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SESSION PLÉNIÈRE
Alexandru GAFTON
La traduction en tant que lettre et la glose en tant qu
’es
pri
t……………………… 8
The Princi
ple of
Ec onomy in
Langua ge……………………………………………… 18
Ludmila HOMETKOVSKI
Certains Aspects Semantico-Structurels de la définition du terme juridique
communaut air
e………………………………………………………………………………. 22
Martin POTTER
Ov erl
apping Identi
tie
s i
n Dav id Jones’ Poetry……………………………………... 30
Raluca
Présence de l ’autre dans le discour s e t st
ratégies d’
eff
ace
ment
énonc
iat
if:
l
’énonc i
ation prov erbiale…………………………………………………………………… 35
Bianca-Stela BOULARAND
La majuscule, entre « reproduction » et « traduction »……………………………. . 43
Autres
sémanti
smes
de
la
construct
ion
transi
ti
ve
dir
ec t
e e
n françai s…………… 100
Corina VELEANU
La l angue des dr
oit
s de l’homme: quatre versions linguistiques de la
pr
ésentati
on
de
la
Cour
eur
opéenne de
s dr
oits
de
l’
homme …………………………. . 105
La
cri
se
de
l’
ide
nti
té
et
l
’i
dent
it
é
de
la
cri
se…………………………………………. 113
3
LITTÉRATURE FRANÇAISE / LITTÉRATURES
FRANCOPHONES
Adriana APOSTOL
Rhétorique de la monstration / Rhétorique de la suggestion. Un double modèle
fantasti
que ……………. .
……………………………………………………………………… 117
Cristina-Loredana BLOJU
Un voyage symbolique –
le
rêve
ne r
v ali
en …………………………………………… 122
Anca-
Le
sent i
me nt de
cas t
ration véc
u par l’homme
dans
le
roma n de
Marie Labe rge
..
. 128
Edelina-Lavinia CÎMPIANU
La quê te de l’ide nti
té chez Nel
ly Arcan ……………………………………………… 133
Monica DORU
Jeu de voix dans L'homme qui dort de Ge orges
Pe re c……………………………… 140
Corina-Amelia GEORGESCU
Poésie et Psychanalyse - Mon Rêve familier ………………………………………. .
. 145
Melania-
Maigret, un bon « criminologue » … …………………………………………………. 153
Jean-Pierre GRIMA
Création, circulation, réseaux : le rôle des académies dans la difusion de la
langue et des savoirs au XVIIIe s
iècl
e ……………………………………………………… 158
-Petronela IONESCU
Marthe Bibesco, Isvor, le pays des saules - un r
etour à la s
ource
………………. .
. 164
Mirela IVAN
L’é t
at amour e ux et l
a pas s
ion
dans
Corinne ou l’Italie de Madame de Staël …… 172
Diana-Adriana LEFTER
Du my the à la c rit
ique social
e dans l’Amphitryon de
Mol ière
……………………. 179
Lucie LEQUIN
Accablement, distance et consolation. Le poids de la mémoire chez Marie-Célie
Agnant ,
Ma uricio Segura e t
Aki
Shimaz aki ………………………………………………. 187
Camelia MANOLESCU
L’e s
pac e clos ou
le thè me du vil
lage dans le
r oma n Un temps de saison de
Marie NDiaye ………………………………………………………………………………… 196
Florica MATEOC
Andreï Maki ne e
t l
a
Fr ance……………………………………………………………. . 202
Le
f
émi
nin
dans
l
es
bes
ti
air
es
médi
évau
x…………………………………………….
.. 223
Repères ident
it
air
es
dans
l’
œuvre
de
J.
M.G
Le
Clé
zio…………………………….
.. 232
Dorina Loredana POPI
L’
imaginaire
des
Bi
e n
vei
ll
ant
es………………………………………………………. 240
4
Maricela STRUNGARIU
Inconst
ance
du
Moi et
dissol ut
ion du récit
dans
l’autobiographie moderne
……. 262
Oana-
L’Impli
cit
e dans l e p o è
me Promenade de Picasso de Jacques
Pré vert…………………………………………………………………………………………. 269
Roxana Anca TROFIN
Ve rtus
ré
dempt rices du r
é cit……………………………………………………………. . 277
Andreea VL SCU
« Manon Lescaut » et
l’abbé
Pr évost au-delà du classicisme……………………. . 282
Liliana VOICULESCU
Communication interculturelle dans Volkswagen Blue ……………………………. 288
Crina-Magdalena
Mémoire et devenir dans le récit mythique …………………………………………... 294
Oana BADEA
Concept
s
of
“Te
rm”
and
“Te
rmi
nol
ogy
”……………………………………………. 300
ENGLI
SH
AND
AMERI
CAN LITERATURE;
CULTURAL
STUDIES
Me mor y
an d
Ques
t
for
Id
ent
it
y i
n Nor
man Mane
a’s
Th
e Ho
oli
gan’
s
Ret
urn…… 362
Maria Camelia MANEA, Anca POPESCU
Rebels and Li
ber
ti
nes
in
G.
B.
Shaw’s
Pl
ays
………………………………………… 369
5
‘Magi cal
’
Creatur es in
Lawr ence Durre ll
’s
The Alexandria Quartet …………… 375
Paula PÎRVU
The Emergence of the Archaic with William Golding……………………………….. 381
From 19th Century Propaganda by the Deed to 20th Century (Im)Mediation …..... 385
Alina VÂLCEANU
Orientalism, or the Western Approach to the Orient
………………………………. 393
LANGAGES DE SPÉCIALITÉ
6
Constantin MANEA
Some Remarks on the EFL Te ache r
’s Ta sk in the Field of Phonetics and
Phonology ……………………………………………………………………………………. 482
Nicoleta Florina MINC
Reading: Some Listening-Based Techniques ……………. .……………. .……………. . 489
Carmen Elena ONEL
Les stratégies dans la didactique du FOS ……………. .………………………………. 495
Mihaela P I I L Z RESCU
Étude concern ant
la mot ivation
dans l
’appr enti
ssag e des
langue s
étrangères chez
l
’appr enant……………………………………………………………………………………. 500
Anca Marina
Teaching Writing Skills ……………. .……………. .
……………. .……………. .……….. 507
Ana Maria STOICA
Pragmatics and Context - A Ke y
Pe rspecti
v e
for
Fut ur e
Translators……………… 511
Angelica VÂLCU
Acquérir la compétence interculturelle dans une interaction exolingue …………... 516
Rodica VELEA
Writing Requirements in Teaching English to Medical Students………………………... 523
7
LA TRADUCTION EN TANT QUE LETTRE
ET LA
GLOSE EN TANT QU’ESPRIT
Alexandru GAFTON
Université « Alexandru Ioan Cuza » de
1
Le s li
be rt
é s
que s
’a cc
orde, prog ressive
me nt,
le t
raduc te
ur ne si
g nifient pa s
né ce
ssa ireme nt
la
désa crali
s at
ion du
rega r
d port
é sur l
e text
e ,
mais le
fait que
c ’es
t le lecteur
qui devient pr i
or i
taire,
et ensuite les besoins de la la ng ue et
de traduc ti
o n,
de sorte que ce qui pri
me c ’es t
la
communication, le contenu incompris étant indésirable. Dans un certain sens, on pourrait dire que,
ainsi, se produit même une sacralisation à un niveau bien plus profond, car le peuple se
christianise en même temps que la langue.
8
les formes sous lesquelles ils se présentent, que du point de vue de leur contenu. Par les
c arac t
é ristiques
de l
’informa t
ion ,
de l
’org a
n isation et
de l’ex positi
on de cell
e-ci, le texte
religieux possède un niveau conceptuel particulièrement complexe. En outre, à travers
le travail de traduction, il surgit ici une difficul t
é
spécifique au t
exte rel
igieux , c’es t
-à-
dire la sacralité dont le texte était investi1. Le respect envers la forme, bien plus fort
da n s le c a
s
d’une lang u
e don t l’
a spe c
t li
tté raire é
tait en tra
in
de s e
cristall
ise r,
était
d’ au t
a nt plu s
élevé dans
le cas d’un text
e
sa cré, et
c’es
t d’ici que
dérive,
principa leme n t
,
la t
e nda nc e vers
l
a
lit
té ra
lit
é .
Ce deux ième aspe ct a,
l
ui aus si,
contri
bu é
à l’
appa r
ition de
traductions qui ne pouvaient couvrir entièrement les besoins de la langue, du récepteur
(au niveau di ast
ratique ,
diatopiqu e, de l
’e xpre ssi
on ,
et
c .
), et les a
mbi ti
ons du t
radu cteur
n on pl us ( qui n’était pas tou jours respon sabl e pour un e expression moi ns bie n ou
agréablement construite).
La difficulté impliquée par les deux facteurs susmentionnés est augme ntée par le
fait que, à force de leurs caractéristiques et de leur emploi, les langues dont on a traduit
en roumain (et surtout le slavon, le grec, le hongrois) étaient plus avancées du point de
vue du degré de développement du côté littéraire. Les effets des contraintes directes,
exercées par le texte sacré, dans le contexte des différences et des incompatibilités entre
les langues en contact – g énéra t
rices
de conf u si
ons et d’incerti
tudes –, étaient donc
intensifiés par les pressions exercées par le texte étranger, la «solution» étant de suivre
celui-ci de très près. La conversion du texte à traduire en modèle conduit, au niveau
c on cret et
immé dia t,
à l’
appa rition de nombr e ux
segme nts
de t
e xt
e rouma in qu i
por te nt
l’e mpr e in t
e de ce qu i appa raî
t da n s le texteoriginal. Bien que, parfois, on puisse
identifier des différences entre les solutions proposées par les traducteurs et les
réviseurs –différences provenues de la situation existante entre les compartiments de la
langue (syntactique, lexical-sémantique), de la manière dont s’exer
c ent
et se resse nte n
t
les pressions de la langue-modèle, de la façon dont a compris le texte à traduire, aussi
bien que des besoins et des possibilités perçues et maîtrisées dans la mise à jour des
formes et des valeurs en question –, le texte traduit est suivi en tant que modèle. Au
niveau de profondeur, le texte étranger devient un modèle partiel à partir duquel le
roumain édifie son côté littéraire2, l’eff
e t c onjugué de c es tr
ois facteurs é ta nt la
littéralité.
Les deux derniers facteurs dépendent des possibilités et des conceptions du
traducteur, aussi bien que des besoins et des limites du récepteur. Le premier se
heurtait à de diverses difficultés, en ce qui concerne la compréhension et la construction
du texte. Le traducteur est ,
ava nt t
ou t,
un
indi vidu
apparten an t
à s
on époqu e,
dou é d’u ne
conception propre sur la traduction, mais qui est contraint par de sévères limitations
dues aux possibilités et aux besoins du système du roumain, par la configuration de
l’a spec t l
i t
térai
re – à l’édificati
on du que l
il
c on t
ribue par l
’a c
te de l
a
traduction –, tout
1
A cet égard, voir Al. Gafton,
pp. 12-26.
2
Même si, souvent, des éléments appartenant à la langue vivante exercent des pressions réelles,
e n dema nda nt
d’ êt
re
inclus dans l
’aspe ct
li
ttéraire en cour s de
for ma ti
on,
le
contexte réel fait que
la traduction est orientée vers la source, ce qui fait que le traducteur apporte dans le roumain de
diverses structures rencontrées dans la langue-modè l
e,
struc ture s
d ouées (
là)
d’
une haute c apa ci
té
d’ expression des
co nt
e nus et
c aracté
ristiques à un aspect littéraire évolué.
Voir, entre autres, Al. Gafton, -59, Idem,
-
134, Idem, La traduction du texte sacré: entre contraintes et libertés, în Actes du 1er Colloque
International Perspectives contemporaines sur le monde médieval, nr. 1/2009, p. 29-32.
9
c omme par l
e s
e xigen c es liée s
à
la t
r aduc ti
on d’un
te xte
s a
cré .
En t
ant que résultante de
la conjugaison des ses propres limites avec celles extérieures, qui rencontrent
l’aspir ation à une translation totale –souvent la conscience aiguë des impuissances de
toute sorte – e t
, un pe u pl us
ta r
d, l a c on scie nce de l’impor tanc e de s bes oins du
récepteur, le traducteur des temps anciens reste soumis aux contraintes engendrées par
l’ac t
ion ve c
torielle des trois forces susmentionnées.
Le de ux i
è me s e con f rontai
t à de s é lé me nts d’ ambi guïté, d’ obscur i
té, qui lui
pr ovoqu aient de
l’inc ert
itu d e et
de l
a con fus ion, fait
qu i
favor i
sa it
l
’in compr éhe nsion et
les interprétations erronées. Bien que, souvent, il paraisse oublié –étant parfois lui-
même sacrifié à côté de la langue roumaine –, en fonction du texte et de la région, le
récepteur compte parmi les préoccupations du traducteur. Même si la tendance
domi n an t
e
es t
d’ adé qu ation à la l
ang u e-source, la traduction littérale étant le résultat
d’ une c on ception pa r laqu ell
e on e ssay ait de r endre f i
dè le
me nt l e con t
enu pa r la
pr éserv ation de la forme ,
il y a
des i
n dice s
s ur
l’existe nce et
l’a
c ti
on de
la
con scien ce du
fait que, à côté de la sacralité du texte, le récepteur devient graduellement un enjeu réel
de la traduction.
2. Da ns c e con texte, cert
ains d’en tr
e les tradu ct
e urs choi si
ss en t
d’é l
imi ner les
incompatibilités entre les langues, les confusions et les obscurités –en conservant le
caractère littéral du texte –par des gloses1.
Ayant à traduire des textes de référence au domaine conceptuel et linguistique, des
langues qui exerçaient des pressions considérables (ce sont elles qui: a) pour le
traducteur et à ce moment-là, possédaient le texte sacré, b) avaient un côté littéraire
supérieur – chos e don t
témoi gne
le fait
mê me qu’ elles
a vai
e nt
e u l
a capacité de
ren dre
et détenir le texte sacré) et en faisant appel, par la suite, à la traduction littérale, les
tradu cte urs v ont re ma r
qu e r progress i
v eme n t qu’ u n a s
pect littéraire évolué implique
nécessairement la spécialisation des termes et des structures syntactiques, car le
caractère univoque de celles-ci dans un contexte donné représente un indice du niveau
de développement de cet aspect.
D’ a utr
e pa rt
, on pe ut a voir l’i
mpr ess ion pa r fois
qu e le tradu cteur a c réé de s
métaphores, des effets de style ou que le texte biblique contient des euphémismes. Si,
dans certains cas, cette dernière présupposition peut être confirmée par la confrontation
de la traduction avec le te x te grec et
h ébr aïqu e, d’ha bit
u de,
c e
n ’est qu’une i
mpr ession
pr odu ite par un regar d su pe rfi
ciel
s
u r l
e t
e xte r
ouma in,
qui n ’
es t
pa s doubl é
de l’ét
u de
du texte original, car, ce qui en traduction peut paraître un trope, en grec, ou en
a ramé e n, n’est qu’ un e for me
«neu t
r e» d’ ex press i
on, dépour vue de tou t
«é cart». I
l e s
t
pr oba ble
qu ’
à l
’orig ine ,
pr esqu e
tout fut un e mé taph ore.
Ma i
s ce l
a
ne tra
hit pas qu el
qu e
pe nc han t est
h étique de
l’ê t
r e huma in, ma is s eule me n t
l
e s
faibless e
s de la
ra i
son face
à
l’émot ion .
En général, la connaissance intuitive, à portée de tous, domine la
c onn aissa nce pa r rais on, qui n’est
acce ssibl e qu’ à c
es i
ndi vi
du s
plu s
dou és et plus
e xercé s du poi n t
de v ue c é r
ébra l
, pe nc hés v ers l’obs er
va ti
on ration nelle,
l’a nalyse
mi n utieus e
d es fai
ts ,
l’explication lucide et impartiale de la réalité. De plus, la sphère de
la
réalité
e s
t tr
a it
ée de ma nièr e
dif
f é
re nte da n s l
es
de ux
ca s
. Qu elque chargée
d’é mot i
on
e sthétiqu e qu’e lle
soi t
au premi e
r
c as, cette moda lité prima i
re de connaissan ce res t
e
gouvernée par le vague, puisque la sphère trop large confère un caractère anonyme aux
n otes de conten u.
A l’inv ers e,
la
conn a i
ss anc e
scien tifi
qu e
va
à pa rt
ir de s
notes mi ses en
relief vers la sphère, qui, en acquérant une identité prononcée, imprime un relief encore
plus grand aux notes de contenu, ce qui permet la formulation des principes, aussi bien
1
Sur cet aspect, voir Al. Gafton, -268.
10
inductives que déductives.
Comme t
ou t proc essus par lequ el l
a l
a n gu e
s’e xerc e ,
l’activit é
de gloser dérive de
la manière dont la modalité spécifique de connaissance de l’être h uma i
n , l
a l
a ngu e, qui
découle de la faculté cogitative, interagit avec un autre système linguistique, mais aussi
de la manière dont la pensée et le contact avec le monde passent dans la forme qui
obt ient
du cont enu
e t
qu i s’appe ll
e la lan gu e. C’est, peut-être, la cause principale pour
laquelle tout discours nécessite (de manière intrinsèque ou marginale) un métadiscours
(qui reste, tout de même, incomplet), le problème visant la façon dont se déroule la
relation symbiotique entre langue et pensée. On peut très bien observer cela dans le
di scours r
e l
ig i
e ux ,
où on a tou jours be soin de prêche s, d’ explicati ons ,
d’interprétati
ons ,
pu isque l
es ma len t
en dus condu is
e n t
fréqu emme nt à l’appa riti
on mê me des hérésie s
.
Pour cette raison, il est significatif le fait que – sans s’a bsen ter
de s textes la
ïqu es –de
pareilles gloses sont spécifiques aux textes destinés au public large (sermons, vies des
saints –en Moldavie et en Munténie, traductions – da ns l’e s
pa ce tr ans y
lv ain).
Grâce au caractère très littéral de la traduction, la glose fonctionne comme un
é léme nt
d’a j
u stag e et d’ada ptation, en dé ga ge ant
de s s en s,
en é claircissan t
le conte xte
et/ou les termes et les syntagmes imposés par la traduction. Parfois, par exemple, les
gloses se réfèrent à des termes qui – par traduction et par calque sémantique –
parviennent à acquérir des valeurs contextuelles, souvent périphériques dans la sphère
sé ma nti
qu e et
da n s
l’us age c our ant des terme s respe cti
f s, ou seul e me nt à la
su it
e du f ai
t
qu ’au
n i
ve au pa radigma ti
qu e ils
re prése ntent les correspondants roumains des termes
e mpl oyés da ns l’original.
D’ autres f ois,
les glos e
s fa cilitent la mi s e de l’accen t
sur un e
n ote sépa rée de l a sph ère sé ma ntiqu e, c as où l ’on pe ut ins tituer un e re lat
ion de
complémentarité, mais aussi de contiguïté entre le terme dans le texte et le terme du
glossaire. Après que, par la glose, le lecteur comprenait un contenu de pensée, par le
retour à la traduction il réussissait à englober un autre mode de conceptualisation, en
pé n ét
rant dan s les mé canisme s d’u nsystème linguistique différent, aussi bien que la
relation de celui-ci avec la pensée, tout cela avec des effets bénéfiques sur la structure et
le contenu, a ussi bien au nive au de
la l angu e r
ouma in e, qu ’
à c elui de la
pe nsée du
lecteur en question. De la sor te,
e l
les e nric hissent le l ecteur qu’ ell
e s édifient, ma i
s
également le système, mis dans la situation de pouvoir acquérir des formes et des sens
ou s
e ul
eme nt d’e xerce r
le proc essus d’a cqu isiti
on et d’ i
nté gration de con t
e nus et de
moda lit
és d’e x
pr e ss
ion .
En nuançant, précisant, ajustant le texte au système de la langue et aux besoins et
la capacité du lecteur, en expliquant des morceaux de texte et en offrant des équivalents
qui dévoilent des contenus de pensée, la glose peut orienter le lecteur afin de le rendre
apte à comprendre le texte dans cette confrontation entre deux langues, à
l’e nt
recroiseme nt desqu elles il se
s itue. C’ est po ur cela qu e bon n ombr e des gloses qu i
a ppa r
aissent ont le rôle d’a mé liorer l
a tra du ction, bien que par petits fragme nts, ma i
s
da n s
un ef
for t
c onsta nt
e t
s ou tenu. En pe rme ttant l
’ i
ns e rti
on de s c
ompl è t
eme nt
s où la
limitation des sens atteint des niveaux raisonnables de désambiguïsation, ou en offrant
de s équivalents accompa gn é s d’ex plications , e n
lev ant le voi l
e su r
un e mé t
aph ore, les
g loses
pe uve nt dev enir l
a me il
le ur
e voie d’ acc ès au texte .
En conclusion, au niveau linguistique, les gloses mettent en branle les mécanismes
de la lang ue ,
f on t
pa s
s er du pot entiel da ns l’acte l es v alen ce s de c el
le-ci et les
consolident, facilitent un e pa rt
ie
de s proc es sus
forma t
ifs de l’aspe c t
lit
téra i
re,
qu i,
ain si
,
s’ édifi
ent (au n i
v eau lexic al et synt a
c t
iqu e ). Elles font con cou rir les é léme nts et les
for ces du s yst
è me et,
ensu ite
, sélec t
ent de s sens e t
de s fo rme s ,
da ns le cadre d’ un
discours parallè le qui enrich it
le niv eau lingu is t
ique, me n tal
et cu lturel
d’ un e
époqu e , en
11
faisant exercer le lecteur.
Au n iveau con ce ptu e l, les gl ose s fac il
itent l’en tr
ée dan s une c
iv il
isation, da ns une
c ulture, tout comme l’ac cè s à un e me nta lit
é moi ns ou poi nt con nueau récepteur. Leur
rôl e est d’ i
n struire, d’ en ric h i
r et d’orie nter le
récepte u r du poi nt de vue religieux et
conceptuel.
Les gloses parfont le texte, en aidant à sa compréhension en guise de concept et
représentent un instrument par lequel, après avoir traduit en traduisant, on explique en
g l
os ant .
L’ ac t
e de produ c tion de s g l
os es dé cl
en ch e de s proc e ssus c ompl e xes au pl an
me ntal, a u n ivea u du s y stè me de l a l angu e e t de l’ é labor ation de la n or me .
Ce s
processus sont à même de restructurer (plus ou moins profondément) la pensée et la
langue, de les influencer du point de vue de leurs contenus et formes. Ainsi, parfois, la
traduction devient lettre, et la glose devient esprit.
3. En ce
qu i
s uit,
n ou s allons i
llustre r l
e s assertions a ntér i
e ures, à partir
d’ un e
se ule
catégorie de gloses, et en nous référant seulement aux traductions de texte religieux.
3.1. Un e larg e caté g or ie de glose s s’oc c
u pe de l’ e xpl ication des t
e rme s qui , de
ma nière prév i
sible , ne son t pa s con nu s au public r
ouma in. D’ h abitude ,
le s pr éci
sions
complètent les connaissances du lecteur, et au niveau de la langue on crée ainsi la
pos sibilité d’ enrich ir l’inv e n t
a ire l
ex ica l av ec de s néol og i
sme s. On a don c: „ sinagog a
livertinilor” g . (NTB,
FA, 6, 9); „du h pitliv”
g .
- - (NTB, FA, 16,
16) ; ga[n]grena g. (NTB, 2Tim., 2, 17) ;
Italii g. (NTB, FA, 10, 1) ;
ostrac
g. Ostracile- (VS, sept.,
3) ;
cavza g. vina (VS, de c., 13) ;
sinagoga g.
lui Dumnedzeu. Noi zicem beseareca (NTB, Mt., 4,
23) ; g.
carea- (NTB, Mt., 5, 18) ; teatron g.
(NTB,
FA, 19, 29).
Spé c i
ale
en qu elqu e sor te ,
ma is pas différen t
e
pa r ra ppo rt
à cet
te caté
g orie ,
c’es t
la
situation de la forme omul, din PO, 12, Gen., 2, 15, où l’on n ote en ma rge du t
e xte
Adam, ce dernier mot hébraïque, a yan t le sen s de ‘ te r
r estre ,
de l a terre’, e nsu it
e
‘h omme ’ (l
’h ébr .
dé s i
gn ait
‘l
e sol ’).
A me sure qu’ on av a
n ce
da ns le premi er
livre de la Bible, le
pr emi e r homme n’e st plu s
n ommé
om dans les traductions, mais on
lui donn e le n om d’ Adam, autrement dit le terme hébraïque est emprunté par les
langues, où il devient nom propre.
3.2. Apr ès av oir fidè le me nt suivi le t
e xte à tradu i
r e , l
e tr
a du cteu r
pre nd s oin qu’ i
l
n ’y a i
t pa s
de s c on fus ion s in dé sirable s, a u ni vea u g r amma tica l
ou l e
x ical. Il pe ut
envisager la néc essité d’ un compl è
t eme nt impos é pa r le
r ouma i
n. Pa r con sé quen t,
i
l
apparaît les gloses qui rendent librement les sens: nu era g. (NTB, Mt., 2,
18) („qu ia n on sîn t”, gr.
)
; „ce e noao
(NTB, Mc., 1, 24 ) („Qu id n obi s et tibi”); „- c u cu vîn tul” g .
-
(NTB, Mc.,
1 2, 13) („eum c ape ru n t
in
v e rbo” ,
g r.
);
„ om
tare” g .
(NTB, Mt., 25,
24) („h omo du rus”, g r.
)
; „ de
lui”
g . (NTB, Lc.,
9, 31) („ex cess um eius” , gr.
); „Ia-l pre el” g .
-l pre el (NTB, FA, 21, 36) („Tol le eum” ,
g r
.
)
;
„ Mînule curund nu- Sau nu popi pre nime (NTB, 1Tim., 5,
12
22)1 putearea g las ului
” g. (NTB, 1Cor.,
14, 11) („Si ego
nes cier
o v i
rt utem vocis”, gr.
) où l
’on
remarque que, parfois, le terme original peut être plus chargé de sens, cas où la glose
compl ète et r
efa it,
le calque sé mant i
qu e résult
é s’ajoutan t
aux for me s qu i
e
x i
ge nt l
eur
droit de cité.
3.3. D’ a utres gloses déchiffrent les valeurs contextuelles des termes imposés par le
respe ct
du modè le, et
pr éci
se nt les se ns contex tuels: „ Duhu lu
i Sf î
n t
” g.
Darurile (NTB, Evr., 2, 4) (
); „ne ce u nul nu-i mut” g.
(NTB, 1Cor., 14,
10) (
„n ihil
sine v oce est”,
g r.
)
;
pa rfois
mê me en
expliquant: g. (NTB, FA, 6, 42) (pour
„mi lit
ia e
c ae l
i” , gr.
). Fa ute d’ expl ica t
ion ,
le le
c t
eu r
avai
t
l’accabl ante et l
a spécieuse li
be rt
é d’interprét
e r l
u i-mê me le s yn tagme ( qui,
d’a i
lleurs,
selon certains exégètes, se référerait aux anges).
3.4. Puisque les sous-entendus ne correspondent pas en permanence et parfaitement
à ce ux d’un e
la ngu e dif
fé r
ente, en su i
v an t
fi
dèle me n t
la
t
ra du ction ,
le glos ateur r
e ss
ent
le besoi n
d’ un pré dicat,
d’un attri
bu t,
de
la reprise d’u n
n om, d’ un ajout qu e l
e rou main
ne sous-e nte nd pa s
n écessai
re me nt, d’un e désa mbi g u
ïsation : -o g. Corabiia
(NTB, FA lor” g.
(VS, oc t
.,
7);
aceaia” g .
(NTB, 1Cor.
” g .
Suferi (NTB, 1Cor., 3, 2) ,
(pou r l
e lat.
„lac vobis
pot um de di ,
non escam: n ondum e nim poterati
s :
se d nun c quide m potesti s
” )
; „Bu cat
e l
e
bucatelor Îs rînduite (NTB, 1Cor., 6,
1
C’es
t
le
sens
de l
’i
mposit
ion,
fai
sant
pa
rti
e
du ri
tuel
d’
ordi
nat
ion,
e
n g
rec
(où l’on e mpl oie le
vb.
)
, et
c
’est
e
n ce
sens
que
le
ter
me est
ut
ili
sé
ic
i.
Le
gr.
est celui qui rend de
f
açon
tout
e
s péc
ial
e l
’ac
te
rit
uel
de
l’i
mposit
ion.
13
éta ient i
nv es
tis des va l
eurs qu e,
couramme nt,
l
e loc ute ur
rouma in n’attr
ibua i
t pas
aux
éléments lexicaux en question.
Dans la tent ati
v e d’expl i
quer la v al
eur con textu el
le d’ un terme – familier au
récepteur –, on peut a rr
iver mê me à l
’interprét
ati
on d’un bref s egme nt
de t
exte, la gl
os e
n’ étant plus don c
un e si
mpl e modalit
é d’équi
valen ce, mais un e
e xpli
c at
ion succincte:
Fi
iului
ome nesc
” g.
lui, cu carea va veni (NTB, Mt.,
24, 30);
„ ce
fac
carii Botezul
(NTB, 1Cor.
unulu-
împregi
(NTB, Romani ” g.
(NTB, FA, 13,
43) ;
g. Au
(NTB, FA,
15, 20) ;
„î
n
zilele scrisoarei” g. (NTB, FA, 5, 37) („in di e
bu s
pr ofessionis”
) (la traduction coïncide avec celles de
CB, CP et BB -i a pune cortul mi e u” g. Cor tul i
as t
e trupul;
(NTB, 2P El i
sa f
tei”
g. - - (NTB, Lc., 1, 40); „
ma i l
es ni i
aste
pren uriache a ac
ul ui
a
tr
ea ce”
g. -i funea corabii, iar în cest
(NTB, Mt., 19, 24); „
« Cin e v a cre ade într
u mi ne, cum zi
c e
se
z i
ce, cug et
e l
e cuvintelor
suf l
e tului)”
(CCI, 191, 28-31).
3.6. Par ses possibilités (et par ses libertés), la glose assiste le texte et le complète.
Si ce dernier se constitue – pou r
autant qu ’i
l pu isse – en ima g e de l
’ original traduit, la
g l
os e t
en t
e de ref
lé t
er ave c sou pl esse
le con t
en u seul.
Pa r l
’intermé di ai
re
de s g l
ose s le
lecteur peut être orienté et protégé contre les éventuelles connotations et nuances qui,
e xist
an t
en rouma in pou r ce rt
a i
n s terme s,
l’aur aient con du i
tsur un faux chemin ou
ina déquat à l
a compr é hen si
on du texte.
D’ autres fois, par d es glose s synonymi que s on
e xpli
qu e l
e sens
d’ un terme pa r
tic uli
er ma rqué du poin t
de vu e région a l
et dia chroniqu e ,
ou diast
ratiqu e,
ou l’on
pr écise (su r
tout pa r li
mi tation) certains sens. Cela montre que le
lexique se structure construisant à la fois le niveau lexical-sémantique du côté littéraire,
mais aussi en restructurant le niveau mental des utilisateurs du texte, tout comme le
déroulement des processus en question: ilor g.
(NTB, Romani, 15 , 2 5) ( l
’e xplic at
ion c oncern e l e se ns c on t
e xtue l);
besearicile g.
(NTB, Romani, 16, 6) ;
beseareca g. Adunarea (NTB, FA, 5, 11); beseareca g.
(NTB, FA, 20, 28) ; g. Besearecei (NTB,
1Cor., 14, 4 )
; beseareciei g. (NTB, Col., 1, 18); besearecii g.
(NTB, Fil., 2)1 Moisi” g .
Leagea (NTB, 2Cor., 3, 15)2; Isus g. Isus
Naviin (NTB, Evr., 4, 8) (précision non se uleme nt
juste, ma is auss i
bi en utile )
; „Ga lilea
limbilor”
g . (NTB, Mt., 4,
15)
(lat.
„Ga lilea ge ntium” , gr .
) ;
g. -s cu
1
Vu le fait que, en roumain ancien, pouvait se référer, comme de nos jours, au
bâ t
ime nt
a uss
i bien qu’ à la
réuni on des
fidèl
es,
ce qui n’
e s
t pas va lable pour , au-delà du
rôle de s gloses
d e mont rer c
laire
me nt
de quoi
il
s’ag i
t à c
e
mome nt -là dans le texte, leur simple
prése nce ,
autreme nt dit l’opti
on de ne
pas uti
li
ser directement dans le texte le terme de la glose,
dé mont re é g
aleme nt que la
tradu ct
ion es
s ay
ait
d’ut il
iser
de s
terme s formelleme nt équi valents
à
ceux du texte à traduire.
2
Par référence directe à la Torah.
14
unghi de fieru (NTB, FA, 27 nevinovat a fi
” g. -
(NTB, 1Tim., 3, 2)
(„i
rreprehe
n s
ibil
e m ess
e ”
;
).
3.7. Des formules telles que etc. apparaissent
fréquemment dans les textes roumains anciens, où, le plus souvent, on les rencontre
a vec la v aleur de ‘ c’est-à-dir
e, en d’a u
tres termes, c ela s i
gnifie ’
. Pa r
foi s
e l
les
a pparti
enn ent au t
ra duc t
e ur rouma i
n ,
d’aut
res fois
ell
es s ont incluses dans
le t
ex te à
traduire et sont traduites avec celui-ci. Ces formules introduisent une catégorie
impor tante de gl
ose s ex plicati
ves,
qu i
on t
fini par
appa rt
enir au tex te, n’ét
a nt pl us
ma r
g i
n a
les, et
à l’
a i
de de sque l
les
le l
ecteur
reçoit
d e
s expl icati
on s
, il est édif
ié .
C’ e s
t
ainsi que se passent les choses d NTB, I., 11,
16) („Thoma s, qui dicitu r
Didymus ”;
NTB, Mt., 4, 18) („
Simon em, qui v
oc at
ur Petru s”;
Saul (carele- i
Pa vel
)” g.
-
încolea, Pavel (NTB, FA, 13, 9);
le
lect
eur es
t protégé
contr e
les possibles confusions ,
et
1
Le fait que le texte latin ne procède pas de manière similaire avec le texte grec, et ne traduit pas
le nom Tabitha, mais pose le terme présent dans la version grecque est significatif pour la mesure
où l e t ex t
e sa crali
sé e nglobe l
a g l
os e en lui transfé r
ant a insi
s on e nt i
ère s ac ral
ité ;
il faut
mentionner que les traductions roumaines du XVIe siècle vont procéder de même que le texte grec
et celui slavon, en rendant le mot en roumain, et respectivement en slavon.
15
où le discours dans la glose glisse explicitement dans cette direction, en essayant de
pr omouv oir
u ne option de
tradu cti
on ,
de j
u sti
fier une situation apparue, et qu i
n’e st
pas
due au traducteur, ou de porter à la connaissance du lecteur certaines informations, pour
que celui-ci ait une image complète de la situation existante dans le texte à traduire.
L’ i
ntér
ê t de ces g l
os es consiste ég ale
me nt da ns le fait que ,
au-delà des informations
offertes au lecteur – pa r l
’intermé diaire desqu elles le
tradu cteu r,
en construisa nt
un peti
t
di scours persua s
if,
ch erc he d’obt enir
l’adh ésion du l
ecteu r
–elles indiquent une relation
entre le traducteur et le lecteur, ce dernier étant soustrait au discours du texte et invité à
participer aux petits ennuis du traducteur. Le lecteur sort ainsi du monde imaginaire du
liv re
et
il prend
conn a issanc e
de s effort
s
du mon de r
é el
, g r
â ce au xquels s’
é difie
le
livre
qu ’
il
lit
. C’ est
un type de
g l
os e pa r
laqu ell
e on conscie nt
ise un processus culturel, de
pair avec les composants et les voies de la genèse de la traduction. Dans cette catégorie
on pourrait énumérer: smochin g. -i mur (NTB, Lc.
-s dafine (PO, Ex., 37, 19) (sous Ex., 25, 34
Stîlpurile colo
... am scris creangure (PO, Ex., 37, 21) la référence porte sur Ex., 25, 32, 33, 35; „în
ficiorul lui I
raclie ”
g. într-alt
ul dzîce „î
n dzîl
ele
” (VS
1
Ces dernières gloses illustrent une manière dont le traducteur essayait de justifier sa traduction
c omme
étant c onforme a ux ca nons de
l’
orthodoxi
e, du poi
nt de vue
de s source s. Po ur la r
elation
de ces sentences avec la vérité, voir Al. Gafton, ca traducere, p. 9-17, in Palia
(1582), t. II Studi
2 er
Il
s
’a git
du I Concile de Jérusalem.
16
sy stémi que ,
d’expa ns i
on et de perf
e ctionneme nt
s t
ructur el
et fonctionnel.
En outre, les gloses détendent la langue soumise aux torsions de la traduction
littérale, libèrent les sens et guident le public à travers la sphère conceptuelle du texte,
un public auquel non seulement on offre la capacité de compréhension, ma i
s qui
s’a vère
dou é aus si d’un système de rai
s onneme nt
né cessa i
re.
SIGLES ET BIBLIOGRAPHIE
1. Editions de la Bible
Biblia 2001, = Biblia
La Sainte Bible Polyglotte, contenant le texte hébreu original, le texte grec des Septante le texte
latin de la Vulgate et
la tr
aduc t
ion frança i
se de M. L’ Abbé Gl
a i
r e
a vec
les dif
fére nces
de l’
hé breu, de s Septante et de
la Vul ga t
e; (.
..
) pa r F. Vi g
ourou x, Ancien Testament,
tome I Le Pentateuque, Paris, 1900, tome V, 1904.
Septuaginta. Id est Vetus Testamentum Graece ixta 70 interpretes (...), Leges et historiae,
Stuttgart, 1935.
Biblia sacra iuxta Vulgatam versionem (...) recensuit et brevi apparatu instruxit Robertus Weber
Osb, editio altera emendata, tomus I, Genesis-Psalmi, Stuttgart, 1975.
2. Editions de textes
Biblia 1688
2001, 2002.
CB = Codicele Bratul
CCÎ = Coresi, Carte cu înv I,
Textul
CP = reproduits en facsimiles par I. Bianu, IV. Lucrul Apostolesc.
3
CS = Codex Sturdzanus, Etude philologique et linguistique, edition du texte par Gh. Chivu,
17
THE PRINCIPLE OF ECONOMY IN LANGUAGE
Abstract: The present paper describes how the principle of economy in language deals
with the devices of communication process, establishing an inverse ratio between the sentence
structure and the complexity of the message.
The linguists after Saussure have been preoccupied either to establish new
pr incipl es or to ov e rt
h r
ow the old on es. Th u s,
Be nv eniste sa id:
“li
ngu is ts’ assertion
a bou t the arbit
r ary of
the
des ignati
on s doe s not ma nag e to destroy the
spe ak er’s t
otall y
oppos e d i n t
uition ( …) So, t he doma i
n of th e a rbitrary will be excluded from
u nde rstan ding
t he li
n gu i
stic
sign .
” (BENVENI STE,
20 00, I
: 52)
The test which may prove that a certain characteristic of language is a principle
that should research whether it is implied in each linguistic level (Ch. Morris –N.
Chomsky).
This way there have been described such principles as similarity and difference
(Saussure: in language everything consists in differences as everything consists in
groups), which, in fact, relate the language structure to the way reason functions
(c l
as ses of units’
fo rma tion).
The arbitrary of linguistic sign is not a principle, but a characteristic which is
really important (the conventional character is simultaneously manifest). A sign such as
tree is arbitrary, but a sentence such as It is raining is validated/motivated by its truth value.
One of the language principles which have been unavoidably formulated by
linguists is the principle of economy in language (information theory: the quantitative
pr op ortion betwe en informa tion and sy mbol s); during communicating, the higher speed
of thought continuously presents a phase difference from the linear development of the
significant elements.
It has been described especially at the phonological level by A. Martinet
(Économies des changements phonétique) an d it h as bee n c onsi
dered „ re spon si
ble ,
eventually, for the phonological articulation (1964: 94).
This principle is sure to be applied at the phonological level. Martinet, Zipf,
Troubetzkoy describe the configuration and the asymmetry of the organs which
represent the articulator basis, the correlation between them and the distinctive features
that generate the system harmony.
However, none of them searches the starting point, the physiological
determinism of the system (still, Zipf called it the principle of the minimal effort).
Could we imagine a language formed only of vowels?
The main economy factors of the phonetic stream, those which regulate the
articulator energy, are the consonants, having three means to control the vowels
aperture (occlusive, fricative and affricate).
A principle of language must be manifest at every level.
18
At the semantic level it appears by the phenomenon of semantic investiture:
there could be formed an almost infinite number of combinations with the phonemes in
a language. However, not all of them are signs of that language, but only those which,
by means of a convention, get semantic investiture. This situation was discussed by
Be nv eniste: “For a si
gn to e
xi st
it
mus t
and it is suffici
en t that i t should be
a c cepted and
correlated somehow with the other signs. Is the entity formed this way significant? The
answer is <Yes> or <No>. If it is, we stop the inquiry and register it. If it is not, we
reject it
and t
h i
s is ov er.” (
BENVENI STE,
2 000, II
: 191, limbaj).
In his study The Economy of Language, Sextil Puscariu offers examples of this
principle without being focused on systematizing them at every level. It is true that he
begins with extra-l ex i
c al el
e me nts; h e refers t o b r
evi loqu en c e ,
ell
ips i
s, mor pheme,
derivation and, in a questionable manner, to grammatical instruments, empty words,
repetition, internal inflexion which is not specific to Romanian and analytical inflexion
which requires more than the minimal effort.
At the lexical level, the role of mobile derivation can be noticed if it is
compared to heteronyms (father –mother, brother – sist
er …) ; t
he mobi le suffix es
reduce the two words to only one: elev,- - - lup,- …
Sometimes the compression is evident: –p (but not
de doctor – ); schoolboy - schoolgirl ( – ).
The same role is accomplished by derivation from a phrase (a pune în cerc –a
– – …) , r
egres sive
derivation (a cânta –cânt -c ânt are, cânte c; a auz i
– auz ,
auz ir
e; a ve dea –
vedere…) and de -phrasing, meaning verbal phrases reducing (a da telefon – a t
elefona ;
a da ordin - – ).
Conversion is rarer, but in consistent structures: –
mincinos –mi ncinos ul…
With noun morphology there can be noticed the a few examples. With certain
proper nouns some elements can be skipped: Elisaveta –Saveta -Ve ta; Al exandr u –
Sandu…
There can also be noticed that the synthetic inflexion is preferred to analytical
structures: mijloc de cetate – –
pentru mama flori – …
The atomistic declension of the Latin phrase is abandoned: discipuli seduli –
elevului harnic, not elevului harnicului; st
il
l: .
The determiner morphemes can express both generic values (
– - – ) and
individual ones (De unde ai luat ziarul? –ziarul acesta) ; on the contrar y,
i
mpl i ci
t
values may be suggested ( ).
With the adjective, there are other characteristics that must be focused on: a
high frequency of ca, which competes with decât, when the comparison object is
ex pressed; a r
eg ression of the inferiorit
y compa ra t
ive de gre e , wh i
le t
he superi
or i
ty
comparative degree of the antonym is preferred.
The most interesting assertion which belongs to S. Puscariu and is to be found in
the quo te
d st
u dy shows tha t
“
an other typical
si
tu ation of
eco n omy i s t
he
pron oun ” (
p .
469 ).
In fact, all the substitutes (the qualitative ones –pronouns and the quantitative
ones –the numerals), but not only these, have been generated to set up again the
compressive information in the sentence. Due to this fact, the pronoun substitutes
function as trans-phrasal connectors in the text.
19
We have to remark that the role of economy factors is accomplished not only
by the substitute pronouns (which replace the name of the object), but also by the
institute pronouns (which introduce the speaker and the receiver in communication). If
the pronoun eu did not exist, a sentence like should be reformulated as:
In fact, the pronoun belongs to the wider category of pro-forms and it has often
be en appr oach e d this way: “the pron ou ns are pr o-forms (substitutes) that get their
reference out of the communication frame (those pronouns which are used deictically),
or the sentence context (pronouns which are used as anaphoric), or they get any value
20
The contraction is, in fact, a shortening, a reducing (AVRAM, 1987, p.183). At
this point of the syntactic structure the principle requires a fundamental marked
difference between the predicate and all the other syntactic elements. These can extend
to the corresponding subordinate clauses by predicate formation phenomenon.
Predicate, by its nature, can not become a predicate, as it is already one. As it does not
impose its position at the complex sentence level, it does not resemble to the subject
clause, so the latter remains a subordinate, although it represents the extension of a
subject, a main part of sentence.
All these language elements are to be found at pragmatic level, in a form or
another. Expressions or phrases (structures made out of proper linguistic signs) transmit
not only the referential meaning of the language items, but an illocutionary message
which eventually proves to be decisive for discourse orienting and a perlocutionary one
which, in fact, represents the message efficiency in communication. While at
vocabulary level polysemy seems to be placed far from the ideal of a unique meaning of
a perfect communication, at pragmatic level the sentence meaning is determined by the
extralinguistic context which generates it and by the expectations configuration which
surround even the speaker. But all these are rarely explicit, they are implied by the basic
locutionary support, according to the inverse ratio between efficiency and effort.
The principle of economy in language is a device which regulates the
infrastructure of the message and its externalization forms during communication, so it
may be found in every micro-system of language.
BIBLIOGRAPHY
Avram, 1987 –M. Avram,
Benveniste, 2000 –E. Benveniste,
Univ ers
itas;
– , Cluj-Napoca,
Editura Cl usi
um;
– I. Nedelcu, Morfosintaxa limbii
române
Martinet, 1964 –A. Martinet, Économies des changements phonétiques,
Be rr
na ;
Pomian, 2008 – I. Pomian,
Paralela
4 5;
Pu -
Minerva
21
CERTAINS ASPECTS SEMANTICO-STRUCTURELS DE LA
DEFINITION DU TERME JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE
Ludmila HOMETKOVSKI
Université Libre Internationale de Moldavie
22
Schéma 1. L’indépendance du concept de la définition dans la terminologie
juridique communautaire.
23
• l
a
for
mat
ion
des
terme s at
tribués
a ux conce pt
s.
La somme de toutes les caractéristiques d'un concept constitue son intension
(Schéma 2).
24
notions. Les spécialistes (CABRÉ, 1998 : 183- -169;
CIOBANU, 1998 : 38-39; REY,
1992 : 42-43; OTMAN, 1996 : 19) ont relevé une série
de r è gle s qu i pe rmette nt
d’é tablir le rappo rt
d’ide ntité en tr
e le definiendum et le
definiens. Plus bas, nous allons évoquer les principales règles de définition des concepts
juridiques communautaires :
1. La définition doit inclure la totalité des caractéristiques, de façon que le
definiens corresponde au definiendum et seulement à lui. Par exemple, la définition Le
mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire est incomplète et inadéquate, parce
que le definiens décision judiciaire ne se réfère pas seulement au definiendum mandat
d'arrêt européen. Le rapport entre le definiendum et le definiens est un rapport de
subordination et pas d'identité. Pour que la définition obtienne un contenu complet et
vrai, il est nécessaire que, de toutes les caractéristiques existantes dans le contenu du
definiendum, le definiens choisisse celles qui, prises ensemble, forme une base
suffisante pour préciser la classe reflétée par le definiendum. La définition analytique Le
mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue
de l'arrestation et de la remise par un autre État membre d'une personne recherchée
pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement
est correcte et complète, parce que le definiens en énonçant toutes les notes
caractéristiques du definiendum identifie pleinement et systématiquement la notion
donnée par rapport à tous les autres concepts du domaine communautaire.
2. La définition doit être per genus (ou per proximum genus) et differentiam
(ou differentias). Ex.: Les agences de l'Union européenne sont des organismes de droit
public européen possédant la personnalité juridique, créés par un acte communautaire
de droit dérivé en vue de remplir une fonction de nature technique, scientifique ou de
gestion spécifique.
3. La définition ne doit pas être circulaire, c'est-à-dire le definiens ne doit pas
contenir le definiendum, comme dans l'exemple: Les critères de Maastricht sont les cinq
critères définis dans le traité de Maastricht. Le sens d'un terme ne doit pas être défini à
l’aide d’ un aut
re terme don t
la sign ifi
ca ti
on est
défi
n i
e à l’ai
de du p r
e mie r
terme . Bie n
qu e l’a ffirma ti
on de l'
é noncé n ’es
t pas fau sse,
sa valeu r
infor ma tive
e st
n ulle,
c ar
il
ne
communique rien sur le definiendum.
4. La
dé fini
tion
doit
ê tre
log i
qu eme n
t aff
ir
ma tive ,
c’est-à-dire elle doit préciser
ce qui est le definiendum e t n e pa s mon t
rer ce qu ’il n’e st
pa s. Pa r e xempl e ,
Le
Par le me nt europ éen n’e st
pas une instituti
on du Cons e i
l de l’Eur ope est une définition
confuse.
5. La défini
tion doit
ê tr
e c laire et préci
se,
c ’est-à-dire le definiens ne doit pas
contenir de termes confus ou de notions vides, figures de style etc. comme, par
exemple, dans la définition La Commission européenne est le mot e ur de
l’UE.
6. La
dé fini
tion ne
doi t
pa s ent rer
e n
contradic t
ion avec d’au tr
es
dé fi
n it
ion s du
même domaine.
7. La définition doit tenir compte, en mesure du possible, des résultats de
l'
ac ti
on de thésau r
isation, respe ctiveme nt d’hiéra
rch isation e t d’ a ssociation dans le
cadr e du sy s
tème de s con cepts d’ où fait parti
e le definiendum. De cette façon, en
fonction des caractéristiques du definiendum la définition indique aussi la position de la
not i
on da n s le sy s
tème .
Le s dé fin i
ti
on s
de tous les conc epts d’ uncertain système
doi ve nt c on corder du point de vu e de l’hiérarchi
sation et de l’a ssoci at
ion .
Ce tte règ l
e
facilite l'élaboration des définitions.
8. Tous les concepts qui apparaissent dans une définition doivent etre définis
antérieurement dans le cadre de la même action terminologique. Cette règle facilite
25
également l'élaboration des définitions par le schéma de rapports entre les concepts. Par
exemple, dans la définition ci-dessous sont marqués d'un astérisque les termes définis
antérieurement: Conférence intergouvernementale – c'est une réunion où les
gouvernements des États membres* de l'Union européenne* se retrouvent pour modifier
les traités communautaires*.
9. La définition d'un concept doit être concise. Les définitions très longues
dénotent le fait que les notions ne sont pas assez clairement systématisées. Ex.: Le
Comité politique et de sécurité –connu sous l'abréviation française « COPS », le
Comité politique et de sécurité est la structure permanente en matière de politique
étrangère et de sécurité commune visée à l'article 25 du traité sur l'Union européenne...
(Su it un e descripti
on détaill
ée de la compos i
tion de l
’organisme , de ses mission s,
de s
responsabilités, du statut, des données relatives au siège, etc.). Cette définition contient
tan t
d’éléme n t
s et de car
a ct
er ist
iqu e s
non essentiels que le definiens s’est
t
ran sformé
da ns un e des cr
iption ampl e qu i n’ e
st pa s cepe nda nt
compl è
te. La définiti
on s er
ait
suffisante dans la formule suivante: Le Comité politique et de sécurité est la structure
permanente en matière de politique étrangère et de sécurité commune visée à l'article
25 du traité sur l'Union européenne.
10. La définition ne doit pas être tautologique et contenir des paraphrases qui
n’a ppor ten t
a ucun e informa tion s u r
l e terme dé fin
i. Ex.:Stratégie de Lisbonne:
stratégie lancée à Lisbonne en 2000. La définition par synonymes est également
tautologique.
11. La définition doit être rédigée correctement du point de vue linguistique.
12. La définition doit être formulée tout en tenant compte du public visé
(spécialistes ou public non-initié). A comparer, par exemple, la définition du terme
comitologie destinée à un public initié : Comitologie –pratique institutionnelle du
système communautaire conduisant à instituer de nombreux comités pour assister
Cons eil e t
Commi ss i
on da ns l ’ exercice de l e urs co mpé tenc es. Compos és de
repr é sentants des Etats membr es et pré si
dé s
par
la Commi ssi
on,
ils pallient
l’impar f
aite
répartition des pouvoirs entre Conseil et Commission avec la définition du même terme
adressée aux non-initiés : Comitologie –ce terme désigne la « procédure du comité ». Il
décrit l'obligation dans laquelle se trouve la Commission de consulter des comités
cons ult
atifs spéciaux ,
compos és d'e xper t
s des Etats me mbre s
, avant de me tt
re
e n œuvr e
la législation communautaire.
13. Dans toute définition, les descripteurs doivent faire partie de la même
classe que le terme décrit. Dans ce sens, la définition suivante du terme
communautarisation est incorrecte: communautarisation –ce terme technique signifie
que l'on transfère une matière du deuxième ou troisième pilier vers le premier pilier
pour qu’e ll
e puisse ê tr
e traitée se lon la méthode communaut aire, la variante correcte
étant l e t
r ansfert
d’ une mat i
è re du deuxième ou troisième pilie
r
v ers le premi e r
pili
e r
pour qu’e ll
e puisse être trait
é e se lon la mé thode
c ommun autaire. Si les catégories ne
coï nc i
de nt pa s,
il est pos si
ble d’ util
iser des ph r
as es ou des synta gme s équ ivalents:
supranational –qui est à un niveau supérieur aux gouvernements nationaux.
La typologie des définitions est très variée. Dans la littérature de spécialité
nous trouvons différents moyens de classification en fonction de la nature du
definiendum, la nature du definiens, la méthode de définir, la corrélation entre les
concepts e tc.
(CI OBANU, 1998 : 32;
MARTI N, 1990 :
88).
Da ns le tableau
c i
-dessous,
nous proposons certaines recommandations applicables aux différents types de
définitions dans la terminologie du droit communautaire :
26
Type de définition Exemples Recommandations
terminologiques
1. Définition Testament – acte juridique
intentionnelle/partitive unilatéral par lequel une Recommandable
personne, le testateur, exprime
ses dernières volontés et dispose
de ses biens pour le temps qui
suivra sa mort.
2. Définition nominale On appelle «Etats membres» les
pays qui font partie d'une Admissible
organisation internationale.
2.1. Définition lexicale/ Tribunal: 1.
Li eu où l’on rend
d’enregistre ment la j
us t
ice; 2. Ma gistrat
ou cor ps A se limiter aux
de magistrats exerçant une significations
jur idi
c ti
on; 3 . J uridi ction spécialisées du terme
infé ri
eur e; 4.
J ustice de Di eu;
5.
Jugement moral.
2.2. Définition énumérative Les langues officielles de
l’Uni on e ur opé enn e s ont: Admissible
allemand, anglais, bulgare, s’i
l y a
un nombre
danois, espagnol, estonien, relativement bas
finnois, français, grec, hongrois, d’ é l
éme nts du
irlandais, italien, letton, definiendum
lituanien, maltais, néerlandais,
polonais, portugais, roumain,
slovaque, slovène, suédois et
tchèque.
2.3. Définition ostensive Les agences communautaires
sont: Office de l'harmonisation Admissible pour les
dans le marché intérieur, textes de
Agence européenne pour la popularisation
reconstruction, Autorité
européenne de sécurité des
aliments, Fondation européenne
pour l'amélioration des
conditions de vie et de travail,
Agence européenne des droits
fondamentaux, Centre de
traduction des organes de l'UE
etc.
2.4. Définition stipulative 1. Convention –un groupe de
personnes représentant les
institutions européennes et les Admissible
gouvernements et parlements
nationaux, qui se réunissent
pour rédiger un document
important.
2. AELE –ce sigle désigne
l'Association européenne de
libre-échange, une organisation
créée en 1960 afin de permettre
à ses membres d'échanger
librement leurs marchandises.
2.5. Définition de précision Agenda – Ce terme signifie
27
littéralement l'«ordre du jour»,
c'est-à-dire «les choses à faire». Admissible
Il désigne généralement la liste
des points qui doivent être
discutés lors d'une réunion, mais
les hommes politiques l'utilisent
aussi dans leur jargon pour
désigner les objectifs qu'ils
veulent atteindre. Par exemple,
l'«agenda social européen»
définit les objectifs que l'Union
souhaite atteindre au cours des
prochaines années dans le
domaine de l'emploi et de la
politique sociale.
3. Définition fonctionnelle Eurotarifs – Les eurotarifs
désignent les nouveaux plafonds
tarifaires que les opérateurs de Admissible
téléphonie mobile sont autorisés
à appliquer pour les appels
effectués ou reçus à l'étranger.
4. Définition opérationnelle Eurobaromètre –service de la
Commission qui mesure et Admissible
analyse les tendances dans
l'opinion publique de tous les
Etats membres et des pays
candidats.
5. Définition par synonyme Pacte – terme synonyme de
traité. A éviter
Traité –synonyme de protocole,
accord, convention, pacte...
6. Définition par exemplification Une organisation universelle
c ’est
pa r
exempl e l
’ONU. A éviter
7. Définition contextuelle Le Parlement européen est
informé et consulté, il peut A éviter
adresser des questions ou
formuler des recommandations à
l’intention du Co nse i
l.
8. Définition Acte unilatéral –acte juridique
extensionnelle/générique résultant de la manifestation de A éviter
v olon té
d’un e se ul
e pe r
sonne –
testament authentique, testament
mystique, testament olographe,
testament conjonctif etc.
28
En dépit de son haut degré de technicité, l'ITeC est premièrement une base de
données à caractère scientifique qui fournit des informations tant sur le concept
juridique communautaire concret que sur les relations établies entre ce concept et les
concepts voisins.
BIBLIOGRAPHIE
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Boutard Labarde, M.-Ch., « Propos communautaires autour de deux mots : vocabulaire juridique
et définition », in Beauchard, J., Couvrat P. (dir.), Droit civil, procédure, linguistique juridique –
Ecrits en hommage à Gérard Cornu, PUF, Paris, 1994
Cabré, M. T., La Terminologie. Théorie, méthode et applications, Les Presses de l'Université
d'Ottawa, Ottawa, 1998
Ciobanu, G., Elemente de terminologie, Editu
Cornu, G., Linguistique juridique, Montchrestien, Paris, 2000
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Larousse, Paris, 1990
Guilbert, L., « Lexicographie et terminologie », in Terminologie 76. Colloque International, Paris
–La Défense, 15-18 juin 1976, La Maison du Dictionnaire, Paris, 1977
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Mazière, F., « Une analyse de la définition, formes, historicité et idéologie », in Le français dans
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Mill, J. S., A System of Logic, Ratiocinative and Inductive: being a connected View of the
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Rey, A., La terminologie: noms et notions, PUF, Paris, 1992
Riegel, M., « La définition, acte du langage ordinaire », in Chaurand, J. et Mazière, F. (éds.), La
définition, Larousse, Paris, 1990
29
OVERLAPPI
NG
IDENTI
TIES
IN
DAVI
D JONES’
POETRY
Martin POTTER
University of Bucharest
Abstract: David Jones was a twentieth-century British modernist poet, with mixed
English and Welsh parentage, and a concern about the English and Welsh elements in British
identity, as well as the place of British identity in European, and Western, identity. I shall
exami ne
how Jone s e
xpresses
this
conc ern in hi
s poetry and pr opos e
that
i
t is
Jone s’
teleological
world view which allows him to see different levels of identity as harmonising rather than as in
conflict.
30
up an improvised Good Friday procession in the garden at the age of about seven, as he
recounts in a later letter (JONES, 2008: 246-7). He did not start his writing career until
after the First World War, inspired by his experiences as a soldier to start composing In
Parenthesis. However, in parallel with his poetic works he developed a theory of art,
which he discussed in detail in the prefaces and notes to his poetic works, and in many
essays. His theory of art is based on the idea of sacramentality: that is, he believes that
works of art are analogous to religious sacraments, in that they do not just imitate
some thing ,
bu t
ma ke i
t pr e
sent
(se e “Ar t
an d Sacra me nt”,
in J
ONES,
1 959: 173-5). He
regards the characteristic of being artists as the defining characteristic of humans, who,
in his cosmology, are uniquely placed as mediators of the material and spiritual worlds,
and thus equipped to be sign-makers (see ibid. 176-8). His world view, with its
insistence on the reality of the material and the spiritual, is characterised by layerings
and hierarchies, leading him to an interest in archaeology and geology as well as
c ul
tu ral
hi s
tor y.
He frequ entl
y talks of “de posits” (as noted by PIGGOTT, 199 6: 333) ,
of accumulations of cultural material, and one layer in an accumulation does not
destroy, remove, or invalidate those below. This world view is crucial to how he tackles
the complex issue of British identity.
The issue of British identity is of course complex due to the combination of
groups that consider themselves as nationalities living together on the Island of Britain,
not to mention issues such as the r e l
ations hip with Ireland.
As
I hav e me nti
on ed, J
on es’
Welsh ancestry on his paternal side made him strongly aware of the distinctness of
Welsh culture, but his approach to British identity was also affected in important ways
by his Catholic conversion. Although Wales and Ireland fell under English domination
during the Middle Ages, the union of England and Scotland and the accompanying
attempt at the creation of a British national identity did not occur until after the
Reformation, and it has been argued, for example by the theologian Aidan Nichols, that
the timing of British unification has led British Catholics to tend to view British identity
as something Protestant, and to feel more attached to separate English, Welsh and
Scottish identities (NICHOLS, 2008: 23-4). Therefore in forming a concept of British
identity which is not dependent on post-Reformation Protestant nation-building
discourse a Catholic writer is likely to insist on the distinctness of the component
nationalities of Britain, at the same time as bringing them together, as Jones in fact
does. Being Catholic and being partly Welsh also give Jones a distinct historical
perspective, to the extent that British Catholics and Welsh people are both interested in
earlier historical periods than is typically the case with people from the English
Protestant majority culture, who tend to view the Tudor period as the period of national
greatness, and to regard anything prior to the Reformation as very distant, an attitude of
which Jones was critical (see STAUDT, 1994: 153). British Catholics often view the
Middle Ages as the golden period in British history, and the Welsh are interested in the
pe ri
od be fore t
he l oss of indepe nden ce in 1283. Th us J ones’ We lsh a nd Ca tholic
viewpoints require a looking back into history in support of the task of interpreting
iden tit
y in
th e presen t
. Jon es’
Ca tholi
c ang le al
so ma kes him sen si
tive to t
h e cultural
links between Britain and the European continent, and to links to the Mediterranean in
particular.
Having introduced David Jones and his background I shall now discuss how
British national identities feature in his poetry, first tackling Welsh and English
identities separately, then looking at how they combine, and after this considering how
the European dimension is i nclude d.
Da v i
d Jones’ emph a s
is
on
We lshne ss
is one of t
h e
most striking characteristics of his poetry, and has even drawn criticism: René Hague, a
31
c l
os e fri
e nd and generally a n admi rer, fe
lt that Jon es’ knowl edg e an d expe rience of
Wales was insufficient to justify the Welsh emphasis in his poetry (see Hague
“Introdu c t
or y”,
in JONES, 20 08: 23) .
Howe v er,
this criti
c i
sm i
s pe r
h aps misplac ed,
as
Wales for Jones was a cultural topos and a place of the imagination, as has been pointed
out by Kathleen Henderson St au dt (STAUDT, 1994:
16 ), who compa r es Dav id Jon e
s’
Wa les to, for example ,
Ye ats’ By zantium; sh e also not i
c e
s t
hat, unlike Yeats ,
Jon es
’
concern is nevertheless with the real place as well as with the cultural gestalt. Jones
introduces extensive references to Welsh history and mythology, often including words
and phrases in Welsh, throughout his poetic work. In In Parenthesis the main character,
John Ball, is a member of a London-Welsh regiment, as Jones was himself, and the
Welsh members of the regiment introduce Welsh folklore and mythology, singing
Welsh folksongs and making Welsh cultural allusions. Of two significant episodes
throug h whi ch long We l
sh c ultural
me mo r
ies are
e voke d, one
is
the “boa s
t”,
in whi ch a
Welsh soldier makes a speech recalling the Welsh involvement in various historical
events (JONES, 2003: 79-84) ,
alludin g
to a
numbe r of Jon es’
favou ri
te We ls
h le g
e ndary
figures, such as Brân, a mythical personage associated with London, Elen Lluddawg, a
heroine from the mythology regarding the sub-Roma n period, and Ki n g Arthu r (
“ The
Di rector of Toil” JONES, 2003: 82). An ot
he r episode soon a f
ter
the “ boa st
”, descr i
bes
another Welsh soldier, Lance-Cor poral Lewi s, as some one who “fed on ”
ma tt
er s
of
Welsh cultural history, such as the legendary descent of the Welsh from Aeneas (Jones,
2003: 89), in contrast to English people and Welsh people from Anglicised parts of
Wales. In The Anathemata, a kind of epic poem but with no main characters present
through the poem as a whole, Jones again makes extensive reference to the same set of
Welsh-related allusions, and includes plentiful Welsh vocabulary. In the section
“Ma binog’ s Lit
u r
gy ”
h e use s t
he We lsh st
ory c
y cle The Mabinogion as an intertext for
the New Testament. In the collection The Sleeping Lord Welsh-related motifs abound,
such as that of rulers sleeping in caves and due to return, and the legend of the boar
called Trwyth, who devastated Wales. Apart from drawing attention to aspects of Welsh
myth and legend which would be familiar to Welsh speakers, but unfamiliar to others,
Jones also specially concentrates on the period in which the transition happened from
the end of the Roman Empire in Britain to the independent Welsh princes, a period
well-known to Welsh speakers but largely unknown to English speakers. Jones, in
emphasising this period, is highlighting a number of points, including the fact that
Welsh culture is a living link to the Roman presence in Britain, unlike English culture,
which arrived and developed after the Romans had left, and the fact that the Welsh were
the British in Roman times.
The English, in contrast to the Welsh, are, in In Parenthesis a short-memoried
people, and the cultural allusions associated with the London soldiers are often
contemporary ones, related to popular early twentieth-century London culture. In The
Anathemata Jones dev otes a section (“Ang le-La nd” )
to the a r
ri
v al
of th e Angl o-Saxon
pe ople s
in Britai
n ,
an d an other s ecti
on (
“Re f
rif
f” ) t
o the Thame s-side ship-building
tradition, which he was connected to through his paternal grandfather. An association is
also sometimes made between the empire-building, practical Roman mentality,
pa rt
ic ul
a rl
y i
n
the
form of professiona l
soldiers, and coc kneys, as in “ The Tr ibu ne’
s
Vi sit
a ti
on ” in
The Sleeping Lord. Jones tends, however, to bring up Englishness in ways
which show up its connections with Welsh culture, allowing a kind of interleaving of
the two to be seen.
For example, in In Parethesis a ma jor i
n tert
ex t
is Ma lory’s wr i
ti
ngs on
Ki ng
Arthur, a combination of Welsh legendary material (which has passed through
32
continental channels) with an English presentation. In The Anathemata the important
mi ddle
se ct
ion “
Th e
La dy of t
h e
Pool” feat
u res a Lon don l
av ender
seller,
El en Mon i
c a,
conversing with a sea-captain, although only she is heard, and her speech, alluding to a
multitude of elements of London myth and legend, emphasises the Welsh lore relating
to London, such as the story of Lludd, mythical founder of London, and Brân, whose
head, in Welsh myth, was buried under the White Hill (identified with the site of the
Tower of London), to protect the island of Britain (see JONES, 1972: 163 note 3). This
inclusion of Welsh London-related myth makes known to English-language readers the
existence of a Welsh-Br itish phase of
Lon don’ s history, probably previously unknown
to them, and shows Welsh culture as a culture of the whole island of Britain, and as a
foundation of English culture, rather than as the culture only of a Western fringe. While
Scotland is only occasionally mentioned by Jones, who thereby adheres to his poetic
principle that the poet should write about what he is familiar with, bringing out the
ge neral from the parti
cu lar (see Jones “Not es on t
he 1930s ”, i
n JONES 1978: 46),
Sc otland’s
int
e rnal Celti
c -Germanic ethnic complex is indirectly commented on through
Jones concentration on the encounter between the Celts and the Anglo-Saxons in the
sub-Roman period, many of the British Celts having been based in what is now
Scotland, such as the group commemorated in the oldest Welsh poem, the Gododdin.
The Gododdin is an important intertext for In Parenthesis, and recounts a battle
between Angles and a group of Britons who were based in the area where Edinburgh
now is.
David Jones does not have an exclusively insular perspective, and in fact takes
pains to introduce an ultra-insular context into his poetic work. In In Parenthesis, the
ac t
ion
of whi ch
is set
on the First
Wor l
d Wa r’s
We stern Front, on
the contine nt
, he
tr
ie s
to do this by including European intertexts. For example, he makes the Chanson de
Roland a key intertext, and includes German words and phrases, wishing to draw
attention to cultural commonality rather than division with the opposition. In The
Anathemata the
first
secti on (“Rite
and Fore ti
me ” ),
whi ch is
pa rt
ly
about the geological
formation of Britain, recalls the time when Britain was not yet geographically isolated
(see J ONES, 197 2: 64). Two of t
h e s
e ct
ions (‘Mi ddle-Sea and Lear-Se a’ and “
Ke el,
Ra m, St auros” )
c on cern the v oyage of a s hip,
i n t he an cie
nt pe ri
od, from the
Mediterranean to Britain, and back, representing the way that British civilisation has in
many ways been developed from Mediterranean sources. The final two sections
(“Ma binog ’s
Li t
u r
gy ” an d “Sh ert
hursdaye an d Ve nu s
Da y ”),
emph asisi
ng the event
s of
the New Testament, connect British culture with the Eastern Mediterranean. The Roman
Empire is important for Jones, being the conduit to Britain of many cultural influences,
including the Church, which he sees as a kind of successor organisation to the Roman
Empire, and, in addition, a frequent theme, present in most of the poems of the
collection The Sleeping Lord, is that of the Roman Empire as a precursor of the British
Empire. Influenced by his reading of Spengler, and inspired by seeing British soldiers in
Jerusalem during his visit there during the British Mandate (see JONES, 2008: 56-6), he
draws a parallel between the late British Empire of the twentieth century, a period, he
believes, of civilisational decline, and the late Roman Empire of the early Christian
period, a period during which a civilisation passes from its zenith towards its eventual
dissolution and replacement. He imagines, in many of the poems of The Sleeping Lord,
British soldiers in the Roman army, and goes further, imagining them present in
Jerusalem during the events of the New Testament. He also mentions in the preface to
“Th e Fa t
ig ue” (JONES, 1995: 25)
a le
g i
on
wh i
c h wa s
pr esent
in
Brit
ain and Palest
ine at
different times.
33
As we have seen, Jones has a complex vision of British identity. British
identity for him is at once composed of distinct identities, such as Welsh and English,
and also participates in overarching European and Western identities and cultural
currents. His account however is not one of irreconcilable conflicts but of coexistences
and interweavings. His metaphysical vision helps him in resolving the cultural
complexities he portrays into an ultimate harmony. His world view is teleological,
seeing a spiritual purpose in human history: therefore all elements which build up that
cultural history, which allows the purposes of Providence to be fulfilled in the world,
are leg i
tima t
e, and to be tr
easur ed. Eve r
y in dividu al’s
and e very grou p’s ide ntity i
s a
composite of all elements that have gone into its development, and i
t i
s
the poe t’s
task
to commemorate all these elements on behalf of the groups the identities pertain to. Just
as, i
n the divin e
plan ,
t
h e purpos e is that
n o individual shou l
d be lost (
“ Wh oe ver he
was/ Dona eis requiem/ sempiternam./ He would not lose him/ ... non perdidi/ ex eis
quemquam. )” (JONES, 1972: 66), the poet wishes not to lose any strand in the cultural
weave he is celebrating.
David Jones poetry is not typical for his period, in that, though he believed he
was living through a period of decline, he does not focus on crisis. Looking at human
ev ents from a me t
aphy sic al
lev el eleva t
ed abov e th e world’s su r
face, like Ch au cer’
s
Troilus, he sees purpose in the confusion, and richness in the complexity. British
identity, like any national identity, to Jones, is not of an absolute value, but is a step on
the way to beatitude.
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“ Da vid Jones a nd the Pa st
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Staudt, Kathleen Henderson, At the Turn of a Civilization: David Jones and Modern Poetics, Ann
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34
PRÉSENCE
DE L’
AUTRE DANS LE DISCOURS ET STRATÉGIES
D’
EFFACEMENT
ÉNONCIATIF :
L’ÉNONCIATION
PROVERBIALE
Uni
ver
sit
é „Vas
il
e
Ale
csandr
i”
Résumé : Dans la construction de leurs discours, les locuteurs font appel fréquemment,
à la pré-ex is
tenc e d’un dire e xpr
imé sous forme de disc our s
re présenté,
dire ac compa gné
d’ un
haut de gré d’efface me nt é
no nciati
f.
L’énonc iati
o n prov e rbi
al e est une s t
rat é gie d’ ef
fac eme nt
énonc iati
f qui re l
è ve d’un régime de cit
ati
on
spé cifi
que . Elle pe r
me t au l
oc ute ur
de re-présenter
un point de
v ue appar emme nt object
if,
par
l’empl oi d’u n é
n onc é autonome appartenant à un
Thésaurus commun au locuteur et à son allocutaire.
Les proverbes et les locutions sentencieuses fondent les compétences culturelles
par ta
gé es par
une commu naut é
li
nguisti
que .
L’introduc ti
on d’u n proverbe par u n locuteur donné
dans son discours témoigne de son enracinement dans un contexte social bien déterminé. La
carac tér
istique essent i
e l
le de s proverbes
c onsist
e rai
t da ns le f
ait qu’il
s ont un sen s fi
x é
par
convention, le même pour tout locuteur. Notre intérêt est centré justement sur l e statut du locuteur
et
sur l
e li
e n qu’ i
l ét
a blit,
lors de l
’énonciat
ion, av ec
le po int
de vue exprimé
par le prov erbe. Ce
problème a suscité un vif débat parmi les sémanticiens et les pragmaticiens qui ont essayé de
cerner la définition et le fonctionnement des proverbes. La question: Un proverbe peut-il ou non
constituer un jugement individuel? reçoit des réponses relevant de deux tendances contraires:
une tendance plus liée à la tradition, conformément à laquelle les proverbes véhiculent
l’
e xpression de « la sagesse populaire » et une tendance opposée qui conteste cette position du
proverbe –jugement collectif.
Notre travail
por t
e s
u r
un e de s
f
or me s pa
rti
cu l
ières d’h é
té r
ogén é
ité
én onci
a t
iv e
da ns le discou rs
repé s
e n
té (
DR) ,
liée à l
’effacement énonciatif. Ce simulacre énonciatif
est une stratégie (R. Vion 2001, P. Charaudeau 2002, A. Rabatel 2003) qui correspond,
selon A. Rabatel (RABATEL, 2005: 116), à « un appa reil
for mel de l’efface
me nt
énonciatif ». Le locuteur donne « l ’ i
mpr ession qu’il
se reti
re de l’
én onc
iation,
qu ’il
«objectivise» son discours en «gommant» non seulement les marques les plus
manifestes de sa présence (les embrayeurs) mais également le marquage de toute source
énonciative identifiable » (VION, 2001: 334). Cette stratégie est illustrée par
l’énonc iation hi
storiquedéfinie par Benveniste et par l ’énonc iat
ion s
cienti
fique(ou
théorique). R. Vion envisage aussi un autre cas de figure, qui se dissout dans la
catég orie de l’énonc i
a t
ion scientifique, à s avoir
la con struction d’«un énonciateur
abstrait et complexe, comme celui qui prendrait en charge un proverbe, un slogan
publicitaire, un texte de loi, un article non signé de journal » (ibidem, 334). P.
Ch ara udea u (1992) propose,
lui aus si,
deux formes d’effacement énonciatif où l
’on a
affaire à « une énonciation apparemment objective (au sens de «déliée de la subjectivité
du locuteur») laissant apparaître sur la s
c ène de l
’acte
de commun i
cation
de s
Pr opos et
35
des Textes qu i
n’appa r
tie nnent
pas a
u sujet
parl
ant (point
de
v ue
externe). Dès lors deux
cas peuvent se présenter:
- Le Propos
s’impos e de
lui
-même […]
- Le propos est un Texte déjà produit par un autre locuteur et le sujet parlant
n’aurait
don c
qu’à jouer l
e r
ôle de
rapporteur [
…] C’es t
l
e cas de diff
ére ntes
for me s de
Discours rapporté » (CHARAUDEAU, 1992: 649-650).
Not re
ob j
e ct
if
e st
un e
analys
e d’un phénomè ne
d’effac eme nt
én on ci
atif prése n
t
assez souvent da ns le DR de s personna g
es de I onesco, à savoir l ’énon ciation
proverbiale.
L’
énonc
iat
ion
prove
rbi
ale
.
Des
cri
pti
on
1
Les proverbes sont considérés par D. Sperber et D. Wilson comme des énoncés écho
(1989: 357). A partir de cette définition donnée aux proverbes par D. Sperber et D. Wilson, J.-M.
Gouv ard (1996: 57) propos e de r
e dé f
inir
les
proverbes comme l’écho d’un éc ho: « Un énoncé
proverbial
est un é nonc é d ont l’interprétat
ion é c
ho éce
s sai
reme nt
que l
’én oncé
dont l
e
locuteur se
fa it
l’écho n’e st
lui-même interprétable que sous forme écho ».
36
inspirées par la théorie ducrotienne 1: on ne considère plus que dans ce type de
constructions un individu particulier prend en charge une expression normalement
attribuée à un énonciateur collectif (la vox populi). J.-M. Gouvard considère que ces
con s t
ruction s s
on t
sé ma ntique ment c
ompl ex es;
ell
es «représentent à la fois le fait que
«X croit que PROVERBE» dans le monde réel, et le fait que «PROVERBE» dans le
monde des croyances de X » ( GOUVARD, 2004: 213) . L’ én on ciateur d’ un e
con s t
ruction du t
ype «X verbe d’ opinion PROVERBE» n’est pa s le su jet
du v erbe
d’opi nion (qui aff
irme un iqueme nt qu’il a
c ette c
royance /
opi nion ),
ma is l
a sagesse des
nations.
2
Ch . Mi chaux (1996) éme t l
’hy pot hèse que certa i
ns proverbe s peuvent, en
lectu re
s
u bjec t
ive,
de v e
n ir le
s comp l
éme nts de s
ver
be s
d’ opinio n personn ell
e. C’est la
raison pour laquelle, Ch. Michaux remet en cause le caractère non individuel définitoire
de s prove rbes .
G. Kleibe r (1994, 1999) re j
ette la
possi
bilité qu’a urai
t un
in dividu d’être
le responsable du proverbe. Selon G. Kleiber, le proverbe perd son statut de proverbe
lors qu’ilse trouve dans des constructions de ce type: il subit une opération de
déproverbialisation et devient une phrase générique. Pour G. Kleiber (1994, 1999), les
proverbes sont des « dé n omi nati
on s d’un t
ype «tr
ès t
rès spé cial
»», à savoir des signes-
phrases: « En tant que phrase, il [le proverbe] ne devrait pas être signe (ou unité codée),
pu isque
l’interprétati
on d’un e
ph rase e
s t
un e con s
truc
tion e t
non un don né préalable.
En
tan t que d é nomi n
a t
ion ,
il est
n
é anmoi ns un e unit
é cod ée, c’est-à-dire un signe. Un
signe-phrase donc, qui possède les vertus du signe sans perdre pour autant son caractère
de phrase, de même que substantifs, verbes, adjectifs, etc., sont des dénominations qui
con s er
v ent les att
ributs spé cifi
qu es des c a
té gories
gramma t
icales qu’ils r eprésentent »
(KLEIBER, 1994: 214). Cette définition justifie, aux yeux de G. Kleiber, le fait que le
loc uteur n’e st
pa s
l’au t
eu r du prove r
be (le
proverbe a
do n c un c ara
ctè re collectif
, non
individuel) et, en plus, rend compte, au niveau formel, du fait que le loc u teur n’est
pa s
l’au teur
de la f
orme du
pr ov e
rbe. Da ns un
ar t
icle
ult
érieur (199 9),
Ch .
Mi c haux fait
un e
analyse critique de la conception nominale du proverbe de G. Kleiber. Elle montre,
d’un e part, que l
e pr ove rbe présen t
e un ce rt
a i
n nombr e de spé cif
icités référentielles
diffé re
n t
e s du
n om commun et,
d’a ut
re
pa rt, qu’une
dé fi
ni t
ion du prov er be en terme s
dénominatifs ne rend pas totalement compte de la sémantique proverbiale3.
1
Dans des énoncés du type «X croit que PROVERBE» on considère, généralement, que
l’énonc i
ate ur du prove rbe
est l’entité à l
aq ue ll
e renvoie l
’ex pr es
sion li
n guist
ique e n fo nction de
sujet dans la principale.
2
Il s’agit
des prov erbe s qui i
ntrinsè queme nt r
épon dent a u cri
tère
s éma nti
que de prédication
originelle.
Ce tte notion porte sur le fait
que l’
opinion exprimé e par
le
loc uteur
ave c je trouve que
s ’
établit
à pa r
tir
de s
d on nées préalables (ou prédication originelle) dont dispose déjà le locuteur.
3
L’insuffisanc e d’une conc eption pur eme nt
nomi nale du prov e r
be cond uit
Ch. Mi cha ux à me ttr
e
l’accent sur l
a forme log i
que et sur l
e s s
c hé mas d’abstractio n t
hé matique s(en anglais TAU –
Thematic Abstraction Units), représentations conceptuelles se présentant sous la forme de grilles
de cases reliées entre elles par des relations logiques causales, temporelles.
37
pré-e x i
sten ce
d’ un dire
e xprimé s ou s for me de DR, dire acc ompa gn é d’ un h au t degré
d’e ffaceme nt é non ciati f
. Ce tte for me par ti
culiè r
e d’hétérog éné ité énon ciativ e dans l
e
DR, liée
à l’in
s erti
on d’ ex pres s
ion s pr ov erbiales ,
relève, selon
D. Ma i
n gu e n eau (2004),
de la particitation. La particitation1 se
c ara ct
ér i
s e
pa r
la cita
t i
on d’u n énon cé au tonome ,
citation
ma rqu ée un iqu eme nt par un dé cala ge interne
à l’
é non ciation, sans in dic ation de
la sou r
ce d e la pa role rapp ortée; en plu s, l
e locute ur ci
tan t mon tr
e son adh ésion au
con te nu de l
’én on cé c ité
qu i appa rtien t à un
Thésaurus indissociable de la communauté
où il circule.
Généralement, les proverbes sont assimilés aux phénomènes de citation sans
auteur. Not r
e
dé ma rch e
pa rt
de l
’in terrog a ti
on de leu r
stat
u t
da ns l
e
discours théâtral de
Ionesco. Une première question: S’ agi t-il vraiment de proverbes? La réponse à cette
qu es t
ion
v arie, selon nou s, en fon ction de la
situation
d’é non ciati
on (inte rne ou ex t
erne)
où l’on
pla ce
l’ana lyse .
Si l
’on se pla ce au niv eau
de l
’énon ciation externe, on constate
que les personnages de Ionesco semblent respecter les règles du code linguistique
reconnu par les lecteurs/spectateurs (généralement une structure binaire construite sur
des symétries syntaxiques et prosodiques), mais au niveau sémantique, on assiste à une
su bv ersi
on de la l og iqu e e t de la c h aîne s éma n ti
que pa r l’e mpl oi de s pr ov erbes
dé formé s e t de s f aux pr ov erbes. Au n ive au de l ’énon c
i ati
on i ntern e, on pou rrai
t
considérer que les proverbes construits par les personnages sont compatibles avec le
monde fictif des pièces, et que, par conséquent, ils correspondent à un Thésaurus
partagé par tous et sont reconnus comme tels grâce à leur forme. Comme au niveau de
l’én on ci
a t
ion i ntern e l es c hos es s e mbl e nt a ssez c lai
res ,
ma lg ré l’impo ssibilité de
préciser avec exactitude les représentations conceptuelles et les relations entre ces
représentations dont disposent les personnages, nous choisissons de situer notre analyse
au n iveau de l’én on ci a
tion e xt
e rne . Da ns u n pr emi er temps , n ous n ou s pr oposons
d’ide n t
ifier les proc édé s con du i
sa nt à la c réati
on de s f
or me s pr ov er
bi ales à pa rti
r des
proverbes attestés dans le monde non fictif.
Nous constatons que, dans le discours théâtral de Ionesco, les proverbes
attestés (dans le monde non fictif) subissent des modifications, modifications qui
n’e ntraîne nt pou rtan t
pas che z l
es lec t
e urs /
spe ctateurs l’
impos sibilité de re con n a î
tr
e
la
proverbialité des formes qui résultent à la suite de ces transformations. Les
lecteurs/spectateurs reconnaissent intuitivement que ces formes ressemblent à des
prov erbes, bi e
n qu ’il
s soient i
n c
a pa ble s, au pr emi er abord, d’ en pr éciser le se ns .
Nous
adopt ons l ’hypot h èse de Ch. Mi ch au x, pou r laqu ell
e l ’
é non c i
a t
ion d’ un pr overbe
appor te
de u x type s d’i nforma ti
on s à l’in terprétant :
informations de nature conceptuelle
et informations de nature procédurale. Nous considérons que cette hypothèse est valable
aussi dans le cas des formes proverbiales. Ces formes proverbiales résultées à la suite
des transformations sont porteuses, tout comme les prove r
be s att
e st
é s,
d’ infor ma t
ions
conceptuelles (les lecteurs/spectateurs doivent associer la respective forme proverbiale
au x entit
é s e xtraling uistique s aux qu e lles e l
le renvoie )
, ma is au ssi
d’ inf or ma tions de
nature procédurale (informations qui guident les lecteurs/spectateurs dans le processus
d’in terpréta t
ion ).
Ce
pr oc essus
d’in terpr étation impl iqu e,
d’u n côté ,
la conv oc ation d’un
sché ma d’ abs traction thé mat ique, et de l
’a utr
e côté, l
e
trait
e me nt
de l
a forme logique2.
1
La particitation, tel
le qu’ ell
e e st c onçue par
D. Maingue ne
au, correspond à une forme
particulière de la coénonciation définie par A. Rabatel.
2
Selon Ch. Michaux, le recours à la forme logique (au sens de D. Sperber et D. Wilson, 1989)
perme t l’ex pl
ic ation de
tous les usag es des proverbe s.
Et
comme l
a convoc at
ion d’ un schéma
d’abs t
rac tion thé ma t
iquene suffit pas, à elle seule, à rendre compte du processus interprétatif,
38
Comme notre objectif principal n ’est
pas de pr é
ciser
ce pa rcours interprétati
f, ma is
d’an al
y ser
l e ph énomè ne d’ effa c
eme nt é n onciati
f pr é sen t
da ns l ’én onciat
ion
proverbiale, nous nous arrêtons à la forme, à savoir à la fixité formelle, car c’est
à c e
niveau que le phénomène en question se laisse découvrir.
La proverbialité des formes proverbiales que nous avons identifiées dans le
discours théâtral de Ionesco ne fait aucun doute. Ch. Michaux a identifié trois types de
transformations autorisées, t
rans f
or ma ti
ons que l’on peut
retrou ver aussi chez Ionesco:
a) v ari
a t
ion s d’un prov er be at
testé
( modi ficat
ion du ma t
érie l
lex i
cal ave c
respe ct
du schéma
d’ abst
racti
on
thé ma ti
que du pr overbe
sou rce):
b)
détour
nements
d’un prover
be a
ttes
té
(modif
icat
ion
du ma
tér
iel
le
xic
al
et
a
lté
rat
ion
du
sché
ma
d’a
bstr
acti
on
thé
ma t
iqu
e du
prov
erbe
sourc
e):
ell
e f ormul e l ’hypothè se,
e n s ’inspir
ant d es
t r ava ux de La k
of f et Tur ner
c onsac ré
s à
l’
int
e rprétati
on de s énonc és mé taphoriques, que c e pr oc essus est
f ondé surdes « structures
cognitives pré-câblées où entrent les concepts constitutifs de la forme logique » (1999: 100).
39
proverbe attesté: Rira bien qui rira le dernier.
1
Nous adoptons la transcription des polyphonistes scandinaves cf. H. Nølke et al., 2004.
40
en scèn e, l
or s
de l’énonc i
a ti
on ,
un e
a u t
re voix (ON,
u n tier
s
colle
c t
if
selon H.
Nøl ke
et
al., 2004), garant de la vérité du proverbe. Le point de vue exprimé dans le proverbe est
successivement assumé par deux instances: ON (« la sagesse des nations »), puis par le
loc uteur de
l’énonc é
( i
ma ge
du LOC, sou r
c e de
l’énonc iati
on )
.
Au niveau de l’énon ciati
on e
x t
ern e,
un e hy pothè s
e pos si
ble qu ’on pou r
rai
t
avancer est que le responsable du point de vue exprimé dans la forme proverbiale, tout
comme le r
e s
pon sable de l’é nonciati
on de c et
te forme prov e
rbiale
(le
re sponsable à
la
fois
du sen s
et de
la
forme don c) est
LOC, à tra
v ers
son image,
le locut
e ur de l
’énoncé.
En effet, cette création individuelle, (re-) pré s
en t
ée sous f
orme d’énoncé n on embrayé,
qu i répon d aux cara ct
éristiques forme ll
es de s prov erbes et pou r
l’i
n terprét
a t
ion de
laquelle les lecteurs/spectateurs doivent avoir en vue des informations conceptuelles et
procédurales1,
e s
t
é non cée et pri
se en c har
g e par l
e l
oc uteu r
de
l’énoncé. Le
personnage,
en tant que LOC, influe sur le point de vue exprimé dans le proverbe attesté que les
lecteurs/spectateurs identifient comme appartenant à la doxa du monde non fictif, en
altéran t
la forme et/
ou le con tenu de l’é
n on cé
ci
té.
On pou r
rait
c
on s
idé rer
au s
s i
que
LOC s’app uie sur
l
’a ut
orité de ci
tat
ions qu ’il
enchâsse dans s
on dis
cou rs, au
torité
qui
serait attribuée à un Thésaurus spécifique du monde non fictif, bien que ce Thésaurus
reste flou pour les lecteurs/spectateurs.
La présence de ces formes proverbiales, créations individuelles cachées par la
stra t
ég i
e de l’
ef f
ac eme nt
é non ciat
if,
a côt
é des proverbe s at
test
é s
rend plus
évidente
la
distance qui sépare les deux univers, fictif et
n on ficti
f .
L’apparit
ion/la cita
tion d’un
proverbe attesté dans le discours des personnages conduit à une avalanche de
déformations qui ont pour résultat la production des formes vides où les absurdités
s’in sèrent:
1
Cette interprétation échoue parfois, car les lecteurs/spectateurs ont du mal à trouver, même dans
le monde fictif, des représentations conceptuelles à attribuer aux formes proverbiales. Certaines
représentations conceptuelles dont disposeraient les locuteurs peuvent être identifiées assez
facilement: L’ état d’extrême pa uvreté
génè re les
mauv aises habitude s, pour la forme proverbiale
en (3), Chaque personne a sa propre version de la vérité, pour la forme proverbiale en (7), ou
Celui qui détient le savoir est vraiment fort, pour la forme proverbiale en (9). Mais quelle
représentation conceptuelle attribuer aux formes proverbiales A mineure, mineure et demie! (10)
et Dans la vie, il faut regarder par la fenêtre (11)?
41
Tr
ois
ième
Femme:
C’es
t surt
ou t
le
curable qui ne peut être
gu
éri
.
C’e
st
du
poi
son
.» (Jeux de massacre, t. V: 17-18)
Pour conclure
L’én onc i
a t
ion p r
ov erbiale
e st
une stratégie d’
e ffacement énon ciatif qui
r e
lève
d’un r
é gi
me de ci
ta t
ion spé cifi
qu e
. Ell
e
perme t
au locuteu r
de r
e-présenter un point de
vu e appa r
emme nt obj ecti
f, pa r l’
e mploi d’u n é noncé au t
onome a ppa rtenant à un
Thésaurus commun au locuteur et à son allocutaire. Dans le discours théâtral de Ionesco
les proverbes attestés dans le monde non fictif subissent des modifications, ce qui nous
con duit à pa r
le r
pl utôt de forme s prove rbiales.
L’ i
nterpré
tation de c es f ormes
prov erbia
les pos e des problème s
surtout
au nive au
de l
a sit
ua t
ion
d’ énon ciation externe,
car l’at
tri
bution des représentations
con ceptu
e lles
à ces forme s
échou e.
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la syntaxe à la narratologie énonciative, Ophrys Gap, Paris, 2001, pp. 331-354
42
LA MAJUSCULE,
ENTRE « REPRODUCTION » ET « TRADUCTION »
Bianca-Stela BOULARAND
Université Paris-Est
Grâce à sa relation avec le nom propre, la majuscule utilisée pour des noms
intégrés dans des réseaux métaphoriques sert à leur donner corps, à les transformer en
allégories. Michèle Aquien remarque dans son Dictionnaire de poétique : « Les
allégories sont marquées typographiquement par des majuscules au début des termes
concernés, leur conférant ainsi un statut de nom propre » (AQUIEN, 1999 : 146). Par
exemple, dans la séquence suivante :
que l
a vie
m’ aurai
t
trompé comme
tous
le
s aut
res
, l
a Vi
e,
la
vrai
e maî
tr
ess
e
des véritables hommes (V 232)
la majuscule sert à projeter la deuxième occurrence du nom « vie » vers une dimension
anthropomorphique, allégorique, rendant vive (pour employer le terme de Paul Ricoeur)
ce
qu e, dans un e premi ère occurrence,
n’ é
tait
qu’un e mét
a phore lexicalisée, morte.
Avec la deuxième occurrence, on rentre dans une isotopie concrète entièrement
cohérente. Ce signe graphique remplace une vision figurée par une vision picturale, car
elle
fa i
t basculer enti
è r
e me n t dans l’
espace du compa rant
, de l’autre côté du miroir,
dans le « monde possible » évoqué par Umberto Eco.
Pour certains noms allégoriques, Céline va plus loin, car il accompagne
l’ut
ilisati
on de la ma juscu l
e d’une struct
urati
o n
fon c
tionnel
le tout à f
ait i
de nti
qu e au
nom propre. Cela passe pa r l
a
s u
ppre s
sion du dét
ermin ant
,
pa r
l’«auto-détermination »
(GARY-PRIEUR, 1994 : 68), propriété essentielle qui sert depuis toujours à opposer le
43
nom propre au nom commun. Alors que la majuscule marque une analogie partielle
av ec le nom propr e, l
’a bsence de déterminant signale désormais un véritable nom de
pe rson ne,
et
impos e
l’an thr
opomor phi
s ati
on int
é grale
de la not i
on .
Cette n ou vell
e forme pe rme t à Cé line d’ i
n t
e n si
fie r l’
ef fet
de v ari
a t
ion
gra phique ,
puisqu ’il
a la possibil
ité
d’u ti
li
ser concomi tamment trois formes distinctes :
le mot à minuscule avec article, le mot à majuscule avec article, le mot à majuscule sans
article. Les voici réunis dans un même passage :
C’ est
le
quar ti
er précieux , qu’ on m’a expliqué
plus
tard,
le quar tier pour
l’or:
Manhat t
an. On n’y entr e
qu ’à pied,
comme à
l’église.
C’ est l
e beau cœur en
Banque d u monde d’auj our d’hu i
.
Il y en a pour tant
qui
c r
ac hent
pa r
ter
re en
pas sant. Faut êt
re
os é.
C’ es t
un quar t
ie r
qu’en es t
rempli d’or,
un vrai
miracle,
et mê me qu’on peut l’entendre le miracle à travers les portes avec son bruit de
dollars qu’on froisse, lui tou jours t
rop légerle Dollar, un vrai Saint-Esprit,
plus précieux que du sang. Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut
pas croire qu’il
s pe uvent se se r
vir comme ça selon leur caprice. Pas du tout.
Ils parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils
se confessent quoi. Pas beaucoup de bruit, des lampes bien douces, un tout
mi nusc ule guiche t
e ntre de haute s
ar che s
, c’e st
tout. Ils ne l ’av al
ent pas
l’Hos ti
e .
Ils
se
la me tte
nt
s ur
le cœur. (Voyage au bout de la nuit, p. 192-193)
La
variati
on de
la graph i
e s’accompa g ne
d’un e
v a
riation séma ntique
du t
er me.
La première occurrence marque la valeur concrète et inanimée des billets (« bruit de
dollars »). Dans la deuxième, la présence de la majuscule et le rapprochement
métaphorique in praesentia introduisent des caractéristiques animées (« lui toujours trop
léger le Dollar, un vrai Saint-Esprit » )
, sans qu e,
pour auta nt, le terme s’éloigne du
fonct ionne me nt
mor p holog i
que d’un nom commu n.
Da ns l
a t
r oisième oc currenc e
, («ils
parlent à Dollar » ), le mot fi
n it
sa mon tée ve rs l
’all
égorie grâ ce à l’absen ce d’article
,
qui signale ce référent comme personne stricto sensu. La signification de ce syntagme
est, justement, « il
s pa rlen t à qu e
lqu’ un qui s’a ppe l
le
Do ll
ar», selon la thèse proposée
par G. Kleiber, pour qui « l e nom pr op re r eprésent
e l’abr év i
a t
ion du pr édic a
t de
dénomination être appelé/N/(x) » (KLEIBER, 1981 : 329). Tout au long du Voyage, le
mot Dollar est particulièrement sujet à cette anthropomorphisation intégrale. Céline
écrit « Vive Dollar » (V 185) à la place de « Vive le Dollar », « fils à Dollar » (V 185)
pour « fils du Dollar », « ils parlent à Dollar » (V 193) pour « ils parlent au Dollar ».
Cette évolution graphique en crescendo ne peut pas être séparée du
mouvement général du fragment, mouvement métaphorique qui se construit autour de
l’an alogie ent
re Ba nqu e et Égl i
s e.
Ce fragment contient, en effet, toutes les postures tropiques de l ’a nalogie: la
comparaison, la métaphore in praesentia, la métaphore in absentia, l’all
é gorie. Cé li
ne
commence par mettre en place la comparaison (« On y e ntre qu’à pied, c omme à
l’ég l
ise» ).
La s
u i
te textu elle n’a r
rive pas
à se décider
entre l
e s de ux is
otopies. Le texte
les e x pri
me d’u ne f açon mé la ngée , s
oit s ou s la forme n e tte de la mé taphore in
praesentia (« le Dollar, un vrai saint-Esprit », « u n quarti
er qu ’
e n est rempl i d’or, un
vrai miracle » ,
a n
a l
og ie qu i s
e déve loppe en su i
te par
l’ass
oc iation
du bruit des dollars
au bruit du miracle : « et mê me qu’on peut
l’ent endre
le miracle
à
travers
les portes
a vec
son bruit de dollars »), soit en mélangeant de manière contiguë des éléments
appartenant aux deux isotopies (« les fidèles entrent dans leur Banque »). Cette
hété rog éni
e
isotopiqu e se me t en pla ce
d’u ne ma nièr
e plus
su bt i
le ,
dév ié
e .
Le cœurde
44
« be au cœu r
e n Ba nqu e» rappelle par le signifiant homophone le c hœur de l’église, l
a
structure « plus précieux que du sang » met en contraste une valeur marchande (« plus
précieux ») avec une valeur religieuse (sang r appe lle le s an g de Jé sus). D’ a ut
res
sign ifiants en a ppa rence anodi ns se rangen t dan s l’un e ou l’autre de s isotopi es par
simpl e su gg est
ion .
Pa r ex empl e, l’isotopie de l’église est su ggérée da ns «faut pas
croire », où le verbe, ayant le sens banal de « il ne faut pas penser que », rappelle la
« croyance » religieuse, ou dans « se servir » qui fait penser au service religieux. Le
choix du signifiant léger, qui trava il
le à
la con créti
sa tion de l’isotopie de
l’église (
par
l’an alogie av ec le caract
è re éthéré, ine ff
able, du Saint-Esprit) f
ait réson ner l’isotopie
oppos é e
, de l
’arg e nt
, grâce
à son
a ntony me ,
lourd, présent dans des structures figées du
domaine financier : « monnaie lourde, franc lourd, etc. ».
L’éloign eme nt,
v oir
e l
’inc ompa ti
bilité
d es de ux isotopi es i
n t
e ns i
fi
e l
a t
e nsion
et la brutalité du mélange. Pierre Reverdy affirme dans ce sens : « Plus les rapports des
de ux
r éalités rappr och ées son t
lointain s et
j
u stes,
plu s l’i
ma ge s e
ra forte, plus elle aura
de puissance émotive et de réalité poétique » (REVERDY, 1926 : 32-33).
Les deux isotopies se rapprochent à une distance infinitésimale dans le texte,
pa r des
e mbr a y
e u rs
d’isotopie
tels l’adje c
tif
pos sessif
son (dans « son bruit de dollars »,
son représente en effet le référent miracle) , ou par l’a dj
ec t
ifvrai, que Irène Tamba-
Me cz con sidè r
e d’ ai
lleurs comme é l
é me nt
cens é combl er l
a dist
anc e e ntr
e ima g é et
ima gea nt pa r l ’intermé diaire de l ’ima gina ti
on: : « une telle identité relève de
l’ima g ination plu tôt qu e de s don nées de l’ e
xpé rien ce se nsible» (TAMBA-MECZ,
1975 : 35). « Vrai » est un simulacre de réel, il renforce « l ’
a ppa rente v ale
u r de v éri
té
objective », mais de toute évidence ne place pas dans le réel (FROMILHAGUE, 2005 :
58). Or ces deux i
sotopie s n’arri
v ent à s
e subs t
ituer l’u ne à
l’a utre
qu ’à l
a fin, dans l
e
dernier mot écrit avec majuscule, Hostie : « I ls ne l
’a valent p as l’
Hos tie». En effet,
sous-t e ndu e pa r l ’analogie a vec l a r ondeu r de la pi èce de mon naie ,
c ette ph rase
s’ins t
a ll
e uniqu eme nt dans
l’isotopi e de
l’i
ma geant (de l’
é gl
is e),
en repou ssan t
à bloc
tou te
t ra
c e de
l’isotopie
de l
’ima gé (de
l’argen t)
.
On observe donc que, dans cette évolution métaphorique, le passage par
l’allég orie («ils parlent à Dollar ») se constitue en une sorte de tremplin vers le
su rgisseme nt un ivoqu e de l
a seu l
e is
ot opie de
l’église. En ef
f et,
pa r
le fonctionn eme nt
morphologique (qui assimile le nom commun à un nom propre et son référent à une
personne du domaine religieux), cette occurrence passe presque entièrement du côté de
l’isotopi e de l
’ég lise,
pou ssant v ers l’
a boutisseme nt de la mé taph ore in absentia finale
(l’Hos ti
e). Il ne reste que le signifiant Dollar qui se r
ang e
du côté de l
’isotopi e de
l’arg en t
, ma is, en le structurant se l
on les principes du nom propre : « le nom propre
réfère mais ne signifie pas » (FOLKART : 233), Céline coupe presque entièrement ce
rapport. Dans ce sens, la structure avec article « ils parlent au Dollar » resterait
prisonnière du mélange entre les deux isotopies, car, si le verbe parler rappelle la
con fes si
on (l’
isot opie de l’église),
l
e fonctionne me nt mor ph olog i
qu e du n om Dollar
ga rde un contac t plus direct ave c son sens con c
r et
, et par l
à mê me , ave c l
’isotopi e de
l’arg en t
.
La mise en place de cette évolution allégorique, de la comparaison vers la
métaphore in absentia, en passant par le mélange gradué des deux isotopies, dépend
donc en grande partie de la manière de traduire la troisième occurrence du lexème
Dollar afin de
si gn i
fier s
a nature de
n om propr e
(l
’ess ence humaine du référent) et par
là de l e s upe rpos er, g r
âc e à c e v isa ge huma in, à l ’
éléme nt animé ( l
e pr être ,
le
confesseur, le Saint-Es prit
, voire Di eu mê me ) de l’i
sotopi e rel
ig ieuse.
45
A priori, en roumain, la même épreuve formelle de la compatibilité avec
l’art
icle régit la distinction entre le nom commun et le nom propre : « In general,
numele proprii nu accepta determinanti de tipul articolului definit » (GLR, I, 2005 :
125). Or, dans les structures au datif et au génitif, cette différence ne fonctionne plus,
ca r
l’arti
cle e st
présent
au tan t
da ns les
noms propr es qu e dans les
noms communs .
Pou r
le ma sc uli
n s
ingu l
ier (notre
c as) ,
il s
’a gi
t du mor ph è me lui. Si cet article parvient
toutefoi s
à disti
n guer l
e nom c ommun du nom propr e , c’
e st
grâce à l
a différence de
fonctionnement, car il est enclitique et intégré au nom commun (îi vorbesc prietenului),
a l
ors qu ’
il
e st
proc li
tiqu e et
dé tach é
du
n om propr e
(îi vorbesc lui Michel).
Dans la traduction de Maria Ivanescu (MI), le mot roumain dolar a une
évolution chaotique, allant presque dans un sens contraire au développement
mé taph oriqu e si
gn alé plus
h aut.
Si l
’équ iv
ale n
t
de la de ux i
ème occu r
re nce
(«trop léger
le Dollar » ) garde la ma ju scule e t l
’ar
ticle
dé fini
-ul (totdeauna prea gingas, Dolarul),
dans la traduction de la dernière occurrence (ils parlent à Dollar), le renoncement à la
majuscule, associé à la position enclitique du morphème -lui ôte tout rapport avec le
fonctionnement du nom propre : vorbesc dolarului. Signalons par ailleurs que tous les
noms communs fonctionnant selon le schéma des noms propres se retrouvent dans cette
traduc t
ion a ccompa gn és de l’a rti
cle(par exemple : « Vive Dollar » est traduit par
Traiasca Dolarul, « des fils à Dollar » est rendu par fii ai Dolarului). Il est fort
possible que la méprise de ce fonctionnement particulier résulte chez MI de certaines
lacunes dans la connaissance du français et de ses mécanismes linguistiques. Certains
contre-sens assez grossiers constatés tout au long de sa traduction témoigneraient dans
ce sens.
Chez Angela Cismas (AC), la prise en compte du fonctionnement textuel de
Dollar e
n ta n
t qu e n om pr opre passe pa r
l’absen ce d’art
ic l
e, ma is
é ga leme nt par la
présence de la graphie étrangère : îi vorbesc lui Dollar. En effet, la préservation du
double ll (alors qu e
le terme rouma i
n n’en contient
qu’ un seul),
impliqu ant le respect
du
principe traductionnel selon lequel le nom propre ne change pas sa forme dans la
traduction, est le meilleur garant formel de sa nature. Ce syntagme, qui parvient à
fonctionner comme un nom propre, garantit la mise en place de la variation, qui est
autant graphique que métaphorique, car il passe du nom commun proprement dit (cu
fosnetul lui de dolari) au nom commun qu i
se rapproc h e de l’
animé ,
pa r l
’ utili
sati
on de
la majuscule, mais auss i par l’
in clu s
ion dans la s
tructu re mé taphorique in praesentia (el,
vesnic prea usor, Dollarul), pour aboutir au nom propre stricto sensu, dénotant
exclusivement une personne (îi vorbesc lui Dollar).
Il
n’ en deme u re pas
moi ns que l’
év oluti
on
mé taph orique dans la traduction de
AC s ’
a rr
ê t
e là,
à caus e d’un déta il
culturel
qu i
pe r
tu rbe l
’efficaci
té de la mé taphore in
absentia dans « I ls ne
l’a valent pas l
’Ho stie». Le mot Hostie a un référent différent
da ns
l’e s
pa ce
c ul
turel rouma in.
Al ors
qu e
pou r l
es cath olique s
, l
’hostie a l
a forme
ronde
d’un e pièce de monn a ie,
c hez les orthodox es,
c e
qu i
tien t
la place
rituelle de l
’hosti
e e st
u n mor ceau de
pa i
n de for me ca rrée.
La
tradu ct
ion de ce
p oint
final de l’
or ganisat
ion
métaphorique, « l ’Hos ti
e», représente à vrai dire une plongée dans le vide dans les deux
traductions, car il est impossible, pour le lecteur qui ne possède pas une connaissance
c ul
turelle suf f
isante,
de saisir
les ba ses
de
cette métaph or e.
L’ écri
ture a
ve c mi nuscule
de
ce terme - nu-si înghit anafura (MI), sfînta cuminecatura (AC) , t
é moi gne d’un
cert
a in
e f
faceme nt de ce si
gn ifiant qui n’ arr
ive pas à s
’ i
ntégre r dans la l
ogique de ce tt
e anal
og ie
métaphorique.
46
Ai nsi
, ma lgré
le rapproch eme nt infinit
ési
ma l de l
’un iqu e
isotopie de l’
ég l
ise
(dû à la traduction adéquate de « ils parlent à Dollar »), cette traduction ne bascule à
aucun moment, de manière définitive, dans cette seule isotopie.
L’ort
hog r
aph e particulièr
e du fr
ança
is,
qui
c o
nsi
st
e à
écri
re l
es noms de
populations avec majuscule, aide Célin
e
à c
onst
rui
re
text
uel
lement
l’
image
all
égor
ique
de New-York en tant que femme :
La c ons t
ruc t
ion d e l ’es pace i s otopi qu e de l a f emme s ’
a ccompl i
t
pr ogr essiveme nt, par de s
élé me nts es s
e nti
e ls qu i
fon t
bas culer
du c ôté de
l’ima gea nt,
comme les pronoms (elles), les verbes contenant le sème +animé(« elles sont
couchées », « e lles s’al
lon gent», « elles attendent »), mais en réalité, le seul élément
tex tuel tangible qui i
n dique la rentrée compl ète dan s l
’isot
opie
de
l’huma in, mar quant le
basculement complet « du figuré au figuratif » est la majuscule à « l ’ Amé ri
cain e». En
effet, avec minuscule, « l ’amé ri
c ai
n e» est un nom de provenance adjectivale qui
s’a ppliqu e aux n on-humains (l a v il
le, l
’a mé ric aine ),
a l
ors qu’ave c
la ma juscule ,
qui se
justifie en tant que marqueur de la nationalité, « l ’Amé ricaine» ne peut avoir comme
ré férent qu’un être huma i
n
(la femme , l
’Amé ric aine ).
Pour qu e l’
e ff
e t
d’huma n is
a ti
on fon ction n e en f
r ançais
, il faut qu e
le lexème
américaine ait, morphologiquement, le statut de nom. En t
ant qu’a dject i
f,
américaine
garde une graphie uniforme avec minuscule, indifférente à la nature humaine ou non
h uma i
n e du mot qu’e ll
e accompa gn e (
la ville américaine, la femme américaine) . C’e s
t
don c l
e mé r
ite de Cé l
ine
d’avoi r su bloq uer la valeur adjectivale en utilisant la structure
« celle-là ». Le pronom celle adme t déjà diffic ileme nt d’être
con ti
gu à
u n modi ficateur
direct, les rares usages qui font exception (p.ex. c eux susceptibl
e s d’être élus) étant
difficilement acceptés par le s pu ri
s t
es .
Da ns ce s ens, l
’util
isati
on
du dé ict
iqu e
-là bloque
compl èt eme nt une telle
s
tructu r
a t
ion et par c on séqu en t
l’
e mploi du lexè me
américaine
en ta nt qu’a dje cti
f (*celle-là américaine) . D’ un a u
tre c ôt
é, l’uti
lis at
ion du pr on om
(celle-là) permet à Céline de marquer un champ référentiel qui intègre le sème
« humain » ,
a lor s qu e le n om qu ’
il re mpl a ce (cette ville-là) bloque complètement
l’élargis seme n t
s éma nti
qu e vers la dime nsio n an imé e .
On sait que le fonctionnement graphique du roumain ne permet pas
d’u ti
liser l
a
di ffé
r enc e mi nu scule/ma juscule pou r rempl ace r te x t
u el
leme nt l’i
ma g e
de la v i
lle par
ce lle de la f emme ,
pu i
squ e le s noms de popu la tions s ’
écriven t
e n rouma in a vec
minuscule. De surcroît, même la construction de la métaphore ville-femme est plus
difficile en roumain, car elle se heurte à une différence interlinguistique inhérente. Alors
que ville est du genre féminin, son équivalent sémantique normal (oras) est en roumain
du genre neutre, masculin au singulier, féminin au pluriel. Comme dans le texte
français, le signifiant qui réfère à la ville de New-York est toujours au singulier,
l’u t
ilisati
on d u mot oras (pratiquée par MI) impose dans cette traduction une image
entièrement masculine de la ville. Il y a adéquation entre le genre masculin du nom
47
(orasul, oras), tout comme du pronom anaphorique acesta (équivalent de celle-là) avec
les attributs virils, à composante manifestement érotique, correspondant à la raideur (în
picioare, absolut drept, pe verticala, se tinea drept, foarte teapan). Cette cohésion
masculine pousse MI à éliminer par ailleurs tout signe de féminité gênant qui briserait
l’unité de l’ima g e mascul
ine de la
ville a mér
icaine. Ains i
, en
tradui
sa nt le syntagme
« pas baisante » par fara strop de tandrete, MI efface les traits manifestement sexuels
qu i y s ont con tenu s et,
du coup, e
stompe l’
att
it
u de prov ocan t
e de l
a vil
le -femme. La
nature féminine est gardée en revanche pour les villes françaises, grâce au fait que
tou t
e s les oc cu rren ces qu
i s’y réf
èrent s ont
au pluri
el. Le s postur
e set les attributs
féminins présents dans le texte de Céline (frumoase, stau culcate, se-ntind, asteapta),
correspondant avec le genre grammatical, imposent ces villes comme des images
féminines homogènes, tout comme New-York est une image masculine homogène :
La présentation de New-Yor k
e n
tant
qu’ ent
ité en tièreme nt
ma scu l
ine
dé na t
ure
l’ima g e de la v i
lle a méricaine t
e l
le qu’ell
e est présentée par Cé l
ine, car,
tout
e n é t
ant
dot ée d’ une «virilité tranchée » (BLONDIAUX, 1985 : 99), la ville reste, dans le
Voyage, du côté du féminin. Or , c’est
j
usteme nt grâce à c
e t
te image hétérog ène que
Cé line pa rvien t
à exprime r
le mé lange d’at
tr
a ct
ion
et d’a ngoi sse
qu i
saisit
Ba rda mu au
contact de la ville. En effet, ce personnage est attiré par le côté féminin de la ville, mais
en même temps, son côt é ma s
cu l
in acti
v e
chez lui l
a han t
is e de l’
homos e xualité et donc
la répulsion.
C’ est cette atti
tude dua le, mé l
angée, qui di
spa raît da n
s la t
raduc ti
on de MI .
La
rencontre est celle de deux principes masculins, et force est de constater que, en
l’abs en ce
de traits féminins, la nature sexuelle du contact, qui sert de base à la mise en
place du sentiment de rejet, est plus difficilement saisissable.
Il
n ’en de me u r
e pas moi ns que,
mê me
dé pourvu e de l
’intensit
é qu e
lui con f
ère
la nature du rapport entre le voyageur et New-Yor k ,
l
’ ima ge mé taphor i
qu e da n s
la
traduction de MI a le mérite de garder une remarquable cohésion interne. MI a su
c ontou r ner l’i
nh é rence
li
ngu ist
i qu e
du
g e
nre gramma t
ica l différent
, et
mê me l’utiliser
à
son profit, pour dresser une opposition nette entre la féminité des villes européennes et
la virilité de la ville américaine.
La cons truc t
ion de
l ’
ima ge métaphoriqu e r
epos e, dan s
la t
radu cti
on
de AC,
sur
l’utilisa t
ion de de ux signif
iant s différ
e nt
s pou r dénomme r le réf
érent Ne w-York, à
savoir oras(ul) et metropola :
Inchipuiti-va ca orasul lor sta in picioare, cit se poate de drept. New York e un
oras care sta in picioare. Mai vazusem noi orase, bineinteles, si inca din cele
frumoase, si porturi, si inca din cele frumoase. Numai ca la noi, nu-i asa,
orasele sunt culcate, la malul marii ori pe fluvii, se raspindesc in peisaj,
asteapta calatorul, in timp ce metropola asta din America nu sta lesinata, nu,
ci teapana, colo, deloc futabila, teapana sa te ia cu frica. (AC)
48
New-Yor k,
dé nommé
d’ abo rd oras, accorde son genre grammatical (masculin)
avec les attributs de la verticalité : sta in picioare, cit se poate de drept. Il est désigné
ensuite sous le nom de metropola (lexème utilisé comme équivalent du pronom celle-
là), nom du genre féminin qui pe rme t
à l’
ima gina i
re de con str
uire un e r
e pr ésen tat
ion
féminine.
Le choix de deux lexèmes de genre différent impose New-York comme une
figu r
e h é tér
og ène, en t
raîna nt le mê me sen time nt d’attraction-hantise du personnage
de vant l’allia
n ce de ma scu l
in e
t de
f éminin. Il reste que dans la traduction, le mélange
se ma ni
f este s yntagma tiqu eme nt ( l
’ima ge ma s culine e st r empl acé e pa r
l ’ima g
e
féminine) alors que dans le Voyage, i
l est
pr ésent d’embl ée ,
de ma nière con c omi tante,
par la fusion entre un genre grammatical fé mi n i
n e t
des a t
tribu t
s de la v ir
ilité .
L’ usa ge
uniforme de métropole pou r la ville amé ricaine
au rai
t suffi pou r
ma rqu e r l
’h é térog éni
e
d’un e façon i
de nti
qu e au texte célin i
e n .
Bref, la ville de New-York est assimilée, dans les deux traductions, à des
images métaphoriques différentes. Aucune des traductrices ne parvient toutefois à
franchir ce passage du « figuré au figuratif », à ancrer dans le texte, par un repère
ma tériel,
l
’ uni
qu e i
sotopie
h uma i
n e, le recou rs au
c hang eme n t gr
aphi que (l
’e mpl oi de l
a
majus c ule)
n’étant aucun eme n t
pr odu ctif
, car
dé pou r
vu de sig ni
fication pou r le
l
e ct
e ur
roumain.
En traduisant le syntagme « celle-l à l’Amé ri
c a
in e», par la structure in timp ce
acesta, american, MI
reste en t
re le s de ux i
sot opies, l
’adje ct
if american s ’appl iqu ant aux
choses (oras american), mais aussi aux personnes (om american). En revanche, AC
en l
è ve tot al
eme n t
la valeur a nimé e, c ar
l’é quivalent pr opos é dé s
ig ne un e v i
lle, t
ou t
court (metropola asta din America).
Il existe cependant une modalité pour donner vie à cette métaphore, et
ma rqu er, s a
ns ambi guïté, l’i
ma ge de l
a femme da ns le tex te.
Elle p eut fon ctionn er
seulement si le nom est féminin (à savoir, vu la construction textuelle, uniquement dans
la traduction de AC). En roumain, certains adjectifs du genre féminin indiquant
l’origine nati
on ale on t
de s forme s di fférentes selon qu’ils
dé te
rmi nen t, j
u s t
e me n t
, un
nom représentant une personne ou une chose. Par exemple, la langue roumaine est
désignée comme romana, mais la femme roumaine est romanca, la langue française est
franceza, la femme française est frantuzoaica, la langue russe est rusa, la femme rusa
est rusoaica, etc. He ureuse me nt, l’équ ivalent du mot américaine se plie à ce type de
v ari
a t
ion. Pour désign er
un e femme d’ Amé ri que, on
u t
il
is e
, s urt
ou t
en tant que nom, le
signifiant americanca, alors que pou r une ch os e
or i
gina i
re d’ Amé r
iqu e,
l’adj e c
tif et l
e
nom ont la forme americana. Une traduction du type in timp ce asta, americanca aurait
don c pu a ncr
e r,
a vec le s moy en s pr opres du r ouma in ,
l ’imag e d’ un ê tre humain
(féminin) dans le texte. La majuscule sera donc « traduite », et pas seulement
« reproduite ».
BIBLIOGRAPHIE
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Aquien, M ., Molinié, J., Dictionnaire de Rhétorique et de Poétique, Librairie Générale Française,
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Bucuresti, 1978.
49
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Fromilhague, C., Les Figures de style, Armand Colin, Paris, 2005.
Gary-Prieur, M.-N., Grammaire du nom propre, Puf, Paris, 1994.
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Tamba-Mecz, I., « Sy s tè
me de l
’i
de ntifi
ca t
ion métaphorique dans l
a
construction appos i
ti
v e», Le
Français moderne, 1975.
50
VERLAINE –
TRADUI
RE
L’«INTRADUISIBLE»?
Résumé: Cet ouvrage traite une problématique complexe et difficile à la fois –la
traduction poétique –à travers une analyse contrastive de plusieurs versions roumaines des
poè mes de Ve rlaine.
Notre but n’ es
t pas de f
ai re une
étude sur l
a tr
aduc tion,
mai s d’a
nalyse r
la
manière dont on a réalisé la traduction en roumain des particularités lexico-sémantiques de la
poésie verlainienne. En ce sens, nous y proposerons une approche contrastive qui montrera, par
des exemples, la manière dont on a traduit en roumain les particularités du niveau lexico-
sémant ique des c
r éat
ions du gra nd poè t
e symbol iste
fr
anç ais.
L’analyse portera notamme nt sur
la traduction des figures stylistiques définitoires pour le courant symboliste : la métaphore
syne s
thésique
e t
l
’ oxymoron.
51
En ce qui concerne les particularités du niveau lexico-sémantique dans la
traduction poétique, les contraintes prosodiques (le mètre, la rime) obligent le
traducteur à opérer des substitutions, suppressions et adjonctions de termes. Mais il ne
pe ut s ubstit
uer, su ppri
me r ou a j
ou t
e r
n ’impor te qu e l mot ou n’i
mpor t
e comme n
t. .
Selon Gabriel Pârvan ,
lor squ ’on traduit de la poé sie on doit t
en i
r compt e de quatre
principes essentiels (PÂRVAN, 2005 : 14) : l’é qui v
al e nce obl i
que
de cert
ai ns t
e rmes
doit se baser sur la compréhension exacte de leur valeur co(n)textuelle, pour éviter la
perte des éventuels sens allusifs ou ambigus ; les adj onctions des t
e rme s
ne doi v
ent
pas mener à des explications, donc à la désambiguïsation de la phrase poétique ou
bien à la modification de la structure sémantique du poème en question ; les
suppr essi
ons qu’on ne pe ut p asrécupérer ou compenser ne doivent pas affecter les
sémèmes thématiques et donc le sens global du poème ou les termes qui définissent la
poé tique i
mmane nte du tex te ou c ell
e génér ale de l’auteur; l
es ré-énonciations de
phrases ou de strophes doivent se baser sur la connaissance précise de la situation de
discours pour en éviter la transmission incorrecte au lecteur.
On ne peut donc substituer un mot que par un de ses équivalents
sy nonymi qu e
s da n s l
a l
a n gu e c ible.
On peut aller j
u squ ’
à la l
imite
de l
a sy non ymie,
mais on ne peut pas en sortir complètement. Le choix des synonymes doit tenir compte
du sen s con t
extu el du mot tel qu’il
résu lt
e du cot e
x te et
de la si
tuati
on de disc ours,
pu isqu e l
es divers sens cont e xtu els
pos si
bl es
d’ u n mot polysémi qu e
on t
des équ ivalents
différents. Les substitutions synonymiques doivent être conformes à la poétique
immanente du texte. En principe, les mots perdus à leur place ponctuelle doivent être
réc upé rés
à
un au t
re
endroi t du texte.
Si c el
a n’ est pas pos s
ible, l
e tr
adu cteur doit savoir
qu ’on ne
pe ut
su ppr i
me r les né olog i
s me s e
t n otamme nt l
es mot s cr
éés par le poè te,
qu i
d’a il
le urs
doiven t
êtr
e re pr odu it
s tels qu el
s, pa rce qu ’il
s pr oduisent une ince rtit
ude
sémantique et introduisent le mystère dans le langage.
En ce qui concerne les mots thèmes (qu i dé fin i
ssent le t
hème
d’ un poè me )
e t
les mots-clés (qui reviennent fréquemment dans plusieurs textes du poète), ceux-ci
prennent souvent une valeur symbolique et contribuent à la signification du poème et de
la poé tique de l
’au teur
et ils doivent être gardés inchangés.
Chez Verlaine il y a un nombre immense de mots qui dans leur ensemble
suggèrent le vague (
la poé tiqu e du vagu e,
de l’i
n ce rtain,
de l’
indécis, de l’impr éci
s )
mais aussi un grand nombre de mots-symbolse qui désignent l’ estompe ,
les nu an ce s
des
couleurs, la sourdine, la lenteur, le tremblement de la lumière, la transparence et le
reflet, la
su avi
té. On ne doi t pa s suppr i
me r
ou su bstitu er c
es
mot s puisqu’on ch ang erait
la structure signifiante des poèmes qui les contiennent. Les mots ajoutés par le
traducteur doivent être conformes à la poétique immanente du texte, à la signification
d’e nse mble
du
poè me et
à l’un iv er
s poétiqu e
de
l’a uteu r.
Dans la traduction poétique, le traducteur doit prêter une attention
particulière aux figures sémantiques pour les rendre aussi fidèlement que possible dans
la l an gue d ’arri
v ée. Le s f igu res dé f
ini t
oire s pou r l e
c ou rant
s ymb oliste s on t la
métaphore synesthésique et l ’ox y
mor on.Nous nous arrêterons dans ce qui suit sur
l’an alyse de la ma ni
ère dont on a réalisé la traduction en roumain de ces figures
stylistiques présentes dans la poésie de Verlaine
La synesthésie est définie par Jean Cohen comme « l ’assoc iation d e
sensations appartenant à des registres sensoriels différents.» (COHEN, 1966 : 129)
La métaphore synesthésique suppose donc une interférence ou un mélange
de deux ou plusieurs sensations et traduit l ’uni té
pr i
mo rdiale- « la ténébreuse et
profonde unité »
c omme l’av ait nommé e Bau de l
a ire - du monde sensible. Les structures
52
synesthésiques les plus fréquentes chez les poètes symbolistes et chez Verlaine sont
ce ll
es où
l’on
a à
faire à u ne int
erféren c e en t
re l’audi t
if e t
le v i
suel (
l’audition colorée).
Il y en a
en c or e
d’autres qui réali
s e
nt l’interfé re nce de s autre s s
ens at
ion s
tels l
evisuel,
l’olfactif,
le g ustat
if
ou le kine st
hé si
qu e .
.
Les métaphores synesthésiques présentes dans les poèmes de Verlaine sont
plus ou moins rendues en roumain telles quelles. Ainsi, les « lueurs sourdes » du poème
L’ He ure du be rger(Et le zénith s’emp lit de lueurs sourdes. / Blanche, Vénus émerge, et
c’e s
t la Nui t) deviennent « » chez G. Georgescu, traducteur qui réussit à
garder la synesthésie:
O
-a ivit.
Le même syntagme est rendu par « » dans la variante de
O. Iosif, qui perd la force du procédé stylistique :
Iar largul tot se umple de :
-
G. Georgescu réussit à garder aussi dans sa version du poème Nevermore le
« frais timbre angélique », en le traduisant par « ». Paula
Romanescu supprime dans la traduction de la poésie cette construction. Le poème
Crépuscule du soir mystique contient lui aussi une synesthésie dans le neuvième vers :
Parmi la maladive exhalation
De parfums lourds et chauds, dont l
e poi son(…)
Cette figure a été rendue en roumain par les traducteurs sous diverses
formes : Trecând printre parfumuri cu urziri / De cald- (C. D.
Zeletin) ; (G. Georgescu) ;
maladiva exhalare / De calde, grele izuri (Paula Romanescu). Dans
la première variante énoncée, le traducteur ajoute le mot « urziri » qui n’ a au cune
correspondance dans le poème original et il transfère les épithètes qui expriment des
sensations différentes « lourds et chauds » au mot du roumain « lânceziri » qui renvoie à
la « maladive exhalation ». La deuxième variante garde le syntagme « la maladive
exhalation » mais le mot « parfum » - mot symbole dans la poétique de Verlaine –est
rendu par un synonyme dans la langue cible : « ». La synesthésie est gardée
sous la forme « ». Paula Romanescu substitue le mot
« parfum » par le synonyme du roumain « izuri », terme qui a pourtant une connotation
dépréciative dans la langue cible, à la différence du mot employé dans le poème
original. La traductrice réussit pourtant à rendre la synesthésie : « calde, grele izuri ».
Le « timbr e d’ argent (qui
vi brait san s
trêve s)» de Marco se retrouve dans la
: « vocea- » et les « lueurs
musiciennes » présentes dans la deuxième des Ariettes oubliées –dans les traductions
de Zeletin : « muzici lucind (în urechi) » et de G. Georgescu : « ».
Le dernier traducteur essaie de garder aussi la synesthésie « humide étincelle » du
poème Après trois ans ( Pai l
le t
ant chaque f
leur d’une humide étincelle) en la traduisant
par ( jilavelor scântei ma i
s i
l n’ yréussit plus dans Mandoline,
pour les « molles ombres bleues », où il perd le premier adjectif épithète et ajoute un
terme : « umbre cu albastre jocuri ».
Le syntagme « noir silence » du poème Dans les bois (D’ où tombe
un noir
silence avec une ombre encor / Plus noire) est traduit en roumain par « »
plus noire » est rendue par « »:
-o
- –
53
La synesthésie « parfums tièdes » de la même poésie (Souffles frais et
parfums tièdes) n’
e st
pas r
e ndue en rouma in: Miresme dulci i-
G. Georgescu réussit à garder la métaphore synesthésique « Sonore et
gracieux Baiser, (divin Baiser) » (Il Bacio) : dumnezeiesc ! et
Gabriel Pârvan celle du poème Sur le balcon –« la lune molle et ronde » : « luna moale
».
Dans L’ Ange lus du mat in horizon ensanglanté » par
le vers . Le dernier mot est ajouté, pour des raisons
rythmiques probablement, le traducteur garde la nuance de couleur indiquée (rouge)
ma is il n’util
ise da ns s a tradu c
tion a ucun mot pou r r endre l ’
envoi a u sang (de
«l ’
ens anglanté»). Les premiers vers de la deuxième strophe contiennent une métaphore
synesthésique qui définit la lune :
La nuit rêveuse, bleue et bonne
Pâlit,
s c
inti
lle
e t
fond
da ns l
’ai
r,
Le traducteur ne garde dans sa version que le symbole chromatique, mais il
l’at
tribue à
la
nu i
t, et
pas à l’as
tre .
Le s deux aut
res épithètes qui forment la synesthésie
sont changées : le terme « rêveuse » est supprimé et « bonne » est traduit par « -
»:
-
Scânteie-
L’ oxy mor onest une association de deux termes opposés mis en relation
sy ntaxique qu i tradu it de s é t
ats
d’ â me c ompl exes e t con t
radict i
ons e t s u ggèr
e
l’harmoni e
des contrai res
proposée par le Groupe , qu ’i
l «consiste à joindre deux termes opposés, d’ habitude un
su bstantif
et un adj ecti
f, le sème nuc l
éa i
re de l’un représe nta
nt la
né ga t
ion du
c l
a ssè
me
: 30)
Des oxymorons tels « beau sanglot » (Sagesse V), « accord discord » (À la
manière de Paul Verlaine) ou « bonheur triste » (Sur le Balcon) sont rendus aussi dans
les traductions roumaines sous la forme de « frumos suspin acord
discord (ciudat) » (Paula Romanescu) et « » (G. Pârvan).
D’a utres figu res st
y l
ist
iqu es de ce t
y pe ne s e re
trouve nt
q ue partiellement
(parfois) ou pas du tout dans les versions des traducteurs. Ainsi, dans le poème Vœu, G.
Ge orgescu essaie de r
é cupé rer l’
adje c
tif «noir » du syntagme « les noirs hivers de mes
ennuis » e n l’a tt
ribu ant a u s u
bsta nt
if «ennuis » : « ierni viscolitoare de
», t
an dis qu e Pa ula
Roma ne scu t
radu it
l’i
nt erprétat
ion
de
l’oxymor on ,
en
créant un autre : ierni amare. L’ amou r «câlin et
réchauffant », qui apparaît dans la dernière strophe de la poésie, est substitué par une
ex pression qu i
n’a rien
à faire avec
l’un de ces deux a djec
tifs
é pi
thè tes: « dragostea
(femeii) – » (G. Georgescu).
Dans le poème Crimen Amoris Verlaine utilise des oxymorons qui
sug gèren t
l’harmon ie de s contrair
es
re ndue par la beauté du mal. On y trouve « de
beaux démons » et des « mauvais anges :
« » et « ».
Le deuxième poème du cycle Streets parle dune onde « opaque » et
« pure » .
Il
s’agit ici
de l
’on de
de
la
r i
vière qui se
trou v
e da ns
la
rue:
O la rivière dans la rue !
Fantastiquement apparue
Derrière un mur haut de cinq pieds,
54
Elle roule sans un murmure
Son onde opaque et pourtant pure,
Par les faubourgs pacifiés.
Le traducteur G. Georgescu ne g ar
de
que
l’
adjec t
if
é pi
thète
«pure » attribué
à
l’
onde
, t
andis qu’il
essaie de r
écu pér e
r l
e mot
«opaque », perdu dans sa version, par
l
’empl
oi
du
terme «obscure » :
!
.
Dans Le Rossignol, la « splendeur triste (de la lune) » est gardée telle quelle
par Paula Romanescu –« » ou elle est rendue par « trista
» dans la version de G. Gerogescu. La nuit « mélancolique et lourde
d’é t
é» devient « noapte » chez la première des deux traducteurs,
et «noapte grea de melancolii » chez le deuxième.
Signalée par Jakobson et par d'autres linguistes, l'intraduisibilité est liée
premièrement au degré d'ambiguïté du texte à transposer dans la langue-cible. En
acceptant les postulats des théoriciens et à la suite de notre analyse on doit conclure qu'il
est impossible de traduire un texte poétique sans perte à n'importe quel niveau de
langage. Pour restituer la voix du poète, le traducteur doit faire attention non seulement
aux structures profondes sémantiques mais aussi à la syntaxe, au rythme, aux mots à
choisir parmi d'autres, garder l'objectif initial du texte, le contenu informatif et tenir
compte de l'harmonie extralinguistique. De plus, il doit avoir de l'intuition en sachant où
se termine le rôle du traducteur et commence celui du créateur, il doit garder aussi bien
le sens que la forme, parce qu'ils sont indissociables.
Un e f
oi s é l
abor é e, l
a tra
du ction s’i
ns t
itue comme un produ i
t a utonome , qu i
coe xiste av ec l ’or i
gina l
. C’ est
ainsi qu ’une n ouv el
le poé tique su rvi
e nt: la poésie
bilingu e,
v éc ue c omme t e
lle d’abord pa r l
e traducteu r et ensuite pa r les lecteu rs
bilingues. À la fin, on peut affirmer avec certitude que traduire fidèlement la poésie est
un travail difficile, parfois presque impossible, mais qui vaut la peine car la traduction a
un rôle primordial dans la communication entre les langues mais aussi dans la
dy nami sation et l’enrichis s
eme nt
de
la cu lt
ure universell
e .
La
tradu ct
ion poétique est
55
une grande aventure spirituelle dont les fruits symbolisent la soif de communication
entre les gens et entre les cultures.
BIBLIOGRAPHIE
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Verlaine, Paul, Poèmes / Poezii in, Pandora –
Verlaine, Paul, Poèmes érotiques / Poème erotice
Verlaine, Paul, Versuri
56
SUBJONCTIF, MONDES POSSIBLES ET UNIVERS DE
CROYANCE
Diana COSTEA
Université Pétrole-
Si l’
in dicatif exprime une vision de réalisation effective, le subjonctif sert à
exprimer un fait subjectif. Il est essentiellement un mode affectif, subjectif, qui exprime
dive r
s sentime nts ou v olon té
du su
je t
: l’ordre, l
a crainte, le
souhait,
le
dé si
r, l
e dou teou
de s
possibi l
ités o u néc ess i
té
d’ ordre gén ér
a l.
Le su bj
on ctif
est
tr
ès peu empl oyé dan s
les
propositions principales ou indépendantes, la position la plus importante du subjonctif
s’observe
da n s
le s
su bor don née s
.
«Bien que le subjonctif comporte quatre temps, seuls le présent et le passé sont
util
isés en f
r ança i
s
c ou ran t
.
L’ impar f
a i
t et le plus-que-pa rfa
it
son t r
é servés aujou rd’hui
au français soigné ou littéraire, où ils se rencontrent, le plus souvent, à la troisième
personne du singulier.» (RIEGEL, PELLAT, RIOUL, 2006:327).
Le s trav aux des der
n ières
an né es
n ou s
fon t
déc ouvrir
des exe mple s
d’indi c
a t
if
là où nous ne les attendions pas du tout et, inversement, de subjonctif. Robert Martin
(1983) part de quelques exemples concrets:
1. Il est pos sible qu’onparviendra un jour à greffer un coeur neuf ou du moins
en bon état. (L. Barnier, Humanité, 6 septembre 1960)
2. On imagine que ce ne soit pas facile. (G. Soria, Ce soir, 15 septembre 1946)
Il est vrai, on pourrait toujours citer des exemples contraires à ce qui apparaît
comme un e règle .
Pour
Gu i
llaume ,
l’espr i
t peu t
appréh en der
l’
ima g e du
temps
e n divers
moments de sa construction. Il conçoit le subjonctif comme une étape de la construction
da ns
l’esprit de l’ima g e-temps. Si cette image est appréhendée en cours de construction,
l’espri
t sera con f
ron té à une ima ge d’un t
e mps virtu
e l
(temps in fieri) représenté par le
mode subjonctif. Le degré de réalité du subjonctif est moins grand que celui de
l’i
n di
ca t
if e t i mp l
iqu e u ne r epr
és entati
on du t emps pl us simpl e- le rétrospectif
(subjonctif imparfait) et le prospectif (subjonctif présent). Donc, pour Guillaume, ce
sont les opérations mentales qui rendent possible la représentation du temps et qui
57
dé termi ne nt l
’oppos ition de mode : « la for ma tion
de l
’ima ge-temps dans la pensée est
un e opé ra tion
ins ta
n ta née,
c onc rète et réelle, se
r eprodu isant chaque foi
s qu e l’
on fai
t
usage du verbe, que cette opération instantanée est portée par du temps- un temps aussi
bre f qu e l’on vou dra- qui en est le temps opératif, et que ce temps opératif, porteur de
l’opé ration d e pe nsé e qui constitue l
a for ma tion me n tal
e de l
’ima ge
temps , fa it
l’objet
au cou rs de son dé ve loppe me nt d’i nt
erc eptions -…- plus ou moins précoces ou tradives,
interceptions auxquelles correspondent des mondes différents» (GUILLAUME, 1971:
213). Il fait correspondre le subjonctif à une « chronothèse plus avancée que celle de
l’infiniti
f ma i
s moi n s avancé e
qu e celle de l’in dicatif.» (TOURATI ER,
1996 :164). «
Le temps prospectif habilite les phrases indépendantes aux différentes modalités de
l’opta tif
: or dre, dé fen se ,
exhor t
a t
ion ,
con seil, souh ait, désir…»
(WI LMET, 1 99 7:336).
Gu i l
laume a vu l
’u ni
té du subjon c tif en c orrél
a ti
on avec l
’idée de pos sible.
Nous pouvons dire:
Il est possible que Paul se soit trompé sur cette question.
mais, du moins en principe:
I l
e st
pr oba bl e
qu e
Pa ul s’est
trompé su r
c ette ques t
ion.
Pa r con séqu e nt,
“le cliva ge en t
r e le s ubjon c t
if et l
’indicat
if
sera it
don c c elui
qu i sé pare l e
pos s
ibl e du proba ble” (MARTI N, 198 3:109). Cependant, il y a des
difficultés qui donnent naissance à des exemples tels que:
1. I l es t
pr oba ble qu’il
vi enne .
2. I l n ’est
pa s
pos si
bl e
qu ’
il
n e vien n e
pa s.
da ns les con dit
i ons où la négation de “il
est pos sible ” condui t
à une cer
tit
ude :
« la
limi t
e
entre le possible et le probabl e n’ est
don c pa s au s
s i nett
e que la r
ègle l
ais se a tte
n dre»
(MARTIN, 1983: 109). Dans ces circonstances, les notions de «monde possible» et
d’« uni vers
de cr oy anc e »,
élabor ées
par Robe rt Ma r
tin ,
appo rt
e nt
un t
rès g
ra n d bé néfice.
Ma rt
in dé fin it
« l
’ima ge d’un i
v ers» c omme « une r
epr és
entat
ion d’ un unive r
s
dans le discours» (MARTIN, 1983: 37), le locuteur peut ou non prendre les événements
en
c ha rge. Le su bjon c tif
est
le mode
qu i
ma rqu e l
’appa rte
n ance
aux «mon de s pos sibles»
et non pas au monde m
« C’ es t pos s ible t
out
de mê me
qu e j’aie parlé de Billom où je suis né, et des
de ux Tu rlur on qu e tout le
mon de con naît da ns la régi on…» (Mi chel
Tou rn ier- Tristan
Vox)
Da n s
c e petit fragme nt, tiré
d’ une nouv ell
e
de Mi chel Tournier,
l
e n arrateur ne
prend pas e n ch a rge le f
a i
t
d’ avoi r parlé
de s on lieu de naissanc e
, i
l
util
ise le
su bjon cti
f
afin d’ év oqu er
un «monde poss i
bl e »
. En fait, l e nar rateur ne se r
appelle plu s très bien
s’il
e n av ait parlé ou
n on .
«Que Néron ait fait ass assiner s a mè re a près l’avoi r
euecomme première
maîtresse, cela paraissait de bon au gure à Lu c
ie n…» ( Mic he
l Tou r
ni er- Le Nain
Rouge)
Da n s
c e fr
a gme nt
a ussi,
il s’agit t
ou jou rs d’u n «mon de possi
ble»: “I l
pa raissait
à Lu c ien de bon a ugu re
que
Né r on a i
t
fa i
t ass as siner
s a
mè re ”.
Le narr
ateur ne prend pas
non plus à son compte la vérité de ce fait. De plus, quand la complétive figure en tête de
phrase, le verbe de la complétive est normalement au subjonctif: « sémantiquement,
l’anté pos it
ion d’ une c ompl é t
ive su s
pe nd la v ale ur a f
firma ti
v e de l
aproposition. La
complétive étant placée en position de thème, le procès est simplement évoqué, sans
être asserté» (RIEGEL, PELLAT, RIOUL, 2006: 324).
De l
a mê me façon, “Il n’ est
pa s pos sibl e
qu ’i
l ne
v i
e nne
pas” é qu iva ut
à “Il
faut qu ’il v ienn e ” ou bien “Il n’ est pa s pos sible qu ’
il vienn e
” équ i
v au t à “Il e s
t
impos sible qu’il v ienn e ”.
58
La n ot ion d’ «uni ve r
s de c roy ance» e st dé finie c omme «l’ensemb le de s
propositions que le locuteur, en t 114). L’ «a nti
-
univers» sera conçu comme «un ensemble de propositions que le locuteur tient pour
fausses, mais qui ne l e sont
p as né cess aireme nt,
c’es t-à-dire qui pouvaient être vraies ou
qu e l’on ima g ine comme t
e ll
e s»
(MARTI N, 198 3:114) .
D’ où la
relat
ion avec la n otion
de «mon de s pos s ibles»: «l ’
a nti-univers rassemble les mondes qui étaient possibles et
que le réel a annihilés» (MARTIN, 1983: 114).
La n ot ion d’« anti-un iver s» e xplique r
a u n n ombr e d’empl ois
du subjonc tif: l
e
subjonctif de subordination «critique» (un jugement critique sur une situation), le
su bjon ct
if da ns la c onc essi
v e, le subj on ctif
de l
’irrée l
,
etc:
1. Je regrette que Paul ait perdu son examen.
(il est vrai
qu ’il a perdu son ex ame n , ma i
s comme n t regre tter ce qui ne
pou va i
t pa s se
pa sser autre me nt? ; le regret suppos e qu e l
es chos es pou rra ien t
être a
u t
res qu’ell
e s ne l
e
sont).
«Ce souper quotidien où les Robinet communiaient dans la béatitude
gastronomique, on pouvait regretter que pe rson n e n ’e n fût t émoi n…» (Mi ch e
l
Tournier- Tristan Vox)
De
la mê me fa çon ,
le regre t
su ppos e qu e le
s chos es a uraie nt pu
être
qu’ el
les ne le son t;
là, i
l s’agit
d ’un retros pectif.
2. S’ il
e û t
pu m’ aide r, il
l’au rait
fa
it.
(c epe nda nt, l’usage
rest
e
lit
térair
e)
3. Bi en qu’ il
soi t
pa rti pa sse r
ses vac anc es à la me r, i
l préf
è r
e
la mont agn e.
(il est
effectivement parti et nous affirmons sa préférence pour la montagne. Le sens concessif
naît de l
’éc art en tre l
a r
e l
a ti
on impl ic ative de “il e
s t pa r
ti à l
a mer” et
la fausset
é de “i
l
pré fère l
a
mon ta gn e” e n
dé pit de
la
v érité de
“ i
l est
pa rt
i à la me r”).
Pour un exemple du type:
« - Un coup de vin chaud si tu veux avant qu’ on se quitte. C’est ma vieille qui
me met toujours ça.» (Michel Tournier- La fugue du petit Poucet)
en proposant de boire un coup de vin chaud avant de se quitter, le personnage ne veut
d’a ucu ne faç on
s ign i
fier qu’ il
n ’est pa s sûr,
à son
s en s,
qu’ i
ls
se quitt
eron t
.
Sa ns me ttr
e
en cause la réalité de leur départ, il fait voir, évoquant un «anti-univers», le décalage de
réa l
ité qui, ma lgr é tou t,
sépa re l
e s de ux procès en rela t
ion d’ antécéden c
e .
Il
propos e
u ne
ch ose ,
ma is , a u mome nt su ppos é ,
leur départ n’a pa s en cor e eu li
e u.
En dépitde la
con v i
c t
ion qu’ il
a que les de ux proc è s se réali
s eront , l
’un bé n
é fi
cie d’un surcr oît de
réa l
ité qu i
le v ou e à
l’indic atif,
t
a ndis que
l’
a ut
re
s ’a t
tach e à une réali
té
pl us
pe tite qui
renvoie au subjonctif. Au moment où un procès a lieu, le second est envisageable
comme faux.
En pr opo sit
ion relative ,
nous disti
ng uerons l’«af fi
r mation d’inexistence » ou
«d’ ex i
stenc e mi n ima le »
(MARTI N, 19 83:1 18), «qu i l’un e e t
l’autre
intr
odu isent l’idée
d’un e
existe nc e
da ns l’anti
-univers» (MARTIN, 1983: 118):
Paul ne connaît personne qui soit capable de faire une chose pareille.
ou bien:
Il
n’ y a que Paul qui soit ca pa ble
d’un e chos e
pa re il
le.
Dans un exemple tel que:
« Il lui plaisait que sa vie prît l a f or me d’ un e caricat
ure des moe u r
s
échassières, haute en couleur e t tout é clabou ssé de sa ng…»
( Mich el
Tou rni
e r
- Le Nain
Rouge)
qu elle que s oi t s
a pl a
c e,
la pr opos ition sujet
est
le
lieu d’un e prédicati
on
et cel
a
en traîne
le subjonctif «peu importe le contenu prédicatif» (MARTIN, 1983: 120).
59
En principe, la certitude ent ra î
ne l
’indica t
if
, les exempl es du su bj on cti
f ét
ant
très rarissimes, ils apparaissent là où le locuteur assimile son jugement de certitude aux
autres jugements critiques, le locuteur renvoie à un «univers de croyance».
Il est certain que Paul revienne.
Ce pe ndan t,
de t
els exempl es s’écartent de
l’usa ge ordinair
e , da n s l’imme nse
ma j
or i
té
d es
ca s
l’idé e
de ce rti
tude con st
it
u ant l
e doma ine du choix du mode
in dicatif
.
Le s
v erbe s d’opinion posit
ifs (du type sav oi
r ,
cr oire,
s ’
imagi ne r ), «ceux où la
vérité de p (ou sa proba bil
ité)
est
a s
sumé e dans l’unive r
s du locuteur ou da n s un
h été
ro-
univers quelconque» (MARTIN, 1983: 124) ,
r envoi ent tou s à l’indi ca tif, « a
v ec la
pos sibilit
é d’e mpl oy er le
su bjon ct
if chaqu e fois que le v erbe
s e
trou ve da n s le
c hamp
d’ un éléme n t
n égatif dont
l’a cti
on
préc oce inverse l’i
dé e de ce r
tit
ude ” (MARTI N, 1983:
124):
Je crois que Paul est malade.
Je ne crois pas que Paul soit malade.
Ce pe ndan t,
l’empl oi moda l
pe ut
ê tr
e modi f
ié dan s
u n exempl e tel qu e:
« - Que croyez-vous
qu’ el
le veuilledire?
Mlle. Flavie prit un air outré.
- Comment voulez-vous que je le sache? »(Michel Tournier- Tristan Vox)
Dans ce cas-là, p1 n ’est
plus probable (assimilable
au v rai)
da ns l
’un i
v er s du loc u
t eur,
p
de vient pos si
bl e,
la
v éri
té n’e st
pa s
assumé e par l’én
on ciateur.
Le subj on c ti
f s’empl oie
obl i
g atoire me n t
da ns une su bordon née compl éme nt d’obj et d’un v erbe e xpr ima nt une
volonté ou un sentiment.
Avec les verbes de volonté (vouloir) , la vérité de p n’est pa s a s sumé e dans
l’u ni
v ers du l
o cuteu r:
«- Je voudrais, dit-il u n
soir,
à
d’Ur bino, qu’ une fois par semaine au moins on
interdise l’en tré
e du cir
qu e à toute pe r
s onn e
Tournier- Le Nain Rouge)
«- Veux-tu que je te dise, Robi n
son ? Ton îl
e dés ert
e, bien s û r qu’ ell
e
e s
t
toujours là.» (Michel Tournier- La fin de Robinson Crusoé)
«- Que voulez-vous que je vous dise? Ce n ’est pa s
moi le mé de cin tou t
de
même!
- Ce que je voudrais que vous me disiez c’e st
ceci:
…» (Mi c hel Tou rni
e r
-
Le
Coq de bruyère)
Ce pen dan t
, c’es
t la polysémi e du ve r
be vouloir qui explique que ce verbe
pu isse ne
pa s
ê t
re su i
v i
d’un subjonctif l
à où le con t
ex te
a mè n e
à un
effe t
de sen s
qu i
ne
correspond pas à une volonté. Touratier (1996) en donne plusieurs exemples tirés de
Chateaubriand, parmi lesquels: Le malheur a v ou l
u que tou t
dern i
ère me nt […] on a
brûlé une foule de papiers.
Selon Guillaume, comme le subjonctif est inapte à situer exactement le procès
da ns l’un e de s époqu es (
pa ss é,
présen t
, f
u tur)
comme l’indic a
tif,
« i
l n e pe ut pas saisi
r
l’idée v erba l
e da n s sa complète actualisation, mais envisage celle-ci à un stade
antérieur, en cours de génération» (RIEGEL, PELLAT, RIOUL, 2006: 321). Par
c onséqu e nt, c’est l’i
n ter
préta ti
on
qu i
l’empor te sur la
pri
s e en
compt e de l’ac t
u al
is at
ion
du procès. Il y a diverses constructions où le locuteur peut choisir entre le subjonctif et
l’indica ti
f. Le choix des de ux mode s n’est pas mé c
a nique , la ma nière d’ env isage r
le
pr ocès e st
di f
f érente selon qu e le
locuteu r
empl oie le
su bjon ctif
ou l’i
n dica tif.
1
p s
era
l
a
prop
osi
ti
on
pri
nci
pal
e;
60
Da ns “Je pe n se qu’il
me r
endra ce service”, le
locu t
eur env i
s ag e
le pr ocès
dans
son é ve ntu a
lit
é ,
t an dis qu e da ns “Je v eux qu’ il
me r ende c e serv i
c e”, c ’es
t
l’interprétation (la
vol onté exprimé e
par l
e pré s
e nt
du verbe vouloir) «qui passe avant la
prise en considération du fait envisagé» (RIEGEL, PELLAT, RIOUL, 2006: 321).
C’ est
Gu i
ll
a ume qui ét
a bli
t
un e
cor rélat
ion entre
l’indicatif, qui s
e ra as
s oci
é à
l’idée de proba ble
e t le subjonctif,
qui
sera a ss
oc i
é à l
’idée
de p ossible: Il
est probable
qu ’il
vien dra ce soir
/ Il
es t
possi
bl e
qu’il
vi
e nn e
ce soi r
.
Le su
bj oncti f s
a is
it
l’i
dé e ve
rbale
à un stade a
n tér
ieur à celui de l’
in di cat
if,
par
conséquent, le possible se situe avant le probable. Cette distinction rend mal compte des
cas où il exprime un fait réel:
« Ce qui me chagrine, dit-il une nuit en quittant Bob pour regagner son petit lit,
c’ est
qu e, quoi que nous en fassions, n ous n ’auron s
j ama is
d’ enfant.» (Mi chel
Tournier- Le Nain Rouge)
Le subjonctif, dans ce cas-l à, marqu e
l’appa rt
e nance du
pr o cès aux « mon des
possibles» de Martin (un fa
it est
possible
si l
’on pe ut
envis
a ger au moi ns un état
de
choses où il est vrai).
Le subjonctif est aussi obligatoire dans des complétives compléments de
con struction s personn elles ou impe rs
onn elles formé es à l’ai
de d’un adj
e ctif a tt
ri
but
exprimant la nécessité:
« Ce
n’ est
l’ intérêt
de pe r
sonne de les décev oir.
Il
faudrait donc: un, que vous
choisissiez un pseudonyme. Deux, que vous restiez absolument invisible.»
Le choix du subjoncti
f me t
l’
a cce
n t sur l
’in t
erprétati
on du pr ocès su bor donné.
Il suspend la valeur de vérité du procès:
Je ne crois pa s qu’il
vienn e
./
Je ne
c rois
pa s qu’il
viendra .
Penses-t u
qu ’il
v i
enne ?/
Penses-tu
qu’ il
vien dra?
Le futur év oque
un
pr ocès probable.
Le
subjon ctif
fait
pe rcevoir l
e pr ocès d’un
poi nt
de
vue subjectif.
L’
OPPOSI
TION
DE RE/VS/DE DICTO
Nou s dev on s
nou s arrêter ég al
e me nt
sur l’opposit
ion de re/vs/de dicto, fondée
pa r
Abé lar d et
Sa i
n t Thoma s
d’ Aqu i
n
da n s
l
a logiqu e
mé diév ale
e t qui
a
ma rqu é,
à tout
jamais, la réflexion qui caractérise la sémantique des modalités. Tout énoncé se situe sur
l’un des ax es moda ux: réel /
v s/ irréel,
c onnu /vs/ inconnu ,
obj ectif /
vs /
su bjecti
f etc
.
L’ oppos it
io n moda l
e se
ma nifeste netteme nt l
à
où il
y a l
a possibi li
té
de ch oi
sir entr
e
deux formes qui sont capables de rendre différemme nt l
e rappor t ent
re
l’én oncé et l
a
réa l
it
é. Le MODE indiqu e de qu el
le
ma n ièr
e peut être
envisag ée l
’a cti
on verba l
e: r
ée l
le/
non-réelle, certaine/ incertaine, probable, possible, hypothètique etc.
Il fau t
disti
ngu er e nt
re
de ux ma nièr
es de c oncevoir l
’intervention de la nuance
moda l
e. Le
MODE pe ut être
r egardé comme aff
ec tant
le
pr édicat, s’i
nc orpor ant
ainsi
à
la proposition elle-mê me, ou bie n
c omme
affec
tan t
l’ensembl e de l
a propos i
tion.
Se lon Thoma s d’Aqui n,
la pr opositi
on moda le es
t de re lorsque le modus est
inséré dans le dictum: Socrate peut courir. Par contre, est de dicto une proposition
modale dans laquelle tout le dictum est sujet et le modus est prédiqué: Que Socrate
coure est possible.1 Dans les propositions modales de re, l ’opé r
ateu r
moda l
e st
1
L’
anal
yse
logi
que
de l
a phr
ase
nous
condui
t
à l
’ex
ist
enc
e d’
un
dictum défini comme le rapport
e
ntr
e un suje
t d’
énoncé et
un prédi
cat e
t le
modus qui i
ndique l’i
nt ervent
ion d u sujet
61
incorporé dans la proposition elle-même, le modus y interrompt le dictum: Le sage peut
être heureux. Dans la modalité de dicto, le dictum dans sa totalité est sujet et le modus
est prédicat: Il est nécessaire que le sage soit heureux. Cette distinction de re/de dicto «
a été é g aleme n t mi se à pr ofit pou r l’intr odu ction de s qua n tificate urs, doma in e qu i
soulève des problèmes épistémologiques importants.» (TUTESCU, 2007: 273). Entre
“ Le s ag e pe ut ê t
r e h eur eux ”
e t “I l
e st
n éce ssaire qu e l e s a ge s oi t
he u re ux ” n ous
c onstatons qu’un e différen ce appa raît pu isqu e,
av ec la
s econ de expr e ssion , n ous a vons
a ffai
re à u ne
pr opos ition compl e
x e fa ite d’ un e ex pre ss
ion prop osition ne lle qu i jou e l
e
rôl e du s ujet da ns la pr opos iti
on , tan dis qu e l’a sse r
ti
on ,
qu i don n e à la f ormule le
c aractère d’u ne propos it
ion, vraie ou
f aus se, est por té e
pa r l’aut re me mbr e de la ph rase,
qu i j
ou e don c le rôle
de prédi cat
pa r ra ppor t à ce su jet (
d’ un e pa rt
c e don t
n ous pa rl
ons ,
d’ autre pa rt ce qu e nous affirmons
su r ce di ctum) .
Si nous regardons l’ens embl e de
la ph i
los ophi e d’ Ar is t
ot e, les moda lit
é s “sont
de l
’ê t
re , et non pa s
s impl eme n t
de nous ” (BLANCHE, DUBUCS, 19 96: 69) . C’ es t
un
pr oblème philos oph iqu e ma jeur.
Se l
on Ar is t
o t
e, les moda lités son t “da ns le s c hos e
s
mê me s” BLANCHE, DUBUCS, 1996: 69) et non pas seulement dans notre pensée ou
da ns l
e dis cours qu i
l’
e xprime .
La th éor i
e d’ Aris t
ot e con c ern a nt les moda lités “ne s
e
laisse transcrire entièrement ni selon la modalité de re, ni selon la modalité de dicto”
(BLANCHE, DUBUCS, 1996 : 75), elle sou ff
re d’un e in dé cis i
on f on da me nta le. C’ est
l’h ésit
ation ent
r e l’interpr ét
a ti
on
in t
e rn e (de re) et l’interpr éta tion
e x t
e rne (de dicto) de
la moda lité qu i est e n ca use .
Si nou s adme ttons l’interpr éta ti
on
i nte r
n e, le mode es
t
incorporé au prédicat, il entre dans le contenu de la proposition. Si nous admettons
l’interpr étation e xte r
n e,
le
mode est un pré dic at
n on plus in t
é rieu r à la pr op os ition ,
ma i
s
il domine le dictum e n t
ier. I
l est évide n t
qu’ Ar i
stote privilégi e l’in t
e rpré tation int erne
de
la modalité, celle qui l ’inc orpor e
à
la
p rop os iti
on .
Plu s t
a rd, l
a t
h éorie
de Di odor e c on cern ant
les moda lités s’ appr oc he un peu
pl us des t
h éorie s actue l
les :
si l
’ê t
re n e se ré du i
t pa s à l’actue l pr ésen t,
la
di me ns ion qu’il
faut lui ajouter est celle de la temporalité et n on pa s c elle d’ un e moda l
ité. Le s
e xpre s
si ons moda les de v i
e nnent u n e f aç on “ commode e t a bré gé e” ( BLANCHE,
DUBUCS, 1996 : 105 ) de ma rque r de s n ua n ces te mp ore lles. La thé orie d’ Ab élard au
su jet
de s moda lités s
’in scrit
pa rmi
les doc trine s
mé di évales .
Se lon lu i,
nou s n ’a vons pas
a ffai
re à un e v r aie moda le que s i l e pos sible, l’ impos sibl e ou le n éc es saire son t
in t
rodu its sous l
a forme d’un adve rbe , à l
’ intérieu r de
la pro pos i
tion . Ce tte di sti
n ction
e ntre ce qu’ i
l
a ppe lle l’expos it
io d e sens uet l ’expos itio de rebus se retrouvera dans une
di st
in c
tion qui s’ex prime ra plus t
a rd e n t
re de ux faç on s
d’ e nte ndr e la moda lité ,
de dicto
et de re.
Les médiévaux ont longuement développé la logique modale. On reprend, sous
les termes de modalité de re et de modalité de dicto ce qu ’Abé lard appe lait l’e xpos iti
o
de rebus et l ’
ex pos iti
o de s
e nsu. Nou s rema rquon s qu ’
un én on cé de dicto est toujours
singulier (ayant pour sujet le dictum) ,
ta ndis
qu e’un é non cé de re “pe ut être un iv erse l
ou
pa rti
c ulier, sel
on la qu an ti
té du sujet ” (BLANCHE, DUBUCS, 1996 :155). Aristote
entendait ses modales au sens divisé (de re). Abélard et les autres médiévaux
entendaient les modales au sens composé (de dicto) et au sens divisé (de re).
Ce n’e st que bea ucou p plus ta r
d qu e, da ns l’
étu de de la la ngu e ,
le s modalités
son t cons idé r
ée s c omme de s é l
é me n ts qu i expr ime nt un c erta i
n ty pe d’ a tti
tu de du
d’éno nci
ati
o n,
l’atti
tude
du l
oc uteur par rap port au cont enu spé cifi
é
pa r le dictum;
le
suje t
pa
rla
nt
peut donner au dictum un indice de réalité ou il peut refuser cet indice, il peut porter un jugement
sur
le cont
enu du dictum ou il
peu t
ex prime r des
sentime nts qu’ il
éprouv e à l
’é gar
d de ce qu’i
l
dit
;
62
locuteur par rapport à son énoncé. La notion de modalité rassemble des faits qui se
sit
u en t
à des ni
v ea u x différ
ent s,
mais qu i
ont
e n commun d’impl iqu er
le sujet parlant
dans son énoncé.
L’actua l
ité de l’
axe de re/ vs/ de dicto est incontestable. Transposé dans la
logiqu e de
la lang ue ,
l’idée de
p ortée de s moda l
it
é s s’avère tr
è s util
e .
L’axe de re/ vs/
l’axe
de dicto « fait fortune dans la logique modale moderne.» (TUTESCU, 2007: 273).
Dans un exemple du type:
«Que Néron ait fait a ssass iner sa mè re apr ès l’avoir e ue comme c omme
première maîtresse, cela paraissait de bon
augu r
e
à
Lu c i
en…»
( Mi chel
Tou r
n ier- Le
Nain Rouge), la forme impersonnelle, rendue par le marque ur “ cela pa ra i
ss ai
t”
représente la valeur de dicto. De re, nous aurions dû avoir: « Le fait que Néron a fait
assa ssiner sa
mè re
a prè s l
’avoi r
eue
c omme
premiè r
e ma îtresse para i
ssait
de bon augu re
à Lucien.»
“Fon dame n ta
le pour la l ogiqu e e t
la séma ntiqu edes langues naturelles, la
distinction de re/ vs/ de dicto est appelée à définir le propre du fonctionnement des
structu r
e s la
ng ag i
è re s
qui disti
ng uen t l’événeme n t
où l’état
à dé crir
e de sa pr is
e en
cha rge pa r
la propos it
ion
qui l’expr i
me . À ce
sujet,
la dimension de dicto est essentielle
pour définir la modalité en langue naturelle.» (TUTESCU, 2007: 278).
Par conséquent, Martin a démontré avec succès que les notions de «monde
pos sible» e
t d’«un iv ers de croy ance» ren dent
la conce pti
on du s
u bjon ct
if
moi ns vague
qu e d’au tre
s. D’a utre
pa rt,
l’
ac t
u alit
é de l’axe
de re /vs/ de dicto est incontestable dans
l’i
n terprétati
on
du su bjon ct
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63
UNE LANGUE FRANÇAISE VUE ET VENUE D’
EXTREME-
ORIENT : LE PONT LINGUISTIQUE ET CULTUREL DES
ECRIVAI NS CHINOIS D’
EXPRESSION FRANÇAISE
Sophie CROISET
Université Libre de Bruxelles
Université Paris III Sorbonne Nouvelle
Résumé : Ce t
art
icle
s’int
éresse aux carac t
éris
tiques linguisti
qu es
et
s
tyli
s t
iques des
œuv re s
de Ya Di
ng,
romancier,
et Dong Qiang, poète.
Aprè s
av oir défini
les contours de leur
identité in-between, que nous nommons « transidentité », nous nous arrêterons sur les
cons équence s
tex
tue
lle
s de
cett
e posit
ion spécif
ique. Nous soulignerons ai ns
i l
’impor tance de la
prise en compte du contexte de production de ce type de création, et par là, de leur aspect
transculturel.
1. Introduction
De prime abord, s’in t
erroge r
s
u r les pr obléma ti
qu es ide n ti
tai
re s
e n con texte
e uropé en
e n
trai
ta nt d’
a uteurs d’origine ch i
n oise peut
s embler inc on gru.
Ce tt
e
h ardiesse
n ’en e st pa s moi ns éloqu ent e quant à la nécessité de repenser – eu égard à la
mondialisation et aux phénomènes migratoires en expansion –les notions de frontière,
de culture, mais aussi celles de diversité et de pluralité.
Le s écri
v ains chinois d’ex pressi
on franç aise forment un cor pus
d’ une
v i
n gtai
n e
d’ indiv i
dus ,
de Tc h eng Ki -Tong (1851-1907) à Ling Xi (1972-). Des auteurs
a ujou rd’hu i
renommé s comme
Da i Sijie (1954 -) célèbre pour son roman/long métrage
Balzac et la petite tailleuse chinoise (2000) et Shan Sa (1972-), romancière à succès,
font partie de ce groupe in-between, aux côtés de François Cheng (1929-), membre de
l’Ac adémi e Franç aise depu i
s 2002,
ou encor e de Ga o Xing j
ian (1940) , Prix Nobe l
de
littérature 2000, pour ne citer que les plus célèbres. Pour des raisons diverses liées à leur
carrière, à leur vie estudiantine, à des événements politiques, ou encore simplement au
h as ar
d, ces aventu ri
e r
s du lan gage
on t
a ppr éhen dé la l
angu e fra nçaise à l’âge
a dulte
ju squ ’à en fair
e un outi
l qu otidien de création .
Nou s
nous a rrêteron s
da ns le présent
article sur deux figures celle de Ya Ding, romancier, et celle de Dong Qiang (1967-),
tra duc t
eu r
et auteu r
d’une
œuv re poé t
ique .
En mi roir
de l
a si
tu ation
d’én onciation, nous
proposons de faire ressortir les particularités linguistiques et stylistiques leurs créations,
et de montrer que ces écrivains, entre deux langues et deux cultures, arborent une
indéniable « transidentité ».
2. Auteurs et contextes
64
encore « nomades » pou r r
epr endre l
a ter min ologie d’Anne -Rosine Delbart. En effet,
tou s
de ux on t
eu l’occasion de
g agn er
la Fr an ce,
dé placeme nt géog ra phique à l
’origine
d’ un proc essus de
création l
ittérai
r e
c hez ce s
de u
x pa s
seu rs
.
Ya Ding (1956-) est né en Chine dans la province de Hebei. Après ses études
secondaires, subissant la politique maoïste de Révolution Culturelle, il est envoyé,
comme des milliers de « jeunes instruits », chez les paysans pauvres pour y être
ré éduqu é en t
rav ai
llant
da ns l
e s
ch amps . C’ est e
n en t
rant à l
’ unive r
sité à l’
âg e
de v i
ng t
an s qu’il e ntre
en contact avec la langu e f
r ançaise. Un e carrière de t
raducteur bien
en tamé e, il
s ’
installe
e
n France en 1985. Prof itant
de la li
be rt
é of fe
r te par
l’écri
ture en
français pour raconter son vécu, pour exposer des faits gommés ou enjolivés par la
propagande chinoise, et pour faire connaitre la « vraie Chine » aux Français, Ya passe,
de la t
radu c t
ion, à l’
é cri
ture,
e t
pu blie c
in q roma ns, de 198 7 à 19 94, sur
lesquels nous
basons ici notre réflexion : Le sorgho rouge (Stock, 1987), Les héritiers des sept
royaumes (Stock, 1988), Le jeu de
l’eau e t
du feu(Flammarion,/Stock, 1990), Le cercle
du petit ciel (Denoël, 1992), et La jeune fille Tong (Mercure de France, 1994).
La voie suivie par Dong Qiang présente des similitudes. Né en 1967, dans la
pr ovince du Zh eji
a ng, c’est égaleme nt
à l
’un i
versit
é qu’il renc ontre l
e français. En
1988, il se rend à Paris pour y poursuivre ses études de langue et littérature françaises. Il
y restera finalement treize années au c ours des quell
e s
il
a ura
c herc hé à s’i
ntégrer
da ns l
a
soc iét
é e t
la c
ultu r
e
franç a
ises. Titulair
e d’ un doc t
or a
t de langu e fran çaise,
i
l t
radu it
de
n ombr eus es œuv re
s
du français au c hi
noi s et du chinois au franç ai
s et cherche à fai
re
connaitre la Chine aux Français. En 1995, il participe à la mise sur pied de la maison
d’ éditi
on Bl eu
de Ch ine.
La r
en cont re
de g ran ds ma ît
res l’
a
pou ss é
à écrir
e dire
c t
eme nt
en français. Une volonté qui donne naissance au recueil de poésie L’ aut re main(Bleu de
Chine, 1997) qui contient création, et autotraduction avec illustrations artistiques
(c all
igraph ie en regard du
texte fr
a nçais)
. Un e œu vre uniqu e
qu e l’aute ur
définit
comme
« une exploitation de moi-même, un résultat de ma confrontation avec la société
française, avec mes efforts
d’e ntr
e r
dans la soc iét
é e t
,
e n mê me temps ,
ma nost
algie de
la Chine » (URL Cri, 2010). Dong pense alors rester en France mais en 2001, un poste à
l’Un iversité de Pék i
n
représe nte l
’oppor tunité
pou r l
ui de ne pa s pa sser
à coté de la
Chine devenue loi
n t
a i
n e et
si
mouv ant
e . Il y ret
ou rne ainsi da ns l’idée de
mi eux l
a
connaitre pour mieux la présenter à la France. Il cherche à présent à montrer la France
au Chinois. En 2008, il reçoit le titre de Chevalier des Palmes académiques en France,
une belle reconnaissance pour celui qui veut se faire « l ’intermé dia i
re, le
pa s
s e
ur;
c r
é er
des liens et construire des ponts » (URL Cri, 2010).
La n
otion de t
ra nsidentité est aujou r
d’hui l
ar ge ment diffusé e dans les gender
studies, et compr i
se c
omme un ch ang eme nt d’i
denti
té se xuell
e .
Elle pe ut
cepe nda n t
êt
re
prise da ns une a
c cept
ion
qu i dépa s
s e l
e
c r
itère
sexuel pou r
tou cher à d’autres aspe cts
de
l’i
de ntit
é
e t
caract
éris
e r
la pos i
tion de l
’écrivain
dit
« fra ncoph one » o u,
plus larg emen t
,
l’auteu r
en sit
ua t
ion de c ontact de s langu es et
des c ultures.
Le t
er me
fait é ch o a
ux
concepts de plus en plus véhiculés dans les études francophones tels que
transcu l
tu ral
ité
, transnationa li
té, ou tra nst
e r
ri
tori
ali
té . La qu est
ion d e l’ide ntité
de
l’écrivain fr
ancophon e a été a
bor dé e à ma intes
reprises et sa compl exit
é n ’est pl
us à
établir. Les propos de Christiane Albert présentant les Actes du colloque
« Francophonie et identités culturelles » en annoncent la consistance : « Ainsi le rapport
65
qu i
s’é tablit
, da ns l
e ca dre de l
a f
ra ncoph on i
e,
entre la
langu e,
l’histoire e t
l’ide n t
ité est
un rapport complexe, qui se donne à lire dans un contexte multiculturel. » (ALBERT,
1999 : 9) .
Se lon Da niel De las
« l’écriva i
n francoph one e st et n’est pa s un ét
ra n ger »
(BENIAMINO ET GAUVIN, 2005 : 73) .
Pour r
e prendr e les propos d’Az a de Se yha n,
l’auteu r
e n sit
u ation d’exil
e st
« ne i
the r
h ere
nor
the r
e
» (SEYHAN, 2000: 11). Il est in-
between, vivan t et
produ isant
su r un
poi nt d’int
erse cti
on
ling uistique
e t
cu lturelle ,
il
a
«
l’obliga ti
on de jouer en parti
e dou ble, d’ê t
re i
ci et ail
leu rs, d’oc cupe r de ux l
ie ux à la
fois ce qu i le con tr
aint à rest
er da ns
l’en t
re-deux » (DOLLÉ, 2001 : 13). Citons encore
Josias Semunjanga évoquant une dualité identitaire attachée, spécifiquement, à une
situation postcoloniale mais adaptable à tout auteur excentrique : « Dans le contexte
pos tcolon ial,
la qu êt
e
ide ntit
aire n’e s
t pa s seuleme nt ambi va l
e nte,
e l
le es t
a us s
i du aliste
dans la mesure où le sujet postcolonial a hérité aussi bien que de la cultur e de l
’e x-
métropole par la scolarisation, les médias, la culture, ou les arts » (BENIAMINO ET
GAUVIN, 2005, 97)
L’ auteu r en s it
u a
tion de bi- ou plur
ili
ng uisme et d’h étérog éné it
é cul turelle
présente une identité « par-delà » – d’où le préf
ix e « trans- » –qui se manifeste, par
voie littéraire, dans la langue, le style, les thèmes et les classifications théoriques. Il ne
peut entrer dans un cadre national, culturel, ou linguistique défini selon des catégories
rigides et indépassables. Le concept de transidentité est donc ici posé comme
c aractérist
iqu e d’un i
n divi
du ,
qu i par un proces
s us de trans culturation ass ocié à de s
situations de colonisation, post-c olon isation ou d’ exil, se retrou ve à l a c r
oi sé e de
plu si
e urs langu e s et
/ou cultur
e s,
dé fian t
pa r se
s œu v r
e slittéraires la territorialité de la
litt
éra t
u re.
Il jou e et
se j
oue
de l’
Ic i
e t
de l’Ail
leurs, savou re le Di vers (Se g alen,
1978)
e n mou v eme nt,
e t s es œuv res a ppe llent
u ne a na lyse é clairée, c ’ e
s t-à-dire,
transculturelle.
66
Comme par hasard, le jour de mon retour au village des ancêtres tombait le jour de Qing-
Ming, « Pure Clarté », qui est la fête des morts. (Idem, 1994 : 27)
Plusieurs fois, Zé-Lain voulut confier à Se-Fa n l’his
toire
de son ma l
heur. (Idem,
200 3: 86)
Elle
a t
teignit u ne
fourche
du cour s d’eau qui s’a ppelai
t t
oujour s
Xin-An. (Ibidem : 216).
En de hors de ces
oc c
urr
enc
es
tr
ès
ci
blé
es,
l
es
mot
s
chi
noi
s
vol
ont
ier
s
s’
eff
ace
nt
der
ri
ère
un calque français.
Il
s ’agit
sans dout e de sa
ba nde
de
fous du Lac sans nom. (Idem, 1988 : 60).
Souv ent, les s oirs d’é
té, a près
le r epas,
l e
s« Bâtons nus », comme on surnommait les
célibataires, sortaient pour séduire les femmes du village qui filaient du coton en prenant le
frais dehors, sous des lampadaires. (Idem, 1990 : 168)
Je levai alors la tête pour découvrir, devant nous, un gros rocher dressé, vertical, portant trois
mot s
gros si
è reme nt tr
acés d’ une
coul eur
insolemme nt roug e: Grotte des Neuf-Vieux. (Idem,
1994 : 164).
Ainsi, le lendemain matin, mon cousin le Deuxième vient me tirer du sommeil et tous les
deux nous nous mimes en route pour le Temple des révolutionnaires. (Ibidem : 205)
Durant son long apprentissage, la jeune fille Tong avait bien acquis la confiance du Grand-
Maitre-Avalant-Les-Rochers. (Idem, 2003 : 174)
Ainsi, les mots chinois sont attendus, mais, bien souvent, se perdent en chemin.
Et le français, préféré, reflète une mise à mal du code-switching qui se pose en témoin
tant du r e
g ard r e s
pectu eux de l’auteu r
s ur son ou til
de travai l
qu e d’une vol onté
d’intég rati
on lingu i
sti
qu e affirmée.
Pourta nt l’écrit
u re, roma nesqu e d e Ya Ding, et poétique de Dong Qiang
présente une « étrangèreté » au-de là de s
mot s. Pou r l ’appr oc her
, qu el
qu es
considérations sur la structure et le fonctionnement du chinois sont indispensables. En
Ch ine, s’adonn er à l
’acte d’é cri
ture r
e vient
à s
e déf i
n i
rcomme un artiste aux multiples
facettes. La v isua li
té
de s idé ogramme s,
le système basé sur l’
as sociation de caractères
porte urs de
son et
de sens, pa rf
ois
ima g és,
pa r
fois
symbol ique s
,
a
fa vorisé l
’infl
u ence de
la dimension poétique dans toute production artistique et littéraire. De plus, la
calligraph i
e, pr oc édé plus que r
épa ndu en Chi ne, se trouv e a
u c œu r d’un «système
sémi otiqu e
fon dé sur
un e relati
on inti
me
av ec l
e réel en sort
e
qu’il n’y ait
pas de rupture
entre signes et monde » (CHENG, 2006 : 13). Aussi, elle contribue à renforcer la
puissance poétique des mots. Et, par le truchement de cet art visuel traditionnel, le lien
entre é crit
ure e t peint
ur e s’es t
égal
eme nt vu consol i
dé .
Il f
a ut
joind re à cet
te tri
pa rt
ite,
l’al
lian ce n é ce ssair
e de l ’écr
itu
r e et de la musique, attachée au caractère
monosyllabiques des idéogrammes induisant la mise en place de constructions
rythmées. En outre, la présence de tons dans le langage oral indique la profondeur
musicale de toute pratique discursive verbale. Dès lors, les arts ne sont pas
compartimentés : un a rt
iste s’a
don ne à la tr
iple pr at
iqu e poésie-calligraphie-peinture
comme à une activité complète, totale, où toutes les dimensions spirituelles de son être
sont exploitées : chant linéaire et figuration spatiale, gestes incantatoires et paroles
visualisées (ibidem : 15) Ces observations sont fondamentales car elles permettent de
mettre en lumière des procédés stylistiques remarquables et spécifiques aux auteurs
chinoi s d’expr ess i
on franç aise.
Ce ux-ci cherchent en effet à combler les carences de la
langu e d’ ac
c ue il par
la mi se en œu vre
de tec
hn i
qu e s
or i
g i
n a
les, repr ésent
atives d’u n
ma riag e dél
ica t ma is
pa i
sible ent
re
de ux l
angu es,
et témoi ns de
la néce ssi
té
d’un
re gard
analytique transculturel.
67
propension de Ya Ding à utiliser des figures telles que rimes, allitérations, assonances,
utilisation de phrases nominales qui viennent casser la narration mais également une
volonté de diffuser des sonorités. Les extraits suivants illustrent ces traits qui rythment
et font rimer les mots et les lignes.
L’école retenti
t de cris
d’ enfa nts, desbruits de tables et de bancs, des appels des maîtres et
des chants (…) .
(Idem,
198 9: 35)
Immense tourbillon de poussière jaune, flots de cris et de pleurs, éclat de couleurs, explosion
assourdissante de pétards, tel est ce convoi humain, convoi de ce mon de réel,
d’ici bas,
qui
ma rche
v ers
l’au-delà,
v ers l’autre monde ,
c el
ui des mor ts,
de
Yi n. (Ibidem : 163)
Jail
li
s s
eme nts
roug es et
noi r
s .
Mé langes
de feu, d’eau et
de
nua ge s
. Fra ca
s, tr
e mbl eme nts,
vrombissements. (Idem, 1994 : 72)
Un trope retient particul
ièr
ement
l’a
tt
enti
on all
iant l
a poé sie à
l’ima g
e: la métaphore.
Ancré e
da ns l’
u sage commun en
Chine,
elle se
mon tr
e prégn ant
e et ré
current
e dans la
l
angu e
franç aise de
l’a ut
eur
(
simpl
e,
fi
lée
, in praesentia, in absentia).
D’ après ce que j’en a i
compr i
s , j
’avais vécu l
o ngtemps dans la ci
v i
lisation cartési
e nne
et
mon es pr i
t sél
ec t
ionné ne pouv ait êt
re recollé d’un coup, comme une
g outte d’eau qui a
coulé ju squ’aux e xt
rémi té
s des feuill
es d’un arbre ,
il
lui
fau t
be aucoup de temps et
d’ effor
ts
pour retourner jusqu’à sa
sourc e en pas sa
nt par l
es bri
ndi l
les, le
s
br anche s
l e
tronc et l
es
racines. (Ibidem : 115)
L’ ét
é à Pa ris
ressembl e à
une pet i
te f
ill
e capricieuse: un soleil aux apparitions imprévisibles,
des jour né es
si radieuses qu’on s’i
nqu i
è te
po ur la suit
e, des chaleurs qui surprennent, des
nua ges e t
de s
ave rs
es a
ccidentelles.
Puis ,
la
pe t
ite fil
le s
’ en va ,
les
pie ds nus, balanç ant s
es
longs cheveux dans le vent frais, perdant quelques larmes dans le feuillage des arbres. (Idem,
1990 : 139)
En outre, faisant ressortir, par un autre biais, le rapport de proximité écriture-peinture,
l
’auteur se plait
à interr
ompr e l
e
réci
t pou r
y
in tégrer
de s pet
ites
vigne t
tes ima gées.
A chaque fenêtre éclairée par une faible lueur rougeâtre, apparaissent les ombres des
pers
on na ges
qui
s’a f
fairent: une tête ronde tirant sur une pipe à long tuyau, une autre, à chignon,
devant un rouet
,
une aut r
e,
le nez cha ussé de
lune ttes,
s’
a ppliqua nt
à un ouv rage de coutur e
, s
ous
la
la
mpe ,
contre
la fe
nê tre.
Ima ge d’un vil
lage
entr ant
dans la nuit. (Idem, 1989 : 24).
Au f
ur
e t
à
me s
ure que le j
our avançait et que l
es l
umi è re
s s’intensif
ia i
ent dans
la va l
lée
, l
e
ride a
u de
soi chan geai
t de coul eur,
d u s
ombr e au clair
, s cintil
lai
t e n s
’all
ége ant chaque
sec onde davantage,
jusqu’à la transpare nce, jusqu’à de venir une
brume bla
nc he, une
nappe
de vapeur qui se soulevait, se fissurait, se craquelait : des nuages. Alors tout à coup, en
mê me t
e mps que
de s c
ieux
d’ azur, un soleil bril
lait
au-dessus des Monts Verts, des forets de
bambous, des ravins profonds, où ça et là se devinaient les toits en tuiles dorées des temples.
(Idem, 1994 : 150).
La trans positi
on d’a
rt, proc édé bi e n
c onn u en l
itt
ér at
ure ,
a ppa r
ait don c égaleme nt
comme une possibilité de faire ressurgir un peu du passé linguistique de Ya Ding, qui
propos e é g
alement
nombr e
de citations
de poème s
et d’extrait
s
de chanson s
au
sein de
ses r
oma ns.
Au s
on style
s’h abille-t-i
l
d’ une robe
chin oi
se aux mul ti
ples facette
s en t
re
discr
é t
ion
et v
arié
té,
ch er
c han t
à fair
e ressortir
cet
ar t
total qu’e st
l
’écriture poétique
chinoise.
4. 2 Un poète « di
gne
d’
un
Dong»
68
ci parvient-il dès lors à coller à la poésie chinoise en langue française ? La première
pa r
tie de son œuv re consist
e en u ne
autotraduction: les lignes françaises font figure de
transposition des calligraph ies de
l’éc
rivain. De l’aveu de ce de r
nier, le remplac eme nt
de s caractères de ssi
n és,
par des l
ettr
es e t
de s
mot s n e s’es t
pa s fait sans ma l. Et l
a
secon de pa rti
e du recueil
é crit
e dir
ecteme nt dans l’i
di ome d’ accue i
l pr ésent
e u n sty l
e
plus affiné, plus typique marqué par un fait caractéristique : le jeu sur les sonorités. Le
poème « Dedans et dehors » constitue une bonne illustration de ce phénomène global,
pr é
sen tant tout d’abor d des p arony mes: tour à tour, les vers débutent par les mots :
« Au silence », « Aussi blanches », « Eaux si denses » « Aussi immense » (DONG
QIANG, 1997 : 65) mais également une inversion syllabique :
Aussi immense que le mensonge passager
du ciel à la terre
dans le songe mental je brise la prison
de mon moi (Ibidem)
La sensibi lit
é de l ’au t
e ur à l’égard de la ré sonnance de s mot s rappe ll
e la p oés
ie
chinoise, cha ntante et ch antée. Il
n e s’agit pa s
seu
leme nt de fair
e r
ime r les vers mai
s
bien de faire retentir le texte, de faire vibrer les vocables pour en revenir à ce « temple
de la parole » que constitue la création poétique chinoise. Et les exemples se
mul t
iplient,
le s
mot s
s ’appe l
le nt
et se mê lent de la
paronoma s
e
à l
’h omonymi e.
L’ aube
ma intie nt
e n
son se i
n u n
e pomme a
mè re
L’ autre
ma i
n tie nt
dans
sa
pa ume un s
ein
de la
mè r
e (Ibidem : 85)
Pour avoir l
anc é l
’hame çon jusqu’ à
la
mer,
elle a
dé chiré
le son
de l
’â me j
usq u’à
l’a
me r
tume
(Ibidem)
Deuil pour deuil
Dent pour dent
Contre les dents si têtues de la Mort
Car la densité tue la mort
Cont re des airs ha utai
ns, des cœu rs d’
aira
in,
Dé sert au t
eint de chœur
a éri
e n
Idyllique, homérique,
Idiot ma is
lyrique […]
Comme un matin sans merleau
la mer sans matelot
mer au flux, mer aux flots
mer sans enfants sur le dos
mère aux sanglots
cent ans de gaspillage
sans tant de malheur
sang (Ibidem : 86)
Saint sans femme, à rive, rêve de femmes
cinq sa ns
femme
arri
vent. Rê ve de
femme s
[…]
L’ eau boue use reflèt
e mie ux la
lune ,
l’aube houleuse no ur
rit
de me i
ll
e urs j
ours
.
(Ibidem : 87)
Cette frontière,
qu’ une
tierce
pe rs
o nne
garde, Eden, mon domaine,
ga r
di en, a
bd ome n, (…)
(Ibidem : 92)
Aussi, après avoir introduit la visualité dans le texte à travers la calligraphie, Dong
Qiang a cherché à singulariser sa langue française et à transcender celle-ci en allant
puiser dans les ressources de la poésie chinoise un jeu sur le bruit des mots, certes déjà
usités en littérature française mais ingénieux et révélateur.
69
5. Conclusion
Par delà les territoires géographiques, les frontières linguistiques, les barrières
cu l
turelles,
les
de ux éc r
iv ains
ch i
nois
d’ expre ssion français
e ch erch ent
à s’appr oprier au
ma ximum l
a l
a ngue de l’h ôte. Le r
e gard scol aire
e t
la dimen sion r
espe ctueu se se font
sans aucun doute ressentir. Cela dit, par le biais de techniques, de tropes, que le langage
met à leur disposition, ils font ressortir cette langue maternelle qui ne les a jamais
quittés. Ainsi la lang ue d’ accu e
il porte le voile s ubti
l ma is pén étr
an t de l
a langu e
d’origin e sous des a tours poé t
iques, i
ma gés ,
v is
u els dans les roma ns de Ya Din g e t
particulièrement sonores dans la poésie de Dong Qiang. Aussi, une approche éclairée,
transcu l
turell
e, s’avèr e indi spen s
able po ur cern er des
au t
eurs «trans- », ces écrivains
qu i
, comme t
ant d’au tres aujou rd’hui,
sont au cœu r d’u n
formi dable
dialog ue.
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70
TECHNI
QUES
DE
RÉFUTATI ON DANS
L’ÉDI
TORI
AL
POLITIQUE
Cristina ILINCA
Université de Pite ti
71
homérique » : la prése ntati
on de l ’argume nt,
l a réfutation de s c ontre-arguments, la
reprise de
l’a r
g ume nt
s ou s
une
forme nou v elle.
A. Kibédi
distingu e
trois
c as d’utilisat
ion de
la réfu tation: « …e n rhétoriqu e, la
réfutation a très souvent un sens légèrement différent du sens ordinaire ; ce n’es t
qu e
lorsqu e l’ora t
eu r
parl
e après l’orateu r
du part
i opp osé q u e sa r
é fut
a t
ion con cerne de s
arguments réellement avancés : dan s l
es a u t
res cas,
tantôt i
l c herch e à
réfute r
d’a van c e
les argume n t
s pos si
bles de
l’
a dve r
sa i
re,
tan tôt,lorsqu’il
n’ y a pa s d’adv e
rsa i
re
qu i
pa rle -
et c’est l
e
c as de l’él
oqu ence de la chaire et tr
ès sou vent de l
’ éloqu ence de la tr
ibu ne
- il
ch erche
à di ssiper par la réf
ut a
tion l
e s
dou tes
et l
e s r
ése rve s qu’il pou r
rait y avoir
da ns
l’âme de s au diteurs» (2002 [1970] : 78). On décèle ici le cas de la réfutation comme
rejet des p ropo s
ré el
s de l
’adve rsair
e ,
comme reje
t des pr op os hy poth ét
iqu es de ce l
u i-ci
ou
de l
’a uditoire.
Aristote distinguait deux types de réfutation : la contre-argumentation et
l’obje cti
on. En rhétorique, la réfutation se limite au sens strict à ces deux stratégies. Mais
comme nous allons le voir, dans un discours polémique, la réfutation peut mobiliser
d’au tres moy ens plus ou moins détou rnés qui vi
sen t
à dépl ac er le
pr oblème t
ou t
e ntier, à
en
s ubv erti
r l
es
pr i
ncipe s d’analyse ou à disqualifi
er ou inv alide r
l’adve r
sa i
re, da ns sa
parole ou sa personne. Elle est souvent accompagnée dans sa démarche argumentative
d’au tres proc édé s agon iques tels que l
’iron ie,
le sarcas me , en raison
de leu r
fon ction
commune d’ ag r
e ssi
on . Nu s n ous l i
mi terons i ci à un e a na l
y se de s pr océdé s qu i
affaiblissent objectivement le discours adverse par des moyens directs ou détournés. A
part les moyens proprement rhétoriques, notre travail en corpus prendra aussi compte des
outils propres aux approches pragmatiques ou argumentatives, puisque ces moyens
n’ag issent pa s
isoléme n t
ma is
e
n c
on v ergen ce st
ratégique .
72
qu’il
«
nefaudrait pas mélanger management et politique », même si, ajoutait-il, « nous
souha it
ons
le souti
en des
a utor
ités
locales et
de l
’Ét at
» .
Ce qu’
ilfaudrait, en vérité,
c’est que les acti
onnai r
e s
pr iv
és représentés
par mo nsieur Fabri
c e Br é
gie r, qui o nt
condui t
l’entrepri
se à cet
te
s i
tuat
ion, s’expl
iquent enf
in et
sans dé to ur
.Car il faut
cesser de se moquer du monde, s urtout quand l
’empl oi de dix mi
ll
e sal ari
és , la vie de
leurs
fami ll
es et
l’
aveni r
d’un secte
ur industri
el
st
raté gique sont
en
je u. (L’Human it
é, le
6 mars 2007)
Da ns l’extra i
t présenté en exe mpl e,
l’én
on c iateur se
sert de la
cit
ati
on
afin
d’a
uth entifi
er
les dires à rejeter et de donner plus de force à sa réfutation. Les réalisateurs
linguistiques mobilisés sont le verbe « falloir » en présentatif suivi de la locution
adverbiale « en vérité », la réfutation étant soutenue par un argument susceptible de
susciter l’indig nati
on des lecte urs: « Car il faut cesser de se moquer du monde, surtout
quan d l’
e mpl oi de dix mi ll
e salar i
és,
la v ie de l
eurs familles et
l
’av enir
d’
un secteur
industriel stratégique sont en jeu. »
Le mi ni
str
e de l’I
ntéri
e ur [N. Sa rkoz
y ] qui
a l
an cé
la
traque a
ux enfant
s écol iers
jusque
dans les écoles espère décrocher une part du fond de commerce de Le Pen, en
dénonçant « une minorité qui ne nous ressemble pas », dans un pêle-mêle qui additionne
l’
immi grati
on et
les
dé linqua nts ou l
e s j
eunes des quar tiers.
(L’Humani té, le 19 mars
2007)
Da ns l
’extra i
t
pris
comme exempl e, l
’énon
ciateu
r dénonce l’associa t
ion indé sirable
qu e
le candidat UMP ferait en parlant en même temps de questions différentes : « un pêle-
mê le
qui ad dit
ionne
l’
immi gration et
les
dé
linquants
ou l
es jeune s
de s quartie r
s».
Argumentation ad hominem. Da n s
l’i
nteract
ion ar
gume ntative ,
l’
oppos a nt est
l
’adv
ers
air
e don
t on
ré f
ute la parole adressée à un public dont il ne fait pas partie. La
73
rhétorique mode rn e tend à ne pl us
fai
re l
a distinc t
ion
ent re l’a
rgume nt
ex concessis
et l
’argume nt ad hominem, le premier étant assimilé au deuxième. Dans nos analyses,
nous maintenons néanmoins la distinction classique : l’a
rgume nt ex concessis se fonde
sur des prémisses considérées comme universellement probables ou admises par
l’int
erlocu t
e ur
alor s que l’ar
gume nt ad hominem se fonde su r
ce que l’oppos ant a
affir
mé
pr écédemme nt.
L’a r
gume nt
ad hominem consiste donc à attaquer la parole de
l’adver s
aire non se u l
e me nt
en réfutant
ses
argume nts,
ma is auss i
en l
e
déma squ ant et
en
ruinant sa crédibilité. Le discours polémique en fait usage très souvent pour dévaloriser
une opinion ou un point de vue en
s’att
aquant à
l’eth os du
loc uteur qui s
’en fait
le port
e-
parole.
Il était entré dans la campagne revêtu de probité candide et de lin blanc. Il allait «
changer le système », «réconcilier les deux France», en finir avec cette «guerre civile
froide» qui , sel
on lui,
empê che l
e pa ys d’avanc er
. Et voici qu’ a uj
o ur
d’hui
le de s
pe rado
du Béarn canarde à tout-va. Vo ici qu’ avec une brutalit
é c onf ondant
eil lance contre
Ni cola s Sarkoz y
un e plui
e d’invectives
puisé es dans l
es ea ux saumâtr
es du cynis me
politicien. Comme nt l
’apôt
re
d u «et droite et gauc he» s’e st-il mué en huit jours, au
mé pr is des convi
c ti
ons d’une bonne moiti
é de
s es électeur s, en imprécateur du «ni
Sa rko ni
Sa rko» ? François
Ba yr
ou n’aurait
-il rompu avec la longue tradition du centre
mou que pour imaginer le centre fou ? (Le Figaro, le 28 avril 2007)
Da n s
c et e xtrait
, l’énon ci
a te
ur con s t
ruit
s a r éf
utation ad hominem en mettant en
contradiction les paroles du candidat adverse et ses actions qui mépriseraient « les
con vict
ion s d’un e bon ne moi t
ié
de ses propres lecteurs ».
L’att
a que vise à
disc réditer
le
can didat UDF aux yeux de ses
propr es él
ec t
eurs
ma is aussi
aux yeux d’a ut
re s pos si
bles
électeurs. Les propos du candidat mis en question sont repris entre guillemets pour
donner plus de crédibilité aux arguments. La citation joue ainsi un rôle significatif dans
la construction de la réfutation ad hominem. M. Angenot précise à cet égard : « Alors
mê me
qu e la citat
ion de l’
a dvers
aire n’est
ni tronqu ée ni
altérée,
son in s
ertion forcée
dans un nouveau contexte dont la logique lui est hostile en change la portée et en
subvertit les intentions. Même le mot-pour-mot peut trahir. Le texte adverse se trouve
remotivé, le contexte en fait apparaître la dissimulation idéologique, il suffit de faire
rema rque r que
l’au t
eu r
"ne c r
oit
pas si
bien dire " pour que d’autres sens
appa r
a issent
,
que de lapsus se manifestent » (op.cit :290-291).
Argumentation ad personam. L’ ar
gume nt
ad hominem e t l’ar
gume nt ad
personam constituent des outils indispensables du discours polémique, les deux
argume nts s’
associant sou vent
afi
n
de di
squa l
ifi
er l
’oppos ant.
Le Traité de Perelman &
Tytéca fait la distinction entre ces deux arguments : « Il ne faut pas confondre
l’ar
gume nt
ad hominem avec l
’argume nt
ad personam,
c’e s
t-à-dire une attaque contre la
pe r
son ne de l’adve rs
a ir
e et
qu i vise,
essentiell
eme nt, à di squ al
ifier c e dern i
er »
([1958]1970 :150). A l’intéri
eur
de l
’ad
personam qu ’
est don c
l’attaque personnelle,
on
pe ut
faire la dist
inc t
ion entr
e pu re ma ni
festati
on d’ hostil
ité ( «Pauvre idiot ! ») et
l’i
nsu l
te a ss
orti
e d e sa just
ifi
cation («Pauvre idiot : tu dis des contre-vérités ! »).
L’ i
ns u
lte apparaî
t ainsi non seulemen t
comme
h or
izon
pos sible de l’arg ume nt
ation ad
hominem, ma is
a ussi c omma s a limite
, e n c e qu e l’insulte «pure » n’ est pas
pragma tiqueme nt
de
na ture
argume ntat
ive,
puisqu’elle
ne su sci
te pa s
un déve l
oppe me nt
argume ntatif
, mais tend à rompre
l’i
n t
erac
tion argume ntati
v e (DECLERCQ éd.,
2003:
350).
74
Prenons un exempl e d’argume nt ad personam où l’énon ci
ateur
ma nif
este son
hostilité envers le candidat adverse après avoir exposé les raisons pour lesquelles il
dis
qu alifi
e l
a person ne
mê me de
l’opposa nt:
Ma i
s, dè s l
ors qu’ils
le verraient
servir
une
me sse
de
gauc he, que
diraie nt
ses propres
fidèles plutôt portés à droite ? A ce tr
acass
in Bayrou répon d sans
ciller qu’avec une
nouvelle droite et une nouvelle gauche rassemblées sous son panache, et par sa seule
magie, c ’est l
’un i
té nationa le
qu i
s’
établi
rai
t s
o u
s nos
yeux
é blo
uis. . . Mazette ! (Le
Point, le 8 mars)
Normalement, la personne des interlocuteurs ne devrait pas être prise en compte dans un
dé bat sur l
a
validité de
leur
s t
h èses .
C’ e
st
le c as,
par
exempl e
,
du mon de
sci
entif
ique
où
l’on
di scute
autou r d’une
t
héor ie.
Da ns
la
pra ti
que
so cial
e ,
la
dis
soc iati
on
ent
re les
idées
et les individus est néanmoins très fréquente, constituant « un
tr
ait d’hy per
rat
ion al
isme ,
d’a veu gleme nt
idé ologi
que» (ANGENOT, op.cit : 225).
Pa r
la r
étorsion, l
’énon c
iateur feint
d’abor
d de rai
son ne
r avec l
e s catégories et selon la
logique du candidat adverse, F. Bayrou, pour prendre ensuite en dérision ce
raisonnement : « ce mascaret du changement », syntagme qui sert à réfuter la logique de
la thèse
adv ers
e .
Ens ui
te l
’attaqu e
devient
expl i
cite,
en minimi san t l
e candidat adverse
par sa mise en comparaison avec une grande personnalité historique : « Bayrou y croit
qu i
se s
ouv i
e nt
qu’ un t
el
défe r
leme nt
servi
t
deGaulle.
Ou i
.
.
. ma is c’était
deGaulle. »
75
mise e n c ause. L’é nonciateur s
e s
ert
d’
une
ci
tat
ion
du
di
scou
rs du
pr
ési
den
t pou
r
construire une thèse adverse :
Esprit essentiellement positif, peu porté à la spéculation, Jacques Chirac regrette de
n’avoir pas « bous c
u l
é davan tage les conservatismes », mais il ne se demande pas si les
réforme s
qu’ il
a ent
reprises o nt j
amai s
compos é u
n dess ei
n. (Le Figaro, le 12 mars)
Dur ant toute
l’é
mi ssion, à qui Roy a
l
a -t-elle parlé, en effet ? Au noyau dur des électeurs
socialistes,
à l’
év i
de nce, qui ont poussé des hourras à chacune de ses attaques. Assez
peu à la gauche de la gauche, qui a sûrement apprécié sa furia antisarkozyste, mais
aura modérément goûté son refus du « bloc contre bloc » et ses concessions
idéologiques « droitières » sur le s 35 he ures, l’immi g ration ou l' i
ns é curi
té. Moins
encor e au x él
ecteur s du centre,
d
on t l
’agr e s
siv it
é n’est pas l
a t
asse d e thé, et qui
n’auront pu que me surer,
n’e n dépla
is e à Fr ançois Bay rou, le fossé qui les sépare de la
candidate socialiste en matière de dette ou de fiscalité. Ségolène Royal avait-elle déjà
en tête la bat
ail
le qui
s’eng agera pour le cont r
ôle du PS a près
son éven tuelle
dé f
a i
te ?
En lâchant la bride à son naturel, elle a fait une bonne affaire personnelle mais, très
probablement, un mauvais calcul électoral. (Le Figaro, le 4 mai 2007)
Autophagie. Pa r l e
p rocé
dé de l ’autoph ag
ie on dé montr
e qu e «la
général
isat
ion ou
l’ext
en sion d’une
th
èse l
a
ren d impr at
ica
ble,
a
bsurde
ou c
rimine
lle,
ou
encore,
qu’un e prati
qu e e s
t ma uvai
se dont
l’ appl
ic at
ion u
niver
sell
e ent
raîn
erai
t des
conséquences fâcheuses » (ANGENOT, op.cit : 224) :
76
l’adv er
saire ,
e n
poussan t
pa r
au t
o ph agi
e
jus
qu’
à l
’abs
urd
e s
es
propr
es
arg
ume
nts
af
in
de
le disqualifier de manière plus forte.
77
repérabl
e à la sur
f ace du
discou r
s. L’a
nal
yse ar
gume ntat
ive est
capabl e de j
usteme nt
mettre en évidence à la fois les objectifs du discours dans une situation de
communication singulière et les stratégies déployées pour les réaliser dans leurs
dimensions formelles et idéologiques.
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78
LE STÉRÉOTYPAGE COMME FORME DE CONSTRUCTION
IDENTITAIRE
Simina MASTACAN
Université « Vasile Alecsandri
Introduction
79
stéréotypes de pensée et les stéréotypes de langue (SCHAPIRA, 1999 :2) : les premiers
ont pour but de fixer, dans une communauté, des croyances, des convictions, des
superstitions : les Polonais boivent beaucoup, les Roumains sont reconnus comme
h ospitali
ers, etc. Il
n’a rr
iv e pa s
toujou rs que
ces formu l
e s se f
ixent
da ns la
langu e, sous
la forme des locutions. On a ,
par ex empl e, l’
expres sion saoul comme un Polonais, mais
non pas hospitalier comme un Roumain. Cela démontre, sans doute, le caractère
variable et imprévisible de ces stéréotypes, parfois constitués à la base de certaines
expressions imagées, étonnantes, sou vent my stérieus es, don t
l’ét
y mol ogie est t
a ntôt
obscure, tantôt imaginaire.
Da ns les
étu des su r
ces forme s
figées, il
est à remarquer qu e l’
intérêt por te
surtout sur les questions de syntaxe, ou bien sur celles de lexicologie. Les premières
établissent les distinctions nécessaires entre la syntaxe « normale » de la langue, celle
qui a un caractère libre et vivant, et la syntaxe spécifique à ces expressions. Dans la
deuxième approche, les lexicologues portent un regard plus attentif sur la diversité du
c orpus e t
mul tipli
e nt les c r
itères de s c l
as s
eme n t
s propos és
. L’an al
y se du de g ré de
figement, vu comme « l a fi
xation ,
par l
’usage, d’un e sé quence compor t
ant de ux ou
plusieurs unités lexicales qui forment ensemble une nouvelle entité plus ou moins
lexicalisé » (ibidem : 7), est, à côté des critères morphologiques, le repère immuable de
l’an al
ys e de s l
o cution s stér é
otype s. Se lon c
e critère ,
on peut
identif
ier des loc utions
stéréotypés expressives littérales (sûr et certain, haut et fort), métaphoriques (être
tombé sur la tête, demander la lune, donner le feu vert), allusives (le cheval de Troie,
l’épé e
de Damoc l
es), les clichés (joli à croquer, noir comme le charbon, une volonté de
fer), expressions idiomatiques ou idiotismes (faire la sainte nitouche, battre en
brèche), et des énoncés stéréotypés, regroupant toutes les formes parémiques
(proverbes, dictons, adages, les aphorismes, les formules de politesse, les slogans).
Nous y avons repris la classification proposée par Charlotte Schapira, dans son livre Les
Stéréotypes en français : proverbes et autres formules (1999).
Les aspects formels abondent dans ce type de description, alors que les aspects
pragmatiques et les enjeux discursifs que leur emploi entraîne passent souvent dans
l’ombr e .
Ce qu ’on r ema r que ,
d’ habi t
u de, est
qu e l’us age en pré suppos e
u ne sor te
d’ i
n er
tie, de pa resse in t
elle ct
ue l
le: les expressions automatiques exercent une tyrannie
par rapport à la parole libre et démocratique. Elles entravent à notre liberté et
constituent des « moules de pensée » qui forment notre mentalité et façonnent notre
usage de la langue. Cela est, sans doute, valable dans certains cas, notamment quand on
les emploie sans discernement et sans avoir réfléchi à la signification initiale, souvent
obscure : discuter à bâtons rompus, belle comme une image.
Néanmoins, il faudrait reconnaître que la fonction discursive en est beaucoup
pl us
compl ex e,
puisqu e
c ’es t
l
’usa ge qu i
con fè
re la va l
eu r à ce
type
de producti
on . C’ est
da ns l’
u sage qu’on va r
e conna ît
r e la valeur express ive d ’un s
téréot
y pe ,
car
son empl oi
re l
èv e souv en t
non pa s de la pare sse inv oquée p lus h au t,
ma i
s d’u ne sorte
de luxe
linguistiqueI (ibidem), qu i s
ollicit
e l’i
ma g inat
ion du l
oc uteur
plus qu’ une expr ession
habituelle. En effet, pourquoi dire le cheval de Troie au lieu de stratagème, des
châteaux en Espagne au lieu des chimères, reprendre du poil de la bête au lieu de
reprendre le dessus, tirer le diable par la queue au lieu de mener une vie de privations ?
Not re répon se es t
qu e,
da ns le jeu de l
’én on ciation ,
c
es expressions participent
à la construction identitaire que le locuteur-énonciateur met en place dans son discours.
Paradoxalement, même si ces constructions ont perdu, par le processus de figement,
l’originalité stylist
iqu e ,
e lles témoi g nen t
d’ une as piration du locuteur à varier et à
e nrichi
r son disc ours. La s ource de l’expre s
sivit
é en
pr ov ie
nt just
eme nt
de l’i
nt en t
ion
80
communicative et du contexte et, notamment, de cet effort de face-building que chacun
de
nou
s s’efforce d’accompl ir
pa r son i
nte
rven t
ion.
La
c réati
on d’un e
image de soi satisfai
sant e
fait parti
e, t
raditionn e lleme nt,
de s
moyens de preuve technique dont le discours argumentatif a besoin. Il faut en repérer
les mé ca nisme s
lo r
s qu’on
est
confronté à des actes de manipulation, de mensonge, et,
plu s géné raleme nt ,
à t
ou te
acti
vit
é de pe rsua si
on. L’ activité
de
l’é me tt
eu r -orateur est
essentielle : il doi t jouir d’un caractère mor al et d’ un e
pe rsonna l
ité qu i i nspir
e l a
con fi
a nce
e t
qu’ il
es t
cens é
démon tr
e r
par la force de son discours. Dans sa Rhétorique,
Aristote nomme éthos (terme grec qui signifie personnage) l
’image de soi qu e
projette
l’orateur dé sireux d’ a
g i
r par sa
pa r
ole (ARI STOTE: 1991). En effet, comme bien le
montrait Perelman et Tyteca dans leur Tr aité de l
’argumentation, la personne de celui
qui parle, son prestige, « est le contexte le plus précieux pour apprécier le sens et la
por tée
d’ un e affir
ma ti
on» (PERELMAN, TYTECA, 1958: 426). Pour que son discours
mé r i
te créa nce ,
l’ora t
eur doit
inspi
rer conf ian ce,
et surtout ne pas faire
l’é log e de soi-
même. Ai nsi, on est ame né à
voir
l’éth
os comme
éta nt
plu t
ôt rel
ié
a ux
traits de
caractère
qu e l
e
loc uteu r
s’efforce
de mo nt
rer,
en ign ora nt
le
prin cipe de
la si
n cérité.
Comme parler ouvertement de et sur soi-même est considéré comme un défaut
important de toute prise de parole ou tout discours, il est nécessaire que cela soit rendu
pos sibl
e pa r des pr océdé s
indir
ectes,
ma is qui cons t
r uisent d’aut
an t plus e fficaceme nt
l’ima ge qu e le
locut eur veut
impos er
da ns son dis
c ours (cf. MASTACAN, 2007 :119).
Ainsi, en employant des expressions stéréotypées allusives, qu i
ont à l’ or i
gine de s
références précises, parfois bibliques, le locuteur se fait une image de connaisseur,
d’é rudit.
Il conn aît
la
signifi
cati
on de s
ex pres si
ons
telles le
talon d’Ac hill
e , le cheval de
Troie, le rocher de Sisyphe (contenant des références à la mythologie greco-romaine),
ou des œuv res li
ttéraires f
ame uses
, en déc hiffrant
la sign if
icati
on
de l
a
loc u tion figée se
battre contre des moulins à vent (allusion à Don Quichotte de la Manche de Cervantes),
ou bien le meilleur des mondes (évoqu a nt Ca ndide de Voltair
e,), v oire d’un dé t
a i
l
biographique (l e violon d’Ingres–signifiant, pour un artiste, de pratiquer un art qui
n’e st
pa s
le sie n)
.
En pragmatique contrastive et ethnographie de la communication, le terme
éthos est employé afin de définir un certain « profil communicatif », un « style
interactionnel » pr éféré par une société.
Il s’applique à de s
c ol
lectifs d’ in dividus, et
relève, selon C. Kerbrat-Orecchioni (à laquelle appartiennent aussi les syntagmes cités
auparavant) de la compétence culturelle des partenaires à la communication, dans
laquelle il faut intégrer, « l
’image qu’ils
s e font d’eux-mê me s,
qu’ils se font de l’
au t
re,
et qu ’i
ls s’ima ginen t que l’aut
re se fait d’e ux-mêmes » (KERBRAT-ORECCHIONI,
1980 : 20). Une caractéristique importante du cliché est, on le convient, son rapport
idéologique avec la mentalité de la communauté linguistique à laquelle il appartient. Par
exemple, le locuteur de français emploie des expressions telles une promesse/action/des
propos de Gascon, une réponse de Normand, à val
e ur pé j
orative,
mê me
s ’il n’
a jama is
rencontré un Gascon ou un Normand. Les clichés de type comme + N (saoul comme un
Polonais) se basent, de plus, sur une présupposition fausse (étant, en même temps, une
idée reçue –tous les Polonais sont des ivrognes) . Le deg ré
d’impl ication augme nte
en core da n s d’autre s st
éréotypes,
qu and les con t
enus n e sont pl
us pré suppos é s,
ma is
sous-entendus : le travail des bénédictins est précis et minutieux, les Gascons ne
81
tiennent pas leurs promesses, les Normands donnent des réponses ambiguës. Toutes ces
locutions véhiculent, consciemment ou non, des idées et, souvent, des préjugés qui
re présentent la me n t
a l
it
é d’un e
c
ommun auté lingu i
stique à un mome nt don né. C’ est
,
pl us préc i
séme nt,
c e qu ’
on appe l
le l
a dox a
,l ’opin i
on c
ommun e qui se refl
è t
e da ns la
la ngu e.
Il est
connu ,
da ns
l’
ima gina i
re r
ouma in ,
que les Tu rcs ont
me né des comba ts
du rs e t
crue l
s, c’est pourquoi, dans
l’expression se bat turcii la gura lui le locuteur
c hoisit d’ i
ntrodu i
re un e xempl e « présenté c omme pa rang on ou le pr ototype du
ph én omè n e
qu’il s
’a git
d’i
llust
rer» (SCHAPIRA, 1999 : 32)
Le rôle du stéréotypage d a ns la c onstr
uc t
ion de l’éthos,
de l’iden ti
té
per son nelle
, n’est
d on c
pas à
n égl
ig er.
Il
faut
a jouter
à ce poin t
de notre
dé mons tration,
ne fût-c e qu’au pa ssage,
un br ef comme ntaire sur le rôle de la notion de face,
re présentant, elle a ussi,
l’ensemb le de s ima g es valorisantes qu e l’
on te nt
e ,
da ns
l’interaction, de construire de soi-mê me e t d’ impos er a ux a ut
res. Le s re lat
ions
in ter
pe rsonne l
les,
ritualis
ées socia
le men t
, ent
re nt dans un jeu où l’
ima ge positi
ve qu’on
se donne de soi-même est essentielle (à considérer, par exemple, les échanges verbaux
qui ent raînen t
l
e compl iment, l
a ga la
n t
erie…) . Ce tt
e perspe cti
ve
suppo se, assuréme n t
,
u n dé placeme nt de l’i
ndividuel au coll
e c
tif,
ce qu i en
traîne de s
répercussions
en
c e qui
concerne le stéréotypage. On se demandera si la perspective culturelle peut fournir des
re père s
s ûrs et indis c
u t
ables conc ernant la s pécifi
cité de l’éth
os a u n iveau d’ u ne
c ollecti
vité. En r hé tori
que ,
l’aff
ic hage de s qu al
it
és de l’or at
eur e s
t u n pr oc essus
intentionnel, alors que « c e n ’
e s
t pa s généra leme nt
c onsc i
e mme nt que l’on f̀ait le
Françai s` (
ou l
’Allemand ou le
Chi nois)» (KERBRAT-ORECCHIONI, 2005 : 303).
Pr
agmat
ique
,
arg
ume
ntat
ion
et
cons
truc
tion
de
l’
audi
toi
re
82
l’orateur
de construire son audi t
oir
e. La réalit
é corpor
e ll
e d’un i
ndiv idu
ou d’u n group e
ne
pe ut se
substituer à l’i
dé e que celui-ci s’e
n
fait
.
Mê me l
orsqu ’on parl
e deva nt
un
grou pe connu d’é t
udian ts
, ou de v
ant des
a mis,
l’i
ma ge qu’on constru i
t de cet audi t
oire
ne se confond pas, du moins totalement, avec la réalité empirique : « ce qui joue dans
l’in
te r
action,
ce n’ est
don c pa s
la présence r
éell
e du pa rt
enaire,
ma i
s l’imag e plu s
o u
moi ns schéma t
iqu e qu’élabo r
e le
sujet
pa rlant.
Comme
le di
s c
ou r
s in absentia, le face à
face argumentatif passe par un imaginaire » (AMOSSY, 2006 : 45).
83
Ce n’es t
pa s éton na nt qu e le
pr ésiden t fra nçais tienn e un disc ours éma i
llé de
telles idées reçue s. C’ est un e ca ractér i
stique pre squ e couran te du
discou rs
pol i
tiqu e d’en
user, afin de faire son public adhérer aux contenus exposés, de le prendre pour
compl ice, tou t
e n r a pp ela nt u n e ns embl e de pr in cipes qu ’il faut ten ir
c omme dé j
à
acquis. Nommés ainsi par Herschberg Pierrot et R. Amossy (1997), les lieux communs
ne se caractérisent pas par un figement formel élevé, ce qui confère plus de liberté à
l’orate ur.
L’ a uditoire e n visa gé da ns le d iscou rs qu e n ou s a nalyson s est u niv ersel
,
puisque ces formules prét e nde n t
én onc er
de s v érité s i
n tempor ell
es à propos de l’
ê t
re
humain, de « la jeunesse » en particulier. Le stéréotypage évident que le discours du
président met à son profit a pour but de coaguler une certaine vision unanimement
partagé sur les jeunes « d’ au jou rd’hu i», mais aussi de présenter devant la nation une
vision politique –la sienne.
En v éhi cula nt c es c on t
e nus un anime me n t conn us ( la pr euv e étant qu’ il
s
peuvent être introduits par le préfixe « comme on dit »), les stéréotypes ne demandent
pas à être interprété s c ha qu e foi s qu’ on l
es e ntend. L’énonc ia t
ion
d’u n li
e u commun
a
l’av antage, au x ye ux de c elu i
qu i le p r
on on ce, «de rencontrer son interlocuteur sur un
territoire commun e t
d’ obt e nir ain si
son adh ésion à pe u
de frais» (SCHAPIRA, op. cit,
125). Ma is, en tant qu e pol iticien h abile
, l
e pr és ident fra nça i
s s’ape rçoit aus si des
da ng ers qu e l’a bu s de c e pr oc édé e ntraîne: ba n alis
ation du di s
c ou rs
, pe rte de la
con fian ce de l
’au ditoi re. Ai nsi, il ar r
ive s
ouv e nt qu e l’
or ateu r r
e j
ette c e
tte pote ntiell
e
image négative, en dénonçant lui-même certains stéréotypes. Il le fait soit en contestant
le dire g
én érique ,
l’opi ni on commun e:
15. Bi en sûr il e st
fac ile de dire qu e la jeune sse d’un pays
c ’est
son av enir,
c ’est son c api tal.
soit en pratiquant lui-même le défigement du stéréotype :
16. Le monde professionnel doit ouvrir ses bras aux jeunes, mais ce sont les
jeunes qui, avec leur propre bras, doivent ouvrir les portes.
Sou ven t
, l’énon c i
a teur a ssume ex pliciteme nt le s téréotype , en dén on çant
, en mê me
temps, son statut
d’ idé e re çue:
17. J e par l
e d’ une plac e dans l
a s
oc iété , d’un s t
atut s
oc i
al ,
comme l
’on dit,
même si cela est un peu caricatural1
Le fai
t qu e l’ora te ur en ge ndr e un comme n ta ir
e sur son propre dire «en train de
se faire » re l
è ve d’ un e for me de réfle xivit
é mé ta-énonciative, où la parole est mise en
scè ne dans un ac t
e d’ aut o-présentation (AUTHIER-REVUZ, 1995 :33). Le fait que le
stéréot ype est conv oqu é e t dé non c é,
pol émi qu eme nt ,
par l’
é non ciateur (comme on dit…)
dé mon tr
e
qu’ il
tente de
s e se rvir de «l ’
a i
lleurs»
di sc ursi
f de l
’au tr
e,
(ibidem : 471), tout
en prenant ses distances.
Da n s
un dis cou rs qui s’a vè re bou rré du dé jà
-dit, cette auto-dénonciation est
né ces sai
re, pu i
s qu e, da ns l’opi nion commun e, l
e lie u commun
e s
t frappé d’un e f
or t
e
qualification péjorative : « depuis un siècle environ, le développement de la presse, puis
les différen t
e s
for me s de mé dias, l’av ène me nt
d es s oc iét
és dé moc ra
tiqu es mode rn es ont
crée une hantise de la stéréotypie » (AMOSSY, HERSCHBERG-PIERROT, 2004 : 5).
Ces stéréotypes de pensées, n’ ayan t de s f
or me s li ng uis
tiqu es fixes e t
repér ables (à l
a
différence des locutions, des clichés, des proverbes, des adages ou des dictons) ont
encore une caractéristique : elles s
e mê lent d’un e fa çon ins i
di euse av ec le
di scou rs du
loc uteu r
, s’infi
l t
re ntdans la conscience collective, et, en général, il est difficile de
distinguer entre ses opinions personnelles et les stéréotypes.
1
C’e
st
nous
qui
s
oul
ign
ons
.
84
L’ i
ma g e pré al
able
qu e l ’
or ateu r
Sa rkoz y
offre de son
pu bl ic doit
conc i
li
e r
t roi s
couches de récepteurs : les officiels (inter pe l
lés à l’aide des a ppe llati
fs Madame et
Messieurs les Ministres, et par le pronom vous), les jeunes, et les adversaires, éventuels
critiques, de sa politique
Les jeunes sont désignés, au début, par la nominalisation généralisante à la
troisième personne (la jeunesse, les jeunes) et, ensuite, par le changement, assez
inattendu, voire brutal, du référent, de vous (les ministres) à vous (les jeunes),
accompagné par le glissement ils-vous :
18. J ’ai bien cons cie nc e qu’ i
l n’e st
pas fac i
le pour le s
jeune s d’êt
re jeunes
dans la Franc e
d ’aujour d’h ui.
J ’
ai bien c ons c
ie nc e que l
es t
e mps s ont
durs pour votre génération.
Pa rfois,
l’ora t
eu r ch oisi
t de s l
oc utions st
ér éotypes relevant d’un re gist
re non sou te nu ,
a ppa ri
ti
on s
surpre nant es
da ns l
’ e nsembl e
du discours:
19. Pour moi , c ’étai t
t rès impo rtant de veni r
i ci, p our parler de c e tte
politique de la jeunesse sur laquelle tant de gouvernements, tant de
majorités se sont cassé les dents, non pas par mauvaise volonté, mais
1
par ce que la jeune sse c’est un monde si
mul t
iple .
D’ ai
lleu rs,
c e
mé l
a nge de cons tr
u ctions st
éré otypée s
de na t
u re
diffé
re n
te (un e
expression idiomatique et un truisme) est une caractéristique du discours sarkosyien.
L’ a
u dit
oi re hostil
e à ces
me sures est con t
reca rr
é (et ai
ns i mi s en s
c ène)
pa r de s
moyens discursifs qui relèvent de la polémique : emploi de la présupposition qui réside,
en particulier, de la négation polémique accompagnée par le mais argumentatif (20) et
de la question rhétorique (qui contient la réponse implicite –21) :
20. Etre autonome, cela ne veut pas dire refuser sa famille, cela ne veut pas
dire refuser son milieu, cela ne veut pas dire refuser ses amis, mais avoir
le s
moy ens d e choi sir sa propr e vie.
(…) J’ai bien cons cie
nc e
qu’il n’ e st
pas fac i
le pour les
jeune s d’ être j
eune s dans la Fr anc e
d’aujour d’hui .
J ’ai
bi en cons cienc e
que les
te mps
sont dur s
pour
v otre géné r
ation.
21. Qui pour r
ai t nier qu ’
il soit p l
us c
ompl i
qué qu’ av ant pour un jeune de
devenir un adulte libre et pleinement intégré dans la société ?
Da ns 19, l’orateur s’appr oprie
une certaine hypostase du langage des jeunes,
qu ’il essa ie
d’ imi ter afin d’ obt enir l eur a ssenti
me nt; d’ autre pa rt,
il conn aît l e s
objections que sa politique entraîne et tente de les prévenir. On a affaire ici à un
pr oce s
sus de mis e en
discou rs, qu ’on a ppelle « schématisation ». Selon Grize (1996), le
terme désigne le processus au gré duquel le locuteur active une partie des propriétés
censées définir l'allocutaire pour produire une image cohérente répondant aux besoins
de l'échange.
Mais le processus de stéréotypage va encore plus loin : le président véhicule
une image où les jeunes aimeraient, du moins théoriquement, se retrouver : ils refusent
2
l’assista
n a t,
i
ls sont l’avenir et
le cap i
ta l
du pa ys,
ils
ve ulent
ê tr
e li br es et
autonome s :
22. C’ es
t li
berté et responsabilité qui sont, dans mon esprit, opposées à
dépendance et assistanat
L'auditeur est, ainsi, désigné implicitement, par les croyances, les valeurs, les
opi nions que l
e discou r
s lu i attribu e.
C’est u ne couc he d'impl ic ite qu i
s’inscri
t tant ôt
1
C’ est nous
qui
soulignons .
2
Ce qui permettra, dans les
v ues d u
pré
sident,
l’ext
e ns i
on con dit
ionn ée du revenu de soli
dar
ité
active (RSA) aux jeunes de moins de 25 ans qui travaillent (on leur crée la possibilité de cumuler
une activité modérée avec une aide).
85
dans la présupposition, tantôt dans le sous-entendu véhiculé dans de telles idées reçues.
C’ est l
’orateu r qui con stru i
t,
e n qu el
qu e sor te
, son pu bli
c, mais, de
plus,
l'
audi t
eu r
se
recon naît
da n s
l'i
ma g e qu e c e
lui qu i
pa rl
e
c onstruit
à
s on i
n t
ention.
On
d i
rai
t qu ’
on lui
offre un miroir où il puisse se contempler à sa guise.
Nou s v oudrion s c on cl
u re sur l’i
dé e qu e le stér
éotype est
, fi
naleme nt, une
« construction de lecture » (AMOSSY, 2006 : 122) Il apporte non seulement une
banalisation, mais, aussi, il rend de la riches s
e à l’
a cti
v it
é inter
pré t
at
ive.
Da ns l
’acte de
communication et, notamment, dans le discours argumentatif, le stéréotype est censé
cac her u n modè l
e c ulture l
pr ée xis
tant, qu ’
il fa ut dé couvrir.
Aus si l
e s téréotype
contribue-t-il au bon fonctionnement de l
’ar gume nta t
ion
en tant
qu e
fact
eur
de
c ohé s
ion
discursive, mais aussi de cohésion sociale, tout en fonctionnant comme « un élément
con str
u cti
f da ns le
ra ppo rt à soi
e t à
l’Au tre» (AMOSSY, HERSCHBERG-PIERROT,
2004 : 43). Dans le discours, mais aussi dans la société, les stéréotypes permettent de
distinguer commodément entre nous, vous et il(s), ils cimentent une vision du monde.
Comme on
l’ a
v u,
le discou rs sarkozy en c onstr
ui t
, pa r st
éréotypage,
une
confron tat
ion
entre plusieurs identités. Il fournit aux interactants des lieux communs, en projetant une
certaine image sur leur identité sociale.
BIBLIOGRAPHIE
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86
DU GESTUEL À LA SIGNIFICATION
ORGANISATION DE L’ORDRE DU SYMBOLIQUE DANS
« VENDREDI OU LES LIMBES DU PACIFIQUE »
Mihaela MITU
Introduction
87
«( …) tout
e opé rati
on
intellectuelle implique une triade de symboles » (2.300, p. 99)
La réflexion peircéenne concerne tous les types de signes ou, plus exactement,
«t out ce
qu i,
de
qu el
qu e ma nière et
en quel que s ens que ce s
oit,
est présent à l’espr
it
,
sans considérer aucunement si cela correspond à quelque chose de réel ou non » (1.284,
p. 67). Au début, Peirce nomme son étude phénoménologie, pour adopter finalement le
nom de phanéron ou phanéroscopie.
La phanéroscopi e es
t l’
étude de s pha nér
on s (< g r
e c: qui se montre). Elle
consiste à « dé c
rire
e t à cl
asser
les
idé es qu i
appa r
tienn e
n t
à l’ex périence ordi
na i
re ou
qui surgissent naturellement en liaison avec la vie ordinaire, sans considération de leur
validité ou de leur invalidité ou de leur psychologie » (8.328, p. 22). Affirmation
prophétique qui signe la naissance des études cognitives.
Tous les phénomènes ou les phanérons, dans la terminologie de Peirce,
peuvent être classés en trois catégories phanéroscopiques : la priméité, la secondéité,
la tiercéité.
« La priméité e st
le mode d’êt
re de ce qu i
e
st tel qu’il est, pos i
tiv
e men t
et sans
réfé rence à qu oi que c e soit
d’autre» (8.328, p. 22). Dans cette catégorie entrent
«c e rt
aine s qu al
ités
se ns ible
s comme l’ode ur de l
’essence de
rose , l
e son d’un si
ffl
et de
locomotive, le goût de la quinine » (1.304, p. 205).
« La secondéité est
l
e mode
d’êt
re de ce qui est t
el qu’il
est pa r r
a pport
à un second,
ma i
s
sans
con si
dé r
ation d’un t
roi
sième que l
qu’il
soit» (8.328, p. 22)
C’e st la catég or i
e de l’
existe nce, du fai
t de l’
individue l. Elle implique la
primé i
té et l
’actuali
se da ns l
’eff
ort
, la résistance, l
’oppos i
tion, ca r
« l’
existence e
st ce
mode d’être qui
réside da ns
l’
opposition
à
u n autre
. Dire qu’un e table exis
te,
c
’est
dire
qu ’elle es t
du r
e ,
lou rde , opaque,
s on ore, a ut
reme nt dit qu ’elle produ it
de s
e ff
e t
s
immé diats
s ur
les s
ens … » (1.457, p. 209).
« La tiercéité e st l
e mode d’êtr
e de cequ i est t
el qu’ i
l est, en me t
tant en rel
ation
réciproque un second et un troisième » (8.328, p. 22). Comme elle implique un premier
et un sec on d qu’ell
e me t
en re
lat
ion , la
ti
er c
é i
té est l
a t
h é
or i
e de l
a mé diati
on, par
excellence.
Remarque : « Le premier, le second et le troisième sont réels, mais seul le second
existe » (p. 211).
Le signe peircéen est un troisième qui met en relation un Premier avec un Second.
« Un s
igne est
une relation con j
oin t
e a
ve c l
a chose dénotée et ave c l
’esprit» (3.360,
p.143)
Pour plus de précisions : « Un signe ou REPRESENTAMEN est un premier qui
entreti
ent ave c un se cond appe lé OBJ ET, une relat
ion t
riadi
qu e si authen t
ique qu’ el
le
peut déterminer un troisième, appelé INTERPRETANT, à entretenir avec son objet la
mê me r
e l
ation triadiqu e qu’ i
l entretient l
ui-même avec ce même objet. Cette relation
tr
iadique
est auth e
ntiqu e, c’est-à-dire que ses trois membres sont liés ensemble par elle
de te l
le façon qu ’elle n e s e ramè ne pa s
à un quel
con que c ompl exe de re l
ations
dyadiques» (2.274, p. 147).
88
On peut schématiser cette relation triadique de la manière suivante :
OBJET
REPRESENTAMEN INTERPRETANT
REPRESENTAMEN INTERPRETANT
Image sonore ou visuelle image «mentale »
associée
d’
un
mot
(
«Grenade ») avec ou sans mot
(« ville »)
ayant ayant
1
Cet
te erreur c’
est
ce l
le commi se par Charles Mo rris au moment où il a défini la
pragmatique comme étant la relation des signes à leurs usagers.
89
L’ i
nterpr éta nt «v i
lle´n’est pa s le seul qu i puis
se ê t
re associ
é au r epresentame n
« Grenade » . D’autre i
nterpré t
a nts possibles du r
epresent
ame n s
onore
seraient «arme »
ou « fruit ».
L’ i nter
pr étan t
es t
d’ a bord u n «effet » du signe, une expansion du signe,
de venan t à s on t
ou r un
nouv eau
s i
gn e.
C’ est l
a va
leur
(ou l
’ensemble
de s
v al
eu rs)
e t
la
va l
idation du
signe qu a
n d il est pe rçu
pa r l
e suj
et.
Un s
igne n’e
xist
e que
lorsqu ’
il est
interprété, sinon il est une virtualité.
En visage an t l
e rapp or t
qu i
s’établit entre chacun des moments R, O, I, et les trois
catégories phanéroscopiques, on obtient le tableau suivant :
C’ e s
t ainsi qu e
Peirce arrive à obtenir neuf sous-classes. Du point de vue de la triade
ser ont envis agées
tr
oi s
di me nsions d’an alyse du s
igne,
se l
on qu ’on s
e rapporte soit au
repr esentame n,
soi
t à l
’obj et,
soit
à l’
int erprétan t
.
Ma i
s au c
une
de ces
dime ns
ion s n’est
le signe à elle-même.
Le signe contracte donc trois types de relations :
(a) syntactique, en rappor t
avec les autres
si
gnes
qu i
l’e
n t
ou r
ent;
(b) sémantique ou existentielle,
e n rappor t
avec
l’
obj et
dés i
gné;
1
(c) pragmatique,
e n r
a pport
av ec la person ne
qui
l’uti
li
se.
1
Les trios dimensions se retrouvent dans la division de la sémiotique en syntaxe,
sémantique et pragmatique.
90
3. Du gestuel à la signification
91
« Un e des grandes propriété
s dist
in cti
ves de
l
’icône es
t que pa
r son
obser
vat
ion
directe pe u v
e nt
être dé couvertes c once rnant
son objet
d’ autr
e s
véri
tés
que c
ell
es
qui
suffisent à déterminer sa construction ». (PEIRCE, 2.279, p.150)
En un premi er
te mps, Robi nson se réf
ère à un e règle
qui fai
t part
ie
d’une
sit
uation
explicable dans le contexte donné à propos du fait donné ;
c’e
st l
a deuxi
ème
phase de
l’
abdu ction qu i
i nter
pr èt
e l e
s empr eintes comme étant l
a répli
que d’un lég
isi
g ne
symbolique.: « en core
qu’il ai
t
renoncé
depu i
s f
or t
longtemps
à marcher
sans
sa
bots»
c) Ce t
te s i
tuati
on n’ a qu’u n
e issue: l
a conf r
ontat
ion par
la preuv e (voie de
l’
indu c t
ion aya
nt l
a vertu de vé r
ifier
l’
hy pothès
e). Le geste de Robi n s
on es t
minutieusement présenté : « Il
reti
ra
son sabot
droit et
pl
aç a son pied nu… ».
La preuve enlève toute ombre de doute. Au niveau lexématique, le présentatif
et l ’adverbe d’a f
fi
r mation r endent ce moment crucial. La joie de la
con fi
rma ti
on de
l’hypot hèse la
n cée es
t f
ixée dans
le mome nt présent: « C’éta it
cela, exactement. Son pied entrait dans ce moule de pierre comme dans un
brode quin us
é et
fami li
er… ».
1
“raciocinati
v es
”
est
un
ter
me
par
l
equel
e
st
car
act
éri
sé
l’
un de
s pe
rsonn
age
s du
roma
n
Le Roi des Aulnes
qui s
’abs
orbai
t
dans
des
r
éfl
exi
ons
phil
osophi
ques.
92
Robi nson s e fai
t l’inte
rpr ète de l’int
erprétant pe ircéen. Comme un fil
tre, le signe
symbol iqu e s
’int
erpos e entre lui
et l
e mon de et
l’amè ne à pro jeter
sa
figure my thique
sur l
’ î
le –es pace pr
imor dia l
où s
’origine
l’existence .
Qui e s
t-il ?
L’homme primor di a
l
(Ada m et
Vénus à l
a f
ois) inscriva
n t
sa seme nce da ns l
e sol fertil
e de
l’
île.
L’ ê t
re tout
puissant procédant à dompter un espace vierge (références religieuses, artistiques,
esthétiques). Le fragment peut être considéré comme un passage charnier, un texte
carrefour et une mise en abyme pour le décryptage des significations latentes et, au-delà
don c , pou r l
a compr éhension du me ssage a uctorial. Le g es te de Robinson s ’avè r
e
révélateur en ce sens. Les étapes du processus actorial sont autant de moments lectorals
dans le déchiffrement du message. La dernière partie du fragment inscrit, en apothéose,
l’allég r
ess e de Robi nson e t
r end v is
ibles les s ig nifi
ca t
ion s latent
es du me s
sa ge
artistique.
Du poi nt
de vue de la ti
ercé ité,
le gest
e de
Robi n son
transf
or me l’i
ndi ce en un
signe. La trace est « ce cachet séculaire » déictique spatial prenant référence dans le
texte: « c’éta i
t sa si
gn ature pe r
s onnel l
einimitable de Robinson ».
Du point de vue des catégories phanéroscopiques, le fragment illustre le
processus de la sémiosis, de la naissance du sens. Le déchiffrement des traces et des
me ssa ges
c ach és
qu e l’« île »
lu i
fait dé c
ou vri
r petit
à petit sera l
’acti
v it
é e s
se ntie
lle de
Robinson.
Le fragment est précédé par un passage narratorial (auctorial) qui prépare la
scène à venir: « I l av ait
tou jou r
s l’or eil
le tendue vers les message s qui ne cessaient
d’éma ner
d’ elle
[l’î
le] sous mille f
or me s ,
t
antôt chiffré
s, t
a ntôt s
y mbol iques» (p. 47).
La tr ace est
l
iée a u thème de l
a qu êt
e d’un s ens caché,
secret. Elle est l
a
mé taph or e de l
’activi
té sc ripturale,
don c,
de l
’œuv re art
is t
iqu e; el
le es t
l’
e mpr einte du
scripteu r s u r l’espac e de la feu ille bl anche. Da ns l e mê me s en s
, s ou li
gn ons
l’i
de ntification de Robi ns on a ve c l ’ima ge d’ Ada m pr en ant pos session de l’île.
L’ empr ei nte ( de l’ordre de la sec on déit
é )
e st
l’ima ge d’ un passa ge a ntérieur,
de s
activités artistiques antérieures. Elle est aussi métaphore du souffle divin1 , de la volonté
créatrice. Le titre de
“l’au tobiog ra
ph ie int
ell
e ct
u el
le”
de To u rni
e r
est Le Vent Paraclet,
appellation qui évoque et invoque le Saint-Esprit. On peut dire que le titre suggère une
invoc ation p a rce qu’ à t raver s les c hapit
r e
s de l’autobi ographie, a utant d’ essa i
s
composés de souvenirs et de réflexions sur les productions personnelles antérieures,
l’auteu r
c herc he à approc he r
le secret de
la créat
ion i
nvoqua n t
l
e souffle divin pou r
qu e
celui-ci l’inspi re
et le t
ra nsforme
en Cr éat
e ur/
Se i
gn eur, dan s
le text
e fai
sa nt
l
’objet de
notre ana l
y se. Cr éateur qu i, après av oir construi
t son œuv r e,
la ra
n ime d’un coup de
souffle. Les deux noms mythiques, Adam et Venus, trouveront consistance textuelle
dans les deux personnages, Robinson et Vendredi, êtres enfantés par la volonté
créatrice.
La trace, inscrite dans la roche même, n’en illustre pas moi ns l
’idé e de l
a
solidité mi n éra l
e de l
a ma tière pers on nal
isé e
, capa ble de passer l
’épr euv e du t
emps .
Dans le lexème empreinte se retrouvent les sèmes : /volonté humaine/, /attestation du
cachet per sonn e
l/.
La mé tap hore d’ appr i
voiseme nt r
env oie ,
pa r
impl icature, à l’idée
d’appr opr iation
du ma téri
a u
et att
es tation,
pa r
sign atur
e, du cachet per s
on nel. Le ge st
e
de Robi n son d’appos er son pied a cqu iert
a i
nsi un e force symbol iqu e,
évoc atr
ice et
argumentative à la fois. Ce geste a la force évocatrice du créateur-scripteur au travail,
1
Pour plus de détails, voir G. Genette (1984) et M. Mitu, (2005)
93
celui pour le quel
le réel
n’es t
pa s c
e
qu’il e
st
ma is
ce qu’i
l
devien t
à la suite de
l’effe
t
produit sur la conscience par la somme des sensations provoquées par les qualisignes de
la pri
mé ité et les
indices
de
la secondéit
é pour
de venir des
si
gnes symb oliques .
L’effort
du s
cripteur se
dirige vers
la créati
on d’un e
ré
alité
se conde c
rédible, au t
h ent
ifiable par
le recours à des images consacrées, référents mythiques, dans notre cas, référence
oblique faisant appel à un savoir encyclopédique communément partagé ou qui, du
moins, appelle la coopération du récepteur.
BIBLIOGRAPHIE
Bouloumié, A., Le roman mythologique. Suivi de questions à Michel Tournier, Librairie José
Corti, 1988
Everaert-Desmedt, N., Le processus interprétatif. Introduction à la sémiotique de Ch. S. Peirce,
Pierre Mardaga Editeur, Liège, 1990
Genette, G., Palimpsestes. La littérature au second degré, Seuil, Paris, 1984
Mitu, M., Constructions et déconstructions de la signification dans le discours romanesque. La
prose de Michel Tournier,
La littérature –un modèle triadique,
1995
Peirce, Ch., S., Ecrits sur le signe, Textes rassemblés, traduits et commentés par Gérard
Deledalle, Seuil, Paris, 1978
Tournier, M., Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Le roi des Aulnes, Les Météores, Gallimard,
Paris, 1989
94
L’
ART COMME MODÈLE
DE LA VI
E.
RÉFLEXION SUR UN PERSONNAGE DE GEORGES PEREC
Gabriel PÂRVAN
Université de Pite
Résumé : À partir d’un f
ragme nt e
xtrai
t
du roman La Vie mode d’emplo
i,
j’e
ssai
e de
mont rer que Pe rec y propos e une vision de l
a vi
e i
nspi
ré e du modè l
e de
l’art
.
Pour c
e fai
re,
i
l
utilise abondamment les techniques oulipiennes et textualistes, notamment l
e
‘j
eu’,
l
e t
ravai
l s
ur
le signifiant et la déconstruction du sens.
Pe rec é tait,
on le sait, un g rand a ma t
eu r de ‘j
e ux’, e t
i l f ut un me mbr e
remarquable du groupe OU.LI.PO, atelier d’ écriture ex pé r
ime ntale don t l ’a ctivit
é
consistait à inventer des jeux permettant de produire des textes inattendus. Mais,
comme le souligne BERSANI (1980: 895), ses ‘jeux ’ ne son t pas g r
a tuits: ils s ont “l
a
seule réponse possible aux questions que lui pos e l’
e xiste nce” .
La Vie mo de d’empl oi(1978), qui est un épanouissement gigantesque de toutes
se s r
e che r
c hes, con firme pleineme nt cet
te opi nion
de Be r
san i.
C’ est l
a de s
c ription d’ un
immeuble parisien et de ses occupants, étage par étage, chambre par chambre. Cela fait
songer au Passage de Milan de Michel Butor, mais on y découvre aussi des échos de
Joyce, Melville, Valery Larbaud, Queneau, Borges et de lui-même, car il y reprend
pe rson nag es et
pa ssa ges de
se s
livr es
antérieu rs.
C’ est un e œuv r e
en mouv e me n t, où les
c ollage s
, les crypt age s et les pa rodi es
, l’
a l
lu si
on , l
a c it
ation et
l’au t
o -citation ouvrent
des perspectives sans fin et transforment la lecture en un véritable vertige.
Le livre est sous-ti tré
“ r
oma n s”
(au plu ri
e l)
, car il c
on tient vraime nt l
a matière de
pl usieu r
s œu vr es, a v e
c u ne mu lti
plicit
é d’ entrées e t de c ombi nais ons pos si
bl es.
S’ appuy a nt sur un sc héma
appa r
e mme nt ban al (l
a pr és ent
a tion de la
v ie
de s h a bitan t
s
d’ un imme uble), l’au t
eur cons t
ru i
t un e
é norme ma chi ne
du récit
, me tta nt en sc èn e des
di zaine s
de person n ages e t
de s cen tai
nes d’ anec dotes qu i
se superpos en t et se c roi sent.
De pl us, ce s
h istoires e t c es bi og r
aph ies i nsolites se c re
u sent à l ’infini pa r la
représentation minutieuse des objets, tableaux, photos qui encombrent les lieux décrits.
Ai n s
i, peu à
pe u on s’aper çoit
qu e ce
qui compt e en pr emi er lie
u c e n’es t
pa s le c on tenu
de s ane cdote s
, ma is l’orga nis
a ti
on du
texte.
Pe rec a pu blié le
“ Ca hier de charge s” de son roma n, où il
a
r é
v é l
é
qu e lqu e s-uns
de s sec r
e t
s
de sa fa brication
: “cesont 21 fois 2 séries de 10 éléments qui sont permutés
e t
qu i détermi nen t les él
é me nts con s t
it
u t
ifs de
c haqu e c hapitre”. Au treme nt dit, c ha que
pi èce de l’imme u ble es
t une c ase dan s un sy st
ème de c orrespon da n ces, d’ é ch os e
t
d’ oppos itions. Il
s’a git
don c
d’ un récit puzzle, et cette organisation du texte correspond
a u sujet principal: le fabu leux pr ojet d’un ama t
e ur
de pu zzle –le personnage central du
livre, Bartlebooth, dont le nom – c omme l
’a vou e l
’au teu r
lui-même (PEREC, 1979 : 53)
–est emprunté à Melville et à Valery Larbaud (formé par le mariage du Bartleby de
Melville et du Barnabooth de Valery Larbaud).
Pou s
s é
pa r “ un e
c ertaine i dée de l a pe rfection ”, Ba rtleboot h ré agit c on t
re
“ l’
ine xtricable incoh é re
nc e
du mon de” et
s e propos e d’ organ iser
s a
vie se l
on “un projet
95
unique dont
la nécessi
té ar
bitrai
re n’
aurait d’
autre fin
qu ’elle-même”. Voici
e n quoi
consiste concrètement son programme, tel que le reconstitue un autre habitant de
l’
imme uble
(le
pe i
ntr
e Valène):
96
ch oisis sant d’être arti
ste,
le héros de
Pe rec ne
fa it
qu’ organiser sa vie selon le modèle
de l
’ ar t
et tou t
son prog ramme
est une subtile réflex ion sur l’écriture.
Il
s ’agit,
on l’
a vu, d’«un projet unique dont la nécessité arbitraire n’aur ait
d’aut re fin qu’elle-même ». Ce projet rappelle tout un courant esthétique qui, depuis
l’Ar t pou r l’Art jus qu’au tex tuali
s me
mode rne ,
av ait con çu la
c réation a rti
s t
ique
c omme
une fin en soi, comme pure gratuité, sans aucune utilité pratique. En même temps, on
nou s av er
tit que l
e
dé sir
de Ba rtl
eboot h est
de saisir, de décrire, d’épu ise r,
non la totalit
é
du mon de (comme l’avaien t fait
Ba l
za c et
se s
de s
c en da nts), ma is un fragment de celui-
ci (comme le font les écrivains modernes et postmode rnes); il v eu t réag i
r c o ntr
e
l’incoh éren ce du mon de
e n accomp l
issant jusqu’ a u bou t un programme restreint. De
plu s, ce prog r
amme
s’appu ie
su r
qu el
qu es principe s d’ or dre mor a l
, log i
qu e
e t
esthétique
qui permettent de mieux comprendre la façon dont Perec entend se situer par rapport à
ses prédécesseurs et/ou à ses contemporains.
Ainsi, sur le plan moral, “il
ne s’agirait pas
d’ un
e xploit ou d’ un record, ni d’un
pic
à gra vir, ni
d’ un
fond à atteindre.
Ce
qu e f
e rait Ba rtleboot h n e sera it ni specta culair
e
ni hé roïqu e” .
Donc ,
il refus e de donn er à sa vie un carac t
ère hér oï qu e (cf. le pic à
gravir) , c omme l ’avaient f ait
l es r oma n ci
e rs de l a g én ération é th i
que ou les
existentialistes engagés. Il exclut aussi le refuge intérieur qui le conduirait à explorer les
abî me s de l’
âme et de la con sc i
en ce (cf.
le fond à atteindre) , c omme l’avaient fait l
es
roma n ciers ps y ch ologiqu es; on pou rra i
t y v oi r
e n c ore u n r e fus de la c on ception
symbolique du monde, selon laquelle les choses seraient des signes renvoyant à une
profonde ur c ac
h é e qu’on
a ura i
t à dévoiler.
C’ est ju steme nt ce qu e reje tte le te
x t
u alisme :
à la foi s
l’e ngag eme nt,
le
s ymbol isme et le
ps ych olog i
s me .
Sur le plan logique, l’en t
reprise cons i
ster ai
t
à ex clure “tou t
re c ou rs au has ar
d” e
t
à f air e fon ct
ion n er “l’esp a ce et le temps comme des coordonnées abstraites où
vie ndr aien t s’
ins crire
av ec u ne récu r
ren ce
in éluct a
bl e
de s
év éne me n ts ide n t
iques …”
On
a ici le refus du hasard pratiqué par les surréalistes et la promotion du principe oulipien
du jeu (avec ses règles précises), ainsi que du principe textualiste des thèmes
générateurs f on dé s u r l ’ex pan si
on c on tr
ôl ée de s s ignifia nts ( c f.
«récurrence
inéluctable »).
Enfin, le principe esthétique rappelle lui aussi les théories telquellistes,
notamment la conception du texte comme mouvement cyclique et comme procès
autodestructif, c a r “ l
e pr oje t
s e dé truirait l ui-mê me a u f u r
e t à me sure qu’ il
s’ac compl ira i
t;
sa perfection s e
ra it
circulaire: u n e s u cce ssi
on d’év én eme nts qui, en
s’enc haî na nt ,
s’an nuleraie nt”.
Considérée dans son e ns embl e
, son œuv re
s e c ompos e
ra it
de cinq cents marines
de mê me
f ormat … représentant des ports de mers (comme l
es pa ge s d’ un li
v r
e ).
Ma i
s
ses
pe inture s
n’a rriveraient ja mais
à forme r un ens embl e ,
puisqu e ch ac u ne des ma rines
une fois achevée serait tout de suite mise en pièces, et elles ne seraient reconstituées que
pour être définitivement détruites. Par ce travail sur le signifiant, qui intègre le jeu
oulipien (le puzzle) dans les recherches textualistes, toute représentation est abolie, car
le sens s ’
a nnu l
e dè s
qu ’il
se mbl e se con st
ruire, pou r figu rer “l
’in extri ca ble incoh érence
du mon de ”. Ain si,le programme du personnage est une mise en abyme du projet même
de Pe rec
e t de tou te entreprise l
itt
é r
aire con çue comme activité (“pr a tique
produ ctive”,
dans la t
e rmi nolog ie telqu ellist
e) et
non comme ins piration. Il
s’a gi t
d’une activit
é
lucide de déconstruction visant la pulvérisation du sens, conformément aux théories
mode rne s
du te x t
e .
Et le livre a urait pu a us s
i bi en s’intitu l
er «L’ écrit
u re mod e
d’e mpl oi».
97
En outre, par ce personnage peintre qui, après avoir composé ses tableaux,
accomplirait un acte apparemment absurde, les mettant en pièces pour les reconstituer
ens uit
e et finaleme nt l
es dé t
ru i
re , l’a
u t
eur sembl e suggé r
e r à la f
oi s la
nécessité et la
gratuité de l’art
( cf
. la «nécessité arbitraire » de s on pr oje t
).
L’ art est
n é c
e ssaire,
comme (toute autre) activité, pour occuper sa vie, mais inutile comme finalité. Et
comme le personnage or ganise
sa vie
se l
on
le
modè l
e
de l’ar t
, l
a vi
e et
l’ar
t pa rv
ie nne nt
à se confondre: tous les deux sont « jeu », donc pure gratuité (seul le respect des règles
est nécessaire pendant le déroulement du jeu). C’est
pou rquoi le
pe rsonnag e peintre de
Pe rec
dé t
ruit ses t
ableau x
au
mome nt
où
sa vie s’
achè ve,
ma rqu ant
par
là l
a gratuité à la
fois de l
’art et de la vi
e. On peu t y
voir aussi
une s
u bti
le re mi s
e en qu est
ion du v ieux
my the du salut par l’
art
et
de
la
soi -disant
“posté r
ité”
.
Ain si,
“ part
i de ri
en ,
Ba rtle booth revi
en drait
au
rien ” – comme
dit
l’a ut
eu r lui-
même –et la seule perfection durable semble être celle du vide.
L’e mpl oi du
conditionnel (mode de l’
ir r
éel)
mon tre n on seuleme nt que la vie
huma i
n e
e s
t pous sée par l
e dé si
r ,
ma i
s aussi
qu e nos désirs restent
à l’état
de pr
oj et,
c e
qui suggère que la vie,
comme l
’a rt,
n’est
qu’un vaste projet jamais accompli.
Cette idée est confirmée par la partie qui relate le déroulement effectif du
programme du personnage –partie rédigée au passé simple, temps axial de la narration
ultérie
u r
e à l’histoir
e, prop re a u récit
c anon i
que (avec pour temps secondaires
l’i
mpa r
fait
e t
le
plus-que-parfait). Bartlebooth, accompagné par toute une équipe, visite
des ports de tous les continents et compose ses marines. Son activité se complique
pendant la deuxième étape, quand il doit réassembler les tableaux (mis en pièces par son
collaborateu r
, l’ar
tisan
Ga spar d Wi nckler)
:
Parfois, trois, quatre, ou cinq de ces pièces se juxtaposaient avec une facilité
dé concer t
ant e;
ensui t
e tout
se
bloqu ait
: la pièc e
ma nquante é
v oquai t
pour Bar t
lebo ot
h
une sorte d'Inde noire, à laquelle Ceylan serait restée attachée (or, précisément,
l'aquarelle représentait un petit port de la côte de Coromandel) .
[…]
Parfois Bartlebooth découvrait d'instinct la solution, comme par exemple
lorsqu'il avait, sans r aison apparente, comme ncé par le centre; par fois aus si il l
a
dé duisait
de s
p uzzle s
ant é
rieurs; mais l
e plus souvent
il
la
c he
r chait
pe n dant trois jour s
avec la sensation tenace d'être l'imbécile absolu: les bords n'étaient même pas finis,
quinze petites Scandinavies rapprochées dès la première heure dessinaient la silhouette
sombre d'un homme en cape montant trois marches menant à une jetée, à demi retourné
dans la direction du peintre (Launceston, Tasmanie, octobre 1952) et depuis plusieurs
he ures i
l n'avait pas pos é une seule
pièc e. […] Une
fois
il
rest
a assis 62 heure s d'
af filée
- du mercredi matin huit heures au vendredi soir dix heures - devant un puzzle inachevé
qui représentait la grève d'Elseneur : frange grise entre une mer grise et un ciel gris.
Une autre fois, en mille neuf cent soixante-six, il rassembla dans les trois
premières heures plus des deux tiers du puzzle de la quinzaine : la petite station
balnéaire de Rippleson, en Floride. Puis, pendant les deux semaines qui suivirent, il
tenta en vain de la finir.
Ces passages mettent en évidence les caprices de la mémoire qui tantôt se montre
efficace, tantôt impuissante à refaire le fil de la vie. Et, conjointement, cette difficile
recon st
itu t
ion des t
ableaux sembl e su ggé rer l’eff
o rt
d’
in te
rprétation
qu e de ma ndele
texte mode rne afin
d’identif
ier ses mul tiple s
co nnex i
ons , ef
fort qui dé
pa sse souv en t la
durée de son élaboration. Notons encore que les interventions du narrateur (entre
98
pare nthè s
es ou a
près le
s
deu x points) semble nt
êt
re u ne parodi e de l
’auteur
omn iscient
institué par le roman balzacien.
En f
in , v e
rs l
a fin d’av r
il 1975 Ga spard Wi n ck ler,
qu i
d e vait
proc éder à la
destruction de la quatre cent trente-huitième aquarelle (il avait déjà seize mois de retard
sur son programme), meurt dans « un inexplicable accident de voiture ». À son tour
Bartlebooth perd définitivement la vue et, le 23 juin, meurt lui aussi devant le 439e
pu zz l
e inac he vé.
L’histoi
r e
de Ba rt
lebo oth
pr e
nd fin av ec l’ima ge d’un e
gran de table
carrée recouverte d'un drap noir, au milieu de laquelle s'étale un puzzle presque
achevé…
Comme nous l
’avon s
dit
plus hau t
,
tout cela sugg èr
e qu e
la
vie
, tout comme l’art
,
est un vaste projet jamais achevé. Pourtant, cette vision négative (mais lucide) de la vie
et de l’art n ’assombr it pa s
l’e xi
stence de s pe rsonn a
g e
s ,
c a r
elle s’accompa gn e
con st
a mme nt
d’un humou r
réconforta
n t.
BIBLIOGRAPHIE
BERSANI, J. et alii, 1980, La Littérature en France depuis 1945, Bordas, Paris.
PÂRVAN, G., 2006, Romanciers français du XXe siècle, Paralela 45, Pitesti
PEREC, G., 1979, « Quatre figures pour La Vie mode
d’empl oi», in L’
Arc , no 76
VAN MONTFRANS, Manet, 1999, Georges Perec. La Contrainte du réel, Rodopi, Amsterdam
99
AUTRES SÉMANTISMES DE LA CONSTRUCTION
TRANSITIVE DIRECTE EN FRANÇAIS
Florinela
« L’ac t
ion pe ut sor ti
r d u suje t
e t
p orter s ur une
chose, un être, une idée. Elle « passe » alors sur eux, comme
on dit, et ces êtres, ces choses sont considérés comme les
objets de l’acti
on. Ainsi: Un bûcheron abat un arbre ; un
médecin sauve un malade ; un sav ant expos e un e théorie,
l’
ar bre, l
e malade ,
la théor ie sont
di t
s «objet » de l’acti
o n.
Les noms : un arbre, un malade, une théorie sont dits
«c ompl éme nt
s d’ objet» du verbe correspondant. »
(BRUNOT, 1926 : 300)
Le compléme n
t d’obj
e t
«énonce la personne ou la
chos e
sur
laquell
e pass
e l’act
ion du
suje
t, cet
te pe rsonne
ou
ce t
te
chose est
pré
s e
ntée
comme
support
ant l’action, comme
étant l
’obj
e t
de l’
acti
on, comme marquant l’
ab outis s
ement,
l’achèvement
du procès
.» (GREVISSE, 1964 : 138)
« Le
c ompléme nt d’
obj e
t di
rect i
ndique l
a personne
ou la chose, représentée par un mot ou un groupe de mots,
sur lesquell
e s s’
exe r
ce l
’action acc
ompl ie par l
e sujet
. La
100
personne ou la chose subissent l’
acti
on i
mpli
quée dans l
e
verbe,
il
s e n
sont
l’objet, il
s cons t
ituent
l
e
point
d’
appl i
cation
du procès exprimé par le verbe. » (BECHADE, 1986 : 181)
101
ma nifeste da ns le cas
d’un objet auton ome
bien individua l
isé qu i
préexist
e
au procè s,
(LAZARD, 1994 : 192-204, 1998 : 55-84) , ce qui n ’
e st
pa s l
e cas pou r l
e s obje t
s
effe ct
u és, don t l’existence n e devient effect
ive qu’à la fin du proc ès
. D’ autant moi ns
pou r
les obje t
s e ffectués
qu i n’exist
e nt qu e pendant le dérou leme n t
du proc ès et dont
l’ex is
ten ce
ce sse avec
la
fin du
procès.
En échange, si ce qui compte pour mesurer la transitivité des procès concerne
l’effet du proc ès sur l’
entité objet,
ce s ont les
constructions ay ant un objet eff
e ctué qui
se situent vers le sommet de transitivité, comme dans le cas du modèle de la transitivité
de Hopper et Thompson (1981). Bien que ces auteurs ne discutent pas le problème de
l’obj et
effec t
u é, M. La r
java ara conc lut qu ’i
ls aur
a ient à cou p s ûr attr
ibu é
à l’objet
effe ct
u é u n de gr é de trans i
tivit
é pa rticuli
èreme nt h aut, s ’i
ls l’avaient pr is e n
considération dans leur étude. M. Larjavaara fonde sa conclusion sur les paramètres de
la transitivité pris en considération par les deux auteurs et qui sont tous présents dans le
ca s de l’obj et effectué: l
es entit
é s
su j
et e
t objet
sont diffé r
e n
te s,
l’entit
é objet est
affe ct
ée pa r le pr ocès de f
a çon crucia le, puis
qu’ e
lle n’e xi
ste mê me pas au début du
procès.
Dans son modèle de description, J.-P. Desclés, qui retient plusieurs types de
sémantismes pour la construction transitive (DESCLES, 1998 : 166-168). Cet auteur
plaide pour la prise en considération de plusieurs types de sémantismes pour la
construction transitive directe, mais il les rattache toujours au cas de transitivité
prototypique. Pour lui, ces sémantismes sont tout simplement des facettes différentes
des objets affectés/effectués.
Le modèle cont ien t
se
pt cas d’inst
a nciati
ons directes du sch ème de l a
transitivité sémantique :
- obje t cr
éé (l’obj et
pa
sse
d’ une
non
ex
ist
enc
e à
un
e e
xis
tenc
e):
(1) Il construit une maison.
Il écrit une lettre.
- obj et détrui
t
(l’obj et
passe
de SI
T1 –l
’obj
et
est une entité constituée –à une
SIT2 –
l’
ob jet n’existe
plus
e n
tant
qu’ obj
et
cons
ti
tué
):
(2) Ils ont démoli la maison.
Elle a cassé un verre.
102
- modi fica tion
de l
’ obj
et
ave
c u
n i
nst
rume
nt
(i
nté
gra
ti
on
de
l’
ins
trume
nt
dans
le prédicat transitif) :
(5) Il fume le jambon.
Il martèle le cuivre.
- c
hang
eme
nt
d’un
e pr
opr
iét
é de
l’
obj
et
(l’
obj
et
est
af
fec
té
par
l’
une
de
se
s
parties) :
(6) Il nettoie sa chemise.
Il peint le salon.
- changement interne :
(7) Il réforme le monastère.
Ils trouvent la solution au problème.
L’a
u t
eu r signa le ég al
eme nt l
’ex i
st
enc
e de
ca
s de
spé
cif
ica
tion
s d’
un
sch
ème
STS (schème de transitivité sémantique) :
a. Déplacement/ change
ment
d’
empl
ace
ment
/
loc
ali
sat
ion
spat
ial
e
st
ati
que:
b. La perception:
103
c. La chronologie des événements :
d. La connaissance :
e. La volonté :
(15) Michel attend un miracle/un événement.
Marie cherche un confident/un mari.
Michel veut la paix/le bonheur.
5. CONCLUSION
Les sémantismes de transformation/ création sont prioritaires pour la construction
tr
an si
tive di re
cte e n f ran ça i
s, ma is il
s son t
loi
n d ’êt
re u niqu
es pou r ce ty pe de
construction. En effet, cette construction présente une polysémie extrêmement riche,
chacun des sémantismes dégagés étant à mettre en relation avec des paramètres
syntaxiques particuliers. Il faut reconnaître une multitude de sémantismes pour ce type
de construction,
ma is da ns le cadr e
d’une hiérachis
ation .
BIBLIOGRAPHIE
Béchade, H., Syntaxe du français moderne et contemporain, Paris, PUF, 1986
Brunot, F., La pens ée et l
a lang ue.
Mé thode ,
pr incipes et plan d’un e théorie no uvell
e
du lang age
appliquée au français, deuxième partie, Paris, Masson et Cie Editeurs, 1926
Desclés, J.-P., Transitivité sémantique, transitivité syntaxique, in La transitivité, Rousseau,
Andr é, (Eds ).
Vi l
lene uv e
d’ As cq, Press
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res du Se ptentrion,
p. 161-180, 1998
François, J., Théorie multifactorielle de la transitivité, « différentiel de participation » et classes
aspectuelles et actancielles de prédication, in La transitivité, Rousseau, André, (Eds). Villeneuve
d’As cq, Pres s
e s
Uni v ersit
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p .
181 -201, 1998
Grevisse, M., Le bon usage. Grammaire française avec des remarques sur la langue française
d’aujo urd’h ui. Huitième édition revue. Belgique, Editions J. Duculot, S. A. Gembloux, Paris,
Librairie A. Hatier, 1964
Larjavaara, M., Pr ése nce ou absenc e
de l’obje t: limites du possible en français contemporain.
Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, 2000
Lazard, G., L’ actanc e. Paris, Presses Universitaires de France, 1994
104
LA LANGUE DES
DROI TS
DE L’HOMME:
QUATRE VERSIONS LINGUISTIQUES DE LA PRÉSENTATION
DE
LA COUR EUROPÉENNE DES
DROI TS DE
L’HOMME
Corina VELEANU
Université Catholique de Lyon
Résumé: "Il y a un langage du droit parce que le droit donne un sens particulier à
certains termes." (CORNU,1990:20). Le vocabulaire du droit est un vocabulaire très précis,
chaque terme revêtant une signification particulière. Il est aussi un vocabulaire technique
employé par les techniciens que sont les juristes et les jurilinguistes, vocabulaire qui reste
souvent inabordable pour le profane. Le vocabulaire juridique est en constante évolution,
notamme nt au sein de l’
Uni on européenne.
A travers des textes appar t
ena nt au domaine des
droits de l ’
homme , no us nous proposons de faire
une an alyse c ompar ati
v e
de s spécifi
cit
és
li
ng uistique s
de la la ngue des
droits
de l’
homme , t
ell
e s
qu’elles se dégage nt de
la compar aison
des lan gue s te
lles l
’ anglais,
l
e
roumai n,
l’
espagnol et l
e français. Nous chercherons à traiter,
plus par ti
c ul
ièreme nt ,
les
questi
ons de
la s
igni
ficat
ion, l
a syntax e et
l
’ ét
ymol ogie
dans
le conte
x t
e
de la Cour européenne
des droi
ts de l
’homme
et au suj
e t
de sa mani ère de s
’adresser au grand
public européen.
Mots-clés: l an ga
ge j
uri
dique
, dr
oit
s de
l’
homme
, j
uri
li
ngui
st
ique
, t
rad
uct
ion,
comparaison linguistique.
Le droit est caractérisé par une complexité technique, et qui le rend presque
inabordable pour toute personne novice. La science du droit est complexe parce
tech niqu e
, ma is elle l’est
a us si
par
c e
qu ’el
le est
sou t
enu e
pa r u n beso i
n fonda me nt
a l
de
précision. Derrière chaque mot employé par un juriste il existe une signification
particulière, un texte de loi, un cas de jurisprudence. Le technicien du droit (juriste ou
jurilinguiste) doit veiller à employer le terme exact qui correspond parfaitement au sens
qu'il souhaite donner à son discours. Ainsi, le choix du terme a une conséquence
primordiale dans les textes de droit. La complexité ainsi que le besoin fondamental
d’e xa c
titude du la ng age du droit
se
retrouven t
dans
chacun de s doma i
ne s
jur
idiqu es.
Le s
droi ts
de
l’homme , à ti
tre d’e xemple, ont a
us s
i leur
langue av ec de s
nu ances
qu i
lui sont
propr es e
t qu ’i
l impor te de respecter afi
n de ne pas donne r raison une fois de plus à
Edmun d Bu rke l orsqu’ i
l a ff
irmait,
à pr opos des dr oi t
s de l’homme ,
da ns s es
« Réflexions sur la Révolution française », que « ces droits métaphysiques, pénétrant
dans la vie pratique, ressemblent à des rayons lumineux qui, traversant un milieu dense,
sont, de par les lois de la nature, réfractés hors de la ligne droite. » (BURKE, 1912 :
100)
Da ns l’élabor ation de textes
portan t
sur
les droit
s de l’h omme ,
ainsi
que
lors de l
a
tradu cti
on de ces te xtes
da n s d’aut
res langues,
il i
mpor te
de tenir compte non seulement
de l’ es
pr i
t de
la loi et du
dr oit
e n
gén éral,
mais aussi
de l’e sprit des droits
de l’
h omme ,
et n e pa s ce s
se r de s’adr esser à son public,
en prenant en compt e ses spécifi
c i
té s
.
S’a dress a
n t
a ux pe rsonn es ou groupes de personn es
qu i
setrouvent dans la situation de
pré serve r
et défe ndr e les dr oit
s de l
’h omme ,
ces textes son t un e porte ouverte vers l
e
respe ct de l’
ê t
re h uma i
n .
Le traducteur-j
u r
il
ingu ist
e doit
g arde r cela à l
’espri
t et
u s
e r de
toute sa sensibilité linguistique et de son savoir contextuel relatif au groupe destinataire
de sa traduction pour rendre le texte non seulement compréhensible mais aussi agissant.
105
Nous avons choisi de faire notre analyse comparative sur un corpus formé
d’é lé
me nts appa rt
e na
nt à une de s pu blic
a tion s
officielles de la Cour européenne des
droi t
s de l’h omme , n otamme nt c elu i
in titul
é «Cour Européenne des Droits de
l’Homme : que sti
on s
et
répon ses», Cou r
eu ropé enn e de s droit
s de l
’h omme ,
Gr eff
e de l
a
Cour. Ce document est accessible en ligne sur le site de la Cour, www.echr.coe.int.
Nous nous sommes servi, pour notre analyse, de quatre versions de ces
documents, à savoir les versions en langue roumaine, française, espagnole et anglaise.
Notre objectif a été de mettre en lumière tant les ressemblances que les différences en
ma tière de t
e rme s et
sy ntaxe emp loy és,
tou t e
n a yan t à l’
esprit
le s deux famill
es de
langu es pr ésen t
es (la
ti
n e/roma ne et
g e r
ma ni que ),
ma is aussi l’i
nflu e
n ce l
a tine
e
t des
langu es d’orig ine
lati
ne sur l
’ang l
a i
s. Ou tre c el
a ,
il nous a paru int
é ressant
de r
e gar
der
aussi quelle a été la ou les langue(s) sources, et cela plus particulièrement en ce qui
concerne la version en langue roumaine. Etant donné le passé francophone et
francophile roumain, nous avons souhaité constater si, pour ce qui est du présent
document, le français perdure en tant que langue source privilégiée.
Les éléments du corpus sont constitués des titres et sous -titres dudit document,
ce qui donn e une premi ère vu e d’en sembl e au lec t
e urprofane (ou non), quant au
contenu de la brochure de présentation de la CEDH.
Les instruments de travail de prédilection ont été principalement : The
Cambridge Online Etymology Dictionary, DEX Online, TLF-ATILF, Diccionario de la
lengua española de la Real Academia Española, le Dictionnaire étymologique de la
langue française de O. Bloch et W. von Wartburg, 2002. Les définitions ou entrées de
dictionnaire citées appartiennent à ces ouvrages.
Comme cela est dit dans le document officiel de présentation de la CEDH,
«I n s
tit
u ée en 1959, l
a Cou r europé e nne de s droi t
s de l
’homme est une jur
idict
ion
internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques
alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention
eu ropée nne de s droit
s de l’homme . De puis 1998, la Cou r
siège en pe rma n
e nce et
pe ut
être saisie directement par les particuliers. » Les langues de travail de la Cour sont le
fran çai
s et l’
a ng l
ais,
avec un e
prépon dé rance du fran çais.
Analyse du corpus
:
CÚRTE, , s.f. I. 1.
Loc. adj. De curte
. 2.
3.
s
uve
ran
; s
uit
a un
ui
suv
era
n s
au
a me
mbr
il
or
fami
li
ei
sal
e.
II.
106
simpatia, dragostea. –lat. *curtis (= cohors, -tis), cu unele sensuri (II, III
cour.
Français
Cour : Étymol. et Hist. A. 2e moitié Xe s. cort « espace découvert entouré de murs,
d'habitations » (Passion, éd.
D' A. S.
Av a l
le,
244) ; 161 6 Cour des Miracles « repaire de
gueux » (DRACHIER D'AMORNY, Le Carabinage ou Matoiserie soldatesque, p. 31
ds SAIN. Sources Arg. t. 1, p. 55). B. 1. 2e moitié Xe s. curt « résidence d'un souverain
et de son entourage » (Saint-Léger, éd.
J.
Lins ki
ll,
44) ; 2. ca 1100 curt « entourage d'un
souverain » (Roland, é d. J .
Bédi e r
, 231) ;
ca 1352 cour de Romme (G. LE MUISIT,
Poésies, éd. Kervyn de Le t
ten hov e, t.
1, p. 324) ; 3. ca 1130 cort « souverain et son
conseil » ici « assemblée de vassaux réunie par le souverain pour régler une question
importante ou pour une solennité » (Couronnement Louis, é d.
E. La nglois ,
161) ;
débu t
XIVe s. estre bien de court « jouir de la faveur du roi » (G. GUIART, Royaux Lignages,
éd. J.-A. Bu chon ,
t.
8, 11456) ;
4. a) 1539 Faire la court a quelqu'ung « être empressé
a uprès de lui
pou r gagne r se s
faveu rs » (EST. ); 1651 s
pé c.
id. à une femme « la
courtiser » (CORN., Nicom. I ,
1 ds LI TTRÉ) ;
b) 1690 cour « ensemble de personnes
cherchant à obtenir les faveurs de quelqu'un » (FUR.). C. 1. début XIIe s. curt « siège de
justice » (Lois Guillaume, é d. J.
E. Ma tzke, § 24) ;
2. XIIIe s. Haute Court (Assises de
Jérusalem, éd. Beugnot ,
t. 1, p .
23) ;
154 9 désign e
le s
tribun aux d'ordre su pé r
ie ur (
EST.
: cours souveraines) ; spé c. 18 04 cour de cassation, v. cassation; 3. XIIIe s. « magistrats
composant ces tribunaux » (Assises de Jérusalem, t.
1,
p. 54) ;
1690 (
FUR. ) ;4. fin XIIIe-
e
début XIV s. Court d'Amours (MATHIEU LE POIRIER, Le Court d'Amours [titre]
d'apr. Romania, t
. 10, 1881 ,
p. 519) ; 1830 Cour des comptes (BALZAC, 21, 475 ds
QUEM.). Du b. lat. curtis « cour de ferme » (VIe s. ds TLL, s.v. cohors, 1550, 6) puis «
enclos comprenant maison et jardin, tenure » (d'où l'a. fr. cort « ferme, exploitation
agricole » XIIIe s. ds GDF.) et « centre d'exploitation d'un fisc, résidence royale »
(Capit. de villis ds NIERM.), « entourage du roi, personnel de la cour royale » (Capit.,
ibid.), « curia d'un prince territorial, surtout dans sa fonction de tribunal » (1000, ibid.).
Curtis est issu du lat. class. cohors « coin de ferme » et dans la lang. milit. « division du
camp » d'où « troupes (cantonnées dans cette division) » accessoirement « gardes du
corps d'un grand personnage ». L'orth. mod. cour est prob. due à l'infl. du lat. médiév.
curia attesté dans des sens analogues (NIERM.).
Español :
Tribunal : tribunal. (Del lat. ).
English:
Court: late 12c., from O.Fr. curt, from L. cortem, acc. of cors (earlier cohors)
"enclosed yard," and by extension (and perhaps by association with curia "sovereign's
a ssembl y ")
,
"those a sse mbl ed i
n the ya rd;
c ompa ny ,
coh ort,"
from com- "together" +
stem hort- related to hortus "garden, plot of ground" (see yard (1)). The verb meaning
"woo, offer homage" (as at court) is first recorded 1570s. Sporting sense is from 1510s,
originally of tennis. Legal meaning is from late 13c. (early assemblies for justice were
overseen by the sovereign personally). Courtroom is recorded from 1670s.
Conclusion:
On
s’a per ç
oi t
qu e
tous les te r
me s cit
é s ont
de s origine s lat
in e
s.
Le rouma in a util
is
é le
modè le fra
n çais,
alor s qu e l’a n
g la i
s a
p r
is son t
er me directeme nt à l’an cien français.
L’ espa gn ol re
s t
e
le pl us pr oc he du doma ine juridiqu e, ave c l
e terme «tribunal », du
champ sémantique juridique latin (« tr -cercle où siégeaient
les magistrats », Dictionnaire Gaffiot, http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php), alors
que « curtis » et son origine « cohors » n’appa r
tienn ent pa s
à ce
ch amp («Curtis est issu
107
du lat. class. cohors « coin de ferme » et dans la lang. milit. « division du camp » d'où «
troupes (cantonnées dans cette division) » accessoirement « gardes du corps d'un grand
personnage ». L'orth. mod. cour est prob. due à l'infl. du lat. médiév. curia attesté dans
des sens analogues (NIERM.) », TLF). Le terme « cour » en français et en roumain a eu
des évolutions sémantiques similaires, le français influençant, dans ce cas et
partiellement, le roumain.
:
1
, grefe
–Din fr. greffe.
Français:
Greffe : Étymol. et Hist. I. Bureau d'un tribunal ou d'une cour où sont notamment
conservés les minutes des jugements et arrêts, les divers actes judiciaires, les pièces à
conviction, les doubles des registres de l'état civil, et où se font les déclarations relatives
à la procédure. [Mil. XIe s. grafie (RASCHI, Gl., éd. A. Darmesteter et D.S.
Blondheim, t. 1, p. 78)] 1re moitié du XIIe s. « stylet pour écrire » (Psautier de
Cambridge, 44, 1 ds T.-L.). XVIe s. ds HUG. II. 1. 1278 « office chargé d'administrer
la dépense et de tenir les comptes de l'hôtel royal » (Documents Angevins, I, 76 cités par
R. Arveiller ds R. Ling. rom. t .
40, p.
462) ; 2. 1636 « charge et émoluments de greffier »
(MONET). I du lat. graphium « stylet, poinçon à écrire ». II formation régr. de greffier
(FEW t. 4, p. 243).
Español :
Secretaría. 1. f. Destino o cargo de secretario. 2. f. Oficina donde trabaja. 3. f. Sección
de un organismo, institución, empresa, etc., ocupada de las tareas administrativas. 4. f.
Am. ministerio (departamento en que se divide la gobernación del Estado). Del lat.
secretar
English:
Registry: From registrar, 1670s, shortening of registrary (1540s), from M.L.
registrarius "one who keeps a record" (related to register).
Conclusion:
On observ e l’origin e c ommu ne l at
ine de t ou s l es terme s
. Le rouma in e mpr un te
directement au français, et directement avec le sens juridique, et il est le seul avec le
français à donner un sens exclusivement juridique au terme « » .
L’ ang lais et
l’espag n ol
l’
empl oien t
comme terme li
é à l’admi nistrati
on . Le t
erme espa gnol contient
dans son origine «secretar » un deuxième sens juridique, « s a l
le d’as sembl ée des
juges, tribunal secret » (Dictionnaire Gaffiot, http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot).
3. roum. C -j
e s
ais
ir…,
es
p.
¿Cuando
pue
de
dirigir
me
al…,
ang.
Whe
n c
an
I
appl
y t
o…
:
SESIZÁ, sesizez, vb. I. Tranz. 1. p. ext. a
observa, a descoperi. -
ceva. 2.
– saisir.
108
Français:
Saisir : « propr. terme de droit féodal signifiant à la fois « mettre en possession », de là
se saisir de (cf. aussi la locution jurid. Le mort saisit le vif, XIIIe, Beaumanoir, encore
us uelle aujou rd’hui)», et « prendre possession » , d’où «saisir vivement (en général) »,
dès la Chanson de Roland. Mot d’ ori
g ine germ. attesté da ns
les Loi s
Ba rbares dès
700
par le verbe sacire, cf. ad proprium, ad proprietatem sacire ;».
Español :
Dirigir : Del lat. dirig .
English:
Apply : to request something, usually officially, especially by writing or sending in a
form. Late 14c., from O.Fr. aplier (Mod.Fr. appliquer), from L. applicare "to attach to,
to devote oneself to," from ad- "to" + plicare "fold" see ply (v.)). The etymological
sense is "to bring things in contact with one another." Ply: "work with, use," c.1300,
shortened form of applien "join to, apply," from O.Fr. aplier, from L. applicare "to
attach, apply," from op- "on" + plicare "to lay, fold, twist," from PIE base *plek- "to
plait, twist" (cf. Gk. plekein "to plait," L. plectere "to plait, braid, intertwine," O.C.S.
plesti "to braid, plait, twist," Goth. flahta "braid"). Sense of "travel regularly" is first
1803. Related: Plied; plies;
plying.
Conclusion
La première observation porte sur le mot introducteur de la question: à
l’exce ption du r
ouma i
n, t
ou t
es les trois aut
res langu es
u ti
lisent l
’ adverbe d’inte rrog a
tion
tempor e l
( quand, c uando, wh e
n ). Le rouma in e mpl oie u n a dverbe d’ inte rrog a
ti
on
modal : cum (comment). Il mérite de porter notre attention sur la traduction roumaine,
car elle est inexacte :
en eff
et,
rien da ns la
suite
du t
exte ne ju
stifie l
’empl oi de l’a dverbe
d’interr oga ti
on
«cum » , car
le tex te n’explique pas le moda l
ité s
d’accè s à la CEDH,
ma i
s se uleme n t
dan s
quelle
sit
u ation ,
c’est
-à-dire à que l
mome nt précis
, qu elqu ’u n
pe ut
faire appel à la CEDH : « Vous pouvez introduire une requête devant la Cour si vous
vou s e sti
me z personnellemen t
e
t di recteme nt victi
me d’ une viol at
ion de s droits et des
garanties prévus par la Convention ou ses protocoles. La violation doit avoir été
commi se pa r
l’un des Etats liés pa r
la Conv e nti
on .» (p.2, CEDH : Questions et
réponses, Greffe de la Cour). D’ où
le
be s
oin d’u t
ili
ser «când », ou « quand ».
Ensuite, on observe que le roumain emprunte le terme « sesiza » au français
« saisir », uniquement avec le sens administratif. Le TLF ne mentionne pas de sens
juridique ou administratif pour « saisir ». On retrouve le sens juridique dans le
Dictionnaire étymologique de la langue française de O. Bloch et W. von Wartburg, p.
569, comme suit : « propr. terme de droit féodal signifiant à la fois « mettre en
possession », de là se saisir de (cf. aussi la locution jurid. Le mort saisit le vif, XIIIe,
Beaumanoir, enc or e
usu el
le a ujou rd’hui)», et « prendre possession » , d’où «saisir
vivement (en général) », dès la Chanson de Roland.
Mot d’ori
g ine germ. attesté da ns
le s
Lois Barbares dès 700 par le verbe sacire, cf. ad proprium, ad proprietatem sacire ».
Troisièmement , on v oit q u’ à l’
e xception du rou ma in, qui u til
ise la voix
passive, les autres langues analysées emploient la voix active et la première personne du
singulier du pronom personnel. La voix passive est une caractéristique du langage
administratif roumain. Al ors
qu e le d ocume nt étudié n’e st
pas u n text
e admi nis t
r at
if
, il
est cen sé être t
rès proche du ci
toy en européen
et répon dre
à ses qu es
ti
on s, d’où l’empl oi
de la voix active et du pronom personnel à la première personne singulier, la traduction
roumaine le transforme dans un document purement administratif, soulevant la barrière
de l
’admi nistrat
ion ent
re le
citoye n et la
CEDH dès le pr e
mi er con ta
c t
du citoy en ave c
109
la CEDH, qui peut être la lecture du document « Questions et réponses ».
L’ i
mmé dia t
eté de l’
acc ès à la CEDH pour tout citoyen européen est ainsi faussée, et le
citoyen roumain qui lit ce texte a la juste impression de se retrouver à nouveau devant
un t
exte a
dmi n i
strat
if, ce qu i f
aus s
e aus si l’
intent
ion du texte de dépa rt.
Et quan d on
connaît les tri bu l
ati
ons des Rouma i
n s
l or s
qu’il
s ont besoi n de c ontacter u ne e nt
ité
admi nistrative, on se re nd c ompt e
aussi qu’ une t
elle tradu c ti
on n’est pa s seule ment
fausse, ma is qu’ elle
c ontribue à dissuade r le r
essort
issan t ro uma in à f
aire appel à la
CEDH. Qui plus est, dans un pays comme la Roumanie, ex-communiste, où les
mentalités ont beaucoup de mal à évoluer, un traducteur imprégné du langage du passé
et aussi des struc tur
es me ntales du passé bloque mê me i
n con s c
iemme nt
l’é voluti
on de
la perception du Roumain qui lit sa traduction du texte de présentation de la CEDH.
Un e traduc t
ion fidèl
e
a u
texte
de
dépa r
t, qu ’il
s
oit f
ran çais,
an glai
s ou espa gnol,
a urait
été bea ucou p plus heu reu s
e et approprié e. Se t
rompe r de registre de l
a ng ue s’
a vère
nuisible à la traduction. He ureuseme nt,
da ns l
a s
uite du t
e xte, et vu
l’empl oi récu rr
ent
des autres langues de la voix active ainsi que du pronom personnel de première
personne singulier, le traducteur a choisi finalement de rester fidèle au texte source.
Qu atri
è me me n t,
l ’e
spa g nolemploi le terme « dirigir » , qu i n’ est p as u n te r
me
admi nistratif
ou j uri
di que .
L’ ang l
ais utilise «apply for », ce qui signifie faire une
demande officielle, habituellement par écrit ou en remplissant un formulaire.
:
, s.f. 1.
anumitor fapte sau acte. 2.
3. Stare
s.f.] –Din fr. interdiction, lat.
interdictio, -onis.
Français:
Interdiction : Étymol. et Hist. 1. 1410 interdition « action d'interdire » (ISAMBERT,
Recueil gén. des anc. lois fr., t . 7, p. 232) ;
14 62 [n.
st.]
interdiction (Ordonnances des
rois de France, t .
15, p. 404 ); 2. XVIe s. « interdit ecclésiastique » (P. PITHOU ds
LI TTRÉ) ;
3. 1690 « action d'interdire à un membre d'un corps constitué d'exercer ses
fon ctions » (FUR. );
4. a) 1690 « action d'interdire à une personne majeure la libre
disposition et l'administration de ses biens » ( ibi
d.);
b) 1873 interdiction de séjour (Lar.
19e). Empr. au lat. class. interdictio, au sens 1. Au sens 2, empr. au lat. médiév. de
l'Église interdictio « interdit ecclésiastique » (BLAISE Lat i
n. Me d. Aev .;
NIERM.).
Español :
prohibición. : Del lat. prohibit - ). f. Acción y efecto de prohibir.
Interdicción : Del lat. interdict - . 1. f. Acción y efecto de interdecir. ~ civil.1. f.
Privación de derechos civiles definida por la ley.
English:
Prohibit : early 15c., from L. prohibitus, pp. of prohibere (see prohibition). Related:
Prohibited;
prohibiting.
Conclusion:
On observe deux racines latines différentes : prohibere, tenir éloigné, et interdictio,
interdiction. Le roumain doit son terme au français et au latin. En espagnol, « prohibir »
n ’a pa s forcé me nt un s ens juridiqu e, a lors que «interdecir » est dans le domaine
110
juridique par
son de uxième se ns. L’ anglais
con tient le
t
er me «interdiction » avec le
sens de « authoritative prohibition ». En français, « prohibition » signifie « interdiction
promulguée par une autorité », « interdiction absolue ». Une autre remarque porte sur la
syntaxe : alors que les trois langues latines suivent le modèle Pronom
interrogatif+Verbe être+Article défini+Nom+Participe passé prévoir+Préposition +Nom
(ex .
Qu elles
sont les interdi
c t
ion s prévue s par
la Con vention …) , l
’ang lais fonctionne
sur le modèle Pronom interrogatif+Verbe auxiliaire+article défini+Nom+Verbe à
conjuguer, sans aucune intervention du facteur passif.
5. roum. Doresc sa introduc o cerere :, fr. Je veux introduire une requête :, esp.
¿Quisiera dirigir una demanda., ang. What conditions do I have to satisfy to lodge
an application ?
:
DORÍ, doresc, vb. IV. Tranz. 1.
2.
3. A
4. A ura cuiva ceva. –Din dor, din lat. pop. dolus (< dolere „a
du rea”) .
VREA, vreau, vb. II. Tranz. I. rbul la conjunctiv
sau, rar, de un infinitiv). 1.
*volere.
INTRODÚCE, introdúc, vb. III. Tranz. 1.
rî.
2.
- -
într-un domeniu de activitate. 3.
introdusei, part. introdus] – Din lat. introducere. Cf. fr.
introduire.
Français:
Vouloir : Du lat. vulg. * . Avoir la ferme intention, le souhait, le désir de.
Introduire : Empr. au lat. introducere « amener, introduire », francisé au cours du XIVe
s. d'apr. conduire*.
Español :
Querer : Del lat. quaer , tratar de obtener
Dirigir : voir plus haut.
English:
Lodge : early 13c., from O.Fr. loge "arbor, covered walk" (Mod.Fr. "hut, cabin, lodge
box at a theater"), from Frankish *laubja "shelter" (cognate with O.H.G. louba "porch,
gallery," Ger. Laube "bower, arbor"), likely originally "shelter of foliage," from the root
of leaf. "Hunter's cabin" sense is first recorded mid-15c. Sense of "local branch of a
society" is first recorded 1680s, from 14c. logge "workshop of masons." The verb is
early 13c., "to stay in a lodge, to put someone up in a lodge," from O.Fr. logier, from
loge. Sense of "to get a thing in the intended place, to make something stick" is from
1610s.
- lodge a claim/complaint/protest, etc. = to make an official complaint about something
111
Conclusion
Le roumain préfère le verbe « a dori », ressenti comme plus soutenu et officiel
que « a vrea » issu du même verbe latin que le français « vouloir » .
L’a n
glais opt
e
pou r
un synonyme plus officiel du verbe « to apply for ». Le roumain suit la version
française pour ce qui est du verbe « introduire » .
L’espagn ol
reste
le plus pr éci
s dans
son expression « dirigir una demanda al tribunal » .
L’ ang l
ais u t
ili
s e l e nom
« application », signifiant « an official request ».
Qu ant à l
a
synt
a xe,
l’a nglais s’él
oign e
de
n ouvea u des troi
s la
n gue s l
atine s,
i
nv ersant
l’ordre dan s
la phrase,
et s’in t
éress
a nt
tout d’abor d a
ux con diti
ons à re mpl ir,
e
t ensuite au souh a
it
de faire u ne dema nde
officiell
e (souh ait
qu i
d’a il
leurs n’est mê me pas e
x primé
e xpli
cit
e ment).
A la fin de cette brè ve an alyse, nou s
con cl
u ons s
ur l
’ i
mpor t ance d’ une vue
compa rat
iv e des t
e xt
e s de droit da ns l
’Un ion europé enne, et
plu s
par ticul
ièr eme nt
e n
droits de l
’homme
da ns le contex t
e eu r
opé en,
comme étant
un moy e n de mett
re e n
lumière les liens, non seulement linguistiques, qui existent et se révèlent à travers les
textes du doma ine juridique .
Pou r l
e j
u ril
inguist
e eu r
opé en, i
l
est nécess ai
re d’ avoir
de s
compé tences lingu ist
iqu es mu l
ti
pl es, afin de s’
ass urer
, ave c
l’a
ide
de l
a compa rais
on ,
une traduction fidèle, dans le respect des contextes des langues source et cible.
BIBLIOGRAPHIE
112
LA
CRI
SE
DE
L’I
DENTI
TÉ
ET
L’I
DENTI
TÉ DE LA CRISE
113
pa ra
dox ale ment « gau chistes», s
u btiles,
d’ex or ciser le s
t
ens ions g lobales
postcoloni
ale s,
de f
a i
re pa rdonn er tou te une t
radi t
ion oc cide n t
a le impé riali
ste, dè s l
’Empi re Roma in
aux empires français ou Anglo-Saxons, et de proposer à la fois des scenarios et des
solutions, généralement indéchiffrables et confus, utopiques et hautains.
1.2. L’autre est devenu un lieu commun: c'est l'étranger, le migrant, l'exilé
(Nouss, Forget, Simon in Oullet). Ou c'est l'Altérité: l'ailleurs, le transcendant (HAREL,
OUELLET, 2003). Ce déplacement des métaphores identificatrices, de l'univers du Soi
vers le monde de l'Autre, dénote bien sûr une mutation de la sensibilité. On assiste
aujourd'hui à une stérilisation des figures de l'altérité. On a développé une «altérophilie»
généralisée, aussi suspecte que l'altérophobie d'antant (OUELLET, 2003: 185-207).
1.3. On vit dans l'inadéquation à soi-même. On imagine son avenir comme
l'imperceptible mutation en un autre et son passé comme une maturation à partir d'un
autre ou des autre s.
L’indi vi
du es t
tendu en tre un avenir que la fiction le conduit à
imaginer comme une rupture: «no futur», «no exit» ou «apocalypse» (HAREL in
OULLET, 2003: 103) ou encore comme tout autre «post-humain», «post-historique»,
«post-utopique», «post-identitaire» (CUSSON, PRZYCHODZEN in OUELLET, 2003:
11-143) et un passé - grand trou noir (ANGENOT, 2001: 23).
114
fortement imprégnées par l'incertitude identitaire et l'épreuve de l'altérité, qui se
manifestent entre autres dans le caractère interculturel de la vie sociale. Leur but
premier a été de dresser un portrait, par esquisses ou ébauches successives, des
«configurations sensibles» ou des «formes d'expérience» communes qui caractérisent
les sociétés d'aujourd'hui dans leurs modes d'énonciation (littéraires, artistiques et
historiques), de la mémoire plurielle, des perceptions hétérogènes et de l'imagination
hybride qui constituent à la fois l'héritage et le destin culturels des mondes
contemporains. Ce modèle s'est élaboré selon les trois grands axes déjà mentionnés, soit
(1) les effets symboliques de la migration (Espaces migratoires), (2) les formes
d'autofiction et d'autoreprésentation dans le contexte de l'altérité généralisée (Territoires
du soi et de l'autre) et (3) les processus de métissage et d'hybridation interculturelles
(Appropriation et désappropriation). Chacun de ces axes a permis d'analyser les
mécanismes de la perception sensible, de la mémoire historique et de l'imagination
collective qui donnent lieu aux représentations discursives du soi et de l'autre à partir,
soit (i) de l'«étranger» ou des processus migratoires propres à l'exil (Figures de l'exil ) et
à l'errance urbaine (Figures de la ville), soit (ii) des mutations du soi à travers les
modulations interculturelles du lieu (Habitats et habitus), les expériences limites de la
sensibilité (Espaces sensibles) et les formes nouvelles de l'interactivité (Territoires
dialogiques), soit (iii) des processus mêmes de passage et de métissage d'une forme
culturelle à l'autre par l'articulation toujours problématique du passé et de l'avenir
(Histoire et mémoire) ou par les consonances et dissonances des héritages culturels
multiples (Métissage et hybridation).
2.2. En évaluant la constellation des modèles proposés par ce projet
multinational, on discerne (a) l'intériorisation et la généralisation des figures de l'exil et
de la mi gr ance da ns l'
ima gin ai
re cult
ure l
; (b) la mou v ance i
de ntit
a ire et
le pa ssag e
symbolique des frontières qui deviennent de nouvelles configurations de la sensibilité
c oll
e ctive; (c) la
d i
ssolution de
l'ego qui ne s'
éprouv e plus comme la sou rc e
et l
a finalité
de se s repr ésen t
ati
ons ,
dé sorma is traversées d'altérités mul ti
ple s
; (d) la singu l
a ri
té de
l’indi vidu a u c onfluent de n ombr e uses forme s de c ommun autés; ( e) la pr ise de
conscience des mécanismes d'appropriation et de désappropriation qui sous-tendent la
v ie
s oc i
ale ; (
f) les
différents type s
de mé tissage et d'hybr i
da t
ion (
TURGEON, UZEL in
OULLET, 200 3) constit
u ent dé sorma is l'
un des mot eurs de l'
histoire ;
(g) le legs et
l'héritage ne représentent plus le modèle des opérations de traduction et de transfert
d'objets d'un système de valeurs à l'autre, lequel est remplacé par le modèle de la greffe
et de l'emprunt.
2. 3. Ce s mu tations da ns l ’espace de l a s en si
bilité s pé cifique a l'aire
géoculturelle de l'Amérique du Nord francophone donnent lieu à un nouvel ethos
énonciatif, à de nouvelles habitudes discursives et façons de coexister qui correspondent
à la complexité et à la fluidité des sociétés actuelles, caractérisées par la prolifération, la
libre circulation et la diversification des discours dont l'interaction repose moins sur un
système de valeurs partagées ou un contenu idéologique commun que sur les formes
dialogiques de l'énonciation considérées dans leurs dimensions éthiques et esthétiques,
liées aux manières d'«être-ensemble» et de «sentir-avec» qui fondent à la fois
l'expérience intersubjective dans son rapport à l'altérité et la genèse du lien social dans
la mouvance de son historicité.
2.4. L'analyse de l'ethos énonciatif d'une époque donnée doit soumettre son
propre discours, heuristique et herméneutique, au regard critique qu'elle jette sur
l'ensemble des productions discursives qui témoignent à la fois du «théâtre de la
mémoire» (Jewsiewicki-Koss), du «sensorium commune » (Lupien) et de la «vie
115
dialogique» (Wall) d'une culture hétérogène, où le conflit des interprétations et les
dissonances historiques caractérisent la coexistence sociale autant que les métissages,
où se maintiennent les polarités entre la «participation sensible» (Fontanille) et
l'«expérience liminale» (Bucher).
BIBLIOGRAPHIE
Angenot, Marc, D'où venons-nous? Où allons-nous. La décomposition de l'idée de progrès,
Montréal, Trait d'union, coll. «Spirale», 2001.
Desimone R, Duncan J, "Neural mechanisms of selective visual attention" Annual Review of
Neuroscience 18 193-222 (1995)
Francis, George, A topological picturebook, Berlin, Springer, 1988
Le soi et l'autre: l'énonciation de l'identité dans les contextes interculturels, sous la
direction de Pierre Ouellet, Québec, Presses de l'Université Laval, 2003
116
RHÉTORIQUE DE LA MONSTRATION / RHÉTORIQUE DE LA
SUGGESTION. UN DOUBLE MODÈLE FANTASTIQUE
Adriana APOSTOL
Université de
A woman is sitting alone in a house. She knows she is alone in the whole world : every
other living thing is dead. The
doorbe ll
rings
…
Thomas Bailey Aldrich
Le texte mis en exergue, que nous avons retrouvé dans plusieurs ouvrages
critique s sur l
e
f a
n ta sti
que, parfois à t
it
re introdu cti
f,
d’ autres foi s à tit
re d’e xempl e ,
représenterait le récit fantastique le plus court, ou, appelons-le degré zéro du récit
fantastique : un pers on na
g e,
en l
’oc c
urrenc e,
u ne femme ,
seule à la ma ison, da ns
un e
situation toute particulière ma is
qui
s’i
ntègre
pa rfa i
temen t
dan s son un i
ve r
s et
le définit:
elle est seule dans le monde entier, tous les autres êtres humains ou non humains sont
mor t s
. Que l
qu’ un son ne à
la por te,
une infére nc e
que le lecteu r e s
t amen é à
fa ire
pu isque l
e texte lui appr end que l’on ent
en d la c lochett
e son ner. Et l
e s
incon t
o urnables
poi nts de suspen sion ,
marque classi
que de l’in dé t
ermin at
ion , de l’opera aperta, qui
dé clenc hent un e abon dance ima gi na
tive
qu i
n’e st e
n e ff
e t
qu e trop pauv r
e, car
elle
tourne autour du rien.
Pou rt
a nt,
à force d’appliquer t
ell
e ou telle
gril
le
de d éfinition fantastique, il y
aurait sûrement des critiques en ce qui concerne le statut générique du fragment ci-
dessus et on le rejetterait même du fantastique pour le considérer plutôt, telle la
Métamorphose de Ka f
ka, comme de l’absu rde ou ,
de tou te ma n i
ère, côtoyant le
merveilleux. Bien que cette situation du monde à un seul être vivant soit singulière et ne
relèv e pas de notre qu oti
dien, e
lle est
pourta nt donn ée comme c adre
s ûr e
t n’en e
st p as
moins suggestive de la composante herméneutique qui caractérise et définit le récit
fanta st
iqu e.
D’ aill
e urs, l
a conc eption c
rit
iqu e domi nante du fanta st
iqu e s’est
fon dée s ur
le rapport entre la réalité et le surnaturel, notamment sur le jeu intellectuel que sa
représentation entraîne, un questionnement sur la nature des événements, sur la réalité,
su r
la relati
on du pe rsonn age au mon de,
re prése nté
tant
à
l’i
n t
é rieur du ré
c i
t,
a u ni
v e au
de l
a
di égèse, qu’au n iv
eau de
la lectur
e. Il s
uf fit de
pens er
à l’hésita t
ion todor ovienn e
ou à ses « avatars » modernes (MELLIER,1999 : 121): l’indé t
e rmi nation, l’incertain,
117
l’indécidabl e, l ’
impe nsa ble, l’amb igu ï
té, pou r v oir q ue la c ompos ante int
e ll
ec t
ue ll
e
occupe une place dominante dans le fantastique, ou, du moins, dans le discours critique
su r
l e fan t
a stique .
C’ e st a i
nsi qu e The door be l
l r i
ngs … résume le mécanisme
fantastique : la clochette qui sonne rompt un équilibre préexistant et engendre un jeu de
suppositions …
Parmi les définitions du fantastique, celle de Roger Caillois résume la
n at
u r
e du ra ppor t ent
r e l’ordre natu rel et l
’ordr e surn at
u rel da ns le r
é cit f
a ntasti
qu e:
« Ru ptu r
e de l’ordre r
e con nu ,
irru
ption de l’
in admi ssible au
s ein de l’
ina l
térable
léga l
it
é
qu oti
di enne, ( …) le
fa ntastique suppos e l
a solidité
du mon de réel
, ma is pour mieux l
a
ravager » (CAILLOIS, 1966 :10), à la fois incompatibilité, scandale, rupture, mais aussi
n écessité
. Le s deux ordr es s’oppos en t
, s’exclue nt réciproqu e me nt,
ma is, dans l
e mê me
temps , ils
se d é
finissent l
’un par ra pport à l
’a utre,
ils se c onçoiv e
nt par opp osition
binaire. Les relations à la base du système fantastique sont construites selon la logique
de la « contradiction » (MARI NO,
1973: 661,662) , car,
la leçon
rhétori
q ue
nou s l
’a dé j
à
appris, les oppositions des choses contraires servent à éclaircir la (les) vérité(s), tout
« comme les ombr es re lèvent l’éclat de s coule urs» (Bernard Lamy, cf. GLAUDES,
1999 : 19).
Da ns certains récits
fan tast
ique s,
c omme nulle
pa rt
ai
lleurs, l’
evidentia ou
la « faculté de faire voir » (repraesentatio), comme elle est appelée chez Quintilien,
devient obj ec tif
premi er à tous les
n ive aux.
Le tex te s
’ ef
for ce de f
a i
re
v oi r
l
’inv isi
ble
à
tel
poi nt
q u’il devient par f
ois
un e
hy pot ypose gé néra l
isée:
[…] toutes l
e s descriptions que l
’on fait de ces obj et
s sont
viv e
s
et exactes. Elles sont appelées hypotyposes, par ce qu’elles fi
gur ent le
s
choses, et en forment une image qui tient lieu des choses mêmes ; c’e
s t
ce
que signifie ce nom grec Hypotypose.
L’ hypot ypose e st
un e e spè ce d’ enth ous i
as me q ui
f ait qu’ on
s’imagine v oir c e qui n ’est
poi nt pr ésent, e t qu ’on le repr ésente si
viveme nt de vant les yeux de
ce ux qui écoute nt, qu’ i
l le
ur sembl e voir ce
qu’ on
leur dit.
(ibidem:17,18)
L’ ambi gu ï
té rhé t
oriqu e ancie nne de l
’hy potypos e compr i
se
tan t
ôt comme une
figure de style, tantôt comme une qualité générale du texte, telle q u’ e l
le est ill
ustrée
dans ces propos de Bernard Lamy, se justifie pleinement dans un fantastique dont la
fonction essentielle est celle de montrer la chose, de rendre réel ce qui semble irréel, de
par sa singularité, excentricité, bizarrerie, bref, scandale ou antinomie par rapport à la
norme.
Mais « le faire voir » , le prin ci
pe mi s au cœu r de l ’a
ntiqu e r hétorique
représentative a été aussi mis au centre de la polémique entre la vérité et la rhétorique,
entre la « représentation » fastueuse, théâtralisée et la représentation exacte, allant,
comme le font Lessing ou Hegel (cf. GLAUDES, 1999 : 46-63) , j
us qu ’
à lu i
n i
er l
a
capacité de « faire voir ». De là, les déplacements par rapport à la représentation et la
rhétorique envisagée comme seule représentation du figu r
a l,
de
l’
inv e
ntivi t
é du
lang age
ou tout bonnement comme suggestion.
A partir de ces lieux rhétoriques, nous nous intéresserons aux deux poétiques,
d’un côté, celle
de
la pr ésen t
ation ou de lamonstration, e t de
l’autr
e c ôté,
c ell
e de l
a
suggestion, en tant que stratégies de la narration fantastique où agissent des forces
centrifuges et centripètes dont la tension établit la relation du fantastique à la fois par
rapport au réel et au surnaturel.
118
I. Bessière est la première à avoir usé des concepts de forces centrifuges et
centripètes dans sa théorisation de la dynamique interne de la narration fantastique, où
l’on
cons truit le
v raisembl able
pa r sa propre n égation:
La narration devient le lieu de forces centrifuges et centripètes :
nier le familier
c ’est aus si l
’ établ ir.Le dessi
n de l
’absolume nt nouv e au
dé couv re un as s
e rvi
s seme nt au banal . L’improb able
va de pair av ec
une
tendance normalisante. (BESSIERE, 1974 : 163)
L’ on s
’atte ndrait
à ce qu e l’appa rition du diable,
d’un f
antôme , ou t
ou t
e au t
re
figure fantastique, aille dans le sens de la négation du vraisemblable, de la déréalisation
du réel (voilà un mot bien trompeur ! ),
a lors qu e par l
à
mê me l’on se nt
u n be soin
instinctif du
n orma l.
C’e s
t ai
ns i
qu e la premi ère ten da nce es
t de
rét
ab l
ir
la norma lit
é au
moy en de la rais on. D’ ail
leurs, c e n’ est pa s u n e simple c oïnci
de nce qu e le g enre
fantastique ait surgi après le grand siècle des Lumières, à la fois comme fruit de la
Ra ison
et s ’é
r ig
ea n t
con tr
e la
Ra ison .
Inversement, nier le surnaturel et le soumettre au processus rationnel, qui en
fait graduellement de « l ’
impos sible», de « l ’impr obable», de « l ’
impe nsa ble», de
«l ’indéci da ble», c ’
es t
pos er pa r le proc e ssus in telle
ctuel
mê me la pos sibilité du
surnaturel. Rien que le simple questionnement sur la nat ure
d’ un é
vé neme nt (est-ce un
rêve ?, suis-je fou ?) implique admettre au préalable certaines données qui le rendent
possible.
La même tension des forces centripètes et centrifuges est mise par Jean Fabre
au cœu r de
s a t
h é ori
e du fantastiqu e s e
lon la mé taphore du miroir de sorcière : les
forc es cen tri
pè t
es correspon den t
aux pr océ dé s d’é criture
«fantasticante » (producteurs
de scanda l
e ,
d’i
n quié ta
n t
e é
tran geté, pa r leu r refle t centr
ipète
du réel),
al
ors qu e le
s
forc es cen tri
f uges son t
les proc édés d’écr iture « mirabilisante »1 (FABRE, 1992 :82)
(qu i
von t ve r
s l
’ext ér
ie ur
et
dirigen t
le su r
n atu rel
v er s l
e me r
ve il
leux).
Le s de ux type s d’écriture don t
pa rle J . Fa bre tra
du i
sent
l’oppos ition d’ un
fantastique obvie e t
d’ un fantastique obtus (ibidem : 179-187), au t
reme n t
di t, d’ un
fantastique qui obéit à la loi de motivation2 et, respe c t
iv e
me nt,
d’un fantasti
qu e qu i t
e nd
vers l’ope r a aper t
a d’Umbe rt
o Ec o,
«un e œuv re ou vert
e aux i
nter
pr é
tations pa rce
qu e
polysémique, donc hermétique » (FABRE, op.cit. : 180).
C’ està partir de cette distinction entre fantastique obvie et fantastique obtus
que D. Mellier propose un double modèle du fantastique : le fantastique de la
repr ésenta t
ion et
le fantast
ique de l
’indé termi n ation . Son appr oche du fantastiqu e doit
être comprise da ns l
e sen s
du désir de
dé pl aceme n t de l’
accen t
crit
ique qu i
s’e st por t
é
1
Fabre ex pli
que la dich otomi e me r
v eil
leux/
f antasti
que par le recours à l’
ima ge des miroirs de
sorcière : « c
ompos é s
d’ une part
ie
ce ntr
ale
c onv exe qui réf
léchit l
e réel
en lu i
don nant un aspect
inquiétant, et de rayons de longueurs différentes, alternativement longs et courts. Ces derniers,
que nous vectoriserons vers le centre, mat ériali
seraient l es pr otocoles d’ éc ri
ture
« fantasticante », pr od uc teurs d’i
nq uiét
ante é trangeté: les autres, plus longs, orientés vers
l’e xt
érieur, f
iguren t au cont raire
les
forces
qui excentrent l
e Surn a
tur e
l,
ou plutôt,
le
dirigean t
de
façon centrifuge v e rs le Me rveil
leux, par le biais de proc é
dés d’ écri
tur e «mirabilisants »,
c ontrari
e n t
l’
e f
fet fantas tique des
ray ons c
e ntripètes ».Il reprend, implicitement, la théorie du
scandale de Caillois : si l’élé
me nt
sur nat
urel ne
fait
pa s sc
anda le,
s’il
est
ac cepté comme faisant
pa r
tie
int égr
a nt
e de l’u nivers fi
cti
on nel,
si l’on don ne de s explicat
ions, de s causa l
ités à sa
pr ésence, on s’él
oig ne d u fantast
ique et
on est
e n ple
in doma ine
du me rvei
lleux .
2
La motivation est comprise à la fois comme emploi de « motifs » (diable, monstres divers, etc.)
qui représentent le Surnaturel et comme « causalité expliquée ».
119
surtout autour de la composante intellectuelle vers la question de la représentation et de
la figu ra
tion comme
a ppr oc he
d e
la t
e rreur et
de ses
rapp orts
a vec l’
é critur e
fantas
tique .
Le fantastique de la représentation serait un fantastique de la motivation,
comprise à la fois comme « causalisation » (le fantastique expliqué) et figuration :
Le fantastique de la présence est bien une fiction de la cohérence
du sens et non de la mise en crise, une fiction dont symboles et signes
aboutissent à la monstration spectaculaire. (MELLIER, op.cit. :137)
D’ a utr
e pa r
t, le fant a
s t
iqu e de l’indétermination me t
en scèn e un e cri
se de l
a
sign ificat
ion e t
de la repr ése ntat
ion . L’ acce nt
y
e s
t mi s sur latension herméneutique
plu tôt que sur la c hos e f an t
a sti
qu e e n soi. De plus,
l’indétermi nation v a de pair a
v ec
l’intériorisation.
Le modè l
e de D. Me lli
er n ’est pas tout à f
ait
n ouv eau,
ma is,
ou tr
e le
fait
qu ’i
l
fait un essai de modélisation complexe, à six niveaux (théma tiqu e,
de l’i
nconsc i
en t,
stratégie ou programme textuel, modalité, écriture, réception), il a le grand mérite de
proposer une lecture des textes fantastiques comme des constructions mixtes. Certes,
pou r que ce doubl e modè le s’insc r
iv e pa rfai
teme nt da ns son
pr ojet d’a nal
yse de l’
«é c ri
tu r
e de l’excè s», Mellier considère que le récit fantastique doit se lire dans le jeu
de l’écart et de la mi x it
é de s pa r
a digme s, ma i
s a comme poi nt
de dépa rt l’i
dée qu e
les
stratégies du fantastique de la prés enc e tendent à int
é grer celles de l’
i ndé t
ermina t
ion .
Ch e z Lov ecra f
t ou Bu rk e ,
écriva i
ns don t
i
l ana l
yse la représent at
ion de l’excès et
l’écr i
tu r
e de l’e
x cè s
f anta stiqu e,
c ett
e prémi sse est
parfa i
teme nt justifiabl e.
Ma i
s qu’e n
est-il de l’écriture d’u n Ma upassant, par exemple ? Il nous semble risqué de procéder à
une généralisation de la nature du rapport entre les deux stratégies du fantastique.
D’ ailleurs, D. Me llier l ui-mê me n’ y i nsi
ste pa s
, i l
s ’en se rt
s e ule ment en tant
qu ’arg ume n t
du ch oix
de son
ob jet d’ ét
u de- l
’excès f
a ntastique. Pa r
c on tre,
l’
ava nt
a ge
de son double modèle fantastique est de considérer le texte fantastique comme
alternance et, dans certains endroits du texte, coprésence des deux stratégies :
Il
s’agi t, en env i
sa geant la que sti
on du fantastique selon cette
doubl e modé lisation plutôt qu’en l’aborda nt à par tir d’u ne t
entati
v e de
définition stricte, de lire les textes fantastiques comme des constructions
mi xtes ,
de s f icti
ons s us ceptibles d’accue ill
ir de s for me s c ombiné es e t
hétérogènes .
(…) Dè s lors, ces modè les
s ervent moi ns
à voi r
comme nt
un
texte r empl i t
l
e s condi tions
qui l
e placent entièreme nt sous le s
igne d’un
modè le ou d’ un autre ,
qu’à envisager l
a place qu’o ccupe un text
e da ns
l’i
nte rval le. (ibidem : 148-149)
Dans la critique du genre, les définitions du fantastique tournent autour de
quatre éléments : le surnaturel, le réel, un rapport problématique (« insurrectionnel »)
en tre les
de ux et
l’
e f
fe t
a ffec ti
f dy sph oriqu e (
hés i
tat
ion, inqu ié
tude , peu r, eff
roi,
t
e rr
eu r,
etc.) qui en résulte.
Le f antas ti
qu e e st à l a f ois e xpé ri
ence i n t
ellectuelle ( de par l’e f
fort
d’ i
n terprétation de ce qu e la raison n e conc evait
point, ou de ce qu ’elle
bann i
ssait du
doma in e du rée l
l og iqu e e t pa r l ’h ési
tati
on e nt
re a u moi ns de ux possibil
ités
d’ i
n terprétation contradictoires, paradoxales), et expérience affective (la confusion,
l’inc erti
tude p eut
pr ov oqu er de s é t
a ts dy sphor i
ques qu i pe uve nt alle r de la simp le
inqu iétude à l
’état
de pa n iqu e
ex t
rême ).
Il se définit à la fois par le réel et par le surnaturel, notamment par le rapport
créé entre les deux au niveau textuel. Si on fait un remaniement de la définition de
Sergiu Pavel Dan (PAVEL DAN, 2005 :18), le récit fantastique serait fondé sur un
rapport de type insurrectionnel, donc déconcertant, entre un réel vraisemblable et un
120
surnaturel, inexplicable et inacceptable du point de vue rationnel, que la logique interne
du t
e xte
s ’eff
orce à re ndre vi
sible
don c
à
justi
fier et à
pos t
u l
er comme rée l
.
Le rapport entre le réel et le surnaturel est de nature conf l
ictue ll
e pu is
qu ’i
l est
le r ésultat d’ un dou ble mou v e me nt de c on st
ru cti
on e t
dé constr
u c t
ion: plus la
con struction
de
la réa li
té es
t solide, plu s
sa déc onstruction de vient
inqu iétan t
e, d’a ut
a nt
plu s qu’elle coïncide av e
c la
(re )con str
u ct
ion
d’ un surnaturelque la logique interne du
réc i
t s’e fforce à r en dre comme rée l
. Pou rtant, a ucun mou v eme nt
n’ est totaleme nt
ac compl i. C’est
pou rqu oi
nous cons i
dé rons que l’indé t
ermi nation en est surtou t
l’un de s
effets, peut-être le plus saillant (ce qui ne veut pas dire nécessairement le plus
important). Alors, le texte fantastique construit et déconstruit des réels, tantôt bâti sur le
réel vraisemblable, tantôt sur le surnaturel inexplicable et inacceptable du point de vue
ration nel,
que l
a l
o g i
qu e i
ntern e du t
exte s
’ef f
orce à rendre visible, à justifier et à
postuler comme réel, à travers deux stratégies, que nous appelons stratégies de
monstration et de suggestion. Pr éfére r
l
a sugg estion à l
’indé te
rmi nation n’est pa s un
simple accroc terminologique, mais une différence de position en ce qui concerne les
rapports entre les deux : l’i
ndé termi n ati
on est
un e des co nséque nces poss i
bles de la
stratégie de suggestion, sinon de la mixité des deux stratégies : de monstration (le faire
voi r,
l’expl i
cite,
le trop,
le
sur-dire) et de suggestion du surnaturel (le sous-entendu, le
non dit, le sous-dire).
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Pavel Dan, Sergiu.,
2005
121
UN VOYAGE SYMBOLIQUE –LE RÊVE NERVALIEN
Cristina-Loredana BLOJU
Ch acun de
n ous rêve
e t chac un de nous se
s ouv i
e nt d’au moi ns d ’un de s es
rêves. Mais que peut-on dire du rêve et comment en parler ? Parce que parler du rêve ne
sign ifie pa s le rêve r
e n mê me temps ,
ma is
l
e modi f
ie r d’ un e cert
aine ma nièr e. Ka nt
parle du caractère universel et incommunicable du rêve : on ne peut pas faire le partage
de son
rê ve et pe r
sonn e ne
pe ut y pre ndre part
san s
qu e l’on en
soit
cons cient.
Ec oute r
son rêv e
ve ut
di r
e ê t
re à l’écoute de
son inc on sci
ent. Ma is
le
r êv e,
u ne
fois transpos é da ns l
e dis
cou rs ou partag é à l
a
con scien ce ,
n ’a que l’ai
r
d’ être pa rtiel,
di scon t
in u e t
fragme n tai
re. Il
se sou strait à
tou t
e sor t
e de dialecti
que ra
t i
onn e ll
e .
C’ est
pou rqu oi le rêv e est
de venu l
’a nti
c hambr e de l’
in cons cient ou
plutôt des disc our s de
l’incon sc ient.
Il incarne la
rééva luation du
dé si
r et
la discon t
in uité
du réel.
Selon les théories freudiennes, les rêves ne sont pas seulement les émanations
de s dé sirs pa r l ’in
te rmédia i
re de sque ll
e s
l ’i
n con s
c ien t pa rler
a i
t,
ma i
s a us si de s
programmateurs ou
de s reprog ramma t
eu rs de l’expé rienc e du sujet dan s le mon de .
D’ une pa rt, i
ls org anisent
les év éne me nts de
la réalit
é pou rles intégrer au sujet, et de
l’a ut
r e,
il essaie
d’org anise
r le réel à ven ir.
Le
rêve
de vien t don c une sorte de l
imi te où
la transi tion du passé ver
s l’
av enir e st pos s
ible. Pou rta nt le r
êv e
opè r
e à pa rt
i r
de
l’e xclusion de sa pr opre é v éneme nti
a li
té. C’ est pe u t-être e n c e s ens qu’ i
l f a ut
comprendre que le rêve ne connaît ni le passé, ni le présent, ni le futur.
Gérard de Nerval est marqué par le signe du rêve. Il est arrivé à la conclusion,
a près tou s ses voy ages à t
rave rs l
e mon de ,
qu ’
il
n’a
pa s trouv é
c e
quelqu e chos e qu’ il a
pe rdu . Da ns et par l
e rêve Ne rval e s
t à l
a rech er
c he d’ u n temps qu’ i
l a pe rdu de pu is
longtemps, tout comme Proust le sera plus tard. Pourquoi est-elle si précieuse cette
époque-là pour le narrateur ? Pa rce qu ’
e l
le est l
a sou r
c e de la
pu r
e t
é, de l’
a mou r idé al,
de sa plén it
u de
intéri
e ure.
Pa rce que l
es mome nt
s qu’ i
l a v écu s pendan t
cette pé riode -là,
il ne les a plus
re s
se n
tis ai
lleurs ou
da ns d’au tr
es ci
r cons t
a n ces.
« A l’intérieur de l’existenc e véc ue sur l
e plan r éaliste,
s’i
ns crit
e n filigrane
une énigme qui est celle de notre destinée mystique ». (ALBÈRES, 1962 : 384)
Le rêve nervalien est donc un « rêve logique » parce que Nerval est le premier
à avoir essayé de substituer à la passivité onirique, un effort de diriger et de comprendre
son rêve, au lieu de le subir. Il adopte une attitude active envers ses rêves et se propose
de de ven ir
leu r maître par
l’écriture. Et le génie de cet écrivain consiste justement dans
cette entreprise : de donner au songe non pas seulement la gratuité de la fantaisie, mais
é galeme nt l’i
ma ge de la
vie. Le song e
et la r
é al
ité
s e c
h erc he nt sans
se
trouv er, d’a bor d.
122
Par le glisse me nt de c es de ux plan s l’un dans l
’a utre ,
c el
ui de
la vi e e t
celui du r
ê ve, il
parvient à donner à la vie, en même temps, une profondeur logique et la teinte onirique.
Or c e
tte dé ma rch e
d’ inc arne r le s ong e dans le r
é el e t
l
e ré e
l da ns la
t
e rre oni ri
qu e
devient décisive pour la création nervalienne.
«L’ épanc he me nt du songe da ns l
a v ie ré elle» serait, selon Marina Muresanu
Ionescu, un mouvement qui aboutit à une inversion de ces deux plans, rêve et réalité.
Ces deux territoires sont délimités par une front ièr e si
fr agi
le que l’on
n’ est
pl us c ertains
si l
a vi
e n’ est ell
e -mê me un
r êv e,
c omme l’
a ffi
rma it Sc hope n hau e r.
On
pe ut pa r v
e nir à
une unification de ces deux plans, à une fusion totale, lorsque la réalité rivalise avec ce
monde mirifique où les désirs les pl us c ach és s ’ac compl isse nt. Ce tte por te de
dé ma rcation
qu i
pe r
me t
à Ne rva l l
e pas sage d’ un univ ers à l’autre de vient fon ctionn e ll
e
pa r
le somme il
. Le somme il, refug e du mon de
obj e ctif,
lui a ssure la délivran ce et
l’
é tat
de
c al
me bén éfi
qu e .
Pa r l
’in clus i
on de l’onirique da ns ce t
te ré al
ité immé diate ,
Ne rval se
trouve placé entre eux. Il devient une sorte de dormeur- éveillé en proie aux questions et
a ux incertitudes. Ce s de ux espa c es lui pe r
me tt
ent d’os cill
e r entre l
e mon de ex térieu r et
le monde intérieur, entre le visibl e et l’
in visi
bl e.
Ce génie de la folie et du rêve qui franchit « l es por tes d’ ivoir e
ou de c orne» a
fait
u n
pa cte avec la
lu cidité. Il a remon té
au point zéro où fol i
e e t raison ne s’e xclue nt
pas encore, mais communiquent d’ un emanière eni gma t
ique .
Pa rc e qu ’i
l ne se pr opos e
pa s de re nier sa folie ,
ma is de la r aison ner e t
d’ abol ir ains i,
pa r l’écri
tu r
e , le verdi ct
d’e xclusion qu’on lui av ait attribué afin d’avoir é té interne da ns l a ma ison de san té du
docteur Blanche. Il veut se faire reconnaître, mais sans pour autant rejeter une partie de
soi-même.
Ne rval arrive ainsi à un e thé orie et
à
u ne
pr atiqu e
du rê
v e .
Pa r l’
inte rmè de de l
a
pre mière il se
pr opos e de c ompr en dr e e t
d’e xpliqu e r
objec tiveme nt ce phé n omè n e
du
rêve. Par une précision frappante il fait une auto-a na l
y se l
uc ide de s é tat
s qu ’il v i
t.
Se s
rêves sont ainsi suivis de commentaires, de remarques sur la signification de ses
aventures, de tentatives de déchiffrement des signes.
« De ce mome nt, je m’ appl iqua i
s à che rc he r le
se ns de mes rêves, et cette
inqui ét
ud e i
nflua s ur me s réfle xions de l’é t
at de v eille.
J e c
r us c
o mpr e ndre qu’ il existait
entre le monde externe et le monde interne un lien ; que l’inatte ntion ou le dé sordr e
d’e spri
t e n faus saie nt s euls le s r appor ts
app ar e nts, - e t
qu’ ai nsi s’ex pl i
quai t
l a
bizar r
er i
e de
c ertains t
abl eau x , sembl abl es
à ce s re f
le t
s gr imaç ant s d’obje ts ré els qui
s’agi t
ent s ur l
’eau troubl ée.» (NERVAL, 1995 : 335)
Par la pratique, le rêveur est impliqué lui-mê me da ns s on propr e rê ve .
C’ e s
t
d’a i
lleurs le phé nomè n e
qu i org an i
s e l’œu v
re n erv alienn e.
Aurélia devient la grande confession de Gérard de Nerval, son testament
lit
téraire s elon l’
opi n ion de la crit
iqu e.
Elle dev ien t l
a poé sie d’ un fou
qu i se rac on t
e,
qui raconte la maladie qui se passe dans le s my stère s de son e s
pr it. S’il
obs e rve et note
a vec une e xtraordi naire lucidi té les sou br esauts de son esprit, ce n’ est pas da ns
le
bu t de
fou rni
r à d’a ut
res de s doc ume n ts po ur l
e s
a ider à mi eu x c ompr en dre l
es mé c anis me s
internes de la folie. Il refuse la pos ition de su j
e t qui se con f
ie, ma is se propos e
d’ ê t
re
son propre médecin qui donne sens et cohérence par ses outils littéraires à ses rêves.
« Je vais essayer, à leur exemple, ( il s’
a git d’Apu lée ,
de Swe de nbor g, de
Da nte
dont Nerval s ’estinspiré) de t r ans crire les
imp r ess ions
d’une l
ong ue mal adi e qui s’e s
t
passée tout entière dans les mystères de mon esprit ». (NERVAL, op. cit. : 277)
On peut découvrir dans Aurélia deux catégories de rêves selon leur nature - les
mauvais rêves et les bons rêves. Ceux mauvais ne sont pas ceux qui évoquent ou
a nnonce nt l
e ma lhe ur. Le ca uc he ma r n ervalie n
n’ e st
pa s le rêve du ma l,
ma is du n on-
123
se ns, le r
êv e du faux .
Il s’a
g it
de s
rê ves qu i
défor me n t
e t
dé tru i
sent la
ressembl an ce,
qu i
n e son t
qu’un e pu re agitati
on d’ima ges.
Le rê ve d’ enfe r
est c elui qu i
i llustre une con tre-nature hostile, une nature qui
n ’est pas mor te,
ma is qui i
n ca rne
un e mor t
active ,
u n prin cipe
de de st
ru ct
ion
qu i
e st
e n
fait une Anti-Cr é ation .
Le Cos mos li
v ré au néa nt, au se rpe n
t qu i l
’e n
lace, à
l
a nu it
é ternelle est l’obj et d’un anéa ntisse me n t, d’une pe r
v ersion totale. Il y a les fléaux
qu i
déciment les peuples, il y a cette « fissure du globe » ,
l’abîme où s’e ngouf f
re la Ba l
tiqu e
dans le rêve de Vienne, cette possibilité de destruction universelle apparue avec le
dé lug e où dé jà le mon de
s’est in vers é
. Ma is
le mon de
pe u t vivre ég aleme nt de
sa mor t.
C’ e s
t le cas de s Eloï ms ,
race d’e nfe r
, qu i
on t
tra nsformé le ur
vie en
u n exerc i
c e
de l a
sta gna t
ion e t
de
l’é puis ement . Da ns l
e pa y s
a ge de l’Apoc aly pse de lafin on peut bien
déceler la mort de la création.
Le rêve céleste est moins représenté, se dissociant de la création ou ayant la
te ndan ce à l ’i
dé aliser. Il te nd à c on fon dre l e mon de pa radisia que avec l ’unive rs
merveilleux des contes de fées. Voir le ciel avec son Eto ile qui g u i
de l
e rêv eur, c’es t
v oir l
’ êtr
e pr emi er ,
les êtres div ins qu i
g arden t
le my stère de l’
immor tali
té dès
le débu t
du monde. Le prisonnier du poste de police voit le monde divin se dévoiler, et il ne voit
que les « cercles », les « figures radieuses », les « masques furtifs », « les mystiques
spl ende urs du c i
e l d’As i
e» (NERVAL, op. cit. : 283) d’u n e divinité
omni pr ésente. Le
mon de céleste est l’ima ge mê me de
la pe rfection qu i se propa ge da ns l’
imme ns i
té de
l’e xi
s t
e nce. Ou bie n ce
mon de e st la
l umi èr
e don t le symbol e ma j eur est
l’Etoile qui
semble achever le déluge, cette lumière qui dans le rêve du Nord vient éclairer et arrêter
la
dé solati
o n. C’ est l’étoil
e qui
e n
g randi ssa nt
de vien t
la «divinité de mes rêves ».
« Dans cette étoile sont ce ux qui m’attende nt … Lai s
se-moi les rejoindre car
c elle que j’ aime l eur appa rtient ,
e t c ’est
l à que nous de vons nous r etrouv er».
(NERVAL, op. cit. : 281)
Ch e z Ne r val n’appa rais sent qu e deu x déc ors pos s i
bl es
pour l
e r
êv e céleste: la
nature ou le mon de e nfanti
n. Le premi er e st
l
e dé cor de l’âge d’or, de l
’idy l
le, de
l’Ede n , l
e jar din de l
’a mou r et de s me rveill
e s.
Le parc et l
a
forê t rester
on t la natur e
a bsolu e et
édé n i
qu e ,
ils rede vienn e nt un e nature l
ibr e et s upe r
lativ e parce qu ’il
s sont
encore jardin :
« (…)ça et là, des terrasses revêtues de treillages, des jardinets ménagés sur
que l
que s e s pac es apl atis, de s t oits, de s pav illons l égè reme nt c onstruits… de s
pe rspe cti
ve s liées par de l
ongue s traîné es de v erdur es gr impant es séduisaient l’œil e t
pl aisaient à l’espr it comme l’aspe c t
d’ une oasis dé licieus e… » (NERVAL, op. cit. :
289).
Ma is le rêv e
c éles
te sembl e êt
r e
plu s
prè s du rêv e
pa radisia que
de l’enfanc e.Il
e st en quête de l’orig i
n e (l
e rêv e de s An cê t
res et celu i
du Ja rdin),
il veu t
vivre un retour
à l
a
situ a
tion d’e nfa nce, évit
a nt à t
ou t
pr ix le
dé pa yse me n t.
Ce type de r
êve
c omme nc e
par le retour au décor familial, la maison ancestrale comme lieu privilégié du
déroulement du rêve(« la demeure de mon aïeul» - NERVAL, op. cit. : 291 ), les
servantes (Marguerite), les parents et les amies de sa jeunesse, les objets
antiques ( l
’ hor loge , les me uble s), la sc èn e fami l
ia l
e (l
e
VI e rê
ve ) de s tr
ois femme qu i
travaillent et par rapport auxquelles le narrateur se sent « rougissant comme si je
n’ euss e ét
é qu’ un pe t
it enfant de vant
de gr ande s be ll
e
fe mme s» (NERVAL, op. cit. :
292). La maison de son enfance est toujours là, la même que celle de jadis, le souper
préparé par la vieille servante attend le rêveur car « votre oncle (i
l s’agit de l
’on cle
maternel, Boucher) rentrera tard » (NERVAL, op. cit. : 285). Cette servante de
124
l’e n
fa nc e int
rodu i
t l’
idée d’u n unive rs coh é
re nt
d onn ant
naiss anc e à de s
a cti
ons comme
se r
epos er,
se n ourrir,
l
’arri
v ée
des pa r ents.
On
a pe r
ç oit
les
con tours d’un autre rêve .
Ona affaire, donc, à un rêve cadre ou
un rêve dans le rêve. Ce second rêve du deuxième rêve le transporte dans les contrées
sou terra i
n es,
là où s
e
trouv ent l
e s pa r e
n ts dé cédé s,
au sein d’un e fami lle primi ti
ve
e t
céleste vêtue en blanc, symbole de la pureté initiatique.
« Au moment où je franchissais la porte, un homme vêtu de blanc, dont je
di st
inguai s mal la f
igure, me me naç a d ’une arme
qu’ i
l
t enait à la mai n… Sa ns r i
en
demander à mon guide, je compris par intuition que ces hauteurs et en même temps ces
prof onde urs étaient
la r
e tr
ai te
de s habi tant s primi ti
fs
de la mont agne .
…i ls vivaient là,
simpl es de mœur s ,
aimant s e t
jus tes , adr oits,
f
e rme s
et ingé nie ux et
pacifiqueme nt
vainqueurs des masses aveugles qui avaient tant de fois envahi leur héritage »
(NERVAL, op. cit. : 289).
Chaque fois le rêve est une révélation qui tient au merveilleux des contes de
fées - l’oi seau qu i parl
e, le
v êteme n t «qui sortait de leurs doigts de fées » (NERVAL,
op. cit. : 292). Tout cela semble déterminer le retour du rêveur à l’ or ig i
ne e
nf antine,
le
rajeunir et le recomposer. On trouve les mêmes éléments dans le rêve de Saardam, dans
sa rencontre avec la petite fille au chat, cet étrange Chaperon Rouge dans ce décor de
n eige, dé cor h ollandais
ou ve nu de s c onte s
d’ An de r
s e
n ou
de
Grimm. Cette petite fille
qui « marchait en glissant » (NERVAL, op. cit. : 333) peut être une princesse. Elle a un
pr ofil
bou rbon ien, elle
v a
da ns la ma ison de Pierre le
Gra nd.
Vê t
u e d’un e
fou rrure de
cygne elle pourrait incarner un ange avec sa blancheur ou un être à demi métamorphosé
en oiseau. Elle porte « une lampe allumée » (NERVAL, op. cit. : 333) se transfigurant
ainsi dans une sorte de porte-lumière ou porte-flamme. Puis se déclenche « la parfaite
féerie » (CROUZET, 1989 : 193) : les chats se multiplient et une voix mystérieuse
don n e
à l’enfan t
un e le
çon
de res
pe c t d e
s chats.
On rencontre souvent dans Aurélia le rêve du souterrain. On a bien découvert
que le rêve est dans le récit de Nerval soit un voyage céleste, soit un voyage terrestre
(sur les bords du Rhin, à Saardam, à Vienne), soit un voyage dans le souterrain, une
traversée de la terre, une chute, un glissement vers le lieu hypothétique du feu central.
Le rêve nervalien est si lié à la descente aux enfers, à la plongée dans les
profondeurs ,
à la
re c
h er
c he d’un ce ntre
qu ’
il est
dé fini
dès le dé bu t pa r l
a
mé taph ore de
la descente. Le sommeil est « un sout errain vague qui s
’éc laire pe u à pe u», selon M.
Crouzet (1989 : 277 ).
Ch ez
Ne r
va l l’on i
ri sme est
ob ligat
oireme nt lié à ce décor inferna l
du mon de d’e n ba s: « je crus tomber dans un abîme qui traversait le globe ».
(NERVAL, op. cit. : 28 5) La de sce n t
e da ns l’u ni
v er
s de s ra ce s ma udites
e t élu e
s ,
c omme l’aventu re d’Adoni ram, le v oy ag e au ce
n tre de l
a Te rre où l’on
trou ve l’espac e
e ssentiel, l’
atelier démi urgi
que ,
l
a
Vi lle
my stérieus e,
l’a
utre me r qui e st comme la nôtre,
c ’est
l
’é qu i
va lent de l’aventur e
da n s le s outerrain t
ransf
or mé
en mon de int
érie ur,
plu s
essentiel que celui que nous vivons, mais analogue au nôtre. La descente aux enfers
devien t a i
nsi un e de sc
e nt
e v er
s l ’in ti
mi t
é de l a ma tr
ice de s é n erg ies primor dia l
e s
cosmiques, raciales ou « communautaires » (CROUZET, op. cit. : 194).
L’un des é l
éme nts essentie l
s du rêve ne rvalien
est le jeu pe rma nent qu i
do nne
l’impr es sion d’ inf
in i
aux réalité
s finie s.
Il ch oisi
t toujours
c e thème de l’espace
in t
érieu r
inf i
ni ou de
l’imme nsité
s
ans ouve rture .
On
pe ut pe nser
au rê ve de la
tou r« si profonde
au côté de la terre et si haute du côté du ciel » (NERVAL, op. cit. : 329) où le rêveur
puni, tel Promé thée,
s ’
épu i
se à
mon te r et à
de scen dre
«des escaliers sans fin » . C’est
l e
ty pe de rê ve
pi rané si
e n,
puisqu e
l’infin i
de
l’escalade s
e f
ait da ns les de ux sens.
125
«J ’é tais dans u ne t
o ur,
si pr ofonde du c ôté de la t
erre et si haut e du c
ôt é du
ciel que toute mon existence semblait devoir se consumer à monter et à descendre. Déjà
me s forc es s’é taient é pui s ées, e
t j’all
ai s manque r de cour age… » (NERVAL, op. cit. :
329 ).
On y t rou v e é g al
e me nt le s ymbol e de l ’i
mme nseda ns l ’ima ge d’ un h all
perpétuellement recomme ncé et
gigan tes
qu e qu i s’ou vre au reg ard du rêve ur e t
de s
enfilades de salles, des « escaliers immenses » ,
de s f
ou les
innombr ables d’ homme s, de s
« longs corridors », des « galeries centrales » , d’ u ne mu lt
itude de t oits,
de
con struction s, d’ un e de me u re t
oujours ouverte, dans tous les sens du mot. La même
impr e ss
ion d’ ampl e u r a ppa raît
da n s
le r
ê ve
de l’Ang e mou ran t
et de la fou le da ns le
rêv e des
An cê tres, da ns c e
lu i
de l
’At elier
ou du ca sino on ir
iqu e.
Le rêv e conf è r
e à ce
qui est construit –salle, monument, ville – les
di me nsions de
l’ill
imité .
« On af f
ic hai t l’ ouv ert
ur e d’un casi
no… Une par ti
e du bâtime nt était enc or e
en cons truc ti
on. J’e ntr ai dans
un at el
ie r
où je vis de s ouv rier
s qui
mode laient en glais e
un ani mal énor me de la forme d’ un l
ama, mai s q ui paraissait devoir être muni de
gr ande s ailes. Ce mons tre
é t
ait comme
traversé
d’ un jet de f
eu qui
l’ani mai t pe u à pe u,
de s or t
e qu’il se tor dai t, pé nétré par mi l
le filet
s pour prés, f
or mant l
e s veine s e t
l
e s
ar tère s
e t
fécondant po ur ains i
dire l’
ine rte
matière….» (NERVAL, op. cit. : 303).
Ce qu i es t
s urpr e na nt
che z Ne rval,
c’es t
qu e l
’au tre
mon de ,
celui du rê ve, a les
mê me s c oo rdon né es qu e not re mon de. Il n’ e st q u’u n un ivers pa rall
è le, pa rfoi s
symétrique ou même inverse. Nerval postule les communications et les rapports entre
ces deux mondes, car cette « seconde vie », cette «Vita Nuova » (NERVAL, op. cit. :
277) est toujou rs un e v i
e . C’e st
da ns le mê me mon de qu e Nerv a
l revie nt et
la suite de s
rêves constitue explicitement une série de voyages dans les mêmes endroits et dans un
univers qui obéit à la loi de la continuité. On peut fixer le rêve qui se confirme et se
répète lui-même. Aurélia revient « t el
le
que
je l’av ais vue autrefois », le rêve du Double
introduit le désordre dans un monde qui semblait solide, la rencontre du même Esprit
qui a menacé Nerval dans un autre rêve, la confusion de Nerval avec un autre par
Aurélia qui est lui-même en effet.
L’a utr e mon de e st i
de nti
qu e a u nôtr
e ,
l’un
s e r
e flèt
e dan s
l’a utre comme d ans
un je u de mi roi rs. D’ ailleurs cette réflexion des deux univers est suggérée par Nerval
lui-même :
« Je ne sais comment expliquer que, dans mes idées, les événements terrestres
pouv ai ent coï nc ide r av ec ceu x
du monde surnat ur el, cela est plus fac i
le
à sent i
r qu’ à
énoncer clairement ». (NERVAL, op. cit. : 300)
Aussi la Ville mystérieuse est-elle à certains points une ville « industrielle »
(NERVAL, op. cit. : 289) ,
le rêve
de l’Ateli
er pr ése nte un e v
ille,
un ma rc hé de fr
u it
s
e t
de légumes, des rues, un casino, une affiche, un bâtiment en construction, un atelier
avec des ouvriers, une salle avec un sofa, un scandale et une altercation.
« Le mê me Es p r i
t qui m’ avai t
me nac é, - lorsque
j’
ent r
ai
dans la de me ur e de
ces familles pures qui habitaient les hauteurs de la Ville mystérieuse, - passa devant
moi , non plus dans ce
c os tume
blanc qu’ i
l
por tait jadis ,
ainsi
que ceux de
sa rac e,
mai s
vê tu e n princ e d ’Or ie nt» (NERVAL, op. cit. : 300).
En su iva n t
l
e rê v e
n ervalien on ar
rive à
l a con clu s
ion qu e
c e qu ’il
ré pè t
e c’ est
surtout la réalité, mais une réalité transfigurée. Il réalise un redoublement de notre
mon de ,
u ne re don da nc e qui indiqu e le fait
que l
e mon de du r
ê ve n’e st
pa s si di f
fére nt.
Da ns les rêv es où le n ar rateur arrive s ur
les riva ge s de l’
au-delà, il ne découvre que
toujours des rivages, un monde qui double le nôtre. Le paysage du Valois où ont vécu et
126
sont enterrés les parents du rêveur est presque identique à celui du rêve. Cette terre du
rêve garde qu elqu e
ch ose
d’ess ent
iel: c’ est
le mê me
mon de,
ma is
e n
d e
hor s
du
temps .
Da ns le r
êve de l’Ate l
ier,
la t
r ave r
sé e
de l
a Te rre n
e con duit
qu’à
«une plage
montueuse » (NERVAL, op. cit. : 302) couverte de roseaux à peine différents. Le soleil
n’ex ist
e
pa s.
« Chac un s
ai t
que da ns les rê ves on ne voit jamai s le soleil
b ie
n qu’on ait
souv ent la perc eption d’une clart
é
beauc oup pl
us v
ive». (NERVAL, op. cit. : 292)
Ce mon de est l
’oppos é du
prin cipe de l
a c
oh érence
e t
mê me de l
a raison: l
’eau
n’es t
plus en ba s, e
ll
e est en haut, l
es fla sque s
d’eau son t
les nu ag es
, l
e li
qu i
de de vi
ent
solide et se divise en fragments, car une neige aérienne constitue le « liquide différent »
qu i
s’
év apor e «de celui qui figurait la mer et les fleuves pour le monde des esprits »
(NERVAL, op. cit. :302).
L’ objet du
rê ve est
pa r sa
na ture i
na ccessi
ble directeme nt.
Il
présuppos e l
’ét
a t
de
s omme il,
mome nt où l
a con science de v i
en t
le t
errain de
l’obj et
du
rêve .
Ma is on ne
peut pas accéder à cet objet du rêve sans la possibilité de sa transformation en récit de
rêve.
Le r
éc it
de
rêv e a
pou r
fi
n al
ité l’effet
de r
êve. Ce n’est pas son
a uthenticité
qu i
compt e,
ma is
son
résultat
litt
é ra
ire.
Da n s une t
en t
ative
d’ auto-thérapie Nerval a noté ses
rêves d’ Aur éli
a, parce qu ’
il
es t
certai
n qu’ il
a es
s ayé
de dir
e
e t
de mon t
rer par
le rêve ce
qu ’i
l a pen sé,
vu et
lu a uparavant. Le rêve nervalien se nourrit de ses mythes personnels,
des réminiscences qui sont en même temps des souvenirs de lectures ou de ses écrits
antérieurs.
« Ce poi nt
ex trême de l’avent ure
litt
éraire,
qui off
r e un t
e xt
e sans une autre
origine que la r évélation obs c
ur e et inc ontrôlée de l’e x
p érienc e nocturne e t
qui en
même temps l ’éc rit
,
le t
ravaille ou dav a ntage
l’invente en lui do nnant l’
app arenc e de
ce qui ne peut pas ê t
r e i
nv enté ou f
ai t,
a été bien étudié …; c omme nt ê t
re a la f
ois
totalement diffé r ent,
e t
nor mal ,
c omme nt f
aire v i
vre l
’aut re monde à par t
ir du nôt
re ,
être « naturellement extraordinaire », évoquer autre chose que la réalité avec la réalité,
et son lang age … » (CROUZET, op. cit. : 184)
BIBLIOGRAPHIE
Crouzet, Michel, La rhétorique du rêve dans Aurélia in A Guyaux –Nerval : une poétique du
rêve, Travaux et Recherches des Universités Rhénanes, Paris-Genève, 1989 ;
Loubier, Pierre, Le poète au labyrinthe : ville, errance, écriture, Editions ENS, Paris, 1998 ;
Nerval, Gérard de, Œuv res choisies, Humanitas, Bucuresti, 1995 ;
Rouanet, Jean –Claude, Por tes
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mai so ns. Le clos
et l’ouv ert
d ans Auré l
ia,in Ouvrage collectif,
CAPES, Ellipses, 1997 ;
Schärer, Kurt, Thématique de Nerval ou Le Monde recomposé, Lettres Modernes, Minard, Paris,
1968 ;
127
LE
SENTIMENT DE
CASTRATION VÉCU PAR
L’HOMME
DANS LE ROMAN DE MARIE LABERGE
Anca-Mihaela
Université « Alexandru Ioan-Cuza
Mots-clés : c
ast
rat
ion
psy
cho
logi
que
,
souf
fr
anc
e,
compl
exe
d’
inf
éri
ori
té.
« Qu’est
-ce
qu’
il
fal
lai
t
fai
re pour
l
ui
permett
re
d’êt
re
un
grand
g a
rçon ra
ison
nable
qui
enver
rai
t
l’opi
nion de
son
père
…»
(LABERGE, 1993 : 70)
Roma nci
ère et drama t
urg e,
Ma ri
e La be rge est l’auteur d’un gr
and nombr e de
pièces de théâtre et de romans, dont : Le poids des ombres, Le Goût du bonheur :
Gabrielle, Adélaïde, Florent, Sans Rien ni Personne (2007) Les Nouvelles de Martha
(200 9) ,
des œu vres
qui on t
joui
d’u n
gra nd suc cès au Ca n ada et
à l’ét
r anger
.
Da ns cett
e
appr oc he on se propos e de s’a
rrêter
su r le
roma n i
n t
it
ul é Juille
t, qui présent
e
l’i
ma ge
d’un e f ami ll
e «parfaite » en train de se dissoudre. Le drame commence avec le
mariage du fils, Da vi
d, mome n t
de
la constru cti
on d’un tr
ian gle amou reux consti
tué
par : Da vid, Ca theri
ne et Simon ,
d’où l
a compé tit
ion entre
le père et
le fi
ls
et
le malheur
de ce dernier. Parmi la multitude de thèmes offerts par ce bref roman, on se propose un
cou p d’œi l
sur l
’homme impu i
ssa nt
, l’homme ca s
tré, l’homme dépou i
ll
é de s
ver
tus
masculines telles :
le cou ra
g e
, l
a ve r
ti
ca lit
é et le pou voir de déc i
sion, dont l
’i
nc ar
nation
dans ce roman est David.
Malgré une carrière de succès, travaillant comme architecte, David est présenté
à travers le roman comme un homme faible et inconstant, un être malheureux, souffrant
d’un pu iss ant c ompl exe d’ inf
ériori
té. Le s en t
ime nt e t l e compl exe d’infér
iorit
é
comme pe rc eption n ég ati
ve de s oi, a c on stit
u é l ’objet de pl usieu
rs é tudes
psychologiques et psychanalytiques, les spécialistes le présentant comme le résultat
d’un e c aren ce ou l’
effe t
de l
’inaccompl is
se me n t
. Le s entiment d’infér
iori
té et son
év olution ju squ’ a
u nive au du pathologiqu e (se con c
rétisant da ns un c
ompl exe) a
é t
é
développé par Adler dans ses études et surtout dans Connai ssanc e de l
’hommeet Le
sens de la vie. Concept fondame ntal
de la
psy ch ologie i
n dividu el
le, l
’infér
iori
té apparaît
ch ez Adl er comme un senti
me nt unive rsel
, c ar selon lui, être homme c’est
se senti
r
inférieur, (ADLER, 1968 : 56), tandis que dans la vision de Freud le complexe
d’infér i
orité pe ut
ê t
relié à la névrose et souvent il peut avoir sa source dans le
128
c ompl e xe d’Œdi pe .
Si l’un t
ra it
e le suje t d’une perspe c t
iv e surtou t soc iologi que ,
l
’au tr
e
se penche surtout sur le côté biologique.
Ch e
z Da v i
d le sent i
me nt d’infé riorit
é n aît
d’ une compa r
a ison qu’il réalise sans
c e
s se en tre l
u i e
s t
son pè re, d’un e i
dé alis
a t
ion exc essive de ce lui-ci, qui mène à la
c r
é ation d’une i
ma ge
erroné e de soi-même. Dès le début du roman on observe une forte
ten sion s’inst
a ll
an t
e ntre le pè re
e t
le fils, une lu t
te de type
œdi pien , mê me
s i
cette foi s
-
c i
la pe rson ne dispu tée n’es t pas
la mè re,
ma is Ca the rine. Pa r
leu r
stat
u t soc ial
(l
es
pa ren ts é t
ant des mé dec ins), pa r
l’i
ma g e qu ’
ils se sont construite, les parents, Simon et
Charlotte, ont imposé involontairement au fils un modèle, un standard précis. Pour
reg agn er sa f
e mme et pou r
suppr i
me r l’ob s
tac le qui s ’i
n terpos ait, il
é t
a it
né cess air
e ou
bie n de le
dépa ss
e r, ou bi en de l
’é galer. Ne dispos ant pa s
d’ au tres qu alités qui pu isse nt
le pla c er dans u
n e pos ition
supé rie
u re pa r rappor t
à s on pè re, Da v id s ’enga ge da n s un
proc e ssu s d’i
mi tation .
Pou r être u n bon ma ri
e t
u n bon père ,
i
l a compr is qu’il fau t
s
e
mé tamor ph oser j
u squ’ à l’assimi lation compl ète de
l’ ima ge du
pè r e, l
’in carn a
tion de l
a
pe rfec tion .
Ma is,
de v ant le suc cès du pè re,
de v ant l
’ ima g e i
n faillible
de celu i
-ci, David
se se nt impu issant et c ’est à ce mome n t
qu’ il comme nce à viv re l’angoi sse de l
a
castration. Le bourreau castrateur semble être le père, qui, par ses qualités, qui touchent
de s dime ns i
ons
hy pe rbol ique s dan s
l’ima gination du f i
ls, me t Da v id da ns
l’
ombr e.
L’impos sibi l
ité d’ ég aler son pè re a ppa raît c omme un ha ndic a
p qu i do nne
n aissa nc e chez
Da v id a u compl e xe d’ infé r
iorité, qui le détermine à se sentir inférieur
pa r ra ppor t
à tous
c e ux qui l’entou ren t: son père, sa mère et Catherine, tous des êtres
parfaits. Même la façon de présenter sa famille place David dans une position
inférieure par rapport aux autres membres. « Catherine est vraiment parfaite, comme
mon pè re d’aill
eu rs»
(LABERGE, 1993: 136), affirme David, et : « Charlotte la très
intelligente, très belle, très tout ! La parfaite Charlotte » (ibidem:
85) .
Da ns ses
œu v r
e s,
aussi bien dans les pièces de théâtre que dans les romans, Marie Laberge place
l’homme dans une pos ition
inf érieure pa r rappor t à la femme . Da ns ce roma n, si Da vid
est inférieur à Simon, ce dernier est à son tour inférieur à Catherine, cette femme aux
« effets de méduse », qui, détenant une for ce pa rticulière ,
ré ussit à dé tru i
re l’ha rmon i
e
du « paradis terrestre » et de briser le masque mensonger de perfection, soigneusement
construit par Catherine.
La peur de ne pas réussir et de décevoir son père, rend David un homme sans
personnalité, même « un imbécile sans opinion » (LABERGE, op. cit. : 73), qui,
ma lgré son
âg e et ma l
g ré
son s
ta t
u t
de père de fami ll
e, a be soin de l ’
a cco r
d du pè r
e
pou r
t ou tes
les actions qu’ il
en tr
e pren d. «Pourquoi David a-t-il toujours quelque chose
de servile dans la voix, se demande Catherine ? » (ibidem : 65) en observant
l’i
n con stance et
la faible sse de son ma ri.
Au mome nt
où il doi t dé cider de c han ger
d’e mpl oi, même
s ’
il est ra vi
de s
con dition s,
Da vid a ttend la c on f
ir ma tion
du
pè re: « Je
v eux s av oir
…s i
j’a cce pte ,
trou ves-tu qu e
c ’
e st u ne bon ne idé e? Vas-tu être fier de
moi ? » (ibidem : 70). La question : « Vas-tu être fier de moi » lancée par le fils, tout
comme une autre question qui occupe la pensée de Simon : « Serait-il toute sa vie un
e nfan t qu i
att
e nd d’ être ap plaudi, félicité pour son bel effort ? » (ibidem : 71), souligne
le be soi n enc ore e xce ssif et a n orma l d’ affec ti
on , d’ attention e t d’ appr éc i
ation qu e
ressent David.
Les spéciali st
es lient souv en t
le sen t
ime nt d’ i
nf ériorité à la cu lpabilit
é . Da vid
ressent for teme nt un se n t
ime nt de culpa bilit
é , à ca us e
de son inc apa cité d’a ssure r l
e
bonheur de sa femme. « Comment parler de Catherine sans avouer sa profonde
inc ompé tence d’homme e t
de ma r
i? » (ibidem : 29) Le manque de confiance en soi-
mê me e t l’
ima ge d’ homme s ans v ale u r
qu’ il s ’
e st construite, rendent David une
129
pe rson ne intr ov ertie,
in ca pa ble d’ex térior i
se r
s e s dé sirs ou se s s entime nts
. Il de vient
in capa ble de s’adre sser mê me à sa fe mme
e t
à s on pè re: « il se sentait aussi incapable
de parler
à elle, qu ’i
l l
’a v ait été ave c son père» (ibidem : 31).
Pou r é cha ppe r à la pos it
ion inf érieu r
e , l’in div idu a cca blé par le f
a rde au du
complexe essaye à tout prix de devenir supérieur par le mécanisme de la compensation,
concept qui, selon Adler, va de pair avec le sentime n t
d’inf érior i
té. Ch ez Da vi
d la
c ompe ns ation se réa l
ise d’ une pa rt pa r u n é t
al ag e os t enta t
oir e de
s es qualités (cette
te ndan ce d e se me ttre en v aleu r
étan t
, selon Adl e r, l’u n de s s ympt ôme s des gens
souf fran t du c ompl exe d’ inf ériorit
é ) et d’ autre pa rt
, pa rla violence. Pa r les
a ctes qu’ i
l
e ntrepre nd, pa r ses réu ssites ,
Da vid e ssay e d’atti r
e r l’atten tion du pèr e
et de dé mon trer
ses capacités devant les autres. Dans son livre Connai ss anc e de l’hommeAdler affirme
qu e: « C’ es t
le sentime nt d’ i
n féri
or ité, d’ i
ns écu rité, d’ insu ffi
s anc e, qu i
f
ait qu ’on se
pose un but dans la vie et qui aide à lui donner sa conformation. Dès les premières
a nnée s de l
’e nfa nce ,
le dés ir de se pous ser au premi er rang , d’obl i
g er
l’att
e ntion de s
parents à se porter sur vous. Tels sont les premiers indices de cette impulsion ouverte à
ê tr
e
a ppr éc ié, es t
imé ,
qu i s e dé v e
loppe s ous l
’i nflue n ce du sen time n t
d’infériorité…»
(ADLER, 1966 : 55). Poussé par le désir de se situer toujours au premier plan, David
semble à un moment donné oublier son but, celui de reconquérir sa femme, et il
foc alise tou tes ses force s à g ag ner l’attention du pè re e t
f i
n aleme n t
la lutt
e
con tre celui-
ci. Catherine, « l ’obj et
dés iré» de cette lutte devient un obstacle, celle-ci lui enlevant
l’admi ration e t
l’affe c
tion du père. Ma is, c’e st
e n vain qu ’il es say e d’att
irer l’at
ten t
ion
de s autre s, ca r,
c ’
e st
tou jou r s
le pèr e qu i
f ascine : «Tous les ge ns qu i avaien t
eu affaire à
lu i
éta ient un an ime s: c’ est un h omme a dmi rabl e. Et mê me sa mè re, Ch ar
lotte, aprè s
plus de trente ans de mariage, avait de ces regards pour lui» (LABERGE, op. cit. : 30).
L’ ang oisse de l’inf ériorité, le s entime n t
de ma laise dé clenc hé pa r l ’
idé e
d’ occ uppe r tou jou rs l
a sec onde plac e apr ès son pèr e, re nd Da v id agressif,
l
a violen ce
étant un autre moyen de compe n s
a tion, à côté de
la soi f d’a f
fir ma tion, qui
lui
pe rme t
de mon trer
se s qu alités d’h omme .
En
dé c ouv ran t dans son pè r
e un adv ersai
re trop f
or t,
Da vid s embl e s ’
a ffoler. I l de v i
ent a gg ress i
f t ou t c omme Œdi pede la mythologie
antique, mais dans le roman de Ma rie
La be rg e
l’ ag r
e ss ivité n e
s e di ri
g e
pa s
uni qu eme nt
contre le père, à qui David jette des reproches, mais contre Catherine aussi. Il sent le
be soin de mon trer par la vi olen ce c e qu’ il
ne r éu ssit pa s pa r d’ a utres moy ens :
l
e fa i
t
d’ êtr
e HOMME.
Ja loux de la fascination de son père sur sa femme et du temps que les
deux passent ensemble, David essaye de posséder Catherine même en faisant usage de
sa force physique, en lui provoquant des blessures.
À côté de ces attitudes compensatoires, la jalousie apparaît chez les personnes
c ompl e xé es comme une for me fr
é qu ente de ma nife station du sen ti
me n t
d’inf éri
or i
té .
La jalo usie comme «se ntime n t
ma uv ais qu ’on é pro uv e en voy a nt un autre
jo uir d’un
a vanta ge qu’ on n e pos sè de pa s ou qu ’on dé sirera it pos séde r» ou le « désir de
possession exclusive de la personne aimée » (ROBERT, 1979 : 1040) apparaît aussi
chez David comme un effe t de l
’a ngoi sse de l ’infé rior i
té .
La jalou sie est
pl acée
pa r
Adler, dans son livre Connai ssanc e de l
’h omme , parmi les traits de caractère de nature
a gressiv e à
c ôté
de l
a
v an i
té , l’envie ,
l’av arice
et l
a
h a i
ne ,
c elui-ci la présentant comme:
« un trait de
c a r
a ctère qu i
s ’impos e à notre
a t
ten tion pa r son ext raor dinaire f
réqu en ce. I
l
n e s’ag it pa s s euleme nt de ses ma n if
e st
a ti
on s da ns les relation s d’amour, mais on la
trou ve a us si da ns tou s les au tres rappor ts et con ta cts huma ins
[ …]». (ADLER, op. cit.
: 134) Lor squ ’on ne ré us sit pa s da ns se s
projets, on est jaloux de ceux qui ont du
succès et on envie le pouvoir des autres. En faisant de sa petitesse une obsession, David
devient jaloux de son père, jaloux du pouvoir de séduction sur les autres et en même
130
temps il h ait l’admi ration i n con t
rôla ble qu’ il
é prouv e pou r c elui-ci: « Pourquoi
imaginait-il son père en champion sexuel ? En étalon presque ? À cause de son charme,
de sa séduction constante ? Séduction que même lui ressentait profondément.
Séduction du contrôle, du pouvoir sur lui-même que dégageait Simon » (LABERGE,
op. cit. : 30). Selon Adler, le sentiment de jalousie naît souvent chez les enfants à
l’arriv ée
d’ un frère ou d’ un e soe ur, « c ar a l
or s l’att
e ntion de s pa ren ts se por t
e
davantage sur le nouveau venu ». (ADLER, op. cit. : 134) À partir du mariage de
Da vid, l
’attention de
Si mon e st détour née de Da vid, le
bé né fi
ciaire
a bsol u de l
’amou r
pater n el
jusqu’ à ce mome n t-là, vers Catherine. David devient jaloux de sa femme,
de v enue l’obje t
du désir de son pè re
. Ma lgré l
es eff
orts de réprime r ses sent
ime nt s
,
Da vid de vi
ent jal
ou x mê me de son f
ils, J
u li
en , qui jouit pleineme nt de l’atten
tion
de
Catherine. « David sourit : non ,
il
n ’est pas
j a
lou x
de
son
fils, i
l
dé si
re sa mè re,
ce n’est
pa s pa re
il.
[…] I
l n’est pas
ja lou x. Seu leme nt tri
ste, parce qu e ce qui est pe r
mi s
au f
i l
s
risqu e d’être interdi
t au
pè re .» (LABERGE, op. cit. : 39) David essaie de justifier ses
réa ctions, la j al
ous i
e e t la v iol ence, dé termi née s pa r
l e s e
n t
ime nt d’ e xclus
ion de
l’un ivers fami lia
l, autrefois si bi enveillant. Il
ai
me rait
trava il
ler dans
la cuisine ave c
son père, mais il constate que maintenant : « sa présence est nuisible » (ibidem : 48). Il
aimerait se tenir auprès de son père, travailler avec lui mais on lui préfère les autres: «Il
avait rêvé cuisiner avec son père et de lui parler pendant ce temps....Mais Catherine
occupe déjà le poste» (idem).
Pour cacher sa faiblesse et ses imperfections, David accuse les autres de son
ma lheu r
. Il
r
e proch e à
son pè re
d’ incit
e r sa
femme contre l
u i
e n
disant: « Penses-tu que
je ne vois pas ton jeu ? Ton jeu d’homme pe rve rs
, obl igé de sé
du ire tout ce qu ’i
l
bouge ? Vas-tu arrêter ?» (ibidem : 169). Il ose affronter son père en employant un ton
ag ress i
f,
e n i
mpos an t
un ce rtain écart
de
sa
fe mme , écart qui ne s’accompl ira
jama i s
,
en affirmant : « […]
Et t
u
v as ces ser
d’i nfl
ue nce r
ma
femme ,
de la
détou rn er
de
mo i,
de
la rendre agressive, violente. On dirait que tu lui donnes des cours. Des cours à me
mépriser, à me condamner à devenir un minable. » (LABERGE, op. cit. : 170)
Ne pou van t
pa s gagn er la lutt
e , n’
a rr
iv ant pas à ég al
e r
son
pè re, Da vid s
e mbl e
se résigner et accepter finalement son ét at d’infériorité; il est
mê me sûr qu’un jou r
i
l
perdra sa femme. « Que Catherine soit troublée par son père est normal : tout le monde
le trouve troublant et merveilleux. Même lui, David, éprouve son charme. À la limite, il
compr endrait
bien qu’on lu i
préfère son père, il est tellement plus et mieux que lui »
(ibidem : 54). À la
fin du roma n , l
a peu r d’êtr
e quitté
pa r
sa f
e mme
et de de me urer
se ul
pou r toujou r
s , sentime nt de v enu un e obs e ssion ,
s ’accompl it
, Ca th eri
ne é tant
finalement tuée par Charlotte dans la roseraie commencée par Simon à la mort de Sally,
« comme pour fleurir un tombeau » (ibidem : 218).
Da vid est l’i
ma g e de l’adu lt
e -enfant, le mature-immature, engagé dans une
«c ompé t
iti
on œdipienn e» (DOLTO, 1971 : 87) .
Il s’agit d’un homme v ainc
u ,
trop
faible ,
un homme
inca pabl e de s’él
e ver
au s
ta nda r
d i
mpos é
pa r
son père .Malgré des
effor ts soutenu s
, il ne ré us sit à de ve ni
r qu e l’ombr e pâ le d’un pè re «parfait ».
L’ affirma ti
on :« je ne suis plus un enfant, je suis un homme, un père de famille »
(LABERGE, op. cit. : 170) , av an t
d’être
adr e
ss ée au
père comme
reproc he , s
embl e être
prononcée par David pour lui-mê me , pou r qu’il
pu isse de ven i
r conscien t de son statut
de personne adulte. Dans son désir de jouir du même succès que son père, David
semble ê tre
telleme nt préoc c upé
à
e xami ner
la con du i
te de s
on modè le, qu’ i
l oublie sa
propr e
pe rs
on n e,
d’où la crise ide nti
taire
et
l’ang oisse de ca st
ration véc ue pa r
celui
-ci.
131
BIBLIOGRAPHIE
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s ance de l’
h omme ,
Traduc t
ion fra
nç aise de l’al
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mand par Jacques Marty,
Editions Payot, Paris, 1966
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Alléon, A.-M., Devenir adulte, Presses Universitaires de France, Paris, 1990
Dolto, F., Psychanalyse et pédiatrie, Éditions du Seuil, Paris, 1971
Dolto, F., Au jeu du désir, Éditions du Seuil, Paris, 1981
Laberge, M., Juillet, Éditions du Boréal, Montréal, 1993
Robert, P., Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Société su Nouveau
Littré, Paris, 1979
http ://www.wikipédia.org 25.05.2010
http://www.dicopsy.com
132
LA
QUÊTE
DE
L’I
DENTI
TÉ
CHEZ
NELLY
ARCAN
Edelina-Lavinia CÎMPIANU
Université « Alexandru Ioan Cuza »
Jeune écrivaine québécoise à destin tragique, Nelly Arcan, de son vrai nom
Isa bel
le For ti
er,
a joui
d’un gran d succès dè s la parution de son premier conte Putain,
nominalisé aux prix Médicis et Fémina. Auteure de contes (Folle), de romans (L’ enfant
dans le miroir, À ciel ouvert et Paradis, clef en main) a i
n si qu’anima tri
ce de
nombreuses chroniques radio-t v ,
Ne l
ly Ar can s’i
nscrit parmi l
e s
éc rivai
n s
qui ont r
éussi
à décrire et à étaler la féminité avec sa problématique complexe. Son écriture qui
explore le psychisme féminin, provoque et franchit les limites entre le conventionnel et
le non conventionnel au début du XXIe siècle.
L’ ident
it
é huma ine s uppos e
l
’existen ce
de
de ux comp osa ntes
: l
e con scient
et
l’inconscien t.
Le r apport e n t
re ell
e s
s ’inst i
tue e n pr éambu le à ce que l ’auteure
québécoise nous révèle de sa quête identitaire.
Le c once pt mode rne d’ i
den t
ité appa raî
t ch ez Sigmun d Fr eud qui t r
aite de
l’inconscient i
ndividuel.
Ce con cept s’oppos e à celui d’inconscient collectif de Carl
Gu st
av Jun g .
Selon Jung, l’inconscient collectif est fait de contenus universels qui
apparaissent régulièrement (JUNG, 1973 : 99).
La noti
on d’i
de nti
té su ppose
soit s’interroger s
ur soi-mê me
à part
ir de l’
au t
re
(da ns
le
s ens
de
s’identifi
er à l’autr
e ,
de se
re fléter
dan s l
’autre),
so it
s’
indivi
du a l
iser
par
rappor t
à l’autre
, autremen t
di t,
c’estune notion qui vise une tension entre deux pôles:
ce qui ren d sembl able et ce qu i
re nd un iqu e. L’ide nt
ité pe ut ê t
re conçu e comme
l’amou roù il y a réciprocité des actions ou inégalité, dans le sens du partage plus ou
moins égal des sentiments.
Pour faire connaître plus de détails sur les mentalités de notre siècle, nous
allon s
suivre
l’é
vol uti
on
de l
a femme
da ns le
c onte
Folle et le roman À ciel ouvert de
Ne ll
y Ar can .
Notre a
pproc he porte sur l
a qu ête d’identit
é ,
su r
le ma s
que qu e nous
sommes censés afficher dans un siècle de l ’obs e s
sion de
l’ima ge, de l’
aspect physique.
133
Le désir de la jeunesse éternelle, de la perfection, dévoile des êtres complexés, instables
du point de vue psychique. Ma is, l’appe l
à l
a chi ru rgie pl a
s t
iqu e
n’est qu’ une moda lit
é
de prendre une aut re for me ,
de
r efuser sa propr e ide n t
ité.
C’e st
un chemi nillusoire, car,
accéder à la perfection, une perfection construite, forcée, signifie devenir beaucoup plus
por teurs d’impe rfections .
Nou s al
lons suiv r
e l
a qu ête iden tit
air
e d’ a bord c hez l
e s person nages féminins.
En les obs ervant, nous dé t
ac hon s plusieu rs
hypos ta ses: l
e r
e fus de
l’asp ect phys i
qu e,
le
refus de l
’insécu r
ité enge ndrée pa r
les impe rfe ction s phy s
iqu es ,
la qu ête des r emè des
don t
de ux s’impos e nt: le c han ge me nt
phy siqu e c onfor me à de s repr ésentations ou
modèles propres et la mort comme solution finale à cette recherche. La structure binaire
de
l ’
iden ti
té s’y ret
rouv e par une présenc e exace rbé e
de l
’Aut re,
e n t
an t
qu e déclen cheur
et en mê me t
e mps
fin ali
té du c
h ang eme nt
d’ i
de ntité .
À ciel ouvert présente un triangle amoureux: dans la vie du couple formé par la
styliste Ros e Du boi s e t
l e ph otog raphe Ch arle s Na dea u i ntervient l ’
é crivai
n e Ju l
ie
O’ Br ien. C’ est u n r oma n où l ’auteure dé c
r it de ux f emme s à la r eche r
ch e de la
perfection. Vu que dans le monde qui nous entoure il y a plus de femmes que
d’h omme s,
ce l
les qu i
ont déjà un e relat
ion ,
vi
v e nt tou jou rs
a vec l
e peu r d’être quitt
é es
.
Le cor ps pa r
f ai
t et la jeu nesse qu ’on essa i
e de re tenir à j
a ma is devie nne nt
de s arme s
dans une compétition acerbe entre rivales qui essaient de capturer à jamais un
partenaire. Les opérations esthétiques auxquelles les deux femmes font appel ne sont
qu ’un e
illusion ,
qu’u n ma squ e qu i
ca che la crainte d’ être quitté.
Le conte Folle pr ésente, à trave rs u
ne let tre, l
’hi s
toi r
e d’amou r entre Ne ll
y
et
un jeune j
ou rnalist
e qu i
a fini
pa r la quitter.
Le tit
r e
s’ex pliqu e pa r
le
f ai
t qu e l
a
je u
nne
femme ne réussit pas à dépasser le moment de la séparation et avoue son intention de se
tuer
le
jou r de son
a nn iverssaire. D’ ail
leu rs l
a da te du suicide avait déjà été fixée dès
l’âg e de qu inze ans qu and e ll
e a réali
sé la
platitu de de
s on e xistence. Le s tar
ot s de sa
tante, qui ne disaient jamais rien sur son avenir, ont eu un rôle décisif.
Dans les deux textes, les personnages doivent aller vers autrui pour se
(re)dé cou vrir,
po ur s’autoa na l
ys er.Nelly rapporte son existence au jeune homme dont
elle est follement amoureuse. Elle revit tous les moments de leur relation, les analyse,
les interprète, ayant toujours la tendance à hyperboliser les événements. Julie, au début,
rapporte son existence à son amoureux Steve qui finit par la quitter pour une autre
femme, et après à Charles Nadeau. Rose tombe amoureuse de Charles étant capable de
toute action, tout geste, afin de maintenir la relation avec celui-ci. Elle fait de son mieux
pou r
rester en
sa
compa gnie le plu s l
on gte mps pos s i
bl e.
Cha rl
e s se r
e déc ou vr
e à
l’aide
de Julie qui l
ui
rappe l
le son passé ,
son
e nfance , le dé li
re de son père, ma is c’est
Ros e
à
la fin du roman qui lui révèle la clé de son ide n tit
é .
À t
ra ver s
c e
tte femme qui l
’a
toujours aimé sans rien demander en échange, il se rend compte du vide existant dans sa
vie.
Toujours à la quête de leur identité, une identité qui se construit, qui se modifie
en permanence, les personnages féminins de Nelly Arcan semblent vivre un complexe
d’inf éri
or it
é par rapp ort aux autres. Ros e est u n e sor t
e de « folle
»
qu i obs erve et
an alyse, fa i
t de s an alog ies, s’ima ginan t pa r
j alou si
e tout es s ortes
d’ hi st
oires e t
de
réactions en constatant que son bien aimé est en train de la quitter pour Julie. Les
hommes voient son incapacité de se mettre en évidence, aspect remarqué également par
Ju l
ie qu i la voit comme un e « fe mme va gue g rav itant a utou r
d’ un
h omme ,
Cha r l
es »
(ARCAN, 2007 : 19). À cause de sa petitesse, elle porte des talons hauts. Malgré le
rec ours à la ch i
rurg ie e st
hé ti
qu e ,
e l
le pa sse tou j ou r
s i
n ap erçu e. C’es t
une fe mme à
ex i
s t
e nce
v ide,
qui vit en pe rma n ence
da n s
l’ombr e, d’où elle pe ut
ex plor er
libreme nt
134
les autres. Elle travaille comme styliste pour Charles, elle aide les mannequins à
s’ha biller,
à se coi ffer.
Cr éa nt de s pe rson nag e
s, de s
femme s capa bles d’a tti
tu de , ell
e y
me t du
s i
en en sor te qu e da ns c ha qu e photo de Ch a
r l
e s i
l y
a qu elque c hos e d’ell
e-
mê me . C’est une s orte de compe ns ation pour l
e ma nque d’attr
ait
qu’ e l
le e x e
rc e ,
pou r l
e
fait qu ’ell
e est t
ou jours da n s l’omb re.
El l
e se r
en d compt e qu’e l
le
c omme nce à perdre
terrain devant Julie:
« Son r
è g ne comme nç ait de pre ndre f
in pou r
fa ire
pl a
ce
à celui d’ une au tre
qui
prenait le chemin inverse en émergeant. Rose se tenait dans la position la plus
inconfortable, celle de sa propre chute, traînante, alanguie, dans la vie de Charles, chute
qu i lui laissai
t tou t l
e temps de v oir e n face qu i arriv ai
t,
sans se pre ss e
r, pou r
s
’y
installer. Rose le savait ce jour-là (...) son petit doigt, ses antennes, son sixième sens,
s’étaie nt
mi s a
u
s erv i
c e de sa mi se
e n
éch ec
» (
ibidem : 41).
La jeune femme met son malheur sous le signe de la fatalité:
« Vous ne pouvez pas savoir comment la vie me possède, me joue, Rose dans
Ros in e et
ens uit
e
Ros e da ns Julie, e n ta
n t
que voisin e
d’e n face.
Ros e était abs orbé e
une
seconde fois par une autre dont elle ne voulait pas et dont elle ne pouvait pas sortir, à
moins de déménager ailleurs et tout de suite. Julie se refermait sur sa vie, sous la forme
ma té r
ie l
le,
in c
on tou r
n abl e, fatale, du
voi sinage.
Ros e n’y ét
a i
t pou r rien, s ouv en t i
l l
ui
était ar r
ivé d’e xpliqu er son ma lhe ur
de l
’int
érieur, en passa nt
pa r
la su bs t
a nc e qui l
a
compos ait
, un gè ne fout u en elle pa r
sa mè re
qu ’elle
d evait porter, qui la jetait dans la
gueule du loup et qui était suffisament fort pour faire advenir les loups dans sa vie, un
gè ne c omme un aima nt qu i appe lait de loi n
l’é
c r
a seme nt, ou qui s ort
a i
t de sa tra j
e ctoir
e
pou r s’y coller
»
(ARCAN, op. cit. : 42).
Rose veut ressembler à tout prix à Julie. En la regardant, elle avait le sentiment de voir
un mi roir,
raison pou r laqu e ll
e elle avai t
décidé d’ê t
re pa reill
e à sa ri
v ale: pr en dr e
des
bains de soleil et se promener les écouteurs sur les oreilles, devenir blonde et, vers la fin
du roman, faire couper ses cheveux. Le fait de la voir souffrir émeut Julie qui se
rappe lle les
sit
u ation s an alogu es qu ’e l
le a vai
t vécues :
« Julie avait pour Rose une espèce de compassion intellectuelle. Elle savait
avoir été cela pour Steve Grondin, une chienne flairant la trace de ses pas en redoutant
d’ê t
re repéré e,
u n ê t
re c ou rbé qu ’il
fa llai
t épargn er e t don t
il fallait s ’
a cc omode r.
Comme Ros e,
elle a vait
v u
la
sa lope ri
e d’ une aut
re
r as
e r sa
v ie
» (ibidem : 75).
Tout comme Nelly, Ros e a la ten
da nce d’exa gérer les évén eme nts, de le
ur
don n er u ne dime n sion a mpl ifiée .
La pr ésence de Julie, le fai
t qu’ e l
le ch ang ea it t
rop
sou ve nt ses habits « comme en u n défi l
é
de mode », qu’ elle
por t
ait des talon s hauts
,
qu ’elle avait t
ou jou rs sa ma in manucurée, étaient des détails qui ne suggéraient que le
souhait de se faire remarquer par Charles.
Nou s obs e rvon s
c he z Ju l
ie cette
« mor t
de l’
â me qu i
pou vait
fra ppe r à grande
échelle un peuple en le laissant se reproduire dans son propre tombeau » (ibidem : 22).
Ce pe rsonn age v it un
c ompl exe d’ infériorit
é lorqu ’el
le est
quitt
é e pa r
St e ve pou r
une
blonde. Elle commence à boire, à ne plus se soucier de son corps, elle devient incapable
de réagir, en regardant ce « vide qui la laissait seule », en ressentant un vertige « ni
chaud, ni froid du sentiment qui était son envers » (ibidem : 56). « Elle devait respecter
la hiérarchie mouvante des forts et des faibles, des grands et des petits, suivre les rituels
de la survie en groupe » (ibidem : 83).
Le lecteur a sou ve n t
l’impr e ss
ion
que la
v oix de l
’écrivain e
s e f
a it e
nt e ndr e
par
des personnages tels Nelly et Julie. Dans Folle le nom de Nelly Arcan apparaît
claireme nt,
Ne lly étant un e abr év iation de Na nnie; la jeune femme souh a i
te se tuer
à
135
trente ans pensée qui h ante l’éc riva i
n e au ssi.
Da ns
le roma n À ciel ouvert, Julie mène le
mê me comb at
qu e
l’au t
eu re, s’en g age ant
da ns un d uel
a ve c l
e mon de:
« De toute façon changer le monde ne la concernait plus à ce moment-là de sa
v ie, chang er l
es c hos es ne l’inté res s
a it
pl us depu is plus i
e urs ann ées déjà ,
de puis qu’ e l
le
n ’a vai
t plus de cœu r,
ou d’â me si on pr éfère ;
et
e l
l e
s’e n taperait
e ncor e plu s,
du
sor t de
son mon de ,
qui pr en ait
feu su r tou t
e la su rface de l
a
pl anè te,
apr ès av oir tu é
l ’
h omme
qui avait pourtant voulu lui r edon ne r l
e j
ou r
et qu ’ell
e
a va it
cru a i
me r » (ibidem : 10-
11).
C’ est un e femme qu i re ssen t un v i
f remor ds après l
a mor t d’un e
pe rson ne
c hè re.
L’ ima ge de la pla nè te e n fe u c ’
e st l’i
ma ge qu otidienne repr ése ntée pa r de s
g u erres
, de s
me u rtres, par l’inte rve ntion de la nature- éruptions volcaniques etc., face à
la qu el
le l’
h omme ne
pe ut rien faire. Ma is en
mê me temps , l
e mon de e n fe u
sig nifie la
mor t,
la fin.
C’ est
pe ut-être une anticipation de la mort de Charles. Julie nous apparaît
vaincue, fatiguée de lutter, une femme qui se dirige vers sa fin ou peut-être vers la fin de
l’a utre:
« De p u is qu elqu es a n née s J ulie é t
a it tou r
me ntée pa r le c l
ima t, pa r la
température (...) » vue comme « une expérience quotidienne, inquiétante à la longue
parce que derrière se profi lait l’emba lleme nt de l
a destruc tion » (
ARCAN, op. cit. : 12).
L’ imag e de la d estruc tion soi t plané t
a i
r e,
soit c el
le de l’être huma i
n y e st
sug gérée. Le fait d’ êt
re
qu ittée de ux fois, pe r
turbe son équ il
ibre, de
s orte que la jeun e
écrivaine ressemble à Nelly de Folle. Tout comme celle-c i,
Julie n’a pa s a ppa remme nt
le pouvoi r
de
se sa uv er et
re chu te da n s
l’alcool (
Ne ll
y
y
a jou t
e les drog ue s). Le h asa rd a
u n côté l
u dique da ns la vie de Ju li
e , Ros e l
ui a offert un paqu et de c igar ett
e s qu ’e l
le
a va i
t l’habitude de fumer, tout comme elle avait offert une fleur à la blonde qui
accompagnait Steve:
« Une fleur ou un paquet de cigarettes comme façon de rester dans le décor,
c omme pr euve d’ ex is
t ence face a ux au t
res ma i
s aussi comme rupt ure ave c le lang age
commun, le point final à toute communication entre les vaincus et les vainqueurs »
(ibidem : 84).
Nelly se sent en permanence inférieure à son amoureux autant par son aspect
qu e par l
a san t
é me nta l
e. Le s ra ison s va ri
e nt en fon cti
on de son état d’e spri t.
La be au t
é
de l’ homme par rappor t à sa l
a ideu r dé cle nche le dé s
ir de pu nir son cor ps (e l
le est
devenue anorexique pour préparer sa mort, elle coupe son corps avec des lames, elle a
de s cer
n es, el
le de v ient pa ran oïa qu e). La consc ienc e du fait
qu’ elle n e c orres pon da it
pas à
ses crit
ères d’ éva luation (il
a ima it les brune s, e
lle éta it
châtaine ,
il aima i
t les n oms
sonores qui avaient dans leur structure des N et des I, elle avait choisi le pseudonyme
Ne lly,
acce ntue sa
c ri
se
d’ide ntité et
la
fa i
t se rej
e ter
e lle
-même: « (...) tu étais sain et les
g ens sa
ins l
e sont trop pou r con ce voi r qu’on puis se plan if
i er
sa mor t, les g e ns sain s ne
courent pas après quelque chose qui arrivera tôt au tard, sans réclamation » (ARCAN,
2004 : 14).
Le comp lex e d’infé riorité
don t les pe r
s on nag es de Nelly Arcan souffrent est
toujours dépassé, de sorte que nous avons affaire à des personnages forts. Presque tout
le temps , après s ’
ê tr
e retrou vé s dans un état de ma lhe ur, les pe rson na g es trouv ent
l’é nergie n écessa ire pou r s ur mon t
e r le s
d i
fficultés. Ne lly fait se mbl an t d’ être u ne
personne difficile à conquérir lors de leurs vacances au chalet de son père
c on formé me nt à l’idé e qu e « pou r s ’attache r
l es h omme s solide me nt,
l es f emme s
doivent montrer de la résistance » (ibidem : 29). Après y avoir abouti, le « jeu » engagé
à lon g
terme fi
n it pa r
la fatigu er. Se s
idé es sur la mor t, su r
l’impu i
ssanc e de
for me r un
c ou ple,
sur la
con viction qu’ e l
le
n ’av ait aucu n des ti
n, lui revienn ent en for ce :
136
«
(...) ma tante n’a
jama is pu v oir mon
f utur da n s s
e s
ta r
ot s, elle n’ a jamais pu
me dire quoi que
c e
soi t de mon
av enir, mê me qu an d j’éta i
s une enfa n t
n on rava g ée
par
la puberté (...). Chaque fois que je me rendais chez elle, les cartes ne lui disaient rien.
De v a nt moi , les c art
e s n’é t
aien t
que de s
c
a rtes, ma pré sen c
e av aitpour effet de les
démasquer » (ibidem : 12).
Ell
e pr en d u n air rés i
gn é de v ant l ’éche c de s a
r elation a mou reu se « Si
au jou rd’hui je
doi s me ttre de l
’or dre da ns notr e histoire ,
c ’est
pe ut-être parce que entre
nou s l’
amou r est ve nu là où
il
n’av ait
pa s sa
pl ace » (ARCAN, op. cit. : 30).
Les r emè des qu e
J ul
ie tr
ou v e son t
d’a bord de nature phy s iqu e. Sa dé c i
sion de
faire de la gym est une tentative de se sauver: « Elle aimait la douleur qui ne la
dé figu rait
pa s comme l’a l
cool »
(ARCAN,
2 007 : 58) . Le s probl ème s existentiels sont
soulevés à nouveau en recréant une identité valorisante « Elle allait agir sur sa vie, elle
ne se
laisserait pas
mou rir une secon de fois,
elle se l’é t
a i
t promi s,
pl utôt se tue r pou r
de
bon , ou tue r qu e l
qu’ un d’ autre » (ibidem : 199). Le modèlement du corps afin
d’a tteindre la perfection av ai
t don né à Ros e un e « no uv elle assura n ce qu e les femme s
on t de van t
pl us l
a i
des qu’ ell
es, de vant cell
es qu i
laissaie nt voir da n s le gra in
de l
e ur
peau leur détérioration mentale » (ibidem : 200-201). Maintenant, elle était au premier
pla n: « Le
de s t
in ,
c’était ce l
a,
être porté e par le cou ra nt,
a ider
le cou ra nt à pr endr e
de l
a
vitesse en se laissant flotter sur le dos, de tout son long, comme une Ophélie » (ibidem :
202).
Nous remarquons chez Nelly Arcan une préférence pour le quotidien avec ses
mul tiples aspe cts: la
c ommuni c ation su r l
’Inte rnet, la be au t
é, la qu ête de la p erfecti
on ,
la c ompé t
it
i on ,
l ’amou r, la c hirurgie plastiqu e. L’ ident i
té c onfé rée pa r l e s trait
s
physiques authentiques est sans cess e re mise e n caus e .
Souc ie
u ses
de pla i
re ,
d’ inc ar
n e
r
une perfection artificielle dans laquelle elles voient la clef de la réussite en amour et la
ga ran ti
e de l’équ il
ibre psy chi
qu e , l
es femme s fon t u ne a
tten ti
on pa rticuliè r
e à l
eur
corps. Elles font de la gym, elles rendent des visites régulières au médecin pour réparer
les impe rfectio ns par de s opérati
on s e sthéti
qu es. Elles reséma nti
s en t l’interv en tion du
bistou r
i qu i
de vien t
le moy en
privilég i
é de c omba t e t d’ a
s s
u ranc e da ns les r elati
ons
sociales et amoureuses.
« La chirurgie plasti
qu e a qu e l
que c hos e de c entripè t
e ,
d’ auta rciqu e », l
es
cou pu r
es
n’é tant qu e
de s
« blessure s
ex ig ées
pa r la bea uté, dou leurs e n mi gra t
ion v er
s l
e
merveilleux » (ibidem : 116),
c ’est « pr endre de
l’a va nce sur la vie illesse » (ibidem :
110) , c’
e st
dé j
à un ph é nomè ne :
« Les femme s ont du jou r
a
u len de ma in rec ou rs à l
a
chirurgie plastique. Le phénomène est devenu massif en un rien de temps (...). Se faire
coudre est dans le même panier que se maquiller » (ibidem : 184-18 5). I
l s’ ens uit
un
proc essus de réifi
c ati
on de l
a femme ,
d’ abandon de son iden t
ité en fav eu r d’un e image
qui annule son unicité par la conformité à un nouvel idéal de beauté recherché dans la
société de consommation. Les femmes font souvent appel à cette beauté « acharnée
d’e fforts » (ibidem : 240), en réalisant « le grand paradoxe de la coquetterie féminine,
de la mascarade, toujours pareille, vendue en masse sur le marché et achetée par les
femmes (...) » (ibidem : 132-133).
Ces brèv es con sidérations
de l’auteur e
n ou s laissent voir la position critique à
l’ég ard de ce ph énomè n e,
t
rahissa nt
le ma l de viv re, le refus de s oi, la dé rou te et
l
a
dé pe rson nal
i sation .
La pe ur
de la solit
u de ,
de l’aba n don se t
rou ve souv en t à l’or i
gi ne
de
cette hantise de la « modification physique ».
Les personnages féminins de Nelly Arcan sont souvent des êtres qui souffrent
de l’abse nce de l’au t
re . Il
y a, da ns t
ou s l
es roma ns de Ne lly Arc an , l’idée du be s
oin
primor dia l
d’ êt
re aimé , accept é,
a dmi ré qu i dé te rmi ne les f emme s à trouv er des
137
solutions , pa rfois radica l
es .
C’ est pou r cr é
e r des liens que Ne lly choi sit l
e mé tier
de
prostituée:
« Pou r moi , n’ê t
re
pa s f
ac i
le étaie nt
de s
mo ts
d’ adi eu, c’étai
t un e faç on de dire
qu e l e my stère a llait reste r
u n my stère, pou r
moi ,
c ’éta i
t de la dé mi ssi
on . Qu a nd
au jou rd’hu i je r
e pe nse à
ma vie, j
e s
ui s con v ai
nc ue qu e c ’est pou r
de ve n i
r pl us f
ac i
le
que je suis devenue pute (...) » (ARCAN, 2004 : 11).
L’ hy pot hè s
e du
« dég oût » qu ’un e inter
v ention de
c e gen r
e pou rrait p rodu i
re,
n’e st pas
pr ise en compt e.
S’ ali
g ner sur un modèle est une précaution à prendre.
Ma is le refus de l’
aut r
e e st
syn onyme pa rf
oi s a vec la
veng ea nce. Ne l
ly e st
resté e en ce i
n te, ma is elle
a fait
un
a vorteme nt pour se v eng er de
l’aban don
de l’homme
qu ’elle aima it.
En connaissant le comportement des hommes, généralement attirés par le
ch ang e me nt , les fe mme s ne pr ennent pas en c
ompt e l’e ffet con tr
aire produ i
t par les
excès. Ex c édé s pa r
c ett
e pe r
pé tuelle c onte sta
tion de l’ide ntit
é phy siqu e, s ign e de
déséquilibre majeur, les hommes prennent des mesures extrêmes et violentes: le suicide
de Ch arle s depu i
s
la terrass e
de
l’imme u ble où
il
h abitait. Julie est
de venu e
u ne femme
à l’air froi d, du r av ec les homme s:
«
C’ é t
a i
t pa r
peu r
de re ncon trer
c hez l
e s homme s
le
mê me a ba nd on qu ’ell
e ne pou v a
it pas l
es aime r
» (ibidem : 73) .
L’ humi lia
tion d’ avoir
vu St eve
lu i préf érer un e
a utre femme l’a pou s
sée ve r
s l
a ven ge ance, en fa i
sa nt a ppel à
la chirurgie esthétique, garante du succès auprès des hommes.
La quête de la perfection physique est soutenue chez Nelly Arcan par une
jalou sie f a rou ch e qu i nou r
rit l’esprit de c ompé titi
on . El le fon ction ne c omme «
de stabi l
isa teu r d’ iden ti
té » .
La be au té de s modè les qu i t ravaill
aie nt a ve c Ch arles
suf foqu a i
t Ros e. L’ idé e t
rou ve s
on orig i
n e da ns l
e pa ssé . Elle prov en ait d’un e famille
avec cinq enfants dont quatre filles. À Saguenay-Lac-Saint-Jean à Chicoutimi, lieu de sa
na issan ce, il y av ait
un
g r
a nd pou rcen t
a ge de femme s.
D’ a ill
eu rs,
Ros e
av ou e êtr e née «
au mi lieu d’ un pul luleme n t f
e me l
le » (ARCAN, N. ,
op. cit. : 28). Elle évolue « dans le
con te xte inf ern al de la
s u
r popu lati
on de femme s, ces êtres en de ma nde d’homme s
, qui
n’é taient pa s dé testable s
e n
e ux-mê me s,
bien s
ûr qu e n on , ces êtres qu i n’é taie nt
pa s
nuisibles en eux-mê me s non p l
u s,
bien enten du ,
ma i
s
qui l’étaient dan s l
e surpl us qu ’il
s
représentaient et par la guerre que ce surplus créait » (ibidem : 28-29).
Un trait identitaire caractéristique des personnages de Nelly Arcan consiste
da ns leur état d’ attente .
Ce t
état est un a c
qu i
s de l
’ide ntité masc uli
n e surtou t, moi ns
marqu ée pa r le dé sir de ch ang eme nt. C’ est plutôt l’unic itéde leur existence qui les
anime. Le père de Charles dans sa folie, attend la fin du monde, les Amazones. Charles
attend la Volonté, la paix intérieure, luttant vainement toute sa vie contre les souvenirs
ma uv ais de son e nfan ce,
sou venirs don t l
’ima ge centrale était son pèr e, un bou c her
obs é dé pa r l’ode u r de la
v i
ande .
Tou t comme son pè re, Ch arl
es
de v i
e nt fou . Mê me
Julie, sa deuxième amie, lui reproche souvent sa folie causée par sa passion exacerbée
pour l
’Inte rn et.
À son tour, Ros e att
e nd le retou r
de Ch a r
le s,
é tant
prê t
e à pardon n er
son
aventure avec Julie. La jeune écrivaine attend la paix intérieure, le renoncement à
l’alcool , l
a fin du
trav ail à
s on docume nta i
r e
.
La passion du père de Charles (À ciel ouvert) et du grand-père de Nelly (Folle)
pou r l
e
c os mos ,
l’a t
ten te
de
l’apoc alypse ,
t
rouv e leur sou rc e
dans les idé es de Ju ng sur
l’inc on s
c ien t:
« L’ i
n cons c i
e nt,
qu i poss ède ses pr opres lois et des mé canisme s au ton ome s
,
exerce sur nous une influence impor tante, que l’
on
pou rra it
compa r e
r à
u ne
pe rtu rbati
on
cos mi qu e. L’ inc on scient a le pou voir
de nou s transporte r
ou
de nous ble sse r
de la mê me
138
façon
qu’ une ca t
a str
oph e
c osmiqu e ou mé téoro logique» (JUNG, 1998 : 218). Le grand-
père de Ne ll
y
a tt
e nd l’apoc alypse .
Nelly Arcan est une écrivaine qui a parfaitement réussi à se prêter au jeu de la
con f
u si
on œu v re-auteur, raison pour laquelle elle a été souvent confondue avec ses
héroïnes. Mais, coincidence ou non, les personnages de ses romans ont environt trente
ans (Charles et Rose ont trente ans, Julie a trente-trois ans, Nelly décide de se tuer à
trent
e
a ns (
«
l’âg e de s
ridu les
et des premi ers ch eveux blan c
s
»
(ARCAN, 2004 :
101) ),
l’écr
iva i
n e s’
e st
s uicidée à trente-cinq ans). Le chiffre trente paraît dans ce contexte un
chiffre fati
dique . Da ns tou s l
es roma ns de l’écrivaine appa raît
l’ i
dé e de l
a mor t, au
début comme une obsession, puis comme une sorte de jeu du hasard. Dans Folle Nelly
aima it
l’i
dé e qu e les mor ts « aient suff
isa me nt d’empr ise sur la
ma ti
ère pou r
se veng e r
des vivants » (ibidem : 16), se demander si pour elle « une mort était prévue » (ibidem :
87), si
les gen s se sou cieron t
d’e l
le « Je me de ma nde si c’est à
ca use de l’odeu r
qu ’on
forcera la porte de mon appartement après ma mort, je me demande dans quel état
d’expa nsion on dé couv rira mon corps » (
ibidem : 94). Dans un article publié dans le
magasine P45, Ne l
ly Ar can
pa rl
e
du sui
c i
de comme d’un
a ct
e à
tr
a v e
r s lequ e
l on
a rrive
à un équilibre: « Le suicide
n’est pas une
tume ur,
c e
n’es t
pas une tâ c
h e ou un furon cle ,
ce n’est
pa s
un e
vi e en moi ns d’un consomma te ur ou
d’ un pay eur
de
taxe s, mais
un ac te
peut-être le plu s
radical e n deh ors du me urtre pa r
leque l
l’individu in dique qu’il e st
possible de choisir de mourir » (http://p45.ca/magazine/se-tuer-peut-nuire-a-la-sante).
Bi en qu’ elle a
it dé cl
aré à un
mome nt donn é
à
la
press e
d’a voir é t
é
obs édé e pa r
la mor t
, ma is qu’ elle a réussi à s’en sauv er,
Ne ll
y
Ar can a v oul
u ren on cer au ma squ e
que les êtres son t ce nsés a f
ficher da ns un
s i
èc le de l
a passion de l’
in div i
du po ur son
propre
ima ge. Se lon el
le, l
e mon de
où
l’on
v i
t me t
t
rop l’
acce nt
su r l
e côté exté r
ieu r de
la femme , su r son phy si
qu e. C’ est un mon de où « l’âge ét
a it tout ou r ien, un e
bénédiction
ou un e fatalit
é ,
c’était
de
loin ce qu i empor tai
t l
e pl
us » (
ARCAN, op. cit. :
9).
L’ écrivaine s’e st
sen t
ie, peut-être,
prison nière
de son
ima ge
supe rficielle,
de l
’ima ge
de la « femme vu lve ». Elle n’a pa s r
éus si
à trou ver
u ne porte
de s ortie vers la vie, car
derrière ce ma squ e qu’e ll
e af
fich ait
, i
l y avait sa fragi
lité.
Le ref
u s de son
propr e c orps
amène la femme à faire appel aux produits cosmétiques et à la chirurgie plastique. Mais
paradox aleme n t,
le désir d’atteindre
la pe rfection, l
a rend impa rfa i
te, fragile. Allié à
l’i
nsé curi
té qu’ i
l en gendr e, c
e
dé sir
mè ne invaria bleme nt
à l’
é chec.
BIBLIOGRAPHIE
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Arcan, N., À ciel ouvert, Éditions du Seuil, Paris, 2007.
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Le mot
d’e sprit
et
s a r
elation à l’ i
ncons cie
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Jung, C., G., L’Éne rgé t
ique ps yc
hi que, Genève, 1973.
Jung, C., G., Sur l
’int er
prétati o
n de s
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N. , „Se tue r peut nui r
e à la sant é”,
P45 (5 mars 2004): http://p45.ca/magazine/se-tuer-
peut-nuire-a-la-sante.
139
JEU DE VOIX DANS UN HOMME QUI DORT DE GEORGES
PEREC
Monica DORU
Projet financé par des fonds européens: Le développement des écoles doctorales par
l’allocation de bourses aux jeunes doctorants à temps régulier - ID 52826
Résumé: Le
deux i
ème roma n de Geor ges
Perec
se pr ésente c
omme
l’
hist
oire r
enversée
de son premier ouvrage, Les Choses. Au désir du bonheur et à la quête et la fascination des
c hoses s’
opp osent l
e
rejet
d’une vie sans but
e t
fi
nali
té et
la décision du
héros de
rompr e
toute
liaison avec un monde sombre et absurde. La narration joue sur le procédé de la polyphonie à
dou ble dime nsi
o n. C’est
comme une œuv r
e musicale à mille instruments magiques car Perec
laisse entendre d’un coté l
a voi x de s
es écrivains
préfé
rés par l
e bi ai
s de l
’i
ntert
extuali
té e
t de
l’autre, l
’emp l
o i obsessi
f,
aut i
s t
e de la deuxiè me per
sonne d u si
ng uli
er qui
renvoie en même
temps au narrateur, au narrataire et au lecteur.
Excellent jongleur des mots et des formes et observateur attentif de son époque,
Ge or ges Pe rec e nvisage l’expérienc e lit
téraire de façon uniqu e. Me mbr e
du fameux
Oulipo, poète, auteur des ouvrages-lipogrammes (La Disparition- plus de trois cent
pages sans e), des romans à un seul personnage ou à la deuxième personne du singulier
(Un homme qui dort) , Perec conç oit l
’écr i
ture c omme
un jeu qui s
e jou e à deux
e ntre
l’écriva i
n e
t l
e le cteur
. Un e fois
qu’ il
s’est la
iss é séduire
par les énigme s de ses textes,
le lecteur doit accepter à suivre Perec à tatons dans les méandres de son labyrinthe.
(BURGELIN, 1988: 46.)
Un aspect tragique de sa vie (la disparition prématurée de ses parents) donne la
mesure de ses oeuvres. Pour lui les mots et les structures narratives sont déchirés,
trit
u rés, rompu s, tr
oués. L’oe uvre e st
t
ou te entière trave
rsée par ce t
te impr essi
on d e
cassé, par le vide et le blanc. La Vie mode d’empl oi ,
son chef d’oeu vre ,
n’ e
s t
fai
te qu e
de dé coupe s,
les peti
tes pièc es d’un puz zle
gé ant.
Un mon de fragme nté
don t Pe rec
semble nous suggérer que la reconstitution reste illusoire. La pratique de
l’hy pertextuali
té ,
de l
a pa r
odi e,
du pastiche ,
du réemploi d’un ma tériel déjà li
ttéraire
renforcent cette idée. Cette polyphonie entre jeu de voix, intertextualité et autotextualité
con fère à cett
e œuv re
de
l’unicit
é e t
de la profon deu r
.
Un homme qui dort, son deu xième roma n, es
t pré senté pa r l’auteur mê me
comme histoire renversée de son premier ouvrage, Les Choses, comme un antidote.
« Ce
n’ est pl
us la
fascinati
on des c hose s ma is le refus
du mon de , non pl
u s l
a force
brillante mais la face sombre de la réalité. Après le roman du désir, le roman de
l’indifférence ». (BURGELIN, ibidem : 48.)
Les deux romans offrent des images de la ville radicalement différentes. Si
Jérôme et Sylvie se promènent dans un Paris mystérieux et séducteur le paysage urbain
d’Un hommequi dort renvoie à l
a froide ur,
à l’hosti
lit
é,
il est aussi anonyme que le
personnage qui le parcourt. Ce personnage, jeune étudiant en sociologie de 25 ans
dé cide u n j
ou r
de ne
pa s s
e
pr és
e nter à son
e xa men .
Il
ne répon d pa s à l
’appe l
de ses
140
amis et à tous ceux qui viennent à frapper à sa porte. Ne sortant que la nuit il dort
parfois toute la journée ou plonge dans le quasi-sommeil. Sa chambre de bonne, la
banquette étroite, les fissures du plafond, le miroir fêlé, la bassine rose et la goutte qui
sans arrê t
tombe du l
av abo de l’étag e compos en t son
u n i
vers. La somnolence et la vie
végétale le gagnent et tout semble penduler entre un horizon onirique et les fantasmes
d’un mon de e n dé sordre. La se ule pr euv e qu’ il y av ie da n s son c or ps c ’est s a
respiration car il ne fait que regarder indifféremment le monde, lire indifféremment le
jou rnal, ma ng er in dif
fé r
emme n t
le mê me plat.
Il attend que tou t s’éc r
oul e
ma is apr ès
qu elqu es moi s tou t s
’é cr
oul e et tout r
e comme n ce parc e q ue l
a solitude n e lui a rien
appr is. Le mon de est
le mê me e t
le h éros n’est plu s
in acc essible car « il attend place
Clichy que la pluie cesse de tomber.»
« Ce ci es t
ta vie.
Ce ci est à toi. Tu pe ux faire l’ex act inv entaire de ta ma ig r
e
fortune, le bilan précis de ton premier quart de siècle, tu as vingt -cinq ans et vingt-neuf
dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques
disqu es que
tu n’é coutes plu s. Tu n’a pa s envie de te
souve n ir
d’au tre ch ose, ni de t
a
famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes
pro jets. Tu
as v oy ag é
e t
tu n’ as rien rappor té de tes voy ag es. Tu es
a ssis et t
u ne v e ux
qu ’attendr e,
atte ndr e
seu l
eme n t
jusqu’ à ce qu’il n’ y ait
pl us rien à
a t
te ndr e…. Tu ne s ors
qu ’à la nu i
t t
ombé e
comme les cha ts,
les r at
s et le s mon st
r es…Pa rfoistu marches toute
la nuit, parfois tu dors tout le jour. » (PEREC, 1967 : 9.)
Ce t
épiqu e
de l’étrang eté qu i pe ut re nv oy er à Ca mus ou à Ka f k
a ,
ce tis su
tex t
u el du dé d ou bleme nt e t de l’aliéna t
i on s e c ons tit
u e à n otre a vis c omme un e
véritable œu vre mus i
ca l
e. Nou s pouv ons pa r
ler de poly phon ie
à dou ble sens, c ’
e st
-à –
dire polyphonie externe (intertextualité) et polyphonie interne (du point de vue des
instances narratives et jeu de voix). Pour ce qui est de l ’inter textual ité, les allusions,
les citations et les brèves rencontres avec Camus, Sartre, Apollinaire, Butor, Proust,
Kafka et Melville composent un univers textuel complexe. Tendu entre deux phrases,
l’un e de Ka fk a, l ’
a ut
re de Me lvil
le ,
le t e
xte a ffiche d’e mbl é e son g oû t po ur l es
emprunts avec un titre directement tiré de A la recherche du temps perdu : « Un homme
qu i dor t tient e n c ercle a utou r de lui l e fil de s h eures ,
l’or dr e de s a n nées e t de s
mon de s…. .» . Ce qu i
e st v raime nt inté ressan t c ’est qu e pa r r app ort à Pr ou st
qu i
envisage le sommeil comme un moyen de sauvetage, pour Perec cet état de somnolence
repr ésen te l
e v ide ,
la r
u pture entre le mon de
e t l’être. Le
poi n t
c ommun en t
re les d e ux
éc ri
v ains c’est aus si
cet espa ce privilég i
é
qui est la cha mbr e.
Une autre voix assez importante pour le texte perecquien est celle de Kafka. La
citation
mi se en ex ergue au dé bu t
du roma n
ann on c e d’un e ma niè re év i
de nte
le sujet :
«I l
n ’est pa s
néce ssaire q ue tu sortes de ta ma ison . Re ste à tabl e
e t
écou te.
N’ écou t
e mê me pa s,
a t
tends s euleme nt .
N’ atte nds mê me pa s ,
s oi s a bs olume nt
silenc i
e ux
e t
se ul. Le mon de viendr a s’off ri
r à toi pou r que t
u l
e dé ma sque s
, il
ne pe ut
faire autrement, extasié il se tordra devant toi ». (MAGNE, 1999 : 137.)
Ce pe rsonn age qu e Pe rec n e f ai
t qu e tutoy er, qu i n’ a pl u s d’ i
n téri
or it
é
psychologique mène une existence qui se constitue comme un écho aux vers de
Fernando Pessoa : « j e n e
pe ns e à rien
e t que c ’es t
bon! /
Ne pe n ser à rien /
C’ est av oir
un e âme en soi et intégrale/ ne pen ser à rien/ C’ es t
v ivre intime me nt le flux et le reflux
de la vie ».
Ces vers de Pessoa semblent reprendre en effet un thème abordé dans Le Fou,
un texte de jeunesse qui comporte en épigraphe le début de la troisième Méditation
métaphysique de De scartes, sur l’
e xistenc e de Di e u:
141
« …. J e f erme rai ma intenan t
l es y eu x…. .je dé t
ou r ne rai t ous me s s en s,
j’effacer ai
mê me de ma pen sée tou t
es l
es ima ge s de s ch os e
s cor por ell
e s,
ou
du moi n s
pa rce qu ’
à
pe ine
c e l
a
se pe ut-i
l faire…. je tacherai de
me rendre
pe u à
pe u plus
con nu et
plus familier à moi-même. » (DESCARTES, 1967 : 155.)
D’ autre pa rt
, ce tt
e s
c i
ssion du moi ,
ce dé dou bl eme nt de l’être renvoie d’ un
côt é à
u ne e ntit
é i
mmobi le
qui at
te nd que l
e mon de s’
ouvr e
à soi
e t de
l’a ut
re,
à un moi
en mouvement qui reprend le motif du voyage baudelairien sur la mer des ténèbres.
« L’ eau t ’ entou re de tou t
e s
pa r t
s, me r n oire i mmobi l
e , e xtraordinaireme nt
pla t
e ,
mê me pa s ph osph ore s
c ente e t pou rtant t u as l ’impr es sion qu e
tu pou r r
a is
dé couv rir cha que dé tail
, le moi ndr e nuag e s’i
l y a v a i
t un c i
el,
la plus pe t
ite
terr
e
s ’i
l y
avait un horizon. » (GOGA, 2004 : 89).
Ma i
s l
’u ne des influen ces les plus i
mpor ta nt es pou r
l
a ge nè se d’ Un homme qui
dort c’est un e n ouve ll
e de Me l
v il
le, Bartleby dans laquelle Perec trouve reliées deux
ex périen ces qu’ il a vé cue s au dé bu t
de s ann ées s oixa nte .
C’ es t
d’ un part
le ma lais e
d’or dre pe r
s on nel don t
té moi gne un e let
tre à Ma ur ice Na de au da tée de ju i
n,
1957 e t
de
l’autre sa pr op re ré fle
x i
on
su r
l
e tex t
e de Me lville et l’ide nti
fica tion affecti
v e
av ec ce t
auteur. : « …. pour Un homme qui dort, la lecture pendant des semaines et des semaines
d’un e n ouv elle de Me lvill
e qu i
s ’appe ll
e Bartleby m’ a condu it pr e squ e nécessaireme n t
comme à tr
a ve rs
un e espè ce de voie à
la fois
r
oy ale e t
tou t à
fait étroi te,
a u l
ivre
qu e j’ai
produit. (PEREC, 1967 :4.)
Dans une lettre à Getzler, Perec lui –mê me rema rque qu e l’
h istoire
de
Ba rtleby
représente une sorte de Procès à l’
e nve r
s et parce qu’ il y a plusieu rs ma n i
ères
de me tt
r e
en cau s
e le mon de ,
Ba rtleby est l
’indi f
fé r
en t
qu i v it
à cont r
e-courant dans un monde
ordin aire don t il r e f
u s
e l’ordre pa r le s i
lence e t le r e je
t de l a n ou rr
iture
. (VAN
MONTFRANS, 1999 : 108.)
Pour ce qui est de la polyphonie interne et plus précisément du jeu de voix au
niveau narratif, le texte perecquien se constitue comme une petite pièce du grand
pu zzle car l’œuv re de Per ec pendu le entre l’
e mpl oi neu tre de la troi sième
personne
da ns
Les choses, le je autobiographique de W ou le s ouv enir d’enfanc e, un je qui se casse
parfois dans le on ou dans le ça et qui devient de nouveau il de chaque personnage de
La vie mode
d ’empl oipour se métamorphoser en tu obsessif et ambigu dans Un Homme
qui dort. Je, tu, il, on, ça, a utant
de pièces d’un je u
qu i se
jou e
à de ux , entre
le l
ecteu r et
le narrateur.
« ….Tu ne bouges pas. Tu ne bougeras pas. Un autre, un sosie, un double
fantomatique et méticuleux, fait peut-être à ta place, un à un, les gestes que tu ne fais
pa s……Tu n’asenvie de voir personne, ni de parler, ni de penser, ni de sortir, ni de
bouger. » (PEREC, op.cit. : 9.)
L’ empl oi systéma tiqu e
du pron om tu semble faire du protagoniste à la fois le
narrateur et le narrataire du texte. Nous pensons évidemment à La Modification de
Butor et de toute façon Perec y a pensé aussi mais la question la plus i
mpor t
ante c ’
e st
comment aborder les problèmes posés par cette forme particulière ? Est-c e qu’on peut
pa rl
e r
v r
aime nt de mon ologu e in tér
ie ur c’est - à - di re d’u n di a logu e entre u n je
narrateur et un je/tu narré ou bie n s’agit-i
l d’un e voix impl i
c ite extra-diégétique qui
s’adr esse a u pe rs onn age c entral e n l’interpella n t pa r l e pr on om pe rs
onn el
de l a
deuxième personne singulier ? A notre avis le texte perecquien ne nous permet guère de
tranc her de façon dé finitive. C’es t
Pe rec lui-même qui nous fournit une réponse car il
envisage ce tu comme un outil de mise à distance et une forme de recul mais aussi
comme un moyen de lancer le personnage dans un pseudo- dialogue avec soi-même.
142
« Tu vis dans une bienheureuse parenthèse, dans un vide plein de promesses et
don t tu n’attends ri
en. Tu es i
nv i
si
ble ,
limpi de, trans par ent
, tu n’
ex i
stes pl us…s ans
triste
s se, s ans a venir e t
s ans pa ssé…c omme un e g ou t
te d’ eau qui pe rle a u
robi net…c omme six chaussettes trempées dans une bassine de matière plastique
ros e…c omme un e mou che…c omme un e
v ach e
, comme un escargot,
comme un enfant
ou comme un vieillard, comme un rat. » (PEREC, op.cit. : 269.)
L’empl oi
de
c e pronom plong e l
e lect
eur à la
fois à l
’intéri
eu r
et à
l’ exté ri
eu r
de l’univ ers intime du personnage. Genette a décrit cette narration à la deuxième
personne comme une variante de la narration hétérodiégétique. Le dédoublement du
moi est représenté par le narrateur anonyme qui se constitue comme une sorte de
conscience réflexive qui enregistre le déroulement des événements. Le tu est à la fois le
hé ros, celui don t on pa r
le
e t
le n arrat
aire à qu i
sont racon tées l
e s expéri
e n c
e s qu’ i
l vit
pe nde nt son état d’endor mi sseme nt .
(
GENETTE,
197 2: 57)
Le même point de vue est partagé aussi par Lintvelt qui considère la narration
à la de ux ième
pe rsonn e comme h ét
érodi é
g etique et parl e d’un nar r
ateur qu i dé lègu e la
responsabilité des faits vers le narrataire ou vers un lecteur virtuel. (LINTVELT, 1981 :
210).
Pour ce qui est de cette responsabilité disloquée, ce tu en même temps autiste
et distant renvoie à notre avis au narrateur personnage, au narrataire- destinataire et au
lecteur. Ce tu implique un manque de perspective dans un univers vidé de sens et de
profondeur psychologique. « Le tu remplit donc plusieurs fonctions discursives et
symétriquement narratives. Il est par disjonction le destinataire du discours et donc le
dé tenteu r
de l
a pe r
spec t
iv e na r
ra tive
, et,
fin ale
me nt l’
obj e t
du dis c
ou rs,
et
le h éros de
l’un i
v ers intradié gét
iqu e. Un tu sci
ndé à la f
ois ex t
ér i
eur et intér
ieur à l’h istoire. »
(MUSTATEA, 2004 : 155.)
Le héros se trouve à mi-c hemi n entre l
a s omn olenc e
et l’ét
at de v eille .
Grâce
au dédoublement propre aux images oniriques ce tu peut devenir indifférent et cette
distance froide par rapport à la souffrance se révèle être la pire des tortures :
« …. Tu n’es plus qu’ un œil,
un œi l
imme ns e
et fixe,
qu i
voit t
ou t
, a ussi bie n
ton c
or ps a f
falé qu e
toi,
re gardé ,
re ga
rda nt
c omme s’il
éta i
t complètement retourné dans
son orbi t
e et
qu i te con templ ait s a
ns rien dire,
toi, l’intérieur de
toi,
l
’in t
ér ieu r noir,
vide …e ffrayé, i
mpu iss
a nt de toi.» (PEREC, ibid : 247.)
La deuxième partie du roman qui comporte cinq chapitre se précipite vers le
retour inévitable à la vie quotidienne et cette panique du tu est déclenchée par le
ca uch ema r de l’œi l
.L’angoi sse de vi
en t
le mot d’or dre et c e
tte
a ngoisse es t
f ac i
le me nt
repérée sur les visages des semblables qui traînent comme le protagoniste et portent le
fardeau de leur misère et de leur solitude dans le rues.
« …. Tu tr
aîne s
ma is l
a
f oule
n e t
e porte
plus, la nu i
t ne te
protèg e pl u s…. .Tu
traines da ns la v il
le fos si
le…t u tr
aine s
da ns l
a v ille mor te…c omme un pr ison nier,
comme un fou da ns s a c ellule. Comme un rat da ns le dé dale che rc
h a nt l ’i
ss ue. »
(PEREC, ibid : 286.)
Ma is l’ i
soleme nt n’ est pa s dé fi
ni ti
f e t c ette dé penda nce du mon de e st
an non cée par la fasci
na tion et l’irr
itati
on qu i
exe rcen t
sur le person nag e les bruits
produits par son voisin. On revient au thème du puzzle et le personnage revient à la vie,
ce tu d’ Un homme qui
dor t, devient il dans La vie mode d’empl oi
et Perec y reprend
l’histoire du j
eu ne
homme - la pièce manquante du puzzle - « il tomba alors dans une
sor t
e de ne ur
asth énie,
un e létharg ie
singu l
ière …pa s sant des j
ou r
n ées
en t
ière s à faire
de s
réussites ou à laver trois de ses quatre paires de chaussettes ou une de ses trois chemises
dans une bassine de matière plastique rose ». En revenant à Un homme qui dort la fin
143
du roman annonce la chute du protagoniste et la victoire du monde ; il
n’ est
plus
e nf
ermé
da ns l
’espa ce pr ivilégié
de sa chambr e, i
l ne plonge
plu s
dans l
e rêve ou
dan s l
e
sommeil, il se réveille et reconnaît sa défaite :
« Non . Tu n’e s pl us l
e ma îtr
e an ony me du mon de, celui
pou r qui l’hi
stoire
n ’
av ait
pa s de pris
e , celu i
qui ne
s entai
t pa s la pluie tombe r,
qu i
n e
voy ait
pa s l
a nu i
t
v eni
r. Tu n’es
plus l’ina cce s
sibl
e…l e trans pa ren t
. Tu as
peur, tu at
tends. Tu att
e nds
place Clichy que la pluie cesse de tomber » (PEREC, op. cit: 304.)
Le r
éc i
t s
imu ltan é, t
émoi gn ant
d’ un présent qui
r enforce l’
idée de traînage et
de vide, la narration confiée à un énonciateur non représenté et anonyme, ce tu en
permanent état de v e il
le e t
de s
omn olence re t
r ac ent
et soul
ign en t
l
e contour d’un
mon de
sans perspe ct
ive, abs urde e t
alié
né . D’aut re pa r
t, l
a prat
ique iner
textuell
e
pr ojet
te les
significations du texte perecquien au-delà de ses frontières, dans un monde à double
dimension : celui de la duplicité et de la polyphonie : « c ett
e duplic
ité d’objet peut se
figure r
pa r l
a
v i
eill
e i
ma g e du pali
mps est
e où l’on
voit sur
le mê me parch e
mi n, un t
e xte
se su perpos er
à
un a utre qu ’
il n
e dissi
mu le pa s t
ou t à f
a it
ma is qu’i
l laiss
e voir
par
transparence. » (GENETTE, 1982 : 520.)
BIBLIOGRAPHIE
Burgelin, Claude, Georges Perec, Paris, Seuil, 1988
Descartes, Méditations, Paris, Minuit, 1967
Genette, Gérard, Figures III. Discours du récit, Paris, Ed. Du Seuil, 1972
Genette, Gérard, Palimpsestes, Paris, Ed. Du Seuil, 1982
Goga, Yvonne, « Pour une rhétorique précisément onirique », in Casa cartii de Stiinta (ed.),
Georges Perec, inventivité et postérité, Cluj- Napoca, Université Babes-Bolyai, 2004
Lintvelt, Jaap, Essai de typlogie narrative, Le point de vue, Paris, Librairie José Corti, 1981
Magné, Bernard, Georges Perec, Paris, Nathan, 1999
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Van Montfrans, Manet, Georges Perec, La contrainte du réel, Amsterdam- Atlanta, Editions
Rodopi, 1999
http://www.questia.com
144
POÉSIE ET PSYCHANALYSE –MON RÊVE FAMILIER
Corina-Amelia GEORGESCU
Résumé : Notre travail recourt aux notions de la psychanalyse pour tenter une nouvelle
interprétation de la poésie Mon Rêve familier de Verlaine. Inconscient, déplacement, figuration
ne sont que quelques-unes des clés utilisées pour la restitution de certains sens cachés aux
tréfonds d u text
e .
La démar che de type ps
y chanaly t
ique vise à ré
v él
er
l’i
de ntité de cell e
qui
pe uple
le rêve du poè t
e.
La l
ectur
e
rejoint l
’écrit
ur e
à la reche r
che de l
’inconsc ie
nt du texte.
I. Prémisses théoriques.
145
En psychanalyse, le rêve est considéré comme une forme de réalisation des
désirs inconscients. Le rêve serait une sorte de « soupape de sécurité » permettant à
l'Inconscient de s'exprimer sans déterminer des perturbations dans le psychisme de
l'individu. Selon Freud, l'interprétation du rêve est la voie royale qui mène à
l'inconscient. Ainsi, le rêve serait une fenêtre sur l'Inconscient permettant au rêveur de
procéder à son interprétation, soit seul (autoanalyse), soit moyennant une cure
psychanalytique (en présence d'un psychanalyste).
Dan s
la con c epti
on freudienne ,
l’analyse
de
tout
rêv e enregistre
de ux t
ype s
de
contenus : le contenu manifeste du rêve et le contenu latent. Le premier se rapporte à
tou t
c e
don t
celui
qu i
rêv e s
e sou vient
a u mome nt où i
l s
e réveill
e. C’ est
ce qu i
forme la
partie consciente du rêve. Les contenus manifestes sont lacunaires, dépourvus de
logique, neutres du point de vue affectif, car aucun sentiment du rêveur ne peut être
saisi. Le contenu latent du
rêv e
e st
celui qui se prê te à
l’
inte r
prétation psy chan alyti
qu e
et qui contient des « restes » diurnes ou des « restes » provenus des époques plus
éloigné es de l
’existe nce de l’individu.Il a des traits opposés au contenu manifeste,
n ’aya nt
pas de lacun es, étant logique et surtout représentatif pour la vie affective de la
personne en question.
Le travail de rêve emploie plusieurs moyens parmi lesquels on p eut
mentionner : la condensation, le déplacement, la figuration, la symbolisation et
l’ él
abor at
ion seconda i
re ,
don t
la plupart
se
retrouv en t
dans l
e t
exte qu e
n ous soume t
tons
à l
’an al
yse.
L’ i
dé e d’appro cher l
a poé sie
de
Ve rlaine
pa r
l ’
in t
e rmé diaire de
la psyc hanal
y se
nous est venue en lisant plusieurs fois le premier vers : Je fais souvent ce rêve étrange et
pénétrant. Il y a deux éléments qui ont attiré notre attention : le nom rêve e t l’adj
ectif
pénétrant. Pour ce qui est du premier, il appartient au champ de la psychanalyse et cela
est une question indiscutable. Quant au second, ses liens avec le domaine mentionné ne
sont au contraire pas du tout évidents. Selon Le Petit Robert, le mot pénétrant a, parmi
d’a ut
r es,
deux sensqui nous intéressent : 1. « qui procure une sensation, une impression
puissante », synonyme de « fort » ; 2.
«qui pénètre dans la compréhension des choses »,
synonyme de « aigu, clairvoyant, perspicace, profond ». (Nous mentionnons)
Remarquons que les deux sens sont attestés respectivement dès les XVIe et XVIIe
siècles. En se demandant laquelle des deux acceptions serait la plus appropriée au
con texte,
l
e c hercheur es
t mi s en difficulté.
En fait
, c ’
e st justeme n t
l
a polysé miequi
attire l’at
tent i
on ,
s’agi s
san t
e n mê me temps d’ un r êv e c apa ble de p rovo quer un e
sens ati
on et
un e impr essi
on forte,
ma is aussi d’un r
êv e «profond ». Cette profondeur,
asse z ambigu ë, à
premi ère vue,
pour rait t
rès bien r
e nvoy er au x profon deurs de l’es
pri
t et
à l’incons ci
e nt.
Il s
’ag it
d’un r
ê ve qui aide le poè te
à co mpr e n
dr e cer
tains
as pect
s ou
d’un rê v
e qu i
é clai
re c ertains élé me n t
s in a
c ceptable s pou r le con s
c i
e nt,
ma i
s qu e
l’incon sci
e nt
r
é ussi
t à
dé gu i
ser sou s c
e t
te forme .
En ou tre, ce ve r
s q ui
ouv re
l e
poème
place la subjectivité à la première place si on tient compte de la position du pronom
personnel « je » .
La
su bjecti
v i
té va assez
souv ent de pa ir ave c l
’incon s
cie nt
s’opposa nt
à l’objectivi
té
qui
pou r
r ai
t êt
re
rattac hée au
cons ci
e nt
qui cen su r
e .
Le
recour s
au
prés
e nt
(qu i
d’a i
lleurs domi ne la
poé sie) ass ocié à l
’adv erbe «souvent » suggère une répétition
presque obsessive du rêve en question, répétition soutenue, au niveau phonique, par
l’i
té r
a t
ion de la voy elle na sale [ ã] pou r
l ’arti
cu lati
on de la quel
le l’air passe
146
simultanément par la bouche et par le nez, avec un certain resserrement au fond de la
gorge. Le son même semble se former dans les profondeurs de la gorge, imitant la
genèse du
rêve qui prend nai
ssan ce
da n s
l’
in conscie
nt.
Dè s
le
deu xième
vers,
le récit
du
rêv e
s’off
re au lecteur :
147
« The first thing that becomes clear to the investigator when he compares the
dream-content with the dream-thoughts is that a tremendous work of condensation has
been accomplished. The dream is meagre, paltry and laconic in comparison with the
range and copiousness of the dream-thoughts. The dream, when written down fills half a
pa ge ;
the analy s
is,
whi ch contains the dream-thoughts, requires six, eight, twelve times
as mu ch
s pace. The
r atio va r
ies with
differe
n t
dreams ;
bu t
in my
expe rienc e it
is
always
of the same order.» (FREUD, 1997: 170-171)
Cette condensation semble agir également sur le jeu de la rime du deuxième et
du troisième vers. Le signifiant identique crée une homophonie parfaite : m’ aime/même
é seau du texte se révè le beaucoup pl us ri
c h e qu’on ne l
’av ait pensé : l
e
rappr oche me nt s
e laiss e dev i
ne r
, i
l s’agit
donc d’un même
amou r
et pour qu oi pas,
d’une
même figure féminine. La rime fait sentir ses effets en rapprochant les mots pénétrant et
comprend, non pas uniquement par la finale phonique en [ã], mais aussi par le sens, les
1
deux se rapportant pl u s ou moi ns direc t
eme nt
à l’esprit . Ce jeu
de s ri
me s n’est
pa s
un
fait isolé, par contre il se répète dans la première strophe ( transparent/pleurant) et dans
le dernier tercet (statues/tues) .
La particul
arit
é éton nante consist
e da ns
le fait
qu’il
y a
certains liens au niveau du sens qui permettent de rapprocher les deux mots à finale
phonique identique. Le verbe pleurer renvoie aux larmes qui sont transparentes.
Similairement, les statues sont immobiles et silencieuses, donc elles se taisent (se sont
tues).
La deuxième strophe est centrée sur les capacités affectives de la femme
mentionnée dans la première strophe. Elle semble omniprésente dans le discours du
poète et dans son imagination. La répétition du pronom elle dans chaque vers, soulignée
pa r l’ajou t de l
’adje c t
ifseule (elle seule) e t
l’e mplacement de ce pronom dans la
première partie de chaque vers sont des manières de décrire et de délimiter un espace
imaginaire qui se resserre autour de la femme :
Il
est intéressant
de
re ma rque r
qu e l
’argume ntation se
dé veloppe moy enna nt
le
connecteur logique car et non pas parce que, fait
qu i
por t
e toujou rs l
’empr e i
n t
e d ’
un e
subjectivité visible du locuteur, si on tient compte des études qui distinguent les deux :
« On observe, en effet, une tendance significative pour parce que à exprimer
des relations causales à IdL2 moins élèvées [...], alors que car exprime des relations plus
subjectives, y compris des relations interactionnelles. » (DEGAND, FAGARD, 2008 :
119-136)
Cette strophe j
oue
sur l
e mé lang e d’amou r
e t
de compr éhe ns i
on,
du spirituel e
t
du physique. La compréhension sert à déchiffrer les secrets du coeur du poète qui
s’ouv re e t
s’of f
re à l
a femme a ve c tout ce
qu’ i
l pou r
ra i
t cache r.
Cett
e t
r anspa rence
mon t
re ,
en
effe t
, la c
a pacit
é
de la femme à c
ompr en dre t
ou t
ce qu i
s e
passe dan s
l’âme
du
poè te e t
d’y l
ire comme da ns un livre ouv ert
.
Ce la n’est
pa s t
ou t
.Elle est celle qui
réussit à le calmer, à améliorer son état psychique et physique. Elle est celle qui est
aupr ès de lui
lorsqu’ i
l est
en éta t
de
ma laise (
les moiteurs de mon front blême) et elle est
1
Voir notre explication concernant les deux acceptions du mot pénétrant.
2
Implication du locuteur.
148
tellement tendre et préoccupée par son bien-ê tre qu ’
e ll
e rafraîchit le front avec ses
larme s. L’ i
ma ge es t
ce ll
e d’un e f
e mme con solatri
ce e
t attentive à tous les détails,
a pte
de se sacrifier elle-même à tout instant.
Au nive au ph onique , i
l
faudr a
pren dre
en considé r
ation qu elqu es
aspe cts ;
ce t
te
strophe (v1, v3) , comme d’ailleurs l
a
premi ère
(v2, v3, v4) et l
e de rnier t
er cet
(v 1, v2)
se caractérisent par des allitérations en m et s, mais aussi par un important nombre de
consonnes liquides. Le silence évoqué par la consonne s est une sorte de fond sur lequel
le s ouve nir s’i
mpr ime ;
les liquides, à
l
e ur tour, peuv ent deve ni
r les ma rqu es d’un e
affectivité assez grave, recréée sur une toile peinte avec les couleurs de la tristesse et de
la mélancolie, sentiments alimentés par le resurgissement des souvenirs des temps
passés. Il y a pourtant une répétition/allitération assez étrange de la consonne nasale m.
Son t
rait principa l,
sa n asal
ité ,
contribue à l’atmos phère
tri
ste du poè me ,
ma is
il est à
remarquer que la consonne m apparaît dans certains mots-clés du poème : femme,
j’aime ,
mê me ,
mon, moi teurs, bl
ê me. C’est ce t
te r
e ma r
qu e qu i
nous con duit à che r
c her
d’ autres explica ti
on s pou r c
e tte
alli
térati
on . Pou r
l’inst
a nt
nou s revien drons
à l
’adje cti
f
seule, qu i,
qu an t
à l
ui, n’acqui ert
pas
uniqu eme n t
un e
fon ct
ion emph ati
que ; il
ma rqu e
ég aleme nt l’unic i
té de la
pers onne .
On pe ut légit
ime me nt se dema n der qui pou rrait
ê t
re
ce tt
e
femme un ique ,
ca pable de
l’
a i
me r
e t
de
le consoler à t
ou t
instan t
.
Le
pr emi er t
e rcet
ne nous aide
pa s du
tout à l
eve r
l’
a mbi guïté, car
il revient sur
l’inc e
rti
tu de sou s l
a
for me
d’un e i
n t
erroga t
ion :
L’hé s i
tat
ion et l
’in capacit
é de dé ci
de r si
c el
le qu i
l’aima it é
taitune femme
brune, blonde ou rousse semble assez étrange pour un homme qui aime tant et qui est
tant
a i
mé . Cela ne peu t
s ’explique r
qu e
p ar
les ma nifestations du
r êve.
Il s’agit
,
enc ore
un e
fois ,
d’ une s
orte de su perpos i
tion des imag e s
de
plu sieurs f
e mme s ou de ce que la
psych an alyse a ppe ll
e c on dens at
ion .
L’ oscil
lation qu ant à la c ou le
ur de s
c heveux,
ajoutée au verbe ignorer marque le contenu manifeste du rêve, contenu qui est toujours
lacunaire, dépourvu de logique. Cette image visuelle relève également de la figuration
car l
’inc ons cie nt
ne
pe u t f
a ir
e
pa ss
e r un contenu
da ns l
e rêve qu e sou s
forme
visuell
e .
C’ es
t pa r
c ela que s’ex pliqu e l
’appa rit
ion des
adj ecti
fs
brune, blonde ou rousse.
A pa rt
c e re surgisse men t
d’u ne i
ma g e vi
s uelle, on r
e ma rque l
a suggestion
d’une
ima ge
a uditive ;
il s’agit
du nom de
cette femme . Nou s nou s y att
a rderons
pou r
souligne r que le
nom est le premi er i
n dice
de l’identit
é d’u ne per sonn e,
celui par
lequel
la personne en question se distingue des autres personnes. Pour identifier ses
caractéristiques, le poète doit se rapporter à une époque passée de son existence, car le
souvenir est celui qui relie présent et passé en les plaçant simultanément dans le creuset
de
l’espr it
. Il es
t à
r ema rqu er qu e ce qui reste
dan s le s ouven ir n’est
pa sle nom à
proprement parler, mais la forme sonore de celui-c i ou, e n d’au t
r e
s t
erme s, le
rêve se
manifeste par le signifiant, son signifié étant révélé par le travail herméneutique. La
description de cette figure féminine vague, envisagée par le poète, se poursuit dans le
dernier tercet :
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
149
Le procédé par lequel ce portrait se dessine est le déplacement, dans le s ens
psychanalytique du terme :
« That which is obviously the essential content of the dream-thoughts need not
be represented at all in the dream. The dream is [...] centred elsewhere; its
con t
e nt i
s
arranged about elements which do not constitute the central point of the dream thoughts.
[...] The process that we here assume to be operative is actually the most important part
of th e
drea m wor k ;
it ma y fi
tly be called dream-displacement. » (FREUD, 1997: 190-
193)
L’ attention
du rêveur
et, à tr
av ers celui
-ci, l’at
tention du lecteu r,
est
dé t
ou rnée
de la figure réelle qui domine le rêve, vers une figure incertaine constituée à partir des
variables appartenant aux diverses autres figures avec lesquelles le rêveur est entré en
contact au long de sa vie. Le nom dont il se rappelle les sonorités lui évoque les noms
des aimés que la vie exila. Cet exil dû aux différents événements de la vie marque en
fa it une sépa rati
on dé fi
n i
tive,
un amou r impos si
ble . En
fait,
l’
ide n ti
fication par l
e nom
s’a c complit e n rappor t
a vec cetamour impossible. A la prononciation de ce nom, tout
por te l
’empr einte de l
’amou r,
de l
a tendre s
se
ma is aussi
de la doule ur provoqu ée
par
cette séparation imposée par la vie.
Le s deux de rniers t
e r
c ets se rema rque nt
pa r l
es analog ies qu ’il
s impo se nt
:
l’a na l
ogie en tre
le nom de
la
femme et
les noms des ai
mé s, l’
an a l
ogi e entre l
e regard de
la femme
e t celui des statues, ains i
que l’analogie e ntre
la voix de la femme et
les voix
chères qui se sont tues.
Ju squ’ à l
a f
in du poème l’
esqu isse
du por trait
est déjà tracée : chevelure, nom,
re g ard et
v oix ,
ima ge s
v isuel
l e
s et auditives qui s’y j
oigne nt
pou r rec r
ée r
u
n sou v e
n i
r
lon gtemps
c ouv ert par l
a
pou ssi
è re
de l
’ou bli.
Tou t
e st
un e
a valan che de
s ensat
ions.
Le regard immobile semblable aux regards des statues paraî t fixé sur un certain
poi nt s
e trou va nt
da ns l’incapac ité de se détourn e
r ou d’être dé tou r
n é. Le souv enir es
t
complet avec la mention de la voix calme et grave. A part ces deux attributs, elle en
possède un autre (lointaine) qui semble vague car on ne peut sav oir s’i
l s’agit
d’un
éloignement spatial ou temporel. Le seul verbe au passé composé de toute la poésie
(L'inflexion des voix chères qui se sont tues) sug gèr e
un
silence qui s’est
instauré sans
au c un e
pos sibili
té d’ê t
re su r
mon té,
fait
su ggéré par l’aspect accompli du verbe. Il y a, à
u n certa
in n ive au, un pa radox e
: comme n t
« écou ter » l’
inflexi on d’ une voix
qu i s’es
t
tu e ?
Cela n ’est
pos sible qu e
mé ta phoriqu eme nt
ou à tr
avers
le souv en ir
ou le r
êv e,
ma is
pourquoi ce silence éternel ? On associe, dans le même tercet, deux éléments qui
re n voient
in év i
table me nt à l
’idée de mo rt
: l
e regar d immobi le
s embl able au r
eg ard des
statues et les voix qui se sont tues. Une des caractéristiques du regard est justement sa
mobi li
té,
sa capa cité de s e
dirig er d’un obje t
à l’a utre,
d’u ne pe rsonn e à l
’autr
e ;
les
choses vont de même pour la voix: la sonorité, sa capacité de se faire entendre, est
es se nti
ell
e ,
or, dan s le tercet
, re gard et v oi
x s
on t dé pourvu s d’ essen ce, anéanti
s dans
leur forme, tout comme dans leur contenu.
Ces détails conduisent à une interprétation différente de tous les points de vue
de cell
e qu e la poé si
e
pou r
rait laisser dev i
ne r
à un e premi èr
e l
ec t
u re : i
l s’agit
donc
d’ un e femme qui e st
mor te de pu i
s l ong t
emps . Nou s pou rrion s a i
ns i
e xpliquer
L'inflexion des voix chères qui se sont tues et [le] regard [...] pareil au regard des
statues. De plu s
, le taux d’af
f e
c tivité
(voix chères) augme nt e l
or squ e l’on pens e
à une
pe r sonne qu i n’est
plus .
Nous ne pouvons conclure sans tenter une explication du titre. Mon Rêve
familier semble un titre clair, sans aucune équivoque. Pourtant nous aimerions faire
quelques précisions. Le titre est celui qui établit le cadre du poème et définit les axes
150
d’interprétat
ion de celui-ci. Le Petit Robert expl i
qu e l
’a dject
if familier, en établissant
plusieurs acceptions dont nous ne retenons que les deux premières : 1. « qui est
considéré comme faisant partie de la famille » ; 2. «qui est bien connu ; dont on a
l’expérience ha bitue l
le.» Le rêve du poète fait partie de ces rêves que l ’on fai
t
souv e
nt,
qui se réi
tèrent et
a ux que l
s on
s’acc outume à
un mome nt
don né.
La ré pétition
d’un rêv e
,
même avec des variations légères, montre une certaine obsession par rapport au sujet du
rêve, ou en ce qui nous concerne, par rapport au personnage qu i l’ha bi
te .
L’autr
e
s ens
du mot familier ren voie ou fai
t
pe nser à quelqu’ un
ou
qu elque ch ose qu e l’on cons i
dè re
comme
faisant pa rtie de la famille. I
l s ’agit
don c i
ci d’un e
femme se t
rouv ant
dans un
rapport assez étroit avec le poète et qui, selon les indices du dernier tercet, est morte.
III. Conclusions
Ce
qu i
vient de l
’inconscient,
ce qu i
y est
repou ssé
par la c ensu r
e, c’e s
t certes
un rêve qui envisage le lien affectif entre Verlaine et sa mère, avec laquelle il a passé
quelque temps après la mort de son père. Cela explique le fait que la femme est celle qui
aime le pl us c ar l’amou r ma ternel
n’a pas de
limites,
c ’est
un amou r
qu i
n’ attend ri
e n,
pas même la réciprocité ; la mè r
e
est la f
e mme qui
, da ns son a mou r i
nfin i,
pe ut t
out
comprendre. Elle est ce ll
e qui vei
lle l
e fr
on t blême
de l’e nfant
et qui e
s t
capa ble de t
out
sac r
ifice . Elle es t
l’a ma nte et l
a f
emme qu i console ; c’es
t son s ouve nir lointain
et
profond et sa figure qui se dessinent et se dégagent. En jouant tant de rôles dans la vie
de son enfant, celui-ci ne sait plus de laquelle des figures il se souvient. La Mère est une
femme comme les autres, mais elle réunit tout ce que les autres lui ont offert. Elle se
cache sous les figures des autres femmes car elle est toutes ces femmes et encore plus.
Elle est celle dont on se rappelle les cheveux, le son de la voix et le regard. Pourquoi
l’oubli a pp aren t
du nom ?
Pa rce
que
le nom n e
compt e pa s.
Ell
e n’ est appelé e
qu e Mè re.
Voi ci l
’ ex plication
pou r
la
présence répétée dela consonne m.
Cette Mère absente lui manque tellement ; i l a
la con scie nce de cet amour
impos sibl e
ca r il
a
été séparé par
la mor t
de cell
e
qu i
l
’ a ime
infi
n ime n t
. Il
a ess ayé de l
a
retrouver dans chacune des femmes qui sont passées par sa vie, mais en vain. Cette
recherche perpétuelle , qui n’abou t
it
à aucu n résul
tat é branle t
ou te sa vie ,
toute s
s es
pe nsées e t
t ous s es s ent
ime nts et de vien t
un e sor te d’obs ession qu i s urgit pa r
l’intermé diaire d’ un rê ve r
é pété.
Le moi
d u
r êveur es
t à la rec
h erche d’un temps
e t
d’un
bonheur perdus, se trouv ant
da ns l
’impos sibil
ité de l
e s retr
ou ver au treme nt qu e par le
rêve et ... par le texte.
Cette recherche correspond à la distinction faite en psychanalyse entre le
1
princ i
pe de pla isir
(l’e nfance) et
le
principe de
ré al
it
é (la maturité), car cette recherche
infinie est, en effet, la recherche du plaisir. Une fois le plaisir disparu, le principe de
réalité i n ter
v ien t,
ma is l’in
c onsci
e nt
r ede man dera l a recherc he du pl aisir.
Not r
e
démarche ne pourrait être complète sans dé-couvrir les ressorts que la poésie met en
ma rch e de l’
a utre
côté du
texte,
chez l
e
lecteur.
« La participation re-pr ésente l’
incon scient
du lecteur
et pe rme t l
a restaurat
ion
du plaisir, non plus cette fois dans le rêve, mais dans la lecture. Comme toute activité
culturelle, la lecture est sublimation. » (LE GALLET, 1977 : 135)
1
L’ oppos iti
on entre l
e princi
pe
de plaisir
et
le
principe de réalité est proposée par Freud dans S.
Freud, Pulsions et destins des pulsions in Revue française de psychanalyse, Paris, PUF, 1963, ix,
no. 1, pp 22-116
151
Tout critique est, avant tout, un lecteur. Tout texte est une sorte de rêve, tout
comme le rêve est une sorte de texte. Celui qui écrit et celui qui lit sont à la recherche
du pla i
s i
r du texte c ar c ’es
t par et dan s le t
exte qu’ils se re t
r ouve nt.
La déma rche
psychanalytique, peut-ê t
r e pl
us que t
ou te autre déma rche, n’est
qu e
la ma in inv i
sible
qui
déchire le texte pour restituer aux lecteurs la subjectivité du texte, ainsi que la leur, dans
des pièces avec lesquelles la lecture édifiera un puzzle particulier qui, quelle que soit la
manière de placer les pièces, ne sera jamais mal fait.
BIBLIOGRAPHIE
Bellemin-Noël, Jean, Ve rs
l’inconsci
e nt
du
te xte, PUF, 1996
Degand, Liesbeth, Fagard, Benjamin, Intersubjectification des connecteurs : le cas de car et parce
que in Revista de Estudos Linguísticos da Universidade do Porto, vol. 3, 2008
Freud, Sigmund, Pulsions et destines des pulsions in Revue française de psychanalyse, Paris,
PUF, 1963, ix, no. 1
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Laplanche, J., Pontalis, J.B., Vocabulaire de la psychanalyse, P.U.F., Paris, 1967
Le Gallet, Jean, Psychanalyse et langage littéraire, Nathan, 1977
152
MAIGRET, UN BON « CRIMINOLOGUE »
Melania-Georgiana G
153
Le commissaire Maigret, personnage introduit dans la littérature française en
1931 par les romans de Georges Simenon, chef de la brigade spéciale du Quai des
Or fèvre s, n’est
pas un e n quê te ur tou t à fait ordi n aire, pa rce qu ’i
l ne lu i suffit
pas
de
dé couv rir
ou
d’iden tif
ier un c ou pa ble . L’ enqu ête pol ici
è re proprement dite, la recherche
du cou pabl e,
compt e
moi n s à s es y eux qu e la dé c ou verte d’ un un i
v er
s . Comme l’
a dit
Georges Simenon, il « n’ a pa s un c ompor te me nt de f
lic» ; d’a i
lleur s il
es
t devenu
pol ici
er pa r has ard, pu is qu’ il a d’ a bor d e n tre pr is de s é tude s de mé de cine qu’ il
a
abandonnées à la mort de son père.
Pou r
r ésou dre s es e nqu ê t
e s, i l n’ u tilise pa s le s mé t
h odes d’ investigati
on
scie nt
ifiqu es, en pa rtant de bou ts d’a llume ttes , de mont res a rr
ê tée s
à
l’ he ure du cri
me ,
de lambeaux de tissu découverts dans la main de la victime, indices qui, correctement
inte r
pré tés peuv ent con du ire à l’ide n tifi
c ation du c ou pabl e. Sa
te chn i
qu e d’ i
nv estigat
ion
est f on dée s ur la c ompr é he ns ion de l a pe rsonn alit
é de s c ri
mi ne ls; c omme un
criminologue, il essaie de remonter aux origines, parfois lointaines, de la crise qui a
affe ct
é l eu r des t
iné e. Ma i
s i l n e f au t pa s c ompr endr e qu ’il e st
impe rméa ble aux
techniques de la police scientifique. Parfois il attend même avec impatience les
conclusions du médecin légiste, incarné le plus souvent par le célèbre docteur Paul,
pré sent da ns tr
e nte trois e nqu ê tes e t
il fré qu en te le s labor atoi r
es de
l’Ide n tit
é
Ju dici
air
e
où l’
inspe c t
e ur
Jose ph
Moe rs re pr ésen te pou r lui un
pr écieux adj uv ant.
Par rapport aux autres détectives qui considère que leur tâche est accomplie
s’ils
réus sissent à me t
tre la
ma in su r
l’é pa ule de l
’ assa s
s i
n , en
di sant c’e st lui,
pa rce
que
tous les indices le désigne, le commissaire Maigret se pose toujours la question
pourquoi lui est pas un autre. Chez lui, les deux questions comment et qui ne suscitent
pa s d’intérê t;
c ’est le pou r
qu oi qu i
l’i
n tére sse : pou rquo i ce crime e s
t -t-il son crime ?
Pourquoi a-t-il tué ? De quelle fracture intime le meurtre est-t-il le symptôme ? Il
n’est
pa s i
n t
é ressé
par
l’empl oi du te mps du su spe ct le jour du crime, mais de son passé, des
de rniers év éneme n t
s s
u sc eptibl es d’ av oir bou lev er sé ses ha bitude s .
Ai n s
i,
pou r l
u i
, c haqu e e nqu ê te n e re pré se nte qu’ un e oc cas i
on de s
e
me tt
re
au
dia pason d’un e destiné e, d’e ntre r à l’in térieu r d’ un dra me . Il con sidère que le noyau se
trou ve da ns l
e pa ssé
et c’est pou rqu oi il pr en d la mi s
s i
on de f aire sur gir l
e pa ssé,
de
me tt
re à nu les
refoul eme n t
s et les bless ure s du c rimi nel, d’ abol ir l
es fron tière
s
e ntr
e l
e
dedans et le dehors, pour réussir à identifier le secret caché dans la conscience du
meurtrier. « Au cou r
s de s es e n qu êtes ,
Ma i gre t s ’
introdu it
da ns le t ou rniqu et
des
identités, dans le mystère des identités » (DUBOIS, 1992: 171).
Selon la criminologie, il y a deux types de délinquants : délinquants
d’oc cas i
on e t
dé lin quan ts h a bitu els. Le s dé lin qu a nts
d’ oc casion son t de s in divi
dus
adaptés du point de vue social, qui, en général, ont un comportement conforme aux
règles légales, mais qui, à la suite « d’ un c on cou rs pa rt
ic ulier de c i
rcons tance
s
extérieures criminogènes, ne trouvent plus en eux la force de maîtriser le surcroît de
pulsion qui les anime alors » (GASSIN, 2003: 489).
Le s dé li
n qu ant s d’ h abi tude , s on t, a u c on t
ra i
re ,
«des inadaptés sociaux »
(GASSI N, 200 3: 4 90), de s
in div idu s qu i réa gis se nt pa r
v oie d’ opposition au milieu
soc ial
, leurs
délits
s ont de s ac t
e s de compe n sation d’indiv idus r
é v oltés
ou ble ss
é s.
Dans les romans de Georges Simenon, les criminels sont des délinquants
d’oc cas i
on , qui c omme tte nt de s c rime s pa r ce qu’ i
ls n e t rou ve nt plus u ne mé t
hode
d’é chappe r à l’étou ffeme nt e t i ls s e dé ba tten t e t tue nt. Vi ctime s et c ou pabl es
, le
s
criminels de Maigret sont des petits bourgeois, coincés dans les conventions, les
ha bitude s,
le
ma nqu e d’ arge nt , la v olon t
é de pa r aître et le drame vien t s ouve nt de l
a
tent a
tive
qu e
fait
l’un de ces h é ros mi sér able s p ou r sortir de sa con diti
on . Le
c r
ime es
t
154
ainsi une évasion, mais une évasion manquée, qui ne réussit jamais : « J ’a vais l’obs cur
sen time nt qu e t
rop de
g e ns n’é t
aient pa s
à leur plac e, qu’ i
ls s’ef for çaie nt de j
ouer un
rôle qu i
n ’éta i
t pas à leur t
aille et
qu e
, pa r consé que nt, la partie, pou r eux , était
p e rdue
d’a va nce» , dis ai
t
Ma igret pe nda nt
une de ses en quête s. C’ e
s t
pou rqu oi il
épr ouv e dans
bie n de s en qu êtes
u n e forme de compa s si
on pou r les
c rimi nels qu’ il arrête : « Pour moi,
vous restez un être humain. Ne comprenez-v ous pa s que c’est jus t
e me n t ce qu e j
e
cherche à faire jaillir chez vous : la petite étincelle humaine ? ».
C’ es t
pou rqu oi le
commi s s
aire Ma i
g r
e t
e ssaie d’e nt
r e
r
da n s
la pe au du su spe ct,
pour comprendre ses motivations, pour chercher ce qui le personnalise, la source de son
désespoir. Comme un bon criminologue il commence alors à sentir le coupable, à le
regarder comme un être qui reste avant tout un homme, avec ses souffrances et sa
dignité. Le rappor t qu ’i
l e nt
r eti
e nt
avec
le cou pabl e
re pos e sur
un e re l
a tion
d’ être
à être.
Bi en qu’i
l soit un
h omme
bour ru, capa ble de colè r
e ,
il est p ou rtan t
un homme
pla cide ,
s en sible et pa rfoi s
indu l
gen t
. Il
pos s
ède u ne s ens i
bilité qu i l
’ aide à sen tir l
es
êtres, à entr er dans leur pe a u. Il
mè ne ses enquê tes d’un pa s
le nt, a u r ythme des pipes
qu ’il fume , ma is
d’un e
ma nière ré
a l
ist
e ,
ren i
flant l’at
mos ph è
r e
e t
pr oc é da nt
p ar i
n tu iti
on
plu tôt que pa r dédu ction .
L’ in t
uiti
on
et sa force, la sympa thie son arme .
Pour lui , l ’ h
omme r este un my st
èr e, qu oi qu’ il a rrive e t
l e s mo des
d’a ppr éhe ns ion scie ntifi
qu e du r éel
«s ’av èr
e nt impu issants à r endr e c ompt e de s
frémissements intérieurs des êtres humains, à fortiori lorsque le crime les immerge dans
la réalité la plus crue » (A. BERTRAND, 1994: 50). « Voyez-vous, chacun de nous a sa
personnalité, son comportement, qui restent incompréhensibles » (SIMENON, 2003:
164.).
Le t ravail d’ un c ri
mi nolog ue c onn aît pl u si
e urs é tape s: le recueil
d’inf or ma tion s, l’ obs erv ation ,
l a c onv ersati
on ,
l ’
in terroga t
oi re , l a c on s
tru c ti
on
d’hy poth èse s, l eur v érifica ti
on ,
e tc.
Da ns l e dé rou leme nt de s es e nqu ête s, le
commissaire Maigret suit les mêmes étapes. Il réunit des indices, rassemble des
témoignages et tire des conclusions. Dans « Les Mémoires de Maigret », Georges
Simenon disait : « Da ns tous les cas,
i
l s’ag i
t de conn aît
r e
. Conn aître le mi lieu où l
e
c r
ime est commi s,
con na îtr
e le
g enre
de vie, l
es habitu de s
, les mœu rs ,
le s
ré action s des
gens qui y sont mêlés, victimes, coupables ou simples témoins. Entrer dans leur monde
sans étonnement, de plain-pied et en parler naturellement le langage ».
Pr éoc cupé pa r
le sor t
de ses
s embl ables ,
il
c roit qu’ i
l ex iste e ntre l’indiv idu e
t
son cadre de vie des liens qui peuvent justifier une existence et ses drames. Pour cela il
se rend sur place, il va voir les lieux, les renifler.
Comme un e épon g e ,
il
s ’
impr èg ne de l’atmos ph ère,
de s per son na ges e t des
éléments du drame. Transformé en éponge, il commence à absorber tous les indices
trouvés dans le milieu ambiant. « Da ns la pr emi ère é tape ,
c ’e st-à-dire quand il se
trouvait soudain face à face avec un milieu nouveau, avec des gens dont il ne savait
rien ,
on au rait dit
qu’ il
aspi rai
t ma chin aleme nt l
a v ie qu i l’
e ntou r ait e t
s ’
e n g on flai
t
comme une éponge » (SIMENON, 1985: 109-110).
Il
obs erve av ec attention les mi lieux s ociaux d’ où pr ov ie nn en t l
e s sus pe cts
,
pa rce que le mi l
ieu joue un rôle tr
ès impor tant dan s l’év oluti
on de la person na lité du
malfaiteur. Il est souvent dans des cafés, en train de boire, mais il observe, discute, pour
réussir à comprendre les dimensions, la psychologie des personnages à partir de leur
dime ns i
on s oc ial
e, de l
’ existe nce d’un mi lieu.
Le s
ex pé rienc e
s soc iales d’un e pe rsonn e
me t
te nt l
’a cc en t
sur sa
conf igu rati
on
ps ych ologiqu e,
mê me s
u r
s es ré actions corporelles,
indépendamment même de sa conscience ou de sa volonté. Par exemple, il regarde avec
a t
ten tion t
ous les dé tai
ls de la chambr e
d’ Ann a Gor sk i
n e: « On pouvait lire dans les
155
moindres objets, dans les taches du papier peint et du linge, même tou t
e l’histoire
d’ Ann a Gor ski n e» (SIMENON, 1970: 130).
Le mi lieu fa mi lial a a ussi s on rôle da ns l ’év olu t
ion de l ’i
ndi vidu. Il e s
t
in t
éres san t d’ ob s erver qu e les c rime s c ommi s da ns le
s pre mi e rs
Ma ig ret s
on t le
r ésultat
d’ une per tur ba tion
dans les re l
a tions familiales, entre les (ex)-conjoints (« Le charretier
de la Providence », « L’ ombr e ch i
n oi se»), les (ex)-amants (« Au Rendez-vous des
Terres Neuvas », « L’ Af f
a i
re Sa int-Fiacre »), entre les parents et les enfants (« Le Fou
de Begerac »), entre les beaux-frères et belles-s œu r
s («Un crime en Hollande »), entre
les frères (« Pietr-le-Letton ») ou entre les cousins (« Le Port des brumes »). La famille
jou e un rôl e ca pital
da n s la for ma t
ion de la
pe rson na l
ité du délinqu an t.
C’e st au foy er
familial que se forge da ns le s ann ées de l
’e nfan ce la struc ture
de la person na li
té de
l’en f
a nt.
Pa r
e xe mpl e,
da ns l
e roma n «Pietr-le-Letton », grâce à quelques photographies
ja unies, Ma ig ret ré
uss it à re mon te r
à l’e
nfa nce du
c ou pa ble et à c ompr en dr e
que le
crime a été le r ésult
at du compl exe d’ infér
ior it
é que le c ou pable a toujou rs entrete nu
vis-à-vis de son frère jumeau.
Dans « les Scrupules de Maigret », le suspect éprouve envers sa femme un
se nti
me nt d’ infé riori
té, a l
or s qu e
tel au tre s’efforc e
d’ ignor er qu’i
l es t mal assorti à son
épouse (« Maigret aux assises »).
Pou r obt enir pl u s d’ inf orma tions, Ma ig r
et u t
ilis e auss i
l a mé thode de la
conversation, méthode très importante dans la recherche criminologique. Comme un
bon criminologue, il est intéressé plus de regards et de physionomies que des paroles,
sou ve nt me ns ong è
res. I l pa ss e d’ un s u j
et à u n a utre , il pa r
le de s c h ose s
qu i
a ppare mme nt n’ on t
auc un l
ien av ec
la c onv ersation ,
ma is il le fai
t
pou r établir
le port rai
t
ps ych olog iqu e
du c
ou pa ble, mê me s
’ i
l n ég l
ige le s f
aits. La plus importante est la vérité
des faits, le sens du drame. Même si au début les criminels ne veulent pas participer à la
c onv ersat ion , ils se l
â ch en t
pr i
s e s
, va inc us,
sou la gés,
comme s’i
ls ne peuv ent ri
e n faire
contre ce chirurgien des âmes.
Durant la conversation, le regard est très important, il constitue un moyen
d’ obse rva tion huma ine , d’inv e stigation policière et
d’ int imidation ps ychol ogiqu e. Il
avait « un regard lourd, mais impénétrable qui le faisait passer auprès de certaines gens
pour un imbé cile .
Ca r c e rega rd ét
a it si st
a gn an t
qu’ il pa r
a i
ssai
t
v ide» (SIMENON,
1979: 117)
Il regarde avec attention le corps du coupable, pour établir son diagnostic
mor al. Le c or ps du ma lfaiteu r se défa it au fur et à me s ure de l
’enqu ête ,
sou s
l’
effet du
retour des vérités refoulées. La débâcle intérieure est identifiée grâce aux
tressailleme n t
s , a ux pâ leu rs s ou da i
n es , à l’appa r
iti
on de t i
c s
ou de taches roug e s:
« Crispations. Battements de cils. Gorgée de rhum » (SIMENON, 1970: 153).
« Re fle t de l’é tat d’ âme de s personnages, le corps trahit surtout la nature
profonde des individus » (BERTRAND, 1994: 79). Dans le roman Pietr-le-Letton,
Ma igre t
obs e rve penda nt
l’inter rog atoire l
’atti
tu de
de son interlocuteu r. «Tou t
à l’he ure
il avait à faire à un homme maître de l ui,
d’u ne in tellige nce aigu e ,
se r
v i
e pa r
u ne
v olonté pe u c ommune (…) Et s ouda in,
il n’ y ava it pl us qu’un t as de n erfs,
un e
marionnette aux ficelles affolées, un visage qui grimaçait blafard, avec, au milieu, des
yeux couleur de houle » (BERTRAND, 1994: 151).
Qu a nd il s’
est impr ég n é d’impr ess
ion s, d’ima ges et de ph ras es
pr on onc ées e
t
que tout se réduit à un petit secret insignifiant, mais aux conséquences dramatiques, le
c ommi ssa ire Ma ig r
et revi ent a u Qu ai de s
Or fèv res,
s’e nfe rme
en lui-même et entre en
régr ession ou e n t
rans es. Il s’a git de l’
étape de la c on stru ct
ion d’ hypo t
h èses et de
l’ident ifi
c a tion du cou pa ble. «Vé ri
ta ble délivran ce,
le r etou r à la c lart
é et à l’or dre
156
appa ra î
t g énéra l
eme nt sou s la forme d’un e recon stit
ution de s heures, de s j
ou rs,
des
années qui ont précédé la crise » (BERTRAND, 1994: 161).
A la fin
de son en qu êt
e il
se voit confron té au coupable ,
qu’il
libère du poi ds
de son passé ; il v
oi t
e n lui, sans doute ,
un homme ,
ma is sai
si dans
son env ironneme nt
psychologique, dans la complexité des circonstances aggravantes ou atténuantes.
Une autre tâche très importante du criminologue est la prévention du
phénomène criminel, pour limiter autant que possible, les occasions de commettre des
infractions. Maigret aussi, comme un bon « criminologue », un médecin des individus,
v eu t
préserv er l
a santé de la soc i
é té con t
re
ce ux qu i
la me nacen t
. Il
s’
a git
de
con si
dé rer
les coupables « comme des êtres qui existent et que, pour la santé de la société, par
sou ci de l’ordre
établi, i
l s’ agit
de mainte nir
,bon gré mal gré, dans certaines limites et
de punir quand ils la franchissent » (SIMENON, 1951: 200).
Ce c ontrôle de l ’ha rmon ie
s oc ial
e su ppos e l’éta
blisseme nt de di agnos t
ics
fiable s
et de trait
eme n ts
a ppr op r
ié s.
Le commi ssa i
re
Ma igret
pre nd la
mis si
on
d’ extirper
le ma l des pe rsonnes comme des g roupe s soc i
aux .
I l
s’agit
d’un
corps ma lade qu’ i
l faut
traiter,
afin
d’ enrayer l’infe ction e t
d’év i
ter l
a c
on t
a gi
on .
« Le
moi n’es t
pa s, seule me nt un e mé moi re, un emma gasineme nt de souv enirs
alliés au présent, mais un ens embl e d’insti
n cts, de tenda nces, de dé s
irs, qui ne sont
autres que sa constitution innée et acquise » , di sait
Ri bot da ns son œu v re «Les
Maladies de la personnalité » . C’ est
pou rquoi
le c ommi ssa i
re Ma igret
fait appe l
à son
flair légendaire qui le con du it
à déc ou vri
r la fissure qu i
a dé t
ermin é l’individu a
comme tt
r e un crime , un dé lit
, f i
ssur e qui rév èle l’homme de rr
ière les a ppare nces
sociales, les usages et les rites « Dans tous malfaiteur, dans tout bandit il y a un homme.
Mais il y a aussi un joue ur et c ’es
t l
u i
que
la police e s
t tenté de v
oi r,
c’es t
à lui,
g én é
raleme nt qu ’
e l
le s ’attaqu e» (SIMENON, 1970: 153). Maigret cherche, attend,
guette la fissure, le moment où « de rrière le jou eur appa ra
ît l’
h omme» (SIMENON,
1970: 153).
Le commissaire Maig ret est
un pe rs
on na ge
fort,
équili
bré ,
capable
de s
’ i
nv esti
r
sans réserve dans la mission de raccommodeur de destinés, qui suppose une réelle
dis pon i
bilité
à
a ut
rui pa r
l’é cou t
e ,
l’obs erva t
ion et la
pé nétrat
ion
ps yc
h ologiqu e.
BIBLIOGRAPHIE
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Dubois, Jacques, Le roman policier ou la modernité, Paris, Nathan, 1992
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Simenon, Georges, Pietr-le-Letton, Editions Rencontre Lausanne, Paris, 1970
Simenon, Georges, Un crime en Hollande, Presses de la Cité, Paris, 1979
157
CRÉATION, CIRCULATION, RÉSEAUX: LE RÔLE DES
ACADÉMIES DANS LA DIFFUSION DE LA LANGUE ET DES
SAVOIRS AU XVIIIe SIÈCLE
Jean-Pierre GRIMA
Université de Franche-Comté, France
Puisque nous sommes ici réunis pour nous interroger sur les liens que tissent
langue et identité, je vous convie à une excursion sur les sentiers de la diffusion du
savoir au siècle des Lumières. Plus exactement, il va s'agir de mettre en évidence
quelques lieux et quelques personnages afin de mieux comprendre comment les
Académies et les académiciens du XVIIIe siècle ont participé à ce mouvement
intellectuel que l'on nomme les Lumières et qui est sans nul doute constitutif de
l'identité française, tout comme il l'est également de l'identité européenne. La création
de l'Académie française date de 1635, et constitue le moment où s'institutionnalisent les
rencontres de Lettrés qui jusque là se réunissaient de manière informelle. En effet, c'est
chez Valentin Conrart que quelques écrivains ont pris leurs habitudes et tiennent
séances. Ami de Jean Chapelain et de Guez de Ba lzac, c’est che
z lu i
que
se
re
ncontren t
les hommes de lettres qui vont former le noyau de la future Académie française, à
savoir Antoine Godeau, Jean Ogier de Gombauld, Philippe Habert, Claude Malleville,
François Le Métel de Boisrobert, Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Nicolas Faret, Paul
Pellisson. Richelieu transformera alors en institution pérenne ce qui n'est qu'un rendez
vous informel. Évidemment, le geste du cardinal est éminemment politique: consacrer
c'est contrôler. En créant une institution et en lui consacrant des fonds propres on
s'assure du soutien des bons esprits du siècle. Comme l'écrit Marc Fumaroli: « Il y règne
un esprit de responsabilité qui y est neuf. Ces hommes se savent investis d'une tâche de
diplomatie historique d'intérêt national, et ils cherchent une formule capable de concilier
la tradition du Palais, celle de l'Église gallicane, et celle de la Cour. »
158
Qu'en est-il un siècle plus tard sous les Lumières? C'est à ce moment là que le
projet prend réellement corps, avec la parution d'un dictionnaire en 1694, puis tout au
long du siècle en 1718, 1740, 1762 et 1798. Le projet est donc avant tout normatif et
instructif: il s'agit de sélectionner parmi les différents usages de la langue ceux qui sont
licites, et rendre public ce choix pour le rendre effectif. Mais outre la justesse de la
langue, l'adéquation d'un terme à une situation, ou l'orthographe à privilégier,
l'académie se fait également le chantre d'une certaine idée du bon goût, de la belle
langue, du bien parler, de la rigueur et de l'ordre. Il ne faudrait donc pas voir en elle un
dispositif seulement technique ou techniciste. J'en veux pour preuve qu'elle accueille en
son sein des gens de plume d'horizon divers, pas seulement des poètes ou des
prosateurs, mais également des scientifiques dont la richesse de la langue fait honneur à
leur patrie. C'est ainsi que Buffon intégra l'Académie Française en 1753, alors même
qu'il faisait déjà partie de l'Académie des sciences depuis 1733. On a retenu sa célèbre
formule selon laquelle « le style est l'homme même », mais si l'on se donne la peine de
lire en entier le Discours sur le style qu'il prononça devant ses pairs on se rend compte
qu'il prône une véritable méthode, la nécessité de suivre un plan, car comme il l'écrit
lui-même:
« Ce pl
a n n'est pa s
encor e
le style, ma is i
l en est la base ;
il
le s outi
en t
, i
l le
di ri
g e, i
l rè gle s
on
mouv e me nt
et l
e
soume t à de s
lois; sans cela, le me i
l l
e ur
écrivain
s'égare ».
En définitive, le style n'est que l'ordre et le mouvement que l'on donne à ses
pensées.
On voit donc Buffon plaider en faveur d'un style élégant mais solidement
maîtrisé, sans fioriture inutile. On pourrait sans nul doute dire que par là se trouve défini
un certain esprit français, alliant rigueur et charme, que les institutions entendent donc
privilégier et diffuser. Si l'exemple de Buffon est éclairant, c'est qu'il est, comme bien
d'autres à son époque, à la croisée de plusieurs chemins, entre science et littérature, les
polygraphes ne manquant pas sous les Lumières.
Mais il est alors intéressant de se pencher non seulement sur la langue en tant
que support de normes et de contraintes, en tant qu'elle est circonscrite, analysée,
formalisée, mais aussi en tant qu'elle est instrument de diffusion, de mise en circulation,
véhicule d'information et de savoirs, d'idéologie, voire même modèle.
Dans un premier temps on suivra donc ici avec attention le parcours de l'un de
ces académiciens polygraphes du siècle des Lumières, Nicolas Fréret, académicien aux
fortunes diverses comme on le verra. Puis dans un deuxième temps on s'intéressera à la
langue française comme moyen de communication à l'échelle européenne, et à
l'Académie comme modèle susceptible d'imitation.
159
de s pr e mie r
s mé moi res qu’ i
l y lut é t
a i
t u n discours é rudit et critique i
n tit
u l
é Sur
l'origine des Francs (datant de 1714) où il soutenait que les Francs étaient une ligue de
tribu s origina ir
e du su d
de l’Al le
ma gne
e t
non une
n a
tion d’homme s libres originaire
d e
Gr è ce ou de Troi e,
qui auraient pré servé leur civil
isation i
ntacte a u cœu r
d’ un
pa ys
ba rba re. Indig né par ce
s opi ni
on s, l'
un de ses con f
rère s
, un autre
a ca démi ci
e n, l’
abbé
Ve rtot, s
’e mpr essa de
le
dé noncer comme diffamateur de la monarchie, en conséquence
de qu oi une
le t
tr
e
de cachet
l’en voy a
à la Bas t
ill
e pour six moi s.
On voit donc que l'Académie est un lieu normatif a bien des égards, pas
seulement sur la forme, mais aussi sur le fond, sur ce qu'il est licite de dire et ce qui ne
l'est pas. Or Nicolas Fréret heurte de plein front les habitudes de son époque
précisément en ce qu'il s'attache, dans ses divers travaux sur les civilisations anciennes,
à distinguer le mythe de la réalité. Dans la suite de ses travaux il saura se faire plus
sage, évitant l'affrontement avec le pouvoir en place. Ce qui lui réussit puisqu'il
deviendra secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et Belles Lettres. Pourtant
il ne renie pas ses appétits de vérité, puisqu'à la fin de sa vie on découvre quelques
manuscrits de sa main professant l'athéisme, qu'il faisait circuler à travers son cercle
d'amis le plus proche.
On y trouve une critique de l'idée de cause première, qui se nourrit tout à la
fois du scepticisme moderne pour ce qui est des limites des pouvoirs de la raison, que
du libertinage érudit pour ce qui est de la critique de l'instrumentalisation politique des
religions. On lit alors, dans sa Lettre de Thrasybule à Leucippe, les propos suivants:
« L'univers est un assemblage d'êtres différens qui agissent et réagissent
mut u el
leme nt et suc ces
sive me nt les un s sur le
s au t
re s
, c omme j
e l'ai dé jà
di t;
je n'y
dé cou v re de born es, ni
pa r son étendu e ni par sa du rée ;
j'
y aperçoi s
s euleme nt
un e
vicissitude et un passage continuel d'un état à l'autre, par rapport aux êtres particuliers
qu i pren nent success i
veme n t
diverses f
or mes nouve ll
es ; mais j
e n' y v ois
poin t
un e
Cause universelle distinguée de lui, qui lui donne l'existence et qui produise les
modifications des êtres particuliers qui le composent. Je crois même voir très
distinctement l'impossibilité d'une telle Cause ».
Sous sa plume se donne alors à lire un devenir perpétuel de la matière, un
néospinozisme auquel Diderot souscrira et qu'il diffusera dans Jacques le fataliste et son
maître. Les deux auteurs ont d'ailleurs ceci en commun d'avoir connu la bastille pour
leurs idées jugées trop subversives, et d'avoir choisi par la suite la circulation
clandestine de certains de leurs écrits pour éviter toute répression politique.
Le cas de Nicolas Fréret est alors symptomatique de la situation de bien des
intellectuels de l'époque: érudits et critiques, mais ayant goutés aux fers et à l'isolement
pénitentiaire, ils continuent sagement leur chemin sur des voies officielles, mais
dédoublent leurs activités par un réseau de circulation clandestine où ils se permettent
d'écrire ce que leur conscience leur dicte. On peut donc être tout à la fois académicien
c on nu et
r
e connu et dis
side nt
ma squé, œuv ra
n t
dan s l
'ombr e
. Te l
est l
a leçon que l'on
peut tirer du cas Fréret. On ne saurait donc trop vite opposer les circuits officiels de
production et de diffusion du savoir à ceux de la clandestinité et de la marginalité, car
parfois ce sont les mêmes acteurs qui y prennent part. Que l'on songe également à la
bienveillance de Malhesherbes à l'heure de publier des textes de la coterie
philosophique.
Ce statut d'apparence si singulier à première vue n'est donc pas si isolé dans le
siècle. A y regarder de près on voit même que la chose est plus courante qu'il n'y paraît.
Buffon lui-même adoptait ce double profil, académicien reconnu, respecté et
respectueux des convenances religieuses d'une part, et penseur matérialiste plaidant
160
cette cause d'autre part. Comme le rapporte Héraut de Séchelles dans sa Visite à Buffon,
celui-ci adopt ait du dehors les c
out ume s de
son pe uple ma is œuv rai
t dans se s a n a
lyses
en un sens contraire.
Je le cite: « J 'ai
touj ours eu la même a t
ten t
ion
da ns les livres;
je ne le s ai
f
ait
paraître que les uns après les autres, afin que les hommes ordinaires ne pussent pas
sais i
r l
a ch aîne de me s idée s .
J
'ai
toujours nommé
le c r
éateu r
; ma i
s il
n'y a qu' à ôt
er c
e
mot, et mettre mentalement à la place la puissance de la nature, qui résulte des deux
grandes lois, l'attraction et l'impulsion. Quand la Sorbonne m'a fait des chicanes, je n'ai
fait aucune difficulté de lui donner toutes les satisfactions qu'elle a pu désirer [...] Ceux
qui en agissent autrement sont des fous. Il ne faut jamais heurter de front, comme faisait
Voltaire, Diderot, Helvétius. »
C'est donc tout à la fois hors des Académies et en leur sein que se produisent
les savoirs les plus féconds du siècle, les analyses les plus érudites ou les hypothèses les
plus hardis. Certains académiciens n'hésitent donc pas à mener une double carrière de
front.
Mais parfois l'Académie sait adopter des positions plus radicales, ou plus
hétérodoxes, sans que ses académiciens ne le fassent en secret.
Circulations
161
Crusca pour la langue, modèle anglais de la Royal Society pour les sciences, les
académies françaises deviennent à leur tour un modèle exportable.
C'est que la langue française va constituer tout à la fois un port et un pont pour
les nombreux exilés qui ont du quitter la France après la révocation par Louis XIV de
l'Édit de Nantes en 1685, et après des persécutions qui commencèrent des 1680. Or ces
exilés protestants sont les premiers relais voire producteurs d'idées hétérodoxes ou
marginalisées. Un réseau se tisse donc qui maille bientôt la France, les Pays Bas,
l'Allemagne, et la Suisse romande, dont la République des Lettres de Pierre Bayle était
déjà un aperçu.
La révocation de l'Édit de Nantes est un moment crucial dans la circulation
étendue et accélérée des idées en Europe. Les réseaux de communication créés par les
huguenots du Refuge vont servir à la diffusion des manuscrits philosophiques
clandestins et à la publication clandestine des textes philosophiques. La clandestinité de
la diffusion exerce en effet une influence profonde sur le mode d'expression des idées
philosophiques. De même que les réformés dénoncent ouvertement les méfaits de
l'Ég lise catholiqu e ,
l es ph i
losoph es c l
andestins chang ent de po sture. J usqu’i
ci, la
stratégie discursive des « libertins érudits » avait été fondée sur le principe de
l'initiation: au petit cercle des amis philosophes l'audace d'une pensée radicale, à la foule
vulgaire le conformisme de formules passe-partout. Le libertin érudit avait conscience
d'appartenir à une élite et n'avait pas cherché à renverser cet ordre social qu'il tenait
pour nécessaire. Bayle, Shaftesbury, Toland, qui écrivent tous encore sous des régimes
de censure, sont les derniers à pratiquer cette forme de dissimulation. Désormais,
l'équivoque, le sous-entendu n'ont plus le même rôle: la clandestinité, l'anonymat
restreignent certes le cercle des lecteurs, mais ils mettent l'auteur à l'abri et encouragent
les audaces. Désormais, dans le manuscrit clandestin, on peut tout dire et tout
simplement. Dès lors, la bataille des Lumières ne sera plus une bataille proprement
philosophique, mais devient une authentique bataille européenne de communication
pou r l
a diffusion d'idée s qui ci
rc ul
aie nt
jusqu ’ici
sou s le ma n t
ea u.
La ma ît
rise des
moyens techniques et des vecteurs de diffusion par les hommes du Refuge devient
centrale et permet d’ arti
cu l
er clandes t
init
é et stra
tégies de «publicité », du fait des
imprimeries clandestines qui fleurissent autour des frontières françaises, éditant les
livres prohibés en France et les acheminant depuis les marges. Les études classiques de
Robert Darton sur cette question, dans le recueil Bohème littéraire et révolution par
exemple, montre comment les imprimeries de Neuchâtel en Suisse fournissaient, via un
réseau de porteurs clandestins traversant le Jura, les arrières boutiques des libraires
français en ouvrages prohibés. On n'y trouve pas que des romans libertins au sens
érotique du terme, loin s'en faut. La part constituée par les écrits des philosophes est fort
conséquente. On voit donc que c'est tout un réseau francophone qui se trouve mobilisé,
et pas seulement français. La Suisse romande apparaît comme un des centres de
diffusion de ces idées nouvelles, et on ne s'étonnera donc pas qu'elle ait pu produire un
Jean-Jacques Rousseau.
Ainsi, les presses du Refuge jouent alors un rôle capital dans la publication
d'idées dangereuses dont la diffusion était limitée par les contraintes de la clandestinité.
La philosophie des Lumières est ainsi constituée par la publication et la diffusion sur
une grande échelle d'idées jusqu'alors clandestines. Ce qui n'était que manuscrits devient
alors imprimés.
162
Conclusion
Ainsi, qu'elle soit issue des institutions officielles ou de la contre-culture
souterraine et clandestine, la culture francophone s'exporte donc tout en s'inventant elle-
même dans ces nouveaux foyers. En guise de conclusion on peut donc dire que loin de
souscrire à l'image d'un cercle dont la France serait le centre et le reste de l'Europe la
simple périphérie, l'analyse des réseaux de diffusion des savoirs montre au contraire que
le champ est polymorphe, que bien des idées que l'on croit être françaises sont
importées soit d'Angleterre, pour ce qui du déisme d'un Voltaire par exemple et de ses
appels à la tolérance, soit des Pays Bas, pour ce qui est de ce segment que Jonathan
Israël appelle le « Radical Enlightenment ». La création de savoirs se fait donc tout
autant via un réseau francophone aux marges du pays que par des acteurs nationaux.
Nous sommes donc face à jeu de va et vient que le modèle centre-périphérie ne parvient
pas à restituer. Ce petit parcours guidé par quelques académiciens aura peut-être eu le
mérite de proposer de nouveaux sentiers à explorer.
BIBLIOGRAPHIE
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Darton R., Bohème littéraire et Révolution, Le Monde des livres au XVIIIe siècle, Gallimard,
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L’ univers d e la littér
a ture c l
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Gallimard, coll. Pléiade, Paris, 1957.
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Sergio Landucci, Olschki, Firenze, 1986.
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l'époque classique, Albin Michel, Paris, 1994.
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(18 et 19 octobre 1991), Voltaire Foundation, Paris, Oxford, 1994.
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Lyon, 2009.
Pellisson-Fontanier, P., Relation contenant l'histoire de l'Académie française. P. le Petit, Paris,
1653.
163
MARTHE BIBESCO,
ISVOR, LE PAYS DES SAULES –UN RETOUR À LA SOURCE
-Petronela IONESCU
Université « Al. I. Cuza
Résumé : I ns crite
par mi l
es écr
ivains roumai ns d’e
x pressi
on franç ai
se, Mar t
he
Bibesco
a partagé sa vie entre la Roumanie et la France, encourageant les liaisons culturelles entre les
deux pays. Dans son roman Isvor, le pays des saules, elle se montre attachée à son origine
roumaine et se propose de « remonter à la source » et de faire connaître le charme de son peuple
en Europe. La personnalité de la narratrice se dessine le long du récit par touches successives,
suivant une chronologie cyclique, saisonnière. Le monde paysan fascine à la fois la princesse
Bibesco et ses lecteurs et dévoile une mentalité fortement encrée dans une tradition mythologico-
chrétienne.
L’article est réalisé dans
le cadre du Proj et «Idées » 2008 n° 842 « Dy
nami
que
de
l’
ide
ntité
dans la littérature francophone européenne », financé par CNCSIS et UEFISCSU.
164
Marthe Bibesco rentrait souvent en Roumanie,
s’occ upa nt de l
a restauration du
palais de Mog osoëa, où e l
le s’est ét
ablie a vant
la deu xième g uerre mon diale,
qu i
l
a
surprit ainsi dans son pays natal. Son mari est mort dans cette demeure familiale en
1941. Dé possédé e de s es biens pa r
le s c ommuni stes, elle s’e st rét
a blie dan s son
appa rteme nt de l’
Î l
e Saint-Louis (1945) et a adopté la nationalité française (1958). Dès
son vivan t,
elle s’es
t réjouie de plus
ieurs honneu rs: électi
on à l’Ac adé mi e roya le
de
langu e e t
de litt
é r
ature française s
de Be lgique,
c h eva l
ier de la Lé gio n d’honneur,
comma nde ur de l’Ordre de l
a Cou r
onn e de Belgiqu e, auxqu els s ’aj
outa i
e nt que lques
prix lit
téra i
res: Gr an
d pri
x de
l’Ac adémi e française, prix Be auma rchais, prix Sév igné,
prix de la fondation Signer-Polignac. Marthe Bibesco est morte subitement à Paris le 28
novembre 1973. (MAKWARD, COTTENET-HAGE, 1996: 72-74; DIESBACH, 1986;
TRONEA, 2000: 94-111).
De nos jours,
ses liv
res n’
ont plu s le
mê me
s uccès ou il
s ne
sont plus é dit
és.
L’ou bli,
da ns lequ e
l son œuv re est t
ombé e ,
s ’
expliqu e pou r
tan t
d’ au t
ant moi ns que ses
romans représentent un témoignage unique de son époque (CAMBOULIVES, 2005:
239-252). Du point de vue du problème identitaire, la création de la princesse est
il
lustrative
po ur
toute l
a
li
ttérat
ure r
ouma ine
d’ e
xpre ssion
frança i
se .
La dialectique identité –a l
téri
té,
d’ ac tu
alit
é dans l’
Eu rope du s i ècle de s
nations (XIXe), devient dans la première moitié du XXe siècle presque une obsession.
Marthe Bibesco a illustré ce thème dans la plupart de ses écrits, le plus représentatif
étant Isvor, le pays des saules. Elle a partagé toute sa vie entre la Roumanie et la
France, étant une Française en France et une Roumaine en Roumanie. On arrive à
pa rler,
e n c e qu i l a c on c
e r
ne,
d’un dé dou ble
me nt
i denti
taire ,
d’ une perte de
l’ide nt
ificati
o n un i
qu e ou d’une pers
onn alit
é mu l
ti
cult
ur el
le vu qu e, re pr en ant la
remarque de Mircea Eliade, « dans ses veines coulait le sang roumain, français, grec,
italien » et que « pa r un long eff
ort
d’anamn ès e,
ell
e s’
était
remé mor ée l’h istoire de
tou tes les f
ami lles,
de s principaut
és
et d
es peupl e
s de l
’Europ e
qu i
ava i
en t
pa rtagé la
créativité de ses ancêtres » (ELIADE, 1986: 67).
2.
1.
Le
cont
act
ave
c l
’al
tér
ité
: l
’i
nté
grat
ion
dans
l
’es
pac
e c
ult
ure
l
franç
ais
165
l’altéri
té. À Pa ris,
e l
le
a créé son propre
nid spirituel, adopt an t
l
e fr
an ça i
s comme
langue
sociale et des activités intellectuelles, une sorte de seconde langue maternelle. Loin de
se réduire à un pays étra nge r,
d’ exil,
l
a Fr anc e était pou r la pri
nc esse t
rès famili
ère,
l’au t
re pa tri
e. Da ns ses lett
re s éch ang é
e s ave c l’abbé Mug ni
e r
et Pau l
Cl au del,
ell
e
évoquait avec nostalgie le climat ouvert et libre de Paris, moins rigoureux et rigide que
celui de Bucarest. Dans Catherine-Paris, elle partageait le point de vue de
Chateaubriand, à savoir « l a Fr ance est
le cœu r de l’Eur ope; à me sure qu’ on s’
en
éloigne, la vie sociale diminue » (CAMBOULIVES, op. cit.: 241). À un esprit
eu ropée n,
l’écr i
v aine
rêv ai
t d’u ne Eu rope forte, unie, où la France et la Roumanie soient
incluses.
L’ i
nté gration de Ma rthe Bibe sco dan s l’espa ce cult
urel f
r ança is
e st cert
aine,
prou vé e pa r
les me ntions da ns les ma nu els d’h is
toire de la li
ttér
atur e,
les pu blicat
ions,
les rééditions, les critiques et les commentaires littéraires de France. Le biographe de la
princesse, Ghislain de Diesbach constatait, à propos du roman Isvor, le pays des saules,
qu ’il
n e s ’agissait pa s de «l ’œu v r
e d’un ama teur» mais de celle « d’ un v éri
table
écrivain » (DIESBACH, op. cit. : 321). Convertie au catholicisme, établie
définitivement au centre-v ille pa risien apr ès l ’
arrivé e de s commun istes au pou voir
pol it
iqu e r
ouma i
n ,
l’é cr
iva i
n e,
pa r
le dé s
ir de
se f
org er un e véri
table iden t
ité f
r ançaise,
a
recours maintes fois au pseudonyme Lucile Decaux pour signer ses romans (RUJAN,
2003: 239 ).
La na t
ion a l
ité
franç aise ne lui est
ac cordé e qu e très
ta
rd (e n 1958 ),
l’identi
té
roumaine restant à partir de ce moment-là purement intérieure. Un équilibre était
pourtant établi entre cet te assimi lat
ion à
l’espa ce
fran çais et l
’at
tache me nt au pa ys nat
al:
le dialogu e ave c Au tr ui
l’a f
a it
mi eux détach er ses origin es et
ress
e ntir l
’amou r pour l
a
Roumanie. Les différences et la distance ont favorisé la valorisation de ses propres
racines.
La création française de la princesse souligne en grandes lignes la
« roumanité » , g râce au x réfé r
e nces r écu r
ren tes à Pos a da, Mog os oëa et à d’autres
propriétés personnelles ou régions roumaines. Une sorte de « t r i
stesse de l’exi
l»
(BEHRING, 2001: 14) transp araît
le long de ses
récits d’a près
1945, car «lorsque tu as
pa ssé la frontière de ta langue ou qu’on t
’ i
mpos e de qu itt
e r
son aire, i
l se pr odu i
t
u ne
rupture irréparable » et « c omme nc ent l ’
é l
oi gneme nt,
l a soli
tude , le dé s équ i
li
bre,
l’i
n certit
u de, etc.» (CARAI ON, 1987: 49) .
L’ œu vr e de Ma rthe
Bi be sco ne s e sit
ue ni
da ns u ne lit
tér at
u re de l’exil propr eme nt-dite, ni da ns l ’une de l’intégration absolue:
c’es t
u ne lit
tér at
u re tr
ans gressionn elle (RUJ AN, op. cit. : 248-250), qui a contribué à
l’affir
ma ti
on
ide ntitaire des Roumains en Europe.
166
« renégate sociale » ,
t
a nt pou r a
v oir
é crit
e n français
et renon cé à l’or t
hodoxie, que pour
avoir osé apporter « un relent de sueur et de fumier, qui choque les esprits délicats »
(CAMBOULIVES, op. cit. : 246). Même repoussée par ses compatriotes, elle est
re venue pl usieurs fois
e n Rouma nie pou r pe rcer
les my st
è r
es du pa ys
d’ où ell
e tirait ses
racines.
La lang ue, le n om, la fil
iation , d’ une pa rt
, e t
l’e spac e in digèn e a vec l es
croyances, les mythes, les fantasmes, les archétypes, les idéologies et les obscures
confluences de l ’incon scie nt
( BRAUDEL, 1986)–qui arrivent à constituer des
frontières culturelles –, d’autre s
pa rt
, con tri
bu e nt
à la
définit
ion intérieu re
d’ un indiv idu,
à son ide n ti
fication na tion al
e. Se rappor tan t aux a u
tres Rouma ins, s’in t
égr ant dan s la
communa uté d’Isvor et s’appr opr i
ant l
’ i
ma g i
n air
e et
la psych olog ie des
paysans, Marthe
Bi besc o s’est forgé une ima ge plus claire et compl exe s
u r
soi-même. Un portrait du
pa ysan rouma in de l’époqu e
pe ut êtr
e
a i
ns i tr
a cé.
Pa r un e série d’ a nalepses, l’aut eu r
e se me t da ns la pe a u
de la n arratrice
(Marie), à laquelle elle emprunte be auc ou p d’ é
léme nts de s a propr e
vie, sans
qu’ e l
le
garde aussi son prénom (Marthe – Marie forme quand même un couple biblique
consacré, étroitement lié). En ce qui concerne la filiation de Marie, le roman nous
fou rnit
pe u
de
dé tails
: on s a
it qu ’i
l s’agit d’ un e
arist
oc rat
e rouma in e
, r i
che ,
a vec bi en
des propriétés, probablement veuve (car elle a une belle-mère et un prétendant), qui
v oy a
g e be aucou p e t
a h abit
é su rt
ou t
e n Fran ce.
C’ est peut-ê tre un e ma nœuvr e pou r
insister sur une descendance plus étendue, qui amène à une identification profonde,
moins avec les paysans (Marie parle de « nous », y inclus elle et les paysans, à
l’oc casion d es
Pâ qu es; pou r le reste,
e ntre e l
le et le
s boy ards ,
d’ un e pa r
t et le peu ple,
d’ autre pa rt, i
l
y a des di st
inc ti
on s nettes)et plutôt avec la nation roumaine en général.
La femme refuse à la fin de marier Emilien pour ne pas perdre ses propriétés roumaines:
une perte économique et surtout identitaire.
Spatialement, le scénario du livre se déroule dans une Roumanie rurale sagac e,
mirifique, mi-réelle, mi-imaginaire, telle que le montre la description de la vallée de
Prahova avec ses pruniers en fleurs: « Leurs blancs embruns emplissent la vallée. La
g rande ma rrée de fl
eu rs c omme n ce à g agn er Bé lia
. Bie nt
ôt elle e nva hira Isvor [ …] .
Tou t
e
l’é cume
é blouissa nte se r
é sorber a da ns le
pay sage vert et gris.» et « à l’infl
u en ce
de la lune » apportera « l a ric hesse, l’iv resse,
l ’
ou bli». (Ibidem: 204-205). Isvor
correspond à la résidence princière de Mogosoëa (près de Bucarest), cette « Aphrodite
dans les roseaux » (Ibidem, vol. 2: 18) , de ven ue,
à
l’époqu e, un salon diploma t
iqu e et
cu lturel.
L’ appe llati
on du v i
llag e est s ugg estive, renvoy ant di recteme nt à l ’i
dé e de
retour à la source, de retrouvailles des racines lointaines: « [ …] j’y remon te .
Je suis
or i
g i
n aire d’Isvor .
Apr ès m’ être é l
oign ée ,
j
’y r
ev ie
n s» (Ibidem, vol. 1: 5) .
L’espa ce,
d’ essen ce «mioritic » (pour reprendre la vision de Blaga) est important dans la
con stit
u tion de s c aractéristi
qu e s d’un pe u ple a ut
a nt
pa r s on c ont ex te
phy sico-
g éogra ph iqu e qu e pa r l’ima gol ogie qu’ il e nt
raîne, les stéréotypes et les réalités
nationales évoqués dans une perspective franco-roumaine. Le village est un univers en
soi, un e mé tonymi e de l’
huma n it
é ,
un en droit fermé, con serva teur e
t mé fia
n t face au
nouveau et aux étrangers. La foi et la tradition y ont un rôle essentiel dans la vie
quotidienne. Le mental collectif des paysans met son empreinte sur la psychologie de la
narratrice, qui ne connaît que très peu des mythes, légendes, coutumes et superstitions
roumaines soit-elles laïques ou religieuses (chrétiennes et païennes), donc ce qui
distingue le peuple, ce qui le particularise. Par les informations transmises, Isvor, le
pays des saules apparaît, à juste titre, comme un véritable « guide folklorique du peuple
roumain
167
su cces s
ion de s s aisons .
Le pr intemps e t l’hiver son t
l es plu s
r iches e n f ête s
,
scrupuleusement respe cté
e s
par les gen s d’ Is vor parce
qu ’ el
les «nous respectent aussi »
et « si nous les honorons, elles nous aident à leur tour » tandis que « si nous ne le
faisions pas, tout irait mal pour nous. » (VORONCA, 1998, vol.1: 216).
Le printemps est marqué par le grand carême, qui impose un jeûne très strict,
mettant même en danger la vie des nouveaux-nés. Les Pâques fleuries –quand les filles
cueillent des fleurs pour profiter de leurs propriétés miraculeuses et faire des
inc antati
on s
d’ amou r–et la fête des trois Lazare –« représentation folklorique du héros
de la végétation » (BÎRLEA, 1981, vol.1: 403) – précèdent la célébration de la
rés urrection du Ch rist.
Le jeudi d’ava nt e st dé dié a
ux mo rts
et on donn e
de
la «coliva »,
un « gâteau de blé cuit et de noix pilées, dans du miel » (BIBESCO, op. cit., vol. 1: 84).
Le soir, le mê me j
ou r,
c ’
e st
«l ’appe l pa r-dessus le toit », quand les paresseux et ceux
qui ont fait quelque chose de honteux sont dénoncés. Le lendemain est aussi fêté et les
paysans ne travaillent pas. Pour les boyards, il y a trop de fêtes au milieu paysan, juste
pour ne pas bricoler et cultiver la terre, disent-ils. « Le s g ens d’Isvor s
on t
de s
fleu r
s de
serre » (Ibidem, vol. 2: 113), constate aussi la narratrice. La messe des Pâques, au
minuit, e st
trè s impor t
a nte,
oc casion pou r Ma ri
e de r éfléchir à l’
ide n
tité du peupl e
roumain: « c ’es t
un
tout ,
et
sur ce tout on
v oi t
se mode l
e r […] des i
n s
tit
u t
ions
étran gères
réc entes […] qu i vou drait
avoir pr i
se su r lu i
, et j
e m’a mus e en pensan t
qu e ce soir, à
mi n uit,
le s
me mbr es de la
dyna st
ie sou a be qu i
règne su r
c e pay s
, feront, à l’église
mé tr
opol itai
n e, l es g estes qu e le ur c omma nde nt
les a ncêtres pu i
ssan t
s d’ Out za.»
(Ibidem, vol.1 : 114). Le carême fini, toute une série de spécialités culinaires abondent
su r les ta bl
e s de s pa ys a
ns :
de s œuf s r ou g es, de l’a
gn eau, du cochon de l
ait e t la
« paque » (g âte au a u f r
oma ge) s ’ajou ten t à la traditionn ell
e « br ouill
e de ma ïs
,
ass aisonn ée d’ un og non cru» (Ibidem, vol. 2: 58). Les plats et les boissons peuvent
servir à leu r
tou r à l
’id e
n t
ificat
ion d’un pe u ple .
Ou t
re l
es Pâqu es,
Ma rie est
fasciné e
pa r
la légende du peuple fabuleux des Rocmans, dont les hommes ne rencontrent leurs
femme s qu ’
un e fois par an, l
ors
de s «Pâques des Bénins », annoncé par des coquilles
d’œuf jetées à vau-l ’eau. Le s rituels d’ inv oc at
ion de la pluie, le Col oy a
n e t
l es
Paparoudes, contribuent aussi au dévoilement de la psychologie paysanne. La narratrice
raconte en détails le Coloyan –qui se déroule comme un cortège funèbre, un
enterrement, un simulacre de douleur –, tout en traduisant en français les vers qui
accompagnent le cérémonial et qui rappelle la Mioritza: « Yan !/ Yan !/ Coloyan ! /
[…]
Ta mè re t e
c her c
h e/ Da ns la forêt é pa isse ,
/ Le cœu r br ûl
ant,/
Et da ns la f or ê
t
clairsemée,/ Yan !/ Yan !/ Ta mère te pleure,/ Coloyan !/ Dans la clairière/ Avec des
larmes de sang. » (Ibidem, vol. 1: 270) .
Le s
Pa parou de s,
or ganisées pe ndan t l’é t
é
caniculaire, sont destinées toujours à invoquer la pluie « sur les labours, sur les maïs, –
pou r
qu ’
il pous s ent
–plus haut que les toit des maisons –pour que les épis –soient plus
nombreux que les étoiles, –pour que les greniers à blé se remplissent – d’un bru i
t
joyeux. » (Ibidem, vol. 2: 53)
En hiver, malgré le froid terrible, un grand nombre de traditions offrent des
pré textes de div ert
is seme nt;
les g ens da ns en t,
chantent, crien t
dan s
la forêt à tue-tête
pour se faire entendre. Les descriptions minutieusement faites par la narratrice séduisent
le lecteur soit-il Roumain ou étranger: les enfants, ayant dans leurs mains des clochettes
et « un e gran de étoile lumin euse ,
e n pa pi er huilé et ba ri
ol é
qu’une
bou g i
e éclaire
intérieurement » (Ibidem : 114-116), vont de porte en porte pour chanter des cantiques
de Noël, répétant le refrain « Léré, Léré, Loï ». Ils sont réc ompe nsés avec de l’
arge nt e
t
de s bon bon s. Il y a e n plus l
a Sor cov a à l’oc ca si
on de la Nou velle Ann ée. Les jeun es
figurants sont venus en « c har
ru e orné
d’ un pe t
it
sapin,
c ouve rte
de bande roles
col orée s,
168
et t
raîn ée par qu at
r e bœu fs blanc s.» (Ibidem: 130). Les tintements des clochettes, les
claquements de fouet, les cris de joie, les récitations assurent un véritable spectacle
populaire –qui révèle la sensibilité des Roumains, leur lien étroit avec le transcendent et
la nature, leur penchant vers lyrisme et théâtralité. Presque sous chaque fête religieuse
« on voit poindre la fête païenne » (Ibidem, vol. 1: 222): des désenchantements et des
ritu el
s oc cult
es l’ac compa gn en t
et lui
donn e n t
de l
a vénu s
té. La
n uit de la Sa int Basile
,
par exemple, Marie assiste à de s
enchan t
e me n ts pour atti
rer l
’a mour–des pratiques
ma giqu e s
, qu i i mpl i
qu e nt e n ou tre l ’inv oc at
ion de l a n a tur
e–, et à des
désenchantements pour guérir et vaincre le mal, illustré sous la forme du « Crasnic » –
« diablotin à figure de goret, qui naît des amours du diable avec une femme. »
(Ibidem: 23), des « Petites Terreurs des Forêts » ou des « Brehnélélé ». Les superstitions
se perpétuent et concernent également les trois moments essentiels de la vie: la
naissance, le mariage et la mort. La dernière est la seule dont le rituel est décrit, attirant
un grand intérêt de la part de la narratrice: le mort est mis dans un cercueil ouvert, ayant
dans sa bouche la monnaie « destinée au Passeur » (ce qui rappelle le culte romain des
Mânes). Le cortège est accompagné par un orchestre qui fait écouter des chants
pl aintifs,
décon certan ts
; la cé rémon ie
religie use e s
t suivi
e par
un re pas funé raire et
des
aumônes. Pour éviter que le décédé devienne un vampire ou un revenant, les gens lui
enfonçaient « le pieu qui délivre » l’âme ou lui reti
raient
et
br ûlaie nt
l
e
c œu r s
ur des
charbons ardents (Ibidem, vol. 2: 108-110).
Toutes les indications historico-géographiques, spirituelles, psychologiques et
compor teme ntal
e s déc èlent un peu ple
bie n en cré dans le
pa ss
é ,
qu i n’évolue pas, qui ne
bouge pas, profondément marqué par les traditions mythologico-chrétiennes. La
n arratrice est
incapa ble d’ acce pter la
con diti
on de l
a femme
(traitée pr esque comme une
esclave) et de comprendre pourquoi les paysans sont récalcitrants vis-à-vi s de l
’école,
de l’ass i
stance mé di cale, san it
a ire
et
de l
’a dmi ni s
trat
ion .
Da ns la v i
sion su bje cti
ve de
l’a ri
stoc rate
, qui, tou te sa v ie, a me n é
u n e v ie privil
égiée et pr ospè re,
l
e s paysans
roumains apparaissent, généralement pauvres, analphabètes, superstitieux, croyants,
passionnants et amicaux. De plus, leurs enfants sont trop gâtés, à son avis, et les adultes
ne travaillent pas suffisamment à cause des nombreuses fêtes. Faisant trop chaud dans
leu rs ma i
sons, i
ls g aspillent inu ti
leme n t
le boi s qu’ils
obtienn ent ou qu ’i
ls vol ent (
c el
a
pa rce qu ’
ils
n’ont pa s
le sen s pratique et ce lui de
la propriété, ne font pas distincti
on
entre le mien et le tien). Physiquement, les villageois sont beaux (surtout les jeunes
filles) et ont des habits coutumiers, assez sobr e s;
Ma rthe Bi bes co nou s
en offre un
exemple: « s a tête es t
cou v erte d’u n mou ch oir n oir
[…] . Sa ch emi s e
e st
de for t
e toil
e
bl anc he ,
ornée seule me nt à
l’épa ule de
rose s noi res
et de paill
e t
tes d’argent. Elle
por t
e
u ne
jupe
sombr e, r
a yée à
la
ma nière d’une
é toffe égyptienne, étroitement enroulée à ses
hanches comme celles des garçons. » (Ibidem: 184). Comparés à des saules (ces arbres
miraculeux, argentés et mélodieux), les villageois trouvent toujours des prétextes pour
se divertir: danser et chanter. La « hora », une ronde « sacrée », outre son but
divertissant, donne aux jeunes la possibilité de se rencontrer et de choisir leurs
partenaires, se transformant ainsi dans un rituel de séduction: « l a “ Hor a” d’abord
ra lentit,
puis
s’arrête: elle “se br i
se”, comme on dit ici. Les archets touchent trois fois la
mê me c orde
du violon ,
l’h omme à l
a cymba l
e su spend ses petits
ma rteaux; c ’est
la fi
n
de la première danse. [...] Les filles se mêlent aux groupes de femmes, les hommes vont
avec les hommes, les fiancés se pr ennen t
pa r
la main et s’écarten t un peu de s autres.
D’ abor d les homme s da n sent seuls, sur u n rythme frénéti
que , une espè ce de Hora
guerrière. Les filles les laissent quelque temps user leurs forces, frapper la terre du pied
av e c
v iolence,
e t
s’interpe ller à tue-têt
e .
Pu is,
s elon l’
us a
ge ,
l’une d’ el
les se dé tache du
169
trou pe au
de s femme s et j
e t
te son dév olu s
ur
u n
de s da nseurs en l
e f
rappa nt à l’épaule.
Ici, les femme s choi sissent.
Nou s somme s l
oi n de l’Orien t! Qu and les f
ill
e s d’Is
v or
entrent dans la danse, se sont elle s qui décide nt, c omme s ur
le Pon t d’Av ign on, “qui
e l
le s
e mbras seron t”.
[…] Voilà comme nt a
g i
s sent l
e s fi
lles de ce
pe uple,
v oilà comme nt
les homme s les traitent e t
voilà d’où vie
n t
qu’ elles ont d es âme s plus fières
qu e le
commun des femmes, et de plus beaux visages aussi, en conséquence, peut-être, de leur
âme. » (Ibidem, vol. 1: 249-251) Esprits mélodieux, les Roumains acceptent de
travailler « pou r de s c hanson s e t souv ent re fus en t de tra vai
ller pou r de l’argen t»
(Ibidem, vol. 2: 86), constate la narratrice.
En ce qu i con cerne la l
a ngu e, véhi
c ule et p rinci
pa le gar
a nti
e
de l’
ide nti
té,
e ll
e
pe rme t à l’ être de s ’i
n scri
re da n s un grou pe s oc ial
, con tri
bu an t
à s a cons t
ruction
identitaire (FERREOL, JUCQUOIS, 2005: 328-339.) La princesse exprime ses
émotions, ses pensées dans une langue étrangère devenue sienne et parlée par elle
davantage que le roumain. On a souvent dit que « s ’
e x
iler de sa l
angu e n atale,
c’e s
t
rompr e av ec sa cultur e et s
on lieu primiti
f, c ’est c ou per u ne
sec onde fois le cordon
ombilical » (DELBART, 2005: 17) Chez Marthe Bibesco, cette rupture ne se réalise pas
définitivement. Dans Isvor, le pays des saules, la langue roumaine est illustrée par toute
une série de toponymes (Breaza, Roucar, Isvor, Imoassa, Codrou, Balta, Mérinani,
Balténi, Vasloui, Valcea, Argès, Horèze, Dobroudja) et anthroponymes –qu ’il
s’agisse
de prénoms simples (Veta, Stanca, Vlad, Anica, Vlad, Mioritza, Sitza, Toudor,
Eu phrosine, Sa lomï a, Ki va,
Ma ri
tz a) ou de noms compos és à
partir
d’un surnom, de l
a
nationali t
é ,
du mé tier, d’un tr
a i
t de caractèr
e ,
de l’â ge
ou d e
la
filiat
ion
(Ion e Fa ca
latz,
Marie-la Longue, Baba Outza, la Salomé de Jean, le pope Stéfane, Constantin le
Boiteux, Marie-la-Veuve, Sofica de Démètre, Ione Morarou, Ione Cristea, Radou-le-
Crépu, Ghitza-le-Rouge, Safta-la-Blonde, Stelica-le-Tzigane). Les noms propres,
repr ésen t
atifs de la cu ltur
e
d’un pa ys, véhi
c ulen t du sens et de l
’inf o
rma tion. L’ aut
eu re
a légèrement francisé leur graphie: le « u » roumain devient « ou », le « » est transcrit
par « tz » et le « z » par « s »;
le «s »
est r
edou blé ;
le s
a cc
e nts ai
guset le tréma rendent
prononçables les voyelles « e » respectivement « i » ne sont pas
employés. Bibesco explique parfois les noms (Smaranda –Emeraude, Ione Banou –
Jean le Sou, Balasa –Blonde) ou donne leur diminutifs (Lazarel, Anicoutza, Marioutza,
Ghitzica, Stefanica). Quant aux expressions spécifiquement roumaines, celles-ci sont
souvent intraduisibles ou on les introduit exprès sous leur forme originale pour
imprégner le texte du charme de notre civilisation: « crasnic », « descantec », « coliva »,
« urgie », « toaca », « hora », « mahala », « maïca », « taïca », « paparoude »,
« sorcova », « facaturi », « sunt roman », « casa mare », « prin protectzie », « cinstea
mesei », « hrana casei », « Santa Vinere », « mandra mea », « moartea, miréasa lumii »,
« fata maré », « lasa ma sa te las », « maïcoutza babei », « f loarea d’alba et rotunda»).
L’ é c
riv ai
ne se sert de s deux idiome s qu ’
elle a à sa disposition,
illustr
a n
t des richesses
stylistiques et des revendications identitaires. Des phénomènes linguistiques
inté r
e ssants, d’hy brida t
ion s
et de s calque s
lingu istiqu es
en rés
u l
ten t
: «il y a des chats
sans ma ison ,
ma i
s
il n’y
a
pas de ma isons sans ch ats» (BIBESCO, op. cit., vol. 1: 2 0);
la « Semaine Lumineuse » ; «Ce que comprend la chatte quand elle regarde le
calendrier » (Ibidem: 167) ;
«l es pay sans s’étaie nt entendus avec lui
sur “le dos du
pr opriétaire”» (Ibidem: 168) ; «un homme travaillé », « un homme pauvre, collé à la
terre » (Ibidem: 195) ; u n garçon mi nce «au point de passer à travers une bague »
(Ibidem: 19 6); qu and la «hora » s’a r
r êt
e on dit qu’ elle
«se brise » (Ibidem: 249). Quant
à
la
gr amma ire et
la synt axe,
les pa ysa ns
ne fon t pa s de faute s
et
n’ ut
ili
s e
nt pas le patois
170
(Ibidem: 194). La traduction en français des réalités roumaines est perçue comme une
réponse pratique à la diversité des langues.
Le pe nchant sur
le ly ri
sme ,
l
’espr i
t c
réateur et
l’imag i
nation
sans
limites ,
dont
les villageois font preuve, correspondent au caractère de Marie, qui arrive ainsi à se
con sidé r
er
u ne
partie
intégra nte
de leur
communa ut
é
et
à s
’assume r
total
eme nt
l’identit
é
roumaine.
Marthe Bibesco a introduit la Roumanie et son peuple dans la littérature
française et, par l’int
ermé di aire de l
a l
angu e
, dans la lit
tératur
e u n
iverselle
. Isvor, le
pays des saules est censé légitimer une nation latine périphérique, en quête obstinée des
moyens appropriés pour se faire accepter comme membre de droit de la grande famille
européenne. La pr i
nce sse
s’est propos é et a r
éu s
si à ériger son roman en il
lus tr
ation
d’un e Rouma n i
e e mblé matiqu e, aspirant
à off
rir
un visage inébran l
able à son identit
é
internationale.
BIBLIOGRAPHIE
Livres
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Articles
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Internet (url)
http://linguaromana.byu.edu/Spiridon4.html
171
L’
ÉTAT
AMOUREUX ET LA PASSION DANS CORINNE OU
L’
ITALIEDE MADAME DE STAËL
172
Jean-Di dier
Vi n
ce nt dé fini
t l’é t
at amou r
eu x de l a ma niè re su ivante: «être
amour eux ,
c’est un état
qui peut dur er
une heur e ou une
é ternit
é, iceberg de chimie et
d’imagi naire dont
le compor teme nt sexue l
n’es t que la par t
ie éme rgé e.» (VINCENT,
1999: 241-242) I l
ret
rou ve da ns l’
é t
a t
amou re
u x les
tr ois
di me nsions d’un état
c ent
ral:
le corpo rel,
l’extracorporel et
le tempor el
. Être amo u reux exige la présence, réelle ou
ima ginée ,
de l’
a utre
e n
tant qu’ objet de désir
au sein de l
’espa ce extra corpor el.
L’a mour
ex i
ge une r
éc i
pr ocit
é et
le désir de l’un e
s t
fon c t
ion du dé si
r de l’au t
re. En d’autr
es
terme s, l
’amou r n’est
pa s
se uleme n t
la recherch e de l’autre, il
y a a uss i
la présenc e
de
l’autr
e .
J.-D. Vincent affirme, à vrai dire, que « la passion amoureuse se consomme
dans la durée
e ntre l
’abs enc e et
l
’habi tude» et il s
’e x p
lique: « la passion amoureuse
est l
’ar chétype du désir prov oqué par le
manque et
l’abs enc e de l’obj et aimé –rerum
absentium concupiscentia. À l’oppos é
, la répétition, l’ e
x cès de
pr és ence et l
’habi t
ude
about issent
gé né raleme nt
à l’extinction du dé s
ir. » (VINCENT, op.cit.: 266-267)
On sait qu e
c ’
e s
t diffi
c i
le d’ i
sol e
r une pa ss
ion et de l’analys er sépa réme nt
des
autres, car « une passion e nglobe et enge ndre s ouve nt d’a utres pas sions» (PARRET,
1986: 115), mais on essayera toutefois de suivre comment se manifeste l ’amouret
comment il transparaît dans le discours des personnages, vu que la passion apparaît,
pou r reprendre l
’ af
firma t
ion de Gr eima s,« comme un discours de second degré inclus
dans le discours.» (GREIMAS et FONTANILLE, 1991: 54)
Après avoir défini brièvement cet état de nature passionnelle, nous allons
essaye r de l’il
lus tr
er et de le comme nter à l’aide de que lques citations e xtr
a i
tes du
roma n soumi s à l’
an alys
e , tout e n e ssayant de trouv er qu el
qu e s u ns de s «tours
particuliers des discours, des signes et des caractères des agitations qui témoignent de
l’homme de pas sionsdans son discours » (PARRET, op. cit.: 161) .
Pa rc e
qu ’on sait
que
le sujet des passions se rend présent dans son discours, « se met en discours », car,
comme le dit Herman Parret, « les passions ont un langage particulier ».
173
Corinne. –Oui, nous y allons, reprit Oswald ; et
sa voix disai
t
tout
avec des
mot
s s
i
simples, tant son accent avait de tendresse et de douceur! » (STAËL, 1861: 70)
174
nous déposséderait de nous-mêmes ; mai s
pou r Corinne , en aboutis
sant
à l
’af
fi
rmati
on
religieuse, la passion donne au moi la faculté de sortir de lui-même :
”I
l
y a l
à,
pa
rmi
les é t
oiles, un amou r éter
n el
qui pe ut seu l suffi
re à l’imme ns
it
é de nos vœux”.
»
(MERLANT, op. cit.: 240)
175
exprime une attitude de réserve ou de rejet de la part du locuteur. « Ces expressions
verbale
s fonctionne nt comme de s
indi
c es de subje ctivit
é et
signalent que l’
impre ssi
on
percept
ive est
s pécifi
que
de
l’indiv
idu qui la reçoi t
. » (Kerbrat-Orecchioni, 1980: 104–
105)
Prenons encore un fragment qui surprend la fin de la deuxième phase de
l’
amou r entre Os wald et Cor inne que n ou s av ons nommé e «la c onsomma t
ion de
l’
amou r»:
Dans cette phase, les amoureux se sont avoué depuis longtemps leur amour, ils
se sont fait des promesses et des serments, ils sont devenus intimes et Corinne a été déjà
compr omi se. Da n s
ce stade,
chacun d’eux c roit
av oir «des droits de propriété », mais
au ssi des oblig at
ions en ver
s l
’autre,
c e qui
c ondu it que l
quefois à des disputes ou à des
ma le nten dus. Leu r
relati
on
d’ a
mou r se con somme ,
dè s ma in t
enant, entre l
eu r
d ouce
pa ssion, l’amou r
pur
e t
sincère et
e ntre l
a lutt
e i
n tér
i eure d’ Oswald (c e
lle d’épous e
r
Cor inn e, la femme
qu’ i
l ai
me ,
ou d’é pou s
er une a utr
e qu’il
n’ ai
me pas, ma i
s qui lui
a
été promise par son père avant de mourir), lutte qui ne fait que détruire peu à peu leur
relation.
L’ ag itat
ion e
t l
a peine (don t il
s’ag i
t da n s
ce f
rag ment),
qui prov oquen t
à
Oswald un accident cardiaque sont dues, en partie, à une discussion avec M.
Edgermond, un homme de cinquante ans, cousin de Lucile Edgermond, la demi-s œu r
de
Corinne et en même temps la femme destinée à Oswald par leurs pères. Quoique M.
Edgermond admire et reconnaisse les qualités exceptionnelles de Corinne, cette femme
de génie, il
n e la v oit
pa s
da ns l ’hypos t
a s
e de fe mme ma riée
, a vec de s v ert
us
dome s t
iqu es qu’un An glai
s apprécie tant.
I l
r
appe l
le à Oswa l
d qu’e n
Ang l
e ter
re, l
es
homme s qu i on t une c arr
ièr
e ,
comme lui,
on t be soin d’un e femme qu i reste dans
l’ombr e e t ce serait
domma g e
d ’y me t
tr
e Cor inn e.
Ca r on n’adme t
tait pas qu’ une
« femme supérieure par les talents eût le droit de se développer en dehors des préjugés
sociaux et contre eux ; le
génie es
t une mar que
fatal e
q ui él
oi gne l
e bon heur; Corinne
l’avai t
bi en senti.» (MERLANT, op. cit.: 246)
Enfin, pour le convaincre de réfléchir à cette liaison, M. Edgermond fait appel
au s
ouv en ir
de sa mè r
e ,
lui
rappelle
l’a t
tacheme n t profon d qu e s
on
pè r
e av ai
t pou r
ell
e
et l’
a ssu re que Lu ci
le
Edge rmon d est un e
personne tout à fait semblable à sa mère. Ces
mot s
on t frap pé le cœu r
d’Oswa l
d, ple in
de re mor ds et de
sou ffr
ance depui s
la mo rt
de
176
son pè r e, lor squ ’il n ’avait en core que quato r
z e a ns , et le fon t décider de con naîtr
e
Lucile.
A vingt-cinq ans, donc onze ans après la perte de son père, les blessures
d’Os wa ld éta ien t en core ouv ertes, et la pensé e qu e
s on pè r
e n e serai
t jama is
d’ accord
av ec son ma r i
ag e ave c Corinne et qu ’
il
n e
lui pa rdon n era i
t pas pour
sa désobé i
ss anc e,
l
e
rend fou de douleur. Il porte avec lui-même la plus difficile lutte possible: il oscille
en tr
e la dé c ision d’ é pouser l a femme qu’il a ime de tou t
s on c œur et qu ’i
l a dé j
à
compromise, et la décision de quitter Corinne pour se marier avec la femme que son
père lui avait destinée avant de mourir. Qu el
qu e dé c i
s ion
qu’ i
l pr enn e,
il
fe rait
u n grand
ma l
à un e d es de ux pe r
sonn es aimé e s:
s ’
il r
es t
e av e c la
femme qu’ il
aime , il
ne pou rr
a
jou i
r pl e ine me n t de s on bon h eur, c ar les r emor ds d’ avoi r a ffl
igé s on pè re le
pou rs uiv raien t tou te sa vie;
s’il
ac cepte
d’épou se r un e femme qu’ il
ne
c on naît pa s,
il
accomplira son devoir envers son père, mais il détruira deux vies: la vie de Corinne et la
sienn e .
Qu e f aire? C’ est
un
c omba t
qu’ il
mè ne de pui s qu’il ava i
t connu Cor inne et qu’il
ess ay ait
d’ él oign e r,
ma is
ma in tenant, qu and t
ou t le mon de (
son a mi, l
e comt e d’Er feuil
et M. Edgermond) lui rappelle la mémoire de son père et son devoir de fils, Oswald
incline à respecter la volonté de son père.
Il est donc facile à comprendre pourquoi Oswald pleure et préfère la mort au
lieu de qu itter Cor in ne, l
a
fe mme
qu i lui a tou t s ac rifi
é et qu i l’appell
e s on Roméo.
Lor squ’ i
l la voi t entr er
da ns sa ch ambr e ,
ne pouv a n t
pl us r e
spi rer de
fati
g u e (el
l e
a vai
t
fait u ne cou rse trè s
rapide à trav ers l
a vil
le) et d’in qu iétu de,
«il se sentit saisi par la
gé nér os i
té , l’amour e t
la rec onnai ssanc e; et se le va nt, tout fai ble qu’il
était,
il
s e
rra
Cor inne cont re son c œur» . Apr è s
ce t
te épreu ve d’ amou r
de l
a pa rt
de Cor in ne,
Os wa l
d
se sent coupable de son intention de la quitter et lui promet, e n s’é criant,
comme pour
se
convaincre lui-mê me , qu ’
il n e l’aba ndonn er a p a s. Ma is Cor inn e a vai
t c ompr i
s ses
tourments.
L’ amou r s’of f
re dan s c e roma n comme un e l
u t
te e ntr e deux ca ractères qu i
me sure nt leu r p uis san ce.
La vie intérieu r
e d’Os wa ld e st «un débat continuel entre des
forces hostiles, remords et désirs, auxquelles il donne, comme tous les êtres faibles, une
réalit é de mê me sor te qu’à de s force s
e xté
r i
eur e s: d’ une part l’image
de s on p ère, vis
-
à-v i
s duq ue l il
s’e xagè re le
s torts de son pas sé ,
de l’aut re l
’as c enda nt
de Cor inne. Il
raffine sur la cons cie nce de se s
dis corde s
inti
me s ,
e t comme i
l n’ a rien à
r év éler à cett
e
femme de gé nie, c ’est ell
e qui
lui ouv re des t
ré sor s s pir i
tue ls
mé connus .» (MERLANT,
op. cit.: 235)
Selon nous Oswald est un homme très faible, facilement influençable,
inc apa ble de pre n dre une déc isi
on tout seul.
Se s ma u v ais choix , on
le verr a j
us qu’ à
la
fin du roman, vont coûter très cher : la vie de la femme qu’ il
a aimé e s
incèr eme n t et
son
propre bonheur. Au lieu de rester avec Corinne qui le rendrait à coup sûr heureux,
mê me a u risqu e de
n e pa s
obt enir l’
a c
c ord d’un h omme qui
était dé j
à
mor t, il
pre nd une
décision qui tuera la seule personne aimée qui lui soit restée sur la terre.
Os wa ld, qu i est
respon sable
du
sort d’un e a utre, « prenait à chaque instant de
nouv ea ux li
e ns sans ac quérir la pos sibili
té de
s ’y ab and onn er et ne
po uvai t j
oui r ni
de
son amour ni de sa c ons cienc e, pui s
qu’ il
ne s ent ai t
l’un e t l’autre que par leurs
combats. » (ibidem: 240)
BIBLIOGRAPHIE
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Descartes, René, 1999, Tratat despre sentimente (Sufletul si corpul), Editura IRI, Bucure ti
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Vincent, Jean- Didier, 1999, Biologie des passions, Editions Odile Jacob.
178
DU MYTHE À LA CRITIQUE SOCIALE DANS L’
AMPHYTRI
ON
DE MOLIÈRE
Diana-Adriana LEFTER
Résumé : Le mythe classique est une présence constante dans la tragédie française du
XVIIe siècle, mais, dans le même temps, ses occurrences dans la comédie de la même époque sont
peu nombreuses. Notre travail propose une analyse de la manière dans laquelle le mythe
classique de Hercule a été exploité et modifié par Molière dans sa pièce Amphytrion, afin de
pouv oir
dé cider
s i
l’on se tr
ouve devant une «comédie mythologique » ou simplement devant une
reprise comi que d’un
suje t
myt
hique
Ge
nès
e d’
un
suc
cès
L’Ag e c l
a s
siqu e est, dans la
li
ttérature fran çais
e, l’
é poqu e
d’or
du théâ t
re et
du
mythe. Par l
e retour v ers l’An t
iq uit
é gré c
o-romaine, les auteurs dramatiques français
re vienne nt
é gale me nt
a u my the ,
qu i
s’avè r
e pour e ux
un « un inlassable pourvoyeur de
sujets et de formes littéraires conventionnelles » (SELLIER, 2005 : 120). Beaucoup sont
les utili
s at
ions de s my thes da n s les t
ragé di
e s, f
orme
théât
r ale qui
d’ailleurs s
e pl ie fort
bi en au ca ractèr e exe mpl aire du my the .
Pa r c on tre,
on c ompte pe u
d’ occu rren ces
e xplici
te s
du myt he da ns la comé die,
réalité just
ifia ble
pa r
l’incong r
u it
é entre la visée
ironique de la forme comique et celle exemplaire voulue par le mythe.
Mol iè re est l
’ auteu r d’u ne
des ra
r es comé dies à su jet
my thique de l’é poqu e,
Amphitryon, qu i succè de, a prè s
un e
tr
e n t
aine
d’ an n é
es, à la Nai s
sanc e d’He rc ulede
Jean de Rotrou, pièce comique traitant le même sujet mythique.
Les théories sur la genèse de cette pièce singulière de Molière sont multiples
e t,
sa ns vou loir nous rang er du côté d’au cune d’ ell
es,
nous y voy ons un e évi de nte
pr éoccu pation s ocial
e de l’ auteu r drama tiqu e
, s e di r
igea ntdans la direction de la
c ri
tique du pou voi r,
l
e tou t
s ’ac c
ompl i
ssa nt par
u ne démyth ificat
ion évide nte à plus ieurs
niveaux.
L’un e des
raison s qu i pe uvent a voir con du it
Mol ière à choisir ce s
u jet es t
le
grand et durable succès remporté par le même sujet traité dans Les Sosies de Rotrou ;
ensuite, Molière connaît le sujet de sa source même, qui est le théâtre de Plaute –
Molière écrit également L’ Av ar e
à
l’i
mi tati
on de L’ Aulularia–et il en est séduit, surtout
pa r le su ccès de public qu ’il y entr
ev oit
. De plus, le contexte social, historique et
politique offre un cadre propice pour un tel sujet : en mai 1667 commence la guerre de
Dé v olution, pe n dant laqu elle l’
a rmé e
fr anç a
ise oc c upe que lques vil
le s impor t
a n t
e s –
Lille, Charleroi, Douai – alors espagnoles. Ces victoires françaises conduisent à
l’appa riti
on d’un coura nt
de pe ns ée
ass ez e
x alt
é , q ui
a de s réverbération s da ns une
litt
é rat
ur e
triomph a nt
e
e t
pa triotiqu e.
C’e st
da ns ce c onte
xt e qu e
Mol i
è re écrit
le s on net
Au Roi, sur la conquête de la Franche-Comté, qu ’ i
l j
oint à l
a premi ère édition de la
c omé die .
Ce tte li
ttér
a ture de gu erre,
triomph ante , est
dou blée d’une lit
té r
atur e plus
« légère » ,
foc alisée sur
la v ie priv ée,
notamme n t l’hist
oire du s
oldat
qu i retou rne de la
179
guerre et doit se confronter avec la réal i
té de sa fami ll
e, ave c
la fidélit
é ou l’i
n fi
dé lit
é de
sa f emme . Enf i
n, la pi èce peut ê t
r e vu e c omme u n e attaqu e iron i
qu e à l’ aff
a i
re
a mou reus e,
de gran de n otori
été d’a il
leu rs, du Roi Lou i
s XI V e t de Ma dame de
Mon tespa n. Le coc u Amph i
tr
yon n’e st
pa s san s
rappeler le marquis de Montespan,
tandis que la toute-puissance de Jupiter rappelle celle du roi absolu Louis XIV. Cette
interprétation peut être avalisée par la réalité historique : le roi accède aux faveurs de la
Montespan – a u gran d bon h e
ur d’ailleurs du beau-père de cette dernière, qui avait dit
« Enfin, la fortune entre dans notre maison » (DUNOYER, 1718 : 382) - lorsque, en
1668, le ma r
qu is de Mon t
espan se trou va i
t e
n Rou ssill
on, en g uerre, à l
a
tê t
e d’une
compagnie.
Cette dernière thèse, soutenant la visée satyrique quant aux amours de Louis
XIV et Madame de Montespan, est celle qui a suscité le plus de controverses. Emise
pou r l
a pr emiè re f
oi s en 1835 par
le c omt e de
Rœde r (ROEDER, 1873 -1893 : 316-317)
et reprise ensuite par Michelet (MICHELET, 1887 : 111), René Jasinki (JASINKI,
1959 : 176-185) et Jacques Truchet (TRUCHET, 1969 : 241-248), cette théorie a trouvé
autant de soutenants que de critiques.
Loi n de n ou s pr ononcer en fave ur d’un e ou de l’au t
re de s
t hèses énon cé es
,
nous y voyons pourtant un point de convergence : qu’ i
l s
’agi sse de l
’int
é r
ê t
pou r
le
succès de public, ayant comme conséquence une instruction de celui-ci, de la visée
ironique sur les affaires de famille des soldats ou sur les affaires amoureuses du roi de
France, la pièce présente une
évi
de nte orient ati
on soc i
a l
e ,
crit
iqu e, s
’att
a chant ava nt
tout
à la critique des rapports de force entre les détenteurs du pouvoir et les sujets du
pouvoir.
Si la direction da ns
laq
u el
le est
orienté e
l’ i
ron ie de Mol i
ère e st
discutab le
, ce
qui est é vident pou r n ou s
, c’est
le trav ail de dé my thification qu e f ai
t Mol iè re en
e xploit
an t la très c onn u e mé sa
v entur e d’Amph i
tryon , en la tou r
n ant en cri
tiqu e du
pouvoir discrétionnaire.
180
aussi le discours final, élogieux pour Jupiter et exemplaire pour les spectateurs1, Molière
pa rac hè ve son travail de dé my thisati
on e t t
ra nsforme
l’histoire my t
h i
qu e e n discou r
s
soc ial, critiqu e
de l’abus
de po uvoir.
Ch ez Mol i
èr e, nous avons l
’histoi r
e d’ Amph i t
ryon
qu i
de vi
e nt
cocu , suite à la
pa ssion a mou reuse de Ju piter pou r Al c mè ne et n ous avon s aussi l’h i
stoi re d’ un e
pos s
ibl e n aissa nce d’un enfa nt
da ns la ma ison
d’ Amph i
tryon. Tou t
sembl e
don c tou rner
autour de ce qui arrive à Amphitryon. Mais, comme la mythologie nous le dit, il n’ y a
pa s un my the d’Amph i
tryon , comme i
l
n ’y a pa s
un my the de J upiter
. Ce qu’il y a ,
c’e s
t
le my the d’He rcul
e ,
s ’i
n t
é gra nt
da ns l
a
c atégo rie
de s my thes fon dateurs, rat
tac hés, c’est
v rai,
à la figu re de Ju piter.
Che z
Mol i
è re don c, le my the ma nqu e,
il
n’ya pas de mythe
d’ He rcu le, pa rce qu e la n aissa
n ce du h éros n’es t
pa s
c e rt
ifiée: tout ce dont le
spe cta t
e ur /l
ec teur est infor mé , c’
e s
t la na issanc e
d’ un enfant, chez Amphitryon : on ne
sai t
pa s si c’e st
la pr ogé niture d’Amph it
r yon ou le de scenda n t
de Jupiter,
s’il sera un
héros ou un commun mortel. Tout ce que Molière offre, ce sont des allusions, décodées
pa r le réc epte ur comme indi ces de la n aissan ce d’u n He rcule fil
s de J upite r en v ertu
d’ un un i vers d’ att
en t
e cons truit
suite aux
le ct
u res
de Plau t
e et de
Rotrou :
Jupiter : Che z
toi doit
na ître un fils
qui ,
sous l
e nom d’He r
c ule
Remplira de ses faits tout le vaste univers. (MOLIÈRE, 1971 : 441)
C’ es t d’ai
lleu rs l
a seule oc curren ce, da ns l
a pièce,
du nom du h éros , He rcul e,
tandis que la catégorie, ce lle du
hé r
os ,
n’e st
jama i
s
én onc ée.
Le mythe ne sert donc à Molière que de prétexte pour exposer un jeu de
rivalités qui oppose maîtres et valets, comme le veut la tradition, mais aussi maître et
ma ît
re s du mon de, c’est-à-dire dieux.
Ce qui est intéressant , c’
e st
qu e l’uti
lisa t
ion du my the p ermet à Mol iè re un e
tr i
-
stratification des rapports de force, distincte de la très usitée et commune bi-
stra t
ifica tion des comé dies
fra nçaises
de l’époqu e,
qu i s’at
tache n t
aux
ra ppor ts ma îtres-
valets. Par le travail sur u n suj
e t
my thiqu e très c ommun ,
l’au t
eur in t
rodu it dan s le
schéma dramatique une classe non-sociale, mais supérieure à la noblesse : c ’est la
« classe » des dieux », par rapport auxquels les nobles – classe qui se trouve
traditionnellement sur la position sociale la plus haute – se trouvent en rapport
d’ inférior ité.
La
cons truction des rappor ts de force se rattache à
la
dua l
ité théma tique du
sujet : il y a deux Amphitryons, deux Sosies et un double rapport supériorité-infériorité.
Cette tri-stratification des classes a des conséquences sur la structure générale
de la pi èce et particulièreme nt sur l
e
dé n oueme nt qu i
s
’é c
a r
te du
sché ma cla ssiqu e qui
suppose, dans la scène finale, une réconciliation des valets qui fait de miroir à la
réconciliation des maîtres. Mais, comme dans la pièce de Molière le maîtres, se trouvant
e ux
aus s i
da ns un rappor t d’infériorit
é, ne peuv ent pa s a
r r
iver à u ne vrai
e ré
c onc iliation,
la dernière scène demeure encore dans une certaine incertitude. Les tensions ne sont
qu ’en pa rtie ré s
olue s et
le ma l
a i
se deme ure .
Pre uve en est
l’abs en c
e d’Al cmè n e
de ce t
te
1
« A pr ésent, spe ct
a t
eurs, appl audissez de t
out es v
os for
ces
en l’ honneur
du gr
and Jupiter.»
(PLAUTE, MDCCCLXVI: 32)
« Amphitryon : Qu’ à
bénir ce cha rme ur cha cun soit
occupé
[…]/Son cri
me
la
re
lèv
e,
il
a
c cr
oî t
son
renom /
Et
d’un ob j
et morte l
f
a it
une autre Junon. (
DE ROTROU,
MDCL: 126.)
« Mais enfin coupons aux discours, / Et que chacun chez soi doucement se retire / Sur de telles
affaires, toujours / Le meilleur est de ne rien dire (MOLIERE, 1971 : 442)
181
scène finale, absence insolite et injustifiable, ni par des conventions dramatiques, ni par
son état physique1.
La structure actorielle de la pièce de Molière sert au but et au nouveau s ens que
l’auteur dr ama ti
q ue
v e ut
don ner a u my the. Si c hez Plaute e t Rot rou l’a ction est
concentrée autour de cinq personnages : Amphitryon, Jupiter, Sosie, Mercure et
Al cmè ne ,
ch ez
Mol ière, Cl éan t
his ,
la su i
va nt
e d’Al c
mè ne et
fe mme de Sos ie acqui e
rt
une impor tan ce non indiffére nte. C’ est
qu e che z
Pl aute ou che z Rot rou –qui se limite
en grandes lignes à traduire et à adapter la pièce antique – l
’i
mpor t
an ce rés i
de
da ns
la
subs ti
tution de s
dieu x et da ns l’affir
ma t
ion du rôl e
in contourn able du mon de div i
n.
Chez Molière, le mythe est subverti et transformé en instrument de critique sociale. De
plus, en con struisant
u n r
ôl e d’un e certaine ampl eur pou r
Cl éanthis, Mol i
è re es saie de
se
plier aux structures et prototypes du théâtre classique, où il faut y avoir un parallélisme
en t
re
le coupl e des ma î
tres et c el
u i
de s valets,
de
sorte que l
’i
nfor tune
ou la
qu erelle des
uns doi t c orrespon dre à l ’infortu ne e t à l a qu e
re l
le de s a u tr
es; é ga leme nt, la
récon cili
a t
ion des ma î
tres doi t
s’ac compa gn e
r d e
la ré
c onc il
iat
ion des valets. Il faut voir
dans cette construction « en miroir » des couples de personnages, un reflet de la
con ception qu e
l’on a à
l’époqu e de
la place
et du r
ôl e
de s val
ets et des suiva n t
e s dan s
la
société du XVIIe si
è cle.
I l
s n’on t pa s d’identité
s ociale et ne se définissent que par
rapport à leurs maîtres, qui ont un pouvoir absolu sur eux. Pourtant, la place plus
importante que Molière accorde à la classe des valets correspond également à une
évolution sociale qui se produit timidement :
l’a s
cens i
on de s
cl
a sses moins privilégiées.
Mê me s ’il
c onstruit s
a pièce de th éâtre su r u n s ujet my t
hique,
Mol i
ère
en tr
epr end par l
’ uti
lisati
on qu ’i
l
en fai
t u n impor tant travail de démy thi
fica
tion
, qu’i
l
mène à bout par divers moyens et stratégies : le langage, la démythification des figures
mythiques, la démythification de la source des mythes et la transformation du mythe en
instrument de critique sociale.
Dans Amphitryon, certains dieux perdent leurs attributs divins, tels la distance
et sont pourvus de passions humaines, telles la lassitude ou la faiblesse :
De plus, Jupiter, par un discours ambigu, donne des indices à Alcmène sur sa
vraie identit
é. C’ est un
éléme nt inv
rais
e mblable,
pu i
sque ces paroles n’évei
ll
ent aucun
soupç on d’Al cmè ne. De pl
us, da ns
les
pièces
de Pl aut
e ou de Rotrou ,
l
e die
u a gran d
soin de ne pas se faire découvrir comme imposteur :
1
Alcmène est aussi absente chez Platon et chez Rotrou dans la scène finale, mais là, son absence
e
st
motivée par le
fa i
t
qu’e l
le vient
d’a c
co uc her
.
182
Jupiter : Vous voyez un mari, vous voyez un amant,
Mai s
l’amant
se ul
me touc he, à parl
e r franc hement,
Et je sens, près de vous, que le mari le gêne.
Ce t amant , de vos vœux j
aloux au derni er point,
Souh ait
e
qu’ à lui
seul
v otre
c œur s
’abando nne.
[…]
Que vous le sépariez
d’ avec ce
qui l
e blesse,
Que le mari ne soit que pour votre vertu,
Et que votre
cœur ,
de bon té
r evêtu,
L’ amant ai t
tout
l’amour e
t tout e
la tendr ess
e. ?(
MOLI
ÈRE,
op. cit. : 384)
Jupi t
er n’est
pa s l
e seul à fair
e al
lusion à son i
mpos t
u re.
Me rcur e
aus si
le
fai
t,
lorsqu e,
a yan t
pris l
’appa rence de Sosie, i
l veut
ex pli
quer à Clé ant
his l
e peu d’e f
f usi
on
amou reus e qu’il
ma nif
e ste
pou r sa
femme: « ils sont encore amants » ? (MOLIÈRE,
ibidem : 386) dit-i l à pr opos d’Amphi tryon et d’Al c
mè ne. En
fait
, le di
eu jou e sur
l’ambi gu ït
é du sens du mot dans les
c i
rcons t
a n
c es données. Al cmèn e e t
Amph i tr
yon
vienn ent de se ma ri
er, don c
ils sont enc ore proche s
du st
a t
u t
d’amants, tandis qu ’eux,
Sosie et Cléanthis, sont mariés depuis quinze ans déjà, ce qui a un peu effacé la passion.
Ainsi, le terme amant est entendu par Cléanthis comme « récent mari », tandis que pour
Mercure, « l ’ama nt» est
c el
ui qui a pri
s la femme de quel
qu ’un d’
autre.
Bien que Molière compose un portrait dévalorisant des dieux, en insistant sur
leurs faiblesses, sur leur fourberie, sur leur mépris pour les humains, il garde dans la
construction de leur image un élément hérité de la tradition mythologie : l’
omn iscience,
le don de prévision et une certaine justice des dieux. Ainsi, vers la fin de la pièce,
Mercure dévoile devant tous quelle a été la source du malentendu : Jupiter avait pris
l’appa renc e
d’Amph itryon ,
t
an dis que lui,
Me rcure, avai
t
empr un t
é
celle de Sos ie:
183
Que, sous les traits chéris de cette ressemblance,
Alcmène a fait du ciel descendre dans ces lieux ;
Et quant à moi, je suis Mercure,
Qui, sachant que faire, ai rossé tant soit peu
Ce l
ui dont j’
ai pris la
fi
gur e:
Mai s de
s’en cons ole r
il
a maint ena nt
lieu.
?(
MOLIÈRE,
op.
cit. : 439)
Mercure :
Lor sque dans un
haut
rang
on
a l
’he ur
de paraître
,
Tout
ce qu’on fai
t es
t bel
et
bo n;
Et sui
v ant
ce qu ’
on
peut êt
re,
Les choses changent de nom. ?(MOLIÈRE, ibidem : 365)
D’au tre part, Sosie se définit toujours par rapport à son maître, auquel il se sent
li
é
et intégr
é da ns
sa famille. D’ailleu rs,
il
parle de l
a ma ison
d’Amph itryon comme de
« notre » maison :
184
S’ach arne
au vain honne ur
de demeur er
près d’eux
,
Et s
’y veut conte nter
de l
a
fau sse
pensé e
Qu’ont tous les autres ge ns que
nous somme s
heureux
.
Vers la retraite en vain la raison nous appelle ;
En vain notre dépit quelquefois y consent :
Leur vue a sur notre zèle
Un ascendant trop puissant,
Et l
a moi ndr e fav eur
d ’un cou p d’œil
caressant
Nous range de plus belle. ? (MOLIÈRE, op. cit. : 367)
Un a
utr
e
aspe
ct
de
l’
inj
ust
ice
soc
ial
e a
uquel
s’attaqu e
Mol ière est
la l
ibe r
té de
pa
rol
e,
qui
n’
est
per
mise
qu’
aux
cla
sses
pr
ivi
lég
iée
s, tout en étant refusée aux autres :
Mercure :
Et
les
c oups de bât
on d’ u n
die
u
Font honneur à qui les endure. ? (MOLIÈRE, ibidem : 439)
Conclusions
Comme l
’on a pu voir,
Mol i
ère
c onst
ruit sa piè
ce de
théâ tre à
pa r
tir d’u n
sujet
connu et un sujet qui lui assurait un succès certain. Contrairement à Rotrou, Molière
appor te be aucou p d’inn ov a
tions dans s
on Amphitryon, des innovations au niveau du
sujet myt hi
qu e, de s
pe rsonnag es
, de la str
uctu re e t
du symbol isme d’ une h is
toire
my thiqu e conn ue.
Si
le but de Rotrou
était
pri
nc ipaleme nt le
diver ti
sseme nt, s’agissant
dan s son cas d’ une œu vre comma n
dée, le but de Mol iè r
e e t
de t
ran s
for me r cette
« histoire de court » dans un prétexte pour construire une âpre critique sociale : contre
une roya uté
disc ré
tionn a i
re et
c ont
re une iné
galité de
droits entr
e les cl
asse s qu i
n’est
abolie que par la parole.
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Amphi tryon de
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186
ACCABLEMENT, DISTANCE ET CONSOLATION.
LE POIDS DE LA MÉMOIRE CHEZ MARIE-CÉLIE AGNANT,
MAURICIO SEGURA ET AKI SHIMAZAKI
Lucie LEQUIN
Université Concordia, Canada
De puis les an n
é e
s 1980, l’ écri
tu re au Qu é bec e st
en trée
da ns un e
période de
décentrement (BIRON et alii, 2007 : 531-535). Entre autres, la littérature se définit
moins par rapport à la nation, même si ce pôle se montre encore dans des moments de
con troverse.
L’un des si
gne s l
es plu s ma nif es
tes du déc entreme nt
est l
’individu en
qu ête
de lui-même qui tente de se reconstruire dans un monde décomposé. Ce sujet « sans
appui » (ibidem : 534) plonge en lui-même pour se trouver et se définir. Les récits de soi
abondent. Les écrivains ne veulent plus compter sur les idéologies, voire les systèmes
politiques, pour faire avancer une réflexion sur l’être huma in dans le mon de; cette
expérience intérieure fondée sur la mise en question ne peut se vivre dans la coupure
absol ue d’a ve
c l e monde puisqu e «“ soi -mê me ” ,
c e n’ est pa s l
e sujet s’isolant du
mon de, ma i
s un lieu de commu nica ti
on … » (BATAILLE, 2006 : 21) Par des récits de
l’int
é ri
orité,
des écri
v ai
ns réfl
éch issen t
a u s
oi ,
à l’hé ritage l
a iss
é pa r l
e s
g én é
r a
tions
préc édentes, aux di
ffé r
enc es,
à la haine, ma is a ussi à la dig ni
té,
à l’amou r
e t
à la
communalité de notre humanité. Pour retracer ce fil interrogateur du soi dans le monde
qu i
se dév i
de da ns l’écri
tu re
a ctue ll
e a u Qu ébe c, je me repor t
erai à de s
œu vres de
Marie-Célie Agnant, Le Li vre d’ Emma, Mauricio Segura, Côte-des-nègres et Aki
Shimazaki, Wasurenagusa. I
l s
’a gira
d’ex plor er
le ur éc riture pour y repérer le poids de
la mémoire alourdie de traditions et ses effets sur le soi.
Dans chacun de ces romans se faufile une certaine étrangeté. Le l
ivre d’Emma
présente une femme enlisée dans la mémoire de sa généalogie au féminin et
impu is
sante; plus elle se dé bat, pl us e l
le s’enf on ce da ns le s eaux bleus –couleur
omniprésente associée à la malédiction –du sang et de la folie. Pour les Montréalais,
Côte-des-nègres rappelle, déformé, le quartier, Côte-des-Ne ige s,
où se dé r
ou le l
’action.
Ce jeu de mot s éloqu ent i
nv it
e à tra quer l’appr en ti
ss a
g e du r
a cisme, ma is c
e r
oma n dit
au s
s i l
e poids hé ri
té du dé placeme nt des paren t
s de ve nu s inattent
ifs par c
e qu’eng l
ué s
dans leur mémoire du pays perdu. Le vocable japonais Wasurenagusa (myosotis)
dé s
or ient
e d’embl ée,
d’autant plus qu e toute l
’ action s e dé roule au Japon. Pou rtan t
,
187
rapide me nt,
l’
ac cable me nt
lié au
poi ds des t
raditions
s’i
nsc r
it
tou t
pr
è s
de la paralysie
du soi, accablante, à la fois familière et étrange, exposée dans les deux autres romans.
La mémoire léguée, dans chacun des cas, se fait entrave au soi car, plus « prothèse »
que critique, cette mémoire transmet « l e trauma tis
me ,
l’absence du tr
avail de deuil»
(ROBIN, 2003 : 337) La mémoire critique, elle, « ne craint pas la nécessaire mise à
distance, avec la conscience aiguë que rien ne va de soi... » (ibidem : 314) Ces trois
roma n s parle
n t
e ssentiel
leme nt de l
’huma in
a c
c ablé
par l’
h i
st
oi re de ses
an cêtres,
un e
h i
stoire qui est
la sienn e sans toutefois l’être t
ou t à
fai
t,
d’où la ren t
rée
en soi
pou rse
trouver au-de l
à de l
’h érit
ag e, par
le r é
cit oral (Agn ant)
,
l’écri
ture d’ un
roma n
(Se gura)
e t
une qu êt
e
inti
me
e t
discrète (Shima zaki),
mi ne de ri
en.
L’ é
trang eté
de ces r
oma ns n’a
rien à voir avec les lieux de naissances des uns et des autres (personnages et auteurs),
mais avec le soi inachevé et inachevable. Je fais miens ces mots de Pierre Nepveu : « Je
c r
ois qu e nous somme s plus que ja ma i
s en train de nous rec r
é er de l
’intérieur,
de
dé couvrir
l’étrang et
é a u
fon d de nou s-mêmes » (NEPVEU, 2004 : 46)
L’
impos
sibl
e
dis
tanc
e d’
ave
c l
a mé
moi
re
Le Liv r
e d’Emmamet en scène principalement Emma, née dans « une colonie
de morts vivants » (AGNANT, 2001 : 27) et une interprète, Flore, sans joie ni peine
pu isque r éfug iée da ns un e n eutrali
té certaine. L’ enfe r
me me nt d’ Emma da ns s a
mémoire, une mémoire ancienne toutes en strates qui portent la perte de ses aïeules, est
au cœu r du roma n.
Emma n’arri
ve
pa s
à
por t
er le de uil,
pa r
con séqu ent
à se li
bé rer de
l’obje t
pe rdu – un e
c ert
ain e capacit
é à
l’ai
ma nc e –et à se réorienter vers la vie. Après
de s anné es de souf f
ra nce, Emma pleure encore s on e nfance
d’ enfant mal aimé e ,
et sa
lign ée
au fémi n i
n
à
qui l’esclavage a dérobé sa
di gnité de
façon encore plu
s abus ive
qu e
pour les hommes esclaves, car les femmes devaient lutter contre les hommes blancs,
mais aussi contre les hommes noirs qui plaçaient, au-dessus de la compassion, leur dû
d’ homme s: « Blancs, Nègres, moins Nègres, tous se jetaient sur les femmes couleur de
nuit, sans leur demander leur avis » (ibidem : 135). Cette histoire constamment
res sass
é e et rejou ée hante Emma qu i
n’est
plus qu e l
e spec t
re d’ell
e -même, par ailleurs,
un spectre habité par toutes ces ancêtres, spectrales aussi.
Bi en qu’e l
le se dise mor t
e ,
que
sa mé moi r
e soit son tombe au,
elle s’abîme à
témoigne r. Pa radox aleme nt, ma l
g ré la perte a nces trale
, Emma s ouffr
e d’ un e xcès
d’ origi
n e; elle: « se trouve exilé [e] dans son origine, exilé[e] en soi, empêtré[e] dans
un soi impalpable de vertiges. » (SIBONY, 1991 : 33) Face à la vie, elle reste en
suspens. Ell e t en t
er a
de r epre
n dre a ppui e n s oi pa r
l ’éduc ati
on, e n é tu diant
of fi
ciell
e me n t, da ns la langue de l’ancien ma ître, l’histoire
parti
c ul
ière des femme s
es claves pe nsa nt que l
e savoi r
fer
ait une place à son ma laise
d’ ori
g ine,
à ses émo tion s
,
mais sa thèse de doctorat, deux fois rejetées, la renvoie à zéro, dans un zone
d’ impouv oir, à un trop-plein de souffrance, à un enclos fermé . Le savoir objectif et
codi fié ne rés erve, effectiveme nt,
a ucune plac e à l’é mot i
on et à l
’huma in a nonyme
caché par des dates et des événements dûment inscrits dans les annales. Si le savoir ne
pe ut tr
a du ir
e la v ér
ité du trauma t
isme qui frappe l’âme et
la f
idé l
it
é
à c e pas sé qui
doi vent être di tes,
rien ne pour ra
la dégager de son ac cableme nt.
Mor t
e ,
el
le restera; on
lui a d’ailleu rsdérobé son âme (AGNANT, op. cit. : 11, 23, 157 ,
164) .
C’ est
c e
refoulement hors du savoir qui la pousse à tuer Lola, sa petite fille puisque comme
Emma, elle « était condamnée » (ibidem :
162) à emma ga s
iner la souffra
n ce; elle ét
a i
t
déjà morte. Cette enfant pouvait aussi se tourner contre Emma, « se transformer en bête
188
à crocs » (ibidem) comme Fifi qui avait rejeté sa mère à elle et, par la suite, Emma, sa
fille. Avec le temps, Emma comprend que ce rejet intergénérationnel découle du temps
esclavagiste dont
les effets dé létères son t
tou j
ou rs
à l’œuv re: sa lignée a appris la haine
de soi ,
la méfian ce de l’aut re
et l
a hié r
ar c
h i
e
de s c
ou l
e urs de pe au .
De s dé cenn i
e s apr ès
la f i
n de l’esclav a ge, c es f emme s son t inca pable s de s e dé gag er du re ga rd de
l’oppr esseur et d’ in ven ter un rega rd s
u r soi,
cri
tique , n ova t
e ur et conf i
ant. Qu e
l es
an c êtres aie
n t
reje t
é la gén ér at
ion asc enda nte
ou desc enda n t
e, ou aient été re
jetée s, c’
e st
que leur souffrance incommensurable leur avait fait perdre « le sens des choses »
(ibidem : 107). Le me u rt
r e de Lol a n’est donc pas de l
’a utopr otection, ma is bi en un
g este d’aima nc e, e lle v eu t lui é pa rgne r
un pa rcou rs d ésh uma nisant. C’ est a uss i
l a
ré pé ti
tion d’un ge ste an ces tral par l
e que l
des mè r
es on t
tué leur fil
le pl utôt
qu e de
le s
soumettre
à l
’irré ver si
bi li
té
du ma lh eu r
.
Tout le roman se passe dans un hôpital psychiatrique où Emma refuse de parler
au mé decin blan c qui doi t
l’éva l
u er en
vu e de sa capa c it
é à s ubir un pr oc ès
. Le dou bl e
rejet de celui-ci –homme blanc et homme de savoir –confi rme qu’Emma sait qu’ il
n e
peut être un interlocuteur valable, car comme les savants qui ont rejeté sa thèse, il juge
d’ embl ée.
Le
s eul fa i
t qu ’elle
soit à l’hôpi t
al plutôt
qu’ en prison indiqu e dé j
à qu ’elle est
refoulée du côté de la folie. En commun, elle et le médecin ont la langue française,
mais, au fond, le code principal, celui du contexte de sa douleur particulière, est tout à
fait étranger au médecin, du moins Emma en est persuadée, car le malheur est, pour elle,
u ne ba rri
ère qu ’il n e sa ura tr
a vers er. Elle choisit don c de n e pa rler qu’ en cré ole ,
sa
lan gu e ma ter
n elle, ma is
c’e st surtout
la langu e
de s
on appre ntissag e
de l
a
mor t-v ie, d’où
la pr ésen ce
de l
’in t
e rprè te,
Fl ore ,
qu i
pa rle
c r
éole .
Malgré elle, celle-ci se laisse happer dès le début de son tra v ail
au près d’Emma
qu i est,
à l
a foi s, luc i
de e t f
olle. El le, l
’interprète profe ssi
on n elle et obl i
ga t
oi reme nt
distante, traduit « non pas des mots, mais des vies, des histoires » (ibidem : 16). À la
quatrième séance, elle devient « un e pa rt
ie d’Emma , [ell
e ] épou s e
le de stin
d’ Emma»
(ibidem : 18). Dè s lors, s’é tablit
en tre Emma e t
Fl or e,
un c ontr at
de commun icati
o n
impl icite
qu i
n’e st pa s «une simple émission à sens unique où le récepteur serai passif,
ma is bien un
c on trat qu i
s uppos e un mi nimum d’ente ntesur ce dont il est question, où
l’on pe ut me t
tre en qu estion la qu estion
impl icite
, e t la
r edé f
inir e
n sembl e
.» (ABEL,
2000 : 223)
Le soir, Fl ore traduit e t
retr
an scr
it les mot s d’Emma ,
ré écrit
mê me pou r
avoir le mot juste et que résonne à jamais la haine d’Emma . Pa rfois ava nt
de re me ttre
son texte au mé de cin, e l
le s’en
fa it une
copi e, «poussée par une curiosité dévorante,
comme si au-delà du discours allait surgir une révélation. » (AGNANT, op.cit. : 48)
El le a ccepte don c son rôle d’interloc utrice et,
ledépasse en le transposant en création
afin que les mots restent. Le voile accablant de sa neutralité se fissure peu à peu, car le
ré cit d’ Emma la tra nsfor me .
Le t rav ail
de Fl or
e e st ainsi c ompl exifié: de simple
interprète, elle devient traductrice et écri vaine. C’ est son récit qu i
e st
donn é à lire, un
récit oral en créole dont le lectorat prend connaissance en français, donc deux codes
langagiers, mais aussi : « Ave c Emma , j’ai appris à utiliser d’ autres c odes, d’ au t
re s
repères » (ibidem : 65). Au-delà du c réole, il s ’
a git pe u t
-ê tr
e de s c ode s d’ un
« imaginaire linguistique au féminin » (BOUSTANI, 2003 : 64) qui redonne la parole
au x f emme s ou bli ées. Fl ore s e s urprend à pe ns er c omme Emma ,
pu isqu’ elle
l’a ccompa gne: « Av e c elle, j
’ai en trepris
un l
ong e t pé nible voy age da ns l
a cale d’un
n av ire […]
je suf foqu e ;
es cla ve ma rr
on n e
, j’ai
à me s
trou sses… » (ibidem : 63). Elle se
re trou ve donc
pa rmi l
e s f
e mme s an onyme s et
pa r
le récit
d’ Emma ,
é prou ve ce qu’ el
le s
épr ou v ent,
et da n s son nou ve au rôle, d’écrivain e
, e llepeut les faire voir et les faire
entendre. Peut-ê tre s’ag it
-il aussi des codes de la folie ou encore ceux du non-savoir et
189
de l’
affect. Il
reste que Flore a rri
ve à dé code r
le lang age d’Emma et
à
le t
ransme tt
r e
, à
rendre vive et audible la douleur incommunicable de cette femme, de ces femmes.
Il importe aussi de rappeler que, dans ce roman, deux je féminins entremêlent
leur voix. Le je Emma, par son devoir de mémoire, retrace son aliénation, la soupèse et
en démonte les multiples fils causals. Bien que celle-ci ait trouvé une interlocutrice
sinc ère
e n Flore ,
qu ’e
lle a i
t r éussi
à communi que r,
pa r
s a folie mê me ,
un e vé r
it
é
dou loureu se, elle
n’ ar
rive pa s à se dé t
ach e r de sa mé moi re où ell
e res
te coincée. Elle
peut toutefois terminer interrompre son accablement puisqu’ il
y a e u héri
tage reçu de l
a
pa role
sile ncieuse de
tou t
es c es femme s qu’ e l
le porte en elle. Elle me t donc fin à ses
jou rs
, car la mou vance dans la mé moi re e t la distanc e d’ avec elle,
lui deme u rent
inac cess
ibl es, et s
u rt
out, el
le ne peut s’aut oriser l’i
n fi
dé lit
é enve rs l
a
lignée que
se r
ait
l’ouv ert
ur e à l
a vie.
Le je Flore ouvre et clôture le roman et intervient ici et là pour inscrire sa
propre mouvance en elle-même, au cours de ses entretiens avec Emma. Par son geste
cré at
e ur
d’ écrire l
e tourme nt insouten able d’ Emma , Flore ,
à jama is h ors
de la
ne ut
ra l
it
é
aliénante, naît à la vie. Elle apprend « son nom de femme, avant celui de négresse »
(ibidem : 16 7). Bien qu ’el
le soit
ha bitée pa r l
e réci t
et qu’elle lui c
ons erv
e t
out e l
a
ch arge émot ive qu’ y me tEmma, contrairement à celle-ci, elle arrive à établir une
ce rt
aine di s
tan ce d’ a
ve c la mé moi re, qu i n’ e
s t
la sie nne qu’ indirectement. Ai nsi
dessaisie, elle peut supporter la perte, en faire le deuil et, enfin, être au monde, dans le
double sens de naître à s oi
et d’être
pr ésente dan s
le
mon de . En somme ,
la cr
éa t
ion, plus
qu e le sav oir forme l,
a rr
ive à mieux né goc ier la distan ce d’ ave c la mé moire pa rc
e
qu ’ell
e fa it place à l
’émot ion sans exige r u ne seul e adhé sion ,
entièr
e et
un ique, et
qu ’ell
e ré serv e la g r
ande pa rt à l’interpré tati
on plu r
ie ll
e e t à u n e «reconstruction
singularisée » (ABEL, op. cit. : 234) où c oh abit
e n
t que sti
on s et
pa s
sions. L’écritur
e
serait-el
le a l
or s
un e
façon
de surmont e r
le pa ssé t
ou t
e n
l’interrog ea nt?
L’
acc
abl
eme
nt
trans
mis
aux
enf
ants
190
étaient devenus une obligation » (ibidem : 101) . Cléo e t Ma rce lo s’ i
nv e
nte nt ainsi u n
local à l
e ur me s
u re ,
ouv ert
à
l’aut re,
hy bride
e t plei
n de sollicitude , « dans le fracas des
chocs de continents, dans le frayage et le frottement des communautés » (OLLIVIER,
2002 : 94). En action, spontanément, ils refont « les structures du voisinage » (ibidem :
92).
Tou tefois , ma lgré c ett
e dispos it
ion d’ ouver t
u re ,
l a c rispation identitaire de
leu r s
pa re nt
s ou de s e nfants
plu s vieux fi
n ira pa r l
es re join dre et infectera leur
ami tié;
alor s
, la mé f
ianc e de l’autre connu , sou da ineme nt i
n conn u, se me ttra
à
stru cturer
le ur
espace, leur être même. Au fond, ce roman traite du lent et subtil apprentissage du
ra cisme . Sous
l’inf luen ce de s adu lt
es qu i les en touren t, ou plu tôt n e le
s
en tour en
t pa s,
Cléo et Marcelo, apprennent à se figer dans leurs origines culturelles, que,
fon dame ntaleme n t,
i
ls n e conn aissent pa s
v raime nt,
pui squ’ il s’a g i
t surt
ou t de s
o
rigine s
de l e urs pa rents ,
l e s l eurs é tan t
a us si
e n l ien a ve c u n e a utre cu l
tur e, d’au tres
ex pé rien ces, d’autr es liens
de soc ia
bi l
ité. À l
a pr emiè re é pre uve diff i
cile
, leu r
i
dentité ,
en devenir, se nourrissant à la relation communicative, se retrouve incarcérée dans
l’ide ntité c ul
turelle de la généra ti
o n pré céde nte qui
n’ es t plu s
qu e n ost
a l
giqu e et
figé e
dans le temps.
Profondément, Cléo est un enfant sans appui. Sa mère est malade, et son père
su rtout abs ent,
mê me lorsqu ’
il rev i
ent v ivre avec Cléo après le suicide de la mère. Cet
homme et cette femme sont écrasés par la vie, elle surtout par sa maladie, lui par le
poi ds du pays
per du .
Ni
l’un n i
l’a u
tre n ’arrive à s
ecou e r leu r
ma l
de vi
v r
e pou r
enlac er
Cléo, tant physiquement que spirituellement. Solitaire, lorsque ses deux copains rentrent
dans leur appartement respectif, laissé à lui-même, celui-ci préfère rester dehors
«j usqu’ à ce que la nu it
le subme rge tot al
e me nt» (SEGURA, op. cit. : 64). À dix ou
onze ans, il doit se prendre en charge ;
e ntre autr es,
il
s ’
oc cupe de se s r
epas. À l’éc
ol e, il
ex c elle à la course ; à c ause de c e succè s,
au j
e u ,
il
est e xtrov erti. Ma is
da ns la cla
sse , il
es t i
n t
rov e r
ti,
il ma n qu e de con fiance et
d’a ssu r
anc e; ses de voi rs son t
la plupart du
temps incomplets, mais comment pourraient-i ls êt
re comp lets? À l
’ é
cole c omme à la
maison, une même passivité, du moins un intérêt cloisonné de la part des enseignants.
Su ccè s / insuccès s’e ntrelac e
n t
sans le moi ndre souc i,
s ans la moi n dre que sti
on ,
ou si
pe u ; un e seule fois ,son enseignante lui parle de façon privée, pour aussitôt se venger.
Cl é o s acre sans le sa voi r
; la vieille religi
e use , offens ée da ns sa foi et
son pas s
é, pe rd
tou t
s ens de compa ssion et lui a nnon ce
don c pu bliqu eme n t qu ’on l’envoie dans un e
cla s s
e d’a ccueil
, c e qu i, à t
ort ou à rai
s on, e s
t a ssocié
à u n ma nqu e d’i
n t
elligen ce.
El le
l’h umi l
ie et
le sa it. C’ est le pre mie r pa s
dans l’
appr en tissag e des préjugé s.
D’ autre s
adu lt
e s, pa r
a i
ll
e u rs pe rsua dés d’ êt
re bons et intègres la pl upa rt du
temps ,
r
é agi
sse nt
ainsi dè s qu’ i
ls se sen tent trahis ou me n a
c és da ns
leu rs c on vic tions et
leur c ult
ure. I l
s
ont peur et cette peur se manifeste sous forme de racisme, non pas que le racisme « se
ré du ise à
la peur; ma is [
…] i
l y a un noy au
de pe ur
a utou r duqu el tout un compl exe s e
con struit … pou r la c alme r.» (SIBONY, 1997 : 34) . C’ e st,
not amme nt, la
pe ur qui
an ime l’on c
le de Ma rc elo,
qui, sa oul,
n e sait plus s
e c ompor ter ou os e
s e
c ompor ter e n
de h ors
de s règles de bon voi s
ina ge
pratiqu ée s
pa r
les
e nf an ts.
Lor squ ’i
l
s ur
pr e nd s
a fille
et Cl é o à
s’embr a sse r dans
le ca dre d’un j
e u, il
s ’en
pr en d viole mme nt
à
Cl éo a l
ors que
sa fille « d’ un e f ougu eus e au da ce» (SEGURA, op. cit. : 158) accueille avec joie
l’oc c
a sion d’embr a sse r Cléo. Sa pe ur de
pè re qu i
dé cou v re la c u r
ios i
té sexu elle de sa
fille se transforme rapidement en rejet de Cléo, un enfant hors communauté, de surcroît
noir et, selon les préjugés du père envers tous les noirs, sans doute hyper sexualisé.
Ma rcel
o a be a u dé f
en dre Clé o et ins ul t
er son on cle, l’ ami t
ié ent r
e les
de ux
garçons se fracture. Au retour de la fête, Cléo ne veut pas de la main consolante de
191
Ma rcelo su r son
é pa ul
e. Bi en que
Cl éo a i
t rai
son d’être en c
ol ère c
on t
re l’
on cle,
il
se
trompe de cible en repoussant Marcelo. Cléo bloque sur son ami, sa peine et son
désar roi d’e nfan t
seu l
, comme si
Ma rc elo avait
lu i-même prononcé les paroles racistes.
Ce soir-l à, Ma rcelo de vi
e nt latino ava nt d’êtr
e Ma rcelo. Indirec t
eme nt,
il
est ethnic
isé
par le regard de son oncle qui a ethnicisé Cléo par son propre regard. Plus tard, Marcelo
répé t
e ra le ge ste
et repou ssera ,
à son tou r,
la main b ienve i
llante de
Cléo. C’est
Ca rl,
un
nouvel ami haïtien de Cléo, qui insulte tous les latinos, mais qui, au fond, vise Marcelo.
Celui-ci, blessé, se ferme irrémédiablement et Cléo perd alors son nom pou r n’êt
re
qu ’haïtien. Ma rcelo s
ait que l
u i
a ussi
s
e tr
ompe de cible: « Tu as eu envie de revenir,
mais tu en avais été incapable » (ibidem : 179). Il se bétonne pour ne pas avoir mal.
La spi r
ale mortifère du racisme s’enclen c he a l
or s
s a
n s que Ma rcelo ou Cléo,
e ncore des enfants, a
g i
ss e
pou r l’entrave r
. De pa r t et d’autre, ma lgr
é
u n att
ac hemen t
e nt
re e ux qui du r
e, ils
adopt ent ,
pe u
à pe u, l
’auto-réclusion des plus vieux. Ils confinent
leurs activités à leur groupe ethnique. Ils jouent au plus dur, au plus brave et refoulent
tout se ntime nt d’
o uv ert
u re
. Ac ti
v eme nt en forma n t de s gang s rivaux,
ils
alime ntent
la
pe ur
e t l
e mé pris
de l’
a ut
r e
di fférent.
À plusieurs
r epr i
s es,
l’
u n ou
l’aut
re des garçons est
placé à la fenêtre, regardant au loin tout en souhaitant se délester du poids de la haine
transmis par leurs aînés, mais accablés, ils ne savent plus se retrouver eux-mêmes :
« Le s v oleu rs d’être
–qui se sentent volés dans leur être – préfèr
en t
e f
facer l
’aut
re
plutôt qu e de s’af
f i
rme r.» (SI BONY, 199 7: 253) En conséquence, par orgueil et fidélité
au gang, ils se détruisent, tout à fait dominés par la loi du talion. À la fin de cette
escalade de la violence, Cléo, tellement plein de rage, poignarde un policier et est tué
par un autre sous les yeux des membres des deux gangs. Marcelo voudrait effacer cette
mor t qu i l
u i don ne l’impr ession
de «pl ong er
au fon d d’ un puits» (SEGURA, op. cit. :
288) , ce l
ui de la ha ine
de struc tr
ice. Pou r remon ter de cet
a bîme , l
a conversation qu’il
porte en lui depuis des années pour se réconcilier avec Cléo se déroule dans sa tête,
toutefoi s trop tard pour s
a uve r ce de rnier. Tou t l
e li
v re que l’on suppose écrit
par
Marcelo mets en mots de nombreux rendez-vous manqués où les parents, et plus tard les
enfants, auraient pu agir, repens er l
a h aine et
sortir de l’impa sse
qu’el
le cons t
ruit,
mais
n e l’
on t
pa s f
a i
t pa r inatt
en tion, par i
n con f
ort ide n t
itaire pers onnel,
pa r
ac cablemen t
aussi : « C’ est pratique pou r compr endre
l’origi
n e de ses problè me s
de les
projeter s
ur l
e
problème des origines » (SIBONY, 1997 : 155). En ce sens, ce roman parle de relation
empêchée par les aînés qui souffrent sans arriver à identifier la source de leur souffrance
et la transmette, en héritage fermé, à leurs enfants. En relatant, Marcelo, témoin et
participant , ac comp li
t un trav ail de mé moi r
e et de deui l
; à l’é vi
dence, sans di s
cours
persuasif, il condamne les identités figées qui ne peuvent que conduire à la mort.
192
familiale et sociale qui comporte son lot de préjugés. Enfant unique, riche héritier de
l’impor tante
fa mi ll
e Ta ka ha shi,
ju squ ’à l
’ éc h ec de son pr emie r
ma riage , Ke nji s’ef
for c
e
de plaire à ses parents même si jamais il ne se sent ni « à l’
a i
s e» (SHIMAZAKI, 2003 :
89) ni « heureux » (ibidem : 119) au sein de la famille. Au lieu de défendre sa jeune
épou s e
qu i
e st
bl âmé e pou r
l’ i
nfé con dité du
c oupl e ,
il
l
a isse s
e s
pa rents, sa mè re
surtou t
,
la h a
r c
e ler,
v oire l’humi lier parce qu ’
e l
le n e leur a pas e ncore
don né
u n hé r
itier.
Ke nji
n’a pprouv e pa s ses pa ren t
s , ma is h abitu é à se plier, il laisse faire. Il a surtout peur
« d’ êtr
e
conf ron té à un probl ème» (ibidem : 29), sa mère le suffoquant complètement.
Tou te fois,
le div orc e le ch ange ra . Comme n c
era alors sa ré
s istan ce à l’hérit
a ge
familial qui se veut immuable. Il rêve notamme n t d’ê
t re seu l
et «orphelin » (ibidem :
15). Il commence par se prendre un appartement loin de ses parents et résiste aux
prop ositions de ma ria ge ,
or ganisé es
pa r e ux ,
s an s lu
i .
C’ e
s t
qu e le ma r iage dans la
société japonaise traditionnelle des riches de cette époque, est une affaire de famille qui
a pour but de préserver les richesses, la classe sociale et de fournir un héritier. Le
sen ti
me nt
amou reux ne
c ompt e
pa s; seule l’ ima g e d’un c ouple
un i
impor te.
Plutôt que de sauvegarder les apparences par le respect obligé des désirs
parentaux, Kenji organise sa résistance. En effet, intuitivement, sans trop savoir
pou r
qu oi,
il se me t à agi r à l’e ncon tre
de c e qu i
l ’a condi ti
onn é
dè s
son e nfan ce et,
entre
autres, transgresse les frontières entre les classes sociales. Par exemple, il donne des
mé dicame nts à l
’orph e linat où trav a i
lle Ma riko et y fa i
t des r
é paration s. Il trouve u
n
réc onfort i
n co nn u da ns
le s me nus s ervice s qu’ il re nd e
t à chaqu e visit
e , tr
ouv e quelque
ch ose
d’a ut
r e à répa rer. Ce s gestes l’ a
ide n t à s
’autonomiser face à ses parents. Il se met
alors à éprouver un sentiment de vie bonne, ca r, par
l e so u
c i
d’ autrui, ce don de lui-
mê me
tou t
à
fa it
g r
a tuit, i
l ch e r
ch e qu i
il es t, ce
qu ’il
veut .
Ta rdiveme n t,
il déc ouvre peu
à peu son moi véritable. Il met en a ction l’ idée de Lév ina s
à l
’e f
fet qu e: « pas de soi
sans un autre qui le convoque à la responsabilité » (RICŒUR, 1990: 218).
C’e st c et
te c ompa ssion env ers c eu x qui possède nt moi n s
qui a mi s Ma ri
k o et
son enfan t
su r son c he mi n. Dè s qu’ il
de vi en dra a mou r
e ux de celle-ci, il se préoccupera
de son fil
s, Yuk i
o, et plu tôt qu e d’obl ig er l’
e nf ant
a u r
e spect con v en u et passif,
il
l’en courag era à la cur i
os ité: « Ma is pose r de s
qu e st
ions … c’est
un e ch os e impor tante»
(SHIMAZAKI, 2000 : 25). Son sentiment amoureux l ’
a mè ne mê me à pe ns er en deh ors
de s schème s pr ofessionn els habitue ls.
Un pos te qu i s’
ou vre à Na gasaki , don t person ne
ne veut,
lui se mbl e tou t à coup a t
tira nt;
la v ie y
s era i
t
plus facile
pou r lui et Ma ri
ko. Son
amou r pour elle l’
e ntraîn e a us s
i à conf ron te r ses pa rents; il
leur avou era ,
cou p sur
cou p,
sa s t
é r
ili
té e t
s on
a mou r pou r Ma rik o. Qu oi qu’il ait
espé ré,
u n peu n aïv eme nt,
que ses
parents accepteraient Mariko et Yukio, devant leur refus et leur méchanceté –la mère
ac cuse Ma r
ik o d’ être «d’ or igine dou t
euse » (SHIMAZAKI, 2003 : 81), –contre eux, il
l’épou se et
a dopt e Yuk io, r
e non çan t ainsi à son
h é rit
age .
Il a
be soin d’e lle
c omme elle
a
be soin de
lui .
Pa r la ré cipr oc it
é du be soin , v oire de l’
a mour et
«par la sollicitude à la
fois exercée et reçue » (RICŒUR, op. cit., 318), il se conforte dans sa tentative de bien-
viv re,
tout à fait cons cie nt qu’ il
«rame contre le courant » (SHIMAZAKI, 2003 : 84).
Av e c la dé couv erte du sen time n t a mou re ux s
’ ouv re aussi tou te la g amme des
émotions. Il se fâche contre ses parents, crie et, pour la première fois, éprouve un
puissant sentiment négatif : « Je hais mes parents à mort » (ibidem : 84). Il ne peut plus
retou rner à l
a n eutralité doc ile qu i a é t
é la si
e nn e.
Mê me qu’il s
e se nt «accablé de
jalousie par le passé de Mariko (ibidem : 104). Il devra lutter contre ce sentiment dont il
a honte. Il choisit donc de se taire –il ne demandera jamais le nom du père de Yukio –
rec onna i
s s
a nt s a cu rios i
té c omme ma lsa in e. La vérit
é l’aura i
t d’ailleu rs dé tr
u i
t.
Son
nouvel altruisme – l
’ au t
r e av ant soi e t
sa r es pon sa bili
té
enve rs l
’au t
re – l’aidera et,
av ec
193
le temps, la tendresse attentive de Mariko dissoudra ce sentiment de jalousie. Il ne
re grett
e r
a j
ama i
s sa
dé cision d’ av oir épous é Ma rik o e t
,
c on tr e les va l
eurs de son
mi lieu,
il placera l
a famille qu ’il
s’est ch oisie au centr e de sa
vie . Il e s
t p ers
u adé d’a voir
été
sa uv é
d’un e vi e
tern e,
acc abla nte, solit
a ire
et dé pr ess ive pa r Ma r
iko et
Yu kio qu i
lui ont
donné « la motivation déterminante » (ibidem : 88) pour mettre fin à sa passivité
obé i
ssan t
e .
Lor squ e ses pa ren t
s, av ec qu i i
l n e s’e st jama i
s récon cil
ié, lui laisse
r ont
quand même un héritage, il ira dans les orphelinats de Tokyo le distribuer. Cette
g én ér
os i
té con cerne avan t t
ou t
Ma r i
ko et Yuk io; pa r
c e don , il
v eut répa re r
l’insulte
pr oférée pa r
sa
mè r e
e t
affirme r
qu e ,
pou r
lu i
, il
n ’y
a pas d’ or ig i
ne
dou teu se .
Au cours de sa vie, il lui arrive néanmoins de se sentir coupable envers ses
parents avec qui il aurait peut-ê tre dû
s e ra
c corde r
, n ’ava i
e nt -ils pas, contre leurs valeurs
vieilles de trois siècles (ibidem : 89) ,
pr oposé un rappr oc h eme nt.
Lo rsqu’ il devien t
lu i
-
mê me âg é,
il se pr éoccu pe
d e
l’é tat
de leur «âme » (ibidem : 96) au moment de leur
mort, une âme sans doute habitée par la colère contre lui. Selon un bonze, une âme non
purifiée au moment de la mort « erre et renaît » (ibidem : 97) répétant ses mêmes fautes.
Toutefois, après quarante-six ans de mariage avec Mariko, il découvrira que lui-même
é t
a it
adopt é, une a dopt i
on dis si
mu lé e
, les par en ts ay ant pr ét en du qu’ il
éta itleur propre
enfant. Au même moment, il découvrira que Sono, sa nurse, était sa vraie mère. Il est
tou jours resté près de cett
e f
e mme qu’il a fr
é qu en tée en sec r et, avec
q ui
il était à
l’aise;
c ’est
tou jours elle qu’ i
l voul ait con s ul
te r
lors d’ un e décision important à prendre –son
mariage avec Mariko notamment – e t
e ll
e a é té ce ll
e qu i
l’a a uss i e ncou ragé à
s’a ffi
rme r. D’ abor d f âché con tre ses pa ren ts, il c ompr e nd qu ’i
ls ont é té e ux a us s
i
«v icti
me s
d’ une tra dit
ion fami li
a le» (ibidem : 119) qui ne permettait pas au couple de
n e pa s
a voir d’h érit
ie r
ni à l
’ homme d’ êt
re st
é rile. Av e c le temps , ils
n’ on t été qu’ un
couple de façade, malheureux ensemble, mais incapables de se révolter. Pire, ils ont un
temps coincé Kenji dans un étouffement semblable au leur. Leurs vies sont restées
inaccomplies.
Pa r son ag ir t
ran sgres s
if, Ke nj i,
lui,
a pu s’a ccompl ir, ma i
s ayan t
é prou vé leur
docilité accablante durant sa jeunesse, il arrive à comprendre et à pardonner. Il gardera
se cret
son orig i
ne
dou t
e use ,
non pa s qu’ i
l veille la cacher à Mariko, mais plutôt pour la
pr otéger d’u ne
autre peine ,
d’u n a utre poids; il sou pç on ne qu ’elle
souf fre en core de s on
pa ssé de jeun e femme et ne ve u t pas l
’alou rdir; il l’
é pa rg n e don c e
t s e conten t
e de
« sentir la chaleur de sa peau [celle de Mariko] se propager » en lui (ibidem : 123). Il
comprend que « pa rtage r
la
pe ine du sou ff
rir n’e st pa s l
e sy mé tri
qu e exac t
de partage r l
e
plaisir » ( RICŒUR, op. cit., 223).Tout au long de sa vie, Kenji a rencontré les
exigences de sa liberté conquise et a assumé ses choix. Le mérite positif de ses actions
est multiple :
il
a
mi s f
in aux me ns ong e s
d es
Ta k ah ashi; il
a do nné à Ma rik o et à
Yu ki o,
u ne
iden t
ité légale, et surtout a f
fe ctive; il
a aidé de s orph elin s et
de s mè r
e s h ors ma r
ia ge
sa ns savoi r
qu’ il
é tait
intime me nt c onc erné; il
a aimé en de h or s
du con ve nu ;
en t
ou tes
re spon sabili
té s,
i
l n’a pas
a bdi qué de vant l
e
dé se spoi r. I
l a a ppr is à penser se vie (reprise
du tit
re de
Sa vater), ce qu i
l’a initié à la j
oie
qu i es t «a ctivité […]
e lle
est lu t
te con t
re l
e
mal-ê t
re dé s espéré de la mor t qu i
n ous inf ec te de pe u r, d’ avi dit
é e t de h ai
n e»
(SAVATER, op. cit. : 274 ). Ce r tes,
l a joie n ’e st pa s c on sta nt
e ,
ma i
s ré currente; il
souffre encore, à preuve la culpabilité envers ses parents. Douce revanche, il verra le
nom de Son o perpé tué en la pe t
ite f
ille d’un a mi , un e cons ol ation gr at
uite e t émou va nte
pour un homme qui a su donner. Par ce personnage, Aki Shimazaki, encourage la
ré sist
an ce ma gn anime
et me t e n
lumi ère l’anc r
a g e en soi qu’ elle facili
te. Il ne s’agit
pa s
d’ une révolte mal ciblée qui va dans tous les sens, mais de petits gestes pour autrui.
194
Kenj
i e
st l
’un des
pe
rsonna
ges l
es pl
us pos
iti
fs de l
a pen
tal
ogi
e,
pui
squ’
il
a s
u
t
ran
sfor
me r
l
’ac
cabl
ement
hé
rit
é
des
pare
nts
,
en
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de v
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195
L’
ESPACE CLOS OU LE THÈME DU VI
LLAGE
DANS LE ROMAN « UN TEMPS DE SAISON »
DE MARIE NDIAYE
Camelia MANOLESCU
Université de Craiova
Introduction
Ma rie NDi ay e, Française
de na i
ssance
ma l
g ré
son n om sénéga l
a i
s, s’annonce
dans la littérature française des dernières décennies comme un écrivain de renom
(d’ ail
leurs e ll
e a reç u le pr ix Gon cou rt
en 2009 pou r
s on r oma n Trois Femmes
puissantes).
Romancière subtile, dramaturge de succès, adepte du « réalisme magique »,
Marie NDiaye a
ex ercé son écrit
ure de puis
l’âge de 12 ans et f
a it
parait
re son pr
e mier
roman, Quant au riche avenir à 17 ans. S on œuv reassez riche (Quand au riche avenir,
roman, Minuit, 1985, Comédie classique, roman, P.O.L, 1987, rééd. Gallimard,
« Folio » 1988, La Femme changée en bûche, roman, Minuit, 1989En famille, roman,
Minuit, 1991 et « double », 2007, Un temps de saison, roman, Minuit, 1994 et
« double », 2004, La Sorcière, roman, Minuit, 1996 et « double », 2003, Hilda, théâtre,
Minuit, 1999, La Naufragée, J.M.W. Turner, Flohic, « Musées secrets », 1999, La
Diablesse et son enfant, L’École de s l
oisi
rs, 2000, Providence, t
héâtre, Comp’ Ac t
,
2001, Rosie Carpe, roman, Minuit, 2001, Papa doit manger, théâtre, Minuit, 2003)
s’impos e
da ns
la l
igné e de la
génération de dernières années influencée par le surnaturel
et le paranormal, par le mystère et l'étrangeté, par la cruauté humaine.
Le roman Un temps de saison (NDiaye, 1987) exploite les domaines du rêve,
du c auche mar , du mal aise
e t de l’impos sibil
ité decommuniquer dans la société
moderne de notre temps. Le but de not re
étude v ise l
’analy se de l’
e s
pac e c losou du
thème du village dans ce roman de Marie NDiaye comme constante définitoire dans
l’év olut
ion de s é
v éneme nts
qu i t
ransfor ment la vie et l
a de st
iné e d’He rma n, u n banal
professeur de maths de Paris, resté un jour de plus dans la province où il avait l'habitude
de passer l'été avec sa femme et son fils.
196
Le roman de Marie NDiaye peut être perçu comme une pseudo-fable à
moralité variable où l’univers phy si
qu e et l
’uni v
ers
social se ne supe r
pos ent pa
s, où l
e
cor ps et
l’â me ,
l’être et l
e n on-être se trouvent dans des places différentes. Ou, selon
un e autre interprétation,
c ’
es t
une métaphore sur l'intégration, sur le choc des cultures
étrangères, sur les souffrances de l'exclusion, sur les difficultés de la communication
entre celui qui quitte une culture pour une autre.
1.
L’
espac
e c
los
ou
le
vi
ll
age
197
moi s d’hiv er,
a prè
s le dé part des vaca nci
ers. I
l e s
t tou jour s un li
e u clos parc e qu e,
pe nda nt l’
é t
é i
l n’est ouv ert
qu e pou r l
e s
vaca nciers
, tandi s qu e,
penda nt l’hiver ,
ce ne
son t qu e
les v i
llageois
qu i
ont l
e dr oit
d’y vi
v re: «
(…) Ros e et
lu
i s’étaien t
ex pos és à
de s pe rturba ti
on s
inc onnu es, d’une nature à
laque ll
e pe ut-être, i
ls
n’étaie nt pas de
ta i
lle
à résister. Car que savaient-i l
s de l
’automn e da ns cette r
ég ion et des mœu rs de ces
habitants dès lors que les étrangers étaient censés avoir quitté les lieux ?
En véri
té ,
l’été
fini, ils en ignoraient tout. » (NDiaye, 1987 : 15-16), « Peut-ê tre n’ai
ma it
-on pas ici que
les é tra ngers fissent conn aissan c
e de
l’automn e, qui en que lque sorte n e les reg ardait
pas, et considérait-on comme indiscrète cette immixtion dans la mystérieuse existence
de
l’ arrière saison? » (ibidem, 17)
He rma n se v oit
don c
dan s l’i
mpos sibil
ité de retrouv e r
sa f
ami lle, il
se he urte à
l’indi ffé r
en ce des autres
( l
es voi s
ins surtout
),
y
inclus les a ut
or it
és: « -Pe rs
on n e
n’ est
venu, dit-e lle enfin. Au jourd’ hui n ous n’avon s
vu qu e le
ga rde champê tre.» (ibidem,
12), « Sa ns dou te
l’av ai
t-il
s uffi
sa mme nt e
nn uyé pou r qu ’
elle eût
trouv é a ssez bon
de
limi te r sa gra n
d e civili
té à sa mi n e et
à s
es ges t
es lor squ’il la re
ga rdait, et peut-être
même le code des façons à observer envers les étrangers, pour rigoureusement aimable
qu ’il obl igeât à se mont rer e n l
eu r présence, ne sti
pu lait-i
l pa s
qu’on dû t e
n cor e leur
rendre service quand ils avaient tourné le dos. » (ibidem, 15), « I l cou rut j
u squ’ à la
g enda rme rie.
(…)
-Je viens pour une affaire grave, commença-t-il.
-Demain. Le bureau est fermé maintenant » (ibidem, 19), « ( …) –Revenez demain. Ce
soir il
n ’est
pl us t
emps ,
vou s ai-j
e dit.
Offici
elleme nt,
moi ,
j’ai quit
té mon service il y a
une heure. » (ibidem, 22-23), « -Je voudrais voir Monsieur le maire, pour une affaire
grave.
-Avez-vous pris rendez-vous ?
-Non ,
n on, ma i
s c
’est urge nt, t
rès urgent .
Ell
e hau ssa
les
s ourc i
ls,
désolé e,
é lé
g ante e t
se
mi t e n dev oir d’explique r que les affaires que traitait le maire chaque jour dès sept
heures du matin étaient toutes, sans exception, de la première urgence. » (ibidem, 29)
Les villageois lui font comprendre que son enquête sur la disparition des siens
n'inté res s
e
pe rsonne, qu’ il
s n ese soucient pas d'aider un étranger, car il est un véritable
étranger, venu ouvrir la saison des vacances. Sa seule chance de trouver quelque chose
est ce lle de perdre s on ide ntit
é pa r
isi
e nne,
c’est
-à-dire devenir un membre de cette
communauté si étrange dans son comportement, dans ses attitudes.
a. le rêve –cauchemar
Herman se sent perdu dans ce monde du rêve, un monde où tout se déroule
selon une tradition des siècles :
de ux moi s par an,
c’est
la visite
de s cit
adin s
, l
e solei
l et
l’ama bil
it
é
irréprochable de ses habitants, puis, une fois la frontière du 1-er septembre
fran ch i
e,
pou r u ne
période i
nv ariable de dix moi s,
c’est la pluie et l
e froid sans fi
n, le
retour à la vie cachée du village - une existence morne, effacée, qui continue des règles
prééta bli
e s,
de s décisions qu i
tou che nt l
’irréel,
l’
étrang e, c’est
«le mal du village »,
selon les
affirma t
ions d’He rma n (NDIAYE, op. cit. : 99)
Le village devient alors le lieu de refuge de celui qui est jeté par une société
qui le refuse. Se refusant une soc iété, i
l est
refusé à
son tou r par une autre d’adoption.
Ba lay é
d’un li
e u
à l’
au tr
e, He rma n est r
efus é,
tour
à t
ou r,
pa r t
ou s.
S’ i
l l
e veu t
ou non ,
il
est un ét
rang er pour
tou s.
Si les
v acan cier
s ne s’i
ntéressen t
qu ’à
le ur
cong é,
à
la l
umi ère
chaude du soleil, sans lier des amitiés, sans connaître la véritable vie de la campagne,
198
les
v ill
ag eoi s
non plus n’aime nt qu e
leur vie,
à l’
intérieur d’un vil
lage
fermé ,
n’intéres se
à personne, une fois les deux mois de vacances finies.
Al ors
He r
ma n n’a pas le droit
de se fâcher au moment de la disparition de sa
femme et de son enfant, il doit se contenter de son nouveau statut : un citadin qui se
métamorphose : « Il vous faudra une grande patience, beaucoup de doigté et tâcher de
vous glisser discrètement dans la vie du village, de devenir villageois vous-même,
in visible, in s
ignifiant,
et faire ou bli
er surtout que v ous ê t
e s Paris
ien hors été,
c ’
e st-à-
di re u n i
n trus
qui ,
en théorie ,
n’a pas
à v oir
ce qui n e
le con ce r
ne nulleme nt,
ce qu i ne
l’a
ja ma is intéressé et
qu’on pré fèr
e
qu ’il
ignore, la lon gue exi
stence h i
vernale, sa ns
pr inte mps , qui
dé bute
ic i
dè s
se ptembr e (…) Je
vou s recomma nde mê me (
…) d’ou blier
tout ce qui vous rattache à cette vie de Parisien en villégiature que vous avez mené ici. »
(ibidem, 39-40)
C’ est
pou r
c et
te raison qu e
son exist
ence chan ge, qu ’i
l
renon ce à
c hercher en
vain sa famille, que la rencontre avec les siens ne lui rend pas de frissons ; c’est un
simple contact visuel, un regard qui ne trouve pas de matérialité, ce sont deux ombres
qui vont disparaître comme leur souvenir, tout comme dans le rêve ou dans la magie : «
Il vit alors, comme sortant de la droguerie obscure au coin de la grand-rue et de la place,
Ros e et
le peti
t qu ’
e l
le ten ai
t pa r la ma in.
Ils avan çaient v ers
lui,
tête nue, dan s les
v êteme nts d’été qu’ils
avaient por tés
trois sema i
ne s plus tôt. (…)
En passant,
Ros e le
re gar da et lui sourit
. C’ é
tait un regard di st
ant,
impe rs
onn e l
, un
sou r
ire de pur sav oir-
v ivre .
(…) il était
mê me c e
rta i
n qu’au cun con t
a ct phy siqu e rée
l n’av ai
t eu li
e u. »
(ibidem, 103), « Rose lui avait souri comme la première fois, très formellement. Et
ma inten ant ils regarda ie
n t la c rête à p eine visible de s c olli
nes (…) I l
les a ppe la
timi de me nt .
Ma is i
l n’osait te
n ter de l
es
tou cher.
Le sentime n t
de sa
pr opre s
olitude le
brisait. » (ibidem, 121)
b.
l’éloigne me nt
du vil
lage
Dans la vision de Marie NDiaye, le village s ’éloigne
c ons tamme nt
de la vi
lleet
de tout ce que signifie civilisation, ouv e rt
ur e v ers l
’inf i
ni. Pour les villageois, la ville
représente au fond le mon de de s
au tres, de ce ux qu i n’ex i
sten t
qu e
de ux moi s
pa r a
ns ,
u n prog rès qu i
a dé t
ruit
tout, qu i
a eu le
pouv oir d’alién er
l’homme , de l
e
dé raciner. La
ville signifie transformation, peut-être la transformation de Gilbert qui voit dans la ville
L. sa cha n ce de
dé passer
ses l
imi t
e s (suivre
les cou rs d’un e faculté sa ns
a voir passé son
examen de bac), de se métamorphoser lui aussi ; c’
e st peut-être aussi le désir caché de
Mé til
de con cernan t
l’exist
en ce de
Ch arlotte – c’e s
t-à-dire fuir, se libérer de la tyrannie
du village (NDIAYE, op. cit. : 78-79).
La mé tamor phose de Gi l
be rt
su i
t le mou ve me nt inve rse de cell
e d’ He rma n:
de villageois, il veut devenir citadin, travailler dans une ville, connaître la vie de la ville,
connaître ses tentations : « Il avait env ie (…) qu’He r ma n le con seillât
et le renseign ât
s ur l
es
pos sibilit
és qu’il
aura it,
lui
, Gi lbert, de trouv er à Paris du
tra vail
bien pa yé, dans
le commerce de haut niveau. » (ibidem, 65)
Herman est en même temps le Parisien de naissance qui travaille à Paris et
l'étranger méprisé, il est le citadin qui apprend à vivre à la campagne pendant les
grandes vacances et l'intrus de la communauté villageoise. Il est à la fois accueilli par ce
village diabolique et menacé par celui-c i,
libre
d’ y sortir
e t
pr i
son ni er
da ns l
’o uve rt
ure
de sa clôture, ignoré et espionné en même temps par tous ou par personne.
Mais tous les deux, Herman et Gilbert, par cette transformation en double sens,
ont perdu leurs identités, ils sont devenus des non-personnes qui tentent en vain de se
199
sauver de ce monde de cauchemar dans lequel ils vivent sans le savoir. Ce village, non-
nommé par son auteur mais qui peut appartenir à tous les pays du monde, n’ existe que
selon ses propres rites et coutumes ancestrales.
La
vie
du villag e ne s’a
rrête
jama is, ell
e est s
us pendue
pen dan t
la pé riode
d’ ét
é
quand les citadins détruisent sa linéarité. Une fois cette période passée, le village montre
son véritable visage : hypocrisie et cupidité, dureté, autorité - les commerçants
s’in téres
s e
nt à le urs gros profits, à leur hiérarchie surprenante, à leurs sabbats, les
con seil
s se t
ienn ent régu lièr
e me nt,
le ma ire et
la police s
’occupe nt
de s probl ème s de s
v i
lla geois,
on ex pulse du vi
llage
c eux qu i n e s
on t pas jugés dignes. D’ ai
lle urs Alf r
ed
conseille les locataire s de l
’ hôtel: « Soyez docile, sachez apprendre, sachez répéter.
Ri e n n’est
sembl able ici à ce que vou s
c onn aissez de Pa ri
s,
on n’y parle pas de l
a mê me
faç on ,
on y a
d’au t
res l
ois
et d’autres mœu rs» (ibidem, 43).
Charlotte et Métilde se donnent de la pei ne
à travail
ler à
la ma iri
e et à l
’h ôtel
(ibidem, 83, 29-30 ). C’e st l
e vill
ag e où l
a fi
lle de l
'hôtel dort
ave c
un
loc a t
aire ,
deux fois
son âge sans se mé fier du f ai
t qu ’
e l
le est un
pe u g r
a nde ma int
en ant pou r n e pas s
e
permettre le luxe d'occuper seule une
cha mbr e
ma is
la fami l
le
a
encore be soin
d’a rgen t
.
Tou t
le mon de respe cte
les règle s
de la
commun auté,
tous s’y impl iquen t,
e t
l
e
comble, tous ont les cheveux blanc filasse. Alors, les intrus métamorphosés doivent
tein ter l
eurs chev eux pou r qu’ i
ls y soie nt intégrés totalement et définitivement. Tous
s’habi l
lent de la mê me mani ère, les femmes portent des corsages traditionnels et
disgracieux avec des rubans de couleurs désignant la date de leur mariage (NDiaye, op.
cit. : 11),
sauf Ch arlotte qui n’en a pas. Si la femme n'a pas de rubans, cela signifie
qu' « on peut lui parler d'une certaine manière et qu'elle répondra de la même façon ».
(ibidem, 35) : « -Nous ne sommes pas mariés, expliqua-t-elle (Charlotte), ni fiancés,
alors, pour moi, pas encore de rubans en perspective. » (ibidem, 71)
c. l
’es pac e c
los
s ’ouvr e
pour
mi eux
s’enfer me r
Mais le village, par ses lois et ses habitudes restrictives, implique une
cohérence apparente. Suivant des hiérarchies solides et invariables, il ressemble à une
énorme fourmilière strictement organisée, mais, en réalité, il est gouverné par une
oligarchie de petits boutiquiers qui n'aime que l'argent et les besoins du moment présent.
Il
n’ y a pa s
de sépa rati
on
tranc hée en tr
e
le
pa r
t i
c ul
ier et le gén ér
a l
, en t
re
le
public e
t le
privé.
L’espace clos de
la soc i
été v i
llageoise s’ouv re pou r mieux s’enf
ermer: aucune
porte n'est jamais fermée à clé, chacun y connaît tout, on ne peut pas se refugier ni
mê me en soi,
il
n’ y a pas de p ossession
ni de g énérosité: chacun devient porte ur
d’un
rêve de sauvetage individuel mais féroce au moment où l'individu n'existe plus : «
Apr ès l
’é t
é, l
es Pa risiens désertai
e nt les l
ieux de
leurs vac ances ens ole
ill
ées,
i
g norant
tout du s ort
que l’a utomn e f
aisa i
t à la
région
qu’ il
s qu ittaient
jusqu’ à l’
été
sui
va nt.
Un
automne brutal, puis un long hiver de vent et de pluie, mortel aux corps fragiles. Cette
saison-là, inconnue et implacable, fut imposée à Herman de la découvrir. » (ibidem, 57)
Conclusion
Nous pouvons alors affirmer, en fin de notre tent ative d’ana lyser
l’espace
clos
ou le thème du village, que le roman de Marie NDiaye est la métaphore du trouble
social moderne comme double interpénétration de la masse et de l'individu.
Rejeté par le monde des villageois, rejeté aussi par ses concitadins, Herman, le
personnage central du roman, ne se reconnait lui non plus. Dans une société qui
200
n’a ccepte pas son
intégration, il
ressent douloureus
eme nt l
e
ch oc des
me nt
alités et de s
cultures diverses, dans sa tentative de communiquer avec l’autre . Oublié de tous, il les
ou blie
lu i
aussi
pa rce
qu ’
il cherc he l
’autre
et
se
cher
che sans cesse .
Ade pte
d’ un st
y l
e ci
se lé,
Marie NDiaye nous présente cette métaphore par un
effet d'exactitude dans le choix des mots (car elle semble une digne héritière de la
manière d’ écr i
re et
de parler du célèbre Flaubert
),
par
une précision mic r
oscopi que
de
la
ph rase, par un e
rigueu r t
out e classique à l
’aide de l
’empl oi
l
ou rd du subjon ct
if. El le
nou s i
n troduit ai
n si
dans un un ivers plei
n d’int
rus,
de t
ou rnures hétérogènes ,
de not es
discorda n t
es. La l ect
u re mé taph orique de s on œuvre n ous i mpos e
u ne r éal
ité qu i
perturbe notre logique à cause de la démarche authentique de son auteur de comprendre
le monde.
BIBLIOGRAPHIE
NDiaye, Marie, Un temps de saison, Paris, Les Editions de Minuit, 1987
Weisgerber, Jean (sous la dir. de), Le Réalisme magique Roman. Peinture et cinéma, Paris,
Edit
ions l
’Ag e d’Homme et
les auteurs,
19 87
201
ANDREÏ MAKINE ET LA FRANCE
Florica MATEOC
Université Oradea
Résumé: L’ écri
vain et ex-dissident russe Andreï Makine est arrivé en France en 1987
lorsqu’il a deman dé asil
e politique tout e
n ad optant le f
ranç a
is c omme langue d’écri
ture . I
l
devient célèbre en 1995 comme lauréat du prix Goncourt et du prix Médicis pour son roman « Le
Testament français ». Son cas est bien par t
iculier parmi d’autres écrivains
exilés
c ar
sa relation
avec la France a des racines très profondes dans sa famille, sa grand-mè re étant d’
or igine
française. En 200 6 i
l écri
t l’
es sai «Ce tt
e Fr ance qu’on oublie d’aimer », une vraie ode à la
Fr ance do nt l’identi
té comme nc e à s ’érode r.
Ce n’est
pas seuleme nt l
’image d e l
a Fr a nce
éternelle qu’il
ve ut
relever
ma is aussi ce l
le de la Fr ance nouvell
e ,
un pays f
ragile,
mul t
irac ial
.
Notre communication se propose de présente r l
es facette
s de l
’identi
té
française
da ns l
a vi
sion de
Mak i
ne et d’analy s
er
sa rel
ation av ec l
a Franc e.
C’ est
un trui
sme le f
a i
t qu e la France a i
t tou j
ours été une te
rre de la l
ibe r
té
con voi tée pa r
gra nd nombr e d’i
nte l
lec tuels
et d’artistes
pour lesquels l
a
conn ai
s s an
c e
du
français devient un signe de distinction dès le XVII e s iècle.
Son inf l
ue n ce s’e s
t
beaucoup répandue pendant le siècle des Lumières lorsque la France commence à
de ven ir t erre d’ ac c
ue i
l pour be a uc oup d’ e xil
és pol i
ti
qu es. Plus tar d, l ’Histoire
tourmentée du XXe siècle a réuni à Paris des militants anti-fascistes, des dissidents de
l’Eu r
ope de l
’Es t
pendant l
a «guerre froide », des exilés africains après 1960, des
proscrits chiliens ou brésiliens dans les années 1970-1980. Pour ces écrivains, le
français est devenu un refuge pour exprimer en liberté la réalité de leur pays et pour
s’oppos er a u r
é g
i me
politi
qu e
oppr e ssan t
. Le frança is
s’est
impos é aus s
i comme l
angu e
de la liberté et des idéaux révolutionnaires par la « Dé clarat
ion
de s
Dr oits
de l
’h omme
et
du citoyen » (1789), ce qui explique sa pénétration rapide dans différents pays de
l’Eu r
ope ou
sur d’autres conti
n ents. Da ns
les pay s
créole
s, le
frança i
s
est la la ngue du
Pou v oir e t de l
’admi nistr
a ti
on, t
a ndis
qu’ en Af ri
qu e ,
au Ma ghreb e t
a u
Li ban c e
fu t
la
langu e
de la
colon isat
ion. En Eu rope Ce ntra
le et de l
’Est l
e français devien t
à pa r
tir
du
XVIIIe siècle, « un e l
angu e d’él
ec ti
on».
Pou r An dreï Ma kine,
le f
r anç ai
s
n’es t
pa s seuleme nt l
a lan gue pr i
v ilégiée et
d’élec tion des gr
a nds
intel
lectuels russe s
ma is c’est aussi
sa «langue grand-maternelle »
comme il
le recon naît
lors d’un e inte r
vi e
w a ccordé e en 2009 au j
ou r
n alist
e Thierry
Clermont du quotidien Le Figaro. En effet, sa grand-mè r
e ét
ait
d’ origi
n e française et
c’est e l
le
qu i
a
év eill
é son goût et son in t
é r
êt
pou r
la France, pour l’
e spri
t franç a i
s,
pou r
ses valeurs et pour sa langue : « Cette langue, je l'ai entendue dès mon enfance, dans ma
lointaine Sibérie. Elle venait de la bouche de ma grand-mère, d'origine française. Le
français m'a toujours baigné et a encouragé, stimulé mon amour pour la littérature
française. Je considère, à juste titre, le français comme ma langue grand -maternelle ».
(CLERMONT, « Ma langue grand-meternelle », Le Figaro, 08. 01.2009) D’ ail
leu rs
,
l’écriv ain s ouli
gn e qu’il
e xist
e un lien litt
éraire très fort
entre la Ru ssi
e et l
aFrance.
Sans remonter jusqu'au siècle des Lumières où le français était la langue des diplomates
et des intellectuels européens, il rappelle que Tolstoï avait écrit les premières pages de
202
Guerre et Paix directement en français, avant de se raviser, et que le grand Dostoïevski
était parvenu à traduire en russe Eugénie Grandet de Balzac. Pouchkine, le grand poète
russe a écrit ses premiers poèmes en fra nça is
. Il
n’ a
pas parlé l
e
r usse j
us qu’ à l’
âge de
c inq ans. La l
a ngu e
fr anç ai
se
était t
r ès en r
ac i
n ée dans l
a cult
ur e russe,
c ’
é tait d’ai
ll
e urs
la première langue des aristocrates.
La « France-Atlantide » des histoires et des lectures de sa grand-mère, dont la
c lé
é t
ait l
a langu e
fran çaise, exerc e
un e
forc e ma gique s
u r
l’é
c ri
va in: « La langue, cette
mystérieuse matière, invisible et omniprésente qui atteignait par son essence sonore
c haqu e rec oin de l’u niv er
s que n ous é t
ion s en t
rain d’expl orer. Ce t
te langue qui
modelait les hommes, sculptait les objets, ruisselait en vers, rugissait dans les rues
e nva hi
e s
pa r le s
foule s…Ma is
s urt
ou t, elle palpitait
en nous, t
e ll
e un e gr
e ffe fabu l
eu se
dans nos coeurs, couverte déjà de feuilles et de fleurs, portant en elle le fruit de toute
une civilisation. Oui, cette greffe, le français. » (MAKINE, 1995 : 56). Après des études
à Moscou, Makine enseigne la littérature à Novgorod, collabore à des revues littéraires
ma is s
u bit de s tr
acas sou s Brejn ev e t
prend la voie de l’
exil durant la perestroïka. II
s’ i
n st
alle à Pa r i
s en 1987 et con naît e n pre miè r
e é
tape toutes les épreuv e s
de l’e
x il:
ru pture de l’i
de ntit
é, rupture
cu lturell
e , précarité. I
l n’avait
pa s de c
h ez-soi, son abri
étant un caveau du cimetière Père-Lachaise. Comparé aux autres exilés qui ont le
handicap de la langue, Makine connaît le français et essaie de regagner ses
appartenances identitaires. Il se met à écrire en français, envoie chez les éditeurs des
manuscrits qu'il présente comme traduits du russe, leur inventant un traducteur
imaginaire pour avoir plus de chance.
Qu oiqu’ il
c on na i
sse l
eu r lang ue ,
les Français le r
e j
e tt
ent ne faisan t aucune
exception à leur attitude ethnocentriste. Dans son essai Etrangers à nous-mêmes, J.
Kristeva, elle aussi exilée en France, explique cette attitude des Français envers les
étrangers. Elle considère que la France ne possède ni la tolérence du protestantisme
anglo-a mé r
ic ain, ni la c apac i
té d’as si
mi lat
ion des La t
ino-Amé ri
c ains,
n i
l’atti
tude de
rejet des Allemands ou des Slaves. Les Français ont une fierté nationale qui exclut les
é tr
a ngers et tou t cel
a pr ovient d’un type de civi
lisat
ion qui croit au x vale urs créés le
lon g du t
e mps , à
l’abr i
de s gran des in vasion s et mélange
des peupl e
s, renf orcé e
s p ar
l’abs oluti
sme mon arc hiqu e
e t
plu s
tard, pa r
le ce n
trali
sme ré
pu blicain.
Qu oi qu’ a
c ce
pt és
lé galeme nt et a dmin istrati
ve me nt,
le s ex i
lés se s
e nt
ent t
ou j
ou rs étr
a ngers pa r l’empl oi
ma ladroit
d u fra nçai
s qui
les fai
t se dis créditer dans l
e s
yeux de s França i
s, s’ide nt
ifi
a nt
plus que d’ au t
r es
pe upl es avec le u
r l
a ngu e soign ée.
(KRI STEVA, 1990: 39) Makine
s'obstine et fait appel a toutes sortes de trucs pour convaincre les éditeurs et faire publier
ses livres : il change plusieurs fois de nom, de titres, modifiant les premières pages,
réexpédiant ses textes : « Je scellais discrètement mes manuscrits avec des fils de colle
pour voir s'ils seraient ouverts, et ils m'étaient retournés dons le même état, les fils de
colle indemnes, avec des lettres de refus, bien sûr très argumentée ! »
[http://www.espacefrancais.com/makine.html]
Les résultats se voient apparaître ; l
epremier roman La Fille d'un héros de
l'Union soviétique est publié en 1990 chez Robert Laffont, le deuxième, La
Confession d'un porte-drapeau est refusé plusieurs fois et accepté chez Belfond en
1992 après une vraie aventure. L'éditeur lui demande d'apporter la version initiale pour
affiner quelques syntagmes mal traduites. Makine trouve une échappatoire: il vient
avec un texte écrit en cyrillique et fait semblant de se reporter aux phrases russes
c orrespon da nt a ux i nc ert
itudes de l’é diteur. Pou r mi eux c onv aincre,
l ’
é diteur
l ui
annonce qu'elle souhaiterait faire revoir la traduction à I'extérieur. Makine se voit obligé
de traduire intégralement son roman du français en russe. C’ e st
un e épreuv e tr
è s
du re
203
car il doit se confronter aux différences entre les deux langues surtout au niveau lexical
où il lui manque des mots français sans équivalent en russe. Après trois semaines de
travail acharné, il revient chez Belfond porter le soi-disant manuscrit original. Dans les
librairies parisiennes, Andreï Makine constate d'ailleurs que ses deux romans sont
classés au rayon « Europe de l'Est », entre Lermontov et Pasternak. Ainsi décide-t-il de
signer ouvertement en français. Suivent Au temps du fleuve amour (éd. du Félin,
1994) et Le Testament français, roman très autobiographique qui lui rapporte trois prix
prestigieux : le Prix Goncourt, le Goncourt des lycéens et le Prix Médicis. Makine
commence à gagner la reconnaissance bien méritée de la part des Français, devenant
« une exception française » selon la terminologie de Kristeva. Il suffit de parcourir une
n otice biog raph i
qu e sur l
’a uteu r
du Testament français pou r
s’aperce voir
qu e l
e r
oma n
e st
c laireme n t
d’ inspiration autobiographique. C’ est
u n livr
ede reconnaissance et
d’ admi ration pou r son
pay s d’a doption .
Not re prop os n’est pa s
d’a na l
y ser
ce t
te relat
ion à l
a France da ns son oeu vre de
fiction
ma is
da ns u n
e ssa
i é
c rit
à un e époq ue
où
l’on
parle du
dé cl
in de l
a Fran ce.
Cette
Fr anc e qu ’on ou bl ie d’aime rest en même temps une ode et un pamphlet. Cette attitude
a mbi valent e
pe rme t à l
’aut eur de scru ter l
a
fame us e
identi
té fr
ança i
se. Comme nt la
v oit
-
il ? Qu ’est-ce qu e l
a Franc e pou r
An dre ï
Ma k ine? En
2006, l’
ann ée
de
la francoph on ie,
les édit eurs franç a i
s lui
on t de man dé d’éc r
ire sur la
Franc e,
de décrire le rappor t
av ec
son pa ys adopt if.
L’ essai
a paru
don c suite à
c et
te comma nde chez Fla mma ri
on dans l
a
collection Café Voltaire. Mais, comme tout écrivain exilé, Makine a la chance de voir
les c hoses de l
’e xt érieur,
c e qu i
est un bén éf
ice au moins dans l
’opini on de T. To dor ov
exprimée dans son essai L’ Homme dé paysé; i
l r
e nt
re en Bu l
g ar
ie après de s ann ées
d’ exil,
ce qu i lui pe rmet «d’ avoir un e v ue de l’extéri
eu r
de de ux cult
u res,
de de ux
sociétés différentes. » (TODOROV, 1996 : 14) Se lon l
e
ph i
losophe bu l
ga re,
l’
é cri
v ain
e xi
lé ,
l
ibé ré de s c oor donn é es restrictives
trouve abri dans l’
a l
téri
té . I
l pe nse qu e l
a
di f
fé rence et l
a dou ble iden ti
té
qu i trac ent
le s
c ontours de l’
Au tr
e se cou rt
-circuitent
dans une synthèse bipolaire : d’une part, l
’ e
xpa nsion
du moi
dans le
mon de et
de l’autre
son a gglut in
a t
ion pa r ce de rnier
. An a lysant la relat
ion e nt
re l’homme et la pa trie,
Todorov y établit trois cas : l
’h omme à
q ui
la patrie s
embl e accuei
llan te
est un débutant
n aïf,
l’homme pou r qui
tout pa ys
est pa rei
l à celui dont il
est
issu es t
un homme for t
mais celui pour qui le monde entier est comme un pays étranger est le seul à atteindre la
perfection. (TODOROV, 1982 : 23) La double identité de Makine, « le charme douteux
de l a dou ble i de n t
ité » c omme le qu al
ifie
l ’exil
é r ouma in Sor in Al exandre scu
(ALEXANDRESCU, 2000 : 262) lui permet de se situer dans cet entre-deux, ses
origines russes, son identité première et sa nouvelle identité, celle française. Grâce à son
statut, ses comme ntaires
fon t la preu ve d’un e
a lt
e r
nan c
e ent
re le poi nt de vu e d’ un
Fr an çais
e t
celu i
de l’extérieu r
à
ce qu i se passe en France.
Ma kine br osse le tabl eau de la Franc e tell
e qu ’
il
l’ai
me , t
e lle
qu ’ell
e évolu e,
te l
le qu’ il aime ra it qu‘ elle soit
. Le ch emine me nt de la pensée de l’auteur es t
bi en
v is
ibl e da ns les qu a t
re pa rties de l’ess a
i: Certaines idées de la France, La Forme
française, Déformation, Voyage au bout de la France. D’ un côté, l
’écrivain est un
passéiste, un nostalgique qui voudrait faire revenir à présent cette France de ses livres,
cette « France –Atlantide », lointaine et mystérieuse, cette France éternelle avec ses
my thes et ses va leu rs.
De l
’aut re
cô té, il
e s
t
très bien ancré dans l
e pr ésent de son pa ys
adoptif dont il critique et satirise les nouvelles mentalités. Il convient de souligner la
force suggestive du démonstratif « cette », un anaphorique qui fait référence à
l’ex périenc e pe rsonn ell
e de l
’é c
riva in. L’ ét
at nos tal
gique
s’explique par ses donn ées
biographiques, surtout par ses lectures. Sa méditation commence et finit
204
h armon ieus eme n t
dans
l’e s
pa c
e sacré d’ un e petite égl i
se de
Ve n dé e,
Sa inte
Ra de gon de
à Jard, dans le monde organisé des formes, des vieilles formes de la France. Son ode
comme n ce pa r
l’év oc a
tion
de s
grands li
e ux
e t
mome n ts
de l
’ histoire qu e l
u i
sugg èren t
les noms écrits sur ses murs , « les enfants du pays » qui se sont sacrifiés pour la France.
Le s ba n cs
e s
s e
u lés e t
le s f re
squ es dé fraîch ie
s de l’église témoi gn e
nt d’une Fr an ce
défunte contrastant avec la France de dehors qui lui semble laide, déformée, sans
repères : « De hors ,
l
e
bru it
e t
la pua nteu r du noeu d c oulant d’un e mbout eill
age qui se
resse rr
e autou r
de l’égli
s e,
de s
visage s hargn e ux, l
’ abru t
issant cogn e men t de
la techn o,
des chauffeurs qui se dé fient, et
plus loin ,
da ns la rue
du
v i
llage ,
l’extrême
lai
de ur
de l
a
foule engourdie par la chaleur, par la promiscuité recherchée, par le vacarme. Et cette
terre où, dans un tombeau, veille un soldat au garde-à-vous, ces anciens champs et
pâturages qui disparaissent sous la carapace hideuse des maisons de vacances, toutes
pareilles dans leur médiocrité rose-be ige de c on structi
on s s ans âme ...
L’ inévitable
syndrome qui frappe tout étranger épris de la France : pays rêvé, pays présent. »
(MAKINE, 2006 : 18-19)
Si l’on con si
dèr e l
’ identi
té comme
un e somme d’appa rten ances, il
mé rit
e
d’e n
distinguer celles qui caractérisent la France rêvée. Elles qui sont devenues des
stéréoty pes c ult
u rels franç ais comme la mode ,
la g astronomi e, l’art de vivre, l
e plai
s i
r
de la t able ou l’amou r du ve rbe. Il
y a j
ou te la sing ula
rité franç aise,
«inexprimable,
inexplicable » et la francité, cette symbiose géographique, ethnique et culturelle.
N’ ou blions pa s qu e Ma ki ne est
Ru sse et
da ns
la
v ision des
Ru ss es l’esprit
frança i
s e st
« ce miroir intellectuel, cette altérité de jugement dont toute nation a besoin pour
s’affirme r.» (MAKINE, 2006 : 26) Il s ’
a rrête
sur l
a cult
u re et la ci
vilisati
on du v in
français insistant sur la présentation des curiosités qui particularisent ce côté de
l’i
dentité française. Pour être plus véridique, il reproduit dans le sous-chapitre Les
mystères français un ex trait d’un
a rticle pa ru da ns Le Figaro s ur l’
a r
t de servir le
ch ampa gne à l
a fra nçaise au qu el
il
ass oc i
e d’ autres
pe nsées
sur la r
e l
ation des
Fr ança i
s
avec le vin, avec la nature en général. Sont relevés aussi les gôuts raffinés et les
préoccupations pour une certaine esthétique du vin. « C’ es t
un v i
n i
nte l
ligent,
i
l aime
qu ’on
lu i
pa rle.
..Pa rlons de l’écume , la mou sse du ch ampa gn e, l’un des
f l
eurons de la
fran cit
é f
olk loriqu e. Il
y a une so r
te d’érotisme à se nti
r le bou c hon gli
sser en t
r e
s es
doigts...Encore faut-i l
conn a îtr
e l’ar
t de l
’ou v ri
r. Tou t en dou ceur ,
si l’
on veut éviter
de
perdre une partie des arômes. Après avoir détaché le muselet, on incline légèrement la
bouteille et, en maintenant énergiquement le bouchon avec le pouce, on fait pivoter le
corps de celle-ci. Ne jamais la servir par le col :
c e serait
faire pr euv e
d’iné l
é g
a n c
e...i
l
faut insister sur le choix du verre : de la plus grande finesse possible, il va permettre
d’e xerce r
le tou ch er du vin ..
.L’idéal de me ure l e v erre tuli
pe , jou ffl
u ,
qu i conv ient
parfaitement à la mise en forme des saveurs...Le reste est à bannir. Y compris les
coupes, pourtant inspirées par la forme parfaite des seins de Mme de Pompadour. »
(MAKINE, 2006 : 44-47)
Ce qu i
c on tri
bu e au ssi a r
éa liser la sing ularité de l’i
de n ti
té française c’ e
st l
a
figu r
e de l’intellec t
u el
. Selo n Ma kin e, sa p osture s’avère très di ffér
en te de ce ll
e de
l’intell
e ctuel a n glo-saxon ou des Pay s de l ’Es t. Il i nve ntorie qu el
qu es t ics
comportamentaux qui lui appartiennent : être de gauche, égocentriste, plein de
contradictions. La langue comme appartenance identitaire essentielle préoccupe Makine
don t l’
in t
érê t et
l
a passion pou r l
e fran çais se
mon tre nt
e n
c ore u ne fois d’une
ma nière
prégnente dans le sous-chapitre intitulé La lang ue de l’Europ e. Ce syntagme appartient
au
poè te
Pou chkin e qui
l’ a
e mpl oyé pou r
qu alif
ie r
la
v ocation eur opé enne et unive r
sel l
e
du franç ai
s. On sa it
bien qu’ au XVI IIe siècle c’é t
a it
la langue de l
a
diploma t
ie et de la
205
ju r
ispr ude nce da ns t ou te l ’Eu r
ope pou r «l ’
auda c e,
l ’én ergie e t
l ’élég an ce a ve c
lesqu ell
e s
il a
bo rda it l’uni ve rs
de l’
h omme .» (MAKINE, 2006 :
6 0)
C’ es t
pou r
n ous un
émerveillement de voir avec quelle constance, quelle précision quelle ferveur Makine
parle de cette langue dans sa fiction de même que dans cet essai. Les qualités du
fran ça is
qu’ il
dé t
a i
lle san s c esse, l’
a bstrac t
ion , l
a l
o g i
qu e ,
la cla
r t
é ,
l
e gôu t
, la grâ
c e, l
e
charme sont supérieures à celles de toutes les autres langues. La langue française offre
la pos s i
bilité
de t
r ans me ttre l
’e xpé r
ie nce
de façon
pr écise et enrichissante
pe rme ttan t
de
me ttr e de l’ordr e da ns l e c h aos de s é vén e ments ex istentie
ls. Pou r re nfor cer se s
affirmations, Makine fait appel à des écrivains français et étrangers qui ont relevé les
v ertus du f ranç ais. Pa rmi les pr e
mi ers, il c it
e Ri v arol qu i lou e
s a c larté lors qu’il
souligne que « t ou t c e qu i n’e st pas c lair n’es t
pas frança i
s». Par rapport à la même
qu alité ,
l’
éc ri
va in ra ppe lle les dires de Nietzsche sur ses oeuvres écrites en français qui
sont plus compréhensibles que celles en allemand. Sont reproduits dans le contenu de ce
sous-chapitre quelques exemples de phrases et syntagmes français qui ont retenu
l’atten ti
on des éc ri
v a ins étrangers. « Le fon d de l
’air est fr
a i
s» (MAKINE, 2006 : 57) a
fa s
c iné
l’écrivain i
ta lien (
e t fr
a nça i
s)
He ctor Bi anciotti
pa r son
u nici
té. L’ a
u te ur f
ou ill
e
da ns l
’ his
toire de s mot s fran çais
e t
en
re ssort le sy
n tagme «huîtres huîtrées » désignant
au Moyen Age les huîtres sans coquille transportées de Bretagne à Paris. Amoureux de
la langue française, il veut souligner la créativité, le charme et la richesse de son
lexique, qualités élogiées aussi par Cioran : « Ce s erait
e ntrepren dre le r écit
d’ un
cauch e ma r
qu e de
v ous
r acon ter par
le me nu l’h i
st
oi re de
me s
relati
ons a vec c et
idiome
d’ empr unt, avec
tous ses
mot s pe nsé s
e t
re pen sés,
a ffi
n és, subti
ls jusqu’ à l
’ ine xis
te nce ,
courbés sous les exactions de la nuance, inexpressifs pour avoir tout exprimé, effrayants
de pr écisi
on ,
c har gés de fatigu e et
de pu de ur, dis
cre ts j
u squ e
da ns la vulg arité…I l n’e n
ex i
s te pa s
un
se ul don t
l’é l
é g anc e
ex ténu ée ne me
donne le verti
g e:
plu s
a ucu n e
trac e
de
terre ,
de sang, d’â me en eux . Un e sy ntaxe d’un e r
a ideu r,
d’ une dignité cadavérique les
en ser re et
leur as si
gn e
u ne plac e
d’ où
Di e u mê me n e pou rrait
les déloge r.» (CIORAN,
1960 : 9-10) Malgré toutes ces vertus, le français est devenu une langue très fragile de
n os j ou rs
. I l
s ’e f
for ce d’ a naly s
e r
s on dé clin et c on state a vec a me rtume que son
déperissement ne peut pas être stoppé. Dans son opinion, le mondialisme serait la cause
primordiale du changement défavorable de la France et des Français.
Ma kine pas s e
de l’a me rtume à l
’e nthou si
a sme lorsqu’ i
l revient pa ssionn é me nt
à la Franc e d’autre foi s
qu i e st
a ussi le pay s de s gr
an ds
h omme s
don t i
l nomme
d’ abor d
Ri ch elieu qu i
a ma r qu é le Gr and Siè cle fran çais.
L’é criva i
n
sou l
ig ne l’a
ppr é cia t
ion dont
il se ré j
ou i
s sai
t en Ru ssie lor squ ’
il rappe lle l’op i
nion du t
za r
Pie r
re le Gr an d qu i
a urait
donné la moitié de son empire pour que le cardinal lui aprenne comment gouverner
l’au tre. La lis
te e st
c ompl é tée pa r ceux qu i
pos sède nt la «force secrète des idées » tout
comme le général De Gaulle et Clémenceau ou par les grands écrivains Corneille,
Vol ta ire,
Di derot ,
Ca mu s, Pr ou st
. Da ns so n e ntr
epr ise de cerner l’
ima g e de la Fr ance
éternelle, Makine fait appel aux Grands Russes Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov qui ont
tou jou rs cru qu e les Fr an çais a ppré ciaient l’hy pert
r oph ie de la forme a u dé trime nt du
con te nu .
L’ aute ur e ssaie de don n er u ne dé fini
tion très origin a
le de la «forme »
fran ça ise
qu i
sera it
un s
ty le d’e xistence qui réun it
l
e s mul ti
pl es c
on tradictions de l’
e sprit
français : « La for me fr anç aise n ’est pa s un habillag e folkloriqu e bon à é pa t
e r l
e s
tou ristes ma is
un s
ty l e
d’ ex ist
e nce
pr ofon dé me nt
i
rrigu é pa r
le véc u nationa l, une riche
con s on ance
où s ’entr elac ent de s t
h ème s t
rès
div ers
. Non pas un
éc hantil
lon de curiosités
mais tout un monde en mouvement novateur. Sa force est de savoir réunir dans un
ensemble vivace des éléments apparemment incompatibles. » (MAKINE, 2006 : 52)
Mais les écrivains russes ont satirisé cette obsession des Français pour la forme et, dans
206
ce sens, l’écri
v ain cite
Dos t
oï ev sk i qui se moqu ait
de la mé di oc ri
té du Petit Fran çais et
Tolstoï qui raillait les obsessions vestimentaires des hommes français. Tchekhov parle
de personnage « francoforme », le dramaturge Fonvizine se moque lui aussi des
aristocrates français qui portaient des manchettes en dentelle, des plastrons en soie sur
leur chemise de toile grossière. Malgré ces railleries, les Russes sont fascinés par la
culture et la langue françaises. Ils écrivent en français, traduisent les grandes oeuvres
françaises en russe tout comme Dostoïevski qui voit un vrai miracle dans le fait d’av oir
fini la traduction d’Eu génie Gr an det de Balzac t
ou t en c on seill
a nt son compa tr
io t
e
Gorki de lire les Français. Makine conclut que « pou r les r
oma nciers rus ses, l’esprit
français était condensé non pas dans les paillettes « francoformes » de la mode et des
simagrées mondaines mais dans les sommets intellectuels de la civilisation française. »
(MAKINE, 2006 : 36) Il concède tout en le regrettant que, depuis longtemps déjà, le
poi ds écon omi que et l’i
nflu enc e gé ostr
a tég i
qu e de la Franc e ne lui permettent plus de
jou er le rôle d’un e grande pui ssan c e.
Mê me si ell
e
n e c
ompt e pas ma t
é ri
e l
le me nt, elle
pèse encore dans le monde grâce à son héritage culturel, grâce à sa « vocation
surnaturelle » clamée par le nationaliste Bernanos.
Malheureusement, ce tte Fr ance n’ existe pl us, la Fr a nce d’ aujou rd’hu i ne
ressemble plus à la France-phare ; c’est
un
pa ys soumi s à l’é galisation pa r le bas que
dic te le mon dia l
isme .
C’es t
un e a utre ima g e de la Fr ance, c ett
e pe r
te
de s forme s qu ’
i l
déplaint dans le chapitre III, intitulé Déformation. Fa isant
de s
i
n cursion s dans l’
hi stoire
de la Fran ce,
Ma k i
n e n’hé site pa s d’én umé rer que lque s
su jets à ris
qu e comme: le
rég ime de Vich y,
la c
olon isat i
on d’Al gérie ,
le racisme ,
l’
a n t
isé mi t
isme ,
l’immi gration
islamique. Ce sont des ph én omè n e s et
de s épisode s an ciens ma is i
l ex i
ste d’ autres, très
ac tuels qu i t
ach ent l’i
ma ge de la Fr anc e. De puis plu s de vin gt a ns qu’il vit en Fr an ce ,
Andrei Makïne a eu le temps de se plonger dans les contradictions et les travers des
Français. Il a vu le
pol i
tiqu eme nt correc t s’
é t
e ndre e t ét
ou ffer petit à petit la franc i
té .
Son expérience vécue lui dévoile la schizophrénie entre le discours public et celui
privé : « la France des potes », « la France des black-blancs-beurs », du
multiculturalisme. » (MAKINE, 2006 : 72 ) Ce t
te Fr a nce nou velle a r
e mpl acé l’
e sprit
voltairien par celui de « loft-story », des émissions-poubelles de télé-réalité. La langue
est tuée par le même « politiquement correct » ou par le verlan des jeunes. Makine
regrette que la force de la francité, « cette furie » de
l’i
nt ellec t
u el fr
a nçais a
di spa ru
étant remplacée par une autre image du « Français pensant » : « une intelligence
affu blée d’ innombr ables c ouc he s de pr otection e t qu i tâton n e, se faufile e ntre l es
interdits, rampe sur un ch amp de mine s, t
ou te effr ayée d’u ne pos si
bl e ex plosion .»
(MAKINE, 2006 : 107) L’ au teu r con tin u
e d ’évoqu er
l e s
pr oblè me s s oc i
au x de s
banlieus, la violence, la délinquence, le caïdat, le proxénétisme, tout en condamnant
l’indi f
fére nce d es Fr a
n ç
a is. Le ton de son pa mph le t
s
’inte nsifie l
or s
qu ’il les a ccus e
d’ avoi r
l aissé leur pa ys s e v ide r de sa su bstance , d’avoi r pe rdu l’esprit fran ça i
s .
L’ éc ri
ture de vient
v iolent
e l
or s
qu’ i l
déc r
it d e
s
scè nes où l
es v ieillards son t
sa uv a
g eme nt
tabassés à mort, les femmes poignardées sous les yeux de leurs jeunes enfants et les
filles brûlée s
vive s
. C’ es
t ce t
te Fra n ce
qu ’on aime rait oublier tou t
e n cha nge ant l
a place
et le rôle des mots et des faits.
Quoique la France actuelle soit fragile, Makine demeure optimiste : « Je
n ’écrirais pas ce li
v re s
i j
e ne croy a is
pas profon déme nt à
la vitalité de la Fra nce, à son
avenir, à la capacité des Français de dire assez! » (MAKINE, 2006 : 102) En même
temps, il offre des solutions comme par exemple le changement du modèle social qui a
en cou rag é la
pa r
e s
s e et
a tué l’espr it
de
tr avail.
Qu an t aux é tr
a ng ers, il
voit la né cessité
de les assimiler ,
de leur
faire
c ompr endre que la nation f
ranç aise est
un iqu e,
qu ’il
e xiste
207
u ne seule c ommun auté n at
iona le,
sans
disti
n c t
ion de rac
e et
d’ origine .
L’ or ientation de
Ma k ine e st bi en dif f
ére nte de c el
le d’ Ami n Ma a louf,
un a utre é criv ain e xilé qu i
s’ i
n téresse à l ’identité de s Fr a
n çai
s .
I l
t rouve c omme s olu t
ion pou r un e bonn e
intégration des immigrants la réciprocité, le dialogue interculturel Nous nous
confrontons à présent à un autre phénomène, celui de la globalisation ; da ns
ce no uveau
mon de, le s front ières s’ écrou l
ent, les iden tit
é s s’eff a
cent,
l es lan gu es dispa raissent
.
Qu’ es t
-ce qui se passe avec les gens ? Comment vont-ils vivre ce grand changement ?
Une possible solution, sensée et basée sur la tolérance est donnée par Amin Maalouf
dans son essai Les identités meurtrières. I l re lève le f
ait
qu ’il
existe à pr ése nt deux
c on ception s ex trê mes
en ma tière
d’immi gration ,
fa i
sa nt
réf
é rence
au pa ys
d’ accueil. La
première le considère comme « une page blanche » où chacun pourrait écrire ce qui lui
plaît ou comme « un terrain vague » où cha cu n pou rrait
s’i
n stal
ler s ans ri
e n ch ang er
à
se s ge st
e s et à ses
h abit
u de s.
L’ autr
e
conc ept i
o n cons idère
le pa ys adopt if comme « une
page déjà écrite et imprimée » comme une terre où tout serait fixé et les immigrants
de v raient s’y conf orme r. Nous
c r
oy ons avec A. Ma a l
ouf
que l
e s
de ux con c eption s s
on t
irréalistes, stériles et nuisibles et
qu e l
e pay s d’ accu eil
ser
ait plutôt « une page en train
de s’é crir
e» . L’ Hi s
toire n ’est
pa s nostal
gie ou pa ss
é isme ma is t
ou t ce
qu i
s’e st
bâ ti
au
c ou rs des s i
è cles ,
tou t
ce à quoi on pe ut
s ’
a ttach er.
En même t
e mps , l’
a v enir n’ est
pas
un prolongement du passé, il se construira dans un certain esprit de continuité mais avec
de pr ofon de s t
ra n sf
or ma ti
on s
et des apports e xtérieur s.
Il
s’
a girait
d’ un certain code
de
c on du i
te, d’ un pr i
nc i
pe -clé qui doit fonctionner dans la globalisation, celui de la
ré ciproc it
é . Il
e st néc es
sa ire d’adopt er
de s
é léments des cultures puissantes mais il est
essentiel que certains éléments de sa propre culture soient aussi connus et respectés. Son
a ppe l a dr ess é a ux na tifs de mê me qu’ a ux i mmi gr
ants n ous s e mbl e e fficace et
équitable : « Plus vous vous imprégnerez de la c ulture
du pa ys d’ accu eil, plu s vous
pou rrez l’impr é gn er de l
a vôt r
e;
plu s
un immi g ré sen ti
ra
sa cu l
ture d’ orig i
n e respe ctée
,
pl us il
s’ouv rira à la
c ul
tu re du pay s
d’acc ueil.» (MAALOUF, 1998 : 56)
Le désir de Makine de faire revivre la France est tel l eme nt fort qu ’il s’ad re
sse
au président de la République qui, en dehors du problème économique, devrait prendre
e n c harg e les pr oblème s soc i
aux et
le de s
ti n de la Fr a
nce. L’ essai pren d f
in da ns l
a
mê me atmos ph è re de
l’ég li
se
Sa i
n t
e
Ra deg on de où l’écri
vainse rappelle les noms des
soldats tombés « les enfants du pays » qui devraient devenir modèle pour la nouvelle
g én ération .
Il fa ut revigor er la
Fr ance d’anta n, redon n er
le
c ourag e et l’opt imi sme aux
jeunes Français qui pourraient ainsi « regarder le Ciel sans blêmir et la Terre sans
rougir. » (MAKINE, 2006 : 111)
Après avoir présenté « les formes » de
l’iden ti
té
frança i
se Ma ki ne dé plain t
«la
déformation », cette dissolution des repères culturels, des grandes valeurs françaises. Il
essaie de trouver des sol ution s pour relan cer l’i
ma ge de la Fran ce comme modè l
e
c ulture l
. L’ écriv ain obs erve l’
iden t
ité
f
rança ise de l
’ extér
ieur en t
an t qu’ étrang er ayant
u ne autre pe rspe ctive que celle
de s
Fra nçais ma is, d’un autre
c ôté,
il a l’
a v antag e de
son
héritage biographique et de ses lectures. Nous croyons que la vision optimiste de
Makine est discutable ; on po urrait
l a qu a l
ifier d’ ut
op ique da n s n otre mon de
pos tmode rne où les valeu rs sont r
e l
ati
v i
sé es,
où les i
de nt
it
és s’effacen t.
Ode et pa mph let
à la fois, l’ouv ra ge deMakine esaie de trouver des solutions, quoique idéalistes, pour
ou bl ier
la Fr an ce f
rag i
le d’a ujourd’hui.
L’ écriva in s’obs t
ine
à faire rév eill
e r cette France
qu ’il faut aime r,
la Fr ance d’a ntan,
sa France -Atlantide.
208
BIBLIOGRAPHIE
Alexandrescu, Sorin, Identitate în ruptura, Univers, Bucuresti, 2000.
Cioran, Emil, Histoire et utopie, Gallimard, Paris, 1960.
Kristeva, Julia, Etrangers à nous-mêmes, Folio, Paris, 1990.
Maalouf, Amin, Les identités meurtrières, Grasset, Paris, 1998.
Makine, Andreï, Cette Franc e
qu ’on ouble d’aime r,
Flammarion, Paris, 2006.
Makine, Andreï, Le Testament français, Mercure de France, Paris, 1995.
Todorov, Tzvetan, La conq uête de l
’Amé rique .
La que stio
n de l
’autre,
Seuil, Paris, 1982.
Todorov, Tzvetan, L’ homme dépa ysé,
Seuil, Paris, 1996.
Clermont, Thierry., « Ma langue grand-meternelle », Le Figaro, 08. 01.2009.
209
MYTHES ET CODES CULTURELS DANS LE POÈME
NERVALIEN « EL DESDICHADO »
Résumé : Dans notre parcours analytique nous nous arrêterons sur les suggestions
culturelles que recèle le texte de Nerval, pour les traiter en possibles repères de lecture pour un
texte autrement hermétique.L’ oscil
lati
on du poè te entr e l
’histoi
re
e t
le my the, e
nt re
le réel
e t
le
rêv e et leur c onfusion v olontaire s’i
mpos ent comme traits définitoires du te
x te.
Ce lui
-ci est
l’histoi
r e d’une
q uêt
e
ide ntitair
e qui réunit sous le s
ig ne de la t
o t
alité les
éléme nts
d’unmonde
douloureusement scindé. Quête qui se fait par une descente progressive en soi-même, mais qui se
spatialise, allant du céleste au terrestre, passant par la grotte, cet espace intermédiaire, pour
arriver aux Enfers,
d’où l’on ne peut
que remont e r,
suivant la mythologie personnelle du poète.
L’ acte uni f
ica t
eur du moi , res
p ect
iveme nt du mo nde ,e s
t l’acte de naissanc e d
u poème ,
qui
s’é di
fie t
o ut
e n
inv o
qu an t
la mus e e
t l
es poè t
es, ce qui en
fait
u nvrai art poétique.
210
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Da ns la
nui t du
tombe au,
toi
qui
m’as
consol
é,
Rends-moi l
e Pausil
ippe et
la
mer
d’I
tal
ie,
La Fleur qui
plai
s a
it
t
a nt
à mon c
œur désol
é,
Et la treille où l
e pampr e
à l
a r
ose
s’
alli
e.
Et
j’a i
deux fois va i
nque ur
trave rsé l
’ Ac hér on,
Mod ul
a nt
tour à tour sur
la
ly re d’Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
211
Les derniers vers de la première strophe :
éc l
aircisse nt
en qu elqu e sor te l
a raison de l’état d’âme dysph or i
qu e du poète, cette
hypostase impliquée par le terme luth, symbole de la poésie : il a perdu son étoile,
premi è re i
ma ge da ns l
e texte de
la
fe mme aimé e .
Ca r
ce n’est
pa s uniqu e me nt
sa propre
identité que le moi cherche, mais il crée, en multipliant les figures, une image
syncrétique de la femme aussi. Le luth constellé e st
le penda nt de l
’é cu
du che valier
,
emblème héraldique du statut de poète. Aussi le texte se préfigure-t-il comme art
poétique, ce qui sera confirmé par la suite. La poésie est en détresse, le poète ayant
perdu sa muse. Son luth ne porte que le soleil noir de la Mélancolie. Le jeu
lumi ère /
ténè bres y pren d la forme la plus é clatan t
e, culmin ant avec l’oxymo ron qui
associe soleil et noir. Le soleil, astre qui donne la vie, la lumière et la chaleur, qui
en t
retien t
da ns l’homme
le
feu intérieur, est vu sous un jour sombre. Noir, donc éteint et
froid, le soleil est mort à la fois avec la femme étoile. C’ est
un e mor t qui dépa sse l
es
frontières
de l’
huma in pou r atteindre de s
pr opo rtion s
cos miqu es. La Mélancolie renvoie
sans doute à la gravure de Dürer portant le même nom, seconde matérialisation du code
cu l
ture l,
aprè s l’al
lu sion à
Wa lt
e r
Sc ott
e t à
s on roma n. La gravu re repr ésen t
e un solei
l
noir dont les rayons tombent sur une femme aux ailes immobiles et aux yeux froids,
fixant les tén èbr es. Da n s
la lignée du my the f
a ustien suivant lequ el l’homme por t
e
le
poids du Weltschmerz, de la souffrance universelle, La Mélancolie de Dürer est la
représentation allégorique de la stérilité, évoquée par Nerval comme image du
tarisseme nt de l
’ i
ns piration créatrice.
Le second quatrain superpose encore une fois Cosmos, Anthropos et Logos.
Descendant cette fois-ci du monde astral vers la nature terrestre, représentée par le
Pausilippe, l a me r d’Itali
e , la fleur, la treille, le pampre et la rose, le poète met en
scèn e de s é léme n ts d’ u n
e vi sion l umi ne use ,
de ssi
nan t ce qu e Jean -Pierre Richard
appelle « la géographie magique de Nerval ». (RICHARD, 1974 : 31)
Ma is tous ce s éléme nts sont la pr ojection d’une aut
re époqu e, c el
le
d’a van t
la
dispa rit
ion
de l’être chéri. Car le présent est celui de la nuit du tombeau, dans lequel le
poète semble descendre à la recherche du passé heureux. Il est le mort vivant qui a
pe r
du ses repè re s
e t
s a
ra i
son d’exister.
Le pa ssé e st
en rapport étroit ave c l
’ a
mou r
et l
a
poésie, comme le suggère la polyvalence des termes. Nous y retrouvons les images
successives de la femme, dans ses hypostases végétales –fleur, rose, suggérant la
beauté, la fraîcheur, la fragilité. Le Pausilippe est un lieu réel et mythique à la fois.
Promontoire prè s
de Na ples , c’est
le l
ieu où se
trou ve, paraît
-il, le tombeau de Virgile
et où Pétrarque aurait planté un laurier. Aussi le moi poétique évoque-t-il cet endroit
sacré en tant que paysage privilégié, réunissant quelques-uns des éléments favoris de la
nature nervalienne – me r
et fle urs,
et en tant qu’ a ute
l cons a
c ré au
Poè te e
t à la Poé sie.
Ce c œur désol é ex hor t
e l
’ê tre dispa ru de lui ren dre l’
a mou r e t
l’i
ns pira t
ion poé t
iqu e
,
mis en rapport de dépendance.
L’idé e s era repris e e t dév eloppé e
da ns le p remier tercet, qui débute par
l’int
e rroga t
ion Suis-je Amour ou Phébus. Le code mythique est encore une fois actualisé
pa r
l a p rés enc e de s di v ini t
és g recqu es Ér os e t Apol l
on , di eu x de l ’amou r
,
respe ctiveme nt de la poé sie. L’ hésit
a ti
on du
moi en quête
de son identité entre ces deux
hypostases sera doublée par une autre, qui réunit de nouveau mythe et histoire:
Lusignan ou Biron ? Il
pa r
a ît que Ne rva l se croy ait
ê t
re le
de s cenda nt d’un e anc i
e nne
212
famille de Périgord, apparentée aux Biron et à Lusignan, ce dernie r roi de Chypre,
marié, suivant la légende, à la fée Mélusine. (cf. LAGARDE ET MICHARD, 1967, note
7: 274 )
Le poè te con fond rê ve et réal
ité, da ns
l’ e
ffor t
de se
crée r
une
vision
u nif
ica tri
ce,
totalisante sur le monde et sur son moi scindé. La conscience de cette scission, de ce
dé dou bleme n t da ng ereux me nan t à l
a folie est ex primé e d’une ma n i
è re mé taph orique
par ce front rouge encore du baiser de la reine. Ce front ensanglanté, leit motive de
plusieurs de ses poèmes (“Mon fron t
e st rouge enc ore du baiser de la reine”, “Oui ,
je
suis de ceux-l à qu’ inspire
le Ve nge ur,
/
Il m’a mar qué l
e fr
ont
de
sa lèvre irritée”, “J ’
ai
touc hé
de mo n front à l
a voût e
é ternelle; / Je
s uis
sangl ant,
br i
sé,
souf fr
ant ,
pour bien
de s jours !”)* e s t l’expression litt
éra i
re ,
s ymbo liqu e
d’un éche c ex is
tentiel a ssumé
jusqu ’à ses de rnière s c
on séque nc es.
La reine pourrait être un personnage historique réel,
comme le suggèrent certains exégètes nervaliens – i l s’agirait
de la da u phine
Ma rgue r
itte d’Éc os se embr assan t l
e poè te Al a
in Ch arier (XVe siècle), mais elle y
t
apparaît sans doute comme encore une image de la femme aimée, présente dans toutes
les figures fémi nin es de l’œuv r e du poè te ,
de s Filles du Feu à Aurélia et aux poèmes
des Chimères.
Le dernier vers de la strophe – J’ai rêvé dans
la grotte où nage la sirène …,
introduit un nouvel espace, intermédiaire, la grotte, située entre la terre et la mer, ou
en core
en tre le mon de terrestr
e et le
monde d’au-delà, anticipant sur la descente aux
en fers du se con d tercet.
C’ est un
es pa ce mi -clos, mi-ouvert, un entre-deux-mondes
communicant avec les deux. La grotte est propice à la rêverie, habitée par un être
mythique, la sirène, qui représente un rappel indirect de la fée Mélusine et renvoie à
l’Ody ss
ée d’Homè re,
où ces
fe mme s-poissons ensorcèlent les hommes par leur chant
ex qu i
s. Nou s y voy ons un mot i
f du Log os, qu i
s
ug gèr
e
le rappor t
a vec l’a r
t,
ave c
la
poésie. La sirène qui nage est encore une image de la femme syncrétique, projetée dans
le mythe par sa disparition du monde des humains. La sirène inspiratrice du poète est là,
da ns l’espa ce
de la rêverie, mi r éel
le, mi i
nv entée , ple
ine de vi
e ,
ren dant a u poè te l
a
force de continuer sa quête.
Dans la dernière strophe, le poète refait à son propre compte la traversée de
l’Ac h ér
on ,
tou t en s
’identifiant à Orphée en quête de son Eurydice. La double traversée
v i
c t
or i
eus e e st s a c on t
ribution a u my the ,
qu’ i
l e n r
ichi
t de ce t
te di me ns i
on de la
répé tit
ion po s s
ib le. Traverse r
de u x f
ois l
e fl
euv e infe rna
l signifi
e ne pa s
pe rdre l’espoir
dans la résurrection de la femme aimée. Celle-ci apparaît encore une fois sous une
double image : la sainte et la fée, figures réunissant de manière syncrétique
christianisme et paganisme, dans une religion sui generis, propre à la perception
nervalienne du monde et de la foi. Mais la sainte et la fée sont encore les images
poétiques de la femme-mère et de la femme-amante, perdues et recrées scripturalement
pa r l
e
poè te dan s tou t
es les
f i
gu res fémi nin es
de son œuv r
e.
Le choi x du my the
d’Or phée n’es t
pa s f
or tuit
. Orph ée est
le poète capable de
charmer les animaux sauvages et les objets inanimés en jouant de sa lyre. Sa musique
en cha nter
e sse
f léchit les
di vinités de l’Enf er
qu i lui perme tt
en t
de r
e t
rou ver la fe mme
aimée. Il est le premier de la lignée des poètes à avoir prouvé la force du Logos. Nerval
se situe lui-même dans cette noble descendance, se présentant comme vainqueur du
fleuve de la mort par sa propre lyre.
*
Les vers cités appartiennent aux poèmes El Desdichado, Anthéros, Le Christ aux Oliviers du
recueil des Chimères.
213
Dans notre parcours analytique nous nous sommes arrêté sur les suggestions
culturelles que recèle le texte, pour les traiter en possibles repères de lecture pour un
texte autrement hermétique.
L’os cill
ation du
poè t
e entr
e l
’ h
ist
oire
e t
le
my the, entre le
ré el
et
le
rê v
e et leur
con fusion v olon t
a i
re s’impos ent comme t raits dé f i
n it
oi r
e s du t exte
. Ce lui
-ci est
l’histoi
re
d’ un e quête
iden t
itair e
qui
ré uni
t
sou s le si
g ne
de la t
ot a
lité le
s éléme nts d’u n
monde douloureusement scindé. Quête qui se fait par une descente progressive en soi -
même, mais qui se spatialise, allant du céleste au terrestre, passant par la grotte, cet
espa ce intermé di a
ire, pour
a rr
i ver
aux Enfer,
d’ où l’
on n e peu t
que
r emon ter,
suivan t
la
my th ol
ogi e
pe rsonn elle
du poè t
e. L’acte
unificate ur du moi , respectiveme n t
du mon de ,
est l
’a c
te
de na i
ssan ce du poè me ,
qui
s ’
édif
ie tou t en in voqu an t
la
mus e et
les poètes, ce
qui en fait vrai un art poétique.
Ne rval s ’y in scr
it l ui-même, en chantre oscillant entre deux mondes, sans
appa rtenir en fait
à a ucun d’e ntr
e eux ,
re
tiré da n s l
a folie, ce refug e,
cet en t
re-deux-
mon des mé l
an ge a
n t
ju s
qu ’à la confusion
tot
a le et totalisatrice rêve et souvenir.
BIBILIOGRAPHIE
Le XIXe siècle, Collection littéraire Lagarde et Michard, Paris, Editions Bordas, 1967
Littérature française, XIXe siècle (1)
Richard, J.-P., Poezie si profunzime, Bucuresti, Univers, 1974
214
LE SUJET POSTCOLONIAL DANS L’I
MMORTELLE
D’ ALAI
N ROBBE-GRILLET
Fevronia NOVAC
Centre Culturel Canadien, Paris, France
Résumé : Da ns L’
I mmor tel
le (1963 ),
le spe ctateur est posit
ion né
e n t
ant q u’autre,
étrange r au f
il
m, qui, déç u par le jeu perpétu el
entr e l’
illusi
on de l
a représ entati
o n e t
son
dévoilement, a comme unique recours la possibilit
é de re st
er passif,
dans
l’attent e
de s
nouv e l
les
app or tées par l
’imagi na t
ion de Robbe -Grillet. Le réalisateur offre à son spectateur, devenu
cons ommat eur passif de son œu vr
e, d’un e par t,
l’objec t
ivation de la femme dans l
e t
r i
angle
érotique occide ntal et
, d’autre part,
l’ané antisseme nt du s
ujet colonisé da ns sa propre c ul
ture.
Le spectateur, placé devant des images stéréotypées de la femme et de la culture étrangère, est
censé ne rien voir, car la femme qui lui est montrée dans diverses postures reste
incompréhensible et la Turquie, pays qui constitue le décor du film, demeure invisible en dehors
du cliché. Le ciné-roman de Robbe-Grillet se déroule dans une Turquie au carrefour des
civilisations, où les personnages français se comportent comme des maîtres avec les gens du
pays. Pour caractériser la relation que les Français du ciné-roman entretiennent avec les Turcs,
nous
aur ons pl
utôt recours
à une
cri
tique postcolonialiste,
car l
a Tur quie n’a j
amai s été colonie
française.
Par la remise en cause de l’exac t
itude de l
a représentation, la camé ra de Robbe -
Gr illet tente d’
inv i
ter le spectateur à cha nge r «la forme » de sa conscience pour accepter la
différe nce radicale drama tisée dans l
a r eprésent at
ion de l
’au t
re (l
a femme «mystérieuse » ou la
culture « étrangère »). Comme autrui est toujours défini par rapport au soi (le spectateur
français), la démarche de Robbe-Gr il
let ne
peut ê
tre compl èteme nt
réus s
ie .
Il
n’ y a pas de place,
dans le film de Robbe-Grillet, pour la différence radicale.
Dans cet essai
j’analy s
e l
a repr ésentat i
on du suj e
t colonial chez Ro bbe -Gr i
ll
e t
à l’
aide
de s thé orie
s
d’Edwar d Saïd,
de Miche l
Fouc aul t
et
de Homi Bha bha .
Le
te xt
e de
Rob be-Grillet
pe rtur be l
’idée d’une synchr onicit
é oblig atoire dans l
e savoir d’une époq ue
do nné e.
Parcontre,
le spectateur voit, dans la compréhension différente du savoir en Turquie, une discontinuité
fondamentale dans la synchronie désirée par Foucault. Dans le ciné-roman de Robbe-Grillet, est
offerte au regard du spectateur une Turquie au carrefour des épistémés, un pays « oriental » en
train de
réf
or me r
sa culture pour se
dirige r v
e r
s l
’Oue st.
« L’expérience e sthé ti
qu e est a mpu tée de s a
fon ct
ion s oc ia
le pr i
ma ire
précisément si la relation du public
à l’œuv re d’a
r t
rest
e en
fer mée dans l
e cercle
vici
e ux qui ren
v oie
de l
’expé rien c
e
de l’œu vre à l’expérie
nce de soi et
inverseme nt,
e t
si
elle ne s’ouvre pas su r
ce t
te expér
ien ce de l
’a u t
re qui s
’accompl it
de puis
toujou rs,
dans l
’expé ri
ence artisti
que , au nive
au de l’ide nti
ficati
on esthétique spontanée qu i
touche, qui bouleverse, qui fait admirer, pleurer ou rire par sympathie, et que seul le
snobisme peut considérer comme vulgaire » (JAUSS, 1978 : 147).
L’Immortelle exploite précisément cette r
elati
on à
l
’autre don t
parle Jaus s.
Dans L’ Immor tell
e,
le spe ctateur est
pos it
ionn é e n ta
nt
qu’autre,
étrange r
au f
ilm, qu i,
déçu par le j
eu pe r
pé tuel entre l
’il
lusi
on de la représentat
ion et son dé voil
eme nt, a
comme unique recours la possibilité de rest e r pa ssi
f, dans l’
attente des nouv elles
appor t
ées par
l’imag i
n ati
on de Robbe -Grillet. Le réalisateur offre à son spectateur,
215
de venu c onsomma t
eur pas si
f de son œu vre, d’u ne part,
l’obje ctivation de la femme
da ns le triang l
e ér oti
qu e
oc cide ntal et, d’autre pa rt,
l’anéantisse me nt du
sujet colonisé
dans sa propre culture. Le spectateur, placé devant des images stéréotypées de la
femme et de la culture étrangère, est censé ne rien voir, car la femme qui lui est
montrée dans diverses postures reste incompréhensible et la Turquie, pays qui constitue
le décor du film, demeure invisible en dehors du cliché. Le ciné-roman de Robbe-
Grillet se déroule dans une Turquie au carrefour des civilisations, où les personnages
français se comportent comme des maîtres avec les gens du pays. Pour caractériser la
relation que les Français du ciné-roman entretiennent avec les Turcs, nous aurons
plu t
ôt rec ours à u ne criti
qu e postc olon i
aliste, car l
a Tu r
qu ie n’ a jama is
é té colonie
française.
Les Turcs dans le film de Robbe-Grillet servent de domestiques, de délateurs
et de voleurs. Ils sont, aux yeux des spectateurs français, soit invisibles dans leur
propr e pa ys,
s oi t me naç ants en t a nt
qu’ espi ons ou c ollabor ate ur
s di rects du
dé nou eme nt t
ragiqu e de l’histoi r
e d’ amou r e ntre les protago nistes. L’a bsence du suj
et
postcolonial dans L’ I mmor telle r env oie à l’a bse nce de l ’
h omme da ns le s avoir
classique de la pensée foucaldienne et particulièrement dans Les mots et les choses
(FOUCAULT, 1966).
Robbe-Grillet explore dans son film la relation du sujet à l’a
utre. Da ns sa
ten t
a t
ive d’ af
firme r
la n éc essité de la compr éh ens i
on de l’aut r
e pou r une me i
lleure
con n ai
ss an ce de soi,
l’ auteu r
f rança is
s ’a
ppr oc he de la t
h é
or ie de l’altéri
té
dé ve l
oppé e
plus tard par Iser. Dans L’ Acte de lecture, Iser affirme lui aussi que le manque de
compr éh ens i
on de s évé neme nts
fiction nels qu i
ne s
on t pas f
ami liers au
lecteu r
n’e s
t
pa s inqui étant,
c ar l’
é trang eté de ce s
éléme nts a git
s ur l
a c ons ci
e nce du l
e cteur pour
ouvrir son horizon de compréhension. En traitant de la relation du lecteur au texte, Iser
affirme :
Le s pen sé es
d’au trui n e
pe uve nt s’ex prime r
da ns notr e con science qu e si
la
spontanéité que le texte mobilise dans notre conscience acquiert une forme. Etant
donné que cette spontanéité en nous se formule aux conditions posées par une autre
personne, dont nous thématisons les pensées au cours de la lecture, nous ne formulons
pa s notre spon t
an éité
en fon ction
de n os i
dé es di r
e ctri
c es,
lesqu elles n’auraient j
a ma i
s
permis ce genre de spontanéité. La constitution du sens n’ i
mpl i
que don c pa s
l’appa riti
on
de
l’h ori
z on séma n ti
qu e
qu i s’
e xprime i
mpl iciteme n tà travers les aspects
du texte. Elle implique plutôt le fait que, grâce à la formulation du non-formulé, il nous
est possible de nous formuler nous-mêmes et de découvrir ce qui, jusque-là, semblait
soustrait à notre conscience (ISER : 283)
L’ ouv erture d’e sprit
de vi
e nt un e
con di t
ion obligatoire pou r l’int
eraction entre
sujet et texte/auteur/autrui, car « l ’as si
mi lati
on de s éléme nts étran gers n e
se fait
qu e s
i
la conscience elle-même accepte de prendre une autre forme » (ibidem, 284).
Pa r la re mise en c aus e de l’exactitude de la repr é
s entation , l
a ca mé ra de
Robbe-Gr il
let
tente
d’inv iter l
e spec tat
e ur
à ch ang er
«la forme » de sa conscience pour
accepter la différence radicale drama tisée da ns la représentation de l’autre
(l
a femme
« mystérieuse » ou la culture « étrangère »). Comme autrui est toujours défini par
rapport au soi (le spectateur français), la démarche de Robbe-Grillet ne peut être
compl èteme nt réus si
e. I l
n’ y a pas de place, dans le film de Robbe-Grillet, pour la
différence radicale.
Iser, qui invite le lecteur à élargir le champ de sa conscience pour permettre à
son espr it de compr e ndr e l’altérit
é sa ns l
a su bor don ner à s
e s idée s précon çues, se
rapproche de la pens ée d’ Edwa rd Sa ï
d ( SAÏ D: 1980), pour qui les différences
216
cu l
tu relles n e sont qu e de s
c on st
ru ction s a
rti
fic ielles de l
’intellec t,
qui cac he nt des
désirs de pouvoir.
Robbe-Gr illet a rr
ive à me ttre e n
œuv re le s con s
é qu en ces de l
’ou bli de l
’ Au tre,
quand il présente au spectateur français une image truquée de la Turquie. La caméra
observe une culture autre que la culture occidentale mais avec les critères et les
exigences de cette dernière.
La
r eprése n tation de l
’a ut
re (
la fe mme o u la colon i
e )
était le suje t
de s œu v r
es
antérieures de Robbe-Grillet : Le voyeur, La jalousie, L’ année dernière à Marienbad.
Nous considérons que, dans L’ Immor t
e lle,Robbe-Grillet reprend ces thèmes obsédants
pou r les pr ésen ter d’ un e ma nière
plu s di recte,
non
a mbi gu ë ,
pou r
f acilit
e r,
cette fois-ci,
la compr éhe nsion de tou s ceux qui se s on t a
ch arn és à int erpréter se s
œu v res da ns une
pe rspe ctive de l
e ctu re, selon lui, i
n adé qu at
e, su rtou t
à pa rtir
d’ un e g rill
e de lec tur
e
réaliste, sinon pathologique (voir certaines interprétations de La jalousie et du Voyeur).
De plu s, av ec c e film, l’au t
eur fra
n çais dé fi
e l
e s c ri
tiqu es ,
don t l
e s plus repr ése nta t
if
s
sont Bruce Morrissette1 ou Jean Alter2, qu i
s’effor ce nt
à tou t
prix de
re cons titue r une
cer t
a i
n e c oh éren ce de l’intr
igue da ns se s écr
its. Le s deux dénou e me n ts de l’i
n trigue
présents dans L’ Immor telle représentent la réponse de Robbe-Grillet à ce genre
d’a nalys e tex t
u elle.
La fin de Marienbad était non résolue, puisque le spectateur ne comprenait
pa s si
les
pr otag oni stes
s’ é
taien t s
auv és du chât
e au ou non. Pour lancer un nouveau défi
à la critique, Robbe-Grillet présente au spectateur deux fins contradictoires dans
L’Immortelle. Le choix de deux dénouements parallèles constitue une innovation
importante au niveau de la narration. En proposant les de ux dé nou e me nts de l’i
n trigue
dans son deuxième film, le réalisateur perturbe le cercle herméneutique de
l’i
n terpr étation pos sible de s on ci né -roman et remet en question le sens déduit
rétrospectivement, où certains signifiants sont privilégiés après coup, pa rce qu ’il
s
impl iqu en t
l’ élabor ation d’un signifié te xtuel
spé c ifi
qu e, s i
gn if
ié a uqu el on arriv e plus
facileme n t
en supp rima n t
les sign i
fi
a nts qu i
ne s’a da ptent pa s au se ns ch erché . Le fil
m
de Robbe-Grillet refuse systématiquement de traiter le sens comme « objet » privilégié
et prin cipe
de pou v oir pa r
rap por t
aux di scontinuité s et
au x contradi cti
on s de
l ’i
n trigue.
Ain si, de u x v e r
sions i ncompa tibl
es s on t off ertes a u s pec tateur qu i n’a
cepe n da nt pa s la pos sibili
té d’e n ch ois ir une à s a gu ise. L’ hist
oir e mène à deux fins,
ma is a uc une n’est dé sirable.
Da ns l
a pr emi ère,
la femme me ur
t. El le
re vien t
plus tar
d,
viv ante, immor telle. Sa de uxième
mor t, symbol iqu e, n’es t j
a mais a ccompl ie. As soc i
ée
av ec la Tu rqu ie et l’a tmos ph ère orien t
a le ,
L est
a ttirante e t
me naça nte à la fois. Elle est
là pour ébranler la « mythologie flottante »
de l ’Or ient qu’ en t
retie nt N. Edwa rd Sa ï
d,
en évoquant Vico, montre que cette mythologie est dérivée de la « suffisance des
nations et des érudits » (SAÏD, op. cit. : 69). Et, encore plus loin, Saïd montre le procès
ps ych olog iqu e qu’e n ge ndre
ce t
te
my thol og ie
:
L’or dre do n t l ’
e s
pr it a be soi n e st a t
te i
n t
g r
â ce à u ne c l
as sifica t
ion
rudi me n taire :
ma i
s il
y a t
ou j
ou rs
un e pa rt d’a
rbi traire da ns la ma niè re
de con c ev oir l
es
distinctions entre les obj ets; c es obj et
s mê me s,
quoi qu’ils s embl en t e xiste
r
ob jective me n t,
n’on t souv ent qu ’une ré alité f
icti
v e .
(ibid. : 70)
Le texte de Robbe-Gr illet
pe rtu rbe
l’
idé e d’ une syn chron icité obl igatoir e dans
le sav oir d’ un e époqu e don né e. Par con tre,
le spe c t
a t
e urvoit, dans la compréhension
1
« Lecture de La Jalousie d’Al ai
n Rob
be-Grillet ». Critique, 12, 146 : 579-608 (juillet 1959).
2
« The Treatment of Time in Alain Robbe-Gr illet’s La Jalousie ». College Language Association
Journal, 3 : 46-55 (septembre 1959)
217
différente du savoir en Turquie, une discontinuité fondamentale dans la synchronie
désirée par Foucault. Dans le ciné-roman de Robbe-Grillet, est offerte au regard du
spectateur une Turquie au carrefour des épistémés, un pays « oriental » en train de
réfor me r sa culture pou r s e diriger ve rs l’Ou est
. Le roma nc i
e r/
r é
alis
ateu r
françai
s
1
n ’
ins iste pa s su r
l e cha ng eme nt qu i s e pr odu i
t e n Tur quie . Celui-ci l’i
n t
éres
se
seulement dans la mesure où il lui permet de faire rouler des voitures américaines dans
les r ue s d’Istambou l
ou de tr
an sforme r le dé cor t
u r
c e n scè n e de consomma t
ion
oc cide nta l
e,
pou r l
e
plaisi
r du
spe c
ta t
eu r
franç ais
au quel
le fil
m e st desti
né. À l
’époque
où Robbe-Grillet a situé son film, la Turquie tentait de changer dramatiquement ses
institutions politiques et sociales. La femme, qui est plus ouverte à des changements
radicaux, incarne cette transition impossible.
Le ciné-roman de Robbe-Gr i
lle t
pe u t
êtr
e encadré da n s l’épis
témè de l’
âge
baroque, au début du XVIIe siècle, auquel Foucault fait référence fugitivement
(FOUCAULT, op. cit.: 65). En décrivant le baroque comme une époque culturelle qui
compr en d
et évit
e
de
répéte r l’
erreur cl
a ssique de
la simili
tude ,
Fou cau l
t
cite
De scar
tes,
qu i a v ait rema rqu é l’habi tude h uma ine de traiter
la di ffér en ce d’un e ma nièr
e
analogique:
C’est un e habitu de fréque nt
e, lor squ ’
on découv re qu e lques ressembl ance
s
en t
re de ux choses qu e
d’a t
t ri
bu er à
l’une comme
à l’a
u t
re,
mê me su r
les
poin t
s où e
lle
s
son t e n r é
alit
é différentes, ce qu e
l’on a rec onnu vrai
de l’
un e seuleme nt des deux.
(ibid. : 65)
Pour extrapoler à partir de cette erreur, on constate que la métropole emploie
l’ana log ie c
lassique
pou r inoc uler
a ux co l
on ies
un modè le de
dé v eloppeme n t
basé s
ur
la ressemblance avec le pouvoir colonisateur. L’ Immor t
ell
eprésente à ses spectateurs
« les chimères de la similitude » et les « sens trompeurs » de la Turquie, en leur
mon tra nt du doigt l
’art
ifice de l’
h i
stoire et de la
my t
hologie turqu e.
L, l
a protagonist
e
européenne du ciné-roman, a le rôl e de mon trer à
N, s
on
ama n t
,
e n mê me t
e mps
qu’aux
spe ctate urs,
qu e
la Turqu i
e du
fil
m n’est pas la Turqui e
réell
e .
1
L’intri
gue de L’Immor te
lleest située dans une Turquie soumise à un changement historique
fondamental. Selon Homi Bhabha (The Location of Culture. London/New York : Routledge,
1994), un tel moment de transformation culturelle rend encore plus problématique la définition de
l’i
de nti
té
na tiona le et
culturelle et l
a
compr éhension de la
différence d’a ut
rui:
Terms of cultural engagement, whether antagonistic or affiliative,
are produced performatively. The representation of difference
must not be hastily read as the reflection of pre-given ethic or
cultural traits set in the fixed tablet of tradition. The social
articulation of difference, from the minority perspective, is a
complex, on-going negotiation that seeks to authorize cultural
hybridities that emerge in moments of historical transformation.
(Bhabha, ibid. : 2)
Selon le critique postcolonialiste, les stratégies de représentation sont assujetties à des
négociations de pouvoir entre des discours autoritaires contradictoires. Moins pertinent pour la
démarche ludique de Robbe-Grillet, le point de vue de Bhabha demeure ancré dans le politique et
incline vers u ne c
r i
tique
cul t
ure l
le d’e
nsembl e.
Pl us pessimi s
te que Sa ï
d,
Bha bha es
t d’opinion
que les différences culturelles risquent de rester irréconciliables. Bhabha se rapproche de
Fouc ault,
qui soulig ne le j
eu du pouvoir
et la
portée de
l’autori
té dans la
produc tio
n du discours.
Dans son film, Robbe-Grillet dramatise cet échange, entre le discours du pouvoir (le point de vue
de la caméra) et le point de vue en excès (voir les interventions de la femme), qui bouleverse le
déroul ement
tra nqui ll
e de l
’intrigue .
218
Comme la Turquie et ses habitants, L est un des éléments qui se sont aliénés
da ns l’an al
og ie, d’aprè s l’
e xpression de Fouc a u
lt (ibid. : 63). Comme le fou dans la
philosophie de Foucault, la femme du ciné-roman de Robbe-Grillet, qui croit
dé ma squ er l’abs urdit
é de
son ima ge , réus s
it
seu le
me n t à impos er u n ma squ e.
Nou s
remarquons, en analysant le film, cette faillite au niveau de la représentation. Loin de
bou s
c uler
l’ima g e cla
s sique de la repr ésen ta
tion
fé mini ne au ciné ma ,
L la r
enforce .
Ce
renforcement est le plus visible dans le contraste entre ses poses, ses discours toujours
sembl ables e
t l’occ ur
r enc e
de s
a utres personn a g
e s fémi n ins da ns
le film: les femmes
turqu es. L, qu i
n’ i
n carne a
u cun de s clich és
as sociés à l
a femme mu sul ma ne,
subit
le s
stéréotypes de la femme occidentale : elle pose pour la caméra et devient objet du
regard. Robbe-Grillet souligne les similarités dans le traitement des femmes dans les
de ux
cu ltu
r es,
ce
qui
renf orce l
a th è
s e de
Sa ï
d, qu i t
rouv e l’
oppos iti
on en tre l
es cult
ure s
occidentale et orientale erronée.
La représentation de la femme devient, à partir de 1965, un sujet controversé
chez Robbe-Grillet. La femme est réduite à un objet de moquerie et Robbe-Grillet,
con scien t
de l’
a utorit
é i
n ter
pr ét
a t
ive de l
a c
ritique
fé mi niste da n s
les a nn ées soixante,
persistera pourtant dans sa représentation sadique de la femme.
L, la protagoniste européenne de L’ I mmor telle, entretient avec ses « s œu r
s»
turqu es une rel
a ti
on ba sée su r
l’oppos i
tion modè le -série. L prend des postures de
ma nnequi n, habi l
lée sy stéma t
iqu eme n t d’une fa çon é léga nte,
l
a plupar t du t
emps pour
don ner un e ima ge de s tat
ue f
ig ée,
arrê t
ée s
u r l’écra n pour con tr
a s
ter avec le décor
pauvre du pays. Le spectateur voit aussi une danseuse turque dans des poses sensuelles
qui semble servir de modèle plus tard dans le film à L et surtout à Robbe-Grillet, qui
profite de la moindre situation pour insérer des scènes sadomasochistes dans ses films.
Mê me si la fonc ti
on du modè le pa sse d’une femme à l’autre, le fil
m c onserve (ave c
religiosité) un e
d iffér
e nce
de s
tatut da ns
l’alt
e rnan ce modè l
e de luxe (L) et
modè le de
série (la femme turque). La caméra semble intervenir pour nous montrer de quelle
faç on reg arder l’alter
n an ce des ima ges des de ux f
e mme s.
Le con t
ras te ent
re L e t
la
da nseus e t
u rque (
l’Eu ropé enne
libéré e et l
a
Tu rqu e, ob j
e t du plaisir
de s homme s
) t
en te
d’impos e r
un e dy nami qu e colon i
a l
e da ns notre
c ompr éhe nsion du film. On remarque
que le film exige une complicité psychologique du spectateur.
Les femmes turques répondent à la définition que donne Baudrillard dans son
ouvrage, Le système des objets, à l’obj et
de
s érie : «juxtaposition » (le spectateur ne
les distingue pas en tant que personnalités différentes), « combinaison fortuite » (elles
appa raiss e
n t
da ns de s
s i
tu at
ion s
in t
er férentes; on les c on fond sou vent). Comme
l’
obj et
de série, elles ne sont « pl us
qu ’un e somme
de détails qu i re
ss ortissent mé caniqu e
me nt
à des séries parallèles » (BAUDRILLARD, 1968 : 207). La caméra insiste sur les
différences de classe et, en même temps, de race, entre L et les femmes turques. De
nouveau, la distinction modèle et série reste en place. Baudrillard décrit ce phénomène
de la façon suivante : « Tandis que le modèle garde une respiration, une discrétion, un
« naturel » qui est l
e combl e
de
la c
u lture ,
l’
obj et de série
e s
t en glué da n s son exigenc e
de singularité - il affi
c he une c ulture contrainte […]» (Ibid.: 209). La distinction
culture « naturelle » / culture « contrainte » est importante pour la démarche du film
qui est de nous guider dans notre compréhension de la culture occidentale aux dépens
de la culture turque, qui reste invisible.
La Turquie du ciné-roman de Robbe-Grillet est en train de se métamorphoser
et la condition des femmes devient donc un sujet à la mode. Un personnage comme L
est présenté dans ce film comme modèle impossible de cette transformation.
Impossible à suivre, car la situation même de L nous inquiète. Le film, qui avait
219
démarré avec une perception hiérarchique des comportements européens et turcs, arrive
à s’inter r
og er lui
-même sur son épistémè, quand il assujettit la femme occidentale à un
destin de victime, la rendant objet dans la série de femmes turques. Toutes les femmes
dans L’ Immor tel
le , y compris L et une autre Européenne, se trouvent dans des rôles
abs urde s,
qu i
pou rr aient
êtr e
ch ang és
sans que l’i
ntrigue
ou la qu alit
é
du fi
lm n e
soie nt
bou lev ersées. Au c un e n’es t
in dis pe nsable.
Le s femme s son t tou t
es
superflues. Leur
unique fonction est de rendre les hommes visibles. Les femmes dans L’ Immor telle,
qu ’ell
e s soient t
u rqu es ou e ur
opé e n nes,
sont «libérées » seuleme nt
en
tan t
qu ’objets de
fon cti
on ,
pou r l’u sag e de s homme s.
La femme obje t
e s
t u ne figuran te humble et
réceptive, une esclave psychologique ou sexuelle ou un objet du décor, performant la
fonction du paysage. Les femmes dans L’ I
mmor tell
eparticipent à la même ambiguïté
qu e l’obje t
fon cti
onn el: elles deviennent « un signe-piège », selon Baudrillard, « des
alibis où
e s
t donné e à voir une libe r
té
qui n’est
pas don née à
v ivre» (Ibid. : 45).
Dans un mouvement cynique, L est, dans ce film, victime et voix de la
réflexion en même temps. La protagoniste de L’ Immor te l
lefait des efforts pour sortir le
spectateur de sa passivité complice face au « sujet » oriental. La femme, qui est
désignée par plusieurs prénoms, commençant tous par L, joue le rôle le plus intéressant
dans le film, malgré sa passivité et son immobilité devant la caméra. Elle est celle qui,
à l
’ombr e du narra teur, i
n terrog e l
es présuppos és culturel
s et les stéréoty pes s
ur les
fe mme s et sur l’Or i
ent. I
l l
ui ma n que une iden t
ité st
a ble,
ca r elle oscille entre de ux
allégeances : occidentale et orientale (on la voit prier dans la mosquée). Devant la
caméra, L prend des postures érotiques, artistiques, « orientales » et expose ses
v êteme n t
s de luxe , ainsi
qu e l
’immobi lit
é et
l’i
lli
sibilit
é de ses trait
s.
On
la
v oit
à
la
foi s
vivante et morte, car elle continue de jouer son rôle le plus important après sa mort
da ns l’a c
c i
de nt de voiture. La pr é s
enc e
de
L témoi gne
de l’a mbi guïté qu i entoure la
figure de la femme en général et, plus précisément, dans un pays censé être oriental, la
1
Tu rqu ie au carrefou r
de
l’
hi st
oi re .
L, la femme i
mmobi l
e ,
c h ar
me l
’homme ,
N,
e t
l’
entra îne da ns
le s my stèr
e s et
l’atmos ph ère d es c on t
es de f
é es d’ un Or i
ent my thique ,
en lui ra ppelant à la
f oi
s qu e
toutes les représentations disponibles de cet espace séducteur sont les fruits de son
imagination: « L : Tout ça, ce sont vos imaginations... Vous voyez... Vous êtes sur le
Bos phor e. Vo us lon ge z la r
iv e d’ Asie..
. Au pied de s minar e t
s ,
vous ape r
c evez les
maisons de bois aux fenêtres closes, où les femmes sont enfermées... » (ROBBE-
GRILLET, op.cit. : 50) ou: « L : Vous voyez bien que tout est faux... Byzance!... Ils sont
même en train de le construire »! (Ibid.: 97)
Ce pen dan t, l
’attr
a cti
on de vi
ent
très
pu issante
e t
emp ê che
N de reconnaître son
essence fictive. N pense maintenant que les changements politiques rapides dans la
société turque ont des répercussions sur la mentalité des gens. Il pense, par exemple,
que les femmes ne sont plus prisonnières derrière les fenêtres closes. Néanmoins, le
film contredit ses suppositions par des images où les femmes sont représentées dans
des synecdoqu es, pa r un cri
d’a bu s
ou une ré
a cti
on
hy stéri
que à un e
injus ti
ce
an onyme .
Con t
ra i
r eme nt à l
’ e xplosi
on d’é mot i
on s
ma nif
e stée dans les
c ris ou dan s les ch a
n sons
turques, les troubles de L sont muets. Son visage les exprime à travers un masque et un
cri gelé.
1
La Turquie dans L’ Immortelle tente d’e
ffa
cer
son i
dent
it
é ant
éri
eur
e, po
ur dev
enir
un ét
at
occidental. Le film est situé dans la période
sui
vant
Ata
tür
k,
qui
a
ouver
t
la
Turqui
e
à l
’Oues
t.
220
À plusieurs occasions, L mentionne les abus que subissent les femmes. Le
changeme nt
de
me ntali
té qui doit
s’
ache
ver
e n
Tu rquie,
en ce
qui conce rne l
a l
ibe
rté
de
la
femme , n’est
pa s un
su ccès da
ns l
’Oue
st,
puisque N lui-même menace de frapper L,
quand elle devient turbulente :
L ta quine N au l
ie u de lui
d onn er
son adr esse.
D’a bo rd, ell
e éc r
it en
turc dans
son agenda, ensuite ell e dé chire la
pa g e
et
dit qu e ,
de toute faç on, c’est f
a ux.
Fa u x
et
artificiel, comme le décor en cours de rénovation où leurs destins malheureux se sont
rencontrés. Le personnage de L anticipe, par ses postures de mannequin et la précarité
de sa situation, un thème majeur, laissé en suspension après Le voyeur : l
’érot is
me
combiné à la violence contre les femmes.
Nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles N se trouve à Istamboul.
Il es t
prof esseur, ce qui n’ expl ique pas pourqu oi il
a choisi la Tu rqu ie. Ma i
s s’il
a
déménagé dans un pays exotique pour trouver le bonheur et se redécouvrir lui-même, il
a
tor t
. Il se trompe parce
qu ’
il ig nore le c
onflit en tr
e l
’i
ma ge pré conçu e qu ’i
l
s’est fait
e
de cette
c ulture et
la réal
ité d e l’expé rience
à l aqu elle
ilest confronté au sein du pays.
En effet, la tentative de vivre dans une nouvelle culture (dans ce cas, « subalterne ») ne
réu ssit pa s
à
r a
chete r
quelqu’ un de
son a
ffli
cti
on
pe rsonn el
le .
La France n’a j
ama is c olonisé
la
Tu r
qu ie,
ma i
s N a git comme si
c ela
avait été
le cas. La différence de classe (le Français riche entouré des Turques plus pauvres) se
transforme en différence de race (la supériorité que le Français se fabrique dans ses
rappor ts a vec
les Tur q
u es).
N a dopte l
’att
it
ude du colon lorsqu ’il s
’a dresse à tout le
mon de en f
ra nçais
e t
s’
én erve qu and il ne
reçoi t
pa s de
r é
po nse :
«N : Un thé, s’ il vous
plaît. Pu is,
comme l
e garçon don ne des
signe s d’incompr éhens ion totale, i
l répè te
:
Tea! » (Ibid.: 47)
Comme da ns
la plupa rt des œu vres
de Robbe -Grillet, le protagoniste homme
interprète mal tout ce qui lui est étranger, en le fétichisant afin de le comprendre et de
le maîtriser. Le décor oriental rend ce procès de déformation plus facile pour N, car le
Bosphore semble peu familier.
Ce tte
tenda nce à s
’ approprier une signification étrangère est expliquée par
Edward Saïd dans L’ Orientalisme..., où le critique répond indirectement à Foucault au
su j
e t de l’homog én éité
de la
pe n sé
e. Se l
on Sa ïd, i
l y a t
ouj ou rs une me sure ar
bi trai
re
da ns
l’é t
a blisseme nt
de
différences culturelles :
la pratique universelle qui consiste à désigner dans son esprit un espace
familier comme « le nôtre » e t u n espace qui ne l
’est pas comme
«le leur », est une
manière de faire des distinctions géographiques qui peuvent être totalement arbitraires.
(SAÏD, op. cit.: 70)
Il
e n rés
u lt
e une sé par ation forcée entre l
’Ou est e
t l
’Es t,
qu i
s’ach ève,
da ns
la
plu pa rt
de s ca s
,
d’un e f
açon
tra gique.
Pour nous rassurer sur cette nécessité tragique de la rencontre de mentalités ou
de sexes différents, Robbe-Grillet propose deux dénouements. Dans tous les deux, un
des protagonistes est tué. Pourtant, le nouveau romancier nous fait nous demander si
l’hybris de la tragédie est la différence culturelle ou plutôt la relation adultère. Les
barrières cultu r
elles, créée s
pa r l’
a rti
fi
c e
de l a r e
pr é
se ntation de l ’autre cu ltur
e,
e nge ndr en t
la tr
agé die.
L n ous mon t
re t
out
au
l ong du fil
m que l’exotisme d’Ist
amboul
221
n’e st
pas exotique
e t que l
a femme
orientale
n’est pas différen t
e s des Oc ci
de nt
a l
e s.
N,
le personna g e occ ide n
tal,
n’ est pas prêt à acce pter de «changer la forme de sa
conscience » pour
s e sentir à l’ais
e dans
ce
mon de qu’il perçoit c omme
radicaleme nt
autre.
Qu’ il
aime ou non l
e terme ,
de plus
en plu s
tragique
de vie nt aussi
le
de s
tin de
la femme dans la littérature et la filmographie de Robbe-Grillet. Objet superflu, elle
sera soumise à des tortures sexuelles cherchant en même temps la complicité amusée
du l
ec t
eu r
. L’éthiqu e de l’
huma nisme, qui pré
occ upa i
t Robbe -Grillet auparavant, perd
de sa valeur dans les œu vres
su ivant
e s
de l
’a ut
eur.
Quant aux spectateurs, ils sont invités à prendre du plaisir dans la poésie de
l’i
ma ge t
ou t
en
sa cha nt
qu e la représentat
ion qui l
e ur est off
e rte est fausse
. À pa rt
les
interventions de L, Robbe-Gr illet
n’off
re aucune alternative à la représentation de type
Pie r
re
Loti
qu ’il
fait de l
a Tu rqu ie.
I
l l
a dénon ce
ma i
s il
n’a r
rive
pa s à l
a
déconstruire
et
à présenter une autre image de la culture étrangère à son spectateur. De plus, il réitère
des thèmes déjà existants dans un roman antérieur (La jalousie) ,
ten dance qu’il va
reproduire dans les films et les romans subséquents.
BIBLIOGRAPHIE
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L’ Or ien t
créé par l’Occident. Trad. Catherine Malamoud. Paris : Seuil,
1980.
Robbe-Grillet, A. L’ anné e
de rni ère à Mar ienbad, ciné-roman. Paris : Les Éditions de Minuit,
1961.
L’ I
mmor tel
le , ciné-roman. Paris : Les Éditions de Minuit, 1963
222
LE FÉMININ DANS LES BESTIAIRES MÉDIÉVAUX
INTRODUCTION
223
LE FÉMININ DANS LES PROPRIÉTÉS DES ANIMAUX
Les chapitres sur les animaux présentent les traits zoologiques des animaux
(pa rfois r é els, pa r
fois fa bule ux), déc r
its d’ une ma nière fra gme ntaire, pa rfois
pe u
conformes à la réalité biologique. Ce savoir est inspiré par les sources antiques (Ctésias,
Plin e, Ar istot e,
Elian,
Isidor e de Sé v
ill
e
e t d’a ut
re s) ai
nsi qu e pa r l
aBible. Pour cela les
descriptions biologiques et le savoir présentés dans Physiologos grec, ainsi que dans les
diverses versions de Physiologus en lat
in a u cou rs du Moy en Ag e, n’offraien t
qu’un
sav oir biol og ique
douteu x. La vérit
é biolog iqu e i
mpor tait
pe u pa r r
appo r
t
à l’
instruct
ion
chrétienne : l’homme mé di éva l
croya i
t auxmons tre s
ainsi qu ’au fa
it que le mon de est
une allégorie qui peut être déchiffrée. De cette manière, les chapitres représentant la
nature des animaux étaient composés avec le but de mieux interpréter une vérité
instruite aux chrétiens, avec les exemples tirés du comportement des animaux.
La sexualité des animaux était importante dans les descriptions biologiques.
Les bestiaires traitaient les sujets tels que la paternité et la maternité, la vie familiale,
l’acc ou pleme nt
, l’homos exu ali
té, la c astra ti
on . La di vision de s s exes bi ologiques
faisaient naturellement partie de s chapitre s de s be sti
aires. Il n’ exis
tait ce pendan t
pas
d’or dr e log iqu e
n i
de coh érenc e da ns
la de sc ri
pt i
on du compor teme nt des mâ l
es et
des
femelles : ain si que la structu r
e de l’
ouv rag e e ntier
et la st
r uc tu
re de s ch apitr
es des
bestiaires, le contenu était dépourvu d'une logique manifeste et de cohérence. On
en t
a me r a don c l’ana
lys e par l
es de scr
ipt i
on s du c ompor te me nt des anima ux f
e me l
les.
Le thème qui marque pour la plupart le féminin des animaux décrits est le
comportement sexuel servant à la reproduction : l’
ac coupl eme nt
, l’ e
nfa nteme nt,
la
maternité. Dans le même contexte, le sexe masculin contribue lui aussi souvent au
comportement familial des animaux. On analysera ainsi la manière avec laquelle est
représentée la maternité des animaux ou la séduction effectuée par les femelles.
Le lion, symbole chrétien par excellence, roi des animaux qui ouvrait les
be sti
a ires da ns toutes les version s
pe nda n t
plus d’un mi llén aire de popu lari
té de ce
genre, dans ses trois natures, en montre une qui souligne le rôle de l’amou r paternel.
Notamment, le père ressuscite le lionceau qui est toujours mort-né : le troisième jour, il
ranime son enfant « autant par son haleine que par sa voix » (BEAUVAIS, LE CLERC
et al., 1980 : 23). La lionne est aussi présente dans ce tableau : lorsqu’elle
«donne le
jour à son petit, elle le met au monde mort-né, et le garde trois jours » (ibidem), mais
c’es t
le pè re qui leu
r redon ne
la vie.
La l
ion ne n’es t
plus dé cri
te dans ce
pas sage et
ainsi
elle y figure de loin, sans être commentée plus tard dan s
l’interpr état
ion .
Le pélican, lui aussi symbole chrétien, à son tour fait preuve de son amour
pa tern el.
Ay a nt
é t
é pun i
s par l
eu r
pè r
e
pou r l’avoi r
frappé au vi s
age ,
l
es oiselets s
ont
ressuscités par lui le troisième jour : « il
s ’ou vre le flancà coups de bec et se couche sur
les oisillons morts ; il répa nd le sang de son fla nc sur eux, et c’est ainsi qu’il
les
ressuscite » (ibidem : 28). Cette image célèbre s'interprète comme représentant le
sacrifice de Jésus sur la croix et ainsi la miséricorde de Dieu, malgré le manque de
gratitude envers le Créateur de la part des hommes.
Le cortège des symboles christiques se poursuit plus tard par les propriétés de
la panthère, bête qui séduit par son odeur agréable. La panthère est belle, très familière
et attire les autres animaux par son haleine. « Les autres bêtes suivent la panthère, à
ca use du doux parf
um de sa bou che, e n qu elqu e li
eu qu’ elle ai
ll
e .» (ibidem : 45)
L’ hale i
n e sé ductric
e de la pa nthè r
e se l
on l
e sav oir anti
q ue
s erv ai
t à a
ttirer sa fut
ure
proie ; da ns la t
r a
diti
on de s bestiair
e s
, cet te qu alit
é
atti
ra it
tou s l
es anima ux à part
le
dra gon , qu e s e
ca c
hait
pu isqu ’il
ne
pou vait pa s s
u ppor t
er ce t
te ode ur
.
224
Le c inquiè me comma nde me n t
s e
rt d’ou vert
u r
e pou r l e ch apitre dé dié a ux
propriétés de la huppe. Notamment, les jeunes respectent leur père et leur mère, les
soignent et les aident quand ils sont vieux. Les oiselets rajeunissent leurs parents et
disent : « de même que vous nous avez nourris dans notre enfance et que vous avez fait
de grands efforts pour nous, de même devons-nous vous servir dans votre vieillesse »
(ibidem : 32). Le père et la mère détiennent une importance égale dans ce conseil. Ainsi,
le soin pour les petits de la part des parents des deux sexes, masculin et féminin, est
également appréciée.
La maternité est décrite dans le chapitre sur la perdrix : cet oiseau, représentant
l’ima ge du Di a ble, sert d’ex empl e de l a t rompe r
ie. Se lon la c itat
ion bi bli
que du
prophète Jérémie, « La pe r
drix a crié, et
elle a assemblé l
e s petits qu’ ell
e n’avait pas
enfantés » (ibidem : 49). Né anmoi ns, cette
trompe rie s’avère i
nu tile: aussitôt que les
poussins entendent les cris de leur mère naturelle, ils retournent à elle. « Très
lég i
time me nt, c’est don c en
va in qu e l
a per dr i
x s’est
don né du ma l pou r despoussins
qu i n’étaient pas à elle,
et el
le de me ure sol itai
re et st
érile.» (ibidem : 50). Les deux
mè r
e s
s ont présentes
da ns ce
c h apitre,
l’une étant t
rompe u se (et elle reste seu l
e et
s
a ns
en fants) et la v r
a i
e mè re récompe nsé e
à la fin.
Ce pen da nt c’e st celle qui commet
l’impos ture qui figu r
e au cen tre de l’i
n t
érê t:
l’autre,
ma lgré s on appa rtena nc
e à l
a
mê me
e spèce ,
n’est déc r
ite
qu e
de loin. (
Da ns
l’i
nterprétation
c hré t
ienn e qu i
suit
da ns
le chapi tr
e ,
l
’u n
e
e st
vu e comme Di able et
l’au tre c
omme Di eu.)
Le singe, selon Guillaume le Clerc, représente le Diable. Les singes sont laids,
repoussants et parfois « portés à la mélancolie ». Ayant décrit son apparence physique,
Guillaume continue par décrire une autre propriété, celle des habitudes des mères :
« Qu a
n d la mè re a ses petit
s, elle por t
e
ce l
ui qu’ell
e aime le plus dan s
s es bras,
de va nt
elle ;
l’a utr
e, do nt elle ne se s ou ci
e pas, s’a ccroche à elle pa r-de rri
èr e,
e t s’es
t ain si
qu ’ell
e les
por t
e
tou s les deux .» (ibidem : 102) .
Ce t
te habi t
u de n’est plus commentée
pa r
l’au te
u r.
Le s oin c ommun po u r l a prog énitu re
e t
l’interdé pen da nce de s s exes s ont
ex primé es dans le ch apit
re sur l
’ éléph ant
, donn ant
un pa r
fait ex empl e
de l
’an alogie
av ec
Ada m et Eve
(comme le di
t l’interpr ét
ation) . Tout l
e c hapitre su r cet animal est dédié
aux caractéristiques de la procréation de cette espèce :
Quand arrive le temps où le mâle est pris du désir de procréer, il se dirige vers
l’Orient av ec
sa feme ll
e, prè
s du
Paradis
où
n aquit Ada m. Là se tr ouv e
u n arbre
qui est appelé mandragore. La f
eme l
le ma ng e
la première du fru i
t de l
’arbr e,
pu i
s elle en don ne au mâ l
e af i
n qu’ i
l en ma ng e
aus si
. Au ss itôt qu’ il
e n a
ma ngé , tous deux s’ac
c ouplent,
et i
mmé diateme n t
la feme ll
e c onç oit.
Qu a nd
arri
v e l
’é poqu e
où ell
e doit
me ttr
e bas,
elle
se
rend au
bor d
d’un é t
ang , et
ent r
e
dan s
l
’e au j
u s
qu’ à la
h auteur des ma me l
les; et c’est
là, dan s l’
e au, qu ’
e ll
e
enfante ,
pa r cr
ainte du dragon qui perpét
u el
le men t l
a guette,
ca r s ’
il t
rouv ait l
a
feme ll
e h ors de l ’
eau, il l
a d évorerai
t. Le mâ le n e se sépa re d’ elle au ssi
longtemps qu’ell
e est
en
tra
in de me t
tre bas,
et
il
v ei
lle s
u r e
lle pa r craint
e du
serpent. (ibidem : 59-60)
Les deux s
exe s
veil
lent
ensembl e s
ur leur f
u t
u re
prog énitur
e. L’initi
ati
ve est
d’abord ma s
culine,
pu i
sque c’
est
l’él
éph ant
mâ l
e qu i
décide de se déplacer. Cependant
la fe
me l
le entame l
e frui
t,
grâce a
uqu el
ell
e con çoit
. La crainte de l
’enn emi
(dragon,
serpent) les unit pour que chacun serve à sa fin biologique. Les deux sexes ainsi
225
fonctionnent ensemble et représentent un couple des se x e s oppos és
q ui s’att
irent et
représentent une union cohérente et harmonieuse.
Un e
a utr
e f
or me de la présenc e
de
l’attracti
on e ntre les
sexe s appa rait
dans les
chapitres sur les pierres ardentes (turobolein). Selon le Bestiaire de Pierre de Beauvais,
les identités masculine et féminine sont clairement visibles et compatibles. Notamment
l’un e n e f onc t
ionn e pa s s a ns l’au tr
e: les deux pierres ne font jaillir le feu que
lors qu’elles s
e
ren de nt l
’un e près
de l’a
u t
re.
Ce rappr oc heme nt
s
’opè re lorsque «par
hasard la femelle est approchée du mâle » (ibidem : 25). Le feu produit par ces pierres
(inc it
é pa r l a p i
e rre f émi nine) e st t el
leme n t for t qu ’il e s
t c apable d e tou t
embraser : « e ll
es pr odu isent aussitôt un f
eu si g rand qu’il se mble qu e tou t ce qui se
trouve sur les flancs de la montagne se mette à brûler » (ibidem). La séduction
repr ésente un tr
ait
e sse nt
iel de l’
iden ti
té f
é mini
n e .
Hybride hérité de la mythologie grecque, la sirène est dans le Bestiaire de
Pierre de Beauvais traitée dans le même chapitre que l’honocentor, ou sagittaire, une
autre créature composée des parties du corps humain et animal. Ce chapitre présente
d’a bord se s propr i
é tés phy s iques: « … l
a sirène est faite à la r
e ssembl a nce d’un e
femme j
us qu’a u nombr il
,
e t
[ qu e]
da ns l
a part
ie inf é
rieure de son corps, elle ressemble à
un oiseau » (ibidem : 34). Puis, on décrit son comportement : elle séduit les marins par
son cha nt
e t i
ls
s’en dor me nt, apr ès
qu oi ell
e s
e jette sur eu x et les
tue. Ce
compor teme nt
donne lieu à une interprétation misogyne qui figure dans la deuxième partie du chapitre.
Le féminin figure sous une autre forme dans le chapitre sur la plante
mandragore, dans le Bestiaire divin de Guillaume le Clerc de Normandie. Après avoir
dé crit
les pr opriét
é s de
cette pl ante,
il
a j
ou te
qu’il existe la plante mâle et femelle : « De
c et
te
he r
be si précieus e,
il
e xis t
e toujou rs
deux e spèce s,
l’une mâ le
et l’autre feme ll
e. Le
feui ll
ag e
de l
’une e st et
de l’a utr
e
e st
éga l
eme nt be au; la feme l
le a un feu i
llage épa is
,
dont la feuille est semblable à celle de la laitue sauvage » (ibidem : 116). Cette qualité
n ’
e st mê me pa s me n t
ionn é e da ns l ’i
nterprétationet elle présente une information
presque futile, située à la fin du chapitre.
Les propriétés animales contenant des aberrations sexuelles (mascul ines) sont
traitées dans les chapitres sur l'hyène (homosexualité, bissexualité ou même
tran ssexua lité
, fai
t bi ologiqu e étr
a ngeme n t
vrai pou r certain es espèces
de l
’hy ène )
,
s ur
le c ast
or (au t
oca s
tra tion vol on tai
re), sur l’
on a
g re (
les je une s mâ le
s s ont castrés par le
chef du troupeau, « c ar i
l ne ve u t
pas
(je
pe nse qu e
c ’est par jalousie) que le jeune
mâ l
e
non châtré devienne assez grand pour pouvoir saillir les femelles du troupeau », comme
le dit Guillaume le Clerc, ibidem : 100). Un fait biologique faux sur le comportement de
la belette est présenté lui aussi. « Phy siologue dit qu’e l
le r
e çoit l
a seme n ce du
mâ le par
la bou ch e,
et
qu e c’es t
ainsi qu e
la seme n c
e pén ètre en e ll
e. Et
le mome nt ve nu où elle
doi t mettre ba s,
ell
e
don ne le jou r
à ses peti
ts
pa r l’
oreille. » (ibidem : 50)
Da n s l
’ens embl e du c orpus ,
la ma t
ernité des fe me lles ne détien t
pa sune place
plus importante que la paternité des mâles. Par contre, les descriptions des femelles sont
rarement données sans avoir rien à voir avec leur fonction repr odu ct
iv e,
ce qu i
n’est
pa s
le cas chez les mâles. De cette manière, le féminin semble représenter une identité
marquée.
LE
FÉMI
NIN
DANS
L’I
NTERPRÉTATI
ON
226
Le s con seils don nés serve nt à é t
abli
r la f
oi r
elig i
eus e, comme
le dit l’
introdu c ti
on
da ns
le Bestiaire de Pierre de Beauvais : « Ce qui est dit ici doit servir en premier lieu à la
compréhension des Ecritures saintes » (ibidem : 21), ou chez Guillaume le Clerc : « on
trouv era là a bon dant
e ma tiè re
à ré
flexi
on mor ale,
et de b o ns pas sages d’ ense i
g ne me nt
théologique » (ibidem : 71). Les conseils donnés aux chrétiens sont de qualité
explicative (aident un lecteur à mieux comprendre le monde autour de lui, et à
déchiffrer les diverses formes de la séduction du diable) ou normative (où on lui prêche
de fuir les tentations
de
ce mon de).
Les bestiaires s
’a dr esse nt plutôt aux h omme s
qu’ aux
femme s, d’ une ma nière e x plici
te (certes, san s ex clu re l e
s lec tr
ices). Pa r e xe mpl e,
Gu i
ll
a ume le Cl er
c s ’adr e ss
e ou vert
eme nt à «Messieurs » ou « bons chrétiens ».
Comme l’
in diqu e
Ga bri
el Bi an ciott
o, l
a pre scripti
on mor a le
, très sou ven t d’un e g rande
rigueur est « à la f
ron ti
è r
e de
l’hé r
ésie
et claireme nt mi sogy n e» (FOURNIVAL, 2009 :
7).
Cette fois, la nature zoologique est expliquée par le comportement des
humains, de Dieu, ou du Diable. Les principes biologiques cèdent leur place à la réalité
quotidienne des chrétiens dans cette interprétation : ici figurent les conseils sur
l’existen ce de la t
ent at
ion , ceu x qui précon isaient la c on tin
e nc e, ceux qu i
ouv re n t
les
yeux aux chrétiens sur les da nge r
s qui l
e gu ettent.
Da ns ce tt
e partie
de l’
an aly se, on
ch erche ra à établir
la
position
qu ’occupe
le g enre f
é mi ni n, ou les don nées biolog i
qu es et
sociales du sexe ou genre féminin. On trouvera les traces de la misogynie : le chrétien
est averti de se ga r
de r c on tr
e la séduction opé r
é e pa r
les f
e mme s (c e n’
e st ja ma i
s
ex pli
c iteme nt
le c
on trair
e ), puis con t
re l
e s vice s
c omme l’
a dultère, l
a for ni
c ation , l
es
tentations de la chair.
La misogynie est présente dès le chapitre sur les deux pierres ardentes : les
ch rét
ie ns doi ven t
s’éloigne r de s
femme s
a fin d’éviter d’ être «e mbr asés d’ un s eul cou p
par le feu intense qui ravagerait les biens que Dieu a placés en vous » (BEAUVAIS, LE
CLERC et al., op. cit. : 25). La partie interprétative de la sirène, quant à elle, est
introduite par une interprétation générale : « Ainsi en est-il de ceux qui sont endormis
dans les richesses et dans les plaisirs de ce monde et que leurs adversaires, à savoir les
diables, tuent » (ibidem : 34) pour devenir plus précise dans la partie où la femme est
v ue c omme u ne sédu c t
rice qu i détourne l’homme du dr oit c hemin ( «Les sirènes
symbolisent les femmes qui attirent les hommes et les tuent par leurs cajoleries et par
leurs paroles trompeuses, au point de les réduire à la pauvreté ou à la mort », ibidem :
34-35). A la fin, on décrit le caractère volatile des sentiments de la femme : « Les ailes
de l
a sirène, c’es t
l
’a mou r de la femme , qu’ ell
e e
s t
prompt e à don ner et à r
e pre ndre»
(ibidem : 35). De cette manière la femme, ou le caractère du genre féminin, est décrit
comme fugace, sans consistance, en plus, pernicieux pour le salut.
Da n s l
’inter
pr étation on con se
ill
e le chréti
e n de s e garde r des pé ch é
s et des «
vices du corps : adultère, fornication, cupidité, envie, orgueil, homicide, calomnie,
ivresse, luxure » (ibidem : 24) .
Ce conseil e
s t
ét
é pe int p ar l’
ima g e de l’antula , bête
cru el
le qui n’est vai
nc u e
pa r les chasseurs qu’ en la i
s san t l
e s rame aux s ’enl
a ce r à ses
cornes lors de son jeu. Ainsi, semble-t-i l
, l es v ic es s ’empa rent de l’homme et
l’empor tent sur lui,
i
l e
st phy s
iqu eme nt
plus f
a i
b l
e qu e la déba uc he. Gu i
lla ume le Cl erc
cite sa int Pa ul dans le cha pitre dédié à l’ibis: « Le s œu vre s de
la c ha ir,
dit-il, sont
manifestes et très mauvaises :
e ll
e s
engendr ent de gra nds t
r oubl es dans l’âme. Comment
se n
omme n t ces œuv r e
s? Orgueil et fornication, convoitise, ivresse, avarice, envie, qui
est un très mauvais vice. » (GUILLAUME, p. 88). Dans le tableau dédié au renard,
Gu i
ll
a ume ajoute
l’
ex e
mpl e du geai
, qui,
c omme la pie et les autres anima ux, n’ est pas
capable de déceler les ruses du renard. « Il en va de même des hommes peu sensés : ils
227
sont à tel point accoutumés et adonnés à la débauche, aux mauvaises actions. » (ibidem :
92). Lorsque les hommes sages se défendent du diable, ils lui jettent au visage « la
for nication ,
l’adul t
è re, t
ou te espèce de péc h
é» (ibidem : 95), tout comme les castors
jettent leurs testicules au visage des chasseurs pour se sauver la vie. Les hommes sont
sages et le piège tendu par les sollicitations de la chair est f é mi nin d’une ma niè r
e
prépondérante.
Quant aux tableaux où est présentée la paternité des animaux (lion, huppe),
l’amou r et l
’ atta
c heme nt
fa mi l
ial
est dé crit
, cep enda nt
il
est plus sou ven t accentué
ch ez
les mâle s que chez les
feme l
les (
à
l’ima ge de Di eu le Père).
C’ est le li
on qu i
ressusc it
e
par son haleine les petits. Tout comme le lion qui est fort et miséricordieux, les
hommes, et aussi ceux de haut rang, devraient garder en eux les qualités qui existent
da n s l
’âme huma i
n e a ussi: épargner les petits et les plus faibles. Quant à la huppe, la
mor ale de ce chapitre est d’honore r le père et la mè re. Da ns le chapi t
re ent
ier c hez
Pi erre de
Be a uvais, on gar de les
deux n oms ense mbl e et
i
l n’y
a au cun e différe
n ce
en tr
e
le père et la mère (excepté le fait que le nom de père précède toujours celui de la mère).
Le Bestiaire divin de Guill
a ume l
e
Cle rc t
raite l
e fémi nin d’un e ma n i
ère parfois
pl us re t
e nue ,
pa rfoi s visibleme nt mi sogy ne. Le t ableau de l’hy èn e
, a nima l de pu i
s
toujours vu comme répugnant à cause de sa transsexualité apparente, cette fois est
in t
e rpr
é té comme l’ima ge des fi
ls d’ I
s raël: « d’abor d,
ils cruren t s
a ns dé fai
llan c
e en
Dieu, le vrai Père tout-puissant, et lui restèrent parfaitement fidèles ; pa r
la suite, il
s
devinrent femelles : lorsqu’ i
ls furent dé l
icateme nt n ourris
, e t
qu ’ils
s
’ adonn èren t
a ux
délices de la chair et à la luxure, ils ne se soucièrent plus de Dieu ; perda nt l
a tê t
e, il
s
l’aba ndonn èren t
e t
a dorèr ent les
i
dol es.» (ibidem : 97) Dans la suite, il continue à
expliquer : les hommes qui ne sont visiblement ni mâles ni femelles sont « inconstants
dans leur paroles et dans leurs actes, traîtres et déloyaux, indignes de confiance, et en
au cun e circon stance ils
n’ ont une attitude fer
me .» (ibidem). La force et la droiture de
l’es pri
t son t liées au genre masculin, alors que la volatilité, inconstance et versatilité
sont des propriétés du genre féminin, ou des homosexuels.
Dans le Be s t
iaire d’amo ur de Richard de Fournival, les natures animales déjà
figées sont gardées afin de donner lieu à une interprétation courtoise. Notamment, les
propriétés attribuées aux animaux restent les mêmes alors que cette fois elles ne sont
pa s déc hiffrées pou r servir à
l’inst
ruc tion
de s
ch réti
e ns,
ma is pour le s
fi
n s d’une
log ique
cou rt
oise .
L’ au t
eur a dresse cett
e mi ssive
à l
a da me , afi
n d’ att
irer son
a tt
e nti
on pa r ses
pa roles. Da n s l’int
r odu ct
ion , il
fixe son discou rs
dans l’idée s
e lon l
aqu e
lle il
espè r
e
avoir influence sur ses sens et sur sa mémoire. Le long du texte il se compare aux
an ima ux qu’il cit
e. La str
u cture
de
ce be st
iaire diff
è re l
argeme nt
de s
autre s,
vu qu’ i
l n’y
existe pas de chapitres et qu'une progression temporelle semble y exister. Le code
courtois joue un rôle important ici : c ’est l
a dame qui choi si
t,
elle l
e refuse ma is i
l
essaye de la conquér ir par son
écrit
u re. L’ama n t r
efus é (
Ri chard de Fourn ival f
ait passer
son écrit comme autobiographique) trouve des analogies dans le monde pour
s’a pproc he r
d’abor d par l’intel
li
g enc e de la da me . D’ a
bor d i
l té moig ne du dé si
r du
savoir : « Tous les hommes, de leur propre nature, désirent acquérir la science. »
(FOURNIVAL, op. cit. :
155) .
Il
con ti
nu e
sur l’impor tance de l
a mé moi re,
pu i
s pa r
s on
dé sir de d écrire son é tat d’ama nt r efusé ,
ce tt
e foi s par l’ima g e du c oq. Il
s e s ert
notamment des natures déjà exist a nt da ns d’autres be st
iaires
pou r dé mont re
r une v érité,
cette fois non pas chrétienne mais qui appartient au code courtois. Le coq, par exemple,
chante plus souvent au crépuscule ou au lever du jour, mais avec plus de force vers
minuit. « Et donc puisque j e n’ai
dé sor ma is
plu s l
e moindr e espoir
au
mon de
d’obt e ni
r
v os bon n es
g râces, il
e n
v a pour moi
tout ainsi
qu e si
c ’
était
ma
mi nu i
t.» (ibidem : 161).
228
Ainsi en est-il désespéré, et conscient des nuances de ses sentiments : « et quand existait
en moi quelqu e e spé ran c
e , c’éta it
a lors c omme mon c répu scule du s oir, e t c ’
est
pou rquoi je ch antais plus souv en t, t
a ndi s qu ’i
l m’ e st ma intenan t néc essaire de le f
aire
avec plus de force. » (ibidem)
Le dynamisme du rapport entre les sexes est traité, entre autres, dan s la partie
où Ri ch ard pa rl
e du lou p.
Not amme nt, le loup pe rd sa force e t
s a hardi ess e si c ’
est
l’homme qu i l’aperç oit le pre mie r ; da ns le cas c ont raire, c'est l
’ homme qu i pe rd l
a
voix. « Ce tt
e n ature, on la
trou ve
da ns
l’a mou r
e ntre l
’h omme et
la fe mme , car quand il
y a a mou r ent r
e eux de ux, s i
l’homme pe ut déc ou v r
ir le premi er, pa r l’attitude de l
a
femme elle-même, que celle-c i l ’aime ,
e t qu’ il e st a s sez h abile pou r l e l u i
f aire
reconnaître, elle perd par la suite la force de refuser son amour. » (ibidem : 163)
Comme c’est la
da me qui s’es t
ape rçu e de son
amour
la pre mièr e,
il
di t
qu ’ i
l a pe rdu sa
voi x, et
qu e c’est pou r cett
e ra i
son-l à qu’ i
l s’a dresse à elle pa r
un récit e
t n on pa s pa r
un
chant. Comme la disposition des caractéristiques des animaux est plus libre ici, un peu
plu s loin Rich ard se di stancie e
n disan t
qu’ il n’es t
pa s é t
on na nt s’il
compa re la fe mme à
la nature du loup, « c a r
le l
ou p pos sède e ncore bi en d’a utres n atures qu i
rende n t
la
ressemblance de son amour encore plus grande » (ibidem : 167). La troisième nature du
lou p, not a
mme nt, est c ell
e qu’ il
s e ven ge
de s
a pa tte
si pa r h asard il
bri
s e un e bra nche
en s’introdu isant da ns une be rge rie: « de même sait-elle parfaitement avec abondance
de mot s dissimul e r
e t recouv r i
r d’un voi le le fait qu’ elle s’ est
trop engag é e» (ibidem :
171).
La cohabitation des genres est attendue et il existe un jeu de la séduction dont
on n’ est
pa s exe mpt . Qu e
c e soie nt les piè ge s
da ns lesqu e ls
on est pr i
s, ou un e simpl e
attirance sans espoir, il existe la similitude et la réciprocité du jeu. Cependant ce jeu est
mortel pour lui : il
s ’en dort sur le chan t de s sir
è ne s ou de l
a licorne (i
l u n i
t c es deux
tableaux, en trouvant une analogie entre le sommeil des marins endormis par les
monstres et la licorne apprivoisée par la jeune vierge) et ainsi représente la victime de la
situation. « Et de
l’e ndor mi sseme nt d’a mou r vienn e nt tous les périls, car pou r tous les
en dor mi s d’amou r s’e n sui
t la
mor t, comme pou r la
l icor ne qu i s'
en dor t
au pr ès de la
jeu ne
fil
le ou pou r
l’h omme
qu i
s ’endor t au près de l
a sirèn e» (ibidem : 207).
Le singe ,
pa r e xempl e, pe ut serv i
r
d’ exe mpl e
de l’ama nt ma l aimé ,
ma is aussi
de son utili
té pou r la dame . La fe me ll
e du singe pré fère l’un de ses jeun e s et le porte
da ns ses bra s, alors qu ’el
le lai
s se l’au tre s ’accroc h er à son dos . Si les ch as seu rs l
a
poursuivent, elle est forcée par la fatigue de marcher sur ses quatre pas : « elle est
con tra i
nte alor s
de pe rdre
ce lui
qu’ ell
e aime , et de g arde r
c elui
qu ’elle ha it.Et c e n’est
pas là chose étonnante, car ce lui
qu ’e l
le aime ne se tien t pa s à
elle, ma is
c ’es t
e ll
e qui l
e
tien t
, tandis qu e ce n ’est pas e l
le qu i t
ie nt
c elui qu’ elle h ait, mais c’ e
s t
lui qu i se tient
à
elle » (ibidem : 243).
L’ homme es t ri
d i
c ulis
é pa r
l
’a mou r, t
e ll
e me n t il pe r
d ses force s da n s ce jeu.
Comme le sing e cha us sé est facile à
a tt
ra pe r,
de mê me l
’homme
v êtu re ssembl e celui
qui aime. Car « de mê me que l
e sing e es t li
bre au ssi longt emps qu’ il
es t nu -pieds, et
qu ’il ne pe ut
ê t
re
pr is av ant
de s’ê t
re ch au ssé ,
de
mê me l’homme n’es t
pa s ca ptif avant
d’ aime r d’amou r» (ibidem : 173) . L’Amou r
resse mbl e au corbea u, parce q u e
l e cor beau
ma ng e d’a bord les y e ux d’ un h omme mor t,
et il con tinu e pa r ext r
aire la ce rv el
le.
L’ Amou r
a ssaill
it l’
h omme d’abor d pa r les y eux: « j ama is l’Amou r
n e
se sera it emparé
de lu i
si l’homme n’a v ai
t pa s r
e g ardé» (ibidem : 177) . Co mme l’i
n diqu e Ri ch ard de
Fou rnival, l
’in t
elligen c e de l’homme réside da ns la c e
r ve lle,
et, «qu a nd l’h omme aime
av ec l
e plu s
de force ,
l’i
ntelligen ce n e peu t lui
êt r
e d’a uc une ut
ilité,
e t
au contraire il la
pe rd d’u n seul cou p, et plus il
en pos s ède ,
pl us i
l en
pe rd» (ibidem : 179).
229
Tou tefoi s, i
l e xiste des trompe rie s
qu i
s ’opè rent de l
a part de s homme s env e r
s
les
fe mme s.
Da n s c e ca s, l’homme
res s
e mbl e à l’hy dre, don t la prop riété e s
t qu’ elle se
dissimule de sorte à être avalée par le crocodile, qui en meurt : « c a r l
’hy dre
qu i
pos sè de
pl usieurs tê t
es r epr ése nte l’h omme qu i a a utant d’a mi es qu’ il pe ut c onn aître de
femmes » (ibidem : 233) . Un e autre pa rticul arité de l’hy dr e es t qu’ i
l pous se deux
n ouv elles t
ê t
es s ’il en pe rd un e . Don c, elle «r e pré sente l’homme qu i, si une femme le
trompe une fois, la trompera de son côté sept fois. » (ibidem : 237). En plus, vers la fin
de son bestiai
re , Ri cha rd de Fou rni
va l
c ons tate qu’ une da me peu t être trompée par un
a ma nt qui feint d’ê tre a mou re ux ,
tout comme l
e ren ar
d ma ng e
les pi es qu i
s’a ssembl en t
autour de son corps le croyant mort.
L’a mou r fémi n in est c ompa ré
à l’
a mo ur qu e
res sent l
a
mè re, et il
u tili
s e ain s
i
les tableaux où est présentée la maternité des
a nima u x.
La per drix, le
s inge e
t l’ autru che
lu i
se r
ve nt
d’ exe mp l
e .
«La ponte et la couvaison peuvent être comparées à deux choses
qu e l’on
trouv e e n amou r, à sa voi r
l
e fait
de pre ndr e
e t
c elui de re t
en ir
. Ca r de mê me
qu e l’œuf est
dé pou rvu de v ie lorsqu’il est po n du , et
ne
v ient pa s à la v i
e
a va nt d’a voir
é t
é
c ouv é,
de
mê me l’
homme , qu and il
e st
é pr i
s
d’ amou r,
e st comme mor t, et n e vien t
à
la v i
e
qu e l
or s
qu ’il
e st rete nu
c omme a mi .» (ibidem :
249) .
I l s
e
re con naît da n s
l’ima ge
de s œuf s de l’
a utru ch e, qui sont abandonnés par leur mère et ne voient le jour que grâce
à la chaleur du soleil. « J ’a ffi
r me qu’il en va de mê me pou r moi ,
qu i su i
s l’œuf
qu i n’e s
t
couvé de personne » (ibidem : 253) .
Le ta
bl e au de l
a h uppe l
’ins pire pou r
s ’ima g iner
comme un enfant qui nourrit à son tour sa mère vieillie : « Mère très chère, je serais très
volontiers un aussi bon fils pour vous : si vous vouliez me couver et me nourrir, c'est-à-
di re
me r
e t
e ni
r c omme a mi (…) , sache z qu’il n’ est rien de c e don t un ami véritabl e doit
raisonnablement faire ses preuves que je ne ferais pour vous. » (ibidem : 255) Les
pr opr i
étés de l'
é l
é p ha nte
lu i
ins pi r
e nt
l’i
ma ge d’un a mant
qui e s
t aimé e t
pr otég é comme
l’éléph antea u: elle enfante dans le souci de protéger son petit du dragon. « Car enfanter
sy mbol ise le f
a it de rete nir l’amou r
(…) ,
ca r lors qu ’une femme retien t un homme pou r
ami, elle fait alors de lui son petit » (ibidem : 267) .
L’ amou r,
c omme l’en fante me n t
,
peuvent être mortels : pou r ce la Ri chard de Fou rn ival
repr en d l’i
ma ge du vipe reau, qui
dé ch ir
e le corps de l
a mè re lors de
l’
e nfante me nt. Le s
h omme s pe uv en t
ag ir
c omme
les
vipères. « De
c ette
vi pè re j’é prou v e
un e gr
a n de crainte, et j
’ aime ra is
beau cou p qu e ma
da me se préserv ât d’un e te l
le v i
pè r
e .» (ibidem : 241) La belette qui conçoit par la
bou che et enfan t
e pa r
l’ ore i
lle
lu i
inspire
l’i
ma ge
de s dame s qu i
en tende n t
les pa rol es de
l’amou r ma is q ui se dé robe nt pa r leurs propr es propos . De cette ma nière ,
«elles ont
pou r
ai
n s
i dire con çu
pa r l’oreil l
e ,
ell
e s s’en li
bè re nt al
or s pa r la
bou c he à l
’ aide d’un e
dé roba de et
d’ ordi na i
r e, elles
pa ssent
v olon tiers v iveme n t
à d’a ut
r es propos» (ibidem :
181).
Da ns l ’ex plica tion de s ima ges allé gor iqu es,
l a fé mi nité da ns l e
s be s t
iaires
français médiévaux pivote entre des traces de misogynie (peur
de l
a sédu ction , d’être
dé tou r
n é du
dr oit c hemi n et me né
da ns l
e v ic e) e t
l’ador ation cou rtoise. Le s t
ra its du
sexe féminin des bêtes sont gardés, de manière à montrer la valeur de la parenté ou de
faire voir que la séduction est pernicieuse.
CONCLUSION
Le corpus examiné montre que la donnée biologique des différences sexuelles
est considérée par les auteurs des bestiaires français. Le féminin est marqué par la
caractéristique biologique évidente de la maternité. Dans les descriptions des animaux,
la différence entre mâles et femelles est souvent marquée par le fait que le masculin est
plus souvent présent que le féminin, qui est à son tour lié à la nécessité biologique. Dans
230
l’interprétat
ion c hrét
ie nne,
dans laquelle les cons ei
ls sont donné s aux
homme splutôt
qu ’au x femme s, on exh ort
e l
e c hr
é ti
en de
bi en se garder contre l
a sé duct
ion
féminine
pernicieuse. La féminité est vue comme compatible à la masculinité, ou comme une
identité dangereuse, suivant la tradition du Physiologos. Pour le bestiaire inspiré par
l'esprit courtois, la dame détient une place spéciale. De cette manière, les bestiaires
français enrichissent l'ensemble des bestiaires en langues vernaculaires.
BIBLIOGRAPHIE
Pierre de Beauvais, Guillaume le Clerc, Richard de Fournival, Brunetto Latini, Corbechon,
Bestiaires du Moyen Age (mis en français moderne et présentés par Gabriel Bianciotto), Editions
Stock, Paris, 1980
Richard de Fournival, Le Besti
ai re d’Amour et le Respons e du Be st
iai
r e(publication, traduction,
présentation et notes par Gabriel Bianciotto), Honoré Champion, Paris, 2009
Physiologos : le bestiaire des bestiaires (texte traduit du grec, introduit et commenté par Arnaud
Zucker), Editions Jérôme Million, Grenoble, 2004
231
REPÈRES IDENTITAIRES DANS L’
ŒUVRE
DE
J.M.G LE CLÉZIO
232
"une trilogie sur la trace des origines, de ses origines», à savoir : Le Chercheur d'or
(1985), Voyage à Rodrigues (1986) et La Quarantaine (1995).
Dans cette "trilogie" Voyage à Rodrigues, Le Chercheur d'or, La Quarantaine
Jean-Marie Gustave Le Clézio affirme son appartenance à une francophonie ouverte : la
langue est française, mais l'imaginaire est autre... La langue française est peut-être mon
véritable pays, affirmait -t-il dans une interview. (Label France n° 45 –2001).
L’l'exi
l de ses ancê tr
e s
en t
erre i
ncon nu e, l
a cultu
re et
l'
ima ginaire ma u r
iciens
qui en résultent et qui ont bercé son enfance, son exil présent et le souhait - au moins
par l'écriture - de renouer avec ses origines perdues, sont autant de motifs qui
contribuent à façonner, dans ses textes, un imaginaire de l'exil et de la rencontre. Mais,
cette "trilogie mauricienne" n'est pas isolée dans sa biographie. Elle trouve des échos
dans un ensemble bibliographique marqué par d'autres exils, d'autres rencontres :
rencontres entre les temps où se croisent inlassablement passé et présent, mais surtout
rencontre entre les espaces où viennent simultanément cohabiter Europe, Amérique,
Afrique, Océan Indien. Rencontres encore continuellement renouvelées, comme le
té moi gne nt
les dern ières œuvr es: Révolutions (2003), Ritournelle de la faim (2008)
L'Académie suédoise a décidé en 2008 d'honorer Jean-Marie Gustave Le Clézio avec
le presti
g ieux Prix Nobe l
. Un ti
tre qui vient r écompe nser l'
en sembl e de l
'œuv re de
l'écrivain voyageur, qui a commencé à écrire à 7 ans, et dont la vie se partage
actuellement entre Paris, Nice, sa ville natale, et Albuquerque, aux Etats-Unis, où il a
longtemps enseigné et plus récemment La Bretagne de ses ancêtres. La Fondation Nobel
distingue comme elle le décrit un "écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de
l'extase sensuelle, l'explorateur de l'humanité au-delà et en dessous de la civilisation
régnante". A la
qu estion
d’u n journalis
te de
Label France : On a souve nt
l’i
mpr essi
on
en vous lisant que vos personnages, à votre image, recherchent une patrie, une patrie
qui dépasse le concept traditionnel et un peu étriqué de la nation-
Le Clézio répond : Je me considère moi-même comme un exilé parce que ma famille est
entièrement mauricienne. Depuis des générations, nous sommes nourris au folklore, à
la cuisine, aux légendes et à la c ulture maur ici
e nne .
C’est
une cult
ur e
trè s
mé langé e
o ù
s e mê le
nt l
’Inde, l
’Af rique e t
l’Eur ope.
J e
suis né en Fr ance et
j’ai
é té
él evé
e n Franc e
avec cette culture-l à.
J ’ai
g randi
en me dis
ant q u’il
y avait
un ailleurs
qui i
nc arnai t
ma
vraie patrie. Un jour ,
j’ir
ai l
à-bas ,
et j
e saurai ce que c
’est.
En Fr anc e,
je me suis
donc
toujours un peu considéré comme une « pièce rapportée ». En revanche, j ’aime
beaucoup la langue française qui est peut-être mon véritable pays ! Mais si on
considère la France comme nation, je dois dire que je me suis rarement identifié à ses
impératifs 1.
Jean-Marie Gustave LE CLEZIO est un écrivain de l'errance car à travers ses
roma n s
, ce sont de s dizaine s de pe uple
s
et de mœu rs diff
ére nt
s qu ’on pe ut
c ôtoyer et
apprendr e à a i
me r, en li
sant son œu v
re. Et l'
éc ri
ture est
au ssi
pour lui un moy e n
de
dénoncer les civilisations menacées et son rejet de l'indus tr
ialisati
on à
l’ex cè
s. Da ns ses
civilisations les plus anciennes, les plus proches de la Nature et donc, pour lui, les plus
sages. Le roman Désert critique violemment, avec ses deux récits, notre monde
mode rn e, i
nhuma i
n, effraya nt et lui
oppose le désert,
lieu de la transparenc e, d’un
pos sible retou r
vers un centr e myth i
qu e d’avant la
créa
tion lorsqu e t
out ét
a i
t laten t
et
quand seuls les nomades voyageaient à travers les sa bl
es .
Lie u de l’i
mme nsité, de la
lumière, du silence, il défie le temps des hommes. Dans la conception de Le Clézio ce
n’es t qu e l
e sable qu i ne pe u t
être vraime nt
c onqui s
. Au-delà des terres avidement
occ upé es subs ist
e la me r des
du nes,
symbol e
de l’
inaccessible infini. Le Clézio est un
233
conteur et un porte-pa rol e plus qu' un é criv ain ;
mê me si
les mot s dise nt
be aucou p, i
l est
néanmoins conscient qu'ils ne disent pas tout. Mais, à la manière d'un chaman possédant
des pouvoirs de guérison transmis par les Dieux, il essaye de transcrire à travers ses
romans des mondes et des styles de vie pour mieux leur rendre hommage : "Si le
langage n'est fait que de mots, il n'est rien du tout. Quelques bruits avec la bouche,
quelques gestes, quelques silences : ce n'est pas une musique. Mais quand dans les mots
viennent la danse, le rythme, les mouvements, les pulsations du corps, les regards, les
ode urs ,
l
e s
t
r ac es
tac tiles ,
les appe l
s ; qu and les mot s j
ai l
lissent non seuleme nt de la
bouche mais du ventre, des jambes, des mains, quand tout l'air vibre et qu'il y a comme
une aur éole de lumi èr e aut o ur
du v
is age ; quan d s urtout le s yeux par l
ent ,
et l
e regar d
es t
une route sans fin qui traver se le cos mos ; al or s
on e st dans l
e langage ,
dans sa
beauté, et il n'y a plus rien de muet, ou d'insensé" (LE CLEZIO, 1978).
Le s voy ag es de Le Cl ézi
o n e c on du isen t qu ’à lui-mê me .
C’est don c un grand
voyageur que l'Académie Nobel a tenu à honorer : " Se s œuv re s
ont un c ar actèr e
cosmopolite. Français, il l'est, oui, mais c'est plus encore un voyageur, un citoyen du
monde, un nomade", a déclaré Horace Engdahl, professeur suédois de littérature,
chargé d'annoncer le nom du lauréat 2008 lors d'une conférence de presse. Dans un
communiqué, l'Elysée salue un auteur qui "incarne le rayonnement de la France, de sa
culture et de ses valeurs dans un monde globalisé où il porte haut les mots de la
francophonie." 2
La lec tu re de Le Cl ézio mon tr e e n e ffe t qu’ i
l n e s ’en f
e r
me pa s da ns la
compl aisa nce a u tobiogr a phiqu e, ma is il s’i mpl iqu e dans une critique profonde, portant
su r l
a mor ale d’ une
s oc iété, et
pr a t
iqu an t la f
iction ,
l
’ima g inaire. Ai nsi se nour ri
t une
œuv re impos a nte ,
r i
c he de plus de qu ara nte ti
tre s, qui a va lu en 1994 à ce n oma de
di scr
e t
d’ êt
re élu par les le cteurs de
Lire meilleur écrivain de langue française. Nomade,
discret et modeste, sa réaction a été de dire : ”J ’ aur ais plut ôt vot é
J uli
en Grac q”.Un
h omma ge, à ce lui qu’ on a
qualifié de de rnie r de s cl
a ssiqu es,
qu i,
rétrospec t
iv eme nt,
vaut peut-être comme une prise de relais. Le prix Nobel va à un homme soucieux de
l’ave nir de la litt
é r
a t
u re et du livre ,
q ui, av a nt mê me
d’ être cou ron né, déclarait que
le
th ème d’un disc ou rs pou rrait
bien être ”l a difficulté d’être publ ié qu and on est
j eune”.
Un
dis cou r
s qu’ il
fera
bon en t
endr e
et re li
re d’au tan t plus qu ’il
se r
a a
p pelé ”La forêt des
paradoxes ».
Da ns l’un de se s dern i
ers li
v res Raga. Approche du continent invisible Le
Cl ézio a pos é le
r e
g ard du
g éogra ph e, de
l’ an t
h ropol ogue et du poè t
e sur une Il
e perdu e
de L’Oc éanie .
Il nous a fait remarquer à la lecture de ce merveilleux livre que sur le
pl anisph ère,
l’îl e Pe ntecôt e n ’e
st rien- pa s mê me l’inf i
me trac e qu ’une poi n
te de crayon
laisse sur la feuille de papier. Question rhétorique alors : que pèse, posé au c œu r de
l’océ an Pa cifiqu e ,
un lopi n de t
e rre de qu e lqu es di za i
n es de kilomè tres de long face à
l’imme ns it
é du mon de? Qu e st
ion d’h istoire , auss i lor squ’ i
l affirme en
pr éambu le
à ce
su perbe récit
, qu ’i
l a
in titulé Ra ga
–l e
n om de
l’île
Pe nt
e côte
en l
a ngu emélanésienne.
On di t de
l’Afr i
que qu’elle
es t
le
c ont ine nt ou blié. L’Oc éanie ,
c’est
le cont i
ne nt
inv i
sible .
I
nv isibl e par ce que l
es voy age ur s qui s ’y s ont av entur és la premi ère fois ne
l’ont pa s ape r çue , et p arce qu’ aujour d’h uielle reste un lieu sans reconnaissance
internationale, un passage, une absence en quelque sorte. (LE CLEZIO, 2007 : 9).
Un tel lieu –pour mieux dire : une telle absence–est peut-être ce qui convient
le mie ux à l’es pè ce pa rticu li
ère de voy ag eu r qu’ e st J.M. G. Le Clé zio: à savoir, un
v oyag eu r i
mmobi le, un h omme pou r lequ e l le dé pl aceme nt, au ssi l
oin qu’ il
mè ne, est
av ant tout
u n v oy a
ge int érieur. Il y a t
ou jou rs un mome n t où
l’h omme qui ma r che en
regardant autour de lui est renvoyé à lui-même, à ses rêves, à son histoire personnelle et
234
à ses obsessions. Le voyage alors ne tourne pas court, mais se poursuit dans un autre
espace, qui relève, celui-l à,
de
l’ima gin ation ,
de la my th ologie ,
de la mé moi r e.
”Sans
doute ne devrait-il jamais y av oir d’ aut re rais on au voyage que cell
e de me sur er
e xacteme nt ses pr opre s i
nc ompé tenc es ”, n ote l’é criv ain qui,
se re ndant à Ra g a,
da ns
l’archipe l du Va nu at
u , sait s e fa ire g é og raph e , obs e rvateur a tte nt
if
d e
s l i
e ux qui
l’en t
ou rent I l
d écrit” le
c or ps a llon gé ’’ de l ’île ,
” c omme un e seule lon gu e c rêt
e
v olcaniqu e
jai
llie de s aby sses” ,
l’imme n se baie Homo qu i est ”pe u t
-êt
re l
’un de s pl us
be au x
pa ysag es du mon de”, la mon tagn e
c en t
ra le s ur l
a qu el
le v i
e nn ent
bu ter les
nu ag es
e t,
au loin ,
”les formes bleutées des vol cans d’ Ambr ym. ”
Raga, cette parcelle du continent invisible, dont je me suis approché presque
par mé gar de , sans sav oir
c e qu’ elle m’ offrai t
, r êv e ou dé s
ir,
il
lus ion,
es poir nouv e au,
ou simple escale.[..] Raga, île de mémoire, île du temps d’avant
les
catas t
rophe s et les
guerres mortelles. à Santo, à Ambrym, à Tanna, la mémoire est écrite sur les roches
noires, sur les monuments. A Raga, la mémoire est dans les monuments, dans les
ar bres, dans les bar ranc os où cascade l’ea u l
us tral e. (p.104)
L’ atte nt i
on que Le Cl ézio por te aux homme s et aux fe mme s qui vive nt ici
–v ict
ime s h é rédi tai
res qu oiqu e t errible me n t r ési st
a n t
e s
d’ un e h ist
oi r
e c olon ial
e
mé conn u e,
d’ un e e xtr
ê me
v iolenc e, esc lav ag i
ste e t me u rtrièr
e, h umi liant
e ,
ac ca blan t
e
–
e st ce
lle de l’ant hr opol ogue , dés i
r eux , pou r
mi eux
e nte ndre c eux qui s
’a dres sent à lui,
de mi eu x c ompr en dre qu i
i ls sont au jou rd’ hui ,
de conn a î
tre le pa ys l
é gen da ir
e dont
continuent de se nourrir leur vision du monde et du sacré, leur imaginaire bien plus
complexe que ce que nous en a dit, depuis trois siècles, toute une littérature de voyage
oc ciden tale farou ch eme n t
égoc e
n tr
i qu e et sou cie us e
d’ ex otisme .
Nathalie Chrom3, jou rnaliste de Té lérama ,
da ns u ne interv iew qu’e lle pre nd à
Le Clézio affirme que : Cette disponibilité, cette ouverture ne dissipent pourtant pas la
mé dit
at i
on rê veus e et grave ve r
s laque lle inc line tout nat urelleme nt l
’écrivain. Une îl
e,
Raga, q ui comme toute s l
es îles sans dout e pos sè de auj our d’hui
e nc ore
«quelque chose
de la majesté des commencements ».
Il s ’ag it
t ou jours c h ez Le Cl é zio d’ un a u tre r êv e qu i
pr en d i ci pl us
pa rti
cu li
è reme n t la forme
poé ti
qu e et très épu ré e d’un récit
c omme suspen du h
or s du
te mps, ce l
ui d’un récit initiatique : un bateau rudimentai r
e, rien d e
plu s qu’ un tronc
d’ arbre évidé ,
e t
à bor d de c elui-ci un g rou pe d’h omme s e t de f
emme s lan cés sur
l’oc éan, li
v rés aux vagu es et au ve nt, gui dé s pa r le ba llet noc t
u rne
de s
étoiles, c onfiants
e n dépi t
de s da ng ers et des tempê tes
qu ’il
s pou rron t affron ter l
’in conn u et
qu’ en dé pit
a ussi de s ac cès de dése s
poi r, ils
se ront sû rs qu’ au te rme du v oy age il
y a un lieu
quelque part au monde , qui les attend. Ce lieu est une île, Raga, qui comme toutes les
îles sa ns dou te po ssède au jourd’ hu i e n cor e c e ”quelque chose de la majesté des
c omme nc eme nt s”.
Je n'ai aucune part dans la colonisation mais j'appartiens à cette histoire,
affirme Jean-Ma rie Gu s t
ave Le Cl é zio qu i s'ins pire da n s l
’u n de s
es de rnie rs livres,
Raga, du voyage de ses ancêtres bretons, fuyant la Terreur jusqu'à l'île Maurice. Fils
d'un médecin blanc en Afrique, il tire de son séjour dans l'archipel de Vanuatu une
r éflexion sur
l’hi stoire
tragi que de la c oloni sat ion. Dans la même interview (réalisée
le 18 novembre) 2006, Le Clézio affirme que son ouvrage, Raga, n'est pas un roman,
mais un récit de voyageur, écrit à la demande de l'écrivain antillais Edouard Glissant.
Quand Edouard Glissant m'a suggéré un voyage à Vanuatu, j'ai aussitôt
accepté. Comme si ce voyage m'avait été réservé depuis longtemps. Enfant, je rêvais
d'aller aux Nouvelles-Hébrides. C'était toujours le même rêve, je voyais clairement le
lieu, même si, dans mon rêve, il était plus plat, je distinguais un estuaire, des
235
palétuviers, des pirogues qui glissaient, des gosses qui s'amusaient dans la rivière, des
gens à la fois accueillants et malgré tout distants. Quand je faisais ce rêve, je savais
que j'allais bien dormir, ce rêve annonçait le sommeil4.
Ce rêve annonçait une bonne nuit et pourtant le début de son livre est terrible.
Une famille s'échappe d'un endroit quelconque, sur une île perdue dans Le Pacifique
pour aller dans un lieu sans guerre ni faim, un lieu où la grand-mère ne craindra plus
d'être mangée. Le voyage en mer est épouvantable, l'enfant échappant par miracle à une
n oy ade .
Il s’agit
peut
ê t
r e d’un e lég ende l
oc al
e mêlée à
de s élémen ts autobi ograph iques
et bien sûr à des histoires imaginaires.
Souvent dans mes livres, je mêle des éléments de ma vie. Ma famille a connu
un voyage similaire. A la Révolution française, aux temps de la Terreur, elle devait fuir
la Bretagne. Mon ancêtre est parti avec sa femme et un enfant très jeune. Leur voyage a
dû être terrifiant, parce que, arrivés à Maurice, ils n'en sont jamais repartis, alors qu'ils
pr év oy aient d '
all
e r s
'i
ns tal l
e r en Inde …Mon
anc ê
tre a écrit un jour nal de ce voy age .
Très sobre, il signalait les faits, rien que les faits, racontait comment un mât avait
manqué l'écraser, comment sa fille avait failli disparaître dans les eaux, comment ils
étaient malades tout le temps. Ce voyage que j'avais envie de revivre par l'imaginaire,
je l'ai transposé là. Voilà pourquoi j'ai accepté la proposition de Glissant. J'y ai vu une
belle occasion : contrairement au roman, il y avait là matière à confessions.
Le livre Raga s'insc ri
t da ns la coll
ecti
on ”Peuples de l'eau” ,
qui publ i
e l
es
textes d'écrivains partis à la rencontre de peuples accessibles par la seule voie de l'eau.
Il n e fau t
p as oublier
qu e pa r son origine ma u
ricie
nn e,
l’écrivaina une vision insulaire
qu ’il me t
en
é vi
den ce
ch aqu e
fois qu’ i
l est
int
err
og é
sur l’
hi st
oire de ses ancêtres.
Je ne sais pas si j'ai des îles une image apaisante ou écrasante, mais il est sûr
qu'on est différent quand on vit sur une île. C'est dangereux, étouffant, généralement
tout petit. Quand vous êtes d'une île, vous comprenez vite qu'il faut transiger avec les
autres. Malgré les apparences, les insulaires ne se complaisent pas dans la beauté de
leur environnement. Ils sont angoissés, soucieux de l'avenir, complexés. A Maurice, par
exemple, ils se demandent comment ils vont survivre. A La Réunion, ils voudraient bien
être indépendants mais se demandent aussi de quoi ils vont vivre. Idem en Polynésie,
paradis caricatural, où la population vit dans une tension permanente.(p.48).
L'inquiétude des habitants de Pentecôte remonte à la nuit des temps,
n otamme n t à l'
arrivée de s e xpl orateurs qui on t
c ontribué à l ’e nri
c hisseme nt du
patrimoine universel par leurs découvertes mais qui, hélas, ont ouvert également ce
qu ’on a ppe l
le
l’
époqu e col on ial
e .
C'est pourquoi les habitants de ces îles se sont réfugiés à l'intérieur des terres,
sur les hauteurs, pour oublier la mer et devenir paysans. Cela dit, c'est moins les
explorateurs que les Australiens qui effrayaient tant les Mélanésiens : ils redoutaient en
particulier le système d'esclavage, les «Blackbirds» 5, installé par eux de 1850 jusqu'aux
temps modernes, autour de 1915. Peut-être que cela existe aussi [..], dans ces lieux
battus où la nature est violente. (p.46)
Si son livre Désert révèle une grande passion pour les espaces vides et
silencieux avec Raga, on constate que l'élément aquatique est aussi très attractif pour cet
éc riva in plu tôt
attir
é pa r les lieux de
l’écart
, en ma r
g e d’u ne cert ai
n e huma nité. Le
mouv e me nt des vagues d on ne
le sen t
ime nt d’
étranget
é .
C'e st
enthous i
a sma nt d'av oir un hori
zon circulaire, sans trac e où l
'œil pui ss
e
s'accrocher. En mer, au petit matin, faire le tour du pont et aller voir l'horizon, sans
voile, sans rien, seulement des vagues, donne aussi un sentiment d'étrangeté. Mais je
pense que l'être humain n'est pas fait pour ça. Ce n'est ni un être du désert, ni un marin,
236
mais quelqu'un des villes ou des hameaux. Sinon, il aurait rasé la planète, l'aurait
transformé en désert. (p.50)
Dans Raga, Le Clézio décrit souvent la «joie originelle» des Mélanésiens, leurs
coutumes, leurs rituels, leur échelle de valeurs différente, mais sans tomber dans le
mythe du bon sauvage.
Je ne pense pas qu'il y ait des gens purs et des gens sauvages, souligne-t-il. En
revanche, je crois qu'il y a une quotidienneté qui a partiellement échappé à tous ceux
qui ont pour métier de connaître les populations qui vivent avec une autre échelle de
valeurs. Dans le cas de Vanuatu, les gens venus «étudier» ces populations n'ont par
exemple jamais parlé des femmes. Pour eux, il était évident qu'il s'agissait d'une société
machiste, où les femmes seraient les esclaves des hommes. Je crois que ça n'a jamais
existé, sauf aberrations temporaires et même s'il est vrai que les femmes rencontrent
partout de grandes difficultés à faire valoir leurs droits. On tend toujours à insister sur
le caractère rituel de ces peuples, très passionnant, mais absolument insuffisant. (p.52)
De
ce t
te ma nière,
l’écriva in ga rde s
es dis
tances vi
s-à-v i
s des ethnologu es
qu’ i
l
qualifie de «théoriciens des sociétés primitives», d'«anthropologues hâtifs». Il reproche
à ceux-c i,
d’a voir prati
qu é, s
u rtout da ns les
ann ées
c i
nquan t
e» une nouvelle forme de
domination, parfois un néocolonialisme, ce qui explique une certaine hostilité de la part
de l
’au t
e ur.
Peut-être à cause de certaines rencontres avec des anthropologues qui m'ont
parlé comme on mâche un bonbon de leurs «terrains» ou «territoires de chasse» où l'on
ne peut pas entrer sans leur demander la permission. Il s'agit pour moi d'une extension
du colonialisme, mais toute l'ethnologie n'est pas à mettre dans le panier des «hâtifs»
ou des «théoriciens». Lévi-Strauss, bien sûr, échappe à cette règle (p.113).
La question du colonialisme revient souvent dans son livre Raga ou Approche
du continent invisible. D’aill
eu rs, les déba t
s s
u r
les
bienfaits
de l
a coloni
s a
tion son t,
à
son avis, inutiles, obsolètes car, dit-il :
On ne peut trouver une seule raison de justifier le système colonial, même s'il y
eut des gens exceptionnels, comme le fut mon père. Je sens bien que, même si je n'ai
aucune part dans ce qui s'est passé, j'appartiens à cette histoire-là. (p.114).
Le Cl ézio e st l’homme qu i ma r
che, pris dans l’imme nse g l
isseme nt de s
civilisations qui disparaissent. Il remarque la résistance acharnée de ces peuples
tellement sacrifiés par les guerres de domination.
Pour avoir connu, dans un e spac e
de t
emps
aussi bre f
,
l’ex t
rême
v i
olenc e de
l’ère col oniale ,
l
e s
pe uples créoles - aussi bien ceux asservis au système de la plantation
que ceux des îles à prendre du Pacifique- sont devenus les peuples les plus
rév olutionnai r e
s de t oute l’Hi s
t oir e . Tout chez eux, dans les arts, la musique,
l’incant ation, e
t jusqu ’
à l’inven ti
on de l
e urs
langues
mont re la volonté de résist
er, le
goût d’a ppr endre. Tout chez
eux , dans l
eur
mani èr
e
de compr endre
le monde ,
mont re
la
capacité de se changer, de se survivre et de se réinventer. (Raga, p. 27).
Le Clézio est à la fois sur les traces de Bougainville, de Paul Gauguin, des
religieuses kanak, décrits dans son livre puis il s'isole un moment dans les barrancos
”où c as ca de l'eau l ustrale” et nous raconte la prise de la grotte d'Ouvéa avec
accablement. Il étonne par son mélange de précision et de subites magnificences
sensorielles qui s'épanouissent et flottent comme si la page était de l'eau. Malgré ses
a ccen t
s de
r é
v olt
e ,
i
l n’oublie pa s d’ êt re
poè te
.
Je r
e garde
la riv
ièr e
. J e
c roi s que
je
n’ai
jamais vu plus j
ol i
e rivi
ère (c’est
vrai
que graduation difficile à prouver). Elle est lumineuse et transparente, elle scintille
dans son canal, son eau glisse lentement en des mouvements différents qui tracent de
237
gr ande s l
isse s
c re
us ées
de pe t
its t
our bi l
lons . Par t
out ell
e re f
lèt
e l
e ciel.
Sur l
’aut re r
ive,
de grands ar bres font
de l’ombr e, de s roc he s noires forme nt un bar rage .
Au loin, ver
s
sa s
our ce,
c e sont le s
coll
ine s.
Le
se ul brui t c’e st
le gliss
eme nt
de
l’eau,
très doux et
tr
ès
pui ssant. J
e reste un pe u
à l’éc art
. J’ai ôté
ma casque tte,
co mme
je
l’aur ais f
ai t
dans
un
templ e .
Je sens
le poi ds
du soleil
su r
ma nuque ,
et l’eau f
r oide qui ento ure me s pieds
et
mes chevilles. (Raga, p.106).
Après ces merveilleuses descriptions nous pouvons nous poser une infinité de
questions : Qui est-il Le Clézio? Que devient-il? Randonneur écologique? Nouveau
Segalen sur une plage noire basalte? Dernier homme? Premier sauvage d'un nouveau
continent? Il est un homme en fuite pareil à Jeune Homme Hogan du Livre des Fuites,
err ant à trav ers la planète, à la rec herc he d’ un n ouve au mon de. Pa r
fois, il cisèl
e
quelques images qui nous mettent face à une immensité, à une coulée de nuages, à un
silence de rivière large.
La plage est une étendue de galets gris, schistes plats, résidus coralliens,
fragments de basalte polis par la mer. La mer est ouverte, sauf une plate-forme de
cor ail qui
af fleure la s
urfac e à l’
apl omb d u vill
age . La riv i
ère Me lsi
s si
de scend de l
a
haute montagne en suivant les fractures. Elle se jette dans la mer à travers la plage,
sans mé andr es, en torre
nt .
De vant l’e
mbo uc hure, une v ague continu el
le mar que l
a
re ncont r
e
de l’
e au do uce
e t
de l’
eau salée . (p.105)
Par conséquent, les récits de Le Clézio vien nent
ra conte r
la
qu ê t
e d’un êtr
e
à l
a
recherche de lui-même. Et comme il lui est impossible de le retrouver dans le vécu
purement et simplement humain, dans la vanité et la solitude du monde civilisé, il ira le
retrouver ailleurs, dans les marges, dans les non-lieux, au milieu des éléments naturels.
La vision du monde de Le Clézio est donc fondée sur un besoin vital de fusion avec les
élé me nts natu r
e ls
qui
se reflète da ns t
ou te s on œu vre.
Voi l
à pourqu oi, à la qu est
ion
posée dans La Quinzaine littéraire de juillet 2000 : « que voulez-vous sauver du siècle
passé ? », il répond :
Ce que j
e
v oudrais sauv er du siè c le passé ,
c e
que
j’
aime r
ais garde r pour
l
e
siècle à venir, pour mes enfants, pour les enfants de mes enfants et encore après eux si
le monde dure jusque là : D’ abor d les gr ande s ch oses de ce mon de naturel, qu’on
croyait éternelles, ces belles choses avec lesquelles nous sommes nés, et que nous
croyons données pour toujours, indestructibles : les migrations des oiseaux, les
cigognes volant au-de s
sus de
l’Eur ope
c h aque automne , da ns
la direc t
ion du Mar oc ,
et
les
hironde lles reve nant chaq ue
printe mps , les escadr il
les d’outar des
e t de grue s v
olant
au- dessus des bassins du Rio Grande au Nouveau Mexique [..]. Tous les oiseaux, du
plus petit au pl us grand [..
] sans dout e par ce qu’ i
ls on t
été
l
es premi ers à nous
alarmer, par leur absence, par leur silence, dans ce siècle finissant.6
NOTES
1
«La langue française est peut-être mon seul véritable pays», Entretien avec J.M.G. Le Clézio,
Label France, nr.
45, 12/2001 ex pli
que la
fascinati
on de l’a il
leur s
de J.
M. G. Le Clézio: La
c ulture oc ci
de ntale est
de venue trop mo nolit
hique
[…] . To ute l
a par t
ie de l’ê t
r e
hu main es
t
oc c ultée au nom du r
ationali
s me. C’e st cet
te prise
de cons cie nce qui m’a po us sé v
ers d’autr
es
civilisations (p.3). Cette interview a été réalisée par Tirthankar Chanda, Universitaire et
collaborateur au Magazine littéraire et au Label France nr.45.
2
Voi r Hor ace Eng dahl,
s e
crétair
e de l’Acadé mie sué doi se qui ann once Le Prix Nobe l
de
littérature :
Le
pr i
x Nobe l de
litt
érature pour l
’anné e
20 08 est a t
tribué à
l’éc
riva in fr
anç a
is Je
an-
Ma r i
e Gus ta
ve Le Clézio « l
’écri
va i
n de la
rupture,
de l’ave ntur e
p oé t
ique
et
de l’ exta
se sensuel
le,
l’ explorateur d’une huma nité
au-delà et en - dessous de la civilisation régnante ».
3.
Na thalie
Cr om,
«Vi si
ons de l’
îl
e
in visibl
e »,
Télérama nr 2965-11 novembre 2006.
238
4
« Noble nomade, Nobel », par Jean-Louis Ezine, Le Nouvel Observateur, Bibliobs, le
18 novembre 2006
5
«Blackbirds», merles noirs, surnom donné par les colons australiens aux aborigènes. Le
blackbirding était le système de travail forcé imposé par les colonisateurs des îles du Pacifique.
Ce commerce esclavagiste s'est développé à la fin de la guerre de Sécession, qui a mis fin à la
traite avec
l’Afr ique
6.
La quinzaine littéraire, juillet 2000.
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239
L’
IMAGI
NAI
RE
DES
BIENVEI
LLANTES
Par son roman Les Bienveillantes, Jonathan Littell présente une nouvelle
perception sur un événement historique qui restera pour toujours ancré dans la mémoire
de l’huma nité, la deux i
è me g uerre mon dial
e, une nouv el
le app r
och e d’ une histo i
re
qu ’on c roy ait c anoniqu e. L’ éc r
ivain n’ es
t pa s l e pr emier à a voir a bordé l a
problématique de la shoah sous la perspective du bourreau, Primo Levi, Robert Merle
l’ay ant dé jà
fait
av ant
lu i,
ma is son éc
r i
tur
e proli
f ique est
perç ue
en t
an tque roman
historique, témoignage, roman policier, psychologique, roman cinéma, traité
philosophique. La bie
nv e il
lance d es
c r
it
iques a
vu da ns
l’œu vre de l
’écrivain amé ricain
d’ expre ssion fran ç
a i
se un e épou stouflante
fre
squ e,
a rchi-documentée, «une somme qui
s'inscrit aussi bien sous l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili
Grossman ou des Damnés de Visconti» (LITTELL, 2006, quatrième de couverture),
« une r
é vol ut
ion dans l
e fret fi
ctionn el
; une nef
ch ar gée de tant d’hi
stoire, de nuit, de
sang, de pulsions» (NIVAT, 2006).
Le titre même de c e succ ès
lit
térai
re
de
l’
a nn ée 2006 est une provoc ation, « Les
Bienveillantes», renvoie aux Euménides, les Érinyes, des entités mythologiques
primordiales, censées, dans la tragédie grecque, pourchasser sans répit les auteurs
d’ actes i nexpi ables,
qu i s e c hang ent,
pou r
Or es te e n Euménides, c’es t
-à-dire les
« Bienv e il
lantes» .
Ce sont de s
c onfessi
on s
empoi son n ées qui réit
èren t
le pas sé d’ un
homme hanté par sa conscience et cherchant la bienveillance des lecteurs.
Du poi nt
de
vu e st
ru c
tur el
, l
e roman se dé ploie sur
de ux
axe s
na rrati
f s,
d’ une
part le discours et la vision du bourreau nazi sur la deuxième guerre mondiale, sur
l’ex t
ermi nati
on d e
s
Juifs et
d’autre part
la cat
astroph e pul
sionn el
le d’un homme qui
v erse son roma n f
a mil
ia l d’enfan t
aba ndonné par un pè re
parti sans
la
isse r
de trac es,
240
probablement nazi lui-même et déclare mort par une mère abandonnée, victime chétive
de ses camarades de classe, lecteur passionné, jeune homme inexorablement dominé par
le dés i
r d’être u ne f
emme
e t
croy ant pouv oir y arriver
en se faisan t
sodomi ser.
La réalité
de cett
e
œu vre n’ est pa s pe rçue à
la p remi ère appr oche, c’est
pa r le
biais du sous-c ons c
ient
qu e
l’on réussit à ent revoi r
le
véc u du crimi n el
de
gue rr
e .
Le jeu
de la
pe rspe ctive entr
aîne le regard du lec teu r
du rée l
vers l’arr
iè re-pensée pour le faire
revenir de nouv eau à la ré al
ité, à l a f i
n , l a voi x du vi sionn aire l’empor te su r la
pe rcept i
on du me ssage.
L’ i
ma ginaire poé tiqu e de Ba che lard a se rvi à de nombr eus es
an alyse s
lit
tér aires,
i
l
pe ut
de ven ir
la clé d’ acc ès vers
un pa ll
ier de l
a
ré al
ité
telle
qu’ e l
le
a été révélée par Jonathan Littell, dans son roman.
On pe u t
décele
r l
e s
ima g es à l’orig ine de
l’a c
te cr éa t
eur e t
la ky ri
ell
e
d’ i
ma ge s
,
révélatrices de sens dans le roman par le biais des théories de Gilbert Durand et Gaston
Bachelard. Celui-ci est convaincu que notre appartenance au monde des images est plus
forte, plus constitutive de notre être que notre appartenance au monde des idées. La
dé ma rch e créa t
iv e
mê me
de l’
é criva i
n amé ricain re pose sur
ce s th é
or ies
. Il
é voqu e l
a
ph otog raph i
e saisis
sante
d’ une pa rt
isane russe pendue par les nazis, découverte, en 1989
et le film Shoah de Claude Lanzmann, images qui ont donné de la consistance à son
dé sir
d’ écrire un l
ivre
sur l’
Hol oc au ste. L’ appr och e par les fi
g ure s de l’i
ma gina i
re je tt
e
une nouvelle lumière sur la perception de cet événement littéraire.
D’ apr ès Bachelard «l’e spac e saisi pa r
l’ima gina tion
n e pe ut
pa s
r
ester l’espa ce
indi f
fér ent (…) Il
est
vécu .
Et i
l est véc u n on dans sa pos iti
v i
té , ma is avec tou t
es les
pa rti
c ulari
tés de l’i
ma gination. I l
c on c entre de l’être à l’intérieur des limi tes qu i
protègent » (BACHELARD, 1957 : 1 7). L’ espa ce de la g uerre e st
v é
cu c omme un
espace de la haine et du combat qui peut être étudié en se référant à des matières
ardentes, les chambres à gaz, les crématoriums sont liés à la métaphore de la poussière.
Pourtant cet espace de la mort est parfois humanisé par les digressions du narrateur
por tant le rega rd du l
ecteu r
vers l
e g ran dios e de l
a nature . Le
fe u, l’
a ir,
l
’eau ,
la bou e
,
les qu atre é léme nt
s de l ’ima gina ire b a ch elardien se muent en outils servant à
dé cortiqu er
c e roma n
«
emboî t
é» ,
not re article n’ envi s
ag e que les de ux
de r
niers.
La lec ture
de
l’i
ma ginaire aqu atiqu e à travers les compl exe s
bac helardie ns
dévoile les deux axes de la cruauté, celui des humains déchaînés contre leurs semblables
et celui de la sexualité qui met en acte ce qui reste inconscient pour les autres.
Au niveau du roman Les Bienveillantes, le complexe larvé de Xerxès fait
sen ti
r s a pr ése nce par le bi a
is du v i
e ux my the pomé rie n, rac on t
é par la s œu r de
Ma ximi li
en Au e. Vineta,
une be l
le ville e st eng loutie da ns la Ba ltique.
L’oc éan se
métamorphose en amant de la fille du roi, pour apaiser son désir inassouvi et il prend
possession de la ville, les eaux punissent les souhaits incommensurables des hommes.
Le rêve du personnage narrateur où le dieu Calamar chassait les habitants de la ville par
la puissan ce des vagues
ajoute d’au tres vale urs à ce c ompl ex e, pa rmi lesqu ell
e s i
l
impor te
de me n ti
on n
er l
’allégorie
du pou v oir des t
ruc ti
f na zi sur l
e plan
e ur
opé en.
Pla i
s ir
et
angoisse du n ageu r, tels qu ’ils
sont c on tenus da ns l
e compl e xe de
Swe de nbor g dén otent
les
états
d’ espr i
t de Ma x l
or s
de s épis ode s de
s e
s dél
ires:
«Une sort
e de fu r
e ur érotique trav ersait
mon c orps pa ralysé (
…) j
e dev ais
entrer et sortir du sommeil et de ces rêves oppressants comme un nageur, à la surface de
la me r,
p asse da ns
un s
en s et da ns l
’a utre l
a li
mi te en tre l
’ea u et l’ai
r» (LI TTELL,
2006 : 741).
La fémi nisat
ion victi
ma ir
e de l’homos exu alit
é pa ss i
ve
c onf ère au narrateur un e
réceptivité a igu isée
par l
a souffra nce
d’ au trui et ses chag rins
ina ssou v is
éveillent en lui
de tristes désaccords avec les violences des autres bourreaux. Il sent et il élucide
241
brillamment ses sensations. Il réussit à réagir à la brutalité humaine mais sa réaction
reste viscérale, il réagit en vomissant et en déféquant sans fin, ce dont il nous rend
compte méticuleusement : « (…) je
s uis r estés de ceux
qu i pe nse nt qu e l
es seul es chos es
indi spens abl es à la v ie huma in e son t l ’air, le ma nger, le
boi re e t
l’ex crétion e t
la
recherche de la vérité. Le reste est facultatif» (ibidem : 13). On arrive à la vérité de
l’abje ct
ion et par l’a bje ction. La ps y ch olog ie di gest
ive , u t
ile ,
selon Ba che l
a rd
da ns
l’an alyse du compl e xe de Jonas
e st
un e vo ie à su i
v re
da ns l’expl oration de
l’imaginaire
du roman.
La f on ct
ion s exu elle de l’ eau vi e n t c ompl éte r le c hamp de l’ima g i
n aire
aqu atiqu e. En prena n t un ba i
n da ns la ba ign oir e de s
a sœur ,
Ma ximi lien ima g in e
voir
na ît
re
de l’ea u le cor ps de s a
sœu r
. Il se l
a isse aller à l
’étre inte ch aude de l’eau, comme
à l’étreinte de l’amou r .
De s scène s liée s à la v ie inti
me de sa sœu r s’empa r en t de s on
ima g ination . L’ eau a c qu iert ces valen ce s, pa r le squ el
les e lle év eil
le l’
érotisme sordi de.
Loin de la réalité misérable, le bourreau se construit un univers éro tique qui le protège.
Dans l ’Eau et le
s r êv es ,
Ba chelard ex pliqu e qu e tout
é lé me nt prés uppos e l’e xisten ce
d’un e ambi v alence, d’ aprè s lui l’
élé me nt aqu a tiqu e e
st sc indé en deux type s d’eaux :
l’eau est t a ntôt pu re e t c alme ,
t antôt tr ou bla n t
e ,
prof on de e t violente. Durand, en
repr enan t les
r éflexion s ba chelardien ne s s ur l’ima g i
naire po étiqu e pr é
c i
se
qu e les pl us
be ll
e s ima g es s ymbol isen t sou vent de s n oy aux d’ ambi vale nc e
. Ce tt
e ambi v alen ce
évoque le terme « coincidentia oppositorium» par lequel Jung laisse sur gir l’idé e qu e
chaque symbole unit deux moitiés opposées.
L’ e au dans l’u nive rs
de l
’h orre ur est ma rqu ée
pa r cette amb i
valen ce: s ymbol e
de l
a vi
e ,
de l
a pureté , symbol e de la mor t, de la sou il
lure .
Pou r le bou rr
e au Au e,
l’e au
acquiert nombre de valeurs pur ificatrice s, la sc èn e où il
se lav e ave c l’eau trouv ée da ns
de s seau x d’ un e i
sba vidé e
de ses ha bita nts pa r les fl
amme s me urtrières des n azis e s
t
rév élatri
c e. C’ e s
t u n e g es t
uelle s ac rée a ya n t de s conn ot ation s
pu rifi
c at
ric es ,
po ur
enlever la saleté des gestes meurtriers auxquels il assistait.
Le pa ssage
du roma n fait
pe ns er à
la sy mbo li
qu e de l’e au mi se en
œuv re da ns
le ba ptême
de J ean. Le s pé c hés
n ous s alisse nt c omme
de la cras se,
l’ea u nou s
e n la v
e .
Cette pratique est en même temps une contestation du ritualisme juif qui connaissait des
mul t
iples r ites sacrific iels en
vu e du pa rdon de s pé chés.
Aue ,
d’ un e part s’app ropr ie les
symbol e s du ba ptême tel que l
a ver ses pé c hé s c on tre
les juif s
, il se repentit,
d’ aut re pa r
t
son geste le place contre la spiritualité juive.
L’ e au-mor t e st rep r
ése ntée pa r l’e au bo ue use
où flottent de s cada vres, la
fos se
de s tueries où l’
eau e t le sang se mê le nt, l’ea u dev ie
nt la tombe ,
un e mor t
in compl è te.
Les Juifs ne peuvent pas retrouver leur repos, la terre refuse de les recevo ir.
L’ ambi v ale nce est
é troi teme nt li
é e à la flu idité ,
e nvi s
agé e c omme éc ouleme n t d’ un état
à u n au t
re , d’ un
e spa c e à u n autre, d’ un e t
e mpor alit
é à une au tre. La fluidité de
l’e au
devient aussi de la matière fécale qui hante le héros depuis Allemandes jusqu'à la
Gigue. « La nu it,
l
’in qu iétu de déteign a i
t sur mon somme il et
in fecta i
t me s rêv es ,
j’éta i
s
saisi d’ un e i n tense e nv ie de dé fé qu er e t j e c ourais a u x c a bine t
s» (LI TTELL,
op.cit :112).
La fl
u idité ma rqu e aussi l
’e spa c e, l
a réa lit
é
et
les rêve s perde nt l
e urs frontières.
L’ officier a de s vi
sions , son Hitler
por te le c hâ le de s
Juifs . L’é pisode hallucin atoi r
e
qu i
suit sa blessure, le chapitre Air représentent des pauses dans le récit de la guerre qui
donnent des indices sur la conscience de celui pour lequel la mort est devenue un
métier.
De su rcroît, l’ea u pe ut
ê t
re ass oc iée à la mus iqu e ,
la f
luidi té
é t
a nt
l
e trait qui
les rapproche. La fluidité de la danse et de la musique enchaîne les chapitres du roman
242
qu i por t
e nt les noms de s
c ompos a ntes d’un e sui te a ll
emande, cette fluidité peut être
a ssoc iée à l’instabilit
é ps ychiqu e
du
n azi,
repé rée da n s l
’homos e xu alit
é ,
l’ince s
te.
Bachelard parle des paroles des eaux, des ruisseaux, la fluidité et la liquidité du chant
aquatique qui ressemble aux paroles humaines, la v oix h
uma i
ne ,
la
v oix de
l’eau .
En lisant le roman Bienveillantes, l ’atte ntion du lec t
e ur e st attirée par la
présence de la musique qui par-delà les titres des chapitres surgit tant dans les
di scu ssions de s
n azis que
da ns les mome nts forts de l’
action. Le thème de la musique
pe ut être appr och é par les
v oix du roma n,
la mus iqu e
en tant
qu e ma n i
è re d’apa i
ser
les
âmes des bourreaux accablés par leur travail mais aussi musique associée à la violence,
au champ du pouvoir.
La musique du piano que Max Aue a fui dans son enfance quand sa mère
désireuse de cultiver son fils lui a acheté un piano et fait venir un professeur constituera
un refuge durant la période «nazie». La musique est aussi un renvoi vers le passé.
Il n’e s
t
pa s exce ssi
f d’e n visage r l
a mu si
qu e du roman comme un dualisme, une
dou ble t
e mpor al
ité: la
mu sique de l’enfa nce,
l
a
mus ique de la gu erre. Av oi r c
h ois
i une
su it
e de Ba ch comme str
u cture de son
œu vre pe ut êt
re interpr été comme un si
g ne
d’ oppos ition à l’esprit de s na z is qu i trouv en t
c e g enre de musique «poussiéreuse,
ennuyante, vieillotte» (LE DÉBAT, 2007: 11). Les gens comme Eichmann, les petits
bourgeois allemands préfèrent la musique qui les fait ressentir quelque chose, la
mus iqu e roma ntique qu i fa briqu e du s entime nt, qu i entraîne v ite l’au diteur vers le
sentimentalisme. Bach est trop sec, trop froid.
Il impor te enc ore d’env is ag er
la mus i
qu e qu i
incite
à l
a violen ce: la scène
d u
me ur tre du j
o ueur
d’or gue n ous amè ne
à
réfléc h
ir à c et
aspect.L’ Obe rsturmba nnführer
tue sans avoir un mobile, enten dr e de la mu siqu e
lor s de
la chute de l’
Al lema gne évei
lle
dans son âme tourmentée une colère meurtrière.
La mu s
iqu e da ns le roma n don ne cor ps à l’idée de l
’ usa ge effroy ab l
e
que les
SS on t fait de l
a mu siqu e e n c onf iant à qu elqu es in t
erprètes le
s oin d’ accompagner
l’ex ter min ation de
le u
r s sembl abl e s.
Le passé de l’Al lema gne e st structuré comme
une
fugue de Bach. La musique à quelque chose à dire des camps et sur les camps. Cet art
a cqu ie r
t de s
v aleurs thana t
ique s, il accompa gn e l
’e x termin ati
on
de s
huma ins .
L’ idé e
de con struire so n œuvr e s
u r u n fon d mus ical sembl e être issu e
de l
a
lecture de Littell de Rebatet, écrivain, musicologue qui avait cru repérer en Bach une
sy nth èse d’ écrit
ur e
s horizon tale et v ert
icale. Da n s son
e ntr
etien av ec Ri ch ard Millet,
l’éc rivain américain explique la construction du livre conformément au principe énoncé
par Rebatet lui-mê me
lor s
de l
a
di sc ussion qu’ il
a av ec Ma x dans Sarabande :
« Je n’ ai rien inve nté,
c ’
e st
da ns le li
v r
e de
Re bate t
sur la
mu siqu e .
Il
y fait
l’an al
yse de
la Me sse en min eur comme sy n thèse ult
ime de l’éc ri
ture horiz on t
ale et de
l’écri
ture
verticale en musique. La structure horizontale correspond à la poussée mélodique et la
structure verticale aux constructions harmoniques» (LE DÉBAT, op.cit: 32)
Sur ce modèle, il affirme avoir créé une poussée narrative représentée par
l’h i
s toire r ac ont
é e, ac compa gn ée d es a ssoc i
a t
ions v er
ticales-retours en arrière, les
re nv ois aux my t
h es,
renv ois à d’a u tr
e s
l
ivres, ce qu i con f
è re
plu sieur s
dime nsions à
son
livre, de cette manière le r
é cit
s’ouv re.
La mus iqu e reç oi
t de nouv elles con nota t
i on s a
u mome nt où l’on pense à la
c ons truction du tex t
e. L’ au te
u r cr ée en f
on cti
on de son or eill
e intern e mus ic
ale,
il
impr ime un c er
ta i
n rythme à s on œuv re,
pou r l ui, la qu estion de pon ctuati
on ne
s’ at
ta c he pa s
à
la gramma i
re ma is plutôt au souf f
le , au
rythme
de la n a
r r
a ti
on .
243
L’ima gination ma té r
ielle,
l’ i
ma gi na ti
on de s qua tre é l
éme nts, mê me si e ll
e
favorise un élément aime à jouer avec les images de leur combinaison. Gilbert Durand
admet la polyva l
e nce de
l’interprétation
qu an d il
s’ a
g i
t des
tr anspos i
tions i
ma gina
ires.
Les objets symboliques ne sont jamais purs, ils contiennent des réseaux à
plu si
eu rs domi n
a ntes e t les thè me s se mul tiplient.
L’ obj et
s ymbol ique est soumi s
souvent à des renversements de sens.
L’un des ge ste s do nt Du rand s e se rt pou r i
n ter
pr éter les ima g e
s , cel
ui de l
a
de scente, de la dige stion représ ente un a xe d’a nalyse qui n ous ai
de à pé nét
rer le
s
couches de la réalité des Bienveillantes. Le symbolisme digestif qui réclame les
matières terre, eau et qu i est associée à l
a mè re nou s
r
elèv e le mon de
inté r
ieur
d’ un
bourreau incapable de réagir, soumis par le sens de la responsabilité mais dont le
ps ychiqu e s’é
c happe au «de voir», l
’en t
raîn an t
v ers une vie
noc t
u rne bou leve rs
é e
.
Le quatrième chapitre de L’ eau e t les r êves,
œuv rebachelardienne étudie
qu e l
que s mé l
an ges où l’eau int
erv ie
n t:
l’uni on de l’eau et
du
feu ,
de l’e au et
de
la t
e rr
e
et de l
’e au et de l
a nu it. L’un i
on de l
’e au et de la t
e r
re don ne la pâ t
e. L’e a
u e st l
e
premier auxiliaire de celui qui pétrit, elle apparaît comme ambivalente, elle lie et délie.
Le pou voir de li
e r,
attr ibué
tan t
ôt à l’eau ,
ta ntôt à
la terr
e est à l’
or i
g ine du vi
squ eux .
Parfois cette viscosité empêche la dynamique des rêves, ceux-ci deviennent gluants,
rempl is d’ob j
ets mou s tels les Montres molles de Salvador Da li qui s’ég outtent
dans un
espa ce et un
temps glu an t
s .
La boue ,
ma ti
è re de la mol l
es se év ei
lle da ns l’imagina ir
e
bachelardien la régression vers les matières malpropres, la fixation anale, le stade de la
première enfance, le sadisme triste, le sadisme sale. Les matières molles invoquent
souvent des valeurs contraires telle la lutte contre le visqueux, la poix, le gluau, des
su bstance s
qu i
ma térialise nt
l’épa i
s s
e ur
de s tén èbr es.
Du côté de Littell, la
bou e ,
le visqu eux traduisent d’un e part la réalit
é dure des
tue ri
es de
l’extermin ation et d’autre part les su pplice s
du cor ps du
n azi con damn é à des
dia rr
hée s susceptibles de t
émoi g ner d’un espr it
tou rmen t
é. La bou e,
ma lheu reuse
fin, l
a
boue vue comme un refus de la mort, la terre molle ne veut plus recevoir les corps des
Juifs massacrés. Cette matière est partie intégrante de cet univers gris où bourreaux et
vic ti
me s se c
onf onde n t. La boue peu t
de ve nir ma r
qu e d’effac eme nt. Le s Juifs
son t si
massivement représ en tés a u bor d de l'an éa ntisseme nt,
de l’abîme qu' ils sembl e n
t
abs ents comme indivi dus .
I l
n’y a pa s
de figu re, pas de
visag e juif
pa rmi
le s
neuf ce nt
s
pa g e
s.
La
figure de la v icti
me
e s
t effacée, ce la per me t
tant
au bou rreau de se l’
approp rier
et de pa rler à sa plac e. L’ étude
de s ma rqu e s de l
'eff
a ceme nt de la figure ,
de la voix
juive dans le texte de Littell, peut constituer une piste enrichissante pour la
compréhension du texte. Le roman este sillonné de tout un vocabulaire créé pour
désigner les acti
ons de des t
ruc t
ion ,
d’an éa ntiss e
me nt vis
ant les Juifs, compr enant des
mots communs qui cachent une réalité monstrueuse.
Les lieux natals rappellent à Bachelard la première rêverie. La maison de
laquelle rêve le phénoménologue est la maison-origine, il en propose deux types:
maison imaginée comme être vertical, la maison imaginée comme être concentré,
ch acune d’ell
e faisant appe l à
u n type
de con scien ce.
Ay a
nt me né à bie n ses recherch e
s
su r l
es qu at
re éléme nt s, il
élargit s
on champ d’ étude à
la f
or me qui sert de support à ces
élé men ts:
l’espac e.
L’ a pproc he
ph énomé nol og iqu e des i
ma ges de l
’es pa c
e heureux, de
la ma is
on
ouv re
de
n ou v elles voies vers
l’in cons cie nt
du
bou rrea u
n azi.
La dichotomie bachelardienne cave /grenier trouve si bien son illustration dans
le chapitre Courante. Les ténèbres des sous-sols où les messagers de la mort ont trouvé
refug e son t
à l’
or i
g i
n e des rêv es l
aby ri
n thiqu es de Ma x.
La de scente v ers les
burea ux
de l’
AOK de Stalingr ad, c’est comme un e de sc en t
e ve r
s l’En fer.
L’ es pace exi
gu, l’ai
r
244
lourd, la famine témoigne d’ un un ivers h os t
ile d’où la pe nsé e, la r éfl
e xion s eront
ch assées. Le s
pu issan ce s
soute r
ra i
ne s
lui pr ovoqu ent la peu r qu’ il
v eu t
va incre par l
a
lumière de ses souvenirs. Il quitte la cave de la réalité pour accéder au grenier des rêves.
Lor s de la visi
te du t
h é ât
r e t
ra nsfor mé e n h ôpital,
à l’i
ns u de
son g ardie n,
il expl ore le
gre nier du bâtime nt qu i
lu i
rappe lle
le s combl e s
de l’e nfan ce où lui et s a sœu r
se
délivraient à des jeux érotiques. Au grenier, les peurs des ténèbres s’év anoui sse nt
. Le
concept de la verticalité de la maison onirique, proposé par Gaston Bachelard peut être
exploré dans le troisième chapitre des Bienveillantes.
Da ns l ’épisode Courante, les fréquents retours en arrière représentent
l’occa si
on d’ appor t
erau premier plan les souvenirs «solaires» qui aident Aue à
s’éch appe r
à
l
a
ré al
it
é du re.
Si l
e g reni
e r
du théâtre
de
St aling rad lui rappe lle celu i
de
la
maison de son beau-pè r
e d’ An ti
be s, où sa sœu r e
t lu i expl ora i
e nt leur s cor ps, l
a
«Sarabande» nous dévoile une autre perception des souvenirs. La période de
con va l
esc ence de l
’offic i
e r
cor respon d à
la dé couv e
rte d’ une autre
réa l
ité qu ’il
a ppre nd
à gérer. Les souvenirs «lunaires» de son enfance font référence au commencement de la
«chute», la séparation des deux
être s
fr
a gile s qu i
décou vre nt les signe s
de l’âge mû r sur
leurs corps.
Le s
ca uc hema r s
d’Au e son t
un pr o l
on geme nt de s on véc u lor s
d’ un e gu erre
dont il comprend le but, aux mécanismes de laquelle il se soumet, contrairement à sa
pensée qui parfois se ré volte. L’ima ge
du mé tro,
de
la bou che
de mé tro qu i
re vien t
da ns
ses rêv es f
a it
pen ser à l’idé e de « chute» ,
mi se en
évid enc e pa r Ga ston Ba ch elard da ns
son livre L’ air et l
es
s onge s:
« L’ homme en t
a nt qu ’homme n e pe ut vi
vre hor izon t
a leme nt son r
e pos ,
son
sommeil est le plus souvent une chute» (BACHELARD, 1943 : 19 ).
C’ e st
da ns la
ch ute
qu e nous
de vons cherch er la
s ubsta nce
s ouf fran te
de l
’ê t
r e.
Ma is
s ur l’
ax e trag i
qu e
, ce t
te
c hu te
n ’est
pas pe rmi se. Or este e st
pa rdon n é,
les
Érinyes deviennent des Euménides. Malgré les horreurs commises, aucun châtiment ne
s’aba t su r
l ’officier n azi, c ela pe ut
ê tr e s a pu nition : ne pa s ê tr
e pun issabl e
,
l’impos sibilit
é de l
a chu te, l
a g luanc e
abs or be
en
elle
le plon g eon .
Le s
rêve rie
s de
l’enf ant qu i
fait l’e xpé r
ience de l’espace intime, protégé de la
ma ison natale
ont «un privilèg e de profon de ur»
parce qu ’e l
le s
son t l’ex pression directe
de
l’incon scient
qu i
es t«
log é dan s
l’espa ce de son
bon he ur»
(ibidem : 29).
La ma rqu e essen ti
ell
e de l
’ex ist
en ce de l’e nfant est
, c he z le philosophe français son
ca ractère
he ureux .
Ba ch elard pa rle d’une
é tape primordia le de
bie n-être, de protection et
de chaleur maternelle, de submersion inconsciente dans un «paradis terrestre de la
ma tière » à laqu ell
e suit l’ex périen c
e trauma tisante
de l’hostilité des hommes et du
mon de. L’é t
at originel de l’homme est
ma rqu é par l
a commu nion qu i ex i
ste en t
re l
u i
et
le cos mos .
«En c es
s olitude s he ureuses ,
l’enfa nt r
êve ur con naît l
a rê v e
rie cosmi qu e,
celle qui nous unit au monde» (BACHELARD, 1961 : 92). Pour Bachelard, la maison,
le ventre portent la même marque du retour à la mère.
Dans Sy mbol es
de l
’intimi té Durand fait référence au complexe du retour à la
mère qui inverse et surdétermine la valorisation de la mort. On apprend que bien des
peuples ensevelisse nt les mor ts da ns la pos ture du bl ottisseme nt fœt a l
v oula nt ainsi
an éantir
la terr
e ur éprou vée,
l a mor t s
e mue en repos primor dial. Le s mot s de
l’a nalys t
e
du repos et de se s r
êv er i
es
son t
rév él
ateu rs pou r
l’a
ssoc ia t
ion de la
mor t et de l’espa ce
d’a vant l
anaissance : «ventre maternel, sépulcre comme sarcophage sont vivifiés par les
mê me s i
ma ges: c el
les de l
’hi berna t
ion de s germe s et du somme i
l de l
a c hry sali
de .»
(DURAND, 1992 : 2 70). I l s ’
a git,
s elon Du rand, d’ un « Jon as de la mor t», d e
l’emboî teme nt
de s t
ombes (ibidem).
245
Le t
ex te de Li t
tell
rejoin t
l’ima ge qu i a ssoc ie s omme i
l, repos ,
mor t pa r la
pr ésenc e de l
a c hry s
a li
de ,
la larv e i
nv oqu é
e pa r l’éc riv ain dan s
le s premi ères lignes de
son récit. La chrysalide rappelle cet état transitoires entre deux étapes du devenir, la
con dition de l
’ac compl isseme nt éta
n t l
e ren on ceme n t à un pa ssé e t
l’acceptation d’ un
n ouv el
é t
a t,
ma i
s
le
dire ct
eu r de l’usin e
de de nte ll
e , an cie n SS ne pe ut pas accé de r
à un
une nouvelle étape de sa vie, il ressent la présence des Érinyes, il est accablé par le
pa ssé qu i l’habite. De v enu c hrys ali
de à la vi eillesse , il ne peu t
pa s qui tt
er l
e coc on, l
a
ré s
u rrection ,
la sortie du
tombe au n’a pas
li
e u .
« Et pui s le temps p asse, la
nymph ose ne
v ie
nt
pa s, on
reste
larv e,
cons tat affl
ig ean t
,
qu’ enfaire ? » (LITTELL, op.cit : 11).
Fu i
r l
a
ré ali
té ,
retr
o uv er la
v ie
d’ ava nt la n ais sa nce s
e révèle
être
un
s ong e qu e
le bourreau nazi chérit, en frôlant la mort, il rêve du retour au ventre maternel. Le
v entre de la mè re c’est le re f
ug e cont re l’hos t
ilité de l’e s
pa ce réel, la nos tal
g ie du
bon h eur d’ avan t
la nais sance qu i est
v écu e
c omme s ouf fra nc e.
« (
…) me plong eait da ns un ra
v isseme n t eng ou rdi ,
comme un retou r
au ventre pe rdu»
(ibidem : 343).
Êt r
e
da ns l
’ea u c’est «do ux et bon comme l
e li
qu i
de a mn iotique» (ibidem : 649).
Au nive au du cha mp séma ntiqu e de l’
ide n tité, il faut re ma rquer la qu ê t
e de
bou rrea u qu i
trav erse le r
oma n
d’ un bou t à
l’a utr e:
c ’e st l
a quê te
de l’enfance pe rdu e, du
paradis perdu.
« Ce qui c aractér i
s e le personn a g e de Ma x, c’e st
l’e nfermement dans le fantasme de
l’enfa nce.
Ce qu i perme t
de dev en i
r adu lte
, c '
e st-à-dire un être moral ouvert au monde
et à l’au t
r e, c’est dépa s s
er ç a.
Au e il reste c ompl è teme n t piég é pa r
ç a» (LE DÉBAT,
op.cit :7).
Ma i
s ce n’est pa s l
’innoc en ce qu i
e st
vis
é e pa r la re che rche de l’enfance, c ar se lon
Li t
tell «l’enf ance c’est l
e fon deme nt de la cru aut é» ( ibide m) .
Sa
lec ture de l
’enf an ce e st
freudi enn e, il voit «le désir
san s bor nes de s e nfa nts qu’ il soit se xu el
, ali
me n taire, o u
pour la stimulation dans les jeux(…) » (ibidem) .
Par ailleurs, Jean Burgos, par sa Poé tique de l’imagi nairenous fait voir les
ima g es du repli qu i
se re
trouve n t dans
« l
’e spa ce pr oté gé ma is
pr éc ai
re
ve r
s lequ el on
s’ach emi n e et du qu el
, on l
e sai
t ,
il
f audr a
re pa rtir; l’es pa ce pr otecteu r,
monde complet
da ns lequ el on s’in st
a l
le
et s’enfon ce ,
à l’éca rt du
mon de
e xtérieur et
de s
es intempé rie s
de toute sorte » (BURGOS, 1982 : 82). La restriction spatiale continue, la clôture du
texte, l e s chème de l ’emboî t
eme nt, le troi siè me g rou pe de s
s c hèmes déterminant
l’écriture du refu s con v e
rg ent da ns le se ns du resse rre me nt,
de la mi nimi sat
io n, de la
mi niatu ri
s ati
on d’u n uni ver
s « gu ll
ive ri
sé ».
Le s
limi te s
e n t
re le rée l
e t l
’ ima g i
n a i
re s on t flou es ,
Aue dé couvr e qu e la
cicatrice qui barrait le ventre de son ami Th oma s
éta it bi en réelle mê me s’
il
éta i
t sû r
que
ce l
a s’étai t
pa ssé seule me nt
da n
s ses rêve s
ha lluc i
n a toire s. Son mon de rétr
é ci
t:
«Je sentis presque le coup sur mon front, mon angoisse grandissait comme une chose
grise et flasque et sans limites, un corps mons true ux qu i
oc cu pait l’espa c
e restrein t
de s
v est
ia i
re s(…) Gul liver terri
f ié,
coinc é da ns un e ma ison de s Li l
lipu tiens» (LI TTELL,
2006 : 637).
L’ éc r
iture de l’antihéros ou de l’h ér os à l ’e nv ers, de c elui qui c herc he à
s’ou blier en loin t
a ins intéri
e urs sembl e êt
re l’é critu re du narr a
te ur des
Bienveillantes
qu and i
l r aconte le séjou r en Pome r
a nie. Enf ermé da n s la ma i
s on de sa sœu r
, il se voue
à des pratiques érotiques étranges. Ces images intimes de refuge parsèment les rêves, la
vie psychique du bour reau: ve ntre,
for êt,
ma ison de l’e nfa nce, ma ison de la s
œu r bie n-
aimée.
246
Dans la métaphysique du repos, Bachelard analyse le repliement sur soi qui
prend l
e s allures de l’
e nrou l
e me nt sur soi,
d’un corps qui
de vi
e nt
obj et
pou r soi-même.
L’ima g erie de cette i
nv olution trouve un ri
che champ d’
e xploit
ation da ns le c h
a pit
re
Air.
Se u l,
da ns la ma ison de sa sœu r jume l
le,
la moi t
ié perdue qu’il veut retr
ouv e r
par
tous les moyens, délivré à lui-mê me il
cherche dans
s
on corps les tr
a ces de l
’amou r
incestue ux d’au tr
e fois et essaie de le faire revivre. Tous ces fantasmes pervers qui
surgissen t da n s l’exi stence du na zi, qui ont trai
t à la relat
ion inces t
u e
u se n ous
condu ise nt
à con st
a ter qu’il n y a pas d’amou r, ce t
exte ra
c ont
e l
e ratage du f
émi n i
n, l
e
ratage de
l’amou r à travers la relation avec Una.
Les che mins tracés pa r l
e s
po éti
ciens de l
’i
ma ginaire
s
’avè rent
ê tr
e
de s pi
stes
de réflex i
on qu i
n ous perme tten t
de
dé couvrir
les sens cachés
d’ une œuv re
e t
ce
roma n
énorme n’a c e
s sé de surprendr e le lecteur
par l
a
mu lti
tudede pistes de lectures. Chaque
objet est un bon con du cteur de
ré el,
chaqu e
obj et
contempl é
es t
l
e dé part d’un rêv e
. Le
rêve et la réalité des Bienveillantes continuent de susciter des débats autour de la mise
en ficti
on
de l’év éne me nt his t
or i
qu e qu i
a mar qué même les consciences de ceux qui
n’ont pa s f
a it
la gu erre.
BIBLIOGRAPHIE
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rêves, Paris, Librairie José Corti, 1942
Bachelard G., L’ air
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les so nges, Paris, Librairie José Corti, 1943
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une poé tique
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,, Les bienveillantes de Jonathan Littell : Le destin d' un mons t
re ordina
ire
au cœur de
la
mé ca nique
nazie’’
-http://www.buzz-litteraire.com
247
STRATÉGIES IDENTITAIRES DANS
ILS DISENT QUE JE SUIS UNE BEURETTE DE SORAYA NINI
Motto :
1
Entretien avec Farida Ayari en mai 198, publié dans Sans Frontière, Mai 1983, p. 17, cité par
Anne V. Cirella-Urrutia dans « I ma ge
s d'
al
tér
ité dans
le
s œuv r
es autobiog r
aphiques
"Le s A.N. I du
'Tassili'" de Akli Tadjer et "Temps maure" de Mohammed Kenzi », art. en ligne :
http://motspluriels.arts.uwa.edu.au/MP2303acu.html.
248
générations et entre deux pays qui a été longtemps ignorée et située à la périphérie de la
littérature française.
Son roman Ils disent que je suis une beurette (1993), situé au croisement de
deux langues et de deux cultures, témoigne des problèmes auxquels se confrontent les
je une s
fill
e s i
ssue s
de l
’i
mmi grati
on ma gh r
é bi
ne ,
qu ’
on se contente s
ouv ent d’appe ler
«
beurettes », dans leur volonté de se construire une identité propre qui ne renie ni la
c ulture de s parents ni
ce
lle
du pa ys d’ a
ccu eil
,
ma is
qui ré uss
isse à r
éc on ci
lier les deux
univers tellement différents. Élevées entre « deux nations, deux cultures, deux modes de
vie » : la France, le pays de leur naissance, et la famille, ancrée dans les traditions du
pa y s d’origine, les per
sonnage s
fé mi nins nés sou s l
a plume des écriv ai
n es «beurs »
vivent un profond sentiment de mal de vivre, car comment être soi-même quand il faut
réconcilier ces deux côtés de son être ?
Tiraillés entre les attentes et les exigences des deux modèles auxquelles ils
veulent satisfaire, désirant préserver aussi bien les liens affectifs avec leurs
pa re
n ts qu e la r econn aissance de s me mbr es de la s ociét
é di t
e d’acc ue il,
comment peuvent-ils se structurer, préserver un bon équilibre psychique quand
les modèles identificatoires sont si différents, élaborer une identité qui soit à la
fois « unit
é de sens e t
attr
ibu ti
o n de valeur » (…) ,
n égocier av ec un surmoi
parental intériorisé et un idéal du moi plus proche des modèles proposés à
l’extérieur
de l
a fami ll
e ? (GUERRAOUI , 1997: 155-156)
Le roman Ils disent que je suis une beurette est construit autour du personnage
de Samia, une jeune fille issue de l'immigration maghrébine qui vit dans une « cité »,
marginalisée, stigmatisée en tant qu'« étranger du dedans » (DURMELAT, 2008 : 50).
Ai nsi
, ell
e dev i
en t
le
prototype
de l
a
jeu ne
fil
le à l’i
de ntit
é
mouv ante,
en
qu êt
e
du soi
,
quête qui mènera au dépassement du déchirement moral.
Le destin du personnage de Soraya Nini se trouve sous le signe de la perte, du
manque, de la non-c oïncidenc e,
Sami a vivant un prof ond s entime nt d’ali
én at
ion à
ca use
de la
s ouffrance,
de l’humi l
i a
tion ,
de l
a stigma t
isat
ion qui sembl ent êtr
e des
leitmotivs de sa vie d’
individu appa r
t e
n ant
« à l
a
deux ième gén ér
a tion ».
1
Deleuze
et
Gua t
tar
i
voient dans
le
rhiz
ome
la méta
phore
parf
ait
e de l
’i
dent
it
é
car ce
lui
-ci « ne
se lai
sse
rame ner
ni
à l
’Un ni
au
multi
ple
(…). Il
n’
est
pas
fa
it
d’uni
tés,
mai
s de dimensi
ons, ou
plutôt
de dir
ec t
ions
mouv antes.
Il
n’a
pas
de comme nc
e ment
ni
de f
in,
mais
toujours
un mili
e u,
pa r
lequel il
po uss
e et dé borde.
(…) .
« (DELEUZE et GUATTARI, 1980 : 31-36)
249
culture occidentale et la culture arabo-musulmane - qui doivent réussir à réconcilier les
deux côtés de leur identité. Dans le cas des personnes de sexe féminin les choses sont
encore plus difficiles à gérer : à part
le
fai
t qu’el
les s
on t
issues de
l’immi grati
on , elles
sont des femmes et la cultu re de leurs
ancêt
res l
es obli
g e à
vivre une v ie fait
e d’
in terdits
e t
d’ obli
g a
tions c a r
l ’honn eur de t
ou t
e un e
fami l
le dé pend de le ur c ompor teme nt
irréprochable :
Tout comme sa mère avant elle, la fille sera soumise aux notions de aïb,
horma, hachma, haram1 (…) .Très
tôt
,
pa r
toute une
séri
e de r
ecomma ndati
ons
et
d’int
e r
dit
s,
e l
le
int
ériori
sera l
es
ges
tes , l
es att
it
udes,
les
paroles confor
me s à
ce qu e l’
on a t
tend d’ e
lle
. Tout écar t dan s sa conduite
s e
ra sancti
onné
physiquement ou moralement. (GUERRAOUI, 1997 : 159)
Tel est le cas du personnage féminin au quel nous nous intéressons dans cet
article.
Né e
da ns
un e
fami lle d’immi gré e,
Sami a
est
dès son enfanc e t
iraillée
en t
re de ux univers
contradictoires qui veulent, chacun de son côté, lui imposer ses lois. Ainsi, si au sein de
la fami l
le,
la vi
e s’org anise
selon l
es lois et
les
cou tume s
a rabo-mu sulma ne s,
à l
’école,
la jeune fille entre en contact avec un modèle différent qui lui propose une autre
ma nièr e
d’envisa ge r l’
in dividu: on me t
l’acc
ent s ur le li
br e arbitre qui permet à tout
individu de construire son identité et son destin selon sa propre volonté sans que ses
g estes soient s
év èr eme n t
pun is de
peur qu’i
ls
puiss ent me tt
re en dan ger
l’honn eur
de la
famille et « la reconnaissance sociale du père par la commun auté d’ origine»
(GUERRAOUI, 1997 : 159). Par conséquent, le caractère antithétique de deux univers
dans lesquels évolue la jeune fille, entraînent une véritable déchirure que Samia a du
mal à supporter.
Incarnant l’Au tre, l
’ é
tra nger,
pou r
la
soc iété française (par son nom, par son
apparence physique) de même que pour sa propre famille (à cause de sa volonté de
vivre une vie normale comme les autres jeunes qui vivent au-delà des murs invisibles
qui séparent la Cité du Paradis du reste du monde), Samia doit me ttre
e n œu v r
e toute
une série des stratégies identitaires qui lui permettent de dépasser la crise identitaire et
de se construire une identité individuelle et qui finalement lui donnent la chance de
trouver sa place dans la société. Il est intéressant
d’ obs erver qu ’
elle ne cher che ni à
nier
la c ult
u re
de s
e s pa ren t
s, mê me si
el
le n’est
pas d’a ccord avec to utes
les in t
erdicti
ons
qu i rég i
ssen t
sa vie n i à s’assimi l
er tot a
leme nt
à la cul t
ure du pays de sa n ai
ssance,
qu ’elle
n’hésit
e pa s à critiquer. Ce
qu ’elle
essai
e de f
a i
re c’e st
de tr
ouv er un e voie
où
s’en tr
e mê l
e nt
les de ux
c ultures
s ans
que l
’une
soit
s upé rieure à l
’au tr
e.
Dès le titre Ils disent que je suis une beurette, le lecteur comprend que Samia
n e se s en
t pas con ce rné e par l
’a ppell
a tion «beurette » : ce sont les autres, les Français
qu i viv ent
da ns de s qu artier
s
ch ics,
qu i l’
excluent de leur ima gin ai
re car ils voient en
e l
le u n e
étrangèr e ma l
g ré sa na iss
anc e s
u r
le
territoire fr
a nça i
s, tandis qu ’ell
e se sent
1
Le terme aïb r envoie a u « sent
ime nt d’a
ng oisse et
de c ulp
abili
té devant la fa ut
e ou l e
déshonneur ». Le terme horma signifie « honneur ». Par hachma, on comprend « discrétion,
décenc e,
sauveg arde de l’i
nt imité
(…) honte» tandis que le terme haram « fait référence aussi
bien aux interdits re
ligi
eux que
s oci
aux. Il
renv
oi e
au sacré, à l
’int
erdit
,
au t
abo u et
spé ci
aleme nt
pour tout ce qui concerne les femmes » (GUERRAOUI, 1997 : 159).
250
avant tout Française1. Ainsi, la jeune fill
e re fuse d’être rédu i
te par
les autre
s à une
identité préconstruite - j eun e f ill
e issue de l ’
immi gr
a ti
on -, identité ayant des
con not ati
ons né gat
ives. Elle ne se contente
pa s de ce sta
tut qu ’
on lui att
ribue car
il
l
ui
laisse pe u d’espa ce pour c onstruire son identité individuelle. Déjà son nom semble lui
avoir été prédestiné : dérivé du nom arabe « sâmi », il symbolise la hauteur et la
supé riorité,
de s tr
ait
s qui font qu e Samia n ’
aba n donn e
pa s
sa
lutt
e
con tr
e un
syst
ème
qui
ne lui laisse pas la chanc e de l’épa nouisseme n t
pe r
sonn el.
Pa r conséqu ent,
l’
ident
ité
de
la jeune fille « est caractérisée par le mouvement : elle traverse sans cesse des seuils
identitaires, elle se déterritorialise constamment sans jamais se reterritorialiser. Son
identité est une identité de transgression » (CHAILLOU, 2005 : 63). En même temps,
étant donné que le titre ne comporte pas le nom du personnage central du roman, nous
pouvons comprendre que le destin qu i fait
l’
obj et
de ce
roma n de mê me que l
’at
ti
tude
du personnage féminin principal sont aussi ceux de tous ces êtres hybrides qui
n’a r
riv ent pas à tr
ou ver
leu r
pla ce, qui
oscill
en t
e ntr
e
de ux
c ultur
e s
et deux ident
it
és.
L’
enf
erme
ment
f
ami
li
al
et
rel
igi
eux
La maison finit par devenir pour la jeune fille une véritable prison où il faut
agir selon des r
èg les
établies à l’
a vance « puisqu e
l’
honneur de toute
la f
a mill
e repos e
au premier chef sur [la] réputation [des filles] » (HUUGHE, 2001 :71), sur leur virginité
-à-dire la première génération,
essaient à tout prix de préserver » (HUUGHE, 2001 : 76). « Obj et por
teur de l
’iden t
ité
culturelle »2, Samia doit se conformer à ce modèle comportemental traditionnel fait
d’interdiction s
au nom de la religion des ancêtres : el
le
n’a pas le droit
de sort
ir,
d’a l
ler
1
Ce n’est
pa s seule me nt Sa mia qui n’accept e cette
appe l
lati
on qu’on colle
aux j
eune s f
illes
issue s
de l
’immi gra ti
on ma ghré bine.
El l
e n’ est
e n effet que la por t
e-parole de sa créatrice : « Le titre
proposé par Nini, L’ e ntre-deux, ne convena i
t pas à l
a ma i
son d’éditi
on, Fixot
,
qui pour de s
raisons
commerciales voulait le remplacer par La Beurette. ..
Ma l à l’ais
e
de va nt
les
connot ations de ce
mot, Nini a fini par accepter Ils disent que je suis une Beurette, une formule visant à lui permettre
de sati
sfaire l es e xigenc es comme rciales de l ’
éditeur tout e n s e dé ma r
qua nt d e l a v i
sion
s t
éréotypée a ccolée à
l’étique t
te » (HARGREAVES, 2000 : 54).
2
REVEYRAND O. (1985) :
« De v e
ni r
de femme s d’autres cultures en France » ,
in : Ac tes du
colloque L’ intercul turel e n éducation etsciences humaines, tome II, Toulouse, PUM. cité par
Zohra GUERRAOUI dans son article « L’ adoles c
ente d’origine ma ghr é
bine en Franc e : que ls
choix identificatoires ? », Revue de Recherches en Éducation –1997, N° 20, p. 161
251
faire la fête, de fréquenter des garçons. Quand cela arrive, ses gestes seront punis avec
brutalité par son frère au grand contentement de son père :
Dans son ouvrage Ecrits sous le voile, romancières algériennes francophones, écriture
et identité, Laurence Huughe remarque elle-aussi qu e « l
a vi
ole nce
qui
s’e
xerc e con t
re
les fi
llettes et
les
jeun e
s f
ill
e s
e st
(…) omn i
présente
dans
les
récits »
(74)
des
éc ri
va ines
de la deuxième génération. Ainsi, au fur et à mesure, la famille devient un espace
hostile contre lequel Samia se révolte et
qu’e
lle
fuit
fin
a l
eme nt
.
Qu ant à
la reli
gion, la j
eun e fi
lle
fi
nit
par comprendre
qu e
c’es
t
à cause d’ ell
e
que la femme arabe est obligée de vivre dans un enfermement total.
Il
pa raît
qu e
c’est
la
religion
qu i
ve
ut ça,
e
t
que
chez
nous
la
femme n’a
pas le
droit de faire
te
lle ou
telle ch
o se,
en bre
f,
de vi
vre
normal
eme nt
!
‘Ça n
e se
fa it
pas chez nous’
, c’es
t la ph r
a se magique pour
di
re qu’
il
lui
fau
t a
bsolume nt
rester enfermée! (NINI, 1993 : 6)
Il
n’ y a
rien qui
se f
ait
‘c he z
nou s’
! La
reli
gion ,
el
le a
bon dos quand même !
C’es t t
rop facil
e !
On ne n ous a j
a ma i
s
parlé de
la r
e l
igion […] .
Jama i
s on ne
me de man de mon avis,
si je s
u is
d ’
ac cord
ou pas.
Pou r
moi, ce n’es
t pas ça
la
reli
g ion.
J e
n e
sai
s pas vr aime nt
c e
qu e c’est
, mais j
e
ne
pe ux pas
croire que
c’est uniquement des interdictions qui nous rendront heureux. Du moins pour
la
fe mme ,
parce
que les
h omme s
s’en sorte
nt plut
ôt bien,
dan s
cett
e hi
s t
oire.
Je
suis s ure qu e
le Livre a é t
é écrit
pa r un h omme .
Ce n ’
e s
t pas pos si
ble
autreme nt, une f
emme n’a urait
pa s pu enfonc e
r et
trahir
se s
propres sœu rs
!
[…] A l
a base,
[l
es homme s]
sont déjà mé chants,
e
t l
a
rel
igion ne le
ur ser
t qu’à
assouvir leur méchanceté. (NINI, 1993 : 123)
L’
écol
e
ou
le
pr
emi
er
pas
ve
rs
la
li
ber
té
Da
ns c
et un
ive
rs s
ous
le
si
gne
de
l’
enf
erme
men
t, l
’éc
ole
de
vie
nt l
a s
eule
ù
l’on
252
pe ut
s ’
ima gin er aut
re et parler de s
é t
u de s qu i
lui
entrouvraient
des portes vers
un
ave ni
r
différent, moins désespéré que celui de sa mère » (HUUGHE, 2001 : 77). Si au début,
la jeune f emme f
ait
de l’i
n discipli
n e scol aire s
a ma nièr
e
à ell
e de se révolt
e r
,
ell
e f
in i
t
pa r
c ompr endr e que seu le l
’éc ole pe ut lu i
of fr
ir
ce que s
a mè re
appe lait
« le
bagage »
qui puisse lui donner la chance de quitter la banlieue. Après plusieurs échecs scolaires,
Sa mia finit
pa r avoir son CAP :
c’es t pou r
la
pr e
mi ère fois
qu’ ell
e r
éussit
quel
qu e
chose.
Ma lgré le fait que po ur Sa mi a l’ é
cole signifi
e a us
si isoleme nt,
exclus
ion ,
racisme, elle représente avant tout le pre mi er point
de ruptur
e
avec l’univers
tr
adit
ionnel
de sa famille et le premier pas vers une nouvelle vie et une nouvelle identité. Ainsi,
« pa r
ticipan t
à un t
iers de sa vie qu otidi enn e,
l’
é c
ole n’est pas s
a ns infl
uence sur
l
es
proc essus
d’ide nti
fi
catio n de la petite fille » (GUERRAOUI, 1997 : 160 ).
C’e s
t
à l
’école
que Samia fait la connaissance du professeur de français qui lui apprend à aimer lire et
écrire ;
de Lu dovic,
le g arçon do nt e lle t ombe a mou reuse sans qu e ses pare
nts le
sachent ; de
Cor i
nne, son ami e fra
n ç aise
qu i lui
apprend qu’il
y a
un e
autre v
ie a
u-delà
des contraintes imposées par sa famille ; de Ma r
ianne qu i
l
u i
donn e la
c
h a
n ce
de f
aire
un mé tier qu’ ell
e aime et de pr en dre sa vie en ma in. Par con séquent,
«intégrant
progressivement de nouvelles valeurs, différentes de celles véhiculées par le milieu
familial » (GUERRAOUI, 1997 : 160) , Sa mi a fi
nit
par s
’ él
oigner
du système cul
ture
l de
ses pa r
en ts,
et
d’ i
ci
jusqu’ a u
dé sir
du dé pa rt, i
l
n’y a
plus qu’un s
e u
l pa s
.
Le départ ou la reconstructi
on
de
l’
ide
nti
té
Ainsi, tiraillée entre deux systèmes culturels différents, Samia se voit obligée
de faire un choix difficile : « À qu el
s modè l
es
s’identi
fier? À la jeune femme modèle
qu e se s
parents vou dr ai
e nt voir l
’incarne r? À cette femme française dont elle envie
l’indé pen dance? » (GUERRAOUI, 1997 : 164).
Apr ès s’être r
év olt
é e contre
son pèr e
et
son
frè
re ,
a près
s’être con s
tru i
t
un e vie
à elle grâce à ses lectures et à ses rêveries, Samia trouve la force de faire le pas décisif :
le départ. La jeune fille comprend que si elle veut avoir une vie sous le signe de la
liberté, elle
n’ a qu’ un e solution: rompre avec le passé même si cela signifie en effet
rompr e l
e s
liens qu i l’
attache nt à
sa fami lle mais
qu i
l’
e mpê chent de s’int égrer
da ns la
société française : « Il faut être conforme pour être accepté, puis aimé [...]. Et moi alors,
où je suis dans tout ça? Je ne trouve ma place nulle part » (NINI, 1993 : 245).
Ainsi, le départ de Samia acquiert une multitude de signification.
Premièrement, il signi fi
e
l’aba ndon d’ un rôle
qu i l
ui a été
impos é –le rôle de fille
modè le,
g arante de l’hon neu r
de
toute la
f ami l
le,
et
«l e
re j
e t
d’un e
c ons t
r uction s
oc iale
aliénante et prédéterminée » (GAMBUS, 2009 : 215) :
Peut-ê
tre
qu’el
le a
pensé
que
je
n’os erai
s pas
m’ en al
ler
.
Ma i
s l
à,
ma i
nte
nant,
el
le est
obli
gée de
se r
endre
à l
’év idence (
…) .
Je
m’en vai
s,
tout
m’est
éga
l
(…) .
Je n
’en a
i re
in à
fout
re
de l’au t
ori
sa ti
on,
j’
ai dé
cidé
de m’en pa
sser
.
Je
fe
rai c
e que
j’
ai
dans
la
têt
e.(NINI, 1993 : 257)
En quittant
ses pa r
ents,
Samia fuit aus
s i
l’enferme men t
e t
les int
erdit
set elle
semble prendre enfin l
a
parole
qui l
ui a été r
efus ée pendan t
tant d’
a nn é
es.
En mê me
temps, le départ devient synonyme de la reconstruction de son identité –une identité
complexe où s ’entr
e mêle nt
l’
Oc ci
dent et l’Ori
e nt,
qui soit
acc epté
e par t
ou s
, qu ’
ils
253
soient Français de souche ou immigrés maghrébins. Dans ce sens, nous reprenons les
paroles du personnag e
d’Ak l
i
Ta d
jer
qu i
di
t
:
Av oi
r l
e cul
en t
re
la
France et
l’ Algé
rie
, c’
est
avo ir le cul mouillé, et je ne
support
e pas
d’avoir
l
es f
esses mou i
ll
ées.
I
l y
a long t
e mps que j
’ai pig é que
pou r
êt
re
bien dans
sa
peau et
à l ’a
ise
dans
ses
ba bou c hes,
f a
lla
it surtout pas
choisi
r e
ntre
la Fra
nce et
l
’Al gér i
e…d’ail
leur
s,
pou rqu oi
ch ois
ir puisqu e j’
ai
le
s deux…( TADJ ER,
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254
STRATÉGIES ARGUMENTATIVES DANS LA TRAGÉDIE
CORNÉLIENNE
255
invite ses interlocuteurs à le traiter comme un ami, non comme souverain et conclut
succintement : Je veux être empereur ou simple citoyen.
L’in t
e r
v ention de Ci nn a c on tien t de s pa roles à doubl e s ens , u s
e de
l’indi rec t
ivité po ur c onv ai
n cre s on in terloc ute ur d’ adopt e r l ’att
itude qu’ il pr opos e:
conti nu er
à
rég ner.
Il a ffi
rme qu ’on ne renonce point aux grandeurs légitimes, qu ’ on
gar de sans r emor ds c e qu’ on ac qui ert s ans c rime s,mais Cinna est convaincu du
contraire : le s grande u r s d’Au gu ste son t illég iti
me s, elles n ’on t pa s
é té
a cqu ises
sa ns
crimes. Aug uste a con qu is
Rome par
s es arme s, a ch a ngé
la for me de l’Et at
pa r
le droit
de la guerre et Cinna insinue que pour être usurpateurs, tous les conquérants ne sont
pas des tyrans. Ci nn a a vanc e comme a rg ume nt pr incipa l
l’ amou r
du pa ys qui doit
prévaloir chez un prin c e, l
a n éc essité
de ma inte nir l’or dre ,
de gu ider son pe upl e
c a
r ,
di t
-
il prophétiquement, « l e
pi r
e
de s Etats, c’e st l
’Et at p o pulai re». A l’obje c t
ion
d’ Au gu s t
e
qu ’
à Rome les rois ne son t
pa s aimé s ( «Cette haine des rois, que depuis cinq cents ans
/ Avec le premier lait sucent tous ses enfants » //), Cinna expose une vraie théorie
pol itiqu e con formé me n t à laqu elle la
Prov iden ce ve ille sur l
’ h ist
oire, ma is l’ordre de s
cieux change selon les temps et les lieux.
De son côté, Maxime a sa théorie politique propre : une vraie théorie des
c lima ts, conf ormé me nt à l
aque lle chaqu e pa ys ,
c haqu e pe upl e a l’
or gan isati
on
politique
qui lui convient, les Grecs –aimant la liberté -, s’ac commode n t à l
a répu blique ,
d’au tres
peuples moins évolués acceptent de bon cœu r la mon a rchie e t même la tyra nnie, pou r
les Romains « le seul consulat est bon ». Il recommande à Auguste de ne pas être
l’e scla ve des grande u rs, de le s pos séde r et n on pa s s e laisse r pos séd er, de re non cer a u
pouvoir par une « haute vertu », faisant ainsi « croître sa gloire ». Ma is l
’argume n t
qu i
l’e mpor te sur
tou s
e st un
a rg ume nt
d’ or dre pe rson n el four ni pa r
Ci nn a: l’év ent
u ali t
é
d’ un su ccesse ur d’Aug uste pa reil à lui.
De rrièr e les di scu ssion s polit
iqu e s
gén éral
e s, ce
sont des personnes, des être huma ins
qui s’a ff
r on tent. Le s fac es positive
e t
né ga t
ive s ont
sauvées, les lois de la prudence et de la décence sont strictement observés par les trois
interlocuteurs.
Les stratégies de coopération apparaissent naturellement dans les scènes où
deux amants se déclarent réciproquement leurs sentiments. La sincérité est soutenue par
de s ex agérations da ns c es dé c l
ar at
ion s, la virtu osité poé tiqu e l’empor te su r tout. Le s
a ma nts disen t
tou j
ou rs da vant ag e qu’il n’e st né cess air e,
ils ne fon t
rien pou r sauver leur
a mou r me na cé, i
ls se
dé passe nt
l’u n
l’au tre e n dé clara tion s
ly riqu es, une nobl e gratuité .
Dans Œdi pe , Th ésée pron onc e de be lles pa rol es à l’a dr es
s e de Di rcé ,
parol es
portant la marque de la préciosité, par exemple : « La gloir e d’obé i
r n’a rien qui me
soi t doux / Lor s
que v ous
m’ or donne z de m’ éloigne r de vous ./ Que lque rav age affre ux
qu’ é tale ici
la peste,/ L’ abse nc e aux vrai s amant s
e st enc or e pl us fune ste//.Et Dircé de
lui répondre sur le même ton: Ah ! Seigne ur ,
q uan d l’amo ur
t ient une âme alarmée,/ Il
s’ attac he aux périls de la pers onne
aimé e»//.
L’a mou r
en tre Su r
é na et Eu r
idy ce e st sa ns fa ill
e ,
leu r
c oopé r
a tion est parfa ite
.
Se uleme nt,
i ls sont me n acés de l’ex t
é rieu r e t les pi res da n ge r
s les gu etten t.
Le urs
déclarations amoureuses réciproques sont traversées par la crainte et prennent un ton
é lég iaqu e.
Eu ridy ce tre mbl e pou r la
vie de Su ré na
e t Su rén a pour cell
e d’ Eu ridy ce.
La magnanimité de certains personnages crée le cadre favorable à la
coopération, en effaçant les animosités du passé. Tel est le cas du roi Pertharite qui, à la
fin de la pièce, arrange les choses de manière que tous soient contents, en pardonnant à
tous ceux qui lui ont fait du mal et en récompensant même son adversaire : « Et me
croirais moi-mê me auj ourd’ hui mal he ur eux ,/ Si j e v oya is s ans sce pt r
e un br as s i
256
généreux //. Pourquoi ? Encore et toujours pour la gloire : Et montrer à ce peuple
heureusement surpris,/ Que des hautes vertus la gloire est le seul prix » //.
Stratégies conflictuelles
257
Dans une série de questions, on peut avoir un enchaînement et une progression
des arguments, depui s le
pl us faible ju s
qu’ au pl us fort,
ex .: (Pauline) : « Ne pourrai-je
fléchir la natur e
ou l’amour ,
/ Et
n ’obtiendrai -je ri en d’un époux ni d’un père?// (…)
/
Malheureux Polyeucte, es-tu seul insensible ?/ Et veux-tu rendre seul ton crime
irrémissible ?/ Peux-t u v
oi r t
ant d’amour
sans e n ê tre t
ouc h é?/ Ne reconnais-tu plus ni
beau-père ni femme , / Sans ami ti
é pour l’un e t pour l’aut r
e sans flamme?/ Pour
repr endr e l
es noms
e t
de
ge nd re et d’époux ,/
Ve ux -tu nous voir tous deux embrasser tes
genoux ? »//. Ic i,
l’arg ume n t
le plus fort c’est le de r
n i
e r
, c onsistant da ns l
a preu ve de
l’humi liati
on ,
sacrifice
supr ême po ur un héros c or né li
en .
Une question rhétorique conclut dans une série progressive de questions,
comme par exemple dans cette réplique d’Ar sin oé: « Mais, ô dieux ! pourra-t-elle
borner sa vengeance ?/ Pourras-tu dans son lit dormir en assurance ?/ Et refusera-t-
elle à son ressentiment/ Le fer et le poison pour venger son amant ?/ Qu’ e st
-ce qu’e n sa
fure ur une femme
n’ essaie? »// [Nic.,V,1].
«I l e xiste une é vide nte par enté e ntr
e la né ga tion e t
l ’i
nt errogat ion, l es de ux
repr ésentant un se cond pas du juge me nt par rappor t
à l’asse r
tion. La que s
tion e s
t
argumentativement orientée dans le même sens que la négation » :
236]. On peut le constater aisément des exemples suivants : (Cléopâtre) : « Qu’ ai -je à
crai ndr e,
Ac hor ée, o u qu’ ai-je à regretter ? > « j e n ’ai pl u
s ri
e n à c raindre, n i à
regretter » ;
(Fla min ius à La od i
c e): Puis-je ne pas vous plaindre en cet aveuglement ?
Les mêmes valeurs argumentatives gardent les questions dans les délibérations
intérieu res
, qu and le personna ge s’adresse, rh étor iqu eme nt, à l
ui-même, ex. : Attale,
était-ce ainsi que régnaient tes ancêtres ?/ Veux-tu le nom de roi pour avoir tant de
maîtres ? »// [Nic.,IV,6].
Les interrogations rhétoriques ont une forte valeur argumentative, le locuteur
con sidè re
la répon se comme all
an t de
soi, tan t
pou r
lui que
pou r l’inter l
oc ute
ur; e ll
e
jou e alors le rôle d’u ne as serti
on, d’un e vérité g éné r
a l
eme nt admi se.
La répons e e s
t
con sidé rée mê me su pe r
flue pa r
ce qu e l’aff
irma tion es t
c on t
enue , de tou te évide nc e,
da ns la ques ti
on r hé tori
qu e e t impl i
qu e de s v érités plu s p rofon des qu’ une s impl e
réponse, positive ou négative: « Pourquoi suis-j e Romai ne ou que n’es -tu Romain ? »
[Camille, dans Horace, II,5]. Personne ne saurait répondre à une telle question.
(Horace) : « Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur? » C’ es t
i
ncon cev able
pour un héros cornélien.
La question peut se constituer en maxime, ex. : (Pauline) : « Mais que sert le
mérite où manque la fortune ? » [Pol.,I,3] ;« De quoi remercier qui ne me donne
rien ? » [Pol.,III,
3 ].
Da ns d’au tr
es cas, l
a qu es t
ion rhétoriqu e se fait
pr es sant
e ,
pa r ses
implications, dans
tou s l
es cas elle me t l
a
pre ssion sur l
’inte rl
oc uteur, ay ant une va leur
pe rl
oc u t
oire suivie d’ une ju sti
fication /explication , e x.: « Qui ne s
e rait t
ouc hé d’un si
tendre spectacle ?/ De pareils changements ne vont point sans miracle »// [Pol.,V,6]
(Cette question est placée au moment où Pauline et Félix se convertissent au
christianisme).
La question se prête à merveille à exprimer la subjectivité, des états psychologiques et
des émotions au-de l
à
de
l’appe l d’infor mation ou de confirmation.
La question se transforme aisément en acte de protestation, ex. : (Sabine) ;
« Dieux ! verrons-nous toujours des malheurs de la sorte ?/ nous faudra-t-il toujours en
craindre de plus grands,/ Et toujours redouter la main de nos parents ? »// [Hor.,III,6] ;
(Nicomède) : « De quoi se mê le Rome , et d’ où pr end le s
énat ,
/ Vous vivant, v ous
régnant, ce droit sur votre Etat ? »// [Nic.,II,3].
258
On répond parfois à une question par une autre question, chacune résumant
une attitude, une conviction de chacun des protagonistes : (Valère) : « - Quel forfait
trouvez-vous en sa bonne conduite ? » / (Le Vieil Horace) : « - Quel éclat de vertu
trouvez-vous en sa fuite ? » [Hor.,IV,1] ; (Né ar que): « - Vous voulez donc mourir ? » /
(Polyeucte) : « - Vous aimez donc à vivre ? » [Pol.,II,6].
La question exprime, par sa nature, une incertitude, un doute, mais parfois elle
est e mpl oy ée
pou r
a f
f i
rme r
le cont r
aire
de c e qu’on me t en dou te: (Valère) : « Quelle
conf us ion, e t
que l
le hont e à v ous /
D’ av oir produi t
un fil
s qui nous
c onserv e
tous ,
/ Qui
fait triompher Rome, et qui gagne un empire ?/ A quels plus grands honneurs faut-il
qu’ u n pèr e aspire? »// [Hor.,IV,2] ;
(D. Isa belle): « Pourrais-je alors manquer de force
ou de cour age /
Pour
e mpê che r
le sort d’abat t
re mon ouv rage? »// [Don Sanche, IV,5].
La question sert, évidemment, à la délibération, à la mise en balance de deux
alternatives, de deux motivations ou de deux impératifs, autant légitimes : (Séléucus) :
« Ah ! que vous me gênez/ Par cette retenue où vous vous obstinez ! / Faut-il encor
régner ? Faut-i l l
’aime r encor e?// ;
(Antiochus) : Puis-je vivre et traîner cette gêne
éter ne l
le,/ Conf ondr e l’innoc e nte ave c la c r
imi nelle?/ Vivre, et ne pas pouvoir vous
voi r sans m’ alarmer?/ Vous craindre toutes deux, toutes deux vous aimer ? »// .
Elle sert à formuler une réserve à une attitude trop enthousiaste, comme
correction : (Sévère) : « Ah ! quel comble de joie ! / Cette chère beauté consent que je la
voie !/ Mais ai-je sur mon âme encor quelque pouvoir ?/ Que lque reste d’amour s’y
fait-il encor voir ?// » [Pol.,II,1]. La correction se fait aussi, parfois, par
renchérissement : (Sévère à Pauline) : « Un cœur
qui vous
c hérit (mai s
que l
cœur asse z
bas/ Aurait pu vous connaître et ne vous chérir pas ?) »// [Pol.,IV,5].
Qu and la
qu estion es t emba rra ssa nte, inc
ommode , l’
a l
loc ut
a ire
pe ut
c hois
ir de
n ’
y pa s r
é pon dre,
le sil
en ce éta nt aussi un e répon se à une dema nde: (Albin à Félix) : « -
Que ferez-v ous e
nfin s
i toujo ur s il
s’ob stine? » / (Félix) : « - Ne me presse pas tant :
dans un tel déplaisir/ je ne puis que résoudre, et ne sais que choisir »// [Pol.,III,5].
Les reproches sont plus forts quand ils sont formulés so us forme de questions :
(Polyeucte) : « Fé lix
, c ’est donc ains i que v ous par lez s ans far d? » [Pol.,V,2] ;
(Cléopâtre à Laonice) : « N’ appr e ndras -tu jamais, âme basse et grossière,/ A voir par
d’aut res yeux que
le s
yeux du vulgai r
e? »// [Rod.,II,2] .
Sou s f
orme inte r
roga tiv
e ,
on pe u t f
or mul er
un acte de la ngage d’ autorit
é, on
reje t
te le droit à l
’é nonc iat
ion d’un in t
e rloc ut
e ur: (César à Ptolomée) : « Connaissez-
vous César, de lui parler ainsi ? [Pomp.,III,2] ; (Don Ma nriqu e): Tout beau, tout beau
Carlos ! d’où vous vient cette audac e?/ Et quel titre en ce rang a pu vous établir ? »//
[Don Sanche,I,3].
El le peut se r
v ir de j ustif
ica t
ion à un e ma uvaise a cti
on d’ un pe rsonnag e:
(Laonice) : « Que pouvait-elle faire et seule et contre tous ? »/ (Croyant son mari mort,
ele épousa son frère)// [Rod.,I,1] ; (Clé opâ tre): « Pour
v ous
sauv er l’Etat que n’eus sé-
je pu faire »/ [idem,II,3].
Les protagonistes se complètent réciproquement, sous forme de question –
réponse par une autre question : (Séléucus) : « - O mon cher frère ! ô nom pour un rival
trop doux !/ Que ne ferais-je point contre un autre que vous ? »/ - (Antiochus) « –Où
nous vas-tu réduire, amitié fraternelle ?/ (Séléucus) : Amour, qui doit ici vaincre de
vous ou d’e l
le? »// [Rod.,I,3].
Un e questi
on (ou
une série
de qu es t
ion s)
sert
de r
év élateur d’un e modi fi
cation
de l’u n
iv ers épisté
mi qu e d’un pe rsonn ag e, de s on change me nt d’atti
tu de: (Rodogune) :
« Et tantôt mes soupçons lui faisaient une offense ?/
Elle n’avai t
rien fait
qu’ en sa
jus te
défense/ Lorsque tu la trompais elle fermait les yeux ?/ Ah ! que ma défiance en jugeait
259
beaucoup mieux ! »// [Rod.,I II,1].
Elle dit
pa rfois le cont raire, en
vo il
an t l
’assertion pa r
l’in terrog ati
on ,
é t
a nt ains
i u ne strat
ég i
e d’in directivité.
Un rejet, une réfutation peuvent être également formulés sous forme
d’ interr oga t
ion ,
n on pas
s eu l
eme nt
de
n égat i
on polé mi qu e: (le Vieil Horace) : « Qui le
fait se charger des soins de ma famille ?/ Qui le fait, malgré moi, vouloir venger ma
fille ?/ Et par quelle raison, dans son juste trépas,/ Prend-i l un
intérêt qu’un père ne
prend pas ? »// {Hor.,V,3].
Une ironie peut être formulée sous forme interrogative : (Don Lope à Carlos) :
« Eh bien, seigneur marquis, nous diriez-vous, de grâce,/ Ce que, pour vous gagner, il
e st bes oin qu’ on fass e? »// [Don Sanche,I,4].
Reprise, la question renforce un contenu posé toujours sous forme de question,
pa r ex. quand Don Sa nche s’adresse directement à son honneur : « Consens-t u qu’on
diffère, honneur ?Le consens-tu ? » [II,3]
Tout comme les tirades et les monologues des personnages, les dialogues
reposent sur le dilemme, né des obstacles qui se dressent devant les protagonistes.
J.Gardes-Tamine [1996 : 88] considère le dilemme comme un cas particulier de
ra ison ne me nt pa r d éduction . Av ec l e di lemme , c ’e st un e a l
terna t
iv e e nt
r e de ux
propositions opposées qui est envisagée. Or, dans ce cas, de chaque alternative se déduit
la même conséquence, des résultats de même valeur. « La conc l
usion, c ’
e st
qu ’il v
aut
mieux ne rien faire, ce qui au moins ne demande aucun effort. Le dilemme, qui semble
fai re le tour d’une que st
ion, a l
es app are nce s d’u n r aisonne ment solide, alor s qu’il
repose souv ent sur une simpl if
icati
on de s d onné e s,
et s
ur le refus d’ envisage r de s
solutions intermédiaires » [idem]. Ce l
a
n’ est pa s tout à fait vra i
da ns le cas du h ér
os
cornélien. Corneille se refuse à lui offrir des solutions commodes et le met dans des
situa tion s proc he s de l
’a goni e. Les obstac les ex t
ér i
eu rs c
on sistent da ns
le heu rt de la
v olon té du h éros c ontr
e ce l
le
d’un aut
re pers onn age ou con tre
u ne
s it
u a
tion de
fait
impos sible. La criti
qu e a s oulign é
le mé rite de Cor ne ille d’av oir int
é rioris
é l
e conflit
dr ama tiqu e,
de
l’a voir t
rans féré sur
le plan ps ych olog i
qu e [
SCHERER,
1966: 103]. Les
obstacles intérieurs provoquent le malheur du héros par un sentiment, une tendance ou
une passion qui sont en lui-même, déclenchés seulement, non pas entretenus par des
fa it
s
ex té r
ieur s.
Si le héros s e
dé robait
ou
fuy a i
t les obs tac l
es inté r
ieurs, il
n’y au rait
pas
de problème. Mais il admet leur légitimité et accepte de lutter contre eux, sans penser
a ux ava n t
ag es et aux désav anta ges.
Le
hé ros cor nélien trouv e l’obstacle non seulement
en lui-mê me , ma is au ss
i da ns l’êtr
e aimé .
Da ns leur s
di alog ue s,
les héros s
e
dé mè nent
entre deux exigences irréconciliables. Le sujet du Cid, pa r
e xempl e ,
n’e st
t
ragiqu e que
pa rc e qu e les h éros veule nt s a
tisf
aire à la f ois le ur “ gloire” et leur a mou r .
Si on
su ppr ime l
’un des t
e rmes du dil
e mme , i
l n’ y a ura plu s de probl ème , ma is ni de f
orce
dramatique spécifiquement cornélienne. Corneille imagine des intrigues impliquant un
choix entre deux attitudes également légitimes, mais irréconciliables. Le choix est à la
fois urgent et impossible. On peut résumer cette situation en citant un personnage
cornélien: « Devine si tu peux, et choisis, si tu oses » - dit Léontine au tyran Phocas qui
v eu t
tu e r
Hé ra cl
ius ,
l’
héritier légit
ime du trôn e, ma is sou s
l’ide nt
ité du que l
pou r
ra i
t
se
cacher son propre fils [Héraclius, IV, 4].
La situation impossible dans laquelle se trouve le héros cornélien lui arrache
parfois des cris poignants. Par exemple, Jocaste dans Oedipe [IV, 5]: « Je vous dois de
l’amour , je vous doi s
de la ha i
ne ;
/L’un e t l’
aut re me pl aît,
l’un et
l
’aut re me gêne ,/
Et
mon coeur qui doit tout et ne voit rien permis/Souffre tout à la fois deux tyrans
ennemis » (v.l566-l568).
260
Comme dans les tirades et les monologues, le héros pèse, à travers le dialogue
av ec les autres personnages, le pou r et l
e contre ,
constat
e que la ré al
isati
on d’un e
alternative mè ne a u sacri
fice de l’a u
tre,
c e qu i l e rendra tou t
a us s
i ma lheu reux.
Evidemment, dans le dialogue, une alternative peut être soutenue par un personnage,
l’autre pa r
son i
n t
erl
oc ut
eu r.
Il
s ne s
on t
pa s
tou j
ou rs de s
enn emis .
Au
c on t
rai
re, il
y a
de s c
a s où
ils
son t
de s
amou reux, des êt
res t
rès attac hés l
’un
à l’
a utr
e, on pou r
rait dire
de s f
ac es d’un mê me
être,
tels
Ch imè ne e
t Rodr igu e, Polyeuc t
e et Pau li
n e
, et
c .
C’ est
pourquoi, sur le plan de la forme, Corneille les fait souvent employer les mêmes mots
repris de l’un à
l’autr
e
dans leurs
répliqu es.
Le s personna ges
se serven t de toutes sorte s d’ar
gume nts pour s
econvaincre
l’un l’autre de la nécessi
té d’un ch oix .
I
l s’a
g it
pa rtou t
de deu x
de voirs i
n concil
iabl es
qui entrent en conflit. Le dilemme est pour Corneille prétexte à des virtuosités
stylis
tiqu es. Il
a pparaît
souve nt sou s la forme d’ un s yl
log i
sme , avec unepremière
hypothèse, une deuxième hypothèse et une conclusion. Le dilemme peut servir à
d’ingé nieus es
oppos iti
ons de mots. Cor neil
le prê t
e dans Polyeucte, par exemple, ces
mots à Félix qui parle de son gendre: « Ai nsi t
ant ôt pour l
ui je
m’ expos e au t
répas ,/Et
tantôt je le perds pour ne me perdre pas » (III, 5). Ou bien, dans Attila, Honorie, qui
redou te à l
a f
ois d’êtr
e épous ée et d’être dédaig née
pa r Atti
la, pronon ce ce vers qu i
semble absurde: « Je meurs s’i
l
me choi s
it,
ou ne
me c
hoi s
it
pas»[II, 1].
On pe ut constat
er qu e c hez Corn e
ille, la pr ofusion de s idé es
s ’a
lli
e à l a
virtuosité poétique. En dehors des cas (assez fréquents) des rimes conventionnelles,
parfois la rime elle-mê me n’est
p as «innocente ». Fait-il par hasard ou à dessein rimer
« Pulchérie avec supercherie » ou bien, dans la bouche de Cléopâtre, « Rodogune avec
importune ? » On ne peut pas le savoir.
Conclusion
Expression vigureuse et exaltation passionelle se combinent harmonieusement.
A cet effet, un arsenal de figures, de stratégies arumentatives et de procédés rhétoriques
est mis à con t
ribu ti
on .
Le persson age c ornélien débat
,
raisson e, ma i
s n’oublie j
a ma i
s de
faire sur
g i
r l
es élans de son cœu r
. La rhétorique
est
l’i
nstrume nt
de
la volonté en parole
qui peut détérminer la volonté en actes. Les tragédies de Corneille sont a la fois
convaincantes et fortement imagées. La partie argumentative est basée tant sur des
réflexions logiques glissées dans le corps des pièces, que sur la persuasion donnée par
une certain e e
x agération de st
inée à
impr ess
ion er j
usqu’aux
larme s.
BIBLIOGRAPHIE
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Coll. « Philosophie et langage », Bruxelles, 1983
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Gardes –Tamine, J., La Rhétorique, A. Colin, Paris, 1996
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In trodu ction à l
’étude du
dis
cours, Ed.Universitatii din Bucuresti,
1998
* Pierre Corneille, Actes du Colloque de Rouen du 2 au 6 oct. 1984, P.U.F.
* *
261
INCONSTANCE DU MOI ET DISSOLUTION DU RECIT
DANS
L’AUTOBIOGRAPHI E MODERNE
Maricela STRUNGARIU
Université « Vasile Alecsandri », Bac
Le projet c ommun à
tous le
s autobi ograph e
s est la r ec on st
ruction de l
’h is
toire
pe r
son nelle
don t l’un des buts pri
n cipa ux es t
un e
me illeu re con na is
sa nce de soi.
Ma is l
a
reche rche de l’ide n t
ité s ’avère l e pl us s ou ven t
di fficile, v oire i mpos sible. Nou s
essay erons da ns c e qu i
s ui
t d ’ame n er en di s
cus si
on que l
qu es -uns des éléments qui
en t
rav ent
l’autocon n aissanc e
et l’
au to-représentation littéraire.
Pu i
s que l ’a utobiograph i
e e st le r écit
qu ’un e pe r son n e fait de sa pr opre
ex i
sten ce,
le narr
a teu r,
le person nag e et l
’aut eur s
ont iden t
ique s du poin t de v ue forme l.
Le narrateur autobiographique parv i
e nt à établir
l ’
équ i
v al
e nc e e nt
re les troi s i
n stances
na r
rat i
ves par le
pa cte autobiog ra
ph iqu e qu’ il
s
celle
ma nife st
e me n t
dan s la préfac e ou à
l’i
n t
é ri
eu r
du t
exte , par l
a me nti
on du nom du personn ag e au se in du réc it ou bien
da ns
les séquences métadiscursives qui sillonnent le texte. Mais du point de vue
psy chologiqu e,
ph ilosoph ique
ou
n arratif,
la qu es
tion n’ est
pa s
s i facil
e à tra nc her.
On n e
sau ra i
t pens e
r
l’i
de ntité sans fa i
re
ré f
é renc e à l’autre qui est, au fond, un
miroir pour le même. Soi-même est conçu comme un autre. Pourtant, il y a une
spéc i
f i
cité
et une u nicité de chaqu e être qui lui as
sur e
nt l’i
n div idu alit
é .
L’ ipseité désigne,
selon Ricœu r, l
’homme dans
sa
réf l
e xivit
é , son i
de ntité n arr ative .
La di alec ti
qu e en t
re
l’i
de ntit
é c omme mêmeté ( c
omme pe r
ma ne nce) e t l’ide n t
ité c omme s oi (ide ntit
é
plurie l
le,
suppos ant l’évolution et l
e
c ha nge me nt
tout au lon g de sa vie) se jou e dan s l
a
mi se en int
rigue, da n s
le dérouleme n t
de l
’hi stoir
e racon tée (cf. RI CŒUR,1985: 358). Si
la sing ulari
té d’ un i ndividu e st a s
s urée pa r les inv ariable s de l ’
être , s on iden ti
té
«plén ière» ne s’articu l
e
qu e dan s
la di me nsion t
empor elle de s on exist
e n ce , qui per met
d’y e nglober aussi le s i
ma g e
s
de
s es moi passés. Par sa forme narrative et par le respect
de
l’ordre chronol og iqu e
, l’a
utobi og r
a ph i
e se mbl e
déte nir les me illeurs ins t
r ume nts
pou r
la reconstruction de cette identité qui pendule incessamment entre la permanence et
l’évolution.
Le je autobiographique apparaît pourtant comme une instance instable,
mouvante, qui n’ e x prime pas né c
e ssaireme n t une équiv alenc e pa rfai
te en tre le narrateur
262
et le personnage du récit, étant, au contraire, susceptible de dissimuler une polyphonie
étou r dissan t
e . I l y a a u moi ns de ux f or me s de di s jon ction à l ’int
é rieur du je
autobiographique: l’un e qu i
e st i
n hére nte a u rega r
d rétros pe ctif et l’autre
qu i déc ou le de
tou t pr ocessu s d’ aut
oc onn a i
ss anc e.
Le dé dou bleme n t
es t
con su bstan tiel
à
la conn a issan ce
de soi et à tout dis
c ou rs a utoré férentie l
. « S’ide nti
f ier
abs olume nt à soi, iden tifi
e r son
je
avec le je que je raconte est aussi impossible que de se soulever soi-même par les
ch ev e ux» ,
affirme Ba kh tine ,
en sugg é ran t ainsi qu’un il s ’i
ns inu e s ubre pticeme nt e
t
fatalement dans tout récit intime. Du fait que le pronom de première personne du
singulier est, au fond, un masque derrière lequel se cachent un sujet qui parle et un objet
dont on parle, nous pouvons dire, avec Lejeune, que «toute autobiographie est par
définition indirecte» (LEJEUNE, 1980 : 38).
Le s allé e
s et
v en ues e ntre le
pa s sé de
l’histoire et le pré sent de l’
é c
r it
u remettent
souvent en évidence la tension qui existe entre le moi qui raconte et le moi qui est
rac on té .
Ce qu i les sé par e, c’est u ne tran ch e de vie de long ue ur va riable q ui influe sur
leur identité. La croissance et le vieillissement sont des éléments de dissemblance à
cause du temps devenu lui-mê me ici
un fa cteur
d’é cart et de dif f
ér enc e. L’ipsé it
é du soi-
mê me impl i
qu e don c l’altérité (cf. RICŒUR, 1990: 142). En c ons équ en ce,
on n’ est plus
au tor isé à pa rler
d’u n e ide ntification abs olu e entre
le pe rson nag e et le narrateu r d’ une
autobiographie. L’ h é térog éné ité du moi , in du i
te pa r l’éc ou le me nt du temps , pe r
tu rbe
l’ide nt i
té du su jet,
d’ où l’impos sibili
té de coïn ci
de r
a vec soi -même. La subjectivité est
brisée. Le discours autobiographique est polyphonique, en instituant toujours un dialogue
entre le moi présent et le moi pa ssé, qu i n’e st
plu s dé jà moi, mais il. Entre le sujet de
l’én on c i
ation et l
’obj et de l
’é non cé i l
s e c reu s
e un foss é qu e la mé moi r
e n’ e
s t pa s à
même de remplir, vu son inconstance.
La mé moi r e sign ifie sélec t
ion ,
pu isqu’ e
lle na ît
de l’in t
e raction entre l
’ ou bli
e t
la
préservation du passé (cf. TODOROV, 1999 : 14). Il en est résulté que la restitution
intégrale du passé est utopique. Tandis que certains souvenirs réussissent à franchir la
fron tiè re
tempor ell
e, d’ autr es s’avè rent à ja ma is
pe rdus et d’ au tres mê me es
s ent i
elleme nt
dé for mé s
pa r l ’i
ma gin ation. Pu isqu e l e t rav a
il mn émon i
qu e n’ es t
pa s
e x empt de s
imprécisions inhérentes à toute avancée à tâtons, ses lacunes doivent être comblées par la
raison et
l’inv en ti
on . Se l
on
Pa u l
Ri cœu r,
l’ima gination –qui est, évidemment, un facteur
essentiel dans la construction de la fiction –joue également un rôle plus ou moins décisif
dans le récit factuel où «sa part croît à mesure qu e
l’a ppr ox ima t
ion se fai
t pl us s e
r rée»
(RI CŒUR, 1985: 26 6). Et c ela pa r
c e qu e l a mé moi re s ’assoc ie c ons tamme n t
à
l’ima g i
n at
ion da ns so n effort de recon stru i
re l
e
p assé. La mé moi re n e pe ut
resti
tu er qu e
des bribes du passé, à cause de deux séries de déformations qui sont infligées aux faits:
ce ll
e s de la c onn ais san ce e t c e l
les du s ouv enir: « De mê me qu’ il n’ y a pa s de
con n a issance vr aie
d’ un évé ne me nt qu e l
c on qu e,
de mê me , e t
à plu s forte raison ,
il ne
sau ra it y avoi r de
souv en ir pa rfaiteme n t obj ectif
[…] . L’ in compl étu de appa raît
don c le
rég ime natu rel de l
a mé moi r e» (
GUSDORF, 1951: 2 11) . Il s’ensui t qu e l’effor t
de la
plu pa rt de s au t
obi og ra ph es d’ ordon n er les sou ven ir
s relèv e d’u ne dé ma rche artifi
c iell
e
qu i ri sque de n uir
e a u c on t
r at de vé ri
té :
« L’aut obiog raphie entreprend de mettre de
l’ordr e dans le
pa ssé; ma is pe ut-être le désordre est-il plus significatif, dans son fouillis
orig in aire,
qu e l’ordr e qu ’on lui impos e pa r
v oie d’a utorité » (GUSDORF,
1991: 470).
La narration traditionnelle imposée par Rousseau ne peut plus satisfaire les
écrivains du XXe s ièc le, lesque ls tente nt de s’adapt er
a ux nou ve aux probl ème s pos és par
la re c herch e et la re pré sen t
a t
ion d e l’intérior i
té. Le s n ouv elles appr oc h es prop os ées au
début du siècle par la psychanalyse, par la philos oph ie e t pa r l’ethnol og ie
pa rvie nn ent à
ébr an le r
la n otion
d’ ide ntité. L’a uton omi e du sujet se trou ve dè s lors
ra dicaleme n t
mi se
263
en doute, phénomène qui se reflète naturellement au niveau de la représentation du moi.
Le renouvellement formel du genre autobiographique est en partie entraîné par la
révélation apportée par les études psychanalytiques quant au caractère illusoire de
l’au tocon n aissance . L’ au thenticité qu i e st v i
sé e pa r le s a utobi ogr aphe s de vient, à la
lumière de ces découvertes, un leurre. La pr atiqu e t
ra ditionn e ll
e de l’autor epr ésen tation
e st
re mi se en qu estion ,
de sorte qu e les éc r
iv ains n’h ésiten t pas à « t
ra que r» leu r vérité en
usant de stratégies des plus variées, empruntées, pour la plupart, à la fiction. Etant donné
le fonctionnement aléat oi re de la mé moi re, la rec onstru ction chron ologi qu e de l’histoire
pe rson ne ll
e s’avè re e l
le au ssi falla ci
e use .
Le ré ci
t l iné aire fa i
t pl ace à un e é criture
a nalog iqu e ou fr
a gme ntaire. Le mou le da ns l
e qu el
l’a utobi og raph ie était pl ac ée de pu i
s
Rousseau sera brisé. Celle-ci pourra dès lors être conçue comme un texte non
nécessairement ou strictement narratif.
Michel Leiris (L’ Age d’ h omme - 1939, La Règle du Jeu - vaste cycle
autobiographique publié entre 1948 et 1976, le Ruba n au co u d’Ol ympi a–1981, A cor et
à cri – 198 8) s’adon n e ju s
te me nt à une telle entrepr i
s e de ren ou velleme nt de l’écriture
é gotiste, en prépa rant le t e
rr a
in pou r les di verses expé rie nces d’ordr e au tobi ogra ph i
que
qu i s e ma n i
festeron t da n s la pé r iode de l ’
apr è s
-guerre. Dans L’ Âge d’ homme , son
premier texte autobiographique, Leiris ne tente pas de se connaître, mais de surprendre
e n un e sorte d’ i
ma ge ins t
an t
a né e se s
«inv a r
iabl es». Ai ns i, en l
’ absen ce d’ un t
y pe de
narration qui puisse - telles les photos ou les toiles – tr
a ce r les ligne s
de l’a utoportrait,
Leiris choisit de sculpter sa statue en entassant des faits divers de son enfance et de son
a dole scen ce autou r d’ un thè me dire cteur .
Ce
li
v re
n’a pa s été é crit
da ns l’or dre où n ous
le
lison s a ujourd’h u i
. Il y a eu pre mi èreme n t
un tr
a va i
l d’ a ccumulation et de rédaction
de s s ouv en i
rs d’e nf ance ,
l
a cré at
ion d’ un corpu s
de doc u me nts, à la
qu e lle a suc cédé,
qu elqu es ann ées pl us
ta rd, la c ompos ition propr eme nt di te de l’ouv rag e, c on si
s t
a nt à
insérer dans un discours suivi les fragments disparates. Le résultat: un collage ou un
«photo-montage» créé par simple juxtaposition et visant à saisir les analogies apparentes
ou secrètes entre les événements personnels. La discontinuité temporelle semble se plier
parfaitement au désir de Leiris de (re)construire son existence, étant donné que son
e ntreprise vise à dé li
vre r le moi de l’e
mpr ise
du temps . Pui squ e ce tex t
e pr étend r évé l
er
« ce qu e je su i
s ma intena nt, t
an dis qu e j’écr is
ce livr
e », le te mps pa raît
n e pa s y oc cu per
trop de place, étant mis au second plan. Il est morcelé pour se perdre ensuite dans la
grande masse des fragments textuels collés selon une logique secrète et, en tout cas,
indépendante de leur chronologie réelle. La technique du collage est, du reste, à la portée
de Le i
ris, qu i
l’a bea ucou p ex périmentée et exploitée dans ses textes poétiques de la
période surréaliste. Depuis Biffures j
us qu’ au de r n
ier tome de La Règle du jeu, Frêle
bruit, et même après, dans Le ruban au c ou d’Ol y mpi a et À cor et à cri, la fragmentation
du récit devient de plus en pl us év iden te. Ce tex t
e, qui se dé ch ir
e jusqu’ à dispa raître,
té moi gn e de l
a pe rte d’ide ntit
é
du p erson na ge,
c omme le su gg ère Ri cœu r, é t
a nt à la fois
le
sign e d’u ne écritu r
e
qu i s’étou ff
e peu
à
pe u
sou s
son propr e
poi ds.
Pour Leiris, son trajet existentiel n’est pas un e suite chron olog i
qu e de faits
,
ma i
s un r épertoire d’év é neme n ts
, qu e lu i seul serait à mê me d’ ordo nn er s elon un e
log iqu e pro pre, en fon ction des liaisons intime s qu ’i
l e ntre ti
en t av e
c le
mon d e.
L’ au teur
n ’écrit pa s sa vie, ma i
s la recré e
pa r
son écriture, étant son propre démiurge. Morcelé,
sy nc opé ,
in cohé ren t
e t
é tourdis sant, son tex te
n ’est,
a u f ond, qu e l
e mir oir qu i réfléc hi
t
l’ima ge de
l’homme
mode r
n e à la
re che rche de son
un ité pe rdu e.
Tou t comme Le iri
s, Rol an d Ba rthe s,
s’appl iqu era un pe u plus tard à dénoncer la
conception de la vie comme totalité signifiante et à prouver le caractère discontinu de la
réalité. Il tente, dans son Roland Barthes (1975), de démystifier le concept traditionnel
264
de littérature autobiographique, en nous montrant du doigt « le monstre de la totalité »
qui pr étend régir
ce genre
de
récit
et en
fai
sant
l’éloge de
l’écriture
fr
agme ntaire:
« Écrire par fragments : les fragments sont alors les pierres sur le pourtour du
cercle :
je m’é tal
e en r
on d: tout mon petit uni vers en mi e t
tes. […] j’
ai le goû t
préalable (premier) du détail, du fragment, du rush, et
l’ inhabi li
té
à le
con du i
re
v er
s un e “compos ition”: je n e sais
pa s re produ ir
e “ les ma sses”.
Ai ma nt à
trouver, à écrire des débuts, il tend à multiplier ce plaisir : voilà pourquoi il écrit
des fragments : autant de fragments, autant de débuts, autant de plaisirs (mais il
n ’
aime pa s l
e s fi
ns: le risque de clausule rhétorique est trop grand : crainte de
ne savoir résister au dernier mot, à la dernière réplique)» (BARTHES, 1986 :
97-98).
265
La distance temporelle entre le narrateur et le personnage fait que ce dernier soit
vu parfois comme un autre de soi-mê me : «[le] p etit garçon qu i
acce ptait d’êt
re nu l au
gy mna se ma is
n e
pouv ait
pa s
tol
érer qu ’on l’habillât d’ une fa
ç on
jug ée
pa r
lui i
ndign e de
son âg e
(…) » (LEIRI S,
1984: 120). Le recul du narrateur favorise un regard détaché sur
le person nage .
L’
éca rt
tempor el amè ne le n arr
a teu r autobiog r
aphiqu e à objecti
v er les
étapes révolues de son moi. La mul ti
plicité d’ i
ns tan ces cachées pa r le pron om de
première personne est exhibée dans Roland Barthes pa r
Ro land Barth e s
, où
l’a
lterna nce
Je/Il traduit l’écar
t entre l e
suje
t et l’objet de l
’a utobi ograph i
e, a
in si qu e de t
ou t texte
au t
or éférentiel ou
de tou t
e f
orme
d’a utorepr ésentation .
L’é cri
v ai
n de
lit
té rat
ure
in t
ime est
à
ch aqu e i
nstant me nacé par le double qu ’il
crée par son écriture, un autre de soi-même qui parle en son nom, un substitut qui
pourrait remplacer le modèle ou se retourner contre celui-ci pour le nier en tant que
vivant. Leiris considère son moi pa ssé comme «un a utre
que ,
déjà
, l
’on
ne
con naît
qu e de
mémoire quand il se profile sur le papier» (LEIRIS, 1985 : 221). Cet autre, ce double de
soi-même, se fait voir parfois dans La Règle du jeu, et plus souvent dans les derniers
écrits, sous le nom de il,
té moignan t
du dés i
r de l’é crivain de nie
r ses propres échec s
ou
de
fu ir
l’ombr e
de l
a mo rt:
« Tr i
stesse qu e n’at
ténua i
t pa s l’
idé e qu e
, t
outes ch os es ét
a nt vaines,
c e qu’i
l
avait pu faire ou ne pas faire était sans importance, il se disait que pas grand-
chos e de s a v i
e ne v audr ait
d’ être retenu. Echec pa rtout: c omme écri
v ai
n,
puisque, presque i
nc apable de dé pa sser
le r
egard sur soi
il
n’ ava i
t que r
areme nt
att
ein t
à la poé si
e (…) , c omme réfr
a cta
ire
, pu i
squ e jama is il n’avait
fu i
le
confor t
bou rgeois… » (
LEI RI S, 1986: 287).
Dans Frêle bruit de Michel Leiris, la IIIe personne tend à se substituer à la Ie,
comme si l
’aut
obiogr aph e crai
gnait
de se dé si
g n er
di r
ecteme nt.
Il endosse le ma sque
sécuri
sant
de l
a non personn e pour
pa rl
er du vieillard qu’i
l est
deve nu et
auqu e l
i
l refus e,
peut-ê
tre
, de
s’i
den ti
fier:
« S’il
en tr
ouv ait
l
e courage
et disposait des complicités voulues, la meilleure
tact
ique qu’ i
l pou r
ra i
t adopter
, parv e
n u presqu e au bout
de s
on rou leau (…) ,
serai
t sans dou te
d’imi t
er ces
an ciens rois n
ilotiques qui,
se
n ta
nt leur capa ci
té
de r épondr e à l ’at
tente de l eur pe u pl
e s ’é
pu ise
r a vec leur vigueur,
comma ndaient qu’on c r
eusât
leur t
ombe ,
s’y ét
e ndaien t
et,
à
la f
in
d’ un di
s cours
dans lequel ils avaient énoncé leurs recommandations dernières, ordonnaient
qu’on les
recou vrît
ave c
des
nattes…»
(ibidem : 321).
Pour saisir sa propre substance, le moi doit prendre ses distances avec soi-
e
mê me ,
v oire se fr agme nter afin de briser
son é cor
c e pr
otec t
rice .
L’e
mploi
de la
II
I
personne dans Frêle bruit re l
ève de l’
ident i
té mul tipl
e et dispe rs
ée du
suje
t qui
se
cherche et se dit à travers une foule de représentations imaginaires:
« Par la dé si
g nation
obli
que
d e
soi
, l
’auteur n’
entend
pas
signal
e r
son
étrangeté,
ou son anonymat ;
ma i
s i
nst
aurer,
à
l’i
nt é
rieur
mê me de
l’i
nst
an ce énon ci
atri
ce
en que stion, un pa r
tage
qui
équi
v a
u t
d’
a il
leurs
à l
’épar
pil
lement poétique choisi
pour le livre » (CLEMENT, 1999 : 156).
L’usa ge alt
e r
n é des pr
onoms personnel
s e
s t
,
en mê me t
emps, un e ma nièr
e de
s
ugg
ére
r l
’i
nsta bilit
é et la
facti
cit
é
sur
les
qu el
les
s e
fondent
, en
réa
lit
é,
ces deux formu les
266
de la subjectivité et de l
’obje cti
vité huma i
n e.
Rol and Ba rt
he s
n e s’empl oie-t-il pas à
dé ma squ er l’ill
usion don t l
e il du roman est porteur ? «Le passé simple et la troisième
pe r
son ne du Roma n ne sont rien d’au t
re que ce g est
e fatal par l
equ el l’
éc r
iva in mon t
re
du doigt le masque qu’ il por te» (BARTHES, 1972: 3 2). L’inst
a bil
ité du pr onom
personnel, qui caractérise surtout les textes modernes, trahit une incertitude du sujet
quant à sa propre identité: «Le je s
e me t
en crise,
en mê me temps qu e l’un ité et
la
stabilité de la personne sont mises en question» (ROUSSET, 1972 : 36).
Nathalie Sarraute choisit de transformer la parole autobiographique en dialogue,
pa r
le dé dou bleme nt
de la voi x
n arratr
ice. Cette dua l
ité des v
oix
à l’
intérieu r du
moi
vient t ou t d’ abord d’u n refu s de la ps ychologie traditionnelle et de la notion de
personnage. Selon Sarraute, la psychologie apparente (le moi social) est souvent
contredite par la psychologie des profondeurs (le tropisme). Enfance fait entendre un
dialog u e entre l’
écrivain soci
a l,
sujet aux conventions, et son moi intérieur plus lucide et
plus sarcastique :
« - Alors,
tu v a
s vr
aime nt
faire ça
?
Év oquer
tes s
ouvenirs
d’enfance
..
.
Comme
ces mots te gênent, tu ne les aimes pas ;
mais re
connai
s
que ce sont
l
es
seul
s
mot s
qui
con vienne
nt.
Tu veux
“évoqu er
tes
souvenir
s”
- i
l n
’y
a pas
à
tor
ti
ll
er,
c’est
bien ça.
– Ou i
, je n’
y peux
rien,
ça
me tent
e, j
e ne sa
is pas
pourquoi.
..
» (SARRAUTE,
1983 : 9-10).
Le s
deux voix ont pou r
f
onc t
ion d’établir
l
a vér
it
é l
a plus exa c
te pos sible
.
Ta ndi s
qu e l
’un e
représente la spon t
a néit
é ,
l
a subjec t
ivi
té
et
l’
émot i
on,
l’
autre ex pr i
me l
e
con trôl
e ,
la
v igi
lanc e,
l
’exig enc e,
le désir
d’objectivit
é et
d’e
x act
itude.
De ux « voix »
dialog uent, représen t
ant l’
u ne et l’
a u t
re l’
auteur. La
première as
s ume la con du i
te du
récit, la deuxième représente la conscience critique. Les deux sont plutôt
compl éme n t
aires qu’antagon istes.
Gr âce
à
ce dédou blement,
nous avons deux liv r
e s
en
un: d’ une pa rt
un récit d’ enfa nc e,
de l’autre un témoign a
g e sur l a mé thode
d’inv est
ig ati
on du pa ss
é élabor ée pa r
l’
a ut
eur pou r déj
ouer l
es pièges t
raditi
on n e
ls de
l’entreprise autobiog r
aphiqu e.
Il nous
faut conclure qu e
la f ra
gme ntati
on des
réci
ts
autobiographiques d’ av ant
-
garde, le refus de la chronologie, le caractère ludique ou poétique de ces textes, le
glisseme n t ve r
s la f i
cti
on e t l’appa rit
ion de s
f orme s
génériques hybrides s ont les
con séqu enc es log i
qu es de l a pr ise de c onsc i
en c
e pa r
l ’i
ndi v
idu mode r ne du
poly mor ph is
me du suje
t et de l
’inadé qua t
ion des strat
égie
s narrat
ives t
raditi
on n e l
les et
du projet d’ au t
h e
n t
icité
. Le sujet s’é chappe implac abl
eme nt
à lui
-même. Le moi n’es
t
jama i
s st
a ble,
en
s’inventant pe r
pé tue l
leme nt
des rôles
et
des
ma squ es
. I
l
es t
t
ou j ours un
autre. Un moi changeant ou pluriel ne peut être désigné que par une écriture elle-même
multiple, infiniment ramifiée, errante.
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Todorov, Tz., Abuzurile memoriei
268
L’I
MPLICITE
DANS LE POÈME PROMENADE DE PICASSO
DE JACQUES PRÉVERT
Oana –
Notre communication se propose de réaliser une analyse des faits et des enjeux
pragmatiques essentiels du poème Promenade de Picasso de Jacques Prévert, créateur
que les Français ont désigné comme « poète du siècle ». (Le français dans le monde,
N
On pou rrait aff
irme r que l
’ œuv r
e
pré verti
enne deme ure universelle par ses
thèmes et intemporelle par son humour. Les écrits de Prévert échappent à toute
classification, se libèrent des contraintes et sa poésie est vivante et ludique. Prévert
mê l
e la poé s
ie
à
l’humou r,
le lyri
sme à
l’ir
onie,
e n ut
ili
sant
le vers
libre.
« La gaité prévertienne est une gaité à risques, car elle représente une forme de
comique poétique qui ne vise pas le grand éclat de rire, mais un rire en finesse, un rire
complice associé , prenant parti, qui ne se laisse seulement aller, mais va plus loin
rejoindre toutes les intentions des auteurs, parfois cachées exprès pour jouer.»
(GILSON, 1990 : 159)
Même si une bonne partie de la poésie de Prévert a été considérée littérale, on
doit remarquer que ses textes révèlent un intense travail de construction et de précision :
le jeu de mots y est presque toujours plus subt il
et plus
ric
he
qu ’
il
n’ y paraît au premie r
abord, les références culturelles souvent implicites abondent, la réflexion critique est
constante et la structure parfois complexe.
« La l
ittérature
renc ontre l’impl i
cit
e à deux
niveaux: dans la représentation
de s par oles mai s aus si dans la c ommuni cation qui s’
établit
e ntre l’œuv re e t son
de sti
nat aire.(.
..).
L’ œuv re est par esse nce vouée à sus c
iter
la quête des i
mpl i
cites.
Pour
la critique elle fait toujours signe, elle montre un signe au-delà des contenus littéraux.
Tout e œuv re qui f igure au c orpus de l
a litt
é rature pou s
se son l ecteur à t r
aque r
l’impl ici
te. » (MAINGUENEAU, 1990 : 77)
269
Le poème Promenade de Picasso, inclus dans le recueil Paroles, représente un
bon exemple de texte réalisé par des jeux de mots, dont le poète tire des effets
comiques, inattendus, des significations doubles ou encore des images insolites.
La di me ns i
on ludique de s j
e ux de mots rési
de dan s l
’e f
fet de su rprise et la
nécessit
é
pou r
le l
ec teur d’accommode r
son
espri
t afi
n de r
és oudr e
l’énigme . Comme l’ir
on ie
, le
jeu de mots procure une satisfaction au locuteur et au récepteur, qui a le plaisir, lui
a ussi,
de mon trer
son
i nte l
ligence en ré
s olva
nt une énigme .
Comme
l’iron i
e, le je
u de
mots repose sur une feinte : on fait semblant de dire la même chose, et en réalité on dit
a utre ch os e. Le
travail de dé codage actif
de la pa r
t de l’
interlocute ur e st a u
s si
un e
donnée essentielle :
pou r que l
e l
ecteur
re s
sente
une j
ou iss
a nce, i
l ne fa ut pa s
qu’on l
u i
ôte le mérite de sa découverte.
Réné Gilson faisait dans son oeuvre Des mots et merveilles. Jacques Prévert,
la précision que le poème Promenade de Picasso a beaucoup de finesse, de drôlerie et
d’ humou r.
On y distingue des sous-entendus, plus précisément des types particuliers de
sous-e n tendu s que la l angue commun e
dé si
gn e sou s l es te rme s d’ insinuation,
d’ allusion, d’ ironie. Tous ces types sont présents dans le répertoire des figures de
pe ns ée. On doi t aussi précis e
r qu e
l’i
n si
nuati
on, l’
allusion, l’i
ron ie, l’équ iv oque,
l
e
double sens et le sous-entendu constituent des actes de langage indirects qui jouent un
rôle essentiel dans la poésie prévertienne.Tous ces sous-entendus ont comme trait
c ommun le fait qu’il
s fon t
a ppel à
la compé t
ence e ncy cl
opé diqu e des sujets parlants.
D’ a il
leu r
s on pe ut a ussi a ssimil
e r
l es connot at
ions a ux s ous-entendus. Ainsi
l’interpr étation d’un s
ous -entendu implique une certaine responsabilité de la part du
lecteur.
Pr év ert n’étal
e pas ses connai
s sance
s, i
l s ’
en amu se, sè me n oms d’a r
ti
stes,
citations ou références implicites dans ses textes ; il f
ai t
des allusion s qu i ne s
on t
pa s
évidentes pour tous les lecteurs, des références discrètes.
Comme la litté rat
u re,
la pe i
n tur
e oc c
u pe u ne large pl ac e da ns l’œuv re
prévertienne et le poète y multiplie les allusions aux dessins et aux peintures célèbres
de s a rt
i s
te s c on t
empor a ins.
De s
pe i
ntres et
ami s qu’ il
a fréqu entés, Pa blo Pi ca
sso
occupe une place à part. Picasso disait que Prévert était celui qui avait le mieux compris
se s rév oltes e t c et
te c ompr éhension résult
e d’une tr
è s forte pa renté e nt r
e l es deux
artistes.
À la manière de Picasso, Prévert montre le monde comme un puzzle éclaté, dont les
morceaux semblent empruntés au peintre. Les allusions se fondent les unes aux autres et
ça et là apparaissent plus nettement les formes et les couleurs de Picasso, filtrées par le
regard subjectif de Prévert.
Ainsi il publie le poème Promenade de Picasso, mettant en scène une pomme
très difficile à peindre :
270
elle a son mot à dire
et plusieurs tours dans son sac de pomme
la pomme
et la voilà qui tourne
dans son assiette réelle
sournoisement sur elle-même
doucement sans bouger
et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz
parce qu'on veut malgré lui lui tirer le portrait
la pomme se déguise en beau fruit déguisé
et c'est alors
que le peintre de la réalité
commence à réaliser
que toutes les apparences de la pomme sont contre lui
et
comme le malheureux indigent
comme le pauvre nécessiteux qui se trouve soudain à la
merci de n'importe quelle association bienfaisante
et charitable et redoutable de bienfaisance de charité
et de redoutabilité
le malheureux peintre de la réalité
se trouve soudain alors être la triste proie
d'une innombrable foule d'associations d'idées
Et la pomme en tournant évoque le pommier
le Paradis terrestre et Ève et puis Adam
l'arrosoir l'espalier Parmentier l'escalier
le Canada les Hespérides la Normandie la Reinette et
l'Api
le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus de Pomme
et le péché originel
et les origines de l'art
et la Suisse avec Guillaume Tell
et même Isaac Newton
plusieurs fois primé à l'exposition de la Gravitation
Universelle
et le peintre étourdi perd de vue son modèle
et s'endort
C’ es t al
or s
que Picass o
qui passait par là comme il passe partout
chaque jour comme chez lui
voit la pomme et l'assiette et le peintre endormi
Quelle idée de peindre une pomme
dit Picasso
et Picasso mange la pomme
et la pomme lui dit Merci
et Picasso casse l'assiette
et s'en va en souriant
et le peintre arraché à ses songes
comme une dent
271
se retrouve tout seul devant sa toile inachevée
avec au beau milieu de sa vaisselle brisée
les terrifiants pépins de la réalité.
Pou r f
or mu l
e r
une hypot h èse su r le
type
de text
e qu’ on va lir
e ,
on pe u t
pa r
tir
tout simplement du titre assez étonnant de ce poème. Le titre équivoque et énigmatique
est un sign e pa r l
equ el l
e poè me s’
ouv re .
C’e st
un e compos a nte ess
e nti
e l
le du poè me
en t
i e
r, ma i
s i l
g arde qu e lque c hos e de my stéri
e ux e t
s a sig nific
a t
ion n’ e st s aisi
e
qu ’après la le cture
e nti
è r
e du t
ex te.
Le titre mé t
onymi qu e
réalise un e
impor t
a nte liaison
entre le thème de la poésie et le message proprement dit.
Le personnage de Picasso apparaît vers la fin du poème mais il accomplit un
rôle très important dans le cadre du poème. En effet Prévert fait appel à Picasso pour
ill
us trer l’impu issance
du« peintre de la réalité ».
La pe t
ite s
c ène
située à la fin du
poè me e
s t
drôle et i
ron iqu e grâce à l’attitude
du personnage de Picasso, perturbateur par simplicité,qui contraste avec la grande
agitation précédente du peintre maintenant endormi, gr â c
e au ssi à la
répon se de l’obj et
pomme e t grâ ce à l
’ima ge
de l
a dé con fiture du
pe i
ntre réal
iste de van t
ses «pépins ». La
présence de Picasso nous aide à dégager la « moralité » de cette parabole et à saisir son
humour grinçant. Caractéristique du jeu, la surprise finale acquiert un rôle important
da ns le
c a dre du poè me .
Elle nou s aide à déchiffrer
le me ss
a ge du poème
et c’est su rt
out
l’appa rition de Picasso qu i réuss it
à pr odu i
re c e
t eff
e t
. Don c c e t
itre appa remme nt
étrange a le rôle de dévoiler au lecteur le sens de la poésie. Le lecteur est invité à
déchiffrer un texte multiple et parfois ambigu, un texte qui provoque le jeu.
Dans Promenade de Picasso, l
’ambi guïté est
présente pou r
inciter le l
ec te
u r
à con strui r
e
sa propre lecture. Étant un poème moderne, Promenade de Picasso permet au lecteur
de produ ir e son tex
te et la le
c t
ur e plurie ll
e
devie nt
un e c
réation .
D’ aill
e urs
l’a mbi g uït
é
est propr e me nt une partie
c onsti
tu tive de l’
ironie.
Selon Catherine Kerbrat-Orecchioni, qui réaffirme le caractère
con stit
u tiv eme nt ambi gu de l’
iron ie, l ’ambi guïté fait parti
e de l’essen ce mê me de
l’i
ron ie. Pou r elle
un énon cé i
ron iqu e do it
être «traduit »,
ca r c’est l
e sen s
su ggé ré qu i
constitue le vrai sens. Ainsi on remarque que le contexe joue un rôle important pour le
dé coda ge de l’i
ron i
e .
D’ u n côté l’
iron i
e r
é cl
a me un lecteur,
u n collaborateur qu i actualis
e et
a ppe ll
e
à l’ex i
ste n ce l
’un ivers des mot s. La t
â ch e du lecteur dans la con struction du sens d’un
texte ironique est assez complexe. Dans la stratég ie de l’iron ie, le rôle du l ecte u
r
con siste à compl éter
la commu nica t
ion qu i
a son origine dans l’inten t
ion
de
l’au t
e ur. Le
lecteu r
do it a ussi r
e conn aît
re
qu e c
e qu’ il es
t en
train de li
re est u n
e ir
on i
e et il doit
également en évaluer le dégré.
Mais de l’ aut r
e
côt é,
on doit pr éciser que l’i
ron i
e désign e
u n
e dissi
mul ation e
t
l’art de dé robe r sa pe nsée. Ains i l’
iro niste a la pos s
ibili
té de dé nier
l
a
pr é
s enc e d’ un
sens
impl icite et
l’i
ron i
e
pe rme t
à c e
lu i
qu i
l’
utili
se de ne
pas s’ass ume r ses
pa roles.
L’ iron ie est
fon dée ,
essen ti
e l
le me nt,
s ur
l’implicit
e
et l’allusion
repré sente une
véritable aubaine pour un ironiste cultivé.
Le poème Promenade de Picasso ressemble à un texte narratif ou à un récit car
on a des personnages et des actions dynamiques. Carole Aurouet considère Prévert
comme un vrai « narrateur de travertissement ironique ». (AUROUET, 2007 : 118)
Le le cteur est
introdu i
t da ns un un i
vers étr
a nge et
déc ou vre d’abor d
la
pr ése nce
de deux personnages : « la pomme », un modèle qui paraît coopératif et le « peintre de
la réalité » qui « essaie vainement de peindre/ l a pomme t
elle
qu’ e ll
eest ».
272
Il faut préciser que cette histoire est réalisée en plusieurs mouvements : le
pe intre fac e
à
face avec son modè le, l’i
mpos si
bilité de réaliser le portrait, le sommeil du
pe intre, l
a surprise
f i
nale et l
’appa r
ition d’u n nouv eau
pe rson n age,
l
’ar tiste Picasso, e t
l’ame r
con st
atdu « peintre de la réalité ».
Pour caractériser « le peintre de la réalité » le poète fait appe l à l
’anaphore :
« comme le malheureux indigent /comme le pauvre nécessiteux [
…]». Le lecteur doit
au ssi a ppr éc i
er l a f anta i
si
e du poè te ma nifestée pa r l’accumulation d’ image s
prov oqu ées pa r l ’idée de pomme e t pa r les é numé ra t
ion s «l ’ar ros oir l’es
palier
Par me ntier l’e
s calier/l
e
Cana da les He s pé r
ide s
la Nor mandi e
la Reine t
te […] .
Le mot pomme est un mot clé que le poète emploie onze fois dans le texte. On
doi t aussi me n t
ionn e r
qu’ i
l
y a dans le poè me plu sieurs occ urre nces qui fon t
échoà ce
terme : les possessifs et les pronoms personnels. À une lecture attentive on distingue des
termes ou des syntagmes qui renvoient au champ sémantique de la pomme : « fruit
déguisé », « le pommier », « le Paradis terrestre » « Ève », « Adam », l’arrosoir »,
«l ’es palier», « Parmentier », « l ’escalie r», « le Canada », « les Hespérides »,
«l a Nor mand ie, la Reine tt
e et
l’Api», « le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus
de Pomme », « le péché originel », « Guillaume Tell », « Isaac Newton », « les
terrifiants pépins ». Tous ces termes qui renvoient au mot pomme laissent au lecteur
l’impr ession d’ un e création enc ombr ée: le moindre objet renvoie à des références
culturelles et à des connotations, soit individuelles, soit collectives.
Catherine Kerbrat-Orecchioni remarque dans son étude La connotation le fait
qu e pa r le jeu de l’all
u si
on ,
de la réf éren ce et de la rémi nisce nce cu l
t ur elle,
les
mot s
représentent le support des cristallisations connotatives potentielles, qui ne demandent
qu ’à s’actu al
iser dans certaines circonstances contextuelles ou situationnelles. Ainsi
l’allus i
on pe r
me t d ’
instau re
r entre
l’én on ciateur e t
le récept eur u ne
c ertain e con ni
ve nce
ludique et culturelle.
Généralement les problématiques de la connotation sont associées aux
probl è me s de
l’impl icite dis
cursif.
Or ecc hioni as socie les
terme s explic ite et implicite
au couple dénotation/ connotation.
À côté de s te
rme s
qui
dé note nt et con note nt
l’exis t
en ce
de
la pomme , l
e l
ec t
e ur
pe ut dé cou vrir à travers l
e poème , la pr ésence d’ un autr e
cha mp séma nt ique et d’u n
autre domaine, la peinture.
Dè s
le dé bu t
,
le ti
tre
du
poè me
n ou s annon ce
qu e l
’un de s
t
h ème s du poème est
la peinture. Le mot « peintre » apparaît sept fois dans le texte, mais il faut préciser que
le texte nous dévoile la présence de deux peintres : Picasso et « le peintre de la réalité ».
D’ a ut
res terme s qui renvoi ent au code e t
au do ma ine de la pe i
n tur
e
sont :
« peindre» (repris deux fois), » ne se laisse pas faire », « tirer le portrait », « modèle »
et « toile inachevée ». Le lexique employé par Prévert souligne les difficultés du peintre
réa li
ste et l’i
ns ucc ès
de ses act
ion s
.
Ai n si
le peintre prend souda in c ons ci
en ce qu’un objet, quel qu ’il soit,
est
a ussi
l’histoire de s repré sent
a ti
ons qu e l
’on s’e n fait
e t des con nota tions qu’ il v éhicule.
Plu s
on ve ut l
e saisi
r, plus l’objet
s’éc h
a ppe e t
se
dis pe rs
e da ns de s projec t
ion s subjectives ,
qui rendent le peintre « étourdi ».
En lisant le poème on remarque la présence de certains termes qui
appartiennent au champ lexical de la réussite e t de l
’éch ec. On peut me ttre en rel
a t
ion
ces réseaux sémantiques avec les deux peintres.
La structure textuelle du poème se fonde sur le mélange de deux isotopies
fondamentales : une isotopie euphorique qui traduit la simplicité du personnage de
Picasso, axée sur des catégories positives, et une isotopie dysphorique, traduisant le
273
troubl e et le s entime nt de l’impu iss ance , du « peintre de la réalité », axée sur des
ca té
g ories nég atives .
L’é tat
dy s ph oriqu e du pe i
n t
re est pr oduit
par l’
oppos ition de son
« modèle ».
Le pe intre est prése nté pa r le poè te d’ une façon i
roniqu e
«un peintre de la
réalité », il
n’ est pa s
nommé et il est dot é de caractéristiques pe u valori
sa ntes,
mê me
dépréciatives : « le malheureux indigent », « le pauvre nécessiteux ». Pour le
caractériser de point de vue moral, le poète recourt aux comparaisons canoniques : « le
peintre arraché à ses songes comme une dent », « comme le malheureux indigent ».
Les termes qui caractérisent les gestes du peintre dévoilent des actions vouées à
l’éch ec et
trahis s
e nt l
e dé ses
poi r et l
’ i
n utilit
é: « essaie vainement de peindre », « toutes
les apparences de la pomme sont contre lui », « se trouve soudain alors être la triste
proie » « tout seul devant sa toile inachevée ».
Si le « peintre de la réalité » n’ est pa s
n ommé d’un e ma niè
re directe,
le
pe rson nage de l’artis
te Pi casso e
s t introdu it et présenté direct
e me nt dans l’unive r
s du
poème.
D’a i
lleur s on doi t
pr é ciser qu e ces deux personnages sont présentés par
l’int
e rmé diaire d’un e antithèse. Si le « malheureux peintre de la réalité » se trouve sous
le sign e
de l
a
tristesse et de l’éc he c, Picas so, au contraire est
plac é
sou s
celu i
de la j
oie
et du bonheur : « e t s
’en va souriant ». Ce fait nous est signalé dès le début, par le titre
métonymique, car le terme de promenade dén ote l
’action de se
pr ome ner e
t se prome ner
signi f
ie aller
d’ un lieu à un au tre
pour le pl a
isir et
pou r s
e dé t
endr e.
Une autre chose intéressa nte à s i
g naler serait
l’ambi gu ï
té et l’
équ ivoqu e du
vers : « qui passait par là comme il passe partout ». Ce vers comporte plusieurs sens et
Pr éver t
, par l’intermé dia ir
e d’ un calembour homophonique, joue avec ses diverses
significations. Un sens de ce vers est celui que Picasso pourrait être comparé à un
passe-partout c'est-à-dire à la clé servant à ouvrir plusieurs serrures. Picasso est celui
qu i
a ide les l
e cteurs
à
compr e n dre le me ssa ge transmi s pa r
l’auteur,
de vena nt ai
nsi un
porte-pa role de l’auteur. Donc si
on l’
int erprète d’une ma ni
è r
e métaph ori
qu e ,
on
peut
associer le nom invariable passe- partout, à l
’esprit
à la fois simple et
ing énieux de
l’art
i ste
.
Un autre procédé auquel le poète fait appel est la personnification, son objet
étant la pomme. Ayant comme point de départ un végétal comestible, le poète lui
attri
bu e
de s
qu a l
ités caractéristiqu es à l
’être huma in.
La pomme conçue comme personnage joue un rôle important dans le cadre du
poè me .
Sa ma n ière d’êtr
e es
t
s pé cifiqu e aux être
s
humains. Elle « pose » comme un vrai
modèle, « elle ne se laisse pas faire », « elle a son mot à dire », « tourne », « se
déguise », « elle dit Merci » . D’ ailleurs la r éponse de la pomme e st
la me ill
eure
pos sibili
té de
s ouligne r
le fait qu ’e l
le est
personn if
iée et qu ’ell
e a
la capacité de parler
,
le langage étant un trait distinctif des êtres humains. On remarque la grande
reconnaissance de la pomme pour le geste de Picasso, celui de la libérer. Cette idée est
ren f
or cée pa r l
’ a
u teur mê me ,
ca r
il é cri
t l
a r
é ponse avec des majuscules. On pourrait
dire que cette pomme se comporte comme un modèle capricieux qui oppose de la
rés i
stanc e
e t
qu i
refu se
d’ êtr
e pe int.
Un fait intéressant à signaler est que la chaîne des accumulations suscitées par
l’idée de
pomme dé voile beaucoup de références et un réseau plein de significations et
de s ymbol es .
Don c l ’
ac cumu lation, pl u s pr éciséme n
t « l ’innomb r able f oule
d’as sociations d’ i
dé es» n ’
e st pa s a narc hiqu e,
pa rce qu ’on y décou vre de s ch a
înes
cohérentes.
274
Commençons par le début : la Bible, la Genèse où la pomme est envisagée
comme le fruit défendu du paradis terrestre : « le Paradis terrestre et Ève et puis
Adam ». Le v ers r appe ll
e la f ame us e pomme qu’ Èv e a urait c r
oqu é e ma l
g r
é l es
av ertisseme nts
alarma n ts
et céda nt
à l’en t
reprise de séduction du serpent.
L’ al
lu si
on aux Hespérides renvoie à un autre mythe, celui de trois nymphes,
les filles d’At las qui a brit
a i
en t
dans l
e ur
ja r
di n l
es pomme s e n o r
, les trois f rui
ts de
l’immor talit
é.
La chaîne de la pomme conçue comme élément appartenant au règne végétal
en tr
a îne l’
é numé r
a t
ion des divers es
espè ces: Canada, Normandie, Api, Reinette.
Un e pomme a repr ésenté l’
or i
g ine de la gu erre de l’
in dé pe nda nce
de la Suisse.
Guillaume Tell a ét
é
c onda mn é à
mor t parce
qu’ il
n’a
pa s sal
u é le c hapea u, emblème de
la souv erai
n eté impé riale de s Ha bsbou rg. Ma i
s le héros
lége nda ire
s er
a it épa rgné s
’i
l
visait une pomme placée sur la tête de son fils. Il a réussi et son acte de rébellion
symbolise le combat des Suisses pour leur liberté.
Un autre nom mentionné est celui du savant anglais Isaac Newton : « et même
Isaac Ne wton/ plusieurs f
ois primé à l
’ex position de
la Gr av i
tation Uni vers ell
e».
Apres avoir analysé ces symboles on peut affirmer que la pomme est à
l’orig i
n e de p lusieurs my t
h es an cie
nsjustement parque que la pomme est le premier
fruit con nu depu is l
’époqu e préhistorique .
Le nom de Parmentier fait allusion à une autre pomme, la pomme de terre et à
celui qui a fait connaître cette plante aux Français au XVIIIe siècle.
Au lieu de dire le serment du Jeu de Paume et serpent du Jus de Pomme,
Prévert fait appel à une contrepèterie et y glisse des allusions bibliques et historiques. À
l’intérieur mê me d e
ce tte
con trepè t
erie on
rema rque
le jeu homoph oniqu e en t
re pomme
et paume .
Jeu de Paume représente la salle de Versailles dans laquelle a été fait le
serment de 20 juin 1789, au début de la Révolution Française. Employé comme nom
commun, le jeu de paume désigne à la fois un terrain de jeu de courte, paume est un
sport qui consistait à se renvoyer une ba l
le
de pa rt
et d’a ut
r e
d’ un fil
e t,
au moy en de l
a
ma i
n à l
’origin e,
puis d’ un i
ns t
rume nt.
Un autre jeu de mots fondé sur une similitude de sons et généré par la pomme
est le calembour homonymique « comme un duc de Guise qui se déguise en bec de
gaz ». À l ’intérieur de ce calembou r homonymi que
le poè te assoc ie
un nom pr opre (l
e
du c de Gu ise c’est
He nri
Ie r)
à u n verbe c
on ju gu é à
la
troisième pe r
s onn e du singu l
ier
de l
’in dicati
f pr ésent.
Le calembou r a l’avan t
a ge
de
laisser be auc ou p e n
te ndre sous une
forme t rès con cise, ca r i
l dé signe un tr
ait d’e sprit
, à conn ota tion humor ist
i qu e
qui,
permet une approche ironique sur un sujet donné.
Pré ve r
t joue a vec l’attente du lec t
e ur e t
l’e mploi du v e r
be réaliser, qui a
plusieurs sens, constitue un bon exemple pour justifier cette affirmation.
Apr ès le trav est
iss eme nt de la pomme , le le ct
e ur a ttend i mpa ti
e nt l’effet
produit sur le peintre : normalement le peintre doit être inspiré et doit commencer à
peindre, car réaliser signifie accomplir, concrétiser ou effectuer. Mais contrairement
aux attentes il commence à réaliser « que toutes les apparences de la pomme sont contre
lui », plus précisément il se rend compte que le travestissement de la pomme représente
un refus, le refus de lui tirer le portrait. Le mot « pépin » signifiant à la fois graine et
ennui imprévu, complication ou
difficulté,
ac cen tue l
’éc hec du
pe in tre.
L’ effet comi qu e de
c e poè me réside da ns
la ma nière don t
«le peintre de la
réalité » s
’ac ha r
ne
à é bau cher le portrait de la p omme et dan s l’obs tination
decelle-ci
de ne pas se la i
sser pe indre .
D’ aill
eu rs on re ma rque qu e Prév ert i
ron i
se le pe int
re
en
275
in s
ist
a nt
sur l’
idé e qu’ i
l s’agit d’un «peintre de la réalité » qui veut surprendre « la
pomme telle qu’ elle
e st».
Par son attitude tout à fait réelle, Picasso renvoie le réalisme à son
impos sibili
té: i
l vit
l’insta nt
et ma nge l
a
pomme ,
frui
t de la
c on naissance et
de la li
berté.
Fasciné par le génie naturel de Picasso, Prévert lui rend un bel hommage et met
en lumière le fait que le peintre espagnol a su et a réussi à saisir la réalité de la pomme
a u
poin t
qu e les
fruits
l’en r
eme rcie
nt ,
autreme nt dit
le peintre
a su atteindr e
le
c œur de
l’objet
sa ns s
e
sou cier de r ègl
e s.
Les critiques littéraires remarquent aussi le fait que ce vers prévertie n, trouve
son écho dans la toile Nature morte à la pomme, de Picasso. Généralement on
considère les natures mortes riches en significations et connotations.
En empruntant le thème de la pomme au répertoire de Paul Cézanne, Picasso se
l’appropr i
e p our la
traiter de façon sommaire. Ce fruit est choisi pour sa disponibilité et
sa capacité de subir toutes les transformations.
On remarque le fait que ces fantaisies formelles trouvent leur écho dans le texte
de Jacques Prévert. La pomme, ce fruit ron d et savoureu x dé c
l enche un e suite d’ima ges
e t
devien t
symbol e du pé ché or igi
ne l
et nous ra mè ne à l’
e ssence mê me d e l
’ex ist
ence.
Le fruit lui-mê me n ous interrog e s
u r
l’instant. Cette ima ge
du fruit prê t
à
di sparaî
tre
n ous r
en voie à l
’a bsen ce, tout comme dans le tableau du peintre espagnol.
Apr è s
l’ana lyse du
poè mePromenade de Picasso, on ne peut ti
re r
qu ’un e
seule
conclusion : jouer avec le langage représente un plaisir auquel Prévert ne peut pas
ré s
ist
e r
. Ma is i
l ne
s’a git
pas seu l
eme nt d’un jeu
gratuit sur
l e
l
ang age, il s’
a git
a us
si de
pe rt
urbe r
les habitude s de le
c t
u re
e t
d’ame n e
r à un
que sti
onn e me nt sur l
e sens des mot s
,
car Prévert aime surprendre et déstabiliser son lecteur.
Ayant un caractère ludique et ironique, le poème Promenade de Picasso exige
u n nouv eau
l e
cteu r
, plus acti
f, plus i
mpl iqué et
plus
c onsc i
e nt.
L’ouv e r
tu r
e t
e xt
u e
lle
transforme le lecteur en interlocuteur actif qui a obtenu le droit de produire son texte.
« Celui qui regarde un tableau comme celui qui lit un livre, en est toujours un peu
l’auteur ou
tout au moi ns l
e collabor ate
ur» ( PREVERT, in Blanchot Prévert, Binh, N.T.,
2008 :202)
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Pré vert, portrait
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Prévert, J., Paroles, Éditions Gallimard, Paris, 1972.
276
VERTUS REDEMPTRICES DU RECIT
Résumé : La réalité historique, le vécu personnel des écrivains ont représenté au long
de
l’histoire l
itt
éraire la ma t
ière premi ère de la mise
en
fi
c ti
on, l’
é l
éme nt transformé grâce aux
proc édés
nar rat
ifs
perme ttant
au lecte ur
d’a ppré hender
le
réel,
de mi eux compr endr e
le mon de et
de se découvrir soi-même. Les romans du boom latino-américain, le roman vargas llosien à plus
d’un titre
se
fondent sur une
mimè sis profonde
de l’
hist
oir
e. Les «démons personnels, historiques
et culturels » des écrivains se retrouvent à leur tour dans les thèmes, les personnages et les
espaces romanesques. Nous nous proposons dans cet article de montrer à travers quels
mécanismes, la mise en récit opère sur la réalité, la transforme afin de nous livrer une vision
originale
d u mon de et de l’homme aux
pris es
de
ses
fai
ble s
ses. Nous anal yserons comme nt l
a
fi
c t
ion
perme t l
’universalisati
on de
l’événeme nt hi s
tori
que
e t
acqu i
e rt
force rédempt r
ice.
Qu e s i
gnifie pour la
vie de l
’homme la
fiction, l’hi
stoi re ima ginée et
ra c
ontée?
D’ où vient c
e besoin de créer
de s
h ist
oires
e t
de le
s
r acon te
r a
u x au t
res
pou r
qu’ il
s
se l
es
approprient, les incorporent à leur existence ? L’ homme a-t-il besoin de recourir à
l’ima g i
na t
ion pour mi eux compr en dre et
suppo rt
er la réalit
é? Quel est alors le statut de
la fiction ? Voilà les questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cet article
en étayant notre analyse sur l’un
de s
roma ns de Ma rio Varga s Ll osa: La fête au bouc.
Fr uit de l’i
ma ginati
on des écri
v ains
la fi
ction
sembl e r
a i
t êtr
e u n exe rci
ce grat
uit,
sans
ancrage dans la réalité et pourtant combien elle est exemplaire et quel enseignement elle
tire de toutes les expériences vécues par les créateurs. Vargas Llosa écrivait à ce
propos : « De lo que llevo dicho, parecería desprenderse que la ficción es una
fabulación gratuita, una prestidigitación sin transcendencia. Todo lo contrario : por
delirante que sea, hunde sus raicesen la experiencia humana, de la que se nutre y a la
que alimenta. » (VARGAS LLOSA, 1990 : 11)
La fict
ion
es t
pou r
Ge n ette,
Ha mb urger, Sc hae ff
er,
da ns la li
gn ée d’Ar i
stote
,
mimèsis, re-pr é
sentation de l
a r
é alit
é. Produ it
de l’
ima gination ,
r
ésu l
tat d’un ac
te de
langage fictionnel (SEARLE, 1975), énoncé par un Je-origine fictif (HAMBURGER :
1986 ) l
e récit fi
ctionn el
s’aff
irme comme système d’é non c
és tra nsgre ssa
nt
les princi
pes
vériconditionnels. Searle a bien montré dans son analyse sur la logique du discours que
le s
assert
ion s fi
ctionn ell
es sont de s asser
tions
feintes ,
du f
ait de l’i
mpos sibil
ité de l
es
confronter à un univers référentiel extérieur au discours, les pseudo-assertions réalisées
pa r les actes de langag e f
icti
on nels ne s
e rappor t
en t qu’à
l’
un iv ers créé par le dis
cou r
s
fictionnel lui-mê me ,
le
locuteur n’é ta
nt pas tenu à
le s j
us t
ifi
er ou
les prou ver.
La
fict
ion
a ppa r
a ît
donc comme créat
rice d’illusi
on ,
d’utopie, ell
e
e s
t
un e vé r
it
é me nsong ère
. Ell
e
est un mensonge, partiel il est vrai, car i mposs ible à êt
re v érifi
é par l’univers de
ré f
é rence réel e
t puisqu ’el
le n’abu se pas le lec
teu r (BARONI , 200 6). Et pourtant ce
« mensonge » est seul capable de nous dévoiler ce que nous vivons, ce nous ressentons,
de nous confronter à nous-mêmes et au monde, de nous aider à comprendre et à
supporter la réalité. Vargas Llosa écrivait dans La vérité par le mensonge que le
mensonge de la fiction est celui qui nous permet de faire vivre nos nostalgies et nos
277
frustrations
et qu’e n
fait c e
«mensonge » est seul à même de dépeindre les hommes et
la soc iété tels qu’ il
s son t réell
e me n t
à un c ertain mome nt de l
’His toir
e .
(VARGAS
LLOSA, 1990 : 12)
Le verbe des écrivains fonde le monde de la fiction et ce faisant il révèle la
vérité du monde immédiat, réel dans lequel nous bougeons, agissons, aimons et
souffrons. La fiction acquiert une valeur cognitive dans la mesure où elle permet au
lecteur de démultiplier son univers ; l
e s
f
a i
ts e t
les person na ges
qu e l
qu e i
ma g inaires
qu ’ils
soi ent
n’on t pou r n otr
e
me ntal moin s de con sista nce et d’exist
en c e
que
les fait
s e
t
les pe rsonn es r
é el
le s.
En analysa n t
l’i
ma g i
n aire,
Sc h ae ff
e r
mon trai
t
qu e l
es produ its
de
not re ima gi
n ati
on , y c omp ri
s l a fiction, n’ ont pa s pou r au t
an t
moi ns de fon ct
ion
cognitive, dans la mesure où ils permette nt d’acc éde r à
un e me il
leure compr é hension du
réel et dans la mesure où par leur intégration dans la représentation que nous avons du
monde ils finissent par modifier le réel (SCHAEFFER , 2002). Distincte de la « fiction
instrumentale », la « fiction ludique » qu i
me t en
œuv re «le processus représentationnel
bie n pa rt
iculier […] ce lui de l
a mi mè si
s » se pr ése nt e
pou r
Schaeffe r comme un jeu
mimétique complexe, faisceaux non-décomposable de caractéristiques. Ainsi du point
de vue de sa genèse elle est une « feintise ludique », feintise puisque son énonciation se
ba se s u r
u n pa cte pa s sé e ntre l e n arrat
e ur e t l e l ecteur, rej
e tant d’ embl ée l a
vé ri
c on diti
on ali
té, l udiqu e da n s l a
me sure où e lle n’ est pa s agre ssive,
t otaleme nt
mensongère, visant à tromper le lecteur. Elle provoque une « immersion mimétique »
ca r
e l
le nous amè n e à traiter l
a re présen t
ation de s faits
et de s
pe rs
onn a ges
comme s
’ il
s
étaient réels, tout en créant un modèle de réalité. Et enfin, elle opère comme une
« modélisation analogique » car elle n ous
obl ige à conf ron ter l
’unive rs f
icti
on ne l
av ec
nos représentations du monde réel.
Le verbe est fondateur, il peut se muer en acte et créer les univers. Le roman
réaliste créé à travers le verbe apparaît ainsi non pas seulement comme mimèsis de la
réalité, mais en même temps comme clé de cette réalité dans laquelle nous vivons et
comme moda lit
é
d’ ac t
ion .
En dé non çant l
e s ma ux de notre soc i
été il nous pe rme t
de
nous en libérer. Vargas Llosa montrait que la fiction nous aide à comprendre et dominer
la réalité, c
ar g r
â ce à ce t univers vir
tuel l’homme pa rvien t
à
as s
ume r de s
rôles qu’ i
l n’a
jama i
s jou és dan s
l
a vie r é
elle, de s
rôle s
lui per me ttan t
d’ aff
r onter
le qu oti
die n,
de
s ’y
opposer. « I nve nter de s h i
stoire s et les rac on t
e r a v ec as s
e z d’él
oqu ence pou r que
d’a utres se l
e s appr oprie n t
et
les i
n corporen t
à
leu r mé moi re –et par conséquent à leur
vie - , c’est
a van t
tou t un e façon discrète,
inof fens ive en appa rence,
de
secou er l
e
joug
de l
a
ré alit
é vraie. […] De ce
dé ph asag e,
de
c et
a bîme entre la véri
té de
notre vie vécue
et ce l
le qu e
n ous
somme s capabl es d’ima giner, de
vi vr e
fallacieuseme nt,
jai
llit
cet autre
trait essen t
iel de
l’huma in qu’e st le non-conf or mi sme ,
l’insatisfact
ion , l
a
rébe l
lion, l
a
témé ri
té
d’en fr
e indre
la vie tel
le qu’elle
e st
e t
la v olon t
éde lutter pour la transformer,
pour la rapprocher de celle que nous bâtissons au rythme de nos fantaisies ». (VARGAS
LLOSA, 2009 : 14-15) Pou r l
’es pa c
e
litt
éra i
re de l’Amé riqu e lat
ine
c e t
te capa c
ité de l
a
fiction d’inf
lu er
sur la r éali
té e st plus sensibleet plus importante que pour tout autre
espa ce .
Te rr
e me urtrie pa r
la dicta ture,
l
a
v i
ol enc e et l’absu r
de ,
l’Amé ri
qu e hispaniqu e
a intég ré dans
se s
ré cit
s l’Histoire ,
l’
a
transfor mé e e n ma t
ière diégétiqu e car
la mi se en
réc i
t est deve nue l’une de s voi es par lesquelles une souffrance réelle, vécue, a été
év acu ée. Le récit,
pa r l
e dé t
ach eme nt
qu ’il
eng endr e, pa r ce sentimen t qu’il
nou s donn e
de vivre des histoires imaginaires dont les protagonistes sont des êtres de fiction nous
permet de prendre du recul par rapport à une expérience douloureuse, de mieux la
comprendre et la dépasser. Marta Melean et Marcelo Bourgeois montrent en ce sens,
qu e seu l
le r
é cit
es t
c apa ble de re ndre int
e l
ligible s les faits de notre
v ie et
qu e l
’ide ntit
é
278
sociale et affective ne se c ons truit
qu’à
trav ers la
n arration . L’in div idu
agit en fon cti
on
du r
ôl e qu’il s’assign e da ns un e hi
stoire, la
pr oj ection narra ti
v e
i nv es t
it
son
pa rcou rs de
sens ,
i l
n ’ex iste qu e da ns e t pa r le ré ci
t. « Por lo tanto, si la identidad social es
básicamente relacional y procesual no hay otra forma de entenderla que no sea a través
de una narrativa. Una buena historia presenta una trama coherente que tiene
implicaciones para la identidad, ya que al contar sus historias, los individuos hacen un
reclamo acerca de la coherencia a sus vidas, es como decir que esta persona que yo soy
hoy es quien yo he estado muchos años haciendo y la que seguiré haciendo»
(MELEAN, BOURJEOIS, 2009: 1).
Loi n d’être un simpl e con cept histor ique, suj
e t d’une ana lyse faite
pa r les
spécialistes, la dictature a été en Amérique latine une réalité douloureuse, le vécu même
de s ge ns don t l
es e xisten ces on t été brisée s. El l
e est de ve nu e ains i
l
’un des thè me s
fondamentaux du boom latino-américain. Les écrivains engagés comme Vargas Llosa
ne pouv a i
en t ne pa s l
a transf orme r en ma t
iè re diégé ti
qu e. En 2001 l’écr
iv ain
dé clara it
dans une interview : « J ’ai soix ante-trois ans, et pendant les deux tiers de mon existence
mon pays a vécu sous la dictature. Comment voulez-vous que cela ne soit pas, chez moi,
un t
hè me
obs e ssi
onne l
, non se uleme nt quan d j’é cris comme jour nal iste
ou intellectue l
engagé, mais aussi comme romancier ? » (VARGAS LLOSA, 2001 : 68) Le réalisme
v argas llosien
libère l
’indi vidu pa r
le bia i
s de la con struction du réc it,
le
roma n de vien t
réde mpt e ur
da n s
la me su re où il ai
de
le lecteu r à sauv er son âme de l’absurde
historiqu e
et social. Si le héros reste victime du monde fictif, le lecteur a lui la chance de vaincre
l’Histoire .
La re-créa t
ion d’u ne période
de
l’Hi stoir
e perme t à l
’h omme
de «transformer
son expé rienc e du pa ssé en vi sion
du futur » (NØJ GAARD, 2004 :31 )
L’éc r
iva i
n pa rt
d’un véc u historiqu eme n t i
de nt ifi
able
don t
il é pu ise la s
ign if i
cation a fi
n
de pu rger pa r
la
c at
ha rsi
s t
ou t l
e
ma l d’un e
é poqu e.
Il existe da ns l
es roma ns varga s llosiens un éclairage
mutuel de trois niveaux temporels : l’un e
xt radi égé ti
qu e, c elui du te mps
ré el,
situé e n
amont du texte, qui rythme et anime les démons personnels, historiques et culturels de
l’écrivain ,
un deux ième n ivea u
diégé t
iqu e
e t enf in
un
trois ième situ é à l
’intersection
du
monde du texte et de la lecture, le temps historique, transformé par la mise en récit,
mu é en temp s huma in et re stitué a u lecteu r, capa ble d’ a f
fron ter l’Histoire su r une
position différente. La fête au bouc dévoile les mécanismes qui rendent possible la
montée de la terreur. Basé sur une très ample documentation ainsi que sur les
témoignages de nombreux Dominicains, le roman fond dans le récit fictionnel, réalité
h i
storiqu e, véc u de l’
é crivain et i
nv ention r oma nes qu e.
C’ est lor s d’un s
é jour de hu i
t
mois à la République dominicaine que Mario Vargas Llosa découvre les anecdotes, les
my t
h es e t
les légen des d’un rég i
me à la fois féroc e et g rote squ e. I
l déc i
de alors de
transformer ce vécu historique en matière de fiction. Le roman est structuré selon trois
axes diégétiques principaux : l’hist
oire d’Ur a nia Ca bral, l’
histoi re de Tr ujil
lo et les
histoires des participants à la conspiration : Antonio de la Maza, Amado García
Guerrero, Salvador Estrella Sadhalá, Tony Imbert, Huáscar Tejeda, Pedro Livio Cedeño
et Fifí Pastoriza. Du point de vue narratif, le roman est structuré selon le modèle récit
enchâssant- réc i
ts en c
h âs sés, l’h is
toire d’Ur a nia r
enf erme les trois der ni
ères ann ée s
de
la dictature de Trujillo, elle commence et clôt le roman. Elle est en même temps
l’histoire con struit
e autou r la don née ca chée , gé nératrice de
tens ion et de suspe nse: le
viol d’Ur an i
a , perpé tr
é pa r
Tr ujill
o. Né anmoi n s, du poin t
de v ue dié géti
qu e il
n’ existe
pa s d’his t
oire principa le, ca r les
exi s
ten ces sevalent, les parcours individuels ont la
mê me i
mpor tan ce. Et s’il y a u ne histoire sailla nte c’est bi en ce lle de Trujill
o, da ns la
mesure où elle rythme les existences de tous les autres personnages, les transforme, peut
à tout moment leur mettre fin. Le ré cit débu te avec le
re tour au pa ys d’Ur ania Ca bra l,
279
après une absence de trente-cinq ans pendant laquelle elle a refusé toute communication
avec sa famille et essentiellement avec son père, ancien sénateur de Trujillo. Elle revient
pour "régler les comptes" avec son père mais avant tout pour se retrouver, reconstruire
son ide ntité. La jeu ne f e mme , dipl ômé e d’Ha rvard, a voca t
e a upr ès de la Ba nqu e
Mon di al
e ,
bl essée
da ns sa chair
par l’h orr
e ur
de la
tyra nnie,
a
be soin de
c ompr endre le
mécanisme de ce monstre ter rif
iant
qu’ a
été l
a société
domi nica i
n e
pe n dant la
dict
a t
u re
de Tru ji
llo, de c ompr en dre comme nt il
a
été
pos si
ble qu e le
s gen s
dé chus sent
jusqu’ au
point où une jeune fille devient objet de marchandage entre un vieillard incontinent et
son père. Après avoir passé trente-cinq ans de sa vie à lire et à se documenter sur le
régime Trujillo elle nous livre une analyse intellectuelle, ironique quoique marquée
encore par la douleur, par la dictature.
La construction du récit est protéiforme dès le début. Le va e t vient entre les
différents niveaux temporels de la diégèse instauré dès le premier chapitre : le retour
d’ Ura nia, les ann ées anté rieures
à 19 61, me nti
onn ée c omme la de rnièr
e anné e
de la
dictature, le moment de la guerre contre les Haïtiens 1937 au début du pouvoir exercé
pa r Tr ujill
o, en traî
n e le le ct
eur da n s un tou r
bill
on é véne me ntiel.
L’ histoire ne s e
construit pas de façon linéaire, elle croît en même temps de tous côtés. Le lecteur est
e ntraîné da ns un e ave nt
u re où l
es voix s’e
n t
recroisent: c ’
est ta
ntôt la voix du narrateur
omniscient à la troisième personne, tantôt la voix dédoublée du personnage qui se
recherche, se reconstruit, à la deuxième personne, tantôt le dialogue du narrateur avec
son personnage, exprimé toujours par la deuxième personne. Ce changement continu de
v oix corre spon d à
une
pl ura li
té
de per spective
s et à
des mome nts dif
fé r
e nt
s
de
l’his
toire ,
du réc it
racon té. Ur ania re met en s cè ne
l
e pa ssé
et l’écl
a ir
e rétrospec ti
v eme n
t .
La
foc ali
s at
ion de l’h i
stoire d’ Ur a
nia est presque toujours double : la vision du personnage
a dulte et du per sonna ge je une fi
lle.
L’é véneme nt e
s t
livré au lec t
eu r
pa r de s
coupu res
temporelles, réalisée à des moments différents de la chronologie normale diégétique,
tissant une temporalité dominée par la figure du dictateur, de Trujillo. Le lecteur est
entraîné dans un zigzag temporel et événementiel destiné à mieux révéler et éclairer la
réalité historique. Le même fait de la diégèse est relaté par un personnage et éclairé par
la
vision du
n arrateur et d’ un aut
re pe rsonnage. Cet écart entre la voix qui raconte et la
source de perception à un double rôle :
il
pe r
me t
a u
lecteu r
par l
e tr
uch eme n t
de l
’ironie,
de prendre de la distance vis-à-vis des atrocités racontées et accroît le tragique. Les
actions de Trujillo, mené e s
au n om de l’
a mou r
pou r
le pa ys e t
pour le pe uple
dominicain apparaissent encore plus atroces. Le balancement entre les foyers de
perception différents : perspective du narrateur omniscient –perspective du personnage
est générateur de profondeur dans le roma n.
En même te mps, l’approc he est rel
ativisée
car les actions du dictateur sont justifiées aux yeux de ses fidèles et semblent être
sa l
u ées mê me
pa r
la
p opu la ti
on.
Le
di ctateur
est l
ui,
pe rsuadé d’ agir
pou r le bien
de
son
peuple. Obsédé par la perfection qui commence avec la tenue et finit par la perversité
absolue dans les actions les plus basses et les plus criminelles, le tyran exploite en
réalité la lâcheté des autres. Il connaît les recoins les plus cachés de leurs âmes, les
épisodes honteux de leu rs vies,
l
es vic es et
les moindre s défauts de ch acun d’entr
e
eux
et réussit de la sorte à les transformer en véritables marionnettes du régime, figures
sinistres qui ne reculent devant aucune atrocité.
On pourrait croire que la chronologie brisée affecte l’insertion de l
a dié g
è se
da ns le t
e mps de
l’Hi stoire .
Et pou rtant il
se passe le contraire, l
e récit re
-construit
finalement le temps chronologique, écoulé entre un moment t 0 et un moment t1 et
favorise une meilleure assomption du temps par le lecteur. C elui-ci réussit à
l’intérioriser grâ ce au jeu de
déconstru cti
on
~ re-construction narrative. Le temps cesse
280
d’ê t
re temps e xt
é ri
eu r, r
a cont é, il
de vien t temps vé cu. Da ns le roma n v argas llos i
en
nou s n’assi
ston s pas à une recompos ition du t
e mps
à
travers
la
textualité, la disposition
géométrique du roman, spécifique au post-mode rnisme , tell
e qu’e lle
e st é voqu ée p ar
Nøjgaard ; c ’est
l a c omp osition mê me du ré ci
t q ui,
à t r
avers l’ag enc eme n t
de s
séquences narrative et des interférences discursives, recrée le temps.
La fict
ion al
is ati
on de l’événeme nt histori
qu e répon d chez l’écriv ain pé ruvien
non seu l
eme n t
à une né c
e ssité individu e lle
de coh érence t
empor e ll
e e t d’inscription
dan s la r
éalit
é ,
à l’assouv i
sseme nt des démons pers
onn el
s ma is égaleme nt à un be s
oin
collectif
de pu rger l
e ma l
de
tou te une commun auté,
la s
ouf france
d’ un pa y s écrasé sous
la dictatur
e. Elle répon d à
un de r
n ie
r niv ea u, au besoin
de
l’huma nité de s e li
bé rer d’un
trauma qui pe ut
la ma rquer à j ama i
s et l
a pou sser à
ref
u ser l
’Histoire. C’ est grâce à la
construction narrative que le lecteur échappe au mal recréé par la fiction. La
compos it
ion, appa remme nt
éc latée,
dé cr ypte
le sens de
la vie
et
de l
’Hi stoire .
Le
le ct
e ur
appr end ce qu e la soc iété ne doi t
plus revi vre. En mê me temps l’imme rsion da ns ce
mon de fict
if, régi pa r la viole nce et l’in justice absol ue,
l
u i
perme t
d’ appr endre à s
e
révolter contre pareils phénomènes, le récit acquiert ainsi des qualités heuristiques et
formatrices, car ainsi que le montrait Schaeffer « un modèle fictionnel est susceptible
non seuleme nt d’être un
modè le
de la réalité, mais aussi un modèle contre la réalité, et
cela parce que dans tous les cas il est un modèle pour la réalité (au sens où il est appelé
à être projeté sur cette réalité, leur superposition ayant le sta t
u t
d’ un pa l
i mps este).»
(Schaeffer, ibidem. ) La
f i
ction dénon ce le ma l
de l
’h omme
mode rn e,
de n otre
soc iété,
elle devient arme dans
la lutte con t
re l’ a
bs urde, la
v iol
en ce, l
a dictature .
C’ est da ns et
par
la fict
ion que
l’homme sou ffre et gu ér it
, qu e
la société humaine peut se voir telle
quelle, avec ses tares, ses défauts, ses moindres imperfections. La narration réaliste par
exc ell
en ce
es t
un miroi r
pre squ e divi
n , qu i perme t à
l’homme
de pre ndre
c ons ci
e nc e
de
ses erreurs,
de s’
e n hor r
ipiler ma is aussi de s’en repen ti
r
e t
d’y remé dier. Le récit
ré s
ou t
ainsi un paradoxe : i
l pe r
me t
à l
’individu d’ approc her l’
Hi stoir
e et
c e fai
s an t
de
pr endre
un e c er
taine d ist
a nce pa r
r appor t à l ’év éne me nt,
de le c ompr en dre e t de pou voir
con ti
nu er
son existence .
C’ est dan s
ce sens que le récit acquiert un pouvoir rédempteur.
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en accor dé a u Monde de l’
éduca
tio
n, n°
280, 2000)
Vargas Llosa M., La verdad de las mentiras, Seix Barral, Barcelona, 1990
281
MANON LESCAUT
ET
L’ABBÉ PRÉVOST
AU-DELÀ DU
CLASSICISME
Andreea VL
Université « Spiru Haret », Bucarest
Résumé: L’ ouv rage « Manon Lescaut » e t l’abbé Prév ost au-delà du classicisme
dé mont re la mode rni
té de l’ oeuvr e qui r e
fuse l’intégration d ans u ne orientation e st
hétique
unique . En rel
ation avec l
’ex périenc e anglaise du mê me siècle,
nous ava nçons l’hy pothèse que
cette création de Prévost anticipe la typologie de la narrativité ample du XVIIIe (le libertinage, le
roman sentimental, le réalisme «bourgeois»), dépassant –quoique basée sur «les aventures» - la
tradition pi caresque. À l’
opp osé e de l’opti
on critique consac r
é e,
nous identi
fions dans notre
ouv rage l
e s élé
me nts qu i anno nc ent le roma ntisme e
t l
e ré ali
sme au niveau
de l’essence de s
personnages, de la dynamique du sentiment et des mouvements psychologiques différents chez
l’
homme e t chez la femme . Ains i, no us analys ons l
e «tissage» de l’ar ai
g née ( du mâl e qui
env eloppe dans sa toi
le de ficti
o n l’être
aimé ) e t
le s
aut du l
ézard (
de la f
e mme qui se
place ,
d’u ne aventur e
à l’
autre, sur u n
a utre niveaude la spirale existentielle).
Suje t
lui
mê me
de s exc eptionnels “bon d s” ex
iste ntiels, du noir de la soutane au
rouge du g il
e t mil
ita i
re, l’abbé Pr évost ma rqu e dans le roma n sentime ntal le grand
«bond» esthétique de son siècle. Inclus dans le septième tome de ses Mé moi res d’un
homme de qualité, Manon Lescaut annonce aussi bien la subjectivité préromantique et
romant ique d’un Sa int Pr eu x, d’un Re né ou d’He r
na n i
, que l’anal yse luc i
de de la
passion d’un Juli
en Sor el.
Mode rne à parti
r de ses dime nsions, l’oe uvre
pa ru e da ns un e pre
mi ère var
iante
en 1731, anticipe la vive sensualité de La vie de Marianne (1741), la passion troublante
et douloureuse de La Nouvelle Hé loïse (1761) , la perspe ctive de l’
amou r en t
ant
que
Liaisons dangereuses (1782).
Selon le titre intégral, La véritable histoire du Chevalier des Grieux et de
Manon Lescaut, le roman est focalisé sur les avatars du héros masculin, en relation
avec sa compagne. Quoique la perspective appartient au mâle, par une certaine symétrie
- d’ ordre c las s
ique, ma i
s qu i se mbl e anticipe r aussi l e pr incipe du c on t
r e
point -
l’homme ,
narrateur et sujet, et la femme, objet de la narration, en tant que
protagonistes sont également actifs, entraînés dans une passion conçue comme
l’existence par et pour l’autre .
En se mbles,
ils consacrent le triomphe de la passion sur
la raison et le devoir. Ainsi, le chevalier des Grieux trahit pour Manon les espérances et
les projets de sa famille et il enlève Manon à son destin de religieuse, tout comme
Manon, à son tour, quitte le chemin de la religion, choisit par les siens, et convainc le
chevalier à renoncer à une brillante carrière, soit-elle militaire ou cléricale.
Le mod e
n aturel de vivre de s
protagon istes es
t l’ex cept ion nalit
é de la quête de
la libe rté,
a c quis
e pa r le s entime nt,
e n t an t qu’esqui s se,
a va nt la l ett
re ,
de l a
stendh alienn e quête
a u bonhe ur,
pa r l
’amou r.
Ré pon dant qu and mê me à l
’hor i
zon d’att
ente de son époqu e, le roma n de
Pré vos t
sati
s fait
ce
be s
oin d’ av enture, l
es héros vivent
pa r latension des situations et se
282
dé finissen t pa r r
appor t au tou rbillon de s mi lieux soc iau x,
où ils son t c
on tra ints d’ entrer
e t d’où ils e ss a
ye n t de s ’
en s ortir. Pu re me nt ex térieu r,
ce mouv e me n t n e fix e pas
l’oe uvre da ns l
es structur es et le ré alisme du pica resque, frôlés au passage. L’ e ssence
profonde et figé des personnages (la sensualité de Manon et la faiblesse de ce dernier
chevalier), leurs motivations ( le g oû t du lu x e de l’un e et la pa s
s ion dé ra isonn é e de
l’a utr
e ,
pla cé es sur la t
oi le de fon d d’u n a mou r réel) distinguent ce roman prévostien de
l’e spi
è glerie d u h éros sujet du bildu n gs roma n et
de la quê te d’u ne ide n tit
é soc iale
,
propres au picaresque.
Qu oi que pr ésen t da ns l
e roma n , l’e x ce
pt ionn el de l’a ven ture(changements
spectaculaires de condition, travestis, évasions, meurtres et exile) est placé dans un
second plan, par rapport à celui de la passion.
Ce ch ang eme n t d’acc ent, d’ es sen c e mode rn e, sauv e
l’oe uvr e
de l’ abbé Pré vost
a us si
de la sen ti
me ntalité mor a lisatrice ,
don t elle ga rde
d’ a
illeu rs as sez de traces... Les
traces édifiantes témoignent peut-ê tre a us si d’ un e c ertaine s our dine c la ssiqu e, c a
r
pa rfois le roma n a mê me l’air de s ugg ére r une morale contextuelle, telle celle de
l’é quili
br e d ans le sen time nt, qu i do it de me u r
er r aisonn é e t un e ce rtain e mé fiance
envers la féminité, source paradisiaque du bonheur par le plaisir et cause fatale du
ma lheu r,
pa r les
e xc ès qu ’ell
e
s uppos e.
Ce qu i
c on fère a u te xte de l’ abbé Pr év os t la forc e sug ge stive d’ un ch ef
d’ oe uvre mode rne e s
t ju st
e me nt la distanciation, aussi d’ u n e mor a lité un iqu e e t
e xpl i
cite, qu e du sc éna ri
o sché ma tiqu e de l ’amou r. Ce scéna rio suppos a it l’ i
llus trat
ion
d’ un e pa ss ion inte nse, ma n i
fe stée pa r de s s ympt ôme s e xté rieur s,
un if or me s c hez
l’h omme et ch ez la femme ,
se ntime nt
q u i me n ai
t le s héros, à travers leurs aventures,
vers la catastrophe. À ce scénario de marionnettes manoeuvrées par les ficelles du
se n t
ime nt, l’éc ri
v ain
oppos e u ne ana ly se pa rallèle e t
c ontrastan te de l
’a mou r
, en visagé
c omme
mouv e me nt affe ctif
et distin ct ch ez l’h omme
e t
che z
la femme.
Da n s sa n arration sen ti
me n t
a le, en é voqu a nt l’amou r , l’
a bbé Pr é vos t e st l
’un
des premiers écrivains qui associe les deux mouvements psychologiques, propres à son
siècle: c e l
u i c ir
c ula i
re, c laustra nt e t ty ra nn iq ue ( ch ez l’homme ) e t
c e lu i on doy ant
,
sinueux et labile (chez la femme).
Le s ujet de l ’
oe uv re ( l’amou r) ,
qu i rédu i
t l ’
action et la c on cen tre a ux
événements révélateurs (pour sa nocivité), consacre le roman sentimental en tant que
ps y cholog iqu e, j us t
eme n t
pa r l ’a n aly se de l a dy na mi que , c ont r astan te et
complémentaire, du sentiment dans le couple.
Ce roma n se rattach e don c à l’inte n sité du se ntime nt,
c onv e rti
da ns u ne pa ss
ion
dévastatrice, qui annule toute norme morale, altère la hiérarchie affective, abaisse
soc i
aleme nt s
on s ujet.
D’ ail
leu rs, da n s Manon Lescaut c et
é loig ne me nt de l
’un iv ocit
é
du moralisme classique semble parfois préfigurer le roman libertin. Ce qui sauve des
Grieux de la chute dans le licencieux du libertinage est une certaine fatalité de
l’av entur e, oppos é e à la
q uête de celle -ci, ai ns i
qu ’à l’art de
l’ intrigue ,
q ui so nt pr opres
au héros libertin. Le
pr otag on ist
e de l
’a bbé Pr évos t e s
t dépou r vu de l’immor alité du
libertin, de sa corruption innée. La déchéance de des Grieux est due plutôt à la faiblesse
et à la passion aveugle. Pour le che va lier de s Gr ieux ,
la
pa s
sion suppos e l’in noc e nce de
l’ê tr
e, qu i de vient la pr oie de
s on sen time nt dé rai
son né, du jeu a t
roc e en tre le su prême
bon heu r
du
pl ais
ir
s ati
sf ait
et de l
’a mou r pa rtag é et l
a profonde déch é a
n ce de
la jalou si
e
ou, encore pire que c el
a ,
du do ute d’ être
a imé e t
de la c r
a i
n t
e d’ être trompé .
Bi en avant l’
e xpé rienc e du «pr ome n eur sol itai
re »
ou de ce l
le de We rthe r
,la
subj ectivité d’e s
se nc e romant iquesemble être esquissée ici par l ’e xaltatio n de c e moi
qui construit sa propre réalité (af fecti ve) aut our de l’objet
de sa
pas sion . Muni de ce
283
type de mobi l
ité,
pu re me nt
in tér i
eu re,
le pe rs
on n a g
e
de
l’abbé
Pr é vos t
est le suj e t
d’une
pr ogr ess ion c entralisatrice e t f er mée , r appor tabl e, au “mouv e me nt de l’ar aigné e”,
selon les termes de G. Poulet. Le mouvement psychologique propre esquisse le schéma
de la dynamique et le type de tension dramatique, qui annoncent celles de La nouvelle
Héloïse ou des Souffrances du jeune Werther. Cette tension est due à la double
condition du personnage, qui acquiert la compl exité contradictoi re de l
’être mode r
n e:
bou rr
e au x de l’
autre , par l’
é troi t
es se suf foc ante de sa “t
oi l
e ”,
e t
victi
me de
s oi -même,
pa r son épa iss eur,
qu i l’
éc rase.
Le chevalier des Grieux, par son amour, investit avec un sens imaginaire le réel
même , il l’inv ente et tis
se
sa “t oil
e ” d’ affe ct
ion autour
de
Manon. Au centre de sa toile
- comme tous les héros (pré)romantiques - il place donc la femme, et, ce qui lui est
propre, il enveloppe son image dans les rayons des apparences trompeuses, en luttant
pour
impos e r aux
aut res “sa” Manon, re flété
e par
le miroir de se s sentime nts.
.À partir de cette image de la féminité idéale(isée) et à travers les aventures
(qu i, pou r l
a p l
upa rt la
c ontre di s
e nt),
l’a bbé Pr év os
t esquisse la carte des mouvements
intérieurs de l’
amour r
omant ique . En tant que mouvement psychologique, cet amour
suppose un autre type de tragique, qui implique aussi la violence, mais intérieure, au
n i
v eau du moi ,
et
qu i
e s
t dirigé e ve rs
un e doubl e c i
ble: l
e moi et
“ l’autre”, l
a
fe mme .
L’ h omme , “ l’
ara i
gn ée ” ,
attrape et
arrac he la fe
mme
du qu otidien ,
p ar “le cou p
de fou dre ”. “ Tisseur ” exe mpl air e
e t
dé v ora t
eu r, il
immobi li
se “sa proie ” dan s s a “toil
e ”
d’ amou r e mpoi s
onn é ,
a u n om de l’idé a l
e r é duction du r éel à l a v ie de c ou ple ,
e xpr ession de l’
acc ompl i
s seme n t
pa r
adi sia que de l’amou r
or igi
n air e
.
Tou t e s
sa is de la “ v ictime ” de “ s’en sortir,
” de se mou voi r v ers d’ autres
re l
a t
ion s ,
qu’ e l
le
ju g e utiles, fa i
t “vibre r”
la t
oi le.
Ce s essais dé cl
a nch ent l e s grands
conflits intérieurs du héros, que nous envisageons comme les premières confrontations
entre la conscience morale - ici affaiblie - et
l’abî me
( s
ubc onscie nt) de l’affect .
“ Tis sant” s on a mou r, “ l
’ar aign ée” pr évos t
ienn e, tout comme le héros
romant ique d’ ail
leur s, est
en mê me t
e mps immobi l
isé et
suffoqué par sa propr e “toile”.
Cette toile le tient suspendu entre deux mondes. Il oscille ainsi entre le monde objectif,
lié aux normes morales, à un code sociale, à un système de la justice et à la vérité de la
raison –monde qui le condamne - et l’u nivers subjecti
f, où l
’ amou r ju s
tifie t
ou t,
e n
substituant tout code ou norme, en imposant sa propre raison et sa propre vérité. La
fausseté de cette substitution, mène le chevalier de Prévost, ainsi que le héros
romantique vers la perte de soi.
Claustré dans les rayons de
s a “ toil
e ”, “l’araignée” pré v ostienn e dev ient ains i
sa propr e vic t
ime ,
en t
an t
qu’ ê tre absor bé e
t diss out par
so n propr e
c entre. L’ obs es s
io n
de “tisse r”, la rési
s tan ce
dé v asta t
ric e
de l
a “t
oi le” ,
l
a r
éaction env ers t
ou te “v i br ation” /
intrusion dévore nt n otre faible “ar ai
gn é e” .
La fe mme ,
enlac ée pa r la
g rande “ toile ”
de
l’amou r
, isole son bou r
re au, qu i
l’ent ou re
de se s r
ay ons. Elle é puise sa volon té et
s a
raison, provoquant ses égarements spirituels et annulant ses autres aspirations. Devenue
sens même de
l’exis tence de son ama n t,
el
le bou l
e verse les pr iorit
és du ch e valier e t
a l
tè re les sig nifications
de ses g ran ds pr inc i
pe s mor aux .
Sou s l’
e mpi re de la fa sc i
na ti
on
amoureuse, le chevalier est vidé de tout autre repère intérieur: il trahit ses autres
sent ime n ts (fili
ales, fraterne ls, l’ami tié), il
qu itte ses valeurs mor a l
es (en t
r i c hant a u
cartes et en trompant grossièrement un noble, en commettant un meurtre), il renonce à
sa
c on dition soc i
ale e t
à sa libe rté mê me pou r dé fendre et
pou r être l’uniqu e ma ître de la
bien aimée.
Projetant son personnage sur l e s c
ont ou rs d’un homme “de
q ualité” (par son
origine noble, ses dons spirituelles, sa formation et par les valeurs morales et sociales
284
qu i l’on t mode lé - don c pa r sa dime ns ion “extérie
u re”, du “ pa raî
tre”), l’a uteu r lui
confère une. singulière dimension réaliste en investiguant / dévoilant par les effets
dé va st
a teurs de l
’amou r
l’êtr e
prof on d: faible,
i
nfluençabl e, au ssi loin de l’ex ce ptionn e
l
don de s oi roma n ti
qu e,
qu e de
la gra n deu r
édif
iante de l’être classique... comme tout
héros moderne.
An tici
pa nt l
’e s
se nc e roma n tiqu e, et
se r
a t
tachan t pe ut-être aussi au pathétisme
classique, les nuances de ces repères intérieurs sont marquées par une transformation
comportementale évidente. Ainsi, en proie à la souffra n ce de l’
in ce r
tit
ude
d’ ê t
re aimé
ou de la jalousie, des Grieux (étudiant orgueilleux, fidèle fervent, chevalier sans
reproche) perd sa dignité masculine et féminise ses réactions, en pleurant, tombant à
ge noux de va nt
Manon ,
s’
é v an oui ssant .
Pourtant, ce héros sensible, larmoyant et sentimental est finalement sauvé de la
fatalité du
de stin roma nti
qu e . D’u ne
c e rta
in e
ma nièr
e ,
i
l pour rait
ê tre considé ré le porte-
par ol e d’une thèse chère a u x Lumi ère s Fr a
n ça
ises. “
De qu alité” pa r
sa c ondi tion ,
de s
Gr ieu x e st
l’homme récupérable, apte du progrès intérieur. Sa nature positive a été
seu leme nt
e ntraînée ve r
s
l e pê ché,
qu’ il a
d’ ai
lleurs
expié pa r sa sou ffr
a n
ce .
Un e f ois l’objet de la pa ss i
on disparu, la “ t
oi le” br isée, les “pa t
tes ” de
“l’a rai
gn é e” rompu es, i
l
n e lui r
este qu’ à s ’
huma niser
et il se mbl e mê me rev en ir
à soi-
mê me . L’ i
mpo ssibili
té effec tiv e de ce retour nuance l’
e ssen ce du hé r
os,
qu i n’e st
donc
pas réductible à un simple porte-parole. Au contraire, le chevalier qui achève la
deuxième confession est bien différent du héros des aventures relatées, préfigurant le si
moderne “l ’aut re”, c e
lui de l’ex pé r i
e nce accompl ie. Pa r s on é volution ,
a vec s es
dé tou r
s, s es retours et ses é ga reme n t
s , ce personn a
g e
pr évos ti
e n s’ouvre vers le h éros
dilemmatique, propre au réalisme analytique, de la moitié du siècle suivant.
À son tour, par sa substance complexe, dans le roman de Prévost la femme
appartient à la même typologie, en dé pi t
du fai
t qu’en être complémentaire, elle est en
même temps antithétique par rapport au héros. Ce contraste est soutenu, à tous les
niveaux extérieurs, avec des suggestions soustextuelles critiques: l ’
or igine s oc iale
(douteuse, trahie par son frère), la condition morale (au moins suspecte), le
comportement (con damn a ble sa ns
dr oit d’appel).
Nous trouvons qu ’a u s
u j
e t de l
’e s
sence réell
e du pe rsonna ge fé mi nin l
’ abbé
Prévost ouvre son roman vers le débat et, en écrivain moderne, il impose à son récepteur
de fa i
re le c hoix d’ u ne
c lé de le ctu re. L’oeuv re nou s of fre le s donn é s pr opr e s à
considérer Manon une simple “c atin”, selon le terme impitoyable de Montesquieu,
mais, surtout par sa mort la héroïne nous permet de reconsidérer cette position ou au
moi ns de l
a n uan cer.
Da ns
c e cas,
i l
s e mbl e s
’agir
ch e
z
c e pe rso nn ag e
de Pr év o st
pl utôt
d’un sen ti
me nt domi n a
nt e t fatal, auquel sont subordonnées et au nom duquel sont
raison na bleme nt domi nées ,
e t ma ni pu lée s,
les
autres “
of fres” sen ti
me ntal
e s, né cess aires
à son train de vie, donc à sa survivance. De ce point de vue, Manon paraît plutôt vivre
une “pas si
on” réelle,
ma is affirmée pleinement trop tard, lorsque la situation vraiment
tragique arrache les masques.
La pr emi ère “piste de lectu re ” placerait c
e
texte da ns la série
de s
r omans de
l’av entur ière,
qu i
pos e le
pr ob lème d’ un e n a
rrat
ivité
picare squ e ,
don t
le
pr otag on iste est
la fe mme . Là ,
on pou rr
ait dé tecter les traces d’un réal
isme , qu i ren voie
à une certa i
ne
ex pé ri
en c e
ang lai
s e,
d’aille u rs con nu e à l’
abbé Prévost, t radu cte ur de Pamela et de
Clarisse Howard, oeuvres postérieures à Manon Lescaut.
La s e
c onde
“ pis
te de lectu re” sit
u e Manon Lescaut dans la série éclectique des
romans sentimentaux d’an alys e
de la c ondi t
ion f
é minine
( ay ant le point
de
dé pa rt da ns
285
La princesse de Clèves e t qui c on t
inue par l’ex pé rien ce roma ntiqu e et v ictor ienn e,
surtout dans les oeuvres des romancières).
Quelque soit le décodage du lecteur, dans le roman prévostien la femme,
convertie par le héros en suprême réalité, Manon réinventée, e s t l’image mê me des
illusions masculines. Le plus souvent, elle entre dans le jeu psychologique du chevalier,
e n feignant l’identifi
ca ti
on
ave c cette i
ma g e.
Ce jeu entr e
l’êt
r e
et l
e par aître, la feintise
fé mi nine,
pou r
se mou ler dan s l
e contou r d’une ima ge à usage intime ou so cial, fera
d’ ailleur
s ca rriè
re da ns le r
oma n réa l
iste
et na t
u raliste du XIXe si
è cle ( chez Thackeray,
Tolstoï, Zola, par exemple).
Conçu comme l ’un des pr emie r
s ant i
hé ros
fémi nins, di
stincts de la ”pi car a”, l
e
pe rson nage de l’
a bée Pr évost acc epte et
pr ati
qu e c e je u,
qu i
est
propr e à un e st
ru ctu r
e
mobile. Il ignore les contraintes morales, fuit toute norme sociale, se moque des
pr inc i
pes et de s
va l
eurs
du “
dr oit chemi n”. Ouv e r
te ,
commu nicati
v e et soc iabl e,
Ma n on
est orientée toujours vers les autres, envisageant ou spéculant leur utilité pour sa propre
personne.
Sa ns fai
re
l’obj et
de l’an al
y se –car elle est presque toujours une très moderne
présence-absente, un pe r
sonn ag e r e
flété “ après c ou p” ,
à t ra
v ers l a su bje ctivité du
narrateur héros – la protagoniste prévostienne acquiert dans le roman une double
signification symbolique. Contrainte au choi x e n t
re l a religi
o n e t l’alcôv e , Ma n on
Lescaut suggère la condition de la femme (moyenne et pauvre) du XVIII e siècle-en
frôlant au passage les thèmes de la vaste problématique du XIX e, concernant la
survivance morale et sociale féminine. En même temps, par ses démarches et surtout par
sa fi
n ,
ell
e se mbl e i
llustrer
les pé ril
s de
l’amou r et l es pièges qu e
l’e xpé rienc e
fé mi nine
innée tend à tout idéalisme de la jeunesse masculine. Evidemment, dans ce cas, la
misogynie classique rejoigne celle, avant la lettre, de la perspective du réalisme épique,
“ obje ct
if”.
À l’oppos ée de l’
homme , être stati
qu e, qu i s ubsti
tu e l
a r éalité pa r s
a “toile”
su bje ct
ive, c ell
e de l ’amou r e t de s gra ndes i l
lu s
ion s ,
ch ez Pr év os t
la femme est
dynamique. El l
e s’agrippe à l
a r
é alit
é con c r
ète, des objets et des désirs tangibles, des
actes nécessaires ou plutôt jugés tels quels.
Mise sous le signe de la préméditation, à l ’
opp osée de l
’h omme , qui resse nt l
e
fa rde au
du h asard fatidique, Ma non ma nifeste le sang f
roid e
t l’espr it rai
s onn é d’un
lézard, reptile dont la valeur symbolique est chère au XVIIIe. En
tan t qu e “léz ard” ,
e ll
e
a git par
pe ti
ts “sauts”, ou
pas calculés, sans être incommodée par aucun mouvement de
la conscience. Abou tissant à la lumi ère d’un e pa ss i
on pu re et i
nte nse dès
le dé but du
roman (par sa rencontre avec des Grieux). Elle ne méprise pas les bénéfices de la
“pé nomb re”mor al e
, des relations douteuses, mais profitables, qui comblent au moins
son besoin de liberté, sa fantaisie intime et sociale...
Personnage complexe, elle est pour tant l oin d’ être une ar ri
v i
ste , car elle
n ’env isa
g e pa s
de s’agripper plu s hau t
, sur l’éche l l
e, n ’est
pa s
gu idé ni pa r l
a s oif de
l’ar gent,
ni p ar
le rêve de la
hiérarchie.
Ma non est rég i
e
plutô t
par une amoralité sans
faille. Convertis en principes de son existence, le goût du confort et la vocation du luxe
lui impriment le mouvement tortueux des volutes des caprices, propres à une vie
foc alisée
su r l’i
nstant de
plaisir.
C’ e s
t pou rquoi sa v ie intéri
eu re
dé crit la sinuos ité de l
a
courbe. En ne mie de l’ordre dans la vie, de la droiture, coquetant avec les promesses du
cercle, soit-i l ce lu
i de la “ t
oile d’a r
aig née”, e ll
e g arde qu an d mê me s a l iberté
d’ ou vert
u r
e
v ers
d’ autres rel
ation s.
286
La dy nami qu e de Ma non est c elle d’un e h éroïne
mode r ne, aussi éloignée des
valeurs et des devoirs de la féminité classique, que de la fatalité de la passion
romantique.
Êt re fantas que , e l
le s’inv ent e-en lézar d, elle “c han ge de pe au” - à l
’ us a
g e
de
des Grieux à chaque moment de leur vie à deux: victime innocente de sa famille, qui la
vouait à une existence pour la quelle elle était dépourvue de vocation, femme
soupçonnée à tort, proie innocente des désirs du prince italien, victime du vieux G. M.
et de la justice implacable.
Sa v i
e sembl e su ivre les c on t
ou r s d’un e spirale de sce ndante, qui entraîne dans
sa chute la ruine et la perte de soi de son compagnon, le chevalier démuni de sa
c ondition ,
con ve r
ti
e n trich eu r, dé ten u,
me u rtri
e r
, cama r
a de d’e x ile
.
Fragile –comme tout lézard - et dé pou rvu e d’un e mi n ime capa cité d’or ganiser
son existence, mais muni e d’une r edout a ble f
or ce d’empoi sonne r ce ll
e de t
ousceux qui
la
renc on t
re nt,
incapa bl e d’ arrê ter sa c
h u te, mê me lorsqu’ elle ô te sa ma squ e de h i
stri
on
soc ial,
e t
ch e r
ch e
av ec dé se spoi r le c he mi n dr oit,
Ma non deme ur e jus qu ’à sa fin l
’êtr
e
du ale. Son u nité
de car actè re es t du e à l’u nicité de son art d’a ime r.Son grand amour -
qui n’ex cl
u ait pas les int erlude s - n’ avè re sa réalit
é et ne s’ac c ompl i
t que
par la mort,
au nom de l’êt
r e
ché ri. La mort de Manon paraît soutenir une morale claire: celle de la
c hute s ans r émi ssion e t de l’in évi table e xpia t
ion du pê ch é c apital, de l’e xist
e nc
e
amorale, soumise aux excès, en dehors de toute norme. Et pourtant l ’ aut eur pa ss
e
au
delà du classicisme propre à un personnage à thèse, par son intuition, digne de sa
modernité, de transformer Manon dans sa propre victime. Manon expie par la prison,
l’ex i
le et pa r l
a
mor t
d’ épui se me nt son se ntime n t
ex cessif ou pe ut-être sa nature, vouée
au pêché. Par les circonstances de sa mort dans le dessert, l ’hé r oïne
d e vient la victime
de la traîtrise de son essence même, de son éloignement des libertés de la volute des
c apr i
ce s /
de s appar enc e s, au nom “du dr oit” che mi n,
de l’enf erme me nt dans le
cercl
e
(du devoi r
de l’épous e, de s no rme s soci ales
d u coupl e exempl ai re ,
bé ni p arla religion).
Outre ces quelques observations relatives aux personnages et à leur dynamique
psychologique inédite, le texte prévostien dans son ensemble, franchit la frontière, passe
au delà du classicisme tardif de son époque, surtout par la fraîcheur de la perspective
narrative.
Ba s ée sur l’ex pé rien ce vé cue / ac compl i
e du c heva lier, la na rra ti
on c onfigure
l’un ivers inté r
ieur d e
c e l
u i-ci, par une structure propre au monologue de confession. À
travers le chevalier des Grieux, dans cette oeuvre de maturité c réa t
r i
c e, l’abbé Prévost
in st
itue l e j eu mo der ne e nt r
e l ’iden tification de l ’
a uteur a v ec l ’e ssenc e de son
personnage (par les données biographiques et par une certaine bienveillance
complaisante) et la distanciation narrative (par les données fictifs, propres à un
antihéros, homme commun avec ses fautes et ses faiblesses).
C’ es t
pe ut-être pou r qu oi Ma n on Le scaut e t l
e che va lier de s Gr i
e ux , qu ’
ell
e
e ntraî
n e da n s ces “ vér i
ta bles a ve ntu r
e s”, acqu ièrent et garde n t à t
ra v ers le temps l
a
sympathie de tout lecteur. Ce lui de l
’ époqu e, “le le ct
e ur suppos é,” un pe u las de la
vraisemblance et de la magnificence étalée sur des milliers de pages ennuyeuses, a dû
découvrir, concentrées dans un microroman, l ’ i
ntens it
é de la pas sion, (pré)romantique
qui flottait déjà dans l’ air e t
la vérité psychologique, du réalisme à v eni r.
Le “lecteur
in ci
de ntal”, de nos jou rs, bl as é pa r tou s le s expé ri
e nces et l
e s fo rmu le s de dis soluti
on
des personnages, retrouve, dans la densité de la fiction, la saveur du réalisme évocateur,
de l’époqu e et des milieux sociaux, ainsi que le plaisir pur et presque oublié de
l’identification avec une c ertaine ps y
c hol o gie / expé rienc e de l’âge te ndr e... Ce qui
n ous
ramè ne, au delà
de tou t âg e es thétiqu e, ve rs
l’éterne l
le mode rnité du c hef d’ oeuvre.
287
COMMUNICATION INTERCULTURELLE DANS « VOLKSWAGEN
BLUES »
Liliana VOICULESCU
Université
Résumé :
Le roma n poulinie n est
trav ersé par le re gar d de l
’au t
r e, car l
a di ve
r s
it
é des
origine
s, des cul tures et des l
an gue s a bien rempl acé l’
e t
hn oce ntrisme qui régnait jadis dans la
li
ttérat
ure ca na di enne f
ranç aise. Le romanc ie r qué bécois fait plac e au plur alisme et ,
pl
us qu’un
élargis
seme nt thé mat i
q ue, c et
te ouv er ture est en outre un app or t pour l’é criture,
r égénéré
e et
enrichi
e a u c ontac t
d’un nouv eau répe rt
oire de références littéraires, historiques et culturelles.
La réali
té soc iale qu’i
l dé crit
se car ac t
é r
ise par la mutation d’u ne
identi
té c ollecti
ve homogène à
une conception plus problématique et hétérogène de la culture. À partir des notions
d’hétér
ogé né ité (identitaire, raciale et sexuelle), de multiplicité, de valorisation de la marge et de
revendicati
o n de s peti
ts réci ts
,
l’écri t
ur e postmo dernist
e de Po ul in off
re un ca dre,
à l
a f
ois r
iche
et s
ouple,
pour inte r
roge r l’
i nscri
pt i
o n de cette div ers
it
é
cul turelle dans la littérature.
1
Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle VB, suivi du folio, et
placées entre parenthèses dans le texte.
288
- le voyage,
- le
Gr an d Rê ve
de
l’Amé riqu e et
l’
amé r
ican ité
,
- la recherche du bonheur,
- l’Eldor ado ou l
e
bon heur inacc ess
ible,
- la chute des héros,
- l’en f
a n ce,
- la douceur et la tendresse.
À part Jack, la Grande Sauterelle et Théo, il y a encore deux personnages
importants dans le récit : le minibus et le chat Chop Suey. Le Volkswagen qui date de
1970 prov ient d’Al lema gn e et
a bou rlingué sur les routes américaines depuis Halifax
ju squ ’en Floride . Qu ant à Chop Sue y, il
accompa gne l
es deux per s
on nages dans le ur
voyage initiatique et devient pour eux - comme tous les chats pouliniens - un
compagnon affectueux.
Dans ce roman, pour la première fois dans sa création, Poulin fait voyager ses
personnages hors des murs du Vieux-Québec et loin des berges du Saint-Laurent. La
quête au bord du vieux minibus Volkswagen est déclenchée par la carte postale au texte
illisible que Théo a adressée à Jack de Gaspé et que celui-ci a retrouvée dans le livre
The Golden Dream de Walker Chapman, et aussi pa r
l’ét
at d’espri
t fragil
e de
Jac k qu i
v ient d’a v oir
se s quarante ans :
Il y a de s j
ou rs où vou s
avez
l’impression
qu e tout
s’écroule..
. en vous et
au tour
de vous, dit-il en cherchant ses mots. Alors vous vous demandez à quoi vous
a l
lez pou v oir
vou s raccr
oc her...
J’ai
pen sé à mon frèr
e. C’était
mon plus g rand
chum autrefois. (VB : 12)
Apr è s av oir fin
i
d’écrir
e un l
iv re
dans lequ el
il t
rouv e
dé j
à de s
fai
blesses, il est
e n pa nn e d’ i
n spira tion et
dou te
de s
on tale
nt. À pa rt c
e tt
e i
nqu i
é t
ude ,
il
a
une ma uva ise
opinion de lui-même. Il se sent « vieux et ridicule » (VB : 13) et il se trouve trop maigre
et trop renfermé (VB : 48). Timide, réservé et sérieux, il fait preuve de respect, de
douceur et de tendresse dans ses rapports avec les autres. Il noue difficilement des
re lations avec
le s ge ns à
cau se
de son
c aract
ère solitair
e dû
surt
ou t
au
mé t
ier
d’écriva in:
[…] à l’âg e où les gens comme ncent
à viv re pour vrai
,je me suis mis à écrire
e t
j’ai tou jours con t
inué et
pe n dant
ce temps ,
la vi
e a continué ell
e aussi.
I l y a
de s ge ns qu i
disent que l
’écriture est
u ne fa
ç on de vivre ; moi, j
e
pe nse qu e
c ’est
a uss i
u ne
f a
ç on de
n e pas vivre.
Je veu x dire:
vous vous
en f
ermez dans un
livre, dans une histoire, et vous ne faites pas très attention à ce qui se passe
autour de vous et un beau jour la personne que vous aimez le plus au monde
s’e n va ave c quelqu’un
dont
vou s
n’ave z mê me pas entendu pa r
ler.(VB : 147-
148)
Bien que sa passion pour les mots l
e fasse s e
con sacre
r entièreme nt
à l’
écritu re,
ce métier ne lui apporte pas beaucoup de satisfaction. Il est mécontent de lui-même en
ta nt qu’ é crivain e t
il
e
s t
loin de son idéal
. Dé pou r
v u d’ins
piration, ma i
s pat
ie nt et
obstiné, il fait pa rtie de ce
q u’i
l appe lle
«l ’espèc e laborieuse» (VB : 48). L’écritu re
re pré sente pou r lu i
l’
explor at
ion d’un terr
it
oire inc onn u,
comme ce fut l
e cas pou r s es
ancêtres aventuriers qui sont devenus, au bout de ses lectures et de son voyage sur leurs
traces, ses vieux amis. I l
es s
a i
e ainsi
d e déchiff
re r
s on identi
té et
d’ é
c l
a i
rci
r un pe u l
e s
idées embrouillées et la brume permanente qui persiste dans sa tête.
La Grande Sauterelle ou Pitsémine - mot qui traduit le nom de la Grande
Sauterelle en langue montagnaise - l’
a ppu i
e tout au l
ong de cette
e xplorat
ion .
Elle est
une fine psychologue qui comprend très bien le drame de son compagnon, car, elle aussi
cherche son identité. Née à La Romaine, une réserve indienne montagnaise située au
289
nord-est de Sept-Îles, en Basse-Côte-Nord, d’u ne mè re
mont agna i
se e t
d’un père blan c
,
elle est partagée entre les deux races et les deux cultures. Elle est heureuse quand elle
est sur la route (VB : 179) e t son sens de l
’orie ntati
on
e t
s a perspica cit
é la transforme nt
dans un très bon copilote. Ayant toujours un air grave et réfléchi qui reflète ses
tou rmen t
s intérieurs ,
elle es
t compl èteme nt dés ori
e nt
ée
qu and il
s’ag i
t d’elle-même : « -
... je ne sais jama is
à l’av a
n ce c
e
qu e je va i
s fai
re» (VB : 38). Mécanicienne experte,
elle est aussi une excellente conteuse et une passionnée de livres qui lit « avec une
v or aci
té qu’ il
[Jack ]
n ’
a vait
enc ore j
a ma is
vu e »
(VB : 41).
L’obj e t
d e l
eu r explor at
ion est,
au dépa r
t, Th éo. Suivan t un e
piste presqu e
inexistante, « une carte postale bizarre, un dossier de police, un article dans un vieux
journal » (VB : 219),
ils évoq ue nt
leur en fance et
leur pa ssé à
trave r
s
l’histoire
de leur
ra ce .
Da ns c et
te t raversée de l’Amé riqu e du Nor d, de Ga spé s
ie, le be r
c e
au de la
civilisation française en Amérique où Jacques Cartier a pris possession du territoire au
nom du roi de France, en Californie, en passant par Québec, Toronto, Chicago, Saint
Lou is et
Ka ns as City ,
il
s
conf rontent l
e urs croy ances
ave c la réali
té qu ’i
ls
y décou vren t
.
Pitsémine fait une le cture moi ns i dé ali
sa n t
e de s g ran des f igures de l’h i
stoire
amérindienne et Jack, de son côté, remet en question son système de valeurs et tout
l’u nivers de s héros de son
e nfanc e.
Ce s h éros son t
personn ifi
és
pa r l
a
figu re de Th éo,
qui occupe une place importante dans la galerie imaginaire de Jack. Les pionniers et les
aventuriers évoquent par leurs comportements la figure de Théo, qui avait des qualités
de chef, savait raconter des histoires et surtout, « comme les pionniers, était absolument
c onv aincu qu’ il
é t
ai t
ca pable
de
faire tout ce qu’ il
voulait» (VB : 149). Fasciné par ces
aventuriers, il a fait des études en histoire non pas pour travailler dans ce domaine, mais
pour voyager sur les traces des premières explorations des Français en Amérique, car ce
qu ’i
l ai
ma i
t da ns l
a vie, c’é
ta i
e nt
les voy age s.
Au cou rs
de son périple, i
l
n’ h é
site pas
à
v iv r
e
en ma rge
de la loi s’i
l e st
conv ainc u qu ’il
récupè re de s Amé ricains un e reli
qu e
impor tante de l’Amé riqu e
f ra nçai
se. Se l
on l e jou r
n al l’ Examiner d’ Independence
Square, il est le suspect principal dans une affaire de vol avec effraction commis au
Ka n sa
s Ci t
y Mus eum of Histor y
and Sc i
e nce. I
l avait
ten té de s
’e mpa rer d’une vieill
e
c arte de ss
in ée à l
a ma in e
n 1840 pa r un jésu i
te d’origine f
rança ise,
l
e père Ni colas
Point, et intitulée Plan de Westport (VB : 151).
À pa rti
r de c ett
e histoir
e d’ i
n fraction ,
la f
igure h éroïqu e de Th éo entre en
déclin pou r Jac k.
I l c
ompr end que le temps a modi fié l
a pe rception qu ’
il a vai
t de
s on
frère et que celui-ci est pour lui « à moitié vrai et à moitié inventé » (VB : 149). Une fois
qu ’i
l en a pr is c on sci
e nce, il réussit à mi e ux dé passe r le c hoc prov oqu é pa r les
retrouvailles avec son frère à San Francisco. Théo, aux cheveux très gris, presque
blancs, est immobilisé dans un fauteuil roulant atteint de paralysie progressive. Il a
perdu toute mémoire, il ne se souvient rien de son passé et il ne parle plus français. Jack
décide de rentrer au Québec pour écrire un nouveau roman et de laisser son minibus à la
Grande Sauterelle qui a encore besoin de temps pour faire la paix avec elle-même. Elle
veut rester à San Francisco puisque cette ville américaine « où les races semblaient
vivre en harmonie, é t
ait un bon endroit pou r essay e
r
de fa i
re l
’un i
té et de se récon cili
er
avec elle-même. » (VB : 318)
Cette relecture des deux passés, celui amérindien et celui canadien-français,
s ’ajoute à l
a découv ert
e
de
la soc i
été états-unienne, une société des paradoxes présentés
tout au long du roman. Cette société, construite sur la violence (les massacres contre les
Amé rindiens ,
l’insé curit
é
de s grande s vill
es ,
Al Ca pone et le crime organ isé,
etc.),
e s
t
pourtant, par sa nature, conviviale, grâce à la douceur et à la simplicité héritées des
voyageurs et des explorateurs qui ont pris possession du continent américain.
290
Ce voy a ge da ns l’espace est redou blé par u n v oy age
da ns le t
e mps qui de vient
ex plic i
te dès l
e pre mie r chapitre,
intitulé
d’a i
lleurs symbol iqu eme n t «Jacques Cartier ».
Poulin y introduit deux cartes géographiques exposées au musée de Gaspé. La première
ca rte qui impr es si
onn e surtou t
Jack mon t
re l’i
mme ns e territoire de l
’ Amé riqu e du
Nor d
qui appartenait à la France au milieu du XVIIIe s i ècle, te r
ritoire qu i
s’ é
te nda i
t de s
régions arctiques au golfe du Mexique et qui atteignait les montagnes Rocheuses. De
son c ôté,
La Gr a nde
Sa ut
e rell
e est plu t
ôt att
irée pa r l
’a utre ca r
te jalon née de
n oms de
tribu s in
di enne s de l’Amé rique
du
Nor d
av ant
l’arrivé e de s
Bl a
n cs.
Ils s’arrêten t
à plusieurs en droit
s où se sont dé rou lés de s épisode s impor t
ants
de l’
h ist
oi re
de l’Amé rique
(les
e mpr eintes des pion nie rs sur Ch imne y
Roc k ,
les g ue
rr es
av ec les
In diens ,
etc.) et il
s re
trouv ent les vesti
ge s de l’anc ienne pr ésen c
e franç ai
se e
n
Amé rique
da ns la région du Mississippi et
da ns l’Ou e st des États-Unis. Si Jack cherche
les traces de la mémoire canadienne-française éparpillées sur le continent, la Grande
Sauterelle veut redécouvrir un côté plus ancienne de la mémoire continentale, celle de
ses premiers habitants, les autochtones. Ni Blanche ni Indienne, elle est angoissée par
l’i
dé e de n’êt
re rien du tou t,
tandis q ue,
pou r Jack , e l
le est « qu elque c
h ose
d e ne uf,
quelque chose qui commence » (VB : 247). Leur voyage est éclairé par toutes sortes
d’obj ets
sy mbol iqu es (des livres, des musées, des chansons anciennes) qui les aident à
faire l eur propr e lecture
de l’hi
stoire amé ricaine, en conf ron tant se s my the s
fon dateu r
s
avec la réalité contemporaine. Cette réinterprétation des mythes se déroule sous le signe
de la désillusion et
de la dé chéanc e d’un rêve, celui d’u ne Amé rique française, incarné
par les coureurs de bois, les voyageurs et tous ceux qui se sont laissés séduire par le
mirage américain. De son côté, Jack questionne le passé glorieux de ces gens qui ont
pa rcou ru le territoire à la
recherche d’un bon h e
u r in acc essible, ta ndis que La Grande
Sauterelle repense certaines images de son passé pour se mesurer à son destin actuel en
Amérique.
Deux Amériques sont représentées par Jack et Pitsémine. Tandis que Jack est
le s ymbol e d’un e Amé ri
qu e frança i
s e,
d’un e posse ss i
on pe rdu e a près la conquête des
Br itan ni
qu e s,
Pi ts
é min e est le s
ymbol e
d’un e Amé riqu ea v an t
l’arriv ée des
Bl anc s,
une
Amérique des Amérindiens. Ils revivent ensemble ce passé qui les isole lors de leur
séjour qui commence à Gaspé (au Québec) « où Jacques Cartier avait découvert le
Canada » ,
qui c ontinu e sur la
Piste de l
’Ore gon ,
en e mpr unt ant «la trace des émigrants
du 19e siècle qui avaient formé des caravanes pour se mettre à la recherche du Paradis
Pe rdu ave c le
u rs ch ariots ti
ré s
pa r
de s bœu fs» (VB : 279) et qui finit à San Francisco,
v i
lle où i
ls déc ou vrent l’esprit
de
libe r
té et
de
toléran c e qu ’
ils ch erch ent. I
solé s
don c
pa r
leu r pa s
sé ,
ils
r éussisse nt à se r
e j
oin dre dan s
le pré se nt où l
e s con tou r
s
d’ une n ouve ll
e
Amé rique
mé tiss é
e
e t
ouv e rt
e
à l
’aut re s
e dé l
imi t
ent.
Volkswagen blues met ainsi en premier plan la place que la conscience
française occupe en Amérique et la situation du Québec sur ce continent. À la fin de
leu r v oya ge, lorsqu’ i
ls ren contrent u n Th éo a s
s i
mi lé, vie ill
i, pa ralysé ,
inc apa ble de
reconnaître son frère et de parler français, les deux héros prennent conscience de
l’impos sibili
té d e
v i
v re en frança i
s l’Amé riqu e
du Nor d, qu’il s’ag isse des États-Unis ou
du Ca nada .
Pou r pou voi r
s’i
ntégrer à l
a ré al
ité pré se nte, ils se re nde nt compt e qu’ i
ls
doiven t l
a isse
r de côté le pas s
é viole nt e
t s’orienter plu t
ôt vers l’av enir.
L’ a mé ricanit
é
fait sans doute partie de leur âme québécoise et, après avoir passé un été ensemble, ils
dé cou v r
en t l
e plaisir de vivre au con tact l
’un de l’a utre à me su re qu’ ils
tr
av ersent un
territoire historiqu e
e t
my t
h ique et
q u’ils
reviven t
leu rs origin es:
— En géné ra
l,
j’aime mie ux êtr
e
tou t
e
s eule .
— Moi aussi.
291
Il se tourna vers elle :
— Et
pou r tan t
on est restés
e nse mbl e
tout l
’ é
té.
(VB : 320)
Pa rti
s à l a re ch e
r ch e d’e ux-mêmes, ils apprennent que le bonheur signifie
dé cou vrir
l’au tre en mê me te mps qu e soi-même. Leur parcours initiatique implique une
é valuation
de la
c onna issanc e qui c ompr e nd la dé cou verte d’un n ouveau mond e,
ma i
s
a ussi
ce ll
e
du mon de, c’ es
t-à-dire une nécessaire expérience de la vie, avec ses aléas et
son bonheur. Complètement opposés au départ, ils font une seule personne à la fin,
lai s
sant e ntrevoi r l’espoi r d’ un e
solida r
ité en tr
e l es ra
c es et lescultures. Volkswagen
blues, par son ouverture spatiale, historique, sociale et métalittéraire, devient ainsi le «
g rand roma n
de l’Amé r i
qu e » ann on cé pa r Les Grandes Marées, qui réussit, comme
l’a f
fir
me Jean Mo ren cy (
1994: 213), à « réconcilier enfin, de manière on ne peut plus
e xplici
te ,
l’homme
qu é bécoi s a vec s a
de stinée continentale ».
Jacques Poulin (1989 : 50) disait à propos de son roman que les personnages
cherchent la place que la conscience française occupe en Amérique, ou peut-être, la part
de l’â
me qu ébé coi se qu i est amé ric aine. Jacques Allard (2000: 261) identifie les deux
routes, celle française et canadienne des origines et celle états-unienne, qui, à partir des
ra pports de l’espa c e historique et i
de nt
itaire,
trac e nt le
pris me québé cois
: les francité e
t
canadianité du passé et du présent, corrélées à une américanité nordique qui intègre
bientôt les deux autres. Limitée au Canada et aux États-Uni s,
l’amé ricani
té vé c
u e
dans
c e roma n r
e nv oie moi n s à l’ ex i
l a ncien
du
XI Xe qu’ à
une av enture de la liberté, une
libe r
té po st mode rn e qu i
r epos e, c omme l’affirma it
Va ttimo sur une « oscillation
continuelle entre appartenance et dépaysement » (1990 : 20).
Un aspect important de ce roman est, comme le montre John Kristian Sanaker,
la t ext
u alisation d e l ’angl ais qu i s e g r
e ffe
t ou t n a
ture l
l eme nt s ur
la l ang ue de la
narration . Ce pr oc édé e nric h i
t le ré cit
d’ un n ouv eau s ens qui traduit l ’ouve rtur
e
linguistique des personnages et qui « peut être psychologique et individuel dans la
me sure où l’empl oi de l’ang l ais sert à dé cri
r e te l locuteu r dan s
un e sit
ua ti
on
don n ée,
mais il peu t
é g aleme nt av oi r une por t
ée plu s
la rge là où l’empl oi systéma t
iqu e de
l’a ngl
ais
rev êt un e fon ction de doc ume ntation his torique e t cultur
e lle» (Sanaker, 1999 :
989). À propos de Volkswagen Blues, Sanaker (1997 : 313) remarque le fait que, dans
ce roman écrit en français, les parlant anglais parlent anglais dans les situations où cela
semble motivé, et rien, dans la composition du roman, ne laisse pas croire que Poulin ait
voulu limiter la place des dialogues en anglais.
Le Volks, en sa qualité de « maison mobile » devient une métaphore pour le
roma n (L’ Hé ra ult, 1989: 41) et pour la littérature en général. Comme véhicule, il
appartient au mouvement et il se déplace vers un ailleurs. Cependant, comme habitacle,
il appartient au fixe et il garde chez soi. Il est donc symbole de la réalité mixte et du
pr ésent où l’ide nt i
té, l a cu ltu re e t l’écritur
e s on t en mut at
ion .
Moy en de trans port
capricieux, maison sur roues accueillante et chaleureuse, la voiture est aussi chez Poulin
u n e s
pa ce o ù l
e h éros déc ouv re l’Au t
re en tant qu’éléme n t
esse nti
el de s on i
de n t
it
é
culturelle, personnelle, sociale et nationale. Tout au long du voyage identitaire que Jack
fait dans le Volks, il réussit à accepter le passé et à comprendre la réalité mixte du
présent.
Hor s l’amé rica nit
é , le minibus acquiert pour les lecteurs de Poulin une valeur
a joutée, comme l’affirme Ja c que s Al lard (op. cit. : 264). Il devient un véhicule du livre
même, comme bibliothèque roulante, ou même bibliobus ( La Tour née d’aut omne ),
ce
qu ’
il
es t dé jà ici, puis qu’il déborde de livres. Le titre même de Volkswagen blues
renvoie donc, sous le signe de cette marque de voiture bien connue, à ce véhicule du
liv r
e et
à
c e l
iv re du vé hicule . On compr en dra qu e le
vieux na r
rateu r
s’i
de nti
f i
e a
u v ieux
292
Vol ks. Ma is l’ef f
e t
global de son conditionnement anglophone nous ramène au signal
avant tout états-u nien de
l’a mé ri
c ani
té arborée.
Et ce qu i
es
t
le
plus cur
ieux,
c’est
que l
e
véh icul
e est tou t de même d’origine a l
le mande.
«Serait-ce parce que
l’Europe est
au
fon deme nt de
l’a méricanité? » se demande rhétoriquement Allard.
Ainsi la voiture devient un habitat qui donne un sentiment de sécurité et
d’identit
é à ces noma des qui fon t
pr euv e
d’une ouv e
rtur
e fr
anc h
e
et décomplexée à
d’a ut
res cu ltures. Car, c’est seuleme n t
e n r
econnaissa nt
et
en
acc e
ptant
l
’Au t
re,
soi
t-il
Indien, Américain, Français ou Canadien anglais, que le personnage poulinien peut
affirmer et faire reconnaître son identité de Québécois.
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Vattimo, G., La Société transparente, Paris, Desclee de Brouwer, 1990
293
MEMOIRE ET DEVENIR DANS LE RECIT
MYTHIQUE
Crina-M
Résumé : Le présent ouvrage se propose de donner une lecture parallèle des deux
textes c onstrui
ts s ur un mê me modè l
e ontologique, l’ é
terne l
r etour à l ’espac e my thique,
arché typal ,
gar
an t
de
l’affra
nc hi
s seme nt
temporel
et
de to ute
dé termination exist
ent iel
le
de l
’être
humai n.
Ma démar c he
e st
centrée
sur l’
analys
e
de s
rapp orts
triangu lair
e s
- devenir - mémoire -
temps tels qu’i
ls ressortent du p arcours myth
an alyt
ique de la nouv elle
de Mircea Eliade « Le
temps d’ un c entenaire »/ «« Ti ãrã tinere » et du conte de fées « ãrã
bãtrâne ã fãrã de moarte »/ Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » (tr.n.) de Petre
Ispirescu.
«[…] on peut
par
ler n
on s
euleme nt
de l
iber
té
(au
se ns
posit
if
)
ou d’é
ma nci
pation (
au se
ns négat
if
),
ma i
s v
raiment
de création ;
car
il
s’
ag i
t
bien
de c
r éer
un
homme
nouve
au et de
le
créer
sur
un
pl a
n
supr
a-
humain, un homme-di e
u ,
t
el qu’
il
n’
est
jama is
venu à
l’i
ma g i
na t
ion
de
l’
homme hi
stor
iqu e
de
pouvoir
en
cré
er.» (ELIADE, 1969 :183)
Si l
’on con
v i
ent
donc que l
a c
réat
ion
l i
tt
érai
re es
t le
moye
n par l
eque
l
l
’éc
riv
ain
c r
oit
pouvoi
r at
te
indre à
un déc
ondi
tionnement et
à un
e a
uton
omie de
294
création, le texte li
ttéra ire est
cen sé dé vo i
lé une e xpér
ience s
pé cifi
qu e ga r
a nte d’u n
sav oir i
neffa bl e
qui pe rme t
de tra
n sc ende r l
a c ondition huma i
n e,
d’ a
tteindre à l’unic i
té
d’un langag e origine l
te l qu e
tout éc rit
n é de ce
la ngage paraî
t comme
fon dateur d’ un
temps devenu réversible. Le mythe comme une matrice virtuelle de signifiés possibles
pourrait être comparé au « second sens », toujours existant dans la composition
séma nti
qu e d’un mot , d’ un syntagme ,
d’un t
e xte don t
on perçoit l’e
xis t
en c
e
s ans pou r
autant le dé c ouv rir d’u n coup ma i s
à la suite d’un e sér
ie d’opé r
a ti
on s
de déc ryptag e.
Dans les histoires des plus banales il y a des symboles mythiques qui rattachent tout
tex t
e profan e à l ’hor i
z on a n
h is
tor ique d u s acré. Ce l
a rev i
en t
à d ir
e qu e c haqu e
personnage littéraire, manifestation de son créateur est porteur, volontaire ou
inv olontair
e , d’un me ss ag e qui
remon t
e d ans un e époqu e
adami que e
t dont
le dé codag e
con v oque e t actualise les t
emps my thiqu es da ns l
’espace d’une histoi
re mode rne e t
dévalorisante.
La nouvelle de Mircea Eliade « Le temps d’un c ente n
aire»(en roumain
« ãrã tinere ») est une réplique du conte de fées roumain « ãrã
bãtrâne ã fãrã de moarte »/ Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » (tr.n.) de
Petre Ispirescu, qui revêt le noyau narratif dans une enveloppe mythique en ajoutant au
dra me , à l a te nsion on t
ologiqu e i nitial (d’ une g r
ande f orce ph il
osoph iqu e),
l a
pe rspecti
v e d’un huma nis me pos t-historique non moins dramatique. A propos de ce
superbe conte de fées roumain Constantin Noica (1978 :113) se demandait à juste titre
s’il y avai
t un
au tre texte parei
l dan s la l
ittérature européen ne
(il
se mble
qu’il n’y en ait
pas !)
qui
tou che l
es cor de s le
s plus
se nsibles de
l’êtr
e
huma in
et qu i
se
r a
ttache
à
la f
oi s
au mythe
du dev enir,
du pa ssage sartrien de
l’être en-soi
(l’
enfant qu i
ne voulait pas «se
laisser » naî tre)
à l’être -pour-soi,
de l’essenc e à
l’exist
e nce.
Ce myth e de l’éterne l
le
jeunesse s’a jou t
e ch ez Mi rcea Eliade à c el
u i
de la régénérat
ion c omme «une manière
plus profonde » d’abol ir le t
emps écoulé et de r
éa ctual
iser
la cos mog onie. (
ELI ADE,
op.cit. :
92) Il
n ’est pa s dépou rvu d’impo rt
a nce le f
ait
qu e
l
e mome nt où la foudr e
frappe Dominic Matei et déclenche par son anéantissement sa renaissance a lieu la nuit
de Pâques. Le retour à une jeunesse intemporelle par une mort apparente correspond au
moment de la Résurrection ce qui engage un destin individuel dans un destin cosmique
et universel.
« L’
abol
it
ion du t
emps
profane
et
la
project
ion de l’homme dans le
temps my thi
que
ne s
e pr
odui
sent
nat
urel
lement
qu’aux inte r
v al
les
essen t
iel
s,
c’es
t-à-di
re c
eux
où l
’homme
est
vé
rit
abl
eme nt
l
ui-même. » (ibidem, p.50)
L’ hi
stoir
e ima ginée pa r Mi r
ce a Eliade se r
ésume à c eci: un professeur âgé,
Dominic Matei, est frappé par la foudre la nuit de Pâques. A partir de ce moment-là il
refait
un c ycl
e
ex i
stent
ie l
à l
’e nve r
s e n rajeunis
sant et en rec ou vrant ses capacit
és
intel
lec tue ll
es,
phy si
ques et
phy siologiqu es,
celles
qu’il pos séda i
t ma is ampl ifi
é e
s par
celles qu ’il
aurait
souhaité avoir et dont la mémoire culturelle et historique semble être
essentielle.
La mé moire et le temps s’
insc riv
e nt
dan s
la durée .
Si p ou r
Fã t-Frumos/le
Prince Ch a r
ma nt
le manqu e
de mé moire ,
don c
l’oubli
,
le j
ette hor s
de l’
histoire,
de son
propre histoi re,
dans un espa ce atempor e l,
Domi nic
Ma tei retrou ve a
pr ès
l’épisode
de
la
fou dre un e
hypermn ésie qui
l’an cre
da n s
son i
den t
it
é cu l
tu rel
le
et histori
qu e à la
fois
,
d’auta nt pl us
que cette
mé moire excessiv e
l’ai
de
à récupé rer les ca pacité
s de ses
v i
es
antérieures. La mémoire joue des rôles différents pour les deux protagonistes engagés
dan s
c e proc es
s us
d’abolir
les art
icu lat
ion s
du
temps.
295
Ils vivent l ’expérience d’ une r éalité di s t
incte par rap por t
à c el
le où l a
chronologie historique les a fixés. Le Prin ce Ch arma nt,
arri
vé à l
’âge où la cons ci
e n ce
récupère la mémoire intra-utérine (il ne voulait naître que dans les conditions où son
pè re, l’
empe reur, lui
fai
s a
it
la pr ome sse d’u ne v i
e sans mor t
et
d’u ne jeune sse sa ns
vieillesse), veut absolument que son père tienne sa promesse. On pourrait toujours
pa rler
ici d’un e
hype r-mémoire comme dans le cas de Dominic Matei, qui le place dans
un au t
re pla n de r
é al
ité que celui où se tr
ouv e l’empe reur
accablé de l’
impu issa nce de
respecter sa promesse. Ainsi, ni la succession au trône qui lui revenait, ni la promesse
des courtisans de le faire marier à la plus belle fille du royaume ne parviennent à fléchir
sa détermination. De cette façon entre lui et les autres, parents et courtisans, se créent
une faille qui séparent deux mondes, le monde du devenir (ibidem : 12 0)
qu ’il
re f
use et
le monde immuable du non-de ve nir, de l’
éte rnel, de la
jeunesse s
a ns v i
eil
lesse et
de la
vie sa ns
mor t
qu ’
il re
c herche.
Il
y
a ,
d’un
c ôté,
le pl
a n de la
du rée his t
or i
qu e e
t du cycle e xi
stentiel (naître,
gra ndir,
se
ma ri
er,
a c
c ompl i
r ses dev oirs
d’e mpe reu r)
et,
de l
’autre
, le plan de l’essen ce,
atempor el,
e xempt de
la durée
e t,
don c
,
du de ven ir de l
’êtr
e .
Ma l
gr é
l’
a ppa r
en t
e disjon ction des v oie s que
les deux protag onist
e s,
Domi nic
Matei et le Prince Charmant, suivent ils retrouvent un même modèle archétypal
on tologiqu e adami que
d’a va
n t
l’instau r
ation de l’ex is
tence chronologiqu e.
Domi nic
Ma tei
recherch ait
l’anéa nti
s seme n t
parce
qu’arri
v é da ns
un poi nt
mor t
de son ex iste
n ce.
Au li
eu
d’une mo rt organ iqu e qu ’il
souha i
tait
,
il est projeté da ns un
autre pan temporel où il subit la régression vers un point zéro de la conscience à partir
du qu el i
l ref
a it
son existence à l’interférenc e de s plans où réalit
é hist
or i
qu e ,
rê ve,
conscient, subconscient, mémoire individuelle, mémoire collective imposent au
personnage un parcours initiatique et lui confèrent une ambiguïté ontologique.
Ce qui n ous intéresse ici c’est l
e rapport
de l’
individu à la mémoi re, qu ali
té
essentielle qui le rattache à une existence intemporelle et, qui le fait récupérer des
mome nts si
gnifica t
if
s de sa vie ch ronolog ique qu’il
a ra
tés.
Pour Mircea Eliade ainsi
que pou r
Re né Gi ra
rd (20 08),
tou te
œuv re d’art
vraime nt
puissa nte fa
it
sor t
ir son a uteur
du conditionnement temporel et historique en lui conférant une autonomie et une liberté
que seule la création peut conférer. De ce point de vue la mémoire vise un ancrage de
l’
indi vidu
dans l’h i
stoire de sa con sci
e nce, d’un côté, et
de l’
a utre le
li
bè re des limi tes
de sa condition et lui offre une alternative au sentiment de sa finitude existentielle. Par
conséquent, le véritable personnage mythiqu e n’est plus le pe rsonnage év oqu é pa r
l’
œu vre, ma i
s l’
a uteur de cel
le-ci,
c ’e
s t
-à-di r
e l’i
ndividu
qui a effec t
iveme n t
assumé la
condi ti
on my t
hiqu e
de l
’initi
ation et
du dé passemen t.
Il
faut rappe ler
ici que l
e retour
vers un temps mythique représente pour Mi r
cea Eliade un thème obs ess
if qu ’il
é voqu e
constamment dans ses écrits littéraires ou dans ses ouvrages théoriques. Ce «temps»
écha ppe donc à l
a f
ois
a ux «terreu rs
de l
’ hist
oire» et plus géné ralemen t
à l’usu r
e de
l’
e ntropie, à
la corruption et
à
la
mo rt
. Au x r
ite
s d’immobi lit
é qu i veulent ma inten ir
les
chos es da ns l
’or dre où elles se trouv ent on oppose les
rites de passage ,
qui visent
296
l’ac quisition d’un nouv ea
u stat
u t
. Le Prin ce
Ch arma nt
n’ ar
riva pa s d’un bon d dans
la
terre des fées qui détenaient le secret de la vie éternelle. Après avoir quitté son espace
familier, il traversa un désert où il prit la décision de partager sa fortune aux soldats et
de r enon cer à tout c e qu i pou rrait
e ncore le tenir atta
c h
é au mon de qu’ il
ven ai
t
d’ aba ndon n er.
Le dé sert quisépare les deux mondes, le monde humain et le monde
é ternel (situé à
l’est,
a u le
v ant!) dont la variante symbolique est l ’hôpital pour Dominic
Matei, lieu de passage, s’inscrit
da ns l es
dé ri
v at
ions my th éma tiques du seuil, de
l’interval le.
C’ est
un e v oi
e
d’ accès
qu i pe rmet le pa s
sage
d’un
en droit à
l’a utre,
pareil
à
l’as cense ur de la nou velle «Dans la cour de Dionysos »/In curte la Dionis », du même
auteur, variante moderne et en quelque mesure désacralisée de la barque de Charon.
Pendant ce passage du monde du devenir dans un monde immuable, archétypal, les
pe rson na ges doiv ent s ubi
r cert
a i
nes
é pr euves qu i
leur perme t
taie n
t l
’acc ès
ou l
e leur
re fusaient. Ils dé passe nt une c
e rt
aine con dit
ion li
mitée en s ’
ex clua n
t v olon tai
reme nt
d’ un e commun auté don t
l’ex i
stence s ’é ta
ye t raditi
on nell
eme nt s ur un c ode fi
gé de
normes et principes. Le s enfreindre c’
e st s’is
ole r!
Dominic Matei est analysé et mis sous la loupe par la communauté des
scientifiques et par les médecins qui prennent soin de lui. Il est une bizarrerie, sinon une
sor te de mu tant qu i c ontredit
l e
s lois de l’e xiste
n ce biologiqu e et c h ronologique,
premièrement par sa régénérescence continuelle et puis après, par sa mémoire hors du
commun. On a affaire ici à la mémoire qui conditionne la création et qui lui assure la
transgression temporelle par opposition à la mémoire historique, chronologique et
limi tati
v e. C’ est ain si qu e la différe nc e my th ique et rituell
e, pr opre à la pen sée
archaïque, est restaurée sous forme de différence «culturelle » et « esthétique ».
L’ e xempl e
le
plus connu est,
certes,
le roma n de Proust qui
rétabl i
t un temps passé,
le
fait sortir de la contingence historique pour le replacer dans un contexte anhistorique.
Ch aqu e l ec t
ure du r oma n pr ous t
ie n ou de t oute a utre œuv re e st un e sorte
d’ an é
a ntisseme nt de l’oubli, de récupé ra ti
on, d’ actuali
sati
on rét
ros pective (MARI NO,
1980 :
150 )
, d’un mémento atemporel et aspatial !
Le chemin initiatique suivi par le Prince Charmant du conte de fées est en
qu e l
qu e me sure re nv ers
é .
Le my t
h e de l’é t
e rnel
le jeunesse se réalise sur des
c oor donn ées
sens i
ble me nt diffé
r ent
e s
vu que l
a jeunesse n’est
pa s i
c i
atteinte, n’es
t pas
conservée par une récupération mnésique, bien au contraire, la mémoire lui sera fatale.
On peut affirmer que si Dominic Matei parvient à récupérer l
’être essentiel par le
retour
aux origines mais un retour qui ne suppose pas une transgression dans une réalité
mythique, le Prince Charmant est téléporté armes et bagages dans une autre dimension
mythique. Deux citations pour argumenter ces attitudes diverses :
« Une mémoire de mandarin, celle dont Chavannes lui avait dit que
tou t
sin
ol ogu e
de vait
la posséde r.
Il
c omme nça i
t à
croir
e qu’il
possédait mê me
plus : un e très étrang e hy pe r
mn ésie. Ainsi
, et cela av ant d’avoir reçu s e s
grammaires et son diction naire,
il
s’éta i
t
aperçu qu’il
pouv ait
récit
er des
tex t
e s
chinois, en visualisant les caractères en même temps et en traduisant au fur et à
mesure. Deux jours après, il vérifiait fébrilement graphies, prononciations et
traduc t
ion s dans l’anth olog i
e et le dictionnaire de Gilles. Pas une erreur ! »
(ibidem, p.51)
297
« Il passa là-bas
un t
emps da
ns l
’oubl
i
de soi, sa ns
s’
en
ape
rce
voi
r,
pu
isqu’
il
était
resté
tou t
a
ussi
j
eun
e qu’
à s
on a
rri
vée» (tr.n.)
Pou r l
’auteu r du con te fol
klor i
qu e l’oubli de soi en t
a nt qu ’êtr
e s oumi s au
devenir (cf. NOICA, op.cit. )
et l
’oubli d’un mon de inscrit
da ns l
a du ré e
pa rv ienne n t
à
annuler les contraintes spatio-temporelles et à le projeter dans une autre réalité. Il faut
préciser ici deux aspects pour une bonne compréhension des termes dont je me sers
dans ce parcours. Premièrement, la réalité doit ê
tre compr i
se
da ns ce rappor t à l
’espa ce
my thique ,
affr
anchi e de t
ou t
l i
en
tempor el qu i
l’i
n s
crit
dan s
la durée. Elle n’e st pas don c
la réalité humaine tenant au profane, mais une réalité sacrée, originaire et essentielle.
De uxième me n
t, l’
ou bl i
de soi se ratt
ach e à l’
e xi
stence div ine,
me n ée da n s un état
d’e xtase ou de béatitude l’eudai mo nia, « dés-intégrée » de tout ce qui circonscrit une
ex istence à
l’éche l
le huma i
n e.
Par conséqu e nt
,
la mé moi re
suppos e
u n
a ncr
a ge
da ns l
e monde
de
l’or dre. Ma i
s
bien que les deux protagonistes se sentent libres, il y a quelque chose qui arrêtent à mi-
ch emi n leur passage
v ers
l’abs olu et
l’i
mmua ble d’une existence anh istori
qu e , dans une
sor te
in t
erespa c
e
qu i fait
qu e la conti
nu ation
du
r e
tou r
définit
if à l
’hy pos tase a dami que
soit stoppé. Le Prince Charmant entraîn é pa r
la chasse d’un lièvre
a rri
v e dan s une zon e
interdite (Valea Plângerii/ La Vallées des Pleurs - combien chargée de significations est
ce tte
dé nomi nati
on pu is
qu’ attaché e
à la con diti
on
huma ine!) qui lui éveille la mémoire
et, donc la nostalgie des siens. Dominic Matei, quant à lui, retrouve dans un album de
famille « la premiè re photog raphi e
[…] où il
reconnu t
aussit
ôt
la
ma ison
de se s
pa ren t
s
à Piatra Neamt. » (Ibidem : 128)
Arrêtons-nous un peu sur ces symboles, ces signes qui déclenchent la mémoire
« involontaire ». Le choix de la proie, le lièvre, ne semble pas être fortuite. Dans le
registre mythique le lièvre,
s ymbol e
lunaire ,
joue le
rôle d’i
n t
e r
cesse ur, d’inte rmédi a i
re
en tre ce mon de et l
e s réalités t
r ans
c enda ntes de l’autre,
en assu rant l
e principe du
renouvellement cyclique de la vie. La photo est, à mon avis, une variante moderne du
mi roir qu i
refl
ète sur sa surfa ce l
isse un mome nt f
igé du passé
en ré vélant l’ide nt
ité du
soi par la réduction de la successivité temporelle et la dispersion spatiale. Dominic
Matei se laisse entraîner par cette réminiscence qui change son rapport au monde et au
temps et provoque la mémoire individuelle.
Le souvenir ramène les protagonistes dans le monde du devenir et se manifeste
différemment au niveau de la mémoi re.
D’ u n
c ôt
e ,
l
a tri
stesse de l
’au tr
e ,
la se ns a
tion de
froid à la vue de cette photo jaunie par le temps. Les deux se souviennent ! On a affaire
ici à deux types de mémoire. Dominic Matei recouvre dans un premier temps de sa
résurrection, de son intégration dans un parcours cosmogonique, la mémoire culturelle
qu i définit
son stat
u t d’in
te l
le ctuel
dans
un ave ni
r vir
tue l
propre à un
su per h omme ou
à
une super-conscience qui possède génétiquement toutes les connaissances accumulées
pa r l’
huma nité
le long du temps, pour déraper par la suite, dans un second temps dans
l’ex is
ten ce
commun e à cause d’une
mé moi re,
di s
on s,
«contingente ».
298
Ma i
s
c ’est
la
mé moi r
e indiv i
duelle,
qu i le ratt
a che à
l’un i
vers f
ami lial
, qui le
projette dans le monde temporel, cyclique, historique. Il devient ainsi la victime de sa
propre histoire ! Les deux protagonistes subissent le même sort par le retour à la
condition initiale, à leur destin individuel qui les intègre dans le circuit existentiel
antérieur. Ils continuent ainsi leurs vies du moment où ils ont abandonné leur statut
d’ê t
re s t
e mpor els.
Ils vieilliss
e nt da ns leur ch emi n de retour,
tou s
les deux , et
son t
frappés par la mort, au propre, dans le cas du Prince Charmant qui en est giflé au
moment où il la retrouve dans un coffre, accroupie, à demi morte elle-même à force de
l’avoi r at
te ndu .
Le ret
ou r v oulu ,
la gifl
e,
g est
e sur prenant saisi
comme une punit
ion ,
suggèrent une démythification, une dé-fabulation c
omme si l
’auteur
vou l
ait
dire
qu e le
seu l
a ccompl isseme nt
de l
’in di
v idu est
ici
bas ,
da ns le mon de chronologique, de l
’ordr e
tempor el,
du de venir.
L’a rch ét
y pe de l’ê
tre r
e s
te tandi s
qu e c
es av a
tars
sont soumi s a u
passage et à la disparition ! Mais le parcours initiatique que le héros suit, le passage
d’un mon de
rée l
dans un a utre
my thiqu e,
cette
ten tative de ref
aire
da ns
le ge
s te s
uprê me
de t
r ansgre sser les l
ois immua bles de
la
finitude ex i
s t
entiell
e pou r
vivre l
’é t
e r
nité,
ne
fût-ce que pour un instant, se c onv erti
ssent au n ive au de la créati
on dans l’œu vre où
l’auteu r
s’i dentifiant
à son hé r
os my th i
que (épreuves, révélation, apothéose) enfreint la
du rée pou r s
’insc r
ire
da ns le devenir sans devenir, dan s l
’hist
oire pri
vée de du rée,
da ns
la mémoire atemporelle. La mémoire devient dans ces textes un axe central parce
qu ’elle ne reli
e pas
un i
qu e me nt l
e présent au pa ssé pou r préf
igu rer
l’
av en
ir mais elle
oc t
roi e ce tte liberté
à l’indi vidu de remont er a ux arch ét
ype s
pl at
on i
ciens pou r s e
reconfigurer ainsi un nouveau destin.
De
c et
te f
açon l’
h omme arc haï
qu e qui refuse l’hist
oire et
l’homme mode r ne
qu i
v eut sa uver l’hi
stoire et fonde r un e
ontolog ie de l’hist
oire se
re nc
on t
rent sur cet
a xe
de l
a mé moi re g r
âce à laqu e l
le l
’es prit
huma in pre nd conn ai
s s
an ce
de ni
v eaux de la
réalité qui, autrement lui resteraient inaccessibles.
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299
CONCEPTS
OF
“TERM”
AND
“TERMI
NOLOGY”
Oana BADEA
University of Medicine and Pharmacy, Craiova
Abstract: In the last decades, the scientific and technical domains have known an ever
growing development at a national and international level, as well. Each particular domain has
got its own specialized language that improves at the same time as the technology itself. Thus, it
is said to develop a special terminology that will allow specialists within the same field to
preserve a genuine communication. The purpose of this article is to present different national and
international points of view on the concepts of term and terminology, by rendering various
possible definitions and classifications of the concepts dealt with regarding this vast domain, i.e.
specialized terminology.
Starting even from the last century, there have been concerns about
terminology from various scientists, by their effort to define diverse concepts in science
branches and, also, to make up different dictionaries. Even so, we may say that the first
attempts to formulate the theoretical fundaments of terminology took place only around
1930, in the 20th century, when science and technology began their expansion. As a
consequence, scientific terms and expressions used in special languages started to gain a
primordia l
impor tan ce.
Th e i
de a has al
so be en de v eloped that,
in
or der
for spe ciali
sts’
communication to become more efficient, there should rise an appropriate and precise
language, with scarce ambiguities.
Terminology had its own development stages (CABRÉ, 1993), parting from a
frai
l
de bu t
a t
the beg i
n ning
of
the ’30s a
nd reac hi
ng nowa day
s t
he
stat
ute of a
scie n
ce ;
it
has marked the research papers of great linguists, both nationally and internationally.
There will follow a more detailed presentation, by enumerating possible definitions,
characteristics and classifications of term and terminology.
300
2.
De fi
nit
ions
, Char
act
eri
sti
cs and Cl
ass
ifi
cat
ions
of
“t
erm” and
“t
ermi
nology”
Over time, there have been various attempts to define the term. The first
def
initi
on s of
the word “term” we re formulated at the beginning of the 20th Century, an
important example being the definition in DE:
“ The t
erm is a wor d whi
c h
a notion corres
pon ds t
o. Th e scientif
ic
terms are words with a special value, strictly defined in a scientific
fiel
d”
(EFRON, 1960: 196).
Both international and national linguists dedicated their time to the research of
specialized terms. Parting from the definition given in DEXI (2007), we have the
following possible explanations for what term may signify:
Word or expression that denominates a precise notion, a class of
objects.
Word or group of words that pertain to a specialized vocabulary.
Primary, indivisible structure element of a logical enunciation or
system.
We will also present the definitions formulated by some of the foreign linguists
(French, English, German, Russian, etc.):
“ the term represents the form (linguistic or non-linguistic) that
designates a determined concept, imposed by a definition in a given
doma in” (CABRÉ, 2000 :
87) .
“a
wor d or e
x pression wi th
a
strict
ly delimi
ted me a ning in
a cer
tain
system or a word, respectively a combination of words, that serves to
expressing s ome n ot i
ons s pec
ific t o a cert
a in r esearch f i
eld”
(VASCENCO, 2000).
301
The international standard ISO 704/ 2000 defines the term
as
foll
ows : “A t
erm
is a designation made up of one or various words and it represents a general concept
pe rt
aining t
o a
specialized language ”
(ISO 704/ 2000).
Specialized terms are different, in some ways, from words of the common
language. Thus, terms should:
have a precise destination and a restricted use, circumscribed to a
sc
ientif
ic l
anguag e;
be
de f
ined qui
te
e xactly;
designate concepts connected to rigorous qualifications.
302
Set of terms that have a particular meaning in a certain domain.
“ Te rmi nology is a set of terms repr
esent
ing a sys
tem of not
ions
pertaining to a
part
icula
r doma i
n” (
PAVEL-
“ Th e science of
terminology i
s
the s
cien
tif
ic
study
of
noti
ons
and
ter
ms
used in spec i
ali
zed l
angua ges”
(PAVEL-
“ Te rmi nology me ans, firs
t of all,
the di
s c
ipli
ne th
at deal
s with
specialized communication, unequivocally performed in a certain
scie
n tifi
c, t ec
hn i
cal or pr of
essi
onal domain.
” ( BI
DU-
2007: 19).
3. Conclusions
The various scientific domains have had quite a rapid evolution in the last one
hundred years. As a consequence, there have been made new discoveries in almost all
303
speciality domains, among which the most representative ones are the technical, and
implicitly, the medical one. The specialists in these domains felt the need to name the
new phenomena, theories, inventions or even diseases that affect the human body and
psychic. Thus, it has been resorted to the creation of new specialized terms, their
number becoming larger and larger, especially in the last three decades. At present,
there may be noted real specialized languages, available not only to specialists but to
non-specialists, too. In this article we have tried to shortly present the concepts of term
and terminology. Thus, there have been pointed out problems connected to definitions,
methodology, history or various classifications. Terminology is the science or discipline
that deals with the study of scientific terms. It is closely related to terminography and
terminotics and may be oriented towards linguistics, translations or linguistic planning.
REFERENCES
Bidu-
304
NEW INFORMATION IN SPECIAL SYNTACTIC
STRUCTURES
University of Craiova
Abstract: This article is concerned with special ways in which new information is
highlighted and marked in syntactic structures, taking into account the fact that these structures
differ from the basic Subject-Predicate constructions. This paper has two distinctive parts. The
first part explains the concept of New Information in systemic functional framework in opposition
to Given Information. The second part consists of analyzing some of the most important
c ons t
ruc ti
ons which ar e
used to ass
ert t
he
content:
e xist
ential
“t here” cons tr
ucti
ons - introducing
inde finit
e Noun Phr ases havi
ng the
status of
ne w informa ti
on, “i
t” c
left const
ruc t
io ns - the new
information foll
ows t
he verb “be ” and
is it
self
followe d by the
old infor mati
on, cont ai ned in
a
relative clause form and wh- cleft constructions –preceding the copula verb be that introduces
the new content. Sometimes the order of the last two types of construction is reversed so as to
emphasize more strongly the content being asserted.
Key words: new and given information, there constructions, cleft constructions.
305
meaning the Subject position which normally functions as Theme of the message if
there is no other ideational element. Let us compare the following examples:
e.g. Yesterday the Parliament elected the new president.
The new president was elected yesterday by the Parliament.
The new president was elected by the Parliament yesterday.
In the two passive, the Noun Phrase the new president, functioning as Theme,
is in the Subject position and, as a result, is more prominent than in the active voice
sentence. These two passive sentences also highlight New Information. The New
Information is prominent in final position. In the second example by the Parliament,
where the focus falls on the Actor of the process and in the third example yesterday
represent the New Information, where the stress falls on the time of the event.
Emphasis is one of the most important devices that assert New Information.
In Spoken English there are more options than in written, more formal
language. Speakers can use their voice to highlight different parts of the sentence. Let
us analyse the following example:
e.g. Ronald Reagan was elected president of the U.S.A. in 1981.
Generally, the stress falls on the last element of the sentence. The
stress part is written in bold:
e.g. Ronald Reagan was elected president of the U.S.A. in 1981.
At the same time, stress can be used in order to put emphasis on New
Information, especially if this information functions as Subject. For example, if
someone says: Carter was elected president of the U.S.A. in 1981, the answer is
contrastive, and the stress falls on Reagan:
e.g. Ronald Reagan was elected president of the U.S.A. in 1981.
In the first example the stress falls on the expected phrase, the last element of
Verbal phrase. Generally, the Verbal Phrase contains the New Information. In the
second example the New Information is enhanced by both methods: stress and syntactic
structure. Due to the wh-element the water is placed in final position where it will
receive the main stress. In the last example the water has contrastive stress. According
to Jacobs (1995) the definite article in the Noun phrase the water indicates that the
addressee is expected to know that the water exists, that they know what its role is in
the action expressed by the Verbal Phrase.
Written English is more limited than spoken English in stressing New
Information. The only device written English concerns syntactic structures for
communicating New Information.
306
The most important syntactic structures that emphasize the New Information
are:
(i) “There” co nstruc ti
ons
The main feature of these constructions is that the New Information
can be presented in various ways:
e.g. An old oak tree is in the garden.
There is an old oak tree in the garden.
The choice is between active and passive (see the examples above) and
between an existential there clause and a clause starting with an indefinite Noun Phrase:
An old oak tree is in the garden. The important fact is that the New Information remains
the s
a me; t
he
d iffere nce con sist
s only of
the wa y t
h is informati
on i
s pr ese
nted t
o the
addressee. This is true for all the following structures: the emphasis may differ, but the
New Information remains the same.
The Subject an old oak is clearly New Information. Usually, the New
Information occurs as a Predicate and follows a Subject which refers to something
already known, the Given Information. The problem is that there is no Subject in there
constructions. If we try to place the New Information an oak tree after the Verbal
Phrase, the result is non-grammatical:
e.g. *is an oak tree in the garden
Because the clause is finite, the Subject position can not be empty, it
must be filled, and in there constructions this position is filled by the existential there
which is unstressed, unlike there indicating location):
e.g. There is an old oak tree in the garden.
This construction emphasizes the New Information, and it is used when the
Noun Phrase that would fill the Subject position is an indefinite Noun Phrase expressing
New Information. This is a useful way to announce what follows in new. Another
characteristic is the agreement in number with the noun phrase that follows:
e.g. There is one oak tree in the garden.
There are two oak trees in the garden.
This indicates that, in spite of the occurrence of the existential there in Subject
position, the Noun Phrase after the Verb maintains the characteristic of determining the
agreement with the Verb Phrase. Nevertheless, in informal English, this rule is not
always respected. There are cases in which the Noun Phrase is in plural, but the Verb
Phrase is also in singular, but the form is always contracted to ‘s.
e.g. Look !
Th e
re ’s
s o many people i
n the square!
There are some other verbs that can appear in these constructions: appear,
seem, happen, come:
e.g. There seems to be a pay cut in education.
There appears to be a pay cut in education.
There happened to be a pay cut in education.
307
There come to be a pay cut in education.
Although be is by far the most frequent verb in these constructions, there are
some other verbs which can be used in there constructions. These verbs, such as exist,
arise, emerge, remain, live, stand, lie and sit are related to notions of existence or
position:
e.g. There emerge from the house a scared woman.
There remain some issues to be discussed at the meeting.
There stood some children in the courtyard.
The use of such verbs in existential there clauses is very frequent in literary
style. They are used together with the existential there in order to introduce New
Information which is generally expressed by an indefinite Noun Phrase. Nevertheless,
there are cases when the New Information is expressed by a definite Noun Phrase,
sometimes as parts of a list:
e.g. There is the math class on Monday, the English class on Thursday and
the chemistry class on Friday.
(ii) “It”
Cleft
Cons t
r uctions
Let us analyse example we mentioned before: It was the water that flooded the
city. As we have stated before, this construction represents an alternative to The water
flooded the city, but the former construction is used if the addressee knows that the
wa te r
floode d,
bu t h e does
n’t
k now wha t
flooded the city.
At the s
a me t
ime , we
hav e t
o
notice that it is not co-referential with the water, being the so-called empty it.
This type of constructions is called it cleft constructions. The phrase that the
speaker wants to assert is separated from the rest of the clause by that/which and put
after it is/it was. The clefted clause is followed by a relative clause, being formed of two
information units, one old, the so-called Given, that provide context and one New that
introduces new elements in the discourse.
308
In our example It was the water that flooded the city, the unit containing the
New Information is the Noun Phrase the water which receives a rising tone in order to
be emphasized and the unit containing the Given Information is the relative clause that
flooded the city. This relative clause does not have any head noun because the water is
in fact a Noun Phrase functioning as Predicative and this is why it can not combine with
the relative clause that follows it in order to form a larger Noun Phrase. In Deep
Structure the New and the Given Information units are separated.
We can also interpret our example as being an answer of a question. For
example, a question like What happened in the city? can be answered by using our
example: The water flooded the city. Note that the emphasis is different from it cleft
constructions.
So far we have discussed New Information expressed by Noun Phrases.
Nevertheless, we have to notice that New Information can also be expressed by
Prepositional Noun Phrases as in the examples below:
e.g. The company will move its headquarters to Chicago next year.
The following cleft sentences express the same content, but the New
Information is different for each example. In the first two sentences the New
Information is expressed by Noun Phrases and in the last two ones by prepositional
Noun Phrases.
e.g. It is the company that will move its headquarters to Chicago during
next year.
It is the headquarters that the company will move to Chicago during next year.
It is to Chicago that the company will move its headquarters during next year.
It is during next year that that the company will move its headquarters to
Chicago.
The boldfaced phrases represent the New Information units. The
complementizer that can not be replaced by which in the last two examples because that
clauses function as adverbial clause of place and time.
The different order of the two units enhances different emphasize on the New
Information units. The emphasize is stronger when the New Information unit comes in
first position mostly because the Subject position is more prominent, but also because
hearers don ’ t
ex
pe ct
th e Ne w In f
or mati
on un i
t t
o come before the
Gi ven Infor ma t
ion
unit. This construction is used when the addressee is reminded of the content of the wh-
clause. The New Information unit can be expressed by a variety of phrases: Noun
Phrases, Adjective Phrases (especially in informal speech), Verb Phrases or by a clause:
e.g. What people wanted was freedom. Noun Phrase
What he was was stubborn.
Adjective Phrase
309
1
What he did was visit China. Verb Phrase
What people wanted was to be free. Non-finite
clause
What people wanted was that they should be free. Finite clause
In wh- cleft constructions there can be used some other wh words
besides what:
e.g. Where we married was Paris.
January is when my birthday is.
Why he was killed is still a mystery.
How he won the grant was questionable.
Conclusions
This article is concerned with special ways that mark the focus on New
Information units. The structures we discussed are different from Subject-Predicate
constructions. In existential there constructions, the pronoun there together with the
verb be or similar verbs is used to introduce Noun Phrases having the status of New
Information. Although it is not in Subject position, the New Information determines the
agreement with the predicate. In embedded clauses, there can have the syntactic
function of Subject in a non-finite clause. In an it cleft construction, New Information
follows the verb be and is itself followed by the Given Information, contained in a
relative clause. A wh- (pseudo) clefts constructions starts with the Given Information, in
a wh- clause which precedes the copula verb be that introduces the New Information. In
some cases the order of the two clefted constituents is reversed in order to emphasize
the New content.
1
When the New Information unit is expressed by a Verb Phrase, the wh- clause contains the verb
do instead of other verb
310
A particular aspect is represented by written and spoken language. Written
English relies on syntax while spoken English uses the stress to mark the New
Information. Contrastive stress, which is applied to constituents functioning as New
Information, is marked by a rising tone.
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311
THE MEANING OF THE ENGLISH MODAL VERBS IN
TRANSLATION
Valentina CIUMACENCO
Free Internationl University of Moldova
Preliminaries
312
In rendering a text, the forms of the source language have to be replaced by the
forms of the target language and the meaning must be equivalent. One of the examples
is translating English modals.
Many books have been written about modal auxiliary verbs in English. What
makes it difficult to account for the uses of modal auxiliaries is that their meaning has
bot h
“ a logical
a
n d pra cti
c al eleme n
t” (LEECH, 1971: 6 6).
Le e
c h argu es
that moda l
au x i
liari
e s can be
talke d about “in t
erms of such l
og i
cal n
otions as ‘pe rmissi
on ’ and
‘n ecessity’,
bu t
this
don e,
we s
till have
to con si
der wa ys
in which these n oti
ons … [are
u sed] in e very
da y c ommun i
ca t
ion betwe en huma n be i
ng s” (LEECH, op. cit.: 67).
Though many linguists and philosophers have studied the concept of modality, it is not
easy to find an accurate definition of this concept. Aristotle was one of the first people
who committed to writing his ideas on modality. In studying modal auxiliaries we have
to keep in mind form and meaning. That is to say, it is important that there must be
“s ome k ind of
s
e ma ntic ba si
s” to the
con cept of modality. Palmer points out that
moda lity is a sema ntic, rath er than gramma t
ical
, term. He assert
s t
h at
“phil
os ophers
have for a long time debated whether the future can ever be regarded as factual since we
ca n never know wha t is goi ng to happe n” (PALMER, 1990: 4). Perkins argues that
modal auxiliaries share semantic characteristics, but "no two modal expressions could
be said t
o have exactly the sa me me ani
ng ” (
PERKI NS,
198 3:
22).
In The English Verb, Palmer states three main functions of modal verbs:
epistemic, deontic, and dynamic (PALMER, 1990:96). Palmer points out differences in
meaning between these three types. The first type (epistemic) makes judgment of
possibility. The second (deontic) gives permission to the addressee to do something.
The third (dynamic) indicates ability. These three types can be illustrated in the
following examples, as cited by Palmer:
John may be in his office - Epistemic.
John may / can come in now - Deontic.
John can run ten miles with ease -Dynamic.
According to Bald (1988:23) modal verbs count among the most difficult areas
of teaching and learning in the EFL classroom. Considering the problems noted even in
native speakers' attempts to explicate the possible uses and interpretations of individual
modals, this is not surprising. Even though there is a widespread agreement that modals
“ a
re used ma i
n l
y in con tex ts wh er
e the spe aker i
s
talki
ng abou t
st
a t
e s
of t
he world
whi ch he ca nnot assert to b e true or rea
l.”
(MI TCHELL, 1985: 173-4), there is an
equally general lack of clear-cut categories into which the interpretations of specific
modals may be parcelled, especially within a language-teaching and language-learning
context. Of course, some well-known descriptive labels such as e.g. 'possibility',
'necessity', 'intention', 'ability', 'permission', and 'appropriateness' (cf. HERMERÉN
1978; LEECH 1971; PALMER 1990)
mor e or
les
s explici
tl
y fi
nd the i
r wa y
into Eng li
sh
textbooks, but the problems remain just the same: as Bald points out, most conspicuous
about the treatment of modals in the literature are the difficulties involved in (i)
devising a descriptive system of categories, (ii) developing a profuse terminology, (iii)
presenting meaning-definitions through paraphrases and (iv) accounting for semantic
and syntactic indeterminacy of elements appearing in context (BALD, 1988: 348).
In this paper I will argue that the difficulties EFL learners encounter with
respe ct
to mod a l
verbs i
n
Eng lish
are a
t least
par
ti
ally due
to the l
ea rners’ l
imited access
to the cultural values encoded in the descriptive labels used in the traditional
paraphrases.
313
The Meaning of the Modals
The third sentence, with inferred meaning, is the only sentence where the
simple meaning correlates with the perfect meaning. On the other hand, the first
sentence where must i ndicates
obligation, “He mus t s
top at
th e
entran c
e to th e l
ion ’s
cage” ,
i
n di
c at
e s
a differ
e nt even opposite me aning to the perfect f
or m, “He mus t
h ave
stopped at the entrance to the li
on’s ca ge.”
Gr amma tic
ally, the secon d s
e ntenc e,
“He
mus tn’t
h av e
g on e into t he li
on’ s c age”, is c orrect
; h owe v er,
th es
e for ms are
“sema nti
c al
ly inappropria t
e as analogue s
of
the simpl e f
or ms expressing obliga ti
on or
proh i
bit
ion .
”
(idem) .
Th ese e x
ampl es of the perfect construction are used to illustrate
problems that are typical for ESL learners. Generally, the learner understands or
produces a grammatical utterance, but the meaning may be incorrect or misunderstood
314
by the learner. If the teacher does not present enough information about the perfect form
and its complexities in meaning, then the learner may overgeneralize the rules.
Other difficult areas for learners are the meanings of negative modals, past
conditional modals, and past hypothetical modals. Le t
’ s
ha ve a look now at diffi
culti
es
in teaching the negation of modals to ESL learners.
Ne g ation of the moda ls ca n be compl ex for l
e arners ; t
here are two ma i
n
reasons for this. Adding not after the modal does not always give the opposite meaning.
For e xampl e , “ th
e n egati
ve of mu st
is s ome ti
me s c ann ot;
a nd th at of should is
some time s nee d not, etc.
” (JARVI S, 1972: 244).
It me ans that ov e
rgen eralizati
on of
a
rule can lead to confusion on the part of the learner. The second problem with negation
is that either the modal or the full verb can be negated, thus confusing the meaning of
the sentence to an ESL learner. With modals that are most like the main verb, such as
can, the modal is negated (PALMER, 1979: 24). For example, He c an’ t
see the Big
Circus Tent, is a good example of where the modal auxiliary is negated. The problem
arises when the main verb is being negated. For example, He won’ t
stop acting like a
clown ;
h ere aga in,
the teacher sh
oul d give equ al
weigh t
to the form of
moda l +
n egati
on
and what modal + negation means. There are other issues with negation of modals and
the i
r me an i
n g; h owe ver, I c onsi
de r the two i ssues s tat
e d a bov e ill
u st
r ate typical
,
problematic patterns for ESL learners.
In the view of many ESL teachers, the past conditional and past hypothetical
are the most difficult for learners to comprehend, even at very advanced levels
(DEGARRICO, 1986: 667). DeGarrico suggests, in her article, to take advantage of
what is systematic in modality and stress this to learners. For example, she states that
the overall system of time relationships is simple and orderly for modals and should be
emphasized. Although the hypothetical and conditional are very important topics to
cover when teaching modals, I have opted not to include them in this paper due to the
complexity of the topics. Intercultural issue is another topic that I consider important to
be addressed when teaching the English modal system.
Intercultural Issues
Modals that function as social interaction (root) modals require that the
characteristics of the social situation be taken into account (CELCE-MURCIA and
LARSEN-FREEMAN, 1983:43). Power distance, for instance, can determine which
modal to use in a given situation. For example, the owner of a circus is talking to the
circus clown, an d
h e
says,
“You
should be r eady
to perfor m tomor row ni
gh t
at 7:00pm.”
Because of his authority, this use of should is not just a suggestion, he is in essence
sa ying, “You wi ll
be
ready t
o pe rform tomor row ni
gh t
a t 7:00 pm. ” Inferri
ng t
he
correct
meaning requires not only knowledge of modals, but of the power relationship in
America and perhaps even the specific culture of the circus.
Geert Hofstede talks about the nature of these power relationships in culture,
“Powe r dist
an ce as a charact
e ri
stic of a culture defines the extent to which the less
powerful persons in a society accept an inequality in power and consider it normal.
Inequality exists within any culture, but the degree of it that is tolerated varies between
on e c
u lture and anot
her” (HOFSTEDE,1986: 25). In Arabic countries, according to
Hofstede, there is a large power distance. A native speaker of Arabic has two major
hurdles to overcome when confronting the modal system of English. The first obstacle
is that there are no modal auxiliaries in Ar abic;
the sec on d on e i
s that t
h e
dy n amics
of
315
power relationships are very different. Not only does the learner have to overcome these
hurdles, but the teacher or translator must also be aware of these difficulties.
Something to take into account is that, when teaching modals, there may not be
an issue of comprehension of the modal system. Instead, it could be an issue of
understanding the power relationships that are at work in the culture. Another thing to
take into consideration is that although not all languages have modal auxiliaries, the
concept of modality is universal.
Concluding Remarks
BIBLIOGRAPHY
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Fakten und ihre Vermittlung, Langenscheidt-Longman, Berlin, 1988
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1990
Perkins, Michael R. Modal Expressions in English, London: Frances Pinter, 1983.
317
PROPER NAMES OF RELIGIOUS ORIGIN
Introduction
Proper names are undoubtedly the only way to identify an individual to which
we want to refer. Moreover, proper names are the only linguistic means we can use to
identify an individual within a general class. Thus, no wonder that one of the major
controversies in the philosophy of language has always been over the nature and
meaning of proper names. A traditional view on proper names dating back to late 19th
century and early 20th century was posited by thinkers such as Gottlob Frege, Bertrand
Russell, and defended later by Ludwig Wittgenstein and John Searle. Their theories and
ph il
os oph i
cal v i
ews are e
n c
a psu l
ated i
n the so call
e d “De scriptivist The ori
e s”. These
theories were initially developed to satisfy difficulties with earlier theories of reference
of proper names. One of the major theories they were responding to was John Stuart
Mi l
l’s non-connotative theory. Soon after however, the descriptivist traditional theories
on proper names at their turn were much debated by theoreticians like Ruth Barcan
Marcus, Michael Devitt, Hilary Putnam, Gareth Evans. But one of the most pertinent
combatants of descriptivism was Saul Kripke. In his lectures delivered at Princeton in
1970, an d l
ater publ i
sh ed as
a compl ete wor k unde r the
titl
e “Na mi ng a
n d Ne cessity”,
he challenged these traditional theories by showing their inadequacies in a series of well
constructed arguments. He subsequently formulated a much successful and satisfying
a ccoun t
on
the
na t
u re
of
prope r
n ame s whi ch i
s called t
he “Caus al Th eory” .
The central
idea underpinning this theory is that proper names, unlike descriptions, are rigid
designators. In the philosophy of language, a “term i
s sai
d t
o be a rigid designa t
or
wh en
it designates, picks out, denotes, or refers to the same individual in all possible worlds
in which that individual exists and does not designate anything else in those possible
wor lds
in wh ich t
ha t
individua l
doe s not exist.”
(Intern e
t
s ource 1)
318
Theories of Reference for Proper Names
1. Descriptivist Theory
319
“(…) the un iqu e
n ess
a nd i
mme nse pragma t
ic conv en i
e n c
e
of proper na me s
in
our language lie precisely in the fact that they enable us to refer publicly to objects
without being forced to raise issues and come to agreement on what descriptive
characteristics exactly constitute the identity of the object. They function not as
descriptions, but as pegs on which to hang descriptions. Thus the looseness of the
criteria for proper names is a necessary condition for isolating the referring function
from the de scribing
fun ction of
langu age .
” (SEARLE,
1958: 172)
If not for other reasons, and despite other shortcomings, the descriptivist theory
has gained importance due to its successful outcome to overcome difficult cases among
which identity statements between co-referring names, empty names, true negative
existential, propositional attitude attributions and also certain identity statements based
on comparisons.
For a clearer understanding, let us examine the following examples:
(1) Jesus is Yahweh. –identity statement between co-referring names
(2) God lives in you by the power of his spirit. - empty name
(3) Satan does not exist. - true negative existential, empty name
(4) Fr e d believes t
hat Pe t
e r,
but not Simon ,
was one of
Jesus’s
a pos tl
es.-
propositional attitude attribution
(5) He is a Judas or He is a Thomas. - identity statements based on
comparison
If we we re to observe Kr i
pk e’s cau sal
theor y or ev en Mill
’s non-connotative
theory, sentence (1) would be considered trivial. In the actual world, Jesus is indeed
Yahweh, but in other possible worlds, Jesus does not have to be either Yahweh, or the
son of God, but a common individual with no link whatsoever to religious beliefs.
Nevertheless, our knowledge about the world, sustained by the descriptivist approach,
makes us reason that Jesus and Yahweh refer to the same individual, they point to the
same object, i.e. the Son of God. We do not even need to share a Christian belief to be
able to position Jesus as the Son of the Christian God. In other words, ‘Jesu s’ and
‘Ya hwe h’ bot h refer to ,
wi thou t
d escribi
ng , the same iden t
ic al
obje ct
, ma king the
statement (1) analytic. If, however, the descriptive presuppositions were different, it
would have been a synthetic statement.
Observing the same theories of Kripke and Mill, according to which proper
names do not have any sense, denote without connoting, and they follow a chain of
causal transmission that starts with a baptism, in sentences (2) and (3), God and Satan
refer to nothing as they are both empty names - t
h ere’
s n o ma terial
proof that
the y have
ever existed in flesh and blood, so they could have not been given any name
whatsoever. Thus, both sentence (2) and (3) become meaningless and absurd.
As for sentence (4), assuming that Fred is a rational individual, such an
utterance may express then something which is true. But, again, if we have the
describing knowledge according to which Peter is the same person as Simon, the
utterance may express falsehood. This raises the philosophical problem of individuals
referred to via more than one proper name, like in our case with Peter and Simon, or
even nicknames.
In the examples presented in (5) we have the indefinite articles in front of the
proper name. When analyzing such comparing utterances we have to bear in mind that
we can usually add an article only to a definite description and not to a proper name.
Nevertheless, when we do use the indefinite article in front of a proper name it is just to
express a well-k n
own ch aracte
risti
c of the
be a
r e
r of t
h e name ; from the above examples
320
we understand that the individual referred to as a Judas may be a traitor and
respectively, that the individual referred to as Thomas may be a doubting person.
The descriptivist theory has been submitted to much criticism despite some
clearly common sense arguments that it brought forth. Ruth Barcan Marcus, for
example, believes that the main problem with this theory lies within the fact that proper
names are not semantically equivalent to singular definite descriptions. She argues that
proper names have no linguistic meaning and consequently, they refer directly and
unmediatedly to their bearers.
Other contemporary philosophers of language, like Devitt, Putnam or Evans,
have found the descriptivist theory ultimately implausible, justifyi ng th at “me ntal
con t
e nt
, howe ver detai
led, is s i
mpl y not suff
ici
ent t
o ‘pick out’
s ome ex t
ra-mental
entity”. (Intern et
s ou rce 2) Th ey e ven go that
far and ov erst
ate tha t
de scriptivi
st
theories entail super powers like magic.
2. Causal Theory
The causal theory is a theory with which Kripke came forth as an alternative to
the much criticized descriptivist theory of nominal reference. According to this theory, a
name refers to whatever is linked to it in the appropriate way, a way that does not
require speakers to associate any identifying descriptive content with the name (ibidem).
To put it briefly, proper names refer directly, without the mediation of any associated
descriptive content. In order to make his theory more explicit, Kripke introduces the
concept of rigid designation, i.e. an expression that picks out the same thing in every
possible situation in which it exists. He claims that names fall under this category while
definite descriptions under the non-r igid c ate gor y. Kr ip k e’s t h
e ory takes i nto
consideration two aspects: reference fixing and reference borrowing. The former refers
to the actual moment of giving a name to a newly born and the latter aspect stipulates
that after reference fixing, the name is passed on, spread from speaker to speaker
through various communicative exchanges. Thus, speakers actually borrow the
reference from speakers earlier in the chain. Kripke explains this as following:
“Some one, let’s
say a ba by, is
bor n;
h i
s pa ren ts call him by a cert
ain name .
They talk about him to their friends. Other people meet him. Through various sorts of
talk t
h e
n ame is
spre ad fr
om link to li
nk
as if
by a c hain .” (KRI PKE,
19 72: 91)
According to this causal chain picture, names are supposed to designate the
object originally dubbed by that name passed on through several communication
instances by the previous users of that name. If all this is true, it seems that we can use a
name to refer to someone whom we know absolutely nothing about apart from the fact
that he or she is called by a certain name. This is the only necessary and sufficient
condition to use proper names adequately.
Ne vertheless, a cl
os er ex amin at
ion rev ea l
s some fla ws in Kripke ’
s theory as
well. One of them refers to the phenomenon of reference change. This could be the case
of the biblical Mount Sinai. According to Jewish tradition, this is the mountain where
God spoke to Moses and revealed him the tables with the Ten Commandments.
However, the scriptural account of this particular place name cannot be identified in
terms of a present site. Thus, there has been much controversy over the exact location of
the biblical Mou nt
Sin ai,
and scholars,
histori
ans
a n d the olog ians sti
ll
ha v
e n’
t
reac hed a
unitary conclusion. The variety of mountain theories is practically endless. Moreover,
the biblical descriptions of Sinai can be interpreted as describing a volcano, and so, a
321
number of scholars have considered equating Sinai with locations in north western
Saudi Arabia as there are no volcanoes in the Sinai Peninsula. (Internet source 3)
Therefore, when we use the proper name ‘
Mou nt
Sin ai’
aswe perceive it today, with the
assumed biblical connotation, we may actually make reference to another mountain
which was originally dubbed by this name. A sentence like: God revealed himself to
Moses on the Mount Sinai would then mean, that in reality, God might have revealed
himself somewhere else, that is at the place which was originally called Mount Sinai.
Another dilemma arises from the fact that almost always there is more than one
referent to a name. And in such cases, a change of speaker association may take place
from one speaker to the next. Therefore, in order for the audience to fix and identify the
origin al
ly
intende d referent of
a n ame,
some descri
pt ion of t
he speak er’
s assoc i
ation of
that particular name is required. Thus, in such cases the causal chain theory proves
insufficient in assuring efficient communication. What is needed here is some kind of
description which would lead to the intended referent of a name. This sounds
nevertheless that the two theories need to meet on a common ground for the purpose of
successful communication. (LIU)
In order to make this more comprehensible, let us suppose that someone visits
a museum and the tour guide presents a ship as built by Noah: This ancient ship was
built by Noah. Since our visitor has only heard of one Noah, the biblical character, he
supposes of course that this ship was indeed built by the Noah he is familiar with.
However, the guide made reference to another Noah, i.e. a well-known shipbuilder from
that area. The visitor shall leave the museum believing that that ship was built by Noah,
the biblical character and consequently, he will pass on the information as understood
by him. In this case, communication via causal chain goes astray.
Another example could be the sentence Tonight you are about to see/
experience a new face of Nazareth. Such a sentence could be the message of a late TV
show. Many people would probably understand that the utterance refers to Nazareth, the
biblical location, but the reference is actually made to the famous Scottish rock band
called Nazareth. Unless a description is made, communication is at least confusing if
not entirely compromised.
Conclusions
We would like to conclude with the idea that despite the inexhaustible
controversy over the nature of proper names and despite the abundant research, the
problem has not yet been entirely elucidated, and both descriptivist and causal theories
still present flaws. However, this does not imply that the two theories should be
completely disregarded. On the contrary, in our opinion the most common sense
approach would be that philosophers of language make an attempt to overcome the
vices of both theories and combine their virtues. Contemporary researchers and scholars
have become aware of the necessity of such an approach and consequently, they have
proposed certain hybrid theories combining the merits of the two theories as to obtain a
reasonable and well articulated theory of proper names. But only time will prove these
theories right or wrong. Until then, we should each decide for ourselves whether we
consider that reference of a proper name has to be mediated through social,
conventional usage or, on the contrary, it is independent of any mediation whatsoever.
As regarding proper names of religious origin, they do not seem to behave
distinctly from names of other origins. They fall under the same treatment and give rise
322
to similar ambiguities as any other names. After all, individuals who are bearers of such
names and to whom such names refer are common people.
BIBLIOGRAPHY
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http://www.britannica.com/EBchecked/topic/545577/Mount-Sinai (January 2010)
323
TEXT ANALYSIS IN TRANSLATION.
A CASE STUDY:
“THE OVAL PORTRAIT”
Alina MIU
University of
Abstract: Our intention in this paper is to provide a rationale for considering the text
analysis phase as part of a communicative looping model of literary prose translation, on the one
hand in order to avoid treating the text as an entity in itself, separated from the circumstances of
its production and reception, which represents the core of purely theoretical approaches to
translation, and on the other hand in order to formulate a different point of view from that of
many contemporary Romanian translators who treat the SL prose text on a sentence-for-sentence
or paragraph-for-paragraph decoding-encoding basis, often disregarding contemporary research
directed towards the production of the SL text, its specificity in point of style and writing
techniques, as well as the social context of its reception by both the SL and the TL readership.
324
a. the decoding-oriented reading and then re-reading of the ST in view of
ma king
a ‘s urf
a c
e ’
de codi ng of th e
intende d mea ning of t
he ST in point
of
it
s subj ect
matter, followed by a comprehension-oriented reading during which the translator-
reader, on the basis of his/her background knowledge conce rning t
h e
author’s oth er
writings (without a text-or i
ented de tail
ed resea
rch) ,
wi ll
‘rewr it
e’ the text
either
in t
h e
ir
mind or in the form of notes in terms of type of text, characters and themes.
b. the analysis of the extratextual factors which implies gathering of
information on: the author or sender of the text (who?), t he sende r’s i
ntenti
on(what
for?), the audience the text is directed at (to whom?), the medium or channel the text is
communicated by (by which medium?), the place (where?) and time (when?) of text
production and text reception, and the motive (why?) for communication.
The second phase of a practical communicative looping model of literary prose
translation is the translation-oriented text analysis phase which is meant to provide
the translator with specific information concerning the linguistic realization of the text
a nd its
relev ance f
or the wr i
ter
’s li
t er
ary tec hni
que .
The last phase is the encoding-translation phase which is an act of
interlanguage communication since the SL message is rendered by the translator into
the TL following the same path by which the SL writer-encoder sends the same
message in the source language to the SL readership. The object is to render Language
A into Language B in a way that leaves as little evidence as possible of the process so
that a reader might be unaware they are reading a translation unless alerted to the fact.
Since we consider that the analysis of the intratextual factors proposed by Nord
(2005: 42) in her looping model is not sufficient for a literary translator interested in
rendering in the target language the specificity of the source language narrative both in
point of the story (what is narrated) and the discourse (how is narrated), we propose that
the translator perform a two-layered analysis as follows:
a story-levelled text analysis – foc used on t
he text’s
reali
za t
ion in
poi nt
of
s et
ting,
cha rac t
e r
,
time and plot, nar
rator an d point of
v iew;
a discourse-levelled text analysis – aimed at the linguistic
composition of the discourse in poin t
of t
he wr iter’s lexical (an d morph ologica l
),
syntactical and stylistic choices.
Literary text analysis presupposes to ask what a particular text means, how and
why it works. The analytical process is complex but it can be broken down into two
basic activities: first, to divide the text into its constituent parts, its main elements
and/or theme s ;
an d second, to explain how these parts are related, both to each other
and to the text as a whole. Generally speaking, the purpose of text analysis is to make
inf
ere nces about the me a n i
ng of t
he text,
i.e.
to ma ke ex plici
t i
n
on e’s ana
lysis
wh at
is
merely implicit in the text.
The story-levelled text analysis is meant to provide the translator with specific
informa tion on the wr iter’
s particul
a r
use of the setting, the character(s), the time, the
plot and the point of view as means of narrative construction.
Although at first sight a text analysis would seem pointless and too specific for
the needs of a literary translator, we consider it useful and relevant since the elements of
325
literary style are often carriers of meaning as part of what is generally referred to as the
re spective wr it
e r
’s l
iterary t
ec hn i
qu e.
In the 19th century, for example, writers such as Charles Dickens and Honoré
de Ba lzac pr ovide d grea t
amou nts of de tail
whe n describing t
h e
ir
n ov els’
setti
ngs ,
a nd
th ey did so
for spec if
ic re a
sons .
In Ch arl
e s
Di c ken s’ Bleak House (1852-1853), which is
a satire of the suffocating coils of the English legal system, the dominant image in the
book is fog, which envelops, entangles, veils, and obscures everything, standing for the
la w, the cou rts
, t
h e unla wful i
n terests,
a nd the cor ru pt
insti
tuti
ons.
Si mila r
ly,
in Balz ac’s
Père Goriot (1834), the main character arrives in Paris and finds lodgings at a boarding
h ou se,
th e Ma ison Va u quer.
Th e hou se’s s
h abby furnit
u r
e
an d s
tained l
inen r
epr esen t
the struggle of the lower-middle-classes for mere survival.
To put it differently, there is a direct relation between the attention given to the
setting and its importance in the total work. If the setting is sketched briefly, one can
assume that it is of little importance, or that the writer wishes us to think that the action
could take place anywhere and at any time. If, on the other hand, the passages
describing the setting are extensive and highly developed, or are written in connotative
or poetic language, this implies that the setting is being used for more profound or
symbolic purposes.
At the level of the discourse the setting is found in the abundance of
descriptive passages realized by means of noun-adjective combinations, linking verbs
and static verbs used mainly as subject-adverbial correlators, and adverbs, prepositions,
and conjunctions serving as spatio-temporal markers.
Characterization has been dwelt upon from various perspectives which finally
led to several classifications of characters ranging from a more general classification in
main or central characters as opposed to minor or secondary characters, to more
particular typologies distinguishing between protagonists (i.e. the principal actor or
character) and antagonists (i.e. the character against whom the protagonist struggles),
dynamic characters (which undergo changes in the course of the story,) and static
characters (which do not undergo important changes in the course of the story,
remaining essentially the same at the end as he or she was at the beginning), and,
finally, between round characters (which have multidimensional personalities, showing
emotional and intellectual depth and being capable of growing and changing) and flat
characters (which embody a single characteristic such as the miser, the bully, the jealous
lover, the endless optimist). (FORSTER, 1962)
A master of character portrayal is Dickens, who uses characters and events
throughout the novel as comparisons and contrasts for each other in terms of wisdom
and discipline. Thus, the characters in David Copperfield may be divided into three
c ategorie s
: those
wh o h ave ‘
di sci
pl ined ’
h earts (the mature and ca
ring
Agn es Wickf ield
a nd t
he selfless an d forg i
ving Mr .
Pe ggo tt
y) ,
th os e who la
ck ‘
discipli
n ed’ hearts (the
greedy, scheming Uriah Heep and the egotistic and inconsiderate James Steerforth), or
th ose wh o deve l
op ‘
di sci
pline d’ h earts over time (David Copperfield himself, who
learns to make wiser choices in his relationships through personal experience, and his
aunt Betsy Trotwood, who at first lacks consideration for others, but becomes less
inconsiderate over time).
Th e a
u t
h or ’
s choices regarding plot do not stop simply at organizing the events
of the tale. He/She must also decide when the story begins, which events should be dealt
with at length, which aspects of the story can be quickly summarized and when the
story should end.
326
From this point of view, time is entirely subjective. The events of several years
can be condensed into a paragraph, while a complete chapter may be dedicated to a
pa rticularl
y significa nt mome nt.
Th e author’s aim in wr iti
ng a st
or y wi l
l direct the
choices he/she makes, and therefore analyzing these aspects of plot gives one a clearer
insight into the meaning of the work.
A cursory study of several writing techniques will reveal that in many cases the
literariness of a literary work resides in the way in which the respective author makes
u se of t
he time di me n s
ion to g i
ve t
h ei
r
readersh i
p th e pos s
ibili
ty to fil
l in t
h e ‘gaps’
caused many times by the difference between the time of the story and the time of the
narrative in the sense that, for example, a central event in the story may well remain
untold in the narrative, or an event that takes very long in the story might be mentioned
briefly and casually in the narrative.
Another element of literary style which should provide the literary translator
with information concerning the perspective(s) from which the story is told or from
which the reader views the action and characters is the point of view. The major types of
point of view generally agreed upon by most theorists are first-person point of view,
third-person point of view and omniscient point of view, with the free indirect discourse
and the stream of consciousness technique as special forms of perspective rendition
especially used in modern literature.
The literary translator needs to be aware of the wr i
ter’s use
of
on e,
the other or
several of these points of view, since sometimes the change of perspective brings about
c hang es at
the l
ev el of t
h e
disc ours
e as
a
me ans of dra wing t
he reade r
’s at
tention to the
respective change and keeping their attention alert. In Bleak House, for example,
throughout the novel, there is an alternation in the point of view from which the story is
being told. The larger part of the story is narrated by the omniscient author/narrator,
while, however, switching every now an d t
h en to Esther’s na r
rative, t
hu s all
owi ng
Esther Summerson to do some of the telling. Within the omniscient author portion of
the book, Dickens makes his presentation as entertaining as possible, doing his best to
create variety and liveliness. He keeps the reader awake and amused by varying his
te mpo and the l
e ng ths and structu r
es of hi
s se ntences; he uses racy c
ol l
oqu i
a li
sms ,
figures of speech, forceful repetitions and parallel constructions trying to get the
re ader’s att
en t
ion by
a ny di
scur si
ve mea ns
possible.
327
the translator should no longer think in the source language, but in the receptor
language, and be able to accommodate the material in t
h e unde r
lying form “to wh atev e
r
stylistic
lev el
or
lang uag e r
e gister
seems
mos t appropriate for
the audience in
qu e stion.”
In the case of the literary prose translator, the selection of lexical items is
largely determined by the dimensions of subject matter and content in the sense that a
descriptive text, for example, will abound in adjective + noun combinations and static
v er
bs sta nding for t
he writer’s i
ntenti
on to send hi
s/her me ss
age via v isual ima ges
created for the reader while at the same time keeping him/her alert to see what the
de scription se r
v e s for, wh ile a dyna mic te xt wi l
l be ‘dy namized’ by a c
tion v erbs
standi ng for t
h e wr ite
r’s intention to
hide h i
s/h er mes s
age
be hind t
he ac t
ion -based plot.
The syntax-oriented text analysis will envisage the construction and
complexity of sentences in point of the distribution of main clauses and subordinate
clauses in the text, the length of sentences, as well as the cohesive linking devices on
the text surface.
From a practical point of view, the analysis of the sentence structure envisages
observations concerning the average length of the sentences throughout the text, the
type of sentences (statements, questions, exclamations, ellipses), some other
constructions which replace sentences (infinitives, past and present participles,
gerunds), the distribution of main and subordinate clauses as well as the connection of
sentences by connectives (conjunctions, temporal adverbs, substitutions, etc.)
(CRYSTAL, 1969: 43ff).
The stylistically-levelled analysis of the TL text envisages on the one hand the
peculiarities of the text in point of prosody and stress which may be considered style
featu res since t h ey ‘h ide’ the li
terari
ne ss of the text, an d on th e oth er h a nd the
suprasegmental features which overlap the boun dari
e s
of the text
’s
lex i
ca l
or
sy nt actical
org aniza ti
on
lea ding
to wh at is
c onsi
de r
ed th e t
e xt’s
specific t
on e
.
In Nor d’s opin i
on th e analysis of th e prosodi c feat
ure s
i s “ of pa r t
ic ul
ar
relevance to the interpreter. It facilitates the comprehension of content and text
composition, since stress markings are a textological instrument for making the
relations
of
coh ere nce be t
we e n
s ente
nc es
ex plicit”
(NORD,
2005:
134 ).
Although apparently prosody-related observations are of utmost importance
especially for the interpretation of a poem, we also consider that aspects of prosody may
be valuable factors in the analysis of any written text on account of the fact that many a
time a sentence, for example, may have a different meaning than the one usually
associated with it when it is read with a different intonation, or when the stress is laid on
some particular element of it. To put it differently, the text may speak and act
e l
oqu e ntly t
hroug h wha t
is called the t
ex t
’s ph on ology repr esen
ted eithe r by a nor ma l
intonation or a deviated form of intonation evoked by the specific choice of lexis, by
certain syntactic structures, by signals such as punctuation marks, as well as by the
reade r’s situati
on al kn owle dge , with the obs e rvat
ion t hat a particular te xt
wi ll not
necessarily evoke the same phonological images in every reader.
In the case of written texts, the phonological organization of a text is
represented by the selection of particular words, word order, onomatopoeia, as well as
by such suprasegmental features of typeface as italics, orthographic deviations,
quotation marks, underlining or punctuation.
A last phase within the stylistic analysis of the text should also envisage the
figure s of speec h wh ich ,
i
f used, als
o s
ta nd f
or th
e t
ex t
’s lit
erari
n ess an d as a result
should be adequately (and not necessarily closely) rendered into the TL.
328
In order to prove the necessity of performing a text analysis within a
tran s
la t
ion ac t,
we will appr oach Edg ar Al lan Poe’s The Oval Portrait via a three-
levelled text analysis consisting of the first level which represents the immediate
understanding and the evaluation of a discourse, without any act of reflection, the
second level envisaging the analytic study of the text, of its structure and of its socio-
cultural context, and finally, the third level which is an interpretative one reached only
when the text is regarded from the point of view of its symbolic significance.
In light of the above, a basic cursory reading of
Poe ’s short story rev eals an
apparently simple plot: a narrator in a wounded condition and his valet are spending the
night in a château where the narrator cannot help admiring the gallery of paintings
displa yed on the wa lls
of t
h e château .
His a dmi rati
on is
a c
compa nied by t
h e “ perus al of
a small volume which had been found upon the pillow, and which purported to criticize
an d de scribe them.” Ne xt the
na rrator t
urns a bout
th e
c a
nde labrum ha ngin g from the
ceiling and discovers with the help of its light the existence of a painting portraying a
youn g gi r
l “ ju s
t ripe ning into woma nhood” .
Quite impr essed by t his ov al-shaped
portrait after a mere hurried glance at it, the narrator replaces the candelabrum in its
former position and reads the story of the portrait as presented in the volume he found
on that pillow. It is the story of a young maiden who married a passionate, studious and
austere painter who was so preoccupied with his portraying his beautiful wife that he
failed to notice that the finishing of the portrait came along with her dying little by little,
both physically and emotionally, because of her own inability to prevail over her
hus ba nd’s oth er
“ l
ov e”, that i
s Art itsel
f.
This basic reading leaves room to several questions which even a proficient or
learned reader would find difficult to answer without at least a rereading of the text
followed by a more thorough stage of interpretation:
a. Why is the narrator so deeply impressed by this painting in particular
out of all the paintings hanging on the walls of the château?
b. What distinguishes this painting from the others? Is it its style, its
shape, its content?
c. How could he give so minute details about the physical characteristics
of the young maiden on the one hand and about the style of the painting on the
other hand after a mere glance at it?
d. What is the relevance of the story of the painting presented in that
volume for him?
e. Who is the narrator? Is he the author himself?
f. If the narrator is the author himself, is there any chance for the
painting to represent a beloved person in his life or someone who sometime made a
great impression on him?
g. What is the meaning to be decoded from the final remark in the story,
i.e.
“She was dead” ?
A second reading or rereading implying a careful semantic analysis will
certainly reveal to the trained reader several details that his first content-oriented
reading failed to provide.
This second, vocabulary-oriented rereading will reveal the fact that the text
abounds in adjectives, adverbs and nouns, with verbs used only to designate the actions
that place the narrator first in the château, then in the apartment in the turret and finally
in front of the much admired painting. This analysis may be further detailed by taking
into consideration the meanings of the already mentioned predominant parts of speech.
Thus, it may be noted that most of the adjectives and nouns denote the objects in that
329
apartment on the one hand, and on the other various technical features of the oval
portrait (the least sumptuously furnished apartments, manifold and multiform armorial
trophies, rich golden arabesque, the frame was oval, richly gilded and filigreed in
Moresque etc.). The adverbs on the other hand are only meant to emphasize in one way
or the other the meanings of some verbs (Long, long I read –and devoutly, devoutly I
gazed) or some adjectives (desperately wounded condition, unusually great number of
very spirited modern paintings, etc.). In as far as the meanings of the adjectives and
nouns are concerned, we could pinpoint the fact that both the adjectives and the nouns
have positive semantic connotations (describing as we have mentioned before either the
grandeur of the château or the splendour of the oval painting) with the exception of the
adjective black in fringed curtains of black velvet which, if analyzed in context, loses
much of its possibly negative connotation due to the fact that at the time the black
velvet stood for something stylish and classy usually associated with various
decorations characteristic of a large residence such as a château. More than that the very
use of the noun château with the French spelling and not with the English spelling
which tends to replace the French sound [â] with a circumflex accent on it with the
English sound [a] contributes itself to the general idea of bon goût grandeur that the
narrator wants to induce to his reader.
Poe ’s “artistic” vocabu l
a ry rang e is de scribe d by Silvi
a Si mon e Ans pac h in
Poe ’ s Pictor i
c Wr it
ing(1985-1987: 17). In her own words the pictorial elements of
Poe ’s writ
ing are “mor e vivid and powe rful than
wor ds so that
the latt
erfail to capture
the f orme r’s commun ic ati
v e
v alue and on ly ma nag e to t
ran s
late
the m into feebler and
mor e restricti
v e signs ..
. .” By con st
ruc ting the stor y
wi t
h thes
e particular eleme nts,
Anspach feels that Poe wanted to reveal that perception is manipulated by the object
that is seen, as well as by what is seen in relation to it.
Another semantic observation concerns the use of such technical painting
terms such as Moresque, vignetting and lifelikeliness of expression which, besides
drawi ng the
re a
de r’s attention to the particular style of painting that impressed him so,
are also meant to raise his curiosity as to the motif for such a preciseness of technical
description on the part of the narrator.
A further semantic analysis will reveal that the predominant positive
connotations pertaining to the vocabulary used at the beginning of the story of the oval
portrait gradually become negative. Thus, what begins as a radiant story by the
mentioning of her beauty and her glee (She was a maiden of rarest beauty, and not more
lovely than full of glee) continues quite tragically by the very mentioning of the word
evil in connection with the hour when she had seen, loved, and wedded the painter (And
evil was the hour when she saw, and loved, and wedded the painter). Further on the
narrator makes ample use of antithesis in order to present to the reader the tragicality of
the plot: “( …)
He , pas sionate, st
udi ous, aus ter
e ,
an d hav ing alr
eady a bride i
n his Art;
she a maiden of rarest beauty, and not more lovely than ful l
of gl
ee; all l
ight and smiles,
and frolicsome
as
the young fawn; lovi
ng and che rishi ng all
things; hating o nly t
he Ar t
whi c h was he r rival; dre ading onl y t he pal l
e t
an d br ushes and ot her untowar d
instruments which deprived her of the countenance of her lover. It was thus a terrible
thing for this lady to hear the painter speak of his desire to portray even his young
bride. But she was humble and obedient, and sat meekly for many weeks in the dark,
high turret-chamber where the light dripped upon the pale canvas only from overhead.
But he, the painter, took glory in his work, which went on from hour to hour, and from
day to day. And he was a passionate, and wild, and moody man, who became lost in
reve ries; so that he
woul d not see
that t
he light whi ch f
ellso ghastly in that lone turret
330
withered the health and the spirits of his bride, who pined visibly to all but him. Yet she
smiled on and still on, uncomplainingly, because she saw that the painter (who had high
renown) took a fervid and burning pleasure in his task, and wrought day and night to
de pict her
who so loved him, yet who grew dail
y mor e
dispirited and we ak (…)”. Again
in point of vocabulary it is to be noted that the antithesis holds true in this respect as
well since the narrator makes use of only positively charged words to render her
reactions and actions and of negatively charged words to describe his state of mind.
From the above it is to be noted that this second reading or rereading reveals
some information about the narrator in the sense that he is obviously an art-addict, who
not only understands art but also consumes it, and who, faced with such a work of art as
the oval portrait, is capable of sensing its moral value by a mere glance at it. As far as
th e n arra
t or’
s re ade rs
hip i s con cerned, his story is not addressed to the common
ingenuous reader who would just consider it simple and boring, but to the elevated
reader who would automatically be in the know as to who Mrs. Radcliffe (whom the
narrator mentions in the beginning) is and besides his knowing her by name knows that
her name can easily be associated with the Gothic novel, which by its definition is a
type of romance very popular from the 1760s onwards until the 1820s and which was of
much importance in the evolution of the ghost story and horror story. This type of
knowledge helps the learned reader to understand from the very beginning that there
must be a terrifying subplot beyond the main story which he must disclose during the
process of rereading.
What the reader may fail to grasp, however, after this cursory semantic
a nalys i
s,
is
the
mot if
whi ch lie
s be hind the narr
a tor’s
admi ration for
this work
of art and
whi ch is
mu c
h
mor e th
a n
the
art
lov er’s vene r
ation of Art.
In order to make the final semantic decoding of the SL text or, to put it
di f
fer entl
y , t
o “ see ” even beyon d t
h e de ep struc t
ure of th e te xt,
the reade r
h as to
a pproa ch the t
e xt from t
he poin t
of v i
e w of Poe ’s general
a nd mo re pa r
ti
c ul
ar na rrative
mode.
Th us, any trai
ned reade r of Poe ’s shou l
d be awa re of the fac
t that life and
death, and especially death are
the
pr edomi nant the mes
of Poe ’s
wr itings. St
arting from
this, the reader should ask himself whether the association of a work of art with the
tragic end of a young maiden, and more than that the tragic end caused by an art-maker,
are pure coincidence or they are the very purpose of such a minute and yet tragic
description of events.
The answer to this potential question may be found in the opinion of Robert N.
Mollinger and Shernaz Mollinger (1979: 147-153) who, in their Edgar Allan Poe ’s ‘Th e
Ov al Portrait
’:
Fusion of Multiple Identities,
con sider
that “Poe , the n ar
rator,
the artist
,
th e arti
st’
s wif
e ,
Poe ’
s moth er,
an d Poe ’s
wi fe
ar e
a l
l i
nter-con nec t
e d to t
he
tale of ‘Th e
Ov al Port ra
it’
.” Ac cording to the m, the s
e part
s of Poe’s come t
og ether, creating the
whol e whi ch is
r eve al
ed in ‘Th e Ov al Portrait
’. Th ey s
ugg est
th at Poe ’s
tale des cribes
his own artistic dilemma, that art imitates life and that artists are destroyers as well as
c reators:
“ Arti
stic c rea
tion is,
in a sense ,
mu rder.” De s
pite the de aths of t
h ose he lov ed,
in fact, because of their deaths, Poe lived on and continued to create just as the artist in
his tale did. Mollinger reports that this inescapable fusion of life, death, and creation is
what Poe depicts in his tale.
Their theory is sustained by Sylvie L. F. Richards in The Eye and the Portrait:
The Fantastic in Poe, Hawthorne and Gogol: “Ar t i
s no lon ger just an en t
erpris e or a
perception, but it becomes an actual woman who will rival with the young woman who
serves as model for the affection of the painter. Along with the personification of Art,
331
there occurs a de-personification of the woman .... The copy becomes the reality,
th ereby a c
h ieving the ulti
ma te of ma n’s
e go
fa ntasi
es: t
h e ne ed t
o preserve himself, and
that which he loves, against the ravages of time, to create a stasis, but at the same time
to enclose and capture the ephemeral beauty of life. Thus the inanimate painting gains
life from the living model through the efforts of the artist who is responsible for the
mode l
’s expira t
ion.” (1983: 307-315)
Another question that is to be answered after the first and second readings of
the text is why the narrator, whom we have already identified with Poe himself, is so
impressed by the portrait of the young maiden besides its artistry. In order to answer
this question the trained reader should get in touch with the social and cultural context
in which Poe-the narrator wrote his story. In In the Prostitution of Paris: Late Capital of
the Twentieth Century, Mi ch ael Rot hberg c onsiders th at Poe ’s
ta l
e c onta i
n s
t hree
th eme s as follows :
“repr e
s en t
ation a
n d
me chan ic
al r
e produ ction,
representation
an d t
he
c it
y ,
and re presen t
ation a n d se xual differe
nc e .
” (1992: 5) From this point of view
Rothberg feels t
h at
‘Th e Ova l
Portrai
t’ is
an allegory wh ich reveals how the public
sphere operates on representation of the individual which takes autonomy away from
the individual and leads to negation or death. In particular, Rothberg notes that women
in Poe's time were barred from the public sphere altogether and were thus denied power
and identity. Further on he shows how Baudelaire and Godard expand on these themes
in their works and he cites a Godard film Vivre Sa Vie in which men exploit women in
order to profit in the marketplace while women have no control over their exploitation
and allow themselves to be drained of their own life so that men may prosper. Even the
body of the woman - as in Poe ’s st
ory - becomes public domain in the selling of it as
art.
Thus, i n li
gh t of th e abov e, t
he
inge nuous re
a de r’s
i
mpr essi
on aft
e r the fi
rst
and second readings according to which the tale is nothing more than a successful
de s c
ription of a young ma ide n’s portrait
is
pr oven wr ong by t
he fact t
ha t
pos sibly the
n arrator’s
a dmiration is directed towards the painting as an work of art and not towards
the splendour and the beauty of the young maiden. More than that, we could say that
the woman does not really exist for him, since she was only a tool that helped the
painter give his painting life and eternal beauty. This latter theory may also be sustained
by the fact that at a closer look the text abounds more in technical art descriptions than
in the description of the womanish features of the young maiden.
Another theory belongs to G.R. Thompson, in Dramatic Irony in ‘ Th e Ov al
Por t
rait
’: A Re conside rati
on of Poe ’s Re vi
sions ,who considers The Oval Portrait a
psychological tale that depicts the imbalance between reason and madness. His theory is
based on the fact that the first version of the tale entitled Life in Death had a lengthy
introduction in which the narrator confesses that he has eaten opium to offset painful
injuries sustained by an attack. However, in the second version this introduction is
eliminated and the narrator admits only that he is suffering from fever, all of which
make Thompson consider that the perceptions of the narrator in the second version seem
more grounded in reality than they would have been if he had been under the influence
of a narcotic. Further on,
h e me nti
ons t
ha t
Poe ’s
fir
st intention
wa s
to paint
a portrai
t of
a disturbed ima ginati
on, whi ch “doe s
n ot,
howe ver, nece ssari
ly l
ea d t
o the v i
ew that
because Poe reduced the obviousness of his narrator's imbalance of mind he had shifted
his intent from t he psy chologi ca l
to t
h e
oc cul
t. ‘The Ov a l
Por tra
it’
ma y be
re ad,
ju s
t as
it stands, as an i
ron i
c, full
y drama t
ized,
ps ychol ogical
por t
ra it
.”
(1968 :108)
To end with, we consider that before any attempt to translate a piece of prose
it i s
t
he trans l
ator’spermanent and difficult, to say the least, task to have a full
332
understanding both of the literariness of the SL text and also of the manifold
accompanying aspects of it, including here, on the one hand, the text style (with its
pragmatic, semantic, syntactic and discourse level characteristics which sometimes as
in Poe’s case are the
r esult of a ‘philos ophy of compos it
ion’ ),
an d,
on the othe r
ha nd,
the authorial style (with its social, cultural and ideological factors which are either the
result
of one ’s edu cat
ion or the result of one ’
s
going
with the
time s).
BIBLIOGRAPHY
Anspach, Silvia Simone. ‘Poe '
s Pict
oric Wr it
ing’. in Estudos Anglo-Americanos 9-11 (1985-
1987): 17-28
Caws, Mary Ann. ‘
Insertion in an Oval Frame: Poe Circumscribed by Baudelaire (Part I) ’
. in
The French Review 56 (April 1983): 679-687
Hatim, Basil and Ian Mason. Discourse and the Translation. London and New York: Longman,
1990
Hermans, Theo (ed.). The Manipulation of Literature: Studies in Literary Translation. New York:
St.Ma r
tin’
s Press, 1985
Iser, W. The Implied Reader. Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1972
Miu, Alina. The Semantics of Literary Prose Translation. A Case Study: Edgar Allan Poe.
333
CONTEXT-DEPENDENCY IN LANGUAGE: DEIXIS AND
INDEXICALITY
Cristina PORU IU
“Babe -Bolyai”University, Cluj Napoca
Introduction
Most words mean what they mean no matter who uses them, or when and
where they are used. That is why words are essential to human communication. Only if
we assign a c onstant
interpret
ation to t
h e wor d “dog ”,
f
or ins ta
nce ,
c
an we h ave
a
coherent conversation about dogs. Nonetheless, all languages contain small sets of
words whose meaning vary systematically according to context, more exactly to who
uses them, and where and when they are used.
Perhaps the most challenging way in which the relationship between language
and context is reflected in the structures of languages is through the phenomenon of
deixis, or through indexicality. Typical examples are: the use of first and second person
pronouns (I, you), the use of demonstratives (this, that), specific time and place adverbs
(now, h ere),
a n d a
v a
rie t
y of
othe r
g ra mma ti
cal feat
ures. Essentiall
y, deixis “con cer
ns
the ways in which languages encode or grammaticalize features of the context of
utteran ce or s pe ech even t”.
It
a l
so “c onc erns the ways in wh ich t
he interpretat
i on of
utterances depends on the analysis of that context of utterance” (COLE, 1981: 54).
According to Fillmore, the significance of deictic information for the
interpretation of an utterance is best illustrated by what happens when such information
is lacking (FILLMORE 1975,
cited in COLE 1981: 55). Let’s consider t
h e foll
owi ng
sce nario; we
f ind t
h e
followi ng noti
c e on an
offic
e
door:
I will be back in ten minutes.
In case more persons are sharing the same office, we need to know which of
them wrote it, who ex actly “I”
is;
an d beca use we do not know when it was written, we
cannot know when the writer of the notice will return.
The many aspects of deixis are so common and so deeply grammaticalized in
natural languages that they are mainly regarded as part of semantics. As semantics deals
by definition with all aspects of meaning, then it would be right to consider most deictic
334
phenomena as being semantic .
Bu t
de ixis also “belongs to the doma in
of pragma t
ics,
a s
it directly concerns the relationship between the structure of languages and the contexts
in whic h they are used.” (LEVI NSON, 1983: 5 5) As natu r
a l
langu a
g e
s
we re primarily
designed for face-to-face communication, they cannot be approached without taking this
into account. Whether the study of deixis belongs to semantics or pragmatics is still an
important issue to be dealt with. It is difficult to draw a line or a boundary as long as it
plays an important role in both fields. According to Cole, even if linguists would all
agree on how the semantic/pragmatic boundary should be drawn, there would be no
simpl e a nswe r t o t his qu e st
ion . “ Th e i mpor tant poi nt,
wh erev e
r t he
semantics/pragmatics boundary may be drawn, is that deixis concerns the encoding of
many different aspects of the circumstances surrounding an utterance, within the
u tt
e rance i
tsel
f. Na tur
a l l
a ngu age utteran ces are ‘anchor ed’ directl
y to aspec t
s of the
c ontex t
”
(COLE, 1981:
56) .
Deixis /Indexicality
Th e term “ de i
xis” is bor rowe d from the Gre ek wor d for “ pointi
ng to” or
“indi cat
in g”
or
“pi cking out”. By “ deixis” is
me ant the l
oc ation
an d iden t
if
icati
on of
persons, objects, events, processes and activities being talked about, or referred to, in
relation to the spatio-temporal context created and sustained by the act of utterance and
the participation in it, typically, of a single speaker and at least one addressee. Words
like “I”, “you ”,
“h ere” ,
“now” ,
“ t
h i
s” ,
“that” ar
e
paradigm ex ampl es.It was Peirce who
first te
rme d su ch expr essi
ons “ i
n de x
ica l
signs”, and ar
gu ed that they dete
rmi ned a
referent by an existential relation between sign and referent. He drew distinction
between signs as visual expressions, which he calls icons, and signs in the form of
words, which he calls symbols. In the same time, he also identified a third sign-type,
which he called index. An index i
s a poin t
ing
device,
h e
n ce ‘i
n dex
finge r
’,
the f
inge r
we
use for
poi n t
ing. Thu s ,
the wor d “I” is
r e
g arded as
an
inde x whi chpoints to a person,
“h ere” an inde x
whi ch points to a place, “now” an
inde x
whi ch points
to a ti
me .
Th e t
e r
ms
“de ixis” and “indexic al
ity” ar
e frequently us ed
in t
erc hangeably,
a nd
both concern essentially the same idea: contextually dependent references. However,
acc ording to Silverstein, “bot h ha ve
di ff
ere nt
his
tories and tradit
ion s associat
ed with
them. In the past, deixis was associated specifically with spatio-temporal reference,
whi le i nde xicali
ty wa s us ed mor e br oa dly.
” (SILVERSTEIN, 1976: 15) More
impor t
an t,
according to Le vin son, e ach is associ
ated wit
h a diff
er ent fi
eld of study ;
“de ixis” is usually con cerned wi th lingu i
sti
c s,
while “index icalit
y” i
s mor e associated
with philosophy.
The most important of the earlier linguistic works in this area of study belong
to Fillmore and Lyons, who approached the phenomenon of deixis mainly from a
descriptive point of view. The most common and the most obvious categories of deixis
are those of person, place, and time – wha t Fillmore c alls
the
“ ma jor
g ramma t
ica
liz
ed
type s”
of deixis
or
traditional categories. I shall devote a section to each below.
Person deixis concerns itself with the grammatical persons involved in an
utterance: those directly involved (such as the speaker or the addressee), not directly
335
involved (those who hear the utterance but are not directly addressed –overhearers) and
those mentioned in the utterance (LEVINSON, 2006). In English, this is generally
accomplished with pronouns, the main grammatical distinctions being the categories of
the first, second and third person. The category first person is the grammaticalization of
the spe ak e r’s refer
e nce to hims e l
f, second person is the encodi ng of t
h e speak e r
’s
reference to one or more addressees, and third person the encoding of reference to
persons and entities which are neither speakers, nor addresses of the utterance in
question (COLE, 1981: 62). The person deictic expressions are in italics, a notation that
will continue through this paper.
I love you.
Would you like more coffee?
I hate waking up early in the morning.
Who is
“I”?
It ma y
seem str
a nge to a
s k to whom “I” refers.
Cons ide rable a
tte ntion has be en
given to the first-pe r
son sing u l
ar pr on oun “I”, ofte n conside red a “ pu re, ess
e ntial”
indexical or “the cl
e arest
c ase of a
n inde xi
cal”.
It i
s the word th at
refers i
n al
l
ca ses
in
which it is used (except those where it appears inside direct quotation) to the person
who use s it. Or
as Ly ons pu t
s
it, “I” in En gl
ish
re f
e r
s (normally) “to the actual
spe aker,
to wh oe v e r i
s speak i
ng at
that mome n t
”.
Wh en you us e
the wor d “I” it
re f
ers
to you ; whe n I
use t
h e sa
me
wor d i
t ref e
rs
to me .
I f y ou use
“ you ”
talkin g
to me ,
it r
efers
to me ; whe n I
use it
tal ki
n g to
y ou ,
it
refers to you. The designation of an indexical is not fixed, but it shifts from speaker to
spe ak er, time to ti
me , place to pla ce; i
t is c
on t
ext de pe ndent,
it
is not on ly the me an ing
assoc iate d with
an ex pression, bu t also de t
ail
s abou t the utt
eranc e.
“ An u t
terance of ‘I
’
designates the person who ut ter s
it,
a n utter
ance of ‘you’ desi
gn ates the pe r
s on t
o wh om
it is addr ess ed, an utterance of
‘ here’ de s
ignates th e place at wh ich the ut t
eranc e is
ma de , an d so fort
h.” (PERRY, 1997: 1) As
indexicals shift
their designa tion in t
his wa y ,
sentences containing such expressions can be used to say different things on different
oc casion s. Su ppose John says
t o Ma r y:
“ I
am ri
g ht an d you are wr ong ” a nd she r
e pl i
es
with the same sentence. They have both used the same sentence, with the same
meaning, but different mes sage .
Wh e n
J ohn say
s “I am in a
hur ry”, t
he wor d “I” refers
to Joh n. Wh en
Ma ry says “I am n
ot
(in a hurry)”
, the “ I
” refer
s to Ma r
y.
Place deixis, also referred to as space deixis, concerns itself with the spatial
locations relevant to an utterance, more e xactly “ the encodi ng of spa tial
l
oca tions
relative to the l
o cat
ion of the pa r
tic i
pa nts
in t
h e spe ec h event” (
COLE, 1981: 62).
Similarly to person deixis, the locations can be those of the speaker and addressee, or
those of persons and objects being referred to. Most languages grammaticalize at least a
basic distinction, which is that between proximal (near or closer to speaker) and distal
(or non-proximal, far from both, sometimes close to the addressee). The most typical
examples are the demonstratives (“ th is
”
vs .
“t
hat”) an d t
h e
deictic adverbs of place (like
“he re” vs . “ there”) re garded a s pu re pl a
ce-deictic words. A few examples are as
follows:
I enjoy attending this c ou r
se .
(the
course
“h ere”, which
th e
spe ak er at
tends )
How is the weather there? (dist al from s pe ak e
r ’
s l ocat i
on at CT,
sometimes proximal to addressee at RT)
Here it
i
s cold and wi n dy .
(prox imal
to
s pea ker’s l
ocation a
t
CT)
Whe r e
is
‘he re’
?
To i n c
lude “ h
e re” ( a nd “ now” )
in t he l ist
of pu re in dex icals, is
a bi t
problematic according to Davi d Br au n.
Why ?
Be ca use
e ver
y u tt
e ra
n ce of
“ here” refers
336
to a spatial location that includes the exact location of the speaker, but the extent of the
spatial location, its limits, can vary from utterance to utterance. For instance, if John is
in London spea king by
ph on e
to some on e
in Bu c har
e st
and says “Ma ry is here”, he ma y
well be saying that Mary is in London (not necessarily there, with him). But if Mary
calls out John “Wh e re ar
e you? ”
from the
othe r end of their
h ouse, and John ans we rs “I
am here”,
it
seems unlikely that he is merely saying that he is in London.
Perceptual psychology may provide significant information for the semantic
inte r
pr eta t
ion of inde xica l
e xpressions “h er
e ” and “ there” wh en talk i
ng abou t ou r
capacity visually to identify and distinguish. Such indexicals have proved that
“u nde rsta nding i
nvol ves not just
ling uis
ti
c proc ess
ing but
de pen ds
a s we ll
on cog nitive
fac ultie
s of pe rception .
” (CHI ERCHI A & MCCONNEL-GINNET, 1990: 267) Similar
rema rks g o f
or “now” and t
he
time
interval
surr ounding the utterance.
Time deixis is related to the various times involved in and referred to in an
utterance. Time deixis is grammaticalized in deictic adverbs of time (like English
“n ow” ,
“t hen” ,
“soon ”, “
y esterday”
a nd s
o on ), but
abov e all
in tense. Time adverbs are
closely related to the time an utterance is produced or a message is inscribed (what
Fillmor e ca l
ls the ‘
codi ng time ’,
or CT)
or
wh en t
he utterance is heard or the me ssa ge is
de code d (Fillmor e’s ‘decodi ng ti
me ’ or DT) .
Ge nerally,
CT is assume d to be identical
to DT, but they may differ, in cases such of pre-recorded broadcasts, newspaper articles,
or letters.
English is a language that encodes tense, which means that almost every
sentence makes reference to time mainly by means of tense, and, sometimes, by means
of aspect markers, time which can be determined only in relation to the time of the
utterance of the sentence. Although tense is definitely deictic, what makes the issue
more complicated is that there are a variety of different ways of expressing past, present
and future time in English, not to mention factors like progressive and perfective aspect.
Generally speaking, present is associated with an event/action simultaneous to the
speech act (play), past with an event/action which happened before the speech act
(played), and future with an event/action that will happen after the speech act (will
play).
A distinction is generally made between absolute (or deictic, which refers
imme diately to t
he time of the speak er’
s utteran ce)
and relative tenses (which refer to
oth er t
en se s
). For e xampl e, simpl e En gl
ish pa st
tens e is absolute, s uch as in: “He
worked a s a cleaner a t
the hos pit
al.” or a
s i
n “ He left h
ome .”, while t
h e past pe rfect
tense is relative to some other deictically specified time, a s i
n “He had worked as a
clea ne r
at
the hospital f
or 30 years
be fore
he
re tir
ed.” or as i
n “He
had left home before
I got ba ck ”.
According to Lyons and Fillmore, besides the traditional categories of deixis
which are perhaps the most obvious, there are two more types of deixis that are
similarly pervasive in the language use: discourse deixis and social deixis.
Discourse deixis, als
o known as text de i
xis, has to do with “th e encodi ng of
reference to portions of the unfolding discourse in which the utterance is
loca ted.”
(Cole, 1981: 85) To be more specific, it refers to the use of specific expressions within
an utterance to refer to different parts of the discourse that contains the utterance. As
discourse unfolds in time, time-deictic words can be used to refer to portions of the
disc ou r
se . Th us,
a n
a logous ly t
o “last year
” a nd “ next
Fr i
da y”, we
hav e “in the l
a st unit”
an d “ in the
n ex t
pa ragraph” .
Th ere are al
s o place-deitic terms that can be used here,
espe cially t
he demons tr
atives
“this” and “t
h at
” be i
ng acase in point, as in the following
examples:
337
“This is a g rea t
story .
” (“thi
s” re
fers
to an upc omi ng porti
on
of
the
discou rs
e )
“That wa s ev eryth ing she told me .
”(“tha t
” refers
t
o a prior porti
on of the
discourse)
There are many words and phrases in English that show the relationship
between an utterance and the prior discourse such as utterance-i nitial
usage s
of: ‘but’,
‘anywa y’ ,
‘howe v er’, ‘we ll’, ‘s
o’, ‘a
c t
uall
y ’
, ‘i
n c on clusi
on ’,
‘to t
h e contr
a r
y’, ‘al
l in
all’,
a nd so on . Th ey indic ate t
o a cert
ain ext
ent how the utterance that contains them is
a response to, or a continuation of some portion of the prior discourse. Thus, they
perform a discourse deictic function.
Social deixis concerns the encoding of social distinctions that are relative to
participant-roles, particularly aspects of the social relationship holding between speaker
and addressee, or speaker and some referent. The social information (regarding social
status and familiarity) is encoded within various expressions. The two major forms are
the so-called T-V distinctions and honorifics.
T-V distinctions is the name given to the phenomenon when a language has
two different second-person pronoun. The abbreviations originate in the Latin pronouns
‘tu’ a nd ‘vos’ ,
inf o rma l a nd f
orma l ver
sions of the personal pron oun ‘you’ .
Th e
va rying us age of
the se
pr on oun s
indicates
some t
h i
ng abou t
forma li
ty or /
and fami l
iarit
y;
for instance, the T form may be used when speaking to a friend or social equal, whereas
the V form may be used when speaking to a stranger or a social superior. This is a
common phenomenon in European languages.
Honorifics are a much more complex form of social deixis than T-V
distinctions, though they encode similar types of social information. They can involve
words being marked with various morphemes as well as entirely different words being
used based on the social status of the interactants (Hey you, Madam, Mr. President).
De ixis is or ga nized in
a n
egoc ent
ric
wa y; if we t
h i
nk of deictic
express i
ons
as
anchored to specific points in the communicative event, then the anchorage points,
constituting the deictic centre, are typically assumed to be as follows (LEVINSON,
1983: 63-64): (1) the central person is the speaker, (2) the central time is the time at
which the speaker produces the utterance, (3) the central place is the place of the
speaker at the utterance time, (4) the discourse center is the point which the speaker is
cu rrently a t
in the produ ction of h
is utt
erance, (5) th e social
ce ntr
e i
s the speake r’
s
social status and rank to which the status and rank of addressees or referents is relative.
Thus, a deictic centre is a reference point in relation to which a deictic expression is to
be interpreted.
Deictic expressions have different kinds of usages. Following Fillmore, a first
distinction can be made between two kinds of deictic usage, namely gestural usage and
symbolic usage. Since deictic expressions are deficient from a semantic point of view,
ge stures ma y he l
p u s to i
de ntify re
ferents
, some time s being
obliga t
or y;
t
h us,
g est
u ral
usages require a close monitoring of the speech event for a correct interpretation. In
contrast, symbolic usages of deictic terms require for their interpretation only
information about the spatio-t e
mpor al
pa r
ame ter
s of
the s
pe ech e
v ent;
they ma y
ide nt
ify
a referent without an accompanying gesture.
You and you stay, you and you and you are dismissed. (gestural usage)
What did you say? (symbolic usage)
You can all come with me if you like. (symbolic usage –in order to
interpret it, it is sufficient to know the set of the potential addressees in the
situation)
338
Another distinction that can be made is that between deictic and non-deictic (or
non-referring) kinds of usage. Here are some instances:
You can never tell the difference between these two. (non-deictic usage)
He likes fish (pointing at John), but he does not (pointing at Ben). (deictic
usage)
Every man believes that he is smart. (non-deictic usage)
Philosophical Approaches
339
circumstances < w ,i > depends not just on which individuals are tired in world w at
time i, but also on the context in which it is produced, determining who has uttered the
sen t
e nce, and thus who the pron oun ‘
I’
den ot es
. We cannot a
ss ess
the
truth
of certain
sentences without knowing certain details about the context in which it was uttered.
Suppose we try to analyse sentences like:
I am working at a project now.
You are my English teacher.
This course is really helpful.
In order to assess the truth of the sentences above, we need to know the
ide nti
ty of the
spe ak e
r (wh o “I
” is),
a s
well as detail
s about the ti
me
of spea king
(whe n
“ now” is) i
n, we also ne ed to k now the
ide n t
it
y of “ you” and of “
my ” in, if
wh a t i
s
indicated or referred to by the speaker is indeed a course which is helpful. In each case
the context-dependency can be traced to specific deictic expressions, and their truth
values depend on certain facts about the context on utterance such as: identity of
speakers, addressees, indicated object or situations, places and times.
In logical semantics, a proposition is seen as a function from possible worlds to
truth values. Context-relativity can be accommodated by saying that a proposition
expressed by a sentence in a context is a function from possible worlds and that context
to truth va lues.
Un der these circums tances,
a context is “a
s et
of
pragma t
ic indices,
c o-
ordinates or reference points for speakers, addressees, times of utterance, indicated
ob jects,
a n d wha tev e
r e
l se
i
s ne eded” ,
sente nces ex pressi
n g differe
nt propos it
ions on
different occasions of use (COLE, 1981: 58)
The most important way of approaching indexicals is to regard the
specification of the content of an utterance in two stages: the meaning of an utterance is
a function from contexts/sets of indices to propositions, which are in turn functions
from pos sible wor lds to trut
h values. (
MONTAGUE, 1970; STALNAKER, 1972, cited
in COLE, 1981: 59) On this view, pragmatics is about how a specific context plays a
role in specifying what proposition the sentence expresses when uttering it. What this
approach makes clear is that the meaning of the same sentence may remain constant
across different occasions of utterance, while the proposition is different depending on
the speaker. It also makes clear that sentences in the abstract do not in general express
specific states of affairs, where contexts achieve this by filling in the pragmatic
parameters that indexicals are variable for. Therefore, pragmatics may be regarded as
logically prior to semantics, in the way that the output of the pragmatic component of
the theory is the input to the semantic component. (COLE, 1981: 59)
Conclusion
BIBLIOGRAPHY
The following books and websites have been read or consulted:
340
Braun, D. Indexicals. In Stanford Encyclopedia of Philosophy, available online at
http://plato.stanford.edu/entries/indexicals/ , 2007
Chierchia, G., and McConnell-Ginet, S. Meaning and Grammar: An Introduction to Semantics.
Cambridge, Massachusetts: MIT Press, 1990
Cole, P. Radical Pragmatics. New York: Academic Press, 1981
Grundy, P. Doing Pragmatics. London: Hodder Education, 2008
Hurford, J.R. and Heasly, B. Semantics: A Coursebook. Cambridge: Cambridge University Press,
1983
Levinson, S.C. Deixis. In Horn L.R., Wards L.R. (eds.). The Handbook of Pragmatics, Oxford:
Blackwell Publishing, 2006
Levinson, S.C. Pragmatics. Cambridge: Cambridge University Press, 1983
Lyons, J. Semantics. Vol. 2, Cambridge: Cambridge University Press, 1977
Nunberg, G. Indexicality and Deixis, published in Linguistics and Philosophy, Vol. 16, 1993,
available online at http://peple.ischool.berkely.edu?~nunberg/linguistics.html
Oltean, Sf. Lumi posibile in structurile limbajului. Cluj-Napoca: Editura Echinox, 2003
Palmer, F.R., Semantics, Cambridge: Cambridge University Press, 1981
Perry, J. Indexicals and Demonstratives. In Hale R. and Wright C.(eds.), Companion to the
Philosophy of Language, Oxford: Blackwells Publishers Inc., 1997, available online at
http://www-csli.stanford.edu/~jperry//PHILPAPERS/shorting.pdf
Silverstein, M., Shifters, Linguistic Categories, and Cultural Description. In Basso K. and Selby
H.(eds.) Meaning in Antrophology, SAR, 1976
http://en.wikipedia.org/wiki/Deixis
http://en.wikipedia.org/wiki/Indexicals
341
WILLIAM FAULKNER VS. THE SOUTHERN RELIGIOUS
CULTURE. A CASE STUDY ON LIGHT IN AUGUST
Abstract: The fact that Faulkner lived side by side with religion in the American South,
as part of his inheritance, made him put this into his fiction. Scholars in the field of Southern
religious studies have moved the study of religion in the region to a serious exploration of the
religious groups and forces in the South that produced Faulkner and his work. Among these
forces one can mention Calvinism, Puritanism, Baptism, Methodism, and Evangelicalism.
Everyone who reads or ever has read William Faulkner has been confused by
the long sentences, the elaborate syntax, the terrifying action, the obscure pronoun
references. The only way out of such confusion is to go through it. No shortcuts, no
subs ti
tutes exist f
or the
a ct
of readi ng
Fa ulkne r
; bu t
reading Fa ulkner
wi ll
teach you
how to read Faulkner well (TOWNER, 2008: 10-11).
Mos t
of Fau lkner’
s bo dy
of wor k is
s e
t prima ri
ly i
n the my t
hological county of
Yoknapatawpha, Mississippi. Of the nineteen novels, only five are set elsewhere, and
even these sometimes touch its borders: S oldiers’ Pay ,
Mo squ i
toes,
Pylon, If I
For get
Thee, Jerusalem (The Wild Palms), and A Fable.
Alfred Kazin, considering William Faulkner, in his book God and the
American Writer, re fers t
o t h e Sou th as th e Los t Cause, the “Redeeme r Na ti
on ,”
“Ba ptized in Blood,” c r
u s
h ed t
o its soul by an e xperi
ence of defeat
(KAZI N, 1997:
234). But out of defeat, there rose an extraordinary Southern literature in the twentieth
century more religiously intelligent, subtle and all-encompassing.
The fact that Faulkner lived side by side with religion in the American South,
as part of his inheritance made him put this into his fiction. In this paper we regard
Faulkner as the greatest writer the South has produced because he is imbued in a
religious consensus that explains many of his characters who are often travestied. For
instance, in The Sound and the Fury s ome
k i
n d
of deity
is
cal
le d
“ th
e Player.”
H. L. Mencken, one of the best known and most outspoken social critics and
satiric voices in America satirized the South, which he considered a wasteland,
culturally speaking. The root of the problem with the South, as Mencken had it, was the
tyranny of the “Ba ptis
t
a nd Me th odist
barbaris
m” (H. L.
MENCKEN, 1977:158) below
the Mason-Dixon line (the line symbolizes a cultural boundary between the Northern
Un ited States and
th e
Sou thern Uni ted State
s).
He descri
be d the
Sou t
h as
a “ce sspool of
Baptists, a miasma of Methodists, snake charmers, phony real estate operators, and
syphi li
tic evan gel
ists.
” Th ere we re n o art
s except “ t
he lowe r
reac
hes of th e gospel
hy mn. ” (
ibidem: 167 )
Me ncke n also coined
the
term “Bible Be lt
” t
o r
efer
to are as
of the
342
South and Midwest dominated by conservative Christian concerns (WILSON, 1989:
21). In what William Faulkner is concerned, he was born in, grew up in, and wrote
a bou t
this area.
In
wha t
foll
ows we sh all
de al
with
th e conne cti
on between t
he Sou t
h’ s
religious culture and Faulk ner’s work , i
n
on e
of his
nov els,
Light in August.
In the past, Faulkner scholars rarely mentioned religion in relation with
Fa u l
kn er’s work . Ma lcolm Cowl ey’s essay on the Fa ulkn e
r l
eg end did n ot
include a
pl ace for religi
on , n or did Ge orge Ma rion O’ Donne ll
’s arti
c le on “Th e My thology of
Wi ll
iam Fa ulkn er.
” La ter scholars f ocus ed on Ch risti
a n theme s, and e specially
the
Christ imagery associated with Joe Christmas in Light in August (COWLEY 1946,
HOWE 195 1, O’ DONNELL 1963 ). Bu t as Wi l
son spe cif
ies ,
this re
p r
esen ts
“g ener
ic ”
religion –broad themes disassociated from time and place (WILSON, op. cit., 22).
Howe ve r
, wh en
on e enter
s Fau lkner’s world, one
mus t t
a k
e
into accoun t
th e
importance he assigns the history of the people who first experienced slavery, then
defeat in the Civil War, and last but not least poverty. Scholars in the field of Southern
religious studies have, over the past generation, moved the study of religion in the
region to a serious exploration of the religious groups and forces in the South that
produced Faulkner and his work. (Ibidem) Among these forces one can mention
Calvinism, Puritanism, Baptism, Methodism, and Evangelicalism.
Ca lvinism wa s a c
tua l
ly a bu rden to Fa ulkn er
’ s
c h ar
a ct
ers. He c ri
tici
ze d
Calvinism due to the fact that he perceived it as limiting human potential. The teachings
of Calvinism assert the absolute sovereignty of God and the depravity of all human
beings. Historically, Calvinism has been a prominent belief in the doctrine of the elect, a
conviction that Calvinists ar e God’ s cho sen people.
All t
his considered, we can st
a te
th at Faulk ner su r
ely singled ou t
Ca lv i
n ism as
a
sou rce of Sou t
h er
n evi
l .
Fau l
k ner’s
characters may be viewed as absolute, fatalist, and self-righteous, features belonging to
Calvinism.
Although Calvinism has been a formative influence on Southern religion,
Faulkner scholarship gives the impression too often that a rigid Calvinism has been the
ma in characteri
s ti
c of
th e
region ’
s r
e ligion
and cert
ainly
the
on l
y t
rait
of i
t
t ha
t Fau l
kn er
explored in depth. We do not consider this to be true. Indeed, the Southern religious
tradition grew out of Calvinism. Faulkner, as well as others in his era, often used
Calvinist, Puritan, and puritanical as synonyms, even though they have different
historical meanings.
In the 192 0s and 1930s Ame ric a
n writ
ers us ed the term “Puritan” to ma k e
reference to, for instance, sexual repression, narrow-mindedness, intolerance, and
especially anti-intellectualism. Historians have shown that the image of Puritans as
severe and sex ua l
ly repressed individu als i
s
parti
all
y t
ru e.
Pe rr
y Mi l
ler’
s s t
udies of
th e
New England colonial mind convincingly suggest that the Puritans were highly
intellectual and that later New England rationalism grew out of their work (ibidem: 23).
Any endeavour to discuss Faulkner and the Southern religious tradition should
confront the denominational issue. The South has been distinguished from other parts of
the United States as the region dominated by Baptists and Methodists. Geographers
divide the nation into seven religious regions, each dominated by one religious group or
combination of groups. The South has been and still is that region dominated by
Baptists, with widespread secondary influence from the Methodists (ibidem: 23-24).
The South, and especially Mississippi, has been among both blacks and whites Baptist
la nd. Th e Ba ptist
s certainly i
n heri
te d Ca l
v i
nist
theology ,
wi t
h i
ts concer n
for God’ s
omnipotence, human sinfulness, predestination, and other theological features.
343
Another religious tradition that has dominated Southern culture is
Evangelicalism. Both the Baptists and the Methodists are a part of this branch of
Protestantism, the distinguishing feature of which is a concern for religious experience.
The central theme of Southern religion is the need for conversion in a specific
experience that will lead to baptism, to a purified new person. The need is to be born
ag ain,
to “g et
righ t
wi th God. ”
Ou tsi
ders
of t
en see Sou the r
n
religion ’s cen
tral fea
ture as
a fundamentalism stressing orthodox theology, and this outlook has been important in
the
region’ s chu rches. Hi gh l
y v a
lued i
s the di
scipline of a st
rict adh er
ence to Biblical
teachings, rigorous morality, and community enforcement of selective religious
teachings (ibidem: 25).
In the South we encounter an oral culture which has reflected also in religion.
Pe ople s t
a nd up in chu rch and recount
the i
r si
nfu lness an d
th e Lor d’s
wor k in
savi ng
them. The minister is judged by the way he preaches. Biblical stories and characters are
well known. Sermons teach the faith through these stories.
Faulkner grew up in and knew the Southern religious culture. Once again,
critics
h av e disagreed on th e
i mportance of
reli
gion in Fa ulkne r
’ s life
and wor k.
Some
have seen him as essentially an agnostic or atheist, but his explicit statements suggest he
claime d a broad Christianity. He at
tended St.
Pete r’
s Epi scopa l
Chu rch
in
Oxf or
d af t
er
his marriage, read the Book of Common Prayer, and was buried with the rites of the
church (ibidem: 26-27).
In Fa ul
kn e
r’s con n e
c tion t
o theSouthern religious culture, the crucial issue is
not whether he was a Christian or not. Faulkner learned early the religious culture of his
time an d p lace. Hi s
f athe r’
s f amily wa s Me t
hodi st a nd tha t
de nomi nat
ion was h is
formative one. It was not a predominantly Calvinist tradition. Faulkner attended
Methodist Sunday school when a boy and was baptized at the New Albany Methodist
Church. He may have been like Mark Twain, who said he grew up learning to fear God
an d h a
te the Sun day school .
Faulkner’s
mother t
ook him to country revivals at the
Methodist camp grounds near Oxford, where he surely absorbed the atmosphere of rural
Southern revivalism. Faulkner, in fact, has offered one of the best descriptions of the
religious culture of his raising:
“My
life wa s
passed, my childhood, in a very small Mississippi town, and that
was a part of my background. I grew up with that. I assimilated that, took that in
without
ev en knowi ng
it.
I
t’s
just
there .
I
t
has n othing
to do
wi th
ho w muc h
of
it I
mi ght
believe or disbelieve –
it’
s just
ther
e ”
(GWYNN,
BLOTNER,
1959:41).
Faulkner grew to maturity at a time of dramatic events and trends in Southern
religious history: the Scopes trial, the organized Fundamentalist movement, the growth
of Pentecostal sects. Faulkner does not deal at length with many dramatic aspects of the
modern religious South. Baptism, for example, is a central ritual in this faith that he did
not sketch. There are few itinerant preachers in Yoknapatawpha County. There are no
visions, no faith healing, speaking in tongues, or snake handling.
Institutional religion existed in Yoknapatawpha County from the beginning of
the settlement. Three churches were already there when only thirty homes could be
foun d. Th e e ar l
iest
mi n i
sters ca me “ r
oari
ng with Pr ote
s t
ant scripture and boiled
whi sk e
y , Bi ble and ju g in one han d” and “a
n ati
ve toma hawk i
n the ot her.” Fa ulkne r
leaves little doubt that the taking of land from the Native Americans was a specifically
Protestant act making way for capitalist civilization. Religion in Yoknapatawpha
County remained a frontier religion for many years indeed. It was a place where, with
many churches nearby, men insisted on taking an hour to go five miles to attend a
pa rt
icula r de nomi nation , and wh e re Ga i
l Hightowe r
’s father rode si
x teen miles each
344
Sunday morning to preach. It was a place of revivals (WILSON, op. cit., 30). Preachers
were a necessity in this world. Faulkner wrote about at least twelve ministers, but most
cannot be described as fitting role models of virtue. As one scholar has classified them,
ther
e we re “three he avy dri
nke rs,
three f
a na t
ics,
and three
sla ve
traders, t
wo a dulterer
s,
and t
wo mu rde r
e rs” (ibidem: 31). In Light in August Reverend Hightower appears to his
congregation as almost a sectarian preacher, using the emotionalism of a street preacher.
He
wa s “wild
too in the
pulpit,
using
reli
g ion
as
thou gh i
t
we re a
dr eam.”
Pur
itani
sm
in
Faul
kne
r’s
Wor
k –A Case Study on Light in August
In Light in August Faulkner explores the Puritan mentality present within the
South and at the same time he stresses out another dramatic issue, namely racial
miscegenation. As a white Southerner convinced that he has Negro blood, Joe
Christmas directs his racial prejudice inward, against himself, and the resulting torment
leads him to a path of lonely violence. He is driven by a strong sense of guilt and a need
for some kind of punishment or moral expiation. Joe assumes unwittingly the role of a
sac ri
ficial
v i
ctim/ a scape goa t
who acce pts t
h e
whi t
e
Sout h’s
own burde n of
pa st s i
n and
present injustice. The way he is characterized reveals issues that were lurking within the
Southern mind, and his death suggests a personal atonement for the racial crime of his
region.
J oe Ch ristma s’s ea
r ly
lif
e is assoc ia
ted wi t
h a numbe r of fan atical Pro testant
Christians, among which we mention his grandfather, Eupheus (Doc) Hines and his
fos t
e r
fa t
h er Mc Ea ch ern. Th e
former kills Joe’s
father, a dark-skinned circus man, and
allows Joe ’s unma rried mot he r
Mi l
ly t
o die
in chil
dbi rth.
He be l
iev e
s t
h at
Joe r epresents
the very “teeth an d fang s”
(289)
of Sa tan’s evil
, and he be come s
c onv i
n ced t
h a t
God
wa n ts
h im to wa it
f or this ev i
l t
o bear fruit.
“I
h ave pu t
the ma rk
on him, and n ow I
am
goi ng
to pu t the kn owl e dg e” (277-278). Hines finds a job as the janitor of an orphanage
and abandons the infant Joe Christmas at its doorstep on Christmas Eve. As Joe grows
up, t
h e oth er childre n res pon d t
o the grandf at
h er
’s evil-intentioned influence and begin
to ca l
l
J oe a “ni
gg e r,”
a ch ar
ge which t
h e
boy
conv inces
h i
ms e l
f mus t be true.
Although Joe escapes the religious fanaticism of his grandfather, he finds a
similar figure in McEachern, the Presbyterian farmer who adopts him. Through his
relation with the farmer, who is characterized by a Bible or catechism held in one hand
and a strap in the other, Joe is given a taste of the expiating punishment for which he
unconsciously yearns.
In the narrative world of Light in August, emotion itself seems to adopt the
posture and pose of impersonal rapture and martyrdom. Hearing the sound of church
singing, the Reverend Hightower describes the Southern mind and heart as being
“ex piated by the stern an d forma l
fury ” of it
s Sun da y mor n i
ng serv i
ce . Wh ere as the
voi ces of the sing er s
a dopt “the shapes and att
itudes of crucifixions ,
ec st
ati c, solemn,
an d pr of oun d,” t he mus ic i t
self
is “ stern a nd impl acable, de li
be rate a n d wi thout
pa ssion” ‘(274). Th at i
s to say ,
puri
tans t
en d t
o expr ess their emot i
ons , if at
a l
l, wi thin
the framework of rigid social conventions (SWIGGART, 1962: 133).
Puritan emotion occasionally breaks out in unrestrained violence, as in the
mass fury of a lynching mob, but such violence is not a spontaneous expression of
confined emotions. According to Faulkner the puritan mind avoids natural expression of
fee l
in g
s . “ Pleasu re, ecstasy, they cannot seem to bear: their escape from it is in
viol ence ,
in dri
n k ing
a n d figh t
ing and pr aying.” By forcing huma n emot ion s int o the
345
service of abstract convictions, these Southerners transform themselves into moral
fanatics. Hightower explains that a mob of Southern churchgoers will lynch Joe
Christmas in order to suppress their own consciences. They will crucify him gladly,
“s inc e to pi ty h i
m wou ld be to admi t
s elf dou bt a nd t o h op e for an d n e
e d pity
th ems el
v es” (27 5). I n other wor ds th e whole town will resort to a stylized and
traditional act of violence rather than admit emotional realities.
This combination of moral conviction and ruthless violence is succinctly
c ha racterized by t
h e de sir
e
of Ca l
vin Bu r
de n, Joann a
Bu r den ’
s g randfa ther, t
o “be at
the
lov ing God ” (
18 2) into h i
s fou r
childre n.
This fai
thful
fig ure stan ds for a t
radition of
New England Puritanism that is related in both spirit and doctrinal roots to the more
evangelical Presbyterian sects dominating the American Middle West and Deep South.
It is significant that he reads the Bible to his children in Spanish, a language which they
cannot understand. What they do understand is a series of improvised sermons. The
result is the Protestant blend of emotionalism and abstract morality which Faulkner
consistently satirizes (ibidem: 133).
Light in August explores the pathology of the Southern civil religion well after
its hi gh poi nt.
Th e pa st
lives on in
ta ng i
b le wa ys
in Fa u lkner’s wor k.
Some ti
me s
it
is
harmless, as Pappy McCallum who has six middle-aged sons, all named for
Conf e derate
ge nera ls i
n Lee’s army . Some time s it
i
s
t he r
oma n ti
c s tory of
s oldi
e r
s
going off to war. But mostly the legacy is a stultifying one. Joanna Burden, for
example, represents the sacred past. Her grandfather and brother, Yankee carpetbaggers
come south to help the freed men, were killed in Jefferson during Reconstruction, but, a
g en eration l
ater, “some thing da rk
an d outlandish and thre ate
n ing ” st
ill attaches to her
and to her home. Despite the passage of time “ i
t is t
h ere :
the de s
cen da nts of both in
their relationship to one another ghosts, with between them the phantom of the old
spi lled blood and th e old horror and
a n ger and fear.”
Fe ar is an emot i
on often assoc i
ated
by Faulkner with religion in Yoknapatawpha County, and it was a prominent feature of
the sacralised regional culture (WILSON, op. cit.: 34).
Fa ul
kn e r
’s a im i
n
introducing Ca lvi
n Burden and his Ne w En glan d heritage
is
to show the relation between the attitude of the abolitionist Burdens toward the
Southern Negro and the racial hatred of a man like Doc Hines. Whereas Hines sees his
g ran dson ’s Ne gro a nc estry
as
a
token of th e
De vil,
the
Bu rden s look u pon Ne groe s
as
th e sign an d symbol of the whi t
e ma n’s mor a l
sin.
Joan na
Bu rden s ee s t
he curse of
slaver y as a “bl ack s hadow i n the sh a
pe of a cross ”
( 189) f all
ing u pon a l
l whi te
children. The curse of the black race is the irrevocable fate of being held in bondage,
“bu t
th e curse
of t
h e whi t
e race i
s t
he black ma n
who will be
fore ver God’ s
ch osen
own
becaus e He on ce c u r
s ed him” (190 ).
Th e Bu rdens acce pt as their own soc i
al wor k
among the Negroes in the post-war South as a step toward expiating the curse which has
fallen upon their own white blood. Their abstract approach to the race problem is
comparable to that of Hines, who reacts in hatred to his similar belief that the Negro
race is a curse upon the white. Joe Christmas inherits the prejudice of his grandfather,
but he is also influenced by Joanna Burden and presumably by the doctrines which her
family re pre s
en ts.
Fa u lkne r
’s ref
e r
enc es
to the rel
igiou s
h e r
itage s of
bot h New Eng land
and the South link social and political issues involving all of America to the racial
obs ession
u nderlying Joe ’s
violence.
Joe ’
s pu rita n h atr
ed of wome n and t he phy s ical de sire they represent is
consistently involved with his hatred of the Negro blood which he seems to hold
responsible for the terrifying world in which he must live. He imagines relations with
346
women as a pit or pool of glimmering darkness out of which he cannot extricate his
own lost and damned mulatto body.
In her inverted religious feeling, in her obsession with the Negro race, and in
he r
se xua l
ma soc hism, Joa nn a
Bu r den mir r
or s t
he i
mpor tan t featur
e s of Joe Ch ri
stma s’s
de sti
ny .
Th i
s i
s the me a nin g of J oann a
’s sur n
a me:
it s
ugge sts
Joe’s bu rde n as
we ll as
her own. However, in submitting to spiritual piety she rejects the demonism, the raging
Pu rit
a ni
s m t
h at
c haracter izes J oe ’s li
fe.
He r functi
on
in the n ovel
’s s tr
u ctu r
e i
s fi
rs t
to
reveal to Joe what he is, then to abandon him to his solitary path.
Because of their intractable opposition, the two ex-lovers decide that both of
them mus t die. Joan na trie s
to ki l
l Joe wi th
h er
grandfa t
he r ’s
antiqu e pi stol,
bu t t
h e
pistol misses fire. Joe then kills her with his razor. After the crime, he spends a week
wandering through the country and preparing himself for death. During this time he
ma k es mor e “prog ress,
” t
h e rea de r
i
s told, t
h an
in all the preced ing t
h irty
ye a
r s of
relentless agony. This progress is toward a realization of what his sense of guilt means
and how it can be expiated. Refusing to identify himself as either white or Negro, and
refusing to live any longer in two contradictory worlds, he drives on, knowingly, to his
self-created fate (SWIGGART, op. cit.: 138).
Fau lkner ’
s effort to c rea te f
or
Joe Ch ri
stmas thi
s
h igh ly
compl ex and symbol ic
role is responsible for the lavish use of Christian imagery. Joe gets his last name
because he is found on the steps of the orphanage on Christmas Eve. The name follows
him, a s By ron
Bun ch pu ts it, l
i ke an augu r or sign,
as
if “ he car
ried with him his
own
inesc apabl e warn ing,
lik e a
flowe r i
ts scent
o r
a rat
tles
n ak e its r
attl
e ” (26) .
He
h a
s t
h e
mark of God or Satan upon him, according to Doc Hines, and his name suggests the
nature of this mark. Throughout the novel Joe is treated in terms which combine Old
Testament moral severity with references to the life of Christ (ibidem: 145). Upon
arriving in Jefferson, Joe is thirty-three years old. In one passage his feet are
ceremonious ly wa shed; h e is be tra yed f
or a t
h ousand-dollar reward by a disciple, Lucas
Burch (a.k.a. Joe Brown), and so on. He commits his crime on a Friday and surrenders a
week later, having spent the intervening time in retreat and mental preparation. In this
respect the symbolism is at odds with the chronology, for Joe is described as
surre ndering
on “Friday” to a “Sa tu r
da y” crowd of
farme rs.
Other less detailed references to Christianity or to religious ceremony and
rit
u al ma y be
fou nd. Fa u lkne r’s typical ma nner of describing puritan qualities is to
compare the faces of his characters to the rapt and inscrutable ones of monks or hermits.
Wh en
Joe is whi pped by his ste pfa t
he r
, his body s
eems “a pos t
or a towe r upon whi ch
the sentient part of him mused like a hermit, contemplative and remote with ecstasy and
selfcrucif i
xion ” (121). Su ch la ngu age i
s some t
imes exten de d t
o t
h e phy sic al scene ,
as
whe n coun tryme n
in
ov er all
s mov e “with a l
mos t
t
he air of monk s in a
c loister” (
311) .
Faulkner often describes Southern puritans as if they always wore a stylized mask,
expressive of moral certitude, in confronting the complex and shifting facts of human
experience. Such a mind will insist upon formalized behaviour, ranging from group
worship to mob violence. Racial intolerance or any other kind of moral prejudice is a
natural outlet for this attitude just as a Christ-like expression is a natural posture. The
Christian imagery of Light in August dramatizes puritan intensity of mind and also
de fi
n es
th e central
me a ning of J oe ’s
sacrifice.
Fau lkner ’
s effec ti
v e us e
of rel
igious imagery ma y be i
ll
ustra te
d by the se
v eral
referen ces to the gl
int of handc u ffs abov e Joe Chri
stma s’s he a
d as h e run s befor
e his
pu rsuers. Joe ’s “bright an d g litter i
ng h an ds” (347) are compa red t o “th e fl
ash of a
he l
iog raph ” (345) ,
to t
h e glint of fi
re,
an d f
inally
to “l
ig htn ing bolts”
(347) . Althoug h
347
Joe ’s f
ace has
“that serene,
uneart
h l
y
lumi nousn ess
of a
n ge
ls
in
churc h wi ndows ”
(346) ,
his “ra i
sed and
a rme d and manacled h ands” give him the
a ppe arance, as h e
strikes the
Re ve rend Hi ght
owe r
down ,
of
a
“v engeful and furious
god pron ou n
c ing
a doom” (347) .
The symbolic meanings are almost too numerous for expression. In Christian terms the
handcuffs function as a combined halo and crown of thorns. In terms of the tragic action
of the nov el t
hey re
pre s
e nt
Joe’s man acled de st
iny and t
he inevit
a bilit
y of his dea th.
The images by which the cuffs are described suggest punishment or judgment. As a
“ve ng ef
ul god,” Ch ris
tma s pr
onou nces judgme nt upon High towe r
a nd by i
mpl ication
upon the society whose divided conscience he embodies (ibidem: 146).
The religious imagery as well as the temporal mysticism associated with Joe
Christmas prepare the reader for an understanding of his death and its significance. In
his flight from the mob Joe s
eeks refuge
in
Re ve r
end High towe r’
s home and i
s there
shot down and castrated by Grimm:
“But the ma n on the f
loo r
ha d not mov ed. He just lay t
he re,
wit
h hi s
eyes ope n
and
empty of everything save consciousness, and with something, a shadow, about his mouth.
For a long moment he looked up at them with peaceful and unfathomable and unbearable
eyes. Then his face, body, all, seemed to collapse, to fall in upon itself, and from out the
slashed garments about his hips and loins the pent black blood seemed to rush like a released
br eat
h. It seeme d to rush out of his pale body like the rush of spa r
ks
from a
rising roc
k et
;
upon that black blast the man seemed to rise soaring into their memories forever and ever.
They are not to lose it, in whatever peaceful valleys, beside whatever placid and reassuring
streams of old age, in the mirroring faces of whatever children they will contemplate old
disasters and newer hopes. It will be there, musing, quiet, steadfast, not fading and not
particularly threatful, but of itself alone serene, of itself alone triumphant. Again from the
town, deadened a little by the walls, the scream of the siren mounted toward its unbelievable
crescendo, passing
o ut of
the re al
m of
bearing.”(348)
The symbolism of this passage is emphasized by the narrative point of view
whi ch soa rs
, like Joe’s pent blood, to a tran sce
n de nt theme .
Th e dark blood which
leave s
his white body stands
bot h for
mor t
ality and for
the final ex piati
on of guilt
.
Joe’s
eye s ar
e “pe ace f
ul and unfat
homa ble” becau se he is free at last from his own divided
natu re
. Ye t
his
e ye
s are “unbea rable”
to othe rs,
j
u st as the “bla ck
blast” whi c
h
leaves
his body becomes a part of their conscience. The burden of guilt, no longer tormenting
Joe, becomes public property.
The crucifixion image which dominates this climactic scene derives its
me aning
less from Joe’s martyrdom than f
rom the
vi olence of
soc iety’s
r e
tri
bu t
ion.
Th e
men who watch the scene are confronted with their own need for violent expiation.
Th ey
see Joe ’s deat
h as
a mi rror of
the “old dis
a sters and newe r h
ope s
” from which
their victi
m i s now a bsolv
e d. Joe ’
s ma rt
y rdom, like its Ch ri
s ti
an counterpart
, is
a
deliberate self-sacr
ifi
c e.
Ye t
Fa ulkner’
s he ro i
s ba rely awa re,
if at all
, of societ
y’s
existence. Among the townspeople he alone, the crucified, is the one that is saved
(SWIGGART, op. cit.: 147-148).
In con clus
ion, we assume
that
Faulkn e r
’s ch aract
e rs seek t
he
light
, seek gr
ace,
using
the ma terial
s th
e i
r cul
ture gave
them.
Th ey seem to say t
o us:
“ I
saw the li
ght,
in
Aug ust
. Or did I?”
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349
A PARADOXICAL, YET SUBTLE BLEND OF FICTION AND
AUTOBIOGRAPHY IN PAUL BAILEY’S
AN IMMACULATE
MISTAKE
Abstract: Pa ul Bai l
ey’s manne r of nar rati
n g/
confessing is v i
vid, true to l if
e, y
et
para dox ically place d amidst t
he wor lds
of fict
ion in the shape of a
‘supp osed’ autobiogr aphic
al
novel. Our paper follows the meandering experiences of the narrator-character throughout a
socially, historically, and personally turbulent period: from childhood to the years beyond. The
charac ter’s s earch f or inne r,
soc i
al and pr ofe s
sional identi
ty is
focus ed o n an attempt to
underline the merge of fiction and (fictionalized) autobiography throughout the narrative.
350
spe cificall
y be cau se I a m c urious a bou t
my f el
low c re at
u r
e s .” (BAILEY at
http://www.contemporarywriters.com/authors/?p=auth9)
But as this kind of narrative discourse also has an axiological dimension
(MIHÃIE , 9) the autobiographical novel inherently means that a new hierarchy of
values is suggested along with the process of remembering, reliving and writing. This
process persistently implies the appeal to memory, confession, intimacy (of the author
with him/herself, and that of the author with the readers), temporality and subjectivity.
This is how a certain temporal and spatial frame is achieved, in the invoking, evoking
and conjuring up of the young self in what the novel appears to be a simultaneous
insight into becoming, growing to be an older/other self.
The sincere or much sought-for sincerity of the narrative tone is the governing
for ce o f the text; i t
i s in Le ibowi tz’s t e
r ms (qtd in MI HÃI E, 2005: 12) “ se
lf-
di scl
os ure” and “s elf-concea l
me nt” at the same t
ime .
Th i
s is to sa y that
t
he a uthor
attempts to achieve a paradoxically simultaneous disclosing of him/herself while
concealing aspects, details, events, scenes, and features that fiction imposes in the
pr oce ss
of ‘polishing’ ,
ref
ining a nd fi ct
ion alisi
ng
t
he
dieg
e t
ic
c onten t.
Autobiography implies the free rambling of memory that attends to the
ceaseless formula and tone of the narrative. This is to say that memory is the main
vehicle that constructs the edifice of the autobiographical novel that recomposes a
portrait in what Mircea Mihãie calls “a variable geome t
ry” (2005: 113,
t
ranslati
on
mine).
In this game of remembering (events, scenes), conjuring up (the younger ego),
retelling (a story in a different manner from what the actual sequence of events was),
reordering (stages, episodes, life chapters), new light casting (upon events that are to
enter the fictional realm in a different light) and fictionalising the reader is called upon
to reconstruct/put the pieces back together in what the novel wants to be: a natural,
truthful sequence of eve n
ts in a (ny) pers on’s l
ife (or t
hose in a s
ig ni fi
cant part of a
lifespan).
Ba iley’s a utobiog raphica l
n ove l,
An Immaculate Mistake, is a portrait sketched
in a retrospective view of long gone time as an accumulation of feelings, states, beliefs,
experiences and memories. In the unfolding of the diegetic events, there is a distinction
we have to make: that between the (both extra- and intradiegetic) watching-self (i.e. the
authorial retrospective and selective look) and (the sae intra- and extradiegetic)
watched-self (MIHÃIE , 2005: 121, translation mine).
Accordingly, autobiographical novels operate with and strongly rely on the
breached self: the scripted and the biographical one that are to serve the retrospect
or gan i
sing of eve nts a
n d subse qu ent l
y that of the te
x t
: “aut
o biography among other
g enre s
of f
er s
itself as a me ans for ex plorin g one’s
pa st
/sel
f”
( , 2008: 125). This
is to say that the claim of a fictional kind of text to render accurately and with high
fidelity the truth is in our point of view daring if onl y we were to consider the fictional
status and what the term connotes.
Fiction (especially autobiography) cannot actually be true. It can set out to be,
it can aim for a mimetic transposition of the truth, of actual facts, but its very being
mediated by the consciousness of an author who has to select, refine, express and
telescope events in a certain logical/understandable form and sequence via the discourse
of a character or that of a narrator (either omniscient or unreliable) does not allow this
claim: “ th
e re are endl ess wa y
s of
te lli
ng on e’
s story … but
n on e of tem c an t
el l
t
h e
whol e story”
(Finn e y qtd i
n , 2008: 125).
351
This retrospective attempt/achievement of autobiography to dust off,
reorganise and share (with readers) experiences, events, hopes, disillusions and ideas
while subsequently creating a self-portrait of the author is in fact a re-defining of the
self in a gradual re-experiencing and undergoing of past and/or more recent events, to
u nde rstand and gra sp a
g l
oba l look on one ’s
be comi ng . Ba il
e y’s character, or f
icti
on al
ego, bears the same name but in this attempt to define himself he resorts to creating a
twi n br other, Peter: “wh o spok e in a diff
er ent
v oice althoug h he had my fa ce and wor e
my clot hes” (BAI LEY, 1991:12). The diegetic boundaries are not permissive enough
for the fictional self/I of the author to unfold in adventures. This need to invent an
unreal twin brother accounts for the need to hide behind a different version of the self
that feels the necessity to vanish from habitual events and persons. This is a mise-en-
abîme projection of the self that imperatively has to break free from being himself, an
act of frontier-less freedom to alter the real person (as in the true nature of the character)
as to achieve more (emotional and/or psychological) comfort:
It was fun being someone else, escaping from the Peter I was into the
Paul of my imagination, giving him different characteristics, different interests.
Paul was a livelier creature than his dull impersonator, it seemed to me. He had
to be created afresh, newly imagined, each time I decided t become him.
(BAILEY, 7)
This is a projection of a second degree of the self: the first level of projection
encompasses the real/actual ego of Paul Bailey in his boyhood, and the second degree is
that of the retrospective I/ego who is already projected in the fictional plane as the
character, narrator and reflector Paul. So we find proper to bring to discussion the
rhetorical question of Christine Brooke-Ros e :
wh o is
th e I
“who i
s not the Iwhen it says
I” ? (19 86: 631) .
Th is i
s obv i
ou s l
y
a laying bare of t
h e l
e vels
that fi
ction e ntail
s so that
the I in the diegesis can never claim to be the I the author is/implies, and neither that of
the real person of the novelist. Therefore, not even the autobiographical novel can claim
to render the real I of the pictured, captured or fictionalised I of the author ’s
real
pe rson .
We could say that the character, an accurate fictional intradiegetic projection of the
a uthor’ s
e go, is
a retrospective I able to modify whatever needs to be altered in order to
enter the narrative in a specific, intended sequence.
The novel follows the meandering experiences of Paul who is born as a
“ mi stake” (
1991:1) to a modest family before the Second World War giving the reader
somewhat accurate and exact data regarding the author:
I was born in February, 1937, in Battersea, south London, the third and
last child of Arthur Oswald Bailey and his wife Helen Maud. He was fifty-four
years-old, and she was forty-one. He was employed as a roadsweeper, she as a
domestic help. They had me christened Paul Harry. Such are the plain facts.
(1991, no page)
The last sentence is meant by the author to set everything (i.e. events
especially) in the realm of undoubted reality and truth. But let us say that this is but
another (we dare not say classical, but either way not new) narrative device intended to
capture the reader in the net of questioning nothing, not casting a shadow of doubt over
any of the narrated happenings. To emphasize this aspect, the narrator (i.e. retrospective
fictional I) resorts to an ironic accounting for his existence in a Tristram Shandy
manner:
On the night of my conception, in May 1936, my parents thoroughly
enjoyed their love-ma k i
n g.
‘We
h ad no fear
of the con sequences, because we
di dn’t t
h i
nk there’d be any. A few we eks l
ater, we foun d out we we re wron g’
352
… ‘
You we re our mi s
take’ s
he had said.
Th en I wa l
k ed on, tha nking my father
and mother for the error of their loving ways on a late night of thorough
enjoyment (BAILEY, 1991: 1-2).
But the novel does not settle for such ironic, purely fabricated/fictionalised
accounts. Another scene that reveals the authorial refinement involved in the process of
wr iting a nd i
mpl i
c i
tly modi f
ying fact
s is th at of a young boy ’s
odddeath during a
bombing raid over London during the Second World War. Moreover, this episode is to
show that such a scene is put on the account and in the words of a boy –this is
paradoxically to show once again the fictionalised nature of this/any autobiographical
novel:
In another of the neighbouring houses affected by the blast, a small
boy died strangely. When the explosion occurred in the middle of the night, the
pillow on which his head was resting burst open and he was suffocated by the
feathers flying around of it (BAILEY, 1991: 4).
These are episodes that lightly weave around two main aspects (we dare call
them themes) this novel brings to attention: the quest for identity (mainly sexual and
professional) and the issue/temptation of death. The character gradually discovers and
explores his sexual identity: that of a homosexual.
The two aspects of identity brought to light are strongly linked and to a certain
degree interdependent. The character-narrator is a young actor who almost exclusively
plays (i.e. auditions for) female roles. This is to underline his pursuit of identity both in
the professional and in the personal filed as well. These aspects are vividly envisaged in
a light that is truthful (i.e. plausible) to the mind frame of that time –a post-war
conservative London society that rejects, looks down on and ridicules homosexuality
and homosexuals. Even in contemporary times this has remained a controversial issue
still prone to stirs deep waters, and we have o observe that we find ourselves decades
away in the future. Still, some things are never to be changed, one of the probable
reasons would be the acute human need for safety, compliance and belonging (to a
‘n or mal ma jority’). Th e nov el
read s a con ve rsat
ion be twe en a shoc k e d and revolte d
mother and a justifying son proudly admitting to his success:
‘Did I hear
you alright
or a m I dreami ng? You ’r
e goi ng t
o play who? ’
‘Th e Du chess of Ma rlborou gh, Mum. Sa rah , Du c hess of
Ma rl
bor ou gh.’
‘Bu t
sh e’
s
a woma n.’
‘Of cou rse she
is.
Sh e
wa s ,
I me an.
…’
‘An d she’s
the
pa rt
you’v e be en
aske d t
o pla y?’
‘I
h ad to auditi
on for
it
. It’s the l
eadi ng role. The pr odu ce r
found me
the
bes t
.’
‘Did h e now?
(..
.) Wh at
a bou t th
e
Du k e? (
…) We ll,
c ou l
dn’ t
you
pla y
h i
m? ’
‘
I don ’t
wa nt
to. (…) ’
(…) ‘ A s on of mi ne a duc hess!
It s
ou nds all
fun ny to me .’ (43,
original emphasis)
The character manages to find a path that would lead him to a tranquil
discovery and coming to terms with the mind frame of that time when Oscar Wilde was
a frequently employed sarcastic example of homosexuality-rejecting behaviour. The
confessing, secret-sharing tone of the passage underlines the happiness subsequent to
gr ea t
discov er
ie s and ac hieveme nts: “The c ou rse
of my
lif
e wa s
cha ng e d as
a
result of
playing Sarah. Assuming her personality, I knew the power of artifice. For three
353
memorable winter nights, I said goodbye to my dull self and became that creature of
v i
ol ent c ontrasts.
(…)
In costume ,
wi g, and ma k
e -up I was a forceful woman of the
world. Acting, I understood, was a release into the nature of the others. It was a
won de rful way of
not being Peter.”
( 44)
We be li
eve the cha racter’s choice of
c ar
ee r i
s not random at all, al
l the mor e
because acting exclusively means and implies ignoring of the real, social ego to surface
fictional characters that use the skills and nature of the actor to come to life, while
being inexistent (if we are to assign such a term to the fictional beings). Therefore once
more the character has a double justification both for his choice of career, and for the
freedom to impersonate any character not having to account for this because the
umbrella of theatre allows this. Letting go of oneself in order to temporarily become
another, a different self can be a dangerous play – because in this constant and
continuous play of identities one might be confused by the permanent play of mirrors,
levels of representation and impersonating.
The c haracter’
s pr ofessiona l
(i
.e. arti
stic)
pla y
of i
de ntities
in trying t
o f i
n d his
sexual identity gives him once more a certain joy of escaping the restrictions of the real
(i.e. soc i
a l
/historical
) s
elf, so h e conf esses: “I was (…)
raptu rou sl
y happy t
o be free
from my self
.”(45) This freedom that acting gave to the character is apparently not
enough for a restless ego in permanent search for a true, unitary self. To this artistic
obligatory doubling of identity in the process of acting is baked by another (more laic)
de vice prev i
ous ly me ntione d: i
nv en ti
ng a
twin broth er
: “I dare d to pl ay my game of
be ing twi ns” (48).
This is only to account for a severe need to shy away from the others/Other
creating a different/distinct self that would have the qualities and features to make him
on the one hand more similar to them or their image of him, and on the other hand give
him the comfort and freedom to be whoever he actually felt he was. The male human
body is a trap of the real sexual identity, so the character turns to writing stories in
which the main character would express and manifest in behaviour the much sought for
freedom. Even the story of the character has a protagonist with two names –again
e mph a sizing the
ne cessity of a dou ble/dupl ic
itous be i
ng :
“he ne eded t
o be free of his
body, which was like a prison to him. Jean-Paul or Marcel was an intellectual, a man
who live d in the min d.” (53), an d furt
h er on the n arr
ator con fes s
es: “I s uppos e Je an-
Pa u l
or Mi chel was me .
( …) … like him I
wa s despe rat
ely i
n
lov e
–not with a girl, but
a boy .” (54) So we can ascertain th a
t the ficti
ona l device empl oyed by t
h e ch aracter
reveals once more the true nature that the fictional character Paul is afraid to admit to,
here we are dealing with a mise-en-abîme technique once again in order to unveil a
de licate aspec t
of t
h e
c harac t
er’s bec omin g.
The other aspect that is heavily present in the novel is death in its various
aspects: from the war casualties only briefly mentioned by the child-stage character, the
premature death of his father, to his own confrontations with the phenomenon:
diphtheria as a young child (and the saving oranges), a burlesque attempt to commit
suicide in the home kitchen in the presence of his family (now reduce to mother and
sister) and the painful realisation that death comes unannounced to all (in the episode of
the Curious Reader –a young man about to die within days who madly reads). To a
certain extent, death is a part of the process of writing: the real, social-historical self of
the author has to die so as to make room for the surfacing of the fictional self in the
form of character-narrator. Death is hereby an exorcist of the self that brings under siege
the last bastion of the human: contemplating non-existence. The unknown, the tempting
tranquil darkness of death lures the character into believing it might be a way out form
354
his troubles self that cannot speak out his real sexual identity for fear of being ridiculed.
What could be the reconciliatory of this restlessness and delicate position? As the
narrator himself states that this is only intelligence and imagination that bare the
capacity to offer an alternative to escaping and avoiding an uncomfortable truth
metaphorically brought about by being/living up to being an immaculate mistake. Does
the novel end (better said does it even claim to offer an ending/closure) in a firm
certainty? In a (traditionally) modern manner it does not. The pursuit of identity settles
for the constant play of characters (as actor) and real life events in a luminous
retrospective, somewhat nostalgic account of events, years, hopes, transformations,
tragedies that shape the character into coming to terms with his being different but
having found the true identity that drives him in what he does.
REFERENCE LIST
Bailey, Paul. An Immaculate Mistake. Scenes From Childhood and Beyond. London: Penguin
Books, 1991.
Brooke-Rose, Christine. The Christine Brooke-Rose Omnibus. Four Novels. Manchester:
Carcanet, 1986.
Central European Journal of Canadian
Studies, vol 6, 2008, Brno, Masaryk University, 2009, p 123-32.
-
2005.
Pa ul Ba iley’s stat
me nt
on the we b at
http://www.contemporarywriters.com/authors/?p=auth9,
(last acessed 30 June 2010)
355
THE INTERWEAVING OF LITERARY AND ADVERTISING
NARRATIVES.
FAY WELDON’ S THE BULGARI CONNECTION;
OR HOW
TO SELL IDENTITIES IN A COMMERCIAL CULTURE
Camelia CMECIU
“Danubi
us”
Universi
ty of
Gal
ai
Doina CMECIU
Abstract: Objects do not exist as such until they are embedded into narrative frameworks
in order to be assigned a meaning. The postmodernist concept of product placement –the inserting
of an advert i
ser’s comme rcial
me ssage into “ media ve hi
c l
es”, in
our c
ase Fay We l
don’ s
nov el
The
–raises issues such as: commercial culture and the identity of literary texts
into a narrati
ve plot
; t
he
pr ocess of
“selli
ng objects” as if
be i
ng ch aracter
name s;
(the constructi
o n of)
identit
ies eme r
ging
out of the buying-s elling process; the c rook ed t
raje ctory of a c h
ar act
e r
’s i
dentit
y from being t
he
owner of an object to having that obj ect through the nee d of satis
fying or
di s
sa t
isf
yin g one’s
obsessive desires in a consumerist society.
In such a “lit
eradv ert
” nar rative,
t
here c ould be noti
ce d a co gnit
ive f
low from re
al
objects into signs. Having as theoretical background Kress and van Le euwe n’s s
emi oti
c sys
tems
(represented participants, composition, multimodality and interactive participants), we will analyse
the cognitive flow that objects, such as jewelry, food, clothing, undergo once they are associated
with the main characters in . Whereas at the microdiscursive layer, the
literary-
contrariety between the female characters and sitters (Doris Zoac/ Dubois/ Salt, Grace McNab / Salt
and Lady Juliet Random), at the macrodiscursive layer, these pieces of jewelry, alongside with
family name changes and portrait painting, are multimodal signs of snobbism and social involution,
subtly manifested through the process of unGracing names and beings by turning them into
commodities.
Introduction
1
Connection
(fi
rst
publish
ed in Ital
y in 2000;
published i
n Gr
eat
Brit
ain in 2001)
rai
ses
the pr
oblem of
the l
it
e r
ary
text’s
ide nti
ty,
in
rel
ati
on to othern
ess
2
and alterity, in a world of consumerism . Art (literature and painting), like TV
1
Bulgari
is
a famous Ital
ian j
ewe l
ry hous e known for t
he e
leg ance of
its
jewel
s’ design. The
Bulgari house also releases perfumes renowned for their sophistication.
2
Fay Weldon is a prolific writer: her first novel (The Fat
Woman’ s Jok e
) was published in 1966
and was followed by other twenty-three novels, five short story collections, two books for
children and by non-fiction writings before The B lgari Connection appeared. The B lgari firm
a pproached her “… for an undi sclosed, bu t ‘
not h uge’
amount
of
mone y”
in order
to promot e t
he
Hous e’
s necklaces
by me ntioning
the m f or
a doz en ti
mes t
hrou ghout t
he
c ours
e of the acti
on,
according to what the nov e l
ist’s
a gent, Gi les
Gor don, st
ate
d.
If,
in the begi
nni ng,
“the
no vel was
356
prog r
a mme s,
ma g azines, jou rna
ls,
au ct
ion exhibition s,
tur
n i
ng i
nto “ve hi
cles” by me ans
of which messages are carried away to and decoded by innumerable anonymous, unnamed
“cons ume rs”, h as c ome t o chang e its for
ma t
a nd t o a da pt it
se lf
t o th e n eeds a nd
requireme nts of the ma rk et. The f
a me of
the creator i
s g iven by t
h e
client’s satisfaction ,
which is measured, firstly, in terms of the quantity and the price of the object which is
sold, and secondly, in terms of genuine value, of uniqueness and originality. Thus, the
need to possess what the others have already got, the desire to display the assets acquired
and the importance given to material things by insisting on their prices are some of the
indices of the cultural snobbishness which dominates the fictitious wor ld of Fay We ldon’ s
text.
A nov el
, a painting or
a
jewe l as
objects of art pe r
tain of
a spe cifi
c lifestyle; t
h ey
are products that not only disclose the tastes of a cultural community but they also show
the relation between:
- c harac t
er
and product;
- narra tor and c ha r
act
er;
- product, character and cultural context, on the one hand, and consumer, on
the other hand. Such relationships raise to the surface the idea that if all objects of art are
products then they should follow the rules of the market: such an object/product gets its
va l
u e from the numbe r of c opie
s t
h at
a re
dis
tributed; t
h e greater
the valu e
, the h i
gh er the
price ; t
h r
oug h t
h e i
n ter
a ctions i
t cr
e at
e s,
the
buy i
ng -selling process contains clues to the
identity of consumers-as-characters.
Fame, power and cultural value are attained, then, through advertising and
promotion strategies. Everything, be it a novel, a painting, a piece of jewelry, a car, food,
an article of clothing etc. should be promoted in order to be known and, therefore, bought.
Th e world of con sumpt ion ,
a s
Fay
We ldon’s
disc ours e
sh ows ,
is r
epr esen te
d:
- through the imp
ha ve
for the three fe
ma l
e “pa per
-beings”( Grace Sa l
t, Dor i
s Du bois
, La dy J
u l
iet Ra ndom) ;
- through the effect which concepts such as social esteem and high positioning
(given by money and backing-up) have upon the male characters (Barley Salt, Walter
Wells).
The question which arises refers to the type of novel which contains within itself
1
a metadiscourse of promotion, of the so-c al
led “produ ct placeme nt”, a strategy which, in
this novel, annuls any kind of competition among similar brands and guides the consumer
(both the buyer of jewels and the reader of novels) towards a unique direction bearing the
357
Connection, by the only renowned novelist who accepted to advertise her own product by
fabric of the novel (plot, character, time and space are knit into this literary tapestry whose
wefts and warps are meant to give money value for the quality of life imagined
particularly by the women in the novel), Fay Weldon shrewdly advertises her own object /
product of art by giving it a highly already recognized position in the world of consumers.
Referring to the type of novel she created –as an answer to the accusation
raised by fellow novelists (such as Elizabeth McCracken, Janet Evanovich, Michael
Chabon, Rick Moody, Ron Ha nse n;
s ee a lso RUSKI N 2001) t hat
1
Connection i s a nov el
wr i
tten on or der a
s it
contains “pa i
d produ c t
pla ceme nt”, Fay
2
Weldon defends herself and her art by
usin g the argume nt of si
mi lari
ty of persua si
on;
buyer or reader are both persuaded into consuming the object displayed on the counter
throug h
the ma ni
pu la
tive powe r of the wor d: “Th at migh t be. It
a lwa ys seeme d to me
that in advertising you were making up little stories and using language to sell products.
And with novels you were making up little stories and using language to sell ideas. So
for a while I sold products and then I moved on and sold ideas –like feminism. And
now I’ve don e a book t
hat is
mos tly
on e but a li
ttle
bit of the
oth e r
.” Con tinuing t
he
idea ,
Fa y We ldon rhe
toricall
y ask e
d: “The h ell
wi th t
h at
. Wh at i
s literature now? What
are books? What is promotion? And where do you draw the line between art and
comme rce?”
The immediate questions arising out of this act of selling (necklaces or novels)
and buying (objects or ideas) include: how should one call such a new discourse
con taining “embe dded placed produc ts”?;
wh at kind of
relation s
are there establi
sh ed a
t
the di scu rs
iv e layers?; how c an a reade r ide ntify the n ew t ex t a nd de code the
sign if
ications of i
ts di
scou rses
’ me ssa g
e (
s)?
1
The contract with the famous jewelry Bulgari company specified at least twelve mentions. In the
end, Fay Weldon decided: a. to design the plot around the Bulgary necklaces by weaving the
fe ma le charac
te r
s’
de si
re t
o possess
the
jewe l
and making the male personage –Barley Salt –buy
it, thus promoting both the product and the s
hop selli
ng
it;
b. to include the name of the firm in
the ti
tle
of
the novel;
c. to advert
ise t
he neckl
a ce by displ
a yi
ng it
on the cov er
of t
he nov el; d. by
a lmos t
tripl
ing the
numbe r
of
me ntions
i
n the
c haracters
’
discourse
spe c
ifie d
in
the c
ont ra
ct.
2
Quoted from http://archive.salon.com/books/feature/2001/09/05/bulgari/index/html and from
www.mediabistro.com/.../a_brief_history_of_advertisements_in_books_105156.asp (retrieved,
April 5, 2010).
3
Se e
Vi rgi
nia Wool f
’s Orlando. A Biography, London, Glasgow, Toronto, Sydney, Auckland:
Triad Grafton PH., 1928/1977.
358
delicacy, and upon the nice arrangement between the two the whole fortune of his [her]
works de pe nds.
” ( WOOLF, 1928/ 1 977:1 67) Li ke Vi rgi
n i
a Wool f’
s Or l
an do, Fay
We ldon ’
s nar
rati
v e voice “ne it
h er
fights
her ag e
, nor submi t
s t
o it:
s
h e is of it
, yet
rema ins
h e rs
elf
” (p.167) and thus she is able to create a discourse which epitomizes the
spirit of the age of consumerism and communicates the essence of the human being
caught in this postmodern vice of envy, desire to display possessions, selfishness and
supe rfici
a l i
ty.
To be
g lamorou s rat
h er t
h an
to be worth
a nd the desi
re ‘t
o k eep u p wi
th
the Jon es’ by
having wha t
i
s a dvert
is ed
s e
ems to sat
isfy
the
chara c
ters’
ne ed t
o ma i
ntai
n
a high social position within the snobbish society they belong to.
Su c
h a me s sage is c onv ey e
d th r
ou g h wh at we c all
a “na r
r at
ive rt
isi
ng”
1
discourse as it involves both plot and story, characters and their functions, projected
against a specific spatio-t
empor al
fra me and t
h e narrator’s st
ance .
A “ nar
rativertis
ing” discou rse al
lows a compl ex cogn it
ive flow ( DANESI ,
2002):
- on the one hand, from real objects (jewels, clothes and food) i
n to
sig ns;
- on t
h e ot
h er h
a nd,
there
is
the “embe dding ” of t
he object onto the body of
the wearer and object-holder which gradually turns body, jewel or dress into a product-
sign ready to be attached a price-tag.
Grace Doris
portrait
Lady Lady
Juliet Random 1 Juliet Random 2
1
The conc
ept
of
“l
it
era
ry
adv
ert
/l
it
ad”
wa
s i
ntr
oduc
ed
via
ma
ss
medi
a
cha
nne
ls.
359
hostess). Both these relations have an element in common, graphically represented at
the junction point of the two diagonals. This element is the portrait that all the three
main characters want to be painted for them. The implication relations show two types
of cravings: on the one hand, Grace wants to become Lady Juliet Random 1, the auction
hostess, and on the other hand, Doris wants and finally, succeeds in becoming Lady
ou t
c ome of this l
atter
c ra
ving i
s total
ly surpr i
sing sin
ce “(
…) t
h e painting is blur
ring
roun d the e dg es of Dor is
’s body andslipping from her face and she looks cruel and
evil” (p.
217) . I
t i
s an insta
nc e of i
ntertextu alit
y whe re
Os car Wi lde’s
ma le
represented
participant (Dorian Gray) turns into a female participant, thus the choosing of the name
not being at random: Doris is automatically associated to Dorian Gray by the guests
invited at Ba r l
ey ’
s birt
h day party: “
A silenc e fal
ls,
becau se
the
pa i
n t
is blurring r
oun d
the edg es
o f Dor is’
s body a
nd slipp i
ng from h er
face and she
look s cru
e l
a nd evil,
r
ather
as one imagines the portrait of Dorian Gray to have been. Someone even calls our Doris
‘Dor ian Gr ay ’
(…) ” (p.
217).
It is the macrodiscursive layer that displays what we consider to be a change of
the body-as- -holder into a product-sign ready for the buying-selling circuit of
necklace, alongside with family name changes and portrait painting are multimodal
signs (KRESS, VAN LEEUWEN, 2006: 154) of snobbism and social involution, subtly
manifested through the process of unGracing names and beings by turning them into
commodities. The female character who is the perfect embodiment of hypocrisy is
Doris. She thinks that family names should be considered in terms of their position
within the alphabet,
thu s
sh e “(
…) ha s not st
art
e d l
if
e as Doris Du bois
bu t
as Dor i
s
Zoac, right down there at the end of the alphabet where no-one looks except for the
taxma n, and had chang ed it
by deed poll the bet
ter
to furt
her her me di
a ambi tions.”
(p.4)
Decoding Fay
Wel
don’
s
Nove
l
How does the reader build the identity of such a text made up of various
1
In this small-global world (
see
David
Lodge’s
novel
Small World, 1984), the act of naming [a
text] “… as
the first
distinc
tiv
e s
ign
of i
dent
if
ying
somethi
ng i
n t
erms of
differenc e” (
Cme ci
u, D.
2009:24), continuously turning into a process of renaming, becomes an ironic game of
textualterity (pp. 27-29).
360
- on the one hand, the gradual ungracing of
th e
bei
n g’s name s wh i
le the jewe l
remains the same from beginning to end. What changes is the nature of the being: from
huma n beings that
we re not perverte d by
wha t t
he “ey e des
ires” they turn into altered
natures controlled by advertised objects.
- on the other hand, the deceptive power of the commissioned advertisement
upon the reader. And yet, the shrewd game of signifiers (names of beings and objects) and
signifieds (the changing nature of a product-sign behind a name-tag) gives substance to
the reading experience of the decoder.
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361
MEMORY AND QUEST FOR IDENTITY IN NORMAN
MANEA’S
THE HOOLIGAN’ S
RETURN
Anamaria
North University of Baia Mare
Abstract: My paper focuses on analysing the way in which the autobiog raphic material
of Nor man Ma nea’s
The
Hooligan’s Re t
urn infl
uences and c onditi
ons t
he wr i
ter’s st
ruggl e
and
constant search for and development of identity. Interpreted from his position of an exile, the
entire literary construct becomes an attempt to come to terms not only with his past but also with
his futur e, his li
fe odys se
y reveali
ng the
a uth or’
s continuous quest for self
-understanding and
identity exploration.
“I dentit
y is n ot about de termining a s in
gular path that
constantly closes down the horizons of becoming by pulling back
everything to a single point of origin. While the role of the past is a
significant force in the shaping of any identity, it does not have the
exclusive power to determine all the possibilities for shaping
identity i
n th e
pre sent” (PAPASTERGI ADI S,
2000: 14).
“The problem of ori
gin … (i
s )
no l
onger a quest
ion of
starting or finishing. The question (is) rather what happens in
be t
we en”
(DELEUZE,
1995 :
121) .
The problem of identity has been the core of various debates and
interpretations during time, raising numerous controversies and changes of opinion.
Man has always been interested in decoding and demystifying this subject, the
on tolog i
c al questi
ons ‘Who am I?’, ‘
Where do I come from?’ , ‘Where am I heading
for?’ r epr e
s ent
ing a c on stant i n a l
mos t e v e
ry i n div idual’s l i
fe . Con s
e qu ently,
philosophers, literary critics, writers or scholars have all tried to bring their contribution
to this field of knowledge, one of the conclusions reached in their attempt of defining
identity being that this very notion is actually predicated on a duality, requiring the
pr esenc e of ‘samenes s’, i
.e. identifying with t
h ose c
ons ide red simi l
ar, on the on e han d,
bu t also impl ying the nec ess i
ty of ‘difference’ ,
i.
e. dis ti
ngu i
sh ing on eself fr
om thos e
who are dissimilar, on the other hand (SPENCER and WOLLMAN, 2002: 58). A
question which might also be asked in this context is ‘ Why shoul d one tak e into
discussion the problem of identity if he or she wants to understand the complex
phe nome n on of
exil
e ?’. The answer is, however, quite simple. Exile usually represents a
traumatic, alienating experience, a terminus point which brings about a process of
displacement, re-location, re-creation, at the same time interr ogating
the
ex il
e’s position
a nd sit
u ation withi
n
the boun dari
e s
of
a
n ew soc i
ety.
Th e resu l
t i
s
the mi gran t
’s
c ons t
a nt
attempt to understand the changes to which he or she has been subjected, while
witnessing the very transformations and development of his or her self, or identity.
362
Identity is definitely not something that rests unchanged, a fixed entity which
accepts no alterations. On the contrary, it is a construction, a process never completed.
According to Stuart Hall (1996: 4), identities are
Although they seem to be rooted in a historical past from where they extract
their energies and potentialities, identities do not simply focus on the idea of being, but
on that of becoming (people actually using their resources of history, culture and
lan guag e i
n the process of t
ran sf
ormi ng and de veloping), a pe rs on’s
ide ntit
y, thus ,
slowly acquiring new valences and significances in time.
Un de r
s uch c ircums t
a nces, i de nt
ity be come s “ an i nfinit
e interplay of
pos sibili
ties” (LAVI E an d SWEDENBURG, 1996:
3)
projected on the backg round of a
multicoloured, mosaic-like culture. This, however, in its turn, is the one that has
irrevocably altered the traditional laws of spatiality and temporality which used to
analyse the world in opposing pairs: center versus margin, oppressing versus oppressed,
e veryon e be comi ng now e qu ally ‘diffe rent
’, irrespect
iv e of th eir init
ially occ upied
position. Our sense, or understanding of identity is mainly related to the idea of space,
this fact being also predicated on or, why not, translated into another duality, i.e. here
a nd there, or
n eit
h er
h er
e ,
nor t
he re,
the unanimous
de ci
sion
reach e d bei
ng
tha t
“to
“ be”
in the pos tmod ern s
e nse is
s ome how to be an Oth er:
displaced”(BAMMER, 1994:xii),
ide nti
ty being, at times, “ abou t
wha t we
are ess enti
all
y not,
bu t are al
so not free to
di s
pe nse
wi t
h ”,
resu l
ting in a con st
ant “ process of negotiati
on ”
(ibidem: xiv-xv).
As a Roma nian wr it
er of Je wi sh origin, Norma n Ma ne a’ s
desti
ny s
eems to
have been prone to various changes, the writer beginning his life odyssey in an
internment camp of Transnistria, at the tender age of five. But the initiation does not
stop here, the artist being then subjected to the oppression, perversity and perfidy of a
communist system, which offers him no other possibility than the terrifying prospect of
h i
s l
eav ing the coun try.
Ma ne a’s encoun ter
wi t
h exil
e,
th en,
at th e a g
e of fif
t y
, brings
him in the position of facing his own re-birth, this situation being now easily
translatable into a new traumatizing experience, a new initiation: taking everything from
the very beginning, learning the steps, the gestures, the movements, the words, life
actually in itself, this strange amalgam of different existential patterns, of different
influences and ways of being offering the writer the perfect raw material for his literary
work.
The themes which can be considered prevalent in his creation are: deportation,
the experience of internment camps, the daily problems and necessities of a totalitarian
system, his becoming a writer under the pressures of a communist dictatorship and his
late exile (BEHRING, 2001:170).
In describing his own memoir, The Ho oligan’s Re t
ur n, the writer (2008:424)
uses the adjectives painful and complicated, defining the final result as a combination of
trav el
boo k ,
j
ou rnal and nov e l
,
a compl ex ar
ti
s t
ic con s
truct
h avi
ng
th e aut
ho r’
s own li
fe,
and Romania as central points of the entire narrative complex. The autobiographic
material is actually divided in four distinct parts (Preliminaries, The first return (The
past as fiction), The Viennese Couch, and The second return (Posterity) ), the events
c reati
ng the essen ce of each part, a
lth ou gh seque ntial
ly groupe d by t
he author’s vivid
363
memory, surpassing the limits imposed by the objective time of history, some of them
be ing reiterated as leitmotifs
of th
e write r
’s life i
n i
tiati
on.
Amon g t
h e ima g es, the
sy mbol s and the even t
s whic
h keep on haun ti
ng the
a uthor’
s memor y,
on e
c an iden ti
fy
the Holocaust, the claw, whi
ch is
actual
ly his mot her’s
image, t
he snail’s she l
l, or the
metaphor of language, this being, in fact, the ultimate home of an exile, the addresses
from the past, and so many others.
Th e f
irst part of
the
book,
su g
g estively entit
led “Prel
imi na ries” repr esents the
starting point of the entire narrative construction, introducing the reader to the
paradoxes, sufferings and misunderstandings of an exile living his life at the crossroads
of time, history, culture.
There is nothing lacking in Paradise –food and clothing and newspapers, mattresses,
umbrellas, computers, footwear, furniture, wine, jewelry, flowers, sunglasses, CDs, lamps,
candles, padlocks, dogs, cars, prostheses, exotic birds and tropical fish. And wave after wave of
salesmen, policemen, hair
dr essers,
shoe shine boys, accountants, whor es,
be ggars. [
…]
In t
hi s
new
Afterlife world, all the distances and interdictions have been abolished, the fruit of the tree of
knowledge is available on computer screens, the Tree of Eternal Life offers its pickings in all the
pharmacies, while life rushes at breakneck speed and what really matters is the present moment.
[…] No, nothing is mi ssi
ng in
th i
s li
fe -after-death, nothing at all. He raises his eyes toward the
heavens that allowed this miracle to happen. An amputated firmament it is, for the concrete
rectangles of the buildings narrow the prospect to a chink of blue sky. The façade on the right,
bl ocking t
he view, is forme d by a
browni sh wa l
l flanked by a wa s
te
pipe ;
on the left
, a y ell
ow
wall. Against this golden background, spelled out in iridescent blue, is the message
DEPRESSION IS A FLAW IN CHEMISTRY NOT IN CHARACTER. Warning, or mere
information –hard to tell. DEPRESSION IS A FLAW IN CHEMISTRY NOT IN CHARACTER,
displayed on five separate lines, one after the other. He stares at the lines of sacred text, his head
tilted backward. Jolted out of his reverie, he steps back and finds himself walking along
Amsterdam Avenue again. There is an advantage to his new life –immunity. You are no longer
chained to all the trivia, as in the previous life, you can walk on in indifference (MANEA,
2003:5-6).
The word paradise, used to describe the new society and culture in which the
writer has been thrown, has actually an ironic connotation, this fact being also
emph asised by one of t
he
lines
of “Th e Re port
on Paradi
se”,
poem writ
te n
by the Poli
sh
poe t
Zbi gn iew He rbe rt
:
“In
Paradise one is bet
ter off
than i
n whatever country” (ibidem:
41) .
Th ese words
h av e
actuall
y bec ome the l
eitmot if
of
the writ
er’s exil
e ,
s
uggesting a
desperate attempt of self-suggestion, the new adoptive, receiving culture and society
being far from the perfect representation of Eden.
Th e second part
of t
his autobiog r
a phi
ca l
n ovel:
“The Fir
st Return (
Th e Past
as
Fic t
ion )” foc uses on the wr i
ter’
s l if
e in it
iat
ion u p
to the age of 50, i
n a c oun t
ry
dominated by two totalitarian systems: fascist and communist. Different snapshots of an
oppressive and gloomy society with moments of relative calm, various portraits of
different members of the family and other acquaintances or friends who have influenced
through their lives and actions the destiny of the main character, and a few historical
details, all these create the essence of a repressed past, which no longer accepts to
remain hidden.
The third pa rt of the me moi r: ‘An a mne s
is’ underli
n e
s, on ce aga i
n ,
the
experience of the Romanian Holocaust, Transnistria, inserting a subtle comparison
between two oppressive totalitarian systems: Fascism and Communism, while the
fou rt
h
pa rt,
or “Th e Secon d
Re tur
n (Posterity
)” pre se
nts
the writ
er’s a
ctu al
ret
u r
n to hi
s
birth country, accompanying a colleague and friend: Leon Botstein, the president of
364
Bard College. The chronological events in which the writer participates during his stay
in the country are grouped i
n twelv e
cha pt
e r
s,
su gges t
iv ely entit
led: ‘
Da y One…’ ,
‘Da y
Two…’ , ‘Da y Ni ne
…’ etc.,
this f
act being significa nt if
we compa re thi
s nar
rativ e
sequ ence
wi th
th e
wri
ter’s firs
t i
ma gi
nary
return
( t
h e s
e con d part of
the book)
, where a l
l
the chapters have a specific title. This small detail might symbolize the fact that
pos teri
ty oc c upies a
lowe r
pos i
tion ,
or at l
east we ighs less in Nor ma n Manea’s time
balance, the past being felt more profoundly and acutely.
The autobiographic material which constitutes the ess enc e
of
Nor man Ma ne a’s
me moir focus es on t
he wr iter’
s s
tru ggle
a nd
cons tant search
for ,
and dev e
lopment
of
h is
own identity. Interpreted from his position of an exile, the entire book becomes nothing
but an attempt to come to terms not only with his past but also with his future, his life
ody ssey reve aling t
he au thor
’s c onti
nu ous que st
for sel
f-understanding and identity
exploration. The banishment, or exile actually begins during his childhood, the idyllic
image of the beginnings being brutally disrupted by Transnistria episode –one of the
leitmotifs of this memoir:
The thunder of October 1941. Thunder and lightning in one stroke split the floor of the
stage set.
Ex pulsion,
the
e xi
le s’
c onvoy ,
t
he
train,
the dark e mpt i
ne ss .
The hol
e into whic h we had
bee n hurled wa s no baby ’s c ot.
Be hind us,
o nly t
he despe rat
e scre am of the
Good Fairy Ma ri
a,
who had not wanted to relinquish me from her arms and was pleading with the guards to let her
come with us into the abyss, she, the Christian, the Holy Virgin, together with the sinners whom
she could not possibly abandon. Night, shots, screams, plunder, the bayonets, the dead, the river,
the bridge, cold hunger, fear, the bodies –the long night of the Initiation. Only there and then was
the comedy about to begin (MANEA, 2003: 65).
365
offered by an actual material home, Norman Manea takes refuge in a spiritual
dimension, another house, another universe: the book, the language, the literature:
In the room on Mitropolit Nifon Street, next to Liberty Park, where I lived with Cella in
the first year of our marriage, I was finally granted the privilege, in the summer of 1969, of
lis
teni ng to my own voice i
n my own book. […] I
ha d finally foun d mytrue home. Language
promised not only a rebirth but also a form of legitimization, real citizenship, and real belonging.
Exile from this ultimate place of refuge would have been the most brutal form of extirpation,
would have touched the very fiber of my being (ibidem: 208).
The tit
le of on e of t
h e
cha pt
ers t
a ken un der discu ssi
on here ,
‘The Sn ai
l’s
Sh all’
, is quite embl ema tic
in
this con t
ext, the me t
a phor use d by the au t
hor be ing t
he
symbol of a writer’
s h ome ,
i.
e.
h i
s own langu age, the very mean s t
h rough which he
expresses his own feelings and thoughts, the means through which he reaches his final
destination, the readers.
The wr i
ter’
s fi r
st
contact
wi th
a book of
Roma n i
an folkt
ales c oi
ncide s with a
pe ri
od
of new beginning s
and r
ev i
va l
, i.
e.
the
fami ly’sreturn from Transnistria, in 1945,
the child then experiencing the need of establishing a connection, a dialogue with some
invisible fri
e nds, l
ite
ratu re
provi
ng t
o be
th e
on ly
solu t
ion, i
n t
h e
future wr i
ter
’s att
empt
of staying away from the hideousness of authority. However, the further evolution of
language brings Manea in the position of choosing a practical profession to the
detriment of literature, the explanation being easily identifiable in the obvious
difference and gap between his inner, personal language, or the language of literature,
and the public language, a surrogate means of communication imposed by the Party:
The language of the newspapers, the speeches, the Party communiqués, and
socialist legislation operated on the basis of regimental si
mplif
ication.
The ‘
stru
gg l
e’
demanded simplicity, determination, a restricted language, devoid of surprises. The
single Party imposed a single language, official, canonic, without nuance, promoting
an impersonal, remote style lacking warmth or wit. Simple and clear though it was,
the Pa rty ’s lang uage re ma i
ned e nc oded. Re ading
be t
ween the l i
nes be came the
normal practice (ibidem: 155).
Although practical professions seemed the only possibility of protection
against the idiocy of the language, the writer soon finds himself in the position of facing
the impossibility of continuing this duplicitous life, betrayed by the inner desire of
preserving his real identity. Thus, he returns to his first love: the book, only to be further
disappointed by all the restrictions, limitations, and censorship imposed by a totalitarian
regime, controlling everything and everyone. So, the feelings of alienation, interdiction,
and constraint also continue during communism. Thus, in spite of being aware of the
fact that, for a writer, exile is the equivalent of suicide, Manea chooses this final option
in an attempt to preserve his freedom of thinking and writing, his freedom of
expression:
Poverty and danger had been the staple diet, delivered to us in abundance by glorious
socialism. However, the last years of that hysterical dictatorship had had a catastrophic impact on
our capacity to cope. Departure did not mean only dying a little, as we say when trying to
my thicize lov ers
’ separations. De pa rture coul
d also me an suicid e, the ultimate voyage. On the
other hand, it promised at least a partial, temporary salvation, a fire escape, an emergency exit, a
quick solution. Uncertain as to whether the roof of your house will hold, you get out as fast as you
can to escape the blaze. The only thing you can do is save yourself from death, not a metaphoric
death but a real, imminent, irremediable death. The urgency had its own challenges and
366
confusions. Was it the survival instinct? My contemplated departure was more bewildering. I
simply did not know where I wanted to be (ibidem: 129).
Trying to justify the equivalence between exile and the very act of committing
su i
c i
de ,
th e writ
er (1999: 90) places t
h e accent
on t
he artist
’s orde a
l of finding hi
s own
identity, his own voice, under the circumstances of being dispossessed of his happiness
of taking refuge in writing and literature.
According to Eva Behring (op. cit.:181), exile has placed Norman Manea in
the position of a hermaphrodite being, divided between his mother tongue (from which
he will never be able to separate), and the new life which offers him the possibility of
preserving his intellectual and artistic freedom. Nevertheless, the most painful loss for a
writer is the language, the author constantly underlining this fact, both in his books and
in his interviews. When defining his condition of an exile, Manea mentions the term
Hypocrino, th i
s a
c t
u ally be i
ng
the e xiles’ s
alut
e .
By analys i
ng
a l
l t
h e imp li
c at
ions an d
significances gathered in this simple term, the writer defines it as: “a set
of mean i
ngs
sliding from simple speech, to orating, to acting on stage, to feigning or speaking
falsely” (2003: 290) .
Th us,
a ccordin g to thi
s poi
n t
of view, the n ewcome rs are
in the
position of learning words and meanings the way children do in nursery schools. The
new language no longer represents their own possession, being merely rented, and
functioning as a means of survival. Under such circumstances, the position of a writer is
far from being simple. As Manea confesses, the main tragedy for an exiled writer is his
language, this being both his home and his country, the only thing impossible to
abandon and leave behind:
The mother tongue can hardly be replaced. For a Jewish writer, even more
than for other writers, language represents an official recognition, a spiritual home.
His handling of the language is more than a simple achievement. Through language
he feels rich and stable, and when he finally takes possession of it, he has obtained his
citizenship, a sense of belonging (1999: 173 –translation mine).
The author (2008: 398-399) defines the situation of an exiled writer in terms of
a bewildering contradiction. The feeling of relaxation and freedom experienced after
being released from the penal colony of a communist system is instantaneously
suf f
oc a t
e d,
i
n a write r’s
ca
se, by t
he gho st wa i
ting f
or him on the borde r,
with the
express purpose of cutting off his tongue. Exactly the moment he has got, more than
ever, something to say, he loses the possibility of doing it. The writer has earned a
freedom which he cannot use, freedom in itself becoming actually a trauma.
I n
h i
s essay s uggest
iv ely ent
itled “Ex ile” (the text being inc l
u ded i n t
he
Romanian edition of the volume On Clowns: the Dictator and the Artist, Polirom,
2005), Norman Manea (2005: 265) analyses the complex and, at the same time,
complicated position of the foreigner in the controversial equation which dominates the
whole world nowadays, namely the contradiction between the cosmopolitan, centrifugal
modernity, on the one hand, and the centripetal need or nostalgia of belonging, on the
other hand. As fundamental experiences of humanity in general, the Holocaust,
totalitarianism, and exile are intimately related to the concepts of foreigner and
banishment. If the right-wing ideology of Nazism exercised the most violent negation
and the most brutal aggression against the foreigner, seen as a suspect citizen, with
impu re ‘ r
oots’
, a nd da nge
rou s
opi n
ion s, the l eft-wing policy of Communism
transformed the humanist vision of progress, it had initially professed, into a context of
terror, economic bankruptcy, hypocrisy and duplicity, in which the foreigner was
subjected to a special treatment.
367
The final solution of exile, although perceived as a possibility of salvation,
subsequently trans forms t
h e ‘con vict’
into a new foreigner, but this time not only for the
country he has left behind, but also for his adoptive, or receiving country. As the writer
con f
esses (2005: 27 1), “
th e nee d for a home land is mor e profou n d f
or th ose wh ose
belonging to one has always been questioned, its loss troubling them, maybe in a more
pa i
nful
wa y” (
trans la
tion mi ne).
I f
a n
ex i
le, a
refuge e be come s a
foreigner as a result of
a change, through his own life and destiny, the foreigner is constantly forced to meditate
upon chang e. From this point of view, Ma nea’s ex ist
e nti
al expe rience represent s
the
be s
t e xampl e
of a for eigner’s ody sse y,
c on t
inu ou sly on t h e road, c hang ing,
reformulating the premises of initiation and becoming:
But the mask was now glued to my face –the classic public enemy, the
Other. I had always been an ‘other’,
conscio usly
or not
, unma ske d
or not,
ev e
n whe n I
could n ot identif
y wi th my mothe r’
s ghe tto or any other ghe tt
o of identit
y. Oute r
adversities can overlap with inner adversities, and with the fatigue of being oneself
(MANEA, 2003: 19).
From the very position of an artist determined to find his inspiration in
ev erything tha t surroun ds hi
m, in pe opl e’s everyda y li
fe a nd e xperience s
, Nor ma n
Manea has succeeded to arouse not only the interest and appreciation of various
na ti
on al a nd i n t
ernation al literary c ircl
e s, but a lso the f orme r
’s c riti
cism a nd
controversy. Nevertheless, through its complex of profound psychological analysis,
introspection, irony, dream and reality, history and fiction, this book represents not only
the testimony of a writer not afraid to reveal his soul and his life experiences, but also
the artist
’ s
cons t
ant attempt t
o re-invent, re-define, re-position, and re-root himself, if
not in material, tangible things, then at least in memories.
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REBELS
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Maria-Camelia MANEA
University of
Anca POPESCU
University of Bucharest
Abstract: The present contribution briefly delineates two of the most representative
(sub-)types of Shavian characters: the rebels and the libertines, which can be said to be as Shavian
as a re Shaw’ s
Superma n, his cynics, or his unadaptable heroes. Meant to censure whole social classes,
institutions and mores, such Shavian characters can be sketchily classified, in keeping with their
complexity and factual contents, as: idealistic rebels, eg. Barbara Undershaft (‘Ma jor
Ba r bara’),
wh o
secedes from the established social order and her family, and Eliza Doolittle, who manifests her
na scen t
personali
ty by
reb elliously a ss
e rt
in g her
s elf
a s
a huma n being;
a narch i
sts,
e .g.
Me ndo za (
‘Ma n
an d S uperma n’
),
a me re
c aric at
ure of the capitalistic man, and an apt mirror-reflection of the values of
cap italist
societ
y; h edon ist
ic l
ib ertines, e .
g. Do olit
tl
e; p hi
land erers,
e .
g .
Pr ofessor Hi gg i
ns, th e
con firme d bachel
or
in
‘Py g ma li
o n’ (wh o is al
so a “l iber
tine i
n the s
p ir
it
”) ;
a nd n o less
th e “g ood-for-
no t
h ing young me n”,
e.g . Fr ank ( ‘
Mr s.
Wa rr
e n’s Profess
ion’).
Th ey a r
e all
as ma n y i
n s
trume n t
s,
exp ress i
ng the
autho r
’s
(Ib sen i
te)
a rti
stic an d
ethica l
conv i
cti
on s.
The range of characters that we deemed fit to fall under the heading of Shavian
Rebel can be said to incarnate, by and large, the (literary) figure of Lucifer –with its twofold
symbolical load: the arch-rebel, i.e. the leader of the rebellion of the angels –being, as such,
usually identified with Satan –and the (etymological) ‘ l
ig ht-bear er’(Lat. lux ‘
lig
h t’ + ferre
‘to bear’).
The Non-Conformist: As a Non-Co n formi st
, Vi vie Wa rren (
in ‘Mrs. Wa r
r en’s
Pr ofessi
o n’)
re pre sents a nov elt
y i
n Sh aw’s play-wr iti
ng ; the evolution ofthis character can
b e analy zed as ag ainst her pred ecessor,
Tr ench (i
n ‘
Wi d owe rs’ Ho uses ’
); l
ike h im, she
makes a discovery revealing the shady source of the wealth that lies at the basis of their own
comfort as well as social status. Vivie ends by turning her back on a corrupt system, unlike
Tr ench. Likewi s e,
Vi vie’s relati
o n t
o her mo ther
( especially in
Ac t
I
I, whe n
she goes aga inst,
a nd challenges he r
mo ther’s auth or
ity)
is tackled in the p urest
Ib senian t
e rms, Vivie ’
s n on-
conformism making full use of th e d i
alogue. Sh aw’ s ch aract
e r chart f
o r thi
s play wa s as
fo l
lows : “I
hav e ma de the
da ugh ter
the heroine an d t
h e
mo ther a mo st dep l
o r
able old rip…
The great scene will be the crushing of the mother by the daughter. The girl is quite original
c haract
e r”.
Whil e Viv i
e ’
s mo t
h er t
ries t
o
save her ch i
ld fr
o m contac t
wi t
h
he r own kind o
f l
ife
(based on dependence upon men), ending by turning her into a cold, efficient, automaton,
praising work more than anything, smoking cigars and having businesslike relations with the
o thers
, th e
girl’s final g esture o f disagreeme nt with th e ma terial
comma n
dme n ts o f an
excessively pragmatic society, in which money could be turned into the very token of power
irrespective of its origin, her tearing up the note, completes her breaking off of human ties,
her descent into prospectless, blind work –maybe as a sort of ceremonial castigation, too.
Vi vie’s rev el
a tion b y h er mo ther’s exp osi
tion he l
ps h er to d iscard t he unc on si
d ered
fragments of respectable opinion, which she has taken over without recognizing their
369
irrele vance t
o t
h e k i
n d of
p erson she i
s and h a s
cho s
en to b e.
Vi vi
e ’
s co n version –from
(non-conformist, of course) lack of involvement in a social fatum whose seamy and gloomy
sides she cannot perceive, to rebelling isolation, as a form of protest (active, in a way) is
achieved with the total exclusion of love. This is an edifyingly bitter conversion. As a rebel,
Eliza Doolittle manifests her newly born personality by finally asserting herself as a human
being. She stands up against the lack of manners and propriety of proceeding by which
Hi g gin s’
s lack of
a dhe r
ence t
o real
ity (in poi
nt of t
reat
ing his fell
ow-beings) is manifest: up
to n o w, Hi ggins treated Eli
z a as i
f
sh e we re
a me re
object,
a prod uct of
h is trade;
he pro ves
himself incapable of understanding her feelings, her wishes and her need for affection and of
integrating herself –within the new social (and spiritual) complex for which she was
ac tua l
ly
trai
n ed; this n e
w so cial
stat
u s i
mp l
ie
s g r e
at
d i
ffi
c ulty for Eliza. Th is perception she
has of the fact that she is cast out of the humanly definable, spiritual confines of her newly
acquired position makes her revolt against Higgins, throwing to his face the truth that, for
her, he was no more than a teacher of phonetics –anyway, less than Colonel Pickering
ma n age d t
o b e.
Th e ‘puppe t’
wa nts indep e
nd e nce,
fair
, k i
n d l
y
tre a
tme n t
, a ffe
c t
ion (
“ Liza:
…I wa nt a li
ttl
e kind ness
. I know I am a
commo n igno ran t gi
rl, and y ou a bo ok-learned
gentleman: but I am not dirt under your feet. Wh a
t I do ne… wh at I
d i
d wa s n ot
for the
dresses and the taxis: I did it because we were pleasant together and I come –came –to care
for you: not to want you to make love to me, and not forgetting the difference between us,
but more friendly like. Higgins: We l
l, of
co ur
se ….
Eliz
a, yo u’re
a fool”.
The Idealistic Rebel: Barbara Undershaft, granddaughter of the Earl of Stevenage,
daughter of a millionaire, secedes from the established social order (and church) to join the
Salvation Army. The sprit of this (literal) army which seems to exert its attraction on Barbara
is revolutionary (cf. Sh aw’s defini
ti
o n of the
‘r evoluti
onis t
’, in ‘Ma n and Su perma n’); it i
s
basically Dionysian, a new and peculiar type of enthusiastic illumination, amounting, in fact,
to a union / a synthesis of Apollo and Dionysus (cf. Cu sins’s declarat
ion : “[Th e Sa l
v ation
Ar my ] is the army o f
joy,
of love,
of courage ; it
has ba nish ed the fear an d remo rse and
despair of the old hell-ridden evangelical sects: it marches to fight the devil with trumpet and
drum, with music and dancing, with banner and palm, as becomes a sally from heaven by its
h app y
g arri
so n.
” Ba rbara,
t
h e mi l
it
an t
for the
Go s
pel,
represe nts l
i f
e, seen th rough
the angle
of its Apollinic energy, while the armament firm of Undershaft (whom Cusins calls
Mephistopheles, Machiavelli, etc.) represents the Nietzschean will (i.e. the Dionysian spirit)
o f
fu lly l
iv e
d l
ife. To thi
s
is add ed
the c
o nfl
ict
o f
generat
io ns, end ing in Un d ershaft’
s
( fal
se)
conversion (false, as his new humanitarianism is only achieved in terms of socially applied
utilitarianism), which can be seen, starting from Freud, as a coming together of the father
and the re-f o und da ughter.
On e of Sh aw’s d e vic
es use d in ‘
Ma j
o r Ba rba ra’
–as most
anywhere else in his plays, in fact –is paradox, which Shaw resorts to in order to destroy
conventional moral oppositions, finally proving them to be complementary. So, the shock of
more carefully reconsidering the characters –Barbara, in the main –has, among other
results, the effect of a more comprehensive understanding of the world of the play, including
Ba r bara ’
s r
e volt a nd conve rsi
on ;
amb ival
enc e seems t o b e the r ul
e wi th Ba rba ra; the
ch ar acters’
ac t
ion s,
mo st
of them quests –one can say even ritual quests –like the parallels
established between them are suggested in terms of ambivalence: literal– metaphoric, ironic–
straightforward meanings, etc. Therefore, with Barbara, revolt and conversion go hand in
hand.
The Anarchist: Me ndo z
a, t
he bandit i
n the play ‘Ma n an d Su p erma n ‘, is the
caricature of the capitalistic man –which is achieved through the mirror-reflection of the
v alu es of that s
o ciety (
comp are wit
h Bra ss
bou n d’s
stat
u re); Me nd oza and the me mb ers of
his gang are more bandits than revolutionaries, and, as bandits, they have –vague and
370
anarchic –political ideas. By their figures, Shaw basically intended to draw the caricature of
old-fashioned, stale romanticism –it is a burlesque of it –associated in a false manner with
the idea of revolution, especially through the opposition with Tanner. Their replies in Act III
a re me mo rable:
“ Mendoza: I am a brigand: I live by robbing the rich. Tanner (promptly): I
a m a g entlema n: I live
by r
o bb i
n g t
h e po or .
” ‘The revolu t
io na ri
es ’ ar
e an a
rch i
sts wi th
the
nostalgia of respectability ( fo r
in stance ,
Me ndoza’s mo ck -parliament is made up of
individuals wearing top-h ats;
eve nt
u all
y ,
th ey will
be abso r
b ed by imp rop er
d eali
n gs with
the tycoon Malone). As an ironic piece of false revolutionary exposure, this is maybe the
finest creation Shaw managed.
The Libertine: Motto (from the Preface to ‘
Ov e rruled ’):
“ …t h e
theor et
ic li
b ert
ine
is usually a person of blameless family life, whilst the practical libertine is mercilessly severe
on all other libertines, and excessively conventional in professi on s
o f s
o c i
al
prin ci
p le.”
The
Hedonist: In Do oli
ttle
(‘Pyg ma lion’), Sha w me rge
d two ch ar act
e rs from Dic ken s’
s ‘
Ou r
Mu t
u al
Fr iend’:
Bo ffin
, t
he ho ne st
serving ma n wh o
in herits
a large fortu ne
ma de ou t
(even
literally) of dust, and Silas Wegg, the villain with philosophical penchants (Doolittle can
su cc essfully cl
aim to have his
o wn philoso ph y,
that
of ‘
Un de serv i
ng Mo desty’,
o r
he donisti
c
su rv i
v i
n g);
to tho se feat
ures wa s add ed the rema r
kab l
e hu mo ur
o f
th e
d rama t
ist. Do olit
tl
e ’
s
evolution is achieved in a parallel to the social and spiritual progress of Eliza: his first
e ntran ce,
a s
a po or d ust
ma n, i
s at
the be ginn i
ng of
t
h e gir
l’s so c i
al ev olution,
wh en h e
says
h e wa nts t
o
“ save h er
from wo rse-than-d ea th”,
but i
s b oug ht a wa y wi th five
s hil
ling s.
His
second ap pea r
an ce, a s
a rich ma n, prone to “ middle class mo r
ality”, i
s at t
h e clima x o f
El iza’s pro gress.
Hi s pros
p erou s
figure ,
blen ded with
a
sinc ere loo k of mi sery
be cau se of
too
ra pid and t
orme nti
n g social
suc cess,
i
s sy mb o l
ic of Eliza’s false social success –which
se ems
to b ri
ng
to nothing Prof essor Hig gin s’
s experime nt. Th e
ch aracte r
o f
Do o l
itt
le
has a
certain closeness to the vitalistic doctrine (it would be too much to say, for instance, that he
gets near the stature of a middle-c lass sup e rma n)
; a
p erf
e ct embodiment of the type of the
imp en i
ten t
ly unp rov i
d i
ng ma n ,
h e
is a j
o l
ly fel
low; he expo un d s t
he mo ra l
of
ca rel
e ss,
easy-
going life, as opposed to the thriftiness and petty (Victorian) satisfaction of deserving
restraint, of prudence, economicalness and se cu r
it
y; he plead s fo r
the
u nrestri
cted
h app i
ness
a nd fullne ss
o f life; his
c eleb r
a t
ion o f ‘ Un deserving Po verty ’
i s fa mo us;
e ve n th ough
unintentionally, he implies through it a certain moral superiority as against the pressure of a
system of values to which he will not give up or let himself be trapped by, is implied.
Doolittle is the perfect image of the common / average man, the perfect mean –he is not a
ro gu e,
y et
h e
is
n ot an
honest ma n ,
eit
h er
(a n d
he
i
s t
h e f
irst t
o
a d mit it
: “A li
tt
le of both,
like
th e rest
o f us”).
Hi s roguishl
y li
b er
tine
c ynic i
sm i
s exqu i
site: he come s
t
o
‘save ’
El i
za f
rom
Hi g gins’s ‘grip’,
y et
e nds
by literal
ly selli
n g he
r to
the profes sor
– he
is a ‘mo derate’ ma n,
as
he does not accept more than five pounds, for fear he might become a provident man, i.e. too
‘mi d dle class’.
Ironically, the Doolittle experiment clearly demonstrated that, while money can
replace manners along the social scale (where no manners are needed, in fact –v.
Hi g gi
ns ’
s
own lack of manners), with Eliza the ne w room gained b y he r
‘so cial re-bi
rth’ ca nnot be
simply filled through the new possibilities conferred by the transformation in her social (and
material, of course) status: her soul has some other needs, too. As for Doolittle, he can adjust
himself in almost any circumstance he has to go through, he is a survivor, a man who
“ kn ows wh at
h e wa nts”.
The Philanderer: In the Shavian concept of Life Force, the men characters appear
a s sub j
u gated by the (bio
log i
c al) f
orce of wo me n.
“Th e
‘Ph ilan dere r’
d ealt
with s
ex –with
th e po we r
g ame
o f
s ex t
hat
wa s
p la
y ed in
th e
societ
y of t
h e 189 0 ’s,
an d the vanity,
d ecepti
o n
a nd con cealed v ulnerabil
ity of men and wo me n
to on e ano the r”.
( MORGAN, 19 72: 123 )
371
Al tho ugh the ‘p hiland er
er’ was wr on gly describe d as ‘t
he r
eal Do n Juan’, the Sh avian
d efinit
io n of ph iland ering i
s
the
fo llowi ng :
“A phila nderer
is
a ma n
wh o i
s
str
o ng l
y at
tracted
by women, He flirts with them, falls in love with them, makes them fall in love with him, but
will not commit himself to any permanent relation with them, and often retreats at the last
moment if his suit is successful –loves them but loves himself more –is too cautious, too
fastidiou s,
ev er to
g i
v e himsel
f awa y ”.(HOLROYD, vol. I, 1988: 92) On the contrary, Don-
Ju anism i
s the ma n’s fear of
co mmi tting himself, deriving from a sort of a default of
affective memory –his longing for the new, for continual exploration. And Shaw adds,
sy mp ath eti
c ally it
seems , t
o roun d off t
he ima ge of philanderi
n g:
“…t he innocen t and
conventional people who regard gallant adventures as crimes of so horrible a nature that only
the most depraved and desperate characters engage in them or would listen to advances in
that direction without raising an alarm with the noisiest indignation, are clear examples of
the fact that most sections of society do not know how the other sections live. Industry is the
mo st
e f
fe cti
v e c heck
o n gal
lant
ry…”
(HOLROYD, 1988: 287)
The following telling excerpts, giving the essentials of Don-Juanism as a
‘p hil
o sop hica l
’ a tt
itude ,
are
fr
om th e
Epistle Dedicatory to Arthur Bingham Walkley, which
p reced es the pla y ‘Ma n and
Sup e rma n’ :
“I ha
v e h ad to ask my s
elf,
wh at i
s a Don J uan?
Vulgarly, a libertine. But your dislike of vulgarity is pushed to the length of a defect
(universality of character is impos sible wi thout
a
s hare of
vu l
garit
y); and even if y
ou cou l
d
acquire the taste, you would find yourself overfed from ordinary sources without troubling
me. So I took it that you demanded a Don Juan in the philosophic sense. Philosophically,
Don Juan is a man who, though gifted enough to be exceptionally capable of distinguishing
between good and evil, follows his own instincts without regard to the common, statute, or
c ano n law; a nd therefo r
e, whil
st gain i
n g the
a rde nt sympa t
hy o
f our rebellious i
n sti
n ct
s
(which are flattered by the brilliancies with which Don Juan associates them) finds himself
in mortal conflict with existing institutions, and defends himself by fraud and force as
unscrupulously as a farmer defends his crops by the same means against vermin. The
prototypic Don Juan, invented early in the 16th century by a Spanish monk, was presented,
according to the ideas of that time, as the enemy of God, the approach of whose vengeance
is felt throughout the drama, growing in menace from minute to minute. No anxiety is
c aused
o n Do n J uan’s account
by an y
mi nor
antago n i
st:
he
ea si
ly
eludes t
h e
po l
ice ,
temp o ral
a nd sp i
ritual; a nd
wh en an i
ndign an t
fath er
seeks p ri
va t
e r
ed r
ess with the swo rd, Don Juan
kills him without an effort. Not until the slain father returns from heaven as the agent of
God, in the form of his own statue, does he prevail against his slayer and cast him into hell.
Th e
mo ral
is a mo n kish one:
re
pe n t
and refor
m n ow;
for
tomo rr
o w i
t ma y be too lat
e.
Th is i
s
really the only point on which Don J u an i
s sk ep t
ical;
for he is
a dev out believer
in an
ultimate hell, and risks damnation only because, as he is young, it seems so far off that
rep entan ce c an b e postpo ne
d unt il
h
e h as a
mu se d hi
ms el
f to his
h eart’s content.
Bu t the
lesson intended by an author is hardly ever the lesson the world chooses to learn from his
book. What attracts and impresses us in El Burlador de Sevilla is not the immediate urgency
of repentance, but the heroism of daring to be the enemy of God. From Prometheus to my
o wn De vil’sDisciple, such enemies have always been popular. Don Juan became such a pet
tha t
t
h e wo r ld could not bear
his damn ati
on .
(…) Ou r vagabond l
ibe r
tines are no mo re
interesting f
r om that
p oint
of
view than
th e
sail
or wh o has
a wife i
n eve ry port
; and By ron’s
hero is, after all, only a vagabond libertine. And he is dumb: he does not discuss himself with
a Sganarelle-Leporello or with the fathers or brothers of his mistresses: he does not even,
like Casanova, tell his own story. In fact he is not a true Don Juan at
all
; for he is
n o
mo re an
enemy of God than any romantic and adventurous young sower of wild oats. Had you and I
been in his place at his age, who knows whether we might not have done as he did, unless
372
indeed your fastidiousness had saved you from the empress Catherine. Byron was as little of
a philosopher as Peter the Great: both were instances of that rare and useful, but unedifying
variation, an energetic genius born without the prejudices or superstitions of his
contemporaries. The resultant unscrupulous freedom of thought made Byron a bolder poet
than Wo rdswo rth just
a s it
ma de Pe t
e r
a b older king th an
Ge org e II
I; but as
it wa s,
after
all
,
only a negative qualification, it did not prevent Peter from being an appalling blackguard and
an arrant poltroon, nor did it enable Byron to become a religious force like Shelley. Let us,
then ,
leav e By ron’s Do n
Juan
o ut
o f
ac cou nt”.
Amo n g Shaw’ s phil
an derers, Pr ofessor Higgins, the confirmed bachelor, holds a
really
spe cial
p lace;
his
in vet
erate bac helo rhood (as
c ribable, in the play, to the mythological
inspiration –cf.
Ov id’s Py gma lion, t
h e ar t
ist
wh o gr
e w disgu sted wi t
h th e wo ma nkind )
can
mo re pro f
itably
b e
a naly zed in Freud ian t
erms : his ‘game s of inge nuit
y ’ (v. the section on
the ingenuous artist) have been protected by the maternal presence, his intellectual
occupation has evolved under this motherly aegis, which he has come to perceive as a
transh uma n principle;
fo r hi
m, t
h e
woma n ma y
h ave the
sig nifi
c ati
o n i
t h ad wi th
the an ci
ent
sculptor, if it springs out of his own creation, if it is structured in keeping with his own
sp i
ritual co ordina t
es. As a ‘ph i
land erer’, Hi ggings d o es
n ot b elong t
o the category of
the
‘activ e’
o nes, he is r
ath er a ‘passive’, t
he o r
ist
Ph iland erer
;
wi th
h i
m, ph il
an de ri
ng
is only a
way to keep awa y fr
o m wo me n :
“Oh ,
I c ant
b e both ered wi th yo ung wome n .
My i
d ea
o f
a
lovable woman is something as like you (i.e. Pickering!) as possible. I shall never get into
the wa y
o f
se r
io usly
likin g
yo ung
wo me n :
some h abi
t s
lie
to o de ep
to be c ha nge d”.
The Libertine ‘ in the spirit’:
Th e art
ist and t
he wo rk o f
art
–i.e. Higgins and his
creation of Eliza – li
ve separate li
ve s.
In Fa ct,
in ‘Pyg malion ’,
th e
forme r ‘
a utoma ton ’,
once
getting the awareness of her being a social being on an equal footing with those in the new
sphere she has entered, spiritually, cannot be self-reliant before the umbilical cord which
used to link her to her creator has been severed. This does not imply, on the other hand,
marriage –which does not, anyway, fit into the code of val u es specific
to t
h e professo r;
but
a
good, close relationship of fellowship / comradeship. The moral point of the play could be
summarized as follows: a new creation is only entitled to a new life if you allow it / her to
live as she chooses, in accordance with a certain code of personal values and action (or, at
least, an internalized code). As a confirmed bachelor –so, an approximation of the Shavian
philanderer –Higgins conceives any future relation / association with Eliza only in terms of
good, real fellowship –with the exclusion of any slavery of dependence. Higgins, the artist-
libertine, is a s ‘ unde mo c
ratic’ as h i
s ‘ spiri
tu al
f ather’, Sh aw; a c h aracter fo r wh om
democracy depends on equalizing the advantages of education –by wealth, of course –
means hardly anything if it is not accompanied by self-r e spect an d inde pen den ce of spir
it
;
Hi gg ins’s ‘
u nd emo cratic’,
spiri
tu al
li
b ertinism imp l
ies ,
in
a wa y, l
iving in
a kind of paradise:
a paradise of high spiritual values.
The good-for-nothing young man: Fr ank (i
n ‘ Mr s. Wa rren’ s Pro fessi
o n’) i
s an
a t
temp t
b y Sh a w t
o p rev ent
sy mp athetic conce rn r
a ther t
h an i
n t
erest in the sp ect
a t
o r
; by
doing this, Shaw was establishing an important Shavian type, adding to a shade of practical,
easy-g oi
n g cy nicism th e ‘enti
rely good-for-n oth i
n g’
descr i
p ti
o n; t
h e exe mp lificat
ion of
the
b asi
c tr
ait of
b eing a ma n of
‘agreea bly disrespec tf
ul ma nne r
s ’
, Sh aw d emo nstrates t
h at
he i
s
fo nd o f
“ al
tern at
e l
y imp uden t
an d wh inig
y oung men –all of them as destitute of hearts as
they are of ma nners,
a nd al
l of t
h em end owe d
wi th a n e
q ua l
me asure o f
c hilly
s ensua l
it
y”.
Th e sp ectator’s or t
he o ther
c haracters’
p o ssi
ble d i
sen chan ted vie w of suc h go od-for-nothing
y oun g me n (
in
o ur
ca se, Viv i
e’s att
itud e to Fran k)
d o
n ot
seem to con t
ra ve ne Sh aw’ splans
to delineate a likeable, although libertine, type of character.
373
As can be seen ,
in
sp it
e of th ei
r seemi ng dis
p ari
ty and h ete rogeneous ne
ss, Sh aw’ s
characters belong to the same generous group of life impersonations that ooze the truths of
social and human reality. Their artistic actuality is, one could say, all the more convincing to
the pu bli
c as the lat
ter kn ow th ese pe rs
o nae are dist
ingu i
sha bl
y “Sh avian
” –so not mere
puppets, but as ma ny drama tic “i ns t
rume nts ”,
ex pressing the a uth or’s (
Ibse ni
te) artistic
and ethical convictions.
BIBLIOGRAPHY
Bergonzi, Bernard. The Twentieth Century Literature. vol. II, London: Sphere Books Ltd., 1976
Blamires, Harry. A Short History of English Literature. London: Routledge, Clays Ltd., 1993
Ford, Boris. The Penguin History of English Literature (Vol. VII –The Modern Age). Great Britain:
Hazel Watson & Viney Ltd., 1994
Holroyd, Michael. Bernard Shaw. Vol. I: The Search for Love. London, Penguin Books, 1988, Vol. II:
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Vo l. I
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& Windus, 1991
Kelsall, Malcolm. Studying Drama. An Introduction. London, 1989
Morgan, Margery. The Shavian Playground. An Exploration of the Art of GBS. London: Methuen &
Co. Ltd., 1972
Shaw, George Bernard, The Complete Plays of G. B. Shaw. London: Oldhams Press Ltd., 1934.
374
“MAGI
CAL” CHARACTERS
IN LAWRENCE
DURRELL’
S
THE ALEXANDRIA QUARTET
375
find t hat i n ma ny my thic tradition s, they a re “ archetypa l
s ymbol s of f eminini t
y,
associated with the
lun ar cycle,
fertility,
long e vity, and rebi r
th”, bu t
also “con tr
adictor y,
paradoxical creatures: symbols of both cleverness and foolishness, of femininity and
an drogy ny , of cowa rdic e and c ou rage, of r ampa nt se xua l
it
y a nd v irgin a l
pu ri
ty .
”
According to some be li
e f
s ,
“Ha re is the me s sen ger of the Grea t
Godde ss ,
mov ing by
moon light be t
we en the hu ma n wor ld and th e re alm of t
h e god s.” Acc ordin g t
o oth ers,
“h e is a g od h i
ms elf”, a de cei
ve r
a n d a s ac red wor l
d c rea t
or at th e s ame time
(WINDLING, 2005).
The hare-l ip is the ma rk th at rules Na r ou z’s l
ife “like a da r
k st
a r”, since it i
s
the c
a use o f hi
s
utter
ug li
n ess
. “His up per l
ip wa s split l
it
e ral
ly from the spu r of t
h e
n ose
–as if by some terrific punch: it was a hare-lip which had not been caught up and basted
in time. It exposed the ends of a white tooth and ended in two little pink tongues of flesh
in t
he cen tre of his uppe r li
p whic h we re
alwa ys we t
” (DURRELL, 196 8: 252). Th e
hare-lip shades his splendid blue eyes and his dark curled hair, prevents him from
lau ghing pr ope r
ly (“He had a cu riou s hiss i
ng shy laug h wh i c
h he alwa ys poi nted
downwa rd into t
h e
grou nd to hi
de his li
p. ”, DURRELL, 1968: 252 ) an d cannot be
hidden by his moustache and beard, which only make things worse. In spite of this, all
his moveme nts conno t
e the sensa tion of “ ov erwh elming stre
ng th held r i
g idly un der
con t
rol” ( DURRELL, 1968: 253). Be sides hi s bl ue ey es, he h a s
a noth er c harmi ng
fea ture,
a spe ci
al voice, “de e
p and thril
ling” , whi c h “held some t hing of the ma gic of a
woma n’s c on tra
lto” (DURRELL, 1968: 2 53) , n one of the m ma na
gi ng h owe ver, to
counteract the effect of the hare-lip.
Because of it, he lives the life of a recluse, since he does not like to be seen by
strangers. He lives on the country estate of the family, Karm Abu Girg, taking care of its
lan ds, whi c h “ma rche d wi th t he f ri
ng e of t he de s
e rt
, g r
a du all
y e ating into i t
,
expropriating it year by year, spreading their squares of cultivation –carob and melon
and corn – and pumpi ng
ou t
th e
s alt whi ch poi son ed it
” (DURRELL, 1968: 251). He
takes care of the lands with as much devotion and competence as that with which his
brother watches over the banking house. Narouz loves Alexandria with the love of an
exile because he does not dare to visit it in broad daylight, only hovering about its
outskirts, on horseback and wearing his usual clothes, rarely by car and wearing a suit.
He does business through Nessim, whom he loves dearly. The feeling is mutual, though
the two brothers never express their feelings and become themselves only when they
talk about business.
His family is extremely important to him. He organizes the wedding party for
his brother and Justine, whom he loves automatically because of Nessim. But when he
considers that the honour of his family is in danger he does not hesitate to kill the one
whom he takes for his sister-in-law making advances to him. Of his two parents, he is
clos er t
o his
father,
(whi le Ne ssi
m is their
mot h er’s favou rit
e) wh ich is why h
e suff er
s
be cau se
of his mot her
’s
relati
on ship to youn g
Da vid Moun t
olive.
Na rouz’s great love is Cle a, bu t
h e doe s not h
a ve t
he courag e to confess hi
s
feelings, being afraid that she might reject him. Indeed, when he finally tells her, she is
appalled and does not even dare to come to see him when he is dying.
His brother ’s compl eme nt ary ,
Na r ou z i
s mor e primiti v
e than him,
be i
ng in
touch with the land and nature, but also with the Bedouins in the desert. He likes to
display his physical force and his skill, his latest hobby being that of catching birds and
animals with his whip. He can also tame horses. His favourite pastime is hunting.
But his truly exceptional qualities appear on two occasions: when he talks to
the Ma g zu b abou t
Jus t
ine ’s
los t
c h il
d and wh e n h e talks in front
of h is brothe r
’s
376
followers about the role the Copts have to play in the country. It is significant that on
each of the occasions, the two charming features that he has, his eyes and his voice, play
a special part.
The Magzub (The Inspired One) is a strange, mad and holy man, to whom the
little evidence f
oun d du ri
ng the inv estigati
on f
ollowin g t
he dis
a ppearance
of Justine ’s
daughter pointed. Still, he could not be accused because the police did not have enough
proofs. Nessim would like to help his wife find her child, and talks about his plans to
Narouz.
Wh en Ne ss im’ s ag en t
s ca nnot mak e t
h e
Ma g zub talk,
Na r
ouz off
ers t
o do it
himself.
He goes for the respective man during a hot rank summer night, on the second
day of the festivities of Sitna Mariam, a Christian Coptic saint celebrated by all
inhabitants of Alexandria, regardless of their religion. On this occasion, there is a fair, a
carnival, full of extraordinary creatures. Among these, the Magzub has a
“ pe rforma nce”, as he is a powe rful hy pnotist
. “The holy ma n stood i
n an
island of th e
fallen bodies of those he had hypnotized, some crawling about like scorpions, some
screaming or bleating like goats, some braying. From time to time he would leap upon
one of them uttering hideous screams and ride him across the ring, thrashing at his
buttocks like a maniac, and then suddenly turning, with the foam bursting from between
his teeth, he would dart into the crowd and pick upon some unfortunate victim,
sh out ing: ‘Are you moc king me ?’ and catching him by his nose
or an ear
or an arm,
drag him with superhuman force into the ring where with a sudden quick pass of his
ta lon s he wou l
d ‘k i
ll his l
igh t’
a nd h url hi
m down amo ng the
victims al
ready c rawl ing
about in the sand at his feet, to utter shrill cries for mercy which were snuffled out by
the braying and hooting of those already under his spell. One felt the power of his
pe r sona l
ity s
h ooti
ng ou t i
nt o the te nse crowd l
ike
spa r
ks from an a
nvil”
(DURRELL,
1968: 319-320 ).
Th e sc ene tak e
s
pl ace in the
da rkness,
not on l
y on “
the
ou t
skirts of th e
ligh t” of the res
t of the fair, but also in the shadow of some palm trees, which stresses
th e ide a
of obscurity . In t
h i
s
pl a
c e,
“ t
h e gaunt and te
rri
ble
figu r
e of the
famous
re l
ig i
ou s
maniac stood, shooting out the thunderbolts of hypnotic personality on to a fearful but
fascinated crowd” ( DURRELL, 1968: 319). Even a sheik falls victim to his
me s me ri
z i
ng eyes, de spi t
e th e
crowd’ s protest
s.
I t
is rema rk abl e that this “strange personag e of the da rknes
s” (DURRELL,
1968: 321), as Narouz sees him, is referred to in different ways, being, in turns, a
ma ni ac,
a fanati
c, bu t also a holy ma n or even a
saint
whe n
he i
s
“ in
his
hour”.
Narouz does not know how to deal with him and watches him for a while,
studying his movements as he might study those of an animal that he intends to hunt.
Indeed, the Magzub is compared to a whole menagerie and adopts at times an animal-
lik e be haviour,
falli
n g to his knee s and cr
awl i
ng .
He
wa lks “wi t
h the ea
ge r
ness
of a fox
th at is near
it
s
earth” an d turns
into a de ser
ted yard,
“slipping
to
a hole
in
the
mu d-brick
wa ll” (DURRELL, 1968: 321) . Du ri
ng the confrontati
on ,
Na r
ou z tr
eats
him a s if he
we re a cobra. “Wi th hi s ri
g ht ha nd h e drov e hi
s
da gger into the wood, pinn in g the
Ma gzu b’
s
arms t
o i
t through the long
s leeves
of his c
oa rse
g own ; with
his
lef
t h e seize d
the beard of the man, as one might seize a cobra above its hood to prevent it striking.
Lastly, instinctively, he thrust his face forward, spreading his split lip to the full, and
hissing (for deformity also confers magical powers in the East) in almost the form of an
obs cen e kiss
, as h e wh isper ed ‘O belov ed of the Proph et’
” (
DURRELL, 1968: 322) .
Then, when the Magzub is defeated, Narouz speaks to him and caresses him as if he
we re
“some belove d hun ti
ng-dog ” (DURRELL, 1968: 323).
377
Narouz is also compared to a dog: a gun-dog, while he follows the Magzub,
then, after the vision, he shakes himself like a dog.
The Ma g zub’s powe r i
s in his
ey es ,
theref ore Na rouz ha d dec i
de d not t
o l
ook
in them. When he does, however, in the confrontation, he sees that they are devoid of
any power now that the trance is gone, and is saddened by the observation, as the
“ fana t
i c” s
e ems to him now to be a dead ma n .
Na rouz asks him abou t
Ju s
tine’s chil
d
and the Magzub shows him what happened. He draws a circle in the dust and orders
Narouz to look into the breast of the earth, in a spot that he points. Narouz does look
a nd, th ough at t
h e be ginn i
ng he see s
noth ing ,
u nde r t
h e Ma gz ub’s guida nce learns t
o
perceive the house where Justine and her then husband used to live and the child
drown i ng in the ri
v er n earby . Th e scene s hows n ot on ly
th e
Ma g zub’s powe r s
of
ma king the others see, but al so Na r
ou z’
s c apa city of
see ing.
Not for one mome nt does
h e dou bt t
h e validity of t
he i
n f
or ma t
ion. Wh en he ri
ses to hi
s
fee t
, he feels “as if
an
electric curren t
we re disc harg ing through h i
s
loins a nd thighs ”
(DURRELL,
1968:
324) .
and realizes how afraid he was. He goes towards the fair lights trying to warm himself.
All the animals to whom they are compared, the cobra, the dog, and the fox,
have an ambivalent symbolism, being civilizing heroes or mythical forefathers, but also
messengers of hell, guiding the spirits of the dead towards the nether world. The hare
seems to better them all, however, as it appears from the scene when Narouz exposes
his lip.
The secon d time whe n Na rouz’s ext raordin ary qu a li
ti
e s
c ome t
o li
ght is
wh en
he is asked by his brother to talk about the Coptic history in front of a group of Copts.
Nessim claims that the purpose of the political movement that he is involved in is to
rally the Christian Egyptians, to strengthen religious and political ties among them.
Actually, as the British fear and will discover later, he is involved in arm smuggling to
Pa lestin e.
In orde r to lull
Pu rsewa rden’s sus picions abou t h is
activiti
e s,
Ne ssim i
nvites
him to a meeting of the group. The meeting takes place in a monastery in the desert on
Sitna Damiana. Narouz will speak for the first time, to about a hundred people gathered
in a crypt of the monastery.
The whole event is presented through Pursewarde n’s
eyes, in
a le
tter t
h at
he
writes to Mountolive.
Purs ewar den h as a low opin i
on on Na rouz , whom he calls “t
h e
troglody t
e wit
h
the gueule cassée, Na rou z
of the
brok en face ”,
a
“ black pe asan t
” or a “hirsute sa
v age”
(DURRELL, 1968: 485), though he is impressed with his physical strength and qualities
of a rider. He will be even more impressed with his capacity of preaching, all the more
so that in the beginning nothing had portended anything extraordinary.
Narouz appears in front of the people dressed in white and very pale. He is
tense and seems terrified. Nothing comes out of his mouth, until he invokes the divine
strength that the dervishes also invoke before falling into a trance. And then a sudden
c hang e occu rs
wi th him,
“a ll of a sudden i
t wa s
a s if
a n electric current had begun to
pour into his body, into his muscles, his loins. He relaxed his grip on himself and
slowly, pantingly began to speak, rolling those amazing eyes as if the power of speech
itself was half-involuntary and causing him physical pa in to suppor t
.” At the beginn i
ng
the performance is terrifying, and he articulates so badly that Pursewarden does not
understand anything. Then, gradually, his voice becomes more and more powerful and
v ibrate s “
in the can dle-light like a musical instrumen t
” (DURRELL,
1968: 490).
He is
spont an eou s: “I t
wa s cl
ear th at
h e h ad not hing prepa r
e d t
o s
ay –it was
not a speech, it was an invocation uttered extempore such as one has sometimes heard –
the brilliant spontaneous flight of drunkards, ballad singers, or those professional
378
mourners who follow burial processions with their shrieks of death-di v ining poetry.”
(DURRELL,
1968:
490) An d th e
effec
t is
ama zing :
“ Th e
powe r and the ten s
i on floode d
ou t of him into t
h e r
oom; all of us
we re
e l
ectrifi
e d, even my self whose Arabic was so
bad! The tone, the range and the bottled ferocity and tenderness his words conveyed hit
u s,
sen t
us s prawl ing. Lik e mu sic.
It
didn’t
seem to ma t
ter
whe ther we un ders t
ood them
or not. It does not even now. Indeed, it would have been impossible to paraphrase the
ma t
ter.” (DURRELL, 1968: 49 0)
Ag ain Narou z is c ompa r
ed to a dog ,
“ smi li
ng ” li
k e
on e. His v oi ce
“we nt
out auton omou sl
y ,
r
isi
ng to a roa r
,
sinking to a whi sper ,
trembl i
n g
and crooning and wailing. Suddenly snapping out words like chainshot, or rolling them
sof t
ly about like hone y.” (DURRELL, 1968: 490)
Ev er
ybody i
s
su rprised an d ca pt
ure d
by this new Narouz, but the most shocked is his brother, who listens to him trembling
and quite white.
He speaks for three quarters of an hour, then suddenly stops. He rushes out of
the place wi th a groa n, but lea ves
behind “a treme ndous s
il
e nce”, “ t
h e sil
e nce which
follows some great performance by an actor or orchestra –the germinal silence in which
you can hear the very seeds in the human psyche stirring, trying to move towards the
light of self-r e cogn it
ion .” (DURRELL,
1968: 491) Pu rs
ewa rden hims elf feels “deepl y
mov ed an d utterly exh aus t
ed” (DURRELL,
1968: 49 1) .
Nessim cannot believe his ears. He did not expect this of his brother, whom he
had asked only to talk about their history. He recognizes a preacher in Narouz, a great
religious leader and understands now why his brother spends so much time with old
Taor. This is the first of the very few mentions of the old woman, who is a saint living
in a tiny cave in the desert. She is famous for her cures that work wonders, but never
comes out of her place. Narouz shares dreams with her. They pray together and see each
oth er’s
v ision s,
an d he gets
re l
ig i
ous f
e r
vor fr
om the i
r
me et
ings. Ac tually, sh e
doe s not
appear as a character in its own right, being only present in several discussions that the
other characters (especially Nessim and Narouz) have about her.
Wh en Na rou z’s t
ran ce e
nds,
h e st
art
s sobbi ng
li
k e
a
wounde d c ame l. But the
next day he is again completely himself.
Th is “perfor ma nce” ,
that
is lat
er repe ated, c
hang e
s Na rou z compl etely. He
becomes more authoritative, even towards his older brother, whom he no longer listens
to. Ne ssim rea li
ze s
th at
hi s
br other s
ees the
wor ld “a s
a pulse beatin g
withi n a greater
wi ll
wh i
c h on l
y t
h e poe tr
y of the psalms cou ld inv oke and bo dy fort
h ” (DURRELL,
1968: 578-579). He sees Narouz as a potential religious leader, but whose time has not
come yet. Therefore, he has to die. He is killed on a winter day in Karm Abu Girg, his
beloved property. As his death is desired by many (by the Copts, by his brother, by the
British and by the Egyptian government), we are left with a mystery regarding his
murderer.
It is interesting the way in which he isolates himself once the trances offer him
more and more self-assurance. On the day of his death he is alone on the estate, feeling
like an anchorite, distant from everything and everybody, even from Clea.
As we can notice, the three characters fit into the description offered at the
beginning, being difficult to reach and feared, and displaying certain powers that not
everybody possesses. The only characteristic that they do not have is the last, or at least
we are not told about any interdiction that they are subjected to. Narouz seems to be the
most powerful of them, though he looks for the help of and is influenced by the other
two.
379
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380
THE EMERGENCE OF THE ARCHAIC WITH WILLIAM
GOLDING
Paula PÎRVU
Abstract: The return to primitive forms of life reveals not only the eternal repetition,
the perfect cycle of human existence, but also the underlying savage side existent in all of us. In
Gol ding’s Lor d of the
Flies, this
may
be summarized as the battle between the civilizing instinct
and the barbarizing instinct. The author expresses his idea regarding the dual nature of man, one
trying to obey rules, behave morally and act lawfully and the other dominated by the impulse to
gain br ute powe r ov er
other s,
act sel
fi
s hly,
be have in a
way that will
gr at
if
y one’s de sires and
despise moral rules.
Wi lli
am Gol ding’s mos t
famou s
n ov el
Lord of the Flies (1954) is a purposive
attempt to bring R. M. Ballant yn e’
s Coral Island up to date, to dig deeper than the latter
into the recesses of the human heart, to survey into the unfathomable psyche of man to
prove, as he himself wrote in his volume of essays The Hot Gates ( 1965) , t
h at
“ma n
produces evil as a bee pr odu ces hon ey” (GOLDI NG,
19 65:87).
Each novel by Golding is a self-generating piece of work that apparently
develops by itself because every novel develops first of all inside the author's mind and
fuels itself from within. As Golding himself noticed, his nov els “ha ve very lit
tl
e gen esi
s
ou tsi
de my sel
f” (BILES, 1972: 29). He s tated on va ri
ou s oc c
a sions tha t
th e ma in
sources of inspiration for his novels were his war and teaching experiences, best
recognizable in Lord of the Flies –and his hobbies: Greek literature and history in
particular, archaeology, sailing, journeys.
To begin wi th,
we sh ould n ot ign ore t he s ocial c onte xt,
“ t
he sy st
e ma ti
c
destruction of the Jewish race, a world war revealing unnumbered atrocities of what
man had done to man, and in 1945 the mushroom cloud of the atomic bomb which has
come to domi nate
all
pol i
tical
a nd mor a l
think i
n g”(GREGOR, KINKEAD-WEEKES,
1962: 4). On the island, the boys were playing out what was happening in the real
world. Through a number of symbolic characters, Golding expresses his idea regarding
the dual nature of man, one trying to obey rules, behave morally and act lawfully and
the other dominated by the impulse to gain brute power over others, act selfishly,
be hav e in a wa y
that
wi ll
gratif
y one’s desire s
and despise moral rules.
This may be summarized as the battle between the civilizing instinct and the
barbarizing instinct. “Th e boy s’ divis
ion i
n to t
ribes, their
n ightma re s,
thei
r taboos , thei
r
retreat behind the mask of paint, their final capitulation to the ritual of hunting that they
have evolved - these retrogressive steps towards barbarism owe something to the
modern study of primitive peoples, but a great deal more to the vivid factualness of both
the boy s a nd the plac e they f ind th ems e l
v es in” (BERGONZI, 1970: 263). The
transfor ma tion come s g r
adu all
y : i
t begins with the boy s’ de huma niza t
ion, i
t con ti
n ues
with their games and it ends with death.
381
Th e ov eral
l
picture
of
ma n’ s nature wh ic
h e me rg es f
rom the
nove l
is t
h at
the
return to the state of nature, the escape into primitivism, leads only to the unleashing of
brutality, greed for power, sadism in the most naked and brutal forms, to the horror of
riotous and deadly midnight dances and human heads stuck on poles. It gives an
appalling view of human condition. There is no rescue and the ending of the novel is
anything but happy.
Nevertheless, Mircea Eliade asserted that the revert to the archaic state is not a
regression to the animalic stage of humanity, but a reintegration in the paradisiacal
phase of the primordial man (ELIADE, 1994: 88). In Lord of the Flies, as a physical
topos, t
h e
boy s’ is l
and i
s a tr
opi cal on e, outsi
de
th e ci
rc uit of the
kn own wor l
d. Th e r
e i
s,
therefore, a sort of geographic exotism. As a figural topos, it is a tropicalized island, that
is, etymologically, distorted. An upside-down tale. Torn from the whole, the marooned
boy s’
island is n ot onl
y a pla ce of phy sical i
sola tion ca use d by n a
t u
r a
l phen ome n a, bu t
it can also be viewed as a utopian space, the picture of perfection, that paradisiacal stage
of humanity. But enframing the beautiful, the good and the truth in reality brings down
the utopia to an eutopia ( “bea ut
iful pla ce ”
) wh i
c h is
to be reac hed t
h rough huma n eff or
t.
The conscious fall can lower even more the horizon of the alternative world which is the
island. Therefore, what we get is a dystopia in which the open eye in reality, the island,
offers the view of hell on earth, the substitute of terrestrial paradise which is the tale.
When the boys realize they are on a deserted island without any adults, they
are ecstatic and treat life as a game. They have feasts, build a large fire and make up
ru les by whic h to govern t
he isl
a nd. To them, this
is n ot surv i
v al,
but a g
a me . “I
n
ecstasy, you don’ t
win any kind of ex plicit
certitude or a definite knowledge, but the
feeling of an essential participation is so intense that it surpasses all the limits of
k nowl edg e… an d you gain purification ,
but in a dif ferent wa y
,” s
a ys Emi l Ci or an
(1993: 41- 42). In Lord of the Flies, the protag oni st’
s knowl edg e,
Ra lph’s
, come s wi th
his loss of innocence. He is the only one who has gained maturity. As he tries to escape
the vengeance of the hunters, lying there in the darkness, he realizes he is an outcast
and rationalizes this by verbally saying to himself: Cause I had some sense. At this
point of the novel, Ralph has accomplished the mighty task of becoming an adult and
furthermore, will never have a childhood similar to the one he had before: Ralph wept
for the end of the innocence, the darknes s
of
man’ s
hear t,
and the
fall
through t
he ai r
of
the true, wise friend called Piggy.
As regards the game, Johan Huizinga explained it in his work Homo Ludens.
Th e Du tch histor ia
n
believes
tha t
in its e
ar l
y stag es,
c hildr en’s play has no cu lt
u ra l
or
moral func t
ion ; it is
simpl y “a steppi ng out of real life i
nto a tempor ary sph ere of
a cti
v it
y”
(ROSENFI ELD, 1961: 3-4). The children who think they are only pretending
are not aware that these games represent the foundation of a new society which has
regressed to a primitive state. The games have a double function: they reflect the
c hild’s at
titude a s a t
empor ary suspe ns i
on of
the activities impos ed by the
a dult wor l
d.
On the other hand, similarly to the games played before the formation of civilization,
they anticipate the ritual which reveals a developing society.
Some of the rituals involve fire, hunting, dance, totems and choir. The novel
g ives surer indica ti
on
of the author ’s
s us t
ained con c
ern wi th mor al a
llegory than i
t doe s
of his subsequent experiments with fictional form. Some of these elements make us
th ink abou t t
h e a ncien
t tragedy du e t
o the author ’s st
u die s of an c
ien t
Gr e
e k langu a ge,
civilization and culture during the years he spent at Oxford.
The tragedy has in its structure the choral songs and dialogized or narrative
episodes. The Greek chorus represented on stage the general population of the
382
particular story, in contrast with many of the themes of the ancient Greek plays which
tended to be about individual heroes, gods. The chorus expressed to the audience what
the main characters could not say, such as their hidden fears or secrets. It often provided
other characters with the insight they needed. It usually communicated in song form, but
sometimes spoke their lines in unison to help explain the play. To do this, they used
techniques such as synchronization, echo, ripple, physical theatre and the use of masks
in their help.
In Lord of the Flies the chorus is represented by the hunters (Jack, Roger
Maurice, Bill and later on Sam and Eric). The author himself calls them the choir. As
hunters they have a ritual, a procession: some boys wear black caps, they dance, and
they have a chant (Kill the pig. Cut her throat. Spill her blood). Chevalier and
Gheerbrant say that such a procession seems to be determined by the idea that man is
taken for an animal –the animalist feature is now part of a few children. Figuratively,
there is an oxymoron here, as children are supposed to signify innocence. They hide
entirely behind the masks. After the first successful pig hunt, the hunters re-enact it in a
ritual dance, using a boy as a stand-in for the doomed pigs. This time, however, they get
ca rri
e d awa y
by
a kind of “fren zy” and come close t
o a
ctually k il
li
n g h im.
In the same
scene, Jack jokes that if they do not kill a pig next time, they can kill a littlun in its
pl ace. Th e repe at
e d su bs t
itu t
ion
of boy for pig in t
he chi
ldre n’s rit
u al game s,
a
n d in
their conversation, calls to the fact that the boys, concerned only with their own desires,
have become unable to see each other as anything more than objects subject to their
individual wills. Once they start to paint themselves, their individuality becomes lost
again in the same kind of group frenzy, inside of a circle that symbolizes no hope. The
g roup’ s chan t
be comes a repeated refrain which seems to have a sort of mesmerizing
effect on all involved. It is through repetition that Jack controls, almost hypnotizing the
boys:
‘Pe rhaps
it’s wai ting—‘
‘Hunt ing—‘
‘Yes ,
hunt ing.’
‘Hunt ing,’ said Jac k.
(1962:181)
or by orders:
‘We ’
re goi ng to
for get
the beas t
.’
‘That ’s
right !
’
‘Yes !’
‘For get t
he
beas t!’(1962:191)
Cla ire
Ros enfie l
d de s c
ribes t he pr og r
ession of t he hu nte r
s’ da nces i n
ps ych ologica l
terms : “Ea ch t
ime t
h e
y reenact the same
eve nt; their be havi
or
be come s
more crue l,
l e
ss repr e
se nta ti
on t
ha n
iden ti
ficati
on ” (
ROSENFI ELD, 1970: 17).
Th is episode i
s on ly a dramatization,
bu t t
he boys’ col lect
ive impu l
s e
towa rds
compl ete sav agery grows strong er
. I
t is a consta nt
batt
le betwe en “pr imit
ive
leve l
s of
response and deceptive con sciousness, the bea st a
nd t
he h uma n” (SHAPI RO, 1965:
36). Jack, the above-mentioned character, can be considered the brain located in the
u ncon scious mind that
“ refle ct
s unorga nized, i
ns t
inctual
impu lse s.
If
un bri
dled,
it
s eeks
immediate gratification of primi ti
ve needs ”
(ATKI NSON et
al.,
19 87: 7 5).
Among these needs: to survive, to light a fire, to keep it burning. It is
Prometheus –Piggy in the novel –who brings the fire on the island.
‘The re was
pus hing and
pulling and offic
ious cries. Ral ph moved the lenses
back and forth, this way and that, till a glossy white image of the declining sun lay on a
piece of rotten wood. Almost at once a thin trickle of smoke rose up and made him
383
cough. Jack knelt too and blew gently, so that the smoke drifted away, thickening, and a
tiny flame appeared. The flame, nearly invisible at first in that bright sunlight,
enveloped a small twig, grew, was enriched with color and reached up to a branch
which exploded with a sharp crack. The flame flapped higher and the boys broke into a
c heer.’
(1962: 56)
Claire
Ros enf i
eld be li
eves that
“on
a symbol ic lev el
, Piggy
re presen t
s
the
light
of reason and the authority of the father on the psychological and literal men, even the
mos t rationa l
or
c iviliz
e d” (1970: 2). The fire is one of the few common things for
which the boys fight together.
With the conch, Piggy also gave the boys the right to speak. It is a powerful
symbol of civilization and order. Before being murdered, Piggy talked to the hunters,
reminding of ancient orators ; he
repr esent
s the cl
e ar
thinke r,
offe r
ing t
h e boy s to
choos e
between good and bad, as God gave us this opportunity.
‘Whi ch i
s better—to be a pack of painted Indians like you are, or to be
sensible li
k e Ralph is?’
A great clamor rose among the savages. Piggy shouted again.
‘Whi ch i
s better—to have rules
and agr ee,
o r
to hunt
a nd ki
ll?’ (1962: 259)
But as the island civilization erodes and the boys descend into savagery, the
conch shell loses its power and influence among them. The boulder that Roger rolls
onto Piggy also crushes the conch shell, signifying the demise of the civilized instinct
a mong
almos t al
l the boy s on t
he island. After being mu r dered, the sea t
a kes Piggy ’
s
body as if to make sure that the hunters will not laugh at him again. It is the symbol of
sacrifices offered to the gods.
The fact that the author is always careful about reminding his readers that the
characters are children is what makes this book open to interpretations. We believe that
no matter how many interpretations this novel wi ll
have , i
t will
“s ti
ll
be a bout the
ambiguity of human nature, the tug of primitivism, the presence of evil, the
forml essn ess of
ex pe r
ien ce,
the unce r
taint
y
of prog r
e s
s; but mor e
than ev er t
h ey su
gg est
the value of quest, creativity, order and aspiration, however strangely founded in
h uma n i
ty these
thing s
ma y
be ”
(BRADBURY, 1994:
328) .
BIBLIOGRAPHY
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1987
Bergonzi, Bernard. The Twentieth Century Sphere of Literature in the English Language. Vol.
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London: Faber and Faber, 1962
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Babb, Howard. The Novels of William Golding. Ohio: University Press 1970
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***Literary Sources and William Golding. South Atlantic Bulletin, vol. 37, no. 2, May, 1972
(Biles, J. I., ed.)
384
FROM 19th CENTURY PROPAGANDA BY THE DEED TO 20th
CENTURY (I M)MEDIATION:
JOSEPH CONRAD’S
THE SECRET
AGENT AND DON DELILLO’
S MAO II
University o
Abstract: The present paper is intended to comment on the relation between terrorist
violence and the mass media in various temporal segments of human experience. The starting
premise is represented by the hypothesis of a symbiosis between the two elements, which has long
been one of the essential principles in the field of terrorology. The focus will first be laid on the
forms the respective relation assumed at the end of the nineteenth century and on the manner in
which literature recorded this relation. The second part of the paper will dwell on the
(im)mediating function of the mass media in relation to 20 th century terrorist violence.
Introduction
Leaving aside the common interpretations of the term that focus on its
physicality, terrorist violence can also be defined as a strategy usually calculated to
function as a violent means of communicating a message - the “te r
rorism is theatr
e”
metaphor, stated by Brian Jenkins in his se mi nal
1974 essay ,
e xplains h ow “terr
oris
t
attacks are often carefully choreographed to attract the attention of the electronic media
an d the internati
on al pres s” (qtd. in
SCHMI D,
1982: 108) .
In t
h is regard, the f
ield
of
terrorology has recorded numerous attempts to link the two phenomena together, i.e. the
ma ss
me dia an d
terrorist violenc e;
in
fact,
it i
s precisely t
h e
powe r
of
the ma ss
me dia
to
move marginalised individuals and messages into the spotlight that has allowed for the
alliance between the two ever since the emergence of systematic forms of terrorism, i.e.
from the 19th century. It is also the media intervention factor that differentiates between
the past manifestations of terrorist violence (modern terrorism, or old terrorism as
exemplified by the nineteenth century propaganda by the deed philosophy of action)
and contemporary hypostases of the same phenomenon (postmodern terrorism, or new
terrorism - centred on staging a convincing and traumatizing spectacle of violence
meant to capture and fascinate public imagination).
Pr
opaganda
by
the
De
ed
in
Jos
eph
Conr
ad’
s
The Secret Agent
385
Ac c ording to t he ‘ Au thor’
s Pr ef
a ce’ pu blish ed in 1920, TSA was inspired by the
“already old story” (Author’ s
Note, 1984: 39) of the Greenwich bombing and the
“criminal futility” (Aut hor’s
Not e
, 1984: 39) of anarchist terror, whose attractiveness to
an art
is t
ic cons ci
ous n ess s
uc h as
tha t
of
Con rad’s came “in the shape of a few words
uttered by a friend in a casual conversation about anarchism or rather anarchist
activities” (Aut hor’s Note, 1984: 39). The real-life casual conversation that Conrad
mentions in the Preface leads to the shaping of a fictional plot of undeniable
complexity: Adolf Verloc, a secret agent/agent provocateur working for a foreign
government (represented by Mr. Vladimir) in London, is ordered to plan and execute a
terrorist act t
h at wou l
d appa re
ntly bear the an archis
t labe l;
the init
iat
ive f
a i
ls an d the
development of the plot brings about the death of both the physical and moral
perpetrator of the act.
Even though the novel as such is populated by anarchists, whose constant
meditating (but not taking action) on the social edifice of the day might contribute to the
association between them and the violent event, the true propagandist of the novel, the
engine of terrorist violence, is the foreign embassy official, Mr. Vladimir, who
articulates his ideas about the use of terrorist violence in a discourse that may be very
we ll de scri
be d a
s
‘ t
h e phil
os ophy of the bomb’ : “‘A s eri
es of outr
ages’, Mr
Vl adimir
continued, calml y,
‘execute d
he re
in this
count ry; not onl y
pl
anned
here
- that would not do –they
would not mind. Your friends could set half the Continent on fire without influencing the public
opinion here in favour of a universal repressive legislation’
”
(TSA, 1984: 65).
From the passionate discourse of violence and apology of the bomb that he is
going to deliver in front of the somewhat disoriented agent provocateur, it is obvious
that Mr. Vladimir has a concrete scheme in mind. He starts from denying the
“s anguinary ”(TSA, 1984: 65) dimension of the event: the point is not killing people to
promote an idea, but rather to perform an act of pure violence out of the need to
stimulate the vigilance of the authorities and to strengthen their power in front of the
soc ia
l ferme ntati
on of the
time .
Let’s not forget t
h at
the dialogue
takes plac e i
n a time
when political assassinations were the marker of an age when violence was thought to
resolve the most ardent issues. It is in such a context that Mr. Vladimir draws the
attention of Verloc as to the normalization of the phenomenon, brought about by its
very liquidity at that time and boundaries crossing, and asks the latter to think of the
necessary un i
qu enes s of t
he act
he is t
o per
form. In the s
pecific per
iod of Con ra d’s
writing the novel, the assassination of political figures was commonplace and, even
though the action might possess a sensational ingredient in some way, “it has entered into
the general
conception of the
exist
ence of all
chief
s
of
st
ate.
I
t’
s a
lmost
convent
ional
- especially
since so many presidents have been assassinated”
(TSA, 1
984: 66)
.
Vl a
dimi r
’s
f ear of th e
pu bl
ic’
s misinterpreti
ng the ev e
n t
en ters t
he scene whe n he de parts from the political
crime against public personalities and approaches the sphere of religion - however
important and legitimacy provider religion might be, it is still inadequate as a target for
an event of great dimensions that Vladimir wants to happen: “ Now let us take an outrage
upon - say, a church. Horrible enough at first sight, no doubt, and yet not so effective as a person
of an ordinary mind might think. No matter how revolutionary and anarchist in inception, there
would be fools enough to give such an outrage the character of a religious manifestation. And
that wo ul
d de t
ract
from t
he especial
alar mi ng s
ig nif
icance we wi sh to give to the ac t”(TSA,
1984: 67). The success of any violent attempt is inevitably linked to its surpassing the
limits of normal interpretation, of shocking and traumatising: “
A murderous attempt on a
restaurant or a theatre would suffer in the same way from the suggestion of non-pol
it
ical
pas
sio
n;
the exaspe rati
o n of a hungry man, an ac t
of
social revenge ” (TSA, 1984: 66). Sources of
386
terroristic inedit are exhausted: “
All
t
his
is
us
ed
up;
i
t
is
no
lon
ger
ins
truc
tiv
e as
an
obj
ect
lesson in revolutionary anarchism. Every newspaper has ready-made phrases to explain such
mani fest
ations away ”(TSA, 1984: 66). Vl adimir’s st
ateme n t
shows
his sensitivity to the
power of the journalistic discourse in the interpretation of terrorist violence, which, in
turn, indicates the link established between terrorism and the mass media at that time.
The instances of violence to which he has previously referred are a common fact in
pe ople’s li
v es,
t
he refore the ma ss me di
a has clichéd phrases an d structures to
ex plain
and represent them to the public opinion. The shocking potential is therefore annihilated
by the common occurrence of such events, and by the conventional filter of the mass
media.
By contrast with the standardization of terrorist discourse, Vladimir
conceptualizes his philosophy of the bomb, in such a way as to attract the highest
attention possible: a terrorist event must be purely destructive: “A bomb outrage to have
any influence on public opinion now must go beyond the intention of vengeance or terrorism.
It must be purely destructive. It must be that, and only that, beyond the faintest suspicion of any
ot he
r ob ject”. Thus, at the direct order of a foreign state, anarchists should plan and
execute a purely destructive terrorist act that is meant to “ make a clean sweep of the whole
social creation” on British soil: “You anarchists should make it clear that you are perfectly
determined to make a clean sweep of the whole social creation (TSA, 1984: 66). The following
par t
of Vl adimir’
s dis course i
s c
on ce ntra t
e d on t
he
purely symbol ic or expr es sive side
of terrorism: what he wants Verloc to plan and execute is a purely destructive act, with
no ot her meaning bu t violenc e
it
s elf;
the re is no n
e e
d f
or
de st
ruction t
ra nsla t
e d into
huma n de aths,
since the ac t would not be i
n t
e nded as a “mere butchery” ,
pe rhaps
because, as he states further, murder itself has become something of a commonality in
those times: “Madness alone is truly terrifying, inasmuch as you cannot placate it either by
threats, persuasion, or br i
be s. (…) But I wo uld n’
t e
xpe ct
fr
om a butcher
y the result I wa nt
.
Murder is always with us. It is almost an institution. The demonstration must be against learning
- science. But not every science will do. The attack must have all the shocking senselessness of
gratuitous blasphemy. Since bombs are your means of expression, it would be really telling if one
could throw a bomb into pure mathematics .
(…) What do you
thi
nk
of
having a go at
astro nomy ?”
(TSA, 1984: 67). Confronted with a terrorist attack against astronomy, the mass media
would definitely encounter difficulties in trying to interpret and represent the event to
the public opinion in those ready-made phrases that Vladimir tries to escape, since it
would be hard to deprive the event of its uniqueness through more profane
explanations/justifications: “
defy the ingenuity of journalists to persuade their public that any
given member of the proletariat can have a personal grievance against astronomy. Starvation
”(TSA, 1984: 68). Moreover, the target being the
itself could hardly be dragged in there--eh?
Greenwich Observatory, the event would present the major advantage of gaining global
dimensions: “ The whole civilized world has heard of Greenwich. The very bootblacks in the
basement of Charing Cross Station know something of it. See?”(TSA, 1984: 69).
Th e philosophy of t
he ‘
prop agan da by t he deed’ r
e sonates th r
ough out The
Secret Agent not only at the theoretical level (the anarchist cell constantly addresses the
issue in their meetings, and Vladimir creates an entire apology of the theory), but at the
level of genuine action as well. The novel includes such a sample of propagandist
intervention against the British state of the time that, soon after its actual occurrence,
turns i
n to f
r ont
p age n ews wh i
ch is “yelled” by a “newspaper boy” (TSA, 1984: 89)
under the noses of the passers-by .
Th ough essen tia l
to t
he unde r
standi ng of Con r
a d’s
attitude towards terrorism, being the event from which the plot lines actually evolve, the
explosion is something that is first seen via newspaper headlines, from the outside, and
only after viewed from the interior psychology of the act. It is never narrated directly, so
387
tha t
th e reade r is
as ignorant of eve nt
s
a s
t he ‘a ctors’ involved in the performa n ce
themselves. The place ascribed to the explosion itself in the narrative of the novel is at
least interesting. The reader is hardly prepared for it at all. Having discovered that it has
happened, one is drawn to discover the inner mechanisms of the event. It is only after its
actual happening that we are offered the opportunity to decipher the mystery by
separating from the web of significances and following the aut horit
ies’ trajec tory
throug h out the d ay
. Th is
mi gh t
be a conseque nce of Con rad’
s ir
on i
c al
t
reatme nt of his
con tempor aries’ depe nde n
c e on t he c onstr
u cted di scou rse
of te rr
orist
v iolenc e as
represented by the mass media accounts of the time. The mass media of his time may be
taken to be responsible for constructing a certain image of terrorism, for introducing it
to the public culture in a way that they willed. This would be the conclusion encouraged
by the fact that the mass media built their discourse of the Greenwich bomb outrage
around false premises that led to the false conclusion (not sustained scientifically) that
the work belonged to the realm of anarchism.
388
ph otog raphy , with the forme r un dou bte
dly pos s
e s
sing a lar
g er ‘i
mme diating’ powe r
tha n t
h e latt
er. As already me n t
ion e d,
the
nov el’s
ope ni
n g pages
de pi
ct a Moonie mass
we dding ceremony ; one of the pa rti
c i
pa n
ts
is
Ka r
e n
Jann ey,
a y oung
woma n wh o later
moves with Bill and Scott and whose mother, Maureen, reacts to and internalizes the
ma ss ev ent i
n a wa y t
h at expos es th
e n
ov elist’s
treatme nt
of the media i
nfluence on
human lives. In analysing the crowd of parents and relatives who had gathered to
wi tness th e
ev ent, Ma uree n feels tha t
the
othe r people wer e
“city nomads more strange
to her than the herdsmen in the Sahel, who at least turn up on the documentary
channel” (Mao II, 1991: 4). Normal, flesh and blood people seem strange to Maureen,
even stranger than such exotic characters as the Sahel herdsmen, for the single reason
that they have never been on television, whereas the latter were familiar to the woman
from the documentary channel.
It
is but inev i
table to dra w the
conclus ion t
ha t
De Lil
lo’s
treat
me nt of
televis i
on
grants it the power to shape identities and reconfigure the selves. DeLillo illustrates this
idea with two examples: that of Karen Janney and, s econdly , t
ha t
of Abu Rash id’s
terrorists. As shown throughout the novel, Karen is very sensitive to televised images:
“She took it all in, she believed it all” (Mao II, 1991: 119). Mao II presents many scenes
of Kare n’s wa t
c hing t
elevision ;
pa rtic
u l
arl
y, she watches images of mass crowds, a fact
that points to her desire to merge with a crowd, which, in its turn, symbolises a crisis in
the notion of individual selfhood. She simply lacks any mechanism of defence or
emotional distance, and this is the reason why she is so fascinated by what she sees. The
strongest effect on her is provoked by the event and the television footage of the death
of the Ayatollah Khomeini. She had learnt of this event from a news billboard on the
huge Times Square, but she had failed to learn the identity of that important person. In
front of the TV set, Karen suddenly “knew who had been buried in the news of the day”(Mao
II, 199 1: 187 ),
wh ich ma k es
h er a n authentic me mbe r of Ma rs hal
l Mc Luh an’s globa l
village: television has connected her to all other human beings, in this particular case
the Iranian nation. She is simply overwhelmed by the images and she is completely
involved in the event, so involved that she imagines she can: “ go backwards into their
lives, see them coming out of their houses and shanties, streams of people, then go backwards
even further, sleeping in their beds, hearing the morning call to prayer, coming out of their
houses and meeting in some dusty square to march out of the slums together”(Mao II, 1991:
188).
Te levised i ma g es hav e pe netra
ted into th e te
rror i
st
s’ den a s we ll. In this
restricted space of terrorist identity, the scenes of watching videos of the civil war in
Beirut occur with frequency. The explanation for this lies in the fact that the terrorists
want to see themselves “ i
n t
h eir scuff
ed khak
is,
the v
ivid
street
wise t
roop ,
that’
s us,
fi
ring
nervous busts at the militia down the block”(Mao II, 1991: 109). Watching the videos is not
a s i
mpl e
a nd me a ni
ng les s
act; the act
ion hel
ps t
hem re
conf igu
re their identity. Their
desire to see themselves act on the screen is triggered by their wish to see themselves
aestheticised by the medium instruments. The moving images serve a twofold purpose:
to glorify them and at the same time to justify their actions. Taken in this context, it is
obvious that DeLillo also adhered to the tradition of constructing the terrorist identity
through its recourse to media and mediatic representation of their deeds. In this novel,
the terrorist is some kind of a media creature, who depends on the media and the
attention it gets from it. The initiative of permanently re-watching videos of themselves
performing acts of violence serves to reduce their personality to images of violence and
hence to annihilate their older selves.
389
Te levisi
on i
s
n ot
th e
sole me dium empl oy ed t
o reach t
h i
s
objective ;
due to
the
effects it has on private life as well as social life, photography assumes great importance
in this context as well. The principal means of introducing such a theme is the
photographer Brita Nilsson, who is assigned the task of taking photographs of the
reclusiv e Bi l
l Gra y.
Du ring her
con versati
on wi th Bill
’s as
sist
a nt
,
Brita con fess
es that
,
formerly, she used to photograph human suffering, but she gave it up when noticing that
the camera has the effect of aestheticising the content of the picture: “…af ter years
of
thi
s
I began to think this was somehow, strangely –not valid. No matter what I shot, how much
horror, reality, misery, ruined bodies, bloody faces, it was all so fucking pretty in the end”(Mao
II, 1991: 24-25).
Bil
l’
s i
nit
ial
de c
ision
to rece ive Br i
ta and a l
low her
t
o t
ake his
pi c
ture
strengthe ns
De Lil
lo’
s cons
tant preoccupation with t
he r
epr oduc ti
on and circu la
tion of
media images as commodities. As Gray puts it during the interview with Brita: “
The r
e’s
the
lif
e and there’
s t
he
c onsume r event… Nothing
happe ns until
it
’s consume d…Nat ure
has giv en
way to aura. A man cuts himself shaving and someone is signed up to write the biography of the
cut”(Mao II, 1991:44-45). The r eferen ces t
o Andy Wa r
hol’s wor k ( t
h e tit
le of t
he n ov el
wa s prov i
de d by Wa rh
ol’s line dr awin g, Mao II, h eld in Ne w Yor k’s Mu seum of
Modern Art) contribute to the development of this theme throughout the novel. In
Mor an’s wor ds,
“th e purpose ly flatt
en ed s
tyle of
Wa rhol ’s sil
k -scr
een pr i
n ts (…) part
ly
s erves t
o de mon strate,
as one criti
c
puts it,
‘h ow fame i
s trans f
or med into a de a th ma s
k ,
how a portrait can freeze the mind behind the fa ce’”
(MORAN, 2000:139).
The tensions involved in the creation and the proliferation of mechanically and
electronically reproduced images in twentieth century society do not affect Bill: he
doe s
n ot celebrate ima ge omn ipresenc e, nor doe s he bl ame i
t; h
e j
u st
tak e s i
t a
s a
n orma l conse quenc e
of
ou r
s oc iet
y ’s
de pe nde nce on
inf ormation technology. Bill Gray
says: “In a mosque, no images. In our world, we sleep and eat the image and pray to it and wear
it too”(Mao II, 1991: 37). Thus, more restrictive cultures are reluctant to the image,
whereas democratic systems allow themselves to be dominated by it.
De Lill
o’s n ovelist
fr om Mao II is camera-shy. “ The image world is corrupt, here
is a man who hides his face”(Mao II, 1991: 36). He decides to isolate himself from the
world and constantly fears that paparazzi are hunting him and trying to expose him.
When he finally allows somebody to take his picture, he does it in front of someone
who specialised in taking pictures of writers (the journalist describes her work as a
“ species count” (Mao II, 1991: 26) of writers). At that moment, he says: “ We ’re
doi
ng
thi
s to cr eat
e a kind of senti
me ntal
past for
peop l
e in t
he decades to
come .
I
t’s
their
past
, t
heir
hist
or y we ’r
e reinventing he r
e. And it’
s n ot
how I
look now t
hat matte
rs.
It’
s how I’l
l
look in
twenty-five years as clothing and faces change, as photographs change”(Mao II, 1991: 42).
Gr ay ’
ide a is tha
t th i
s particular
picture wi ll
be come mor e
semanticall
y charged a nd
efficient in transmitting an idea once he is dead. A photograph of him is equivalent to
offering an image of the author t o the pe ople who, in Brit
a’s
view, be l
ieve t
h at
“a
wr iter’
s face is t
he surf
ac e of
his wor k” (Mao II, 1991: 26), that a photograph of the
wr iter’
s fa c
e i
s a
clu e t
o the my st
ery of his soul.
Sus an Son ta
g st
ated t
hat a
photogra ph
is a means of knowing the pa st
: “But wha t
ph otog r
a phy s
u ppli
es
is
n ot
only a
record of
the past bu t a new way of dealing wi t
h the present” (EVANS, HALL, 1999: 87).
Photographs do not only affect the past, but the present too.
The second illustration of the manner in which the media can destroy
individu al
ident i
ty
is
relat
ed to Abu Ra shid’
s gr oup of ter
rorists.
Af ter hav i
ng given up
the project of photographing writers, Brita accepts a task of taking photographs of a
terrorist leader, Abu Rashid, in Beirut. Being driven to an old factory in a backyard that
390
serves as the t
errorists’
den she sees “ two hooded boys standing watch on the stairs with
photographs of a gray-haired man pinned to their shirts”(Mao II, 1991:231). The image is
that of Rashid, their leader, the man whom Brita is suppos ed to ph ot ograph .
“ In
defiance of the modernist aesthetic and political values of originality, he insists, with
much poignancy, through his interpreter, that his replicated image “ gives them a vision
they will accept and obey. These children need an identity outside the narrow function of who
they are and where t
hey come from.
(…) The y are all childr en
of Abu Rashi
d.
All
men one man.
(…) They
are not
an invention of Eur ope
. The y
are not ma kin g
a r ace
on god.
We
don’
t t
rain the
m
for paradise. No martyrs here, the image of Rashid is their identity”(233) –(LENTRICCHIA,
2003: 44). These young men need an identity outside the narrow context of their origin
and function within the terrorist group. And the hood that covers their faces serves both
as a filter, an instrument of mediating reality and as a protection device: “the boys who
work near Abu Rash i
d have no f
a ce
or
speech. The i
r feature
s are ident
ical.
The y
do n’t
ne
ed
their
own features or voices. They are surrendering these to something powerful and great”(Mao II,
1991: 234).
Th is
initiative of ha v i
ng t
h e boy s
we ar th eir l
eader’
s i
ma ge
on t
h ei
r cloth es
,
while hiding their faces under hoods is representative of the process of individual
identity annihilation that is typical of terrorist group formation. Rashid wants his
followers to be cut off in every possible way from their native environments, and makes
them abandon their former selves in view of developing their sense of belonging to
some thing g r
eate r
th an th ems e l
ve s.
Th e sentenc e “All men one man” suggests t
h e boys’
takin g ov er a
ne w iden tity,
tha t of “children of Ra shid” ,
whose v i
sion they accept
and
internalise as their own. This way the old and experienced leader incorporates these
younger individuals into his own identity and forces them to surrender their old selves
(MARRET, 2002: 71).
Besides being a mark of a common, acquired identity, image is an instrument.
Twentieth century terrorists are well aware of the concept of (im)mediation: and so are
De Li ll
o’ s f
icti
on al terror is
ts. Th e t
e rr
or i
staction in the novel is a kidnapping of a young
Swiss by a group of Beiruti Maoist terrorists. The publicity potential of such a deed is
enormous, and subsequently a campaign of rescue is launched. Bill Gray travels to
London, Athens and even Beirut to try to save the young man. In Athens, he meets
George Haddad, who informs him that the terrorists will want to exchange him for the
hostage and then “ probably kill you ten minutes later. Then photograph your corpse and keep
the picture handy for the time it can be used most effectively”(Mao II, 1991:164).This is the
pu rpos e of Ra s
h id’s terr ori
s ts: t
o tak e a photog raph
of
the
nov elist
Bill
Gr ay a nd then
publish it in the mass media in order to gain maximum attention across cultures. Their
interest does not lie in the person per se, but only in his image, which maintains its
value over time, long after the actual death of the subject - this would be the major
consequence of twentieth century dependence on the media in various sectors of human
activity.
Conclusion
As shown above, the symbiosis between terrorist violence and the mass media
should not be approached solely from the scientific point of view and restricted to the
field of terrorism studies. The particulars of the terrorism - mass media symbiosis in a
certain cultural context can also be revealed by means of a thorough analysis of the
391
manner in which an artistic consciousness conceptualises it via literary (and not strictly
political or social) means.
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392
ORIENTALISM, OR THE WESTERN APPROACH TO THE
ORIENT
Alina VÎLCEANU
-Jiu
Abstract: The
aim of
thi s
paper i
s t
o take a c
loser
look at
the conce pt
of “Or i
ental
is
m”,
as a fund ame ntal c onc e
pt o f pos tcolonial s t
udies, popular ise
d by Edwar d S ai
d’shugely
influent
ial and controv e
r s
ial text of
the same name . I
n “Orientalism”, Said exami nes
the
way s
thr ough
whi ch t
he ‘Or ient’
was , and con ti
nues to
be constr
ucte d t
hr ough
the
lens of
Europeans,
in p art
de f
inin g Or i
e ntal
ism as a We stern style for “domin ating, restructuring, and having
aut hori
ty over the
Or ient”. Howe ver,
as Said and o t
hers have
de mons t
rated, Orientali
sm has had
its own disciplinary history in the European academy spanning from at least the middle of the
eighteenth century, with Western scholars making professional careers out of the study of both
Near and Far Eastern societies, cultures, languages and people.
Wi th th e publ ic
ation of “Or ien t
alis m” witt
en by t
he Edwa rd Said i
n
1978,
contemporary readers and students of social science started the debate on what was
broadly understood as the study of Middle Eastern and Islamic worlds.
Since 1978 the debate has continued, through a set of claims and counter-
claims, various opponent opinions, so this academic subject has been of much interest
for the academic world. It has become not just a concern about how to write about the
Middle East, but a debate on how to study the former colonial world in general, and on
the politics and conceptualisation of the region.
So, what was orientalism, then? First of all, the term Orientalism referred to
the academic discipline related to the study of original texts in Asian languages which
flourished in the late eighteenth and nineteenth centuries. So, primarily, it was applied
to the study of the languages, literatures, and cultures of the Orient.
Prior to the social sciences emergence, orientalism also claimed to be the
“sc i
en ce of soc iety” by whi ch As ian c ivilizations and peoples could be classified
according to their level of development. In the nineteenth century when there was the
division of academic labour, the orientalists adopted, as their field, the study of societies
with writing systems. Scholarly work on orientalism in this primary sense was the
prin ci
pa l s
u bject of Said’s
197 8 book .
During the same century, orientalism acquired a second meaning –as the term
equal to the romantic and exotic aspect in the nineteenth century European artistic
culture. Orientalist representations of supposedly exotic cultures became commonplace
themes in art, literature and music. Orientalist settings and motifs were extensively used
by many leading artists of the nineteenth century. With the publication of Orientalism in
1978, and Culture and Imperialism in 1993, the critical study of orientalism as culture
has become a major area of research. Numerous studies have appeared, and the
expansion occurred within most fields of interest, from Hollywood movies to high
culture, including art, architecture, colonial expositions, music, opera dance and
photography.
393
Finally, orientalism acquired a third meaning during the twentieth century,
with the emergence of nationalist movements of decolonization. Some nationalist
activists and scholars argued that the academic discipline of orientalism could not be
understood apart from the circumstances of its production, more precisely, the western
imperialism. This gave birth to the debate on the orientalism notion.
There are two different worlds th at
we take into consideration :
“the Orien t
”
an d “the Occide nt”. So, the
“ We s t
e r
n s
ty le f
or domi na t
ing, res
tructu ri
ng ,
and having
au thority over the Or i
e nt” (
E. W. SAI D, 1991: 3-4) derives from the two concepts
previously defined as worlds. “ Or ientalis
m” i
n
this
se nse
is a
discourse
a bout t
h e
Orient
as th e
“ other” of Eu r
ope , whic h conf irms Europe ’s
domi na nt
posit
ion .
Con sequentl
y ,
a
determined interest has developed in Europe on how the imperial powers understood
and imaged the rest of the world, and on how the range of images they created, could
spe ak a bou t
t he Eu rope an me t
ropol is ex ist
en ce.
The pu bli
c a
tion of Edwa rd Said’s
Orientalism represented a paradigmatic change in the thinking about the connection
between the West and the non-West. Said tried to clarify how the Western literary and
academic representations were influenced by the political power.
Questions upon the role of colonial representation in shaping the discourse of
imperialism came to assume an important place in the academic world. Colonial
representations played an instrumental role in shaping the culture of the worlds
inhabited by colonizers and colonized, because they represented the power.
Nevertheless, orientalism was presented as the discourse of power, by which
imperialism rationalized, justifying its domination while distorting the image of the
colonized. Said, in effect, imported the divisions between powerful, active colonizers
and passive peoples, he otherwise intended to reject.
Said developed his critique of European discourse on the Orient, by
considering the colonial representations in general. From his point of view, Western
discourse on the Middle East is determined by the political power. In considering this
disc ourse “
orie nta li
sm” , Saidperformed two distinct intellectual operations. The first
on e wa s Said’s i ncorpora t
ion of Fou cau lt’
s re-visioning of Enlightenment science.
Fou cault’s
wor ks describing institutions like the school, the prison, the medical clinic
and the mad house provided instances of how knowledge and power were united in
Enlightenment thought and practice. Ideas regarding the relationship between
knowledge and power developed by Foucault are well known. In Perceptions of the
Orient by Occident. Twisted visions, false dreams and embracing the other, M. H. Shah
arg ues tha t
,
foll owi ng
Fou caul t’
s vision, Sa i
d shows how colonial
k nowl e
dg e s
atis
fies
the ne eds of i mpe r
ialist
powe rs, “ and a re n ot pu rely disi
n t
erested e nquir
ies on
geography, languages, cultures and so forth. But postmodernism, which Foucault
himself help usher in the West—is the outgrowth of the internal intellectual and
epi ste
mol ogical e volution in
t he dy n amic s of western thought.
It i
s n o mor e ‘Orient
a l
’
tha n i
t is ‘Oc cide ntal’.
” (
M. H. SHAH, 2005: 464) .
We had r
a t
her pe rceived the Said-
Foucault position not in terms of the relation East –West, or Orient –Occident, but
more in terms of the modernist – pos tmode rnist
dist
in ction. “
Sa i
d’s
Or ientali
sm i
s
really
pos tmode rni
sm t ranslated int o pol iti
cal t erms.” Th e terms Orientalism, and its
counterpart Occidentalism,
are acc epted an d used as “place-ma ker
s” , i
n order t
o bring
into discussion the topic of the political domination by the colonial powers, and how
colonial knowledge supported that domination.
The second intellectual operation involved, revealed the racist implications of
the Enlightenment. Said considered that European representations of the non-West
394
existed deeply in the discourse of imperialism. And here is where Orientalism had its
greatest impact, because this permitted him to argue that orientalism was a European
discourse of power and domination of the non-We s t
. Sa id’s s oph i
sti
cated u se of
Foucauldain and post-structuralist theory enabled his loud voice and analysis to be
respected and continually referred to by most students and academics. The political
aspect is a continual presence in his works and he was preoccupied with the relationship
between the West and the East all his life.
One of his more controversial points of view is that all European orientalists of
the colonial period were consciously or unconsciously complicit in the aims of
Eu rope an
c oloniali
sm. “ For
any Eur ope an du ri
ng t
h e
n ineteenth c en t
ury- and I think
one can say this almost without qualification - Orientalism was such a system of truths,
truths
in Ni etzsche’ssense of the word. It is therefore correct that every European, in
what he could say about the Orient, was consequently a racist, an imperialist, and
almost totally ethnocentric. My contention is that Orientalism is fundamentally a
political doctrine willed ov er
the Orie nt becau se
the
Or ient
wa s we a ker t
han the We st.”
(E. W. SAID, 1991: 203-204)
Edward Said tries to demonstrate that all European discourse about the Orient
is the same, and all European scholars of the Orient argue for the aim of European
imperialism. Th e a u t
h or s ugg est
s t h at the r
e cou l
d be “ma nifes t
” differences i n
disc ourse, bu t the u nde rlyi
ng “ l
aten t” orie n
tali
sm i s “mor e or l e
ss cons t
ant.” I n
Orientalism, Said distinguishes between what he calls latent orientalism, “a n al
mos t
unconscious ( a nd certain l
y an
u n t
ou ch able)
posi
ti
vity” of idea s abou t t
he Or i
ent, an d
manifest orientalism, “ the various s tated v iews abou t Or i
e ntal s oci
ety,
l angua ges ,
lit
e ratures,
h istory
, soc i
ol ogy ,
an d so f ort
h.” (E.
W. SAI D, 199 1: 2 06) In
this re
spe ct,
the author has the possibility to argue varying expressions of orientalism while retaining
his core concept.
Said’ s t
heor y a nd i
dea s hav e b ee
n cri
ti
cized by scholars who st
udy ori
e ntal
cultures. Many of them object to his approach of combining together of different types
of orientalism. In Max Müller and the Theosophists: The Other Half of Victorian
Orientalism, Denis Vidal insists that colonial orientalism of the nineteenth century and
the sort of orient
alism highlighted by Said ar
e “two entire
ly diffe r
ent t
hing s.
”The
orientalism of the nineteenth century itself had two sides, one scholastic, the other
roma nti
c ,
an d “Said’s de finit
ions c
an n ot ac
c ount
for” t
h i
s
distincti
on .
(DENI S VIDAL,
1997: 14-15) In Orientalist Empiricism: Transformations of Colonial Knowledge,
Da v id Lu dde n disti
n gu ishes the “colon ial
kn owledge” wh ich g ene rat
ed authoritative
facts about colonized people, from other forms of orientalism, some of which were
explicitly anticolonial (DAVID LUDDEN, 1993: 252).
Colonial experience refers to the experiential world of both the colonizer and
the colonized that allowed them to see the oriental discourse as a real description of the
colonial world. Consequently, the colonizer and the colonized lived according to these
descriptions: the colonized as the Oriental, and the colonizer as the Occidental. In this
wa y , t
he
col on i
zer
di d not j
ust
tra nsfor m the Easter
ne r
into an Or ien ta
l;
it
also,
as Sa id
pu ts it
, “Or ientali
zed” the Oriental.
Or i
e nt
alism refers
n ot only to th e
discou r
se abou t
experience, but also to the way of reflecting about and structuring this experience. It is
the western way of thinking about its experience of non-western cultures. Orientalism
becomes a culturally specific way of expressing the difference between the Orient and
the Occident. The cultural specificity lies in the manner in which the discourse about the
Orient expresses the specificity of the western culture. Therefore, for Said Orientalism
be come s
the cult
ural proj ect
of the we s t
ern cultur
e:
“Or ientali
s m . .
. has
less
to do wi th
395
the Or ien t
than it doe s with “ou r
” wor ld’;
“Th at
Or ientali
sm ma kes
sense
at all depends
more on the West than on the Orient. . . Orientalism responded more to the culture that
produ c ed it t
ha n
to its putative obje ct
” (E.
W. SAI D, 1978:
12,
22 ).
These citations suggest that the way in which the East was transformed into the
Or ien t, t
h e wa y in whi ch a “discou rse” changed an Ea st
e rner
into a n
Or iental,
ex pres
s e
s
something typical of the western culture. That is to say, the Orientalist discourse tells us
something important about the culture that produced it, and that was, the western
culture. It has been argued for what Orientalism actually describes. It is widely agreed
that it is more a western cultural project. In this sense, to study Orientalism implies also
to s tudy the we stern c ulture it
se lf.
Mor eov er,
the Or i
ent is n o t
just an i de a;
it
is
constructed as a specific kind of entity. Such an entity is an experiential object which
belongs to the experiential world of the West. Members of the western culture develop
an experiential world. Orientalism is not only an experiential discourse but also a way
of stru c t
u ring this ex perien ce.
Edwa rd Said’s Orientali
s m, sugg ests
that Or ientali
sm i
s
more an account of how the West experienced the Orient than it is a description about a
plac e in the wor ld. In thi
s
s ense,
“ the Or ient
”
is both
a place i
n t
h e world an d a n
entit
y
that exist in the western experience.
In conclusion, despite the criticisms raised against Said by scholars and
specialists in the oriental literature, his theory has gained respect both inside and outside
the a c ade my , wi th t he r esu l
t th at “ oriental
ism” i s
now a ppl ie
d wi dely to a ny
uncomplimentary Western attitude towards the East. Edward Said popularized the term
in his classic book which bears the same name, and argued it at the same time.
It basically refers to western scholarship on the East, but does not simply deal
with what is the Rest. It involves a more complex construction of a body of knowledge,
determined and constructed by interests and power. This happens apart from the desire
to develop an intellectual analysis on the subject. It is the nature of this analysis that is
contentious, because of its political overtones and implications, as the western scholars
carry with them their own epistemological, methodological and intellectual baggage,
when constructing their view of the Orient.
Whatever the case, it seems likely that Orientalism will continue to be at the
center of lively debates on Western scholarship, the politics of cross-cultural
representation, the connection between cultural production and imperial power, and the
privileges that refer to race.
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397
REMARKS ON THE DIFFICULTIES ARISEN FROM SEVERAL
GRAMMATICAL AND LEXICAL PATTERNS SPECIFIC TO THE
LINGO OF CUTTING –EDGE TECHNOLOGY
Abstract: The present paper deals with the presentation of certain grammatical and
lexical patterns specific to the lingo used in computer science and which raise problems not only
for students but also for teachers. Certain remarks concerning this aspect should be made, taking
into consideration the fact that these patterns create difficulties in using and translating. The
grammatical and lexical patterns involved here are: the passive constructions and the complex
noun phrases. Thus, the aim of this paper is twofold: first, to emphasize the importance of using
these grammat ical a nd lex i
cal patterns in technical texts; second, to s how the diffi
culti
es
encountered in translating them into Romanian.
Key words: passive voice, complex noun phrase, forming new word.
398
e.g. The user can increase the storage capacity.
In the above example, one can notice that the agent in the passive construction is
mentioned between brackets, which leads to the idea that it is rather useless and
unimportant. In technical texts, this method of omitting the agent is preferred, because
the doer of the action is unimportant and it is not necessary to mention it.
The use of an animate subject in IT texts, if the sentence is active, could not
supply the reader with any significant information, and the subjects wou l
d be “r
epe ated
in
an unh elpful and uninterest
ing wa y”,
as
J .Swa les
affirms i
n
his
wo rk (Swa le
s:41).
Circular disks are stacked on a single spindle.
Mor e …c an be used to
sto re data.
The Romanian word order is different, and if in English the sentence begins with
th e
subj ect,
in Roma nian t
h e
sen ten c
e beg ins mos t f
requ en t
ly with t
he pr edi
cate,
that’s
why the translation of these sentences will be as follows :
Se asaza discurile circulare pe o axa.
Se pot utiliza mai multe suporturi pentru a pastra date.
Many linguists state that the passive is used to render an impersonal style, but
J.Hitchoc k
wa s of a different
opi nion,
c onside ri
n g t
ha t
“this vi
e w seems t
o be e
rron eous
and the choice of passive does not seem to be for impersonality in communication, but
for focu s…I nitial positi
on i
n t
h e
Eng li
s h
se n t
enc e
is norma l
ly
th e
str
on g e
st f
or f
ocu sing
th e
a t
ten ti
on of t
h e reade r
.” (English for specific purposes science and technology,
1978: 41)
Another reason for choosing a passive structure instead of an active one in IT
texts is because the subject takes front position and it is the most important element
whi ch
be ars
the
mos t
impor t
ant informa ti
on . “Th is
is
in close connection wi t
h t
he focus ,
as well as the impersonal, objective nature of the technical and scientifi c
discourse.”
(CROITORU, 1996 :137).
e.g. Datele au fost stocate pe discheta.
Data have been stored on a diskette.
I. The Use of Complex Noun Phrases
The basic task is to convey complex information clearly and concisely. The
complex noun phrases represent ways in which the information can be rendered in a
concise form. They represent key elements in technical writing, especially in IT texts.
Some r esearche rs c ons i
de r
th at “ t
he inf orma ti
on conv eyed in a c oncise
, di r
e ct
,
condensed form has a greater impact upon the reader. Thus, there is a great amount of
semantic and syntactic information which is compressed into a highly compact form,
1
su ch as:
n omi nal compoun ds ,
compoun d nomi na l
phrases or
compl ex n omi nal
grou ps”
(CROITORU : 148). As to the latter, they present major comprehension difficulties for
many readers without knowledge of the field and even for native speakers. The
occurrence of these combinations in technical texts represents a common feature of this
kind of texts. The complexity of these new concepts and the detailed descriptions of
new technologies require the use of complex noun phrases, which often incorporate
multiple modifiers, thus raising the possibility of ambiguity in their interpretation. In
order to disambiguate them, the translator needs knowledge of the subject and/or
collaboration with the specialist.
399
The classification of complex noun phrases in technical writing according to
their structure:
I. Simple : determiner + adjective + noun poses no problem for the
Romanian reader :
the important components, the processing unit, the control bus
II. Complex : user-written programmes,
III. More complex : software-controlled security features (security features
that are controlled by software), this disk-based system (this system that is
based on disks)
IV. Highly complex : a high-performance, 32-bit personal computer system, a
boot-trap loader-maked cutom controller chip
When structures are complex, one or more commas can be inserted between these
adjectives, which does not indicate that it is a separate noun phrase. This error can
be avoided by finding the head noun of the complex noun phrase, in this case
system, with “ high-pe r
for ma nce”, “32-bit”, and “
pe rs
on al
compu t
e r” all
h avin g
t
he
role of adjectives.
As one can see in these examples, the necessity of paraphrasing these
complex structures is appropriate and helpful.
These complex structures are used in technical writing because the
information should be condensed and clearly conveyed, which represents the two
characteristics of great importance.
II. Difficulties in Translating Complex Noun Phrases
Because of this idea of rendering information in a more concise and condensed
way, a lot of problems may arise in translating them. Through their form, complex noun
phrases may render certain dynamism to the text and, at the same time, the reader may
be more connected to the text. But, on the other hand, they may also create certain
difficulties when translating them into Romanian. In order to render the best translation,
one should take into account the following remarks on such combinations as:
-noun combinations: datagram service, database management system etc. where
the translation variants are: serviciu de datagrame, sistem de gestiune a bazei de date. In
this case, the Romanian translation variant is preferable with the preposition “ de ” and
n ot wi th t
he
“ genitive f
or m” .
- adjective + noun combinations : logical access control, logical link control type,
variable point representation system, high level language, heterogeneous computer
network etc. These are longer combinations of words, their translation being more
difficult: control logic al accesului, tip de control al legaturii logice, sistem de
reprezentare (numeratie) cu virgula mobila (flotanta), limbaj de nivel inalt, retea
eterogena .
In t
he fi
rst exa mpl e,
t
he a djecti
v e “log ical”
is translate
d before the noun
“a cc es s” as i
t wa s obv i
ou s
a ccording t
o th
e
typi cal wa y of
t
ran s
lation i
n a
c ompl ex noun
phrase, i.e. from right to left in the way of appearance. Further on, one can see that it is
n ec ess ary
to paraph rase and use prepos it
ions, suc h as “de”,
“cu”. “pentru”, “l
a ”,
“ în”
in
order to give the best translation of these complex noun phrases into Romanian.
- numeral + noun combinations : a 16-bit expansion board, a 32-bit processor, a
250 MB hard drive, 2.5 inch disk drives etc. In this case, it may be seen that, when a
n ume r ical
e l
e men t has
th e
role of an adjecti
ve ,
th is
eleme nt
loses the ‘
’s ’’
it
wou l
d have
if it were the main noun. The translation variants of these complex noun phrases are:
placa de extensie de 16 biti, un procesor de 32 de biti, unitati de discuri de 2.5 inci.
- compound adjectives + noun combinations : software-controlled security
features, a computer-based simulation etc. In such a case, the complex noun phrase
400
substitutes the relative clause in order to render the idea already mentioned of clarity
and conciseness. The translation variants would be: caracteristici de siguranta care sunt
controlate de computer, o simulare bazata pe computer.
In conclusion, the passive constructions as well as the complex noun phrases are
used in technical texts to render the information in a more concise and condensed way
and their translation should be made according to some translation techniques and with
a good knowledge of the respective field.
BIBLIOGRAPHY
English for specific purposes science and technology, Oregon State University, 1978
Croitoru, E, Interpretation and translation, Porto-Franco, Galati, 1996
Marinescu, V.(coord.), Dictionar informatic trilingv, All, 1999
Swales, J. Writing Scientific English, Nelson, London
401
MODALITY IN THE LEGAL DISCOURSE
-
“ -Bolyai”University, Cluj-Napoca
Abstract : Law is
abo
ut wh at pe ople mus t
(not
)
or ma y (n ot)
do; i
t is
a bout rules and
exceptions. The language of law is very different from ordinary speech and is often considered
conservative, objective and having a general character. Such texts are written in what is
commonly known as legalese.
All modern legal systems include rules which forbid certain actions, impose duties,
confer power and grant rights, but do not impose norms of behaviour. The distinction between
rights and obligations is commonly expressed by using modal verbs.
The modernity of law is advanced by the Europeanization of domestic law. The rule of
the European Law is applicable to all citizens of the member states, although they speak different
languages. In my paper I underlined the difference between rights and obligations in the
European law and how modal verbs are used in this respect.
402
- will (to indicate future, make a promise, to ask a polite question)
- would (to ask a polite question, to indicate future in a past sentence).
Moda ls indicate the spe aker’sassessment of the likelihood of the proposition
being true (e.g. I t
’ s
probabl y t
he case t
hat the number of authorizations is increasing)
or the degree of desirability (or otherwise) of a proposition becoming true: I think they
should speak with their manager before the meeting.
The mood describes the relationship of a verb wi th rea l
it
y and intent ;
Engli
sh
language includes moods like conditional, imperative, indicative, negative, subjunctive.
The system of modality in English language contains:
1. Subjective or interpersonal modality/ modalization
- epistemic modality (probability, possibility, certainty, usuality, typicality)
- deontic modality (obligation, permission)
2. Objective or ideational modality/ modulation
- dynamic modality (willingness, ability)
- deontic modality (obligation, permission) (Liesbet HEYVAERT, 2003).
With epistemic modality speakers express their judgments about the factual
status of the proposition (questioning the certainty or probability of a statement).
Deontic modality relates to obligation or permission emanating from an
external source (laying obligations or giving permission to the reader/audience), while
dynamic modality relates to ability or willingness, which comes from the individual
concerned.
Le t’s
cons ider
th e f
ollowi ng exampl e:
1. The workers should be there by now.
First we understand that the workers are under an obligation to be there by now
–deontic interpretation of the modal verb, and then the fact that it is likely that the
workers are there by now - epistemic interpretation of the modal verb.
Halliday (1985) considers that epistemic modality calibrates the area of
meaning lying between Yes and No;whereas deontic modality calibrates the area of
meaning between Do it! and Don ’t
do i
t!
It is important to underline that grammatical modal expressions regularly have
both uses - epistemic and deontic - and this is considered a universal phenomenon.
Various suggested explanations exist in this respect: some of them showing that both
are merely special cases of some more general meaning, or showing that the derivation
of on e from the oth er
(by me taph or,
or
wh at
e ver)
, is ‘natura l
’ and therefore
in evit
abl
e ;
however, none of the proposed solutions so far is wholly convincing (Alan CRUSE,
2000: 299-302).
The basic building blocks of normative knowledge are: obligations,
prohibitions and permissions. Being obligatory, being forbidden and being permitted are
indeed the three fundamental deontic statuses of an action.
If we analyze deontic statuses, we have to take into consideration some aspects
of deontic logic, the branch of philosophical logic that is specifically concerned with
obligations, prohibitions and permissions. The term deontic, from the Greek verb
deomai, means being due or obligatory.
Though some philosophers and legal theorists, such as Wilhelm F. Leibniz,
Jeremy Bentham and Wesley N. Hohfeld, anticipated many aspects of deontic logic, the
birth of modern deontic logic can be traced back to the beginning of the 1950s. In the
following years deontic logic achieved a very high level of technical complexity, being
generally approached in the rich framework provided by modal logic, the logic
originally intended to deal with necessity and possibility (Enrico PATTARO, 2005).
403
John Lyons considers that deontic modality is concerned with the necessity
or possibility of acts performed by morally responsible agents. By imposing upon
someone an obligation to perform or to refrain from performing a particular at, we are
clearly not describing his present or his future performance of that act. Professor Lyons
also agrees that there is a sense in which the sentence we utter can be said to express a
proposition, but it is not a proposition which describes that act itself. What it describes
is the state-of-affairs that will be obtained if the act in question is performed.
We have the following examples showing obligation (2) and permission (3):
2. The sanctions, which may comprise the payment of compensation to the victim,
must be effective, proportionate and dissuasive.(EC Directive, 2000: Art. 17)
3. The concept of harassment may be defined in accordance with the national
laws and practice of the Member States.(EC Directive, 2000: Art. 2)
They lay obligations and give permission to the addressee. Therefore Searle
spe ak s
of ‘di
rective s’, which he de fi
n es
a s
‘Wh ere we tr
y to get (others)
to
do t
hing
s’.
Directives are utterances which, according to Professor Lyons, impose upon
someone the obligation to make a proposition true by bringing about in some future
world the state-of-affairs that is described by the proposition. Therefore the notion of
truth is an important aspect when analyzing the directives. Also there is an intrinsic
connexion between deontic modality and futurity. The truth value of a proposition is
determined "relative to some state of the world later than the world-state in which the
obl igation holds ;
and the wor ld-state in which the obligation holds cannot precede,
though it may be simultaneous with, the world-state in which the obligation is imposed"
(John LYONS, 1977: 161-173, 786-848). So we can say that someone was under an
obligation to perform a particular act, before the moment of speaking, and so we are not
imposing any obligation, but we underline that the respective person was under an
obligation to perform or to refrain from performing an obligation. For example:
4. The important transactions should have been normally evidenced by writing.
Deontic necessity derives from some source or cause. So if one person must
or needs to do something, this means that another person, institution or a principle is
responsible for that obligation or they have generated it. In this respect, philosophers
were concerned with the notions of moral obligation, duty and right conduct. But from a
linguistic point of view the obligation itself is important, irrespective of its nature:
moral, legal, etc. The notion of obligation is considered to be culture -dependent and
also language-dependent. However, there are some universally valid notions of
obligation which are regarded as derived from the modification of a single deontic
operator. So the different types of deontic modality can be distinguished by specifying
the source or cause of the obligation.
Deontic modality also refers to a future world-state and it is linked with
intention, will and desire. In most societies the legal and moral obligations, generally
accepted, are associated in the traditions and myths with an identifiable authority which
created the obligations by means of a directive. Their force is based upon the
understanding of how directives function in everyday social interaction. They do not
create an obligation valid all time or on all occasions. This obligation will refer to a
certain period of time or moment. A possibility to restrict an obligation explicitly is to
use conditional clauses, adverbs or adverbial clauses.
A directive imposes an obligation from the time of the utterance. If the
obligation refers to something that needs to be performed, it will remain in force, unless
cancelled in the meanwhile by the same authority or by a higher one, until the
404
performance of the act or until certain circumstances –force majeure –render its
performance impossible or irrelevant. If the obligation refers to something that needs to
be said, it will remain in force as long as the authority imposing it does not modify or
cancel the obligation.
Halliday recognizes three strengths or levels of modality: high, median,
and low. For epistemic modality, high means a high probability of the truth of the
pr op os i
tion ; in
the c
ase
of deon t
ic moda l
it
y ,
high represents a high degree of obligation.
High and low values differ from median values by their behaviour with the negatives.
First we need to distinguish between the negation of the modal and the negation of the
proposition. Take the case of these examples:
5. Contracting parties must make public the sponsorship.
If the modal is negated, the meaning would be that the contracting parties are
n ot
obl iga t
e d t
o ma ke public
the
spons orship;
if t
he propos it
ion
is nega ted,
the me ani
ng
would be that the contracting parties are obligated to not make public the sponsorship.
In English, a straightforward syntactic negation results in the proposition being negated
semantically:
6. Contracting parties must not make public the sponsorship.
In order to express the negation of the modal, a different verb is needed:
7. Contracting parties need not (i.e. "not-must") to make public the sponsorship.
Sometimes the modal or the proposition is negated by a syntactic negative if
the modal functions epistemically or deontically. This is the case, for example, with
may:
8. The obligations of the parties may not be cancelled. (epistemic: "it is possible
th at the obli
ga t
ions are not cancell
e d"; propos i
ti
on neg at
ed)
9. Parties may not disclose confidential information. (deontic: "parties are not
allowe d to
disclose confide nti
al
inf orma ti
on "
;
moda l
n egated)
High and low values of modality are distinguished by the marked difference in
me a ning wh ether the
moda l
or t
he proposition is negated; for
a me dia n value there
is
little difference of meaning. In the case of high and low value modals, negation reverses
the value, so that a high-value modal assumes a low value, and vice versa:
10. You must do it. (high-value modal)
11. You mustn't do it. (high-v alue;
prop osition negated)
12. You needn't do it. (low-v alue;
moda l negated)
13. You may do it. (low-value modal)
14. You may not do it. (deon ti
c :
high
v a l
ue; moda l
n egate d)
15. It shouldn't be too difficult.
(epist
e mi c;
moda l nega t
e d;
me dia n value)
16. It should be not-too-difficult. (epistemi c; pr
opos ition
n egated; median
value)
(Alan CRUSE, 2000:299-302).
Halliday divides modal verbs according to their value as follows:
- high: mu s t
,
oug ht
to, ne e
d, hav e t
o, is
to;
- median: wi ll
, wou ld, shal
l,
shoul d;
- low: ma y,
mi ght,
can ,
could;
405
what Austin might ha ve c all
e d writt
en performa t
iv es
; l
awyers often
call t
he m ope r
ative
or dispos it
ive; they are written in what is commonly known as legalese, and this
because they are considered to be different from ordinary speech.
All modern legal systems include rules which forbid certain actions, impose
duties, confer power and grant rights, without imposing norms of behaviour. The
distinction between rights and obligations is commonly expressed by using modal
verbs. In English the modal verb may is used to confer power and shall is used to
impose an obligation, for example:
17. The fiscal authorities may disregard a transaction that does not have an
economic purpose or may re-characterize the form of a transaction to reflect
the economic substance of the transaction.
18. The contracting parties shall examine the results of the application of the
transitional periods as set out in Articles 2-4.
Legal texts include documents as contracts, body text of law, orders, decrees,
etc. They tend to have stereotypical format and usually contain one or more legal speech
acts that are meant to carry out its intended functions. Therefore, a contract usually
contains one or more promises, a will contains verbs that transfer property at death, and
a law stipulates certain rights and obligations.
There have been important changes in the frequencies of English modals in the
course of last decades. Dwight Bolinger has claimed that "the system of modal
auxiliaries in English [is] now undergoing wholesale reorganization", so that the
observed shifts do not come as a complete surprise. They reflect genuine grammatical
change in the English modal system but also they need to be interpreted against the
background of their greater synchronic - stylistic variability, and this makes modals
prominent markers of textual genre or discourse type.
The two modals namely shall and must have taken rather pronounced dips in
frequency in English. The obsolescence of the shall -future (for the first person singular
and plural) is a well-known phenomenon analyzed by British language purists.
Researchers consider that there has been a decline in the recent past but that the form
was already moribund even back in 1961. Today it seems shall is considered a marker
of formality.
The main reason for its decline seems to be that its historical core use –
expressing strong obligation –dissolved, this function being redistributed to other
modals (e.g., must, should) or modal idioms (be supposed to, be to). But legal texts still
use shall and its negative form to express obligation and prohibition. Shall used for 2nd
and 3rd person indicates restraint, compulsion or promise:
19. In determining that question the jury shall take into account everything both
and done … (in this case compulsion)
Shall expresses obligation in legal a cts; i
t ex pr
ess
es the
ill
ocu t
ion ary
force of
an order or states the obligations the addressee is subjected to. The addresser –law –
instructs the addressee to act in a certain way or stipulates his obligations. Here are
some examples from the European Law in force:
20. Switzerland and Liechtenstein shall not introduce any new restrictive
me asur es
c onc e rning entry,
empl oyme nt…
21. Obstacles to the mobility of workers shall be eliminated.
The modal shall is also used in directives to state rules according to which the
law in question operates without mentioning an agent:
22. The provisions of Article 28 of the Agreement and of Annex V to the Agreement
shall apply to…
406
The quasi-modal verb to be is observed with a human agent:
23. Subject to this, it is for those claiming that a party does not deal as consumer
to show that he does not. (Anna Trosborg, 1997).
However, the verb is/are to is employed most frequently with non-animate
subjects:
24. A cont ract t
erm is to be taken…
Recent studies show that the incidence of modal verbs, individually and as a
class, depends on discourse type and that shall, while receding, will not disappear
completely because of its secure base in specific uses.
In case of must the decrease in frequency is corresponding to a growth of have
to and have got to, for which there is solid long-term evidence. Leech speaks about
fluctua ti
on rathe r
than dir
e cted ch ange. Lee c
h’s main point –that, overall, have (got) to
has not increased to such an extent as to compensate for the decrease of must –seems to
be beyond doubt.
Statistically have to is the most common form in both varieties, followed (in
British English) by have got to and must, and (in American English) by need to and
must.
Have to replaces must in its deontic use, but not in its epistemic function.
Nowadays epistemic must is secure in British English, as have to has a marginal status
at best.
In the non-modal sense of expressing possession, have got goes back to the
seventeenth century while adding the deontic modal sense of obligation ("you’ ve got to
be silent"), to which epistemic uses ("i t’s
g ot
t
o b e
real") were added.
These two modal verbs –must and have to –are usually used to express
obligation. But this is not the case when analyzing legal texts. Here directives with must
do not occur and have to cannot be observed too often.
Other two modals –ought to and should –rarely have illocutionary force in
direc t
iv es,
ma i
n ly because the y
e xpress “we ak”
obl i
g ati
on :
25. The requirements of this Act should be fair and reasonable to allow reliance
on it
…
May is used to express permission and stipulates the rights of legal bodies and
citizens, while can mostly occurs stating what cannot take place.
26. Personal data may, if necessary for the above purposes, be transferred to third
parties.
27. A person cannot be made to indemnify another person.
The above mentioned examples point out that may indicates the illocutionary
force of a permission, while shall the illocutionary force of an order. Legal writers
underlined the need to distinguish between the two modals of legal language - shall
us ed with “ma nda tory” and may wit
h “dir
ectory” force;
shall implies obligation or duty
and may implies permission.
But the legislature is the source for both illocutionary forces of orders and
permission. Kurzon pointed out that once an authorized body has given power by the
occurrence of may to effectuate the legal rights of a person or a group of persons, it is
very difficult not to exercise that power.
A newer aspect is the important increase in frequency of need to, which seems
to take over increasingly modal functions. Auxiliary need, on the other hand, is
receding. The politeness benefits as a result of its use seem to make need to a suitable
407
substitute for must or have (got) to is. It is better to tell someone that they need to pay
attention rather than that they must or have to pay attention, because fulfilling such an
orde r i
s pr e
se nt
e d
a s
a
satisfacti
on of the recipient’s "needs".
The legislature only stipulates aspects that the addressees are capable of
obe ying; ot
h erwise it
wou ld become a "dead letter" according to Kurzon. However, the
legislature is not concerned with willingness of the addressee to perform or not. The
authority of the law is unquestionable. For this reason modals like can/ could/ would are
not used in legal texts, but mainly in conversation for politeness – conventional
indirectness –and for explicitness.
In conversation, statements with directive intention are, as Anna Trosborg
points out, indirect directives as their intended directive force is not explicit and can be
neglected by a non-cooperative hearer. But those statements that belong to the body of
laws, by means of promulgation formula, come into function as directives and they
function as impositive acts with explicit directives.
Therefore the law stipulates obligations, prohibitions and permissions. Being
obligatory, being forbidden and being permitted are basic elements of the language of
law. In order to express a clear distinction between rights and obligations the modal
ve rbs are used; their fr
equ e n
c y is different,
some appe a r more
of t
en ,
wh ile others have
the tendency to disappear, according to developments in the evolution of language and
law.
BIBLIOGRAPHY
Cruse, Alan, Meaning in Language - An Introduction to Semantics and Pragmatics, Oxford
University Press, 2000
Heyvaert, Liesbet, A Cognitive-Functional Approach to Nominalization in English, Mouton de
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Lyons, John, Semantics, Volume 1, Cambridge University Press, 1977
Mair, Christian, Twentieth Century English –History. Variation and Standardization, Cambridge
University Press, 2006
Palmer, Frank Robert, Mood and Modality, Second edition, Cambridge University Press, 2001
Palmer, Frank Robert, Semantics, Second edition, Cambridge University Press, 1976
Pattaro, Enrico, The Law and The Right: A Reappraisal of the Reality that Ought to Be, Springer
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Trosborg, Anna, Rhetorical Strategies in Legal Language, Gunter Narr Verlaq Tubingen, 1997
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York (Mouton de Gruyter) 2009
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Directive 2000/78/EC of 27 November 2000 establishing a general framework for equal treatment
in employment and occupation.
408
SAMPLE TEACHING MATERIAL FOR EMP
(ENGLISH FOR MEDICAL PURPOSES)
Abstract: Materials design is probably one of the most characteristic features of ESP
(English for Special Purposes) in practice. This time-consuming activity must be carried out in
such a way as to produce clear and systematic materials models, but at the same time flexible
enough to allow for creativity and variety. The present article forwards a model of materials
design, under the form of a lesson plan, intended for intermediate medical students. This model
can be used for materials of any length and could also be applied to other technical faculties
(economic, engineering etc.), which include the teaching of specialized English, as it is designed
to help technical students develop listening, speaking, reading and writing skills in English. Every
stage could be covered in one lesson, if the task is a small one, or the whole unit can be spread
over a series of lessons. The topic chosen, that of the cardiovascular system, can be of relevance
to a wide range of subjects.
Key words: English for medical purposes, materials design, lesson plan.
1. Introduction
409
to each activity, and the order to be followed, and the materials and resources which
will be used during the lesson" (RICHARDS, SCHMIDT, 2002: 302). But plans, which
as seen before, help teachers identify aims and anticipate potential problems, are
proposals for action rather than scripts to be followed strictly.
According to Jeremy Harmer, "before we start to make a lesson plan we need
to consider a number of crucial factors such as the language level of our students, their
educational and cultural background, their likely levels of motivation, and their different
learning styles" (HARMER, op.cit.: 308). "We also need a knowledge of the content
and organization of the syllabus or curriculum we are working with, and the
requirements of any exams which the students are working towards" (ibidem). Only
after having done some pre-planning and made decisions about the type of lesson we
want to teach, we can actually draw up the lesson plan.
To throw light upon the actual process of making a lesson plan, I will briefly
present how I have proceeded from pre-planning to the final lesson plan for medical
students:
Pre-planning background: for this lesson, some of the facts that fell into pre-
planning decisions were as follows:
o The class is at intermediate level.
o Lessons take place in a course room equipped with multimedia devices with
listening and DVD facilities, a computer with Internet access and an overhead
projector.
o The overall topic thread into which the lesson fits involves the body systems. In my
syllabus this will change next week to the topic of "symptoms of diseases".
o The next item on the grammar syllabus is "the foreign plurals".
o The students have not had any listening skills work recently.
Pre-planning decisions: as a result of the background information listed above I
have taken the following decisions:
o The lesson should include at least one listening activity.
o The lesson should include the introduction to "foreign plurals".
o It would be good to have the other language skills in the lesson as well (reading,
speaking, and writing).
o The lesson should continue with the theme of body systems, but make it
significantly different in some way.
The plan: on the basis of my pre-planning decisions I now make the plan. To make
a connection between the topics discussed in the previous courses and the topics to
follow, and at the same time to add a special, extra dimension to the learning
experience, I have decided to make use of a video recording in which the physical
examination of the cardiovascular system is presented. One of the main advantages
of video is that students do not just hear language, they see it too. Attention can be
therefore paid to gestures and body language, and the information given on the
blackboard, overhead projector and on slides can be captured on the recording. I
have also taken the decision to have students listen to a recording about the
symptoms of heart disease, and build activities around this. The probable sequence
of the lesson will be:
o A short oral fluency activity in which students are asked to say what they know
about the cardiovascular system and a while-watching activity in which students are
asked to extract specific information.
o A series of activities related to listening for prediction and then gist, in which
students are asked to say what they expect to find in a meeting presentation on the
410
symptoms of heart disease, before listening to check their predictions and then
listening again for detailed understanding.
o After-listening exercises under the form of a reading activity, in which students
work on the text they filled in with the words heard in the recording. They read the
complete text for answers to more detailed questions.
o Language focus on vocabulary issues. Students are asked to work on aspects of
vocabulary, including the meaning of words, before going to work on the
pronunciation of medical terms.
o New grammar structure introduction: "foreign plurals", in which students are
encouraged to work out a grammar rule by themselves. The language study
technique combines discovery, demonstration, and explanation.
o Language practice in which students are asked to do some exercises related to the
language forms which they have been exposed to previously.
2. Lesson Plan
411
B. Listening
a. Teacher asks students to split into pairs. They are going to listen to a medical
meeting presentation on the symptoms of heart disease. Before they listen to it,
they have to make a list of possible causes of heart disease. Then they listen and
check their predictions.
b. While listening to the presentation, students tick on their worksheets the
information they hear.
1. The diastole is the relaxation phase of the heart cycle.
2. Myocardial ischemia is usually manifested as chest pain.
3. The thick muscle layer of the heart wall is the myocardium.
4. Stable angina occurs on effort and is relieved by rest.
5. Decubitus angina occurs on lying down at night.
6. PND is usually accompanied by pink frothy sputum or streaky
haemoptysis.
7. A vein is a vessel that carries blood back to the heart.
8. Peripheral cyanosis may be present when there is a poor cardiac output.
9. Another common symptom of heart disease is syncope or loss of
consciousness.
10. Tachycardias are often felt as a fluttering sensation in the chest.
11. The right coronary and the left coronary arise from the base of the aorta.
c. Students listen again and while listening, they use the words in the box, taken fr om
the text, to fill in the gaps of the transcript.
412
assess because they are so subjective. ………………… on effort or at rest is very
common and is usually classified according to the New York Heart Association criteria
of effort tolerance. As disability increases, orthopnea and paroxysmal nocturnal
dyspnea, or PND, can occur. PND is caused by pulmonary edema and is usually
accompanied by pink frothy sputum or streaky hemoptysis.
Peripheral cyanosis may be present when there is a poor cardiac output and
central cyanosis of cardiac origin may be caused by pulmonary atresia or by right to
left shunting. Pitting edema of the …………………, or of the sacrum in the bedridden,
is a sign of congestive cardiac failure or pericardial constriction.
Another common symptom of heart disease is ………………… or loss of
consciousness. The re are ma ny caus es of sync ope ; t
he mos t
c o
mmon is v
asovag alor
fainting. Syncope of cardiac origin results from a sudden reduction in cardiac output,
often caused by a cardiac ………………….
Finally, let me say a few words about cardiac rhythm disturbances. Many
patients complain of palpitations and will tell you that their heart stopped suddenly and
then restarted with a ………………… . Missed beats are the commonest type of
palpitation and are caused by ectopics or premature beats. They can be
………………… or ………………… in origin. Tachycardias are often felt as a
fluttering sensation in the chest, sometimes accompanied by pain. Supraventricular
tachycardias tend to start and stop suddenly while bradycardias are less common and
the patient may be unaware of them.
I hope that you found this brief summary of some benefit and I would be happy
to answer any questions that you might have.
(text amended from the site:
http://www.talkingmedicine.com/)
C. Reading
Teacher asks students to read the complete text and answer the following
questions:
1. What were the phrases Dr. Gardener used as a means to introduce different
topics in his speech?
2. What are the most common symptoms related to the deficiencies in the
pumping ability of the heart?
3. What does PND stand for?
4. What are the causes of central cyanosis of cardiac origin?
5. When does decubitus angina occur?
6. When can spasm of the coronary vessels occur?
7. What does syncope of cardiac origin result from?
413
3. Tachycardias:
a. a r
e very common in
h ealthy peopl e;
b. are always accompanie d by
pa i
n;
c. are often felt as a fluttering sensation in the chest.
Students are asked to translate into Romanian the phrases in italic and bold
letters from the text.
Foreign Plurals
Words of Greek and Latin origin make their plurals according to the rules of
Greek and Latin: e.g. bronchus –bronchi, myocardium –myocardia, atrium –
atria, vena –venae
Some words of Greek and Latin origin follow the English rule, adding -s to the
singular form: e.g. ventricle –ventricles, diastole –diastoles
There are many Latin and Greek words whose singular forms are almost never
used: e.g. viscera
There are Latin and Greek terms whose plural forms are seldom said or
written: e.g. pelvis
Watch out! Problem areas
If you are not aware of foreign plural rules, you may think that metastasis and
metastases are equivalent terms. It is absolutely wrong, as the difference between
unique liver metastasis and multiple liver metastases is so obvious that no additional
comments are needed.
Although there are some exceptions, the following intuitive rules can be helpful
with plural terms:
Words ending in -us change to -i: bronchus –bronchi
Words ending in -um change to -a: acetabulum –acetabula
Words ending in -a change to -ae: vena –venae
Words ending in -is change to -es: metastasis –metastases
Words ending in -is change to -ides: arthritis –arthritides
414
Words ending in -x change to -ces: pneumothorax –pneumothoraces
Words ending in -cyx change to -cyges: coccyx –coccyges
Words ending in -ion change to -ia: criterion –criteria.
Words ending in -ma change to -mata or -mas: sarcoma –sarcomata/ sarcomas
Students are asked to find the mistakes in the following sentences and correct
them. Two sentences are correct.
Students write the plural form of the following nouns of Greek and Latin
origin: cervix, apex, myocardium, atrium, diastole, septum, ventricle.
F. Feedback
Teacher gets feedback from the students on the achievement of the aims and
objectives established at the beginning of the lesson.
3. Conclusions
Considering the general principles of ESP, the aim of a particular model for
EMP would be "to provide a coherent framework for the integration of the various
aspects of learning, while at the same time allowing enough room for creativity and
variety to flourish" (HUTCHINSON, WATERS, 1987: 108). Researchers in the ESP
field also consider that "language is not an end in itself, but a means of conveying
information and feeling about something" (ibidem: 109). And in EMP in particular, the
concern with linguistic features seems to be secondary to a consideration of topics and
concepts. Therefore, it is possible to incorporate opportunities for the learners to use
their own knowledge and abilities at any stage of the lesson. That is why taking into
account student characteristics, previous knowledge, needs, and interests is the most
difficult part of course planning, which deserves special insight.
In addition, a more detailed lesson plan of the sample material presented above
could also try to predict potential pitfalls and suggest ways of dealing with them. This
would include alternative activities in case it is necessary to divert from the lesson
sequence the teacher had hoped to follow.
To conclude, the English medical course given as an example in this article
includes the study of medical lexicon and of functional grammar. It gives students the
tools to understand and use medical language in a professional setting, providing them
with the necessary language skills and specialized vocabulary. It is important that
students practise specialized vocabulary so that they can learn to use it more confidently
and effectively. The course will help students to expand their knowledge and use of
medical vocabulary, to activate passive general vocabulary, to learn the English
415
pronunciation of medical terms and to increase fluency in using English in professional
contexts. Though the focus is on carrying out professional activities in English,
attention is also given to grammar as required.
BIBLIOGRAPHY
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Widdowson, H.G., Learning Purpose and Language Use, Oxford Universiy Press, Oxford, 1983
416
ENGLISH FOR LEGAL PURPOSES: LEGALESE OR PLAIN
ENGLISH?
From the diachronic perspective, the attempts to change the English legal
system were made gradually and very slowly. According to a survey by the National
Consumer Council in 1995 three out of four people involved in serious legal disputes
were dissatisfied with the civil justice system (Seeking Civil Justice: A Survey of
Pe ople’s Needs an d Ex peri
ence, 1995, NCC, According to SLAPPER, Kelly, 2008:
331) .
On e of
th ese attempts, the repor t
of
the Civ i
l Justice
Re v i
ew (CJ R) wa s “largel
y
ignored and, with the exception of a shift in the balance of work from the High Court to
County Court (under the Courts and Legal Services Act, CLSA, 1990), no major
changes came from i ts
recomme n da t
ion s” (
Idem, p.
332).
The process was resumed with the Woolf Review of the civil justice system.
The need to improve the speed and accessibility of civil proceedings and to reduce their
cost made the Lord Chancellor to set up the Woolf Inquiry, in March 1994. Lord Woolf
was invited to the government to review the work of the civil courts in England and
Wales. His recommendations based on extensive consultations in the UK and in many
other jurisdictions form the framework of the major changes to the system that came
into effect in April 1999. Many specialists claimed that these represent the greatest
change the civil courts have seen in over a century.
Among the reforms proposed was the improvement of the pre-action contact
between the parties and the facilitation of the exchange of information and also of a
fuller investigation of a claim at an earlier stage. The reform also includes the
vocabulary used in legal proceedings. Legal language, which has developed over
hundreds of years, is characterised by specific features including the use of Latin terms
(ad hoc – for
th is
pu rpose;
affidavit – wi tnes
se d,
s i
gne d
s t
ateme nt;
caveat – wa rning;
de
facto – in fact; de jure –by right; per se – by
itself
; sub judice –
in the course
of
tri
al;
ultra vires –beyond the powers), technical terms (subsidiary), old-fashioned words not
much in general use (hereafter – after
th i
s;
herein – in this
(doc ument);
thereby –in that
wa y /
by t
h a
t; therewith –with that), pairs of words with a reciprocal relationship
(vendor / vende e; lessor/ l
essee), legal jargon, which includes the use of pairs of words
(terms and conditions) or triplets (build, erect or contruct);
it
also has
sp eci
a l
me a ni
ngs
417
for words in ordinary use (“ the judge determined the facts of the case, where
“de termi n ed” = “ de ci
ded” ),
u ses vague wor ds (“provide a sufficient service” ),
ponderous phrases (at slow speed or subsequent to) where a single word would suffice
(slowl y; af ter), long, complex sentences with little punctuation and more embeddings
whose unusual sentence structure results in separating the subject from the verb, or
splitting the verb complex, which can reduce comprehension.
Legal language inverts word order (title absolute), uses capital letters to signal
important or defined terms and avoids personal pronouns as a means of gaining
precision. Specialists consider that this technique is beneficial and can enhance
precision as pronouns can sometimes have ambiguous reference. Another feature of the
legal language is the use of the modal verb “ shall” wit
h
spe cif
ic fun ction s su ch as to
impose an obligation or duty on someone or in a directory sense (BROWN, Rice, 2007:
42). On the other hand, sometimes legal language is highly compact or dense.
The following sentence is only an excerpt from what was considered the
longest sentence found in an official document:
“ In the event that the Purchaser defaults in the payment of any instalment of
purchase price, taxes, insurance interest, or the annual charge described elsewhere
herein, or shall default in the performance of any other obligations set forth in this
Contract, the Seller may: at his option: a) Declare immediately due and payable the
entire unpaid balance of purchase price, with accrued interest, taxes, and annual
charge, and demand full payment thereof, and enforce conveyance of the land by
termination of the contract or according to the terms thereof, in which case the
Purchaser shall also be liable to the Seller for reas onable attorne y’s
fe es for services
rendered by any attorney on behalf of the Seller, or b) sell said land and premises or
any part thereof at public auction, in such manner, at such time and place, upon such
terms and conditions, and upon such public notice as the Seller may deem best for the
interest of all concerned, consisting of advertisement in a newspaper of general
circulation in the country or city in which the security property is located at least once
a week for Three (3) successive weeks or for such period as applicable law may
requi re...” (Cambridge Law Studio)
An organization of lawyers suggestively named Clarity added its voice to the
growing demands for change in traditional styles of legal drafting. The Plain Language
Commission joined their efforts. They were supported by the UK government. Legal
language should be more user-friendly, so, what used to be called a writ will be a “ claim
form” an d a guardian ad litem will be a “li
tiga tion fr
iend” .
Mor eover , some fami l
iar
terms were discarded to be replaced by new, more accessible ones:
Ex.: plaintiff –claimant (from the year 2000, in the UK plaintiff has been replaced by
claimant; plaintiff is now onl y us ed in Ame rica
n En gl
ish); ex parte –applications
wi t
ou t n
ot i
c e; discovery –disclosure
Thus, the organizations mentioned above backed the eradication of legalese
from government departments and official forms, and sponsored the main moves
towards plainer language in legislation (Butt and Castle, 2001).
The first book written in plain English was Modern Conveyancing Precedents
by solicitor Anthony Parker, published by Butterworths in 1964. The novelty was that
the author used simple English, shunned tautology and avoided excessive caution. His
basic aims, which he presented in the preface, were:
1.
to pro du ce
the f
u l
l
legal eff
e ct
inte
n de d;
418
2. to make documents more comprehensible to clients and thus to assist in relations
be t
we en solici
tor s
an d t
h e
pu blic;
3. to avoid t
h e
a buse of the Eng l
ish
langu age f
ou nd in t
raditiona l
pr ecedents
;
4. to avoid the confusion of thought and expression found in some traditional
precedents and to make documents shorter, and
5. to save time and money for the legal profession. (Idem, p. 60)
The legal profession considered his language reforms too radical and did not
cope with them. Subsequently, most non-registered conveyancing documents seen today
are still in the traditional form, as lawyers, judges and legislators prefer the familiar and
the traditional to the new. In 1976 an advice centre was established in Salford, Greater
Manchester, England, and in 1979 its founders (who were not lawyers) launched a
national initiative: The Plain English Campaign, which has expanded over the years.
Plain English awards are given every year and the ceremony gives the organizers the
opportunity to ridicule the worst examples of traditional legal writing. The aim of the
campaign was not to replace legal jargon with everyday words. Plain English was about
content and layout as well. The advice given to the writers of official prose was:
1. to decid e wh at i
s the essential
informa ti
on
an d st
ick to
it;
2. to choos e wor ds learnt early i
n
lif
e;
3. to select a
cle ar,
l
e gible typeface;
4. to con s
tr uct
s ent
e nces simpl y with one
or t
wo clauses i
n
a senten ce;
5. to create a total effect which is pleasing (Butt and Castle, p. 62).
The Plain English Campaign was efficient in the clarification of legal texts
such as regulations, articles of association, consumer contracts, police procedures and
shareholder information. A remarkable example was its work on the British Aerospace
aircraft lease, “ which the campaign rewrote in conjunction with Clifford Chance and
Allen and Overy – two of
the world’s leading law firms .
The y redu ced t
he leas
e t
o one
third of it
s
o r
ig inal
le ngt
h .”
(Ibidem)
The booklet designed by the Plain English Campaign suggested that the people
writing legal documents should put themselves in the position of their readers: “ Then
you will see why your letters, minutes, or reports will be more acceptable and more
convincing if they are written in Plain Eng lish.”
(ac cording to BUTT a
nd CASTLE,
p.
67) The use of plain English also meant to adopt a more logical numbering system and
structure of the sentence and to ensure greater consistency of definitions. The drafting
committee explained that they prefer shorter sentences written using the active rather
than the passive voice, they “ replace archaic expressions with more modern ones, taking
care not to change the law inadvertently by rewriting words or expressions that have a
we ll u nde rstood me ani
ng .” Th ey a l
so announced their intent to harmonise definitions
across the Acts where possible, and then make it easier for the reader to find defined
terms, to group similar rules together in one place and to use different techniques such
as formulae, method statements and even tables.
Here are a few examples of legalese, re-written below in plain English:
419
Plain English - You must be 21 years old to request or obtain alcohol from the
club bar for yourself or for any other member of the club. If you break this rule, the
chairman has the right to end your membership.
BIBLIOGRAPHY
Brown, Gillian and Sally Rice, Professional English in Use, Law, Cambridge University
Press, 2007.
Butt, Peter and Richard Castle, Modern Legal Drafting: a guide to using clearer
language, Cambridge University Press, 2001.
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Slapper, Gary and David Kelly, The English Legal System, Routledge Cavendish, 2008.
Tiersma, Peter, Legal Language, University of Chicago Press, 1999,
www.googlebooks.com.
420
METAPHOR AND IDENTITY IN COMPANY MISSION
STATEMENTS
The central issue in the current paper addresses how economic metaphors
sha pe c ompa nies’ ima ges and i dentit
ies. Thi s wi l
l be ach i
eve d by foc usi
ng on a
relatively undeveloped area of the application of metaphors to organizational identity,
that of a specific genre in the contemporary business discourse - the mission statement.
This genre has been selected as it may be considered one of the best options of places
where to look for a variety of identity-related metaphorical patterns in the written
business discourse.
In order to delineate some of the metaphorical patterns recurring in mission
statements, I will preface the cognitive-linguistic report with some of the most relevant
findin gs of Swa les a
nd Rog ers’
(19 95) gen r
e-based study of the mission statement as an
organizational text type. A corpus of 100 mission statements framed within the
organization they belonged to informed the two researchers about the key issues they
were after, and gave them arguments to consider the text type a proper genre, distinct
from other text types. These points are summarized below and will be incorporated in
the next stage cognitive research as follows:
Mission statements are typically signalled via a variety of headings, including
‘mi ssion statemen t
’ ,
‘ou r
vision’, ‘our c
ommi tmen t’.
Th ese
k ey words c
ou ld have
been used in assembling the corpus, but eventually the corpus was retrieved as a
whol e f
rom a webs it
e dev oted t
o the
topic
of ‘mission st
a t
eme nts’.
Th e con te
n t i
s typically elaborated with
a view to projecti
ng a
compa ny’
s cult
ure
and ideology. The overt intention of the authorship (identifiable at the senior
management level) is to encourage and foster identification with the corporation.
This motivates the particular interest into the metaphorical self-projections of a
compa ny ’
s identit
y.
It is a management tool mainly addressed to the workforce (potential employees as
we ll
) that
are invited to adh ere t
o, r
espect a nd che ri
sh the compa ny’s culture and
values. Hence the potential manipulation of metaphor as a persuasive tool falls into
place.
421
Corpus), being randomly selected from the Fortune 500 website, where some of the
biggest and best run companies are entered. As the reduced scale of the corpus allows it,
concordancing and word listing options of Wordsmith Tools (Scott 2008) were used as
preparatory tools in metaphor exegesis.
I suggest that the following concordances should be examined: our, we,
company , bus iness(e s)
, c or poration, c or porate, c ompany ’s, bus iness es,
companies. This first line of inquiry will yield metaphors retrieved by Topic
terms search.
Additionally, the concordancing programme nails down a series of concepts
that are susceptible of being integrated into the written message as nodes of the
metaphorical source domain. These may include: value, growth, build, health,
culture, etc. Such examples and the number of overall corpus occurrences are
given below. The Vehicle-terms search will rescue any patterns that have been
missed out through the Topic-based search procedure.
422
(corporate) (20,7%) COUNTRY
THE ORGANIZATION IS A
PERSON
We, our, us 249 97 152 THE ORGANIZATION IS A
(38,9%) (61,1%) SERVANT
THE ORGANIZATION IS A
PROVIDER
THE ORGANIZATION IS A
BUILDER
THE ORGANIZATION IS A
PERSON/ AN ADMIRABLE
PERSON
THE ORGANIZATION IS A
WARRIOR
THE ORGANIZATION IS A
VEHICLE/ TRAVELLING
ENTITY
THE ORGANIZATION IS A
CULTURE
THE ORGANIZATION IS A
WHOLE
Table 1
Two examples are listed below via the actual concordance lines:
THE ORGANIZATION IS A BUILDING/ BUILDER
1 n. In doing this, we will deliver operational excellence in every corner of the
Company and meet or exceed our commitments to the many constituencies we serve.
30 t people and the best ideas. These three pillars have been the hallmarks of our
Company since it was founded by Mrs. Estee Lauder in 1946. They remain the found
24 Corporation Mission Statement Devon Energy is a results-oriented oil and gas
company that builds value for its shareholders through its employees by creating
6 Exposures facing our customers. We build value for our invest
9 ement The Global Beauty Leader We will build a unique portfo
THE ORGANIZATION IS A SERVANT
7 not only listen to our customers and booksellers but embrace the idea that the
Company is at their service. Becton, Dickinson and Company Mission Stat
8 race the idea that the Company is at their service. Becton, Dickinson and
Company Mission Statement To help all people live healthy lives Brist
3 nts to the many constituencies we serve. All of our long-ter
60 ndividual. We treat all those we serve with compassion and k
‘
Prof
it
able
growth through superior customer service, innovation, quality and
c
ommi t
ment.
’ (
THE ORGANIZATION IS A LIVING ORGANISM)
423
Topic-based searches also skip instances of metaphorical correspondences
where the T-t
erm is
rendered
by
the very
name
of t
he company; c
on sider:
‘Appl ied Ma t
e r
ia l
s'
mission is to be the leading supplier of semiconductor
fabrication solutions worldwide-through innovation and enhancement of
custome r produ ct
ivit
y wi th s ystems a nd s e
rvic e s ol
uti
ons.’(
THE
ORGANIZATION IS A WARRIOR/ RELIGIOUS ENTITY/ VEHICLE/
TRAVELLING ENTITY)
424
‘Par
tne ri
ng
wi t
h char
it
able or
ganizat
ions
dedicated t
o direct
ly se
rving c
hildren,
Mattel creates
joy
thr
oug h
the Matt
el Chil
dren'
s Foun dat
ion […] .
’
THE ORGANIZATION IS A RELIGIOUS BELIEVER
‘Conse co's
mission is to be a premier provider of insurance products to
Ame rica's
wor king
fa
mi l
ies a
nd se
n i
ors.
’
Sin ce
Mo rga n’s (
2006) book -length discussion of metaphors as building blocks
of organizational images broke new ground in 1980, many scholars have researched the
inextricable links between metaphors and the world of organizations, up to the point
whe n ‘the r
e is
a bu rgeon ing literature on me taph ors
a nd their role i
n t heoretic
al
repres entations of organiz at
ions ’ (CORNELI SSEN a nd KAFOUROS 2008: 957). The
thesis all these studies reinforce is that metaphor plays a crucial role in framing the
understanding of the business organization (CORNELISSEN 2004, MORGAN 2006).
In parallel, Albert and Whetten (1985) initiated another line of research devoted to
organizational identity and image. This analysis connects these two strands of research
via cognitive linguistics insights, and is supported by what was asserted long ago:
‘All t
h eories of
organisati
on and ma nageme nt are ba sed on i
mpl icit
ima ge s or
metaphors that persuade us to see, understand, and imagine situations in partial
ways. Metaphors create insight. But they also distort. They have strengths. But
they also have limitations. In creating ways of seeing, they create ways
of not seeing. Hence there can be no single theory or metaphor that gives an
425
all-purpose point of view. There can be no 'correct theory' for structuring
ev erythi
ng we do.’
(MORGAN 2006: 348)
Ov erall,
the se r
esults bear out
Eu ba nks ’
s (2000) pro posal
that the pa rt
icipants’
‘commun i
c at
ive
c omp l
ex’, i.
e. t
h eir c
ommuni cative goals an d generic fr
a me
of mi nd
should be weighed in explaining the choice of metaphors in discourse. The far-reaching
implication (already ascertained by Holmgreen in 2008) is that metaphorical structuring
is not always, as some experiential theses strongly claim, automatic and unconscious,
but may be subservient to deliberate and strategic communicative purposes.
A final major implication derives from this analysis. It may be concluded that
metaphors are essentially involved in the trade-of f
betwe en a n
organ i
z at
ion’ s
ima ge(s)
and identity. Organizational identity, understood as Gioia et. al. propose (Gioia et. al.
2000), as the central, dynamic and distinctive character of an organization, is constantly
renegotiated and revised under the pressure of its ongoing interrelationships with
multiple organizational images. The metaphorically constructed images that have been
debriefed above are desired future images (visionary perceptions expressly put forward
in missions statements), i.e. construed internal images. Their conceptual and linguistic
fluidity i
s capa ble of acti
ng as ‘
a de-st
abilizing
force on ide nti
ty’
(GI OI A et al.
2000:
67).
Concluding Remarks
This cognitive semantic investigation of the MSC leads to the following significant
inferences:
o Metaphorical constructions in the mission statements discourse reproduce and
promote only some of the metaphorical representations of the organization
available in the wider written business and economics discourse. There are a series
of factors governing the limitedness of the metaphor range, all circumscribed to the
mission statement genre variables and constraints. The empirical findings suggest
that the selection of the metaphorical patterns is a consequence of textual
constraints, target readership constraints and discursive purposes. Textual
constraints drive the mission statement to a condensed and poignant message,
where only the most rewarding metaphorical identities will be conveyed. The
strategy often encountered in the limited space of the mission statement message is
the mixing of metaphors, i.e. the interlocking of conceptually independent
metaphorical patterns in the same syntactical frame.
Target readership constraints compel the message to be maximally effective with a
mixed audience. The mission statement is designed so as to attract the confidence
and positive feedback from a mixed audience: consumers and non-consumers of the
pr oducts an d servi
ce s offere d by th
e compa ny; ac t
ual
or pote ntia
l shareholde rs
;
inde pende nt indivi
du als; adu lt
s and people under a
ge th at
ma y a
c c
ess the site;
spec ial
ists i
n
the f
ield;
g ove rnme nt
representa ti
ves; ot
her busin ess people,
et
c .
Wi th
a view to engaging in a positive and beneficial relation with any of these parties,
the mission statement content is expected to deliver a consistent and favourable
framing of the company and its line of business. This explains why a metaphor
such as THE ORGANIZATION IS A PRISON is ruled out from the very
beginning.
426
Ostensive and subdued discursive purposes stretch from attracting investors/
c onsume rs; building consume r c onfiden ce i
n th e company
brands;
mot i
vating the
wor kf orc
e ;
i nt
rodu cing the c ompa ny c redo; pr omoting busines
s pr iori
ties at a
c ert
ain
mome n t;
bloc king
a udi en ce ske pt
icis
m unde r
cert
ain c
ircums tances, etc.
These communicative goals encumber the choice of metaphorical patterns and
squeeze out into the message pervasive organism, personification, culture,
instrumentality-based mappings, to the detriment of mechanistic, concrete object,
animizing or political models.
o Faced with such a diverse audience, the mission statement message constructs the
identity of the parent company as a plurality of images that respond, each on its
own and together as a whole, to the interests of the recipients of the message.
Chaining and mixing metaphors is one means by which the companies images are
projected. Whether they are also professed is a moot question.
o The effectiveness of the identity metaphors encountered in the MSC texts may be
ranked as variable. The most rhetorically effective mappings owe their force to the
convergence of the focal points promoted by competing metaphors at various points
in the messages. Personification (THE ORGANIZATION IS A PERSON, THE
COMPANY IS AN ASSISTANT) and animizing metaphors (THE
ORGANIZATION IS A LIVING ORGANISM) are rhetorically effective due to
th ei
r potential
to dir
e ct
the
re ade rs’
n at
u ral
emot iona l
i
nvolvement and symp athy
to
living (preferably human) beings, rather than to inanimate entities. Dynamism is
framed as a focal point where metaphorical directions meet: the VEHICLE, the
MECHANISM, the PROCESSSUAL ENTITY, and the WARRIOR metaphors
succeed in making the company stand out as an active social actor. This elicits
dense semantic domains (journeys, change, war, etc.) where position and progress
are emphasized in various ways. Purposefulness is embedded in the VEHICLE,
POLITICAL SYSTEM and WARRIOR metaphors. Whether destinations or goals
are in sight, these are appealing rhetorical strategies for characterizing the
company. Competence and expertise may result from the PROFESSIONAL,
MECHANISM, and POLITICAL SYSTEM mappings. This reassures the public
th at
the comp any’s products are in the hands of ma nufa
c t
uring,
t
radi ng, f
inanc i
al
and management experts. Commitment to principles and values is expressed via the
RELIGIOUS FIGURE, CULTURE and POLITICAL SYSTEM facets of the
or ganizati
on ;
the se
are dis
cour se oppor tuniti
es t
o in
t r
oduce a
the
rewa rding t
opic
of
corporate values, responsibility, ethical conduct.
o The two-way metaphor identification procedure tested in this section has a
beneficial washback effect: it merges the traditional identification procedures
focused on either the Topic or the Vehicle terms, and gains reliability by not
excluding implicit metaphor, which remains a challenge in identification proposals.
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428
DEFINING ENGLISH AS AN INTERNATIONAL LANGUAGE
Adriana TEODORESCU
“Di
mit
rie
Cant
emir” Chr i
sti
an
Uni
ver
sit
y
Abstract: Over the last decades English has undoubtedly established as an international
language, as a language of wide communication, serving both global and local needs, its role and
importance being recognized in almost every country in the world. The fast development of the
world economy and technology has increased the use of English worldwide, this language being
learned by more and more individuals for a great variety of purposes. This paper aims at
examining English as an international language, in terms of number of users and official
recognition, its key features and worldwide spread.
429
Netherlands, had it not been for the dramatic rise of the US in the 20th century as a
world superpowe r.” (GRADDOL,
1997:
8)
“Th e spread, st
a t
us, an d f
un cti
on s of Eng l
ish aroun d the wor ld ar
e i
mpr essive
inde ed. In recorde d huma n h is
tory no oth er l angu age has ha d such a positi
on. […]
Th e
contexts for the use of English may be academic conferences, business, commerce,
diplomacy, educational institutions, manufacturing, mining, print or audio-visual media,
or
tou r
ism. ” (
Y. KACHRU, SMI TH, op. cit.: 1) English is used today for more purposes
than ever before. It finds itself at the leading edge of scientific and technological
development. Undoubtedly, English is the language of international relations and
communications, business, tourism, education, science, computer technology, and
media. It also dominates the Internet as around 80% of the information stored
electronically is in English. Consequently, English dominates the world in all fields of
activity, and has invaded the workplaces along with the global economy. English and
globalization have spread throughout the globe at the same time. While the English
language has sustained the globalization process, globalization has consolidated English
as a global language. The number of non-native speakers of English who use the
language for cross-cultural communication, for accessing and sharing information, etc.
is vast and continues to grow. According to Jenkins, for the first time in the history of
the English language, second language speakers outnumber those for whom English is
the mother tongue. Moreover, interaction in English increasingly involves non-native
speakers. (JENKINS, 2000: 1) Consequently, second language speakers will gradually
decide the global future of the language.
The spread and dominance of the English language have been studied by many
applied linguists throughout the last decades: e.g. Smith 1976, Kachru 1985, Rampton
1990, Phillipson 1992, Widdowson 1994, Crystal 1997, etc. In 1985, to better exemplify
the worldwide distribution of English, Kachru conceived the idea of three concentric
circles and divided the use of the language into three categories of English speakers:
“Th e spr ead of En glis
h
ma y be viewe d in te rms of
three concen tr
ic
circ l
es
representing
the types of spread, the patterns of acquisition and the functional domains in which
English is used across cultures and languages. I have tentatively labelled these: the
inner circle, the outer circle (or extended circle), and the expanding c ircl
e.” (B.
KACHRU, 1985: 12)
1. The Inner Circle, where English is the native language such as in the United
Kingdom, the United States, Canada, and Austral ia;
2. The Outer Circle, where English is spoken as a second language such as in
Singa pore ,
Indi
a ,
an d
th e
Philippin e s;
3. The Expanding Circle, where English is studied as a foreign language such as
in China, Japan, and Korea.
Ka chru’s mode l emph asi
zes the un p recedented development of the English
language in these three contexts. In the Inner Circle, English spread mostly because of
the migration of English speakers. In the Outer Circle, English spread because of
colonization by English-speaking nations. Competence in English among second
language speakers varies from native-like fluency to extremely poor. The spread of
English in the Expanding Circle is mainly a result of foreign language learning, as
English stands for the most popular foreign language studied in these countries. The
430
level of proficiency varies, many countries in the Expanding Circle using English
mainly for communication with speakers from other countries. The Expanding Circle
provides the greatest potential for the continuing spread of English. According to
Graddol, because the number of people using English is growing, second-language
spe akers are drawn towards t
he ‘inner circle ’
of
fi
rst
-language speakers and foreign-
langu age speakers to th
e ‘outer
c i
rcle’
of se c
on d-l
anguag e
speakers.
“ I
n
ma ny L2 areas,
there is a trend for professional and middle classes who are bilingual in English (a
rapidly growing social group in developing countries) to adopt English as the language
of the home. English is thus acquiring new first-language speakers outside the
tradit
ion al
‘ nati
v e-speaking’ c ountri
e s. Ye t the numbe r of new s econ d-language
speakers probably greatly offsets the children in L2 families who grow up as first-
langu age speakers.” (GRADDOL,
op. cit.: 11)
431
effectively as a means of wider communication. Foreign language speakers use English
mainly to communicate with other nations in order to share their ideas and culture.
Applied linguistics have expressed various and sometimes widely divergent
views on the concept of International English. In 1987, Smith elaborates on the notion
of English as an international language referring to limited fields of English usage,
noting that International English is not English for special purposes. On the contrary,
Widdowson states that International English comprises varieties of English for specific
purposes which allow communication within global expert communities.
(WIDDOWSON, 1997: 144)
Brutt-Griffler identifies four main features of an international language:
1. An international language is the result of the development of a world
econocultural system, including the development of a world market and
business community, as well as the development of a global scientific, cultural,
and intellectua l
li
fe;
2. An international language establishes alongside local languages in multilingual
conte xts;
3. It is learned by various levels of society, therefore an international language is
not l
imi ted to socioe con omi c
elit
e;
4. I t
spr e
a ds n ot by n ative s
pe ak
e rs’ mig r
ation ,
bu t rather by ma ny i
ndi vi
dua
ls
acquiring the language. (BRUTT-GRIFFLER, op. cit.)
Nowadays English exemplifies these features of an international language,
especially in a global sense. English dominates economic and cultural life, and
globalization goes hand in hand with the global spread of the language. It is learned by
more and more individuals across the world, it is vital to a developing global economy,
and it stands for the main language of a growing mass culture.
Conclusions
BIBLIOGRAPHY
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433
LES CONSTRUCTIONS CIRCONSTANCIELLES EN FRANÇAIS
TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE
Ana-Marina TOMESCU
i
a.
L’ expr ess
ion du temps .
Les
dif
ficu lté
s auxqu ell
es l’
a ppr enant est confronté en travaillant avec tel ou tel matériel
d’
apprentiss a
ge appa rt
ena nt
a u français techniqu e
ou
sc ien t
ifiqu e
sont :
- interpréter et produire des énoncés qui expriment la périodicité et qui sont
c on st
ruit
e s
en
fra nçais à l
’aide des expression tout(te)s les + nombre + une
division du temps. Si da ns l
’ i
n ter
pré t
ati
on un e expre ssi
on
te mpore ll
e
comme
toutes les deux semaines dérou t
e ce
rtains appr en ants,
a u
mome nt
de l’émission
on a alors recours à la traduction mot à mot de la structure en roumain :
Exemple : *De
de ux en
de ux mi nut es
une nouv el
le voitur e s
or t de l
’usine .
(Toutes l
es deux
mi nut es
une nouv ell
e voiture
s ort
de l
’usine .)
434
- u t
il
ise r
l’i
nfi
nit
if
pa ss
é pour ex pr
imer
un rapport de postériorité au cas où les
deux propositions ont le mê me sujet
. Le s a ppren ants n’ uti
lisent pa s
fréquemment cette construction.
Exemple : Apr è
s avoi
r r
emé dié à l’
inc onvéni
ent,
i
l a
expliqué
que l
e f
on çage des pi
e ux
est nécessaire.
b.
L’e xpres
s i
on de l
a compar aison.
Soy on s fra
n cs
en t
re
nous
:
il
y a
peu
d’étu diant
s /
d’appr
e nants
qu i
,
en
v i
sit
e
à l
’étranger
ou en contact avec la langue de spécialité (technique, scientifique, économique,
mé dic ale),
n’éprouvent
pas a
u moins
un ma lais
e,
v oi
re l
’emba rras
de
ne pas comp r
e ndre
ou de ne pas être compris. Peu importe la compétence visée (compréhension orale ou
écrite, production or
ale ou
éc ri
te)
,
l’
étudia nt
/
l’
appre na
n t
est
sa ns
ces
se confronté avec
ce qu ’i
l ne s
a i
t pas encore, par
ce qu’il ressent f
orteme nt
l’écart
entr
e les
fac ult
és
435
d’expr
e ssion de sa langue ma te r
nel
le
et
cel
les
d’
une
la
ngu
e é
tra
ngè
re.
Les difficultés
auxquelles il est confronté sont :
- pos it
ionn e r correct
e me nt l’adve rbe d’égalité aussi (= également), qui, sous
l’ i
nfl
u enc e du rouma in,
a pparaît en
tê te
de
ph r
ase.
Ce tt
e fa
ute
est
gén ér
ée
au s
si
par la méconnaissance de la double valeur de aussi (adverbe et conjonction de
coordination conclusive).
Exemple : *Aussi le bulldozer va niveler le sol.
Le bulldozer va niveler aussi le sol.
436
pe rme t
tent d’ ac qu érir une r
ich e
ex pé r
ien ce da ns le but
de s
éle ctionn er
la prépos ition
adéquate. « Le s c omp l
é me nts d’in st
rume nt s
s e distri
bue nt a ve c des pr épos iti
on s
différentes et les déterminants qui les précèdent connaissent certaines contraintes »
(DUGAS, 1097 : 56).
Exemple : Vous
ne ne t
toye z
pa s
les
h abits
au moy en d’une brosse .
El le ratisse
aut our
de l
’ar bre ave c un râteau.
Il taille la pierre avec un ciseau.
Il trav aille l
’ac ier
*au (à + l
e) / *par /
*du
(de
+ le)
lami noir.
Il trav aille l
’ac ier
av ec
le lami noir.
I
l di rige tout
d’un geste
dis cre
t /
*av ec
u n
ge st
e discret .
La préposition à est fréquemment utilisée : forneau à gaz ( cu gaze),
avion à reaction (avion cu ), repasser à la vapeur ( cu aburi), taillé à la
serpe ( cu toporul). La même correspondance est évidente dans les expressions qui
expriment des moyens de locomotion : à moto, à vélo.
De ce point de vue, la littérature de spécialité a tranché le problème :
« Qu elqu es con s t
a ntes se dég agent
de l
’an alys e
des
prépositions : la préposition avec est
celle qui connaît le moins de contraintes et reste possible dans à peu près tous les
contextes ; le s au t
r es prépos it
ions (à, de, par) s’
e xcluent
mu tuelle me nt
da ns la pl upa r
t
des cas » (DUGAS, 1097 : 58).
d.
L’ e xpr ess i
o n de l
a quantité
Formu le r
cor rec t
eme nt
l’
id ée de l
a qu a
ntit
é
et du rapport qu ant
it
a ti
f repré s
e nte
une préoccupation constante pour les apprenants du français technique et scientifique.
Ils commencent à améliorer leurs connaissances par des exercices de mathématiques,
simples, qui utilisent la terminologie française:
- les opérations arithmétiques (l ’addi t
i o
n, la soustraction, la multiplication, la
division)
- e n algèbre,
l ’
opé r
a tion puissance consiste à multiplier un nombre a par lui-
même plusieurs fois de suite. Le nombre de facteurs intervenant dans cette
opération est noté à la suite du nombre a en exposant au sens typographique de
ce terme.
Exemple : 22 (deux au carré / la puissance carrée ou le carré de deux)
23 (deux au cube / la puissance cubique ou le cube de deux)
24 (deux à la quatrième puissance / deux exposant quatre)
- l ’évolu t
ion d’un e
dime nsion ,
d’un prix,
d’u
ne
quantit
é:
Exemple : Le diamètre sera augmenté *avec 9 cm.
Le diamètre sera augmenté de 9 cm.
L’ indice a ét
é augme nt
é *de dix
fois.
L’ indice a ét
é augme nt
é –dix fois.
La production augmentera *avec 25%.
La production augmentera de 25%.
Cette règle est respectée aussi dans la langue commune: Elle a grandi de 5 centimètres
/ *avec 5 centimètres.
437
- extraire une certaine quantité de la quantité globale:
Exemple : *Deux de trois ampoules sont grillées.
Deux sur trois ampoules sont grillées.
- le s deux ma ni
è r
es d’ e
xpr ime r
l’appr ox i
ma t
ion d’u ne quant
it
é:
le
numé
ral
collectif formé à l ’ aide du suffi
x e –aine d’un côté
(à s
avoir
que
,
, proviennent des numéraux collectifs français
c orrespon da
n t
s) et
l’adve rbe d’approxima t
ion
presque :
Exemple : presque / environ / quelque (invariable) dix minutes
e
. L’ expr essi
on de
la c
ause
Le français dispose de plusieurs moyens linguistiques pour exprimer la cause, dont
certains peuvent être considérés spécifiques à la communication scientifique et
technique. Il est généralement connu que la cause est un fait qui se produit avant un
autre. El
le en t
raîne, provoque
d’aut
res
évén eme nts,
c’est
la raison pou r
laquelle e
lle es t
con sidér
ée la sou r
ce ou
l’or
igine
d’un aut
re fait
.
Le s
principales
diffi
cu l
tés c
on cernent :
- l’ opposit
ion
cause
favorable (
grâce à) / cause explicative (à cause de), ignorée
assez fréquemment dans les énoncés des apprenants.
Exemple : L’imme ubl
e
s’es
t écroulé *grâce au tre mbleme nt de terre.
L’
imme ubl
e s’
est
écroul é
à cause du tr embleme nt de terre.
- l’util
isat
ion c orr
e cte de c omme e t
pu isqu e: comme fonctionne comme
opérateur de phrase, précédant la conclusion ; puisque se laisse distribuer dans
les deux positions : après la conclusions et rarement en tête de phrase :
Exemple : Comme les électrocutés par la haute tension présentent des brûlures
int
e rne s,
on conclut
que …
Puisque le transporteur est constitué par un cylindre en plastique, on a décidé
que …
En mê me temps la lit
té r
atu re de spé cial
ité
a at
tiré l’atte
ntion à l’effet que «comme et
puisque se séparent par le fait que le dernier apparaît aussi dans des structures
partiellement inorganisées, des structures elliptiques de verbe prédicatif » (MICLAU,
2002 : 186) :
Exemple : … la
puissanc e e st
faible dans
… puisque
co nvexe
…
- l’ut i
li
sati
on de certain es loc uti
on s spéci
alisé
es
moi
n s fréque nt e
s: pour cause
de, par égard pour, par suite de.
Exemple : La construction du bâtiment est arrêtée pour cause de faillite.
On va visiter le stand professionnel par égard pour son succès aux
spécialistes.
Par suite des pluies, la rivière a débordé.
- l’ empl oi
de s art
icul
ateurs en vertu de, en raison de, compte tenu de, et vu
(utilisé surtout dans le langage juridique) qui font référence aux résultats
antérieurs :
Exemple : En ve r
tu de
la
théori
e
de la
vit
esse de rotat
ion …
En rai
son du f
ait
que ces
organisme s s’use
n t
si
vit
e …
438
Compte
te
nu
du
fai
t
que
le
conduc
teur
es
t c
ompos
é d’
un
mot
eur
tr
iphas
é
ac
couplé
à une
machi
ne
…
En guise de conclusion
L’appr ena nt
d’u ne
langu e étrangè r
e
renc ontre bea ucou p de di fficul
té s
sur
tout
s’il
n’a pa s r
éus si à se déta
c her des structures de sa langue maternelle. Le métier de
traducteur spécialisé pose aussi beaucoup de difficultés. Il faut travailler extrêmement
v i
te,
ce qui nuit f
or cé
me n t
à la qualité.
D’ unel a
n gue à l’autre, l
e s conce pt
s ne s
e
recouvrent jamais tout à fait
, ce qui
suf fi
t à f
a i
re de la
tradu ction ,
à l
’é ch ell
e de cha
qu e
mot, une tâche difficile. En somme , les dicti
onn aires, bien qu’ i
ls s oient des outi
ls
indispensables, ne serven t
j
ama is que de source d’inspir
a ti
on .
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439
DÉMARCHES DE CONSTRUCTI ON D’
UN MODULE FOS
POUR LES EMPLOYÉS DE BRD - GROUPE SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Irina ALDEA
Université de
Résumé : Après une courte introduction dans le domaine du FOS, cette étude présente
dans un premier
te mps,
les étapes né cessai
res pour l
a co ns
truct
ion d’u
n pr ogr amme FOS. La
deux ième parti
e r
e prés
ente une
é t
ude de cas qui
vis
e l’ap pli
cati
on de ce
s étape sdans le but de
réaliser un module FOS pour les employés de BRD -Groupe Société Générale.
Pou r établir l
a plac e de l’ens e
ig ne me nt du FOS da ns l
e ch amp de la
didactique
du FLE, nous de von s e nv isag e
r l’analy se de de ux situations qu asi
a ntinomi qu e
s de
l’ens ei
g neme nt
de s l
a ngu e s étrangè res:
- un e
pr emi ère situation e st c
e lle qui v i
se l’
en seign ement
da ns l
e s i
ns ti
tuti
ons
scolaires (les élèves bénéficient de quelqu es h eures pa r s ema ines e t l’objectif
fon dame ntal est ce l
u i
de la f
orma tion de l
a personne au mê me niveau que d’ aut
re s
ma t
ières comme l
’h istoire ,
la phy siq ue,
e t
c .
C’ est l
e type d’e nsei
gn eme nt qu’on appelle
généraliste.
- la deuxième situation vise les demandes spécifiques provenant du monde
prof essionn el.
Le s obje ctifs d’appr e nti
ssa ge qu e l
e
publ ic
profession nel
doi t
atteindre
n e
dépassent pas en général quelques mois et ils sont précisément identifiés et analysés ;
par conséquent, ces deux contraintes, le t
emps et l
a
pré ci
sion
de
l’objec t
if détermi nent
la r
é ali
sa t
ion des prog ra mme s
d’ e nseigne me n t diff
é rents de ce ux spé cifi
qu es pou r
l’ens ei
g neme nt
g é néra li
s t
e .
Le FOS i mpl ique f in a
leme nt l a c ons truction de s
programmes qui doivent être adaptés au type de demande, au contexte et à toutes les
con traintes qu i
sur giss ent. Ce type d’e nseign eme n t
, en fonc ti
on du doma ine auqu el
i
l
s’impos e doit
a ussi ten i
r
c ompt e
de
la compos a nte
culturelle car: « l
’acqu isi
tion d’un e
au tr
e
langu e
ne
con stitue qu e l
’un de s
fac t
e ursde communication et de coopération avec
les étrang ers.
Ca r il
y
a l’étran ge da ns
le con cept d’ét
ra nger. C'est
-à-dire non seulement
qu elqu’un qu i
est d’ un e au tre nation; ma is au ssi,
comme le dit
le Larou sse,
qu elqu’un
qu i
n’ appa rti
en t
pa s à la ch os e
don t
on pa rle..
.qu i
pe ut
a gi
r de
façon
con tr
a ir
e à l’usage,
à l’ordre ,
au
bon sen s!
Tr a va i
lle
r ,
c ommu n ique r,
créer
a vec d’autres i
mpl iqu e
d onc qu e
d’a utres con dit
ion s soi ent ré unies qu e la
se ule poss e
ssion d’une langu e commun e.
La
première condition consiste à f
aire l
’effort de conn aîtr
e e
t de
compr e n
dr e,
à
mi nima ,
l
e s
fon deme nts e
t les dé termi n ants de la
c ult
u re de
l’autr
e .
C’ est
don c un v érit
ab l
e
travail
de recon naissanc e et de dé coda ge qu’il s’
a git de condui re pour sen t
ir
ce qui dé t
ermine
les raison s d’être et de se comporter dans les échanges techniques, commerciaux ou
relationnels. Car il faudra sans cesse y réintégrer des relations, peut-être très différentes,
au x homme s et aux f emme s, au temps ,
à l’a r
g ent
, à l
a face, à l
’autorité, d’autr
e s
logiques de l ’hon ne ur.» (P. CASPAR, 1991 :13).
440
Dans le livre intitulé Le Français sur objectif spécifique :
de l’ana lyse des
besoins à l’élabor at i
o n d’un cour sJ-M Magiante et C. Parpette énoncent les cinq étapes
afféren tes à l
a cons truc ti
on
d’ un modu le FOS.
- La première étape vise la demande de formation : une institution
d’ense ign eme nt
r
e çoit une dema nde de
la part
d’u n or ganisme;
ell
e
doit don c
ass ure
r
une formation linguistique avec un objectif spécifique en fonction de plusieurs
paramètres comme : la durée, les horaires, le nombre de personne, etc.
- La deux ième
étape
c once r
n e
l
’ana l
yse de s
be soins: l
’enseignan t ou l
’équipe
d’ense ign an t
s qu i
doi ve nt
s’occu per de la
forma t
ion che r
ch ent à
identif
ier les be s
oin s
de
formation : les situations de communication auxquelles devront faire face les
apprenants, ce qui permet la schématisation des connaissances et des savoir-faire
langag iers qu ’il
s de vront
acqué rir
au
cou r
s
de
la
forma t
ion .
- La troisième étape porte sur la collecte des données. Chaque demande ayant
bien su r
son spéc if
iqu e, l
’ens e
ig nant es
t plus ou moi ns f
ami lier
a vec
les si
tu ations qu’il
aura à « traiter ». Donc, la réalisation du programme de formation implique une prise de
contac t av ec l
e s
s ujets visés,
l’i
de ntifi
cation des si
tu ati
ons de commun ication, des types
de dis cou rs qu ’ils
au r
ont à produ ir
e .
Ce tt
e é
tape est évidemme nt
, ét
roiteme nt l
iée
à
l’analy se de s besoins car e l
le vali
d e ou n on les obs erva t
ion s antér
ieure s fa i
tes par
l’enseig na nt.
- La qua t
rième é
tape se rapporte à l’
analy se des don n é
e s
. Dans le contexte de
l’analy se de s don né es, l
’ense i
g nan t
rencontr e
différen t
es situ at
ions de commun ica t
ion
dont il doit identifier, ordonner et schématiser tous les aspects.
- La
c i
n quiè me é
t a
pe
e nv i
sage l’él
a borat
ion effectiv
e des ac
tivit
é s.
Apr ès
a voi
r
collecté
e t ana l
y sé les don né e
s ,
l’enseign a
n t
classifi
e le
s si
tu at
ions de commun i
ca t
ion
qu’il
a bor de ra,
les aspe cts c
u lt
u rels
qu i
doive nt
êt
re
étu diés et
l
es savoi
r-faire langagiers
les
plu s impo rtants pou r
réaliser l
e s
acti
v i
tés d’enseign eme nt.
Démarche s
de cons
truc
tion
d’un
modul
e FOS
pour
le
s e
mpl
oyé
s de
BRD- Groupe
Société Générale
441
La trame curriculaire contiendra les objectifs pédagogiques, les savoir -faire
langagiers, le syllabus, les supports, les activités (démarche pédagogique), l ’a
spe ct
interc ultu rel
, l
’év alu ation.
Une bonne formation en français du personnel BRD devra prendre en
con sidé ra ti
on
au moi ns de ux raison s
pri
n ci
pa l
es dont
l’une est
évidente:
- même si la BRD est une banque de personnalité juridique roumaine, elle
fonctionne en partenariat avec des actionnaires français ;
- l ’empl ace me nt de l ’usin e au t
omobi le Da cia-Renault à P
importante communauté de Français est présente dans la région. Cette
communauté représente aussi un taux important de la clientèle de la banque.
Ces considérations préliminaires sur le contexte nous ont permis de cerner de
façon assez précise les besoins du public concerné (besoins langagiers, institutionnels,
pe rson ne ls)
e t
d’inv e ntorie r
les obj ecti
fs vi
sés.
Nou s
av on s aussi soumi s à
l’anal
y se
les éléme nts c ommuns
à abor
der dans le
proc e ssus d’appr en tissage con formé me nt
a u
CECR e t
le n ombr e
d’he u r
es
nécessai
r es
pour atteindre les niveaux CECR : nous sommes arrivés au constat que le niveau à
atteindre était A 2, en partant du niveau A 1, ce qui requérrait un nombre de 45 heures
de cours.
Dans un premier temps, nous avons entrepris une enquête sur le terrain afin de
dresser une liste des situations de communication auxquelles seront confrontés les
apprenants dans leur activité professionnelle. Le second volet de cette enquête porta sur
l’estima ti on du niv e au de s c on na is
sanc e
s de spéc i
alit
é nécessaire à atteindre pour le
formateur.
Nous avons utilisé dans le cadre de cette enquête deux moyens
d’inv e st
ig ati
on:
i. un questionnaire destiné aux employés, portant sur leur pratique
professionnelle, le contenu des échanges communicationnels avec les partenaires et les
clien ts et leurs tâ ch es à a ccompl i
r.
A ti
tre d’ex e
mpl es, nou s avon s incl
us dans ce
questionnaire des items tels que :
- à
qu ell
e u tili
s at
ion du fr ançai
s
l’apprena n
t sera-t-il confronté au moment de
son activité professionnelle ?
- a-t-il déjà eu une formation en français ou dans une autre langue étrangère ?
- avec qui parlera-t-il ?
- à quel sujet ?
- de quelle manière ?
- quels types de documents aura-t-il à lire ? ;
- qu ’
a ura-t-il à écrire ? etc.
ii. une interview avec le directeur de la BRD P
formation linguistique du personnel de la banque concernant le but à atteindre :
nous avons ainsi recueilli des données supplémentaires (formation à court, moyen
ou long terme). Ces informations nous permettrons de concevoir le travail en
autonomie.
L’ é
tape su iv ante de l’
é l
a bor a
tion du cours s
e ra
g ouv er
né e
pa r
deux
élément s:
le sou ci de
la prog re ssion de l’appr enti
ssage
et
la coll
ecte
de s supports
p édagogi
qu es:
- s tructure d’ un e séqu e nce pédagogique;
- distribution de la quantité de notions afférente à chaque séquence
pédagogique ;
- les types de documents : sonores, vidéo et écrits ;
- les sources- sites, livres, méthodes, CD ;
442
- l’évaluat
ion: tests.
Tou t l’e
n sembl e de s i
nforma ti
on s ser
a soumis à une pr ofonde r éfl
e xi
on
personne lle
e t
aux ada pta ti
ons n
éc essaires
pour
arr
iver
à l’él
aboration, ré
pon dan t
aux
nécessités du public visé : les employés de la BRD.
Pour rendre efficace notre programme, nous allons procéder également à divers
type s
d’év al
ua t
ion: initiale, formative, sommative.
Nous espérons que la dynamique et le contenu du programme envisagé, suivant
les paramètres envisagés ci-de ssus
, gara nt
issent
l’
eff
icac
ité
du
produ i
t pédagogiqu e.
Sitographie :
www.canalU.com
www.cla.com
www.cnrs.com
www.le-fos.com
www. fdlm.org.
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De Boeck Université, Bruxelles, 2005
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Pollet M.-C., Pour une didactique des discours universitaires, De Boeck Université,
Bruxelles, 2001
Vigner G., Didactique fonctionnelle du français, Hachette, Paris, 1980
443
DIDACTIQUE LITTÉRAIRE ET FORMATION DES
COMPÉTENCES DE COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Sanda-
Tant qu e l
a forma t
ion li
tté
raire
e n cl
a sse
de FLE, qu i
fait
l’objet de la
didact
iqu e
lit
té r
a i
re,
ne
fer
a que r
e s
pecte
r
une l
ogiqu e
de ma t
ièr
es,
tant
que l
’ens e i
gnant
concevra son c ours
exclusi
ve ment sel
on l
’ordre d’expositi
on des savoir
s da ns ses
ouvrages de référence
, e
n néglige
a nt
,
d’une part
,
la quest
ion de
la
tra
n s
forma t
ion
de ces
savoir
s e n c onnais
sances,
d’ autr
e par t
, la que st
ion de la str
u c
turat
ion de c es
connaissances e
n
compétences,
il
lui
s
era i
mpos si
bl e
d’art
iculer
sav
oirs
et c
ompé t e
nce s
,
connaissances sur l
a l
itt
érat
ure, d’une
pa rt
, et
, d’autr
e part,
commun icat
ion su r une
expéri
e nce
de la
lit
tér
atur
e qui
s’enri
chit
progres
siveme nt
de ces
connais
sances-là.
444
fins en soi. Mais la nécessaire évaluation des acquis ne doit pas devenir une obsession
qui renforce le pilotage du système scolaire sur la base quasi exclusive des résultats de
l’a ppre ntissag e,
sui vant le modè le de s fa me ux “learning outcomes” de l
a l
ittérature de
spécialité anglaise. Car cela peut abou tir
à dé tou rne r l’attention de la ma jorité des
e ns ei
gn an ts de
la qu estion
fon da me n t
a le porta nt su r
l’appor t
spé cifiqu e de
la
lit
tératu r
e
fra nça ise qu e nou s e ns ei
gnon s à l ’h uma n i
s ation de nos étudia nts,
p ou r la c entrer
e xc l
us ive me nt sur l’effort de re ndre tou s
n os ét
u di ants
c apa ble s d’effe ctuer les tâches
c ompl exe s qu i
c onstitue nt a ujou rd’hu i
l a c h arpe nte de c ett
e di s
c ipline. Ce n’ est
assurément pas une question dérisoire que cette dernière: il y va de la réussite scolaire.
L’ e ssen t
iel e st
d e
garde r l’
équilibre entre les fins poursuivis, et de ne jamais oublier à
me ttre l’
a cc ent sur l
e pouv oir éma nc i
p ate ur
de s
sa v i
ors littéraires, leur ve rt
u d’élucid e
r
l’e nvironn eme nt
ma t
é ri
e l comme huma i
n e t d’ éc la
ire r
l es c hoi x qu i c onc ouren t
au
bonheur individuel comme
à
l’h armon ie collec tive. La foc alisation sur l
e s
tâc hes, sur l
es
te chniqu e s d’e nseigneme nt les pl us apt es à ren dr e pos si
bl e l
’appr opr iati
on de s savoi r
s
pe rme tt
an t d’ accompl ir c es de r
n ière s, dé voi e l a r éfor me pé da gog ique don t les
compétences sont la clé de voûte et elle fait obstacle à la réflexion des enseignants sur
le s bé n éfice s pot entiels de c e q u ’il
s e nseign e nt,
s ’
agi ssan t de l ’épa nou isseme nt
intellectuel et affectif de leurs étudiants.
Pou r
a
s s
u rer
l ’
a cquisition
ou le déve loppe me nt de compé ten ces deproduction
et de compréhension de discou rs por ta nt sur l’indi vidu da ns le monde , pa r exe mpl e,
l’a ppre ntissag e de l a l it
téra t
u re f ran çaise doi t
r en dr e po ssible e t dé sirable
l’a ppropr ia t
ion de c
on n aissanc es su r ce rtai
n s g enr es de di scou rs. Elle doit é galeme nt
re ndr e pos sible et
dé sirable l’
a ppr opr i
a tion de
c on n ai
ss ance s sur les usa ges
de l
a langu e
conformes aux règles ou aux conventions qui définissent ces genres de discours.
Par « compréhension en lecture », on désigne « une opé ration de l’esprit
complexe consistant à produire un modèle mental de ce que le texte donne à connaître,
à saisir l’intention de
l’aut eur e t
à ré agi r,
intellec tuelleme nt et
af f
e cti
v eme nt, à la f
oi s
à
c e modè le et à l’
éc ri
t qu i l
e donne
à conn aît
re
» (DUMORTIER, 2001: 15-20).
La bonne ou l a h au t
e c ompé t
en ce de lec t
u re de l ’étu diant pe r me t à
l’e nseig nan t de s '
é loign er d’ un e l ec ture un i
qu eme nt gu idé e pa r s on e xpé ri
en ce
d’ ens eign eme nt ou de tendre à pr op os er de s qu estion s a utou r du texte d’ après l
es
critères qui lui confère sa propre lecture. Il est grand temps à nous rappeler les dires
que : « appr endr e à li
r e, c’est d’abor d ap prendr e à pr opos e r
de s que stions pertinent e
s
à un texte et non à répondre à celle du maître » (VIGNER, 1984: 147). De ce point de
vue, tout en nous appuyant sur les outils que la pédagogie de la créativité nous offre
a ujou rd’hu i, il
sera i
t souh ai
tabl e qu ’on agisse de la sorte qu e tous n os
é tudiants, sans
e xc eption , se dé gagent de
not re ai de directe pou r qu ’
il pu i
ss ent arrive r
à un gré de
ma turité à trave r
s l
’ex ercice de lecture. De ce point de vue, avec le choix du texte
littéraire le défi nous semble alors incontestable.
Pour cerner des compétences, il faut croiser deux catégories de variables dont
le s v aleu rs pa rt
icu l
ières influe ncen t la compr é
h e nsion d’ une oe uvre littéraire et la
manifestation de cette compréhension en contexte pédagogique: celles qui concernent
l’oe uv re elle-même et celles qui concernent le contexte dans lequel tâche est imposée et
accomplie. Ce sont les valeurs récurrentes de ces variables qui permettent de dire que n
pr atiqu es de l
e ct
ure
sc olaires son t
appa re nt
ée s, qu’ ell
e s a
ppa rti
e nn ent à la mê me fami ll
e
de situations ou de tâches de lecture. À chacune de ces familles correspond une
compétence, une virtualité de mobiliser les ressources néces saires à l’accompl isseme nt
de la double activité de compréhension et de manifestation de la compréhension. Ces
re ssou rces nécessa i
res au niveau de c hac un de
n os
é tudian ts son t
, d’apr ès Dumo r
tier, l
es
445
suivantes: « l ’
habitus
c ulturel ou les habitude s cultur elle
s de l
’élèv e,
ses c onnai ssanc es
lingui sti
que s lato s ens u, s es c on nai ssanc es du domai ne dont traite l ’
é crit, s es
c onnai ssanc e s
des conv ent i
ons ou de s
code s addi t
ionne ls
intervenant dans l’élabo ration
de l ’éc r
it,
s es connai ssanc e
s re l
at ive s à la tâche d e compréhension et à la tâche de
manifestation de la compréhension, ses structures affectives et son intérêt pour le
domai ne d
ont
trait
e
l’écr i
t, s
e s ress our ce s
mé tacogni ti
v es.
» (DUMORTIER, 2000: 82).
Tou t ce qu ’
on pe ut di re à nos
étu dian t
s, c ’
e st
qu e ce qu’ i
ls a ppr enn ent sur
l’h omme e t su r
l’art, pa r l’i
n termé di air
e de s t âch es ay an t
trait à la l ittératu re, est
bénéfique à leur épanouissement intellectuel et socio-a ffec t
if.
Tout c e
qu ’on pe ut leur
faire constater, en choisissant les oeuvres ou les fragments littéraires adéquats, en les
leur présentant de façon propice, en centrant leur attention et en exerçant leur réflexion
su r le s a
spe c ts
qui conv ien nent, c’e st qu e
ce s écrit
s
donne nt à con naître
la « vie » comme
ne le fait aucun de ceux qui véhiculent les a u tr
es sa voirs
disc i
plinaires, e
t qu ’i
ls donn ent
a uta nt à ré
f léch i
r s
u r
le
mode d’ expos iti
on
de leurs thème s respec t
ifs
qu e su r ces t
h ème s
eux-mê me s, a utant à ré fl
éc hir s u r l es q uestion s d’ énon ciation e t de pe rspe c t
iv e
,
notamment, que sur les questions de c ontenu .
Le s tâche s scolaires que
l’on peut estime r
pr opr e s à l’a cquisi
tion et au dé v eloppe me nt de compé te nces r e
latives aux pra t
iqu es
littéra ires
n’ impl i
qu en t
jama is de s a ctivités i
de ntique s à celles qu i
se déro ul ent da ns les
situations extrascolaires.
Mai nts spé cial
iste s
de s c ompé t
en ces a tti
re nt l’
a tt
en ti
on su r
le f ait qu e les
pos sibi l
it
és de mobi lisation
d’ un e c ompé tenc e
s on t
liée s
à l
a con science du su j
e t de
se
retrouver dans une situation problématique semblable ou apparentée à celle dans
laquelle il a acquis cette compétence-là. À défaut de cette conscience, la compétence
n ’es t pas ac tuali
sée, et les con na i
s san c es
qu’ ell
e i
mpl ique ne son t
pas
mi s es en oe uv re
.
On c ompr e nd dè s
lors
combi en il
e st impor t
a nt
qu e l’ense igna nt
en t
an t
qu e con ce pteur
de tâches-pr obl ème s pa r l’i
nte rmé di a ir
e
de sque ll
e s s’acque r
ron t,
prog res siveme n t,
l
es
compétences, mette en lumière les situations problématiques analogues, celles qui ont
trait aux activités scolaires et celles qui ont trait aux pratiques sociales de référence.
S’ ag iss ant
de la f
or ma tion l
itté r
a i
r e, l
’une des plus impor t
an t
e s
consé qu e nce s de la
re dé fin i
ti
on de s objec t
ifs d’appr entis sag e
e n terme s de compé tenc es est, à not re av is
,
d’ attire r
l’a ttenti
on de s e ns eig nan ts – f oc alisée ,
d’ h abitude ,
s ur u ne or g an isation
généralement chronologique des savoirs littéraires, sur les ressources nécessaires à
l’a cc ompl isse me nt
de s tâch es,
à la ré solution
de s difficultés qu ’
e l
les comp orten t.
C’ est
la didactique des langues étrangères qui a répandu la conception des quatre
compétences, parfois appelées macro-compétences: savoir lire, écrire, parler, écouter.
L’ e ns eignan t de FLE doi t v eiller à ce qu e s es é tudian ts
s oient, da n s c es qu a t
re
domaines, également apte à comprendre ou à produire des messages. Leur aptitude
relative dépend, notamment, de variables comme leur rapport à la matière du message, à
sa n a ture,
à sa forme ,
à l’én onc iat eur ou a u de stina t
aire. Ce la étant, n ous de v ons
pr éc ise r
que leurs
compé t
e nces de le cture,
d’ écriture, de
pa role et
d’é coute son t sou vent
fluctuantes ou que, dans chacun de ces secteurs de la communication, nos étudiants
a cqu iè rent
c ertaines compé tenc es ma is que d’ a
u tres peuv en t
leur faire
e ncor e
dé fau t.
De leurs diffé rents c oin s du mon de, c ertain s
c h ercheu r
s s ’
e nt ende n t pou r
re comma nde r l’
util
isation du texte littéraire en classe de langue et la transposition des
pr atiqu e
s pé da gogiqu es de l
a cla sse de
langu e à l’en seigne me nt de
la li
tté rature afin de
consolider les compétences communes telles les compétences linguistiques,
communicationnelles et culturel les, ou encor e
le s compé tence s
de lecture et d’é criture
da n s la
lan gu e ci
ble
(c f.
Sc ott, TUCKER, 2001; STI VALE, 2004) .
Le s e ns eign an ts e
t
446
le
s é
tudia
nts on
t donc
int
érê
t à
ce
qu
e c
es
deux
doma
ine
s de
la
di
dac
ti
que
s’
uni
sse
nt
dans
l
e di
alogue
et
l’
échan
ge.
La démarche interculturelle
447
justement cette dimension anthropologique qui constitue la voie d'accès privilégié aux
modèles culturels.
Une telle démarche concerne à la fois le fond et la forme des textes et évoque
la fonction sociale de la littérature, fonction qui figure sa dimension représentative des
références culturelles d'une communauté donné et partant son important rôle intégratif
et identitaire. De plus, la complexité des problèmes identitaires au lieu d'entamer
l'intérêt didactique qui leur est porté aujourd'hui, permet plutôt d'établir un lien étroit
entre l'école et la vie, un lien qui se joue dans la réalité. C'est pour cette raison qu' « il
faut avoir déjà conscience que l'interculturel est un passage obligé parce qu'aussi, à y
regarder de plus près, tout rapport avec le texte est dans son essence interculturel, en
F. L.E.
( …), comp t
e t
enu évidemme nt de
la “pl
uralité” cult
ur elle,
de
la mul tipl
icit
é de s
croisements culturels, caractéristiques de la civilisation d'aujourd'hui et même, par-
delà cette pluralité et cette multiplicité. » (SEOUD, 1997: 137).
Cette thèse que nous partageons vivement est aussi soutenue par beaucoup
d’ au t
res didacticiens parmi lesquels Collès (1992) et Charaudeau (1987). Cette
démarche est aussi nommée par ailleurs pédagogie interculturelle et s'inscrit dans
l'optique d'une méthodologie éclectique dont la nécessité se justifie par le fait que « le
plaisir n'est pas le seul enjeu de la reconnaissance-découverte de soi en lecture: la
conscience d'une identité aussi. C'est pourquoi il importe d'inscrire dans notre
perspective didactique, aussi bien en FLE qu'en FLM, un passage par ce qui s'appelle
aujourd'hui l'interculturel. » (SEOUD, 1997: 137).
Il faut aussi préciser que la démarche interculturelle ne relève pas
essentiellement de l'actualité au regard des exigences vitales que crée en nous la société
de l’informa tion et
l’intern at
iona l
isa ti
on , la
mondi al
isa t
ion
e t
s es
con t
in genc es.
Elle est
une nécessité ancienne, car le rapport de l'homme au texte littéraire existe et a existé
depuis leur apparition, dès que l'homme a commencé à communiquer avec ses
semblables. Dans ce sens, parce que la démarche interculturelle aide à cerner les
manières par lesquelles les interlocuteurs expriment leurs pensées, leurs émotions, en un
mot leur vision du monde, l' « analyse textuelle est par définition interculturelle,
puisque même si l'on reste dans une culture de départ, elle nous invite à rendre visible
une mémoire et une identité, enfouies sous l'éphémère identité du présent. » (Bertrand-
Gastaldy, 1993: 53).
La démarche interculturelle est rendue possible grâce à la confrontation, à la
comparaison avec d'autres sujets, d'autres cultures. Dans ce contexte, l'Autre devient un
miroir pour Soi et le Soi un miroir pour l'Autre. En effet, grâce à sa position
d'extériorité (BAKHTINE, 1984) que Todorov (1989) traduit par exotopie, seul l'Autre
peut nous voir dans notre totalité, seul l'Autre peut nous permettre de nous voir dans
notre totalité. De la même façon, c'est cette position qui permet de voir l'Autre dans sa
totalité. Ainsi la culture étrangère - française dans notre cas a-t-elle besoin de la culture
maternelle - roumaine, pour s'élucider et vice-versa. À cet égard, Bakhtine précise que
«dans le domaine de la culture, l'exotopie est le moteur le plus puissant de la
compréhension. Une culture étrangère ne se révèle dans sa complétude et dans sa
profondeur qu'au regard d'une autre culture (et elle ne se livre pas dans toute sa
plénitude car d'autres cultures viendront qui verront et comprendront davantage
encore). Un sens se révèle dans sa profondeur pour avoir rencontré et s'être frotté à un
autre sens, à un sens étranger: entre les deux s'instaure comme un dialogue qui a
raison du caractère clos et univoque, inhérent au sens et à la culture pris isolément.»
(BAKHTINE, 1984: 140).
448
Tout en étant définie pour enseigner la littérature, la démarche interculturelle
semble négliger un tout petit peu le texte en lui-même , bien qu ’on pa rl
ed'une pédagogie
axée à la fois sur la forme et le fond du texte. Comment confronter les faits sans
accorder au préalable une place à la lecture et à l'analyse formelle et profonde des
textes? La focalisation sur la comparaison des données culturelles qui sont pour la
plupart du domaine du symbolique, avec croisements de regards, ne peut se faire de
ma nière objec tive
qu e
si elle
s’appu i
e s ur
le s f
ait
s de langu e, ces de r
n i
e rs con s
tituant
les moyens primordiaux par lesquels la culture est véhiculée.
La découverte objective des propriétés culturelles, la place et les aptitudes de
l'en s
eign ant mi ses
en
oeuv re
lors de l
a dé ma rche
interc ul
tu r
e ll
e
sont t
out a ussi d’autres
é léme nts es sentiel
s qui s ont dé finis pa r l a mi se e n pla ce d’ un e mé thodol ogie
interculturelle, comme par exemple celle fondée par Andreas Rittau.
La démarche interculturelle en didactique littéraire entraîne la qu estion d’une
« pédagogie de l'interculturel » (SEOUD, 1997: 149). La
cré ati
on d’une méthodologie
spécialisée, au regard de la civilisation mondiale, mondialisée ou transfrontalière
qu `elle implique, permet bien d'aborder les nouvelles écritures de partout quel que soit
leur degré de polyculturalité, de multiculturalité, ou de pluralité culturelle. Dans cette
perspective, la pédagogie interculturelle imaginée par Séoud comprend trois étapes:
- la comparaison à travers un croisement de regards et une combinaison de possibles
multipliés à souhait,
- la distanciation ou décentrement ou encore décentration à travers une attitude
objective qui implique critique pour la découverte des valeurs de cultures autres,
- la compréhension empathique qui permet de comprendre l'autre en se mettant au
besoin à sa place.
La démarche interculturelle est donc axée sur l'analyse et l'exploitation du texte
littér
aire e n pa rt
icu l
ier
e t du di scou rs e n g énéral, tou t e n s ’appuy a nt s u
r u n e
méthodologie appropriée.
449
nos étudia nts; les a spec t
s soc iopol iti
qu e s; les be aux ar t
s ,
la mu s i
que ,
l
’archit
e ct
u re, l
e
cin éma ,
l a l itt
é rature e t l es f e stiva l
s ;
l a v ie e t l a c iv i
lisat
ion c ontempor ain e;
l’alime ntation; les règ l
e s et c ompor t
e me nts soc i
aux ;
la politesse, l
es bonne s
ma n i
èr es,
les savoir-fa ire, les de gré s de forma lit
é ; l
e s sys t
ème s é du cati
fs .
Tou s
ces éléme nts qui
ne sont jama is suf fi
samme nt expl oités, fa vor ise
nt l
a c ommun ic
ation et l’
interaction
interpersonnelles et interculturelles.
En effet, la communication des traditions, des coutumes, des croyances et du
mode de vie des Français aide beaucoup nos étudiants à mieux comprendre la littérature
et les expose à davantage de vocabulaire utilisé dans des contextes appropriés. La
découverte des différences et des similitudes dans la manière de penser et de réagir
donne aux étudiants de tout âge un meilleur sens de la tolérance, de la compassion et de
la généros i
té et dé v el
oppe le ur a
c ce ptation d’a ut
ru i
, la compréhension mutuelle et la
flex i
bili
té da n s leu r fa çon de pe nse r
. L’ histoire et l a g éog raphie,
le mode de v ie
qu otidien et les h abitude s, la mus iqu e, les bea ux a
rts,
l’a rchitecture,
le
cinéma ,
la pres s
e
son t des as pe cts impor tan ts da ns l’en s e
igne me nt de la littérature française, car ils
constituent l ’ «i de ntit
é de l’interloc ute ur » qui est pour sa part « essentielle pour le
pr ocessus d’ ens eigne me nt d’ une la ngue étrangè re » (DRAGHICESCU, 2005 : 23).
C’ est pa r ide ntifica t
ion c ulture ll
e av ec son inte
rloc uteur que notre étudiant peut et
pou rra a g i
r c or recteme nt da ns l’ env iron neme n t
c i
ble , en u t
ilis
ant le langag e et le
comportement appropriés.
Pour synthétiser, il est évident que la mondialisation exige une compréhension
plu s compl è te d’ au t
res c ultur es; pa r
ta nt, l’ens ei
g neme nt de l a
litt
érature
f rança i
se
favorise et exige une attention particulière accordée à la formation des compétences de
communication interculturelle.
Développer les aptitudes concernant le comportement quotidien et enseigner le
contexte historique représentent aussi des repères essentiels dans la formation littéraire
de nos étudiants. Enseigner les aspects sociaux de la culture, tels que la communication
interpersonnelle et non-verbale, aide à développer des sentiments positifs envers les
ge ns de l’ a
u tre c ulture. Le c hoi x de s as pec t
s cult
u rels
à introdu ir
e en clas
s e
de FLE à
trav ers
l’ens eign eme nt de la littératu re dé cou l
e de l
’opi nion
de ch a
qu e
enseignant à pa r
t
qu an t
à l ’
i mpor tan ce de c es su jets pou r
l a forma t
ion e t le dé vel
oppe me n t
de s
compétences de communication interculturelle. Il est important que ces sujets stimulent
la motiva ti
on et le dé sir d’ appr en dre de nos étudian t
s .
À cette f
in, i
l y a un
ta s
de
pr océdés qu’ on pe u t
appl iqu er en
c lasse
:
- la création de s ituations d’ ap pr entissage de la compétence de communication
interculturelle, qui s’appu ie ava nt t
out s
u r de s ma térie l
s e t
docume nts authentique s
.
Qu’ i
l s
’a g i
ss e de t
e xtes litt
é raire s
da n s les ma nu e
ls ou les mé thode s
uti
lisées,
ill
us t
ra nt
des productions culturelles marquées par l e filtr
ag e de l
’aute ur,
d’art
icle
s
de press e
,
bandes dessinées, photos et films, enregistrements, cassettes vidéo ou cédéroms, ils
peuvent introduire en classe des éléments socioculturels authentiques, tant en termes de
con tenu qu e du fait qu’ils son t cou ra nts;
- les simulations da ns un e nv i
ron n eme n t
d’ ensei
gn eme nt ouv er
t à transpos er l e
s
explications théorique dans la pratique, et explicitement à illustrer et à consolider
ce rt
a i
ns c ompor teme nts ma rqu és pa r
un e spéc ifi
c i
té cultur e
lle;
- l ’
init
ia t
ion de situations ou de contextes appropriés pour la mise en pratique de
ce rt
a i
ns c onte nus cu l
ture l
s ,
fon c ti
on de l’expé rience et de l
’ex perti
se de
l’enseigna nt
, de
l’âg e
et de s
c on na i
s sanc es dé jà acqu ises des étu diants;
450
- améliorer d’un e ma ni
ère cont
inu e la formation des enseignants de FLE dans un
environnement de langue et de culture française, pour assurer le succès de la
compé tenc e
de
c ommun i
ca t
ion i
nte rc ul
tu rell
e;
- se servir de la présence des natifs, soit en chaire et os, soit dans des enregistrements
audio et v i
su els pour résoudre ce rt
ain s problème s assoc i
é s à l’i
ntercultur
e l et
à la
formation des compétences de communication interculturelle.
Conclusions ouvertes
On s’acc orde en g én
éral à dire que la sensibilisation in ter
cu lt
urel
le e t
l e
développement des aptitudes et des compétences de communication interculturelle
dev r
aien t êtr
e con tenues obl i
gatoireme nt da n
s le proce ssus d’ ens ei
g nemen t de l a
li
tt
é rat
u re en
c l
asse
de
FLE. L’âge des
é t
u diants
,
leur expérien ce l
ang a gi
è re
et
de vie, le
con t
exte de l
’e nseignement, la formation des enseignants sont des répères importants
dans cette démarche moderne.
Il apparaît urgent que la méthodologie cherche à harmoniser toutes les
compos an t
es de l’enseigneme nt
de la litt
é ra
ture en class
e de FLE. Tou t cela
en tena nt
compte des apports de dix à quinze ans de recherches en didactique littéraire qui ont
jusqu’à pr és
ent
pe u pénétré le
doma i
n e. Non que l
a s
olution r
é si
de dans la description
de la
lit
té rat
ure à ense i
gner e n
fr
a nçais, ma is
on adme tt
ra que l
’intégr ati
on «l
it
tératu re –
compétences culturelles et interculturelles» ne puisse que tirer profit de la multiplicité
des perspectives à envisager.
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451
L’
ESSAI
ARGUMENTATI
F ET
SON
APPROCHE
DIDACTI
QUE
Li
Résumé: L’ es sai
argume ntat
if
fai
t fort
une
da ns
la didacti
que du FLE d’a uj
ourd’hui.
Il
implique à la fois les résult
ats de la ré
flexion phil
o sophi
q ue
(ét
ant l’ap plicati
o n de la f
ormule
célèbre « Dé veloppe z l
’ opini
on contrai
re»), de la t
hé or
ie
de l
’argume ntation (
surtout par
la
portée des connecteurs argumentatifs comme « mais », « cependant ») et des préoccupations de
la didactique ( ét
ant u n de s
ty pes de texte les plus ex ploit
és lorsqu’ il
e st que s
tion de la
compréhension du message écrit et de la production du même message).
La prése nt
e commu nication se propos e
de
dé gager les
trait
s fondame ntaux de l’
essai
argumentatif ainsi que de rendre compte de son approche au niveau de la classe de FLE.
1.Introduction1
Dans le contexte de la réforme curriculaire, tout doit changer : non seulement
les str
a tég i
es didac ti
qu es ou l
es
objec tif
s de l’enseign ement,
ma is aussi
le co nte
nu lu i
-
mê me , qu i
doi t
s
’a da pter aux ex i
genc es de
la
soc ié
té mode rne,
informationnelle.
Développer les habitudes et les habiletés des enseignants devient de plus en
plus l ’ex igence fon da me ntal
e de l’é cole con tempor aine.
A l a fin d’un e é t
ape de
forma tion ,
l’enseign é doi t
pouv oir
utiliser l
’appa rei
l conceptuel
de
ch aque doma i
ne afin
de l ’a ppl i
qu er
da n s de s situati
on s di verses qu i
i mpose nt
un e h aute c apacité
d’ada pta ti
on .
L’appr entissag e de fr
a nçai
s, qu i
se
voit dernièrement obligé d’accepter l
e s
tatut
de sec on de l
a ngue mode rne,
apr ès
l
’a ngla is
,
doi t
répon dre
aux exig e
n ces
an t
é ri
eurement
me ntionn ées.
L’appr oc h e du t
e xte
nouv eau, l
e s
dé ma rches
à suivre
pou r l
’in t
erprét
er et
le
v alorise r
da ns
les
pr odu cti
on s t
extue ll
e s
per s
onn elles,
voil
à un des points d’int
érêt
de
l’a
c t
iv ité dans l
a cla sse de FLE.
Bi e
n sûr qu e tou t
e v olée
de l’éducation contemporaine est contestable. En
Fran ce, la li
ng uistiqu e textuelle e
t ses applicat
ion s dans l
’appren t
issage de f
ra n
çais se
voien t soumi ses aux criti
qu es du li
ngu iste Ala i
n
Be ntolil
a et
de l
’é c
rivain Er i
k Orsen na
qui ont rédigé « le rapport de mission
s ur l’
ens ei
gn eme nt
de l
a gr
a mma i
re». Ce rapport,
remi s à l’ancien Mi nistr
e de l
’Edu cation Nationa l
e Gi l
les
de Robi en propose
l’abandon
des notions comme les « connecteurs spatio-temporels », au profit de la terminologie
consacrée par la grammaire traditi on nelle (sujet,
compl éme nt,
v er
be ).
Il s’ensuit
qu e
l’é
tu de de l
a gr
amma ire doit
êt
re imma nente et ri
g oureuse et
qu’ on doit ren onc
er à
l’é
tu de de l
a l
angu e au fil
des textes. Ce qu’on appe l
le un chan geme nt
radical
dan s
l’e
n seig ne men t
de fran çais n’est
qu’ une t
en t
ative de r
evenir aux modè les d’anal
y se
prop osé s par l
es gra mma iriens
d ’a
utref ois.
Re connaître un v er
be ou un adverbe c’est une déma rche t
héoriqu e qui n’a
aucun rapport avec le développement des compétences de communication orale ou
1
On reprend ici quelques idées récemment exposées dans un ouvrage dédié à la découverte et à
l
’ex
ploitati
on dida ct
ique du text -6).
452
écrite ou bien avec la capacité de produire un texte après avoir suivi des modèles
permettant de repérer les particularités des différentes productions textuelles.
La v ision c ur ri
culaire de l ’
e nseign eme n t
de s langu es
é t
r angèr
e s est a xée
justeme n t
su r
ce qu e l’a pprena n
test à même de faire en utilisant les acquis langagiers et
gramma ti
ca ux et non pa s uni
qu eme nt s
u r ce qu ’il connaît.
Ce tt
e
tendan c
e de l
’édu cati
on
va de pa i
r av ec les eff orts
de gl
oba li
sation et l
a nécessit
é de con t
rôler et
d’éva l
u er
les
résultats des démarches didactiques.
La pé dag ogie mode rn e plaide p our l’
adé qua t
ion de l
a logique
scienti
fiqu e
à la
logiqu e dida cti
qu e, don c pour l
’a ban don du mé ta langage spécifi
que
à
chaqu e science.
La solution que nous proposons et de traiter des notions de la grammaire t extuelle, sans
en donn er de dé f
ini tions strictes. On pe ut pa rler,
pa r exempl e, d’un e structure
argumentative telle que « Ce rt
es ,
il a mi s la gr aine mais ne m’a pas é
levée 24 heures
sur 24 », sans pour autant définir la nature anti-implicative ou compensatoire du
con nec t
e ur d’oppos ition mais. Ce sera pou rtan t à l
’apprenan t
de
s ai
sir qu’entre les
connecteurs certes et mais il y a corrélation et que l ’ar
gume nt
introduit
pa r mais est
contraire à celui introduit par certes.
2. Une
appr oche
di dac ti
que de l’essai argumentatif
L’a pproc he qu e nou s av ons pr op os ée dan s l
’ouv ra
ge me nti
onn é
e en ba s de
page a pour but de développer la réflexivité c hez l’
a pprenant.
Il
n’y a plus
d’algor i
thme
immuable, plus de solution unique, comme dans le cas des exercices grammaticaux
traditi
on n el
s .
Il fa ut donn er à l’a pprentissa ge du français le
sens d’une explorati
on
perma nen t
e, e t n on pa s
d’ un t rav ai
l t ouj ours di ri
gé, qu i
a pou r acteur princ i
pal
l’ensei gnant.
Nous allons recourir à un exemple de texte argumentatif pour exposer nos
idées :
Le progr ès de
l’humani té
D’ où no us vient, en eff
et,
l
e conce pt de progrès ? Il
n’est appar u c omme t
el
e
qu’a u XVI II siècle. Mais ses origines sont beaucoup plus anciennes et remontent
incontestablement au christianisme primitif.
L’ idée que le l
ende main puisse apporter des innovations bénéfiques, que les
petits-fils puissent être plus heureux que leurs ancêtres, était étrangère aux Anciens.
Leur nos talgi e n’était pas dans l’
av enir, mai s dans le t
e mps mythiqu e des or i
gines
Survient alors le christianisme .
D’ i
ci l
à, nous nous avanço ns dans l’inc onn u q ue nous
créons nous-mê me s, dans l’
incerti
tude et l
’espoir.
Le s c
at astrophes re stent toujours
pos sible s, mai s le pr ogrès aus s
i devient pos sible:
il
traduit notre vol ont é d’ é chapper
aux fatal i
tés. Et nous l
’imaginons comme le produit de toutes les créations accumulées
par les grands hommes, héros, savants, législateurs ou saints. Nous pensons que tout
cela rendra la vie meilleure. Nous nous trompons peut-être, mais nous le pensons, et
depuis près de deux mille ans.
Ce pendant ,
de nos jours,
notre
foi dans l
e progrès a ces s
é d’ê t
r e une foi naïv
e .
Nous nous posons à son sujet des questions parfois angoissantes. Comment mesurer le
progr è s ? Qui pe ut aff
irme r qu’au total il
ai
t un sens positi
f ? Dans l
’e ns embl e,
il
se
peut qu’ il n’e n ait point, qu’il
n’ait
aucune
directi
on vér
ifiable, e
t que la somme des
modi fi
c ations qu’ il
nous appo r
te,
en bien et en mal, s
’annu le. La croy anc e au progrès
collectif demeure un pur et simple acte de foi, devant lequel il est permis de rester
scept ique .
..
En vérité, l
’idée
de progr ès ne peut reprendr e un sens ce rtain que par
rappor t à not re v i
e individue l
le.
Car le
pr ogrè s
à l’
origine signifi
ait une libé rat i
on, et
,
de nos jour s enc ore, la li
be rté
ne pe ut
av oi r
de sens que pour l’
indi vidu . Je définirai
453
donc l e
progrè s
véritable comme
« l’augme ntation conti
nuelle des possibil
ités
de c
hoix
qui sont offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans cesse croissant
d’ i
ndi vidus.
» Et la me sur e de
ce progrès,
ce ne sera
pas seule ment l
’augme n
tati
on de
notre sécurité, de notre confort, mais aussi et peut-être surtout celle de nos risques
personnels, des occasions et des moyens de nous décider nous-mê me s
, donc d’êt
re
libres.
Car la seule liberté qui compte pour moi –dira tout véritable Européen – c’es
t
c el
le de me
ré ali
ser; de
c herc her,
de tr
ouv e
r
et de
vivre
ma v érité
,
non cell
e des
autres
,
e t
non cell
e que
l’État
ou l
e parti
a décidé
de m’ imposer t
out e f
ait
e .
Si je
perdais
cett
e
liberté
fondame ntale, alors vra i
ment
ma vi
e n’aur ait
pl
usaucun sens.
D’ après
De ni
s
de Rouge mont,
Lettre ouverte aux Européens
Comme
la définiti
on
class ique
d’un
essai
insi
ste
su r
le fa
it
qu’ on a borde un sujet
sans l’épu i
se r, not r
e propos i
tion e
st
de choisi
r soi
gn euseme nt son point de vue, en
l’
argume nt an t
de manière aussi compétente que possible. De plus, il ne faut pas oublier
que tout argument peut être battu en brèche par un contre-argument, il serait raisonnable
d’expos er c e der nier
é ga l
eme nt.
Dans une tradition philosophique française inaugurée par René Descartes, nous
devon s t
ou j
ou rs déve loppe r
l’opi nion
cont
raire.
Da ns ce sens et ,
compt e te
nu de ce
qu’on appe l
le
la bona fides des émetteurs de deux opinions, une approche convenable
du sujet à traiter sera la suivante :
Le texte
qui fa
it
l’objet cette a
n a
lyse pré sente deux poin ts de vue contr a
ires:
Da n s
le
premier pa r
ag raph e,
l’at
ti
tude pos it
iv e a
u s
u j
e t de l’i
dé e
de pr ogrès
est
illustrée par la différence entre le monde antique et le christianisme. Le « mais »
compensatoire de la structure « Les catastrophes restent toujours possibles, mais le
pr ogr ès aus si
devie
nt possible: i
l t raduit
notre
v olonté d’échappe r aux f
atalités» met en
évidence les vertus du progrès (celles de rendre notre vie meilleure).
Par contre, le début du troisième paragraphe relève les inconvénients de ce
de rnier: la naï
veté de notre con ce ption su
r le prog rès,
son s
e n
s qui n’est pas t
oujours
positif, etc.
Cette opposition est marquée par le connecteur concessif « cependant » (dont le
sens est « Malgré les bienfaits du progrès, il y a des risques »).
L’ au t
eu r
de cet
essai
fa it
pa r t
ie
des pa rti
s ans de l
’idée de progr è
s. Sa conclusi
on
place ce dernier dans le présent, en le mettant en rapport avec l ’i
dé e
de libe r
té
dans l
e
nouveau contexte européen1.
Nous proposons maintenant une approche analytico-inductive de cet essai:
L’ ens ei
gn a
nt comme nc era par une sé ri
e de qu est
ions p ré l
imin ai
re s
qui sont
en
rapport avec la thématique du texte proposé, pour tenter une sorte de survol du terrain
qui va être exploré par ce dernier :
1. Peut-on,
par
l
’éc
rit
ure
,
déf
endr
e une
caus
e? Si oui, comment ? Sinon, commentez.
1
-93.
C’es
t d’
ici
que
nous
av
ons
ex
tra
it
le
que
sti
onna
ire
à
choi
x mul
ti
ple
qu’
on
tr
ouv
era
à
la
fi
n de
cet
a
rti
cle
.
454
2. Que l
les sont les mar ques d’objectiv
ité
e t
, r
especti
veme nt
, de subjec
tivit
é dans l
e
traitement d’un sujet? Peut-on l’
épuis er
t
otalement?
3. Est-ce qu’ une tendanc e
éc onomi que,
p ol
iti
que ou s oc i
ale t
émoi gne toujours du
progrès ? Ar gume ntez en vo
us servant d’e
xemp les
de l
a vi
e quoti
dienne.
4. Et udi
ez l’étymol ogie du mot «progrès ». Pourquoi est-ce que ce mot désigne une
aspiration de notre contemporanéité ?
Ce qu esti
onn ai
re or ient
era dé li
c at
e me n t
l ’
att
en ti
on du l ecteur v e rs l a
thématique abordée.
Apr ès une lect
ure s
oign euse du te
x t
e, l’a pprenant
se r
a confron té à
un se con d
questionnaire, de compréhension cette fois-c i, me tt
ant
l ’acce nt sur les r e ssor t
s
argume n ta
tifs
de
l’
e ssai
.
On
de vra
ins i
st
er
de
nouv eau
sur la néces sit
é d’une
ré f
lexi on
pe rson nell
e .
C’ e st
pour cela qu’on
exclu r
a t
oute
ré ponse pré-établie, en donnant au lecteur la possibilité de
construire sa propre démarche analytique. Voilà maintenant ces questions :
1. Le t
e xt
e
présente de ux points de vue
différents
de
l’i
dée
de progr è
s.
Le squels?
2. Le connecteur de concession « cependant » pe rme t
à
l’auteur de passer d’
une
v i
sion
du progrè s à l
’autre. De quell
e maniè re?
3. Que l
est le
synony me de l’
ex pression «en effet » ?
4. Qu’ est
-c e
qui a
mar qué dans
l’histoi
r e de l
’humani té l
’origi
ne de
l’i
dé e de
progr ès?
Comment expliqueriez-vous cela ?
5. Peut-on trouver le juste milieu entre les deux conceptions du progrès ? Peuvent-elles
co-exister ?
6) Le texte est:
a) un e s
sai sur l’
idée de progr ès.
b) une r
eche rche sur l
’étymol ogie
du mot «progrès ».
c) un passage en re vue des gran ds progr è
s de l’
humanité
.
d) un fragment de science-fiction.
7) Le re gard v ers
l’av enir
a été
la préoc cup ation:
a) du monde antique.
b) du Moyen Age.
c) du christianisme.
d) de la contemporanéité.
8) Le second paragraphe:
a) plai de pour
l’idéede progrès.
b) fait un plaidoyer contre toute idée de progrès.
c) e s
t ne utre quant à l
’idée de progr ès.
d) pr és e
nte les adversaires de l
’idé e de progrè s.
9) Le troisième paragraphe:
a) justi f
ie au moy en d’ar gume nts l ’opt
imi sme s
ans r
ése
rve
s à l
’ég
ard
de
l’av enir
de l
’ h
uman i
té.
b) appor te
de s argume nts
c ontre l’
idé e de
pro grès.
c) postule que le progrès est toujours collectif.
d) affirme que le progrès est toujours mesurable.
10) La définition du progrès:
455
a) me t
l’acce nt sur la c
ompos ant
e
ps ychol ogi
que .
b) insiste sur le caractère temporaire du progrès.
c) ac c entue des as pe c
ts
d’ordre
économi que
et
culturel.
d) souligne les implications politiques du progrès.
11) L’idé e
de
pr ogrès
indi viduel
est
à me t
tre e n rapport
ave c:
a) le hasard.
b) le progrès de la société.
c) le libre choix.
d) le passé.
12) A l’origine, le
pr ogrè s
me naità:
a) une
al i
énat i
on de
l’i
ndividu.
b) la démocratisation de la société.
c) une
libération de l’
individu.
d) la pauvreté.
13) La fin du second paragraphe:
a) revient aux limites du progrès.
b) rend compte des seuls avantages du progrès.
c) rend compte des risques du progrès.
d) présente à la fois les avantages et les désavantages du progrès.
14) Dans la structure « Le ur
nos t
algie n’étai t
pas
dans l’aveni r
, mais dans
le
te
mps
mythique des origines », le connecteur argumentatif « mais »1 est:
a) adversatif
b) anti-implicatif
c) disjonctif
d) compensatoire
15) Dans la structure « Les catastrophes restent toujours possibles, mais le progrès
aussi devient possible », le connecteur argumentatif « mais » est:
a) adversatif
b) anti- implicatif
c) disjonctif
d) compensatoire
La derni
ère
tâche que nous proposon s
à
l’apprenan t c’est un s
u je
t de réda ction
étroit
e me nt l
ié à
la
th ématique de
l’ess
a i
que nous
ve nons
d’ a nalyser:
« Un pessimiste ne peut jamais croire au progrès ». Etes-vous pour ou contre cette
idée ?
L’apprenant expo ser
a se
s idées t
ou j
ours sous la
forme d’un
e ssai.
3. Conclusion
La nouvelle approche didactique du texte non littéraire et, en particulier, de
l’essai r epose sur l ’
impl i
c a
tion a c
tive de l’appren a
nt. I l n’ y a pl us de sol ution
« définitive » e
t l
e scénario di
da c
tique est
censé se
s er
v i
r
de l’he uri
s t
iqu e.
1
Dans la théorie
de l’a
rg ument ati
on,
il
y
a de
ux type s de mais: anti-implicatif et compensatoire.
Dans un exemple comme « Il est paresseux, mais il réussira dans la vie », le premier argument
n’att
aque pas le s
econd. C’es
t c
e
derni
er
qui
compt era
fina l
eme nt.
C’ est un cas typique de mais
compensatoire. Dans les autres cas, on a affaire à un mais anti-implicatif, comme dans
l’exe
mpl e« Il gagne
be aucoup d’ar
gent
MAI S i
l n’est pas c ont
ent». Pour plus de détails, se
rapporter à Tutescu, M (1998).
456
BIBLIOGRAPHIE
Vers la découverte du texte non littéraire
, Editura Nomina
457
COMMENT ENSEIGNER LA CIVILISATION EN COURS
DE LANGUE?
Résumé : La présente étude propose une analyse des principaux éléments qui
dé f
inissent l
a ci
vil
isati
on c omme objet
d’étude. Le f
ait
d’appren
dre une
langue ét
rangère ne doit
pas se limiter à appr e
n dre à parler.
Ce la implique l
’exis
tence
d’un syst
ème de valeurs,
la
création
de s repèr
e s
. La langue
ac quier
t do nc
d’autres
propri
étés
qui dé p
assent l
e ch
amp de
la
communication proprement dite ; ell
e fa cil
it
e l’ass
imilati
on des conn ais
sances permettant à
l’appr enant l ’
accès à des i
nfor
mat io
ns v arié
e s.
L’ensei
gneme nt
de l
a ci
vil
isati
on diminue l
e
phé nomè ne de l’
ethnocentr i
sme,
dé v
eloppe l
e sens
du relat
if
,
aide
les
appr e
nan ts
à construir
e
leurs savoirs.
Définir la civilisation
Appr e
n dre la
culture et
la civi
l isat
ion s’a vère une dé ma rch e t
rès impor tant e
,
étan t donn é qu’e l
le mène
le s appr enan t
s à s
a i
sir
et à compr endre à la f
ois ce qu e l
e ur
société partage avec une autre et ce qui constitue les originalités de leur société par
rapport à cette même société.
Le mot « civilisation » provient du verbe « civiliser » et «il n'est dans le
Dictionnaire de l'Académie qu'à partir de l'édition de 1835, et n'a été beaucoup employé
que par les écrivains modernes, quand la pensée publique s'est fixée sur le
développement de l'histoire. » (XMLittré, Le dictionnaire Littré en ligne)
À partir des définitions des mots « culture » et « civilisation », le professeur
essaie de trouver des réponses à des questions concernant les caractère s d’ un e
civilisation, son système de valeurs, ses particularités et son originalité :
Civilisation Ensemble des phénomènes communes une grande société
= sociaux à ou à un groupe de
(religieux, société. (Petit
moraux, Robert)
esthétiques,
scientifiques,
techniques)
Culture = Ensemble des aspects propres à une civilisation,
intellectuels une nation. (Petit
Robert)
Le rapport langue-civilisation
L’i
mport
an c
e de l
’as
pe ct cul
turel
s’
avèr
e de
ta
ill
e pu
isqu’i
l
est
à l
a bas
e de
l
’appr
ent
is
sage
de
toute
la
ngue étrangère ;
i
l
est
i
mpossi
ble
de
s’appr
opri
er
une l
angue
458
étrangère sans connaître toutes ses manifestations dans son environnement culturel. En
pa rtant de l’idé e qu e la langu e re ste« l’acc è
s privi
légi
é à la cul
ture et
l
e pr inci
pal
moyen de communication », (DEFAYS, J-M., 2003 : 22) nous pouvons affirmer que
l’en sei
g n eme n t
d’ une
la ngu e pass e obliga t
o i
reme nt
par l
’enseigneme nt
de la
c ulture
et
de la civilisation.
Nou s pou rri
on s subs ti
tue r la lang ue à l’i
denti
té, vu qu e t
ou t
e pers onn e
se
définit par rapport à sa langue et si nous voulons aboutir à une éducation interculturelle,
c ela doi t comme nc er pa r l
’é t
u de de l
a la
n gue .
«Ch acun […] s’appropri
e sa langue
comme une partie de son héritage socio-culturel. Comme, de surcroît, les systèmes
symboliques des lan gu es
son t
pa rtielleme nt immot ivés,
il
s s’apprennent e
t s
e pr at
iquent
au même titre que les codes conventionnels qui règlent notre vie en société ». (RIEGEL,
M., PELLAT, J-C., RIOUL, R., 1994 : 18) Par conséquent, il faut noter que la langue et
la culture sont des éléments indissociables.
« Le s lang ue s c ontribue nt à a ss
u rer l’ident
ité et l’unit
é à l’int
é r
ie ur des
communautés humaines, mais aussi –car ce qui réunit peut aussi exclure –la différence
et la ségrégation. Sensibles aux divers facteurs de différenciation qui traversent et
travaillent le tissu social, elles reflètent les clivages internes qui tiennent à la
loc ali
sation gé ogra phiqu e et
à
l’appa rten a
n ce à une
clas
se social
e, à
un mili
eu cu lt
u r
el,
à
u n grou pe prof ession ne l
ou à une clas se
d’ âge». (RIEGEL, M., PELLAT, J-C., RIOUL,
R., ibidem : 18-19) .
C’ es t
pour qu oi,
e n cours
de
c i
v i
li
sati
on i
l s
’agit
aussi
de pou rvoir
à
l’av ance , d e r és oudr e l es s ituation s
di fficil
es qu i i nter
v i
ennen t
p en dan t
l a
communication, de supprimer les malentendus.
L’ év olution du langage est en concordance avec les conditions sociales et le
milieu dans lesquels se trouve un peuple ;
les langu es
sont vi
v ante
s, el
les
subiss ent
des
modifications à travers le temps. Les changements linguistiques se produisent en même
temps que les changements de la société ; de ce f
ait,
l
e cou r
s de cult
ure et
civilisat
ion
s’ appuie ra sur l
a diversi t
é
c ulturelle et li
ngu isti
que .
Se l
on l
a formu l
e de Saus su r
e, l
a
langue représente « tout système spécifique de signes articulés, servant à transmettre des
messages humains. La langue est de nature sociale : elle est partagée par une
c ommuna u t
é qui e n adme t l
e s con ve nt
ions ma is qui,
peu à peu, l
es modifie,
d’ où son
caractère évolutif » (Dictionnaire des didactiques des langues, 1976 : 306)
Par conséquent, l e prof esseu r
me t
tra l
’ accent
sur les
arti
culati
ons de la langue
et de la culture dans le discours, il sera préoccupé par la manière dont la culture se
manifeste dans la langue, puisque, indubitablement, le cours de civilisation représente
u n moy en d’ e nri
c hissement linguistique. En exploitant des matériaux ludiques, le
pr ofesse ur fav orisera les jeux de lan gue, con duira l’
apprena nt
à découvrir
le
s s ubtil
it
és
de la langue. Des devinettes culturelles, des tests et quiz, accompagnés de supports
son ores ou d’ ima ges, adaptés aux niveaux du CECR ;
ce genre d’exerci
ces entraîne l
es
apprenants à des activités orales et écrites. « Une langue étrangère représente non
se uleme n t une ch anc e d’ explorer de nouve aux doma i
n e
s ,
ma is
au
s s
i de s’
éton n er
de
c hoses qu e l’on cr
oy a i
t pourtant familières ». (DEFAYS, J-M., ibidem : 24)
Le s activités lu diques son t à la ba se de l
’apprenti
ssag e
et des phén omè nes
c ulturels et nou s pou von s auss i
tirer profit
des jeux en l
igne s
’appuyan t
sur
le s diver
s
aspects de la civilisation.
Compétences de l
’ensei
gnant
Da ns l
’enseignement de
la ci
vi l
isat
ion, i
l
faut t
eni
r
compt e
de
deux aspe cts
t
rès
importants : le langage spécialisé introduit dans le domaine de la civilisation par
459
fili
a t
ion av ec d’autres doma ines qu i
y s e re joignen t, c e qu i obl ige l’enseignant à
acquérir des connaissances approfondies dans les domaines respectifs et deuxièmement,
la compé ten ce
li
ng uisti
qu e
de s appren an ts. Pa r con s
é qu en t, l’
ense ignant de la cult
u r
e et
de la civilisation est perpétuellement en formation, non seulement à cause des éléments
spé cialisés pr ésents dan s le ch amp de c e doma ine,
ma i
s a ussi
à cause du fait
qu’u ne
soc iété évol ue
san s cesse
e t
a vec el
le, l ’
e nv i
ronn eme nt c ulturel
. De tout e évi dence, il
fera reco urs
aux mé thode s
e t
au x proc édé s empl oy és
pa r
d’ au t
res disciplines.
La compétence interculturelle doit être développée chez le professeur, il doit
être le premier à connaître le code et les valeurs de la société dont il enseigne la
civilisation.
Enseigner la civilisation suppose tenir compte des évolutions récentes, se
documenter sur les événements actuels, se tenir informé des situations nouvelles, savoir
connecter les valeurs traditionnelles à celles de notre époque, mettre en évidence
l’origina li
té
de
la culture d’un
p eu pl
e.
Les enseignants de la civilisat i on doiv en t
être f
or mé s
de façon qu’ i
ls
puisse nt
être les médiateurs des échanges culturels. Ils doivent être capables de réaliser des
stratégies qui conduisent les apprenants à se familiariser avec une culture différente et à
établir des relations entre l e s de ux c ultu res. Af in d’ ins uff
ler le mul t
icu ltur
el a ux
appr en ants, l’ens ei
g nant doit n on se ule me n t a pporte r de s éléme n t
s e xté r
i eurs à l a
cu l
tu re de l ’
a pprena nt,
ma i
s lu i
s usciter l’inté rêt en lu i mon tr
ant l
e s
as pec ts diff
é r
en ts
qu i
c aractér i
se nt
l’autre culture, voire des aspects qui puissent le bouleverser. Pour cela,
l’ens ei
g nan t doit r
é flé
c hir à l
’é labora t
io n d’ un plan c on ce rna nt
les opér ati
ons à
su i
vr e,
les moy ens à
u t
ili
se r,
l
e s tâ
c hes, l’évalua tion .
Ai n si,
le pr emi er
aspe ct i
mpor tan t
don t l’en seignant doit tenir compte sera
ce l
u i
de mot iver les appr enants, év ei
ller l
a con na is
san ce d’une culture différe nte,
sav oir
su r
qu elles valeurs s’appuy er,
tou t
e n é labor an t un pr og ramme c ohé r
en t et homogè n e.
Pour y aboutir, le professeur doit actualiser son matériel pédagogique, enseigner avec
les nouvelles technologies, intégrer le multimédia dans les cours, utiliser tous les
moy en s af
in d’exploi t
er le t
e r
ra in d’enric h i
s s
e me nt
de la cu lture
en
qu estion .
Le s
cursus
de vraien t
don c s’
appuy er sur ce qu i
e st différent, sur les aspects qui distinguent chaque
société, en comprenant ainsi des éléments de divers domaines : systèmes de valeurs,
enseignement, économie, santé, coutumes, fêtes, etc. et cela en passant par plusieurs
registres de langue et en essayant de dével oppe r l’e
sp rit
de d écouv ert
e
de s appr enan t
s.
« La découverte peut autant porter sur la langue : avant la règle ou la
tradu ction, l’appren ant doit av oir l’
oc ca sion de déch i
f frer, de
de viner, de
su p poser.
La
meilleure manière de comprendre une règle de gramma i
re , l’
idée principa le d’ un te
x te,
la clé d’un probl ème culturel
e st
de l
e s dé cou vr i
r
soi-même ». (DEFAYS, J-M., op. cit.:
153)
Les apprenants seront capables de se débrouiller dans des situations
plu ri
c ulturelles, d’ê tr
e e n c on t
a ct
a ve c l es a utr
e s, d’ é ch a
ng er. L’ en s
e ign ant doi t
privilégier le travail en équipe et proposer aux apprenants des thèmes de réflexion, sous
forme de projets. La problématique à aborder peut porter par exemple sur un sujet
d’ actualité,
un
aspe ct soc i
al ou un e per sonn a lit
é ma rqu an te francoph on e, c’e st
un
bon
moy en po ur dé crypter l es c aractéris t
iqu es d’ un e c u lture à t raver s
t outes s e s
composantes : art
istique, économi qu e, soc iale, etc.
Ce s proj ets
de
c l
as s
e ou d’é quipe on t
le bu t
d’ éve il
ler l’
in t
érê t
de s appr enan ts, tou t
e n
renfor ça nt leur capacité de retenir, en
consolidant leurs acquisitions.
460
Sur le plan anthropologique, E. T. Halle, qui a étudié les relations
interculturelles, distingue 10 « Systèmes de Communication Primaire », étroitement
liés :
1.
l’
intera ct
ion
(avec le monde, avec autrui, notamment grâce au langage),
2. l ’assoc i
ation (le
s grou pe ment
s, l
e s commun aut é s)
,
3. la subsistance (la nourriture, les moyens de se la procurer, le travail,
l’écon omi e),
4. la bisexualité (la reproduction, la différenciation des sexes, la répartition des
rôles),
5. l a
terri t
oriali
té (
la gestion
de
l’espa ce ,
la propr iét
é )
,
6. la temporalité (la gestion du temps, les cycles de la vie, le rythme de la
journée),
7. l ’acqu isi
ti
on de conn aissance
s (l’édu ca ti
on ,
l’ens eign e ment
,
ses
obj
ectifs et
ses
méthodes),
8. l e
jeu (l
a compé t
iti
on ,
l’humou r),
9. la défense (la guerre, la médicine, la religion, le droit),
10. l’exploitation de
l’env ironneme nt (les techniqu e s,
les ou t
il
s,
l
’ar
gent
).
(DEFAYS, J-M., op. cit.: 79)
Ces dernières années, nous avons observé que les enseignants intégraient de
plu s en pl us les TICE (Tech nologies de l’I
nfor ma tion et de la Commun i
cation pou r
l’Edu ca t
ion) dans les cou rs
, mettant l
’ac cen t
su r
l’ au dio-visuel ou sur les ressources
informatiques. Une importante tâche des enseignants est celle de savoir choisir les
documents appropriés et de trouver le meilleur moyen pour les exploiter, mais, en plus,
ils doiv ent posséde r
de très
bon n es
compé t
e nces da n s l
’ empl oi de l
’ou ti
l multimé dia.
« Les enseignants de l
a ngue devraient
être dotés
d’ ou t
ils l
eu r pe rme t
ta nt
d’ac c
é de r
à
une connaissance approfondie de leur public, dans ses composantes culturelles autant
que linguistiques. » (DABENE, L., 1994 : 171)
L’e nseignant a d é
s orma i
s la pos sibi
lité de fa i
re de s recherches en ligne,
l’Internet con st
ituant une
sour ce
très
impor t
a nte
d’ i
nf orma t
ion .
Ainsi, les ressources en ligne pour les professeurs sont à profusion, des
activités en ligne, des fiches pédagogiques, des travaux interactifs pour les apprenants.
En outre , les enseign ants ont l’
oppor tunité d’être en con tact ave c d’autres professe u rs,
de communiquer sur Internet, de partager leurs expériences, de participer à des forums.
L’ éch ange
de
bonn e s
pr ati
que s
a un rôle
t rès i
mpor tan t et
l’I
n terne t
me t à l
a disposi tion
des professeurs des outils spécifiques comme les blogs, les wikis, des moyens qui
favorisent le partage de photos, de vidéos, la possibilité de réaliser des visioconférences.
Les médias sont actuellement accessibles sur Internet, cette technique de
diffusion étant très appréciée : nous pouvons trouver en ligne des journaux, des revues,
des radios. Par exemple, à partir de 2010, le professeur qui enseigne la civilisation,
intére s
s é
par le su j
et de la
francophon i
e , a l
a pos sibilit
é d’ acc éder à une We b Tv ,
institué par le ministère français des Affaires étrangères et européennes, dédié à la
francophonie ;
il s’agit de Fr ancophoni e
2010. t
v . De mê me , TV5 Mon de a inaug u r
é,
suite au Festival de Cannes, une plate-forme numérique de cinéma francophone à la
demande qui comprend des films, des interviews, des bandes annonces.
461
L’ ac cès à la doc ume ntation est
facil
ité par plusieur
s moye nset les outils de
trav ai
l
mu lti
pliés,
un e fois avec
l’imme nse apport des t
ec hnol
ogie s.
Il existe des sites spécialisés, où les professeurs peuvent trouver des documents
pédagogiques, classés par genre, par compétence et aussi par niveaux du Cadre
Commun de Référence pour les Langues étrangères comme: Franc-parler, Le point du
FLE, CITO, etc.) Par exemple, Encyclopadia Universalis en ligne offre une vaste
g amme
d’ art
icles et
mé dia s
très
u til
e s
e n
c ou r
s de civil
isati
on et
n on
seuleme nt.
Dé sorma is,
il y a un bon n ombr e d’édit
e urs
qu i
font
conn aî
tre
les mé thodes de
FLE n umé rique s pa r l’intermé dia i
re de s tableaux blancs inte rac
tifs
( TBI ),
où les
apprenants ont accès à des sources et dossiers sonores et vidéo.
Nous avons aussi accès à des ressources sous licence libre : exemple :
encyclopédies : Wikipédia, Agora, Larousse, photos, audio, vidéo ;
à des ressources en
ligne et actualités francophones : infothèque francophone – s ite de l ’Ag ence
Universitaire de la Francophonie, à des revues francophones en accès libre (exemple le
site Cairn, où nous pouvons trouver les revues classifiées par discipline).
Conclusion
Da ns l
’ens eigneme nt
de l
a
civili
sat
ion en c ours de lang ue l’accent
por t
e su r
plusieurs volets : a f
in de mi eux pa rta
g er
les pra ti
qu es c ulturelles,
l’enseignan t
doi t
travailler avec des outils pédagogiques diversifiés, il doit actualiser ses connaissances
sans cesse et exploiter des supports pédagogiques authentiques, user de savoirs factuels.
L’apprentissa ge de la
civilisat
ion est
un pro cessu s
qui comme n ce
à partir
de s
besoins du monde contemporain, des réalités dont chaque société se charge moyennant
sa langue et passe par la découverte des interférences, des différences et peut-être des
conflits entre deux cultures en présence. Ces éléments sont évidents une fois avec
l’analy se des deux sys t
ème s
li
ngu isti
que s;
par con séqu ent c’est légiti
me qu’il
y ait
des
usages sociaux différents.
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463
ANALYSE DE L’ERREUR ET APPRENTISSAGE
DU FRANÇAIS SUR OBJECTIFS SPECIFIQUES
Résumé : Le
statut
de la f
aute dans le process
us d’a pprenti
ssage
mé rit
e
c onstamme nt
d’être rééval
ué, à mesure que les acquis de la pra t
ique e
t de l
a r
eche r
che
scienti
fique
me t
tent
en
évidence de nouvelles perspectives à exploiter. Le cognitivisme est en ce sens particulièrement
profitable au progrès de la didactique. La définition de la faute, si délicate à élaborer, la
réfl
e xion sur l
es t
ypes d’e r
reur s présentes dans
l’acquisition, l
es atti
tude s
à ado pter face
à
l’
e rreur,
c’est
ce qui
fai
t l
’objet de l
a présente
é t
u de.
2. Les résultat
s obt enus à l a suite de l’
interprét
ati
on de l’erreu r
c hez le
s
apprenants devraient par conséquent être exploités dans la didactique. Or, le potentiel
mé lioratif de
c es r
é sult
ats dépen d du trai
teme nt qu’on appl
ique aux erreu rs
, à partir
de
la con cep ti
on qu e l’
e nsei
gn ant a de la notion d’e r
reur dans l
a langu e
ju squ’à la façon
don t il
l’env i
sa ge dans l’étape d’ év alua t
ion .
Au -delà du champ de partage commun à
tous les enseignants de français, il est à souligner que chacun devrait se forger sa propre
mé thodol og i
e quant à l
’erreur,
dou ée de souple sse
, à mê me
d’ê t
re ada ptée à c haque
grou pe pa rti
cul i
er d’appre nant
s .
Un e premi ère étape dans la
cons t
itu t
ion de ce modèle
d’a pproc he suppos e une réfl
e x
ion sur la définit
ion
et l
a n a
ture
mê me de l’err
e ur,
sur
les
concepts auxquels la notion est reliée, ainsi que sur les choix à opérer dans les
différentes positions théoriques qui existent dans ce domaine.
1
On s’en tient encore
à ce ter
me
géné
rique
,
ava
nt
qu’
il
s
oit
ét
ayé
sous
l
a f
orme
de
s n
oti
ons
pl
us
précises de faute e
t d’
erreur.
464
2.1. Erreur/ vs/ faute. Il y a des distinctions et des précisions terminologiques
indi spens ables pour le di dacticie n de la lang ue qu i se pr opos e d’inv es ti
r d e va leur
opé rati
on ne l
le l
es inv enta ir
e s de f
a utes de s a ppren ants. Il e n est a i
ns i de l
’oppos ition
‘er reur’/
‘faut
e ’
. Long temps v éhicu lé dan s la t
radition l
ingu ist
iqu e ,
a us si bien
da ns l
a
recherche théorique1 qu e da ns la pratiqu e dida c
tiqu e, le terme ‘faute ’ e st nett
e me nt
privilégié de nos jours dans le discours des enseignants. Or, si les deux termes sont
perçus à une première vue comme des synonymes partiels, leur usage dans le processus
dida cti
qu e est accompa gn é d’eff e
ts sens ibleme n
t différen ts, pe nda nt les intera
c tions
av e c le
s a pprenants. La ps ychol ogie
cogn itive a mi s en évi de n
c e l’effe t inh i
biteur que
décle nche l
’emploi du ter me ‘fau t
e ’,
à l
a différen ce du t
e rme ‘
e rreur ’. Le pre mier est
culturellement plus marqué du trait de culpabilité (cf. M. M. LARRUY : 2002), toute
u ne his
toire
de l’
huma n i
té y con tri
bu e, à pa rtir
de la «faute » du pé ché orig in
e l
jusqu’ à
la lit
térature des te
mps mode rnes .
‘Fa ute’ r
a ppe l
le ‘cor rection ’,
ma is a us si ‘
s anction’.
En plus, avoir
commi s
u ne f
a ute év eil
le
à l’
e sprit
le ca ractè re i
rré versi ble d e l’ac
te .
En
rev a nche, l
e mot ‘erreu r’ es t
plus neu tre. L’ appr enan t ne pe rçoi t
pl us un e ‘erreu r
’
comme u n a cte dé f i
n itif
, c e qu i
é loig ne l ’idée de pu nition e t
e n courag e à
l’au tocorre ct
ion. Da ns l a di dac t
iqu e c og niti
v e
, l e g este de l ’
a utoc or recti
on e s
t
sign i
ficatif
pou r le pr og rès de l ’appr en t
iss age.
Embr a sse r
c e tt
e opt i
on didac t
iqu e
suppose qu e l’e
rreur
c hez l’appr ena nt
n’e st
plus en visagé e néce ssaire me nt comme un
éc h ec, ma is comme le signe d’u ne ét ape transitoire e t
pr ov isoire da ns l’acquisition .
Dans le domaine de la didactique, les erreurs sont potentiellement investies de force
créatrice.
2.2. Norme, règle et erreur. Un aspect essentiel qui conditionne tout le mode
de fonctionnement du partenariat enseignant –apprenant est relatif à la notion de
‘n or me’. Ch aque en seign an t
, au mome nt de l’élaboration d’ un c ou rs de fr ançais, doit
prendre en considération un certain nombre de paramètres spécifiques en fonction
de s quels la str
ucture et l’orga nisation du cou rs seron t proj etées. Da ns le doma ine du
français sur objectifs spécifiques (FOS), sous - champ du français langue étrangère
(FLE), ces paramètres sont plus faciles à inventorier, car un cours de FOS est élaboré à
la de man de d’une institution ,
il e s
t ciblé sur u n certain publ i
c
a sse z homog è
n e et doit
répondre à des besoins immédiats. Cela permet de définir les objectifs et de procéder à
l’él aboration du syllabus proprement dit. Les objectifs majeurs que se donne
l’en seign ant par rappor t à un a pprena nt en cour s de FOS son t de l ui fa i
re parler,
comprendre et exécuter la tâche professionnelle. Si les deux premiers objectifs se
retrouvent dans les domaines plus généraux du FLE, du FP (français professionnel) et
du FS (français de spécialité), le dernier est spécifique au FOS. A part la compétence
ling u i
sti
qu e e t
la c ompé tenc e c ommun ic ati
onn e
lle, impl iqu ées da n s n’ impor te qu e
l
cours de langue, à quel qu e n iveau qu’ il se dérou le, se ul l ’
ens e i
gn a nt de FOS e s
t
confronté au défi de la compétence de spécialité. Un des sujets controversés en matière
d’ ens ei
gn e ment du FOS por te s u r
l e de g ré de c on nai ssance s de s pé cialit
é qu e
l’en seign ant
e st
censé p oss éder pou r
qu ’il abou tisse à gé r
e r ef f
ica ceme n t
s on cou rs. La
con ception
qu e
l’on en a v ari
e sur un e éche lle qui pa r
t du poi nt de vue le pl us modé ré,
ce lu i
qui prôn e
qu e
l’ens eign an t
n ’
e st
tenu de ma nifester qu’ u n mi nimum d’ intérê
t pou r
le domaine spécialisé dont il enseigne la langue, et la position radicale de ceux qui
réclament que le professeur de FOS ne travaille que conjointement avec le spécialiste du
domaine.
1
Voir à ce sujet la célèbre Grammaire des fautes d’He nri Fr ei (1929 )
ai
nsi que
tou
tes
le
s
recherches menées dans le cadre du programme générativiste initié par N. Chomsky.
465
A cette complexité de la problématique concernant la didactique du FLE et du
FOS, et qui polarise l’attention de l’ens ei
gn ant,
il faut ajou t
e r un
é léme nt
essentiel qui
doit être pris en compte et soumis à la réflexion constante tout le long du déroulement
d’un cou rs: la question de la norme. Chaque enseignant, avant de projeter son parcours,
doit se situer par rapport à celle-ci, être au courant de ce que ce concept recouvre,
dé cide r da ns l es di verses é tapes de l’appren t is
s age que l le n or me i l
pr endr a e n
considération, et adopter par conséquent une certaine attitude pédagogique, laquelle
peut varier le lon g d’un modul e, d’une unité péda g og i
qu e à l’ au tre,
sinon au niveau
de s
dive rse s
a ct
iv i
t és effe ctuées
à l’int
é rieur d’une mê me
sé que nc e de syl l
abus. Ce n’e s
t
que par rapport à une norme précise, consciemment adoptée dans des contextes précis,
qu ’un e nseignant doit mettre le qualificatif « erreur » à
un e produ cti
on d’ a
ppre nant.
Ca r
,
ce qui peut en effet constituer une transgression de règle - linguistique, culturelle,
communicationnelle –dans un contexte donné peut, en revanche, représenter une forme
légitime dans tel autre contexte.
La norme linguistique, de loin la plus privilégiée dans les préoccupations des
enseignants, est en même temps responsable de la plupart des erreurs que commettent
les apprenants de FLE et de FOS. La grande majorité des manuels et cours proposés
1
pren ne nt comme réfé r
e nce le ‘
fra n
ç ais
s ta
n dard’ ou ‘
franç ai
s he xag ona l’
. Sans adh érer
2
à la con ception qu e le fran çai
s s t
an dard n’ e
s t
qu’ un my the , il est vrai que toutes les
variétés du français et tous les registres de langue ne peuvent pas être pratiqués dans un
cou rs de lan gu e. Ce pe nda nt il
e s
t souh ai
table qu e l
’ a
ppr en an t soit e xposé de faç on
systé ma tique à plu s d’ une variét
é du franç a
is, a utres que l e fra nça is
s t
andar d. Le
processus de mondialisation et les politiques du mouvement de la Francophonie, la
dynamique des échanges et des interactions et les besoins de compréhension qui en
dé cou lent, l
’impos ent de plus en
plus .
La didac tiqu e doi t amé nage r un e pl
ace
à ce tt
e
diversité.
D’ au t
re pa rt, il es t
ce rt
ain qu e tout e nse i
g nan t
a i n t
ériorisé une certaine
représentation de la langue et de la norme qui la gouverne. Cette subjectivité inéluctable
influer a s ur son compor teme nt pé dag ogique f a ce à l’e r
re ur. Il e st impor tant que
l’ens eigna nt
a da pte en pe rmane nce sa cons cien c e lingu ist
iqu e aux objectifs de son
enseignement, aux publics cible et aux situations de communication. Pour ce faire, les
normes présentes dans la typologie suivante pourraient servir de point de repère (ap. M.
M. Larruy, op.cit.):
1) Normes de fonctionnement. Celles-ci concernent les règles correspondant
au x pra t
iqu es l
i ngu isti
qu es de s
me mbr e
s
d’u ne
c ommuna uté;
2) Normes descriptives. Présentes dans les travaux théoriques des linguistes,
celles-ci décrivent objectivement les normes de fonctionnement, sans donner lieu à des
juge me nts
de va leur. Le s
rè gle
s ainsi déc r
ites f
on t l
’obj et
de modè les
pr ésents
dans un e
3
catég or i
e spé cifique de gra mma ires,
a ppe l
ée s
‘gra mma ir
es de s cr i
ptiv es’ ;
1
On a pr
oposé c omme
va r
iantes du s
y ntagme ‘f
ranç a
is
sta
nda rd’, j
ug é c omme
trop
res
tri
cti
f et
inadéq uat
,
le
‘f
ra n ç
ais de
référence’
(C. Poirie
r:
199 5)
ou ‘
fra
nç a i
s zér
o’ (R. Chaudens
on: 1993).
2
Tout comme le locuteur-auditeur idéal de Chomsky.
3
Une des plus remarquables grammaires descriptives contemporaines du français est la
Grammaire méthodique du français (1994), appartenant à Martin Riegel et alii.
466
3) Normes prescriptives. Celles-c i f on den t
c e qu e l ’on c ompr en d
communément par LA norme, c'est-à-dire un modèle choisi parmi les normes de
fonctionnement, institutionnalisé par des mesures officielles. 1
4) Normes évaluatives. Celles-ci sont fondées sur des critères de nature
subjective, le plus souvent esthétiques ou moraux, qui conduisent au rejet ou à
l’acc eptation
de forme s de langu e selon qu’elles
son t
be ll
es ou
laides, vraies o u
n on, etc.
Cette catégorie de normes est responsable du purisme linguistique, attitude extrémiste et
contraire au véritable esprit de la langue. Sous le prétexte de garder le « génie » et la
« pureté » de celle-c i,
le purisme a rr
iv e
e n effet à n i
er la
ré ali
té de l’évol ution de s
langues et à préjudicier aussi bien le trésor linguistique que ses utilisateurs. Un certain
nombre de jugements linguistiques est même basé sur des normes fantasmées,
lesquelles soit ne correspondent à aucune pratique langagière, soit contredisent des
pratiques généralisées et acceptées.
Av ant
d’ é
me tt
re un jug eme n t
néga t
if,
l’enseigna nt de langue doit d’u ne part se
situer avec pertinence par ra p port à
c e compl exe de nor me s,
et
a ppréc i
e r,
d’au tre part,
la
por tée de l ’err
e ur pa r
r app ort a u c ontexte d’ appren t
issa ge pa rt
icu li
e r
où e ll
e e st
produite.
2.3. Erreurs contre le système et erreurs contre la norme. Une distinction
importante dont il faut tenir compte dans le traitement didactique des erreurs est celle
instituée entre le système de la langue et la norme. Dans toute la littérature linguistique
de souche générativiste, cette distinction correspond aux notions de grammaticalité,
correspondant à la bonne formation par rapport aux règles du système de la langue,
respectivement de correction, qui impos e
la confor mité au ‘bon usage ’,
c'est-à-dire à la
norme. Si les apprenants natifs sont moins exposés aux erreurs de grammaticalité, les
étrangers le s ont dava nt
a ge, s
u rt
ou t au débu t
de l’apprentissa g
e .
Comme nt
réa gir en tant
qu ’en seigna nt? Là
aus si i
l f
aut ada pter le
compor t
e me nt
pé dag ogique
de v ant l’
e rreur
a u
type particu li
er de con t
e xte d’appr en t
issage. L’ens ei
gn ant doit toujou rs garde r le j
us te
équilibre dans le maniement des techniques et moyens destinés à faire atteindre ses
ob jectifs.
Ce r
tes, i
l e st
obl i
g é de c orriger
. Ma is il faut
g arder à l
’espr it
de u x aspe ct:
i.l’
e xcès de correction pe u t
g én érer inhibit
ion ,
pe rte de mot ivation e t
, fina leme nt,
abandon ; ii.
l’
abs enc e
de correction r
isque de
con du i
re à la stabil
isatio n,
e t
mê me à la
« fossilisation » des erreurs et affecter ainsi la qualité de la langue acquise. La bonne
réa cti
on de vant l’err
e ur de
l’appr ena nt r
epos e sur un calcul me ntal qu i
c
onvoque des
questions telles que qui ?, quoi ?, quand ?, dans quel but ?. A priori, on pourrait
con sidé rer qu’un e
e r
r eur contre le système de la l
a ngu e
doi t
être toujou rs cor r
ig ée.
Pa r
exemple, la séquence *le mon frère est agrammaticale en français, langue où les
dé termi nan ts
déf i
nis n e
peuv ent pas
s’assoc i
er de vant l
e
mê me nom2. Faut-il corriger
cette erreur et expliquer la règle sous-j acen t
e da ns n’ impor te qu el con tex t
e où un
apprenant la produirait ? La réponse est plutôt non. Pendant des activités centrés sur
l’obj ecti
f
‘g ramma ire’, oui, ma is
si
la mê me err
e ur appar aî
t da ns une produ ction
or ale
centrée sur un objectif communicationnel, on gagne plus à ne pas la corriger sur place.
1
Le Bon Usage de Maurice Grevisse (révisé par André Goosse) en est, comme le titre le prouve,
le modèle normatif prescriptif le plus célèbre du français actuel.
2
De t
e ll
e s
erre
urs,
dues le pl us
souv e nt
au phé nomè ne de l
’interférence, sont susceptibles d’ê t
re
produites systématiquement par les apprenants de FLE et de FOS.
A r
ema rque r qu’à la
différe nce
du franç ai
s,
l’ar
ti
cle défini et l
e posse s
sif sont obligatoire s
d evant le nom frate en roumain. En
mê me
te mps, c
e t
ype d’erre urs
a
l’ava ntage de se si
tuer da ns la cl
a s
se d’erreurs prédictibles, plus
faciles à exploi
ter
du point de vue di
da cti
que ,
grâ ce
aus si
a ux travaux
de
l’ana l
yse contrasti
v e.
467
Inversement, une erreur contre la norme, du type « aller au coiffeur », « émotionner
pour émouvoir », « solutionner pour résoudre », « amener qqch. » ou « s ’e
n rappe le
r»,
tell
e me n t
ré pan due
s dans l
’usa ge qu ’on s ’at
tend d’un jour à l’ a
utre qu’el
les soi
ent
officialisées, seront constamment acceptées par un enseignant averti. Et pourtant,
présentes par exemple dans un mémoire de licence, dont le discours est tenu de
respecter la norme prescriptive, ces erreurs devront être corrigées. Klauss Vogel (1995)
ajoute à ce titre :
Prise indi vidue l
lemen t
et i
solé ment, l’e r
reur
ne
fourni
t aucune indication sur
ce qu’ un appr enant a appr is dans sa L2 ni
sur
la manière
dont il
a or ganisé
ses connaissances. Seule la prise en compte de contextes interlinguaux plus
vastes peut nous
ame ner à mi eux compr e
ndre
ce
qu’est
une er
reur
et c
e qu’el
le
n’est pas, et en apprécier la « gravité ».
D’ ai
ll
eu r
s, il f
aut aussi
avoi r
e n
vu e le fai
t qu’entre le sy st
ème de la
langue
et
la nor me linguist
iqu e, malgré une certaine tension qui s’inscrit,
s
elon nous,
dans la
logiqu e de
foncti
on n eme nt
d’une l
a ng ue,
il n’y
a pas de vraie relation dichotomique. Au
fond, le système et la norme se nourrissent et se soutiennent réciproquement.
L’enseigna nt de FOS es
t confron té, e n plus,
à un type partic
ulier d’err
eu r
,
tenant à la spéc i
fic i
té de son ob jet pé da gog ique .
L’ent rée terminologique et les
domaines de connaissance impliqués dans le cours de FOS exposent à un type
particulier d’err
e ur, que nous appellerions ‘erreur
référent
ie l
le’. Elle est
plus spécieuse
qu e l
’e rreur l
inguistique ,
car
elle
mobi li
se la compé tence
de s
pé ciali
té de l’
ens ei
gna nt
,
laquelle re st
e néces sair
eme nt
limitée. L’erre ur référenti
elle pos e d’abord de s
problème s
d’iden ti
fica t
ion.
Le s er
reurs
ré f
éren t
ielles son t plus proches des erreurs enfrei
gn ant
les
rit
es de l’
intera
c t
ion et l
es règ l
es de la
pol it
e sse,
puis
qu’ elles repos ent
s ur
le savoir
culturel et encyclopédique. Dans tous les cas, il faut remarquer que le pouvoir créatif de
l’err
eu r reste
int
a ct
.
3.
Pour une pé dagogi e de l’erreur .
L’ ar
gume nta i
re dév eloppé le
long de c et
te
étude poursuit deux objectifs essentiels : i.
r endre
l’
en s
e igna nt
pl us sensi
bl e
au be soi
n
d’un e approc he nu ancé e de l’erreur pendan t le
processus dida cti
qu e; ii
. développe r
chez l
’appren ant une réflexion mé talingu i
stique .
A l
a que st
ion «Faut-il se donner pour
but, enseignant comme apprenant, un apprentissage sans erreurs ? » la réponse ne peut
être que néga ti
ve .
I l
ne
s’agit
qu e de
ré é
v al
u er const
amme nt le statut de
l’
e rr
eur dan s
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didactique et de lui assigner un rôle créateur, dynamiseur, par un traitement adéquat.
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l a l angue de l’appr enant(trad. de Confais et Bohée), Presses
Universitaires du Mirail, Toulouse, 1995
468
TEACHING BUSINESS VOCABULARY
Bianca DABU
University of ti
469
Student What he (student) keeps in mind
The idea is that only one third of what the teacher communicates has an
effic i
e nt impa ct
on st
u de nt
’s mind. Th at is why a good t
rans active c
ommun i
c ati
on takes
into account the global volume of information and the selection of important items that
shoul d be deliv
ere d at a c
ertain
time ;
su ch an approa ch involve s t
he unde rstanding
of
the message on behalf of both the teacher and the student (SCOTT, 1996:143).
In such a situation the teacher should consider t
he student’s pre -experience
whe n appr oaching t
h e me thodology of teaching bu sin ess voc abulary. ”Me thodol ogies
should range according to the needs of the student as beginners need a different
approach from those who have been learning the language for a lon g time ” (
SESNAN,
2005: 99). The teacher should also take into account that business English is a field of
specific purposes and that students are more or less prepared to receive integrated
information.
When teaching business English the teacher should recognize that there are
four language skills: speaking, listening, reading and writing, all of them of the same
importance. These are often divided into two types. Receptive skills is a term used for
reading and listening, skills where meaning is extracted from the discourse. Productive
skills is a term for speaking and writing, skills where students actually have to produce
langu ag e themselv es” (HARMER,
2007: 2 65).
It
ma k es
lit
tle sense to speak about s ki
lls
in isolation since “ in meaningful communication, people employ incremental language
skills n ot in i
solat
ion but in
ta n
dem’ (HI NKEL, 2006: 1 13).
Students engaged in conversation are bound to listen and speak as otherwise
there would be no transactive involvement. Writing is not performed in isolation as it is
in a tigh t connection wi th re
a ding.
“Ma k ing s
u r
e that all t
he f
ou r s
k i
lls
a re
taug ht
by
on e
teacher and that they are taught so that they support each other is all part of the concept
of in teg r
a ted English” (SESNAN, 2005: 99) .
Stil
l,
n on -native students show preference
especially to reading and writing as these activities seem more comfortable with them
while spoken (oral) and listening skills are often forgotten.
Ha rmer (2007: 267) th
inks tha t ”in order to replicat
e t
h e
na tural proces ses of
skill-mixi ng […]
a nd a l
s o
be cause
we wa n t
t
o prov i
de ma ximum l
ea r
ni ng oppor tun i
ti
e s
for the different students in our classes, it makes sense to integrate different skills. That
is why so many le arning s
e quences ar e more li
k e Pa t
chwor k mo del […] rather t
han
Boomerang l
e s
son type s”. Th e
fou r
i
n te gra
ted skills are use ful i
n teachin g bu siness
English considering the following aspects: speaking could be used as introduction for
settling some theoretical notions and engaging the students in a topic that they are going
to re ad o r hear
abou t; bu si
ne ss
texts
in Eng li
sh prov ide mode ls for
r e
a ding, list
eni ng to
the others when reading and making comments and writing on focused similar or
different topics. It is understandable that when students approach a business text, they
have to deal with two kinds of difficulties: first of all the concept itself belonging to the
respective field and then the specific terminology involved constituting a challenge
when translating and memorising. Most language production work grows out of texts
that students see or hear. A controversial reading passage may be the springboard for
discussion but at the same time an opportunity for them to write whatever they think
important. Task-based learning or working on some single task is predicated on the idea
of skill integration. But all above-mentions skills rely on the acquisition of specific
vocabulary.
The language in which the teacher and the student produce the message is
commonly agreed upon in order to constitute a perfect ground for decoding it. In
470
addition, various techniques or devices may also supplement the understanding of the
message and help to get a quicker significance. Thus, one of the most important aspects
of teaching business English is developing vocabulary. The teacher should focus on
assessing the passive vocabulary of the students and find methods of activating it. At the
same time he should consider that business English is less accessible to most of the
students than general English. For beginners in business English the active vocabulary
in this field may be virtually zero (SESNAN, 2005:124) but their passive vocabulary
will allow them acquire a certain number of specialised words constituting a core
vocabulary for their needs. A preoccupation with vocabulary size, however, overlooks
the importance of vocabulary depth. Vocabulary knowledge is not an all-or-nothing
phenomenon but a productive and receptive knowledge process (THORNBURY,
2007:22). This means that the student needs not only to learn a lot of words but to
remember them, as well.
Teaching business vocabulary is not an easy task as it does not involve only the
tea cher’s teac hing ski
ll
s bu t
als o th e
stude nt’s mot i
v at
ion f
or acqu ir
ing t
h e spe
c i
fic
vocabulary. It is essentially a question of memory: short-term store, working memory
and long-term memory (THORNBURY, 2007:23). To repeat a word that the student has
just heard the teacher modelling is not a successful method for vocabulary learning. For
words to be integrated into long-term memory they have to be subjected to different
kinds of operations depending on working memory. Words coming from external
sources are manipulated and integrated in specific situational patterns. Also linked to
wor king me mor y is a kin d of me nta
l s ketch pad. ”He re ima g es – such as visual
mnemonics (or memory prompts) –can be placed and scanned in order to elicit words
from long-t erm me mor y into wor king me mor y” (THORNBURY, 2007:145). In order
to transfer the words from a short or working memory into the long-term memory the
student (and the teacher) should practice the vocabulary in pairs or small groups using
or not dictionaries at first (HARMER, 2007: 235) mainly for beginners. For
intermediates and upper-intermediates some more complex lexical devices can be used.
For example, the student alre a dy kn ows the wor d ‚ brand’ be lon ging t
o c ommon
v oca bulary; wi t
h t
h e h
elp of t
he pref i
x re- the student can build the words rebrand (as
verb and noun), rebranding (noun), rebranded (adjective) belonging to business
v oca bulary:
” to rebrand a product or organization means to present it to the public in a
new way, for example by changing its name or appearance. Rebranding is a process of
giving a product or an organization a new image, in order to make it more attractive or
successful. There are plans to rebrand many Texas stores.” (ROBBI NS, 2004:118)
Combination between words is another lexical device for enriching business
vocabulary (SESNAN, 2005:125). For example, the verb to trade and the noun mark
form the compound trademark (Wikipedia Free Dictionary)
1. Abbr. TM A name, symbol, or other device identifying a product, officially
registered and legally restricted to the use of the owner or manufacturer.
2. A distinctive characteristic by which a person or thing comes to be known: the shuffle
and snicker that became the comedian's trademark.
tr.v. trade∙mar ke d, t
rade ∙
mar k∙ ing, tr
ade ∙
mar ks
3. To label (a product) with proprietary identification.
4. To register (something) as a trademark
In a small number of cases the differentiation by gender is also used in achieving long-
term business vocabulary. For example according to the usual pattern of compounds
belonging to general English: policeman-policewoman, the student can also provide
feminine forms starting from a masculine one: businessman –businesswoman.
471
These are but few examples to illustrate some findings for the teaching of business
vocabulary. Thornbury (2007:30) thinks that students need strategies and tasks to help
them organise their mental lexicon by building networks of associations –the more the
better. Harmer (2007:100) believes that motivation has an important role in achieving
vocabulary. The teacher may have a powerful effect on how or even whether the
students remain motivated after whatever initial enthusiasm they brought to the course
has dissipated. But self-motivation is also indispensable. Sesnan (2005:186)
acknowledges that the final purpose of this bipolar process is the assessment that
measures the change from a start-out point to a certain level envisaged. In the process of
teaching-learning activity the teacher and the student should achieve the highest level of
competence in using business vocabulary: the unconscious competence which allows
the student to handle business vocabulary in a natural and comfortable manner in
relation with other of the same group.
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Wikipedia Free Dictionary
472
QUELQUES
CONSIDERATI
ONS SUR L’
ENSEI GNEMENT
DE
LA
PHONETIQUE FRANCAISE
Silvia DOBRIN
Université de
Introduction
473
réciproquement dans la syllabe et subissent des modifications ; e l
le acc orde pe u
d’impor tanc e aux paramè t
res pros odi qu es –rythme et intonation ; ell
e pr opos e des
exercices décontextualisés se résumant aux listes de mots.
Une autre méthode est celle comparatiste. En tenant compte des similitudes
entre deux systèmes phonologiques (le français et le roumain), on se sert des sons
communs ou prochains pour favoriser ou corriger certaines articulations. Par exemple,
pour faire la différence entre une voyelle orale en roumain et une voyelle nasale en
français : lampa-lampe, etc.
La méthode des oppositions phonologiques emploie la correction basée sur
l’au diti
on de modè l
es. L’ ut
ili
sation du labor a toir
e de la ng ues y e st
essentielle.
L’ on
prop ose de s exe rci
ces d’ oppositi
on en tr
e de ux ou plusieurs phonèmes. Les étudiants
écoutent et répètent des sons (phonèmes, mots, textes) enregistrés où le changement
d’un s
eu l
son
a ppor t
e un
c ha
ng eme n t de
se ns. Pa r
e xempl e ,
le/les, basse/base, bon/vont,
etc.
Les méthodes présentées ci-dessus sont des méthodes efficaces si nous les
employons en complémentarité, mais elles ne sont pas suffisantes dans la correction
phonétique.
Une autre méthode cherche à apporter une approche plus approfondie de
l’en seigne me nt d’u ne l
a ngue ét
ran gè re, un e a pproc he plus adé quate aux besoins des
appr enants. C’ est la mé t
hode ve rbo -tona le qu i
s oulign e l’impor tance de la la ng ue
comme instrument de communication et, par conséquent, de la perception.
La méthode verbo-t on ale s ’appu ie n on s eule me nt s ur l a p h oné ti
qu e
articulatoire, mais aussi sur la phonétique acoustique et perceptive ; e l
le a rec ou r
s
également à la psychologie cognitive et à la psycholinguistique. Le principe en est que
l’on pronon ce ma l
les sonorités
d’ une langu e
étrang ère parc e qu ’on l
es ent
e nd ma l.
En
effet, chacun d’ entre
n ou s
pe r
çoit le mon de
s on ore d’un e lan gue étrangère par r
a ppor t
au sy s
tème son ore de not r
e l
a ngue
ma te r
n elle. Pa r
c onséqu e nt,
on n’ ent
end pa s certains
sons de la langue cible. La correction phonétique par la méthode verbo-tonale consiste
justement à re
n dr e l
’appr enant
sen sibl e aux spé cifi
c it
és sonor es de la
langue
c ibl
e . Les
procédés de correction affinent sa perception auditive. Par conséquent, il percevra et
prononcera mieux les sons. Les avantages de la méthode verbo-tonale sont les suivants :
elle accord e l
a priori
té à l
a prosodi e parc e qu e l
e ryt
hme e t
l’
in tonati
on
s erve nt à l
a
correction des voyelles et des consonnes et elle propose des procédés pour remédier à
chaque erreur de prononciation.
L’ i
nton ation structure l
a commun ication or a
le pa r safonction démarcative et
fac ili
te ai
n si
l’ap préhens i
on
de
la con s t
r uction de la phra se.
Pa r
sa foncti
on con trastiv e
,
elle met en avan t
c e
qu i
e s
t impor tan t
da ns l
e me ssa ge. L’in t
on a ti
on tr
aduit l’
i nt
e ntion
du locuteur. Elle joue un rôle très important dans le processus de compréhension parce
qu ’e l
le cont r
ibu e à
la pe rce
p ti
on de la si gnific at
ion du me ss age qu’ell
e influ enc e de
ma nière d écis
iv e. Elle pe ut
mê me tran sforme r le s e
n s dén ota t
if d’un énon cé en son
contraire : « Tu es fou » peut être une critique ou un compliment, par exemple,
lors qu’un
a mi offre un cade a
u inatten du .
Le tr
a va i
l sur l ’i
ntonation s timu le l a mé moi re e t f acilite
le proc e ss
us de
rétention qui consiste à retenir de manière volontaire ou involontaire certaines données.
Les contenus linguistiques sont ainsi mieux intégrés. Ils ne sont plus transmis de
manière neutre, comme il arrive souvent dans les manuels et méthodes de langue en
raison de leur fonctionnalité pédagogique, mais ils sont rendus plus vivants. La méthode
verbo-tonale a bien inté gré les c ara ctéristiqu es de l’or al pa rc e qu ’
elle rec rée de s
con dit
ions qui sont
plus
proc hes
de
la réa li
té. C’ est la
r ai
s on pou r laquell
e les a
s pec t
s
474
phonétiques sont essentiels. En effet, une perception claire des caractéristiques
phoniques de la langue étrangère est essentielle pour mieux comprendre les locuteurs de
la langue cible parce que la compréhension implique la perception correcte de ce que
l’i
n ter
locuteur dit
.
2.
Avant
age
s de
l
’ac
qui
si
ti
on
d’une
bonne
pr
ononc
iat
ion
Une
bonne
compéte
nce c
ommun i
cati
onne
lle
n’es
t pa
s seu
lement
un
e bonne
ma
îtr
ise
de
la
syn
taxe
et
un le
xiq
ue
ric
he. Sel
on Page
l (
1996),
i
l s
’ag
it
aus
si
d’une
475
maîtrise des aspects phonétiques et, avant tout, des éléments prosodiques. La
sémantique a un rapport étroit avec la phonétique parce que tous les sons que nous
pr odu i
son s
pour commun iqu er t
ra ns me t
te nt
un sens. Pr oduire
de s sons,
c’
e st produire
du sens, et pour identifier le sens, il faut surtout avoir identifié correctement le support
phonique.
Sa n s
un e bo nne ph on étiqu e, n ou s n’avons , à l ’oral,
a ucune c h ance de
transmettre un message qui sera bien compris, même si les mots ont été bien choisis et
si la syntaxe est correcte. Borrel (1991) ajoute que le support phonique avec ses sons,
son intonation et son rythme représente ce qui a du sens pour un étranger. Il aura ainsi
plu s envie d’éch anger de l’
informa tion
s ’i
l est
c ert
ain d’êt
r e compr i
s et
s’
il compr en d
bie n ce
qu ’on l
u i
dit.
2.
3.
Mei
ll
eur
e appr
oche
de
l
’éc
rit
En rai
son du t
rava il de préci
sion qu’ exige
l ’
appr enti
s sage de la
pron onciation,
les é
tudi
a n
ts apprenn ent
à dé ve lopper leurs capacit
é s d’observ at
ion .
Ce la se tr
a nspose
ens uit
e à
l’é
c r
it,
soit
pou r
c e qu i est
de
l’acc ord, de
l a
mor phol ogie ou de l
’orthogr aphe.
Un e
prononciation corr
ec t
e pe rme t,
en effet, d’évit
er
de s
fautes d’orthog raphe
tell
e s que
les f
aute
s d’acce nt
commi se s sou vent par les
étudia nt
s: rélation*, réligion*, dérriere*,
etc.
En outre,
la dif
fére n ce e nt
re la qu esti
on ,
l’énon ci
a t
ion s
impl e et
un ordre, par
exemple, qui disposent de la même structure syntaxique est marquée par une différence
de la
courbe mé lodique à l’or al: Tu t’en va s? Tu t
’en vas. Tu t’en vas! Les courbes
mélodiques permettent aussi de structurer la différence entre thème et rhème et, par
conséquent, de mieux saisir la structure de la phrase.
Conclusion
476
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477
L’
EXPRESSI
ON DE
LA POSSESSION DANS
LA
DIDACTI
QUE
DU
FRANÇAIS-LANGUE ÉTRANGÈRE
Angela ICONARU
Résumé : L’ ét
ude pr
opose une a nalyse de l
’expr ess
ion de la
pos se
ssi
on en français e
t
en roumain, afin de déceler les dissemblances, et des solutions pour éviter les fautes
interférentielles. Avec des exemples de faits de langue du français et du roumain, on se propose
de
réal i
ser une systématisati
on des
moy ens d’ e
x press
ion de la
pos session dans
le
s deux langues et
la ma nièr
e do nt i
l f
a ut
analys
er les
struc tures concerné es,
afin d’ évi
ter l
es fautes d ues aux
interférences grammaticales.
1. Dans la prati
qu e du frança i
s l
a n
gu e étrangère on rencon tre
bon n ombre d’invent aire
s
d’unités compa rables,
be auc oup de
stru c
tu res
syn t
axiqu es qui se r
e ssemblen t
, des règles
analogues, de sorte que les apprenants ont tendance à faire une règle de ces similitudes.
L’ é
tude du prédéterminant possessif dans les deux langues révèle bon nombre de
valeurs du possessif dans le discours, valeurs qui parfois ne se retrouvent pas dans les
deux langues, un comportement morphosyntaxique pareil en grandes lignes, mais qui
manifeste aussi un grand nombre de dissemblances dont il faut tenir compte dans le
processu s
d’apprentiss
a ge du FLE. Fi naleme nt,
on
v a enregistrer quelques e rr
eu rs des
plus fréquentes des apprenants du français, dues en particulier aux dissemblances
morphosyntaxiques entre les deux langues.
Le pos sessi
f pe ut au ssi pa r
tici
pe r à r éali
ser
l’opposition emphase / non
emphase :
Non emphase : Elle lui a donné la main. (sens propre)
Emphase : Elle lui a donné sa main. (elle a accepté de devenir son épouse)
En rouma i
n, c ette oppos ition n ’est pas d éc elable à l’
aide d’un c on t
exte pa re
il par
l’oppos it
ion article défini / adjectif possessif, étant donné que les deux énoncés ont le
même équivalent, Ea i-a dat mâna.
Lorsqu’ il accompa g ne un n om p r
opr e ,
le possess
if sert
à expr imer l
’affectivi
té
ou l’ir
onie. Ce t empl oi es t r
en con tré
da ns le s deu x l
angue s,
la différence est que le
rouma in ut
ili
se le pr
on om pos sessif,
le fran çais l’adj
ecti
f: Son Jean lui téléphonait
chaque soir. –
Les grammaires enregistrent le possessif d’ it
ération / vs /
possess
if de non
itération (CRISTEA, 1979:126), ou le possessif descriptif (CHARAUDEAU, 1992 :
478
209), un possessif qui « s oulig ne l
e
ca ract
ère habit
u el de l’act
ion» : Paul a manqué le
train. (= « l
e train
qu’il deva it
pr endre»)/ Paul a manqué son train. (le trai
n
qu ’il
p r
e nd
d’ habitude ,
ce l
u i
de 7 he ures). Da ns c
e cas, le rouma i
n n’e
n r
egistre pa s un empl oi
« spécialisé » du
posses si
f,
sa présence é
tant
mê me mo ins probable
qu e
celle de l’art
ic le
défini : ?) -a pierdut trenul.
( ?)
Un emploi spécifique du possessif en français est celui devant les noms
désignant des dignités militaires (mon colonel, mon lieutenant etc.) ou civiles (surtout
dans le registre populaire de la langue : mon président). En roumain, dans cette situation
on n’empl oie pas l
e posse ss
if, on
util
ise
le
nom «domnule » .
Les structures dans lesquelles apparaît le complément possessif du rouma in, actualisé
par un pronom en datif, sont du type :
a)V+ sujet+CPos : I-a venit fratele. –Son fère est venu. -a stricat televizorul. –Ta
télé ne marche plus.
b)V+ attribut+sujet+CPos : Mâinile îi sunt reci. –
numele ? –Quel est ton nom ?
c)V+ sujet + OD + CPos : –Il aime son enfant. Mi-a murit pisica. –
Mon chat est mort.
d)V+sujet+Circ + CPos : – Que lqu’ u
n f
rappe
à sa porte.
479
inaliénable, le prédéterminant possessif est en variation sémantique avec le datif
possessif » (CRISTEA, 1979 : 265). Il y a des situations de langue où le datif possessif
et le prédéterminant possessif se combinent , en français familier ou populaire surtout,
l’é non cé ayan t
un
e valeu r
aff ect
ive
e t péjor
a t
ive en mê me
temps: Je te ferai regretter
ton attitude. Ils se sont cassé leurs mains. Cet emploi du pronom personnel et du
possessif en même temps, considéré « négligé » par les grammaires, est fréquent dans la
littérature aussi.
En fra nç
a is
, l’emp loi du pr édéter
mi n
an t
po s ses s
if
est obli
g atoire da ns une
construction où le nom objet possédé est déterminé par un autre déterminant : Ce
vieillard traîne la jambe. –Ce vieillard traîne sa jambe malade. En roumain, dans les
deux situations, on emploie le complément possessif :
– iorul bolnav.
Il e st
aus si
obl iga
toire d’ empl oy er l
e prédét
e rminan t
pos sessi
f s
i l
e
nom objet possédé
est sujet de la phrase : Son c œur était plei
n d’es
poi r e t d’i
nquiét
ude .
Dans ce cas, le
roumain enregistre deux emplois, soit avec complément possessif (
), soit avec adjectif possessif (
), ce dernier étant pourtant moins recommandé, surtout si on a une
« possession inaliénable ».
Le prédéterminant possessif est rempl acé, e n fran
çais,
pa r l’arti
c l
e défini
« qu and l e ra pport d’ appa rtena nce e st
as sez ne t
te me nt
ma rqué pa r l e c ontex t
e,
notamment devant les noms désignant les parties du corps, les facultés intellectuelles. »
(GREVISSE, 1993 : 910) : Il ferme les yeux. Il a mal à la tête.
Les grammaires enregistrent aussi, en français, la situation où « le déterminant
possessif de la troisième personne qui a pour antécédent un nom (ou un pronom) ne
dé s i
gn ant pa s u n
e pers on ne e st
s ou vent rempl acé pa r l’ar
ti
cle, et
l ’
a ntécéde nt est
représenté par le pronom en placé devant le verbe » (GREVISSE, 1993 : 911) :
Le guide nous a montré le château et nous en a raconté la légende. –Ghidul ne-
-a povestit legenda (lui / acestuia).
Je connais très bie n cette ville et j’
e n sais
tout es
les r ue s.
–Cunosc foarte bine acest
En roumain, la possession exprimée par en est rendue soit par un pronom personnel
(lui), soit par un démonstratif (acestuia), soit par un datif possessif (îi). P. Charaudeau
(op.cit, p.197) remarque le fait que, « parfois, la situation de communication ne justifie
pa s un e
te l
le exigence l
orsqu e l’
e mpl oi
du posse ssif
ne prêt
e pa s
à
l’ambi guité».
Il es t obl i
gatoire d’employ er l
e pr é
détermi n ant pos se ss
if et en est exclu lorsque le
possessif attaché à un complément a pour antécédent le sujet du verbe : Cette rivière a
sa source dans les Alpes. –
Fi naleme nt
,
il
y a des
ca s où ,
da ns l
e s
de ux langues, le
rappor t d ’
a ppar t
enance
est exprimé par un pronom personnel complément du verbe, non pas par une possessif
attaché au nom : Essuyez-vous les pieds. – - Il me prit la
main. –
En français on enregistre aussi une forme du prédéterminant possessif appelée
tonique, constituée à partir du pronom possessif, mais sans article (mien, mienne, tien,
tienne etc.). Ces formes, « d’ u n usa ge
limi t
é à cer t
ains
empl ois
tech niqu e
s (
jur i
diqu
e s,
litt
ér aires),
so nt
suscept
ibles de pro dui
re un effet
di scur s
if
rec her
ch é ou a f
fecté. […] Je
vous présente un mien cousin » (CHARAUDEAU, op.cit., p.197). Le roumain emploie
dans ce cas le pronom possessif : -al meu.
480
4.Les erreurs que les apprenants du FLE commettent le plus souvent dans le cas de
l’e mpl oi du prédét
ermi nan t
possessif
sont dues s oit
à un appr of ondisseme n t
insuffisant
de la valeur sémantique et des différences morphosyntaxiques du comportement du
possessif dans les deux langues (voir les faits mentionnés aux points 2 et 3), soit, très
fré que mme nt,
à l
a méc onn ais
sance de la r
è gl
e mor ph olog i
qu e qui i
nte rdit
l’
empl oi des
formes ma, ta, sa devant une voyelle ou un h muet. Dans ce dernier cas, il est très
fréquent de rencontrer des exemples tels *ma amie Simone, *sa héroïne principale etc.
Du fait des interférences grammaticales enregistrées ci-dessus, il est très
fréquent de rencontrer, pour un énoncé tel « J ’aime mon enfant.» des équivalents
comme : a) Îmi iubesc copilul. b)Iubesc copilul meu. c)Îmi iubesc copilul meu. Du point
de vue grammatical, les trois énoncés du roumain sont corrects, mais du point de vue de
leur signification, « J’aime mon enfant.» n ’
équ iv aut pa s à « Iubesc copilul meu. », qui
e ng l
obe un e valeur
de r
en forcement, un effet d’ i
n sist
a nce, qu i correspon d à «J ’ai me
mon enfant à moi. ». La même valeur d’insis t
a nce est ren due pa r l’énonc é
c), en
combinant le pronom personnel et le déterminant possessif.
Il f aut aussi s’arrêter
s ur un e sit
u ation pa rticulière du r ouma in, lor sque
l’impe rsonn e l
,
le gén
é ri
qu e est
rendu par l
a
deux ième pe r
son n e du si
ng ulier: «
- », situation dans laquelle la traduction
littérale « …. t
a f
amill
e ,
ton chemin» f ai
t perdr e la valeur gén ér
ique ,
qu’on aurait dû
rendre par la troisième personne : « son chemin, sa famille ».
5.Conclusions
L’ é t
u de du compor teme nt du déte
rmi nant posse ssif en franç ais et en rouma in révè le,
à
part les ressemblances dont les apprenants ont la tendance de faire une règle, de
n ombr euse s sit
uati
ons où la s
imple équ i
va l
ence n e vaut p a
s .
Le rôle de l’enseigna nt est
de faire voir ces aspects, de souligner les valeurs sémantiques et le comportement
morphosyntaxiqu e du détermi nant
possessif
da ns les de ux lan gu es,
d’insist
e r
surtou t
sur
le s dissembl ances,
afin d’é vi
ter l
es fautes i
nte rféren ti
elles. A pa rt
ir de s
fait
s l
es plus
simpl es (e x.
l
’emploi des forme s
mon, ton, son devant un féminin en voyelle ou un h
muet) ju s qu’aux plu s c ompl exes,
l a pr i
ncipa le r èg le qu ’
il f aut s uivre e st qu e
re ssembl a n c
e n e
s i
gn if
ie pa s ide nt
ité,
s urtou t lor squ’o n pa r
le de de ux l angu es
apparentées, comme le français et le roumain.
BIBLIOGRAPHIE
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l’expression, Hachette, Paris, 1992.
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Grevisse, M., Le Bon Usage, treizième édition par André Goosse, de Boeck Duculot,1993.
Riegel, M., Pellat, J.-C., Rioul, R., Grammaire méthodique du français, PUF, Paris, 2004.
481
SOME
REMARKS ON THE
EFL TEACHER’S
TASK
IN
THE
FIELD OF PHONETICS AND PHONOLOGY
Constantin MANEA
482
important. The primary type of analysis is, of course, a physiological or articulatory
one, but the psychological interpretation of the sensation of hearing is also necessary:
the analysis is made, by the brain, of these sound features that are relevant for
communication. The selection of those relevant sound features is done in keeping with
the linguistic system –the natural language –to which the listener belongs. Thus, a
Romanian will have difficulties in distinguishing between /i/ and /i:/, /u/ and /u:/, or
or /t/. Personal experience and use of a (foreign or native) language have an essential
role in creating auditory f eedba c k, as we ll as
k inaes
theti
c f
eedba ck. “The me a ns by
whi c h, and the extent
to whi ch,
we discrimi nate
s ounds ar
e relevan t
”.
(O’Conn or ,
1991:
17). So, one must recognize the centrality of the functional correlation of articulatory,
acoustic and auditory facts –and their careful and selective analysis.
The importance of the didactic remarks in this field is materialized by the
numerous books published in Romania in the field of English-Romanian contrastive
studies, and it manifests itself mainly as far as t
eaching practice is
c
on cer
n ed; suc h
observations necessarily interrelate with the experience gathered by teachers of English
at various levels. The usefulness of such works, both theoretical and normative as well
as methodological, is actually confronted with, and ultimately validated by, didactic
a cti
v ity it
self;
the
theore t
ica l
ge neralizations ma de ser
v e
a s va
lu able
g ui
delines for the
teachers, as the illustrative material represents food for further thought over possible
better systematization.
Such teaching-oriented analyses, having a primarily practical character, are, in
spite of the general opinion assessing the greater importance of suprasegmental matters,
illustrative of such traditional preoccupations relating to the acquisition of segmental
elements, largely due to the inherent difficulty of a number of English phonemes, as
well as the imperfect correspondence between sounds and the written word, a thing of
terror for most Romanian learners of English. Among the difficulties related to the
acquisition of a foreign language, those resulting from the interferences at work at
various levels between any two languages in contact are certainly the most important.
Contrastive analysis aims to find common elements –going as far as postulating items
meant to construe linguistic universals –and no less marking out a body of instances,
which could be used for teaching purposes, in which the characteristic features of the
two languages stand out as hindrances to correctly acquiring the respective foreign
language.
In analyzing English vowels, contrastive studies present as major difficulties for
Romanians –besides the acoustic features resulting from different formants –length
and tenseness, which are non-distinctive in Romanian. It is a fact, though, that “a
correct description of the position of the tongue in producing vowels is extremely
di ff
ic ult” (
SER, 1978: 26) . Th e de scri
pt i
on made , a
s we ll
as the
data extra
cted from
practical experience, indicated the phenomenon of negative interference to be
respons ible for the e rrone ous pe r cepti
on or reproducti
on of v owe ls
; yet,
pe rs
on al
experiences may lead to the rather odd observation that there are English vowels (viz.
/æ/) that are perfectly uttered, after practising with minimal pairs and decomposing the
sound in order to acquire the essentials of its articulation, while other neighbouring
phonemes will be incorrectly produced because they are approximated as one single
(very familiar) Romanian phoneme (e.g. Eng. /u/ and /u:/ approximated as Rom. /u/).
Unlike that, the members of the /i/:/i:/ pair are hard to discriminate by beginners: Eng.
vowel 2 (/i/) is almost universally mispronounced, being mistaken for either Eng. /i:/,
or Eng. /e/ –or else, approximated by Rom. /i/. In much the same way, we have noticed
483
that young native speakers of English have no insurmountable difficulties in
reproducing Rom. /î/ ;
mor eove r, t
here
are a
numbe r of phone mi c
ite ms t
hat do not e x i
s t
in Romanian and still are perfectly pronounced by the overwhelming majority of the
Romania ns; suc h is t
h e case of the semivowe l
+ vowe l
sequ ence /we / wh i
c h i
s un de r
constraint in such anomalous grammatical forms as: ou , s plou , yet is fully
a cc essible to any Roma nian, like /wi/
in fact
; we believe t hat
ev ery Roma nian can
properly utter such words as western, window.
As phoneticians agree on the point that the vowel-system of English is trapezium-
shaped, i.e. less fronted than the triangle-shaped Romanian vowel-chart, the practice
involving the /i:/:/i/ pair, which is the most likely to cause mistakes, must be done
accordingly. Romanians should compare /i:/ with Rom. /i/ in such words as: bine, lin ,
zi (i.e. under stress, followed by a voiced consonant or in final position), or ii in fii, vii.
It should not be palatalized: Romanian learners should carefully keep the preceding
consonant and /i:/ apart in words like: keel, geese, peel, beak, heel, meal.
Yet, it was pointed out –and confirmed by didactic experience –that erroneous
pe r ceptions (or else, “prejudic es ”)
ma y ari
se out of such re ma r
k s: thus, an empirical
conviction exists that Eng. /e/ is more open than Rom. /e/, materialized in some
stu dents’ c
onf u
s i
ng the forme r wi th
Eng .
vowe l
no. 4 /æ/,
e.g. /pen/ for /pæn/. Eng. /e/ is
laxer than Rom. /e/, which is slightly closer than the former; compa re
Rom.
set and Eng.
set. In spite of the fact that some dictionaries (for instance, the Collins Concise
Dictionary of English) u se
a
(g raph i
call
y )
“opener” v ariant
in the ph on eti
c transcript i
on
of such words as pencil /'p nsl/, Romanian learners should not be misled into overdoing
vowel no. 3 (in words like head, many), and thus create confusions with words
containing vowel no. 4 /æ/ (e.g. had, manly). The Romanian perception of Eng. vowel
no. 2 /i/ bears the mark of an almost general confusion between /e/ and /i/, while in fact
Rom. /e/ in tren being as retracted as Eng. /i/ in pin. The flatness of Eng. /i/ is wrongly
perceived as extra openness – so tha
t for most Roma nians’ ea
r s /pin/ wi l
l hav e the
sound of /pen/. What makes that sound be misrepresented by Romanian learners /
be g i
nn ers
is the prejudi ce
that it is
“a s
or t
of
/e/
”. Mor eover,
Roma n i
a ns mus t
cope wi th
th e f
ac t
that
th e vowe l is
retracte d,
lower t
h a
n Rom. /i/;
there
is
no te nsen ess
, as i
n Rom.
/i/.
It was demonstrated that the most important source of errors in acquiring English
v owe ls is
the relati
v el
y narrow space i
n
wh ich t
h eir art
iculat i
on i
s “jamme d”.
Al l the
methods used in order to acquire them correctly take as a starting point the necessity for
the student to become aware of these (imperceptible, by Romanian standards)
di f fe
re nces,
subs equ ently de ve loping the abi
lit
y to r
e f
ine their ac tuali
zation; th is is
generally done by minimal pairs. Minimal pairs in sentences likely to occur in actual
communication are, as proved by experience in teaching, an indispensable tool in
a cqu iring su ch t
ricky pa i
rs as /i:/
: /
i/
, or /
u:/ :
/u /,
in wh ic h a “simpl i
fied ve rsion”
actualization is to be met with –e.g. boon pronounced like Rom. bun. Romanian
learners should bear in mind that the Romanian type of /u/ is closer, more tense and not
so central. Its rounding bears the mark of lip-protrusion, which is not the case of the /u/
vowel in English. So, the central Romanian vowel / /, and even /î/, may be taken as an
appropriate starting point when acquiring the pronunciation of English /u/. Contrarily,
English /u:/ is opener, longer, less rounded and more advanced (i.e. centralized) than
Romanian /u/. It may be said to have the sound of Romanian /u/ in words like iunie. It
was shown that the existence of a high central phoneme /î/ in Romanian does not pose
obs tacles t
o the correct acqu isition of Englis
h ce ntral vowe ls
by Roma nian stude n ts;
likewise, the fact that Romanian has no corresponding sound for Eng. vowel no. 10 /^/
484
in hut raises no major problems (despite the fact that its –dialectal and individual –
variants are numerous in English) as long as learners are aware that the Romanian
starting-point in producing it (/a/ as in ran ) is more open and tense. The common
mistake is reproducing its shortness through almost complete laxness, the vowel
hut : heart, like
a “sigh ”. Si nce /^/ i
s v er
y sh ort,
it
cou ld be compa r e
d wi th Rom. /a/ in uns tr
es sed
syllables, e.g. castan.
Romanian learners should not mistake English vowel no. 4 for, or replace it with,
eithe r Rom. /a/
or Rom. /
e /
; or el
s e pron oun ce i
t as a ki nd of
di phthon g: * /
m an/ for
man. It will be pronounced with the mouth wide open (as for Rom. /a/), while trying to
utter /e/, or //
; a notable phary nge al
qu ality
wi ll
be a d ded: by and l
arge ,
it
ma y be
s aid
to sound like a sort of bleating. With r
difficulties arise from the fact that the central position of Rom. /a/ (which is, moreover,
the
sound somewhat fronter (e.g.
æ/, e.g. pass /pæs/, bath
/bæ
compare Rom. cart and Eng. cart, as /a/ is in Romanian the lowest point of the vowel
triangle back (the most
graphical description would in fact be that of the dentist-cabinet aperture of the mouth).
The same foreign tinge c an be noticed wi th the Roma nians’ wa y of
re nder ing the
central vowels / e.g. in an : earn, although the unique corresponding
phoneme in Romanian, i.e. / /, holds quite a representative position. The slight
differences existing between the two vowels are typically reduced by Romanians to that
of length. Moreover, in an attempt to keep its length as well as tenseness, they
sometimes add unwelcome rounding (a rather puzzling fact, since the typically British
variant is uttered with lip-spreading). Another possible explanation would be that such
rounded utterance –e.g. /sør/ –is due to an exaggerated perception of the American
way of articulation in such sequences containing the ‘ r e troflex r’as sir, fur. On the
other hand, / /, irrespective of its positional
variants –which are definitely characteristic and even dissimilar (e.g. above, never,
comfort, it was Tom). In vowel + r sequences, the American influence is again obvious,
pronunciations of the teacher type being contrasted to the /a/ realization of Eng. vowel
no. 12 in villa, veranda(h);
in mu c h the same wa y , th ere ar e ma jor
p roblems wi t
h the
‘schwa ’ in un accented positi
on s
(es pecially
in the s o-called weak forms –mainly form-
words appearing in connected speech), whose erroneous pronunciation is also a result of
the Romanian way of rendering the native word – and sentence-stress in English
utterances.
Experience demonstrates that, among the back vowels, efforts are mainly required
to get a correct sense of the minimal pair /u/ : /u:/ (as in full : fool) –illustrated by rather
few occurrences in actual speech. While /u:/ is given a closer and backer articulatory
place, /u/, by far the more difficult of the pair, is drawn closer to Rom. /u/ in bun. The
best practice experience as well as theoretical approaches are directed towards the
learn er’s be comi ng awa re of
th e raising of
the ton gu e (whi ch i
s inferi
o r for Eng . /u/ to
that of Rom. /u/), as well as the part of it that is raised. In fact, this open sound is rather
close to Rom /o/ –which is reflected in its perception by beginners as such, e.g. /bok/
for book; t
h us,
the
n ee
d is fel
t to pr acti
se in pa irs oppo si
n g En g .
vowe l n o.
6 // to Eng.
vowel no. 8 /u/, as in god : good).
As in the case of the / t/ : /p:t/ pair proved easy to acquire,
485
ma i nly whe n the Ame r
ic an pron unciatio
n wa s
chos en as a “peg ” i
n
o+r sequences (e.g.
port), while / / was perceived, precisely on account of the influence of the American
type of pronunciation (e.g. /h:t/ for hot), as Rom. /a/ –which can be additionally
demonstrated if we consider such recent loan words as bax for box. At his point, there
are certain difficulties for the Romanian learners / students, who may either tend to
increase rounding and / or lip protrusion (cf. Rom. om /wom/), or to utter a closer
variety of Eng. vowel no. 6 (disregarding the / / vs. /
:/ opposition, very obvious in
minimal pairs such as pot : port). Romanian learners should aim at producing a short
open vowel (a sort of rounded /a/), while taking care to add needed roundness and, at
the same time, avoid lip-protrusion. Likewise, diphthongization should be avoided: Tom
pronounced as */t am/. In addition, the type of open roundness applied should by no
means result –maybe under the influence of the American model of pronunciation (see
below) – in /a/: */tam/. Lip-protruding is generally felt as the main cause for
mispronouncing the rounded back vowels: Romanians –not only users of a regional
accent –will begin with a /w/-type sound (e.g. /won/ for / n/, cf. the mispronunciation of
Tom as */toam/). Tenseness is usually replaced by such gliding sounds, as in all, ooze,
pronounced approximately as /wo:l/, /wu:z/. It is a general fact that vowel length and
tenseness are rendered by beginners through diphthongation.
Romanian / / has a similar quality to Engl. vowel no. 11, the main difference
be i
n g leng t
h .
Th e spreadi ng of the l
ips is
sign i
fi
c ant (so as
to sh ow t
he teeth )
; also, t
h e
tenseness in the tongue is an important characteristic of the /
Romanians tend to approximate it by applying lip-rounding, the result being a sort of
Fr en chif
ied / œ/ (ma ybe un der the i nfl
u e
n ce of the n ow v er y common Ame r i
ca n
pronunciation of / by r. The sound of Engl. vowel no. 12 is similar to
Rom. / / in unstressed positions: compare metre and mit .
Diphthongs do not really pose problems to Romanian learners as far as vocalic
nu c l
ei are conc erned;
pr oblems on l
y aris
e wi t
h
respe ct
to t
h e rela ti
ve quantity of the two
elements –as Romanians pronounce the second vocalic element as a full vowel (the
Romanian diphthongs /ai/, /ei/ can occasionally have the final /i/ prolonged –in folk
songs, for instance). Moreover, there is a tendency towards pronouncing them with a
hiatus, e.g. /'da-un/, /'ple-it/ – thence, Romanian learners will have difficulties in
perceiving and / or decoding such words as down, there, especially when pronounced in
the (Southern) British way, and the more so for three-vowel sequences, e.g. flower, fire,
etc.
When pronouncing the diphthong no. 1 [ei], one of the two possible mistakes
Romanians can make (the loss of the glide, e.g. [pein] pronounced as [pen], and the
intensification of the glide to an independent full sound, making up the vowel sound of
a subsequent syllable, e.g. [peil] pronounced as [pe-il]), the latter is really serious. To
learn English diphthong no. 2 [ai], Romanians should pay attention to the length of the
starting point, which has to be longer than Romanian plai [plai]. They should aim at a
sort of [a e] diph t
h ong; on t h
e other h and, they mus t not c onstr
ue a two-syllable
sequence of the type *[ma-il] mile. As far as diphthong no. 3 [oi] is concerned,
Romanian students must not produce the nucleus too rounded (like Rom. [oi], cf. the
pronunciation of vowel no. 6), and the glide must not be as close as Rom. doi. The glide
shoul d have
a ‘f
ading’ quality;
for didactic purpos es,
s t
ude nts should aim at a kind of
[e] sound for the glide. In pronouncing diphthong no 4 [
be
a wa re of the fact t
ha t
the En glis
h starti
ng point i
s mor e retra c t
ed and rather ‘v ague ’,
486
while the second element is tensely articulated in Romanian (and it can sometimes be
prolonged).
For practical or didactic purposes, the English diphthong [au] can be made to
correspond to the Romanian diphthongal sequence [au], e.g. au, dau, sau, since the back
advanced quality of its nucleus gets it close to the Romanian central vowel [a]. The
Romanian students should however remember that the first element of the English
diphthong is longer than the corresponding Romanian [a], while the second element is
much shorter. The lip-rounding of the English diphthong is much more reduced.
Learners should aim at a sort of [a:o] sequence, while t rying to ‘ forge t
’ th at in
Romanian there also exists the hiatus sequence [a-u], e.g. aur, faur, etc.
Since Romanian does not have a phoneme similar to Eng. diphthong no. 6 [i
the following mistakes can be made by learners of English: considering as a starting
point an [i], e.g. period, or re placi
ng it by [
i]; ac
tually,
Ame rican Eng lish di splays
pronunciations like [bir] beer, [hir] here, [pir] pier. In pronouncing Eng. diphthong no.
7 [ –and consequently realize –the initial
e l
e men t to [æ] rat
h er
than [e]
; also,
they sh ou l
d a v
oid both th e mon oph thong ization
of
the diphthong (viz. its pronunciation as [ ], e.g. ['p:r parents), and the
- there).
Although it is generally considered that Romanians do not have considerable
difficulties in pronouncing Eng. diphthong no. 8 [u
do exist in quite similar forms in the Romanian language, as well as in the diphthongal
sequence, e.g. ), the danger of uttering closer variants of the
two elements is real. Likewise, the hiatus pronunciation of the two vowel-sounds should
be avoided (as [u-
Romanian words such as i
s not rec omme nded; nor is,
on
the con tr
ar y,
omi t
ting
the glide, especially when the following sound is an [r], e.g. ['dju:ri
['dju during, etc.
Triphthongs are usually recognized by phonetics books as mere sequences of a
diphthong plus a vowel element, namely [
[
di phthong
a nd a semi vowe l (
i.e. a fa
lli
ng di phth ong + the “n eutral” vowe l [ r no.
12), viz. [ai
Unlike Romanian, one cannot talk about English triphthongs made up of a semi-vowel
plus a diphthong, as the functional part of the semi-vowel / semi-consonant puts these in
the class of the consonants proper (compare with words like yea [jei], etc.). Their
pronunciation can pose serious problems to Romanian students, mainly if one also
considers the rapid speech delivery characteristic of English.
Although the number of hindrances Romanian students have to cope with in the
field of (segmental) phonetics and phonology is really great, especially in point of
vowel pronunciation, the well-directed, conjoined efforts made by educationalists and
learners alike can lead to good resul
ts; the re f
or e, t
he teach ers’ guidelines a nd a dv i
ce
mus t
be on a par
wi th
their
dis
c iples’
earne st p r
ac tica
l endeav ou rs
.
BIBLIOGRAPHY
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Romanian, Ed. Acad. Româ –(SER)
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Macarenco, Tatiana, Contemporary English Phonetics, Ed. Echinox, Cluj, 1998
Manea, Constantin, A Handbook of English Phonetics and Phonology
488
READING: SOME LISTENING-BASED TECHNIQUES
University of Pite ti
Abstract: Although reading is the ultimate objective, teachers find that they need to
relate it to other skills in order to reinforce it. To enable students to read large amounts of text
rapidly and effectively, we have to teach them to process the written message in English. The
listening activity seems to require from the foreign-language learner more of a recognition
vocabulary for good comprehension than a sophisticated knowledge of syntax. An advantage of
listening is also the commonalty of processing that seems to exist between listening and reading.
Teachers have to choose materials that consist of passages of extended discourse instead of
conversations. Listening after reading helps learners recognize acoustically what they can
already comprehend in print and instils confidence and satisfaction in listening.
489
mechanical problems will be solved. This is as disheartening as being told that a good
pronunciation is acquired if you have a good ear or if you live for a couple of years in
an English speaking country.
This decoding problem could be solved by making students conscious of the
pr oblem, “de mons tra
ting t
o t
he m the i
r su c
ces s
in getti
ng
the gist of a written
pa s sage
wi thout l a bori ou s
ly transl
a t
ing e very wor d.” ( SILBERSTEI N, 1997: 3 2).
These
demonstrations, however, usually end up by being exercises similar to timed readings.
They may serve their purpose, but not before students are really compelled to process
inf or
ma t
ion dir e ct
ly
in Eng l
ish a nd in me aningfu l “chunks”. Oth erwise, the y wi ll not
only resent being forced to read faster, but the timed reading might train them just to
translate faster.
Visual information that is processed directly in English seems to require
familiarity with the phonological code of the language. It has been d emonstrated that for
languages such as English, Spanish, Arabic, etc., in which the fundamental unit of
representation is the phoneme or the syllable, second-language reading is seriously
impaired when the essential phonological information is inaccessible. There is also very
strong evidence that profoundly deaf children have great difficulty in learning to read
because of the absence of a phonological code as an aid to comprehension. It seems that
the primary function of the phonological code in reading is to facilitate information
register in short-term memory (STM). Koda concludes from a series of studies on the
su bject th at:
“ t o compre hend l onger an d mo r
e c omplex linguis t
ic un it
s, s egme ntal
information must be held in STM in order to be integrated into higher order processing
such as syntactic and discourse analysis. Since the phonological mode is far better
suited for representing linguistic materials in STM than the visual mode, visually
presented materials are more efficiently processed when converted into their
ph onolog i
c al
for ms.
” (
KODA, 1990: 395 ).
If our purpose in teaching reading comprehension is to enable students to read
large amounts of text rapidly and effectively, we have to teach them to process the
written message in English. And if this requires control of the phonological system, the
Romanian speaker who has been mostly exposed to written English would need to be
given the necessary phonological information to strengthen visual and auditory images,
since the association between sound patterns and spelling patterns in English and
Romanian are significantly different.
However, conveying this phonological information in an ESP reading program,
limited in time, in a non-native situation, and for students who have learnt the language
through the medium of the written word, might become an unattainable and frustrating
task unless we deal only with those aspects that are crucial for the learner at this level
and present them in the least demanding way.
The phonological information that the student needs for reading purposes does
not necessarily require precise production of the sounds. In the same way that we do not
need to be good spellers in order to read fluently, there is no need to vocalize a text
adequately in order to process it phonologically for reading purposes. Reading aloud for
its own sake has more to do with the oral production of the language than with reading.
In reading aloud, articulation is forced upon the reader. This is not only a difficult task,
since every word has to be enunciated, but it has also been suggested that it is possible
to develop the so-c al
led
“ s
pe aking abili
ty ” a
n d yet be incompe tent in
u nders t
a ndin g the
spoken language. Although reading aloud is to be rejected as a practice, this does not
imply that effective reading occurs without reference to the sounds of language, nor that
a reading program should give attention to the skill of reading alone.
490
The difference between good and poor readers seems to lie in the way they
subvocalize. In the poor reader, subvocalization is frequently overt – that is, all
articulatory processes are involved except those required for making sounds. Lips
visibly move to form speech sounds, and movement of the speech organs can easily be
felt with the fingers. Subvocalizing while reading is usually taken as an undesirable
habit because the term is usually interpreted as referring to this overt subvocalization,
and in this case there is obviously a lack of reading fluency. However, overt
subvocalization itself does not seem to be the cause of lack of comprehension in reading
but rather a result or a symptom of it. It seems that a reader uses a great deal of overt
subvocalization when needed for effective contact with semantic levels, but uses little,
if any, when it is not needed.
The more fluent we are as readers, the less we will need to subvocalize overtly.
In the proficient reader there is a complete absence of detectable speech-motor activity.
However, this lack of oral articulation does not preclude the occurrence of silent speech
in the form of speech imagery. This silent speech has been acknowledged as part of the
re ading proce ss: “Th e
fact of i
n ner s
peech f
ormi ng a
pa rt
of sile
nt reading
ha s
n ot been
disputed, so far as I am aware, by any one who has experimentally investigated the
pr ocess of readin g…Pu rel
y visual r
eading is
qu it
e possible theoretically
; and Se co r
, i
n a
study made at Cornell University, found that some readers could read visually while
whistling or doing other motor tasks that would hinder inner speech. But although there
is an occasional reader in whom the inner speech is not noticeable, and although it is a
foreshortened and incomplete speech in most of us, yet it is perfectly certain that the
inner hearing or pronunciation, or both, of what is read, is a constituent part of reading
by far t
he
mos t
of people,
a s t
h ey or
dinarily and ac t
ually read.” (GI BSON a nd LEVI N,
1980: 342).
Gibson and Levin report on a number of experiments in which the subjects
were instructed to read an interesting novel and to report on their inner process as they
re ad.
Mos t
rea ders said t
hat the pronunciation wa s “up in t
he head” .
Inner s
pe ec h was a
c ombi nation of
a uditory
an d mot or el
eme n t
s, depe nding on th e
subj ect
’s usual mode
of
imagining. It is emphasized that subvocalization is not reading aloud, which in a great
number of experiments was found to be 66 per cent slower than reading silently. In
subvocalization there is slurring of words, only beginnings of words are pronounced,
and in fastest reading certain words are not pronounced.
Time limitations in the ESP reading programs and the little exposure students
have had to oral language compel us to set our goals carefully and choose appropriate
methodology and classroom procedures in order to successfully impart the phonological
information the students need to strengthen their visual and auditory images of the
languages. Since the phonological information necessary to decode visual material does
not need to reach the accuracy required for the oral production of the language, we can
draw forth this phonological awareness by means of listening activities. Listening seems
more convenient than speaking for our ESP course not only because the immediate goal
is not oral production, but also because the listening activity seems to require from the
foreign-language learner more of a recognition vocabulary for rapid comprehension
than a sophisticated knowledge of syntax. Thus, we seem to move directly from
apprehension of semantic elements to the comprehension level.
An advantage of listening is also the commonalty of processing that seems to
exist between listening and reading. Much of the research in reading comprehension and
listening comprehension in first-language acquisition makes the assumption that after a
word is identified, the cognitive processes and the mental representations elicited by
491
these two modes of input are the same. This assumption has led to a number of
hypotheses. It has been suggested, for instance, that information processing in listening
influences processing in reading and vice versa. It is also clear that gains from
instruction in a listening skill (e.g., listening for the main idea) should transfer to
performance in the same skill in reading.
To integrate the listening activity with the rest of our program, we have to
choose materials that consist of passages of extended discourse instead of
conversations, graded according to the level of the course taught, presented in clearly
enunciated, slow-paced English, and related to the technical-scientific content of the
program. The stress of the listening activity is lowered by not making demands on
speaking and writing.
There are courses that should cover part of the requirements, but adaptation
always has to be made, since most of the materials available are meant for students who
have had more exposure to the spoken language. The materials may include rhetorical
patterns of expository discourse, which the students are familiar with, as well as the
vocabulary and syntactic structures used in the course. The program could be adapted in
such a way that the input is understood by the students. This has been achieved by
means of pre-listening activities that deal with the content of the script, and the
immediate needs of vocabulary and pronunciation.
As the immediate objective of this listening activity is not so much the
comprehension but the strengthening of the visual and auditory images, the main focus
of the activity can be directed towards the aural recognition of vocabulary that has been
learnt mostly in written form. In terms of a skills taxonomy, we would be dealing with
the basic skill, that is, the literal recognition of details, sequences, comparisons,
character traits, etc – the response being always overtly stated in the stimulus.
Furthermore, the student is not asked to rely on memory for the response of the tasks
given after hearing the stimulus –he can return to it (i.e. the recording) for the answers
as many times as necessary. The response depends more on reading than on listening.
The students, for example, read rather than listen to a sentence to determine whether it
is true or false according to what they have just heard in the stimulus.
Besides strengthening the visual and auditory images, the reading tasks also
lower the stress of the listening activity, since the student has to concentrate only on the
stimulus. Lund goes even further to suggest listening after reading the whole script
when the assigned listening function does not match the proficiency level in reading:
“ Listening a f
te r
reading helps learn ers recogn i
ze acoustically what they can already
c ompr e hen d in pri
nt and instils satisfacti
on
a nd conf i
den ce
in l
isteni
ng .
”
(LUND, 1998:
202) This procedure is especially useful when the script is long. Besides giving a pre-
listening activity dealing with immediate vocabulary, the student is asked to read the
script before going to the laboratory. This, together with the phonological practice of the
immediate vocabulary, makes the listening activity easier and delightful.
The phonological information included in the pre-listening activity deals only
with those aspects required to understand extended discourse read aloud in slow-paced
English. This means that we do not necessarily have to get involved with acoustic
signals characteristic of spontaneous speech, such as assimilations, elisions, and certain
aspects of intonation. Furthermore, this pre-listening activity is also directed towards
those aspects that cause special aural difficulty for our students.
Reading words that occur in both languages, such as memorable, capital,
chocolate, etc., will show the students that the main difference does not lie only in the
shifting of the stress to the first syllable. The difference that causes more difficulty for
492
audio-comprehension has to do with the unstressed syllables in English, which lose their
vowel quality and become obscure sounds.
Once the stressing of words is understood, sentence stress becomes clearer.
The fact that the sentence I would have come if I had known takes more or less the same
time to pronounce as I ’ll
bring it back, since only two words are stressed in each of the
sentences, shows the student that the same phonological process occurring in the
unstressed syllables of a word like memorable is present in the unstressed words of a
sentence. In unemphatic situations only the words that convey semantic meaning –
come and known in the first sentence and bring and back in the second –are stressed
and therefore pronounced more clearly. The other words are pronounced rapidly and
indistinctly. Once students understand and are able to discriminate word and sentence
stress, grammatical intonation –which differentiates a question from an affirmative
sentence, a pause from the end of the sentence, etc. –causes hardly any difficulty in
audio-comprehension and could be left out of the pre-listening phonological practice.
Besides word and sentence stress, the other phonological aspect that needs to
be included in the pre-listening practice in order to help students recognize aurally
vocabulary learnt mostly in written form is the English vowel sounds and their relation
to their orthographic representation. Most of the vocabulary used to illustrate the above
phonological aspects in the pre-listening activity is taken from the script itself. We may
take a passage such as th e
fol lowi ng f
rom Dun k el an d
Li m’s prog ram:
“A mi cros cope i
s a scientific instrume nt tha t
is
u s
ed to he lp see things that are
too small to see with the naked eye.
It consists of a series of lenses in a hollow tube. A lens is a transparent piece of
glass that makes an object larger or smaller. The lenses in a microscope make things
look
larg er; so t
h ey are
c al
le d ma gn ifying lenses.
To use the microscope, you put the object, or the specimen you want to look at,
on a slide. Next you place the slide on the stage of the microscope. A mirror under the
stage reflects light up through the specimen and then up through the lens to your eye.
Now the specimen appears a lot larger, and you can see many of the details you c oul dn’t
see with the naked eye.
A microscope has many uses. Medical scientists use microscopes to see tiny
organisms like bacteria that cause diseases. Scientists also use microscopes to look at
the structure of metals and at the cells of plants and animals. Microscopes are used in
science, medicine, and indus try.” (DUNKEL an d LI M, 1996:152)
The sounds that need to be compared and discriminated are the /i:/ as in piece,
/i/ as in things, /e/ as in cell, /ae/ as in glass, /u:/ as in through, /u/ as in could, /ai/ as in
light, /ei/ as in make. The student can be asked to discriminate aurally the vowel sounds
in a number of words taken from the script and adding, if necessary, some other words
to complete the auditory practice. The teacher should first read some examples in
minimal pairs and ask the students to discriminate them. Then some other 20 words are
read and the students place them in the correct column.
Another exercise in discriminatory vowel sounds can be given with the same
vocabulary, but in such a way that the visual and auditory representations of the sounds
are strengthened more effectively. Model words are contrasted with others that have the
same spellings but are pronounced differently, or have different spellings but the same
pronunciation:
E.g. piece /i:/ (model word) live - leave - Greek - thing - field
Word stress is practised by asking students to group some of the vocabulary from the
script according to their pattern of stresses. From the passage shown above, enough
493
examples could be found with two and three syllables and with different positions of the
stressed syllable.
An additional way of exposing aurally the vocabulary from the script is to
practise the pronunciation of the –s and –es endings in plural nouns and third person
singular of regular verbs as well as the –ed ending of the regular past tense:
/s/ - /z/ /iz/ /t/ - /d/ /id/
E.g. makes X combined X
sentences X reflected X
Sentence stress is practised by asking the students to fill in grammatical or function
words left out of an extract taken from the script. The exercise shows the students that
the words that are clearly heard usually convey the meaning of the sentences and those
that are not so clear can usually be worked out in spite of their lack of accuracy when
pronounced. It is advisable for the students to fill in the blank spaces before hearing the
text. Exercises like this one might eventually help students to read in meaningful units
and might also discourage them from giving equal importance to all words.
Although no direct study has been carried out yet to determine the effects of
the ph on ological code on th e
deco ding
pr
oc es
s of the studen ts
’
readi ng pr og
ram we
can
test their reading comprehension and compare it to the reading ability of other EFL
students. The results that have been obtained from an ESP group are significantly better
than those obtained from other reading programs at university level where instruction is
mainly based on a grammar-translation methodology. The results may also be similar to
those obtained from an EFL program which includes the four skills but where no special
attention was paid to reading or listening comprehension as such.
An ESP reading program, limited in time and in a non-native environment, will
benefit if it is complemented with listening-based techniques related to the reading
ma te r
ial and to t
h e s
tu de n ts’
level in
audi
o-comprehension.
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494
LES STRATEGIES DANS LA DIDACTIQUE DU FOS
Carmen-Elena ONEL
Résumé : En FOS, le FLE est adapté à des publics spécialisés, dont le but est
d’acq uérir
les c
ompé tences linguisti
q ues né cessaires à l
’e mpl oi
du f
ranç
ais au t
rav ail
ou dans
des situat
ions bi
en concrètes et
spécifiques à des domai nes
d’ acti
vit
é
di
vers
.
Afi
n d’att
eindre ce but,
l’ens e
ign ant et l
’a pprenan t
doi
vent
néce
ssairement coopérer et
empl oy e
r des
str
at é
gies p
lus
ou moins différentes,
mai s qui visent
à
amener
l’é
tudiant à f
aire
face
à des problèmes semblables à ceux de sa vie professionnelle.
495
partout, sans tenir compte des théories et des modèles toujours totalitaires : il met
éventuellement ensemble ce qui est censé être incompatible, fabrique sa propre cuisine
pédagogique. Telle est de loin, la principale composante de la stratégie enseignante. »
(PORCHER, 2004 : 45)
Le s str
a tég i
e s de l’appr enan t v i
se nt l
’a da ptati
on de c e l
u i
-ci aux stratégies de
son enseignant afin de gagner son autonomie « d’ a bord en s
’a ppr oprian t
l’objecti
f vi sé
,
les compétences et les savoir-faire recherchés au cours de chaque leçon, ensuite dans les
c hemi ns mé t
hodol og iqu es qu’ i
l entrepr en d de su ivre pour les a ttei
ndr e et
pou r l
esqu e l
s
il n’est nu l
leme n t con tra int de r es
pe c t
e r les con s ignes du pr ofe s
se ur.» (PORCHER,
2004 : 45)
Ainsi est-i l qu es ti
on d’un e inte rdépe nda nc e entr
e l
’e n seigna nt
e t
l
’appren an t
,
qu i s
’a da ptent l
’ un à l’au tr
e en e mpl oy an t
de s stratégies plus ou moi ns différ
e ntes, en
fon ct
ion du
rôle de ch ac un dans l
e proc essu s d’e nseigne me nt -apprentissage, mais en
visant nécessairement le même but.
En FOS, le FLE est adapté à des publics qui souhaitent acquérir des
compétences linguistiques en français à des fins bien particuliers, tel leur emploi au
travail ou dans des domaines spécialisés.
L’ enseig na nt de FOS doi tcréer des stratégies qui visent à amener les étudiants
à fai
re fa ce à de s pr obl ème s sembl a ble s à ceux de l
a v ie
pr ofessionn elle
qu ’il
s ont
c hoisie et s
on rôle et tout d’abor d de bi en dé t
e rmi ner la compé tenc e
domi nante pou r
chaque profession : dans le domai ne s cien ti
fique ,
c ’es
t
la compr éhens i
on é
c ri
te qui doit
ê t
re tra v ail
ler le pl us , da ns le doma i
n e tou ristiqu e
, ce ser a l ’expression or ale e tc
.
Pourtant, à notre avis, afin de bien se débrouiller dans des situations professionnelles
futures et diverses, les apprenants doivent maîtriser les quatre compétences
linguistiques.
Chaque compétence tire sa valeur du but et des objectifs à atteindre par le cours
e t
c’est tou j
ou rs en fon c t
ion de ce s
obj ec tifs
qu e l’ense i
gna nt va choisir l
e s
mé thode s de
travail, le matériel et les exercices à résoudre.
En mathématiques, par exemple, peut-ê tre la seule sc ienc e
où l’appren ant n’a
pas besoin de connaissances linguistiques particulières afin de bien comprendre le
message, la langue occupe une place minime, y étant présente en tant que formes
stéréotypées ou marqueurs, devenus déjà internationaux.
Le pr oblème qu e pos e cett
e s cienc e
et qu’ il
fa ut
qu and mê me oralis
e r les
e xempl es, l
es gra phiqu e s, l
e s é
qu ation s, les
f ormu le s
e t
c.
e t
l’en se i
gn ant devra propos e
r
des exercices
v i
s ant la pr ononc iation
de s
lettres,
c hiffr
e s
et symbol es
, auss i
que l’empl oi
des différents marqueurs et du raisonnement logique.
J ouant le rôle de l
’en seignan t de FOS, en sci
e nces
ma thé ma ti
qu es,
on a éta bl
i
u ne stratég i
e d’e nse mbl e ,
qu i compr e nd plusieurs stratégies ponctuelles, pour toute une
a nnée d’ étude. Le pr e mi er bu t de la s tratégie don t on pa r le est l’acqui si
tion de
l’oralis ation et
l ’un
de se s
de rniers
s erait la
c ons olidat i
on de l’e mpl oides marqueurs.
Voilà un exemple de stratégie didactique pon ct
u ell
e qu i vise l’
a cquisi
tion des
ma r
qu e urs
uti
lisé s dan s le s
dé mon s
tr ations
e t
qu i a mè ne
l’ é
tu di ant
à exerc e
r t
ou tes les
compétences linguistiques :
Les nombres congruents
On dit qu’ un nomb re en t
ier est congr ue nt
s’il
est égal
à l’aire d’un triangle
rectangle dont les côtés sont des nombres rationnels, c ’
es t
-à-dire des quotients entiers
positifs ou négatifs. Montrons que les nombres congruents sont tous les entiers n qui
s’éc r
iv ent s
ous la for me n=pq( p²
-q²)/s², où p,q et s sont des nombres entiers positifs.
Un tel nombre n est entièrement caractérisé par les valeurs des côtés a, b, c du triangle
496
rectangle correspondant, lesquels vérifient la célèbre relation de Pythagore : a²+b²=c².
Notre problème revient donc à trouver les points du cercle dont les coordonnées sont
rationnelles. Si (.) est le point du cercle de coordonnées -1 et 0, un point M du cercle est
à coordonnées rationnelles, on dit alors que M est rationnel, si et seulement si la pente
t de la droite (.) M est un nombre rationnel. En effet, l’ai re
du t
ri
angle
rect
angl e dont
les côtés sont a, b, c est égale à ab/2, soit (c/(1+t²))2t(1-t²).
Si nous notons x=c/(1+t²), nous voyons qu’ il
ex ist
e de
ux nombr e
rationne ls x
et t tels que n=x2t(1-t²). Puisque t est un rationnel, notons t=p/q, où p et q sont des
entiers ;
n est donc égal à pq (q²-p²)/s², ce que nous voulions démontrer. Si, dans la
formule n=x2t (1-t²) nous posons y = n²/x et x = -nt, nous obtenons y² = x²-n²x qui est
l’équat ion d’une co urbe ell
iptique .
( Balmet, de Legge, 1992 : 202)
Obje t de
l’appr e ntissage: les marqueurs utilisés dans les démonstrations
But : acquérir et consolider les marqueurs de la démonstration
Objectifs : - identifier les étapes de la démonstration
- identifier les marqueurs de chaque étape
- employer les marqueurs de la démonstration dans des contextes
nouveaux (phrases)
- créer sa propre démonstration en employant les marqueurs
spécifiques
Méthodes : conversation, explication, exercice
Matériel didactique : documents audio, fiches individuelles de travail
Démarche didactique :
Si
nous
posons…,
nous
obte
nons
,
On di
t
que,
Mont
ro ns
que
,
Si
et
se
uleme nt si,
En e
ffe
t,
Si
nous
not
ons
…n ous
voy
ons,
Puisque
,
C’e
st-à-di
re,
Si…e st
,
on dit alors que
497
problème revient donc à trouver les points du cercle dont les coordonnées sont
rationnelles. … le point du cercle de coordonnées -1 et 0, un point M du cercle est à
coordonnées rationnelles, … M est rationnel, … la pente t de la droite (.) M est un
nombre rationnel … , l’air e du
tri
angle
rect
angl e dont
les côtés sont
a,
b, c es
t égale à
ab/2, soit (c/(1+t²))2t(1-t²).
… x=c/(1+t²), … qu’i
l
exis
te
deux nombr e
r ati
onne ls x et
t
tel
s que
n=x 2t(1-
t²).
… t est un rationnel, notons t=p/q, où p et q sont des entiers ;
n es
t
donc égal
à pq
(q²-p²)/s², ce que nous voulions démontrer. … , dans la formule n=x2t (1-t²) … y = n²/x
et x = -nt, … y² = x²-n² x qui es
t
l’é
quati
on d’une
cour be ell
iptique .
I
l est fa ci
le à re ma rquer que l
e texte
qu ’on a c hoisi afi
n d’ enseign er les
marqueurs de la démonstration, propose en même temps la réactualisation des
connaissances déjà acquises : oralisation des chiffres, lettres et symboles, identification
des étapes déjà étudiées et même le problème du si conditionnel. En plus, la lecture à
ha ute
v oi
x offre à l’en sei
gn an t l
a pos si
bilité
d’identifier et cor ri
g e
r l
es fautes que font
les apprenants en utilisant le français. Car, en FOS, à part le langage de spécialité, les
appr enants
ont la pos sibil
ité d’ ar
river à la
foi
s, à
bien ma î
triser l
e s
quatre compé tenc e
s
de la langue française générale. Une seule condition à respecter : les deux actants du
proc essus
d’en seigne me nt-apprentissage doivent suivre le même but et accorder leurs
stratégi
e s
afi
n
de
bien l’a
tteindr e.
498
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499
ETUDE CONCERNANT LA MOTIVATION DANS
L’
APPRENTISSAGE
DES LANGUES
ETRANGERES CHEZ
L’
APPRENANT
Introduction
500
établir des divers types de discours qui seront témoins de la relation
qui existe entre le locuteur et son partenaire de dialogue, y inclus le type
d’i
nf l
ue nce qu e le
loc ut
eu r t
entera d’exercer.
1. La
mot
ivat
ion
de
l’
appr
entissage scolaire
501
qu i produ is
e nt l’
ins atisf
action da ns une activité, la théorie bi - factorielle soutenant que
la satisfaction dans une activité est déterminée seulement par un certain type de facteurs
(de mot iv ati
o n), t
a ndi s
que l
’ i
nsatis
f action serait produ it
e
pa r
u n aut
re ty pe de fa cteur s
(d’ hyg i
è ne ).
(CONSTANTIN, op. cit., 125).
Dans cet article , nous avons présenté brièvement quelques unes des plus
importantes théories « classiques » de la motivation, mais la liste pourrait continuer
av ec d’a utres ex empl es.
La motivation représente un ressort intérieur subjectif qui donne au psychique
de la sélec t
ivité et de l
’act
iv isme ,
déclan ch an t
u n ce rtain genre de compor teme nt. Gr âc e
à la
mot iv ation da ns
le t
rav ail
et dans d’ au t
re s
doma in es, l
’homme n’agit pa s
au ha sard.
Pa rfois da ns un é t
a t de conf usion, d’au tres fois comme un système bien déterminé et
con s
c i
e nt, l
a
mot i
v ation nou s accompa gn e dans la pr ofe s
sion j
u squ ’à ce qu’ on ait
a tteint
not re bu t. Loi n d’ ê t
re u n pr oces s
u s s tricteme nt ps ycholog iqu e e t
i ndividu el, la
motivation comporte une dimension sociale exprimée par la manière dont une société,
une organisation ou un groupe social sont capables de déterminer les motifs propres au
comportement humain. La motivation a une dimension axiologique qui résulte de la
nécessité de transformer les valeurs désignées dans des ressorts intérieurs pour
dé clen che r et orien ter l’
ac ti
vité profe ssion ne l
le de c ert
a i
ns g rou pes ou i
n dividus . La
mot ivation expliqu e pou rquoi
l’êt
re huma in agit d’u n e certai
ne ma nière, pou rquoi on
se
propose des objectifs et on les poursuit.
La motivat ion
con stit
ue une
for ce
mot rice d e l’acti
vit
é et du dév e l
o ppeme nt de
l’indiv i
du .
Ce l
ui-là ag i
t
d’h abitud e
sous l’influen ce d’ une constella t
ion mot iv at
ionn elle,
le comportement humain étant régit par des motivations multiples. Ces motivations
s’or gan i
s en t
dans une sorte de parallélogramme des forces, dans une résultante qui
ac qu i
e rt
s on e xpression à
u n certai
n nivea u d’ activat ion
ou de mobi lisat
ion é ner
g étiqu e.
Plu s con cr èt
e me nt, sou s
l’
inf luence de l’ex pér i
en ce ,
l a mot i
vation agit
diff é
r emme n t
sur
chaque individu ; la mê me sit
u at
ion pr odu it, da n s c h a
qu e in dividu, de s réa ction s
différentes (POPESCU NEVEANU, 1979: 238).
En se serva nt
d’un terme
de
la phy sique –« vecteur » - pou r
dé finir l
’action du
facteur motivationnel, on considère que la motivation a tro is caractéristiques
fondamentales (CONSTANTIN, op. cit.: 156):
l’or ien tat
ion, l
’eff ort
et l
a
pe rsist
a nc e .
L’or ientation porte sur la direction des actions humaines dans
l’ac compl isseme n t
d’ une t
â che ,
dans le dé pa sseme nt d’ un obstacle .
Elle
p ort e
su r
c e qui
ca nalise l’ at
te nti
on et l’
intérê t
mot i
v ationn e l
d’ un indi vidu vers son but mot ivationn el,
ve rs le g e nre de réc ompe n se att
endu e ou la sa ti
s fac ti
on qui l’intéresse et l’
impl ique
personnellement. « La voie », « le chemin » c hoisi, l’ens emble de s
action s successives
d’un indi vidu
doi ven t
con du ir
e à l
a sa t
isfa cti
on de se s besoins,
à l’a
c compl is s
eme n t
de s
bu ts qu’il s’es t
propos é.
L’e f
for t
r epr és
ente la forc e ou l ’éne rgie i nv estie
pa r un i ndi vidu da ns l a
pou rsuit
e de s e
s
obj ec t
if
s.
I l
ne
suffit
pa s qu’ on c hoisisse une certaine direction. Il faut y
me tt
re de l’ eff
or t,
de l’é nergie é mot ionn elle e t p hy si
qu e e t
a ussi i nit
ie r de s
compor teme nts con forme s à l’
obj ecti
f ch oisi. L’e ffor t es
t ensuite i
nfluenc é à
la fois pa r
des traits innés (par exemple : le tempérament) et par des caractéristiques contextuelles
(par exemple : la f orce d e s éduction de l’obj ecti f mo tivat
ionn el ou l ’u rgenc e de
l’atteindr e).
La persistance renvoie aux notions de persévérance et constance dans le
compor teme nt ou da ns l
’ac compl is
s eme n t de l
a tâc h e.
Il ne suf fit
pa s
qu’ un indi vidu
ch oisisse un e c ertaine di recti
on d’ impl ic ati
on mot i
va t
ionne lle e t
q u’ il initie de s
comportements visant à atteindre les objectifs proposés. Il doit aussi disposer de la
502
capacité de résister à long terme dans son choix motivationnel, malgré la routine, les
obstacles, la fatigue ou les désillusions (aussi petites ou grandes fussent-elles). La
persistance motivationnelle ne se contente pas de la seule persévérance
compor t
eme ntal
e visa n t
l’attei
nte des obj ectifs préét ablis. Elle doit être accompagnée
par la capacité de rester motivé ( impliqué du point de vue motivationnel) à long terme,
de
tr ou v
er de
l’intérêt et de la
satisf
ac t
ion mê me lors que l’a
c compl iss eme nt
de la t
âche
a perdu sa nouveauté et ne rapporte plus la mê me s
a tisfaction qu’ au dé bu t.
« Etre motivé à apprendre » exprime en plan comportemental un état présent
dy na mog èn e,
mobi li
sa teu r
et dir
igé vers l’att
e i
n t
e
de s obj ec t
ifs. Il
s’a git de c
es éléme nt
s
stimulateurs que les enseignants appellent souvent « envie ». On doit donc,
logi qu eme nt,
a ccepter l’i
dé e que ces c hemi ns mot iva ti
onn els por t
e nt l
’élè ve
v ers une
impl icat
ion profonde da ns
les tâ
ch es
d’ appr entissage et qu’ i
l se ra orie nté g énéralement
de manière consciente vers les finalités proposées. Il transfè re da ns l’appr enti
ss age,
de
manière relativement constante et dans une période de temps déterminée, son potentiel
cognitif, ses états affectifs et cognitifs – actionnels, son expérience de vie, etc.
(ASUBEL, ROBINSON, 1981: 163)
Bi en au con tra i
re ,
l
’ ét
at
de « ne pas être motivé à apprendre » se reconnaît par
le manque de « l ’en vie» de participer aux activités qui supposent des activités
d’ appr enti
s sage. L’élè v e se mon t
rera pa ssif,
i
nac t
if, il au ra du ma l à se c oncentrer
sur
un e tâc he
d’ appren ti
ss a ge,
il manquera de spontanéité et il éprouvera des états anxieux.
La pa rti
cipa ti
on subje ctive de
l’
élève da ns l
’ a
c t
ion pr ojetée e st plein e d’h ésit
ations et
,
par conséquent, le rendement sera, lui - aussi, beaucoup diminué.
Une recherche réelle sur la motivation de
l’a ppr en t
issag e
ne pe ut pas s
e
réalis
er
sans surprendre les ressorts intérieurs ou extérieurs qui déclenchent une envie, un
pe nc ha n
t, un
intérêt immé diat
pou r
l’appr en ti
ssage , ma is i
l faut surtou t s’inté
re sser
au
caractère mobilisateur qui engage le potentiel psychique dans le processus de résoudre
ou de s’a dapter a ux f i
n ali
tés de l’a ppre nti
s s
a ge , s an s
ou blier l a pa rt
icipati
on,
l’org an i
sation et
l’au t
o – ajusteme nt
intérie ur
de
la pe rson n al
ité de
l’é lèv e.
Les motifs qui déterminent les élèves à apprendre sont sociaux, cognitifs,
affe ctifs
, profe s
s i
on ne ls, de r
éussite
pe rson n e
lle, le succ ès ou l’
ins uc cès sc
ola i
re etc
.
]
La catégorie des motifs sociaux comprend des finalités sociales : « j ’
a pprends
pour faire mon devoir vers mes collègues », « en étudiant, je contribue au prestige de
ma classe », « je veux me rendre utile aux autres ». Les élèves déclarent aussi un motif
de la réciprocité : « j’a ime
étudier à l
’éc ole parce
qu e je suis à côté de s au tr
es élèves»,
«l or squ’on es
t entre c opa i
ns
on
appren d plus f
acileme n t
pa rce qu e c’e st
plu s agréable»,
« pa rfois,
on appren d pl us vite
à l
’aide de s autres», « les autres savent plus que toi et ils
pe uv en t
t
e l’ense i
gn er».
La catégorie des mo t
ifs
cognitifs compr end l ’env ie
de s é l
è ve s de c onnaîtr
e
(
la
curiosité) qui est connue comme un facteur dynamique fondamental des activités
d’ appr enti
s sage ( «j ’a ppre nds parce que je veux connaître le plus possible » ;
«j ’appr ends à tou tes l es ma tiè
re s
pa rce qu e l’étude me don n e
de s satisf
actions» ;
«l ’é t
u de m’ i
ntéresse , i l
me plaît») . Il f aut compt er a us si le pe n ch ant
( l’
intér
êt
théorique) exprimé par les élèves pour u n e
ou plu sieu r
s ma tière s
d’ é t
u de (
«j’ éprouve
un grande satisfaction à résoudre des problèmes de mathématique » ; «j e
m’ intére
sse
surtout à la psychologie » ; «la mus i
qu e m’ empor t
e»)
Les motifs affectifs supposent une base émotionnelle, fût -elle positive ou
négative : l’amou r
et le respect pour les pa r
e nts,
le sen t
ime nt du de voir env ers
les
pa ren ts,
l’e nvie de r e ndre l e
s pa rents c ont ents, h e ureux , la sympa th ie
e nv er
s le
503
pr ofesseur (
parc e
qu’»il explique bien », « il se montre compréhensif » , « il nous aide
beaucoup » ) la
pe ur
de s
s anc ti
on s appl i
qu é
e s par l
es
pa r
en t
s, l
’anx i
été prov oqu ée
pa r
l’atti
tude rigide de certai
n s en sei
gn a nts,
l
e
s entime nt
de regret
o u de hon t
e env ers les
professeurs, les parents ou les collègues.
L’ éloge, l’encou rage me nt, l ’
appréciation objective, les relations socio –
aff ect
ive s
t oniqu es
, l
e
respe ct de l’opi ni
on ,
l’
or gan i
sati
on
log i
que
e t
systéma t
iqu e
de s
inf ormat i
ons , v oil
à de s r essorts qu i st
imu len t l’act
ivit
é d’ apprenti
ss age ( mot ifs
stimulants ) ; tandis que les sit
ua ti
ons contradi ctoir
es,
l
’appréhe nsi
on de la note, les
ac cusati
on s , la r é
prima nde ,
l ’appr éc i
ati
on s u bjecti
ve, l’
indiff
é rence,
l a mon otonie,
con s
tit
ue nt de s
mot if
s inhibiteu r
s, qu i f
rei
n ent
l’ acti
vit
é d’apprentis
s a
ge. L’in fluenc e de
ces motifs est déterminée par l’
â ge des él
ève s, pa r
la
str
uc t
u r
e e t
les
pa rt
ic ularit
é s
de
leur personnalité, par les relations socio - affectives qui existent dans la collectivité
scolaire.
Tous ces motifs constituent des états affectifs des élèves issus des relations
avec les différe nts
f act
e urs i mpl iqu és
da ns l ’apprenti
ssag e
s colai
re: enseignants,
col lègue s
, pa re
n ts.
I
ls r
eflètent
l’att
itu de
de s
élèv es f
ace à
ces facteurs
,
aux tâc hes et
aux
de ma nde s qui
leurs
sont adres sées da ns l
’appren ti
ss ag
e de t
ou s
les j
ours.
« Si
l’enseignant ne tient pas compte des impulsions, des désirs, des intérêts et
de s aspi
r ation s
de
l’
élève, s’i
l n e
c herc he
pas (
ou s’i
l
ne sait
pas )
à l
es mode ler et
à les
canaliser vers une direction constructive, alors son activité professionnelle sera non
seulement perturbée, mais elle risque de devenir dangereuse ».
2.
Et
ude
sur
l
es
res
sor
ts
de
l’
appr
ent
iss
age
d’
une
l
angue
ét
rangè
re
504
d’ arge nt», « J’ appr e nds pou r n e pa s con t
rarier me s pa rents», « Je suis bien quand je
re mpor t
e
de s
su cc ès à
l’éc ole», « J ’aime être appr é ci
é
pa r l
e s pr ofe sseurs», etc.
L’a nalyse e t l’in t
erpr étation des réponses ont tenu compte des formes de
mot ivation de l ’
a ppr en tiss
a ge s uiva nte s: motifs extrinsèques, motifs intrinsèques,
mot ifs s
oc iaux , mot ifs
a ffectifs,
mot ifs du suc cès ou de
l’ins u ccè s scolaire et
mot ifs de
réussite personnelle.
Une analys e globa le de s répon s es a rév élé
l’
in térêt de s élè ves
pou r les ac tivité s
sc olaires e n g én éra l e t
t ou t pa r t
icu l
i èreme n t pour l ’appr e ntissage s cola i
re: 23%
affirment apprendre avec intérêt et déclarent que les activités scolaires sont
in téressan t
e s,
q u’e lles r épon de nt à l
e ur s a s
pira tions person ne ll
e s, 47% s’
e fforc en t à
s’in tégrer da ns ce s ac ti
v it
é s ma is ce l
le s-ci ne répondent pas à leurs intérêts personnels,
24 % se ren den t
à l’é cole
pa r obl igati
on ,
c ar
l’éc ole
n’ a r
ien à v oir a vec l
e urs aspi rations
personne ll
es
e t cha qu e fois qu e l
’ occ asion s’y pr ésente i
ls qu ittent l’éc ole e t
év ite nt
au tant qu e pos sible tou te a cticité in it
i ée pa r l ’école; 6% de s s ujets n e s av ent pa s
ré pon dre, ils n’on t ja ma is pe nsé à ce pr oblè me . Si en ce qu i c on cerne les élè ve s du
premie r g r
ou pe on pe ut pa rl
e r de mot iv ation pour l
’ activité sc ola ir
e, on doit a dme ttre
qu e
les
élèv es de s
a u tres groupe s font pr euv e d’u n e mot ivation fa ible
(c eux qui fon t de s
ef forts s
a ns mon trer de l’int
é rêt) ou i
ls sont démot ivés (ceux qu i se rende n t
à l’éc ole par
obl igation ,
ma is
au ss i
ce ux
qui n’on t
pa s été capa bl es
de don n er un e
répon se).
Af i
n d’ i
de ntifier l
a dy nami que de
l’inté rêt
de s élèv es pou r l
’ac tivité sc ola ire,
n ou s avon s proc édé à un e an alyse
c ompa rati
v e de s répon ses c las sée s
pa r
g roupe s d’â g e.
Ainsi, on constate un intérêt plus fort chez les élèves de primaire (tous les élèves en I ère
an n ée dé c
la r
en t qu’ ils a ime n t a ppr en dre ,
mê me c eux qu i s on t
con fronté s à de s
di ffi
c ult
é s d’appr en tissa ge; pa s un n’a ffi
r me appr en dre
pa r obl igati
on ou pou r é vit er
les sanctions ; seu l
e me nt 2% (élève s
e n IV-ème) se
ren de nt
à l’ écol e sans s’in t
é r
e ss er a ux
activités scolaires. Les statistiques changent à partir de 14 ans : la grande majorité des
élè ves appr enne nt pa r obl i
ga ti
on ,
pa r pe ur d’êtr e san ct
ionn és pa r leur parents ou par
l’é cole, tandis que le s au tr
es se r
e nd en t à l’écol e, s’efforc en t à appre ndr e,
ma is sa ns
ma nifeste r
u n
int érêt pa rticulier po u r
les ma ti
è res
à
étu dier.
Le s é l
è ves qu i n’on t pa s é té
capables de répondre sont des collégiens en classe terminale (une possible explication
serait le négativisme propre à leur âge, mais aussi un état de démotivation non
se u l
eme n t
fa ce à l’
a c ti
v it
é s
c olaire, ma is
f ace a tou te
for me d’ activi té)
.
Nou s a von s fait une an aly s
e de la dy n ami qu e de l’h iéra rchi
e de s ressor ts de
l’a ppre ntis
s age et n ou s av ons con stat
é qu e à ch aqu e
n i
v eau d’ âge on
pe ut iden tifier de s
motifs et des finalités qui reflètent à la fois les capacités et les aspirations des élèves et
de leurs parents. La plupart des élèves de tous les âges ont une motivation extrinsèque à
l’a ppre ntis
s age e t té moi gn ent de s fin alités pr a gma tiqu es b ie n dé fi
nies ( obt e n i
r u n
diplôme, recevoir des avantages matériels de la part des parents, pour recevoir de
bonnes notes, pour gagner des prix, etc.). Seulement 2% des sujets (élèves de XI-ème –
XII-ème) appr en nen t p ar plais i
r, dé sirent être inf ormé s et ma nife stent de l’i
n t
é rêt po u r
certaines matières scolaires.
Si pou r le s é lèv es e n c la
s se s pr ima ire s
l a mot iv ation de l ’appr en tissa g e
comporte des valences affectives et sociales positives ( se faire apprécier par
l’in st
ituteur ,
fa ire pl a i
s i
r a ux pa re nts,
r ecevo ir de bon s qu alificatif
s ,
e t
c.), pou r l a
ma jorité des
élè ves plus âgés l
a mot iva tion de l’appr en t
issag e a de s valen ces n ég ati ve s
(je ne veux pas contrarier mes parents, je veux recevoir de bonnes notes au BAC, etc.).
Le pla i
sir d’ appr en dr e, la c u riosité po ur l es c onn a is
s anc es qu e leur of f
re l ’éc ol e
oc c upe nt les de rn ière s pl a
c es da ns l ’hiér archie de s mot ifs de l’appr en ti
ssa ge . Un e
importance particulière comportent les réponses des élèves de 12 à 13 ans qui semblent
505
être motivés cognitivement à apprendre en plus grand nombre que les autres catégories
d’â ge.
Chez les garçons, la première place est occupée par les raisons cognitifs qui
apparaissent même à partir de 12 ans et par les raisons professionnels. Les filles
s’orientent pl ut
ôt v ers
de s
rai
son s
affectifs
e t
soc iales (l
e pla isir d’appre ndre ,
éviter
une
san cti
on ,
l’a pproba tion et l
e respect de s
aut res, la satis
fa ction intel
lec tuelle, l’
a u
tori
té
devant les collègues, etc.)
Notre suppositions que chez les adolescents – col légie ns l
’a ppr en t
issage es
t
gé néral
e me n t
d ét
e rmi née par
des
raisons
de réus si
te pe r
sonn elle n’a pa s été conf i
rmée.
A n ot
re av i
s ,
seu leme nt un segme nt très
faible d’ élèves son t pouss és pa r de t
ell
es
raisons (« la réussite ne dépend pas des résultats scolaires « , « la réussite est déterminée
par le nombre des biens matériels), «c e n ’
est pa s e n a ppr enant qu’ on de vi
ent
heureux », etc.)
Conclusions
Le rôle de l
a mot ivation dans l’a
ppr entissage scolai
re est
fortement complexe.
Elle ex plique n on s
eu l
eme nt l
a
situat
ion
sc olai
re de l’él
è ve à un mome nt
donn é, ma is
aussi son développeme nt d’une
étape
à
a ut
r e.
La mot ivat
ion de l
’appr e
n t
issage pr és
en te
un e
structure r
elati
v ement c on s
tan t
e
à l
’intér i
e ur
de l
aquelle
il y a plusieur
s c a
té gori
es
de raisons dont
l’impor ta
nc e va r
ie en
fonction du genre, ce qui détermine une certaine hiérarchie.
Si l
’ense i
gnant conn aît
les
raisons v ér
itables de
l’apprenti
ssag e chez
les
é l
è ves,
il
a l
a pos si
bilit
é d’i
nterve ni
r d’une
ma nière correcte et opportune pour assurer le succès
scolaire de chaque apprenant et il peut diriger consciemment la formation des diverses
catégor ies de motivat
ion efficaces dans l’appren t
issag e scolaire
don t les
con tenus lui
permettent une bonne intégration sociale.
Pou r
l’ensei
gn ant,
le s
mot iva
tion s de
l’activité d’appre nt
issage
s
ont be au coup
plus complexes, elles comportent une multitude de nuances plus ou moins directement
li
ées au x fi
na li
tés
de
l’appr entis
s a
g e
e t
d ont l
a valeu r
te mpor e
ll
e
et d’
orienta t
ion est
plus v ariée qu e
da ns
le ca s
qu i vie
n t
d’être
présen t
é .
La dyn amique de ces
catég ories
dépe nd de
l’
âg e et
du ge nre des sujet
s, du sens et de la
signifi
c at
ion qu’ i
ls
acc orde nt à
l’act
iv i
té
d’ap prenti
ssage
dans le
ur univers de vie.
BIBLIOGRAPHIE
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l'éducation
La motivation et la motivation dans l'armée, Editura Academiei de
Constantin T.,
Maslow, A.H., La mo
La motivation et l'apprentissage
Popescu Neveanu, P, Dictionnaire de psychologie, Albatros, 1978
Les raisons de l'action humaine, Institutul de psihologie din Sibiu, Sibiu, 1943
Vintilescu, D., École de la motivation à apprendre
506
TEACHING WRITING SKILLS
Anca Marina
University of Medicine and Pharmacy, Craiova
Abstract: Compared with speech, effective writing requires a number of things: a high
de gree of organizat i
o n i
n the
developme nt of i
de as and information; a high
de gree
of
accuracy
so
that t
he re is no amb i
g ui
ty of
meani ng; the use of compl ex grammar de vices for
focus
an d
emphas is; and a c areful cho i
ce of vocabulary, grammatical patterns, and sentence structures to
create a style which is appropriate to the subject matter and the prospective readers.
Students are aware of their own problems in writing, and they have attitudes and
feelings about the writing process. Teachers can play a valuable part in raising awareness of the
process of composition by talking explicitly about the stages of writing as well as by structuring
tasks to take account of this.
Teachers can play a support role during the early stages of the composition process by
helping students to get their ideas together. This can be done by talking about things to generate
ideas, by doing things such as interviewing other students, by pooling information, ideas, or
opinions in the class, or by reading texts of various kinds.
The teacher can also provide good models for writing, indirectly, by encouraging good
reading habits but also directly, when appropriate, by analysing textual structure, particularly
with some types of more formal academic writing.
Planning activities structured by the teacher can help students to develop a sense of
direction in their writing, though they should always be encouraged to regard a plan as an
enabling device or support rather than as a rigid control.
Teachers can encourage the drafting process by creating a workshop atmosphere in
their classrooms, to the extent of providing rough paper, scissors, paste, erasers, etc. And while
monitoring writing in progress, they can suggest that these are used for chopping and changing
the structure of the text. Teachers can support the drafting process in various ways. They can
intervene quietly, questioning and advising, in order to help writers get their ideas down on paper
in English. Or they can encourage students to read each ot her’s
wor k an d su ggest r
est
ructurings
and revisions. Giving help during writing proves far more effective than giving it afterwards
Using language for communication, both oral and written, is the main reason
why people learn a foreign language nowadays. In this context, few skills are more
important for a person to master than writing. Mastering writing is not an easy
endeavour. Nevertheless there are ways in which teacher can facilitate developing
writing skills in their students, be they native or foreign. My article focuses on
presenting some of the ways in which teachers can support their students to develop
their writing skills and become better at communicating via the written word.
507
nevertheless, follow the rules laid down. The development of writing even in native
English speaking people is conscious and is thus non-spontaneous.
Oral language differs from written language in structure and mode of
functioning. The acquisition of oral speech in itself is the acquisition of signs or
symbols. The acquisition of writing is a step further and the student must now transfer
the symbolization he/she acquired in the process of speech acquisition to written
language.
The writing process is developed through the conscious appreciation of the
discrete nature of the linguistic signs. The learner must recognize the sound structure of
each word, and assign an alphabetical symbol to each sound contained in that word.
This same deliberate preparedness is needed to put words in a certain sequence to form
a sentence.
Teaching writing to native speakers of English has always been a major
concern of education. More often than not, most students, both native speakers and
second language learners of English, feel inadequate in the face of the writing task.
Modern world demands some efficiency in writing skills. However, when one can learn
to speak the first or second language with little or no conscious thought, switch from the
spoken to writing poses greater difficulty.
Th e
wr iting
classes can h e
lp to consol i
da te
and impr ove
st
ude n t
s’ speak i
ng and
reading skills. Focusing on writing as an independent skill helps us to identify the
spe cif
ic pr oblems fa ced
by le
a rners,
a nd
to ide ntif
y the l
e ar
n ers’
specific needs relating
to writing.
Mechanics of writing are distinct from the mechanics of other skills such as
speaking and reading. While reading involves seeing and pronouncing, writing involves
association of sounds with mental composition of thoughts and their orderly
presentation, and hand movements.
Writing can be viewed and taught as a developmental process just as reading.
Teachers can view writing from four perspectives: Mechanics, emphasized in the low
be ginner s tages (be ginni
ng ); Ex tende d Us e of La ng uage, emphasized in the high
be ginner a nd low in t
erme diate stages
(eleme n t
ary )
; Wr i
ting wi th
Purpos e,
emph asized
in the h i
gh
interme diate
an d low adv anced stag es (i
nterme diate);
and Full Expos itory
Prose, emphasized in the terminal stage (advanced).
Some linguists and methodologists classify approaches to teaching writing into
five types: controlled to free, free writing, paragraph pattern, grammar -syntax-
organization, communicative, and process approaches. In the controlled to free
approach, students are first given sentence exercises, then paragraphs to copy or
manipulate grammatically by, for instance, changing questions to statements, present to
past, or plural to singular. They might also change words or clauses or combine
sentences.
508
exercises or reading activities. In addition, students in the higher levels may need to
learn how to write well-organized, carefully reasoned essays. The writing of one or
more essays is often a requirement on international examinations. Widely used
standardized English proficiency examinations require such advanced writing tasks.
(For example, The Cambridge First Certificate in English has a one and a half hour
composition paper.)
Approaches to Writing
In the free writing approach, students are asked to write freely on any topic
without worrying about grammar and spelling for five or ten minutes. Teachers do not
cor r
e ct
th ese short pie
c es of
free writi
ng; t
he y simply read them and perhaps comment
on the ideas the writer expressed.
In the paragraph pattern approach, students copy paragraphs, analyse the form
of model paragraphs, and imitate model passages. They put scrambled sentences into
paragraph order, they identify general specific statements, they choose or invent an
appropriate topic sentence, and they insert or delete sentences.
In the communicative approach to writing, students are asked to assume the
role of a writer who is writing for an audience to read. Whatever is written by a student
is modified in some way by other students for better communicative effect.
In the process approach to writing, students move away from concentration on
the written product to an emphasis on the process of writing. They ask not only
questions about purpose and audience, but also the crucial questions: How do I write
this? How do I get started?
A proper blend of these approaches to writing will give us the best results. For
example, the controlled to free approach to writing helps teachers to focus on proper
mechanics in the beginning level, whereas communicative approach to writing will be
very effective once our students have some control over the mechanics and have
acquired a good number of words and sentence structures to help them match these with
their thoughts. All successful text writers and teachers have always tried to take the best
an d relevant
aspe ct
s
of every me thod to su i
t
th e
learner’s
leve l
and
n ee d.
At the intermediate level, students acquire a lot of words, and begin to write
English for specific purposes. They will continue to demonstrate errors in their writing.
They begin to focus on the use of pronoun links, connecting words for the progress of
the thoughts they express, such as also, therefore, but, however, use of specific
grammatical points such as conditional clause with or without negation, double
negatives, modals, tense, etc. Punctuation, arrangement of sentences within a paragraph,
transformation of one sentence type into another with or without change in the meaning,
stylistic improvements, summarizing the ideas found in a passage in their own
sentences, completion of sentences and paragraphs to match the ideas contained therein
or which they want to express, writing with the appropriate tone, style and organization
for the topic focused upon, are some of the things which will be considered in the
intermediate level. All this may be achieved with some guided practice.
Students organise their thoughts in three main types. They can take content
from one’s own ex perience or t
he r
esults of one ’
s own infor
ma tion gat
h ering, and
arrange it into a logical format. They can analyse a prose model, reconstruct its outline,
509
and use the outline as a model for writing another passage, using parallel or analogous
information. They can also follow an outline prepared by someone else, e.g., teacher or
textbook.
At the intermediate level, the technique of dicto-comp is recommended. The
teacher reads a passage all the way through, not broken into segments. Students listen to
the passage two or three times. Then they pick up their pens and write down as close a
version as possible. This makes them pay attention to the meaning of the passage more
than to the form of the individual words or the structure of the individual sentences. At
the end of the passage, the students gather in small groups to compare what they have
written down. After they have assembled everything they can remember, they listen to
the passage again, make revisions and then check their grammar, spelling, and
punctuation.
Note-taking and story-telling are two other ways in which the language
learners are encouraged to do some free but controlled writing. When elementary level
students take notes, they can be given a skeleton outline to work with and expand, so
that their listening is more directed. Advanced students can listen to long passages and
make notes as they listen. Both groups need to be alerted to the signals that speakers
use: pauses, raising the head and the voice to make an important point, or using words
like first, finally, most important to signal separation and priority of the points made.
Filling in forms of general nature, filling in money order forms, forms for
registered or certified mail in the post office, writing letters to friends, newspapers, and
other organizations, writing business letters, writing instructions for some one to
perform a particular task, writing a journal, and even writing some creative short stories
are all given at the intermediate writing level.
Modelling is another way. Most students are reluctant to write. Apart from the
fact that writing needs more deliberate involvement than reading, students are afraid
that what they write may be full of errors in a language with which they have just begun
to gain some acquaintance. They may have a lot of reluctance to write even in their first
language. Students will face great difficulty in composing their thoughts in English, a
second or foreign language to them. As standards of writing are more stringent than in
other skills, students need to be trained to proceed from writing short passages to
writing longer essays. Exposure to standard written materials and explanation of the
form and character of such materials is required.
Language is one of the most useful tools we have as humans. Without it we
could not think thoughts expressible to others, nor could we engage in the activities that
commonly take place in the societies we build for ourselves. Thanks to language we are
granted access to the knowledge that is accumulated in books and other publications. If
we are lucky enough to acquire skills in a language beyond the one we already know,
we vastly increase our capacity to do things with our lives.
BIBLIOGRAPHY
Bountin, Marie-Christine and Brinand, Suzanne and Grellet, Françoise - Writing-Intermediate,
Oxford Supplementary Skills, Oxford University Press, 1990
Gairns, Ruth and Redman, Stuart, Working With Words –A Guide To Teaching And Learning
Vocabulary, Cambridge University Press, 1991
Gruber, Dianne and Dunn, Viviane –Writing –Elementary, Oxford Supplementary Skills, Oxford
University Press
Haycraft, John –An Introduction to English Language Teaching, Longman Handbooks for
Language Teachers, Longman Group UK Limited, 1991
510
PRAGMATICS AND CONTEXT - A KEY PERSPECTIVE FOR
FUTURE TRANSLATORS
Ana-Maria STOICA
University of
background to a series of fields of research for which language remains the point of
convergence.
Translation and interpreting are essentially communicative events. A pragmatics-
based approach in dealing with translation and interpreting is supported by the fact that
translators and interpreters very often confront with cultural issues and culture-bound
world views, such as social distance or closeness, which reflect in language and thus
they have to capture both the linguistic and the non-linguistic aspects of verbal
communication. It is commonly agreed that only a pragmatics-based approach can
explain certain aspects of communication such as irony, politeness, allusion, what is
presupposed and what is openly affirmed, aspects which syntax or morphology cannot
explain. Students who are to become translators or interpreters must become aware of
the fact that a certain utterance can produce different corresponding translations
depending on the context, that speech acts may differ cross-culturally, that sometimes
the translator or the interpreter has to make explicit what is linguistically implicit or
vice versa, has to operate additions, substitutions or deletions, in a word they should
develop pragmatic competence.
The Common European Framework of Reference for Languages defines
pragmatic competences a s “be ing concerned with the functional use of linguistic
resources (production of language functions, speech acts), drawing on scenarios or
scripts of interactional exchanges. It also concerns the mastery of discourse, cohesion
511
and coherence, the identification of text types and forms, irony, and parody. For this
component even more than the linguistic component, it is hardly necessary to stress the
major impact of interactions and cultural environments in which such abilities are
c on s
truc t
e d.”
It is to be noted that the pragmatic component is situated at the intersection
between linguistic competence, communicative competence, socio-cultural competence
and intercultural competence.
Regarding the intercultural competence, the Common European Framework of
Reference for Languages s tat
e s that it
r epresent
s th e ‘ knowledge, awareness and
understanding of the relation (similarities and distinctive differences) between the
‘wor ld of origin’ and the ‘wor l
d of t
h e ta
r get
commun it
y ’.
[…] Intercultural a ware ness
includes an awareness of regional and social diversity in both worlds. It is also enriched
by awa ren ess
of
a wi der range of cult
u res
than
those
carr i
ed by
the learn er’
s L1 an d L2.
Th is wi de r awa ren e
s s helps to place both i
n context
[…] ’.
It
fu r
the r specifies the fact
th at ‘
The learner of a second or foreign language and culture does not cease to be
competent in his or her mother tongue and the associated culture. Nor is the new
competence kept entirely separate from the old. The learner does not simply acquire two
distinct, unrelated ways of acting and communicating. The language learner becomes
plurilingual and develops interculturality. The linguistic and cultural competences in
respect of each language are modified by knowledge of the other and contribute to
intercultural awareness, skills and know-how.’ (CEFRL:
43)
Intercultural skills and know-how include:
• th e ab i
li
ty
to bring the c u
lture of origi
n and th e for ei
gn cu l
tu r
e
in to relati
on
wi th eac h
oth er;
• c ul
tu r
a l
se n
s it
ivity and the abili
ty to i
den t
if
y an d use a variety of strategies for
c on t
act wi th those from oth e
r cultures;
• t he ca pacity t
o ful
fill
the
rol e of cult
u r
al i
n t
e rme diar y be t
we e n on e’s own
culture and the foreign culture and to deal effectively with intercultural
misunderstanding and conflict situation s;
• the abi l
it
y t
o overcome stere
ot yped relat
ionshi
ps .
( CEFRL: 104-105).
Pragmatic competence can be developed in class, in context awareness-raising
activities implemented in analyzing texts, in cultural relevance and cross cultural
translation activities, in communicative teaching activities etc.
Context awareness-raising activities could be built taking into account the
famous Speaking model designed by the American sociolinguist Dell Hymes (1972: 35-
71). The model describes the following contextual coordinates of a communicative
situation:
and Scene: the Setting refers to the time and place while the Scene
de scribe s t
h e environme nt of
a
communi cati
ve si
tuati
on;
Participants: who are involved in the communicative situation, the speakers
a nd the au dien ce,
the
relationship betwe en them;
Ends: the purpose and the intentions of a communicative situation, along with
its outcome s;
Acts: the orde r
of
the events
th at
took pl
a ce
during a commun icative situation;
Key: the overall tone or manne r
of
the
speech;
Instrumentalities: the form an d s
ty l
e of
the
spe ech
be ing produ c ed;
Norms: de fi
n e wh at
is
s ocia
lly
acc e
ptable a
t t
h e communi cative
ev en t
;
Genre: the type of speech.
512
Thus, students should primarily be given tasks designed with the purpose of
identifying the basic coordinates of the immediate context or situation, both in L1 and
L2. Further, the activities should integrate an exploration of the register of a series of
preselected texts or communicative situations, an activity which involves: building
knowledge of the topic of a model text and knowledge of the social activity in which the
tex t is
use d,
e.g. j
ob seeking; un de r
stan di
n g the role
s a
nd rel
ation ships betwee n
th e
people involved in a communicative situation and how these are established and
ma intained,
e .g. t
h e relat
ionsh ip be twee n a job se e
ke r
and a pr os pe ct
iv e
empl oyer;
understanding the channel of communication being used, e.g. using the telephone,
speaking face-to-face with members of an interview panel etc. Context building
activities should also include the comparison of a model text/communicative situation
with other texts/communicative situations of the same or a contrasting type e.g.
comparing a job interview with a complex spoken exchange involving close friends, a
work colleague or a stranger in a service encounter.
The exploration of the Norms from the Speaking model should be integrated into
cultural and cross cultural activities such as comparing differences in the use of a text/in
a communicative situation in two cultures.
Con si
de r
ing that ‘i
f
it i
sn’ t
tested it’
s not t
aug ht’,
M. By r
am (2000: 8-13) comes
with the proposal of assessing cultural and intercultural competence in language
teaching, as the first step in developing cross-cultural awareness. The assessment
inc ludes bo t
h a re
c ord of the learne r
’s c ul
tural/
in t
ercult
u r
al expe rience and a self-
assessment of his/hers cultural/intercultural experience and comprises such aspects as:
customs and conventions, topics of conversation to be avoided, topics of interest, the
daily experience of a variety of social groups within a society, how to resolve
misunderstandings which arise from people's lack of awareness of the view point of
another culture etc.
The activities M. Byram (2000: 8-13) proposes are of course useful, but their
utility is restricted to those situations in which the learners already have experience
outside their own culture. However, there are situations in which the trainer may want
to prepare the learners to communicate with people from other cultures, especially when
the y h av e no t travell
e d mu ch, or don ’t have en ough experi
en ce ou t
side their own
culture. In this case, the selection of the methods used to develop interculturality are
generally similar to the specific methods of the communicative approach: case studies,
role-plays, simulations, elicited conversation etc.
G. Kasper (1997:6) summarized the data-based research on pragmatic instruction
(Hou se, Ka s
pe r 1981 ;
Wi l
dn er-Ba sset
1984; Hou se
1996; Morrow 1996) , i
n or der to
point out what pragmatic aspects can be taught and which instructional approaches are
the most effective. The studies comprised in her chart extend over a large range of
pra gma t
ic f ea tures an d a bil
ities: s peec h ac t
s, discourse ma rk ers an d strategies;
introduce, sustain and change topi cs of con versa
tion; organize t
u rn -taking and keep a
con v ersation g oing;
ba ck-channeling, etc:
Teaching Research
Proficiency Design Assessment/Procedure/Instrument
goal goal
pre-test/
Discourse post-test
explicit vs
markers & advanced control role-play
implicit
strategies group L2
baseline
513
pre-test/
eclectic vs
Pragmatic post-test
intermediate suggesto- role-play
routines control
pedia
group
pre-test/
post-test
high +/-
Compliment control elicited conversation
intermediate instruction
group L2
baseline
pre-test/
post-test
Apology advanced teachability discourse completion question.
L2
baseline
Pragmatic teachability
pre-test/
routines & beginning to beginning questionnaires role-play
post-test
strategies FL students
pre-test/
+/- post-test
Implicature advanced multiple choice question
instruction control
group
pre-test/
post-test/
deductive vs
delayed multiple choice & sentence
Implicature intermediate inductive vs
post-test combining question
zero
control
group
pre-test/
Pragmatic explicit vs post-test
advanced role-play
fluency implicit control
group
pre-test/
post-test/
Complaint teachability/ delayed
intermediate role-play holistic ratings
& refusal explicit post-test
L2
baseline
pre-test/
Pragmatic explicit vs post-test
beginning multi-method
routines implicit control
group
A pr ov is
ion al
obs erv ation
resu l
ting f
rom
this
bird’s eye view c ould c lassi
fy t
he
teaching/learning activities we mentioned into two main types: context awareness-
raising activities and activities which offer communicative practice. A partial theoretical
conclusion would be that a pragmatics-based approach takes into account a crucial
factor, the context. In the processes of translating/interpreting source language
utterances and producing target language correlatives, the translator and/or the
interpreter has to capture the contextual variables which include the social, the cultural
and the intercultural varieties.
514
REFERENCES
BYRAM, M., ‘ As sessi
ng Int
erc ultural
Compe t
ence
in La ng ua ge Teaching ’
inSprogforum, No.
18,
v ol.
6,
20 00;
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http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_EN.pdf
KASPER, G., Can pragmatic competence be taught? Honolulu: University of Hawaii, Second
Language Teaching & Curriculum Center, 1997. Retrieved [29. 06.2010] from the World Wide
Web:
http://www.nflrc.hawaii.edu/NetWorks/NW06/
HYMES, D., 'Models of the interaction of language and social life', in Directions in
Sociolinguistics: The Ethnography of Communication, eds John. J. Gumperz & Dell Hymes, Holt,
Ri neha r
t,
& Wi nston,
Ne w York ,
19 72;
LEECH, G., Principles of Pragmatics. London: Longman,
198 3;
Institutul European, 2005.
515
ACQUERIR LA COMPETENCE INTERCULTURELLE
DANS UNE INTERACTION EXOLINGUE
Angelica VÂLCU
Université « Dunãrea de Jos
Culture /interculture
516
la spécificité et de la diversité. La construction du « sujet culturel » const
it
ue
l’
objecti
f
ess ent
iel de tout e a cti
v i
té é duc ati
ve. L’e ns e
ign eme nt / a pprenti
ssage d’une langue
étrangè re est un proc essus
c ompl ex e
au sein du qu el
prend con tour et
se f
orme
l’
identit
é
culturelle et la conscience interculturelle des apprenants.
La dime ns ion cultu r
e l
le de l
’en s
e igne me nt
des
langu es
a en vue
de
fai
re des
apprenants (qui apprennent la langue étrangère), « des locuteurs ou des médiateurs
interculture ls,
c apabl es
de
s ’en g
a ger
da ns un cadre compl ex e
e t
un contex
te d’i
dentit
és
mul ti
ple s, e t d’ éviter les s téréotypes acc ompa gnant g éné ra
le ment la
percepti
on de
l’autre da ns un e seu le et
un iqu e
identit
é» [BYRAM, M., GRIBOVA, B., STARKEY,
H., 2002 : 10]
L’ i
ns tit
u t
ion sc ol
air e assure aux apprenants la maîtrise de plusieurs codes
communi ca tifs, l’a ppropria ti
on de s s ys tème s de pe ns ée e t de procédure de
catégorisation et en même temps elle enseigne aux apprenants de lutter contre la
xénophobie, contre les préjugés et la discrimination et de respecter les droits de
l’homme
e t
de s’assume r
les respon sa
b i
lités sociales.
L’ obj ec t
if de la classe de
langu e ét
ra ngère est de fair
e imit
er à l’
élève un
loc ut
eu r n ation al de l
a la
ngu e qu’il appre nd. Ce la veut dire que l’a
pprenant devra
s’appropr ie r non seulement la compétence linguistique mais aussi le langage adéquat de
la culture d u pa ys de la
la ng ue qu’i
l appr end. Il
faut
me ntionner que l
e concept de
cu lt
ure a év olué
de l
a s
ph ère
lit
térai
re e
t art
istique au con ce pt
de mode
de v
ie d’un
peuple.
L’
int
erac
tion
exol
ing
ue
517
Chaque sujet se trouve constamment dans la situation de confronter les représentations
antérieurement acquises avec des représentations générées par le fonctionnement de
l’éc hange commun ic ati
f. De c
e t
te ma nière, qu el
s que soient les rôles et les places que
les sujets occupent a priori, l
’inte r
ac t
ion pe rme t
à c hac un d’ eux de se s
itu er dans un
e s
pa c e
qu i n’était
pa s absolume n t prévisible.
Dans une interaction verbale où deux personnes de nationalités différentes
parlent des langues différentes, les identités sociales des interlocuteurs se trouvent,
iné vitableme nt,
impl iqu ées dans le
rapp ort social qu i a li
e u.
C’ e s
t dans
ce con tex te
qu e
les pa r
ten aires de la conv ersat
ion ont la con scien ce que l’Au tr
e pa r
le u n e langu e
étran g è
re, et qu e
l’Au tr
e est
le r
e pr é
se ntan t
d’un
au tre pa ys et d’une aut
re nation .
L’ interaction verbale ne pe ut plu s êtr
e
con sidéré e
c omme s
impl e
tra nsmi ssion
d’un mes sag e pré-agencé mais « comme négociation permanente du sens, par et sur la
langue et les autres sémiotiques, comme effort, de la part des protagonistes,
d’a da pta
tion de l
e ur discou rs
e t
de leur s i
n t
e rprétation s à l’au t
re,
à la si
tuation et aux
effets recherchés dans le cadre précis qui les réunit. Car la négociation du sens est
indissociable de l ‘interprétati
on dy n ami qu e de s
s i
tu ations e t de la négoc iation de s
positionnements sociaux ». [ARDITTI, Jo, Marie – Thérèse VASSEUR, 1999 : 5]
La communication exolingue a été décrite comme une interaction marquée
d’un e asy mé trie de s c ompé t
enc e s
l i
n gu i
s t
iques et communicationnelles, entre un
locuteur natif (langue maternelle, langue première) et un locuteur non-natif ou alloglotte
(langue étrangère – langue deuxième). Il est évident que ces appellations sont
relatives : par exemple la langue dominante d’ un in dividu ,
qu i défi
nit
son id entité
à un
mome nt
don n é,
n’ est pas obligatoireme n t
la
lan gue ma ternelle (sa
langue peu t êtr
e
ce ll
e
du pa ys
où
l’indiv i
du réside ou ce ll
e d’un autre me mbr e de
la commun aut
é fa mi l
iale ou
sociale). De la même manière, la langue se conde n’e st
pa s obl iga
toir
e ment u ne
lan gue
é t
ra ng è
re (e l
le
peu t
fa ir
e partie
de l’
aire ling uisti
qu e fa milière au l
ocuteur).
Un locuteur peut apprendre plusieurs langues en même temps et, évidemment,
on ne pourra pas établir une hiérarchisation, tout comme, parfois, ce ne sont pas les
natifs qui maîtrisent le mieux, enrichissent et perfectionnent leur langue. Le
bilin guisme est
un ph énomè ne qu i r
e l
è ve le fait
qu’ un e socié té
n’uti
lise
pa s u ne se ul
e
lan gu e (u n e xempl e c ’
e st
l a
Be l
giqu e). Bi l
ingu is me veut dire la connaissance et
l’utilisat
ion pa r u n i ndividu de pl us d’ un e lan gu e é tr
an g ère.
Ce ph én omè ne s e
manifeste sur plusieurs niveaux : celui
de la compé ten ce de l’organisat
ion cogn i
tive, de
l’âg e d’e n seigneme nt, du s tatut de s l ang ues, re spe ctiveme nt de l’apparte nan c
e et
l’ide nti
té c ulturel
les de l’indivi
du .
De no s jou r
s, l’un de s
fa cteurs
les
plus i
mpor tan t
s
qu i dé t
ermi n e l
’appr en t
issag e
d’un e langu e étrangè re
e st
la mot ivati
on.
Le type de motivation peut être imaginé sur un axe sur lequel, à un b out, se
trouve la motivation intégrative (qui implique le désir de s’
in tégrer
dans un grou pe qu i
parle une langue étrangère –L2 - pour le contact avec les gens de ce groupe et leur
c ulture)
e t à l
’a u
tre
b out, l
a mot iva t
ion
instrumentale (qui implique le dé si
r d’ appr e
n dre
une langue étrangère-L2- pou r
de s r
aison s pu reme nt pr ati
qu es, tel
que
c el
ui d’obt enir un
lieu de tra vail).
Le degré
de mot i
va t
ion influ e
n ce direc t
eme nt l’
apprenti
s sag e d’u ne
langue étrangère.
Be a ucoup d’ études sur la commun ica t
ion e xolingue mettent en évidence les
procédés utilisés par les natifs pour faciliter la compréhension de leur langue, et aussi
des procédés de sollicitation de la part des non-natifs (alloglottes). [Voir Jean Luc
ALBER, Bernard PY, 1986 : 78-81 ; J ea n Fr an çois DE PIETRO, Marinette
MATTHEY, Bernard PY, 1988 : 99-124]
518
La communication exolingue a des caractéristiques mises en évidence par le
fait que les thèmes traités sont plus restreintes, plus prédictibles et plus discontinus que
la conversation entre les natifs. Ces thèmes de communication sont initiés par les natifs,
rarement par les non-natifs, car, généralement, ce sont les natifs sont qui structurent la
conversation.
519
la que l
le i
l n’e st
pa s
pos sible un enseignement efficace. Attirer la curiosité intellectuelle
de s
appr en ants
su r
la langu e, la culture
et
la c
ivili
sation d’un peupl e
con du it à
l’éve i
l de
l’e nvie d’ appr en dre
c e t
te l
a ng ue et
de
connaitre
la vie socia le,
écon omi qu e, politi
qu e,
littéraire, etc. de ce peuple. Une deuxième fonction est celle de réussir une meilleure
c ompr éh e nsion e nt
re le
s i
n terloc uteurs
, nat
if et
a l
loglotte. En tant qu’e ns ei
gn an t
s du
FLE, n ou s sa von s t
rè s bien qu ’il
y a
des ca s
où ,
à cause d’un n
om de v i
lle, ou de
personne , le se ns de
l’é nonc é de vient
dif
fici
le à
déc oder.
D’ habi t
u de le débit de pa role
lent
et l
a l
a ng ue
a ppr oxima t
iv e
du loc uteu r
n on
n atif
c on du it l’
in t
erlocu t
e ur n atif
(le
Français
dans notr
e cas) à
n e pas s’intéres ser
à la
communication proprement-dite « que si le message du destinateur porte sur un certain
sens culturel ;
d’ ail
leu rs
, l
e de g ré d’acquis
iti
on
du français dé pend de
la conn ai
s sance et
de l’i
n tég ra t
ion de s
compor teme nts des
Français» [3]
Acquérir les compétences interactionnelle et communicative signifie savoir et
pouvoir moduler son discours, le reformuler si besoin en fonction de son interlocuteur
tout en négociant le sens. Pour maîtriser les diverses formes discursives il est important
qu e l
’a ppr e n
a n t
s oi
t placé da ns de s
sit
uati
onsoù les types de discours soient variés. En
ce qui nous concerne, les activités qui nous semblent profitables pour assurer la réussite
du dialogue interculturel en situation exolingue (FLE), sont celles qui simulent les
situations de la vie quotidienne telles que : les conversations, discussions,
improvisations, débats, entretiens, simulations, etc.
Pour exemplifier, considérons les activités connues sous le nom de simulation
et de simulation globale. La simulation s e distingue de s autres ty pes d’a ct
ivités
di da ct
iqu e s pa r le
fait qu’elle s’oriente
plut
ôt vers la
v i
e pr ofessionn e
lle
(ta ndis que l
e
jeu de rôle, par exemple, est destiné à un public de non-n atifs (al
loglottes )
.L’ ense i
g nant
imagine une situation (ou un ensemble de situations) semblable à celle que devra
rencontrer un apprenant après (ou pendant) sa formation. Une simulation en classe de
langue contient trois phases : a) l’e
x pli
cat
ion de ce qu ’
est un e si
mul at
ion; b) l
’a ct
ion;
c) le commentaire en groupe sur les productions analysées à différents niveaux, en
d’ au t
re s mot s l’
é valua t
ion de l’activit
é.
Nous analysons, ensuite, quels types de compétences développent, dans la
classe de FLE, les tâches didactiques mentionnées ci-dessus.
Eva van Iren dans son article La Mobilité étudiante. Quelles compétences pour
une optimisation de sa qualité? Étude de cas des étudiants néerlandais partis en France
[10], établit les principaux problèmes difficiles rencontrés par les étudiants partis en
mobilité (ou en vacances, ou en visite) en France. Ces problèmes sont liés à des
situations de communication où sont nécessaires les compétences :
- de prév oir le c ompor tement d’un Fr ançais, da ns diverses situations de
communication, compte tenant de sa culture et de savoir comment se
comporter comme un Fr a
nçais,
l
orsqu e c’es
t le cas;
- de dé c
e ler les di ffér
e nces
e xi
stant
e s da ns le système d’ e nseig neme nt
français : ma n ières d ’
enseigneme nt/d’appr enti
s sage,
d’ é
v aluati
on ,
d’ins cr
ipt i
on da ns un e
f orme d’ en s
e igne men t,
e tc. e t d’ ag i
r
conformément ;
- d’é cr
ir
e des textes universitaires, des textes de recherches scientifiques,
de présenter une exposition, un compte –rendu, etc.
- de reprendre une conversation en utilisant une stratégie différente au
mome nt où l
a
c ommuni cati
on s’
e s
t
bloqu ée;
- de converser et de participer, sans être préalablement préparé, à une
conversation sur des sujets connus ou quotidiens.
520
En analysant attentivement ces compétences nécessaires aux étudiants partis à
l’étra ng er (en Fr an ce e t n on s e ul
e me nt),
n ou s av on s e ssa
y é de d re
s se r une
classification des situations de communication prioritaires pour établir quelles
compé t
e nces
dé veloppe r
da n s
l’
e nseign e me n t
de la
langu e étr
angè re à
l’unive rsité.
Le s
pl us f
ré quentes sit
u ations de c ommuni c ation a
ux qu el
les a affa
ire
l’ ét
udia nt
en mobi lité
appartiennent au domaine a) administratif, b) de la vie universitaire et c) de la vie
quotidienne.
En
ce qui con ce rne l
e doma ine a dmi nist
rati
f, l’é tudi
ant doit être ca pa ble
de
rédiger des documents et des formulaires pour obtenir un logement, de rédiger et de
n ég oc ier un con t
rat, de pr ép arer les
doc ume nts né c
e ssa ires
à l’obten t
ion
d’ un e aide
financière (pour un log eme nt, pa r
ex empl e),
de sous crire une assuranc e,
d’ ouv r
ir
un
compte bancaire, de signer un bail, etc.
Pour un étudiant, les aspects les plus importants de la vie universitaire sont :
l’ins cription à
un e for me d’ens e i
gn eme nt ou certai
n s
cou r s,
la
compé te
n ce de ré diger la
doc ume ntati
on n éce ssaire à l ’obten tion d’ un loge me nt accor dé pa r l ’institution
d’ ens eign ement ,
le
c on tact ave c le s
enseignants, les cours et les relations avec les autres
étudiants.
Au
niv eau de l
a
v ie qu otidienn e , l
e
plu s
souv en t sont
cit
és le
s cas
où l ’étudia nt
non-natif se trouve dans la situation de faire des achats, de payer à la caisse, de se
re nc on t
rer et
d’interagir avec des personnes qui logent dans le même immeuble (voisins,
con cierg e,
femme de mé n ag e, et c.)
, ou da ns
d’ aut
res e n droit
s : restaurant, café-bar,
salle de sport, terrains de sport, tout comme les situations où interviennent le transport
en commun, les conversations téléphoniques avec un natif, etc.
Dans un ens eign eme nt mode rn e, ense i
gn er
l’in ter
cultur
e l si
gn i
fie ac qu éri
r la
compétence linguistique utile à la communication orale ou écrite mais, en même temps,
la compétence interculturelle indispe ns a ble
à la compr éh ensi
on
et à
l
’accept a t
ion de
l’au tre e n t
ant qu ’
in dividu aya n t des poi n ts de vue ,
de s v al
eurs et des compor t
e me n ts
différents.
Il
est
év i
de nt qu e l’appr e nti
ssa ge de la
langu e est la motivation essentie ll
e
pou r
n os é tudiants
et c’est pou r ce l
a qu ’il
f
a ut dé ve l
oppe r l
es c ompé tence s
qu i
y con tribu e
n t;
l’au tre mot ivat
ion , qu i se trouv e sur le mê me n i
vea u
d’ impor tance ,
est la
dé c ouv e rte
d’ un e autre culture. Le rôl e de l’
ens eign a nt
impl ique un e posit
ion intermé di aire,
de
médiateur qui insistera sur le développement des connaissances sur les deux cultures,
l’éla bor ati
on d’un sys tème inter mé diaire en t
re la c
u l
ture de
la
langu e source et c elle
de
la lan gu e ci
ble et
d’u n e nse mbl e d’ha bi l
e t
é s
qui perme ttent
le développe me n t
de
l’au ton omi e
et de l’
in dé pen da nc e du non-natif.
La compé ten ce interc ulturell
e n’est pa s
l’apt itude de dé c
rire la cu ltu r
e de
l’Au tre c omme disc ipli
n e d’ é tude ma is la capacité de se modeler en modifiant
justement ses propres critères et ses repères.
En guise de conclusions. Pour découvrir et vivre la culture étrangère
(fra nç aise),
pou r
a c qué rir de s c onna issa nces c oncer na nt l’hi
stoire, l’écon omi e,
l a
pol itiqu e,
l
a vi
e soc i
a le,
e tc. du pa ys,
il est absolume n t indis
pens a
ble d’ac qu ér i
r
de s
connaissances référant aux caractéristiques des modèles culturels roumain et français.
Nous sommes convaincus que pour acquérir tous ces savoir-connaissances, savoirs -
être, savoir-a gi
r ,
etc., il
ne suffit pa s
d’a ller à l
’é t
ranger ma is
il
est obli
g atoir
e un tr
av a il
personnel soutenu de la pa rt de l’étudia n t
, du n on-natif, pour acquérir la capacité de
s’a da pter e
t de s’i
n tég r
e r da ns la s
oc ié té, de gérer
sa v ie quotid i
enn e et de ce tte
manière, réussir son expérience interculturelle.
521
NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] les auteurs cités préfèrent le terme de « savoir connaissance » (cor r
e spon dant à l’anglais
«knowledge. » au terme de « savoir », pour ne pas le confondre avec le terme générique
« savoir » ;
[2] Tardy, M. (1983), « De la réconciliation à la quotidienneté des relations interculturelles. Les
échanges franco-allemands de 1963 à 1983 », Colloque OFAJ (Office Franco-Allemand de la
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[3] Agnesa Fanová, « Professeur de FLE, médiateur culturel et interculturel », http://pagesperso-
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[4] Van Iren, Eva, La Mobilité étudiante. Quelles compétences pour une optimisation de sa
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cycle-2.html
http://alsic.revues.org/index865.html
522
WRITING REQUIREMENTS
IN TEACHING ENGLISH TO MEDICAL STUDENTS
Rodica VELEA
University of Medicine and Pharmacy Craiova
Abstract: Writing was not long ago one of the ignored language skills. Many changes in
attitude transformed teaching writing in a second language in a useful and even attractive work. The
substance of our teaching becomes more and more complex. Naturally the changes in the acquisition
of the new language occurred through newer and newer methods.
Teachers of languages already know that writing is and has to be one of the
important language skills. Newer and newer methods in the acquisition of the English
language brought many changes in the attitude when speaking about teaching reading
and writing in a second language. With the new methods this began to be both a useful,
attractive, and funny work. The substance of the teaching itself became a complex one,
richer and richer every day. The new methods in the acquisition of the new language
involve naturally some changes.
In the traditional way when students write in a second language, the purpose of
the writing activity is to obey to grammar, spelling, and punctuation rules and
consequently to avoid mistakes. So, the only writing activity that students do is formed by
grammar exercises. The previous methods of ESL disguises those grammar exercises into
composition writing or guided writing.
In those activities students are given different short or even longer texts and
their task is to :
- to change all the feminine pronouns to masculine ones,
- to change all singular nouns and verbs to plural ones,
- to change from one tense to another,
- to put the right tense of the given verb,
- to put the right adjectives or adverbs etc.
That happens because the traditional philosophy of teaching a foreign language
has persuaded teachers that students were not ready to create in another language as
they were doing in their own language. Students are not asked to create new texts with
the tools they already have at their disposal. It is supposed that students after they have
learned a good part of the theory they are only ready to change one form into another.
This kind of writing is all the time very carefully but easily checked, the purpose being
that the students see only correct language and practice the structures they have learned.
Students learning a second language often do not do real writing at all even if they
already write a lot in their language.
523
When speaking about the more advanced students, in the same light, students are
assigned compositions or other different types of texts to write. Teacher uses to read the
student papers and mark all the grammatical errors in their writing. When the papers are
returned to the students, often the students are asked to correct all the errors, to rewrite
again the corrected exercise without thinking of the possibility of being more creative,
more confident or put in the situation to create real texts for the real life.
In that type of writing exercises the focus is mainly on language structure. The
good marks are easy to get if the students write texts with no or few possible errors.
Students, in order to avoid errors, try to write with great attention and in a conservative
way in their second l angua ge. Wh en t
h e
y have to sa
y some t
h i
n g the y d i
dn’
t
experi
enc e
before in the language practice or something which they do not know how to say, they
simply write something easier which they know and they are sure of. The result is a written
text filled with clichés, the whole work being partially without benefit both for the
student and the teacher.
New Attitudes
1. The Importance of Developing Confidence
In the last 20 years attitudes changed when speaking about the role of writing in
teaching a second language. Writing is not any more the last skill in the process of the
language acquisition and is not only another g ramma r exe rci
se ; wr iti
ng
h as n ow be come
much more important in the ESL and the ESP curriculum. It is finally as it should be.
The natural purpose for the students' reflections on their speaking, listening, and reading
experiences in their second language become the writing. When students are not
focused on grammatical error but on what they really want to say, when they
are instead, writing freely, writing or trying to write what they think they want to say,
they develop confidence together with a sense of power over the language. When we
think of
t he impor tanc e
of
the “wr i
tten t
h i
ng ” we rea lize that no ot h
er
skills can do that.
Writing in a second language is as important for anyone as writing in his own language.
Widdowson (1984) has this t
o s a
y a bou t
th e r
o le of the langu
ag e te ac
h er
: “ No
matter how concerned teachers may be with the immediate practicalities of the classroom,
their techniques are based on some principle or other which is accountable to theory. We
have the responsibility of representing teaching as a challenging intellectual enterprise.”
Now with the new methods of teaching EFL students have not to be advanced users of
English before they can feel a small satisfaction at being able to hold a conversation in
English, understand a conversation in English or a radio broadcast, or even read a
newspaper or short story. Writing is of much help for all the other skills
The writing skill gives students time to think what they want to say, to look for
the proper word until it seems to reflect what they think, and to feel their influence over
the second language, and this becomes true even from the elementary levels of English
proficiency. Anyone who writes does it for a real or imaginary reader to whom the writer is
addressing the text. English language students, too, have that reader in their mind,
the reader of their English production. Writing is the one language skill where the
language student has, while the text is being created, complete control over that new
linguistic code. That can be an invigorating and satisfying feeling of completely being
in charge.
524
With every successful step students improve their second language
acquisition. Here are some of the emphases in teaching writing that allow students to
develop the meaning of their work with the second language.
1. An emphasis is on the context in which the students are writing can be one of the most
important, since the kinds of writing and the reasons for writing are so many.
It is important for us as second-language teachers to figure out exactly what we are
training our students for.
The students will write in English at any moment, now and in future, since English is
one of the official languages of the European Union and of the scientific world to which
they belong.
The students will perhaps correspond with native English speakers.
They will be writing to apply for visas or applications for admission to universities in
English-speaking countries.
They will be writing to English-speaking agencies to inform themselves.
Th e
ba sic ques ti
on in
tea
ch ers’ mi nd h as
to be :
h ow wi l
l writing in English be useful to
our students?
In the past the role of writing in the curriculums was taught only as reinforcement for
English speaking. This was and can still certainly be a reasonable goal for English classes, but
we must go further and create writing activities that support goals like:
- doing interviews in English or,
- taking notes for oral reports or,
- writing dialogues and acting them out in real life.
For the medical students we must go even further and imagine writing activities useful
for their specific like:
- giving instructions and writing them for their real readers- the patients,
- describing situations, diets, treatments, diseases,
- replacing scientific English by ordinary English words for the real reader
since explanations should be given in words the patient understands avoiding
medical jargon,
- writing surveys based on the typical questions in taking a social and
personal history
- writing scientific articles,
- writing abstracts for the research performed in laboratories or in hospitals
- writing case and conference presentations .
2. As a second emphasis we mention the content of the student writing since teaching
writing nowadays has other purposes than :
- having students do grammar exercises in wr iting;
- having students working with strange texts that have no special meaning
for them.
First of all students must write about what their real interests are and about
what they deal with in their present activities and in their future domain, especially about
what they have to communicate to real persons, to their future partners of dialogue, what
they want a specific reader to make aware of,.
It is already known that it is difficult to think, to read and write in a foreign language
That is why the student writer has to be confronted with real objectives, his own
objectives to communicate something which is important, being more difficult for
students to write about something they have no interest in—whether they don't have
525
knowledge or even information on a subject to write or they have not any reason to send
a written message.
From the intellectual point of view the student writer must be committed to
express meaningful thoughts in writing, and then writing can be successful and have the
desired quality.
In this case the role of the teacher in order to guide the students on the right
track to the target is to develop an analytical strategy to the foreign language or to the
specific language, in some cases, which is not possible without a study of the
characteristic features of the language used. The purpose of such study should be to
inves t
iga t
e” how the resour
c es
of a langu age code a
re put t
o use in the
produ cti
on of
me ssa ges” (WIDDOWSON, 1979c: 202) Of course, such an approach presupposes that,
in our case, the medical language is a form of discourse through which we are able to
communicate with the reader. As Widdowson (WIDDOWSON, 1980: 162) said about
the language of the poetry we can extend and say that although medical English is a
special and specific form of communication the procedures to be followed in revealing
the message cannot be much different from those we employ in understanding any
discourse.
When writing is meant for or to be read by real people, then it often becomes
much easier. That is why the context and the content of student writing is determined by:
- the audience of the writing ,
- the purpose of the writing and
- the commitment of the students to what they write
Students must write thinking of real persons who may read their production
When students are given tasks to write for an ordinary public or only for the
teacher to read and correct, it is more difficult to write than when students have an idea
about a specific audience, which usually has to be closer to real life. The content of the
writing differs very much depending on the public to whom it is directed. Knowing the
type of audience the students may write to explore, to inform, to indicate or to describe
something to a real partner.
In the case of the medical students they are preparing themselves to write to
inform the patients, to describe disease or cases, to inform the officialities, to indicate
treatments, to communicate with the society and with the medical environment
If the students are always writing for the teacher, they will try to write what the
teacher wants to read and produce the written paragraph without bringing a personal
touch and without exploring their intellect as much as they would do in real life. It is
possible to fulfill their duty, without thinking too much about what they have written.
Language students are confronted with this possibility to write without being
committed to the topic and that might be another problem for them. If students don't
think too seriously to what they are writing, they will not explore the whole linguistic
luggage they have; t
h ey wi ll
use
the structures the
y already know a nd t
hey a re
sure of,
rather than trying to put into words what they really want to say or even learn and
search to discover new possibilities. When it comes to expand the horizons of their
ability to communicate in writing in their second language there will always be some
barriers.
526
When they are beginners or even intermediate, students are writing what it is
c al
led “ wr iter ba sed pr ose” (FLOWER, 1979)That means they do not take into
consideration the fact they have a real reader on the other side of the communication
channel, with some needs and expectations , with his own level of understanding of the
linguistic code.
If the language student thinks the audience is a real one and is reading for real pur-
poses of cooperating in the act of communication the student writer will be more
courageous and make a commitment to what he is writing and consequently push the limits
of the linguistic luggage. Audiences should be as real as possible, not imaginary readers but
types of characters from real life.
With the time when the language student grow, he learns to think more of his
audience and take it into consideration which helps him to prod uce” reader-based
prose” that type of writing that has a virtual but potential reader. That helps the student
k eep t
h e
rea der’s needs in mind (according to the given situation and the type of reader).
For that purpose, language student writer must try:
- to put himself in t
o t
he reader
’s place and de fi
ne his expectations.
- to keep in mind to take into consideration the type of reader and its
linguistic luggage together with his culture background
- to try to evaluate the problems the reader may encounter when decoding a
written text
When teaching writing we must think and try to create tasks for our students which are
meant for a real audience.
These emphases form together the process of the teaching writing. What was
important previously for a student when he wrote it was the final product. The main
concern of the language student was to avoid making errors in what he produced. The
emphasis in the process approach is more on the creative way to the final product. Now
students learn strategies that help them to create and write in the same time. In those
strategies, the grammatical accuracy remains as important as always. The writing class
527
tends to become an exploration laboratory, the student writer being free to create and share
with the group of learners.
The writing class becomes a communication class, as students work in groups,
write, read each other's writing, comment.
This process encourages several types of writing tasks. We have experimented with
content-based writing courses. In such courses there is a body of material to be learned,
for example, the material in a medical course: a physiology or anatomy course and the
writing in the English class is represented by tasks that might be made for that medical
students class. With these tasks, the students can learn medicine through English and English
through medicine. Content-based approaches to teaching writing usually include reading in
the studied subject. The reading is cautiously selected to learn or to communicate interesting
or important things about the scientific subject and to practice English. In this way the
curiosity for the subject helps the English language learner.
Writing is Challenging
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