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UNE ANTHOLOGI E

DE P ROJ E TS

Im p rim é à N an te s en Jui n 20 21
Un e p u bl icatio n d u Care De sig n La b

L’Éc ole d e d e sig n N an te s Atlantique


w w w. le c ole d e d e sign.c o m

To u s d roits ré servés
I NNOVANTS

N O CI FS
PROJETER POUR LE
La fonction critique de l’anti-design constitue sa racine
profonde : il ne s’agit pas de dénoncer le design en

PIRE. FONCTIONS
lui-même, mais de renverser la matrice idéologique du
design moderne tel qu’il s’est développé au long du XXe
siècle, édifiant cette pratique sur la notion d’utopie.

DE L’ANTI-DESIGN
En effet, les différentes doctrines modernistes qui
ont consolidé la légitimité de cette discipline – Arts
& Craft, Deutscher Werkbund, Bauhaus, Streamline,

Vincent Beaubois,
Good Design, etc. – se sont fondées sur l’idée d’utopie
(qu’elle soit socialiste ou capitaliste), projetant ainsi
des mondes futurs meilleurs par la mise en forme d’une

Maître de conférences
culture matérielle industrielle. Ce qui se présentait
comme l’avènement d’une société nouvelle, plus juste,
plus égalitaire ou plus intense s’est finalement

en Philosophie,
condamné à l’avènement d’une société de consommation
répondant d’abord aux impératifs économiques du marché.
Par exemple, le rejet de l’ornement et la promotion

Université Paris
de formes géométriques et minimalistes – la « bonne
forme » du Deutscher Werkbund – ont surtout permis

Nanterre
de réduire les coûts de production liés au travail et à
la matière première. L’utopie morale et fonctionnelle
a ainsi d’abord servi à justifier les formes nouvelles
issues de la rationalité techno-économique du monde
industriel. Se défaire de cette corrélation entre le
design et l’utopie participe précisément du sens qu’a
pris la notion d’anti-design telle qu’elle est revendiquée
L’anti-design consiste à mettre en œuvre les ressources
par des designers italiens comme Joe Colombo ou Ettore
propres au design – modélisation, enquête sur les usages,
Sottsass dans les années 1960. La dystopie sert alors
prototypage, etc. – non pour tenter de résoudre un
de médium pour nourrir cette fonction critique dont
problème ou susciter la désirabilité, mais pour donner
l’objectif est de renverser les valeurs du design moderne.
forme à des dispositifs fictionnels, essentiellement
ambigus, souvent cyniques, voire obscènes. Du design
radical italien des années 1960 au design spéculatif Si cette première fonction de l’anti-design est
des années 2010, il s’agit de mettre en forme des d’abord négative, ne cherchant qu’à déconstruire les
scénarios critiques. Par-delà l’exercice de décentrement bases du design majoritaire, celui-ci présente une
qu’il propose à la conceptrice ou au concepteur, il deuxième fonction plus productive : en développant des
faut toutefois se demander ce que rend possible l’anti- scénarios dystopiques, l’enjeu de l’anti-design serait
design. Qu’est-ce qu’exprime cette pratique ? Que de conjurer ces perspectives catastrophistes, d’éviter
permet-elle de produire ? Pour répondre à ces questions, qu’elles ne se réalisent concrètement. Les groupes
nous proposons de mettre en avant trois fonctions radicaux italiens comme Archizoom ou Superstudio
essentielles de l’anti-design, marquant à la fois sa force, revendiquent explicitement la conception de cadres de
sa prétention et son ambiguïté : une fonction critique, vie dystopiques ne devant pas exister. Plus précisément,
une fonction de conjuration et une fonction de déprise. ces propositions ne doivent exister que sous la forme
virtuelle du projet, sans jamais s’actualiser dans le
béton ou l’acier. Superstudio déclare ainsi à propos de d’un futur possible que nous pourrions éviter – que ce
son architecture : « Elle n’est pas dessinée pour être qui traverse nos formes de vie ; elle est une menace
construite ». Plus exactement, celle-ci est dessinée avec laquelle nous cherchons à apprendre à vivre. En ce
pour ne pas être construite, comme en témoigne une sens, l’anti-design ne sert plus à critiquer ou à conjurer
autre formule du groupe : « Un projet imaginé et – il vient toujours trop tard – mais il nous met face
qu’on espère jamais réalisé ». Il s’agit de conjurer à une expérience sensible engageant notre rapport au
une image noire de l’avenir en la précipitant sous temps. Il offre une fonction de déprise à l’égard de
forme de dessins, de schémas, de maquettes ou autres la prétention du design à mettre en forme et projeter
diagrammes. Cette fonction de l’anti-design rejoint ainsi le futur ; il engage à se déprendre de la posture de
la logique du « catastrophisme éclairé » développée maîtrise, de distance ou d’extériorité que le design
par Jean-Pierre Dupuy, consistant à créer « une image manifeste face aux affaires du monde. En imaginant des
de l’avenir suffisamment catastrophiste pour être dystopies potentielles qui finissent toujours par coller à
repoussante et suffisamment crédible pour déclencher la pire de nos réalités, il devient possible de percevoir
les actions qui empêcheraient sa réalisation ». Par combien le geste de design reste englué dans un présent
la mise en scène de futurs indésirables ou ambigus, qu’il ne fait que bégayer. Cette déconvenue ne doit
il s’agit d’emprisonner ces futurs pour mieux les cependant pas être chargée trop négativement, celle-ci
effondrer et les évacuer à la manière d’un « attrape- faisant émerger un geste tout à fait original : l’anti-
rêves ». Dans certaines cultures amérindiennes, les design permet de faire l’expérience de l’impossibilité
rêves ne sont pas appréhendés comme des productions d’imaginer le futur, recentrant alors – peut-être – le
internes à la conscience, mais comme des entités design sur la tâche de prendre soin de notre présent.
extérieures à notre être pouvant exercer une certaine
emprise sur nous. L’attrape-rêves, que l’on dispose
traditionnellement au-dessus du berceau des bébés, a
pour fonction de capturer et d’immobiliser ces songes
malsains. De manière analogue, l’anti-design cherche
à attraper et cristalliser certains cauchemars portés
par le développement des technologies contemporaines
pour, d’une certaine manière, les conjurer.

Ces deux premières fonctions de l’anti-design, critique


et conjurative, se caractérisent finalement par une
certaine maîtrise du ou de la designer : il s’agit, par
l’usage de la dystopie, de mettre à distance un problème
pour s’en prémunir. La fiction offre ainsi cette distance
nécessaire à la manipulation d’environnements toxiques.
Or, à l’heure de l’impasse écologique et de l’effondrement
que celle-ci laisse présager, la dystopie ne peut plus
être appréhendée comme un simple outil fictionnel.
Les spéculations des (anti-)designers ne peuvent plus
être reçues comme de simples éléments chimériques,
elles se manifestent au contraire comme des facettes
de notre propre présent. La menace écologique ou
technologique n’est pas tant devant nous – sous la forme
ANTI-DESIGN, TU
Un design de questions et de débats, plutôt que de réponses et de solutions
À la lecture des propositions de ce livre, on ne peut s’em-

NOUS FAIS PERDRE


pêcher de penser aux écrits des designers Anthony Dunne
et Fiona Raby. Les projets s’inscrivent dans la droite lignée
du plaidoyer des deux chercheurs pour l’émergence d’un

NOTRE SANG-FROID
“design pour débattre” en opposition à un hégémonique
“design pour produire” (Design for Debate, A/B Manifesto, A. Dunne & F. Raby).
C’est l’esprit qui semble animer les différents scénarios ima-

Bastien Kerspern,
ginés par les étudiants, à la fois f(r)ictionnels, spéculatifs,
et critiques. Ils nous proposent d’envisager le design comme

designer et co-
approche de “problem-framing” - orientée vers la décou-
verte et la compréhension de situations complexes - plutôt
que de “problem-solving” avec sa tentation de tout régler.

fondateur, Design
Les productions matérialisent des tabous, interrogent des
préjugés, donnent à voir et à faire l’expérience des probléma-
tiques existantes et émergentes. À l’instar des postures du

Friction
design spéculatif ou du design fiction, ces provotypes - ou
prototypes provocants - assument de créer du dissensus. Ils
contribuent à faire entendre des points de vue divergents,
à anticiper les impacts à venir d’innovation et à informer
l’action et la décision dès aujourd’hui. Loin d’être déconnec-
tées du réel, au contraire, ces productions le percutent. En
Mais que fait le design ? cela, l’anti-design n’est pas qu’un simple exercice de pensée,
À l’heure où la crise sanitaire fait office à la fois de révéla- il est un appui à la transformation critique des organisations
teur et de répétition grandeur nature, on peut se demander publiques et des entreprises - et ce, quand bien même une dé-
quelle partition vont être amenés à jouer les designers. marche d’anti-design les amène à considérer leur disparition !
Cette interrogation est sensée : la méthode monolithique et le
positivisme forcené du design thinking ont contribué à désar- Un exercice de réflexion-action
mer la discipline face à des problématiques complexes, tout Une autre vertu de l’anti-design réside dans sa pédago-
en laissant penser que le design est à même de tout résoudre. gie désapprenante. Dans un acte de déconstruction, cette
Les plus sceptiques affirmeront qu’il n’y a guère plus à approche permet d’observer et de décortiquer les IDEO-
attendre des designers qu’une esquive enfermée dans la logies qui imprègnent la pratique du design.
perfection esthétique, ou qu’une compromission cédant à À l’heure où la discipline cède à l’hyperméthodologisation et s’ancre
un solutionnisme hâtif. Cependant, on pourra objecter qu’à dans un pragmatisme malvenu, l’anti-design est une prise de recul
défaut de réponses - qui, au pire accélèrent la chute, au didactique. Designer “autrement” c’est ici se donner le temps d’ana-
mieux maintiennent le statu quo - les designers peuvent aussi lyser et de se positionner par rapport à ce qui se cache derrière les
poser et porter des questions nécessairement dérangeantes. invitations, se faisant parfois injonctions, à un design pourvoyeur de
solutions “ludiques”, “durables” ou encore “éthiques”. L’opportuni-
En effet, si l’on tient désormais pour (quasi) acquis que té également de s’extraire, ne serait-ce qu’un instant, des logiques
le design ne sauvera pas le monde, peut-il aider à lire et productivistes qui contraignent - ou asservissent, c’est selon - les
comprendre celui-ci ? Les projets d’anti-design de ce livre designers. L’occasion enfin de s’engouffrer dans des interstices
viennent, à leur échelle, agiter les consciences et rappeler afin d’imaginer un design pour le “monde réel” comme nous y
que le design devrait avant tout être un acte politique. incitait déjà Victor Papanek en 1971 (Design pour un monde réel, Victor Papanek).
Autre fait notable, les projets d’anti-design de ce livre
abordent des sujets qui seraient d’ordinaire sciemment
ignorés du fait des contraintes du marché ou des (en)jeux de
pouvoir. En cela, ils tiennent d’un design davantage centré sur
la société que sur l’individu. Et l’exercice n’est pas simple
: pour les étudiants, cela demande de dépasser l’inhérente
figure abstraite de l’utilisateur pour parler à celle du citoyen,
en tant qu’acteur autonome, qui doit être mis en posture
de décider et d’agir par lui-même et pour sa communauté.
L’anti-design est donc un levier de réflexivité, pour prendre
conscience de ce que le design est et produit réellement.

Anti-anti-design, ou l’indispensable critique de la critique


À relire ce qui vient d’être mentionné, l’anti-design
serait la panacée. Pour rester dans un registre tout
aussi hellénique, on lui préféra l’appellation de
j
pharmakon. Il est autant un remède qu’un poison.
L’anti-design n’est ainsi pas exempt de critiques. Parmi celles-ci, ANTI
insistons sur l’impératif de situer la responsabilité d’une telle
posture. Un projet d’anti-design a un impact sur le réel, car il in-
troduit une idée, certes agonistique, susceptible d’être dévoyée,
récupérée, voire appliquée. Peut-être même l’est-elle déjà !
De fait, les formes critiques du design, dont l’anti-design, en -PROJETS
viennent souvent à proposer une vision eurocentrée du monde.
Elles en oublient alors que “la dystopie des uns est le quoti-
dien des autres” pour paraphraser l’artiste-chercheuse Luiza
Prado. C’est là l’autre limite de ces démarches qui échappent
difficilement à la dichotomie entre utopie et dystopie.
Dans un registre plus pragmatique, on pourrait relever l’écueil
soulevé quant à la portée concrète de cette approche, peu
ou prou résumée en un lapidaire “À quoi bon ?” ou sa va-
riante “Et donc ?”. Plus habitué aux galeries qu’au terrain,
ce design critique peine à se muer en une action engagée. Le
passage de l’un à l’autre demeure un défi à part entière.

Difficile de rester dans l’indifférence face à aux


projets d’anti-design imaginés par les étudiants.
C’est parce qu’ils créent cet inconfort auprès de leur
audience qu’ils sont les bienvenus. Bref, anti-design,
tu nous fais heureusement perdre notre sang-froid et
repenser à toutes ces années de design de sévices.
NURSEBOT
Comment automatiser les
relations humaines à l’hôpital ?

Tandis que les maladies chroniques se généralisent


dans les pays développés, les conditions de travail
du personnel hospitalier continuent de se dégrader.
En parallèle, la technologie de pointe gagne tous
les secteurs. Difficile de ne pas voir ici une
opportunité de “design for good” !

Il n’en fallait pas plus à Xiaoyu, jeune


designer connectée, pour développer sa startup
e-Care au potentiel détonnant ! Au cœur de
son projet, son produit phare se nomme la
gamme NurseBot. Grâce à l’automatisation, les
gestes de soins “basiques” sont optimisés.
Les NurseBot permettent de surcroît
l’économie du déplacement piéton, des oublis
humains en tout genre et des besoins naturels
des soignants. Et, soyons honnêtes, ils nous
débarrassent des conversations inutiles et
chronophages entre soignants et patients.

E-Care mentionne déjà une progression


de 180% en termes du nombre de
patients soignés. La fondatrice
nous assure par ailleurs qu’e-Care
saura rester indispensable, via ses toxicités :
nombreuses mises à jour, formations
et accessoires obligatoires au bon
fonctionnement de ses produits.

iale aire que


soc sanit cologi
é
TRITOX
Comment nettoyer les océans
grâce aux mammifères marins ?

Sous l’effet des courants, des milliards de


déchets plastiques s’accumulent dans les
océans du globe. Ils flottent à la surface,
tapissent les fonds marins ou s’échouent sur
les plages. Cette pollution plastique menace
l’ensemble des écosystèmes aquatiques. Le
« septième continent » de plastique est une
triste réalité. De gigantesques concentrations
de détritus apparaissent à plusieurs endroits
de la planète : deux vortex de déchets
peuplent l’océan Atlantique, deux autres
envahissent le Pacifique et un autre colonise
l’océan Indien.

Tritox est un programme imaginé par Flavie,


designer écoresponsable qui s’investit pleinement
dans la protection des océans. Avec ingéniosité,
elle mobilise la faune aquatique pour nettoyer
la surface et le fond des océans. Un aspirateur-
filtrateur de microparticules, autoalimenté par la
propulsion naturelle des tortues et dauphins, est
greffé sur leur dos.

L’agilité de ces mammifères


en fait de parfaits éboueurs toxicités :
marins qui récupèrent avec
enthousiasme les détritus
situés au cœur des différents
vortex. Ils se transforment
ainsi en véritables ocean-
rippers ! iale aire que
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MY COOLER
Comment maintenir l’activité
touristique en période de forte
chaleur ?

Les émissions de gaz à effet de serre s’amplifient,


offrant la perspective d’une future vie sur Terre de
plus en plus difficile. Ce dérèglement se traduit
notamment par une forte hausse des températures.
Certaines des plus belles régions touristiques du
monde suffoquent déjà ! Pourtant, il est essentiel
que cette industrie touristique, vecteur de culture
et d’enrichissement, perdure.

Pour que nos touristes puissent continuer de


s’émerveiller devant ces pépites culturelles,
Gabriel, designer passionné de technologie
high-tech a imaginé My Cooler. C’est un drone-
climatiseur doté du mode “suivi automatique
de sujet”. La technologie “follow me” du
multirotor suit le touriste à la trace, tout en
lui pulsant un air rafraîchissant. Imaginez
cette merveille de technologie… une porte
ouverte de réfrigérateur au-dessus de votre
tête en pleine canicule ! Grâce à My Cooler,
les touristes pourront reproduire à l’infini une
énième photo devant la tour Eiffel sans jamais
suer une seule goutte.
toxicités :

iale aire que


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SILVERBOX
Comment lutter contre
l’explosion démographique
des seniors ?
L’évolution rapide de la pyramide des âges nous
amène à anticiper une surpopulation imminente
en France. Isaac, jeune designer de talent, a donc
imaginé une solution idéale pour lutter contre
la raréfaction des mètres carrés et le surmenage
du personnel médico-social : la Silverbox ! Cette
solution d’habitat innovante, connectée, compacte
et modulable s’adresse à des personnes âgées de
plus de 70 ans. Équipée par des accessoires de
pointe permettant hygiène, divertissement et
socialisation à distance, elle sera opérationnelle
d’ici 2050.

Grâce à Silverbox, les seniors de 2050 auront la


possibilité de vivre proprement sans la moindre
autonomie. Logés dans des micro-espaces
hygiéniques, connectés et ludiques, ils seront
encadrés et sécurisés à moindre frais !

toxicités :

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D’EUX
Comment rendre l’expérience
du deuil permanente ?

La perte d’un proche entraîne souvent un processus


de cicatrisation sans fin. Néanmoins, sa mémoire
tend à s’éteindre progressivement, au fil du temps.
Dissimulés derrière les murs de nos cimetières,
parqués comme de vulgaires véhicules, nos morts
tombent lentement dans l’oubli. Comment accepter
qu’ils soient si peu célébrés ?

Gabrielle, designer devant l’Éternel,


s’approprie le tissu urbain pour inventer
de nouveaux lieux de recueillement. D’eux,
l’établissement funéraire qu’elle a imaginé,
élabore une gamme innovante de mobiliers
urbains mémoriels. Conçus avec les matériaux
communément utilisés dans l’industrie
funéraire, ils sont associés aux cendres des
défunts. Gabrielle décloisonne avec poésie
l’univers de la mort en créant un hommage
quotidien à nos défunts, au détour d’un arrêt
de bus.

toxicités :

iale aire que


soc sanit cologi
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FISH’IN
Comment sécuriser le métier de
marin-pêcheur tout en réduisant
ses impacts négatifs sur
l’environnement ?

Être marin-pêcheur, c’est exercer l’un des


métiers les plus dangereux au monde. Le taux
de mortalité est 35 fois supérieur à tout autre
type de métier ! Cette activité s’accompagne,
de surcroît, d’une réputation douteuse... Le
chalutage hauturier provoque en effet la
destruction irréversible d’un patrimoine
maritime millénaire, transformant ainsi les
fonds marins en déserts.

Un jeune designer anonyme, dont on sait uniquement


qu’il fut bercé depuis tout petit par le doux
générique de Thalassa, propose FISH’IN. Cette
solution systémique propulse les marins-pêcheurs
dans une nouvelle ère écologique ! Ses drones-
nageurs, tels des Border-Collies guidant un troupeau
d’ovins, orientent des bancs de thons, maquereaux
ou autres poissons jusqu’aux ports. De grandes cages
subaquatiques les y attendent pour les saisir.

Les marins-pêcheurs peuvent ainsi


tranquillement siroter limonade toxicités :
et autres boissons frétillantes aux
terrasses des ports, tout en pilotant
à distance ces merveilleux armements
technologiques hauturiers.

iale aire que


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EKWÉ
Comment optimiser
les usages de l’eau?
L’eau est l’une des ressources vitales les plus
essentielles de notre planète : les humains peuvent
survivre jusqu’à un mois sans nourriture, mais se
mettent très sérieusement en danger s’ils cessent
de s’hydrater. Cette ressource précieuse est
pourtant menacée par la démographie galopante et
par nos modes de consommation frénétique.

Morgane, designer en pleine cure d’hydratation,


crée Ekwé : une multinationale spécialisée
dans l’assainissement de l’eau. Celle-ci propose
aujourd’hui un modèle inédit de distribution de l’eau
sur le territoire français. L’objectif : sensibiliser
les populations à un usage raisonné. La teneur
en eau est indiquée sur chaque emballage, de la
classique bouteille d’eau à la bonne grosse côte de
bœuf du dimanche. La quantité d’eau du produit ou
la quantité nécessaire à sa production déterminera
son prix. Mais ce n’est pas tout ! Afin de garantir un
accès universel à cette denrée si rare, différentes
qualités d’eau sont également proposées. Avec un
tel dispositif, chaque citoyen sera responsabilisé. Il
pourra se rafraîchir - de façon plus ou moins agréable
- en fonction de ses moyens.
toxicités :

iale aire que


soc sanit cologi
é
SICK CANDY
Comment bénéficier de virus
sous contrôle ?

Nous sommes une majorité à penser que


maintenir un niveau de vie convenable dans le
futur impliquera une augmentation du temps
de travail global. C’est la condition sine qua
non pour que les entreprises restent ultra-
compétitives. Dans ce contexte, le besoin de
répit des collaborateurs ne pourra plus être
décemment toléré !

Au-delà de cette prédiction à l’allure pessimiste,


voyons là une belle opportunité de profit et de
progrès ! Tamara a ainsi développé une gamme
de produits alimentaires innovants. Vendus au
marché noir, les bonbons Sick Candy permettent
de contracter une maladie en toute sécurité. Selon
ses besoins, le salarié pourra ainsi faire le choix
d’être atteint d’une maladie bien connue. Ainsi, il
pourra bénéficier d’un arrêt maladie pour la durée
correspondante au délai de guérison du virus : 3
jours pour une gastro-entérite au top et 4 à 6
semaines pour une tuberculose express !

toxicités :

iale aire que


soc sanit cologi
é
OVERCOVER
Comment promouvoir les
troubles sanitaires compulsifs
et hygiéniques ?
En 2018, Anne-Charlotte, designer pleine de courage,
avait déjà constaté avec effroi que notre population
était fragilisée par des crises sanitaires régulières.
Elle a choisi de prendre exemple sur une catégorie
de personnes particulièrement exemplaires dans la
gestion de ces crises : les individus souffrant de
troubles obsessionnels compulsifs (TOC).

Grâce à leur capacité à détecter la moindre


faille de vigilance, qu’elle soit rationnelle ou
compulsive, ces usagers nous montrent la voie
d’une hygiène irréprochable au quotidien.

Pourquoi perdre un temps précieux à chercher les


causes des gestes compulsifs ? Encourageons-
les vivement, et créons des outils de protection
infaillibles à usage unique ! Overcover nous
promet certes un avenir anxieux et pollué, mais
certainement pas par les germes.

toxicités :

iale aire que


soc sanit cologi
é
WINWIN
Comment rentabiliser
un accouchement gratuit ?

Au Mexique, les femmes enceintes ne peuvent pas


bénéficier d’un remboursement de soins médicaux
lors de leur accouchement. Un nombre alarmant
d’accouchements a ainsi lieu dans des conditions
sanitaires problématiques. Lina, designer franco-
mexicaine, a pris à bras le cœur ce problème
sanitaire et social. Elle a compilé le meilleur
des systèmes de protection “à la française”, les
innovations du monde numérique et certaines
habitudes mexicaines. En effet, Lina s’apprête à
révolutionner le marché des cliniques privées en le
mêlant à celui des jeux vidéo en streaming.

Grâce à Winwin, les patientes accoucheront


gratuitement. En contrepartie, les cliniques
proposeront à des joueurs extérieurs de payer pour
jouer en ligne pendant la durée l’accouchement. Par
exemple, avec le premier jeu mis en ligne, le joueur
utilisera le cri de la parturiente pour faire avancer le
personnage virtuel dans son univers. Ce jeu, fortement
addictif, pourra être vécu avec différents degrés
d’immersion - et de voyeurisme - selon le forfait
auquel le joueur aura souscrit.

toxicités :

iale aire que


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é
BONOBO
Comment mieux contrôler
la vie sexuelle des
18‑25 ans ?
Bonobo répond à deux problématiques :
- le manque d’observance des gestes de santé
sexuelle chez les 18-25 ans ;
- l’absence d’accompagnement autour des premiers
actes sexuels de cette population.

Ces deux problèmes peuvent provoquer, pour les jeunes,


des situations à risques ou des épisodes teintés
d’incompréhension. Les conséquences de tels écarts
sont parfois dramatiques. Justine, designer sur le droit
chemin, a donc eu une idée : Bonobo.

Afin d’assurer que de telles situations ne se


produisent plus jamais, elle propose à ses usager.e.s
d’intégrer de véritables codes de bonne conduite
sexuelle. Chacun peut participer à l’évaluation de
ses pairs en toute transparence : les profils sont
notés, les conseils rendus publics et les orientations
individuelles automatiquement révélées. Ainsi,
chaque jeune adulte inscrit au programme a la
possibilité de progresser vers une conduite sexuelle
sécurisée, normée et homogène.
toxicités :

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soc sanit cologi
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SUCCESS TOURS
Comment booster la
réussite de jeunes
défavorisés ?

Dans les milieux sociaux défavorisés, c’est un fait :


les talents sont généralement gâchés. Ceci est dû au
manque d’exemplarité de leur proche environnement. En
effet, comment imaginer monter une start-up ou une
campagne de financement dans un contexte de misère et
de chômage ? Pour renverser ce conditionnement négatif,
Camille, designer militante, a conçu les Success Tours.
Elle propose ce concept aux collectivités engagées pour
l’égalité des chances pour tou.te.s.

Ces Success Tours, pilotés par une compagnie de tourisme


socio-économique, dévoilent aux talents en herbe les clés
du succès entrepreneurial. Ces élèves prometteurs, mais
socialement défavorisés sillonnent les beaux quartiers de
leur ville en bus touristique. Durant ce périple, ils ont
également la chance inouïe d’accéder à des conférences
inspirantes d’entrepreneurs prospères et influents.
L’objectif des Success Tours ? Leur faire comprendre
qu’avec un peu de volonté, d’engagement personnel et de
rituels sportifs bien rodés, la réussite économique leur
tend les bras !

toxicités :

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BULLY GAMES
Comment stigmatiser
les harceleurs à l’école
pour protéger nos enfants ?
Le harcèlement est un fléau pour la vie
scolaire. Cette violence répétée - verbale,
physique ou psychologique - est le fait d’un
ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une
victime sans défense. Ces agressions multiples
impactent chaque année 700 000 élèves
environ, toutes catégories sociales confondues
(Enquête victimation 2015 - DEPP)
.

Clara, designer en quête de justice, lutte contre le


harcèlement scolaire. En ce sens, elle propose au
ministère de l’Éducation Nationale un jeu de plateau
pour stopper les agressions. Habilement construit
autour des expériences vécues par ces enfants,
Bully Games est un jeu qui se déroule en 2 temps :
détecter l’agresseur en favorisant sa dénonciation
par les élèves, puis l’habiller d’une tunique dont
la teinte - façon Guantanamo - l’identifie comme
tel aux yeux de tous. À coup sûr, cette méthode
stigmatisante dissuadera définitivement les enfants
d’afficher de tels comportements.

toxicités :

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soc sanit cologi
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BELLE ÉTOILE
Comment offrir aux jeunes
sans-abris une formidable
maison urbaine ?
40% des personnes sans domicile fixe de moins de 35
ans ont déjà eu recours à l’Aide Sociale à l’Enfance.
Alarmé par ce taux conséquent, Brandon, designer social,
a utilisé les méthodologies du design pour mettre en
œuvre des solutions au service de l’inclusion sociale. Il
s’est intéressé plus particulièrement aux jeunes confiés à
la Protection de l’Enfance.

Belle étoile est l’une de ses réalisations les plus


marquantes. Elle décline des espaces urbains tout
équipés, confortables et accueillants pour que la
ville devienne une véritable maison pour tous !
Ainsi, les publics défavorisés peuvent se sentir chez
eux, lovés à l’angle d’une ruelle tamisée. Le concept
offre des mobiliers résistants au vandalisme et aux
intempéries, constitués de béton banché, d’acier
inoxydable et de bois imputrescible.

Ces espaces aux couleurs de la ville


sont personnalisables, dans le respect
des chartes initiées par les Architectes
des Bâtiments de France. Ces modules
urbains autonomes, à essaimer dans
toute la ville, permettent à chacun de toxicités :
trouver sa place en cœur de cité !

iale aire que


soc sanit cologi
é
SAFe-CITY
Comment sécuriser les
femmes lors de leurs
trajets nocturnes ?

Lorsque nous marchons en ville la nuit, nous


sommes inégaux, en fonction de notre genre.
L’homme est de nature agressive, contrairement
à la femme : ceci est une évidence. Il serait
donc absurde de vouloir contrôler ou réduire les
caractères violents envers la gent féminine.

Au vu de ce constat, Jeanne propose aux


villes d’instaurer des espaces nocturnes
non-mixtes. La designer a également imaginé
un équipement urbain connecté qui permet
à chaque femme, en fonction de son budget,
de bénéficier d’un niveau de sécurité plus ou
moins radical.

Les usagères ont enfin des armes pour se défendre contre


leurs agresseurs. La gamme d’objets de défense mise
à leur disposition est large et réjouissante : du drone
personnel à impulsion électrique à la mise à disposition
de sarcophages de protection instantanés. Avec ça, les
femmes cesseront enfin de se plaindre !
toxicités :

iale aire que


soc sanit cologi
é
ÉPILOGUE
Le Care Design Lab est une filière de l’École de design
Nantes Atlantique. Dans ce Design Lab, les étudiants
interrogent les notions de soin et d’attention à l’autre
à travers l’analyse de parcours de santé, la redéfinition
A NTI- D ESIGNERS
des services publics (dans une logique participative et Xiaoy u Ta ng ▲ Nu rsebot, 201 8
inclusive) et le développement de la résilience face aux Fla vie Simo n- Barb o ux ▲ Tritox , 2019
crises (sanitaires, sociales ou écologiques). GA b riel Côme ▲ MyCooler, 2019
Isaac Galtier ▲ Si lve rb ox, 201 9
Nous portons une attention particulière aux usagers Jus t in e Multon ▲ Bo no b o, 202 0
vulnérabilisés : les situations d’inconfort que ces L in a Fuensanta Ro d rig u ez ▲ Winwin , 2020
derniers rencontrent et mettent en lumière, sont autant A nonyme ▲ Fish’in , 2018
de leviers permettant l’amélioration de la qualité de vie Mo rg ane Givelet ▲ Ek wé, 202 0
Anne- Charlotte Reyn aut ▲ Overcover, 2018
globale de notre société. Tamara B abin ▲ Sic k Candy, 201 8
Clara Jo uault ▲ Bu lly Games, 201 9
À travers le séminaire Anti-Design, dont des Camille Jurd it ▲ Success To urs, 2020
résultats représentatifs se trouvent entre vos Brand o n Go n d o uin ▲ Bel le Étoile, 201 9
mains, l’équipe pédagogique du Care Design Lab Gab rielle Ro b erg e ▲ D ’Eux, 2019
propose un exercice de conception décalée au Jeanne Perrine ▲ Safe City, 202 0
cœur du cursus de ses étudiant·e·s : à partir
Les séminaires A n ti- D esign d e 2018 à 202 0 o n t été
d’une idée d’intérêt général, sont alors imaginées encad rés par Simo n Bo ussa rd ,
de potentielles solutions aux ramifications Emmanuel Gi lardeau, Lauren t Leb ot,
toxiques et perverses. Au moment où la projection ain si q u’Yves Cotin at & Baptiste Fluzin
professionnelle des étudiants se précise et
à l’heure où est interrogée la responsabilité Illustratio n s ▲ La urent Lebot
Co u vertures ▲ chezjeanmo.co m
sociétale du designer, ce procédé de tapinose
créative est riche d’enseignements. En creux, il Réd actio n ▲ Simon B o ussard & Laure nt Le b ot
précise les périmètres éthiques de projets dont Relecture ▲ Cél ia Ferrer, Clémence Mo n tag ne,
l’ambition sincère sera à terme de servir l’intérêt Paulin e Pig eo n
général et l’intérêt de l’usager. D irectio n d e la p ublicatio n ▲ Christian Gu ellerin

Typ o g rap hie ▲ Brizeux , par Véfa Lucas


Ce catalogue a pour ambition de pointer du doigt les dérives
& Ro man Seban
pernicieuses possibles du geste créateur, et ce même lorsque D évelo p p ement typ o g rap hiq u e ▲ D reams O ffice
ce dernier affiche de bonnes intentions.

Nous espérons qu’à la lecture ces projets, les designers ne


puissent plus éluder l’étude de l’ensemble des externalités
négatives possibles de leurs projets (environnementales,
sanitaires, sociales) et participent ainsi au déploiement
d’impacts positifs globaux sur le long terme.

Simon Boussard, responsable pédagogique du Care Design Lab.


"[ils] doivent envisager
qu’une grande responsabilité
est la suite inséparable
d’un grand pouvoir. "

Convention Républicaine, 1793

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