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face-au-soulevement-populaire.html

Déception au Nigeria après le discours


intransigeant du président face au
soulèvement populaire
Par  L'Obs avec AFP
Publié le 22 octobre 2020 à 19h40 

Lagos (AFP) - Déception et stupéfaction se sont exprimées jeudi après le discours du président
nigérian Muhammadu Buhari, qui s’est montré intransigeant face au soulèvement populaire
dans le sud du Nigeria et n'a pas mentionné la répression sanglante qui a ému le monde entier.

Le chef de l'Etat a parlé à la télévision 48 heures après la répression menée mardi contre des
milliers de manifestants pacifiques à Lagos par des militaires et la police, qui a fait au moins 12
morts selon l'ONG Amnesty International.

Cette répression et la mise en place d'un couvre-feu à Lagos mardi ont été suivies par deux
jours d'émeutes et de pillages à Lagos, la capitale économique du Nigeria.

Dans son discours, le président a prévenu les manifestants qu'il n'autoriserait "personne ni
aucun groupe à mettre en péril la paix et la sécurité nationale".

"Résistez à la tentation d'être utilisés par des éléments subversifs pour causer le chaos et tuer
notre jeune démocratie", a lancé à la jeunesse M. Buhari, ancien général putschiste dans les
années 1980 puis démocratiquement élu en 2015.

Après l'allocution, les réactions des célébrités nigérianes engagées aux côtés des manifestants
oscillaient entre la sidération et la déception.

"Quelqu'un a remarqué que le président ne pouvait même pas reconnaître les vies perdues et
les personnes blessées à cause de la gâchette de policiers ?", a déclaré sur Twitter l'actrice
nigériane Kemi Lala Akindoju.

"Au lieu de cela, il a célébré les braves policiers qui ont perdu la vie. Rien sur les fusillades", a-t-
elle ajouté.
C'était la première fois que le président s'exprimait depuis la répression des manifestations,
dont il n'a fait aucune mention directe.

Le chanteur Davido, écouté dans le monde entier, a tweeté juste après le discours le mot
"Wahala", qui signifie en argot nigérian la souffrance ou la peine.

"Aucune empathie, aucune capacité à rassembler le peuple, ou même à montrer que vous
comprenez ce qui se passe. Vous ne nous avez rien donné", a écrit sur Twitter Feyikemi Abudu,
l'une des figures de la contestation.

Ce mouvement a commencé début octobre pour protester contre les violences policières, les
manifestants demandaient notamment la fin d'une unité de police accusée de racketter la
population, d'arrestations illégales, de torture et même de meurtre.

- "Signes de faiblesse" -

Le 12 octobre, le président avait annoncé la dissolution de cette brigade et promis de réformer


la police.

Jeudi soir, M. Buhari a affirmé avoir "montré des signes de faiblesse en acceptant les cinq
demandes faites par les manifestants" pour réformer la police.

Rapidement, le mouvement s'est mué en un soulèvement contre le pouvoir. Depuis deux


semaines, au moins 56 personnes sont mortes dans ces manifestations, selon Amnesty
International.

Le discours de M. Buhari était très attendu par les 200 millions de Nigérians, mais aussi au-delà
des frontières du pays.

Des vidéos de manifestants agitant des drapeaux et chantant l'hymne national face à des
militaires qui tiraient au-dessus d'eux ont été relayées dans le monde, provoquant l'indignation.

Les Etats-Unis, l'Union africaine, l'Union européenne et l'ONU ont condamné les violences et
ont demandé que leurs responsables soient traduits en justice.

Jeudi soir, le président les a remerciés, les invitant cependant "à attendre d'avoir tous les
éléments entre les mains avant de juger".

La déception était grande jeudi aussi parce que de nombreux Nigérians attendaient du discours
du président que les responsables de la répression soient désignés.

L'armée et la police, pourtant mises en cause, ont nié être impliquées.


Après ce "mardi sanglant", comme l'ont appelé les Nigérians indignés, Lagos a plongé dans le
chaos, des supermarchés ont été pillés, des coups de feu ont été tirés, et deux prisons ont été
attaquées avant que les forces de l'ordre n'en reprennent le contrôle.

- "Nous sommes fatigués" -

Un entrepôt où étaient stockés des milliers de sacs de vivres destinés à être distribués aux
ménages pauvres affectés par la pandémie du coronavirus a aussi été pillé jeudi.

Sur des vidéos, on pouvait voir des centaines d'hommes et de femmes transportant des sacs
blancs estampés du sigle "Covid".

Le Nigeria, première puissance économique du continent africain grâce à son pétrole, est aussi
le pays au monde qui compte le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de
l'extrême pauvreté.

A Lekki, le quartier de Lagos où l'armée avait tiré sur les manifestants, les soldats avaient repris
le contrôle des rues jeudi. La situation était calme autour d'un grand centre commercial
totalement détruit.

"Maintenant ils savent de quoi nous sommes capables", a dit l'un des jeunes, toujours présent
sur les lieux et toujours en colère. "On ne croira plus à leurs conneries désormais", a-t-il lancé,
la voix éraillée. "Nous avons juste faim, nous sommes fatigués".
https://www.france24.com/fr/afrique/20201022-nigeria-une-prison-incendiée-à-lagos

Nigeria : une prison incendiée à


Lagos, le président s'adresse aux
manifestants

Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a prévenu les manifestants, jeudi 22


octobre, qu'il "n'autoriserait personne ni aucun groupe à mettre en péril la paix et la
sécurité nationale", après plusieurs jours d'importants soulèvements populaires.

"Résistez à la tentation d'être utilisés par des éléments subversifs pour causer le chaos
et tuer notre jeune démocratie", a appelé le chef de l'État, lors d'un discours télévisé.
Une intervention qui fait suite à la répression sanglante de manifestations pacifiques à
Lagos, épicentre de la contestation. 

Incendie à la prison centrale de Lagos

Plus tôt dans la journée, plusieurs coups de feu ont été entendus et une épaisse fumée
noire s'échappait du toit de la prison centrale de Lagos, a constaté une journaliste de
l'AFP au lendemain d'une nouvelle journée de violences dans la mégalopole nigériane.

"Ils sont en train d'attaquer la prison", ont déclaré à l'AFP des policiers stationnés à
proximité de la prison. La tentaculaire Lagos était toujours sous couvre-feu jeudi, ses
rues désertées et ses boutiques fermées. En milieu d'après-midi, "la situation s'était
calmée et semblait sous contrôle", selon un témoin habitant à côté de la prison.  

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo a, par ailleurs, condamné "le recours
excessif à la force" par les militaires au Nigeria après la répression sanglante de
manifestations pacifiques ayant fait au moins 12 morts à Lagos.

"Les États Unis condamnent fermement le recours excessif à la force par les militaires
qui ont tiré sur des manifestants pacifiques à Lagos, causant des morts et des blessés",
a-t-il affirmé, appelant à une enquête immédiate sur ces faits. "Les personnes
impliquées doivent être tenues responsables selon les lois nigérianes", a précisé Mike
Pompeo. "Nous appelons les forces de l'ordre à faire preuve d'un maximum de retenue
et à respecter les libertés fondamentales, et les manifestants à rester pacifiques".
Au moins 38 morts, la police et l'armée nient toute responsabilité

Au moins 38 personnes ont été tuées à travers le pays, dont 12 manifestants à Lagos,
où l'armée et la police ont tiré à balles réelles sur deux rassemblements, selon Amnesty
International.

Depuis près de deux semaines, le Nigeria, première puissance économique de


l'Afrique, et pays le plus peuplé du continent, est secoué par une contestation inédite,
née sur les réseaux sociaux.

Des milliers de jeunes manifestent notamment contre les violences policières et le


pouvoir en place, accusé de mauvaise gouvernance. La police et l'armée, mises en
cause dans ces tueries, nient de leur côté toute responsabilité.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/22/nigeria-une-juste-revolte-contre-l-impunite_6056973_3232.html

Nigeria : une juste révolte contre


l’impunité
Des manifestations agitent le pays depuis deux semaines. Déclenché par des violences
policières, ce mouvement est une devenu une contestation plus globale d’un pouvoir
abusif et discrédité.

Publié le 22 octobre 2020 à 12h46 

Première puissance économique du continent africain, pays connu pour son dynamisme et sa
créativité, mais aussi pour sa corruption et ses inégalités abyssales, le Nigeria est en proie à une
révolte inédite de sa jeunesse. Depuis deux semaines, des manifestations secouent le pays non
seulement à Lagos, mégalopole de vingt millions d’habitants et capitale économique du pays,
mais dans plusieurs autres villes, dont Abuja, sa capitale fédérale. Déclenchée par une vidéo
montrant des policiers abattant un homme de sang-froid, la révolte contre les violences
policières s’est muée en une contestation globale du régime revendiquant la démission du
président, Muhammadu Buhari. Le soulèvement de la jeunesse urbaine se nourrit aussi de
l’exaspération après un confinement anti-Covid-19 levé cet été, mais qui a asphyxié l’économie.

Au moins dix-huit personnes sont mortes dans ces affrontements avec la police avant même le
« mardi sanglant », ce 20 octobre, au cours duquel un millier de manifestants rassemblés à un
péage de Lagos ont été dispersés par des tirs à balles réelles. La police et l’armée sont mises en
cause, mais aussi des voyous stipendiés pour jeter le discrédit sur le mouvement. Depuis lors,
des jeunes continuent de braver le couvre-feu instauré pour tenter de stopper leur révolte. La
promesse du président de dissoudre la brigade spéciale de la police nigériane, accusée de
tortures et d’exécutions sommaires par Amnesty international, convainc d’autant moins les
manifestants qu’elle a déjà été formulée, en vain, par le passé.

La jeunesse du Nigeria – 60 % de ses 200 millions d’habitants ont moins de 24 ans – ne


supporte plus d’être exclue par un système politique incapable de réduire l’extrême pauvreté et
dont la violence est couverte par une totale impunité. Le président Buhari, 77 ans, ancien
général putschiste finalement élu en 2015, focalise le mécontentement : taiseux, claquemuré à
Abuja, impuissant à vaincre l’insurrection islamiste de Boko Haram au nord-est, tout comme le
grand banditisme, qui met en coupe réglée la région pétrolière du delta du Niger, il personnifie
un pouvoir de vieux militaires du Nord, brutaux et incapables d’écouter la population. Son
armée se caractérise par sa propension à commettre des exactions sur des civils réduits au
silence – y compris numérique – loin des grandes villes. En dépit de la manne pétrolière, le
revenu moyen nigérien ne dépasse pas 5 dollars (4,20 €) par jour, et l’espérance de vie plafonne
à 52 ans.

L’impunité qui protège les responsables des violences au Nigeria est inacceptable. L’Union
européenne et l’ONU réclament, à juste titre, qu’ils soient « traduits en justice » et que les abus
policiers cessent. Locomotive de l’Afrique de l’Ouest, ce pays qui fait rêver tant d’Africains
devrait se montrer exemplaire. Cela passe en tout premier lieu par la nécessité d’écouter les
revendications d’une jeunesse qui réclame la justice, la fin de l’arbitraire des forces armées et la
redistribution des richesses. Un programme ambitieux, qui, soixante ans après les
indépendances, pourrait être celui de bien des pays du continent.

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