Annales de dermatologie (2010) 137, supplément 1, S23-S25

Acide hyaluronique et hydratation cutanée

Skin hydration and hyaluronic acid

F. Masson

Service de Dermatologie, Centre Hospitalier de la région d’Annecy,

1 av. de l’hôpital, 74374 Pringy.

MOTS CLÉS Résumé

Acide hyaluronique ; Les mécanismes d’hydratation cutanée sont complexes et font appel à de nombreuses
Peau ; données pharmacologiques. Au sein des molécules impliquées dans les phénomènes
Glycosaminoglycanne ; d’hydratation cutanée, l’acide hyaluronique, glycosaminoglycanne largement distribué
Hydratation ; dans l’organisme est un acteur central. Ses capacités hygroscopiques et sa présence
Emollient ; dans le derme et l’épiderme en font un pivot du maintien de l’hydratation et de
Cosmétique ; l’élasticité cutanée.
Dermatologie © 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS
Hyaluronic acid; Summary
Skin;
Glycosaminoglycan; Skin hydration mechanism is complex. Hyaluronic acid is a widely distributed glycosami-
Hydration; noglycan and one of the chief component of the extracellular matrix. It has a high water
Moisturizing product; retaining ability and has recently been shown to be present in the epidermis. HA plays a
Cosmetic; central role in hydration and elasticity of skin.
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Hydratation cutanée et rôle central de la
couche cornée
L’hydratation cutanée, indispensable pour assurer à la peau
sa souplesse, sa douceur, sa tonicité et son aspect, est un
phénomène complexe. L’eau est un constituant majoritaire
de notre organisme et représente 60 % du poids corporel de
l’adulte. Dans la peau, l’eau est principalement répartie
dans le derme où elle forme un gel semi-fluide avec diffé-
rentes protéines de structure de la matrice extracellulaire.
L’épiderme et la couche cornée ne renferment quant à eux
que très peu d’eau.
L’hydratation de la peau se résume en définitive à l’hy-
dratation du stratum corneum et au pourcentage d’eau au
niveau de cette couche, la plus superficielle de l’épiderme.
Il est impossible de modifier la teneur en eau du derme ;
en revanche l’équilibre entre la diffusion et l’évaporation
de l’eau au niveau de l’épiderme est un élément sur lequel
il est possible d’influer. La couche cornée forme une bar-
rière de perméabilité efficace qui remplit deux fonctions
importantes : elle s’oppose à la pénétration dans l’épiderme
des micro-organismes, substances chimiques et allergènes
de l’environnement, et empêche la perte insensible d’eau,
protégeant ainsi l’organisme de la déshydratation.
La couche cornée : rôle central
L’épiderme est la structure externe de la peau dont le rôle
est d’assurer protection et échanges avec l’environnement.
La couche cornée est la couche la plus superficielle de
l’épiderme. Elle est constituée de l’empilement en plusieurs
strates (15 à 20) de cornéocytes et est le produit final du
processus de kératinisation épidermique. Schématiquement,
la couche cornée comprend les cornéocytes, riches en pro-
téines et hydrophiles et l’espace intercornéocytaire, riche
en lipides et hydrophobe. Les cornéocytes sont des cellules
anucléées ayant perdu leurs organites intra-cytoplasmiques.
À l’intérieur du cornéocyte, un réseau dense de filaments
de kératine est dispersé au sein d’une matrice composée
d’une autre protéine : la filaggrine. L’ensemble est entouré
d’une enveloppe très résistante faite d’une paroi protéique
doublée d’une enveloppe lipidique.
Deux couches de cornéocytes sont distinguées : le stratum
corneum compactum, profond, où les cornéocytes, reliés
les uns aux autres par les cornéodesmosomes, assurent une
fonction barrière et une couche desquamante dite stratum
corneum disjunctum. Les cornéocytes peuvent être assimilés
à des briques formant un mur et reliées entre elles par un
petit nombre de desmosomes, appendices riches en protéines
de la membrane cellulaire. Entre les cornéocytes s’insinuent
les lipides épidermiques, synthétisés par les kératinocytes
des couches épineuse et granuleuse réalisant un modèle
« briques et ciment ». Les lipides épidermiques représentent
10 à 30 % du volume de la couche cornée. Ils sont formés dans
l’appareil de Golgi des kératinocytes et sont ensuite excrétés
par exocytose dans l’espace extracellulaire. Les céramides
représentent la majorité des lipides de la couche cornée
(40 %). Il s’agit d’un groupe de sphingolipides, comprenant
pour l’essentiel des sphingosines et divers acides gras tel
F. Masson
l’acide linoléique. Les céramides permettent de fixer les
composants aqueux de ce mélange lipidique complexe. La
principale fonction des lipides intercellulaires du stratum
corneum est de conférer à cette couche barrière la propriété
d’imperméabilité relative à l’eau.
Rôle de l’acide hyaluronique
Le taux d’hydratation cutanée s’exprime en surface mais
l’eau provient essentiellement du derme qui contient une
réserve importante en eau d’origine plasmatique. Le derme
est constitué de tissu conjonctif caractérisé par une abon-
dante matrice extracellulaire (MEC) située entre les cellules
spécifiques, fibroblastes et fibrocytes, qui l’ont synthétisée.
La MEC comporte des fibres élastiques et du collagène et une
substance fondamentale amorphe. Cette substance fonda-
mentale contient essentiellement de l’acide hyaluronique
(glycosaminoglycanne non sulfaté) et des glycosaminoglycan-
nes sulfatés qui s’associent à un axe protéique pour former
des protéoglycannes. L’ensemble forme un gel compressible,
qui retient l’eau comme une éponge, permettant également
la circulation de l’eau et des molécules dissoutes. Vingt à
40 % de l’eau totale du corps sont contenus dans la matrice
extracellulaire. La molécule clé de l’hydratation cutanée
est donc l’acide hyaluronique, capable d’attirer et de fixer
jusqu’à 1000 fois son poids en eau. La compréhension du
métabolisme de l’acide hyaluronique, de son rôle au sein de
la peau et de ses interactions avec les autres composants
cutanés est une approche plus rationnelle pour envisager la
modulation de l’hydratation cutanée.
L’acide hyaluronique est un polysaccharide anionique de
haut poids moléculaire qui présente la capacité d’adopter
des formes et configurations variées fonction du pH, de la
teneur en sel du milieu et des cations associés. Son rôle est
essentiel dans la motilité cellulaire, l’adhésion, la proliféra-
tion et l’organisation tissulaires. Il est le composant principal
de la matrice extracellulaire, élément clé de l’hydratation
cutanée. Les fonctions de l’acide hyaluronique sont multiples
au sein de l’organisme. Au sein de la matrice extracellulaire,
bien plus qu’un composant passif de structure, l’acide hya-
luronique est un régulateur intracellulaire qui joue un rôle
dans le métabolisme cellulaire. Il existe par exemple des
récepteurs à l’acide l’hyaluronique à la surface des cellules :
le CD44 [1] et le récepteur pour la mobilité médié par l’acide
hyaluronique (RHAMM) [2] sont les deux plus importants. Ils
peuvent provoquer la mobilisation des cellules après une
cascade de signaux intracellulaires et sont eux-mêmes les
substrats de nombreuses phosphokinases [3].Très récem-
ment, des techniques histologiques ont permis de mettre en
évidence la présence d’acide hyaluronique dans l’épiderme,
alors qu’on pensait sa présence uniquement limitée au derme
[4]. Les couches granuleuse et épineuse de l’épiderme sont
les plus riches en acide hyaluronique, dans le compartiment
extracellulaire. La couche basale contient également de
l’acide hyaluronique mais en quantité moindre et en situation
intracellulaire. L’acide hyaluronique contenu dans la couche
basale de l’épiderme intervient dans la régulation du cycle
cellulaire [5]. L’acide hyaluronique contenu dans les couches
Acide hyaluronique et hydratation cutanée
granuleuse et épineuse intervient dans l’hydratation cutanée
en retenant les molécules d’eau, issues du derme, contenues
dans la matrice extracellulaire [5]. L’eau est fixée par l’acide
hyaluronique et retenue par le film hydrolipidique.
Mécanismes de l’hydratation cutanée [6, 7]
Avant d’arriver dans les couches superficielles de l’épi-
derme, l’eau est liée aux macromolécules de la substance
fondamentale du derme, mucopolysaccharides, acide
hyaluronique et protéoglycannes. Seule une petite partie
de cette eau dermique est libre. L’eau diffuse à partir du
derme vers les couches profondes de l’épiderme au travers
de la jonction dermo-épidermique. La migration de cette
eau des couches profondes vers les couches superficielles
fait ensuite appel à de véritables systèmes de transport de
l’eau : les aquaporines localisées au niveau des membranes
cellulaires. Dans la peau, il s’agit presque exclusivement
d’aquaporines de type 3.
Puis l’eau gagne les espaces intercornéocytaires, retenue
par l’acide hyaluronique, et pénètre également à l’intérieur
des cornéocytes pour plastifier la kératine. L’eau est attirée
et retenue dans les cornéocytes grâce à un double phénomène
d’osmose et d’attraction par des éléments hygroscopiques
intracellulaires regroupés sous le nom de NMF (Natural
Moisturizing Factors) [8]. Ces Natural Moisturizing Factors ou
facteurs naturels d’hydratation sont des agents naturellement
synthétisés par la peau pour capter l’eau dans la couche cor-
née. Ils sont issus de la dégradation de la filaggrine en acides
aminés, sous l’action de protéases intracellulaires, qui, avec
les filaments de kératine désolidarisés et compactés, consti-
tuent une matrice intracellulaire hautement hydrophile. Les
acides aminés libres, l’acide pyrrolidone carboxylique, l’urée,
les lactates, les sucres, les oligo-éléments et le chlorure font
partie des NMF. L’acide pyrrolidone, l’urée et les lactates ont
une action hygroscopique telle qu’ils peuvent retenir jusqu’à
70 % de leur poids en eau, d’où leur fort pouvoir hydratant.
C’est grâce à la nature hydrophobe des lipides des espaces
intercornéocytaires que l’eau ne peut quitter le cornéocyte.
Enfin, le film hydrolipidique de surface, émulsion naturelle
formée d’eau et de lipides, retient l’eau à la surface de
la peau, s’opposant à la perte insensible en eau (PIE). La
partie aqueuse de la fraction hydrosoluble provient de la
perspiration cutanée et de la sécrétion sudorale. La partie
lipidique, fraction liposoluble, provient du sébum et de la
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synthèse épidermique de lipides. Le film hydrolipidique,
indispensable à la souplesse de la peau, permet également
d’empêcher sa déshydratation.
Conclusion
Par ses capacités hygroscopiques et sa concentration élevée
dans le derme, l’acide hyaluronique joue un rôle majeur
dans l’hydratation cutanée. Il est présent dans le derme,
mais aussi dans l’épiderme, où il retient l’eau dans les
espaces interkératinocytaires. On le trouve en effet dans
l’espace extracellulaire des couches hautes de l’épiderme ;
il y fixe des molécules d’eau, retenues en surface par le film
hydrolipidique qui en limite l’évaporation.
Conflits d’intérêts
Aucun.
Références
[1] Underhill C. CD44 : the hyaluronan receptor. J Cell Sci
1992;103:293-8.
[2] Hall CL, Turley EA. Hyaluronan : RHAMM mediated cell
locomotion and signaling in tumorigenesis. J Neurooncol
1995;26:221-9.
[3] Bourguignon LY, Lokeshwar VB, Chen X, Kerrick WG. Hyaluronic
acid-induced lymphocyte signal transduction and HA recep-
tor (GP85/CD44) -cytoskeleton interaction. J Immunol
1993;151:6634-44.
[4] Sakai S, Yasuda R, Sayo T, Ishikawa O, Inoue S. Hyaluronan
exists in the normal stratum corneum. J Invest Dermatol
2000;114:1184-7.
[5] Stern R, Maibach HI. Hyaluronan in skin : aspects of aging and
its pharmacologic modulation. Clin Dermatol 2008;26:106-22.
[6] Verdier-Sevrain S, Bonte F. Skin hydration : a review on its
molecular mechanisms. J Cosmet Dermatol 2007;6:75-82.
[7] Rawlings AV, Harding CR. Moisturization and skin barrier
function. Dermatol Ther 2004;17:43-8.
[8] Marty JP. NMF and cosmetology of cutaneous hydration. Ann
Dermatol Venereol 2002;129:131-6.