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LA BOITE A MERVEILLES
Introduction
1-1 Définition
Conclusion
INTRODUCTION
Sous la colonisation française des trois pays du Maghreb dont le Maroc fait partie, on a vu
naître une littérature maghrébine d'expression française. Cette littérature était aussi diverse,
variée et quantitativement grande que son homologue arabe. Et comme l'écriture de soi a été
de tout temps la forme la plus favorisée des écrivains lors de l'écriture de leurs premières
œuvres, question de se définir à soi et au yeux de l'autre, le lectorat, la boite à merveille,
roman autobiographique, a vu le jour sous la plume de son écrivain maghrébin, marocain de
nationalité et de culture, Ahmed Sefrioui. Ledit roman autobiographique fut longtemps
considéré comme le premier roman en langue française avant que le récit Mosaïques
ternies d'Abdelkader chatt, publié en 1932, ne soit réhabilité comme tel.
Dans le cas du Maroc, l'apparition de l'autobiographie dans la littérature maghrébine
d'expression française s'est vu naître avec la publication de l'œuvre d'Ahmed Sefrioui : La
boite à merveilles. Cette forme d'écriture, qui n'a été présente que dans la littérature
occidentale jusqu'alors, se voit assurer un processus cathartique dans une littérature où
l'épanchement, l'introspection, l'écriture de ses tréfonds reste à peu près mal perçue de par le
conservatisme sociétal caractéristique de cette écriture fraîchement naissante. Etant la
première œuvre à consonance autobiographique d'Ahmed Sefrioui, La boite à merveilles,
roman ethnographique, constitue un témoignage authentique des particularités identitaires
marocaines en langue française à l'époque du protectorat. Laquelle langue est venu se joindre
au trilinguisme existant : arabe marocain/ amazigh/hassani, créant ainsi un multilinguisme
enrichissant de par la charge sémantique et culturelle dont la langue française est véhicule.
Etant donné que l'écriture autobiographique est une écriture de soi, un ''soi'' avec, entre
autre, une culture exprimant les différents caractères du narrateur-protagoniste, le ''je'' dudit
narrateur va nous mettre d'emblée devant nombre de problématique dont on étudiera deux
dans le présent mémoire, et aux premiers rangs desquelles figure la différenciation entre le
''je'' du narrateur adulte et du narrateur enfant, Sidi Mohamed. Concrètement, quand est ce
qu'on pourrait dire, en lisant le roman, que c'est le narrateur adulte ou enfant qui produit
l'énoncé. Il va sans dire que l'auteur est distinct du narrateur- personnage principal vu que de
roman autobiographique qu'il s'agit. Aussi, avons-nous le dessein de relever le caractère ''carte
postal'' du roman tout en l'ancrant dans son contexte.
Ce caractère ''carte postal'' du roman, raconté par un narrateur-personnage ne pourrait
qu'alimenter richement le présent mémoire et crédibiliser le récit en lui conférant une véracité
vérifiable. Car dans cette œuvre, le narrateur- personnage principal, fait la description
culturelle de la société marocaine d’où le caractère ''carte postal'' nous parait justifiable. Ledit
caractère va être acheminé de façon à ce qu'il mette en avant les particularités de l'écriture
autobiographique dans la boite à merveilles.
C'est du fait de l'insuffisance des études se rapportant à l'écriture autobiographique dans
ce roman, que nous avons décidé de se pencher sur cette thématique, d'en faire notre sujet de
mémoire, afin de montrer le respect ou le non-respect du pacte autobiographique sous-
tendant cette œuvre.
Notre travail se déclinera en deux parties : La première en est théorique et ou, disons-
nous, allons essayer de présenter l'œuvre d'Ahmed Sefriou en mettant l'accent sur son
paratexte, son contexte : Ce serait une étude théorique. La deuxième partie est pratique dans la
mesure où l'on va approcher la construction de l'œuvre susmentionnée, autobiographiquement
parlant, afin de faire ressortir le ''je'' du narrateur enfant, tout en faisant le distinguo avec le ''
je'' du narrateur adulte.
Nous allons clore, en conclusion, notre sujet avec une réflexion sur l'apport de l'écriture
autobiographique à la littérature marocaine d'expression française ainsi que, ce qui peut
constituer un inconvénient problématique dont les dimensions est à reconsidérer, selon nous,
afin de garantir une écriture de ''soi'' aussi passionnante que représentative d'un ''soi'' référant
parfois à la collectivité.
Première partie :
PREMIER CHAPITRE :
La littérature maghrébine d'expression française
1-1 Définition
La littérature maghrébine d'expression française est une production littérature née
principalement vers les années 1945-1954 dans les pays du Maghreb : le Maroc, l’Algérie et
la Tunisie. Les auteurs de cette littérature sont des aborigènes, c'est-à-dire des littérateurs
originaires desdits pays. La littérature maghrébine d'expression française va devenir une
forme d’expression reconnue après la seconde guerre mondiale.
C'est donc, une littérature appartenant à la grande famille de la littérature francophone qui
couvre des espaces géographique très diversifiés, et culturellement parlant, très variés :
l'Océanie, Les île de Haïti, Les île de la Martinique, l'Afrique subsaharienne, une partie du
Moyen Orient, etc.
Pour ne parler que de la littérature maghrébine d'expression française, elle a été le point
de confluence de la charge sémantique et culturelle véhiculé par la langue Moliéresque, et du
legs culturelle prédominant dans les sociétés maghrébines conservatrices. C'est le lieu de
rencontre de deux mondes : le monde maghrébin riche de ses diversités culturelles et le
monde de la langue française et de la culture dont elle est vectrice.
En effet, c'est au lendemain de la deuxième guerre mondiale que des écrivains marocains,
algériens et tunisiens ont écrit des romans en langue française où ils ont parlé des coutumes
et traditions de leurs sociétés respectives, des souffrances de leurs peuples écrasés par la
colonisation, de leur vie d'être humains sujets à des traitements, parfois, inhumains.
Aujourd’hui, l’antagonisme langue arabe / langue française, pour réfléchir et écrire les
conflits identitaires et la crainte de la dépossession de soi, ne sont plus des thèmes dans l’air
du temps. Il y a une propension vers une écriture plus réaliste et linéaire de nouveau. Et la
''première'' génération d’écrivains marocains d’expression française se trouve enrichie par
l’apparition de nouveaux jeunes écrivains comme par exemple, Youssouf Amine El Alami
avec Un Marocain à New-York ou Fouad Laroui avec Les Dents du Topographe.
La littérature maghrébine d'expression française, c’est peut-être aussi, ces jeunes talents
qui éclosent sur la terre d’accueil que ce soit en France, en Belgique, en suisse ou ailleurs.
Ainsi, des littérateurs originaires du Maghreb, nés ou installés depuis leurs tendre enfance sur
la terre française, écrivent leurs parcours en langue française et souligne les rapports, à la fois
passionnels et ambigus au sol d’accueil et sa langue.
À mesure que le présent de l'énonciation prend le pas sur le récit au passé et néglige sa
dimension rétrospective, on se rapproche de genres distincts de l'autobiographie au sens strict
du terme : soit de l'autoportrait, défini précisément comme un parcours au présent de
l'écriture, au fil duquel l'individu, qui revient sur lui-même, s'efforce de saisir les traits
généraux de sa personnalité, soit du journal intime qui ne fait, à la limite, que traiter du
présent de l'énonciation, présent qui se déplace de jour en jour, sans chercher à synthétiser la
signification de l'existence.
Les textes autobiographiques traitent soit de toute la vie d'un écrivain soit d'une partie de
celle-ci. Cet ancrage se fait selon l'importance des faits à relater. On peut, à la lumière de cette
différentiation, distinguer entre deux types d'autobiographie :
L'autobiographie diachronique :
Ce type d'autobiographie met en scène une partie importante du parcours d'une personne.
Les différentes étapes que recouvre le récit se présentent comme des lieux communs
de l'autobiographie diachronique ; des topos. La descendance, la naissance, l'enfance,
l'adolescence et l'âge adulte sont des phases – ou du moins quelques-unes parmi elles – quasi
incontournables pour tout récit rétrospectif d'une personne qui met l'accent sur sa vie
personnelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité. Les auteurs retiennent un
événement significatif qui a marqué leur vie pour le mettre en avant soit au début du texte,
soit au liminaire.
Certes, la naissance ne peut être racontée que par le biais d'une tierce personne comme le
parent du narrateur-personnage. Dans le cas contraire, elle devient l’objet de fantasme ou un
élément obsessionnel susceptible de prendre des dimensions variables.
L'autobiographie synchronique :
Le terme synchronie suggère une coupure paradigmatique qui circonscrit une expérience
vécue dans un laps de temps. Vincent de Gaulejac parle de "tournant d'une vie interprété
comme un changement de direction, soit que l'individu se démarque d'une destinée qui
semblait toute tracée, soit que le destin lui-même se charge de bouleverser le cours de la vie".
Dans cet extrait de l'incipit, qui constitue le pacte autobiographique, l'auteur met
l'accent sur sa propre expérience avec la solitude, à l'âge de six ans. Il est question d'une
reproduction des faits qui ont marqué la vie de l'auteur. Le récit raconte, en effet, les
moments de sa solitude.
Ce type d'autobiographie, dit synchronique, ne répond pas à un projet conçu au préalable.
Il est la conséquence d'une conjoncture de faits endurés d’une manière inopinée. Ce processus
de mue constitue le déclic qui engendre le besoin de se dire afin de rendre compte d'une
période qui a bouleversé la vie de l'auteur. Nous sommes, ainsi, loin des récits
autobiographiques qui cherchent à "élaborer le mythe personnel" et encore à "mettre l’accent
sur la genèse de la personnalité". Le récit marque une rupture avec le passé généalogique. Il
est centré davantage sur une expérience vécue tardivement et son impact sur le devenir de
l'auteur.
2-3 L'autobiographie dans la littérature maghrébine d'expression
française :
On a beaucoup spéculé sur le nom à donner à cette littérature essentiellement naissante
dans l'époque du colonialisme des trois pays maghrébins susmentionnés. C'est ainsi qu'on
parle de littérature maghrébine d'expression ou de graphie française, de littérature
francophone ou française du Maghreb... La référence géographique, le Maghreb ou la
maghrébinité, peut être spécifiée en Maroc-marocanité, Algérie-algérianité ou Tunisie-
tunisianité. Dans tous les cas, on notera qu'aucun vocable n'articule la référence arabe qui, ne
l'oublions pas, est constante dans la plupart des discours, y compris ceux des écrivains
"francophones" eux-mêmes[1] . Dénomination problématique et "oubli" d'une dimension au
moment où s'ouvre, de nouveau, un débat international sur la francophonie.
Pour ne pas enfermer davantage la lecture de cette littérature dans une identité
nationaliste, est-elle française ? arabe ? berbère ?..., il nous semble plus important et, par
conséquent, plus urgent d'ouvrir cette lecture sur la genèse et mutation de l'autobiographie
dans la littérature maghrébine francophone.
Les écrivains marocains de langue française ont composé pour l'essentiel des récits à
caractère autobiographique. Cette dominance, qui est une caractéristique principale de la
littérature marocaine, parait paradoxale et soulève d'autres interrogations se rapportant à l'acte
d'écrire et la langue support d'écriture.
Le projet autobiographique repose sur une identité du narrateur et de l'auteur ainsi que le
personnage principal, identité que nous avons détaillée dans le liminaire et dans laquelle il y a
lieu de distinguer lesdites trois instances la constituant. D'abord, L’auteur doit s'affirmer en
tant qu'être autonome, indépendant, libre et responsable de sa propre vie.
Dans l'autobiographie des littérateurs maghrébins s'exprimant en français, le sujet au
centre de l'écriture est le ''Je'' qui parle de son ''Moi''. Lequel ''Moi'' est valorisé parce que
conscient de son identité comme différente des autres. Le ''Je'' représente à la fois l'auteur, le
narrateur et le héros, celui qui écrit et celui dont il s'agit, un être ayant une existence
historique. Pourtant, au Maroc, société traditionnelle où la religion occupe une place
prégnante. Le ''Moi'' est haïssable comme le postulat pascalien l'affirme, Un ''Je'' on ne peut
plus détestable voire même exécrable. L'individu n'y est envisagé que dans le cadre de son
dépendance vis-à-vis du groupe. C'est un être soudé à une communauté. Celle-ci est elle-
même soumise à dieu et aux autorités politico-religieuses. En conséquence, la notion
d'individualité présente dans les autobiographies marocaines relève d'une conception de la
société étrangère au Maroc.
L'écrivain marocain visait en priorité le colon, destinataire lettré pour qui, ni l'acquisition
du livre, ni l'accès à l'écrit ne constituaient des difficultés majeures. Il était aussi naturel que la
langue d'écriture ait été celle du colonisateur. Le français était la langue séduisante du
modernisme, le moyen aussi à travers lequel il était possible de marquer sa différence et sa
révolte contre la domination de l'envahisseur. Et c'est pourquoi les premiers récits, en partant
du vécu personnel et du parcours de vie, se sont focalisés sur la description introspective des
mœurs locales de façon à singulariser et souligner les différences de la société autochtone, et à
dénoncer les tentatives réitérées de l'assimiler, annihiler les marques la distinguant, enfin ;
l'acculturer.
Les écrivains maghrébins d'expression française utilisent le français comme langue
d'écriture, d'abord, la langue arabe étant ''marginalisée'', l'écrivain n'avait pas d'autres
alternatives. Le français était la langue acquise à l'école et qu'il maîtrisait mieux. C’était aussi
la langue de l'autre. Laquelle langue constitue un système de signes linguistiques à travers
lesquels il était possible de dialoguer avec l'altérité colonisatrice et de lui signifier une
inclination maghrébine nationaliste ; le rejet. Ensuite, l'arabe n'autorisait pas l'expression libre
du ''Moi'' et ce discours nouveau dans lequel le sujet ''Je'' parlait de son propre être et donnait
sa vision du monde à travers le regard qu'il portait sur les siens.
Alors, comment Sefrioui organise-t-il la présence de ce ''Je'' dans son roman qui porte
essentiellement sur le ''nous'', sur les mœurs, la tradition et la vie de la société authentique
dont il est issu ? Comment cet écrivain avait su respecter un pacte autobiographique sous-
tendant une œuvre romanesque dont l'instance ''Je'' est chargée de voix aussi pléthorique que
stratifiées ?
Deuxième partie :
Présentation de l'œuvre
La boîte à merveilles et de son
auteur Ahmed Sefrioui
TROISIEME CHAPITRE :
Présentation du roman autobiographique
La boîte à merveilles
1.1 L'acte énonciatif dans La boite à Merveille
En linguistique, L'énoncé englobe à la fois la forme et le contenu de ce qui est dit, tandis
que L'énonciation désigne l'acte de produire un énoncé. Cet acte a toujours lieu dans une
situation particulière que l'on dénomme la situation d'énonciation : elle englobe le locuteur,
l'interlocuteur, les circonstances (de temps, de lieu, etc.) dans lesquelles est émis l'énoncé.
L'idée qui préside à ces considérations linguistiques est que l'énoncé n'est pas seulement
un message, mais un acte accompli par un locuteur pour déclencher une réaction de
l'interlocuteur. Ainsi, l'inscription sur un mur des mots « à six heures », peut aussi bien
signifier une déclaration de guerre qu'un rendez-vous amoureux ; il peut s'agir du matin ou de
l'après-midi, d'un moment passé (je t'avais dit six heures !) ou à venir… tout dépend de la
situation d'énonciation.
C'est dans les ruelles de la ville de Fès qu'Ahmed Sefrioui tisse la diégèse de son roman
La boîte à Merveille, un témoignage de visu, authentique, de la réalité marocaine dans les
années 20 à travers le regard d'un enfant de six ans. Quoiqu'il y ait immixtion du ''Je'' adulte
au début de l'œuvre dont le propos est cité exhaustivement ci-dessous, le regard enfantin
domine et s'exprime par un écolier de six ans.
En lisant l'œuvre d'Ahmed Sefrioui, force est de constater un ''Je'' biface, versatile. En effet,
dans l'incipit ouvrant ce roman autobiographique, l'on distingue un narrateur adulte posant un
regard de grande personne sur l'enfant de six ans qu'il était. Ici, la valeur du présent permet
une actualisation dans le temps. Dans le premier pan de cet incipit, c'est Ahmed Sefrioui,
l'auteur adulte, qui semble produire l'énoncé :
«Le soir, quand tous dorment, les riches dans leurs chaudes couverture, les pauvre sur les
marches des boutiques ou sous les porches des palais, moi, je ne dors pas. Je songe à ma
solitude et j'en sens tout le poids. Ma solitude ne date pas d'hier. Je vois au fond d'une impasse
que le soleil ne visite jamais, un petit garçon de six ans, dresser un piège pour attraper un
moineau mais le moineau ne vient pas. Il désire tant ce moineau ! Il ne le mangera pas, il ne le
martyrisera pas. Il veut en faire son compagnon. Les pieds nus, sur la terre humide, il court
jusqu'au bout de la ruelle pour voir passer les ânes et revient s'asseoir sur le pas de la maison
et attendre l'arrivée du moineau qui ne vient pas. Le soir, il rentre le cœur gros et les yeux
rougis, balançant au bout de son petit bras, un piège en fil de cuivre.»
A partir de « Nous habitions Dar Chouafa, la maison de la voyante…», s'opère le retour
du narrateur-enfant, et c'est à travers son regard que le récit est d'ores et déjà perçu.
Comme nous avons déjà soulevé, dans le roman autobiographique qu'est La boîte à
Merveille, une autobiographie dans un roman, l'auteur s'apparente grandement au narrateur.
Lequel narrateur ne devrait pas être amalgamé pour autant avec l'auteur, comme la nouvelle
critique le veut. Ce dernier pourrait lui-même se voir dissocié du personnage principal comme
Philipe Lejeune affirme dans son œuvre le pacte autobiographique.
Donc, l'identité du narrateur et du personnage principal que suppose l'autobiographie se
voit protubérante le plus souvent par l'emploi de la première personne. C'est ce que Gérard
Genette appelle la narration autodiégétique dans sa liste classificatoire des voix du récit.
Dans le cas de La boîte à Merveille, il y a présence prépondérante de la première
personne d’où le caractère autobiographique est indéniablement justifié. Le narrateur, Sidi
Mohammed, enfant âgé de six ans, nous plonge dans son univers, essentiellement onirique, à
travers un ''Je'' vraisemblable, et ce, de par la véracité des noms des lieux '' Bab Jiaf, Quartier
Kalkliyne, Zankat Hajama'' ainsi que le bain maure, autant de lieux renvoyant à Fès, sa ville
natale, la ville du récit.
Comme les lettres des mots constituant ce mémoire ont avancé précédemment, nous
relevons qu'il y ait un regard adulte posé sur un parcours de vie enfantin. En effet, l'auteur
adulte pose un regard sur l'enfant jeune qu'il était. La question est de savoir si le ''moi adulte''
ne transforme pas les faits. Autrement dit, Comment peut-on écrire un passé sans le
considérer selon un prisme de l'âge adulte ?
Nombreuses sont les passages expliquant notre adhésion quant au caractère ''carte postal''
dudit roman, nous pourront corroborer notre postulat par nombre d'extraits mettant en exergue
une volonté claire et nette de peindre la société marocaine, de façon à créer un certain
exotisme, et au premier rang desquels la scène du bain maure susmentionnée, ajoutons à cela,
les préparations à l'Achoura, le nec plus ultra de la gastronomie marocaine tel le couscous, le
tadeffi, le beignet marocain, les pieds de mouton aux pois chiches sont aussi joliment
présentés.
En 1928, il est boursier à l'école primaire supérieure de Tizi-Ouzou. En 1932, il est reçu
au concours d'entrée de l'école normale de Bouzaréah Alger (actuelle école normale
supérieure de lettres et sciences humaines). Il y fait la connaissance d'Emmanuel Roblès. En
1935, il est nommé instituteur à Tizi-Hibel où il épouse sa cousine Dehbia dont il aura 7
enfants. En 1946, il est muté à Taourirt-Moussa. En 1952, il est nommé directeur du cours
complémentaire de Fort-National. En 1957, nommé directeur de l'école Nador de Clos-
Salembier, il quitte la Kabylie pour les hauteurs d'Alger.
En 1960, il est inspecteur des centres sociaux (créés sur l'initiative de Germaine Tillion) à
Château-Royal près de Ben-Aknoun. Avec cinq de ses collègues, dont l'inspecteur d'académie
Max Marchand, c'est là qu'il est assassiné par l'organisation armée secrète française le 15 mars
1962.
Compatriote d'Ahmed Sefrioui, Driss Chraïbi est né en 1926 à Mazagan El-jadida. Après
des études secondaires à Casablanca, il a fait des études de chimie en France où il s’installe en
1945. Il fait tous les métiers avant de devenir ingénieur. La parution de Passé simple, en 1954,
est très bien accueillie par la critique française, mais beaucoup moins par les intellectuels
marocains qui l’accusent de trahir son pays natal par ses critiques acerbes de la société
traditionnelle. Il a fallu attendre que la revue Souffle lui consacre son premier numéro, en
1967, pour qu’il soit réhabilité auprès d’une intelligentsia qui avait moins pour préoccupation
de combattre un Occident envahissant, que de lutter contre le conservatisme étouffant d’un
despotisme en train de s’installer.
Driss Chraïbi fait ensuite une brillante carrière d’écrivain, et écrit une quinzaine de livres.
Plusieurs de ses dernières œuvres sont des romans policiers. Avec le temps, l’enfant terrible
de la littérature marocaine se fait moins féroce, mais plus ironique sur les travers de la société.
Il écrit des romans historiques qui le rapprochent du Maroc, mais garde son humour féroce
pour une série de roman policier plutôt loufoque dont le personnage central est l’inspecteur
Ali. Si avec l’âge Driss Chraïbi avait perdu de sa rage, il avait conservé sa pleine liberté de
ton.
Une autre spécificité des textes du défunt auteur réside dans le fait que Sefrioui nous
invite à entrevoir leur profondeur symbolique qui apparaît réelle et vraie. L'univers de l'auteur
est jalonné de portes ouvertes sur l'invisible et l’éternel.
L'écriture d'Ahmed Sefrioui est à la fois un travail sur les formes esthétiques du langage et
sur le message poétique et spirituel, et ce, à travers le même fil conducteur : l'oralité et la
mystique".