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Écrits anciens concernant Ibn Taymiyya

H. Le mémento d’al-Wāsiṭī
‘Imād al-Dīn Abū l-‘Abbās Aḥmad b. Ibrāhīm b. ‘Abd al- les deux dimensions, extérieure et intérieure, de la religion, il a
Raḥmān b. Mas‘ūd b. ‘Umar al-Wāsiṭī, connu comme « le fils une baraka particulière qu’al-Wāsiṭī invite ses disciples à
du shaykh des emballeurs » (Ibn shaykh al-ḥazzāmīn), naquit le percevoir et dont il espère que, en l’aimant comme leur shaykh,
11 ou le 12 Dhū l-Ḥijja 657 [29-30 novembre 1259] dans la ils pourront eux-mêmes profiter.
ville iraqienne de Wāsiṭ et mourut à Damas le 16 Rabī‘ II 711 Al-Wāsiṭī est tellement convaincu de la supériorité d’Ibn
[1 septembre 711]. Dans la notice nécrologique qu’il lui con- Taymiyya qu’il imagine difficilement comment quelqu’un de
sacre, Ibn Rajab l’appelle « l’ascète (zāhid), le modèle (qudwa), sensé pourrait le critiquer ou s’opposer à lui : seul quelqu’un de
le gnostique (‘ārif)1 ». Fils du shaykh de la confrérie des Aḥma- faible intelligence, ou de grand âge, ou de jaloux, tiendrait et
dīs, il fut éduqué dans le soufisme dès son jeune âge. Il étudia ferait circuler un registre des manquements et erreurs du
aussi la jurisprudence shāfi‘ite. Des voyages le menèrent suc- théologien-muftī plutôt que de célébrer les extraordinaires mé-
cessivement à Baghdād, à La Mecque, au Caire, dans les mi- rites de sa pensée et de son action. Le fait est cependant, écrit
lieux shādhilites d’Alexandrie et, finalement, à Damas où il al-Wāsiṭī, qu’un tel individu semblerait exister, peut-être même
devint un membre du proche entourage d’Ibn Taymiyya, étu- parmi les compagnons d’Ibn Taymiyya. Sans citer son nom, il
dia avec celui-ci et devint ḥanbalite. Il fut à la fois copiste – explique dans sa lettre comment le reconnaître, quel comporte-
pour gagner sa vie – et auteur. On lui doit notamment un Com- ment adopter à son égard et comment réfuter ses allégations. Il
mentaire inachevé des Étapes des itinérants du célèbre soufi insiste par ailleurs sur la nécessité de faire la part des choses,
ḥanbalite afghan ‘Abd Allāh al-Anṣārī (m. 481/1089), et un les Prophètes seuls étant infaillibles et les qualités d’Ibn Tay-
Traité du cheminement initiatique (al-Sulūk wa l-sayr ilā miyya incomparablement plus importantes que de telles pecca-
Allāh)2. dilles.
Le texte traduit ci-dessous fut aussi composé par al-Wāsiṭī, à Ce mémento d’al-Wāsiṭī projette un éclairage singulier sur le
une date indéterminée mais que C. Bori croit pouvoir situer proche entourage d’Ibn Taymiyya. Il y a d’abord l’évocation de
entre 705/1306 et l’année de son décès3. Traditionnellement la possibilité de réserves d’un (ou de plusieurs ?) de ses compa-
intitulé Le mémento, la prise en considération et l’assistance gnons à son égard. Il y a surtout la spiritualisation soufisante,
aux pieux (al-Tadhkira wa l-i‘tibār wa l-intiṣār li-l-abrār), par al-Wāsiṭī, des relations de ces compagnons, et de lui-même,
c’est une lettre de guidance spirituelle et de louange du théo- avec le théologien-muftī. L’entourage de ce dernier en devient
logien-muftī adressée à sept autres de ses disciples4, parmi une sorte de confrérie élitiste invitée à toujours aimer plus pro-
lesquels Ibn Shuqayr et Ibn Nujayḥ. fondément l’uléma exemplaire, extraordinaire et doué de
Al-Wāsiṭī s’exprime comme un shaykh soufi à des novices. Il baraka qui en est le pôle. Cela dit, on en a aussi divers témoi-
voit dans les destinataires de sa lettre une élite à laquelle il gnages5, en tant que théologien-muftī et maître spirituel mili-
entend rappeler l’importance de ses responsabilités et proposer tant, Ibn Taymiyya fut parfois amené, sur le large éventail et
diverses pratiques spirituelles destinées à en faciliter la mise en continuum des manifestations possibles d’un lien gourou -
œuvre. Ainsi insiste-t-il sur la nécessité de se détacher du secte, à se situer plus près d’un modèle meneur - milice que
monde une heure par jour afin non seulement d’arriver à une d’un modèle shaykh - confrérie, l’un n’empêchant d’ailleurs
connaissance rapprochant de Dieu mais de faire intérieurement pas l’autre et pouvant même s’y conjuguer.
l’expérience d’une telle proximité du Prophète que c’est com- TRADUCTION 6
me si on vivait à son époque. Ibn Taymiyya lui paraît alors être Au nom de Dieu le Miséricordieux, Qui fait miséricorde.
l’uléma possédant le plus parfaitement une telle connaissance et À Dieu la louange ! Glorifié soit Dieu et loué ! Il est sanctifié
vivant le plus intensément une telle expérience. D’où la néces- en Sa hauteur et Sa majesté, et exalté pour ce qui est des
sité, pour ses disciples, d’être bien conscients de ses mérites attributs de Sa perfection. Il est sublime pour ce qui est des
insignes et de faire de lui leur modèle spirituel. gloires de Sa singularité et de Sa beauté. Il est noble en Sa
Qu’il s’agisse des théologiens ash‘arites, des ulémas imitant supériorité et la beauté de Sa faveur. Il est trop majestueux
aveuglément les maîtres de leurs rites, des derviches perdus pour être assimilé à une de Ses créatures, ou être embrassé. Lui
dans les innovations et déviances de leurs shaykhs, des mys- au contraire est Celui Qui embrasse les choses qu’Il a adven-
tiques professionnels n’ayant de soufis que le nom, des mem- tées. Les imaginations ne se Le représentent pas et les corps ne
bres de diverses confréries adeptes de types variés d’unicité de
Le diminuent pas. Ni les esprits clairvoyants ni les entende-
l’existence, de la populace errant dans ses superstitions, des
ments n’intelligent la nature de Son essence.
émirs et d’une soldatesque aussi injustes qu’ignorants de la
religion, multiples sont pour al-Wāsiṭī les tares dénaturant La louange au Dieu Qui appuie le réel et l’aide à vaincre, Qui
l’Islam de son époque et il les dénonce avec véhémence. Dans repousse le vain et le brise, Qui rend puissant celui qui obéit et
ces ténèbres, Ibn Taymiyya est selon lui une véritable lumière l’assiste, et Qui humilie l’excessif et le néglige, Qui est tel que
envoyée par Dieu pour réformer l’Islam. Unissant en lui-même celui qui assume les fardeaux de la fidélité en ce qu’il bâtit et
fonde a le bonheur d’obtenir de se rapprocher de Sa sainteté, et
1. IBN RAJAB, Dhayl, t. II, p. 296-297. Sur al-Wāsiṭī, voir aussi
que celui qui dépense ce qu’il aime pour Le rechercher cordia-
C. BORI, Circle, p. 26, 45-46 ; É. GEOFFROY, Traité, p. 83-84.
2. Voir É. GEOFFROY, Traité.
3. C. BORI, Circle, p. 26. 5. Voir Y. MICHOT, Textes spirituels, N.S. XXVII, p. 4.
4. Le mémento d’al-Wāsiṭī est analysé, avec une traduction anglaise 6. Aḥmad b. Ibrāhīm AL-WĀSIṬĪ, Tadhkira, in M. ‘U. SHAMS, & ‘A.
de deux passages, par C. BORI, Circle, p. 26-29. b. M. AL-‘UMRĀN (éds), Jāmi‘, p. 109-131 (sigle W).

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lement et sensiblement alors qu’il s’est établi dans les déserts Muḥammad b. Muḥammad b. Muḥammad Ibn al-Ṣā’igh5,
des doutes en attendant que cesse son obscurcissement, réussis- Son frère le sieur, le frère, le savant, le craignant[-Dieu], le
sent à être aimés de Lui dans les domaines de Sa familiarité. vertueux, le meilleur, le religieux, le savant fiable, le fidèle
Glorifié soit-Il et loué ! À Lui la qualification suprême, la munificent, à la belle conduite et à la solide religion pour ce
lumière la plus complète, la plus brillante, et la preuve mani- qui est de suivre les traditions (sunna), Fakhr al-Dīn Muḥam-
feste dans la Loi la plus parfaite ! mad6,
Je témoigne qu’il n’y a pas de Dieu excepté Dieu seul, Qui Le cher frère, le vertueux, le chercheur de la voie de son
n’a pas d’associé, de l’unicité de Qui [110] témoignent les Seigneur, qui désire Son contentemment et Son amour, le
natures originelles, à la seigneurialité de Qui se soumettent savant, l’éminent, l’enfant Sharaf al-Dīn Muḥammad b. Sa‘d
ceux qui possèdent raison et discernement, de Qui les juge- al-Dīn Sa‘d Allāh Ibn Nujayḥ7,
ments apparaissent dans les versets et les sourates, et de Qui le Et les autres d’entre ceux qui cherchent refuge dans la
pouvoir se parachève dans la descente du Décret. Je témoigne présence de leur shaykh et de notre shaykh, le maître, l’imām,
par ailleurs que Muḥammad – Dieu prie sur lui et lui donne la l’exemple magnanime, le revivificateur de la Sunna, le
paix ! – est Son esclave et Son Messager, du prophétat de qui dompteur de l’innovation, l’aide victorieux du Ḥadīth, le muftī
ont témoigné les hérauts et les doctes, qui était attendu avant des sectes, qui diffuse les vérités et les fait arriver par les
son apparition, et de qui les miracles – le gémissement du tronc fondements Légaux à l’étudiant qui goûte [spirituellement], qui
de palmier et la soumission de l’arbre… – se suivirent l’un réunit l’exotérique et l’ésotérique – il juge l’apparent selon la
l’autre lors de son envoi – les prières de Dieu soient sur lui, sur réalité, son cœur habitant dans les hauteurs –, le modèle des
sa famille et sur ses Compagnons, les gens de la crainte, de la califes bien dirigés et des imāms bien guidés de qui les vies
prudence et du savoir illuminé. Ils sont le modèle de qui suit la sont absentes des cœurs et de qui la communauté a oublié l’agir
trace. et les chemins – le shaykh les leur rappella donc : il cheminait
Ensuite. sur les traces effacées de leur voie, revivifiait les morts de leur
Ceci est une lettre qu’a écrite le faible esclave qui espère la agir et possédait les brides de leurs règles –, le shaykh, l’imām
miséricorde de son Seigneur et Son pardon, Sa générosité et Sa Taqī al-Dīn Abū l-‘Abbās Aḥmad b. ‘Abd al-Ḥalīm b. ‘Abd al-
faveur, Aḥmad b. Ibrāhīm al-Wāsiṭī – Dieu le traite ainsi qu’il Salām [112] Ibn Taymiyya – Dieu fasse revenir sur nous sa
en est digne ! Il est en effet un homme de piété et digne du baraka, élève son rang vers les degrés des hauteurs, fasse durer
pardon –, à ses frères en Dieu, les maîtres, les ulémas et les [Son] appui aux sieurs par la mention desquels on a commencé
pieux imāms au savoir utile, au cœur humble, à la lumière ainsi que leur bonne direction, et qu’Il leur donne généreuse-
diffuse, que Dieu a revêtus du voile de la fidélité et que, je ment leur part et plus encore !
l’espère de Sa générosité, Il fera réaliser les réalités du profit : La paix soit sur vous, assemblée des frères, la miséricorde de
Le sieur le plus illustre, le savant, l’éminent, l’honneur des Dieu et Ses barakas ! Que Dieu nous mette, ainsi que vous,
traditionnistes, la lampe des dévots, celui qui se dirige vers le parmi ceux de qui le cœur établit la vérité malgré l’agitation
Seigneur des mondes, Taqī al-Dīn Abū Ḥafṣ ‘Umar b. ‘Abd des malheurs, qui comptent pour Dieu ce qu’ils dépensent
Allāh b. ‘Abd al-Aḥad Ibn Shuqayr1, d’eux-mêmes pour instituer Sa religion ainsi que ce qu’ils
Le shaykh le plus illustre, le savant, l’éminent, l’itinérant, débusquent8 par là et craignent, qui imitent l’agir des premiers
l’ascète (nāsik) possédant le savoir et l’agir, revêtu, en matière prédécesseurs – les Émigrés et les Auxiliaires – à qui, s’agis-
d’attributs louables, des habits les plus beaux, le shaykh Shams sant de Dieu, le blâme d’aucun blâmeur ne s’en prenait. Ni
al-Dīn Muḥammad b. ‘Abd al-Aḥad al-Āmidī2, celui qui les abandonnait ni celui qui s’opposait à eux ne leur
Le sieur, le frère, le savant, l’éminent, l’itinérant, l’ascète, le faisait du mal malgré, au début de l’affaire, leur petit nombre,
craignant[-Dieu], le vertueux, sur les traits du visage de qui et chacun d’eux, avec cela, était un lutteur (mujāhid) se tenant
brille le signe de la lumière de son cœur, Sharaf al-Dīn Mu- debout avec la religion de Dieu. De la générosité du Dieu Très-
ḥammad Ibn al-Munajjā3, [111] Haut nous espérons qu’Il nous appuie pour leurs actions, qu’Il
pourvoie nos cœurs d’équité pour ce qui est de leurs états et
Le sieur, le frère, le juriste, le savant, le noble, l’éminent,
qu’Il nous joigne à leur cheminement, sous leur voile et leur
l’honneur de ceux qui étudient, Zayn al-Dīn ‘Abd al-Raḥmān
drapeau, avec leur chef et leur imām, le seigneur des Envoyés
b. Maḥmūd b. ‘Ubaydān al-Ba‘labakkī4,
et l’imām des craignants[-Dieu], Muḥammad – les prières de
Le sieur, le frère, le savant, l’éminent, l’itinérant, l’ascète, à Dieu soient sur lui, sur sa famille et l’ensemble de ses Com-
l’intelligence surabondante, à l’action vertueuse, à la plétho- pagnons !
rique sérénité (sakīna) et à l’opulente éminence, Nūr al-Dīn
Mettant en pratique ces paroles du Très-Haut : « Rappelle !
Rappeler est en effet utile pour les croyants9 », je vous rap-
1. Compagnon ḥanbalite d’Ibn Taymiyya (m. 744/1343) ; voir 5. Compagnon d’Ibn Taymiyya ; voir C. BORI, Circle, p. 48, n. 71.
C. BORI, Circle, p. 32. 6. Fakhr al-Dīn Muḥammad b. Muḥammad b. Muḥammad Ibn al-
2. Compagnon d’Ibn Taymiyya (m. 798/1397) ; voir C. BORI, Circle, Ṣā’igh, compagnon d’Ibn Taymiyya ; voir C. BORI, Circle, p. 48,
p. 32. n. 71.
3. Compagnon d’Ibn Taymiyya (m. 724/1324) ; voir C. BORI, Circle, 7. Nujayḥ : Bukhaykh W. Compagnon ḥanbalite d’Ibn Taymiyya
p. 32. (m. 723/1323) ; voir C. BORI, Circle, p. 32.
4. Compagnon d’Ibn Taymiyya (m. 734/1334) ; voir C. BORI, Circle, 8. iḥtawasha-hu : iḥtawashat-hu W
p. 32 ; A. POST, Glimpse ; Y. MICHOT, Sang, p. 96, n. 3. 9. Coran, al-Dhāriyāt - LI, 55.

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pellerai – Dieu vous fasse miséricorde ! – ce que vous, vous ne relève en effet pas le fait de se ruer vers les apparences et de
savez. négliger les quêtes supérieures aux lumières resplendissantes.
S’agissant de cela, je commencerai par me recommander, à
moi et à vous, de craindre Dieu. C’est la recommandation que
le Dieu Très-Haut [nous a adressée], à nous et aux commu-
nautés d’avant nous, ainsi qu’Il l’a rendu clair – Glorifié et
Très-Haut est-Il – en disant et recommandant : « Nous avons
assurément recommandé, à ceux d’avant vous à qui le Livre
avait été donné et à vous, de craindre Dieu1. » Vous connaissez
les détails de la crainte [de Dieu] pour les membres du corps et
pour les cœurs en fonction des moments et des situations, s’a-
gissant des dires, des actions, des volitions et des intentions.
[113] S’agissant des actions, il convient que, nous tous, nous
ne soyons pas contents de leurs formes jusqu’au moment d’en
demander les réalités à nos cœurs devant le Dieu Très-Haut. Et,
avec cela, puissions-nous avoir une préoccupation supérieure,
qui se tourne vers les contrées de la proximité [de Dieu] et les
souffles de l’amabilité et de l’amour ! Le bienheureux est en
effet celui qui obtient une part de cela et de qui son Seigneur,
en plus du reste des états [spirituels], est proche par le fait de
« Il les aime et ils L’aiment8 »
[le] rapprocher spécialement, l’esclave acquérant par là le fruit
de la crainte et de la vénération du Puissant, du Sublime. L’a- Puissions-nous tous avoir, entre la nuit et le jour, une heure
mour et la crainte [de Dieu] sont en effet établis dans le noble durant laquelle nous nous isolerons avec notre Seigneur –
Livre et la Sunna authentiquement transmise. Le Très-Haut a majestueux est Son nom et très-haute Sa sainteté ! En cette
dit : « Il les aime et ils L’aiment2 », « Ceux qui croient sont heure nous réunirons devant Lui nos préoccupations et rejette-
d’un amour plus intense de Dieu3 » Le Très-Haut a aussi dit : rons de nos cœurs les occupations de ce bas-monde. Durant
« D’entre Ses esclaves les savants seulement craignent Dieu4 ». une heure par jour nous renoncerons à ce qui est autre que Dieu
Dans le Ḥadīth [il y a] : « Je te demande l’amour de Toi, l’a- et, par là, l’homme connaîtra son état [spirituel] avec son Sei-
mour de qui T’aime et l’amour d’un agir qui me rapprochera de gneur. Quiconque a un état [spirituel] avec son Seigneur, en
Ton amour5. » Dans le Ḥadīth [il y a] aussi : « Si vous saviez cette [114] heure-là ses résolutions se mobilisent, ses [pensées]
ce que je sais, vous ririez peu, pleureriez abondamment et, secrètes se réjouissent de par l’amour et la vénération, et ses
certainement, sortiriez vers les sépulcres en suppliant Dieu6. » soupirs et ses pensées latentes s’envolent vers le haut. Cette
heure [offre] un exemple de la situation de l’esclave dans sa
On le sait, les gens diffèrent les uns des autres pour ce qui est
tombe, lorsqu’il est séparé de ses biens et de son bien-aimé.
des stations7 (maqām) de l’amour et de la crainte [de Dieu],
Quelqu’un qui n’isole pas son cœur pour Dieu une heure par
une station étant plus haute qu’une autre et une part plus élevée
jour, du fait de ce sur quoi il est focalisé, s’agissant des préoc-
qu’une autre. S’agissant des stations de l’amour et de la crainte
cupations d’ici-bas et des choses constituant des fardeaux, qu’il
[de Dieu], que la préoccupation de chacun de nous soit [pour]
sache qu’il n’a pas encore de connection supérieure, ni aucune
la plus haute, et qu’il ne soit content que de son sommet et de
part de l’amour et de l’amabilité ! Qu’il pleure donc sur son
sa poussière ! Les préoccupations déficientes se contentent en
âme et que, [venant] d’elle, il ne se satisfasse de rien excepté
effet d’une moindre part tandis que les préoccupations supé-
une part de la proximité de son Seigneur et de Sa compagnie !
rieures s’élèvent avec les respirations vers [ce qui est] proche
de l’aimé. Que ce qui, des vertus, est en deçà de cela ne nous Quand une telle heure se produit, il est possible d’accomplir
distraie pas de cela ! L’intelligent ne se contente pas d’une (īqā‘) les cinq prières avec le type de présence, d’humilité et de
affaire moins éminente au lieu d’un état éminent. Que la pré- peur du Seigneur sublime qu’elles [exigent] dans la proster-
occupation [de chacun] soit donc divisée, pour atteindre les nation et l’inclination. Il ne convient donc pas que nous, des
rangs apparents et obtenir les stations intérieures ! De l’équité vingt-quatre heures du jour et de la nuit, privions nos âmes
d’une heure [consacrée] au Dieu un et triomphant durant
laquelle nous L’adorerons d’une véritable adoration, en nous
1. Coran, al-Nisā’ - IV, 131.
efforçant ensuite de mettre en œuvre [nos] obligations selon ce
2. Coran, al-Mā’ida - V, 54.
3. Coran, al-Baqara - II, 165.
chemin-là, pour ce qui est de son observance.
4. Coran, Fāṭir - XXXV, 28. Ceci sera pour nous tous, si le Dieu Très-Haut [le] veut, une
5. Cette tradition ne semble pas se trouver dans les six recueils voie vers le dépassement. Lorsque le juriste ne va pas jusqu’au
canoniques. bout dans son savoir, la moitié apparente lui arrive et la partie
6. Voir AL-BUKHĀRĪ, Ṣaḥīḥ, Tafsīr (Boulaq, t. VI, p. 54) ; MUSLIM, intérieure lui échappe parce que son cœur a pour attribut la
Ṣaḥīḥ, Ṣalāt (Constantinople, t. II, p. 28) ; IBN ḤANBAL, Musnad, t. II, dureté et parce qu’il est éloigné, pour ce qui est de l’adoration
p. 257.
7. Évocation des étapes du cheminement mystique, tel que décrit par
divers maîtres soufis ; voir G. C. ANAWATI & L. GARDET, Mystique, 8. Calligraphie de style thuluthī jalī ; voir https://www.pinterest.com
p. 123-183. /pin/312437292883381906/

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et de la récitation [du Coran], de la tendresse des cœurs et des échapperait ! Quand l’esclave s’efforce de trouver un équilibre,
peaux ainsi que le Très-Haut l’a dit : « Les peaux de ceux qui dans la mesure où une partie de l’une d’elles lui arrive, si le
redoutent leur Seigneur en ont des frissons, puis leurs peaux et Dieu Très-haut [le] veut il obtient une partie d’une autre ; en-
leurs cœurs s’attendrissent au rappel de Dieu1. » Le juriste s’é- suite, par la patience en cela, les parties obtenues se rassem-
lève par là au dessus des juristes de notre époque et se dis- blent et deviennent à la fin, si le Dieu Très-haut [le] veut, un
tingue par là d’eux. Celui des juristes qui va jusqu’au bout a haut rang. [116]
une clairvoyance illuminée, une gustation authentique, une Voilà, et si vous avez connaissance de cela – le Dieu Très-
physiognomonie véridique, une connaissance complète et Haut vous appuie ! –, le rappel est cependant utile pour les
témoigne, à l’encontre d’autrui, des actions valides et suspectes croyants.
tandis que celui qui ne va pas jusqu’au bout n’a pas cette spé- SECTION
cialité : il voit certaines choses et d’autres restent invisibles de Sachez-le – Dieu vous appuie ! – il faut que vous remerciez
lui. votre Seigneur Très-Haut en cette époque, en ceci qu’il vous a
Il nous incombe à chacun de chercher à aller jusqu’au bout placés parmi l’ensemble des gens de cette époque comme une
[en nous dirigeant] vers la présence de la proximité de l’Adoré chamelle blanche parmi les animaux noirs. Quelqu’un qui n’a
et à Le rencontrer [115] par une gustation donnant la certitude, pas voyagé vers les [diverses] régions [du monde] et n’a pas
afin que nous L’adorions comme si nous Le voyions, ainsi que pris connaissance des situations des gens ne connaît cependant
[rapporté] dans le ḥadīth2. pas la valeur de ce en quoi il [vit], s’agissant de la sécurité.
Et, après cela, l’estime [s’acquiert] dans cette demeure par la Vous donc, si le Dieu Très-Haut [le] veut, vous êtes vis-à-vis
rencontre du Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne de cette première communauté ainsi que le Très-Haut l’a dit :
la paix ! –, mystérieusement, en une absence, et secrètement, « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour
d’une [manière] secrète, en [recherchant] assidûment la con- les hommes : Vous commandez le convenable, interdisez le
naissance de son temps, de ses sunnas, et en les suivant. La répréhensible et croyez en Dieu3. » Ainsi aussi que le Très-
vision [intérieure] se fixant sur lui, elle le voit oculairement Haut l’a dit : « Ceux qui, si Nous les établissons sur la terre,
dans l’absence comme si elle était avec lui – Dieu prie sur lui célèbrent la prière, donnent l’aumône, commandent le conve-
et lui donne la paix ! –, en son temps. [L’individu] lutte donc nable et interdisent le répréhensible… Et à Dieu appartient
pour sa religion et dépense ce qu’il est capable [de dépenser] l’issue des affaires4. »
de lui-même pour l’aider à vaincre. Ainsi aussi espère-t-on, Mes frères, vous en êtes venus à vous trouver, si le Dieu
pour celui qui chemine sur la voie du dépassement, qu’il ren- Très-Haut [le] veut, sous le drapeau du Messager de Dieu –
contrera son Seigneur par son cœur, mystérieusement, en une Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – avec votre shaykh et
absence, et secrètement, d’une [manière] secrète. S’agissant de votre imām, et notre shaykh et notre imām, par la mention
l’amour, de la peur et de la vénération dans la certitude, le duquel on a commencé – Dieu soit satisfait de lui ! Vous vous
cœur sera dès lors pourvu d’équité et [l’individu] verra les réa- êtes distingués de l’ensemble des gens de la terre – leur juris-
lités par son cœur, de derrière un léger voile. C’est cela qui est tes, leurs indigents [de Dieu] (faqīr), leurs soufis et leurs popu-
exprimé par « le dépassement ». De derrière ce voile, quelque laces – par la religion authentique. Vous savez ce que les gens
chose arrivera à son cœur qui l’inondera des lumières de la ont fait advenir comme incidents parmi les juristes, les indi-
sublimité et de la majesté, de la splendeur et de la perfection. gents [de Dieu], les soufis et les populaces. Vous, aujourd’hui,
Le savoir que l’eclave a acquis sera illuminé et il lui restera une vous êtes donc confrontés aux Jahmites5 d’entre les juristes ;
autre modalité en plus de la modalité habituelle pour ce qui est vous aidez Dieu et Son Messager pour préserver ce qu’ils ont
de la joie, de la familiarité et de la force, publiquement et laissé tomber de la religion de Dieu ; vous rectifiez ce qu’ils
secrètement. ont corrompu en matière de réductionnisme des attributs de
Il ne convient pas que nous soyons distraits de l’obtention de Dieu. [117]
ce don insigne par les occupations de ce bas-monde et ses pré- Vous, vous êtes aussi confrontés à ceux des juristes qui, dans
occupations. Ainsi que dit antérieurement, on serait par là leur savoir, ne sont pas allés jusqu’au bout vers le Messager de
coupé, par la chose moins éminente, de l’affaire importante, Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – et se sont figés
éminente. Lorsque nous cheminons longtemps pour cela, que le dans la simple imitation (taqlīd) des imāms. Vous, vous avez
Dieu Très-Haut nous donne d’aller jusqu’au bout et l’habitude aidé Dieu et Son Messager en menant le savoir jusqu’à ses
d’un tel dépassement, ces accidents particuliers, qui viennent à fondements – le Livre et la Sunna – et en adoptant les dires des
être, n’ont plus d’influence sur nous si le Dieu Très-Haut [le] imāms en les suivant, pas en les imitant.
veut. Que le souci de chacun de nous soit aujourd’hui de trou- Vous, vous êtes aussi confrontés à ce que [diverses] espèces
ver un équilibre entre les intérêts du monde d’ici-bas, les vertus
relatives au savoir et les directions [suivies par] le cœur !
Qu’aucun de nous ne se contente d’une de ces trois choses aux 3. Coran, Āl ‘Imrān - III, 110.
dépens des deux autres, si bien que ce qui est recherché lui 4. Coran, al-Ḥajj - XXII, 41.
5. Les disciples de Jahm b. Ṣafwān, Abū Muḥriz (m. 128/746) ; voir
1. Coran, al-Zumar’ - XXXIX, 23. W. MONTGOMERY WATT, EI2, art. Djahm b. Ṣafwān et Djahmiyya.
2. Voir AL-BUKHĀRĪ, Ṣaḥīḥ, Īmān (Boulaq, t. I, p. 19) ; MUSLIM, Selon A. F. AL-SHAHRASTĀNĪ, Milal, trad. GIMARET & MONNOT,
Ṣaḥīḥ, Īmān (Constantinople, t. I, p. 30) : « Il dit : « Ô Messager de Religions I, p. 292, « [Ǧahm] partageait la position des Mu‘tazilites
Dieu, qu’est-ce que le bel-agir ? » Il dit : « Que tu adores Dieu comme quant à la négation des attributs éternels » de Dieu. Voir aussi les
si tu Le voyais. Si toi tu ne Le vois pas, Lui te voit. » précisions apportées en cette même page, n. 4.

— —
4
des indigents [de Dieu] – les Aḥmadīs1 et les Ḥarīrīs2 – ont fait un gros turban (baqyār) et de larges manches parmi ceux qui
advenir en matière de pratique publique de cérémonies avec assistent à la leçon, calligraphier ses paroles, faire deux incli-
sifflements, claquements des mains, fraternisation des femmes nations (rak‘a) de plus devant le professeur par considération
et des garçons3, en matière de détournement de la religion de pour les positions et pour attirer vers soi les vivres et la tournée
Dieu en faveur d’histoires mensongères concernant leurs [des boissons].
shaykhs, en matière d’appui sur leurs shaykhs et d’imitation À l’adoration de Dieu ceux-là ont mélangé autre chose que
(taqlīd) de ceux-ci en leurs mouvements corrects et erronés Lui et ils ont rendu un culte à un autre que Lui. Leurs cœurs se
ainsi qu’en leur détournement [des gens] de la religion de Dieu sont donc corrompus d’une façon dont ils n’étaient pas con-
qu’Il a fait descendre du ciel. Vous – à Dieu la louange ! – scients. Ils se réunissent pour un autre que Dieu ou, plutôt
vous luttez aussi contre cette sorte [de gens] comme vous luttez même, pour [leur] pension. Ils s’habillent pour [leur] pension et
contre ceux qui ont précédé. S’agissant de la religion de Dieu, semblablement aussi, dans la plupart de leurs mouvements, ils
vous préservez ce qu’ils ont abandonné et connaissez ce qu’ils se soucient des administrateurs (walī) de [leur] pension. Ils ont
ignorent. Vous redressez ce que, de la religion, ils ont courbé et abandonné beaucoup de la religion de Dieu et l’ont fait mourir
rectifiez ce qu’ils en ont corrompu. tandis que vous, vous avez préservé ce qu’ils ont abandonné et
redressé ce qu’ils ont courbé. [118]
Vous, vous êtes semblablement confrontés à ce que les libres-
penseurs d’entre les indigents [de Dieu] et les soufis ont fait
advenir s’agissant de leur affirmation de l’inhérence (ḥulūl), de
l’union6 (ittiḥād) et de l’adoration des créatures, à l’instar des
Yūnisīs7, des ‘Arabīs8, des Ṣadrīs9, des Sab‘īnīs10 et des Tilim-
sānīs11. Tous ceux-là remplacèrent [par d’autres choses] la reli-
gion du Dieu Très-Haut, la renversèrent et se détournèrent de la
voie (sharī‘a) du Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui
donne la paix !
Les Yūnisīs rendent un culte à leur shaykh et font de lui une
manifestation du Réel. Ils dédaignent les actes d’adoration et
montrent du pharaonisme et de la violence, de la stupidité et
Derviche tourneur4 des absurdités du fait de ce qui est révéré, en leur fors inté-
Vous, vous êtes aussi confrontés aux soufis et derviches par rieurs, comme phantasmes corrompus. Leur qibla est le shaykh
convention (rasmiyya)5 et à ce qu’ils ont fait advenir comme Yūnis. Le Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne la
marques conventionnelles et alliances innovées – arranger ses paix ! – et le glorieux Coran sont loin d’eux. Ils croient en eux
habits, baisser les yeux, [avoir] un tapis de prière pour obtenir par leurs langues et mécroient en eux par leurs actes.
des moyens de subsistance de [leur] pension (ma‘lūm), porter Ainsi aussi les unionnistes font-ils de l’existence une mani-
festation du Réel en considérant qu’il n’est dans l’être point de
1. Les membres de la confrérie de derviches se réclamant de l’iraqien mobile différent de Lui et point d’autre locuteur que Lui dans
Aḥmad al-Rifā‘ī (m. 578/1182/), célèbres pour leurs extravagances. les individus. Il en est parmi eux qui ne font pas de différence
Ibn Taymiyya s’opposa ouvertement à eux en 705/1305 ; voir H. LA-
OUST, Essai, p. 23, 126-127.
entre le manifeste et la manifestation et comparent l’affaire aux
2. Les membres de la confrérie de derviches fondée par ‘Alī b. al- vagues de la mer. Ils ne font donc pas de différence entre la
Ḥasan al-Ḥarīrī (m. 647/1247), « branche cadette » de la confrérie des vague elle-même et la mer elle-même, à tel point que l’un
Rifā‘īs professant « un panthéisme inspiré de celui d’Ibn ‘Arabī » ; d’eux imagine qu’il est Dieu, Lequel parle donc par sa langue.
voir H. LAOUST, Essai, p. 23.
3. Les cérémonies visées ici sont des samā‘s, séances plus ou moins
ritualisées pouvant combiner la poésie, le haschich, la musique vocale 6. Sur la conception taymiyyenne de l’inhérence du divin dans le
et instrumentale ainsi que la danse, qui sont pratiquées dans diverses créé et de leur union, voir notamment le texte traduit in Y. MICHOT,
confréries de derviches ou de soufis en quête d’extase et qui mènent Sang, p. 122-123.
fréquemment à des comportements islamiquement condamnables : 7. Les disciples du shaykh Yūnis b. Sa‘īd (m. 619/1222) ; voir
ivresse, transe, promiscuité, pédophilie… ; voir J. DURING, EI2, art. L. POUZET, Damas, p. 229-230.
Samā‘. Ibn Taymiyya s’opposa à de telles cérémonies en divers écrits ; 8. Les disciples du mystique andalou Ibn ‘Arabī (m. 638/1240) ; voir
voir Y. MICHOT, Musique, Haschich. A. ATESH, EI2, art. Ibn al-‘Arabī.
4. Détail d’une peinture de Jean-Léon Gérôme, 1889 (Coll. part.) ; 9. Les disciples de Ṣadr al-Dīn al-Qūnawī (m. 673/1274), l’héritier
voir G. M. ACKERMAN, Gérôme, p. 164, 350, n°459. spirituel d’Ibn ‘Arabī ; voir W. C. CHITTICK, EI2, art. Ṣadr al-Dīn al-
5. Ibn Taymiyya distingue trois types de soufis : « les soufis des Ḳūnawī.
vraies réalités » (ḥaqā’iq), les « soufis financés » (arzāq) et les « sou- 10. Les disciples de Quṭb al-Dīn Abū Muḥammad ‘Abd al-Ḥaqq b.
fis de convention » (rasm) ». « Les soufis de convention se suffisent Sab‘īn, philosophe et soufi andalou (m. 668/1269) ; voir A. FAURE,
du nom (nisba) et se préoccupent donc du vêtement, des règles de EI2, art. Ibn Sab‘īn ; les textes traduits in Y. MICHOT, Mamlūk I,
conduite conventionnelles, etc. Parmi les soufis ils ont par conséquent p. 180, 184 ; Historiography, p. 473-474 ; L. MASSIGNON, Passion,
le statut de quelqu’un qui se suffit de l’habit des gens du savoir et des t. II, p. 333-340.
gens du jihād, et d’une certaine portion de leurs paroles et actes, de 11. Les disciples de ‘Afīf al-Dīn Sulaymān al-Kūmī al-Tilimsānī  
telle manière que l’ignorant suppose que la vérité de l’affaire est qu’il (Kūm, près de Tlemcen, 616/1219 - Damas, 690/1291), mystique
est des leurs alors qu’il n’en est pas » (IBN TAYMIYYA, in T. E. disciple de Ṣadr al-Dīn al-Qūnawī ; voir F. KRENKOW, EI2, art. Tilim-
HOMERIN, Ṣūfīyah, p. 233). sānī.

— —
5
Il accomplit ensuite ce qu’il veut comme abominations et actes célébration de la Nativité (mīlād), des Calendes3 (qalandas),
de désobéissance parce qu’il croit la dualité enlevée. Qui donc du Jeudi des œufs4, des Rameaux5, comme vénération (taqbīl)
est l’adorateur et qui est l’Adoré ? Tout est devenu un ! Nous des tombes et des roches6 et comme recherche, près d’elles,
avons été réunis avec ce type [de gens] dans les hospices d’un accès [à Dieu].
(ribāṭ) et les couvents (zāwiya)1. On le sait, tout cela est d’entre les rites des Nazaréens et de
Vous – à Dieu la louange ! – vous dressez aussi face à ceux- l’Âge de l’ignorance. Le Messager de Dieu – Dieu prie sur lui
là. Vous aidez Dieu et Son Messager, [les] éloignez de Sa reli- et lui donne la paix ! – a été seulement envoyé pour que Dieu
gion et agissez pour corriger ce qu’ils ont corrompu et rectifier soit [proclamé] un, adoré Lui seul, et qu’un culte ne soit rendu,
ce qu’ils ont courbé. Ceux-là ont effacé les vestiges de la reli- avec Lui, à aucune de Ses créatures. Le Dieu Très-Haut l’a
gion et en ont enlevé la trace. On ne dira donc pas : « Ils ont envoyé en abrogateur de l’ensemble des Lois, des religions et
corrompu et n’ont pas courbé » mais, bien plutôt : « Ils ont fait des fêtes. Vous – à Dieu la louange ! – vous vous dressez en
tous leurs efforts pour détruire la religion et en effacer la corrigeant ce que les gens ont corrompu de cela et vous vous
trace. » Il n’y a pas de manière plus éminente d’être proche de dressez face à quiconque apporte son aide à ces innovations
Dieu [119] qu’entreprendre de lutter (jihād) contre ceux-là par
3. Dans le calendrier romain antique, « calendes » désignait le pre-
quelque moyen possible [que ce soit], exposer leurs doctrines à
mier jour du mois. Celles de janvier, dites « saturnales », marquaient le
l’élite et à la populace et, semblablement, lutter contre tout in- solstice d’hiver à la fin de décembre et étaient l’occasion de larges
dividu hérétisant à propos de la religion de Dieu et déviant de réjouissances populaires. Selon les éditeurs d’IBN TAYMIYYA, Jawāb,
ses limites (ḥadd) et de sa voie (sharī‘a), quoi qu’il y ait com- t. I, p. 365, n. 2, il s’agit de la fête de la circoncision de Jésus. Les
me dissension et parole pour cela, ainsi qu’il a été dit : Coptes orthodoxes ont une fête de ce nom qu’ils célèbrent à la mi-
janvier ; voir https://suscopts.org/coptic-orthodox/fasts-and-feasts/.
Quand le bien-aimé est content, je ne m’en fais pas 4. « Ce jeudi, qui est à la fin du jeûne des Chrétiens, se déplace avec
Si le vivant est debout ou si le départ est pénible. leur jeûne, qui est de sept semaines ; leur jeûne, bien qu’il soit au
Et de Dieu l’aide est demandée ! début de la saison que les Arabes nomment l’été et que le peuple
nomme le printemps, avance et retarde ; il n’a pas une limite fixe par
rapport à l’année solaire […] mais il se déplace d’environ 33 jours ;
son commencement n’est pas antérieur au 2 février et n’est pas posté-
rieur au 8 mars ; ils le font débuter à partir du lundi qui est le plus
proche de la conjonction du soleil et de la lune, durant cette période,
afin de respecter le comput solaire et le comput lunaire. Tout cela
constitue des innovations qu’ils ont créées, par accord entre eux, et par
lesquelles ils contredisent la loi que les Prophètes ont apportée ; car les
Prophètes n’ont fixé le temps des pratiques rituelles que par le crois-
sant ; mais les Juifs et les Chrétiens ont altéré les lois » (IBN TAY-
MIYYA, Iqtiḍā’, p. 210, trad. TROUPEAU, Fêtes, p. 796). Les Chrétiens
« magnifient beaucoup la semaine qui tombe à la fin de leur jeûne, en
nommant le jeudi « le Grand Jeudi » […] Ils prétendent qu’en un jour
semblable est descendue la Table que Dieu a mentionnée dans le
Coran, où Il dit : « Jésus, fils de Marie, dit : Mon Dieu ! mon Sei-
gneur ! du ciel, fais descendre sur nous une Table, qui sera pour nous
une fête, pour le premier et le dernier d’entre nous » (Coran, V, 114) ;
ce jeudi est donc le jour de la Fête de la Table […] Un grand nombre
de gens, en semblable jeudi (qui est pour les infidèles la Fête de la
Table – le dernier jour du jeûne des Chrétiens, qu’ils nomment « le
Mamlūks2 Grand Jeudi » […]), se rassemblent dans certains endroits, en des réu-
nions importantes, teignent des œufs, cuisent du lait, marquent leurs
Ainsi aussi – à Dieu la louange ! – vous dressez-vous en
bêtes avec du rouge, font des mets qu’ils ne feraient pas lors des fêtes
luttant contre les émirs et les soldats. Vous corrigez autant que de Dieu et de son Envoyé, et échangent des cadeaux comme ceux qui
possible ce qu’ils ont corrompu s’agissant des injustices, des s’échangent pour les fêtes du Pèlerinage » (IBN TAYMIYYA, Iqtiḍā’,
torts [qu’ils causent] et de [leur] mauvais comportement prove- p. 213-215, trad. TROUPEAU, Fêtes, p. 799).
nant de [leur] ignorance de la religion de Dieu, et cela du fait 5. Le Dimanche des Rameaux. Les Chrétiens « magnifient beaucoup
de l’éloignement de [ce] temps par rapport au Messager de la semaine qui tombe à la fin de leur jeûne […] Le dimanche qui est le
premier jour de cette semaine, ils font une fête qu’ils nomment « les
Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – parce qu’au- Rameaux » ; certains rapportent d’eux que les Rameaux sont le pre-
jourd’hui a sept cents ans. Vous – à Dieu la louange ! – vous mier dimanche de leur jeûne ; en ce jour, ils sortent avec des feuillages
renouvelez ce qui, de cela, a été effacé et est tombé dans l’ou- d’olivier ou d’un autre arbre ; ils prétendent que cela est à la ressem-
bli. blance de ce qui arriva au Christ – que la paix soit sur lui ! – lorsqu’il
entra à Jérusalem, monté sur une ânesse avec son ânon ; il ordonna le
Ainsi aussi – à Dieu la louange ! – vous dressez-vous face à bien et défendit le mal ; alors la foule des gens se souleva contre lui ;
la populace, s’agissant de ce qu’elle a fait advenir comme les Juifs avaient confié à des gens, qui étaient avec eux, un bâton avec
lequel ils le frappaient ; mais le bâton eut des feuilles, et cette foule se
1. Sur la nature de ces institutions à l’époque d’Ibn Taymiyya, voir prosterna devant le Christ ; la fête des Rameaux est à la ressemblance
D. P. LITTLE, Nature, p. 101-102. de cet événement » (IBN TAYMIYYA, Iqtiḍā’, p. 213, trad. TROUPEAU,
2. Détail du « Baptistère de Saint Louis » (Louvre, Paris), bassin Fêtes, p. 799).
signé par Muḥammad Ibn al-Zayn, Égypte, vers 1290-1310 selon 6. Sur la vénération populaire de diverses roches et leur destruction
D. S. RICE, Baptistère ; 1260-1280 selon D. BEHRENS-ABOUSEIF, Bap- par Ibn Taymiyya, voir le témoignage de son serviteur al-Ghiyābī in
tistère. Y. MICHOT, Écrits. G, p. 2-6.

— —
6
d’entre les juristes passés à travers [la religion], les adeptes des ne s’en prenne à vous ! Il s’agira seulement de peu de jours et
ruses et du mal [fait] aux amis (walī) de Dieu, les adeptes des la religion sera rendue victorieuse. Dieu a entrepris de l’insti-
objectifs corrompus et les cœurs qui se désintéressent d’aider le tuer, de l’aider à vaincre et d’aider quiconque, parmi Ses amis,
Réel. [120] se charge d’elle ; si Dieu [le] veut, extérieurement et intérieu-
rement.
Donnez, pour ce en quoi vous avez persévéré, ce qu’il vous
est possible [de dépenser] de vous-mêmes, de biens, d’actions
et de dires. Il se peut que vous rejoigniez par là vos Anciens
(salaf), les Compagnons du Messager de Dieu – Dieu prie sur
lui et lui donne la paix ! Vous connaissez en effet ce qu’ils ont
enduré pour (fī dhāt) Dieu ainsi que Khubayb5 le dit quand il
fut crucifié sur un tronc de palmier :
Ceci se produit pour (fī dhāt) le Dieu et, s’Il veut,
Il bénira les membres d’un cadavre mis en pièces.
Vous connaissez ce que le Messager de Dieu – Dieu prie sur
lui et lui donne la paix ! – endura comme préjudice et misère
dans la tribu des fils de Hāshim, ce que les premiers [Musul-
mans] endurèrent comme châtiment et émigration en Abys-
sinie, ce que les Émigrés et les Auxiliaires endurèrent à Uḥud6,
à Bi’r Ma‘ūna7, en combattant les adeptes de l’apostasie (rid-
da)8, [121] en menant le jihād contre la Syrie et l’Iraq, etc.
Voyez comment ils donnèrent leurs personnes et leurs biens
L’entrée de Jésus à Jérusalem, le dimanche des Rameaux1 pour Dieu, par amour pour Lui et désir de Lui ! Vous aussi
[soyez] ainsi – Dieu vous fasse miséricorde ! – chacun de vous
Ce faible [individu] s’est seulement abstenu de mentionner
dans la mesure de ce qui lui est possible et de ce dont il est
que vous vous êtes dressés face aux Tatars, aux Nazaréens, aux
capable, par son action, par sa parole, par son écriture, par son
Juifs, aux Rāfiḍites2, aux Mu‘tazilites3, aux Qadarites4 et aux
cœur, par son invocation. Tout cela est du jihād. J’ai l’espoir
[divers] types des adeptes des innovations et des errances parce
que quiconque agit à l’égard de Dieu au moyen de quelque
qu’il y a accord des gens pour les blâmer. Ils prétendent se
chose de cela ne sera pas déçu car il n’y a pas de vie excepté en
charger de réfuter leur innovation alors qu’ils n’entreprennent
cela quand bien même il n’y aurait à ce propos que vos préoc-
pas de les réfuter d’une manière entièrement véritable ainsi que
cupations, mettant la pression sur les adeptes de la déviance et
vous le faites. Ou, bien plutôt même, ils savent et sont trop
les troublant, vous les haïssant pour Dieu et demandant qu’ils
poltrons pour la rencontre. Ils ne luttent donc pas – alors que
aient de la rectitude concernant la religion de Dieu. Cela relè-
les blâmeurs, s’agissant de Dieu, s’en prennent à eux – afin de
verait du jihād intérieur si le Dieu Très-Haut [le] veut.
préserver leurs positions et de continuer à s’occuper de leurs
intérêts. Nous avons voyagé dans les [divers] pays et n’avons SECTION
vu personne qui se charge d’une manière réelle de la religion Connaissez ensuite, mes frères, la vraie nature de ce que Dieu
de Dieu face aux semblables de ceux-là excepté vous. Vous, vous a donné comme grâce parce que vous vous êtes chargés
vous vous dressez face à ceux-là, si Dieu [le] veut, en entre- de cela. Connaissez votre voie vers cela et remerciez-en le
prenant réellement d’aider votre shaykh et notre shaykh – Dieu Dieu Très-Haut. C’est qu’Il a fait se dresser pour vous et pour
l’appuie ! – à la différence de ceux des gens qui soutiennent nous, en cette époque, quelqu’un de semblable à notre maître,
qu’ils se chargent de cela. le shaykh par qui Dieu a ouvert les cadenas des cœurs et par
Patience donc, ô mes frères, face à ce à propos de quoi Dieu qui Il a enlevé des esprits la cécité des doutes et la stupeur des
vous a fait vous dresser pour ce qui est d’aider Sa religion, d’en égarements, l’intelligence errant entre ces sectes et n’étant pas
rectifier la courbure et d’en abandonner les ennemis. Deman- guidée vers la vraie nature de la religion du Messager – Dieu
dez l’aide de Dieu et qu’à ce propos le blâme d’aucun blâmeur prie sur lui et lui donne la paix ! Il est étonnant que chacun
d’eux soutient avoir la religion du Messager jusqu’au moment
où Dieu découvre pour nous et pour vous, par l’intermédiaire
1. Miniature d’un lectionnaire syriaque iraqien des années 1216-
1220 (Londres, British Library, Add. MS 7170, fol. 115) ; voir
B. DRAKE BOEHM & M. HOLCOMB (éds), Jerusalem, p. 86-87, n° 27. 5. Khubayb b. ‘Adī al-Aws al-Anṣārī, Compagnon tué en captivité
2. Désignation péjorative des Shī‘ites qui « refusent » (rafaḍa) les par les Mecquois après la bataille de Badr ; see IBN AL-ATHĪR, Usd,
premiers califes bien-guidés ; voir le texte d’Ibn Taymiyya traduit in t. II, p. 103-105 ; IBN ḤAJAR, Iṣāba, t. II, p. 225-227, no. 2227.
Y. MICHOT, Textes spirituels, N.S. IV, p. 2, n. 6, et le fetwa les 6. Site, juste au Nord de Médine, d’une défaite des Musulmans par
concernant traduit in Y. MICHOT, Textes spirituels, N.S. XVII. les Mecquois au printemps 3/625; voir C. F. ROBINSON, EI2, art. Uḥud.
3. Théologiens rationalistes, dont la doctrine fut imposée officielle- 7. Endroit où, quatre mois après Uḥud en 4/625, plusieurs Compa-
ment par le pouvoir califal de 213/833 à 234/848 ; voir D. GIMARET, gnons furent tués par des mécréants en violation de promesses que leur
EI2, art. Mu‘tazila. sécurité serait assurée ; voir A. GUILLAUME, Life, p. 433-436.
4. C’est-à-dire ceux qui croient à la « capacité » (qudra), au « pou- 8. Allusion aux guerres menées contre les tribus ayant abandonné
voir » de l’homme sur ses actes ; voir Y. MICHOT, Pages spirituelles l’Islam après la mort du Prophète ; voir Y. MICHOT, Textes spirituels
III, p. 11, n. 23. XIII, p. 29.

— —
7
de cet homme, la vraie nature de Sa religion qu’Il a fait descen- de semblable à un tel connaisseur, par sa clairvoyance, peut
dre du ciel et dont Il a été satisfait pour Ses esclaves. Sachez-le, voir la descente du commandement entre les couches du ciel
il y a dans les [diverses] contrées de ce bas-monde des peuples [123] et de la terre ainsi que le Très-Haut l’a dit : « Dieu Qui a
qui vivent leurs vies entre ces sectes. Ils croient que ces inno- créé sept cieux et autant de terres, entre lesquels le commande-
vations sont la vraie nature de l’Islam. Ils ne connaissent donc ment descend, afin que vous sachiez que Dieu a pouvoir sur
l’Islam qu’ainsi. Remerciez donc Dieu qui a fait se dresser toute chose et que Dieu embrasse toute chose de [Son] sa-
pour vous, au début des sept cents ans de l’hégire, quelqu’un voir3. »
qui vous a rendu claires les bornes de votre religion et par qui
Dieu vous a guidés, ainsi que nous, vers le chemin de Sa Loi
(sharī‘a) et vous a rendu clairs, [122] par cette lumière muḥam-
madienne, les égarements des esclaves et leurs déviations.
Vous en êtes donc venus à reconnaître qui erre de qui va droit
et le valide de l’infirme. J’ai l’espoir que vous serez, vous, le
groupe rendu victorieux, [ceux] à qui ne nuiront ni celui qui les
abandonnera ni celui qui s’opposera à eux, et qui, si le Dieu
Très-Haut [le] veut, seront en Syrie1.
SECTION
Puisque vous connaissez cela, connaissez ensuite la vraie
nature de cet homme qui [vit] parmi vous et sa valeur. Ne con-
naîtra sa vraie nature et sa valeur que quelqu’un qui connaît la
religion du Messager – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! –
sa vraie nature et sa valeur. Quelqu’un s’agissant du cœur de
qui la religion du Messager – Dieu prie sur lui et sur sa famille
et leur donne la paix ! – se trouve en un lieu auquel elle a droit
connaît la vraie nature de ce que cet homme a entrepris au mi-
lieu des esclaves de Dieu, rectifiant ce qui d’eux est courbé,
arrangeant leur corruption, rassemblant ce qu’ils ont dispersé,
autant qu’il lui est possible en un temps enténébré en lequel la
religion a été détournée, les traditions (sunna) sont ignorées,
les innovations sont devenues une habitude, le convenable est
devenu répréhensible et le répréhensible convenable, et celui
qui empoigne sa religion2 [est] comme quelqu’un empoignant
des braises.
La récompense de celui qui entreprend de faire apparaître
cette lumière en ces ténèbres est indescriptible et sa dignité
inconnaissable ; cela, alors que vous le connaissez, vous, du
point de vue de l’affaire Légale, apparente. Il y a [par ailleurs]
des gens qui le connaissent d’un autre point de vue, selon l’af-
faire intérieure, et ceux qu’il conduit vers la connaissance des
noms du Dieu Très-Haut, de Ses attributs, de la sublimité de Cosmographie islamique traditionnelle4
Son essence, de la jonction de son cœur aux rayons de leurs
Les hommes perçoivent ce qui se passe dans le monde du
lumières, de la jouissance de leurs particularités, de la plus
visible tandis que ceux-là, leurs clairvoyances s’ouvrent à l’in-
haute de leurs gustations [spirituelles] (dhawq), de leur passage
visible. Ils s’attendent à ce que les Décrets [divins] apportent ;
de l’apparent à l’intérieur, du visible à l’invisible, de l’invisible
ils en ont conscience lors de leur descente. Ne traitez donc pas
au visible, du monde de la création au monde du commande-
légèrement l’affaire des pareils de ceux-là, s’agissant de leur
ment, et d’autres choses que cela qu’il n’est pas possible d’ex-
hilarité avec les créatures et du fait qu’ils occupent leur temps
pliquer dans un écrit.
par eux ! Ils sont en effet ainsi qu’il est relaté d’al-Junayd5 –
Votre shaykh – le Dieu Très-Haut vous appuie ! – connaît les Dieu lui fasse miséricorde ! – qu’il lui fut dit : « Combien tu
statuts de Ses noms et de Ses attributs essentiels et quelqu’un appelles le Dieu Très-Haut parmi les créatures ! » Il dit : « Moi,

1. Voir AL-BUKHĀRĪ, Ṣaḥīḥ, I‘tiṣām (Boulaq, t. IX, p. 101) ; MUS- 3. Coran, al-Ṭalāq - LXV, 12. Sur cette cosmographie coranique,
LIM, Ṣaḥīḥ, Imāra (Constantinople, t. VI, p. 52-53) ; IBN ḤANBAL, voir A. M. HEINEN, Cosmology, p. 85-94.
Musnad, t. V, p. 34, 269, 278, 279 : « Un groupe de ma communauté 4. Graphique (digitalement coloré) tiré d’I. ḤAQQĪ ERẒURŪMĪ,
ne cessera pas de manifester son appui au triomphe du Réel – sans que Ma’rifatnāmeh, p. 22. En bleu, les sept cieux entourant la Ka‘ba. En
leur nuisent ni celui qui s’opposera à eux ni celui qui les aban- rouge, les sept terres, ici assimilées aux sept couches de la géhenne.
donnera – jusqu’à ce que l’Heure se lève. » Voir aussi AL-BUKHĀRĪ, Pour une explication de ce graphique, voir E. J. W. GIBB, History, t. I,
Ṣaḥīḥ, Tawḥīd (Boulaq, t. IX, p. 136) : « Ils seront en Syrie » ; p. 35-55.
Y. MICHOT, Textes spirituels XIII, p. 2-3. 5. Abū l-Qāsim b. Muḥammad b. al-Junayd (m. 298/910), célèbre
2. dīni-hi : dhīni-hi W maître soufi de Baghdād ; voir A. J. ARBERRY, EI2, art. al-Djunayd.

— —
8
j’appelle les créatures devant Dieu. » d’entre vous la saisiront-ils et peut-être permettrai-je à mon
[Je demande à] Dieu, ô Dieu, que la politesse soit préservée âme de la mentionner, afin de ne pas vous cacher mon conseil.
avec lui, qu’on se soumette à ses commandements, qu’on res- Cette particularité, c’est qu’il vous soit donné une partie
pecte ses préceptes concernant l’invisible et le visible, qu’on (qisṭ) de la part muḥammadienne qui lui est propre avec le
aime qui l’aime, qu’on évite qui le déteste et parle mal de lui, Dieu Très-Haut. Or cela se produira seulement par l’intermé-
qu’on rejette sa médisance et qu’on l’aide à l’emporter dans la diaire de l’amour du shaykh pour le novice (murīd) et par le
vérité. fait que le novice cherchera à s’attirer l’amour du shaykh en le
Sachez-le – Dieu vous fasse miséricorde ! – voici quelqu’un faisant venir avec lui, protégeant son cœur et sa pensée, et
qui a voyagé vers les [divers] climats, a pris connaissance des cherchant à s’attirer son affection et son amour. J’espère par là,
hommes et de leurs goûts et a eu une vue plongeante sur la plu- pour vous, une partie de ce qu’il y a entre lui et le Dieu Très-
part de leurs situations. Or par Dieu, puis par Dieu, Haut, en plus de ce que vous acquerrez de son
puis par Dieu, sous le ciel entier il n’a vu savoir, de ses avantages et de sa conduite
personne de semblable à votre shaykh apparents, si le Dieu Très-Haut [le] veut.
pour ce qui est du savoir, de l’agir, de Si vous ouvrez [un espace] entre
l’état [spirituel], des mœurs, de la vous et votre Seigneur Très-Haut en
fidélité [à la religion], de la agissant véridiquement par la pré-
noblesse, de la patience pour ce servation de cette heure dans les
qui est de lui-même, de l’acti- cinq prières et les dévotions
visme (qiyām) pour ce qui est nocturnes (tahajjud), j’ai l’es-
de Dieu quand Ses préceptes poir que s’ouvre pour vous la
sont dépréciés, le plus véridique connaissance [125] de la vraie na-
des hommes [en cas de] contrat, ture de cet homme et de son im-
le plus vrai d’entre eux pour ce portance (nab’), si le Dieu Très-
qui est du savoir et de la déter- Haut [le] veut.
mination, le plus efficace et le J’ai seulement mentionné la
plus élevé d’entre eux pour ce qui préservation de l’heure – alors
est d’aider exclusivement à la vic- même que dans les cinq prières il y
toire de la vérité et à son règne, celui a quelque chose qui suffit lorsque
d’entre eux le plus généreux de la main l’esclave y honore le droit du Dieu
et celui d’entre eux qui suit le plus parfai- Très-Haut – et cela parce que les prières
tement son Prophète, Muḥammad – Dieu prie peuvent fondre sur l’esclave alors que son
sur lui et lui donne la paix ! cœur est pris dans les tentations du [monde] appa-
En cette époque nôtre, nous n’avons vu personne des paroles rent ; il n’y connaît donc pas la part de son cœur [provenant] de
et des actes de qui il est demandé que le prophétat muḥamma- son Seigneur. Lorsque l’esclave a une heure entre la nuit et le
dien et sa Sunna se fassent voir excepté cet homme, en ce sens jour, il y connaît la part de son cœur [provenant] de son
que le cœur authentique témoigne que ceci est réellement être Seigneur. Quand donc viennent les prières, il y connaît son état
fidèle. Et après tout cela, dire la vérité est une obligation. Nous [spirituel], son surplus et son déficit, en considérant sa situation
ne prétendons donc pas, à ce propos, être préservé (‘iṣma) de avec son Seigneur en cette heure-là. Et Dieu1 est Celui de Qui
l’erreur. Nous ne prétendons pas non plus la [dire] parfaitement l’aide est demandée.
du fait des finalités des particularités recherchées. Il se peut SECTION
qu’il y ait en certains des [dires] incomplets une particularité Puisque vous connaissez la valeur de la religion du Dieu
visée, recherchée, la perfection ne s’achevant qu’avec cette Très-Haut qu’Il a fait descendre sur Son Messager – Dieu prie
particularité. Quelqu’un d’équitable, qui connaît, n’ignore pas sur lui et lui donne la paix ! –, que vous connaissez la valeur
une telle valeur. S’il n’y avait pas le fait que dire la vérité est des réalités de la religion qu’on exprime par le fait de parvenir
une obligation et que s’acharner à défendre un homme est du au Dieu Très-Haut et l’honneur de Sa proximité, que vous
caprice, j’aurais évité de mentionner cela. Il faut cependant dire connaissez ensuite la réunion des deux affaires en une personne
la vérité, qu’elle soit mauvaise ou réjouisse ; et Dieu est Celui déterminée, que vous savez par ailleurs que la communauté
de Qui l’aide est demandée. dévie de la voie droite et que l’homme déterminé réunissant
Puisque vous savez cela – Le Dieu Très-Haut vous appuie ! – l’apparent et l’intérieur se dresse face aux déviants, apporte son
protégez son cœur ! Quelqu’un de pareil à celui-ci pourra en aide au Dieu Très-Haut et à Sa religion, rectifie ce qu’ils ont
effet être appelé sublime dans le royaume du ciel. Agissez par courbé, rassemble ce qu’ils ont dispersé et corrige leur cor-
tout [moyen] possible d’une manière qui le contente et cher- ruption ; qu’ensuite, après cela, vous entendez l’attaque de
chez à attirer son affection pour vous et son amour de vous celui qui l’attaque d’entre ses compagnons ou d’autres qu’eux,
autant que vous en êtes capables ! Quelqu’un de pareil à celui-
ci sera en effet un martyr (shahīd) et les martyrs, en [cette] Illustration : Cavalier. Bol en céramique d’Abū Zayd al-Qāshānī
époque, suivent quelqu’un de pareil à lui. S’il vous arrive qu’il daté de 583/1187, en Iran (New York, Metropolitan Museum of Art,
vous aime, j’ai par là, pour vous, l’espoir d’une particularité n° 64.178.2).
que je cacherai et ne mentionnerai pas. Peut-être les esprits vifs 1. wa Allāh : wa bi-Llāh W

— —
9
il ne vous sera pas caché, si Dieu veut, si lui est dans le vrai ou constant dans l’éloge de celui de qui il fait l’éloge et qu’il loue,
le faux. et constant dans le blâme de celui qu’il critique et à qui il s’en
Le signe de cela est que celui qui est dans le vrai, recherchant prend.
la guidance et la vérité, expose, chez celui qui lui reproche Quant à celui qui tient un cahier pour compter les critiques de
cela, l’action qu’il a reprochée, soit sous la forme d’une ques- cet homme se dressant avec ces attributs parfaits entre les [di-
tion ou d’une demande de comprendre, en ignorant courtoise- vers] types de ce monde déviant, en ce temps enténébré, puis,
ment cette déficience qu’il a vue en lui ou qui lui a été commu- avec cela, mentionne quelque chose de ses vertus et sait que
niquée à son sujet. S’il trouve là un effort de réflexion person- l’objectif n’est pas de mentionner les vertus – l’objectif, ce sont
nelle (ijtihād) ou un avis, ou un argument, il s’en contente, bien plutôt ces critiques-là – puis prend le cahier et le lit à ses
s’abstient et ne divulgue cela à personne d’autre, excepté en compagnons, l’un après l’autre, en un endroit isolé, met par là
citant ce qu’il a manifesté comme effort de réflexion person- fin à la préoccupation qu’ils ont de leur shaykh et leur fait voir
nelle, ou avis, ou argument, afin d’obstruer par là la fissure. une fissure en lui, moi, je demande au Dieu Très-Haut la meil-
leure [manière d’agir], je m’efforce d’avoir un avis personnel à
propos de quelqu’un de pareil à cet homme et je dis pour venir
en aide à qui aide la religion de Dieu parmi les ennemis de
Dieu au début des [années] sept cents : « Aider quelqu’un de
pareil [127] à cet homme est obligatoire pour tout croyant ainsi
que Waraqa b. Nawfal2 l’a dit : « Si je vis de ton temps, je
t’apporterai assurément une aide renforcée. » Je demande en-
suite au Dieu Très-Haut d’être préservé, en ce que je dirai, du
dépassement des limites et de l’appui sur le caprice. Je dirai :
« Quelqu’un de pareil à celui-ci – et je n’identifierai pas con-
crètement la personne mentionnée – ne manquera pas de [cer-
taines] affaires :
L’une d’elles est qu’ayant de l’âge il aura changé d’avis du
fait de son âge, non en ce sens qu’il aura été contraint mais en
ce sens que lorsque l’âge grandit, l’individu [plus âgé] s’ef-
force personnellement [de trouver] la vérité, puis la situe ail-
leurs qu’aux endroits [qui sont les] siens. Il considère par
exemple par un effort de réflexion personnelle (ijtahada) que
répréhender le répréhensible est obligatoire, que ceci est répré-
Scène de classe1
hensible et que son auteur a répandu des rumeurs contre les
Quelqu’un de pareil à ceci sera un chercheur de guidance, gens. « Il est donc obligatoire, pour moi, de faire connaître aux
amoureux, conseillant, recherchant la vérité et désirant [129] gens les rumeurs qu’il a répandues contre eux » alors que les
rectifier son maître (ustādh) de sa déviance en la faisant con- sources de corruption qu’il y a en cela lui échappent.
naître et la [lui] signalant tout comme son maître désirera le
Parmi ces [affaires] il y a aussi le fait de faire peu de cas des
rectifier ainsi que l’a dit un des califes bien-dirigés – dont le
étudiants alors qu’ils sont forcés d’aimer leur shaykh pour tirer
nom ne m’est pas présent [à l’esprit] : « Lorsque j’agis tortu-
de lui [leur savoir]. Quand donc leurs cœurs changent à son
eusement, rectifiez-moi ! » Ceci est un droit obligatoire entre le
égard et qu’ils voient en lui un défaut, ils sont privés de ce
maître et l’étudiant. Le maître cherche en effet à établir la
[qu’il a] d’utilités apparentes et intérieures et on craint, pour
vérité, [fût-ce] à l’encontre de lui-même, pour la mettre en
eux, la haine de Dieu premièrement puis, deuxièmement, du
œuvre ; il s’accuse parfois et en reconnaît les états [en les dis-
shaykh.
tinguant] d’autres à partir de ce qu’il y a chez lui comme
équité, demande de la vérité et crainte de la fausseté, tout La deuxième source de corruption. Quand les adeptes des
comme le novice demande cela de son shaykh : la rectification innovations contre qui nous et notre shaykh menons la lutte
et la correction de ce qui est corrompu en matière d’actions et (jihād) nuit et jour et face à qui nous nous dirigeons pour aider
de dires. la vérité perçoivent que parmi nos compagnons il en est qui
critiquent ainsi le chef du groupe, ils arrivent par là à se venger
Parmi les signes de celui qui est dans le vrai il y a le fait qu’il
des adeptes de la vérité et ils en font un argument en leur
est juste dans ses éloges et juste dans ses blâmes. Quand existe
faveur.
ce qui est voulu [de lui], nul caprice ne le conduit à exagérer
dans l’éloge et, lorsque ce qui est visé [de lui] manque, nul La troisième source de corruption. Énumérer les critiques
caprice ne le conduit à oublier les vertus et les qualités, ni à face aux qualités qui les submergent et sont beaucoup de fois
énumérer les maux et les critiques. Dans les deux situations de plus nombreuses qu’elles. Ceci est de l’injustice et de l’igno-
sa colère et de son contentement, celui qui est dans le vrai est rance.

1. Détail d’une miniature des Maqāmāt d’Abū Muḥammad al-Qāsim 2. Waraqa b. Nawfal b. Asad b. ‘Abd al-‘Uzzā b. Quṣayyy, cousin
al-Ḥarīrī de Baṣra (m. 516/1122), MS. de Paris, Bibliothèque Natio- monothéiste de Khadīja qui, selon certaines sources, confirma l’au-
nale de France, Arabe 5847, fol. 152 (Irak, 634-5/1237) ; voir P. J. thenticité de la première révélation reçue par le Prophète ; voir C. F.
MÜLLER, Miniatures, p. [8]-[9] et planche 26. ROBINSON, EI2, art. Waraḳa b. Nawfal.


10 —
La deuxième des affaires rendant cela obligatoire, ce sont le d’un lézard ils y entreraient aussi.
changement de son état et de son cœur et la corruption [128] de Loué soit le Dieu sublime ! Où sont les intelligences de ceux-
son comportement par de la jalousie qui y était cachée. Il l’a là ? Leurs visions et leurs esprits (baṣīra) sont-ils aveugles ?
longtemps cachée et cette [jalousie] cachée est apparue en un Ne voient-ils pas en quelles cécité et confusion les gens sont en
moule dont la forme est vraie et le sens vain. » [ce] temps enténébré, très noir, en lequel les mécréants possè-
SECTION dent la plupart de ce bas-monde alors que demeure cette terre
En somme – Dieu vous appuie ! – lorsque vous voyez quel- étroite dans laquelle les croyants flairent l’odeur de l’Islam et
qu’un attaquer votre compagnon, examinez le premièrement que, dans cette terre étroite, en matière de ténèbres provenant
pour ce qui est de son intelligence, puis de sa compréhension, des ulémas du mal et de ceux qui appellent à [ce qui est] faux
puis de sa véracité, puis de son âge. Si vous trouvez de la con- et à son institution ainsi qu’à la réfutation de la vérité et de ses
fusion en son intelligence, cela vous prouve son ignorance de adeptes, il y a quelque chose d’incernable dans une lettre ? En
votre compagnon, de ce qu’il dit de lui et d’après lui. [Il en va] outre, le Dieu Très-Haut a fait miséricorde à cette communauté
semblablement à cela du peu de compréhension et sembla- en faisant se lever un homme d’une forte portée d’esprit, fai-
blement à cela aussi de l’absence de véracité ou de son insuffi- ble[ment prêt] à composer, qui a partagé son âme et sa préoc-
sance, parce que l’insuffisance de compréhension conduit à cupation entre les intérêts des gens (‘ālam), la réforme de leur
l’insuffisance de véracité proportionnellement à ce qui s’est corruption, la prise en charge de leurs soucis et de leurs be-
dérobé à son intelligence. Semblablement à cela [en va-t-il] soins, tout en se chargeant de repousser les innovations et les
aussi du grand âge. L’avis et l’intelligence vieillissent alors errances, de produire les matières du savoir prophétique par
comme les facultés apparentes, sensibles, vieillissent alors. lequel se réforme la corruption des gens, et de s’efforcer autant
Suspectez donc une personne pareille, méfiez-vous d’elle et que possible de les ramener à la religion première, antique. S’il
évitez-la en dissimulant, sans dispute ni hostilité. [n’était] pas, où serait la vérité de la religion antique ? Et, avec
La manière d’examiner la validité de la perception de la per- tout cela, il se charge seul de tout cela. Il est isolé parmi les
sonne, de son intelligence et de sa compréhension, c’est que gens de son temps : peu sont ceux qui l’aident, nombreux ceux
vous l’interrogiez sur une question de conduite ou de savoir. qui l’abandonnent, le jalousent et l’injurient.
Lorsqu’elle y répond, opposez à la réponse une difficulté allant Quelqu’un de pareil à cet homme en ce temps et qui entre-
dans la [bonne] direction au moyen d’une directive valide. Si prend en lui cette affaire énorme, dangereuse, lui sera-t-il dit :
vous voyez l’homme aller à droite, à gauche, et sortir de ce « Pourquoi réfutes-tu4 les Aḥmadīs ? Pourquoi n’es-tu pas juste
sujet-là (ma‘nā) vers des sujets extérieurs et des histoires qui dans le partage ? Pourquoi [130] fréquentes-tu les émirs ? Pour-
ne concernent pas le sujet, si bien que l’auteur de la question quoi honores-tu Zayd et ‘Amr ? » L’esclave n’a-t-il pas honte
oublie sa question en ce sens qu’il l’en a distrait par des propos devant Dieu ? Il mentionne de pareils détails en contrepartie de
dénués d’utilité, quelqu’un de pareil à celui-ci, ne vous ap- ce pesant fardeau. Si l’homme était contesté pour ces détails,
puyez ni sur son attaque ni sur son éloge. Il est en effet d’un on trouverait chez lui des textes authentiques, des objectifs
naturel (fiṭra) déficient, d’une imagination surabondante, et ne valides et des intentions valides qui échapperaient aux intelli-
persiste pas à faire la part des objets de saisie cognitifs. Ne gences faibles et, même, aux parfaites d’entre elles, jusqu’au
critiquez pas non plus quelque chose de pareil à la critique de moment où elles les entendraient.
celui-ci. Il est en effet bien connu que Dhū l-Khuwayṣirat al-
Tamīmī1 aborda le Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui
donne la paix ! – et lui dit : « Sois juste, car tu n’as pas été
juste ! Par un tel partage n’a pas été recherché le visage du
Dieu Très-Haut » ou quelque chose comme cela2. [129]
Que ceci et des choses pareilles se produisirent fut d’entre les
miracles du Messager de Dieu – Dieu prie sur lui et lui donne
la paix ! Il dit en effet : « Vous adopterez assurément les
usages de ceux qui vous ont précédés comme les plumes gar-
nissant une flèche se modèlent l’une sur l’autre3 » même si cela
se faisait chez les Juifs et les Nazaréens et alors même qu’ils
déviaient du chemin de la droiture. Semblablement aussi il y en
aura dans cette communauté-ci qui prendront comme modèle
tout déviant existant dans le monde, qu’il soit antérieur ou
postérieur, comme les plumes garnissant une flèche se modè- « Pourquoi fréquentes-tu les émirs5 ? »
lent l’une sur l’autre, à tel point que s’ils entraient dans le trou Pour ce qui est de sa réfutation d’un groupe un tel, ô celui qui
exagère et est perdu, et qui ne sait pas ce qu’il dit, est-ce que la
1. Compagnon du Prophète, qui le déclara proche des Khārijites ; religion de Muḥammad b. ‘Abd Allāh, qui fut descendue du
voir IBN AL-ATHĪR, Usd, t. II, p. 139-140.
ciel, subsistera si ce n’est en attaquant ceux-là ? Et comment la
2. Voir AL-BUKHĀRĪ, Ṣaḥīḥ, Adab (Boulaq, t. VIII, p. 38) ; MUSLIM,
Ṣaḥīḥ, Zakāt (Constantinople, t. III, p. 109) ; IBN ḤANBAL, Musnad, 4. taruddu : yaruddu W
t. III, p. 56 ; IBN MĀJA, Sunan, Muqaddima (éd. M. F. ‘ABD AL-BĀQĪ, 5. Détail d’une miniature d’un manuscrit du Ḫamse de ‘Aṭā’ullāh b.
t. I, p. 61, n° 172). Yaḥyā ‘Aṭā’ī, Turquie, 1133/1721 (Baltimore, Walters Art Museum,
3. Voir IBN ḤANBAL, Musnad, t. IV, p. 125. W.666.698).


11 —
vérité apparaîtra-t-elle si ce qui est vain n’est pas abandonné ? DRAKE BOEHM, B. & HOLCOMB, M. (éds), Jerusalem 1000-1400.
Personne ne dit quelque chose de pareil à cela excepté quel- Every People Under Heaven, New York, The Metropolitan Museum
of Art, 2016. [Jerusalem].
qu’un de perdu, ou d’âgé, ou de jaloux.
ENCYCLOPÉDIE DE L’ISLAM. Nouvelle édition : T. I, Leyde, E. J. Brill -
[Il en va] semblablement aussi du partage pour [cet] homme. Paris, Maisonneuve, M. Besson, 1960 ; t. II-XII, Suppl., Leyde, E. J.
Il y a à ce propos un effort de réflexion personnelle (ijtihād) Brill - Paris, Maisonneuve & Larose, 1965-2007. [EI2].
valide, et une considération d’intérêts dérivant du fait de don- GEOFFROY, E., Le traité de soufisme d’un disciple d’Ibn Taymiyya :
ner à certaines gens et non à d’autres, tout comme le Messager Aḥmad ‘Imād al-Dīn al-Wāsiṭī (m. 711/1311), in Studia Islamica,
82, 1995, p. 83-101. [Traité].
– Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – donna spécialement
GIBB, E. J. W., A History of Ottoman Poetry, 6 vols. Vols. ii–vi edited
aux relâchés1 (ṭulaqā’) cent chameaux et en priva les Auxi- by E. G. BROWNE, Londres, Luzac & Co., 1900-1909. [History].
liaires, si bien que les plus jeunes d’entre eux dirent quelque GIMARET, D., JOLIVET, J. & MONNOT G., AL-SHAHRASTĀNĪ, Livre des
chose à ce propos, non pas les pubères d’entre eux, et que Dhū religions et des sectes. Traduction avec introduction et notes, 2 t.,
l-Khuwayṣira se leva à son propos et dit ce qu’il dit. Louvain, Peeters - Paris, UNESCO, 1986. [Religions I & II].
GUILLAUME, A., IBN ISḤĀQ, Sīrat Rasūl Allāh - The Life of Muḥam-
Quant à sa fréquentation des émirs, si elle n’était pas, com-
mad. Translation with Introduction and Notes, Londres, Oxford
ment les émirs flaireraient-ils l’odeur de la religion antique, University Press, 1955. [Life].
pure ? Si l’enquêteur enquêtait, il trouverait que cette modalité ḤAQQĪ ERẒURŪMĪ, Ibrāhīm (m. 1194/1780), Kitāb-e Ma‘rifatnāmeh,
qu’il y a chez eux de l’odeur de la religion et de la connais- Boulaq, al-Maṭba‘at al-Kubrā, 1257[/1841]. [Ma‘rifatnāmeh].
sance des hypocrites, ils l’ont seulement empruntée de votre HEINEN, A. M., Islamic Cosmology. A Study of as-Suyūṭī’s al-Hay’a
compagnon. as-sanīya fī l-hay’a as-sunnīya with Critical Edition, Translation,
and Commentary, Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, « Beiruter
Quant aux honneurs témoignés à Zayd et ‘Amr, c’est dans un Texte und Studien, 27 », 1982. [Cosmology].
intérêt intérieur. Si on enquêtait avec impartialité à leur sujet, HOMERIN, T. E., Ibn Taimīya’s Al-Ṣūfīyah wa-al-Fuqarā’, in Arabica,
on trouverait là quelque chose qui montrerait que cela relève de t. XXXII, Leyde, E. J. Brill, 1985, p. 219-244. [Ṣūfīyah].
l’intérêt (maṣlaḥa). Nous faisons l’hypothèse que tu aies raison IBN AL-ATHĪR (m. 630/1233), Usd al-ghāba fī ma‘rifat al-Ṣaḥāba, 5 t.,
à ce propos étant donné que nous ne croyons en l’infaillibilité Le Caire, 1280[/1863]. — Réimpression anastatique : Beyrouth, Dār
Iḥyā’ al-Turāth al-‘Arabī, s.d. [Usd].
que dans les Prophètes et que l’erreur se produit chez d’autres
IBN ḤAJAR AL-‘ASQALĀNĪ, Shihāb al-Dīn (m. 852/1449), al-Iṣāba fī
qu’eux : quelque chose de pareil à cette erreur sera-t-il men- tamyīz al-Ṣaḥāba. Édition ‘A. A. ‘ABD AL-MAWJŪD & ‘A. M.
tionné en contrepartie des affaires sublimes, belles, évoquées MU‘AWWAḌ, 8 t., Beyrouth, Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, 1415/1995.
antérieurement ? [131] [Iṣāba].
Ne mentionnera quelque chose de pareil à ceci dans un cahier IBN ḤANBAL (m. 241/855), al-Musnad, 6 t., Le Caire, al-Bābī al-
Ḥalabī, 1313/[1896]. — Réimpression anastatique : Beyrouth, al-
et n’en fera le compte, puis ne le fera tourner d’un individu à
Maktab al-Islāmī, 1403/1983. [Musnad].
l’autre, comme s’il disait quelque chose, qu’un homme pour IBN MĀJA (m. 273/887), al-Sunan, édition M. F. ‘ABD AL-BĀQĪ, 2 t.,
qui nous demandons à Dieu, s’agissant de son intelligence, Le Caire, 1373/1954. — Réimpression anastatique : Beyrouth, Dār
l’intégrité, s’agissant de son action, une bonne conclusion, et al-Fikr, s.d. [Sunan].
qu’Il le ramène de sa déviance vers le chemin de la rectitude, IBN RAJAB, Zayn al-Dīn (m. 795/1393), al-Dhayl ‘alā Ṭabaqāt al-
de sorte que ses familiers d’entre ceux qui possèdent des intel- Ḥanābila. Éd. A. Ī. U. BIN ḤASAN & A. Z. Ī ‘A. BAHJAT, 2 t.,
Beyrouth, Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, 1417/1997. [Dhayl].
ligences et sont pubères ne continuent pas à le décrier en son
IBN TAYMIYYA, Iqtiḍā’ al-ṣirāṭ al-mustaqīm mukhālafat aṣḥāb al-
savoir et en ses écrits. jaḥīm. Édition critique annotée de M. Ḥ. AL-FIQĪ, Le Caire, Makta-
Nous demandons pardon, au Dieu sublime, de faire erreur et bat al-Sunnat al-Muḥammadiyya, 1369[/1950]. [Iqtiḍā’].
de glisser en parlant et agissant. Et la louange à Dieu seul ! Voir aussi G. TROUPEAU, Fêtes.
Dieu prie sur notre maître Muḥammad, sa famille et ses Com- —, al-Jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ. Éd. ‘A. b. Ḥ. BIN
pagnons, et leur donne la paix ! NĀṢIR, ‘A. ‘A. b. I. AL-‘ASKAR, Ḥ. b. M. AL-ḤAMDĀN, 7 t., Riyāḍ,
Dār al-‘Āṣima li-l-Nashr wa l-Tawzī‘, 2éme éd., 1419/1999.
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logue raisonné mis à jour, Courbevoie/Paris, ACR Edition Interna- Dīn Aḥmad b. Taymīya, canoniste ḥanbalite né à Ḥarrān en 661/
tionale, 2000. [Gérôme]. 1262, mort à Damas en 728/1328, Le Caire, Institut Français d’Ar-
ANAWATI, G. C. & GARDET, L., Mystique musulmane. Aspects et ten- chéologie Orientale, « Recherches d’archéologie, de philologie et
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Muḥammad al-Manbijī. Traduction de l’arabe, présentation, notes et
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en 8/630, n’exerça pas de représailles et à qui il rendit leur liberté ; que].
voir A. GUILLAUME, Life, p. 553. —, Textes spirituels d’Ibn Taymiyya. XIII : Mongols et Mamlūks :


12 —
l’état du monde musulman vers 709/1310 (fin), in Le Musulman, 26, Hāshim, 120. Taqī al-Dīn Abū Ḥafṣ ‘Umar… Ibn
Paris, Association des Étudiants Islamiques de France, septembre Ibn Taymiyya, 112. Shuqayr, 110.
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ADDENDUM
Le texte des souvenirs d’al-Ghiyābī traduit in Y. MICHOT, Écrits. G, est
brièvement évoqué par C. BORI, Circle, p. 30. Lisant le nom de son auteur avec
des voyelles et signes diacritiques en partie différents, C. Bori appelle al-
Ghiyābī « al-Ghayyānī ».
INDEX DES INDIVIDUS ET DES GROUPES MENTIONNES
PAR AL-WASIṬI DANS LES PAGES TRADUITES
La pagination de référence est celle de l’édition du texte arabe. Elle
apparaît dans la traduction entre crochets en petits chiffres gras.
Aḥmadīs, 117, 129. Shams al-Dīn Muḥammad b. ‘Abd
‘Arabīs, 118. al-Aḥad al-Āmidī, 110.
Dhū l-Khuwayṣirat al-Tamīmī, 128, 130. Sharaf al-Dīn Muḥammad b. Sa‘d
Fakhr al-Dīn Muḥammad… Ibn al-Dīn… Ibn Nujayḥ, 111.
al-Ṣā’igh, 111. Sharaf al-Dīn Muḥammad Ibn
Ḥarīrīs, 117. al-Munajjā, 110.


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