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La peau :
exemples
de pathologies
et solutions
thérapeutiques
Après avoir mené des recherches sur les cancers cutanés des
greffes d’organes, puis sur des séquences rétrovirales dans les
cancers du sein, Isabelle Pélisson a intégré le centre de R&D
des laboratoires Galderma 1 situé à Sophia Antipolis, où elle est
actuellement chef de projet.
1 La peau et les
pathologies cutanées
et physiques (température,
chocs, rayonnement UV).
La peau a également une
1.1. Principales fonctions fonction immunitaire : elle
de la peau possède un certain nombre de
cellules sentinelles2 capables
La peau est l’organe le plus de renseigner notre système
étendu et le plus lourd du immunitaire sur la présence
corps humain, qui représente d’antigènes 3 contre lesquels il
environ 2 m² de surface et 5 kg faut induire une réponse.
chez un adulte (Figure 1). Sa
fonction de protection contre
2. Cellules sentinelles : cellules
les agressions externes est immunitaires qui résident en per-
fondamentale : elle nous manence dans les tissus, même
protège des attaques micro- lorsqu’ils ne sont pas infectés.
biennes et par asitaires, 3. Antigènes : macromolécules
des agressions chimiques (protéine, polysaccharide,…) recon-
nues comme étrangères par le sys-
tème immunitaire qui va réagir à
1. www.galderma.fr leur présence.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Stratum
Corneum Poil
Épiderme
Capillaire Glande
Sébacée
Derme Muscle
Arrecteur
Plexus Vasculaire
Glande
Superficiel
Sudoripare
Eccrine
Hypoderme
Plexux Vasculaire
Figure 2 Profond
Glande Suporipare Follicule Pileux
Organisation de la peau en trois
Apocrine
couches structurées avec une
212 constitution et une utilité propres.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
de fréquence – l’acné est très dépigmentation comme le
fréquente par exemple –, en vitiligo, ou au contraire des
termes de sévérité et égale- maladies dans lesquelles
ment en termes de formes cli- on a une hyperpigmentation
niques. Cette grande diversité comme le mélasma, carac-
des pathologies cutanées qui térisé par des taches brunes
peuvent affecter des compar- sur le visage. Cer taines
timents différents est illus- pathologies concernent des
trée sur la Figure 3. problèmes de différenciation
Une pathologie très cou- de l’épiderme. C’est le cas
rante est l’acné, qui touche des ichthyoses liées à des
le follicule pilo-sébacé 7. mutations dans cer taines
D’autres pathologies touchent protéines des kératinocytes,
le s ystème pigmentaire, et qui vont conduire à une
avec des pathologies de la différenciation anormale. Il
y a énormément de formes
cliniques derrière ce simple
7. Follicule pilo-sébacé (ou folli- terme d’ichthyoses. Nous
cule pileux) : cavité dans laquelle parlerons dans ce chapitre
le poil prend naissance.
A B C
D E F
G H I
Figure 3
Principales pathologies de la peau : A) carcinome épidermoïde ; B) mélanome ; C) acné ; D) vitiligo ; E) mélasma ;
F) dermatite atopique ; G) psoriasis ; H) rosacée ; I) ichthyose.
Source : I) AIF - http://ichtyose.fr 213
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 4
Image de microscopie d’une coupe de peau : A) une peau saine ; B) manifestation cutanée du psoriasis
par l’épaississement de l’épiderme et de la couche cornée, et l’inflammation chronique du derme.
A) Peau saine
squames
plaques Figure 5
couche cornée peau
épiderme
inflammée Derme et épiderme d’une peau
glande sudoripare
follicule pileux saine (A) et d’une peau affectée
derme de psoriasis (B) pour laquelle
hypoderme la multiplication des kératinocytes
est favorisée par le développement
B) Psoriasis 215
du système vasculaire.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 1
Les traitements topiques du psoriasis. 217
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 2
218 Les immuno-modulateurs et immunosuppresseurs pour le traitement systémique du psoriasis.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
protéines recombinantes16 , l’interleukine 17, le recul reste
qui vont aller cibler la cytokine limité sur leur sécurité à long
elle-même ou son récepteur. terme. Ils sont donc réservés
Les médicaments biologiques aux patients les plus sévères
aujourd’hui disponibles pour en échec thérapeutique sous
le traitement du psoriasis ont traitement oral. Ils sont admi-
initialement été développés nistrés par voie injectable et
dans l’arthrite rhumatoïde, la première prescription se
qui a des caractéristiques fait en milieu hospitalier après
communes avec le psoriasis. un bilan complet pour vérifier
Ils ciblent soit le TNF alpha17, entre autres qu’il n’y a pas de
soit une sous-unité commune risque infectieux sous-jacent
aux interleukines18 12 et 23, asymptomatique.
soit l’interleukine 17. Ces traitements ont aidé à
Ces traitements présentent mieux comprendre quelles
une forte efficacité et sont très étaient les cytokines clés dans
chers. Pour les plus récents la physiopathologie du psoria-
comme ceux qui ciblent sis : TNF alpha, IL-12, IL-23 et
IL-17 (Figure 6). Cette informa-
tion est très importante car
16. Protéine recombinante : pro-
téine produite par une cellule dont
elle ouvre la porte à de nou-
le matériel génétique a été modi- velles voies thérapeutiques.
fié par recombinaison génétique, En effet, si on est capable de
et qui peut être utilisée à des fins cibler ces cytokines par des
thérapeutiques. approches plus classiques
17. TNF alpha : Tumor Necrosis avec de petites molécules
Factor, cytokine impliquée dans les
chimiques, on peut espérer
réactions inflammatoires.
18. Interleukines : groupe de cyto- avoir un bénéfice dans la
kines qui stimulent les réponses pathologie, en particulier chez
du système immunitaire. des patients moins sévères
Activation et
prolifération
des kératinocytes
Brodakinumab IL-17A
(IL-17 IL-17F
récepteur) IL-22
Stress
de la peau
Secukinumab
brekinumb
Figure 6
Th17
IL-2
IFNу IL-17A Th17
Identification des cytokines
IL-1ß
IL-6
Etanercept TNF IL-17F
Th17 intervenant dans la
infliximab
TNF Adalimunab
TR1 TR17
Th17
physiopathologie du psoriasis
grâce aux médicaments
Th17
Ustekinumab
A B C
Figure 7
Les manifestations cutanées des différents types de rosacée : A) type 1 : érythème persistant, télangiectasies
et flushs ; B) type 2 : érythème persistant, papules/pustules et brûlures/picotements ; C) type 3 : peau épaisse,
220 pores dilatés, télangiectasies et rhinophima.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
transcriptomique 21 permet des cellules qui synthétisent
d’identifier, à l’échelle molé- ces différentes protéines
culaire, les gènes qui sont (Figure 8).
fortement modulés dans les La Figure 9 présente le résultat
différents sous-types, ce qui de l’analyse transcriptomique
permet de formuler de pre- à large échelle, c’est-à-dire
mières hypothèses. Celles- l’analyse de l’expression de
ci sont ensuite confirmées à l’ensemble du génome dans
l’échelle de la protéine, pour les différents sous-types de
vérifier que les ARN surexpri- rosacée par rapport à la peau
més vont bien conduire à la saine. Chaque ligne corres-
surexpression de la protéine pond à l’expression des gènes
correspondante. d’une biopsie, et chaque petit
Un certain nombre de tra- trait vertical correspond à
vaux ont également été réali- l’expression d’un gène : plus
sés par immunohistochimie22 la couleur est bleue, moins le
pour s’assurer de l’identité gène est exprimé, plus elle est
rouge plus le gène est exprimé.
21. Transcriptomique : étude de Cette analyse montre que
l’ensemble des ARN messagers chaque groupe d’échantil-
produits lors du processus de lons (peau saine, rosacée de
transcription d’un génome. type 1, 2 ou 3) possède sa
22. Immunohistochimie : méthode
propre signature d’expres-
de localisation de protéines dans
les cellules d’une coupe de tissu, sion génique. Ainsi, les gènes
par la détection d’antigènes au surexprimés dans une peau
moyen d’anticorps. saine sont peu exprimés dans
Figure 8
Méthodes utilisées pour
la caractérisation des types
de rosacée et l’identification
de cibles thérapeutiques.
Figure 9
L’analyse transcriptomique montre
les différences d’expression
des gènes dans les différents sous-
types de rosacée par rapport
à la peau saine.
Source: Steinhoff et coll. (2011).
J. Invest. Dermatol. Symp.
Proc., 15 : 2-11. 221
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 12
Rosacée type 2 et acné : analyse
comparative des gènes les
plus modulés. Dans l’acné, les
cytokines les plus modulées sont
impliquées dans le recrutement
des neutrophiles (code bleu),
tandis que la rosacée de type 2
est dominée par des cytokines
impliquées dans le recrutement de
lymphocytes T (code orange).
Source : Déret et coll. (2013).
J. Invest. Dermatol., 133 : S131.
Figure 13
Le processus de recherche et sélection de cibles thérapeutiques.
Figure 14
Les coûts augmentent de manière
exponentielle dans les phases
de recherche et de développement
d’un médicament.
Figure 16
Recherche de hits/leads et
optimisation en chimie médicinale. 225
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Histologie
Modèle d’efficacité
orienté psoriasis
Epidermes
reconstruits Peau humaine Score clinique
Différentiation 6
lymphocytes T CD4 ex vivo 5
Meal+/-SEM
4 Placebo
105 0.53 3 Placebo Hypogranulosie Parakeratosis
FoxP3 Alexa 647-A
104
2 IMQ
1 Epidermal hyperplasia
103 0
2 3 4 5
102 In vitro 3D Days
0 IMQ
16.82 40.82
-102
0 103 104 105
(tissulaire)
CD25 BV421-A In vivo
(animal)
Tests fonctionnels In vitro
Evaluation Photo cytotoxicité
(cellulaire)
100
Prolifération kératinocytes Pénétration
120 eADMET 80
% viabilité
+ UV
In vitro cutanée - UV
60
% control
80
(moléculaire) 40
40 20
- Activité
0 0
0.1 100
- Sélectivité 0,01 1 100
nM Dose (uq/mL)
Figure 17
Recherche de hits/leads et optimisation. Processus itératif d’évaluation des molécules dans la recherche
226 de médicaments contre les maladies de la peau.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
études, on évalue en général développement des médica-
l’efficacité de plusieurs doses ments est d’évaluer et maî-
pour choisir la dose qui sera triser le risque le plus tôt
utilisée dans les études de possible, avant d’entamer les
phase 3. Celles-ci sont des phases les plus coûteuses.
études sur un grand nombre Dès les étapes précoces, il
de patients, qui confirment à faut s’assurer que les résul-
la fois l’efficacité et la sécu- tats générés dans les modèles
rité, et qui souvent comparent non cliniques seront repro-
le nouveau médicament à un duits dans la peau humaine
standard déjà sur le marché. pour gagner en confiance dans
En parallèle de ces études cli- le mécanisme d’action qui est
niques, se déroule tout un pro- en train d’être évalué. Dans
gramme de développement non ce but, des études de « preuve
clinique, qui évalue la toxicité de mécanisme » sont réali-
de la molécule chez l’animal et sées le plus tôt possible afin
permet de calculer une marge de s’assurer que le candidat
de sécurité pour s’assurer que médicament atteint bien sa
les patients sont en sécurité au cible dans la peau. Cela peut
être mené par exemple en
cours de ces essais.
utilisant des biomarqueurs
L’ensemble de tout ce plan d’engagement de la cible. Par
de développement clinique et exemple, si la cible est une
non clinique est construit en enzyme et qui doit diminuer la
lien direct avec les autorités quantité de TNF alpha, on peut
de santé et servira de support mettre en place un modèle
pour le dossier d’enregistre- pharmacologique clinique
ment. dans lequel le TNF alpha est
Le pr incipal enjeu dans induit par un stimulus chez le
les phases précoces de volontaire sain, et vérifier que
Non clinique
Phase I
Carcinogénicité
Volontaires sains Phase II Photo-carcinogénicité
Tolérance Patients
Clinique
Pharmacocinétique Efficacité/sécurité
Phase III
Choix de dose
Grand nombre de patients
Figure 18
Les phases de développement d’un médicament. 227
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
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