 2072 (tome III) : socle ; Esp. 2067 : premier et deuxième étages.
REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
Pilier des nautes de Paris : Ésus et le taur
ESSAI SUR L EVOLUTION DE LA RELIGION GAULOISE 111
1. F. Benoît, Ob lumen receptum, dans Latomus, tome XII, fase. 1, janvier-mars 1953,
p. 77 et suiv.
2. Esp. 3143.
3. Esp. 3442.
4. Le dieu à la lance et aux épis de Dijon, dans Revue archéologique de l'Est, tome VIII,
p. 101 et suiv.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 113
Le ne siècle
1. Dessau 4623, CIL III, 2804, Scardonne en Dalmatie : CIL XIII, 6478, Boeckingen,
CIL XIII, 6094, Godramstein.
2. Esp. 5939, Niederwùrzbach ; 5940, Dunzweiler.
3. E. Linckenheld, Le sanctuaire du Donon, son importance pour l'étude des cultes et des
rites celtiques, dans Cahiers d'archéologie et d'histoire d Alsace, 1947, p. 67 à 114, pi. I à VII.
4. Ibid., pi. Ill, n° 4. Sur la même planche, le « dieu au chien » est en réalité un Mercure
au bouc, comme le prouvent les sabots fourchus de la bête.
118 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
vu plus haut les principaux textes qui s'y rapportent : les passages
d'Ausone, mentionnant, parmi les professeurs de Bordeaux, des druides,
prêtres de Belenus-Apollon. Ce sont aussi les extraits du panégyrique
païen de Constantin, où il est possible de trouver une allusion à la
vision de l'empereur et qui nous paraissent attester la survivance de
Belenus, sous la forme d'Apollon, dieu prophétique, en rapport avec
le dieu suprême, Taranis, par l'intermédiaire de l'ange du sommeil
prophétique. C'est le passage du même panégyrique, où le rhéteur
d'Autun voudrait attirer Constantin vers le sanctuaire d'Apollon-
Borvo, adoré par les Héduens. C'est le rituel extraordinairement précis
de la roue enflammée, si explicite pour le mythe de Taranis, et qui est
encore pratiqué dans un sanctuaire de l'Agenais au début du ive siècle,
d'après le témoignage des actes de saint Vincent. C'est, au ive siècle
également, l'étonnant récit de Grégoire de Tours1 mentionnant un
culte rendu à Mars et Mercure sous forme d'offrandes aux morts, de
sacrifices funéraires en l'honneur des défunts et d'un duel à mort rituel
de deux jeunes gens. Contrairement à l'interprétation de F. Benoit,
nous estimons que Mars et Mercure représentent non pas le groupe du
géant à l'anguipède, mais Teutatès et Ésus, dieux dont les attributions
funéraires sont absolument certaines.
A partir du ve siècle, si l'on fait le compte des divinités les plus
souvent mentionnées par les vies de saints et les interdictions des conciles,
on aboutit à la liste suivante : Apollon, Diane, Hercule, Jupiter, Mars,
Mercure, Minerve, Neptune, Vénus.
Ces neuf grands dieux, qui sont encore couramment adorés par le
peuple des campagnes resté païen, se résolvent aisément à la triade :
Apollon étant le complément de Taranis- Jupiter dans la souveraineté,
Mars ou Mercure symbolisant Teutatès, Hercule, Mars ou Mercure
symbolisant Ésus ; Neptune, dieu des eaux, pouvant être associé à
Taranis dans le mythe de la génération des eaux souterraines ou
aériennes, Vénus, Diane et Minerve étant les déesses féminines le plus
souvent associées à la triade sur les stèles à quatre dieux. La
disparition de Junon est symptomatique, car c'est la plus romaine de toutes,
et elle a pu être oubliée, passé la romanisation.
Quant au culte d'Ésus-Cernunnos, il subsiste sous la forme des
mascarades des calendes, si fréquemment interdites par les conciles, qu'on
est bien obligé d'admettre qu'elles étaient courantes2. Au moment des
calendes de janvier, hommes et femmes se déguisaient en cerfs et
biches, en taureaux et en génisses, et se livraient à des danses rituelles.
Comment rattacher cet usage, assurément païen, et à coup sûr
indigène, au cycle légendaire et au mythe saisonnier d'Ésus-Cernunnos?
Cette liaison est très clairement attestée par les monuments gallo-
romains. Récemment, à Alésia, a été découvert un très beau vase du
m6 siècle, décoré d'une suite de reliefs d'applique représentant un
cortège bachique et d'une scène de chasse au cerf, tracée à la barbotine.
Cette association prouve que les Gaulois exprimaient l'idée de leurs
traditionnelles mascarades en cerfs et en biches sous la forme
iconographique des bacchanales gréco-romaines. D'autre part, les
figurations de la légende d'Actéon, dans lesquelles ils pouvaient reconnaître
celles de leur Cernunnos, celles des bacchanales, des bacchants et des
bacchantes, sont particulièrement fréquentes sur les monuments
funéraires de Gaule.
Il est possible de reconstituer de la façon suivante ces cérémonies
et ce rituel. Chaque année, au moment où Cernunnos était censé
redevenir Ésus, les Gaulois allaient chasser des cerfs et des biches dans la
forêt. Ils les sacrifiaient, les dépouillaient, s'affublaient de leurs peaux
encore fraîches, se livraient ainsi déguisés à des danses effrénées. Puis
ils déposaient leurs oripeaux, pour célébrer le retour sur la terre d'Ésus.
Le souvenir attardé de certains rituels spéciaux au culte de la triade
a subsisté même dans le folklore récent. En de nombreux lieux du
nord-est de l'ancienne Gaule, près de Saverne, près de Trêves, près de
Sierck, les garçons ont l'habitude, à certaines dates, de lancer des
disques ou des roues enflammées du haut des montagnes. Les géants
que l'on promène au carnaval pour les brûler ensuite, et qui sont
parfois remplis de petits animaux vivants, rappellent les holocaustes
humains à Taranis.
Conclusion
que les soldats ont déraciné pour obtenir le contact avec le monde souterrain.
Le serpent à tête de bélier, probablement sorti des racines de l'arbre, guide
l'armée vers les enfers. Les quatre cavaliers qui dirigent la marche de l'armée
portent sur leurs casques les symboles des quatre divinités luttant contre
Taranis et pour la déesse mère : le corbeau de Belenus, le sanglier de Teutatès,
les cornes de cerf d'Ésus-Cernunnos, l'arc-en-ciel de Mars Loucetios.
— PI. V (pi. IX de Sophus Müller). A gauche, Cernunnos protège le cerf
divin et le taureau contre les convoitises du loup et conjure ainsi les forces
d'anéantissement de la Mort pour frayer la voie aux défunts vers la vie
éternelle. A droite, en haut, la chienne monstrueuse, personnifiant l'Océan,
voudrait engloutir le défunt qui, à califourchon sur un dauphin, lui échappe,
guidé par le taureau sacré vers les îles des Bienheureux.
— PI. VI (pi. VIII de Sophus Muller). La déesse mère, s'appuyant sur la
puissance céleste, symbolisée par les rosaces, et aidée d'Apollon-Belenus,
exprimé par ses griffons, tient en respect les éléphants et les chiens
monstrueux, représentant les périls de la guerre et l'anéantissement dans la Mort.
— PI. VII (pi. XIII de Sophus Muller). En bas, la déesse mère, encadrée
des images de ses deux époux successifs : à droite, Taranis ; à gauche, Ésus.
Autour du front, les dieux portent un ruban et la déesse un bandeau torsadé,
signes liturgiques des fiançailles.
En haut, la triade de la déesse mère et de ses deux servantes en train de
se transformer en grues. A gauche, le chien envoyé par Taranis. Devant la
poitrine de la déesse mère, le messager de l'armée gauloise, ainsi que son
chien, vient d'être foudroyé ; sur sa main droite, le corbeau de Belenus.
— PI. VIII. La déesse mère de Naix, accompagnée de ses deux servantes.
— PI. IX (pi. XIV de Sophus Muller). En haut, la déesse mère, portant
sur son front le bandeau torsadé, signifiant ses nouvelles fiançailles avec Ésus,
encourage et aide Smertrius, afin qu'il triomphe du carnassier géant de
Taranis, symbole de la Mort. De l'autre côté de la déesse, Smertrius exulte après
sa victoire.
En bas, Smertrius écarte un chien du taureau qu'il vient d'assommer et
qu'il s'apprête à sacrifier.
— PI. X (pi. XI de Sophus Müller). En haut, Teutatès reçoit les hommes
et les sangliers qu'ils lui apportent en offrande funéraire. Il s'agit en quelque
sorte d'une figuration du jugement des guerriers morts. Sur l'épaule droite
du dieu, le carnassier symbolisant pour les guerriers sans valeur
l'anéantissement dans la Mort ; à gauche, le Pégase signifiant la vie éternelle et l'hé-
roïsation pour les soldats valeureux.
En bas, dieu céleste recevant les cerfs qu'on lui sacrifie.
— PI. XI. Le Smertrius du Donon. Il est revêtu de la peau du loup qu'il
a tué et s'apprête à sacrifier le cerf divin aux divinités du Ciel, afin que
Gernunnos redevienne Ésus.
— PI. XII (pi. VII de Sophus Müller). La quête des taureaux par les Dios-
cures; l'un de ceux-ci a le torse nu : c'est le Dioscure de l'hémisphère
supérieur; il est représenté deux fois. L'autre porte un justaucorps qui lui couvre
la poitrine : c'est le Dioscure de l'hémisphère inférieur; il n'est représenté
qu'une fois.
essai sur l'évolution de la religion gauloise 125
— PI. XIII (pi. XII de Sophus Müller). En haut, le Dioscure de
l'hémisphère supérieur (torse nu) supplie Belenus d'assurer la liaison avec les enfers.
Sa prière ayant été exaucée, le Dioscure de l'hémisphère inférieur descend à
cheval dans le monde souterrain et va apporter à Smertrius les
renseignements qui lui sont nécessaires pour permettre à Ésus de reparaître sur la
terre afin de délivrer les déesses mères de leur enchantement.
En bas, Dispater, dieu gaulois de la Mort ; devant lui, un doublet de loups
androphages symbolisant l'anéantissement dans la Mort et représenté sous
la forme d'un chenet, par allusion au culte des ancêtres et du foyer
domestique. Les deux monstres que le dieu tient dans les mains sont, à notre avis,
des stylisations des serpents ailés des L araires romains.
— PI. XIV, 1 et 2. Ésus et le taureau à trois grues, pilier des nautes de
Paris.
— PI. XV, 1 et 2. Groupe de Saintes, hiérogamie de la déesse mère et d'Ésus.
— Revers du groupe de Saintes : à gauche, la déesse mère, à laquelle Ésus,
accroupi au centre, et Smertrius, figuré debout portant la massue d'Hercule,
ont rendu sa forme humaine, grâce au sang des trois têtes de taureaux
représentées au-dessous.