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2° : Quid de la « Glorification du travail » ?

La réflexion porte sur l’expression : « Glorification du travail » qui est découverte lors du dernier des cinq
« voyages » symboliques qu’effectue l’apprenti maçon lors de la cérémonie de passage au grade de
« compagnon ». D’aucuns l’entendent comme une sorte de glorification de l’effort à produire, de la peine à
prendre pour toute construction. D’autres l’entendent comme une « présentation en gloire » de la
construction elle-même, comme la présentation magistrale du « chef-d’œuvre » du compagnon. Quelque
soit l’acception retenue, on pourra au moins exclure toute notion de vanité et de prétention au décorum et
aux lauriers qu’apporterait la gloire.
Replaçons cette découverte dans son contexte : L’ordre maçonnique se déploie sur 4 niveaux : Loges
bleues, ateliers de perfection, ateliers capitulaires, ateliers philosophiques. L’ambition de la franc-
maçonnerie spéculative est d’œuvrer, de travailler avec force et vigueur, à la construction de l’homme et de
la société. Cela appelle à distinguer des niveaux successifs de conscience, où chacun procède de la
transcendance du précédent. Le premier niveau est singulièrement celui où le maçon prend conscience de
lui-même, où symboliquement il travaille à la construction de son « temple intérieur » ; c’est le temps du
« connais-toi, toi-même ». A ce 1er niveau il est son propre objet d’étude, dans l’altérité de ses frères,
relativement au monde dans lequel il vit. Dans les 3 autres niveaux d’autres objets d’étude seront abordés,
mais ils sortent du cadre de cette planche. L’ensemble forme un ordre avec une progression graduelle.
Dans le cadre de cet ordre, les maçons utilisent une méthode de travail en 3 degrés, dans une sorte de
« trialectique », que l’on peut schématiser par le triptyque : 1° entendre, 2° comprendre et 3° exalter-
transmettre. Ainsi il conviendrait de distinguer les degrés de la méthode (trialectique), des degrés ou
grades du rite. Toutefois, au premier niveau, celui des Loges bleues, dans les différents rites pratiqués, il se
trouve que les 3 premiers grades coïncident avec l’apprentissage successif des 3 degrés de la méthode. A
ce niveau on confond fréquemment les degrés de la méthode, avec les degrés (grades) du rite.
Au 1er grade, l’apprenti, apprend le 1 er degré de la méthode (entendre).
Le maçon apprend à entendre des notions, qu’il ne comprend pas encore, mais qui l’imprègnent par la
pratique de rituels « performatifs ». Si la méthode ne s’adressait qu’à la raison du maçon, il faudrait
immanquablement « déconstruire » (au sens de Dérida) des pans entiers de son propre raisonnement,
pour lui apporter un enseignement, un contenu qui remplacerait celui qu’il possède. La méthode
maçonnique n’apporte pas de contenu, mais des comportements, des manières d’être dans un
questionnement, sinon un doute, permanent. D’aucuns diront que « la maçonnerie n’apporte pas de
preuve, mais des épreuves ». On demande au maçon de venir frapper à la porte du temple comme un
« homme libre et de bonnes mœurs », on attend de lui qu’il en sorte, « pour travailler au progrès de
l’homme et de la société » dans « une liberté absolue de conscience », sans aucun dogmatisme. Dans le
temple, au sein de sa Loge, cet être collectif qui n’existe que « lorsque les frères sont réunis dans la forme
accoutumée », et singulièrement dans une loge bleue (du 1er niveau) le maçon travaille à sa propre
édification. Au deuxième degré (de la méthode), le maçon est appelé à tenter de comprendre (au sens de
rassembler) le fonctionnement de l’être correspondant au niveau auquel il travaille.
Au 2ème grade, le compagnon, apprend le 2ème degré de la méthode (comprendre).
Au 2ème grade, celui de Compagnon, l’être étudié est le maçon en lui-même, il apprendra comment
fonctionne une « conscience individuelle », comment il fonctionne lui-même. Les 5 voyages symboliques,
sont les allégories des 5 capacités requises pour qu’émerge une conscience individuelle, illustrée comme
une « étoile flamboyante ». On distinguera : les sens, les arts, les sciences, la mémoire, et enfin la
« glorification du travail » ( thème qui nous occupe). Ces 5 capacités sont requises simultanément, et elles
collaborent selon des « chemins » symbolisés par les 5 branches de « l’étoile flamboyante ». Plusieurs de
ces chemins de collaboration n’impliquent en rien la capacité de raison, montrant que la Conscience
individuelle est un état résultant d’un équilibre dynamique et d’une harmonie entre ces capacités requises.
Il s’agit ici d’agir sur l’ensemble de ces capacités, sans les réduire à la seule raison. Nous portons
singulièrement notre attention sur cette capacité de « glorification du travail », que nous présenterons
comme une capacité de « discernement ». Par cette capacité, le maçon et singulièrement le compagnon,
doit savoir discerner le moment où la construction est achevée, le moment où le travail doit s’arrêter. Le
moment où il est temps de présenter son « chef-d’œuvre ». S’il est parfois nécessaire de « remettre cent
fois l’ouvrage sur le métier », il est indispensable que cet ouvrage soit enfin livré à sa destinée. Au
deuxième degré, et quelque soit le niveau auquel il travaille, le maçon doit comprendre comment fonctionne
l’être sur lequel il travaille et il doit savoir le placer dans une perspective contextuelle. Le parachèvement de
cette perspective, sera le travail du 3ème degré de la méthode ; un travail d’exaltation et de transmission.
Cette mise en perspective se fonde sur la (re)connaissance de « l’intention », du « dessein », manifestés
par l’être « compris », au niveau duquel on travaille. D’une manière générale, l’être étudié est considéré
comme un système relationnel, dont il convient de cerner les aspects ontologiques (ce qu’il est), mais aussi

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fonctionnels et évolutifs. Comme tout système, la conscience se présente sous le triptyque de l’être, du
faire et du devenir, mais singularité des systèmes conscients, il convient d’examiner leur « intentionnalité »,
car l’état de conscience se manifeste aussi par une volonté particulière. Au grade de Compagnon, où l’être
concerné est la conscience individuelle, celle du maçon lui-même, cette intentionnalité est symbolisée par
le monogramme G, placé au cœur de l’étoile flamboyante. A l’origine il signifiait God (dieu) montrant
l’intentionnalité de l’homme comme une manifestation de la volonté de son dieu créateur. Progressivement
ce monogramme a pris d’autres sens, notamment de Géométrie signifiant que l’intention de l’homme doit
s’inscrire dans le respect de règles de construction (l’Art Royal). De Génération, signifiant que l’intention de
toute conscience est de transmettre ses savoirs et ses connaissances à une postérité. De Gravitation,
signifiant que l’intention de toute conscience, est de collaborer et d’échanger avec son altérité, afin
d’atteindre de plus hauts niveaux de conscience. De Gnose, signifiant que l’intention de toute conscience
est d’élaborer une représentation de soi, de son altérité et de son environnement. Cette représentation
constitue « sa connaissance » qui se révèle comme une prise de conscience intérieure, alors que les
« savoirs » sur lesquels se fondent sa connaissance, pourront lui avoir été enseignés par des tiers. Ainsi la
connaissance s’acquière de soi-même, et en soi-même, en se fondant sur des savoirs transmis.
Dans ce contexte, la « glorification du travail » qui est présentée au Compagnon est l’évocation du moment
où il sera capable de discerner que son travail est achevé et qu’il est temps de le présenter. D’aucuns
utilisent l’expression de « présentation en gloire », d’autres de « présentation magistrale », d’autres encore
de « présentation en majesté », de « présentation solennelle ». Ici nous pourrions dire qu’importe la
manière de présenter son travail, ce qui importe c’est de décider de sa présentation. Ainsi aux notions de
Devoir, Pouvoir, s’ajoute la notion de vouloir, qui est la manifestation d’une volonté, où la décision est prise
en connaissance des causes et des conséquences. Il est important de souligner qu’il s’agit d’une prise de
décision éclairée, car il ne s’agit pas simplement de décider par oui ou par non, car dans ce cas une simple
pièce de monnaie serait suffisante pour décider à pile ou face. Toutefois, en aparté, remarquons que dans
certaines périodes de bouleversements, ce qui semble primer, c’est de décider quelque chose, quitte à le
faire à pile ou face, plutôt que de ne rien faire, mais d’aucuns diront qu’on peut décider de ne rien faire.
Vaste sujet que celui de la prise de décision en période de crise, et singulièrement l’acceptation de devoir
« déconstruire », avant de « reconstruire », d’accepter la mort de l’obsolète pour que le performant puisse
renaitre.
Des 5 capacités requises pour qu’émerge l’état de conscience, celle symbolisée par la « glorification du
travail », signifiant d’une capacité de « discernement » est singulièrement celle qui caractérise « l’esprit ».
Les 4 autres pourront se retrouver chez des animaux, voire des machines, mais l’esprit requière cette
capacité supérieure de « discernement ». Notre humanité, au delà de notre animalité, repose
essentiellement sur notre capacité de discernement. Perdre ce discernement serait perdre notre humanité.
A ce stade de notre raisonnement, dans une analyse profane, nous devrions nous attacher à mieux
entendre cette capacité systémique de discernement. Classiquement nous devrions l’envisager sous le
triple point de vue de ce qu’elle est, fait et devient. Mais comme maçon, ce qui nous importe au 2° de la
méthode, et au 2ème grade de compagnon, c’est de comprendre (de prendre ensemble) cette capacité
comme constitutive et partie intégrante de l’esprit. Ce qui nous importe ici, ce n’est pas tant ce qu’est le
discernement, mais comment il agit et régit l’esprit. Si ce dernier est symbolisé par « l’étoile flamboyante »,
on pourra dire que le « discernement » est le régulateur du flamboiement, un régulateur animé par une
intention, une volonté particulière. Nous pourrions améliorer notre connaissance (représentation) de cette
capacité systémique, en examinant tous les savoirs disponibles, mais même à la considérer ici comme une
« boite noire » ce qu’il nous faut comprendre, c’est ce qui lui est nécessaire pour opérer, ainsi que ce qui
peut la favoriser, ou lui nuire. Nous voilà donc conduit à nous interroger sur les fondements de
« l’intention », d’une « volonté particulière ». D’emblée cela nous conduit à distinguer ce « régulateur »
dans un contexte normalisateur, sinon moralisateur, où l’intention de l’esprit ne serait que la volonté de se
maintenir dans une « normalité », pour être conforme à des valeurs partagées. Nous voilà conduit à nous
interroger sur nos « degrés de liberté » dans l’ajustement des valeurs agissant sur notre capacité de
discernement. Singulière image d’un esprit qui se croit libre alors qu’il serait conditionné, voire inféodé, par
son milieu. Mais que sait-il de son milieu, et quelle connaissance en a-t’il, car ce n’est pas parce que l’on a
une vue limitée des choses, que ces choses se limitent à cette vue.
En conclusion, après avoir compris au grade de compagnon, l’allégorie de « l’étoile flamboyante »,
signifiante de « l’esprit », nous verrons au 3° degré de la méthode ce qu’il y a lieu d’exalter et de
transmettre au grade de maitre. Nous verrons par l’allégorie des « 5 points parfaits de la Maitrise », quelles
sont ces points que l’on doit « relever » chez le compagnon pour qu’il puisse devenir maitre. Ils seront en
rapport avec l’allégorie de « glorification du travail ». Enfin, nous discernerons des « niveaux de vertu » car
l’humain se situe dans différents plans d’existence, sans que l’humanité ne puisse se réduire au seul
individu humain.
J’ai dit
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