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Électrophorèse capillaire

Appareillage
par Myriam TAVERNA
Maître de conférences en chimie analytique
Laboratoire de chimie analytique
Faculté de pharmacie (Châtenay-Malabry)
Isabelle LE POTIER
Maître de conférences en chimie analytique
Laboratoire de chimie analytique
Faculté de pharmacie (Châtenay-Malabry)
et Philippe MORIN
Professeur de chimie analytique
Institut de chimie organique et analytique
Université d’Orléans

1. Structure générale................................................................................... P 3 366 – 2


2. Capillaires de séparation ....................................................................... — 2
3. Modes d’injection .................................................................................... — 2
3.1 Injection hydrodynamique.......................................................................... — 2
3.2 Injection électrocinétique............................................................................ — 3
4. Détecteurs ................................................................................................. — 3
4.1 Détection UV/visible .................................................................................... — 4
4.2 Détection par fluorescence ......................................................................... — 4
4.3 Détection spectrométrique par diminution d’absorbance (détection
indirecte)....................................................................................................... — 4
4.4 Détection par spectrométrie de masse ...................................................... — 5
4.5 Amélioration de la sensibilité ..................................................................... — 6
4.5.1 Empilement d’échantillon .................................................................. — 6
4.5.2 Amplification du champ électrique à l’injection............................... — 7
Références bibliographiques ......................................................................... — 7

’électrophorèse capillaire est une technique très performante combinant la


L plupart des avantages de l’électrophorèse traditionnelle et de la chromato-
graphie liquide haute performance : large champ d’application, efficacité très
importante, grande rapidité et souplesse incontestable de mise en œuvre. La
plupart des appareils commercialisés bénéficie d’une complète automatisation
permettant à la fois l’injection de l’échantillon, la séparation des analytes ainsi
que leur détection. C’est une technique compatible avec de nombreux modes de
détection, dont les plus courants sont la spectrophotométrie d’absorption UV-
visible, la fluorimétrie et la spectrométrie de masse.

Ceci est le deuxième volet de l’étude sur l’électrophorèse capillaire qui comprend :
[P 3 365] : Électrophorèse capillaire. Principe ;
[P 3 366] : Électrophorèse capillaire. Appareillage ;
[P 3 367] : Électrophorèse capillaire. Applications.
Pour un exposé sur la théorie générale de l’électrophorèse capillaire, le lecteur pourra consul-
ter l’article [P 1 815], référence [4], dans ce traité.

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ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE ___________________________________________________________________________________________________________

1. Structure générale Système d'acquisition informatique

L’électrophorèse capillaire est une méthode d’analyse désormais Capillaire


reconnue en raison de ses qualités intrinsèques (efficacité de pic
comprise généralement entre 100 et 400 000 plateaux théoriques,
résolution élevée, simplicité de la composition du tampon électro- Détection UV
phorétique, conditionnement aisé du capillaire, rapidité et automati-
sation des séparations, faible consommation d’échantillons et de Générateur
tampons en général dénués de solvants organiques, utilisation pos- HT
sible de nombreux détecteurs-spectrométrie d’absorbance UV, fluo-
Électrodes
rimétrie, conductométrie et couplage avec la spectrométrie de
masse). Elle est d’autre part complémentaire des autres techniques Tampon
séparatives (en particulier chromatographiques), ce qui permet de électrophorétique
valider des méthodes de façon croisée.
a schéma
Un appareil d’électrophorèse capillaire comprend le capillaire de
séparation, les deux électrodes, le générateur haute tension, les sys-
tèmes d’injection et de détection (figure 1). Le capillaire de sépa-
ration a une longueur importante (20 à 100 cm) et un diamètre faible
(50 ou 75 µm). Les deux extrémités du capillaire sont plongées dans
des récipients contenant des tampons ioniques. L’anode et la
cathode sont en platine et reliées à une alimentation haute tension
permettant de délivrer des tensions positives ou négatives allant
jusqu’à 30 kV. Selon les séparations, l’injection a lieu du côté anodi-
que ou du côté cathodique. La détection s’effectue au travers du
capillaire et à quelques centimètres de l’extrémité terminale du capil-
laire pour les détections les plus courantes (spectrométrie d’absor-
bance UV-visible et fluorimétrie) ou à l’extrémité du capillaire lors du
couplage avec la spectrométrie de masse. L’acquisition et le traite-
ment des données du détecteur (réponse en fonction du temps de
migration) se fait de manière similaire à la chromatographie en
b appareil d'électrophorèse capillaire (MDQ, Beckman-Coulter)
phase liquide. Le signal du détecteur enregistré en fonction du temps
s’appelle un électrophérogramme. Les appareils sont en général
équipés de systèmes de thermorégulation pour permettre de contrô- Figure 1 – Schéma et appareil d’électrophorèse capillaire
ler la température et dissiper la chaleur produite par effet Joule.

3.1 Injection hydrodynamique


2. Capillaires de séparation
Ce mode d’injection consiste à créer, pendant une durée de quel-
Le capillaire de séparation est constitué d’un tube généralement ques secondes, une différence de pression entre les deux extrémités
en silice fondue, matériau transparent aux UV et stable dans le du capillaire, soit en créant une surpression au niveau du flacon de
domaine de pH allant de 2 à 11. Ce tube est recouvert extérieurement l’échantillon, qui le propulse alors à l’intérieur du capillaire, soit en
d’une gaine de polyimide pour le rendre moins fragile lors de son générant une dépression au niveau de l’extrémité terminale du
maniement. Ses dimensions géométriques sont comprises entre 50 capillaire provoquant une aspiration de l’échantillon présent à
et 100 µm pour le diamètre interne et de 10 à 100 cm pour la lon- l’autre extrémité (figure 2). Le volume d’échantillon injecté dépend
gueur. La paroi interne du capillaire est constituée de silice vierge de plusieurs paramètres (différence de pression appliquée, temps
comportant des groupements silanols, qui génèrent un écoulement d’injection, viscosité de l’échantillon, longueur et diamètre du capil-
électroosmotique cathodique. La sensibilité de détection peut être laire).
améliorée par l’utilisation d’une cellule en Z, de trajet optique 3 mm.
Ce volume peut être calculé grâce à l’équation de Poiseuille :
Toutefois, si l’augmentation du trajet optique est environ d’un fac-
teur 40, la sensibilité n’est améliorée que d’un facteur 5 à 20 en rai- V0 = (∆p0πφ4t0)/(128ηLT)
son de l’augmentation concomitante du bruit de fond. D’autres
types de capillaires présentant des cellules en bulles ou encore des avec ∆p0 différence de pression (dyne/cm2),
capillaires de type rectangulaire (afin d’augmenter la sensibilité de
φ diamètre du capillaire (cm),
détection) ont été décrits dans la littérature.
t0 temps d’injection de l’échantillon (s),
η viscosité de l’échantillon (poise),

3. Modes d’injection LT longueur totale du capillaire (cm),


V0 volume injecté (cm3).
En raison des dimensions mêmes du capillaire et des faibles volu- Dans les conditions usuelles d’injection (t0 de 1 à 10 s , ∆p0 de 25
mes injectés (quelques nanolitres), il n’est pas possible d’employer à 100 mbar), le volume injecté sera de l’ordre de 1 à 10 nL.
les méthodes classiquement utilisées en chromatographie pour La quantité injectée Qi (exprimée en moles) du composé i est
l’injection des échantillons. Sur la majorité des appareils commer- égale à :
ciaux, deux modes d’introduction de l’échantillon dans le capillaire
sont proposés : l’injection hydrodynamique et l’injection électro- Qi = V0Ci = (∆p0πφ4t0)Ci /(128ηLT)
cinétique. L’extrémité d’entrée du capillaire est plongée dans le fla-
con contenant l’échantillon durant l’injection. avec Ci concentration du composé i (mg/cm3).

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Surpression

Échantillon Échantillon

a par surpression

Figure 3 – Mode d’injection électrocinétique


Vide

quantité injectée de soluté i(Qi) est déterminée par la relation


suivante :
Échantillon 2
( m eo + m epi )πr C i Vt 0
Q i = -----------------------------------------------------------
-
b par dépression
LT

avec mepi mobilité électrophorétique de l’espèce i


(cm2/V/s),
meo mobilité du flux électroosmotique (cm2/V/s),
V tension appliquée (V/cm),
t0 temps d’application de la tension (s),
Échantillon Ci concentration du soluté i (mg/cm3),
r rayon du capillaire (cm),
LT longueur totale du capillaire (cm).
Ce mode d’injection est discriminant car la quantité de soluté
c par gravité
injecté ne dépend pas uniquement de sa concentration dans
l’échantillon mais aussi de sa mobilité électrophorétique. Ainsi, les
Figure 2 – Différents modes d’injection hydrodynamique espèces seront introduites dans le capillaire en proportions d’autant
plus importantes que leurs mobilités électrophorétiques seront éle-
L’injection hydrodynamique est actuellement la plus utilisée et la vées. Les différents constituants de l’échantillon sont donc injectés
plus reproductible car elle est simple à mettre en œuvre et s’appli- dans une composition différente de celle du mélange à étudier.
que à tous les composés neutres ou ioniques d’un échantillon. Elle D’autre part, la quantité de soluté injecté dépend de la conductivité
permet l’injection de l’échantillon sans modification de composition de l’échantillon. Ce biais électrocinétique induit des erreurs systé-
et est, de plus, indépendante de la conductivité des échantillons. matiques lors d’une analyse quantitative. En dépit de ces limitations
quantitatives, ce mode d’injection est très simple, ne requiert
Un autre type d’injection hydrodynamique moins commun est aucune modification d’appareillage, est plus sensible que l’injection
l’injection par gravité, réalisée en surélevant pendant quelques hydrodynamique et demeure indispensable, en particulier lorsque
secondes le flacon contenant l’échantillon d’une certaine dénivella- les échantillons sont très visqueux, lorsque le capillaire est rempli
tion h0 (5 à 20 cm) par rapport au flacon d’électrolyte disposé à de gel (ECG) ou en électrochromatographie (cf. [P 3 365]).
l’extrémité terminale du capillaire. La différence de pression ∆p0 (Pa)
est alors définie par l’expression suivante : Après cette étape d’injection, les deux extrémités du capillaire
sont plongées dans deux flacons contenant le tampon électrophoré-
∆p0 = ρg∆h0 tique et la tension de séparation est appliquée durant la séparation
avec ρ masse volumique de l’échantillon (kg · m−3), électrophorétique.
g accélération due à la pesanteur (N.kg−1),
∆h0 différence de hauteur entre les niveaux de liquides
dans les flacons d’échantillon et d’électrolyte
disposés à l’extrémité du capillaire (m).
4. Détecteurs
Lors d’une injection hydrodynamique, le volume injecté est forte-
ment dépendant de la viscosité et, donc, de la température de Les détecteurs utilisés en électrophorèse capillaire doivent répon-
l’échantillon. Ce paramètre doit être contrôlé pour obtenir des résul- dre à plusieurs exigences, la plus importante étant la haute sensibi-
tats reproductibles et des analyses quantitatives fiables. Ainsi, la vis- lité indispensable pour détecter les faibles quantités d’échantillons
cosité de l’eau diminue de 20 % lorsque la température passe de analysés en électrophorèse capillaire. Pour minimiser l’élargisse-
20 ˚C à 30 ˚C. ment de bandes, les volumes d’échantillon injectés doivent rester
inférieurs à 2 % du volume total du capillaire, qui est de l’ordre de 1
à 5 µL pour un capillaire de dimension classique 50 cm × 50 µm. Les
détecteurs doivent également être conçus de manière soit à permet-
3.2 Injection électrocinétique tre la détection directement à partir du capillaire dont une très faible
section va servir de cellule de détection, soit à s’adapter « off-
L’injection électrocinétique est fondée sur l’introduction des solu- column » en maintenant, grâce à des connexions ou interfaces
tés dans le capillaire par application d’une tension pendant un appropriées, la configuration capillaire nécessaire à l’écoulement
temps très court (figure 3). Les solutés migrent dans le capillaire des flux. Les modes de détection commercialisés sont les spectro-
sous l’effet d’un champ électrique, avec des vitesses de déplace- métries UV/visible à longueur d’onde fixe ou variable, à barrettes
ment qui sont fonction de leurs mobilités électrophorétiques. La de diodes, la fluorescence laser, la spectrométrie de masse.

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Les méthodes de détection indirecte sont également exploitées. De


(0)

façon moins fréquente ont été mentionnées dans la littérature la Tableau 1 – Exemples de quelques agents de dérivation
détection ampérométrique, conductimétrique et radiométrique. fréquemment utilisés en électrophorèse capillaire pour la
Si les concentrations minimales détectables en EC sont souvent détection par fluorescence ou fluorescence induite par
plus élevées qu’en CPL, les quantités minimales détectables sont laser (LIF) [1]
plus faibles, permettant ainsi d’analyser des échantillons disponi-
bles uniquement en faible quantité. Mode de détection
Réactif et limite de Applications
détection (1)
4.1 Détection UV/visible CBQCA LIF 457 nm, 442 nm, Acides aminés, peptides,
488 nm sucres aminés mono et
10 zmol à 200 amol oligosaccharides
Tous les appareils commercialisés possèdent ce mode de détec-
tion. En général, la détection des composés a lieu à travers le capil- FITC 494 nm, 488 nm Acides aminés
laire lui-même, près de l’extrémité de sortie. Le capillaire sert ainsi de 9 zmol à 1 amol
cellule de détection cylindrique dont le trajet optique est environ égal Fluorescamine 280, 365, 390 nm Protéines, peptides, acides
à 60 % du diamètre du capillaire. La couche de polyimide recouvrant 20 fmol aminés
le capillaire, opaque aux rayons UV, est éliminée par combustion sur FMOC 260 nm Acides aminés, amines
une longueur de 1 cm, à quelques centimètres de l’extrémité de sor- 0,2 amol à 0,8 fmol secondaires, ADN,
tie. Plusieurs catégories de lampes UV peuvent être employées : catécholamines
— lampes ayant une bande passante étroite et une intensité NDA 442 nm Acides aminés, protéines,
d’émission forte telles que les lampes de mercure basse pression 0,5 à 70 amol neurotransmetteurs
(254 nm) ;
AP LIF 325 nm Mono et oligosaccharides
— photomètres multilongueurs d’onde à filtres qui se composent
d’une lampe de mercure moyenne pression permettant une bonne OPA 340 nm, LIF 325 nm Acides aminés, protéines
sensibilité à 254, 280, 313 et 335 nm ; 80 amol
— enfin lampes au deutérium ou arc à xénon permettant d’obte- ANTS 325 nm Oligosaccharides
nir une source continue dans l’UV allant de 180 à 380 nm.
APTS 488 nm Mono et oligosaccharides
Les lampes au tungstène souvent ajoutées au système précédent 2 pmol
permettent d’élargir la gamme au domaine visible ; de plus sont
apparus récemment les détecteurs multilongueurs d’onde permet- (1) pmol : picomole (10−12 mole) ; fmol : femtomole (10−15 mole) ; amol :
tant de détecter simultanément, au cours d’une même analyse, attomole (10−18 mole) ; zmol : zeptomole : (10−21 mole)
deux composés possédant des propriétés spectrales très différentes
ainsi que des détecteurs à barrette de diodes permettant un
balayage spectral entre 190 et 380 nm au cours de chaque analyse. La fluorescence émise peut provenir de la fluorescence intrinsè-
que des molécules analysées, comme pour les protéines ou pepti-
Les limites de détection atteintes avec ce mode de détection des dont la fluorescence native provient de la présence des résidus
varient selon les propriétés absorbantes des solutés entre 10−5 tryptophane et qui sont détectés par fluorescence avec des lon-
et 10−6 M, ce qui correspond à des valeurs de l’ordre de 0,1 à gueurs d’onde d’excitation de 280 nm et d’émission de 305 nm.
100 femtomoles injectées (pour un volume d’injection de 10 nL). Cependant, dans la plupart des cas, il est nécessaire de dériver les
molécules. Les fluorophores les plus couramment employés sont
l’o-phtaldialdéhyde (OPA), le 3-(4-carboxybenzoyl)-2-quinoline
carboxaldéhyde (CBQCA), la fluorescéine isothiocyanate (FITC), le
4.2 Détection par fluorescence 9-fluorényl-méthylchloroformate (FMOC), la fluorescamine, le naph-
talène-2,3-dicarboxaldéhyde (NDA), l’acide 8-aminonaphtalène-
La détection par fluorescence constitue la détection la plus sensi- 1,3,6-trisulfonique (ANTS), le 9-aminopyrène-1,4,6-trisulfonate
ble pour l’électrophorèse capillaire. (APTS) ou la 2-aminopyridine (AP). Le tableau 1 présente quelques
agents de dérivations précolonne employés pour ce type de détec-
tion ainsi que quelques-unes de leurs applications.
Les limites de détection se situent entre 10−15 et 10−17 mole
injectée. L’utilisation de la fluorescence induite par laser a per-
mis de repousser les limites de détection qui peuvent atteindre
10−18 à 10−20 mole. 4.3 Détection spectrométrique par
La détection est réalisée directement au sein du capillaire en diminution d’absorbance (détection
envoyant un faisceau de lumière excitatrice et en collectant le fais- indirecte)
ceau de lumière émise perpendiculairement au rayon incident et au
capillaire par des cellules photosensibles telles que des photodio-
des ou un tube photomultiplicateur. Les sources lumineuses utili- La méthode de détection absorptiométrique selon un mode indi-
sées sont de deux types : les lampes ou les lasers. rect est universelle et très utile pour détecter des espèces ioniques
n’absorbant pas ou peu dans le domaine UV. Elle est réalisée sans
Les lampes les plus communément employées sont les lampes au
modification de l’appareillage et son principe repose sur le déplace-
xénon ou au mercure et les lampes à arc « xénon-mercure ».
ment d’une substance ionique du tampon (dénommé le co-ion) par
Les lasers, quant à eux, émettent des lumières monochromatiques ; l’ion analysé et peut être mise en œuvre avec la spectrométrie, mais
les plus communs sont constitués par les sources hélium-cadmium, aussi la fluorimétrie. Lorsque le capillaire est rempli avec le tampon,
qui émettent à 325 et 442 nm, et les sources argon qui peuvent être le détecteur UV étant réglé sur la longueur d’onde d’absorption
adaptées à différentes longueurs d’onde (350, 360, 476, 488 ou maximale du co-ion, un signal d’absorbance élevé est obtenu. Lors
514 nm). Les limites de détection augmentent généralement avec de l’analyse d’ions n’absorbant pas dans le domaine UV, une dimi-
l’inverse de la racine carrée de la puissance des lasers. nution d’absorbance et l’apparition d’un pic négatif seront obser-

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vées chaque fois qu’un ion analysé traversera le faisceau UV. Le


signal du détecteur est ensuite inversé automatiquement afin Haute tension
d’obtenir des pics positifs plus facilement intégrables.
La nature et la concentration du co-ion ont un impact important Capillaire de
sur la performance et la sensibilité de la méthode. Le tampon élec- séparation
trophorétique doit avoir les caractéristiques suivantes :
— le co-ion doit avoir une charge de même signe que celles des
ions analysés ;
— le co-ion du tampon doit posséder un groupement
chromophore ;
— le co-ion du tampon doit avoir une mobilité électrophorétique
Liquide Gaz de
proche de celles des ions analysés afin de minimiser l’élargissement additionnel nébulisation
du pic électrophorétique par dispersion due à l’électromigration ;
— la concentration du co-ion ne doit pas induire une absorbance
du tampon supérieure à la limite du domaine de linéarité du
détecteur ;
— le contre-ion doit assurer un bon pouvoir tampon à Tube en acier
(gaz de nébulisation)
l’électrolyte ;
— enfin, le tampon doit être de faible conductivité afin de minimi- Électrode en acier
ser l’effet Joule dans le capillaire de séparation. (liquide additionnel)
Capillaire de séparation en silice
La relation théorique développée par Ackermans montre que,
dans le cas d’un électrolyte AB (dont le co-ion A absorbe en UV et le
contre-ion B n’absorbe pas), la diminution d’absorbance ∆Ai, obte-
nue pour un ion i analysé, s’écrit : Figure 4 – Interface à débit liquide coaxial

∆Ai = εAlkiCi

avec εA coefficient d’absorptivité molaire de A, 4.4 Détection par spectrométrie de masse


l longueur effective du trajet optique,
Ci concentration de l’ion i, L’utilisation de capillaires de silice et l’existence d’un écoulement
électroosmotique permettent un couplage relativement aisé et en
ki coefficient de réponse de l’ion i. plein développement de l’électrophorèse capillaire avec la spectro-
Ainsi, si la diminution d’absorbance ∆Ai augmente avec le coeffi- métrie de masse. La technique d’ionisation des échantillons la plus
cient d’absorptivité molaire εA du co-ion A, elle demeure indépen- utilisée est l’électronébulisation (ou électrospray) [5] avec une inter-
dante de la concentration de A. La réponse obtenue diffère selon le face à débit liquide coaxial (figure 4). Il est en effet nécessaire
soluté i car elle est fonction du coefficient de réponse ki, qui dépend d’adapter les débits sortant des capillaires d’électrophorèse (1 à
des mobilités absolues des ions i, A et B. 50 nL/min) à ceux compatibles avec les interfaces d’électronébulisa-
tion (5 à 50 µL/min).
Les principaux co-ions utilisés lors de l’analyse des cations ou
anions inorganiques sont explicités dans l’article [P 3 367]. Cette interface est constituée de trois tubes concentriques : l’un,
interne, est le capillaire de séparation ; le second, intermédiaire, en
Lorsqu’un ion analysé traverse le faisceau lumineux, on observe acier inoxydable, joue le rôle d’électrode et permet l’introduction du
une diminution du signal d’absorbance résultant d’un déplacement liquide additionnel ; enfin, le tube externe apporte le gaz de
de charges entre le co-ion et l’ion soluté. En mode indirect, la con- nébulisation. La position relative de l’extrémité du capillaire de
centration limite détectable Clim est donnée par la relation suivante : séparation par rapport à l’électrode est un paramètre très important
pour la stabilité du spray et le rendement d’ionisation. Cette géomé-
Clim = Cco-ion/RD × RT trie d’interface permet d’introduire un liquide additionnel de façon
coaxiale (débit 1 à 5 µL/min) au débit de l’électrophorèse capillaire,
avec Cco-ion concentration du co-ion dans le tampon, et de fermer ainsi le circuit électrique. Toutefois, le contenu du capil-
RD réserve dynamique, laire est dilué par le liquide additionnel induisant une certaine perte
de sensibilité. L’ajout d’un solvant organique (méthanol, isopropa-
RT rapport de transfert. nol) au liquide additionnel permet d’augmenter le rendement
d’électronébulisation en influant sur la tension de surface des gout-
La réserve dynamique RD est égale au rapport de l’absorbance
telettes chargées, facilitant ainsi leur explosion coulombienne.
due au co-ion sur le bruit de fond du détecteur et décrit donc l’apti-
D’autre part, l’addition d’un acide volatil (acide formique, acide acé-
tude à mesurer une petite modification du signal d’absorbance ;
tique) ou d’une base volatile (ammoniaque, triéthylamine) facilite la
selon les conditions expérimentales, ce rapport peut varier de 100 à
protonation ou la déprotonation des gouttelettes d’analytes. En
1 000. Le rapport de transfert RT est défini comme le nombre d’ions
mode d’ionisation positive, les ions formés sont généralement des
chromophores déplacés par un ion analysé. La valeur expérimentale
molécules protonées [ M  H + ] ou des adduits sodium ou ammo-
de RT, qui peut être déduite de l’équation de Kohlrausch, s’écarte de
nium. En mode d’ionisation négative, les ions formés sont générale-
la valeur unité en raison de la différence de mobilité électrophoréti-
ment des molécules déprotonées [ M  H – ] .
que entre le co-ion et l’ion analysé, aussi appelée dispersion par
électromigration. Le domaine de linéarité du détecteur est en géné- La principale limitation du couplage EC-SM concerne la compati-
ral compris entre 2 et 3 ordres de grandeur et est d’autant plus bilité des tampons électrophorétiques avec la source d’électronébu-
grand que la réserve dynamique est élevée. La détection indirecte lisation. Ainsi, les tampons classiques (phosphate, borate) sont
est d’autant plus sensible que le coefficient d’absorptivité du co-ion incompatibles avec ce couplage en ligne, car ils risquent de conta-
est élevé, que sa concentration est faible et que sa mobilité électro- miner la chambre d’ionisation du spectromètre de masse durant
phorétique est proche de celle des ions analysés. l’analyse et d’engendrer une suppression du signal de l’analyte. À

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l’inverse, les tampons volatils, acide acétique-ammoniaque ou acide


formique-ammoniac, sont bien adaptés pour travailler dans des

Absorbance
domaines de pH acide (2,7 à 5,2) ou basique (8,8 à 10,2). D’autre 0,024
part, citons deux tampons intéressants : le tampon acide acétique-
hydrogénocarbonate d’ammonium, dont le domaine de travail est
assez étendu (pH 3,2 à 6,8) et le tampon carbonate d’ammonium-
triéthylamine dans un domaine relativement basique (pH 9,3 à 11,3). dA
Les figures 5 a et 5 b montrent que le couplage EC-SM permet la 0,016
séparation rapide d’un mélange de nucléosides naturels et anti-VIH
sans perte notable de la résolution par rapport à une séparation
A
classique avec une détection UV. En mode d’ionisation positif, les
nucléosides donnent préférentiellement des ions pseudomolé-
culaires de type [ M  H + ] . Afin de diminuer les limites de détection 0,008
ddA
obtenues en EC-SM (0,1 mg/L), l’analyse par EC-SM-SM (ou en 3TC
C
mode tandem) est souvent réalisée. Dans cet exemple, pour détec-
ter les ions produits par fragmentation des nucléosides, le premier
quadripôle est fixé sur les masses des nucléosides protonés et joue
le rôle de filtre. Le deuxième quadripôle est utilisé comme cellule de 0
collision et le troisième quadripôle balaye une gamme de masses 3 4 5
comprises entre 100 et la valeur [ M  H + ] du nucléoside. Les Temps de migration (min)
nucléosides se fragmentent tous de la même façon en perdant leur Capillaire de silice fondue : 37 cm (30 cm)  75 µm
unité sucre pour donner un ion produit correspondant à l’unité base Tampon acide formique-ammoniaque (force ionique : 10 mM, pH 2,5)
protonée. Tension : + 20 kV
Détection UV : 254 nm
Ainsi, les limites de détection obtenues en EC-SM-SM sont de Température : 25 °C
l’ordre de quelques µg · L−1, c’est-à-dire 100 fois inférieures à Injection hydrodynamique : 10 s
celles obtenues en EC-UV. Concentration des solutés : 10 mg · L–1
a par EC – UV
Les applications les plus importantes du couplage EC-SM concer-

Intensité (cps)
nent l’analyse des molécules biologiques et pharmaceutiques. dA

6  105

4.5 Amélioration de la sensibilité ddA A

Les colonnes de faible diamètre utilisées qui expliquent les avan-


4  105
tages de l’EC développés précédemment sont aussi la limitation
principale de cette technique. Bien que la sensibilité en masse soit 3TC
extrêmement élevée en raison des très faibles volumes de détection
inhérents à cette technique, la sensibilité en concentration, en parti-
culier dans le cas de la détection par spectrométrie d’absorbance, C
est en général de l’ordre de 10 à 100 fois moindre qu’en chromato- 2  105
graphie en phase liquide. De plus, le faible trajet optique (50 à
100 µm) induit des limites de détection exprimées en concentration
de l’ordre de 10−6 M avec une détection UV. Plusieurs solutions sont
possibles pour améliorer la sensibilité :
— traitement préalable de l’échantillon (techniques d’extraction) ; 0
— préconcentration de l’échantillon en tête de capillaire ; 10 12
Temps de migration (min)
— augmentation du trajet optique grâce à une géométrie du
capillaire adaptée ; Capillaire de silice fondue : 70 cm  50 µm de diamètre intérieur
— amélioration de l’optique des détecteurs. (150 µm diamètre extérieur)
Tampon acide formique-ammoniaque (force ionique : 10 mM, pH 2,5)
Il est possible, en choisissant judicieusement les milieux de dilution
des échantillons et la nature des tampons d’analyse, d’augmenter Tension : + 25 kV
notablement la sensibilité de détection. Cela peut être réalisé par dif- Courant : 13 µA
férentes méthodes. L’empilement d’échantillon (ou Field Amplified Injection hydrodynamique : 20 s (50 mbar)
Sample Stacking) et l’amplification à l’injection (ou Field Amplified Concentration des nucléosides : 10 mg · L–1
Sample Injection) seront détaillés ici mais le lecteur peut se reporter Liquide additionnel : méthanol/eau (95/5 v/v) + 0,5 % d'acide formique
à un article de revue de la littérature [3] pour une description plus Débit 5 µL · min–1
exhaustive des différentes approches de préconcentration en EC. Tension de l'ionspray : + 5 kV

b par EC – MS
4.5.1 Empilement d’échantillon
Nucléosides : A. adénosine ; C : cytidine ; 3TC : 2'-désoxy-3'-3-thiacytidine ;
(Field Amplified Sample Stacking)
dA : désoxyadénosine ; ddA : 2',3'-didésoxyadénosine

Lorsqu’un soluté est dissous dans un tampon ayant une conduc-


tivité électrique moindre que celle du tampon de séparation, un Figure 5 – Séparation de quelques nucléosides en EC-UV
phénomène de concentration intervient lors de l’application de la puis EC-SM [2]

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___________________________________________________________________________________________________________ ÉLECTROPHORÈSE CAPILLAIRE

tension (c’est-à-dire soit au cours d’une injection électrocinétique, 4.5.2 Amplification du champ électrique
soit au tout début de la séparation lorsque l’injection hydrodynami- à l’injection (Field Amplified Sample
que a été employée). Cette méthode repose sur la différence de Injection)
champ électrique local de part et d’autre de la frontière entre
l’échantillon et le tampon électrophorétique. En effet, dans ces con-
ditions, le champ électrique présent au niveau de la zone de migra- La méthode de préconcentration d’échantillon par amplification
tion de l’échantillon est plus important que celui existant dans le du champ électrique (Field-Amplified Sample Injection ou FASI) est
tampon de séparation. Les ions migrent alors très rapidement une technique d’injection électrocinétique de l’échantillon avec
jusqu’à l’interface entre les zones de faible et de forte conductivité, l’injection au préalable d’un créneau d’eau dans le capillaire. Le
puis ralentissent dès lors qu’ils atteignent la frontière, créant une
principe est expliqué dans le cas de la séparation de cations. Dans
accumulation des ions sur une zone de plus faible largeur.
un premier temps, un créneau d’eau (environ 5 s) est injecté de
Un autre moyen de réaliser la compression de bandes est d’utili- façon hydrodynamique pour créer une zone de très faible conducti-
ser une différence de pH entre le milieu de dissolution de l’échan- vité (champ électrique local élevé) puis, dans un second temps,
tillon et celui du tampon d’analyse (pH – induced focusing). l’échantillon dissous dans un solvant de dissolution, de faible force
L’injection d’un petit volume d’échantillon contenant, par exemple, ionique et souvent acidifié, est injecté de façon électrocinétique. Le
des peptides dissous dans un tampon de pH supérieur au pI de solvant de dissolution est en général un mélange hydroorganique
l’analyte et l’utilisation d’un tampon de séparation de pH plus faible eau-méthanol (par exemple, 10/90 v/v) contenant de l’acide phos-
vont conduire à la migration des peptides anioniques vers l’anode phorique (20 à 100 µM) afin de protoner les espèces cationiques
sous l’influence du champ électrique. Lorsque les analytes pénè- dans la zone échantillon. Lors de l’application de la tension de sépa-
trent dans la zone de plus faible pH, la charge apparente du peptide ration, l’amplification du champ électrique local dans la zone échan-
est inversée ainsi que la direction de la migration. Il en résulte une tillon et, surtout, dans le créneau d’eau provoque une migration très
diminution de la largeur de la zone de l’analyte. En dernier lieu, rapide des cations vers la zone tampon puis une focalisation à
après dissipation du gradient de pH qui s’est formé, les analytes l’interface entre le créneau d’eau et le tampon de séparation. Par
migreront vers la cathode. Il en résulte un gain de sensibilité qui comparaison avec l’injection hydrodynamique classique, le gain en
généralement ne dépasse pas un facteur de 10. sensibilité est de deux à trois ordres de grandeur.

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