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La genèse d’Hernani

Après l’interdiction de son drame Marion De Lorme, Hugo se hâte d’écrire en 1829 un
nouveau drame, Hernani, dont l’action prend place en pleine Renaissance
espagnole afin d’être plus libre pour critiquer le pouvoir. La prudence le force à n’évoquer
la monarchie française qu’en termes élogieux.

La pièce se caractérise par ses emprunts européens: espagnols, certes, puisque Ernani


est le nom d’un village d’Espagne que Victor Hugo a visité dans son enfance, mais aussi
à l’allemand Schiller (les motifs du cor et du brigand loyal). Une parenté avec Le Cid de
Corneille est également évidente avec le motif de la vengeance du père. Par ailleurs,
l’amour impossible entre Hernani et Doña Sol n’est pas sans rappeler l’intrigue de Roméo
et Juliette de Shakespeare, qui plus est avec l’emprunt de la communion fatale par le
poison.

Victor Hugo a choisi de donner des titres à ses actes. Les titres des trois premiers
actes (le roi, le bandit, le vieillard), permettent de comprendre autour de quel
personnage gravite l’action dramatique et ses nœuds. Ils sont, d’une certaine façon,
programmateurs et annoncent l’issue de l’acte. Ils mettent également en exergue l’action
principale en se concentrant sur les trois prétendants de Doña Sol. Les titres de l’acte IV
et V sont plus énigmatiques, non pas programmatiques mais simplement thématiques
(le tombeau, la noce (le nozze, il matrimonio)): ils ancrent successivement l’intrigue
dans la grande Histoire (le tombeau de Charlemagne et l’élection de Don Carlos) pour
revenir à la petite histoire d’amour dans le dernier acte et permettre le dénouement de
l’intrigue amoureuse, sans jamais annoncer l’issue d’avance. Le titre de l’acte V se révèle
même antithétique puisque la noce est le prélude non pas d’une vie à deux mais d’une
triple mort tragique…

Hernani est une pièce de théâtre écrite par Victor Hugo, publiée et représentée pour la
première fois en 1830. Elle inaugura le genre du drame romantique, ce qui déclencha la
Bataille d’Hernani. La pièce est composée de cinq actes (« Le roi » ; « Le bandit » ; « Le
vieillard » ;  « Le tombeau » ; « La noce »), Hugo s’inspirant ici de la tragédie classique.
L'action principale se situe en Espagne en 1519 (de février à août) où Hernani et Juan
Carlos se battent pour l'amour de Doña Sol. Le roi renonce à sa bien-aimée au profit de
son rival, que l'on apprend être en fait Jean d'Aragon. Mais ce dernier avait offert sa vie à
l'oncle de Doña Sol, Don Ruy Gomez, qui décide de la lui prendre le soir des noces du
jeune couple. Doña Sol décide de suivre son amant dans la mort.
Le roi d’Espagne, Don Juan Carlos, le bandit Hernani et Don Ruy Gomez sont tous les
trois épris de la belle Doña Sol. Le sous-titre de la pièce nous le fait d’ailleurs bien
comprendre : « trois pour une ». Mais si Doña Sol est promise à Don Ruy Gomez, elle
n’est intéressée que par son amant, Hernani.
Sources d’inspiration
Victor Hugo s'est inspiré de nombreuses sources littéraires pour donner vie à Hernani. Il
prend appui notamment sur le style de la chevalerie hispanique et avoue lui-même avoir
trouver l'inspiration dans une ancienne chronique espagnole qui relatait les aventures de
Don Carlos, archiduc d'Autriche et roi d'Espagne. Mais ce qui aida le plus Victor Hugo
dans son processus créatif fût ses nombreux voyages en Espagne, de même que son
installation éphémère dans le pays ibérique pendant les campagnes napoléoniennes.

La particularité
La particularité de la pièce de Victor Hugo est d'appartenir au genre du drame romantique.
Qu'est-ce qu'un drame romantique ? Le drame romantique répond à plusieurs critères :
● La liberté totale de l'art: Comme indiqué dans la préface de Crowell, en 1827,
Victor Hugo pense l'art comme une discipline qui ne restreint pas à « d'autres
règles que les lois générales de la nature ». La création doit être le fait de la pure
inspiration personnelle et naturelle, aucune restriction d'ordre culturel ne doit venir
empêcher le plein épanouissement de l'art.
● La remise en question des unités classiques: Dans la continuité de cette théorie,
Victor Hugo refuse de devoir se limiter à la règle des trois unités (de temps,
d'espace et d'action). Par là, il affirme sa rupture avec les codes classiques et
s'inscrit dans la lignée des anticonformistes. Ce refus permet à l'action d'être plus
authentique, plus réaliste.

En somme, le drame romantique est la parfaite représentation de la liberté romantique.


Les codes traditionnels sont remplacés par une licence créatrice totale

Résumé de la pièce
Préface
La préface de Hernani reprend les affirmations présentées dans la préface de Cromwell.
L'essentiel de la thèse? Briser les règles du théâtre classique. Le but? Revenir à une
création basée sur le romantisme. Dans cette préface, Hugo s'adresse à son public: le
peuple. Ce n'est que grâce à la réception de ses lecteurs que ses oeuvres peuvent vivre
et perdurer dans le temps. La postérité est essentielle pour Hugo puisqu'elle permet à son
message de s'inscrire dans l'Histoire.
Acte I : Le roi
L'acte I prend place à Saragosse, dans une des chambres à coucher du palais du duc
Don Ruy Gomez de Silva. L'intrigue se déroule in medias res: on assiste à une scène où
le roi d'Espagne, Don Carlos, se cache dans l'armoire de la chambre de Doña Sol, cette
belle espagnole dont il est secrètement épris. Il est témoin de la rencontre entre sa chère
Doña Sol et Hernani, deux protagonistes amoureux l'un de l'autre. Hernani, c'est le
représentation du bandit : son père a été tué par le père de Don Carlos et il compte bien
pouvoir élaborer sa vengeance.
Ne pouvant supporter cette rencontre amoureuse, Don Carlos sort de l'armoire et menace
son rival. C'est à ce moment où le vieux Don Ruy Gomez, oncle et futur époux de Doña
Sol, entre dans la pièce. Les deux rivaux prétendent être venus ensemble pour lui
annoncer la mort de l'empereur Maximilien, parent du roi. Il se pose la question de savoir
s'il devrait prétendre au trône du Saint-Empire et espère pouvoir trouver une réponse
grâce à l'aide de Don Ruy Gomez de Silva.
L'acte se termine sur une présentation du dessein principal du bandit Hernani : réussir à
venger son père.
Acte II : Le bandit
L'acte suivant se déroule dans l'une des cours du palais de Don Ruy Gomez de Silva. Le
roi d'Espagne tente d'attirer l'attention de Doña Sol en lui tendant un guet-apens. Doña Sol
cède à l'appel de son interlocuteur, sans se douter qu'il s'agit du roi. Au même moment,
Hernani interrompt la scène en proposant d'affronter le roi en duel. Ce dernier refuse un
combat inégal et illégitime entre deux hommes appartenant à des classes sociales
différentes. Seule issue ? Assassiner le roi. Mais Hernani refuse et le roi s'éclipse, vêtu du
manteau du bandit afin de ne pas être reconnu par les complices d'Hernani.
Le bandit se retrouve alors seul avec Doña Sol, les deux amoureux ouvrent leurs coeurs.
Cette déclaration est interrompue par l'arrivée de l'armée du roi : Hernani s'enfuit et rejoint
ses complices.
Acte III : Le vieillard
L'action prend place dans la grande salle du château du duc Don Ruy Gomez de Silva. Ce
dernier s'apprête à épouser Doña Sol, dans la grande salle du château, situé dans les
montagnes d'Aragon. Les préparatifs du mariage ont commencé, le vieux duc est aux
anges. Pour son plus grand bonheur, on lui rapporte la possible mort de son rival, Hernani.
Mais rien ne se déroule comme prévu : le jour du mariage, un homme vient interrompre la
cérémonie. Cet homme n'est nul autre que le bandit Hernani.
Malgré la haine et le désir de vengeance qu'entretient le duc à son égard, il se voit obligé
de le protéger, la loi de l'hospitalité étant impossible à déroger. Mais son animosité
décuple lorsqu'il aperçoit les deux jeunes amants, Hernani et Doña Sol, échanger des
mots doux. Doña Sol, de son côté, montre à Hernani le poignard qu'elle a pu voler.
L'arrivée du roi d'Espagne est annoncée : Hernani est caché par le duc dans un lieu
secret. Mais cela se sait par le roi, furieux de voir que les deux rivaux ont fini par s'allier à
contre-coeur. Pour le duc, il est essentiel de respecter la loi de l'hospitalité et se refuse de
trahir son hôte, bien qu'il soit son ennemi. Pour se venger, le roi décide d'enlever la belle
Doña Sol. C'est alors que les deux rivaux initiaux, Hernani et le vieux duc, décident de
s'allier et d'élaborer une stratégie pour tuer le roi.
Acte IV : Le tombeau
Nous voici désormais au palais d'Aix-la-Chapelle, en juin 1519, deux mois après
l'enlèvement de Doña Sol. On y retrouve Don Carlos, le roi d'Espagne, qui espère avoir
remporté l'élection impériale. Entre temps, il a essayé de déjouer le complot mené par Don
Ruy Gomez de Silva et Hernani. Les deux hommes ne parviennent pas à se mettre
d'accord sur l'identité de celui qui tuera le roi, leur plan échoue.
Devenu empereur, Don Carlos renonce à épouser Doña Sol et annonce le futur mariage
entre Hernani et celle-ci. Le bandit se prononce, quant à lui, sur sa véritable identité : il est
Jean d'Aragon, un noble qui se cache sous le masque d'un bandit.
Acte V : La noce
Hernani, devenu Don Juan d'Aragon, organise ses noces avec Doña Sol dans son palais
de l'Aljaferia. Survient alors le vieux duc Don Ruy Gomez de Silva, réclamant le
déroulement du pacte initial. Pour échapper à un avenir tragique, Doña Sol décide
d'ingurgiter le contenu de la fiole donnée à Hernani poison et de se donner la mort.
Hernani la suit dans cette tragique fin. Anéanti et furieux, le vieux duc Don Ruy Gomez se
poignarde sur le corps des deux amants et les rejoint dans la mort.
Les réactions
Lors de la première représentation, la pièce déclencha de vives et surprenantes réactions.
La querelle portait sur le refus de Victor Hugo des règles de mises en forme classiques, et
plus précisément la règle des trois unités ainsi que celle des bienséances (Victor Hugo
laisse place à des combats sur scène). En outre, il casse les alexandrins comme dans le
vers suivant de la scène d'exposition: En revanche, Hernani est rédigé en cinq actes,
comme les pièces du classicisme.
La Bataille d'Hernani, combat purement esthétique mais féroce, a pour cadre la première
représentation, le 25 février 1830 de Hernani, à la Comédie-Française de Paris.
Cette pièce, œuvre d'un jeune auteur déjà connu, brise les règles classiques des trois
unités et emploie un vocabulaire inhabituel au théâtre, mêlant lyrisme et trivialité.
La représentation elle-même a été précédée de plusieurs lectures entre les membres du
Cénacle romantique, chez l'auteur, si bien que les partisans d'Hugo, comme ses
adversaires, se préparent à en découdre. Dans le public, parmi les « modernes »,
l'excentrique Théophile Gautier et son gilet vermillon provocateur ainsi que Gérard de
Nerval apportent leur soutien à Hugo face aux « anciens ». Sur scène, Mademoiselle
Mars, qui avait quelques réticences sur les libertés qu'Hugo prenait avec le classicisme, et
ses partenaires tentent de continuer la représentation, malgré la bataille qui fait rage dans
la salle.
On s'insulte copieusement, quelques échauffourées éclatent, l'œuvre emblématique du
romantisme français est née.
Quoi qu'il en soit, la pièce de Victor Hugo, aimée ou détestée, aura marqué les esprits et
continue de passionner les lecteurs encore aujourd'hui. L'intensité du sentiment, la
grandeur de la passion et de la rivalité, font de cette oeuvre l'un des plus grands bijoux de
la littérature française.
Afin d'appréhender l'oeuvre, notre petit conseil est de lire avec attention la préface de
Cromwell. Cela vous permettra d'avoir une meilleure idée de ce que Victor Hugo compte
défendre et mettre en place dans Hernani. Le drame romantique est un genre facile à lire,
prenant et intriguant : nous ne doutons pas un seul instant que vous allez être séduits par
cette oeuvre d'une grande qualité littéraire et à l'histoire passionnante !

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