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Département d’histoire de l’art Université de Montréal

Et d’études cinématographiques
CIN2103B
Analyse filmique
(Hiver 2021)
Enseignant : Sébastien Lévesque

Fiche sur l’analyse intertextuelle :

1.
Vous vous souvenez de cette idée de Raymond Bellour à l’effet que le film est
bien un texte ? Cela voudrait donc dire que l’analyse intertextuelle, très riche du côté
littéraire, pourrait également s’appliquer au cinéma. Personnellement, je le crois. Mais
nous savons également, toujours après Bellour, que ce texte filmique est incitable, ce qui
rend cette approche quelque peu problématique. Également vrai.

Ceci dit, ce mode particulier d’analyse offre néanmoins dans certains cas (mais
vraiment dans certains cas, davantage que dans d’autres), un jeu très riche de références
et de citations de toutes sortes et à divers degrés, qui permet de bonifier notre expérience
de spectatrices et de spectateurs. Ce ne sont donc pas tous les films qui se « prêtent »
aussi bien à ce jeu de réciprocité.

2.
Vous le voyez avec notre extrait de texte sur Studium, la référence principale du
cours est ce petit fascicule rédigé par Tiphaine Samoyault. C’est un essai sur
l’intertextualité comme mémoire de la littérature, mais vous verrez bien que quelques uns
de ces concepts sont tout aussi vrais et intéressants du point de vue cinématographique.
Voici quelques points d’importance :

a) Dans la première partie de l’ouvrage, Samoyault rappelle l’ambiguïté d’un tel


terme, historiquement et sémantiquement. Certain.e.s préfèrent parler de
dialogue entre deux ou plusieurs œuvres, de tissage ou d’incorporation. Dans
tous les cas, il y a bien une certaine notion d’entrecroisement et de dépendance
réciproque entre différents « textes », dont la place n’est pas toujours bien fixe
(nous le verrons plus loin). Dialogisme serait peut-être plus adéquat pour
parler de cette approche analytique, ou encore jeu de référentialité, mais pour
l’heure conservons intertextualité ;

b) L’intertextualité peut s’articuler sous toutes sortes de modes : reprise aléatoire


ou consentie d’un élément ; vague souvenir ou hommage affiché par
l’auteur.e ; soumission à un modèle bien établi ou encore subversion d’un
canon (au sens biblique : texte ou film qui a établi la norme, la règle pour ceux
qui suivront) ; citation, allusion, référence, pastiche, parodie, plagiat –
collages de toutes sortes… ;
c) L’intertextualité ou le dialogisme des œuvres concerne l’idée de mémoire (de
la littérature ; ici, du cinéma). Cela peut même aller jusqu’à une certaine
réflexion sur cette notion et en cela, il y a un parallèle possible avec notre
notion de genre, déjà abordée ;

d) La notion de référentialité entre deux œuvres (ou davantage) peut vouloir


dire : du cinéma en lien avec le cinéma, mais aussi du cinéma en lien avec des
événements bien réels ;

3.
Samoyault marque une certaine différenciation dans la manière de faire jouer un
texte face à un ou plusieurs autres. Pour les besoins de notre fiche, je remplace
systématiquement ici le terme de « texte » par « film », puisque voilà bien l’objet de notre
intérêt, et voyez ces quatre points comme une sorte de gradation dans la façon de faire
dialoguer les œuvres :

a) Le film fait entendre plusieurs « voix » sans qu’aucun intertexte ne soit


explicitement repérable, comme une sorte de polyphonie. C’est souvent le cas
lorsqu’un film s’inscrit dans un genre précis, mais sans ne citer aucun film
antérieur en particulier. Il y a tout de même dialogue avec les canons de ce genre
qui l’ont précédé. C’est un exemple possible.
b) Le film réfère directement à des films antérieurs selon des modes d’intégration
bien visibles. Vous vous souvenez de Rango : le maire du village (sous forme de
tortue) est un renvoi direct et assumé au personnage du père dans Chinatown de
Polanski ; et il y aura toutes sortes de clins d’œil à des films antérieurs de Johnny
Depp, celui qui prête sa voix à cet étrange Rango (Fear and Loathing in Las
Vegas, Pirates des Caraïbes, Don Juan, etc.).
c) Le film joue avec la tradition, avec la « cinémathèque », mais à plusieurs niveaux,
implicites ou explicites. C’est encore le cas de Rango, mais à un autre niveau, et
c’est aussi ce que fait le film de Jarmusch que vous aviez à voir : Ghost Dog : the
Way of the Samuraï
d) Le film est construit à partir d’autres films, entièrement. L’intertexte est sa donnée
dominante. Exemple plus rare. Les films de remontage ? Quelques documentaires
peut-être ? Des passages de Forrest Gump ou de Zelig ?

4.
Il y aurait matière à aborder une typologie des principaux modes d’intertextualité
avec vous, en prenant le temps de voir ensemble quelques exemples concrets à l’aide du
film de Jim Jarmusch : la citation, l’allusion, le plagiat et la référence – avec différents
usages possibles : ludique, satirique ou sérieux. Les quelques pages que j’ai laissées sur
Studium sont plutôt claires à ce sujet. Si vous avez des questions supplémentaires,
n’hésitez pas à me les écrire.

Vous aurez remarqué que pour nos besoins, j’ai volontairement laissé de côté les
notions d’hypotextualité et d’hypertextualité. Une autre typologie serait également
possible, qui distinguerait différents phénomènes d’intégration et de collage. Vous
pouvez les voir au tableau de la page 116 de l’ouvrage de Samoyault, également sur
Studium.

5.
Enfin, vous pourrez ajouter ici les deux conséquences possibles d’une telle
approche, que nous avons abordées en cours en guise de conclusion.

a)

b)

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