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Collection U

Économie

Armand Colin
21, rue du Montparnasse
75006 Paris

© Armand Colin, 2011


ISBN : 9782200275860
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous
procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation
intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées
dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et
constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les
reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations
justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans
laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du
Code de la propriété intellectuelle).
LAURENCE ABADIE
CATHERINE MERCIER-SUISSA

Finance internationale

Marchés des changes et


gestion des risques financiers
Les auteurs
Laurence Abadie est maître de conférences en sciences économiques.
Catherine Mercier-Suissa est maître de conférences en sciences
économiques- HDR. Directrice du Centre franco-italien de Management
International à l’IAE de l’Université Lyon 3. Responsable du programme
COMEX (Commerce Extérieur) du master management international à
l’IAE. Adjoint au Directeur de l’IAE.
Introduction
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises ne peuvent se développer
qu’en saisissant les opportunités de l’ouverture des économies en
particulier celle des économies émergentes. Pour certaines, la solution
passe par l’exportation sur de nouveaux marchés, pour d’autres, par
l’implantation d’une partie de leur activité à l’étranger (délocalisation).
Dans les deux cas, ces entreprises sont tenues de financer leurs activités,
de rapatrier leur profit, de se couvrir contre les risques de change ou de
taux… Autant d’éléments qui font appel aux techniques et instruments
développés en finance internationale et que nous nous proposons
d’examiner dans cet ouvrage.
Celui-ci constitue un manuel de référence pour l’étudiant ou le
professionnel, puisqu’ils trouveront dans le même ouvrage des références
historiques et théoriques, des concepts de bases et des notions plus
avancées, ainsi que de nombreux cas pratiques.
Le but de l’ouvrage est triple :

Il doit permettre la maîtrise des outils et concepts clef de la


finance internationale (fondamentaux en économie, marchés
financiers internationaux, taux d’intérêt, taux de change…)
Il doit permettre au lecteur de maîtriser les instruments de
gestion des risques (risque de change, risque de taux d’intérêt,
et de manière plus large, apprécier un risque pays)
Le lecteur pourra enfin vérifier ses connaissances en effectuant
les tests d’autocontrôle et les exercices proposés en fin de
chacun des chapitres. Des éléments de correction sont proposés
pour l’aider à avancer dans sa démarche.

Cet ouvrage est composé de 12 chapitres illustrés (incluant les données


les plus récentes, des cas pratiques corrigés et assortis d’encadrés
complémentaires).
Dans le premier chapitre nous proposons un rappel historique sur les
grandes étapes de la transformation du système monétaire et financier
international. Nous expliquerons comment nous sommes passés d’un
système de changes fixes avec le système de l’étalon-or, qui va durer
jusqu’en 1914 et qui a été ensuite remplacé par le système de Bretton
Woods (1944-1973), au système actuel de flottement généralisé des
monnaies. Au cours des années 1970, de profonds déséquilibres
monétaires et commerciaux sont apparus entraînant un bouleversement
du système des changes. Suite aux chocs pétroliers, émerge un système
financier international (SFI) qui conduit à la globalisation de la finance et
à la constitution d’un vaste marché des capitaux. L’activité des banques
multinationales et des marchés financiers internationaux s’est développée
dans un contexte technologique (développement des NTIC) et
institutionnel (dérèglement des activités financières) propice. Or le
mouvement de désintermédiation bancaire et la titrisation des circuits de
financement ne sont pas exempts de risques. L’opacité du SFI actuel peut
masquer un certain nombre de dysfonctionnements et provoquer des
ajustements d’une grande brutalité pour les acteurs. Dès lors se succèdent
crises financières, faillites bancaires et crises boursières de la deuxième
moitié des années 1990. Le marché des changes n’est pas épargné.
Dans le chapitre 2 nous nous intéresserons aux caractéristiques du
marché des changes. Nous montrerons que c’est un marché délocalisé qui
fonctionne en continu. Le taux de change ou cours de change est le prix
de l’échange. Il permet d’équilibrer les offres et demandes de monnaie.
Ces dernières années, le marché des changes a pris une importance
considérable. Avec la multiplication du nombre d’intervenants : banques
centrales, banques commerciales et d’investissement, investisseurs
financiers institutionnels, fonds spéculatifs, et avec le développement des
nouvelles technologies de l’information et de la communication, les
transactions quotidiennes de devises atteignent 4 000 milliards de dollars
en 2010, montant astronomique qui reflète à la fois l’accroissement des
échanges de biens et services et les comportements spéculatifs de certains
acteurs.
Le chapitre 3 se concentre sur le principe des cotations des devises.
Les différentes devises peuvent être vendues et achetées au comptant (
les transactions sont alors effectuées le jour même au cours au comptant,
et la livraison des devises se fait à J+2) , ou bien à terme : les ordres
d’achat et de vente de devises sont enregistrées aujourd’hui pour une
livraison future à quelques jours voire à plusieurs mois. Nous verrons que
la lecture d’une cotation de change est identique pour les deux types
d’opérations, cependant le taux auquel se fera la transaction ne sera pas
nécessairement le même. Pour une opération au comptant, les
transactions s’effectueront au cours en vigueur au moment du passage
des ordres d’achat ou de vente : ce cours dépend donc essentiellement de
l’offre et de la demande exprimées. En revanche, pour une opération à
terme, le cours de change qui servira de référence pour la transaction
future doit être déterminé. Il sera nécessaire de comprendre comment les
opérateurs fixent aujourd’hui le taux de change auquel se fera cette
opération de change future. Enfin, nous illustrerons dans ce chapitre les
comportements d’arbitrage : la cotation par paire de devises se fait en
continu sur les différentes places boursières, et il peut parfois exister des
différences de cotations d’un pays à un autre, ou d’une paire de devise à
une autre. Les intervenants ont alors la possibilité de réaliser des
opérations d’arbitrage en achetant et vendant des devises sur les
différentes places, dans le but de profiter d’écarts de cours qui n’auraient
pas lieu d’être. Les cambistes sont également très attentifs aux
possibilités d’arbitrage qui peuvent exister entre le marché au comptant
et le marché à terme.
Quels sont les facteurs qui influencent les cours de change et comment
prévoir l’évolution de ces cours ? Tel est l’objet du chapitre 4. Nous
présenterons et expliquerons les principales théories portant sur les
déterminants des taux de change : la théorie de la parité du pouvoir
d’achat, et celle des taux d’intérêt, le modèle de Balassa-Samuelson ou
encore le modèle de Fleming. Des théories économiques les plus
poussées aux modèles économétriques les plus complexes, en passant par
les analyses techniques ou fondamentales des opérateurs sur le FOREX,
les économistes ont depuis longtemps tenté de prévoir les évolutions des
taux de change. Nous verrons que celles-ci sont d’autant plus difficiles à
prévoir que les fluctuations des taux de change sont déterminées par un
très grand nombre de variables macroéconomiques, telles que les prix, les
taux d’intérêt, le niveau de la dette intérieure ou encore la productivité
intérieure, mais également des paramètres microéconomiques, comme la
structure même des marchés, les comportements hétérogènes et subjectifs
des acteurs sur le marché des changes, la diffusion d’informations, etc.
L’incapacité des théoriciens à fournir un cadre unique et fiable pour la
prévision des fluctuations de change explique pourquoi, dans la pratique,
les opérateurs du FOREX ont développé des méthodes alternatives telles
que l’analyse technique que nous présenterons en fin de chapitre.
L’analyse des risques inhérents aux opérations financières
internationales (risque de change, risque de taux d’intérêt) fera l’objet des
chapitres 5 à 8. Le risque pays auquel s’expose toute entreprise
commerçant avec l’étranger sera lui traité dans le dernier chapitre de
l’ouvrage.
Les entreprises soucieuses de se protéger contre le risque de change
doivent tout d’abord être en mesure de l’identifier précisément. Nous
verrons dans le chapitre 5 que la tâche n’est pas toujours aisée, car le
risque de change est protéiforme et la volatilité des devises impacte
l’activité et les résultats des entreprises de manière très diverse : en
influant sur la valeur de ses actifs, des engagements et des flux de
trésorerie. Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord nous attacher à bien
définir le risque de change, selon les optiques traditionnellement retenues
(optiques transactionnelle, comptable et économique). Cela nous amènera
par la suite à nous interroger sur les méthodes permettant d’évaluer
correctement ce risque.
Les méthodes de gestion du risque de change, qu’elles soient internes
ou externes, seront développées dans les trois chapitres suivants. Ces
techniques visent toutes à réduire l’exposition au risque, notamment
comme nous le verrons dans le chapitre 6, en mettant en œuvre des
techniques financières ou commerciales leur permettant de limiter ou de
couvrir leur exposition au risque de change : une entreprise exportatrice
pourra choisir judicieusement la devise dans laquelle elle facturera ses
clients, ou bien essaiera d’ajuster le prix de son produit en fonction de
l’évolution des changes. Nous présenterons également dans ce chapitre
d’autres méthodes simples de gestion du risque de change faisant appel à
des contreparties telles que les banques ou les assurances. Nous
montrerons ainsi l’intérêt qu’il peut y avoir à conclure un contrat
d’assurance du risque de change avec la COFACE, ou bien de conclure
une avance en devise avec une banque. Enfin, nous conclurons ce
chapitre par la présentation des swaps de change, qui sont des contrats
d’échange de taux très utilisés par les banques, mais également par les
entreprises souhaitant optimiser leurs opérations de trésorerie.
Les chapitres 7 et 8 nous permettront de présenter de façon détaillée
les produits financiers dérivés que l’on peut trouver sur les marchés de
gré à gré ou les marchés financiers organisés. Les produits dérivés sont
des outils précieux en matière de gestion des risques. Le terme de
« marchés dérivés » désigne l’ensemble des marchés, qu’ils soient de gré
à gré ou organisés, sur lesquels s’échangent des produits financiers, à
terme ferme ou optionnels, ainsi que des contrats d’échange appelés
swaps. Ces instruments financiers servent à se protéger contre le risque
de variation des prix d’autres actifs financiers, monétaires ou physiques,
appelés sous-jacents (ces actifs peuvent être des matières premières,
titres, taux d’intérêts, indices ou devises…). Les produits dérivés jouent
un rôle d’assurance ou de couverture, et les marchés de produits dérivés
permettent à ceux qui veulent se protéger de transférer leur risque sur une
ou plusieurs contreparties prêtes à l’assumer. Nous nous concentrerons
dans le chapitre 7 sur deux produits financiers dérivés qui permettent de
gérer efficacement le risque de change : les swaps de devises et les
contrats à terme ferme sur devises. Nous analyserons en détail ces
produits et illustrerons par de nombreux exemples numériques les
différentes façons de les utiliser pour se prémunir contre le risque de
change.
Le chapitre 8 est consacré aux options de change. Les options
procèdent d’une logique similaire à celle de l’assurance : une option de
change confère, à celui qui l’achète, le droit d’effectuer une transaction
(achat ou vente) sur une devise à un certain moment et à un certain prix.
Simples dans leur principe d’origine, les options ont, grâce à l’innovation
financière effrénée de ces dernières années, pris des formes de plus en
plus complexes. Cette sophistication a permis d’aboutir à toute une
gamme de nouveaux produits optionnels, dits « exotiques », ou encore de
deuxième, voire de troisième génération. Après avoir présenté le principe
des options d’achat ou de vente de devises, ainsi que leur évaluation,
nous nous attarderons sur les stratégies d’options simples qui permettent
d’illustrer le mécanisme d’assurance lié à ce produit. À l’aide d’exemples
numériques, nous pourrons par la suite comprendre comment ces options
simples, mais également d’autres combinaisons d’options plus
complexes, peuvent être utilisées pour répondre aux différents besoins de
couverture du risque de change.
Après avoir détaillé comment l’entreprise pouvait se couvrir contre le
risque de change, nous aborderons dans les deux chapitres suivants les
moyens de financement et de paiement des entreprises présentes à
l’international. Le chapitre 9 présentera les marchés internationaux de
capitaux, et les produits financiers spécifiques au financement
international.
Selon les caractéristiques de l’acheteur et en fonction du pays dans
lequel une opération commerciale est réalisée, l’entreprise peut décider
de réduire ou non, les risques encourus à l’exportation. Pour choisir le
moyen de paiement le plus adapté à sa situation, l’entreprise va identifier
le ou les risques qu’elle souhaite ou non, couvrir.
C’est ce que nous détaillerons dans le chapitre 10. Nous présenterons
ainsi, les instruments ou moyens de paiement utilisés dans le cas où
l’entreprise souhaite exporter sans se protéger contre un éventuel risque
d’insolvabilité de l’acheteur. Consciente des risques encourus, ou
persuadée qu’elle ne court aucun risque, l’entreprise dispose de quatre
principaux moyens de paiement : le transfert, le chèque, la traite et la
remise documentaire. Puis nous présenterons les avantages et
inconvénients des moyens de paiements qui lui permettent d’exporter en
se couvrant contre le risque d’insolvabilité de l’acheteur ; c’est ainsi que
nous nous intéresserons à la lettre de crédit Stand By non confirmée, la
traite avalisée et le crédit documentaire non confirmé. Enfin si
l’entreprise souhaite se couvrir contre l’insolvabilité présumée de
l’acheteur et contre le risque pays qui pourrait affecter la banque, alors
elle dispose de l’assurance-crédit, de la technique du forfaiting ou
forfaitage, ou du crédit documentaire irrévocable et confirmé. La dernière
partie du chapitre sera consacrée aux principaux types de crédits les plus
utilisés dans le cadre du financement des exportations, en les classant
selon leur durée : crédit de préfinancement, mobilisation de créances nées
à court terme à l’exportation (MCNE), crédits destinés à soutenir le
développement de l’exportation et d’autres crédits tels que : l’avance en
devise, le CREDOC et l’affacturage pour les crédits à court terme ; crédit
export ou crédit acheteur et crédit fournisseur pour les crédits à moyen-
long terme. Plus succinctement, nous terminerons par la présentation
d’autres formes de financement lorsqu’il s’agit de financer l’exportation
de fabrications spéciales de biens d’équipement, d’un montant élevé avec
des conditions de paiement longues (plusieurs années).
Le chapitre 11 terminera l’ouvrage sur la présentation du risque-pays.
Si la définition du risque pays n’a pas changé depuis une trentaine
d’années, cette dénomination recouvre aujourd’hui des phénomènes
différents en raison des transformations du contexte international. Ainsi,
dans une première partie, nous définirons le risque-pays et nous
identifierons ses principales manifestations. Nous insisterons sur
l’apparition des risques extrêmes observés ces dernières années. Nous
présenterons un exemple d’analyse du risque pays et en montrerons les
limites. Puis dans une deuxième partie nous nous intéresserons à la
gestion du risque pays et aux moyens disponibles de mesure du risque.
Nous soulignerons les limites des analyses risque-pays basées sur des
rating pays. Une note globale pour un pays permet difficilement
d’apprécier le large éventail des risques encourus par l’opérateur. En
outre, l’exportateur, l’investisseur, la banque, l’État, le ressortissant
étranger ou l’opérateur local n’est pas toujours confronté au même type
de risque. L’évaluation de ce dernier diffère selon l’utilisateur de ces
analyses. Enfin, même si les utilisateurs des analyses risque-pays ont
recours à des produits ou techniques de couverture contre le risque pays,
il n’existe pas réellement encore de produit d’assurance risque unique qui
permettrait d’englober l’ensemble des risques qui composent le risque
pays. D’où la multiplication de produits de couverture adaptés à un type
de risque particulier. Nous proposerons donc, pour terminer, quelques
solutions de prévention et couverture du risque.
Chapitre 1

Les transformations du système monétaire et


financier international : historique et analyse des
mutations

Introduction

Le développement des échanges et de la croissance suppose un


système monétaire stable. Le système monétaire international (SMI) est
un ensemble de règles ou conventions qui structure les politiques
économiques des nations. Le SMI s’appuie sur un ordre monétaire qui
fixe les règles du jeu. Ses bases reposent sur :

la convertibilité des monnaies (question du change) ;


les mouvements internationaux de capitaux (leur degré de
mobilité) ;
les conditions d’ajustement de la balance des paiements
(équilibre extérieur) ;
la liquidité du système (question de l’alimentation du monde
en liquidités internationales).

On peut définir le SMI comme un ensemble cohérent de règles qui


définit les rapports entre les cours des différentes monnaies et qui assure
l’approvisionnement en liquidités internationales.
Économistes, financiers et gouvernements sont à la recherche du
meilleur « système ». Les partisans des changes flottants estiment que
l’État n’a pas à intervenir dans la formation des taux de change. C’est la
loi de l’offre et de la demande sur le marché qui va déterminer le taux de
change d’équilibre. Les partisans des changes fixes, quant à eux, estiment
qu’il est nécessaire d’avoir un étalon (or, matières premières, devises
convertibles…) et la régulation du système provient de la concertation
internationale entre les États. Mais pour les partisans des changes fixes,
le degré de concertation est variable. Un économiste comme
Jacques Rueff explique que dans le système de l’étalon-or, la régulation
du système repose sur la discipline imposée à chaque pays. En revanche,
Robert Triffin est partisan d’une coordination internationale pour réguler
le marché des changes.
Au cours de ces dernières années, le SMI a été organisé autour de
l’étalon-or puis de l’étalon de change-or (ou Gold Exchange Standard)
pour arriver finalement au SMI actuel, caractérisé par des relations
monétaires internationales relativement peu organisées et dans lequel le
dollar joue un rôle important.
Parallèlement aux transformations du SMI, au milieu des années 1970,
avec la crise pétrolière et la montée de l’endettement des pays en voie de
développement (PVD), émerge un système financier international (SFI)
provoqué par la croissance rapide des transactions financières. Dès lors,
il est courant de distinguer les flux financiers des flux strictement
monétaires et commerciaux, afin d’apprécier leurs impacts dans les
récentes crises financières et monétaires qui se manifestent par des crises
de change.

I. Les bases historiques : l’étalon-or

Le système de l’étalon-or dure jusqu’en 1914. Ce système n’est pas né


d’un accord à une date précise mais il résulte d’une situation de fait
établie au cours du XIXe siècle.

1. Les bases du système de l’étalon-or

Chaque monnaie est définie par un poids d’or. Un franc vaut 0,322
gramme d’or. La livre sterling vaut 7,988 grammes. Le dollar américain,
devenu la monnaie des États-Unis en 1785, est d’abord défini en argent
puis par son poids en or avec le bimétallisme. Toutes ces monnaies
contiennent effectivement le poids d’or qu’elles valent. Le Napoléon est
une pièce en or de 20 francs.
Le Gold Standard Act de 1900 rattache exclusivement le dollar à l’or :
l’once d’or (31 grammes) vaut 20 dollars. La libre frappe est établie dans
tous les pays : en France, tout le monde peut apporter un objet à l’Hôtel
des monnaies et le faire transformer en pièces. Les billets de banque,
monnaie fiduciaire, sont convertibles, eux aussi, en or. D’ailleurs, sur
chaque billet français, il est inscrit que la Banque de France s’engage à
les convertir en or. Pour faire face à cette obligation, elle doit avoir en
caisse une quantité importante d’or. Mais les Français n’échangeront
leurs billets en or qu’en cas de panique : guerre, révolution. Dans ce cas,
on déclare le cours forcé des billets, c’est-à-dire la suppression de la
convertibilité, comme cela s’est produit de 1848 à 1858, de 1871 à 1878
et à partir de 1914. À cette date, le système du Gold Standard qui permet
la libre circulation des monnaies entre les pays, sans contrôle, ni droits de
douane semble être le plus approprié pour le développement du
commerce, favorisé par la stabilité des changes.

2. Les avantages du système

Le système instaure un certain nombre de mécanismes de réajustement


automatique qui empêchent les déséquilibres de s’installer.

2.1. La stabilité des changes

Toute monnaie est soumise aux lois du marché. Lorsque le taux de


change entre deux monnaies varie trop fortement à la hausse, il devient
plus intéressant de transférer de l’or à la banque centrale du pays, qui a sa
monnaie qui s’apprécie, pour que cette dernière le change directement en
monnaie. Cela revient à payer directement en or. Si, en revanche, le cours
de la monnaie chute, il devient plus avantageux d’acheter cette monnaie
et de payer en monnaie et non en or. Le cours d’une monnaie est donc
autorégulé. La stabilité des changes est assurée.
2.2. L’équilibre de la balance des paiements

Si la balance des paiements d’un pays est en déficit, des transferts d’or
ont lieu vers les pays excédentaires. On puise pour cela dans les réserves
de la banque centrale. Or, cela crée des risques pour la convertibilité. Dès
lors, craignant de voir son encaisse monétaire diminuer, la banque
centrale peut augmenter ses taux d’intérêt en relevant son taux
d’escompte. La demande de crédit en monnaie va diminuer, entraînant
une diminution de l’inflation. Les prix des produits deviennent plus
compétitifs sur les marchés internationaux et sur le marché national, ce
qui a pour effet de favoriser les exportations et de réduire les
importations. En outre, avec la hausse des taux, les investissements vont
coûter plus cher et l’activité va se ralentir, les importations vont se
réduire. Enfin, si les taux s’élèvent, les détenteurs étrangers seront incités
à conserver leurs avoirs. On assiste ainsi à un rééquilibrage de la balance
des paiements, les transferts d’or ne devenant plus nécessaires. Ainsi, les
déficits et les excédents ne se compensent pas seulement dans l’espace
mais aussi dans le temps. L’équilibre est garanti par un transfert d’or
entre les pays.

2.3. Les limites du système et l’impact de la Première Guerre mondiale

Le système a bien fonctionné tant que la Grande-Bretagne, puissance


dominante, garantissait la valeur or de sa monnaie. Mais les
conséquences économiques du mécanisme de réajustement automatique
des balances des paiements peuvent être négatives pour la croissance
économique. Une hausse des taux d’intérêt restreint la demande de
monnaie, mais aussi l’investissement.
Avec la Première Guerre mondiale et les dépenses induites, les
belligérants vont connaître de profonds désordres monétaires. L’inflation
s’installe durablement du fait des pénuries et du décalage entre l’offre et
la demande. La guerre remet en cause le rôle de la livre sterling et les
États-Unis ne remplacent pas encore cette dernière sur la scène
internationale. C’est donc une période d’incertitude.
En 1920, le retour à l’or est réalisé par les États-Unis qui possèdent
30 % du stock d’or mondial. Le dollar revient à la parité-or de 1900 et la
convertibilité est maintenue sous forme de lingots. Les pays ne peuvent
se procurer des dollars qu’en exportant vers les États-Unis, or ces
derniers mènent une politique protectionniste. Il y a donc un manque de
dollars (dollar gap) en Europe.
Dans les pays européens, la situation monétaire est beaucoup plus
difficile :

En Grande-Bretagne, W. Churchill, ministre des Finances,


restaure en 1925 la parité-or de 1817 pour la livre, mais cela au
prix d’une politique de déflation très sévère ;
l’Allemagne vit une inflation galopante :
1914 1 USD 4 RM
1919 1 USD 14 RM
Janvier 1923 1 USD 17 000 RM
15 novembre 1923 1 USD 4 200 milliards RM

Cette inflation est la conséquence de la guerre (montant des


réparations, occupation de la Ruhr par la France…). Après
l’intermède du Rentenmark, un nouveau Reichsmark en or est
institué sur la base de la parité-or de 1875. La convertibilité se fait
en lingots.

La France met 10 ans à pouvoir rétablir la parité-or. Après la


politique de rigueur de Poincarré (1926-1928), le franc est
dévalué en 1928 mais rattaché à l’or. La convertibilité se fait
aussi en lingots.

C’est pourquoi le système qui est rétabli est connu aussi sous le nom
de Gold Bullion Standard (bullion : lingot). C’est à la conférence de
Gênes en 1922 que les pays participants adoptent, sans réellement
formaliser l’accord, le Gold Exchange Standard. Sous l’égide de la
Société des Nations, à laquelle les États-Unis ne participaient pas, les
pays européens se réunissent et décident que l’or conservera un rôle
essentiel pour assurer la stabilité des monnaies, tout en tenant compte des
réserves relativement faibles en or de la Grande-Bretagne. C’est un
système à deux niveaux dans lequel certains pays sont considérés comme
des « centres-or », leur banque centrale assurant la convertibilité de leur
monnaie, et les autres pays, détenant dans leurs réserves les monnaies
précédentes sous forme de comptes bancaires, mais aussi de titres, de
lettres de change. Le système est moins un système d’étalon-or que
d’étalon de change-or dans la mesure où la convertibilité des monnaies
devient indirecte.
La grande crise des années 1930 désintègre le Gold Exchange
Standard. Les agents économiques qui ont des dépôts à Londres
cherchent à les récupérer. Au même moment, la Grande-Bretagne est
touchée par la faillite des banques d’Europe centrale (faillite du Kredit
Anstalt de Vienne en mai 1931 et faillite de la Danat Bank et de la
Dresdner Bank en juillet 1931). Cette crise atteint Londres à la mi-juillet
1931, le relèvement des taux ne parvient pas à empêcher les sorties de
capitaux et le stock d’or anglais fond. En septembre 1933, les autorités
britanniques décident de suspendre la convertibilité-or de la livre sterling
et la monnaie est dévaluée de 30 %. En janvier 1934, même scénario
pour le dollar et le yen.
Il n’y a aucune coopération internationale : coexistent un bloc sterling,
un bloc dollar, un bloc or (France, Belgique, Italie, Pays-Bas), une zone
mark, une zone yen. La crise a donc fait éclater le Gold Exchange
Standard. L’absence de concertation a semble-t-il été nuisible. C’est
pourquoi en juillet 1944, les autorités monétaires vont s’efforcer d’éviter
les erreurs de l’entre-deux-guerres, en mettant en place un système
monétaire concerté.

II. Des changes fixes aux changes flottants

La conférence monétaire et financière de Bretton Woods a lieu en


juillet 1944 à l’appel des États-Unis. Elle a pour objet d’éviter les
désordres de l’entre-deux-guerres, de stabiliser les changes et de créer
des conditions favorables à la croissance et au développement des
échanges. Cependant, au départ, les intérêts des pays sont différents.
Deux thèses s’affrontent rapidement, la Grande-Bretagne avec J.M.
Keynes et les États-Unis avec H. White (sous-secrétaire d’État aux
Finances). Celui-ci défend la position qui consiste à utiliser le dollar,
seule monnaie convertible en or, alors que le Britannique est favorable au
Bancor, monnaie non-gagée sur l’or mais qui se définie par rapport à
d’autres monnaies. C’est la thèse américaine qui va l’emporter.

1. Principes du SMI de Bretton Woods

Il y a 44 pays représentés à la conférence de Bretton Woods,


essentiellement des pays alliés. La France y est incarnée par Pierre
Mendès France, il y a aussi un observateur soviétique mais pas de
représentant allemand.

1.1. Les principaux éléments de l’accord

Les monnaies sont définies par rapport à l’or ou à une devise liée à
l’or. Une once d’or équivaut à 35 USD. Le dollar « as good as gold »
supplante la livre sterling. Les États-Unis détenaient les deux tiers du
stock d’or mondial.
On condamne le système des changes flottants et on instaure un
système de changes fixes et ajustables. Les banques centrales s’engagent
à ce que leur monnaie ne s’écarte pas, dans une plage de plus ou moins
1 %, de la parité définie à court terme. La défense des parités est basée
sur deux règles (statuts du FMI) :

D’une part la règle générale stipule : « Tout membre s’engage


à ne permettre sur son territoire que des opérations de change
entre sa monnaie et les monnaies des autres pays membres qui
respectent un écart ne dépassant pas + ou – 1 % de leur
parité ». Cette règle signifie donc que les banques centrales
doivent intervenir sur le marché des changes.
D’autre part, la clause d’exception stipule : « Est réputé
remplir l’obligation ci-dessus tout membre dont les autorités
monétaires pour le règlement des transactions internationales
achètent et vendent librement de l’or au cours correspondant
de la parité ». Cette clause signifie donc qu’un pays qui achète
de l’or contre sa monnaie est dispensé d’intervenir sur le
marché des changes.

La conséquence sera que les USA n’auront pas à défendre leur


monnaie puisque les autres pays devront maintenir une parité fixe à
l’égard du dollar. Les USA n’ont pas la charge de financer le déficit de
leur balance des paiements, mais ces conditions requièrent que le stock
d’or corresponde à leurs engagements.
Il y a libre convertibilité des monnaies pour les transactions courantes
mais un contrôle est exercé sur les mouvements internationaux de
capitaux.
Chaque État doit veiller à l’équilibre de sa balance des paiements. En
cas de déséquilibre temporaire, celui-ci est couvert par des réserves
officielles et par des crédits du Fonds monétaire international (FMI). Le
FMI est à l’origine le garant de l’ordre monétaire. Il surveille le système
de parités et distribue des crédits aux pays déficitaires.
Le FMI a été mis en place en 1944. C’est une caisse de secours
mutuels, financée par chacun de ses membres et qui vient en aide à ceux
qui connaissent des difficultés. Chaque État à un droit de vote
proportionnel à sa quote-part, versée pour 25 % en or et pour le reste en
monnaie nationale.

1.2. La période 1945-1958 : « le dollar aussi bon que l’or »

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tous les pays européens


ainsi que le Japon ont besoin de liquidités pour financer leur
reconstruction et leur croissance. Ils ne peuvent les financer en l’absence
d’un stock d’or important et sans réserves en dollars suffisantes. Les
ressources issues du FMI étant relativement faibles, les États-Unis
apparaissent comme le pourvoyeur essentiel en liquidités internationales
pour couvrir ce besoin. Grâce au plan Marshall, les USA vont transférer
au monde 33 milliards de dollars sous forme de dons et de prêts pour la
reconstruction de l’Europe et du Japon. Tant que les Occidentaux
reconstruisent leur économie, le dollar reste la monnaie à acquérir.
C’est le déficit de la balance des paiements américaine, liée en grande
partie aux investissements directs américains à l’étranger et de plus en
plus tournés vers l’Europe, qui finance la reconstruction et qui alimente
le SMI. En 1950, ils représentent 19 milliards de dollars et à la fin des
années cinquante, 40 milliards. Ces sorties de capitaux renforcent la
puissance américaine. On voit se multiplier les balances-dollars (dollars
détenus par les étrangers et accumulés par les banques à l’étranger). À
cette époque, le stock d’or américain est plus important que l’ensemble
des balances-dollars réparties dans le monde. La confiance est totale.
Cependant, les premiers craquements du SMI vont apparaître à la fin des
années 1960.

1.3. Le dollar contesté

À partir de 1958 le dollar est une monnaie contestée. Le 28 décembre


1958, les dix pays les plus importants du monde occidental déclarent la
convertibilité de leur monnaie. Ceci se traduit par la libéralisation des
mouvements de capitaux ; les marchés financiers sont davantage
connectés entre eux. Dès lors les économies deviennent plus sensibles
aux taux d’intérêt étrangers et l’équilibre extérieur devient un objectif en
raison de la fixité des changes. Il s’agit d’éviter des crises de balance des
paiements.
Mais les crises qui vont se développer par la suite sont les
conséquences de la modification du taux de change. Dans l’hypothèse où
les marchés anticipent une dévaluation, il se produit une fuite de
capitaux, ainsi les réserves officielles de la banque centrale de la monnaie
attaquée peuvent diminuer jusqu’à l’assèchement.
Un ensemble de difficultés à la fois à l’intérieur du pays et provenant
de l’extérieur va provoquer une crise structurelle aux USA.

En interne : on assiste à une baisse du rythme de croissance


de la productivité du travail en même temps qu’une
dégradation de la rentabilité des entreprises américaines. Cette
baisse est due en partie à un nouveau partage de la valeur
ajoutée en faveur des salaires et au détriment du profit. La
guerre du Viêtnam conduit à une hausse des dépenses
militaires, celles-ci s’effectuent au détriment de
l’investissement de recherche et développement qui est passé
de 12 % par an en termes réels entre 1953-1964, à 3 % entre
1964-1971, pour finir à 0 % entre 1971-1975. Ces dépenses et
l’effort de guerre conduisent à une surchauffe de l’économie
caractérisée par une hausse des salaires et des prix.
À l’extérieur : dès 1964, l’étude de la relation entre
l’évolution des importations et celle du PNB montre une
inflexion fondamentale, ce qui signifie que les USA dépendent
de plus en plus du reste du monde, surtout en ce qui concerne
les biens d’équipement. En 1971, les USA connaissent leur
premier déficit depuis 1890 : les importations augmentent à un
rythme supérieur à celui des exportations.

Ces tendances s’expliquent par la dégradation des comptes dont les


principales causes sont un affaiblissement de l’excédent commercial et
une réorientation des firmes américaines à l’étranger. En effet, les firmes
transnationales américaines vont réorienter leurs investissements directs
du Canada et d’Amérique latine vers l’Europe. Ces dernières, qui
produisent à l’étranger, réimportent une grande partie de leur production.
Les revenus rapatriés sont alors supérieurs aux sorties de capitaux, alors
qu’avec l’Europe, les profits rapatriés sont inférieurs aux sorties de
capitaux. Ce déficit conduit à une dégradation du solde de la balance des
paiements américaine et à un accroissement des liquidités internationales.
Mais la confiance dans le dollar faiblit. Un certain nombre de critiques
sont adressées au système.
Tout d’abord, on constate que les USA règlent leur déficit de la
balance des paiements avec leur propre monnaie sans subir les
contraintes d’une politique de rigueur. D’autre part, le système permet
une duplication de crédit donc il a une tendance inflationniste. Ce
système est illogique puisqu’il subordonne l’offre de liquidité
internationale au déficit de la balance des paiements.
Ce système fonctionne de manière contradictoire : c’est le « dilemme
de Triffin ». Il n’y a stabilité que s’il y a confiance dans le dollar, ce qui
suppose un faible déficit. Mais dans ce cas-là, la pénurie de dollars
bloque le système et tend à provoquer une déflation. Ainsi, la logique du
système pousse au déficit, celui-ci ruinant la confiance dans le dollar.

1.4. Les crises monétaires internationales des années soixante

La confiance dans le dollar faiblissant, beaucoup demandent la


conversion de leurs dollars en or. Mais dès le début des années soixante,
cela devient impossible : il y a moins d’or aux États-Unis que de dollars
dans le monde.
En octobre 1960, la dégradation des comptes extérieurs des USA se
traduit par une crise du dollar qui se manifeste par une hausse du prix de
l’or qui passe à 41 dollars l’once.
Les autorités monétaires, sous l’impulsion des USA, répliquent en
créant « le pool de l’or » en février 1961. Le pool de l’or regroupe huit
banques centrales qui s’engagent, pour stabiliser le prix de l’or, à acheter
en cas de baisse et à vendre en cas de hausse de l’or au cours de 35 USD
l’once. L’objectif de ce pool est bien de maintenir sur le marché de
Londres le prix de l’or à 35 dollars l’once. Ce système ne pouvait durer
que si les USA luttaient efficacement contre leur déficit ; mais tel ne fut
pas le cas. Ainsi, la France quitte le « pool de l’or » (juin-juillet 1967).
Suite à une ruée sur l’or à Londres en 1967-1968, le pool éclate le
17 mars 1968. Les États-Unis suspendent alors la convertibilité en or
pour les particuliers étrangers. Elle n’est possible que pour les banques
centrales.
À partir du 1er avril 1969, se met en place un double marché de l’or :

le marché officiel réservé aux banques centrales, sur la base du


prix maintenu de l’once d’or à environ 35 USD ;
le marché libre, où la valeur dépendra de l’offre et de la
demande des particuliers.

En même temps sont créés les DTS (Droits de tirage spéciaux) par le
FMI. C’est une nouvelle liquidité internationale qui se substitue à l’or,
mais son utilisation est limitée aux transactions entre banques centrales ;
le dollar garde une place prépondérante.
Des spéculations sur les monnaies se développent et on assiste à une
série de réajustements monétaires :

la Livre sterling est dévaluée de 14,3 % en novembre 1967 ;


le Franc est dévalué de 12,5 % le 8 août 1969 ;
le Deutsche Mark est réévalué de 9,29 % le 4 octobre 1969.

Les crises de 1969 et 1970 apparaissent comme le point d’orgue de


l’effondrement du système des parités fixes. Cette dynamique s’explique
par :

le fait que la politique économique américaine s’appuyant


davantage sur la politique monétaire, les taux d’intérêt
subissent de fortes fluctuations en fonction des sollicitations de
cette politique monétaire ;
d’autre part, les conjonctures nationales sont de plus en plus
déphasées ; les politiques économiques varient fortement entre
les pays ;
la croissance du marché de l’eurodollar, entretenue par
l’accroissement de la liquidité internationale, va perturber les
effets attendus des politiques économiques.

On assiste à un déphasage entre trois groupes de taux d’intérêt :

les taux des USA qui varient en fonction de la conjoncture


américaine (notamment du taux d’inflation et du solde de la
balance des paiements) ;
les taux de l’eurodollar qui sont sensibles à la politique
américaine ;
les taux des autres pays développés qui dépendent à la fois de
leur conjoncture et du niveau de l’eurodollar.

Il s’ensuit des divergences de taux d’intérêt et des liquidités


abondantes qui vont induire d’amples mouvements de capitaux. Ces
mouvements vont provoquer des crises monétaires qui sont d’autant plus
fortes qu’elles reposent sur l’idée qu’ont les spéculateurs de pouvoir
anticiper des variations des taux de change. Les crises monétaires sont
rythmées par des flux et reflux de capitaux à court terme.

1.5. L’incapacité à retrouver un système de change fixe : 1971-1974

Cette période est marquée par une accentuation des crises monétaires
internationales. Dès le début 1971, les mouvements de capitaux flottants
élargissent leur espace d’intervention et se dirigent vers la RFA et le
Japon. L’intensification des mouvements de capitaux flottants s’opère
dans un contexte où le changement des parités n’est plus une éventualité,
mais une quasi-certitude. La spéculation anticipant les changements de
parité, elle va jouer contre le dollar.
Ainsi, le 15 août 1971, le président R. Nixon annonce la suspension de
la convertibilité-or du dollar et en décembre 1971, alors que le dollar est
dévalué de 7,9 %, les principales monnaies occidentales (yen, mark) sont
réévaluées. Les marges de fluctuation passent de + ou – 1 % à + ou –
2,25 % (il s’agit de ce que l’on appelle les accords de Washington dits
du « Smithonian Institute »). Ainsi, deux monnaies autres que le dollar
peuvent varier de + ou – 4,5 % à deux périodes différentes.
Les principes fondamentaux de Bretton Woods disparaissent, et on
constate :

l’inconvertibilité du dollar en or ;
la parité est moins importante qu’une évolution plus réaliste,
plus proche de la valeur réelle de la monnaie en question.

Le système monétaire réformé reste donc basé sur des parités stables,
mais ajustables.

2. L’étalon dollar flottant : 1973-1982

C’est une période instable, qui recouvre les deux chocs pétroliers et les
taux de change flottants sont d’abord perçus comme un moyen
d’ajustement de l’économie mondiale aux différents chocs.
L’environnement international se caractérise par :

l’accentuation des déséquilibres extérieurs des USA ;


les chocs pétroliers de 1973-1974 et de 1979-1980 et
l’endettement des PVD ;
le développement de l’inflation.

À partir de 1973, on est dans un système de flottement généralisé des


monnaies. C’est le système de changes flottants : les monnaies n’ont plus
entre elles de parité fixe. Le cours est défini en fonction de l’offre et de la
demande qui s’exercent sur le marché.

2.1. Les accords de la Jamaïque (janvier 1976)

Il s’agit de limiter les fluctuations monétaires à court terme, de faciliter


la convertibilité des monnaies pour les paiements courants et d’essayer
de lever les contrôles sur les mouvements de capitaux.
Le dollar est toujours utilisé comme principale monnaie d’intervention
sur les marchés des changes. Les USA sont toujours passifs quant à leur
intervention sur le marché des changes ; ils maintiennent ouvert leur
marché financier pour les déposants et les emprunteurs internationaux et
continuent de conduire leur politique monétaire sans référence au reste
du monde.
En janvier 1976, les accords de Kingston (appelés encore accords de
la Jamaïque) excluent toute référence officielle à l’or. Ces accords
officialisent les bases du nouveau SMI. Les changes flottants sont
« légalisés » car chaque pays peut adopter le système qu’il veut. L’or est
donc démonétisé ; on ne peut plus définir une monnaie par rapport à lui.
Les banques centrales n’ont plus d’or mais des DTS ou des devises, et les
taux de change sont flottants, avec à terme une parité stable mais
ajustable.

2.2. La politique économique américaine et les variations erratiques du


dollar

Le SMI reste un système relativement instable reposant sur la


prédominance du dollar, monnaie internationale incontestée. Le dollar
remplit son rôle d’unité de compte, de moyen de paiement et de réserve
de valeur. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le poids du dollar
dans les réserves mondiales (plus de 60 % contre moins de 30 % pour
l’euro), dans les échanges internationaux et dans le gonflement des
liquidités internationales.
Le dollar est la principale monnaie de réserve. Il représente près de
60 % des avoirs en euromonnaies et près de 50 % des avoirs bancaires.
Ainsi, les fluctuations du dollar ont des effets patrimoniaux pour tous les
agents économiques. Les débiteurs, les entreprises et les États voient leur
situation se dégrader lorsque les remboursements de leur dette
s’effectuent dans un dollar qui s’apprécie (la baisse du dollar ayant un
effet inverse). Les investisseurs sont, quant à eux, dans une situation
moins favorable lorsque le dollar chute.
Graphique 1 : Poids des différentes monnaies
dans les réserves de change en 2010

Sources données : FMI et BIS. Données mises en forme par


l’auteur. La part de l’euro avant 1999 est estimée à partir des parts
cumulées des monnaies nationales de la zone euro.
Ces statistiques du FMI représentent les avoirs en devises étrangères
de 140 pays détenant 59 % des 8 986 milliards de dollars des réserves
mondiales (fin septembre 2010). Toutefois elles ne comprennent pas
celles de la Chine qui possède les plus grandes réserves de change :
2 3992 milliards de dollars à la fin décembre 2010 (soit plus de 30 % du
total mondial). Mais la répartition entre devises n’est pas publiée, même
si on estime qu’elles sont constituées à 70 % en dollars, essentiellement
sous forme de bons du Trésor.
Graphique 2

Source : Datastream, Natixis, 2010.


Ainsi, la part du dollar reste bien prépondérante, même si toute
dépréciation de cette devise a tendance à abaisser mécaniquement la part
du dollar, en gonflant la valeur des autres devises exprimée en dollars.
Depuis la crise financière de 2008 ces données ont peu changé comme en
témoignent les chiffres du graphique ci-dessous, mais le dollar représente
toujours les 2/3 des réserves mondiales en devises.
Graphique 3 : Part des devises dans les réserves de change
des banques centrales (1998-2008)

Source : FMI, www.imf.org


D’autres monnaies pourraient être susceptibles d’être attractives pour
les investisseurs étrangers, publics et privés, comme le dollar canadien, le
dollar australien, la roupie indienne ou le réal brésilien, voire le renminbi
chinois. Mais les marchés obligataires du Canada ou de l’Australie sont
trop étroits pour que leur monnaie tienne une place significative dans les
portefeuilles internationaux. En revanche, les marchés brésiliens, indiens
et chinois sont potentiellement plus vastes. Mais ces pays s’inquiètent de
ce qu’impliqueraient pour leur compétitivité à l’exportation d’importants
achats étrangers de leurs titres. Selon les analystes financiers, ces pays
« […] s’inquiètent aussi des conséquences d’entrées de capitaux
étrangers pour l’inflation et la formation de bulles financières. L’Inde
maintient donc son contrôle sur les mouvements de capitaux et limite
l’accès des investisseurs étrangers à ses marchés obligataires, ce qui
limite l’attrait de sa monnaie pour un usage international. Le Brésil a
quant à lui triplé son impôt sur les achats étrangers de ses titres. D’autres
marchés émergents ont pris des décisions similaires […] » (Les Echos,
30 décembre 2010). La Chine maintient également des contrôles sur les
mouvements de capitaux, ce qui limite l’attrait du renminbi en tant que
véhicule d’investissement et monnaie internationale. La Banque centrale
malaise a toutefois ajouté des obligations chinoises à ses réserves de
change. Des entreprises comme McDonald’s et Caterpillar ont émis des
obligations libellées en renminbi pour financer leurs opérations en Chine.
Mais celle-ci va devoir ouvrir davantage ses marchés financiers et
procéder à une réforme de son système bancaire avant que sa monnaie ne
devienne une monnaie internationale. Faute d’une alternative, le dollar
conserve sa position de monnaie internationale.
Le dollar reste le principal support des flux financiers internationaux.
Plus de 50 % des échanges de biens et services sont facturés en dollars.
C’est pourquoi il est la première monnaie de facturation (monnaie dans
laquelle est libellé le prix de la transaction). Le commerce des matières
premières, et en particulier celui de l’énergie, s’effectue essentiellement
en dollars. Cela signifie que les variations du dollar affectent non
seulement les échanges entre les États-Unis et leurs partenaires, mais
aussi les relations économiques dans lesquelles les États-Unis
n’interviennent pas. En Amérique latine, et dans une moindre mesure en
Asie, les transactions s’effectuent en dollars. En outre, de nombreuses
monnaies sont ancrées au dollar. Ce n’est qu’en Europe que le dollar voit
sa suprématie contestée avec l’euro.
Ainsi, parce que le dollar est la principale monnaie internationale, son
marché est liquide et les coûts de transaction sont faibles.
Le dollar évolue de manière contrastée. À la fin des années soixante, le
dollar est surévalué. Il a favorisé l’implantation des firmes américaines à
l’étranger et a freiné les exportations de biens et services américains. De
1971 à 1978, le dollar baisse de 31 % par rapport au franc et de 67 % par
rapport au mark. Un dollar vaut 5,50 F en 1971 et 4 F en 1979. La baisse
du dollar modifie le comportement des détenteurs d’avoirs en dollars qui
diversifient leur portefeuille en substituant à des dollars des avoirs en
mark, yen ou franc suisse. Ce phénomène accentue la dépréciation de la
monnaie américaine qui est victime de mouvements de défiance. Puis, à
partir de 1979, suite au changement d’orientation de la politique
américaine, le dollar remonte. De fin 1979 à février 1985, le dollar
augmente de 100 % vis-à-vis du mark, passant de 1,7 à 3,45 DEM et de
170 % vis-à-vis du franc, passant de 4 à 10,66 F (tableau et graphiques
ci-dessous).
Graphique 4 : Évolution du taux de change USD/FRF

Sources : Libération, 6 septembre 1984 et Le Monde, 25 septembre


1985.
Graphique 5 : Le yo-yo du dollar et le déficit extérieur

La hausse des taux d’intérêt américains entraîne une arrivée massive


de capitaux étrangers. Les États-Unis deviennent débiteurs vis-à-vis du
reste du monde. Le dollar s’apprécie, « un dollar rare et cher ». Les
exportations américaines sont chères et peu compétitives, les
importations sont quant à elles encouragées, d’où l’aggravation du déficit
commercial américain.
Les USA, au début des années 1980, mènent une politique économique
dite de « Policy Mix » qui combine une politique monétaire restrictive et
une politique budgétaire expansionniste. Cette politique de strict
encadrement de la croissance monétaire induit une hausse rapide des taux
d’intérêt. Tandis que la conjonction d’une politique de réduction de la
fiscalité et d’un accroissement des dépenses militaires se traduit par une
accentuation rapide du déficit budgétaire américain.
La reprise américaine repose donc sur des déséquilibres. On parle de
« déficits jumeaux ». Lorsque les agents qui ont des besoins de
financement (entreprises, État) ne trouvent pas suffisamment d’épargne à
l’intérieur du pays, ils recourent à l’épargne extérieure. Dès lors, le
déficit budgétaire pèse sur le solde des opérations courantes quand
l’épargne privée est insuffisante. Les conséquences sont une appréciation
du dollar et, en même temps, des déséquilibres massifs dans les
transactions courantes, ce qui va conduire à une perte de compétitivité
des entreprises américaines et à un déficit cumulé de la balance
commerciale de 338 milliards de dollars entre 1982 et 1985. La dette
américaine atteint 2 000 milliards de dollars en 1985.
Dans le même temps, les économies européennes et japonaises, luttant
contre les tensions inflationnistes, connaissent à leur tour une stagnation,
liée en partie au niveau élevé des taux d’intérêt américains. Le
renchérissement du dollar a des conséquences très lourdes pour tous les
pays importateurs de pétrole qui payent leur facture en dollars. La hausse
des taux d’intérêt contraint aussi nombre de pays endettés à renégocier
leur dette auprès du FMI. C’est la crise de l’endettement des années
quatre-vingt.
Les déficits américains provoquent un accroissement des mouvements
internationaux de capitaux ; les spéculations se développent et mettent à
mal le système monétaire européen (SME). Progressivement, des
pressions se font sentir pour stabiliser les monnaies (à partir de 1984
suite aux crises financières en Amérique latine). L’économie
internationale se dirige vers la fin de l’unilatéralisme américain. Les
États-Unis ne peuvent plus rester indifférents à leur taux de change.
Le 22 septembre 1985, la réunion du Plazza, qui rassemble les
principaux pays, décide une appréciation ordonnée des monnaies autres
que le dollar. On s’accorde sur une politique d’intervention concertée des
banques centrales sur le marché des changes. En février 1987, les accords
du Louvre visent à stabiliser le dollar. C’est le début d’une ère de
nouvelle coopération entre les États. Toutefois, ces accords n’ont pas eu
les effets escomptés, en témoigne le krach boursier d’octobre 1987 qui se
double d’une profonde crise monétaire marquée par la chute du dollar.
Le système monétaire entre dans une nouvelle phase, celle « des
changes visqueux », c’est-à-dire que l’on se met d’accord sur des bandes
de référence d’environ 5 % autour des niveaux courants. Au-delà de ces
bandes, les banques centrales doivent intervenir sur le marché des
changes. C’est la création des zones cibles. L’existence de marges de
fluctuation, en limitant la volatilité, doit empêcher la formation de bulles
spéculatives sur le change. Toutefois, les modèles de zones cibles,
développés par des auteurs comme Miller, Williamson et Krugman dans
les années 1980, posent un certain nombre de questions.
Tout d’abord celle de la détermination de la bande de fluctuation et de
sa largeur optimale. Une bande trop large ne stabilise pas vraiment le
système de change. En sens inverse, des marges de fluctuation trop
étroites nécessitent des interventions constantes des banques centrales. La
question de la détermination du taux de change d’équilibre fondamental
ou taux centraux subsiste. La politique économique doit pouvoir à la fois
permettre la stabilité du taux de change d’équilibre et poursuivre un
objectif d’équilibre interne. Tout manque de cohérence va être sanctionné
par des mouvements de capitaux brutaux, entraînant une forte instabilité
du change. La crise monétaire et boursière d’octobre 1987 trouve une
partie de ses causes dans l’incohérence entre les objectifs affichés au
niveau du change et les mesures de politique économique prises par les
pays.
Aujourd’hui, la faiblesse du dollar a des raisons commerciales. Le
déficit commercial atteint des records et il exerce des effets négatifs sur
l’emploi. Dès lors, la reconquête des marchés extérieurs par les
entreprises américaines justifie la faiblesse relative de la monnaie
américaine. Les déficits jumeaux croissants, expliqués en partie par
l’engagement militaire américain en Irak et par la faiblesse de l’épargne
américaine, jouent plutôt à la baisse sur le dollar. Une baisse du dollar
atténue le fardeau de la dette américaine et favorise les exportations tout
en renchérissant les importations. En outre, le dollar est fortement
dépendant des politiques de taux d’intérêt. Les taux relativement plus
élevés en Europe (justifiés par l’objectif de maîtrise de l’inflation assigné
à la Banque centrale européenne) qu’aux États-Unis jouent aussi dans le
sens d’un affaiblissement de la monnaie américaine.
Régimes de change : récapitulatif
On peut distinguer :
1. Les systèmes de parités fixes :
a) avec étalon :
– étalon marchandise : « étalon-or » (le XIXe siècle jusqu’en
1914) ;
– étalon devise convertible : étalon de change or ou Gold
Exchange Standard (1945-1971) ;
– étalon panier de devises.
b) sans étalon :
Zone de parités fixes fondée sur des taux pivots bilatéraux
(SME).
2. Les systèmes sans parités fixes : les flottements (depuis
1973) :
a) flottement pur : aucune intervention des autorités
monétaires ;
b) flottement administré : interventions possibles des autorités
monétaires sur le marché des changes.
Des pratiques de change variées.
Aujourd’hui une quarantaine de pays industrialisés laisse
flotter leur monnaie sans limites : les États-Unis, le Canada, la
Suède, le Japon, le Mexique, l’Australie, la Corée…
D’autres ont opté pour un flottement dans certaines limites ;
ce sont par exemple, l’Algérie, la Russie, le Vietnam, le Kenya,
la Guinée, la Mongolie…
Certains pays ont adopté une monnaie étrangère comme
monnaie nationale : le dollar US est la monnaie légale à Panama,
en Micronésie, au Salvador… par exemple.
D’autres pays rattachent la valeur de leur monnaie à celle
d’une monnaie importante comme le dollar, de sorte que lorsque
le dollar se déprécie, leur propre monnaie se déprécie aussi ;
c’est le cas de la Chine, de l’Iran, du Liban, de la Malaisie… Le
Lesotho, la Namibie et le Swaziland ont rattaché leur monnaie au
rand sud-africain.
Quatorze pays africains ont constitué une zone monétaire qui
comprend deux régions dans lesquelles une banque centrale émet
une monnaie commune, le franc CFA qui conserve une relation
fixe avec l’Euro.
Source : d’après Faugere J.P. et Voisin C., Le système
financier et monétaire international, 5e éd., 2005, p. 80 et
Rapport annuel du FMI, « Exchange Arrangements and
Exchange Restrictions ».

III. Les développements du SFI

1. Évolutions et nécessaire mutation du SFI

1.1. Au commencement de l’internationalisation financière

C’est avec l’internationalisation des banques et de leurs activités que


débute le mouvement d’internationalisation financière. Les grandes
banques vont accompagner leurs clients (les FMN) dans leurs activités à
l’étranger. Pour ce faire, elles vont créer des filiales et des succursales à
l’étranger et vont développer des activités de financement leur permettant
ainsi d’accroître leur part de marché. La saturation des marchés
nationaux aux États-Unis, l’existence de réglementation contraignante
(réglementation Q par exemple) les amènent à rechercher des
opportunités de développement au-delà de leurs frontières.
Après la Seconde Guerre mondiale, pendant la période de
reconstruction, le système financier privilégie les circuits bancaires au
détriment des marchés de titres. On entre dans une « économie
d’endettement » dans laquelle l’essentiel des relations financières se fait
entre établissements financiers. À cette époque, les marchés de capitaux
sont segmentés et relativement cloisonnés.

1.2. Le développement des euromarchés

À partir du début des années soixante se développent les euromarchés.


En 1957, la crise de la livre sterling a amené les autorités britanniques à
interdire les sorties de livre sterling aux banques anglaises. Dès lors, ces
dernières se sont massivement endettées en eurosdollars. Au début des
années soixante, Londres devient la première place financière où l’on
traite de l’eurodollar. Un certain nombre de réglementations aux États-
Unis (taxe d’égalisation des taux d’intérêt en 1963, réglementation Q) ont
incité les investisseurs à réaliser des opérations en dollars hors des États-
Unis. Mais les principales sources d’alimentation de ces marchés en
eurosdevises proviennent du déficit extérieur structurel américain et des
excédents des balances des paiements des pays de l’OPEP.
Une eurodevise est une devise qui circule à l’extérieur de son
pays d’émission. C’est un avoir en dollars, par exemple, détenu
dans des banques à l’extérieur des États-Unis. De même, les
yens échangés en Europe ou aux États-Unis sont appelés
euroyens. Le préfixe euro trouve son origine lorsqu’en 1956, les
Soviétiques, craignant un gel de leurs avoirs placés en bons du
Trésor aux États-Unis, décident de les transférer en Europe, à la
banque de l’Europe du Nord, dont le préfixe inscrit sur le télex
était eurobanque. Aujourd’hui, avec l’introduction de la monnaie
unique, l’euro, le préfixe est harmonieusement remplacé par
xéno, on parlera alors de xénodevises.
Les banques jouent leur rôle d’intermédiation en collectant les dépôts
(des pays de l’OPEP) et en les transformant en crédits (destinés aux pays
en développement ou à tout pays ayant des besoins de financement
supérieurs à ses capacités de financement). Durant les années 1970, suite
aux deux chocs pétroliers et à l’inflation généralisée qui s’en est suivie,
les taux d’intérêt réels deviennent très bas, favorisant la montée de
l’endettement des pays en développement. Le recyclage des pétrodollars
qui alimentent l’endettement permet la croissance des euromarchés. Tous
les agents économiques ont intérêt à utiliser ces euromarchés qui
permettent :

Aux emprunteurs de diversifier leurs sources de financement,


de réduire leur dépendance à un marché, de baisser leur coût
effectif de financement et de profiter de la souplesse de ces
marchés, de l’absence de réglementation et d’une fiscalité
favorable.
Aux détenteurs d’obtenir une rémunération supérieure, de
prendre un risque de change, d’obtenir des gains provenant de
la diversification internationale et de bénéficier aussi d’un
traitement fiscal favorable.
Aux intermédiaires d’étendre leurs activités, de diversifier
leurs sources de fonds et leurs portefeuilles de prêts, de réaliser
des arbitrages de taux d’intérêt et de profiter d’une fiscalité
avantageuse. En outre, les banques trouvent une certaine
indépendance vis-à-vis des autorités monétaires nationales (qui
imposaient, par exemple, l’encadrement du crédit) pour
développer leurs activités.
Les opérations financières se développent ainsi, grâce à
l’intermédiation bancaire et concurrencent les opérations réalisées au sein
des systèmes financiers nationaux. Ces évolutions macroéconomiques,
propices au développement des transactions financières, ont lieu aussi
dans un contexte technique et institutionnel favorable :

Le développement des nouvelles technologies de l’information


et de la communication a permis la multiplication des
transactions financières. Ainsi que le souligne l’économiste
J. Tobin : « l’immense pouvoir de l’ordinateur est mis à
contribution au profit de cette économie de papier, non pour
rendre les transactions plus économiques, mais pour gonfler la
quantité et la variété des échanges financiers ». Aujourd’hui
les donneurs d’ordres peuvent agir sur un nombre croissant de
marchés. Ces transactions peuvent être effectuées
24 heures/24, effaçant les décalages horaires au niveau de
l’ouverture des places financières. Avec l’évolution des
logiciels de gestion, on a pu mettre au point des techniques
programmées d’intervention sur les marchés en cas de hausse
ou de baisse des cours. De manière générale, il existe
désormais un environnement favorable à l’apparition de
nouveaux instruments et de nouvelles techniques financières
qui supposent le recours à des outils de calculs sophistiqués.
La libéralisation des flux de capitaux et la déréglementation
des activités financières, dont la suppression du contrôle des
changes en est un exemple, ont favorisé le dynamisme des
marchés internationaux de capitaux. Les conditions de prix des
différents services bancaires ont été déréglementées. Les
agents recherchent les placements et les financements les plus
avantageux en mettant en concurrence les agents financiers sur
les différentes places financières. Les stratégies financières des
banques et des États, soumis à cette forte concurrence
financière, alimentent à leur tour le mouvement d’intégration
financière. Les banques d’affaires ou les établissements non-
bancaires ont la possibilité d’offrir certains services réservés
aux banques de dépôt. À Londres, en octobre 1986, la réforme
boursière a aboli la distinction qui existait entre brokers et
jobbers qui détenaient le monopole dans la fixation des prix.
En France, en 1987, on supprime le monopole des agents de
change, qui deviendront des sociétés de bourse.

Ainsi, progressivement, avec le mouvement de déréglementation et de


libéralisation, les systèmes financiers nationaux évoluent, constituant un
vaste marché international de capitaux qui débouche sur le SFI actuel.
Les marchés de capitaux nationaux se sont tous ouverts aux non-résidents
afin de capter une partie de l’épargne mondiale. Le SFI actuel repose
ainsi davantage sur le développement des marchés de capitaux que sur
l’existence de relations administrées, développées par les institutions
bancaires. Les relations financières croissent à un rythme soutenu mais
sont de plus en plus indépendantes des relations entre les États. Elles sont
davantage du fait des organismes de placement ou de financement privés
et des entreprises que des autorités monétaires.

1.3. Caractéristiques du SFI (désintermédiation bancaire et titrisation)

Le développement des relations financières repose sur le


développement des marchés de titre. Les innovations financières, qui se
manifestent par l’apparition de nouvelles techniques de financement et
par la multiplication de nouveaux produits financiers au cours de ces
vingt dernières années, sont à la base de la formation du SFI. Deux
caractéristiques majeures permettent de qualifier le SFI, ce sont la
désintermédiation bancaire et la titrisation.

1. Désintermédiation bancaire/intermédiation financière


La redéfinition des fonctions bancaires est à l’origine de la formation
du SFI actuel. On peut représenter le mouvement de désintermédiation
bancaire et la conséquence pour les banques à l’aide des deux schémas
ci-dessous :

La fin d’un « monopole », changement de rôle du banquier


Avant Après
Dispense du crédit Ingénierie financière
Stratégie produit Intervention sur les marchés
Développement des activités de conseil

Les banques ont délaissé l’intermédiation classique pour se spécialiser


dans l’émission de titres et la gestion de portefeuilles (ingénierie
financière). Elles interviennent directement sur les marchés (marchés
euro-obligataires, par exemple) pour le compte des débiteurs des pays
industrialisés afin de leur proposer des financements plus souples, moins
chers que ne le sont les financements du marché des eurocrédits. De plus,
les pays en développement, devant la raréfaction des crédits bancaires
traditionnels, se tournent aussi vers les émissions de titres.

2. Titrisation : vers une « marchéisation » des activités

Les opérations financières entre résidents et non-résidents reposent sur


des mécanismes de placement/endettement (dépôts/acquisition de
créances) mais portent aussi sur des titres de propriété. C’est après 1983
(suite à la crise mexicaine de 1982) que la titrisation de la dette va
prendre toute son ampleur. Le marché obligataire international se
développe et fournit plus de fonds que le marché des crédits bancaires
internationaux. Des titres négociables tels que les euronotes ou
l’europapier commercial sont échangés. Le marché des actions
internationales connaît à son tour une forte croissance dans les années
1990. C’est à la fois parce que les banques cherchent à diversifier leur
activité que des nouveaux produits financiers sont créés et aussi parce
que les acteurs financiers vont gérer des portefeuilles davantage dans une
optique de rendement que de financement.
C’est une évolution des relations financières internationales qui
accorde plus d’importance aux activités liées à la spéculation financière
qu’aux activités de financement « classiques » d’opérations productives
ou commerciales.
Ainsi, la titrisation des placements ou des financements conduit les
opérateurs à proposer de nouveaux produits financiers plus souples, plus
liquides que les produits traditionnels. Ces titres prennent la forme
d’action, d’obligation, de certificat…, tout support financier négociable.
Le mouvement de titrisation ou de « marchéisation » désigne le
mécanisme par lequel un produit financier peu liquide et peu négociable
devient liquide et négociable.
Cependant, si les mouvements de déréglementation et de titrisation
sont des conditions d’efficacité et de fluidité du SFI, ils sont aussi des
causes de risques.

2. L’inévitable montée des risques

En 2007, la titrisation a permis un emballement du crédit initialement


accordé à des familles aux revenus modestes pour l’acquisition de
logements. La bulle immobilière, liée à l’explosion de ces crédits, s’est
diffusée à l’ensemble du système financier, provoquant une grande crise
financière systémique et structurelle.

2.1. Un système financier opaque


On peut souligner l’existence de quatre causes principales d’opacité du
SFI.

Raison technologique

Le recours aux NTIC favorise l’augmentation du volume des


transactions, la rapidité de réalisation de ces dernières, ainsi que leur
élargissement dans le temps et dans l’espace.

Multiplication des innovations financières

La multiplication de nouveaux produits financiers, et en particulier des


produits dérivés (qui font l’objet de transactions sur les marchés à terme),
est à l’origine de prise de risques très élevés par de nombreux opérateurs.
Enfin, les capitaux flottants spéculatifs appelés « hot money » sont
massivement investis sur les euromarchés et contribuent à alimenter les
variations de change, même si la situation économique réelle du pays
tend à la stabilisation du taux de change.

Extension géographique de l’activité financière

De nouveaux acteurs apparaissent sur la scène financière


internationale ; ce sont les pays émergents, pays en développement
d’Asie, d’Amérique latine ou les pays en transition d’Europe de l’Est, qui
ont ouvert des « marchés de capitaux émergents ». Ce sont des marchés
de titres (actions et emprunts) dans des pays dont le PIB/tête ne dépasse
pas les 9 000 dollars en 1994, c’est-à-dire la limite des pays à hauts
revenus. À partir de 1990, les flux nets privés à destination de ces pays
ont dépassé les fonds publics. Plus de la moitié des financements est
destinée à l’Asie. Ce sont à la fois des IDE mais aussi des
investissements de portefeuille en actions, très volatils, qui s’investissent
sur ces marchés. Mais au regard des crises des années 1990 (crise
mexicaine de 1994-1995, crise asiatique de 1997-1998, crise russe
d’août 1998, crise brésilienne de 1999), il est évident que la volatilité des
capitaux et l’excessive titrisation des dettes ont fragilisé ces économies.

Complexité de la finance
Devant la complexité des mécanismes de financement (transformation
des échéances, accroissement du nombre des participants à
l’opération…), l’information sur les débiteurs finaux est de plus en plus
opaque. La contraction des liquidités des banques (credit crunch)
fragilise l’édifice. Plus d’acteurs, plus de produits et davantage de
transactions en continu rendent le SFI de plus en plus complexe et
incontrôlable.

2.2. Conséquences de l’opacité du SFI

Deux conséquences majeures résultent de l’opacité du SFI : une


conséquence que l’on peut qualifier de macroéconomique qui concerne le
risque systémique (voir chapitre 10) et l’autre qui serait davantage
microéconomique puisqu’elle affecte les établissements bancaires qui ont
des bilans de plus en plus fragilisés.

Risque de contagion

Depuis la crise mexicaine de 1982, une succession de crises


financières (crises boursières qui se traduisent par un effondrement des
cours des valeurs mobilières) et monétaires (mouvements spéculatifs qui
conduisent à une brutale dépréciation (ou appréciation) de la monnaie) se
sont succédées : krachs boursiers d’octobre 1987, crise asiatique de 1997-
1998, crise russe d’août 1998, crise brésilienne de 1999, crise des
subprimes de 2008. La forte mobilité des capitaux est en grande partie
responsable de la propagation d’une crise d’un pays à un autre. Alors
qu’en 1997 les bourses asiatiques s’effondraient, les investissements de
portefeuille repartaient vers la Russie et allaient se placer sur les GKO
(bons du Trésor russe) qui offraient des taux de rendement très attractifs.
Puis, devant la crise financière russe d’août 1998, les capitaux sont
repartis (« flight to safety ») vers le Brésil à la recherche d’une meilleure
rentabilité. Mais, le mécanisme de contagion, qui repose sur les sorties
rapides de capitaux spéculatifs essentiellement, fait courir un risque à
l’ensemble du SFI, d’où le nom de « crise systémique » qui qualifie la
succession de crises des années 1990. La « crise systémique » résulte
aussi de la déconnexion qui existe entre économie réelle et sphère
financière. Les comportements grégaires des agents sur les marchés
amplifient les mouvements à la hausse comme à la baisse sur les marchés
de capitaux.

Fragilité des banques

Les banques effectuent de plus en plus d’opérations risquées. Avec


l’accroissement de la concurrence, les marges bancaires se réduisent.
Dans les années 1980, les banques enregistrent une nette dégradation de
leur résultat dans les activités traditionnelles de crédit. Elles orientent
donc leur activité vers les activités d’ingénierie financière relativement
risquées. De plus, de nombreuses banques deviennent moins regardantes
sur la qualité des emprunteurs, d’où un accroissement des risques. En
témoigne la crise asiatique de 1997-1998 dont les origines sont à
chercher, en partie, du côté de l’insolvabilité des promoteurs immobiliers
en Asie qui avaient demandé des crédits importants au système bancaire
local, et surtout, plus proche de nous, la crise financière de 2008.
Même si un ensemble de règles de prudence, telles que, le ratio Cooke,
le ratio de solvabilité minimum calculé comme le rapport des fonds
propres (capital social et réserves) sur le total des risques (opérations du
bilan et hors bilan) est mis en place, l’accroissement de la concurrence a
fragilisé les banques.

Conclusion

Le système monétaire international (SMI) actuel a connu de profonds


bouleversements. Nous sommes passés d’un système de changes fixes
avec le système de l’étalon-or, qui va durer jusqu’en 1914 et qui a été
ensuite remplacé par le système de Bretton Woods (1944-1973), au
système actuel de flottement généralisé des monnaies. Pendant la durée
du Gold Exchange Standard, les taux de change sont restés stables. Mais
avec d’une part, la crise monétaire qui aboutit à l’abandon de la
convertibilité-or du dollar en 1971 suivi par l’adoption du système de
flottement généralisé des monnaies en 1973 et, d’autre part, la crise
économique mondiale des années 1970, de profonds déséquilibres
monétaires et commerciaux apparaissent. Aujourd’hui, le SMI actuel
repose sur le flottement des monnaies et sur la prédominance du dollar
qui connaît d’amples fluctuations. Cela n’assure qu’une cohérence toute
relative aux relations monétaires internationales.
De 1945 à 1975, parce que les préoccupations sont essentiellement
monétaires et commerciales, la priorité est donnée au libre-échange et à
la stabilité des monnaies. La libre circulation des capitaux ne constitue
qu’un objectif secondaire. Mais, suite aux chocs pétroliers, émerge un
système financier international (SFI) qui conduit à la globalisation de la
finance et à la constitution d’un vaste marché des capitaux. L’activité des
banques multinationales et des marchés financiers internationaux s’est
développée dans un contexte technologique (développement des NTIC)
et institutionnel (dérèglement des activités financières) propice. Or le
mouvement de désintermédiation bancaire et la titrisation des circuits de
financement ne sont pas exempts de risques. L’opacité du SFI actuel peut
masquer un certain nombre de dysfonctionnements et provoquer des
ajustements d’une grande brutalité pour les acteurs. En témoignent les
récentes crises financières de la deuxième moitié des années 1990 qui se
traduisent par des retraits brutaux de capitaux d’un pays, entraînant chute
de la monnaie, crise boursière et faillites bancaires.

Bibiliographie

J. DENIZET, Le Dollar. Histoire du système monétaire international


depuis 1945, Fayard, 1985.
J-P. FAUGERE, C. VOISIN, Le Système monétaire et financier
international – Crises et mutations, coll. « CIRCA », 5e édition, p. 223,
2005.
M. LELART, Le système monétaire international, coll. « Repères »,
La Découverte, 6e édition, p. 123, 2003.
M. AGLIETTA, A. REBERIOUX, Dérives du capitalisme financier,
coll. « Bibliothèque Albin Michel Économie », Albin Michel, 2004.
P. ARTUS, Les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la
globalisation, Perrin, 2007.
B. THERET sous la dir. de, La monnaie dévoilée par ses crises,
Éditions de l’EHESS, 2008.
A. BRENDER, PISANI F., La crise de la finance globalisée, coll.
« Repères », La Découverte, 2009.
P. HERLIN, Finance, le nouveau paradigme, Eyrolles, 2010.
« Les marchés financiers », Alternatives économiques, Hors-série
n° 087, décembre 2010.
« Crises financières : les leçons de l’histoire », L’Économie politique
n° 48, novembre 2010.

Sur Internet :

FMI : http://www.imf.org.
De la Banque des règlements internationaux : http://www.bis.org
« La Crise des subprimes », rapport du Conseil d’Analyse
Économique, n° 78, www.cae.gouv.fr

QCM & Questions de synthèse

Répondre par vrai ou faux

1. Une eurodevise est une monnaie de la zone euro.


2. Dans un système de changes fixes, les autorités monétaires
contrôlent l’offre de monnaie.
3. Dans un système de changes fixes, le taux de change est la variable
d’ajustement.
4. Dans un système de changes fixes, les autorités monétaires fixent le
taux de change.
5. Dans un système de changes fixes, les réserves de change ne varient
pas.
6. Dans un système de changes flottants, une politique monétaire
restrictive provoque une appréciation de la monnaie nationale.
7. Dans un système de changes flottants, la politique monétaire est
d’autant moins efficace que la mobilité des capitaux est forte.
8. Les pays qui souhaitent adopter entre eux la fixité des taux de
change doivent renoncer à utiliser le taux de change comme instrument
d’ajustement.
9. Les attaques spéculatives sont responsables des crises monétaires.
10. La titrisation de la dette publique permet à un État d’être
indépendant des mouvements de capitaux internationaux.

Questions de synthèse

1. Pourquoi la spéculation peut-elle être déstabilisante en système de


changes flottants ?
2. Comment une crise de change peut-elle déboucher sur une crise
bancaire ?

Corrections

1. Une eurodevise est une monnaie de la zone euro Faux


2. Dans un système de changes fixes, les autorités monétaires
contrôlent l’offre de monnaie Faux
3. Dans un système de changes fixes, le taux de change est la
variable d’ajustement Faux
4. Dans un système de changes fixes, les autorités monétaires
fixent le taux de change Vrai
5. Dans un système de changes fixes, les réserves de change ne
varient pas Faux
6. Dans un système de changes flottants, une politique monétaire
restrictive provoque une appréciation de la monnaie nationale Vrai
7. Dans un système de changes flottants, la politique monétaire est
d’autant moins efficace que la mobilité des capitaux est forte Faux
8. Les pays qui souhaitent adopter entre eux la fixité des taux de
change doivent renoncer à utiliser le taux de change comme
instrument d’ajustement Vrai
9. Les attaques spéculatives sont responsables des crises monétaires
Vrai
10. La titrisation de la dette publique permet à un État d’être
indépendant des mouvements de capitaux internationaux Faux

Questions de synthèse : éléments de correction

1. En système de changes flottants, la spéculation devient


déstabilisante quand elle est à l’origine de la constitution de bulles
spéculatives. On parlera de « prophéties autoréalisatrices » sur les
marchés : le mouvement spéculatif va s’auto-entretenir. La hausse
appelle la hausse alors que dans la sphère réelle de l’économie, rien
ne le justifie. Les spéculateurs achètent la devise, pariant sur une
hausse de cette dernière… qui va avoir lieu sous l’effet de leurs
achats. L’appréciation de la devise les conforte dans leur attitude et
le mouvement haussier se poursuit aussi longtemps que les agents
considèrent que la devise va s’apprécier…
2. Une crise de change va conduire à un épuisement des réserves
qui elle-même va provoquer une réduction de l’offre de monnaie ou
« credit crunch ». Le déséquilibre sur le marché monétaire va tirer
les taux d’intérêt à la hausse qui renchérit le coût
d’approvisionnement en liquidité des banques. En outre, les
perspectives d’une dévaluation peuvent déclencher le retrait des
dépôts bancaires domestiques de la part des épargnants aggravant
la crise bancaire locale.
Chapitre 2

Présentation du
marché des changes

Introduction

La croissance des échanges de biens et services, ainsi que


l’accroissement des mouvements de capitaux entre les différents pays
conduisent les acteurs économiques à convertir des devises, ce qui
implique la réalisation d’opérations de change. Ces opérations sont
réalisées sur le marché des changes, appelé également le FOREX,
« Foreign Exchange market ». Ce marché connaît un très fort
développement depuis quelques années. Pour s’en convaincre, il suffit de
comparer le volume des transactions quotidiennes de devises sur
l’ensemble des places financières, qui est passé de 620 milliards de
dollars en avril 1989 – année de la première enquête de la Banque des
règlements internationaux (BRI) – à 3 324 milliards en avril 2007, pour
atteindre quasiment 4 000 milliards en avril 2010, dernière enquête
disponible à ce jour. Ce dernier chiffre représente dix fois le montant
observé sur le marché des actions et quatre fois celui sur le marché
obligataire. Le marché mondial des devises est bien plus important que le
marché des titres.
Graphique 1 : Montant des transactions quotidiennes sur le
marché
des changes, en milliards de dollars, au taux de change courant
Source : auteurs, d’après données BRI, 2010.

I. L’organisation du FOREX

Le FOREX est un marché sur lequel s’échangent les devises de


l’ensemble des économies à monnaie convertible. D’autres opérations se
déroulent sur le marché des changes qui ne constituent pas du change à
proprement parler, comme les opérations à terme sur taux d’intérêt ou
encore les opérations de swap. Néanmoins, elles sont classées dans ce
marché car elles sont souvent libellées en devises.

1. Généralités sur le marché des changes

Au cours des dernières années, le marché des changes s’est agrandi


pour passer d’un marché essentiellement interbancaire (les transactions
sur devises des banques commerciales et des banques centrales
constituant la majorité des échanges de devises) à un marché impliquant
plusieurs autres institutions financières telles que des courtiers et des
teneurs de marché, y compris des entreprises non-financières, des
sociétés d’investissements, des fonds de retraite et des fonds de
couverture.
Jusqu’en 2005, le FOREX n’était pas accessible aux particuliers.
Grâce à l’avènement du trading électronique et à l’apparition de courtiers
de détail, les barrières à l’entrée du marché des changes sont tombées.
D’après les chiffres de la BRI d’avril 2010, le volume des transactions
effectuées via des plateformes électroniques représenterait 10 % des
opérations quotidiennes sur le FOREX, soit environ 150 milliards de
dollars américains.
Contrairement aux marchés des titres, il n’existe qu’un seul marché
des changes pour lequel il n’y a pas de localisation géographique. Il
existe plusieurs places financières sur lesquelles sont pratiquées des
opérations de change, telles que Londres, New York, Tokyo, Singapour,
Zurich, Paris etc. Les acteurs sont reliés par un vaste réseau mondial de
télécommunication, et toutes les opérations se font à travers ce réseau
(pour les cotations de fourchette de prix, entente sur les négociations,
réalisation des transactions…).
Le développement rapide de la technologie et des outils informatiques
a profondément influencé le fonctionnement du marché des changes, en
permettant notamment de faire circuler de plus en plus rapidement les
informations sur les cotations de devises d’une place à l’autre. Cela a
entraîné une augmentation significative des flux d’information ainsi
qu’une forte diminution des temps de passage d’ordre, contribuant à la
transparence du marché et à la diminution des « opportunités
d’arbitrage ». Cette informatisation croissante a également permis
d’automatiser les tâches des traders et surtout d’abolir les frontières pour
les transactions : sur le FOREX, il est possible d’acheter et de vendre les
principales devises 24 heures/24, du dimanche 20 h 15 GMT au
vendredi 22 h 00 GMT. Dès son ouverture le lundi matin en Australie à la
fin de l’après-midi à New York, le marché des changes ne dort jamais.
Graphique 2 : La cotation des devises en continue
24 heures/24 heures
1.1. Les principales places de change

En terme de volume de transactions, la place de Londres est le numéro


un mondial des changes avec une part de marché de 36,7 % (chiffres
2010, BRI), suivi des États-Unis (17,9 %) et du Japon (6,2 %). En
revanche, la Suisse (5,2 %) a perdu en 2010 sa place de numéro quatre
aux dépens de Singapour (5,3 %). Hong Kong totalise 4,7 % du marché,
la France quant à elle réunit 3 % des échanges mondiaux, contre 2,1 %
pour l’Allemagne.

1.2. Marché de gré à gré « Over The Counter » (OTC)

Bien que le marché possède certains segments « organisés », le marché


des changes est essentiellement un marché de gré à gré. Les produits ont
des caractéristiques « sur mesure », c’est-à-dire qu’ils sont spécifiques en
fonction des besoins des contreparties et négociés OTC (« face à face »).
Il n’y a ainsi pas de cotations centralisées, mais les transactions sont
effectuées entre des acteurs qui définissent directement entre eux les
conditions de leur échange, i.e à la fois les quantités de devises achetées
et vendues, et le prix (le taux de change) auquel s’établira la transaction.
Bien entendu, comme dans de nombreuses transactions commerciales, ce
taux sera largement tributaire de la qualité de la relation établie entre les
parties à la transaction (plus la « réputation » de l’acheteur sera bonne,
plus le taux sera avantageux).

1.3 La liquidité du FOREX

Selon les chiffres publiés par la BRI en 2010, le volume quotidien des
transactions s’élève à 3 981 milliards USD (chiffres avril 2010 in
rapport triennal BRI sept 2010). De par sa taille et le nombre de
transactions quotidiennes enregistrées, il est sans conteste le marché
financier le plus liquide. Le développement des transactions via les
plateformes électroniques, ainsi que l’utilisation nouvelle de procédures
de négociations algorithmiques informatisées ont contribué à
l’augmentation exponentielle du volume des transactions.
Il n’y a pas de frontières à la circulation des devises, toutefois les
opérations d’achats et de ventes se font essentiellement à travers des
supports dématérialisés de sorte que la quasi-totalité des mouvements des
devises s’effectue par un simple jeu d’écriture entre comptes bancaires.
Le transfert électronique de dépôt bancaire est un ordre de paiement
envoyé à travers un réseau, afin de débiter un compte libellé dans une
devise et de créditer simultanément un autre compte libellé en une autre
devise. Les transferts entre comptes sont réalisés grâce à des systèmes
d’enregistrement, de compensation et de règlement-livraison tels que
SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication)
ou encore le système européen TARGET 2 (Trans-European Automated
Real-time Gross Settlement Express Transfer system 2). En outre, les
transferts peuvent également s’effectuer via les comptes de
correspondance que possède chaque banque dans chaque pays : c’est le
système de comptes Nostro/Loro.
Encadré 1 : Les comptes Nostro/Loro
Nostro : signifie notre compte chez eux. Un compte nostro
reflète les avoirs détenus par une banque chez un autre
établissement.
Loro : ou encore « leur compte chez nous ». Un compte loro
reflète les avoirs placés dans une banque par d’autres
établissements.
Prenons l’exemple de la société ALPHA qui désire des
importations américaines pour un montant de 1,35 M$ soit au
taux de change actuel, l’équivalent de 1 M€. La banque de la
société ALPHA est la Société Générale, et celle de l’exportateur
américain, la U.S.Bank. Plusieurs opérations de compte à
compte vont permettre à ALPHA de régler directement ses
importations par un système de transferts de devises de compte à
compte, sans pour autant qu’il y ait d’opérations de change
enregistrées. Concrètement, la Société Générale va débiter le
compte de la société ALPHA de 1 M€ et créditer le compte loro
de sa filiale américaine du même montant, 1 M€. Puis la filiale
américaine de la Société Générale va débiter le compte nostro de
la Société Générale de 1,35 M$ et dans le même temps créditer
celui de la USbank de 1,35 M$ qui procédera alors au paiement
de son client.
Voyons à présent ce que l’on fait sur le marché des changes.

2. Les fonctions du marché des changes

Sur les 3 981 milliards de dollars de transactions quotidiennes de


devises, les transactions de change relatives au commerce international
de biens et de services représentent moins de 2 %, le reste étant la
contrepartie d’opérations strictement financières (investissements de
portefeuille ou opérations de couverture) et de mouvements
internationaux de capitaux.
Ces opérations financières, si elles procèdent parfois d’une logique
d’optimisation d’investissements ou encore de gestion du risque de
change, peuvent également se révéler être des opérations purement
spéculatives. À mesure que le marché des changes s’est développé, de
plus en plus d’opérateurs ont pour seule activité de prendre des
« positions » dans divers instruments financiers avec comme seul objectif
de profiter d’une variation de cours, sans relation quelconque avec
d’autres intérêts économiques. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer
le volume des transactions sur ce marché par rapport au commerce
mondial des biens et services, qui est passé de 2 pour 1 en 1973 à 100
pour 1 aujourd’hui.
Graphique 3 : Volume des transactions sur le marché des
changes/Commerce mondial des biens et services

Source : auteurs, d’après données OMC et BRI.


Si, au début des années 1970, le marché des changes était
principalement utilisé pour financer les opérations commerciales (2
transactions sur devises pour 1 opération commerciale enregistrée),
aujourd’hui ce sont bien les opérations financières à caractère spéculatif,
telles que les opérations d’arbitrages à court terme sur devises
(chapitre 3) et sur les produits dérivés du change (chapitre 4) qui
constituent la part la plus importante (100 opérations sur devises pour 1
transaction commerciale enregistrée). Ceci s’explique notamment par
l’arrivée ces dernières années de nouveaux acteurs, tels que les
institutions financières non-bancaires, et surtout les fonds spéculatifs qui,
à l’aide de robots de trading automatisés, ont multiplié les opérations
quotidiennes sur devises dans le but de générer des profits.
À présent, nous pouvons présenter les fonctions du marché des
changes à partir des différentes opérations réalisées. On peut scinder ce
marché en trois éléments, selon le type de transaction qui y est réalisé.
Les achats et ventes de devises peuvent s’effectuer :

au comptant : sur le marché spot qui est celui sur lequel les
banques s’échangent les devises. Les devises sont livrées en J
+2, d’où l’appellation « au comptant ».
à terme : sur le marché à terme de devises, dont l’échéance de
livraison est supérieure à 48 heures (marché FORWARD), ou
par l’intermédiaire d’options ou de swaps de devises. Les
swaps cambistes comportant l’achat et la vente simultanés
d’un certain montant de devises, l’un au comptant, l’autre à
terme, sans échange périodique de paiement d’intérêts. Les
swaps de devises sont des swaps incluant, contrairement aux
swaps cambistes, des échanges périodiques de paiement
d’intérêts. Les options de change, achetées ou vendues,
procurant le droit ou l’obligation d’achat ou de vente d’un
certain montant de devises. Ces échanges de devises se font « à
terme », c’est-à-dire à une date future ainsi qu’à un cours fixé à
l’avance.

Les opérations sur le marché à terme permettent aux banques et aux


sociétés commerciales de se protéger contre des variations de change.
Ces marchés à terme ont été créés pour jouer un rôle d’assurance contre
le risque de change (chapitre 3), puis l’apparition de nouveaux produits
dérivés du change et de nouvelles techniques de couverture a permis à
des acteurs de spéculer sur les variations de change sans que des
opérations issues de la sphère réelle (achat ou vente de biens et services)
ne soient liées (chapitre 4).
Les opérations de trésorerie se font sur le marché (interbancaire) de
DÉPÔT. C’est une composante essentielle du marché des changes. Sur ce
marché (très réglementé) se traitent les opérations de trésorerie en
devises sous la forme d’emprunts et de prêts en devises entre banques
(chapitre 3).

3. L’importance du marché des changes : les chiffres clés

Sur les presque 4 000 milliards de transactions quotidiennes de devises


enregistrées en 2010, les échanges directs de devises ne représentent que
37 % des transactions contre 63 % pour celles sur les produits dérivés.
Plus de 85 % des transactions portent sur le dollar et plus de 50 % des
transactions sont réalisés sur deux places financières : Londres et New
York.
Poids relatif des différentes devises et des différents couples de
devises : les six devises les plus échangées sur le marché du FOREX
sont le dollar américain (USD), l’euro (EUR), le yen japonais (JPY), la
livre sterling anglaise (GBP), le dollar australien (AUD) et le franc suisse
(CHF). Ces six devises constituent la majeure partie du marché, on les
appelle les monnaies principales ou « les majeures ».
Tableau 1 : Principales devises faisant l’objet de transaction
sur le marché en % (données avril 2010)
Rang Devise Code ISO 4 217 (Symbole) Part dans les transactions journalières (en %)
1 Dollar Américain USD ($) 84.9%
2 Euro EUR (€) 39.1%
3 Yen Japonais JPY (¥) 19.0%
4 Livre sterling GBP (£) 12.9%
5 Dollar Australien AUD ($) 7.6%
6 Franc Suisse CHF (Fr) 6.4 %
7 Dollar canadien CAD ($) 5.3%
8 Dollar Hong Kong HKD ($) 2.4%
9 Couronne suédoise SEK (kr) 2.2 %
10 Dollar néo-zélandais NZD (NZ$) 1.6%
Autres devises 18.6 %
Total 200 %

Londres et New York représentent à elles seules 54,6 % des


transactions. Pour les places européennes, autres que le Royaume-Uni, la
réduction continue de l’activité peut s’expliquer d’une part par
l’introduction de l’euro le 1er janvier 1999, supprimant ainsi les échanges
entre les devises constitutives de la monnaie européenne, et d’autre part,
par la réduction du nombre d’acteurs sur le marché des changes.
Graphique 4 : Répartition des transactions sur devises
par places financières
Sources : auteurs, d’après données BRI 2010, rapport triennal.
Sur ce dernier point, on peut souligner que le mouvement de
concentration bancaire, qui s’est accompagné de relocalisations des
activités des succursales de banques étrangères vers leur pays d’origine
ou vers Londres, explique que pour un certain nombre de places
financières (Londres excepté), le montant journalier des transactions ait
diminué.
Enfin, de manière générale, le développement du courtage
électronique interbancaire, qui accroît la transparence des prix, a
tendance à réduire le nombre des opérations que l’on faisait auparavant
pour obtenir un prix. C’est sur le marché des changes au comptant, qui
est réellement concerné par le développement des systèmes de courtage
électronique, que l’activité s’est le plus réduite.
Soulignons que le dollar confirme sa suprématie, et ce sont les
échanges euro/dollar qui sont les plus fréquents. Le dollar américain reste
toujours la devise la plus échangée, avec 85 % des transactions (sur un
total de 200 % car chaque échange concerne deux devises). Ensuite vient
l’euro avec seulement 39 % des transactions.

II. Les intervenants sur le marché des changes

Qui intervient sur le FOREX ? Jusqu’à une période récente, les


banques anglo-saxonnes dominaient le marché. Cependant, dans sa
dernière enquête d’avril 2010, la BRI indique que, pour la première fois,
les transactions interbancaires ont été dépassées par celles des banques
centrales et des institutions financières non-bancaires (OPCVM,
compagnies d’assurance, fonds de placement). Cela s’explique
notamment par le besoin croissant de couverture et de règlement lié à
l’internationalisation des portefeuilles des investisseurs institutionnels.
C’est un changement important qui s’opère : ce sont donc
essentiellement les investisseurs institutionnels, mais surtout les fonds
spéculatifs, qui interviennent sur ce marché, reflétant ainsi la nature de
plus en plus spéculative des opérations qui y sont réalisées. Rappelons
que près des deux tiers des transactions concernent les produits dérivés
sur les taux de change, c’est-à-dire des produits financiers qui permettent
soit de se protéger, soit de spéculer sur les variations de change. Pour
expliquer le rôle important joué par les banques centrales sur le marché
des changes, rappelons que c’est en période de crise financière que les
banques centrales redeviennent des acteurs majeurs sur les marchés
financiers. Elles interviennent sur les marchés de titres mais aussi sur le
marché des changes. En outre, aujourd’hui, de nouveaux acteurs comme
les banques centrales du Brésil ou de la Chine, qui ont accumulé des
réserves de change en dollars, interviennent aussi sur le marché des
changes pour stabiliser le taux de change de leur monnaie.

1. Les banques commerciales et d’investissement

Les banques interviennent pour leur propre compte ou celui de leurs


clients (grandes entreprises, investisseurs institutionnels) sur le marché
au comptant (essentiellement pour des opérations de financement) et sur
le marché à terme (pour la gestion de leur exposition au risque de
change).
Les opérations de change (achat ou vente de devises) sont effectuées
par des opérateurs appelés cambistes, travaillant depuis le siège de la
banque dans une salle de marché. Une grande banque traite
habituellement des milliards de dollars chaque jour.
La part des transactions interbancaires est toujours prépondérante
(environ 53 % des opérations), celles-ci étant principalement réalisées via
des plateformes interbancaires de courtage[1]. Seules les banques ayant
des relations de crédit entre elles peuvent effectuer de telles transactions.
Si toutes les banques peuvent voir les taux proposés par les autres, cela
ne signifie pas nécessairement que toutes pourront traiter à ces prix : le
taux de change auquel elles pourront effectuer leur transaction dépendra
du volume traité, de leur degré de solvabilité et de leur réputation. Cela
explique pourquoi, par la suite, les taux de change qu’elles pratiqueront
sur leurs activités de détail (vente ou achat de devises aux particuliers)
pourront différer d’une banque à l’autre.

2. Les banques centrales

Acteurs majeurs du marché des changes, elles interviennent en


fonction des objectifs de régulation monétaire : stabiliser les cours de
change, éviter une dépréciation ou une appréciation trop forte de leur
monnaie. Pour être efficaces, ces interventions doivent être massives et
nécessitent l’usage de leurs réserves de changes. C’est le cas des
interventions de la Banque du Japon et des banques centrales des pays
émergents. À titre d’exemple, la Chine, qui a accumulé de colossales
réserves de change en devises estimées à près de 2 500 milliards de
dollars, intervient régulièrement sur le marché des changes pour
empêcher que sa monnaie ne s’apprécie par rapport au dollar, monnaie de
son principal partenaire commercial (chapitre 4).

3. Les courtiers spécialisés sur le marché des changes ou cambistes

S’il existe des courtiers indépendants travaillant pour leur compte


personnel en dehors d’une salle de marché, la majeure partie des
cambistes officie pour le compte des banques commerciales ou
d’investissement, des investisseurs financiers institutionnels et des fonds
spéculatifs, ou bien encore pour des maisons de courtage.
Tous les cambistes n’ont pas le même rôle sur le marché des changes.
Les cambistes en change, encore appelés dealers, procèdent pour le
compte de leurs clients à l’achat ou la vente de devises en servant de
contrepartie pour ses clients. En d’autres termes, ils se retrouvent en
position d’acheteur ou vendeur de devises pour leur propre compte, et
supporte ainsi le risque de change. L’autre catégorie de courtier,
communément appelée les brokers, a un rôle différent : ils servent
uniquement d’intermédiaires sur le marché car ils n’effectuent aucune
opération sur leurs propres fonds sur le marché (ce sont les sociétés de
courtage). Les brokers ne déterminent donc pas les prix et ne subissent
pas le risque de change puisqu’ils se contentent de servir d’interface entre
les clients (contre commission), facilitant l’échange de devises entre les
dealers.
Les dealers interviennent à la fois sur le marché de « gros » (marché
interbancaire) et sur le marché de détail. Leurs clients sont ainsi d’autres
institutions financières (essentiellement des investisseurs institutionnels)
et des entreprises non-financières, comme des multinationales qui se
livrent à du commerce extérieur et à des investissements étrangers. Ils
établissent les cours acheteur et vendeur auxquels ils sont prêts à
échanger diverses devises, l’écart entre ces deux cours (le spread)
constituant leur rémunération. Ces spécialistes fixent les cours en
fonction des devises traitées (selon la plus ou moins grande liquidité de
ces devises, leur volatilité…) mais également en fonction de leurs
appréciations du marché : les taux de change pratiqués sont extrêmement
sensibles aux données telles que les communiqués provenant des
autorités monétaires, les évolutions des prix des matières premières,
l’annonce de catastrophes naturelles ou encore les nombreuses et diverses
rumeurs du marché.

4. Les investisseurs financiers et les fonds spéculatifs

Les investisseurs financiers institutionnels, familièrement surnommés


les zinzins, sont composés des compagnies d’assurances, caisses de
retraites, fonds de pensions, fonds d’investissement (SICAV et FCP,
mutual funds américains…) ayant pour motif la diversification de leur
gestion au niveau international. Comme leur nom l’indique, ils sont
structurellement prêteurs. Depuis le début des années 2000, ces derniers
ont tendance à s’adresser aux fonds spéculatifs qui interviennent aussi
directement sur le marché.
Près de 70 % à 90 % des opérations de change ne sont que des
opérations de spéculation. En d’autres termes, l’achat ou la vente de
devises ne répondent pas à une nécessité commerciale ou de couverture,
mais plutôt à des paris sur les mouvements de cette monnaie susceptibles
de permettre de dégager des profits sur ces opérations.
Graphique 5 : les acteurs du marché des changes évoluent

Source : tiré de l’article de Tân Le Quang, AGEFI Quotidien


1er septembre 2010.
Les fonds spéculatifs, ou hedge funds, se sont développés tout au long
de ces trente dernières années ; dans un ouvrage de 2010[2], les auteurs
estiment que le nombre de hedge funds a plus que doublé entre 2000
et 2007, passant de 3 873 à 10 096. Au même moment, leurs actifs sous
gestion sont passés de 490 milliards de dollars à 1 868 milliards de
dollars. En 2008, suite à la crise financière, leur activité s’est contractée
et certains fonds ont fait faillite. En 2009, ces fonds ont de nouveau
renoué avec la croissance, et l’on dénombre 9 400 fonds qui réalisent
1 700 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ces fonds, qui disposent
de milliards de dollars de fonds propres, ont la particularité d’offrir à leur
clientèle une rémunération supérieure à celle du marché. Ils ont recours
pour cela à l’endettement, plus connu des spécialistes sous le nom de
« levier ». Leurs activités sont particulièrement importantes sur les places
boursières ; ils représenteraient près de 40 à 50 % des transactions, aussi
bien sur le New York Stock Exchange que sur le London Stock Exchange,
et sont actifs sur le marché des changes, travaillant essentiellement avec
des produits dérivés.

5. Les Sociétés Commerciales

Ce sont essentiellement les multinationales qui œuvrent sur le marché


des changes. Elles le font pour couvrir leurs paiements à venir (dans le
cadre de leurs activités d’import-export), leurs créances et leurs actifs,
ainsi que pour financer leurs investissements directs à l’étranger. Sur le
FOREX, l’activité financière des entreprises à la recherche de devises est
négligeable comparée à celle des banques et autres intervenants. Pour
autant, leurs activités représentées sur ce marché peuvent avoir un impact
imprévisible sur les taux de change lorsque de très grandes positions sont
dues à des expositions qui ne sont pas toujours connues par les autres
acteurs du marché.
Soulignons que les entreprises ne peuvent en général pas intervenir
directement sur le FOREX et sont obligées de s’adresser à un
intermédiaire (leur banquier) pour accéder à ce marché. Leur taux est
légèrement plus élevé que ceux pratiqués sur le marché interbancaire.
Certaines grandes multinationales possèdent quant à elles de véritables
salles de marché au sein de leur direction financière, et accèdent ainsi
directement au marché. Cette facilité leur est accordée compte tenu des
volumes importants qu’elles ont en général à traiter, que ce soit pour
leurs opérations au comptant ou bien leurs opérations de couverture.
Une salle de marché est un lieu qui regroupe différents
services spécialisés permettant aux banques d’intervenir sur le
marché des changes. Ce lieu possède d’autres noms : Dealing
Room, Trésorerie/change, antre, cage aux fauves, etc.
En France, on compte une dizaine d’entreprises disposant
d’une salle de marché, parmi lesquelles EDF, Lafarge ou Saint-
Gobain.

6. Les investisseurs particuliers

Ils sont de plus en plus nombreux à s’essayer au trading sur devises


depuis l’avènement de l’internet à haut débit et des plateformes de
trading qui permettent d’afficher des prix exécutables en temps réel.
Grâce à l’effet de levier et à un engouement toujours plus grand pour ce
marché, les volumes de transaction des investisseurs particuliers
représenteraient aujourd’hui plus de 5 % du total des transactions sur ce
marché.
Beaucoup d’investisseurs particuliers sont pourtant encore réticents à
traiter sur le FOREX, dont la réputation est celle d’un marché risqué et
insaisissable pour un petit acteur.

Conclusion

Le marché des changes est le lieu d’échange d’une monnaie contre une
autre monnaie (devise). C’est un marché délocalisé qui fonctionne en
continu. Le taux de change ou cours de change est le prix de l’échange. Il
permet d’équilibrer les offres et demandes de monnaie. Ces dernières
années, le marché des changes a pris une importance considérable. Avec
la multiplication du nombre d’intervenants : banques centrales, banques
commerciales et d’investissement, investisseurs financiers institutionnels,
fonds spéculatifs, et avec le développement des nouvelles technologies
de l’information et de la communication, les transactions quotidiennes de
devises atteignent 4 000 milliards de dollars en 2010, un chiffre à donner
le vertige.

Bibliographie

M. AGLIETTA, S. KHANNICHE, S. RIGOT, Les Hedge funds,


entrepreneurs ou requins de la finance ?, Perrin, 2010.
E. CHARDOILLET, M. SALVAT, H. TOURNYOL DU CLOS,
L’essentiel des marchés financiers : Front office, post-marché et gestion
des risques, Eyrolles, 2010.
D. PLIHON, Les taux de change, coll. « Repères », 4e édition, La
Découverte, 2006.
W. BARKER, « Le marché des changes mondial : croissance et
transformation », Revue de la Banque du Canada, 2007.
BRI : « Rapport Triennal 2010 », Banque de règlements
internationaux, 2010.
Sites internet :

Pour obtenir le rapport Global Development Finance 2010 :


http://www.worldbank.org
Pour obtenir des statistiques sur le marché des changes :
http://www.bis.org
http://www.cambiste.info
Le site de l’Agence France Trésor : http://www.aft.gouv.fr

Test d’autocontrôle

1. Le marché des changes est un marché localisé.


❑ Vrai ❑ Faux
2. Le cambiste est responsable des opérations de change dans une
banque.
❑ Vrai ❑ Faux
3. Le marché des changes est, en 2010, avant tout un marché
interbancaire.
❑ Vrai ❑ Faux
4. Le marché des changes est un marché peu spéculatif.
❑ Vrai ❑ Faux
5. Plus de 3 000 milliards de dollars sont échangés quotidiennement
sur le marché des changes.
❑ Vrai ❑ Faux
6. Les fonds spéculatifs sont peu actifs sur le marché des changes au
profit des investisseurs institutionnels.
❑ Vrai ❑ Faux
7. Les marchés de « gré à gré » sont plus développés que le marché
organisé.
❑ Vrai ❑ Faux
8. Les places financières les plus actives qui traitent des transactions
sur devises sont Londres et Francfort.
❑ Vrai ❑ Faux
9. L’introduction de l’euro en 1999 a réduit le volume d’activité de la
place parisienne.
❑ Vrai ❑ Faux
10. Le mouvement de concentration bancaire est évoqué pour
expliquer le recul de l’activité sur le marché des changes à Londres.
❑ Vrai ❑ Faux

Correction du test d’autocontrôle

1. Le marché des changes est un marché localisé : FAUX


2. Le cambiste est responsable des opérations de change dans une
banque : VRAI
3. Le marché des changes est avant tout, en 2010, un marché
interbancaire : FAUX
4. Le marché des changes est un marché peu spéculatif : FAUX
5. Plus de 3 000 milliards de dollars sont échangés
quotidiennement sur le marché des changes : VRAI
6. Les fonds spéculatifs sont peu actifs sur le marché des changes
au profit des investisseurs institutionnels : FAUX
7. Les marchés de « gré à gré » sont plus développés que le marché
organisé : VRAI
8. Les places financières les plus actives qui traitent des
transactions sur devises sont Londres et Francfort : FAUX
9. L’introduction de l’euro en 1999 a réduit le volume d’activité de
la place parisienne : VRAI
10. Le mouvement de concentration bancaire est évoqué pour
expliquer le recul de l’activité sur le marché des changes à
Londres : FAUX
[1] . Reuters Dealing et EBS (Electronic Broking Services) ont toutes deux mis en place des
plateformes interbancaires de courtage électronique au début des années 1990.
[2] . Aglietta M., Khanniche S. et Rigot S., Les Hedge funds, entrepreneurs ou requins de la
finance ?, Perrin, Paris, 2010.
Chapitre 3

Les opérations sur


le marché des changes &
le principe de cotation
des devises

Introduction

Tous les jours sur le FOREX, les devises convertibles font l’objet
d’une cotation en continu. Les taux de change qui en résultent reflètent
donc la valeur des devises à un instant donné.
Pour pouvoir lire correctement une cotation de change, il faut avant
tout comprendre ce que représente un taux de change. Sur le marché des
changes, on ne peut pas acheter ou vendre une seule devise
indépendamment d’une autre : si l’on désire acheter des dollars
américains (USD), il faudra « payer » ces USD, et donc « livrer » en
contrepartie une autre devise (en réglant par exemple en euros). Le cours
d’une devise correspond ainsi au prix de celle-ci, prix exprimé en une
autre devise. On cote donc les devises par paires, en exprimant la valeur
d’une unité de devise par rapport à une autre. La cotation sur les
différentes places financières peut alors se faire au certain ou bien à
l’incertain, comme nous le verrons au tout début de ce chapitre. Nous
verrons également que cette cotation est exprimée en fourchette, les
cambistes affichant des taux de change différents pour l’achat ou la vente
de devises.
Toutes les paires de devises ne font pas l’objet d’une cotation directe
par les opérateurs, notamment parce qu’elles ne sont pas suffisamment
« tradées ». Il est alors nécessaire de pouvoir « reconstituer » un taux de
change particulier à partir de taux de change plus usuels. C’est le principe
de l’évaluation des taux de change croisés, que nous illustrerons dans ce
chapitre. En soi, la détermination de ces changes croisés est simple, mais
il est important de bien en comprendre la logique.
Sur le marché des changes, les différentes devises peuvent être
vendues et achetées au comptant (les transactions sont alors effectuées le
jour-même, au cours au comptant, et la livraison des devises se fait à J
+2), ou bien à terme : les ordres d’achat et de vente de devises sont
passés aujourd’hui pour une livraison et un usage futur pouvant aller de
quelques jours à plusieurs mois. Qu’une opération se fasse à terme ou au
comptant, la lecture d’une cotation de change est identique. Cependant, le
taux auquel se fera la transaction n’est pas nécessairement le même. Pour
une opération au comptant, les transactions s’effectueront au cours SPOT
en vigueur au moment du passage des ordres d’achat ou de vente : ce
cours dépend donc essentiellement de l’offre et de la demande exprimées.
Pour une opération à terme, le cours de change qui servira de référence
doit être défini aujourd’hui pour un dénouement qui n’aura lieu que plus
tard, voire bien plus tard. Comment les opérateurs fixent-ils aujourd’hui
le taux de change auquel se fera cette opération de change future ? C’est
ce que nous essaierons de comprendre dans la seconde partie de ce
chapitre.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que le marché des changes
était un marché mondial qui ne fermait jamais. Les devises sont cotées en
continu sur les différentes places financières, et il peut parfois exister des
différences de cotations d’un pays à un autre, ou d’une devise à une
autre. Les intervenants ont alors la possibilité de réaliser des opérations
d’arbitrage en achetant et vendant des devises sur différentes places, dans
le but de profiter d’écarts de cours qui n’auraient pas lieu d’être. Les
cambistes sont également très attentifs aux possibilités d’arbitrage qui
peuvent exister entre le marché au comptant et le marché à terme. Tous
les points que nous allons développer dans ce chapitre vont nous
permettre de décrire et de comprendre ce qui rend possible ces opérations
d’arbitrage, en quoi elles consistent, et quelles sont leurs limites.
I. La dénomination des devises

De façon à faciliter les opérations de change, toutes les devises sont


identifiées grâce à un code commun à toutes les places financières. La
nomenclature internationale adoptée est la norme ISO 4217 (liste des
codes des monnaies et des types de fonds). Le principe de cette
codification est simple : les deux premières lettres correspondent au pays
et la dernière à la devise.
Exemple : GBP pour Great Britain Pound, USD pour United States
Dollar, CAD pour Canadian Dollar. L’euro, en tant que monnaie
représentative d’une zone économique, fait partie des rares exceptions à
cette règle puisqu’elle est simplement nommée EUR.
Cette codification permet notamment d’éviter les confusions
d’identification causées par certains noms de devises comme « dollar »,
« franc » ou « livre », utilisées dans de très nombreux pays.
Voici présentées dans le tableau ci-dessous quelques-unes des devises
mondiales avec leur dénomination ISO. Apparaissent notamment les cinq
devises qui sont le plus couramment échangées sur le FOREX : on les
appelle encore les « majeures ». Ces devises principales sont l’EUR
(euro), la GBP (livre sterling anglaise), l’USD (dollar américain), le CHF
(franc suisse) et le JPY (yen japonais) :
Tableau 1 : Les devises selon leur pays et dénomination ISO
Entité Monnaie Code alphabétique Code numérique
ARGENTINE Peso argentin ARS 032
AUSTRALIE Dollar australien AUD 036
BRÉSIL Real de Brésil BRL 986
CANADA Dollar canadien CAD 124
CHINE Yuan Ren-Min-Bi CNY 156
DANEMARK Couronne danoise DKK 208
ÉGYPTE Livre égyptienne EGP 818
ÉTATS-UNIS Dollar des États-Unis USD 840
HONG KONG Dollar de Hong Kong HKD 344
INDE Roupie indienne INR 356
JAPON Yen JPY 392
LIBAN Livre libanaise LBP 422
MALAISIE Ringgit de Malaisie MYR 458
MEXIQUE Peso mexicain MXN 484
(Nouveau peso)
NORVÈGE Couronne norvégienne NOK 578
NOUVELLE-ZÉLANDE Dollar néo-zélandais NZD 554
POLOGNE Zloty PLN 985
ROYAUME-UNI Livre sterling GBP 826
RUSSIE, FÉDÉRATION DE Rouble russe RUB 643
SUÈDE Couronne suédoise SEK 752
SUISSE Franc Suisse CHF 756
TUNISIE Dinar tunisien TND 788
VIET NAM Dong VND 704

Source : Organisation Internationale de Normalisation,


http://www.iso.org/

II. Les principes de cotation sur le marché au comptant

Les intervenants ayant besoin de se procurer rapidement une devise


peuvent acheter et vendre une devise contre une autre à n’importe quel
moment sur le marché au comptant. Les ordres d’achats et de ventes
reçus par les cambistes sont exécutés immédiatement (tout au moins le
plus rapidement possible compte tenu des quantités de devises et des prix
exprimés). La livraison effective des devises a lieu généralement 2 jours
ouvrés après la négociation (c’est la date de valeur, i.e la date à laquelle
les devises vont transiter d’un compte à l’autre)

1. Le taux de change au comptant : comment lire


une cotation ?

Considérons deux devises, X et Y. Le taux de change entre ces deux


devises s’écrira X/Y ou encore X-Y, et se lira de la façon suivante : 1
unité de devise X = X/Y unités de devise Y.
Exemple : EUR/USD = 1,2806 signifie 1 EUR = 1,2806 USD, ou
encore 1 EUR s’échange contre 1,2806 USD.
On parle encore de parité euro-dollar pour désigner ce taux de change.
La devise qui est présentée en premier (à gauche) est appelée devise
principale ou devise de base. La seconde devise (à droite), qui reflète le
prix de la première, est appelée devise contre-valeur, devise-prix ou
encore devise contrepartie.
Dans notre exemple, l’euro est la devise échangée, le dollar étant la
devise-prix. Si la devise « nationale » est la devise échangée, la cotation
est dite « au certain ».
Le dollar, devise « reine » du marché des changes, est coté au certain
sur la plupart des places financières du monde. L’euro est également coté
au certain sur la place européenne, tout comme la livre sterling anglaise
GBP, sauf contre l’euro où sa cotation passe à l’incertain.
Dans notre exemple, le taux de change EUR/USD = 1,2806 cote
l’EUR au certain (nous avons immédiatement la contre-valeur d’1 EUR).
Alors que l’USD est coté à l’incertain : pour obtenir la valeur de 1 USD,
il faudrait inverser l’opération.
Notez que nous avons présenté le taux de change comme un prix
unique, reflétant ce que vaut une devise par rapport à l’autre, quel que
soit le sens de l’opération effectuée. On appelle ce type de cotation la
cotation en « MID » (de middle, moyenne en anglais). Les cours MID
sont publiés quotidiennement par certaines banques centrales (on les
appelle les taux de référence), ce cours étant calculé simplement comme
une moyenne entre les cours acheteurs et les cours vendeurs du jour.
En effet, parce qu’on ne peut traiter que des paires de devises, les
notions d’achat et de vente ont un sens précis. Ainsi, lorsque « j’achète
de l’EUR/USD », cela signifie concrètement que j’achète de l’euro (la
devise au certain) et que je vends du dollar (la devise à l’incertain).
Inversement, si « je vends de l’EUR/USD », alors je vends de l’euro et
j’achète du dollar.
Les opérateurs cotent en pratique des cours acheteurs et des cours
vendeurs pour la devise directrice, les taux de change sont alors présentés
en « fourchette » de cotation :
Exemple : Si un client demande à sa banque un prix d’EUR/USD
comptant, et que la banque lui annonce EUR/USD = 1,2806 – 1,2816, il
y a deux façons de comprendre cette cotation. Tout dépend si l’on se
place du côté du client, ou bien de celui de la banque :
– du côté de la banque : elle achète 1 EUR contre 1,2806 USD et
vend 1 EUR au prix de 1,2816 USD.
– du côté du client : il peut acheter 1 EUR au prix de 1,2816 USD ou
bien vendre 1 EUR à la banque, qui le lui achètera 1,2806 USD.
On remarquera que dans une cotation, le côté gauche est toujours
inférieur au côté droit, reflétant le fait que la banque (ou plus
généralement celui qui cote la devise) achète toujours moins cher une
devise qu’elle ne la vend. Le côté gauche s’appelle la cote demandée (par
le client lorsqu’il désire vendre la devise) ou bid (prix auquel le coteur
achète). Le côté droit s’appelle le côté offert ou ask (prix auquel le coteur
vend).
Ce type de cotation en « fourchette » est également appelé cotation
« bid-ask » et les taux de change sont généralement donnés avec 5 à 6
chiffres significatifs.
L’écart entre le prix de vente et le prix d’achat d’une devise s’appelle
le spread. C’est le cambiste qui détermine ce spread, en fonction de la
devise principale traitée, du montant investi dans cette devise, mais
également de la nervosité du marché et de son « sentiment ». Dans un
marché agité, pour un petit montant, le spread sera en principe plus grand
que pour un gros montant dans un marché calme, reflétant ainsi la prise
de risque des opérateurs sur un marché en constant mouvement.
Ce spread est la source principale de revenu des opérateurs : plutôt que
d’appliquer une commission, les banques et les cambistes se rémunèrent
sur chaque opération conclue, gagnante ou perdante. Des opérateurs
différents ne proposeront donc pas les mêmes fourchettes de cotation
pour un même couple de devises, d’où la nécessité, lorsque l’on désire
acheter ou vendre une devise, de comparer ces différents prix. Ceci étant,
les différences de cotation sont le plus souvent infimes dans ce marché
hautement concurrentiel.
Pour plus de rapidité, les cambistes parlent en pips (acronyme de price
interest point) ou « point de swap » en français. Le « pip » désigne la
dernière décimale utilisée, celle qui représente la plus petite unité de
variation entre le « bid » et le « ask ».
Exemple : EUR/USD = 1,2806/16 signifie qu’il y a une différence de
10 pips entre le prix demandé et le prix offert.
Avant de conclure, notons que nous avons illustré ce principe de
cotation par une relation entre une banque et son client. Bien entendu,
tout notre raisonnement est identique si l’on s’intéresse à une banque
demandant une cotation à une autre banque (par exemple sur le marché
interbancaire pour des opérations de refinancement). Dans ce cas, la
banque demandeuse de prix se retrouve dans la position du client vis-à-
vis de l’autre banque.
Enfin, il ne faut pas oublier que le prix d’une devise par rapport à une
autre évolue au gré de l’offre et de la demande[1]. De la même façon, sur
n’importe quel marché physique, la demande accrue à un instant t pour
une devise (l’expression des ordres d’achat) tend à faire augmenter son
prix, alors qu’une augmentation de l’offre de cette devise (constituée des
ordres de vente) tend à le faire baisser.

2. D’une cotation au certain à une cotation à l’incertain

Lorsque le taux de change est exprimé en « MID », il est très facile de


passer d’une cotation au certain à une cotation à l’incertain en inversant
le sens de l’opération.
Exemple : EUR/USD = 1,2806 nous donne la valeur de 1 EUR en
USD. Nous pouvons en déduire par une simple règle de division la
valeur de 1 USD : si 1 EUR = 1,2806 USD, alors 1 USD = 1/1,2806
EUR, soit 1 USD = 0,78088.
Lorsque le taux de change est exprimé en « bid-ask », il convient
d’être plus prudent, même si le raisonnement est des plus logiques. Celui-
ci repose sur le principe de base dans le change de devises : toute devise
achetée l’est en contrepartie d’une autre devise, et vice versa. Ainsi,
acheter une devise X (et payer en devise Y) revient à vendre la devise Y
(et à recevoir X en contrepartie).
Exemple : Le taux de change euro-dollar est le suivant :
EUR/USD = 1,2806/1,2816.
Si vous désirez acheter 1 EUR, il vous en coûtera 1,2816 USD. Donc
1 EUR demandé correspond à 1,2816 USD offert (qu’il vous faudra
vendre). Si l’on veut obtenir la valeur de 1 USD offert, il suffit donc de
calculer 1/1,2816, et l’on obtient 1 USD = 0,78027. Nous avons donc
obtenu le cours bid de l’USD.
Symétriquement, si vous voulez vendre 1 EUR, vous recevrez en
contrepartie 1,2806 USD. Chaque USD reçu correspond donc à
1/1.2806 EUR, soit 1 USD = 0,78088 EUR. Ce qui nous donne le cours
ask de l’USD. Ainsi, la cotation à l’incertain de l’EUR s’écrit :
USD/EUR = 0,78027/0,78088
Le change à l’incertain entraîne une inversion du sens de la
transaction.

3. La détermination des cours croisés

Un cours croisé est un cours de change d’une devise contre une autre,
calculé à partir du cours de ces deux devises contre une devise commune.
Chaque place financière cote sa monnaie nationale contre le dollar ou
l’euro, mais toutes les paires de devises ne font pas l’objet d’une cotation
directe. Seules les devises qui sont activement demandées sur une place
font l’objet d’une cotation par rapport à la devise nationale.
Prenons l’exemple du franc suisse (CHF) et du peso mexicain (MXN).
Il n’y a pas cotation directe entre ces deux devises sur la majorité des
places financières. En revanche, chacune de ces devises est cotée par
rapport à l’USD. C’est donc le dollar qui va servir de devise « pivot »
pour permettre de calculer le cours croisé CHF/MXN.
Si, pour une cotation en « MID », l’exercice est relativement simple, il
devient un peu plus périlleux lorsque la cotation est donnée en fourchette.
Commençons par illustrer le cas le plus simple.
Exemple : Prenons les cotations en « MID » suivantes pour le
dollar : USD/CHF = 1,08563 et USD/MXN = 12,2674.
Déterminer le cours CHF/MXN revient à se demander combien 1
CHF vaut de MXN. Pour cela, on va utiliser l’USD commun aux deux
cotations de change comme devise pivot. Il s’agit d’exprimer ce que
vaut une devise par rapport à l’USD, puis l’USD par rapport à la
dernière devise. Il va falloir pour cela se rappeler du passage de la
cotation au certain à l’incertain.
Supposons que vous disposez de 1 CHF : vous pouvez échanger ce
franc suisse contre 1/1,08563 USD, soit encore 1 CHF = 0,92112 USD
(l’USD est à présent coté à l’incertain). Avec ces 0,92112 USD vous
pourrez alors acheter des MXN au taux de change en vigueur, soit
1 USD pour 12,2674 MXN. Vos 0,92112 USD vous permettront de
récupérer 0,92112 × 12,3674 = 11,29979 MXN.
Vous obtenez ainsi la valeur de votre CHF initial en MXN : 1 CHF
= 11,29979 MXN ou encore CHF/MXN = 11,29979.
Pour obtenir ce taux de change, nous avons appliqué un raisonnement
qui peut s’apparenter à une méthode de « dominos » que l’on peut
résumer ainsi :
CHF/MXN = 1/USD/CHF) × USD/MXN,
soit CHF/MXN = CHF/USD × USD/MXN
Dans le jeu des dominos, il faut trouver deux pièces ayant une valeur
commune pour pouvoir avancer, ici c’est la même chose avec l’USD
servant de valeur commune pour obtenir le taux de change désiré. Il sert
de « pivot » dans l’opération « dominos ».
Si ce raisonnement peut sembler fastidieux à certains, il a pour
avantage d’être généralisable à la cotation en fourchette, et de permettre
d’obtenir facilement, sans confusion possible, la cotation croisée
recherchée.
Exemple : Considérons à présent les cotations en « bid-ask »
suivantes pour le dollar :
USD/CHF = 1,08563/1,08575 et USD/MXN = 12,2674/12,2680 et
reprenons le même raisonnement pas à pas :
Supposons que vous disposez de 1 CHF. Vous pouvez vendre ce
franc suisse contre de l’USD, ce qui revient à dire que vous achetez des
USD contre du CHF. Vous pouvez acheter chaque USD au cours ask,
soit à 1,08575 CHF pour 1 USD. Avec 1 CHF, vous pouvez donc
acheter 1/1,08575 USD, soit 0,92102 USD.
Par la suite ces 0,92102 USD vous permettront d’acheter des MXN
au taux de change en vigueur, soit 1 USD pour 12,2674 MXN. Comme
vous en avez 0,92102, vos USD vous permettront de récupérer 0,92102
× 12,2674 = 11,2986 MXN. Vous obtenez ainsi la valeur de votre CHF
initial en MXN : 1 CHF = 11,2986 MXN ou encore CHF/MXN
= 11,2986.
La valeur obtenue correspond au côté bid de la cotation : en effet,
vous avez vendu 1 CHF contre des MXN, c’est donc le cours auquel
votre contrepartie vous l’a acheté, i. e le cours bid.
Faisons à présent le raisonnement inverse : supposons que vous
désiriez acheter du CHF avec 1 MXN :
Vous pouvez vendre votre MXN contre des USD, ou symétriquement
acheter de l’USD avec vos 1 MXN. Comme vous achetez au prix ask :
USD/MXN = 12,2680 vous récupérerez alors 1/12,2680 USD, soit
0,08151 USD. Vous pouvez ensuite revendre vos 0,08151 USD au
cours vendeur USD/CHF = 1,08563, et vous obtiendrez 0,08151 ×
1,08563 CHF, soit 0,08849 CHF.
Bilan de l’opération : 1 MXN = 0,08849 CHF ou encore 1 CHF
= 1/0,08849 = 11,3003 MXN. Cela nous donne une cotation CHF/MXN
= 11,3006, qui correspond bien au côté ask du cours de change : vous
avez acheté du CHF avec 1 MXN, c’est donc votre contrepartie vous a
vendu ces CHF au cours ask.
En conclusion, le taux de change croisé obtenu à partir de ces 3
devises est donc :
CHF/MXN = 11,2986/11,3006

4. L’arbitrage sur le marché au comptant

Il est vrai que ce type de calculs est en réalité réalisé à l’aide de


tableurs classiques ou de logiciels spécialisés plus sophistiqués.
Cependant, comprendre leur logique est indispensable pour saisir
notamment tout l’intérêt que peuvent leur porter les spécialistes du
FOREX.
Si l’on regarde de plus près l’activité de certains opérateurs, ceux-ci
effectuent dans une même journée des opérations très nombreuses et
rapprochées d’achat et de vente de devises. Ils achètent « bas » pour
revendre « haut », ou l’inverse, en quelques secondes ou dans la journée.
La motivation de ces arbitragistes est la recherche d’un gain immédiat
sur ces opérations d’aller-retour sur une devise.
Pour ce faire, ils procèdent, sur le marché au comptant, à des
opérations d’arbitrage entre les différentes places financières. Les devises
n’étant pas toutes systématiquement cotées l’une par rapport à l’autre sur
toutes les places, il peut exister des décalages de cotation temporaires
entre les devises cotées sur des places différentes. C’est notamment le cas
lorsqu’il existe un déséquilibre infondé entre les cotations directes d’une
paire de devise dans un pays et les cours basés sur une monnaie pivot. Le
calcul des cours croisés peut alors faire apparaître des opportunités
d’arbitrage.
Exemple : Un cambiste possède 400 000 PLZ et souhaite réaliser un
arbitrage de place. Sachant que :
EUR/PLZ 4,5565/4,5653
À Varsovie
EUR/USD 1,1411/1,1416
À New York USD/PLZ 3,8695/3,8905

Si le cambiste achète des USD avec ses PLZ à New York, il paiera
chaque USD à 3,8905 PLZ, il pourra donc acheter 400 000/3,8905
= 102 814, 5 USD.
Il peut ensuite acheter à Varsovie des EUR avec les 102 814,5 USD.
Chaque USD peut être acheté contre 1,1416PLZ, il pourra donc se
procurer : 102 814,5/1,1416 = 90 061,79 EUR. Enfin, en revendant ses
EUR contre des PLZ (toujours à Varsovie), il récupérera 90 061,79 ×
4,5565 = 410 366,55 PLZ ;
Soit un gain réalisé d’environ 10 367 PLZ. Il y a donc bien une
opportunité d’arbitrage entre les places, puisqu’en ne faisant que vendre
et acheter judicieusement les devises, notre cambiste a pu dégager un
gain net conséquent.
Cette opportunité d’arbitrage est en fait due à la différence de
cotation USD/PLZ entre Varsovie et New York. Pour le voir, calculons
le cours croisé USD/PLZ à Varsovie :
EUR/PLZ : 4,5565/4,5653
EUR/USD : 1,1411/1,1416
USD/PLZ 4,5565 : 1,1416/4,5653 : 1,1411

Soit à Varsovie : USD/PLZ 3,9913/4,0008, alors qu’à New York :


USD/PLZ 3,8695/3,8905 .
L’USD est moins cher à New York qu’à Varsovie. Il est donc
intéressant d’acheter des USD à 3,8905 à New York, et de les revendre
contre des PLZ à 3,9913 à Varsovie. Avec 400 000 PLZ au départ, le
cambiste se retrouve in fine avec :
400 000/3,8905 × 3, 9 913 = 410 363,7 PLZ, soit un gain de 10 364
PLZ dans l’opération (le même résultat que précédemment aux arrondis
près).
Ces actions (achat ou vente) dépendront des anticipations du cambiste
sur l’évolution des devises : s’il mise sur la baisse d’une devise, il va
plutôt vendre « haut » pour racheter « plus bas » (position Bullish). S’il
mise sur la hausse d’une devise, il va plutôt acheter « bas » pour revendre
« haut » (position Bearish).
Les opérations d’arbitrage doivent cependant être fréquentes pour que
les gains retirés justifient les risques encourus et les frais occasionnés. En
effet, chaque transaction sur le marché des changes implique un coût
intégré dans le spread. Plus celui-ci est grand, moins important sera le
gain à l’arbitrage.
De plus, de nombreux arbitragistes détectent simultanément les
opportunités d’arbitrage lorsqu’elles existent. L’effet cumulé de tous
leurs achats ou ventes de devises réduit d’autant plus les gains qui en
seront retirés. Pour le comprendre, il faut se souvenir (encore une fois)
que les taux de change au comptant évoluent en fonction de l’offre et de
la demande de devises. Dans l’exemple ci-dessus, notre arbitragiste a tout
intérêt à acheter de l’USD à New York et à livrer en contrepartie ses PLZ.
Un achat massif d’USD, combiné à une vente massive de PLZ à New
York, va mécaniquement faire augmenter le cours de l’USD/PLZ puisque
la demande d’USD augmente tout comme l’offre de PLZ :
l’augmentation des PLZ en circulation, combinée à la raréfaction des
USD disponibles, contribue à l’appréciation de l’USD par rapport au
PLZ.
La revente simultanée de ces USD sur la place financière de Varsovie
contre des PLZ va avoir l’effet inverse : le cours de l’USD/PLZ va
baisser en Pologne.
Ainsi, l’écart entre les deux cotations va se réduire très rapidement,
ramenant l’USD/PLZ à une seule et même valeur sur les deux places. Les
opportunités d’arbitrage disparaissent aussi rapidement qu’elles sont
apparues…, par le fait même des arbitragistes. Compte tenu de la rapidité
avec laquelle l’équilibre se rétablit entre les marchés, le risque est donc
grand pour ces arbitragistes : ils ne peuvent espérer dégager de gains que
dans des fenêtres de temps parfois limitées à quelques secondes.

5. Les cours de référence

Un cours de référence est censé être le reflet des cours auxquels


s’échangent les monnaies pendant une courte période. Ce cours est
officiellement constaté par une autorité, en général les banques centrales,
et sert de référence pour certains types d’opérations, notamment celles
d’entreprises soucieuses de limiter les risques liés au change : comme le
cours est largement diffusé dans la presse, il n’y a aucune contestation
possible de la part de leurs partenaires. Cela leur permet en outre de
traiter de manière égale tout type de montant, ce qui facilite la gestion de
leurs devises et des risques inhérents à leur détention.
Actuellement, les cours de référence sont cotés au certain, c’est-à-dire
que l’on exprime une unité de devise nationale dans chacune des devises
étrangères. La cotation diffère dans sa présentation pour se distinguer de
la cotation directe sur le marché. Par exemple, le cours de référence de
l’EUR par rapport à l’USD s’exprimera ainsi : USD 1,2855, que l’on doit
lire 1 EUR = 1,2855 USD.
Si besoin, des cours écartés sont calculés afin de déterminer un cours
acheteur et un cours vendeur. Ces cours « acheteur » et « vendeur »
seront appliqués aux opérations clientèles.
Le principe de la cotation officielle ne se pratique pas sur toutes les
places. Ainsi, il n’y a pas de cours du jour à New York ou à Zurich par
exemple.

5.1. La Banque de France

Avant la mise en place de l’euro, c’est la Banque de France qui assurait


elle-même la cotation des cours de référence (contre FRF). Cette cotation
s’appelait « fixing » et se déroulait à la Bourse de Paris. De nos jours, la
Banque de France se contente d’assurer la diffusion des cours de
référence quotidiens publiés par la Banque centrale européenne, elle
publie également (liste non-exhaustive) :

des cours fin de mois de l’euro à partir des cours de référence


des 28 devises cotées par la BCE ;
des cours moyens mensuels de l’euro contre les 28 devises
cotées en référence par la BCE ;
des cours fins de mois estimés sur les autres devises du monde
(plus de 100 devises).

5.2. La Banque centrale européenne

La Banque centrale européenne publie depuis le début de janvier 1999


les cours de change de l’euro contre un certain nombre de devises. À
l’origine, 17 devises étaient concernées : Le dollar américain (USD), le
dollar canadien (CAD), le dollar australien (AUD), la livre sterling
(GBP), le yen japonais (JPY), le franc suisse (CHF), la couronne danoise
(DKK), la couronne suédoise (SEK), la couronne norvégienne (NOK), le
dollar néo-zélandais (NZD), la livre chypriote (CYP), la couronne
tchèque (CZK), la couronne estonienne (EEK), le forint hongrois (HUF),
le zloty polonais (PLN), le tolar slovène (SIT) et enfin la drachme
grecque (GRD).
En octobre 2000, 12 devises ont été ajoutées : le lev bulgare (BGN), le
dollar de Hong Kong (HKD), la couronne islandaise (ISK), le won
coréen (KRW), le litas lituanien (LTL), le lats letton (LVL), la livre
maltaise (MTL), le leu roumain (ROL), le dollar de Singapour (SGD), la
couronne slovaque (SKK), la livre turque (TRY) et enfin le rand sud-
africain (ZAR).
Le 1er janvier 2001, la Grèce ayant rejoint la zone euro, la drachme
grecque a quitté cette liste pour rejoindre celle des monnaies à taux de
conversion irrévocable contre l’euro.
Chaque cours est basé sur une concertation entre banques centrales
intra et extra SEBC. (Système européen de banques centrales), en
principe à 14 h 00 et doit refléter les conditions du marché à ce moment.
Le cours est un cours moyen entre le cours acheteur et le cours vendeur.
Ces taux de référence, de source BCE, font apparaître les 5 dernières
parités (quotidiennes, mensuelles ou fin de mois) de l’euro contre les
principales devises (dont les pays européens).

III. Les opérations sur le marché des changes


à terme

Dans une opération à terme, deux contreparties s’engagent à échanger


(acheter ou vendre) des devises à une date ultérieure et à un cours
prédéterminé. Le taux de change auquel s’effectuera la transaction future
est ainsi fixé aujourd’hui.
Ce type d’opération est intéressant pour les entreprises, qu’elles soient
exportatrices ou importatrices, car il permet d’éliminer l’incertitude liée
aux fluctuations futures des cours. Ainsi :
Un exportateur vendra à terme (2 mois, 6 mois ou 128 jours)
des devises lorsqu’il craint une baisse du cours dans 2 mois, 6
mois ou 128 jours de la devise dans laquelle il commerce.
Un importateur achètera à terme une devise lorsqu’il craint la
hausse du cours de la devise.

1. Les opérations de change à terme

Les principes de base sont les mêmes que pour une opération de Spot.
La différence essentielle provient du fait que la date de valeur est
différente de J +2. Ce décalage dans le temps va générer ce que l’on
nomme des points de swap ou Report/Déport qui serviront à calculer le
prix à terme.
Lorsque vous désirez effectuer un achat ou une vente de devises à
terme, plusieurs solutions s’offrent à vous. Vous pouvez directement
négocier avec un intermédiaire (banquier, cambistes…). Vous entrez
alors dans une opération à terme de gré à gré avec votre contrepartie,
opération qui nécessite d’être immédiatement contractualisée : il vous
faudra notamment spécifier dès aujourd’hui la date à laquelle s’effectuera
l’opération de change, le montant des devises engagées ainsi que le taux
de change auquel se fera l’opération. Vous signez alors un contrat à
terme (appelé forward en anglais). Cette opération à terme vous permet
donc de figer le cours auquel vous allez pouvoir acheter ou vendre une
devise, transférant par là même le risque de change sur votre contrepartie.
Ce type de contrat est irrévocable et ne peut être rompu qu’avec l’accord
des deux parties.
Il existe également des marchés organisés sur lesquels vous pouvez
directement acheter ou vendre des devises. Les produits financiers
permettant ce type d’opérations sont également appelés des contrats à
terme, par analogie avec les premiers puisque le principe est le même. La
différence étant que ces produits sont standardisés : pas de liberté quant
aux montants de devises échangées et quant à l’échéance de l’opération
(le choix des devises est également limité), mais ils ont l’avantage de
bénéficier d’une structure organisée (un marché) qui en assure la
liquidité.
Quelle que soit l’option choisie, il est primordial de pouvoir évaluer
quel sera le prix à terme de la devise qui sera échangée, et donc le taux de
change à terme. Si les marchés ou les banquiers vous proposent en
général des taux de change différents, cette différence réside
essentiellement dans les commissions et frais intégrés dans ce prix. La
base de calcul du taux de change est, elle, identique et résulte d’un calcul
dit « risque-neutre » effectué par les opérateurs.

1.1. Comment déterminer le taux de change à terme ?

Prenons un exemple pour illustrer nos propos :


Données du Marché :
• Spot EUR/USD : 0,9430
• Taux USD à 3 mois 1,87 % 1,91 %[2].
• Taux EUR à 3 mois 3,50 % 3,54 %[3]
Un importateur français doit effectuer le règlement d’une commande
dans 3 mois, payable en USD. Plutôt que d’acheter immédiatement des
USD dont il n’a pas encore besoin, il demande à sa banque le prix auquel
elle peut s’engager à lui vendre des USD contre des EUR sur cette
échéance. Comment la banque va-t-elle coter ce prix à terme USD/EUR ?
En garantissant un taux de change à terme à son client, elle supporte à
sa place le risque de change, il lui faut donc faire en sorte de neutraliser
son exposition à ce risque. Le risque supporté par la banque porte sur le
montant total d’USD qu’elle devra livrer dans 3 mois, ce montant
dépendant essentiellement des deux paramètres que sont le montant total
d’USD exposés et le prix auquel elle s’est engagée à les vendre (le taux
de change à terme).
Si la banque accepte de vendre à terme de l’USD, elle propose au
client un taux de change à terme pour lequel elle est sûre de ne pas être
perdante dans l’opération. Au mieux elle dégagera un gain, au pire, elle
ne perdra pas d’argent, l’opération se révélant alors neutre pour elle. En
réalité, la banque retire toujours un gain positif dans ce type d’opération.
Mais pour cela, elle doit être en mesure d’évaluer le taux de change à
terme pour lequel elle ne dégage aucun bénéfice, puis appliquer des
commissions sur la base de ce taux de manière à se rémunérer. Ce taux de
change à terme est appelé le taux de change à terme théorique.
Par définition, le taux de change à terme théorique est celui pour lequel
l’opération de change à terme sera neutre pour la banque, i. e pour lequel
elle ne gagne ni ne perd dans l’opération.
Comment évaluer le taux de change à terme théorique ? Tout
simplement en se mettant à la place de la banque qui va adopter le
raisonnement suivant :
Dans notre exemple, le client est acheteur de devise USD à terme.
Pour la banque, c’est l’inverse, elle devra dans 3 mois vendre des USD
au client et recevra en contrepartie des EUR. Elle sera donc dans 3 mois
acheteur d’EUR et vendeur d’USD.
Elle va se « couvrir » en mobilisant aujourd’hui des EUR qu’elle va
échanger au cours spot en USD, qu’elle va ensuite placer pendant 3 mois
de façon à pouvoir les livrer à son client au terme de ces 3 mois. Elle ne
puise pas pour cela dans ses fonds propres de façon à ne pas s’exposer à
un risque de moins-value sur les EUR mobilisés ; elle va donc les
emprunter aujourd’hui au taux en vigueur, soit à 3,54 %. Supposons
qu’elle ait emprunté une somme X de devise EUR, elle procède
immédiatement à la conversion de ces X EUR en USD au cours spot qui
est aujourd’hui 0,9430. Elle récupère ainsi (X × 0,9430) USD, qu’elle va
pouvoir placer pendant 3 mois au taux en vigueur pour les placements en
USD, soit 1,87 %.
Au terme des 3 mois, elle récupérera les USD placés plus les intérêts,
soit au total (X.0,9430) × (1 + 0,0187/4)[4]. Elle procédera alors à
l’échange de devises avec son client : celui-ci va lui vendre les EUR et
elle lui versera en échange le montant d’USD obtenu précédemment.
Enfin, elle devra rembourser à terme le montant emprunté X, les intérêts
en plus, soit au total X. (1 + 0,0354/4).
La banque ne fera ni gain ni perte dans l’opération si le taux auquel
elle vend à terme les USD au client (nous le noterons F USD/EUR, pour
« taux forward ») lui permet de récupérer un montant d’EUR qui
correspond parfaitement au remboursement de son emprunt. La boucle
est alors bouclée.
Mathématiquement, cela signifie que le montant récupéré à terme doit
être égal au montant à rembourser :
(X.0,9430) × (1 + 0,0187/4) × FUSD/EUR, = X × (1 + 0,0354/4)[5]
Cette relation se simplifie en divisant les deux membres de l’équation
par X (le montant emprunté n’est donc pas déterminant dans le calcul du
change à terme) et en exprimant le cours à terme (attention, il change de
sens en passant de l’autre côté de l’équation) en fonction du cours au
comptant et des taux d’intérêt. On obtient alors :
FEUR/USD = soit FEUR/USD = 0,9959
1,004675

1,00885

Le taux de change à terme obtenu est le taux forward théorique : si la


banque s’engage à acheter à son client des EUR (et à lui vendre en
contrepartie des USD), elle achètera chaque EUR à un prix maximum de
0,9959, ce qui lui assure de ne rien perdre ni gagner dans l’opération.
Pour le client, cela représente un taux de change USD/EUR de 1/0,9959,
soit 1,0041 EUR pour chaque USD vendu à la banque. Symétriquement,
1,0041 EUR est le prix minimum auquel la banque sera prête à vendre
chaque dollar à terme.
Observons, et c’est important, que le taux de change à terme auquel se
fera l’opération ne dépend nullement du montant d’EUR (X) que la
banque est obligée d’emprunter pour mettre en place l’opération : la
banque ne prend pas en compte cette variable dans son calcul puisque le
risque qu’elle court sur cet emprunt est de toute façon nul (elle n’a donc
pas besoin de rajouter une prime de risque au taux proposé). Il est
toutefois possible de déterminer exactement combien la banque devrait
emprunter au départ de l’opération. Pour que celle-ci soit neutre, il faut
que le montant des USD placés pendant 3 mois et récupérés à l’échéance
corresponde exactement à la somme demandée par le client pour régler la
marchandise. Si nous supposons que le client ait eu besoin de 100 000
USD à terme, alors la banque va récupérer à terme (X.0,9430) × (1
+ 0,0187/4) qui doit donc correspondre exactement au 100 000 USD. Il
faut donc que 0,9430X (1+0,0187/4) = 100 000. La banque doit donc
emprunter X = 105 551,00 EUR.
Enfin, il convient de noter qu’une opération de change à terme n’est,
dans les faits, qu’une opération de change au comptant assortie d’une
double opération de trésorerie dont les prix sont parfaitement connus dès
le départ. Ce n’est donc pas une opération risquée pour la contrepartie
bancaire.

1.2. Généralisation

Ce raisonnement peut être étendu au cas général. Intéressons-nous à un


client qui désire vendre à terme une devise A pour acheter une devise B.
La banque se retrouvera donc acheteuse de devise A et devra livrer en
contrepartie la devise B à terme.
Nous noterons SA/B le taux de change spot et FA/B le taux de change
à terme théorique. Les taux d’intérêt pour les opérations de prêts et
emprunts dans la devise A seront notés raA et rvA, correspondant
respectivement au taux d’intérêt « à l’achat » de la devise A (i. e taux de
placement) et à celui « à la vente » (i. e taux d’emprunt). De la même
façon, nous noterons raB et rvB, ceux correspondants au taux sur la
devise B. Enfin, nous noterons n le nombre de jours jusqu’à l’échéance.
En généralisant le raisonnement précédent, nous obtenons alors
l’équation qui permet de déterminer le taux de change à terme théorique,
elle s’écrit :
FA/B = SA/B
1 + r aB

1 + r vA
On notera que lorsque le taux des devises empruntées r vA est
supérieur au taux des devises placées r aB , alors le taux forward de la
devise A est inférieur au taux de change au comptant. Parce que
l’emprunt effectué par la banque lui revient plus cher que les intérêts sur
son placement, elle réalise une perte qu’elle va répercuter sur le client
sous forme d’un déport (points en négatif), c’est-à-dire une minoration
du cours spot de base (elle achète la devise A moins cher à terme qu’au
comptant). Dans le cas inverse, lorsque r vA est inférieur au taux des
devises placées r aB , elle réalisera un gain dont elle pourra faire
bénéficier le client (on parle alors de report lorsque le taux de vente
forward est inférieur au taux spot) puisque l’opération réalisée au taux
forward théorique est neutre.

1.3. Remarques et dernière illustration

Dans la pratique, la banque qui cote le taux de change à terme pourra


remplacer ces opérations de prêt et emprunt simultanées par un swap de
devises (échange de devises). C’est pour cette raison que les points de
report/déport sont également appelés points de swap.
Il est également utile de préciser que dans un marché « normal »,
contrairement à certaines idées reçues, un cours de change à terme n’a
aucun caractère prévisionnel de ce que sera le cours de change futur. Ne
serait-ce que par sa méthode même de calcul, les seuls paramètres
influant sur son calcul sont les cours et taux d’intérêt au comptant. Il n’y
a aucune variable représentative de quelconques prévisions (comme un
taux d’inflation, des taux prévisionnels, ou autres variables
macroéconomiques) qui est prise en compte dans son calcul.
Rappelons une fois de plus que ce taux de change à terme est le taux
de change à terme théorique. Les banques et autres intermédiaires
appliquent systématiquement un chargement à ce taux (commissions)
pour se rémunérer sur l’opération.
Parfois, lorsque le client négocie directement avec son banquier, il peut
lui-même proposer un taux de change auquel il souhaite réaliser
l’opération. Il reste alors au banquier à comparer le taux proposé par le
client à ce taux de change théorique pour évaluer s’il est ou non dans son
intérêt d’accepter.
Exemple : Une société exporte le 12 mars des marchandises à
un client américain pour 100 000 USD mais ne sera payée que 3
mois plus tard. Au 12 mars, le dollar vaut 0,70 euro, le taux EUR
3 mois = 10 % et le taux d’intérêt américain 3 mois = 6 %. Elle
propose à sa banque de signer avec elle un contrat à terme
portant sur un taux de change garanti USD/EUR = 0,70. La
banque a-t-elle intérêt à signer ce type de contrat ?
Si l’entreprise craint une baisse de l’USD, elle va vendre à
terme des USD à sa banque. Le contrat s’écrit « Vente à terme de
100 000 USD contre 70 000 EUR au 12 JUIN ». La banque
acceptera l’opération si le taux change à terme théorique ne lui
est pas défavorable.
Pour déterminer le cours à terme théorique à 3 mois, on tient
compte des taux d’intérêt à 3 mois sur les marchés européens et
américains : EURIBOR 3 mois = 10 %, et Taux américain 3
mois = 6 %.
On peut alors calculer le cours à terme USD/EUR :
FUSD/EUR = SUSD/EUR × = 0,07 × = 0,70689
1 + 10 % / 4

1+6%/4
1,025

1,015
soit un report du dollar de 0,00689 point par rapport à l’euro.
Le dollar est plus cher à terme qu’au comptant, la banque peut
donc concrètement garantir aujourd’hui le cours de 0,80 euro au
12 juin. Elle y gagnera même le montant du report sur chaque
dollar changé. Concrètement, la banque va se couvrir de la façon
suivante :
Le 12 mars : la banque va emprunter X USD sur le marché
américain à 3 mois à 6 %. Le 12 avril, elle devra donc
rembourser : X × 1 + (0,6 / 4).
Pour être parfaitement immunisée, il faut que cette somme
corresponde exactement aux dollars que le client lui vendra dans
3 mois, soit : X × 1 + (0,6 / 4) = 100 000, ce qui nous donne X
= 98 522,1675 USD. Le même jour, elle échange ces 98 522
USD contre des euros au cours de change comptant 0,70, soit
68 965,5172 EUR qu’elle place immédiatement sur le marché
français à 10 % à 3 mois, ce qui lui rapportera au 12 juin :
68965,5172 × 1 + (0,1 / 4) = 60689,65513 EUR
Elle pourra donc honorer son contrat et remettre les
70 000 EUR à la société qui lui versera en contrepartie les
100 000 USD, somme avec laquelle elle remboursera son
emprunt soit un gain final pour la banque égal à 689,
65 513 EUR.
Cela correspond bien à un gain pour la banque de 100 000 *
0,00689 : la banque gagne le report car le client n’a négocié que
le cours au comptant pour son cours de change à terme et n’a pas
tenu compte des différentiels de taux pouvant lui permettre de
gagner un peu plus d’argent.
Enfin, il est possible de trouver des contrats à terme « clé en main »
sur certaines places financières. Ces contrats prennent la forme de
produits financiers appelés futures. Ce sont des produits « standardisés »,
ne portant que sur certaines paires de devises (les plus courantes), et dont
la taille (montant de devises couvert) et le terme sont fixés par le marché.
Mais pour certaines devises, le marché du change à terme n’existe pas
en tant que tel. Pour pallier cette lacune, les banques ont créé le NDF ou
« Non-Deliverable Forward », qui offre une couverture analogue, même
si les modalités diffèrent quelque peu. C’est par exemple le cas pour
beaucoup de devises d’Extrême-Orient (Chine, Inde, Corée, Philippines,
etc.) ou d’Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili entre autres). Nous
traiterons ce type de « produit » dans le chapitre 6 consacré aux produits
dérivés.

1.4. Exemple d’opérations d’arbitrage entre spot et change à terme

Si beaucoup d’opérations d’arbitrage ont lieu sur le marché au


comptant, il existe également des opportunités d’arbitrage entre le
marché au comptant et le marché à terme qui ne demandent qu’à être
exploitées.
Vous êtes arbitragiste sur devises pour le compte de la Société
Générale, et vous pouvez passer des ordres limités à 10 000 000 EUR.
Sur votre moniteur apparaissent les informations suivantes :
Taux spot EUR – CHF 1,5968
Taux forward 1 mois EUR – CHF 1,5660
Taux d’intérêt à 1 mois rEUR = rCHF = 6 %

En bon spécialiste, vous avez détecté une opportunité d’arbitrage entre


le marché au comptant et le marché à terme. En effet, les taux d’intérêt en
vigueur sur le marché suisse et sur le marché français sont identiques, le
cours forward devrait donc être égal au cours spot (le cours forward
théorique est celui qui rend équivalentes l’opération à terme et
l’opération au comptant). Ce n’est pas le cas ici. Le taux forward vaut
1,5660 < ; taux spot = 1,5968 (soit un déport observé qui n’a pas lieu
d’être). Le déport de l’EUR par rapport au CHF ne se légitime que
lorsque rEUR > ; rCHF. Il existe donc une opportunité d’arbitrage qui
consiste à effectuer deux opérations simultanées : emprunter aujourd’hui
des EUR (opération sur le marché au comptant) et vendre à terme des
CHF (opération sur le marché à terme). Nous allons le montrer ci-
dessous.
L’arbitrage entre le taux au comptant et le taux à terme se fait selon le
timing suivant :
Emprunt aujourd’hui, date t, d’un montant X en EUR tel que :
X(1 + 6 %) = 10 000 000 EUR avec 10 000 000 EUR
= montant maximum des engagements autorisés, soit X
= 9 950 248,76 EUR.
30

360
Achat aujourd’hui au comptant de CHF : 9 950 248,76 ×
1,5968 = 15 888 557,22 CHF. Dans un mois le résultat du
placement des CHF vaudra :

15 888 557,2 (1 + 6 %) = 51 968 000 CHF


30

360
Toujours aujourd’hui, on procède à une vente à terme de 15 968 000
CHF, qui rapporteront donc dans 1 mois :
51 968 000

1,5660
= 10 196 679,4 EUR
En t +30, soit 1 mois plus tard, il faut rembourser les 10 000 000 EUR,
le gain net à l’opération d’arbitrage sera donc 10 196 679,44 –
10 000 000 = 196 679,44 EUR (en omettant l’actualisation des sommes
en jeux).
Cette somme représente = 1,98 % de la somme empruntée, c’est le
rendement réel de l’opération d’arbitrage.
196 679,44

9 950 248,76
QCM

Q1 : Dans la cotation EUR/CAD = 1,2329, le dollar canadien est


appelé :
1- devise certaine
2- devise principale
3- devise contrepartie
4- devise d’arbitrage
Q2 : La cotation EUR/CAD = 1,2329 se lit :
1- 1,2329 euro pour 1 dollar canadien
2- 1,2329 euro pour 1,2329 dollar canadien
3- 1 euro pour 1,2329 dollar canadien
4- aucune de ces propositions
Q3 : Dans la cotation en bid-ask EUR/CAD = 1,2329-1,2334 :
1- 1,2329 est le prix auquel le marché vend chaque euro
2- 1,2329 est le prix auquel le marché achète 1 euro contre des dollars
canadiens
3- 1,2334 est le prix auquel le marché vend le dollar canadien
4- 1,2334 est le prix auquel vous pourrez vendre vos euros contre des
dollars canadiens
Q4 : Le taux de change USD/GBP = 0,7640/0,7730 s’écrirait à
l’incertain :
1- GBP/USD = 1,3089/1,2936
2- GBP/USD = 0,7640/0,7730
3- USD/GBP = 1,4256/1,4052
4- GBP/USD = 1,2936/1,3089
Q5 : Le taux de change à terme représente pour une banque qui achète
à terme une devise :
1- une estimation du taux de change futur pour cette devise
2- le taux de change minimum auquel elle acceptera d’acheter la
devise à terme
3- le taux de change qui peut être garanti sans risque par la banque
4- aucune de ces réponses
Q6 : Le taux de change à terme dépend des paramètres suivants :
1- du taux de change spot et du niveau des taux d’intérêt
2- du montant de la transaction à terme et de la prévision du taux de
change futur
3- de la prévision du taux de change futur et du taux de change spot
4- du montant de la transaction à terme, du taux de change spot et des
taux d’intérêt
Q7 : Une devise est dite en déport par rapport à une autre lorsque :
1- elle est plus chère à terme qu’au comptant
2- elle est moins chère à terme qu’au comptant
3- elle vaut la même chose à terme et au comptant
4- aucune de ces réponses

Correction

Q1 : Dans la cotation EUR/CAD = 1,2329, le dollar canadien est


appelé : 3- devise contrepartie
Q2 : La cotation EUR/CAD = 1,2329 se lit : 3-1 euro pour 1,2329
dollar canadien.
Q3 : Dans la cotation en bid-ask EUR/CAD = 1,2329-1,2334 : 2-
1,2329 est le prix auquel le marché achète 1 euro contre des dollars
canadiens.
Q4 : Le taux de change USD/GBP = 0,7640/0,7730 s’écrirait à
l’incertain : 4- GBP/USD = 1,2936/1,3089.
Q5 : Le taux de change à terme représente pour une banque qui achète
à terme une devise : 3- le taux de change qui peut être garanti sans risque
par la banque.
Q6 : Le taux de change à terme dépend des paramètres suivants : 1- du
taux de change spot et du niveau des taux d’intérêt.
Q7 : Une devise est dite en déport par rapport à une autre lorsque : 2-
elle est moins chère à terme qu’au comptant.

Exercices

Exercice 1

Un exportateur canadien demande une cotation de change EUR/CAD à


sa banque. Sur le marché (des changes) on observe les cotations
suivantes : EUR/CAD : 1,5400-1,5460, USD/CAD : 1,0400-1,0440,
EUR/CAD : 1,6060-1,6090.
1- L’exportateur souhaite-t-il acheter ou vendre de l’EUR ?
2- Quelle est la meilleure cotation EUR/CAD dont l’exportateur va
pouvoir bénéficier ?

Exercice 2

Le 1er avril 2011, la société IBN à Paris reçoit une commande de son
client néo-zélandais pour un montant de 500 000 NZD payable à 3 mois.
Actuellement les cours sur le marché au comptant et sur le marché spot
sont les suivants
Cours spot acheteur/vendeur Cours à terme acheteur/vendeur
au 1er avril 2011 au 1er avril 2011
USD/EUR 1,0646/1,0650 USD/EUR 1,0650/1,0652
USD/NZD 2, 0594/2,0623 USD/NZD 2, 0589/2,0617

1- À quoi correspondent les deux côtés de la fourchette de cotation


d’un cours ?
2- Calculez les cours spot croisés pour la paire NZD/EUR. Quel rôle
joue l’USD dans ce calcul.
3- Calculez de la même façon les cours à terme pour le NZD/EUR.
4- L’euro est-il en report ou bien en déport face au dollar néo-
zélandais ? Pourquoi ?

Exercice 3

Vous êtes arbitragiste sur le yen japonais (JPY) au comptant et, en ce


moment même, voilà les cotations que vous pouvez observer sur votre
ordinateur :
BID ASK
EUR/JPY 1,3890 1,3904
EUR/USD 1,2850 1,2870
USD/JPY 1,0846 1,0864

1- Avez-vous ici une possibilité d’arbitrage ? Si oui laquelle ?


2- Quel serait le gain réalisé grâce à cet arbitrage si vous disposiez de
1 000 000 JPY (on suppose que les frais de commission sur chaque
opération sont nuls).
3- Si beaucoup d’opérateur faisait la même chose que vous, que se
passerait-il sur le marché spot des devises ?
[1] . Même si les banques centrales peuvent intervenir pour « diriger » les taux de change,
notamment en élevant ou en baissant les taux d’intérêt directeurs.
[2] . Le taux d’intérêt américain est ici présenté en fourchette, reflétant les différences qui existent
entre les taux de placement et ceux d’emprunt. Ici, les placements sur 3 mois en USD sont rémunérés
au taux de 1,87 %, les emprunts se faisant au taux de 1,91 %. Comme tous les taux d’intérêt, ils sont
exprimés en base annuelle, il faudra donc ramener ces taux à la durée totale du placement ou de
l’emprunt pour obtenir les taux réels.
[3] . De la même façon, l’EUR s’ « achète » à 3,50 % et se « vend » à 3,54 %.
[4] . Ici, nous avons rapporté le taux d’intérêt annuel sur une période de 3 mois, soit 1 trimestre sur
3 que comporte une année. Cela nous permet d’avoir le rendement réel de son placement qui est donc
de 0,0187/4 = 0,4675 %, et donc (1 + 0,0187/4) = 1,004675.
[5] . Avec (1 + 0,0354/4) = 1 + 0,885 % = 1,00885.
Chapitre 4

Les déterminants et
la prévision des cours
de change

Introduction

Les accords de la Jamaïque de janvier 1976 ont officiellement mis fin


au système de taux de change fixes qui avait été instauré en 1944 par les
accords de Bretton Woods. Ces changes flexibles devaient permettre aux
taux de change de converger plus spontanément et plus rapidement vers
leur valeur « d’équilibre », valeur définie par la parité de pouvoir d’achat
(PPA) relative, qui stipule que le taux de change bilatéral entre deux pays
évolue de façon à compenser l’écart de taux d’inflation entre ces pays.
Mais, depuis les années 1980, la globalisation des marchés et
l’accroissement exponentiel des opérations sur devises ont contribué à
accroître la volatilité des changes, entraînant même des distorsions
durables, et ce à l’encontre de toutes les prévisions.
La théorie économique ne fournit pas une seule explication toute faite
des fluctuations des taux de change. Avec pour objectif de mieux
comprendre les évolutions des taux de change, de nombreux travaux
théoriques et empiriques ont été produits, travaux théoriques surtout axés
sur la recherche des déterminants des taux de change, ainsi que la
validation empirique des modèles théoriques proposés.
D’un côté, les économistes se sont intéressés au comportement de long
terme des taux de change. À ce niveau, il n’y a pas eu de véritable
avancée théorique puisqu’on s’est contenté dans les années 1980 de
remettre au goût du jour la théorie de la PPA qui est la plus ancienne
mais également la plus controversée depuis l’avènement des changes
flexibles.
À la faveur du passage à l’euro en 1999, mais également pour pouvoir
comprendre les récentes crises monétaires des pays émergents (Mexique
dans les années 1980, pays du Sud-Est asiatique en 1997-1998, Argentine
en 2001), des approches macroéconomiques alternatives ont été
proposées (NATREX, FEER…), approches semblant plus appropriées
que la PPA et surtout plus pertinentes à un horizon moyen/long terme.
Enfin, les tout récents modèles microstructurels méritent d’être
présentés ici, car ils fournissent un cadre d’analyse intéressant de la
dynamique de court terme des taux de change. Ces approches
microéconomiques insistent sur l’importance des mécanismes de
transaction, des asymétries d’information et de l’hétérogénéité des
investisseurs en tant que déterminants des taux de change à court terme.
Sans prétendre présenter de manière exhaustive tous ces travaux, nous
allons nous focaliser sur les théories les plus représentatives des
différents « courants », leur intérêt et leurs limites.
Les évolutions des taux de change peuvent avoir des retombées
économiques importantes, aussi bien au niveau microéconomique qu’au
niveau macroéconomique. Lorsque le taux de change entre l’euro et le
dollar s’apprécie, les conséquences sur l’économie d’un pays de la zone
euro sont non-négligeables : ainsi, une dépréciation de la monnaie non
seulement augmente les prix des importations, mais réduit également les
prix des exportations. Si cela peut dynamiser la demande, il en résulte
parfois un renforcement des pressions inflationnistes. De la même façon,
au niveau microéconomique, les fluctuations de change incitent les
investisseurs à revoir leurs placements (avec parfois pour conséquence
une mauvaise orientation des capitaux), les entreprises à se couvrir contre
le risque de change (ce qui augmente leurs coûts), les spéculateurs à
multiplier leurs opérations d’achat et de vente de devises, ce qui
contribue à renforcer la volatilité des taux.
Les banques centrales, les investisseurs institutionnels ou privés, les
entreprises ayant des activités à l’international…, tous ces acteurs
économiques ont besoin, pour limiter leur exposition au risque de
change, pour orienter de façon optimale leurs investissements, pour
maintenir la stabilité économique, de prévoir les évolutions des taux de
change.
Les fluctuations des taux de change ont, nous allons le voir, la
réputation d’être difficiles à prévoir : certains auteurs – comme Meese et
Rogoff (1983) – ont notamment montré qu’une « marche aléatoire »
donnait d’aussi bons résultats en terme de prévision que nombre de
modèles économiques. Des théories économiques les plus poussées aux
modèles économétriques les plus complexes, en passant par les analyses
techniques ou fondamentales des opérateurs sur le FOREX, les
économistes ont depuis longtemps tenté de prévoir les évolutions des
taux de change. Les résultats sont, comme nous le verrons par la suite,
pour le moins mitigés, et ce essentiellement parce que les fluctuations des
taux de change sont déterminées par un très (trop) grand nombre de
variables macroéconomiques fondamentales, telles que les prix, les taux
d’intérêt, le niveau de la dette intérieure ou encore la productivité
intérieure. Mais il y a également des paramètres microéconomiques,
comme la structure même des marchés, les comportements hétérogènes
et subjectifs des acteurs sur le marché des changes, la diffusion
d’informations, etc.
L’incapacité des théoriciens à fournir un cadre unique et fiable pour la
prévision des fluctuations de change explique sans doute pourquoi, dans
la pratique, les opérateurs du FOREX ont développé des méthodes
alternatives telles que l’« analyse technique » qui consiste à prévoir les
évolutions futures des taux de change à la lumière de leurs
comportements passés.

I. Les principaux déterminants à long terme des taux de change

Les premières théories sont apparues au début du XXe siècle, dans un


contexte de changes fixes et de croissance rapide du commerce
international. Elles avaient tendance à supposer que seuls les échanges de
biens et services, ainsi que leurs prix, étaient les facteurs déterminants
des taux de change.
Mais avec le développement des mouvements de capitaux et la
généralisation des changes flottants dès le début des années 1970, un
second groupe de théories mettra l’accent sur l’importance des facteurs
financiers dans l’évolution des taux de change.
Depuis, les travaux sur le sujet n’ont cessé de progresser et les
économistes ont proposé de nouvelles méthodes de modélisation fondées
sur des cadres d’analyse plus complexes mais également plus réalistes.

1. Les théories de la parité de pouvoir d’achat (PPA)

La notion de PPA, appliquée à la détermination des taux de change,


apparaît pour la première fois dans les travaux de Gustav Cassel en 1923.
Basée sur la « loi du prix unique », cette théorie repose sur l’idée que la
valeur d’une monnaie par rapport à une autre se définit par la quantité de
biens et services qu’elle permet d’acquérir.
Sa forme la plus simple, mais néanmoins rigoureuse, est la théorie de
la PPA absolue : celle-ci stipule qu’en l’absence de coûts de transport et
de barrières à l’échange international (et plus généralement dans un
régime de concurrence pure et parfaite), le prix d’un même bien est
identique dans tous les pays, dès lors qu’on l’exprime dans une monnaie
commune.
Plus généralement, lorsque l’on considère plusieurs biens, il convient
de s’intéresser au niveau général des prix (et donc aux indices de prix
pour un même panier de biens), et le taux de change découlant de la PPA
absolue assure qu’une unité de devise a le même pouvoir d’achat dans le
pays d’origine et à l’étranger. Si ce n’était pas le cas, il serait possible
d’effectuer des arbitrages : un bien serait acheté là où il est meilleur
marché (compte tenu du taux de conversion) pour être revendu là où il est
le plus cher, le mécanisme d’arbitrage rétablissant l’équilibre sur tous les
marchés, et par là même la parité de pouvoir d’achat.
Encadré 1 : PPA absolue et taux de change
En considérant deux pays, A et B, et en choisissant le pays B
comme pays « étranger », alors nous noterons :
eA/B : taux de change nominal de la monnaie A (monnaie
domestique) ;
PA : le niveau des prix dans le pays A exprimé en monnaie
domestique ;
PB : le niveau des prix dans le pays B exprimé en devise
étrangère.
La PPA absolue : en notant eA/B le taux de change nominal de
la monnaie domestique, alors la loi du prix unique implique que
eA/B × PA = PB. Le taux de change d’équilibre est donc eA/B
= PB/PA. Ce taux de change d’équilibre corrige les écarts de
niveaux de prix entre les pays, en même temps qu’il constitue un
taux de conversion pour les devises concernées.
L’intérêt de cette théorie est de permettre d’évaluer le taux de change
théorique (le taux de change PPA d’équilibre) vers lequel devrait
normalement converger, à plus ou moins long terme, le taux de change
observé. En comparant le taux de change courant (taux de change
nominal observé) avec ce taux PPA d’équilibre, il est alors possible de
voir si une devise est surévaluée ou bien sous-évaluée, et d’anticiper par
là même sa dépréciation ou son appréciation future.
Encadré 2 : Illustration de la théorie de la PPA absolue
Considérons deux pays, la France et les États-Unis, et
raisonnons à une date donnée. Le 1er janvier 2011, l’indice des
prix d’un panier de référence en France est PEUR = 100 (euros)
alors qu’aux États-Unis, il faut PUSD = 137 (dollars) pour
acheter ce même panier. Le taux de change PPA d’équilibre est
ainsi :
EUR/USD = 137/100 = 1,37 soit 1 EUR = 1,37 USD
Si ce taux de change PPA (1,37) est différent du taux de
change nominal à un instant donné (taux de change courant),
alors cela signifie que l’euro n’est pas correctement évalué à ce
moment précis. Cependant, le jeu de l’offre et de la demande
devrait permettre rapidement au taux de change nominal de se
rapprocher de la valeur PPA, i. e qu’il devrait converger vers le
taux de change d’équilibre e EUR/USD.
Prenons un exemple pour illustrer ce mécanisme. En notant
SEUR/USD le taux de change courant, et en supposant qu’au
1er janvier SEUR/USD = 1,17, alors 1,17 < ; 1,37, et l’euro est
clairement sous-évalué par rapport à la PPA.
Il existe ainsi une opportunité d’arbitrage qui consiste à
acheter le panier de biens en France (au prix de 100 EUR) et à le
revendre aux États-Unis au prix de 137 USD (soit l’équivalent
de 137/1,17 = 117 EUR) dégageant ainsi un gain de 7 EUR. La
possibilité d’arbitrage entraîne une augmentation de la demande
pour les biens domestiques au détriment des biens importés, et
donc une demande accrue pour la devise nationale (ici l’euro), ce
qui contribue à l’appréciation de l’euro par rapport au dollar et à
la convergence vers la valeur d’équilibre PPA : eEUR/USD
= 1,37.
A contrario, si le taux nominal s’établissait à SEUR/USD
= 1,45 > ; 1,37, l’euro serait surévalué et on assisterait à une
dépréciation de l’euro jusqu’à ce que le taux de change nominal
atteigne son point d’équilibre.
Dans la réalité, cette théorie souffre de quelques faiblesses (nous y
reviendrons), notamment parce qu’elle considère comme déterminant
unique du taux de change le seul niveau des prix. Or, les prix qui
prévalent dans un pays ou une région donnée dépendent eux-mêmes de la
structure de marché qui y prévaut (concurrence plus ou moins vive), des
coûts d’approvisionnement ou de distribution… Le niveau des prix ne
tend donc pas en réalité à s’égaliser de manière absolue (eA/B × PA ≠
PB).
Une autre version de la PPA, dite théorie de la PPA relative, permet de
lever cette dernière limite, en supposant que le taux de change entre deux
pays s’ajuste pour refléter les variations du niveau des prix dans le temps.
Elle consiste à expliquer non pas le niveau même du taux de change à un
moment donné, mais son évolution entre deux périodes.
Encadré 3 : PPA relative et taux de change
Tout comme nous avions eA/B × PA = PB, si l’on s’intéresse à
présent aux variations des indices de prix entre deux dates t et t-
1, alors la variation du taux de change qui permet d’assurer la
PPA relative est donc :
• (etA/B/et-1A/B) × (PtA/Pt-1A) = (PtB/Pt-1B)
que l’on peut encore écrire : (etA/B/et-1A/B) = (PtB/Pt-1B)/
(PtA/Pt-1A).
Pour illustrer cette relation, reprenons l’exemple de l’encadré
1 : le 1er janvier 2011, les indices de prix étaient P2011EUR
= 100 et P2011USD = 137. Supposons qu’en 2010, le même
panier de référence valait P2010EUR = 95 et P2010USD = 135.
En parité de pouvoir d’achat, la variation du taux de change
euro-dollar devrait être de :
• (e2011EUR/USD/e2010EUR/USD) = (137 /135) / (100/95)
= 0,9640
et on devrait donc constater une dépréciation de l’euro par
rapport au dollar entre 2010 et 2011.
Pour mieux comprendre le mécanisme, nous pouvons
également faire apparaître les variations relatives des indices de
prix, c’est-à-dire les taux d’inflation calculés entre ces deux
dates t et t-1. Le taux d’inflation domestique est alors : infA =
(PtA – Pt-1A)/ Pt-1A. et infB = (PtB – Pt-1B)/ Pt-1B pour
l’autre devise.
La variation relative du taux de change qui permet d’assurer la
PPA relative est donc :
(etA/B – et-1A/B/et-1A/B) = (etA/B/et-1A/B) – 1 ce qui vaut
(PtB/Pt-1B)/(PtA/Pt-1A) – 1.
Nous pouvons alors simplifier et faire apparaître des taux
d’inflation :
(etA/B – et-1A/B/et-1A/B) = (1+infA/1 + infB) – 1 = (infA –
infB/1 + infB).
ce qui en considérant que le taux d’inflation étranger n’est pas
très élevé peut s’approximer par :
(etA/B – et-1A/B/et-1A/B) = (1+infA/1 + infB) – 1 ≈ infA –
infB
La variation relative du taux de change est alors
approximativement égale au différentiel d’inflation. La PPA
relative traduit alors l’idée que les variations des taux de change
compensent les différences d’inflation entre les pays.
Si nous prenons à nouveau notre exemple numérique, nous
pouvons évaluer les taux d’inflation en France et aux États-
Unis :
infEUR = (100-95)/95 ≈ 5,26% en France contre infUSD
= (137-135)/135 ≈ 1,48% aux États-Unis.
En parité de pouvoir d’achat, la variation relative du taux de
change euro-dollar devrait donc être de – 1, soit une
appréciation de l’euro de 3,72 % entre 2010 et 2011. Nous
aurions pu retrouver par approximation ce résultat puisque
infEUR – infUSD = 5,26 % – 1,48 % ≈ 3,78 % soit proche de
3,72 %.
1 + 5,26 %

1 + 1,48 %
Les variations du taux de change permettent donc de compenser les
variations des prix liées à l’inflation. Cela signifie que des pays ayant des
taux d’inflation différents doivent s’attendre à ce que leur taux de change
bilatéral s’ajuste dans le long terme, de façon à compenser ces écarts
d’inflation : cela se traduit par une appréciation de la monnaie du pays
ayant le taux d’inflation le plus bas au détriment de l’autre. On retrouve
le principe selon lequel un pays présentant un taux d’inflation supérieur à
celui des autres pays devrait légitimement voir sa monnaie se déprécier.
Ces deux versions de la PPA peuvent également être formulées à partir
d’un indicateur synthétique, le taux de change réel. Celui-ci se définit
comme le rapport de niveaux de prix exprimés dans une monnaie
commune.
Encadré 4 : Taux de change nominal et taux de change réel
Le taux de change réel, généralement noté q, permet de
comparer le prix des biens nationaux à celui des biens étrangers
après conversion dans une même monnaie à l’aide du taux de
change courant.
Reprenons l’exemple de l’encadré 2 : PEUR = 100 et PUSD
= 137, et prenons comme valeur du taux de change nominal
SEUR/USD = 1,17.
En multipliant PEUR par le taux de change courant
SEUR/USD, on obtient l’indice de prix français exprimé en
dollars : PEUR × SEUR/USD = 100 × 1,17 = 117.
En divisant ensuite par l’indice des prix des biens américains
PUSD, on obtient le taux de change réel q :
q = (PEUR/PUSD) × SEUR/USD = 117/ 137 = 0,8540
qui est lui exprimé en dollars et peut s’interpréter comme un
indicateur de compétitivité des biens français par rapport aux
biens américains : cette valeur étant inférieure à 1, cela signifie
que les biens français sont plus compétitifs. Ce résultat est
logique puisqu’avec un taux de change nominal de 1,17, l’euro
est sous-évalué par rapport au taux de change PPA d’équilibre
1,37. Si les deux étaient équivalents, alors le taux de change réel
serait égal à 137/137 = 1, soit un euro parfaitement évalué par le
marché.
Si la PPA absolue équivaut à un taux de change réel égal à
l’unité, la PPA relative équivaut, elle, à un taux de change réel
constant (même s’il n’est plus forcément égal à 1, le taux de
change réel est fixe et ne varie donc pas dans le temps).
Les limites des théories de la PPA apparaissent lorsque l’on confronte
la théorie à la réalité des changes. Force est de constater que la parité de
pouvoir d’achat n’est vérifiée ni à court terme ni à moyen terme[1]. Et
même si plusieurs travaux semblent indiquer qu’elle le soit à très long
terme (sur une période de plus de 100 ans !), son utilité en tant que
théorie explicative de l’évolution des taux de change s’en trouve limitée.
Lorsque l’on confronte les hypothèses sous-jacentes au modèle avec la
réalité économique, les faiblesses de cette théorie s’expliquent aisément.
Ainsi, les échanges de biens et services impliquent des coûts de
transactions importants (coûts de transports, droits de douane et taxes,
acquisition d’information…).
De plus, certains biens et services ne peuvent être considérés comme
des substituts parfaits entre les pays ou sont encore non-échangeables
(c’est le cas de certaines denrées alimentaires, de services tels que la
banque ou l’assurance, ou encore des systèmes publics de santé,
d’enseignement…).
Quant aux indices de prix à utiliser pour mesurer le taux de change
d’équilibre (ou la variation du taux de change attendue dans le cas de la
PPA relative), ils sont rarement comparables d’un pays à l’autre : les
biens qui constituent les paniers de consommation ou de production types
sont propres à chaque pays, tout comme le poids qui leur est attribué dans
le calcul de l’indice.
Enfin, toutes les variables autres que les échanges commerciaux et les
prix, tout autant susceptibles d’influer sur le niveau de ces taux de
change, ne doivent pas être négligées : il en est ainsi des variables
macroéconomiques fondamentales telles que les taux d’intérêt, la dette
publique ou les écarts de productivité. Il en est de même des variables
financières telles que les mouvements de capitaux (investissement à
l’étranger, portefeuille d’actifs financiers…) dont l’impact sur les taux de
change n’est plus à prouver.
Notons pour conclure que la théorie de la PPA ne s’applique pas à des
pays de niveaux de développement différents, conformément au
désormais fameux effet Balassa-Samuelson (1964) que nous présenterons
par la suite.
Encadré 5 : L’indice Big Mac
L’indice Big Mac est une mesure officieuse de la parité de
pouvoir d’achat, mise au point par le magazine The Economist
en 1986. Cet indice réduit la mesure du taux de change PPA au
simple prix d’un Big Mac, en partant d’un constat simple :
McDonald’s est présent dans tous les pays du monde, y compris
les plus pauvres, et le prix d’un Big Mac est donc un élément qui
permet de comparer le coût de la vie entre les pays. Par ailleurs,
ce produit rassemble plusieurs facteurs de l’évolution
économique d’un pays à savoir les matières premières (produits
importés ou non) et les services (cuisiniers, vendeurs). De plus,
McDonald’s étant l’une des plus grandes entreprises du monde,
les coûts de production sont tirés au maximum vers le bas (de
part leur pouvoir de négociation). L’autre grand avantage, et qui
contre l’un des défauts de la PPA, est que les prix de vente sont
fixés nationalement par la firme : le prix d’un Big Mac est donc
le même en ville ou à la campagne même si quelques écarts
peuvent subsister. Chaque année, l’hebdomadaire The Economist
effectue un tour de globe et relève les différents prix du Big
Mac. Pour l’année 2010, les index Big Mac dans une vingtaine
de pays étaient les suivants :
Source : http://www.tribuforex.fr
Si l’indice Big Mac élimine certes certains défauts de la PPA
(à savoir l’homogénéité des prix dans un pays et la qualité du
produit), de nouveaux sont créés. Ainsi le prix d’un Big Mac est
en fonction de la demande pour ce produit, or certains pays
consomment beaucoup moins de Big Mac dans leurs habitudes
alimentaires, le prix est donc plus cher. De plus, certains pays,
afin de protéger leur marché local, établissent des barrières
commerciales (taxes) afin de limiter l’implantation de certaines
entreprises étrangères, dont McDonald’s, amenant à des prix plus
élevés. Le prix du Big Mac n’est donc pas l’indice parfait espéré.

2. L’approche de Balassa et Samuelson

Dans deux articles distincts, Paul Samuelson et Béla Balassa (1964)


partent du constat suivant : l’existence de biens non-échangeables
conduit à remettre en cause la validité de la PPA quand les niveaux de
revenu des pays sont différents.
L’une des principales limites à la théorie de la parité de pouvoir
d’achat des taux de change a trait à l’existence dans tous les pays d’un
secteur structurellement abrité de la concurrence internationale. En effet,
de multiples facteurs (barrière linguistique et distance géographique pour
les services domestiques, coûts de transport pour le bâtiment…) font que
de nombreux biens mais surtout services sont, de facto, non-échangeables
à l’échelle internationale. La PPA, fondée sur l’arbitrage, ne peut donc
être vérifiée sur ce type de biens.
Les auteurs proposent alors un modèle, plus connu sous le nom de
« Modèle Balassa-Samuelson », dont le point de départ est la constatation
suivante : les niveaux de revenus par tête d’un pays reflètent
grossièrement les différences de productivité du travail. Les pays en voie
de développement présentent ainsi des niveaux de productivité inférieurs
aux autres pays développés. De plus, les différences de productivité
constatées sont plus grandes dans le secteur des biens échangeables que
dans le secteur protégé.
Au cours du processus de développement des pays à faible revenu, la
productivité augmente, et elle a tendance à augmenter plus vite dans le
secteur des biens échangeables que dans le secteur protégé. Les prix des
biens échangeables étant fixés par la concurrence internationale, une
augmentation de la productivité dans ce secteur y entraîne une hausse des
salaires, non-préjudiciable à la compétitivité, hausse qui se diffuse à
l’ensemble de l’économie (de par la mobilité supposée du travail entre
tous les secteurs). Il en résulte une montée des prix relatifs dans le
secteur des biens non-échangeables. L’indice des prix étant une moyenne
entre les deux secteurs, il y a augmentation des prix des biens nationaux
par rapport à ceux de l’étranger, traduisant, par définition, une
appréciation du taux de change réel.
L’effet Balassa désigne cette appréciation tendancielle du taux de
change réel des pays au cours de leur processus de rattrapage
économique, sous l’effet des gains de productivité relatifs dans le secteur
des biens échangeables.
De plus, selon les auteurs, alors que l’arbitrage entre les prix et le taux
de change égaliserait les prix des biens échangés d’un pays à l’autre, cela
ne serait pas le cas pour les biens non-négociés : les différentiels de
productivité entre les secteurs exposés et ceux abrités de la concurrence
internationale expliquent alors que le taux de change réel soit différent du
taux de change PPA d’équilibre. Au niveau agrégé, les prix ayant
augmenté par rapport au reste du monde, le taux de change réel du pays à
faible revenu s’apprécie, le pays à productivité supérieure se retrouvant
alors avec une monnaie surévaluée par rapport à la PPA. La surévaluation
d’une monnaie peut donc s’expliquer, comme c’est le cas ici, par des
motifs purement structurels.
De nombreuses études empiriques ont été menées pour tester la
validité de l’effet Balassa-Samuelson[2], beaucoup portant sur les pays
d’Europe centrale et orientale (les PECO) dont les niveaux de changes
réels ont eu tendance à s’apprécier durant les quinze dernières années. De
ces études se dégage un certain consensus : l’appréciation tendancielle
des taux de change réels observée dans les PECO sur les dernières années
provient pour partie d’un effet Balassa attendu dans les pays en
rattrapage. Cependant, si cet effet explique une partie de l’appréciation
réelle, d’autres facteurs jouent un rôle non négligeable, notamment les
entrées de capitaux encouragées par les différentiels d’intérêts positifs
avec la zone euro.

3. La situation de la balance courante, ou l’approche par la balance des


paiements

Les comptes de la balance des paiements d’un pays permettent


d’enregistrer tous les flux monétaires entre les résidents de ce pays et le
reste du monde. Elle se décompose en trois grands comptes : le compte-
courant (appelé aussi compte des transactions courantes), le compte de
capital et le compte financier.
Jusqu’au début des années 1970, l’explication des mouvements des
changes reposait sur la situation des balances courantes des pays. Pour
les économistes keynésiens Mundell (1960) et Fleming (1962), en régime
de changes fluctuants, la dynamique des taux de change dépend
principalement de l’état du solde des échanges extérieurs.
Lorsqu’un pays importe un produit, le règlement sera effectué en
devise du pays exportateur, il doit donc acheter la devise en question et
vendre en contrepartie sa propre monnaie. Ainsi, toute modification des
opérations économiques d’importation ou d’exportation de marchandises
entraîne une variation du taux de change. Si la balance des transactions
courantes d’un pays est déficitaire, cela traduit des importations
supérieures aux exportations ; par conséquent, la demande des devises
pour effectuer des paiements à l’étranger sera supérieure à l’offre de ces
mêmes devises servant aux paiements auprès du pays. La devise
nationale aura mécaniquement tendance à se déprécier par rapport aux
autres monnaies utilisées pour ces transactions.
À l’inverse, lorsque la balance de transactions courantes est
excédentaire, les entrées de devises sont supérieures aux sorties, et la
monnaie nationale aura tendance à s’apprécier.
Cependant, dans une optique dynamique des ajustements des taux de
change à la situation de la balance commerciale, la faible (forte) valeur
de la monnaie nationale permet par la suite au pays d’exporter davantage
(moins), et la devise s’appréciera (se dépréciera) de nouveau par
l’intermédiaire du phénomène inverse. Ainsi, selon les théoriciens, les
taux de change devraient être à leur niveau optimum lorsque la balance
des transactions courantes est stable.
Dans les faits, la relation taux de change-balance commerciale est très
simpliste, et surtout n’est pas toujours validée empiriquement. Par
exemple, entre 1998 et 2001, les États-Unis enregistraient une balance
commerciale fortement déficitaire face au Japon, tandis que le dollar ne
cessait de s’apprécier face à la monnaie japonaise. Ce phénomène, qui va
à l’encontre de la théorie, peut en revanche s’expliquer si l’on tient
compte des effets combinés de la balance des transactions courantes avec
un autre compartiment de la balance des paiements, la balance des
transactions financières : les entrées massives de capitaux en provenance
du Japon vers les États-Unis, attirés par le différentiel des taux d’intérêt
entre les deux pays, ont plus que contrebalancé les effets des déficits
commerciaux américains, contribuant à l’appréciation de la devise
américaine.
Au-delà donc du seul solde des transactions courantes, c’est à la
balance des paiements dans son ensemble qu’il faut s’intéresser. Le rôle
des facteurs financiers dans les évolutions des taux de change ne doit pas
être sous-estimé, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, les opérations
financières induisent un volume d’échanges de devises beaucoup plus
important que les seules transactions commerciales internationales.

4. Les approches monétaires

Les modèles monétaires se sont imposés dans les années 1970, au


moment où de nombreux pays industrialisés commençaient à laisser
flotter leur monnaie. Dans leur forme la plus simple, les modèles visant à
expliquer les variations du taux de change par les facteurs monétaires
partent de l’hypothèse que les taux de change nominaux sont surtout
influencés par l’évolution du niveau des prix (domestiques et étrangers),
évolution elle-même déterminée par la demande et l’offre de monnaie. Si
la quantité de monnaie offerte dans l’économie est trop importante, cela
générera nécessairement de l’inflation, et le maintien de la parité de
pouvoir d’achat (PPA) engendrera une dépréciation de la monnaie. Cela
revient à dire qu’un pays dont l’offre de monnaie augmente verra sa
monnaie se déprécier, ou encore que les monnaies des pays ayant un taux
d’inflation élevé se déprécieraient au fil du temps par rapport à celles des
pays dont le taux d’inflation est plus bas.

II. Les déterminants du taux de change à court terme

Les taux de change réagissent sans délai à toute information nouvelle


véhiculée sur le marché des changes, et qui pourrait avoir un impact sur
le rendement futur comparé des actifs libellés dans différentes monnaies.
Les acteurs du marché, très enclins au mimétisme, réagissent quasi
instantanément à la parution de statistiques sur le commerce extérieur ou
le chômage d’un pays, aux annonces des gouvernements sur un
changement de politique économique, ou encore aux événements
politiques ou environnementaux.
Encadré 6 : Le cours du yen reste stable malgré le risque
nucléaire
15 mars 2011, situation difficile et préoccupante au Japon
après le séisme et le tsunami. Les dégâts sont considérables, les
risques nucléaires qui pèsent sont plus que préoccupants,
l’Autorité de sûreté nucléaire française a reclassé l’accident de la
centrale Fukushima au niveau 6 sur 7. Si les bourses mondiales
ont chuté fortement (-10,55 % à la clôture pour le Nikkei, -9 %
pour les bourses européennes), le yen reste pourtant stable,
s’affichant même à la hausse face à l’euro. Pour étonnant qu’il
soit, ce maintien du yen s’explique en partie par l’action de la
Banque du Japon, qui nourrit de liquidités le système bancaire à
coup de milliards de yens, 8 000 milliards de yens ce 15 mars,
après 15 000 milliards de yens la veille, soit près de
200 milliards d’euros injectés en deux jours. Parallèlement, les
institutions japonaises (banques, assureurs etc.) rapatrient leurs
avoirs étrangers pour faire face à la demande de liquidité que va
nécessiter la reconstruction. Ils vendent leurs réserves en devises
étrangères contre du yen, ce qui contribue à le faire s’apprécier
par rapport à ces devises.
Les taux de change réagissent également très fortement aux annonces
des banques centrales concernant une possible action sur leurs taux
directeurs. Ainsi, lorsqu’en mars 2011, Jean-Claude Trichet, président de
la BCE, décide une levée des taux prévue dans les semaines qui suivent,
l’euro s’apprécie de plus de 1,2 % dès l’annonce de la nouvelle pour
atteindre 1,41 euro par dollar, tout simplement parce que les acteurs du
marché ont réagi immédiatement à une prochaine augmentation de la
rémunération des titres de la zone euro.
Toutes les études empiriques le prouvent : le taux d’intérêt est bien
l’un des facteurs essentiels dans la détermination des taux de change. Les
taux d’intérêt réels constituant le rendement d’un placement financier,
lorsque le taux d’intérêt d’un pays s’élève par rapport à celui des autres
places financières, cela attire de nombreux capitaux flottants à la
recherche de la rémunération la plus élevée. De cette réallocation
internationale des capitaux découle une appréciation de la monnaie sur le
marché des changes.
La relation entre les taux d’intérêt et les taux de change est formalisée
selon un principe simple plus connu sous le nom de « parité des taux
d’intérêt » (PTI), que nous allons développer ci-après.

1. La parité des taux d’intérêt (PTI)

Développée par J.M. Keynes en 1923, cette théorie s’appuie sur les
comportements d’arbitrage tendant à limiter les écarts entre les taux de
change au comptant et à terme. Ainsi, le choix entre la détention d’un
actif domestique et celle d’un actif étranger dépendra de trois
paramètres : le taux de rendement domestique, le taux de rendement
étranger et le taux de change au comptant entre les deux monnaies.
Le principe de la PTI stipule que si deux devises ont des taux d’intérêt
différents, alors cette différence se reflétera dans les taux de change à
terme et dans les taux de change futur anticipé par les acteurs du marché.
Il existe en réalité deux versions de la parité des taux d’intérêt :

la parité des taux d’intérêt couverte en change (PTIC) qui


établit un lien entre taux de change courant et taux de change
forward (cf. chapitre 3 : le taux forward est le taux de change
déterminé aujourd’hui sur le marché à terme, pour une
opération de change future) et les taux d’intérêt des deux
devises concernées.
la parité des taux d’intérêt non-couverte en change (PTINC)
qui introduit le taux de change futur anticipé dans la relation
entre les taux de change (au comptant et à terme) et les taux
d’intérêt.

1.1. La parité des taux d’intérêt couverte en change (PTIC)

La parité des taux d’intérêt a pour point de départ l’idée qu’un


investisseur qui opère sur les marchés financiers internationaux a le
choix, à l’instant t, entre :
placer ses capitaux dans des actifs libellés en monnaie de leur
pays (monnaie dite « domestique » et dénommée monnaie A
ci-après), actifs qui rapportent le taux d’intérêt iA sur une
période donnée, par exemple entre t et t +1.
placer ses capitaux dans des actifs libellés en monnaie
étrangère (monnaie B), actifs qui rapportent le taux d’intérêt iB
sur la même période donnée.

Si l’investisseur opte pour le placement étranger, c’est qu’il considère


que celui-ci lui conférera un rendement réel plus intéressant. Lorsque
l’investisseur place ses capitaux à l’étranger, il s’expose au risque de
dépréciation de la monnaie étrangère pendant la durée du placement. Ce
qu’il peut alors gagner sur les taux d’intérêt, il risque de le perdre sur les
taux de change, ce qui réduit mécaniquement le rendement réel des titres
étrangers.
L’investisseur peut alors choisir de « couvrir » son risque change en
concluant le même jour un contrat stipulant un taux de change auquel il
effectuera la conversion des sommes placées à la fin de la période (cf.
chapitre 5). Cela implique l’existence d’une « contrepartie », c’est-à-dire
un autre agent économique (banque ou marché) qui accepte d’acheter à
un taux convenu dès aujourd’hui le produit du placement en monnaie
étrangère. Ce taux de change, convenu à l’avance, est appelé « taux de
change à terme » et désigné par F. S’il choisit de se couvrir, l’investisseur
connaîtra à l’avance le rendement réel de son placement.
Puisque l’on se situe dans une analyse de court terme, il nous faut
considérer une durée de placement cohérente, par exemple une
semaine[3]. Nous pouvons également normaliser le montant des capitaux
investis à 1 unité de monnaie A, sans pour autant perdre en généralité.
L’arbitrage réalisé par l’investisseur se présente alors de la façon
suivante :

s’il opte pour le placement en monnaie domestique, il


récupérera au bout d’une semaine le montant investi augmenté
des intérêts, soit :
x (1 + iA) ou encore (1 + iA) (éq 1)

s’il choisit au contraire d’investir dans les titres étrangers, il va


devoir convertir son capital dans la devise étrangère au cours
de change au comptant SA/B. Il obtient aujourd’hui (1 ×
SA/B) unités de devises B qu’il place immédiatement pour une
semaine. Il récupérera à terme (1 × SA/B) × (1 + iB) unités de
devises B qu’il convertira au taux de change garanti par le
contrat à terme, soit FB/A et récupérera donc :

(1 × SA/B) × (1 + iB) × FB/A ou encore (1 + iB) × SA/B/FA/B (éq 2)


Notons que dans ce dernier cas, le taux de rendement réel des titres
étrangers est connu, il apparaît explicitement dans la relation (2), et vaut
iB × SA/B/FA/B
Les rendements réels (1) et (2) sont exprimés dans la même unité de
devises, en l’occurrence la devise A, il est donc possible de les comparer
directement et d’en tirer les conclusions sur l’arbitrage qui sera réalisé.
Ainsi :

si (1 + iA) > ; (1 + iB) × SA/B/FA/B alors l’investisseur optera


pour le placement à l’étranger qui procure le rendement réel le
plus intéressant
si (1 + iA) < ; (1 + iB) × SA/B/FA/B alors l’investisseur optera
pour le placement dans les titres domestiques.

Dès lors que sur un marché global, tous les investisseurs disposent des
mêmes informations, et agissent de manière rationnelle, l’équilibre
résultant de l’ajustement des cours au comptant et à terme est atteint,
quand il y a indifférence pour tous les investisseurs entre les deux types
de placement. C’est le cas lorsque, par les mécanismes d’ajustement du
marché :
(1 + iA) = (1 + iB) × SA/B/FA/B ou encore : (1 + iB) = (1 + iA) ×
FA/B/SA/B (PTIC)
C’est cette expression qui défini la PTIC. Si le taux de change à terme
est peu différent du change au comptant, on obtient une approximation
correcte de la PTIC :
iB – iA ≈ (FA/B – SA/B)/SA/B ou encore iB ≈ iA + (FA/B –
SA/B)/SA/B
Le terme de droite représente l’écart relatif entre le taux à terme et le
taux au comptant. Si cet écart est positif, on parle de déport (cf.
chapitre 3) à terme tandis que s’il est négatif, on parlera de report de la
devise A à terme. Cette expression indique que lorsque les mouvements
de capitaux à court terme entre places financières limitent les écarts entre
les taux de change à terme et au comptant (autrement dit en période
normale), déport ou report sur une devise par rapport à une autre résulte
des différentiels d’intérêt sur chaque place. Si les taux forward et au
comptant ne vérifient pas cette égalité, alors des opportunités d’arbitrages
peuvent être exploitées, rétablissant par là même l’équilibre entre les
différents termes (cf. chapitre 3).

1.2. La parité des taux d’intérêt non-couverte en change (PTINC)

En même temps que son choix de placement, l’investisseur peut


choisir de ne pas couvrir le risque de change auquel il s’expose s’il optait
pour le placement à l’étranger. Dans ce cas, le rendement de son
placement serait aléatoire. Si l’on suppose que l’investisseur est
rationnel, cette attitude ne s’explique que s’il parie sur une évolution
neutre ou favorable de la monnaie étrangère (appréciation) ou, au pire,
sur une dépréciation de la monnaie étrangère qui n’annule pas
complètement l’avantage éventuel de taux d’intérêt qu’il aurait à placer
ses capitaux dans les titres étrangers. Cela suppose que l’investisseur
spécule sur la valeur du taux de change futur lorsqu’il choisit de ne pas se
couvrir. En notant E (SA/B) le taux de change anticipé (ou escompté) par
l’investisseur à l’issue de la période, un raisonnement similaire à celui
effectué dans le cadre de la PTIC nous donne, à l’équilibre, i. e une fois
toutes les possibilités d’arbitrage exploitées :
iB – iA ≈ (E (SA/B) – SA/B)/SA/B (PTINC)
La variation du taux de change anticipé est égale aux différentiels
d’intérêt. Si cette égalité n’était pas vérifiée, des gains d’arbitrage
seraient réalisables, et le taux de change au comptant évoluerait de façon
à rétablir l’équilibre.
Encadré 7 : illustration numérique de l’utilisation de la
théorie de la PTINC
Considérons un investisseur français désirant placer ses avoirs
en euros « à la semaine ». Il a le choix entre investir au Canada
ou en France, sachant que les conditions de marché sont les
suivantes :
– taux de change au comptant : SEUR-CAD = 1,3726 ;
– taux de placement au Canada pour une durée d’une
semaine : iC = 4,5 % ;
– taux de placement en France pour une durée d’une semaine :
iF = 2,5 %.
Le différentiel de taux d’intérêt entre les deux pays valant iC –
iF = 2 points, la relation de PTINC s’écrit donc 0,02 = (E (SA/B)
– 1,3726)/1,3726. L’investisseur sera donc indifférent entre les
deux options de placement dès lors que le taux de change qu’il
anticipe à une semaine E (SA/B) vaut approximativement 1,40.
En d’autres termes, le placement dans les titres canadiens sera
plus intéressant si le taux de change escompté de l’euro par
rapport au dollar canadien ne s’apprécie pas au-dessus de 1,40.
Si l’investisseur spécule plutôt à baisse du change euro, alors il
aura tout intérêt à placer son capital sur le marché domestique.
Les deux relations de parité des taux d’intérêt PTIC et PTINC
permettent ainsi d’expliquer l’évolution à court terme du change à partir
du comportement de deux catégories d’agents sur les marchés de taux et
de change : les arbitragistes, qui cherchent à tirer partie des différences
momentanées de cours de change entre les différentes places et aussi des
écarts de taux d’intérêt et ce sans prise de position de change (PTIC), et
les spéculateurs qui cherchent à réaliser des plus-values en s’exposant
volontairement au risque (PTINC) sur la base de leurs anticipations.
En rapprochant ces deux relations, on remarque que le taux de change
futur anticipé par le marché doit être plus ou moins égal au taux de
change forward pratiqué sur le marché des changes à terme (aux
approximations effectuées près pour trouver les relations). Cela implique
un résultat important : la devise d’un pays où les taux d’intérêt sont
élevés aura tendance à se déprécier par rapport à une devise qui sert un
taux d’intérêt faible de telle sorte que les parités d’intérêts soient
respectées.
Malheureusement, les études empiriques récentes tendent plutôt à
montrer que les devises avec des taux d’intérêt élevés ont eu plutôt
tendance à s’apprécier ces dernières années. Ce résultat s’explique en
partie par le développement des activités de portage (carry trade). Ces
activités de carry trade sont des techniques de trading qui consistent à
acheter une devise avec des taux d’intérêt élevés et à vendre
simultanément une autre devise avec des taux d’intérêt bas. Le gain de
l’opération viendra du différentiel de taux entre deux devises et pourra
devenir substantiel si pour cela les traders utilisent un effet de levier pour
réaliser l’opération (achat ou vente à découvert).

2. L’analyse des taux de change par les actifs financiers

L’approche du taux de change par la théorie des choix de portefeuille


étend la logique des modèles monétaires prenant en compte non
seulement les stocks de monnaies, mais aussi les stocks de titres libellés
en différentes devises.
Les flux dus à des investissements directs et à des investissements de
portefeuilles de titres ont certainement des retombées plus significatives.
Une définition du taux de change d’équilibre pourrait par conséquent être
fondée sur les rendements prévus sur les valeurs mobilières. Dans des
conditions de mobilité totale des capitaux, et en supposant qu’il n’existe
aucune restriction légale sur l’acquisition d’actifs, un volume important
de capitaux affluera dans les zones monétaires où les possibilités
d’investissements permettent d’obtenir les rendements les plus élevés.

3. Les nouveaux modèles microstructurels

Les modèles de taux de change microstructurels, apparus dans les


années 1990, sont susceptibles d’expliquer la dynamique de court terme
des taux de change, et ainsi de mieux prévoir l’évolution des variables
macroéconomiques déterminantes pour l’activité économique.
La problématique principale des modèles microstructurels peut être
résumée par une question très simple : comment l’organisation du marché
des changes et le comportement de ces acteurs peuvent-ils influencer la
dynamique à court et moyen terme des taux de change ?
Dans l’approche microstructurelle, information et institutions[4]
interagissent de telle sorte que la diffusion de l’information entre les
acteurs du marché, le comportement de ces derniers, l’importance des
flux d’ordres, l’hétérogénéité des anticipations de chacun… constituent
des variables de premier choix, dès lors qu’il s’agit d’expliquer le volume
élevé des transactions sur le FOREX et la volatilité des taux de change.
Au contraire des modèles macroéconomiques classiques, qui postulent
que les agents sont identiques, que l’information est parfaite et qu’il
n’existe aucun coût de transaction, les approches microstructurelles sont
fondées sur un cadre conceptuel beaucoup plus réaliste où des agents
hétérogènes possèdent des informations différentes, où le processus de
négociation sur le marché des changes n’est pas transparent et où les
écarts entre les cours acheteur et vendeur dépendent des coûts de
traitement des ordres et de gestion des stocks assumés par les teneurs de
marché.
De même, contrairement aux modèles macroéconomiques, où seule
l’information publique est prise en considération, les modèles
microstructurels n’excluent pas l’hypothèse que certains agents puissent
avoir accès à des informations privées au sujet des facteurs
fondamentaux : certains mieux informés que d’autres (on parle
d’asymétrie d’informations) peuvent tirer parti de cet avantage en
orientant mieux leurs stratégies d’achat ou de vente de devises. Par
conséquent, les transactions des agents bien informés peuvent avoir une
plus forte incidence sur les taux de change que celles des acteurs non-
informés.
Enfin, dans l’approche microstructurelle, l’explication de la
dynamique de court terme des taux de change repose sur la présence
prépondérante, à un moment donné, d’un certain type d’acteurs sur le
marché. On peut distinguer trois types d’agents : les teneurs de marché,
les courtiers et les clients finaux (cf. chapitre 2). Les teneurs de marché,
qui assurent 90 % des transactions sur devises, proposent aux clients
finaux un prix acheteur et un prix vendeur pour les quantités de monnaies
qu’ils sont disposés à échanger. La différence entre le cours acheteur et le
cours vendeur (le spread) représente – comme nous l’avons vu aux
chapitres 2 et 3 – leur rémunération. Selon la nature de leurs clients
finaux, le spread sera plus ou moins important, les teneurs de marché
demandant une prime de risque plus ou moins élevée selon la qualité du
client. Or, ce sont ces spreads qui déterminent les négociations et le
volume des transactions demandés sur le marché. Ainsi, suivant les
moments, les teneurs de marché pourront exercer une pression plus ou
moins importante sur ces volumes, et donc in fine sur les taux de change.
De la même façon, les différents types de clients finaux, banques,
institutionnels ou autres sont, suivant la conjoncture, plus ou moins
présents sur le marché, affectant par là même les volumes demandés via
le montant des spreads qui leur sont proposés (plus faibles pour les
institutionnels que pour les autres clients), et encore une fois, in fine,
impactent à la hausse ou à la baisse les taux de change.
Encadré 8 : Flux d’ordres, asymétrie d’informations et taux
de changes
À en juger par les documents qu’ils écrivent à l’intention de
leurs clients, les teneurs du marché des changes surveillent les
flux d’ordres et les utilisent pour prévoir les fluctuations à court
terme des taux de change. Ce type de comportement est
parfaitement illustré par les modèles microstructurels, qui font de
ces flux d’ordres une des principales variables explicatives des
mouvements de change à court terme.
Un flux d’ordres retrace les opérations d’achats et de ventes
de devises et est exprimé en volume net : lorsque ce flux est
positif sur une période donnée, cela dénote des pressions
prédominantes à l’achat, tandis qu’un montant négatif indique
des pressions à la vente. Le lien, on le voit, est direct entre ces
flux d’ordres et les évolutions du taux de change, c’est pourquoi
les récentes études théoriques et empiriques réalisées sur le sujet
se sont attachées à en trouver les déterminants.
Par exemple, Evans et Lyons (2002) ont observé que le flux
d’ordres quotidien pouvait rendre compte de quelque 60 % des
variations journalières du taux de change entre feu le mark
allemand et le dollar américain, et d’environ 40 % de celles du
taux de change entre le yen et le dollar. D’après ces deux
auteurs, le flux d’ordres des clients finaux fournit de meilleures
prévisions de l’évolution des taux de change au comptant que les
modèles de taux de change traditionnels.
Les modèles de taux de change microstructurels mettent
également l’accent sur le lien entre les fondamentaux
macroéconomiques et les flux d’ordres : à mesure que se
modifient les déterminants macroéconomiques des taux de
change, les opérateurs ajustent leurs attentes et rééquilibrent
leurs portefeuilles en conséquence, ce qui se répercute sur les
taux de change.
Notons également que le marché des changes se distingue des
marchés financiers classiques par le peu de transparence sur les
volumes et les prix des devises échangées. En effet, les gros
opérateurs peuvent observer avant les autres les volumes de
devises échangés et susceptibles de faire évoluer les taux de
change. Ils peuvent alors ajuster rapidement leur stratégie et
ajouter à la hausse ou à la baisse une pression sur le taux de
change.
Dès lors, les flux d’ordres sont essentiels pour véhiculer à la
fois l’information publique (sur les déterminants
macroéconomiques) et l’information privée qui bénéficie à
certains acteurs.

III. Les principales méthodes de prévision des taux de change


utilisées par les opérateurs du FOREX

Face à l’échec des modèles macroéconomiques traditionnels pour


expliquer et prévoir les évolutions des taux de change, les opérateurs du
FOREX ont depuis longtemps adopté des techniques de prévisions moins
« robustes », d’un point de vue théorique, mais bien plus efficaces en
pratique. Si les opérateurs se reposent principalement sur l’analyse
technique, encore appelée chartiste, lorsqu’il s’agit d’anticiper les
évolutions à court terme, c’est plutôt vers les techniques dites
fondamentales qu’ils se tournent dès lors que leur horizon de prévision
s’allonge.
Les modèles techniques permettent d’établir des prévisions sur les taux
de change en extrapolant des séquences passées des mouvements de
change, et en les prolongeant dans le futur. En d’autres termes, il s’agit
de prévoir les tendances futures des cours à l’aide de leurs évolutions
passées.
Dans une toute autre optique, les modèles fondamentaux cherchent à
savoir si une devise se trouve sur ou sous-évaluée par rapport à sa valeur
d’équilibre à long terme. Ces deux types de méthodes sont souvent
considérés par les opérateurs comme complémentaires.

1. L’analyse technique du FOREX

Le but de l’analyse technique est d’établir des prévisions à court, voire


très court, terme sur les taux de change, en se basant essentiellement sur
la représentation graphique. À partir des statistiques sur les mouvements
de change, les analystes dressent des « tendances » et tracent des
indicateurs mathématiques sur lesquels ils se baseront pour décider de
leur stratégie d’achat ou de vente de devises.
Trois principes fondamentaux fondent (et en quelque sorte légitiment)
l’analyse technique. Le premier principe est que la valeur d’une devise
n’est déterminée que par le jeu de l’offre et de la demande, les indicateurs
macroéconomiques n’étant pas pertinents pour expliquer les fluctuations
de change à court terme. Le deuxième principe découle de l’examen des
évolutions passées des cours, qui font le plus souvent apparaître des
tendances qu’il s’agit de repérer pour mieux anticiper. Enfin, le troisième
principe pose que ces tendances sont censées se répéter, et qu’il existe
donc une dépendance statistique entre les variations successives des
cours de change.
Les méthodes les plus connues de l’analyse technique sont les
méthodes quantitatives (méthode des moyennes mobiles, des oscillateurs
et des momentums), la méthode chartiste ou encore le modèle des vagues
d’Elliott.
La technique chartiste la plus utilisée consiste à tracer sur un
graphique, représentant l’évolution d’un cours de change, des droites, le
plus souvent horizontales, passant par un ou plusieurs extrema
(maximum ou minimum) locaux du cours de change. La courbe retraçant
les valeurs du cours de change va alors buter et rebondir sur ces droites
qualifiées de « résistance » (à la hausse) ou de « supports » (à la baisse).
Dès que la courbe des cours dépasse l’une ou l’autre de ces limites, c’est
pour les analystes le signal pour acheter ou vendre une devise.
Encadré 9 : Quelques « figures » types de l’analyse
technique et leurs interprétations
« Tête et épaules » classique
Facile à reconnaître, cette formation montre un premier sommet peu
prononcé suivi d’un retour des cours sur la ligne rouge puis un deuxième
sommet bien plus haut suivi d’un nouveau retour sur cette ligne, et enfin
un troisième sommet avant une chute prononcée. La ligne sur laquelle se
repose cette figure se nomme couramment la ligne de cou ou encore
« support ». Si l’on arrive à déceler une telle figure dans l’évolution des
cours, il est facile ensuite de prévoir ce qui suivra : une chute des cours.
L’avantage est que l’ampleur de la chute en question est, selon les
analystes, quantifiable : elle sera d’autant plus importante que la hauteur
de la tête formée l’est.
On peut également trouver la configuration inverse, lorsque la figure
débute par un mouvement général baissier pour déboucher ensuite sur un
mouvement à la hausse.
Triangle ascendant
La formation d’un triangle peut être assez difficile à analyser : la majeure
partie du temps, il indique une pause dans une tendance (figure de
continuation), mais peut aussi terminer une tendance (formation de
renversement de tendance). Dans le schéma ci-contre, le triangle indique
bien une tendance à la hausse qui s’est tassée avant de reprendre… mais
il aurait tout aussi bien pu marquer le début d’un renversement de
tendance !

Soucoupe « Rounding bottom » :


On observe un renversement progressif à la hausse de la tendance. Si les
cours ont au départ chuté pour ensuite reprendre à la hausse, les analystes
anticipent une appréciation de la devise de la même intensité.

Rectangle :
Il s’agit de remarquer que le mouvement de cours évolue entre 2 lignes
horizontales (dessinant un rectangle). La nouvelle tendance ne pouvant
être déterminée qu’après franchissement du support (ligne du bas
correspondant à un cours minimum n’ayant pas encore été franchi) ou de
la résistance (ligne du haut représentative d’un cours maximum n’ayant
pas encore été dépassé).
La théorie élaborée par John Bollinger consiste à construire des canaux
d’évolution pour anticiper les mouvements de cours à venir. On
commence par calculer la moyenne mobile des cours (généralement sur
20 jours). Ensuite, on calcule les écarts type par rapport à cette moyenne.
On détermine alors une bande haute en ajoutant l’écart type à la moyenne
mobile puis une bande basse en soustrayant l’écart type de la moyenne
mobile.
Dans un marché sans tendance ou stable, les bandes sont « serrées » et
jouent le rôle de support (bande inférieure) et de résistance (bande
supérieure). Dans un marché orienté ou volatil, l’écart entre les 2 bandes
est « gonflé ».

Dans les années 30, Ralph Nelson Elliot avait constaté que les cours
suivaient des mouvements successifs de hausse et de baisse, pouvant être
comparés à des vagues. Il en déduisit que l’on pouvait prédire les
mouvements des marchés en identifiant des séries répétées de vagues.
Mathématiquement parlant, la théorie des vagues repose sur la suite de
Fibonacci pour identifier le nombre des différentes vagues. Cette suite est
construite de la façon suivante : chaque nombre obtenu est additionné à
son prédécesseur pour donner le suivant.
En partant de 1, on obtient : 1 + 0 = 1 ; 1 + 1 = 2 ; 2 + 1 = 3 ; 3 + 2 = 5 ; 5
+ 3 = 8 ; 8 + 5 = 13 ; etc.
Dans ce schéma souvent présenté en exemple, on distingue 5 vagues (de 1
à 5) qui forment la vague d’impulsion (la tendance, ici à la hausse) suivie
de 3 vagues de correction (de a à c) qui inversent la tendance. Bien
entendu, la vague d’impulsion peut aussi bien être à la hausse qu’à la
baisse.
Chaque vague peut être décomposée en sous-vague, de même, on peut
regrouper une série de vagues en une seule et ainsi de suite jusqu’à former
des cycles s’étalant sur plusieurs décennies. On distingue ensuite
différentes figures selon l’amplitude et la durée d’une vague, la fréquence
d’apparition d’un cycle, etc.

Sources graphiques : www.cambiste.info


Des indicateurs techniques, tels que les oscillateurs ou les moyennes
mobiles, sont également très employés. Une moyenne mobile est un
indicateur du cours moyen d’un taux de change sur une certaine période
(le plus souvent à 20 jours ou 50 jours). La méthode consiste à analyser
cette valeur moyenne sur une durée prédéterminée. À mesure que le
cours évolue dans le temps, sa moyenne mobile s’oriente à la hausse ou
bien à la baisse, indiquant des tendances ou des renversements de
tendances. Lorsque le cours croise la moyenne mobile à la baisse, il
indique qu’il est alors temps de vendre la devise à la hausse, ce sera un
signal d’achat.
Dans la veine des moyennes mobiles, un grand nombre d’indicateurs
ont été développés, tels que les bandes de Bollinger, les Stochastics, etc.
D’autres, comme les vagues d’Elliot ou les chandeliers japonais, servent
de base à des interprétations qui frisent l’ésotérisme et peuvent laisser
dubitatifs quant aux « pouvoirs » prédictifs de ces indicateurs.
On cite souvent trois insuffisances de l’analyse technique : l’absence
de justifications économiques et financières, la négation de l’efficience
du marché des changes (et donc que l’information n’est pas entièrement
contenue dans les taux de change) et le caractère « auto-réalisateur » des
prévisions. Malgré cela, la force de l’analyse technique réside dans son
utilisation, sinon pertinente, du moins massive, par les opérateurs du
marché.

2. L’analyse fondamentale

L’analyse fondamentale permet d’apprécier d’un point de vue


économique, financier ou même politique, les évolutions des taux de
change. Il s’agit pour les opérateurs de suivre quotidiennement les
événements et les statistiques susceptibles d’impacter les taux de change.
Ils se basent pour cela sur une batterie d’indicateurs
macroéconomiques (tels que des taux de croissance mesurés par le
produit intérieur brut, les taux d’intérêt, l’inflation, le chômage, la masse
monétaire, les réserves de devises étrangères et la productivité), ou
financiers (indicateurs d’évolution du marché boursier, des taux d’intérêt
ou des prix immobiliers). Les enquêtes mensuelles (comme celles de la
Commission européenne par exemple) sur le climat des affaires, la
confiance des consommateurs ou encore la connaissance des conditions
politiques, leur permettent également de s’informer sur le climat de
confiance d’une nation.
À partir de toutes ces données, l’analyste construit des modèles
mathématiques qui doivent lui permettre de déterminer la valeur actuelle
et prévisionnelle d’une devise par rapport à une autre. Une fois que
l’analyste a estimé la valeur de ce taux de change intrinsèque, il la
compare au taux de change en vigueur, et tranche sur l’augmentation ou
la baisse à venir de la devise.
Si cette méthode est bien plus rigoureuse que l’analyse technique, elle
est pourtant trop souvent mal maîtrisée par les opérateurs, la difficulté
principale avec l’analyse fondamentale étant de mesurer précisément les
relations entre les très nombreuses variables, et d’arriver à les restituer
dans un modèle économétrique performant.

Conclusion
Les théories que nous avons présentées dans ce chapitre apportent
chacune des réponses partielles à la question de la formation des taux de
change : certaines s’avèrent précieuses d’un point de vue normatif,
d’autres seront pertinentes sur un horizon de temps lointain et décevantes
sur le court terme, certaines sont simples alors que d’autres sont
techniquement complexes. Les variables à prendre en compte pour
expliquer les évolutions des taux de change sont tellement nombreuses
qu’aucune de ces théories n’est en elle-même suffisante pour
appréhender le problème dans son ensemble. Elles ont cependant le
mérite d’être complémentaires, chacune mettant l’accent sur un ou
plusieurs aspects des cours de change. Quant aux méthodes de prévisions
utilisées par les praticiens du FOREX…

Bibliographie

A. BOUVERET, G. DI FILIPPO, « Les marchés financiers sont-ils


efficients ? L’exemple du marché des changes », Revue de l’OFCE,
n° 110, 2009.
DIRECTION GÉNÉRALE DES ÉTUDES DU PARLEMENT
EUROPÉEN, « Taux de change et politique monétaire », Document de
Travail, août 2000.
B. BALASSA, « La Doctrine de la Parité du Pouvoir d’Achat : une
réévaluation », Journal of Politicall Economy, n°72, p. 584-96, 1964.
J. WILLIAMSON, Le Système du Taux de change, Analyses Politiques
de l’Économie Internationale, Institut d’Économie Internationale,
Washington DC, 1983, édition revue 1985.
S. HISSLER, « Les taux d’intérêt aident-ils à prévoir les taux de
change ? », Trésor-éco n° 15, DGTPE, ministère de l’Économie et des
Finances, 2007.
A. LAKHDAR et al., « Les Déterminants du Taux de Change à
l’horizon Court, Moyen et Long terme », International Research Journal
of Finance and Economics–Issue 62, 2011.
J. Bailliu et M.R. King, « Quels sont les déterminants des taux de
change ? » Revue de la Banque du Canada, automne 2005.
C. HHAINAUT, « Euro/dollar : recherche référence
désespérément… » Tribunes du 03/07/2006, Natixis Banques Populaires.

QCM

Q1 : Selon la théorie de la PPA, le taux de change dépend :


1- des prix relatifs des biens et services domestiques
2- des prix nominaux des biens et services domestiques
3- des anticipations des agents économiques
4- du report ou déport constaté sur les taux de change à terme
Q2 : Toute chose égale par ailleurs, un déficit courant doit
normalement provoquer :
1- une appréciation de la monnaie nationale
2- une dépréciation de la monnaie nationale
3- n’a pas d’impact sur le cours de la monnaie nationale
4- l’effet sur la devise est incertain
Q3 : Selon la théorie de la parité des taux d’intérêt, un différentiel
d’intérêt au détriment de la France signifie que :
1- l’euro cote avec un report
2- l’euro cote avec un déport
3- l’on anticipe une dépréciation de l’euro
4- l’on anticipe une appréciation de l’euro
Q4 : Selon la théorie de la PTINC :
1- le taux de change anticipé dépend du différentiel de taux d’intérêt
entre deux devises
2- le taux de change spot dépend du différentiel de taux d’intérêt entre
deux devises
3- les variations du taux de change anticipé dépendent du différentiel
de taux d’intérêt entre deux devises
4- aucune de ces réponses
Q5 : Selon Balassa et Samuelson, la surévaluation d’une devise :
1- n’est que temporaire puisque les taux de change tendent à
s’équilibrer de façon à respecter la PPA
2- n’est jamais observée sur les marchés
3- la spéculation : les investisseurs achètent massivement une devise
pour faire artificiellement grimper son cours
4- peut s’expliquer par des motifs purement structurels comme les
différences de productivité entre secteurs
Q6 : L’approche microstructurelle du taux de change stipule que les
taux de change à court terme dépendent :
1- du niveau des taux d’intérêt
2- des primes de risque demandées par les opérateurs de marché
3- du niveau des taux de change à terme
4- aucune des ces réponses
Q7 : L’approche fondamentale est une méthode de prévision des cours
basée sur :
1- l’analyse de graphique représentant les évolutions de cours et
permettant de dégager des « tendances »
2- les théories de la PTI et de la PTINC
3- l’analyse de l’évolution des grandes variables macroéconomiques et
des modèles économétriques sophistiqués
4-aucune des ces réponses
Q8 : Selon les méthodes d’analyse technique :
1- la valeur d’une devise ne dépend que de l’offre et de la demande
pour cette devise
2- les évolutions de cours peuvent être anticipées si l’on se base sur le
taux de change à terme
3- il n’y a pas de tendance statistique qui puisse aider à prévoir les
évolutions de cours.
4- aucune des ces réponses
Correction

Q1 : Selon la théorie de la PPA, le taux de change dépend : 1- des


prix relatifs des biens et services domestiques.
Q2 : Toute chose égale par ailleurs, un déficit courant doit
normalement provoquer : 2- une dépréciation de la monnaie
nationale.
Q3 : Selon la théorie de la parité des taux d’intérêt, un différentiel
d’intérêt au détriment de la France signifie que : 1- l’euro cote avec
un report.
Q4 : Selon la théorie de la PTINC : 3- les variations du taux de
change anticipé dépendent du différentiel de taux d’intérêt entre
deux devises.
Q5 : Selon Balassa et Samuelson, la surévaluation d’une devise : 4-
peut s’expliquer par des motifs purement structurels comme les
différences de productivité entre secteurs.
Q6 : L’approche microstructurelle du taux de change stipule que les
taux de change à court terme dépendent : 2- des primes de risque
demandées par les opérateurs de marché.
Q7 : L’approche fondamentale est une méthode de prévision des
cours basée sur : 3- l’analyse de l’évolution des grandes variables
macroéconomiques et des modèles économétriques sophistiqués.
Q8 : Selon les méthodes d’analyse technique : 1- la valeur d’une
devise ne dépend que de l’offre et de la demande pour cette devise.

Exercices

Exercice 1

Le tableau suivant retrace l’évolution de l’indice des prix à la


consommation de deux pays A et B :
Année t Année t + 1
Pays A 120 130
Pays B 115 120

Quel devrait être, selon la théorie de la PPA, le taux de change pour


l’année t +1, sachant que l’on a pour l’année t, 1 unité monétaire du pays
A = 4 unités monétaires du pays B ?

Exercice 2

Un opérateur dispose de 1 000 EUR qu’il peut placer à Paris, pour un


an, au taux de 6,7 %. Il peut aussi acquérir 704 GBP au cours comptant
de 1,4200 l’une et les placer, à Londres, toujours pour un an, à 10 %.
L’opérateur désire faire cette opération avec couverture. Il interroge sa
banque qui se déclare disposée à acheter la GBP livrable dans un an avec
un déport de 900 points de base (soit 0,0900)
1. Dans ces conditions, l’opération d’arbitrage couvert est-elle
rentable ?
2. Quel devrait être le déport de la GBP un an pour que l’opération soit
« blanche » ?
3. L’opération est-elle rentable ?
[1] . La PPA est en revanche en partie vérifiée en période d’hyperinflation, i. e lorsque les
fluctuations des prix (qui sont les seuls paramètres de la relation de PPA) l’emportaient largement sur
les autres déterminants, conditionnant à elles seules les évolutions de court terme des taux de change.
Mais tout le monde s’accorde désormais à reconnaître qu’en période d’inflation maîtrisée (comme
c’est aujourd’hui le cas), les taux de change ne suivent nullement la trajectoire tracée par la PPA.
[2] . On peut citer l’étude de Virginie Coudert « Comment évaluer l’effet Balassa-Samuelson dans
les pays d’Europe centrale et orientale ? », Bulletin de la Banque de France, n° 122, février 2004.
[3] . N’importe quelle durée aurait par ailleurs pu faire l’affaire, puisque dans l’absolu, la théorie
de la PTIC est valable pour tout horizon de temps. Cependant, les études empiriques ne la valident
absolument pas sur le long terme.
[4] . Ce que Richard K. Lyons (2001) nomme les deux « I ». La structure du marché influe sur la
manière dont l’information est intégrée dans les prix des devises, et le comportement des agents va
également affecter l’organisation du marché.
Chapitre 5

Le risque de change : définitions, évaluation et


présentation des outils
de gestion

Introduction

Dans un système de taux de change flottant, dès qu’une entreprise


réalise une opération qui implique une entrée ou une sortie de devises
dans les mois ou les années à venir, elle supporte un risque de change car
elle ne connaît pas à l’avance le cours de cette devise, et donc la
contrepartie de ses flux en devises dans sa monnaie. Si un exportateur
allemand vend des composants électroniques d’une valeur de 500 000
USD à un acheteur japonais, à un taux de change actuel EUR-USD
= 1,40, il s’attend à recevoir 357 142,86 EUR. Au moment du paiement,
trois mois après la facturation et la livraison de la marchandise, l’euro
s’est apprécié face au dollar pour atteindre EUR-USD = 1,51,
l’exportateur change les dollars reçus et ne reçoit alors que 331 125,82
EUR, soit un manque à gagner de 26 017 EUR. Cette « perte de change »
est loin d’être négligeable puisque le manque à gagner représente plus de
7 % de l’opération commerciale.
En général, lorsque l’on parle du risque de change, on pense
immédiatement à l’impact que les fluctuations des cours peuvent avoir
sur les échanges commerciaux ou financiers d’une entreprise. Pour
autant, cela est assez réducteur, car le risque de change est protéiforme et
la volatilité des devises impacte l’activité et les résultats des entreprises
de manière très diverse : en influant sur la valeur de ses actifs, des
engagements et des flux de trésorerie, bien sûr lorsqu’ils sont libellés
dans une devise étrangère, mais pas seulement.
L’enjeu de la gestion du risque de change est par conséquent très
important pour les entreprises, et pour optimiser cette gestion, elles se
doivent d’adopter une démarche en plusieurs étapes : après avoir identifié
la nature du risque auquel elles sont exposées, il leur faudra évaluer
l’ampleur de cette exposition pour être en mesure, par la suite, de définir
les méthodes de gestion (consistant à atténuer le risque, le couvrir
partiellement ou totalement…) les plus appropriées. La gestion du risque
doit également être dynamique, i. e s’ajuster en fonction des fluctuations
des taux et des changements économiques qui pourraient affecter les
entreprises.
Graphique 1 : Évolution de l’euro par rapport à la livre,
au dollar américain et au yen

Source : auteurs à partir des données FOREX.


Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord nous attacher à bien définir
le risque de change, selon les optiques traditionnellement retenues
(optiques transactionnelle, comptable et économique). Cela nous amènera
par la suite à nous interroger sur les méthodes permettant d’évaluer
correctement ce risque.
Les méthodes de gestion du risque de change, qu’elles soient internes
ou externes, seront développées dans les deux chapitres suivants. Nous
en présenterons dans ce chapitre les grandes caractéristiques, ce qui
permettra d’avoir une vision globale des moyens dont disposent les
entreprises pour se prémunir du risque de change.
Enfin, pour conclure, nous présenterons les résultats de deux études
statistiques récentes portant sur des entreprises françaises et canadiennes
confrontées au risque de change. De ces deux études, il ressort
notamment que l’utilisation de couvertures de change n’est plus
l’apanage de grands groupes multinationaux (comme c’était encore le cas
il y a 10 ans), et que les entreprises intègrent de plus en plus la gestion du
risque de change dans leur politique globale de gestion des risques (au
même titre que le risque commercial, le risque juridique ou le risque
pays).

I. Qu’est-ce que le risque de change ?

Le risque de change survient dès lors qu’une entreprise opère, investit,


s’endette ou réalise des opérations dans une monnaie autre que celle dans
laquelle elle établit ses comptes. Le risque de change peut se définir
comme le risque de perte lié aux variations des cours de change, ces
variations ayant un impact (positif ou négatif) sur les flux de dépenses et
de recettes de l’entreprise (coût des matières premières, recettes liées à la
vente d’une marchandise, mais également les flux financiers relatifs aux
opérations d’emprunt et de placements en devises), sur la rentabilité de
l’entreprise et sur sa valeur comptable.
Toute entreprise disposant d’une activité commerciale et/ou financière
internationale est donc exposée au risque de change. Traditionnellement,
on distingue ainsi dans la littérature le risque de change selon qu’il
affecte les résultats, les cash-flows net ou encore la valeur d’une
entreprise. La typologie qui est généralement adoptée distingue ainsi trois
types de risque de change :
1. Le risque de transaction qui impacte directement la valeur des
dettes et des créances de l’entreprise.
2. Le risque comptable qui intègre le risque de comptabilisation des
opérations commerciales et financières (comme la valorisation d’un
portefeuille de titres internationaux) en devises, ainsi que le risque de
consolidation dès lors que l’on s’intéresse à une entreprise
multinationale dont la comptabilité intègre la consolidation des comptes
de ses filiales à l’étranger.
3. Le risque économique, notion plus générale mais également plus
difficile à appréhender, qui s’apparente à l’impact à long terme des
fluctuations de change sur la valeur même de l’entreprise ainsi que sur sa
compétitivité.
Encadré 1 : EADS et le risque de change
[…] Il est très difficile de déterminer la probabilité et le
moment de la réalisation du risque de change encouru par
EADS, en particulier compte tenu des variations imprévisibles
qui risquent d’affecter le chiffre d’affaires suite à des
annulations, à des reports de commandes ou à des retards de
livraison. EADS est également susceptible de rencontrer des
difficultés de mise en œuvre de sa stratégie de couverture en
fonction de la volonté des contreparties de couverture d’accorder
le crédit nécessaire.
EADS est par ailleurs exposée au risque de non-exécution ou
de défaillance de la part de ses contreparties de couverture. Les
taux de change auxquels EADS peut couvrir son exposition au
risque de change peuvent également se détériorer, comme cela a
été le cas ces dernières années avec l’appréciation régulière de
l’euro par rapport au dollar américain. Par conséquent, la
stratégie de couverture de change d’EADS peut ne pas protéger
le Groupe contre des fluctuations importantes de taux de change
du dollar américain par rapport à l’euro et à la livre sterling, en
particulier à long terme, ce qui pourrait avoir un effet négatif sur
le résultat de ses activités et sur sa situation financière. En outre,
la partie de chiffre d’affaires d’EADS libellée en dollars
américains et non couverte conformément à la stratégie de
couverture d’EADS sera exposée aux fluctuations des taux de
change, lesquels peuvent être importants.
[…] Les fluctuations des monnaies autres que le dollar
américain dans lesquelles EADS engage ses principales dépenses
de fabrication (principalement l’euro) peuvent avoir un effet de
distorsion sur la concurrence entre EADS et ceux de ses
concurrents dont les dépenses sont établies dans d’autres
monnaies. Ceci est particulièrement vrai pour les fluctuations par
rapport au dollar américain, les prix de nombreux produits
d’EADS, ainsi que ceux de ses concurrents, (par exemple sur le
marché des exportations liées à la défense) étant fixés en dollars
américains. La capacité d’EADS à faire face à la concurrence
peut être amoindrie si l’une des principales devises utilisée par
EADS s’apprécie en valeur par rapport aux principales devises
utilisées par ses concurrents.
Le chiffre d’affaires, les coûts, les éléments d’actif et de passif
consolidés d’EADS libellés dans d’autres monnaies que l’euro
sont convertis en euros pour l’établissement de ses états
financiers. Les fluctuations de valeur de ces monnaies par
rapport à l’euro auront un impact sur la valeur en euros du
chiffre d’affaires, des coûts, de l’EBIT[1], des autres résultats
financiers et des éléments d’actif et de passif publiés par EADS.
Source : Extrait du document d’enregistrement 2009, EADS.

1. Le risque de transaction

C’est typiquement le risque auquel les entreprises non-financières


s’exposent dès lors qu’elles échangent avec l’étranger. Il concerne aussi
bien les revenus et les dépenses relatifs aux opérations d’import-export,
et donc les transactions commerciales, que les transactions financières
telles que les opérations d’emprunts et de prêts en devises.
Les entreprises françaises qui vendent leurs produits et services à
l’étranger, et qui se font payer dans une devise étrangère, s’exposent à
des fluctuations défavorables du taux de change, de sorte que l’entreprise
reçoit un montant en euros inférieur à celui initialement prévu.
Symétriquement, pour les entreprises qui importent des produits et
services et qui paient leurs fournisseurs étrangers en monnaie étrangère,
le risque découle d’une appréciation de cette monnaie étrangère les
obligeant à payer davantage en euros que le montant prévu. C’est donc le
chiffre d’affaires et la marge opérationnelle de l’entreprise, qu’elle soit
exportatrice ou importatrice, qui sont affectés.
En général, la durée de l’exposition au risque de transaction est
relativement courte : dans une opération d’export classique, le risque est
présent entre le moment où l’offre est proposée et signée jusqu’au
paiement effectif de la marchandise, de quelques semaines à quelques
mois. Mais parfois, ce laps de temps peut atteindre plusieurs années,
notamment dans le domaine de l’aéronautique ou encore de la
construction immobilière soumise à appel d’offres : les délais entre la
commande et la livraison des avions, ou l’appel d’offres et la
construction du projet immobilier, peuvent aller de 3 à 10 ans selon
l’importance de la commande ou du projet. Même si la livraison et les
paiements s’échelonnent sur cette durée, il n’en reste pas moins que le
risque de transaction reste très élevé et doit nécessairement être couvert.
Graphique 2 : L’identification du risque de change
pour une entreprise exportatrice

Nous l’avons dit, outre les transactions purement commerciales, les


transactions bancaires et financières relatives à des opérations
d’emprunts ou de placements sont également soumises au risque de
transaction. Une appréciation (dépréciation) de la devise dans laquelle
l’entreprise a emprunté (placé) augmentera en général le montant des
intérêts payés[2] (et diminuera le montant des intérêts perçus dans le cas
d’un placement).
En résumé, c’est donc principalement sur les mouvements de trésorerie
de l’entreprise que porte le risque de transaction. Il est, nous le verrons
par la suite, relativement simple pour une entreprise d’évaluer son
exposition à ce type risque et de se couvrir sans trop de problèmes, soit
par des mécanismes de compensation, soit par des transactions de change
à terme fermes ou optionnelles.

2. Le risque comptable

La dénomination de risque comptable reflète le risque de change qui


résulte de la conversion en monnaie nationale (ou en monnaie de
référence) des actifs et passifs libellés en devises. Les normes comptables
distinguent notamment les problèmes posés par la comptabilisation des
opérations libellées en monnaie étrangère (le risque comptable recoupe
donc le risque de transaction) de ceux posés par la conversion des états
financiers des établissements étrangers. Les taux de change à appliquer
lors de la comptabilisation ne sont pas uniformes (taux de change à la
date d’opération, taux de change moyen pondéré, dernier taux de change
observé ou cours de change historique[3]) et dépendent de la nature
monétaire ou non-monétaire des opérations.
Le risque comptable est particulièrement important pour les entreprises
ayant des filiales à l’étranger (investissements directs) ou des
investissements indirects (participations en devises étrangères), et qui
consolident dans leurs comptes les résultats financiers de leurs filiales à
l’étranger ou les retours financiers en devises sur leurs participations. Ce
risque de consolidation affecte (à la hausse ou à la baisse) l’actif net des
états financiers consolidés d’un groupe après une variation du cours de la
devise dans laquelle les investissements ont été réalisés.
Le risque comptable dans sa globalité impacte ainsi la présentation
comptable de la performance de l’entreprise[4], car il affecte la valeur au
bilan du capital propre et du résultat de l’entreprise. L’exposition d’une
entreprise au risque comptable est, nous le verrons par la suite, en
fonction des devises traitées et des taux de changes utilisés pour la
conversion en monnaie fonctionnelle[5], des unités à consolider le cas
échéant, ainsi que de la méthode de conversion et/ou consolidation
choisie.

3. Le risque économique ou opérationnel

La notion de risque économique (ou risque opérationnel) englobe les


deux précédentes car elle se définit, dans son sens le plus large, comme
l’influence des fluctuations de change sur la valeur globale de
l’entreprise. La valeur d’une entreprise est définie comme la somme
actualisée des cash-flows futurs, i. e l’écart entre les recettes et les
charges futures, exprimés en devise nationale. Les fluctuations de change
affectent directement la valorisation de ces cash-flows, puisqu’il s’agit de
les convertir en contrevaleur euro (risque de transaction).
Mais leur incidence va au-delà, car les variations de change affectent le
montant même de ces cash-flows. Ainsi, l’appréciation ou la dépréciation
de la devise dans laquelle commerce une entreprise peut avoir des
répercussions à plus ou moins long terme sur la compétitivité de cette
entreprise. Prenons le cas d’EADS, leader dans la production
aéronautique. L’essentiel des coûts du groupe européen est encore
aujourd’hui libellé en euros, tandis que plus des trois-quarts des ventes
du groupe sont libellés en dollars. L’appréciation quasi continue de l’euro
par rapport au dollar ces cinq dernières années a réduit mécaniquement
les recettes du groupe (à production constante), ce qui a longtemps pesé
sur ses résultats (risque de transaction) en diminuant ses recettes. Si le
groupe n’avait pas eu d’autres choix, il aurait à terme dû répercuter les
pertes de change sur le prix de ces produits, au risque de perdre en
compétitivité (risque économique) par rapport à son concurrent Boeing.
EADS a fait un autre choix : depuis 2007, le groupe a réduit sa marge
opérationnelle et s’est engagé dans des plans de réduction des coûts
(refonte de l’organisation du groupe, réduction des effectifs à hauteur de
7 000 salariés, délocalisation de certaines unités de production ou
d’assemblage hors Europe, etc.) baptisés Power 8 et Power 8 +, ce qui lui
a permis de rester compétitif, d’augmenter son carnet de commandes, et
de poursuivre sa croissance.
La notion de risque de change économique est également pertinente
pour traduire l’effet du risque de change sur l’activité d’une entreprise
qui n’est a priori pas exposée directement à ce risque. Le secteur
touristique français est ainsi fortement pénalisé par une appréciation de
l’euro (un euro « fort » rend notre destination onéreuse pour les touristes
étrangers), alors même que pour la grande majorité des acteurs de ce
secteur (hôteliers, restaurateurs…), la quasi-totalité des opérations est
précisément libellée en euros. S’il s’agissait d’évaluer l’exposition des
acteurs de ce secteur au risque de transaction, celle-ci serait évidemment
nulle, tout comme, pour la plupart d’entre eux, leur exposition au risque
de change comptable. Pour autant, l’impact de l’appréciation de l’euro
par rapport aux autres devises est bien réel. Il se traduit à court terme par
un chiffre d’affaires réalisé moins important, et à long terme, par une
possible désaffection des touristes ayant découvert de nouvelles
destinations touristiques aussi attrayantes que la nôtre.
En résumé, tous les effets, directs ou indirects, à court ou à long terme,
certains ou incertains, des variations des taux de change sur la valeur de
l’entreprise constitue le risque économique, et font donc une définition
bien plus complète du risque de change auquel sont exposés les acteurs
économiques. Encore faut-il être en mesure de l’évaluer correctement…
Encadré 2 : Le risque de change pour Air France-KLM
Le groupe réalise la plus grande partie de son chiffre d’affaires
en euros. Cependant, le groupe a une activité internationale qui
l’expose naturellement au risque de change. L’exposition
principale porte sur le dollar américain, suivi dans une moindre
mesure, par la livre sterling et le yen. La variation de ces devises
vis-à-vis de l’euro a donc un impact sur les résultats financiers
du groupe. Le groupe est globalement acheteur de dollars
américains, le montant des dépenses telles que le carburant, les
loyers opérationnels ou les pièces détachées excédant le montant
des recettes. En conséquence toute appréciation significative du
dollar américain vis-à-vis de l’euro pourrait avoir un effet négatif
sur l’activité du groupe et ses résultats financiers. En revanche,
le groupe est vendeur de livre sterling et de yen, le montant des
recettes étant supérieur au montant des dépenses dans ces
monnaies. Ainsi une baisse significative de ces devises contre
l’euro aurait un impact négatif sur les résultats financiers du
groupe.
Afn de réduire son exposition aux variations de change, le
groupe a mis en place une politique de couverture. Les deux
compagnies couvrent progressivement leur exposition sur 24
mois glissants.
Les avions sont payés en dollars américains. En conséquence,
le groupe est exposé à la hausse du dollar contre euro en matière
d’investissements aéronautiques. La politique de couverture
prévoit la mise en place progressive et systématique de
couvertures entre la date de commande des avions et leur date de
livraison, par le biais d’achats à terme ou de stratégies d’options.
Le risque de change sur la dette est limité : une faible partie
des emprunts est libellée en devises afin de diversifier les
sources de financement et de tenir compte des excédents de
trésorerie générés dans certaines devises. Au 31 mars 2010,
87 % de la dette du groupe, après prise en compte des
instruments financiers dérivés, sont émis ou convertis en euros,
réduisant ainsi très fortement le risque de fluctuation de change
sur la dette. Pour se prémunir contre les variations de cours de
change sur certains de ces emprunts, des swaps de devises ont
été conclus. Ces couvertures sont spécifiquement adossées aux
emprunts correspondants. Malgré cette politique active de
couverture, tous les risques de change ne sont pas couverts.
Source : AirFrance-KLM rapport CAC AG 2010 Comptes
consolidés
Tableau 1 : Opérations de couverture du risque de change par
Air France – KLM, classement par nature d’instruments.

source : Air France-KLM, rapport CAC AG 2010 Comptes


consolidés.
Le groupe et ses filiales pourraient alors rencontrer des difficultés dans
la gestion des risques liés aux cours de change, ce qui pourrait avoir un
effet négatif sur l’activité du groupe et ses résultats financiers. Les
montants nominaux des contrats à terme de devises et des swaps sont
détaillés dans le tableau ci-dessus, en fonction de la nature des opérations
de couverture.

II. Les différentes étapes dans la gestion


du risque de change

C’est le plus souvent à la direction financière de l’entreprise ou bien à


son trésorier qu’il appartient de gérer le risque de change. Gérer
efficacement le risque de change ne signifie pas nécessairement
supprimer le risque, mais cela consiste plutôt à protéger au mieux
l’entreprise contre les risques qu’elle juge inacceptables. L’entreprise va
donc devoir procéder à plusieurs arbitrages : se couvrir ou non,
partiellement ou totalement, en s’assurant, en transférant son risque ou en
gérant en interne son exposition au risque, etc. Ces arbitrages vont
découler d’un processus en plusieurs étapes qui consistent, en premier
lieu, pour l’entreprise, à identifier le risque auquel elle est exposée.
Graphique 3 : Les différentes étapes dans la gestion du risque
de change

Une fois cette étape nécessaire effectuée (étape parfois plus complexe
qu’il n’y paraît), il s’agira ensuite de mesurer son exposition au risque et
d’évaluer l’impact des variations de taux de change sur les résultats de
l’entreprise. Finalement, il lui faudra décider de la politique de gestion la
plus appropriée et la mettre en place. Cela suppose que l’entreprise
connaisse bien les possibilités qui s’offrent à elle : l’exécution
d’opérations internes de couverture, l’achat de contrats d’assurance
spécifiques ou encore de produits financiers de couverture (ou
d’assurance) du risque de change.

1. L’évaluation du risque et de la position de change

Il s’agit d’évaluer le degré d’exposition face au risque en fonction des


devises utilisées par l’entreprise et de la nature des opérations
concernées. Pour ce faire, l’entreprise doit déterminer sa position de
change, i. e identifier si elle est plutôt « créditrice » ou « débitrice » en
devises, et si oui, lesquelles et à hauteur de quels montants. C’est en
reportant dans un tableau de position de change les différents éléments
encaissés ou décaissés en devises (cf. III), que le poids des diverses
devises de facturation pourra être mesuré, ainsi que leurs impacts sur les
résultats et les marges de l’entreprise.
Mais, au préalable, l’entreprise devra identifier précisément le risque
auquel elle est exposée (risque de transaction, comptable…) et surtout
son horizon d’exposition. La question du moment d’apparition du risque
est ainsi très importante lorsqu’il s’agit de décider à quel moment se
couvrir.
Graphique 4 : Les différents types de risque de change
Comme le Graphique 4 ci-dessus l’illustre, le risque de transaction se
manifeste avant le risque comptable. Le risque de change apparaît même
beaucoup plus tôt dans le processus, dès l’émission de l’offre ou du
catalogue des marchandises proposées dans le cas d’opérations
d’exportation, ou de la commande dans le cadre d’activités d’importation
(cf. Graphique 2). Même s’il n’est que potentiel (risque préalable à la
transaction), il ne peut être négligé.

2. Le choix d’une politique de gestion des risques

Une fois le risque identifié et mesuré, l’entreprise doit construire sa


politique de change : faut-il ou non couvrir le risque de change ? Si le
risque est faible ou d’un impact estimé limité, ou que le coût pour se
protéger est élevé par rapport à cet impact potentiel, alors l’entreprise
peut sciemment décider de subir le risque de change. Dans le cas
contraire, si elle décide de se couvrir, quel sera le degré de la couverture
et à partir de quand faut-il la mettre en place ? Il ne s’agit pas forcément
de réaliser des couvertures de change systématiques, mais d’avoir une
gestion active de son risque. Enfin, quels seront les techniques et les
outils à utiliser pour réduire ou transférer le risque de change ?
Encadré 3 : Définir sa stratégie de couverture
La stratégie de couverture se doit d’être optimisée, i. e
cohérente avec l’exposition réelle de l’entreprise au risque de
change, sa tolérance face au risque, et l’arbitrage nécessaire entre
le coût de la couverture et les pertes de change potentielles
qu’elle permet d’éviter. Il s’agit donc de sécuriser les opérations
de l’entreprise tout en optimisant la couverture de change.
Plusieurs stratégies sont possibles.
Ne pas se couvrir et effectuer ses opérations de change au
cours de change du jour. Cette stratégie peut être adaptée si
l’exposition au risque de l’entreprise sur une devise est faible et
ne justifie pas la mise en place de procédures de couverture
parfois coûteuses. Dans tout autre cas, elle peut s’avérer risquée
si le cours de change de la devise concernée évolue
défavorablement dans le temps : la marge commerciale, voire les
prix, de l’entreprise pourraient s’effondrer qu’il s’agisse d’un
importateur ou d’un exportateur.
Ce choix spéculatif comporte donc des risques souvent
importants pour l’entreprise et peut mettre en péril son équilibre
financier. Cela implique par ailleurs la mise en place d’un suivi
quotidien des cours de change et nécessite une parfaite maîtrise
par l’entreprise des évolutions du marché des changes au jour le
jour.
Couvrir systématiquement la totalité de ses risques en figeant
le cours de change dès l’apparition d’un engagement ou d’un
avoir en devises (le plus souvent à l’aide de contrats à terme).
Cette stratégie très sécurisante permet à l’entreprise de
garantir ses marges de façon certaine, mais la prive d’une
évolution favorable de la devise.
Couvrir de façon sélective son risque de change en fixant en
interne des règles de gestion. Cela suppose l’existence dans
l’entreprise d’une structure de gestion du risque de change qui se
justifie en général quand l’activité internationale représente une
part majeure de l’activité de l’entreprise. En fonction de la nature
de l’opération, de son montant et de son échéance, l’entreprise
décidera de se couvrir ou non pour garder la possibilité, pour
partie de ses engagements, de profiter des évolutions favorables
de la devise.
Source : « Comprendre le risque de change pour mieux s’en
protéger », guide pratique Société Générale, juin 2010.

3. La couverture des risques

La troisième étape consiste à mettre en place des couvertures


conformes à la politique de l’entreprise. Il s’agit d’implémenter les
méthodes de couverture utilisées, qu’elles soient « naturelles » ou bien
« financières ». Par exemple, l’entreprise pourra décider de compenser au
maximum ses achats en devises par des ventes dans la même devise de
façon à annuler sa position de change sur cette monnaie. Ou encore, elle
s’adressera à sa banque pour conclure avec elle un contrat de change à
terme. Toutes les méthodes et les instruments de couverture financiers le
plus souvent utilisés seront décrits dans la section suivante, puis analysés
en détail dans les chapitres suivants.

4. Le suivi et l’ajustement de la politique de couverture

Enfin, parce que l’activité économique et financière de l’entreprise


évolue dans le temps, il est nécessaire que la gestion du risque de change
de l’entreprise soit dynamique et évolue en parallèle des besoins de
l’entreprise. Pour optimiser la gestion du risque, il faut que la position
globale de l’entreprise (l’exposition au risque et la position de
couverture) soit suivie et analysée en continu, afin de procéder si besoin à
des ajustements de couverture tenant compte de l’évolution du marché
(ou d’autres paramètres tels que la tolérance face au risque de
l’entreprise).

III. Les mesures de l’exposition des entreprises au risque de


change

1. L’évaluation de la position de change de transaction


Le calcul d’une position de change est en général confié aux services
financiers ou au trésorier de l’entreprise. Elle est avant tout une
représentation de toutes les opérations comptables libellées en devises
étrangères.
Pour pouvoir mesurer cette position de change, il est nécessaire de
choisir une monnaie de « présentation » unique dans laquelle seront
converties toutes les opérations en devises. La devise de référence est en
général celle du pays dans lequel se trouve l’entreprise. Cependant, si
l’entreprise est cotée sur les marchés financiers, c’est la devise de
cotation des actions qui servira de devise de référence. Lorsqu’il s’agit
d’un groupe multinational, cette monnaie sera celle de la société mère.
La position de change doit être calculée devise par devise et prendre en
compte différents horizons temporels en regroupant les dettes et les
créances dont les échéances sont assez proches (pour des avoirs et
engagements arrivant à échéance dans 1 mois ou moins, entre 3 et 6
mois, plus de 6 mois…)
Tableau 2 : Exemple de tableau de position de change
pour opérations à échéance t mois
DEVISES EUR USD CAD AUD
OPÉRATIONS
Opérations commerciales facturées
clients et comptes rattachés (+) 10 000 5 000 3 000 8 000
fournisseurs et comptes rattachés (-) (5 000) (2 000) (500) (0)
Opérations financières
prêts (+) 6 000 0 2 500
emprunts (-) (12 000) (0) (1 200) (9 000)
Autres opérations financières et commerciales 500 200 (50) 0
Position exposée au risque de transaction (500) 3 200 3 750 (1 000)
Opérations commerciales non encore facturées
ventes (+) 7 000 4 000 2 000 3 000
achats (-) (6 500) (1 000) (500) (1 500)
Autres opérations économiques
Position exposée au risque opérationnel 0 6 200 5 250 500
Les montants des transactions en cours échéance t, que ces transactions
soient commerciales (exportations et importations des biens et services
facturés en devises) ou financières (emprunts et prêts en devises),
permettent d’évaluer la position de change. D’autres opérations peuvent
également être comptabilisées, par exemple les perceptions et versements
d’intérêts ou dividendes, ainsi que les redevances relatives à des brevets
ou licences (au titre des « autres opérations financières et
commerciales »).
La position de change de transaction est évaluée en sommant les flux
positifs et négatifs sur chaque devise, encore une fois seuls les flux
certains étant pris en compte.
Remarquons qu’aux opérations précédentes peuvent être rajoutées les
opérations commerciales non encore facturées, ainsi que d’autres
éléments économiques permettant d’apprécier la position de change
économique de l’entreprise.
Lorsqu’une entreprise possède dans une devise plus d’avoirs que
d’engagements, sa position (nette) de change de transaction est dite
longue : dans l’exemple ci-dessus, où la position en USD ou en CAD est
longue, elle est donc exposée au risque de dépréciation des dollars
américains et australiens par rapport à l’euro. Dans le cas contraire, on
dira que sa position est courte : lorsque l’entreprise est courte en EUR et
AUD, elle est exposée au risque d’appréciation du dollar australien
contre l’euro (si l’on suppose que l’euro est la monnaie fonctionnelle de
l’entreprise, elle n’est pas exposée sur cette devise). Enfin, la position de
change sera fermée lorsque le montant de l’actif et du passif se
compensent parfaitement : l’entreprise est alors « naturellement »
couverte contre le risque de change.
Créances en Dettes en
Créances en USD = 10 000 Dettes en USD = 5 000
USD = 10 000 USD = 5 000
Position longue en USD Position courte en USD = -
= +5 000 5 000

Dettes en
Créances en USD = 10 000
USD = 5 000
Position couverte (fermée) =0

Il est possible de déterminer autant de positions que de devises et


d’échéances, pour évaluer au plus juste la position de change à plus ou
moins long terme et opter pour la couverture adéquate. Par exemple, si la
position de l’entreprise est courte en USD à 3 mois et longue en USD au-
delà de 6 mois, l’entreprise devra couvrir différemment le risque à 3 mois
et le risque à 6 mois.

2. L’évaluation de la position de change de consolidation

Le risque de change de consolidation (encore appelé risque de


traduction) apparaît lorsqu’une firme multinationale doit consolider son
bilan en y intégrant les bilans de ses filiales à l’étranger, filiales qui
utilisent comme monnaies fonctionnelles des devises différentes (en
général leurs monnaies locales). Au moment de la consolidation du bilan
se pose le problème du cours à utiliser pour évaluer les bilans des filiales
dans la monnaie de présentation des comptes de la société mère (en
général sa monnaie domestique).
La position de change de consolidation dépendra bien entendu de
l’importance et de la localisation des filiales étrangères, mais également
des méthodes comptables employées lors de la consolidation des
comptes[6]. Si celles-ci ont évolué au cours du temps, et si l’on note
encore quelques disparités d’évaluation selon les pays, deux méthodes
principales de traduction sont actuellement préconisées au niveau
international.

2.1. La méthode du cours de clôture

Dans cette méthode, tous les éléments du bilan de la filiale sont


convertis au cours de change à la date de clôture de l’exercice (taux de
change courant). Attention toutefois, le taux de clôture n’est pas appliqué
aux postes constitutifs de la situation nette initiale (traduction aux taux
historiques correspondants), de façon à faire ressortir un résultat de
conversion.
Cette méthode présente l’avantage d’être simple, car elle ne nécessite
aucune évaluation individuelle des éléments concernés, il suffit
d’appliquer le taux de change courant qui n’a pas besoin d’être évalué
puisqu’il est connu.
Cependant, elle a pour conséquence de faire varier la valeur comptable
des immobilisations en fonction des fluctuations du cours de la devise par
rapport à la monnaie nationale. Lorsque cette monnaie de référence est
faible, l’application du taux de clôture fait ressortir des profits de change
artificiels.

2.2. La méthode temporelle

Dérivée de l’ancienne « méthode monétaire/non-monétaire[7] », elle


consiste à convertir les postes monétaires (liquidités, créances et dettes)
au taux courant, leur valeur en monnaie de référence variant en fonction
du cours de la devise. En revanche, les postes non-monétaires
(immobilisations incorporelles et corporelles, titres de participation,
autres titres immobilisés et valeurs mobilières de placement, stocks,
capitaux propres et les autres éléments du compte de résultat) sont
traduits au taux historique leur correspondant si leur base d’évaluation
se réfère à des événements passés (et ne sont donc pas soumis au risque
de change), et au taux de clôture si leur valorisation s’appuie sur des
éléments présents ou futurs. Ainsi, un stock évalué au coût est traduit au
taux historique, alors qu’un stock évalué au prix actuel est traduit au taux
courant. Les différences de conversion qui apparaissent sont rattachées au
résultat, étant donné que les opérations réalisées à l’étranger sont
considérées comme des prolongements de l’activité de l’entreprise
consolidante. Cette méthode est celle préconisée par la norme
internationale IAS 21 : « à chaque date de clôture : les éléments
monétaires en monnaie étrangère doivent être convertis en utilisant le
cours de clôture. Les éléments non-monétaires en monnaie étrangère qui
sont évalués au coût historique doivent être convertis en utilisant le cours
de change à la date de la transaction. Les éléments non-monétaires en
monnaie étrangère qui sont évalués à la juste valeur doivent être
convertis en utilisant les cours de change de la date à laquelle cette juste
valeur a été déterminée ». Prenons un exemple simple pour illustrer ces
deux méthodes.

2.3. Exemple de consolidation du bilan d’une filière canadienne

À la date t = 0, une entreprise canadienne devient filiale d’une


entreprise européenne. La monnaie fonctionnelle, également monnaie de
présentation, de sa nouvelle maison mère est l’euro, il faut donc convertir
les postes du bilan de la filiale dans cette devise. Supposons que le taux
de change CAD/EUR en vigueur à la date d’acquisition de la filiale soit
CAD/EUR = 0,70. Le bilan de la filiale à sa date d’acquisition t = 0,
présenté en CAD est le suivant :
Bilan Filiale en CAD à la date t = 0
ACTIF PASSIF
Immobilisations 1100 700 Capital
Stocks 300 400 Réserves
Créances longues 100 100 Provisions pour charges
Créances courtes 400 100 Dettes à long terme
Disponibilités (cash) 300 900 Dettes à court terme
TOTAL ACTIF 2200 2200 TOTAL PASSIF

Le bilan de la filiale à sa date d’acquisition t = 0, présenté en la


monnaie de référence EUR est alors de 2200.
Bilan Filiale en EUR à la date de consolidation t = 0
ACTIF PASSIF
Immobilisations 770 490 Capital
Stocks 210 280 Réserves
Créances longues 70 70 Provisions pour charges
Créances courtes 280 70 Dettes à long terme
Disponibilités (cash) 210 630 Dettes à court terme
TOTAL ACTIF 1540 1540 TOTAL PASSIF
Nous nous situons à présent à la date de clôture de l’exercice, soit à la
date t = 1, et le bilan de la filiale canadienne se présente comme suit :
Bilan Filiale en CAD à la date t = 1
ACTIF PASSIF
Immobilisations 1300 700 Capital
Stocks 400 550 Réserves
Créances longues 200 200 Provisions pour charges
Créances courtes 500 200 Dettes à long terme
Disponibilités (cash) 300 1000 Dettes à court terme
50 Résultats
TOTAL ACTIF 2700 2650 TOTAL PASSIF

Pour pouvoir consolider ces comptes à la date de clôture, nous


disposons des informations suivantes sur les cours de change CAD/EUR
importants :
Cours de change en date d’acquisition t = 0 = 0,70
Cours historique des stocks = 0,73
Cours historiques des nouvelles réserves = 0,72
Cours historiques des nouvelles immobilisations = 0,71
Cours historique des dettes à long terme = 0,70
Cours de change de clôture en t = 1 = 0,75

Méthode 1 : traduction au cours de clôture

Au niveau de l’actif, les calculs sont simples : tous les postes sont
traduits au taux de change courant 0,75.
Au niveau du passif, il faut se rappeler que le taux de clôture n’est pas
appliqué aux postes constitutifs de la situation nette initiale : il faut donc
traduire aux taux historiques correspondants le capital initial de la filiale
et ses réserves initiales. Dans notre exemple, on suppose que le cours
historique retenu pour valoriser les éléments du bilan initial de la filiale
est celui qui prévalait à la date initiale de consolidation, soit 0,70. Les
nouvelles réserves seront également traduites à leur propre cours
historique, soit 0,72.
Présentation du bilan traduit en EUR à la date t=1 suivant les deux méthodes
Méth.1 : Taux de
Méth.2 : Temporelle
clôture
ACTIF
Immobilisations 975 912
Stocks 300 294
Créances
150 150
longues
Créances courtes 375 375
Disponibilités
225 225
(cash)
TOTAL ACTIF 2025 1956

Méth.1 : Taux de clôture Méth.2 : Temporelle


PASSIF
Capital 490 490
Réserves 388 388
Provisions pour charges 142 142
Dettes à long terme 150 150
Dette à court terme 375 375
Résultat 225 225
TOTAL ACTIF 2025 1956

Méthode 2 : traduction selon la méthode temporelle

Les créances et les dettes sont traduites, quelles que soient leurs
échéances au taux courant (0,75). Les postes non-monétaires sont traduits
à l’aide du taux historique si leur base d’évaluation se réfère à des
événements passés, et au taux de clôture si leur valorisation s’appuie sur
des éléments présents ou futurs. Ainsi, dans notre tableau, les 300 CAD
de stocks de l’année t=0 sont convertis au cours historique 0,73 et les
100 nouveaux au cours de clôture 0,75.
Les immobilisations anciennes doivent être converties au taux de
change au jour de l’opération, soit dans notre exemple celui de la date
t=0, i. e 0,70, et les nouvelles immobilisations à leur cours historique,
0,71.
Au niveau du passif, il faut se rappeler que le taux de clôture n’est pas
appliqué aux postes constitutifs de la situation nette initiale : il faut donc
traduire aux taux historiques correspondants (dans notre exemple on
suppose que c’est le cours en vigueur à la date initiale de consolidation,
soit 0,70) le capital initial de la filiale et ses réserves initiales. Les
nouvelles réserves constituées entre t = 0 et t = 1 seront traduites à leur
cours historique, soit 0,72.
Le rattachement des écarts de change au résultat permet de bien
apprécier l’exposition réelle au risque de change. Nous voyons bien, à
partir de cet exemple, que l’impact sur le résultat de change n’est pas le
même selon la méthode utilisée : si les deux méthodes font bien
apparaître un gain de change de traduction (105 pour la première
méthode, et seulement de 36 pour la seconde) cohérent avec une
appréciation du CAD entre t = 0 et t = 1, la différence entre les deux
évaluations de la position de change de traduction est tout de même très
importante[8]. C’est pourquoi la méthode actuellement préconisée par les
organisations internationales (par l’IASB, norme IAS 21) et nationale
(pour le CRC, règlement 99-02) est une méthode plus souple combinant
la méthode temporelle et celle du taux de change courant, de façon à
rapprocher au mieux la réalité comptable de la réalité économique,
parfois complexe.
Encadré 4 : Tableau récapitulatif des méthodes de
traduction comptables pour une filiale étrangère
Source : « Consolidation d’une filiale étrangère et traduction
du goodwill », Pierre Schevin, Revue française de comptabilité
(RFC), n° 432, mai 2010.

3. L’évaluation de la position de change économique

On désigne par position de change économique le montant exposé aux


fluctuations monétaires, en tenant compte de la situation présente et
prévisible (donc sur un horizon de long terme) de l’entreprise ou du
groupe. Dans ce cas, l’appréciation du risque de change économique
tiendra compte non seulement des transactions comptabilisées, mais aussi
de toutes les opérations prévisibles et non encore comptabilisées et de
l’influence des fluctuations monétaires sur la valeur économique de
l’entreprise. C’est ce que recommande l’Autorité des marchés financiers
(AMF) aux entreprises cotées en bourse et qui ont l’obligation de
présenter leurs résultats financiers aux investisseurs : « Dans le calcul du
risque de change, il est en effet important de ne pas limiter cette analyse
au seul périmètre des instruments financiers (dettes et créances en
devises étrangères, endettement en devises et instruments dérivés, etc.)
mais de présenter également le risque de change économique sous
l’angle opérationnel, avec une description des couvertures de flux
d’exploitation futurs par exemple, ou des couvertures d’investissements
nets à l’étranger. »
Tout le problème réside bien dans l’estimation de ces flux futurs, car
ce sont eux qui vont déterminer la valeur globale de l’entreprise (qui
correspond à la somme de cash-flows actualisés).
Valeur de l’entreprise = valeur actuelle des cash-flows futurs attendus

impact direct des fluctuations des taux de change ;


impact indirect (1) : les cash-flows (dans chaque monnaie)
dépendent des taux de change ;
impact indirect (2) : les taux d’actualisation retenus dépendent
des évolutions des taux de change (parité des taux d’intérêts).

En reprenant l’expression de la valeur de l’entreprise, on peut analyser


l’impact d’une évolution des taux de change sur cette valeur : la variation
globale de la valeur de l’entreprise dépend fondamentalement des
variations de change, mais également des variations de cash-flows
induites par les fluctuations de change considérées.
D’un point de vue statistique, il est possible d’évaluer l’exposition à ce
risque change économique à partir d’une équation de régression, mettant
en rapport la valeur de l’entreprise (exprimée en monnaie de référence) et
les évolutions des cours de change. Plusieurs devises pouvant affecter la
valeur d’une entreprise, la formulation générale de ce type de relation
avec n devises est la suivante :
ΔV/V = a + b1 (ΔS1/S1) + b2 (ΔS2/ S2) +...+ bn (ΔSn/ Sn) + ε
avec : V = la valeur de l’entreprise
ΔV/V = la variation de la valeur de l’entreprise
Si = le cours de change anticipé de la devise i par rapport à la
devise de référence
ΔSi = les variations non-anticipées des cours des devises
bi = le coefficient de régression reflétant la sensibilité de V
aux variations non-anticipées de la devise i.
a = la constante de régression
À partir d’estimations sur les cash-flows futurs, selon différentes
hypothèses d’évolution des cours des différentes devises, il est donc
possible d’évaluer à la fois l’exposition au risque de change de
l’entreprise et sa sensibilité à ce risque. Le signe des coefficients bi
indiquera la nature de l’exposition au risque : lorsque le coefficient bi est
positif, la valeur de l’entreprise augmentera avec une appréciation
hypothétique de la devise i, l’entreprise sera donc en position longue sur
cette devise (et courte dans le cas d’une dépréciation de la devise). A
contrario, s’il est négatif, la valeur de l’entreprise diminuera avec
l’appréciation de la devise et elle sera en position courte. De plus, la
valeur elle-même du coefficient bi traduit l’importance de la sensibilité
de la valeur de l’entreprise aux variations du cours de change de la devise
i : plus ce coefficient est élevé en valeur absolue, plus cette sensibilité
sera importante.
Encadré 5 : Recommandation de L’AMF pour la
présentation de l’exposition au risque de change des
entreprises soumises aux nouvelles normes IFRS
Dans un système de taux de change flottant, dès qu’une
société réalise une opération qui implique une entrée ou une
sortie de devises dans les mois ou les années à venir, elle
supporte un risque de change car elle ne connaît pas à l’avance le
cours de cette devise et donc la contrepartie de ses flux en
devises dans sa monnaie. Le taux de change peut donc avoir des
impacts sur la valeur d’entreprise, celle-ci étant égale à la valeur
actualisée des flux qu’elle générera dans le futur. Une
information claire et compréhensible pourrait, en conséquence,
être donnée sur les activités de la société génératrices d’un risque
de change […] L’AMF recommande que les émetteurs
expliquent de manière détaillée la manière dont sont gérés le
risque de change et l’exposition à ce risque au sein de leur
groupe (IFRS 7[9], § 33 et § 34).
Pour évaluer par exemple le risque de change
« opérationnel », il est nécessaire de calculer les positions nettes
de la société dans les principales devises étrangères, et
globalement pour les autres. On définit une position nette
comme le solde acheteur ou vendeur dans la devise considérée.
Les sociétés sont invitées à présenter dans un tableau leur
exposition par couple de devises dès lors qu’il existe des risques
de changes liés à des opérations ou investissements dans une
devise autre que la monnaie fonctionnelle de l’émetteur.
En outre, les sociétés sont invitées à présenter la sensibilité au
risque de change (IFRS 7 § 40) par couple de devises dès lors
qu’il existe des risques de change liés à des opérations ou
investissements dans une devise autre que la monnaie
fonctionnelle de l’émetteur. Les méthodes et hypothèses de
calcul de la sensibilité doivent être expliquées.
Encadré 6 : éléments du rapport annuel de VALEO
Les entités du Groupe peuvent être soumises au risque de
transaction relatif à une opération d’achat ou de vente dans une
devise différente de leur devise fonctionnelle. La couverture des
transactions commerciales et d’investissement en cours et futures
effectuées par les filiales porte sur des durées généralement
inférieures à 6 mois. Les couvertures des filiales sont réalisées
principalement auprès de la société mère Valeo, qui à son tour
couvre les positions nettes du Groupe auprès de contreparties
externes.
Les investissements dans les filiales étrangères peuvent
également occasionner un risque de change à travers les
fluctuations des devises contre la monnaie fonctionnelle. La
politique du Groupe est de couvrir ce risque au cas par cas.
Par ailleurs, un risque de change est lié au financement, par le
Groupe, de filiales dont la monnaie fonctionnelle n’est pas
l’euro. L’exposition résulte essentiellement de dettes non-
couvertes en euros, contractées par des filiales localisées en
Europe de l’Est auprès de Valeo.
L’exposition nette du Groupe, basée sur les montants
notionnels, se concentre sur les principales devises suivantes
(hors devises fonctionnelles des entités) :

Dans le tableau ci-dessus, la colonne libellée EUR correspond


à l’exposition euro des entreprises du Groupe dont la monnaie
fonctionnelle n’est pas l’euro. Il existe notamment une
exposition des filiales localisées en Europe de l’Est,
principalement en République Tchèque qui se financent en euros
auprès de la société Valeo.
En ce qui concerne l’analyse de sensibilité de la situation nette
au risque de change, les cours de change retenus (permettant de
faire la simulation) pour le dollar américain, pour le yen japonais
et pour la couronne tchèque s’établissent respectivement pour
1 euro à 1,34, à 108,65 et à 26,06 au 31 décembre 2010, contre
1,44 pour le dollar américain, 133,15 pour le yen japonais et
26,47 pour la couronne tchèque au 31 décembre 2009. Une
appréciation de 10 % de l’euro au 31 décembre 2010 par rapport
à ces devises, aurait les effets suivants :
Pour les besoins de ces analyses, toutes les autres variables, en
particulier les taux d’intérêts, sont supposées rester constantes.
Une dépréciation de 10 % de l’euro au 31 décembre 2010 par
rapport à ces devises, aurait l’effet inverse en faisant l’hypothèse
que toutes les autres variables restent constantes.

IV. Les principaux outils de gestion du risque de change

En matière de gestion du risque de change, l’entreprise peut également


avoir recours à des méthodes de couverture externes (par des organismes
bancaires, des assureurs…). Avant d’avoir recours aux instruments
financiers et couverture du risque de change, il existe plusieurs
techniques de couverture internes, certaines appelées « naturelles », dont
les entreprises disposent pour supprimer ou limiter leur exposition au
risque de change.

1. Les couvertures internes

Par couverture interne, on entend les moyens qui permettent d’éliminer


ou de réduire le risque de change sans recourir à des instruments
financiers négociés avec des tiers. La gestion active de la position de
change est un exemple de telles pratiques : de façon à limiter son
exposition dans une devise, une entreprise peut tenter d’équilibrer ses
revenus en devises et les paiements qu’elle doit effectuer dans cette
même monnaie (par exemple en négociant le choix de la monnaie de
facturation ou de paiement d’une commande, en accélérant ou en
retardant le paiement ou l’encaissement en devise, etc.).
Pour éviter que les fluctuations de change n’impactent trop fortement
les résultats de l’entreprise, celle-ci pourrait envisager d’inclure des
clauses d’indexation dans ses contrats commerciaux (dans les cas d’une
entreprise exportatrice, le client paiera plus ou moins cher selon
l’évolution du taux de change) ou bien répercuter le coût anticipé lié aux
fluctuations de change sur ses prix de vente.
Ces opérations de couverture « naturelles » atténuent parfois de
manière efficace le risque de change, mais leur mise en œuvre n’est pas
toujours aisée car elles nécessitent le plus souvent que les deux parties en
relation s’accordent sur leurs modalités. Parfois, elles ne sont tout
simplement pas adaptées aux besoins de l’entreprise. C’est pourquoi les
entreprises doivent également chercher du côté des couvertures
financières proposées par les banques et intermédiaires financiers ou
encore directement sur les marchés financiers de « produits dérivés ».

2. Les couvertures externes

Les instruments financiers servant à la couverture de change sont


habituellement proposés par les banques et les courtiers de change. Les
instruments de ce genre les plus couramment utilisés sont les swaps de
devises ou de change, les avances en devises consenties par les banques,
les contrats de change à terme et les options sur devises. Les entreprises
ayant des activités commerciales à l’international peuvent également se
tourner vers des assureurs spécialisés dans la couverture des transactions
commerciales, comme la COFACE en France.
Les contrats à terme permettent à une entreprise de fixer le taux de
change auquel elle achètera ou vendra une devise, à une date ultérieure et
pour un montant de devises également fixés. Par exemple, en concluant
en janvier un contrat à terme sur l’USD avec une banque, portant sur la
vente de 1 400 USD au mois de mars au prix de 1,40 USD pour 1 EUR,
l’entreprise s’assure de récupérer au mois de mars 1 000 EUR, quelle que
soit l’évolution de l’USD/EUR. Elle élimine ainsi la totalité (si le risque
de change porte sur 1 400 USD) ou la plus grande partie (si les 1 400
USD ne représentent qu’une partie du montant exposé) du risque de
transaction. L’inconvénient de ce type de couverture, nous le verrons plus
en détail dans le chapitre 6, est que l’engagement est ferme et définitif.
Les options sur devises sont un autre outil qui peut servir à atténuer le
risque de transaction. Ces options donnent à une entreprise le droit, mais
pas l’obligation, d’acheter ou de vendre à une date ultérieure des devises
à un taux de change prédéfini. Les options sur devises permettent à
l’entreprise de s’assurer un taux de change maximum ou minimum, sans
pour autant renoncer aux bénéfices liés à des fluctuations favorables des
taux de change. Elles fonctionnent donc comme une assurance et, comme
dans toute relation d’assurance, l’acheteur de l’option paie une prime au
vendeur qui en contrepartie supportera le risque de change à sa place.
Les swaps de devises sont des accords d’échange de devises qui
permettent de s’endetter à des coûts parfois plus avantageux, mais qui
surtout peuvent aider les entreprises à faire correspondre les dates des
entrées et sorties de devises. Par exemple, une entreprise française qui
reçoit aujourd’hui un paiement de 100 000 CAD et qui sait qu’elle devra
faire un paiement de 100 000 CAD (même montant) dans 30 jours peut
conclure un accord de swap avec une banque en vertu duquel elle vend
100 000 CAD aujourd’hui (contre des euros) et s’engage à acheter la
même quantité de dollars canadiens dans 30 jours à un taux de change
qui est préétabli aujourd’hui. Grâce à ce swap, l’entreprise a accès à
l’équivalent en dollars canadiens de 100 000 CAD pour les 30 prochains
jours. Le swap élimine également le risque de change au cours de cette
période. Toutefois, l’entreprise est maintenant obligée, par contrat,
d’acheter des dollars canadiens dans 30 jours, même au prix fixé au
moment de l’accord de swap.
Nous le verrons dans la suite de cet ouvrage, les méthodes de
couverture sont nombreuses, ayant chacune leurs spécificités, leurs
avantages et leurs inconvénients.
Encadré 7 : Résumé des différentes méthodes de couverture
du risque de change
Il n’y a pas de méthode « idéale » qui s’impose à tous, le
choix d’une ou plusieurs méthodes de couverture sera propre à
chaque entreprise. Les entreprises opteront pour celles qui leur
sembleront les plus appropriées, compte tenu de leurs contraintes
commerciales, financières ou légales, de leur degré d’acceptation
du risque, du coût de la couverture[10], ainsi que du risque de
change qu’il s’agit de couvrir : celui-ci est-il bien défini ? La
date de transaction de l’opération impliquant des mouvements de
change est-elle parfaitement déterminée ? Le montant des
devises engagées est-il connu avec précision ? Parfois, le choix
de la couverture est également contraint par les possibilités de
couverture offertes : les contrats d’assurance COFACE ne
couvrent pas toutes les paires de devises, tout comme les avances
en devises consenties par les banques, ou encore les options
standardisées qui ne portent que sur les devises usuelles les plus
courantes.
Des études françaises et canadiennes récentes sur les comportements
de couverture des entreprises et des acteurs institutionnels nous
permettent, à la section suivante, d’avoir un aperçu des méthodes les plus
utilisées par les différents types d’acteurs.

V. La gestion du risque de change en pratique

Une première enquête réalisée sur les entreprises françaises[11] en


2010 a été menée sur un échantillon de 100 entreprises réalisant plus ou
moins de 10 millions d’euros de transactions en devises chaque année
(les entreprises se répartissent à 50/50 dans chaque tranche).
Concernant leur exposition au risque de change, 84 % des entreprises
réalisant plus de 10 MEUR de transactions en devises estiment être
soumises à un risque de change moyen ou élevé, alors que seulement
45 % des entreprises dont le volume de transactions est inférieur à
10 MEUR considèrent leur risque de change comme significatif.
Graphique 3

Source : rapport Aviso pour RiskEdge, http://www.riskedge.fr.


Les actions de couverture apparaissent comme très répandues (ce qui
n’était pas le cas il y a encore quelques années) : la quasi-totalité (93 %)
des entreprises réalisant plus de 10 MEUR de transactions en devises a
mis en place des couvertures de change en 2007. Si l’on intègre les
entreprises dont les flux en devises sont inférieurs à 10 MEUR, ce chiffre
reste très élevé (78 %). Les directeurs financiers font appel aux produits
complexes : si une large majorité d’entre eux a recours à du change à
terme, ils sont nombreux à utiliser des couvertures complexes (options à
barrières, accumulateurs…), bien que ces produits nécessitent un suivi
plus rigoureux. De plus, les banques sont à 60 % les intermédiaires de
référence pour les produits dérivés de la majorité des entreprises.
L’étude canadienne menée par le cabinet EDC en 2009 a également
mis en évidence les disparités dans la gestion du risque de change des
entreprises. Globalement, 57 % des entreprises avaient effectué une
forme ou une autre d’opérations de couverture. Parmi celles qui ne se
couvrent pas, certaines choisissent délibérément de ne pas effectuer
d’opérations de couverture parce qu’elles ont une plus grande tolérance
au risque. Ces entreprises estiment que les gains et les pertes finissent par
s’équilibrer avec le temps et que les opérations de couverture menées
pour se prémunir contre un risque éventuel pourraient au contraire les
empêcher de profiter des effets favorables des fluctuations de la monnaie
canadienne.
Tableau 3 : Raisons pour lesquelles les entreprises ne gèrent
pas
activement leur risque de change

Les grandes entreprises sont plus enclines à gérer leur risque de change
que les petites. Un peu moins de la moitié des petites entreprises (chiffre
d’affaires < ; 5 MCAD) avait pris au moins une mesure pour se protéger
contre le risque de change. En revanche, 79 % des entreprises de taille
moyenne (chiffre d’affaires entre 5 et 25 MCAD) et 70 % des grandes
entreprises (chiffre d’affaires > ; 25 MCAD) l’avaient fait.
De plus, il apparaît qu’à la fois les moyennes et grandes entreprises ont
habituellement recours à au moins deux formes différentes d’opérations
de couverture tandis que les petites entreprises ont tendance à n’en
utiliser qu’une seule.
Même si la couverture « classique » est un moyen important pour des
entreprises de toutes les tailles, le sondage a abouti à la conclusion que
les petites entreprises sont particulièrement susceptibles d’y recourir.
Les moyennes et grandes entreprises, en revanche, sont davantage
susceptibles de recourir à des produits financiers pour se couvrir contre le
risque de change. Les mesures de couverture financière supposent l’achat
de produits de couverture de change auprès de banques ou de courtiers de
change. Les instruments le plus souvent utilisés sont les contrats de
change à terme, les contrats d’options de change et les swaps.
Tableau 4 : Principales activités de couverture utilisées
selon la taille de l’entreprise

Enfin, en 2010, la Banque du Canada[12] a également mené une


enquête auprès de 17 établissements bancaires sur les pratiques de leurs
clientèles entreprises et institutionnelles, en matière de couverture du
risque de change lié au dollar canadien. Il ressort que le volume des
opérations des clients institutionnels dépasse grandement celui des
entreprises, et que côté entreprises, ce sont essentiellement les activités
de couverture des exportateurs qui dominent. Les entreprises et la
clientèle institutionnelles couvrent approximativement 50 % de leurs
positions de change.
D’après les banques interrogées, le type d’instrument financier utilisé
pour couvrir le risque de change dépend largement de l’activité principale
des clients. Pour l’ensemble d’entre eux, plus de 50 % des opérations de
couverture reposent sur des contrats de change à terme, et les options sur
devises représentent de 10 à 15 % du volume des opérations.
Fait intéressant, la fréquence des opérations de couverture varie selon
les acteurs. Les clients institutionnels recourent à des couvertures à un
rythme hebdomadaire voire quotidien, tandis que dans leur grande
majorité, les entreprises n’emploient les instruments de couverture que
sur une base mensuelle voire trimestrielle.
Enfin, la crise financière est perçue comme un facteur qui a
profondément modifié les pratiques des clients en matière de couverture,
ceux-ci s’attachant à respecter plus scrupuleusement leurs politiques de
couverture et portant une attention croissante à l’efficacité de ces
stratégies.

Sites internet à consulter

Association française des trésoriers d’entreprises : www.afte.com

QCM et exercice

QCM

Q1 : Le risque de change apparaît à plusieurs niveaux. On distingue


généralement le risque de change :
1-de transaction, de capitalisation et le risque économique
2- de transaction, économique et le risque comptable
3- de capitalisation, de négociation et le risque comptable
4- aucune des ces réponses
Q2 : Les entreprises qui consolident leurs comptes sont exposées :
1-au seul risque de change comptable
2- au risque de change comptable et au risque économique
3- au risque de change comptable, de négociation et de capitalisation
4- au risque de change comptable, de transaction et économique
Q3 : Le risque de change économique :
1- n’existe pas
2-tient compte de tout ce qui peut affecter la valeur d’une entreprise, et
est donc difficile à évaluer
3- provient du risque comptable et peut être estimé à partir des seuls
éléments comptables
4- est la même chose que le risque de capitalisation
Q4 : La position de change d’une entreprise doit s’évaluer :
1- par groupe de devises et une fois par an
2- quotidiennement par paire de devises, au taux de change moyen
annuel.
3- quotidiennement pour chaque devise, au taux de change en vigueur
au moment de l’enregistrement des flux ou au taux de clôture en cas de
consolidation
4- pour chaque devise au taux de change moyen annuel et tous les
trimestres
Q5 : La position de change d’une entreprise sur une devise est dite
longue si :
1- le volume de devises détenu est important par rapport à son activité
commerciale
2- le solde de ses opérations en cette devise est débiteur
3- le solde de ses opérations en cette devise est créditeur
4- le volume de devises correspondant à ses engagements est important
par rapport à son activité commerciale
Q6 : Pour gérer leur risque de change, les entreprises disposent de :
1- méthodes internes telles que les contrats à terme, les swaps sur
devises et les clauses
2- méthodes externes telles, que les contrats à terme, les swaps et les
options
3- méthodes externes telles que le recours à une assurance de type
COFACE
4- peu d’outils à sa disposition
Q7 : En matière de risque de change, les grandes entreprises exposées
choisissent en grande majorité :
1- de se couvrir par des méthodes internes de gestion et des produits
financiers de couverture
2- ne pas se couvrir estimant que le risque s’atténue avec le temps
3- de se couvrir exclusivement par des méthodes internes
4- aucune de ces réponses

Correction

Q1 : Le risque de change apparaît à plusieurs niveaux. On distingue


généralement le risque de change : 2- de transaction, économique et
le risque comptable.
Q2 : Les entreprises qui consolident leurs comptes sont exposées :
4- au risque de change comptable, de transaction et économique.
Q3 : Le risque de change économique : 2- tient compte de tout ce
qui peut affecter la valeur d’une entreprise, et est donc difficile à
évaluer.
Q4 : La position de change d’une entreprise doit s’évaluer : 4- pour
chaque devise au taux de change moyen annuel et tous les
trimestres.
Q5 : La position de change d’une entreprise sur une devise est dite
longue si : 3- le solde de ses opérations en cette devise est
créditeur.
Q6 : Pour gérer leur risque de change, les entreprises disposent de :
2- méthodes externes telles, que les contrats à terme, les swaps et
les options.
Q7 : En matière de risque de change, les grandes entreprises
exposées choisissent en grande majorité : 1- de se couvrir par des
méthodes internes de gestion et des produits financiers de
couverture.

Exercice

Le tableau ci-dessous retrace, à un instant t, les positions d’une


entreprise américaine qui commerce avec la Grande-Bretagne et le
Vietnam. La monnaie anglaise est la livre sterling : GBP, celle du
Vietnam le dong : VND.
Montant (en Montant (en Cours VND/USD Cours GBP/USD Valori-
Libellés des opérations
1 000 GBP) 1 000 VND) lors de l’opération lors de l’opération sation
VOIR
Créances détenues sur des
210 10 1,0212 1,0331
tiers
Dépôts ou prêts en
40 4 1,3240 1,0210
devises
Achats à terme 100 0 1,3401 1,4305
(a) Total avoirs valorisés
au cours moyen
ENGAGEMENTS
Dettes clients 120 3 1,1103 1,1123
Emprunts en devises 35 25 0,9978 1,3207
Vente à terme 142 115 0,9923 1,4210
(b) Total engagements
valorisés au cours moyen
(a) – (b) Position nette

1- Complétez le tableau et en déduire l’exposition au risque de change


de cette entreprise sur les 2 monnaies.
2- Pourquoi n’y a-t-il pas forcément compensation entre toutes les
opérations ?
[1] . Earnings Before Interest and Taxes = Résultat d’exploitation avant impôts.
[2] . Si l’emprunt a été effectué en devise étrangère et à taux variable, une appréciation de la devise
par rapport à la monnaie nationale devrait être concomitante à une baisse des taux correspondant à la
devise étrangère, de façon à ce que la relation de parité des taux d’intérêt soit vérifiée (cf. chapitre 4).
Comme cette relation n’est que rarement observée dans la réalité, l’appréciation de la devise
étrangère n’est en général pas compensée par une baisse des taux d’intérêt : la charge de la dette
devient plus importante.
[3] . Cours historique = cours en vigueur à la date d’acquisition d’un avoir ou de contraction d’un
engagement.
[4] . Performance le plus souvent mesurée par l’EBIT (le résultat avant impôt).
[5] . La monnaie fonctionnelle est la monnaie de l’environnement économique dans lequel une
société opère ; généralement elle correspond à la monnaie locale sauf pour les filiales étrangères d’un
groupe qui effectuent la majorité de leurs transactions dans une autre devise (en général la devise
locale du pays dans lequel elles sont implantées). Une entreprise présente en général ses comptes
dans sa devise fonctionnelle. Pour un groupe c’est globalement aussi le cas : la devise fonctionnelle
est également la devise de présentation des comptes consolidés.
[6] . Ces différentes méthodes ont évolué au cours du temps. Pour un exposé plus détaillé et d’une
grande clarté sur les différentes méthodes comptables, se référer à l’article de Pierre Schevin,
professeur à l’université de Strasbourg III : « Consolidation d’une filiale étrangère et traduction du
goodwill », Pierre Schevin, Revue française de comptabilité (RFC), n° 432, mai 2010.
[7] . Cf. « Consolidation d’une filiale étrangère et traduction du goodwill », Pierre Schevin, Revue
française de comptabilité (RFC), n° 432, mai 2010.
[8] . Il ne s’agit pas ici d’entrer dans les subtilités comptables pour expliquer d’où précisément
proviennent ces différences, mais le lecteur pourra se référer à l’article de P. Schevin pour plus
d’explications.
[9] . Concernant les marchés financiers, la norme IFRS 7 stipule qu’une entité doit fournir : 1) Une
analyse de sensibilité pour chaque type de risque de marché auquel l’entité est exposée à la date de
clôture, montrant comment le résultat et les capitaux propres auraient été influencés par les
changements des variables de risque (par exemple, les taux d’intérêt et les taux de change)
pertinentes raisonnablement possibles à cette date ; 2) Les méthodes et hypothèses utilisées dans
l’élaboration de l’analyse de sensibilité. 3) Le cas échéant, les changements des méthodes et
hypothèses utilisées par rapport à la période précédente, ainsi que les raisons motivant ces
changements.
[10] . Certaines couvertures sont peu ou pas coûteuses (compensation interne, termaillage,
transactions à terme) tandis que d’autres impliquent le paiement d’une « prime » parfois élevée lors
de la mise en place de la couverture (contrat d’assurance COFACE, achat d’options).
[11] . Enquête réalisée entre le 4 et le 22 février 2008 par l’institut Aviso pour le compte de
Riskedge auprès de 100 entreprises françaises réalisant plus de 5 millions d’euros de transactions
export/import en devises hors zone euro : http://www.riskedge.fr.
[12] . Rhonda Staskow (analyste principale Banque du Canada) : enquête 2010 sur la couverture
du risque de change dans les entreprises canadiennes.
Chapitre 6

Les premières techniques


de gestion du risque
de change

Introduction

Avant de recourir à des instruments financiers coûteux et/ou mal


maîtrisés par les entreprises, celles-ci peuvent mettre en œuvre des
techniques financières ou commerciales leur permettant de limiter ou
couvrir leur exposition au risque de change. Ces techniques visent toutes
à réduire l’exposition au risque, mesurée par la position de change. Ainsi,
une entreprise exportatrice pourra, par exemple, choisir judicieusement la
devise dans laquelle elle facturera ses clients, ou bien essaiera d’ajuster
ou d’indexer le prix de son produit en fonction de l’évolution des
changes. Les entreprises peuvent également essayer de compenser
systématiquement leurs avoirs et leurs créances (de façon à neutraliser
leur position de change dans une devise), en essayant d’avancer ou de
retarder l’encaissement ou le paiement d’une commande. Ce système de
compensation, très utilisé en pratique, est également couramment mis en
place, mais à une autre échelle, par les entreprises multinationales
soucieuses de limiter l’exposition globale de leurs sociétés.
Nous l’avons vu, l’entreprise est exposée au risque de change à
plusieurs niveaux : elle subit le risque de transaction si ses activités
commerciales impliquent des mouvements de devises, mais elle est
exposée de façon plus globale sur ses actifs et passifs (impact des
variations du risque de change sur la valeur d’un portefeuille de titres ou
bien le coût d’une dette). Les techniques de couvertures internes dont
nous venons de parler, ainsi que les contrats d’assurance COFACE, sont
le plus souvent spécifiques au risque de transaction, alors que nous
verrons comment des outils bancaires simples (avances en devises ou
bien swap de change) peuvent être utilisés par les entreprises pour limiter
leur exposition financière globale. Nous laisserons volontairement pour
le prochain chapitre la présentation des produits financiers dérivés que
l’on peut trouver sur les marchés de gré à gré ou les marchés financiers
organisés.

I. Le recours aux techniques de couvertures


internes pour limiter le risque de transaction

L’entreprise qui désire limiter ou couvrir son risque de change n’est


pas forcément obligée de recourir aux marchés financiers ou à des
partenaires externes. Elle peut, à l’intérieur de son organisation ou de son
groupe (dans le cas d’une multinationale), mettre en œuvre des procédés
simples et peu coûteux lui permettant de réduire son exposition au risque
en limitant ou annulant ses positions de change en devises. Elle pourra,
par exemple, limiter le nombre de devises sur lesquelles elle est exposée
en facturant, réglant, investissant ou s’endettant dans un nombre restreint
de devises. Elle pourra également essayer de compenser ses actifs et
passifs libellés dans une même devise (avoirs et créances, placements et
dettes…), notamment en faisant coïncider les dates de paiements des
intérêts d’une dette avec celle d’entrée de dividendes, ou bien dans le
cadre d’une transaction commerciale, en avançant ou retardant
l’encaissement ou le paiement de cette commande. À une échelle plus
importante, les entreprises multinationales peuvent mettre en place un
système de compensation multidevises, le plus souvent par le biais d’un
service de trésorerie centralisé (centre de compensation) ou d’un centre
de refacturation. Un tel système a, nous le verrons, l’avantage de limiter
le volume des paiements intragroupe, et par là même le coût de la
couverture des montants exposés au risque de change.

1. Le choix judicieux des devises utilisées


Que ce soit dans le cadre de transactions commerciales, pour le choix
d’une devise d’endettement ou pour ses placements, il est intéressant
pour l’entreprise de limiter le nombre de devises avec lesquelles elle
travaille (l’idéal étant de n’en utiliser qu’une seule). C’est un moyen
simple et économique de réduire le risque de change et les coûts de
gestion qui lui sont associés. Ce souci de simplification et d’économie
étant partagé par la plupart des entreprises internationales, cela explique
que des secteurs économiques entiers travaillent avec seulement une ou
deux devises dans une zone économique donnée[1]. Parfois, ce sont des
filières entières (le transport aérien par exemple) qui n’utilisent qu’une
seule et même devise dans toutes leurs transactions, généralement le
dollar américain.
En dehors de ces cas particuliers, il n’est pas évident que les activités
commerciales ou financières d’une entreprise lui permettent de choisir
librement les devises dans lesquelles elle travaillera (ses clients et/ou
fournisseurs ne désirant pas forcément travailler dans la même devise).
De même, une devise peut « s’imposer » à l’entreprise : si par exemple
elle désire optimiser le rendement de son portefeuille d’actifs financiers
(notamment par la diversification internationale), elle pourra être amenée
à investir dans des titres libellés dans une devise bien précise.
Symétriquement, il peut être judicieux pour elle de s’endetter en émettant
directement des titres en devises autres que sa devise propre, de façon à
lever des fonds à des conditions parfois plus avantageuses qu’en émettant
directement en titres nationaux. Les entreprises passent alors, nous le
verrons dans les chapitres 6 et 7, par des opérations à terme et plus
souvent par des swaps qui, adossés à leurs actifs et passifs, leur
permettent de se retrouver, in fine, exposées sur un faible nombre de
devises.

1.1. La facturation en monnaie nationale

Afin d’éviter de supporter le risque de change de transaction, une


entreprise européenne peut choisir de ne facturer ou de n’accepter que
des règlements en euros : le risque de change est alors entièrement
supporté par l’entreprise avec qui elle est en relation.
L’intérêt pour une entreprise de facturer en sa monnaie domestique
semble évident : elle fait l’économie d’une politique de gestion du risque
(puisqu’elle n’est plus soumise au risque de change) et bénéficie de
facilités comptables liées à l’utilisation d’une seule devise, domestique
qui plus est. Si certaines entreprises, bénéficiant d’une position
dominante, peuvent imposer leur monnaie comme devise de transaction
(En 2010, Areva a notamment obtenu de la Chine qu’une partie de sa
facture des centrales EPR soit libellée en euros), cette option n’est pas
toujours possible pour la grande majorité des entreprises, ni même
souhaitable, et ce pour plusieurs raisons :

l’intérêt de la contrepartie dans l’opération commerciale :


facturer en euros fait peser le risque de change sur la seule
entreprise étrangère, contrepartie de l’opération. Encore faut-il
que celle-ci accepte : ce peut être le cas si l’entreprise
européenne est en position de force dans la négociation (par
exemple si elle dispose d’un monopole ou quasi-monopole sur
un produit), ou bien si elle offre à la contrepartie étrangère des
avantages suffisants (une bonne qualité du produit ou du
service, un prix compétitif, des délais de règlements plus longs
ou encore un service après-vente performant) compensant le
risque de change qu’elle lui fait supporter[2]. Une raison
pouvant conduire un acheteur ou un vendeur étranger à refuser
l’euro comme devise de transaction tient à ses anticipations :
l’acheteur étranger, anticipant une hausse de l’euro par rapport
à sa propre devise, refusera la facturation en euros, tout comme
le vendeur étranger s’il anticipe une appréciation de l’euro
contre sa devise domestique. À moins que des ajustements de
prix ne soient négociés entre les deux parties de façon à rendre
le partage du risque plus équitable (cf. clauses d’indexation ou
de partage du risque ci-après).
On peut même aller plus loin dans le raisonnement : la contrepartie
étrangère pourra accepter la facturation en euros dès lors qu’elle
anticipe une évolution de l’euro qui lui est favorable, ou bien si le
coût de la couverture qu’elle doit alors mettre en place reste
acceptable au regard des conditions privilégiées obtenues auprès de
l’entreprise française (prix, qualité, délais…).

l’environnement concurrentiel : le choix de la monnaie de


facturation est parfois conditionné par l’environnement
concurrentiel dans lequel l’entreprise européenne évolue : si le
dollar américain est la devise de transaction usuelle, il lui sera
difficile d’imposer la sienne sans perdre en compétitivité.
la perte de compétitivité : paradoxalement la facturation en
euros n’apporte pas que des avantages. Prenons le cas des
entreprises européennes qui exportent hors zone euro. Lorsque
l’euro s’apprécie face au dollar, il en résulte une baisse du
pouvoir d’achat des entreprises étrangères sur les produits
européens libellés en euros. Cette situation pousse les
entreprises de la zone euro à réduire leur prix de vente à
l’étranger, ce qui réduit mécaniquement leurs marges.

Cette perte de compétitivité est directement liée à l’élasticité de la


demande étrangère par rapport aux variations des taux de change, au prix
mais également à la qualité du produit. L’impact d’une appréciation de
l’euro sur la compétitivité des entreprises européennes va donc dépendre
de tous ces paramètres. Une étude de HSBC France a montré que si
l’euro s’appréciait de 10 % face au dollar, les entreprises françaises
seraient contraintes de baisser leur prix d’environ 5 %, alors qu’une
baisse de 1 % suffirait aux entreprises allemandes pour rester
compétitives. L’étude explique cette différence de sensibilité par le fait
que les entreprises françaises ne jouent pas sur la compétitivité-produit
mais sur la seule compétitivité-prix, ce qui n’est durablement pas
soutenable dans un contexte d’euro fort.
1.2. La facturation en devises étrangères

Une appréciation de l’euro face aux autres monnaies pénalise


fortement les entreprises européennes exportatrices dont les factures sont
libellées en devises étrangères. À titre d’exemple, EADS annonçait en
mai 2011 qu’une hausse de 10 % de l’euro face au dollar avait entraîné
automatiquement une perte sèche d’un milliard d’euros de recettes pour
le groupe, avec à terme des conséquences économiques importantes
puisque le groupe s’interroge sérieusement sur l’opportunité de
délocaliser une partie de sa production (notamment Eurocopter) en zone
dollar.
Même si cela l’expose au risque de change (appréciation de l’euro si
elle exporte, dépréciation si elle importe), une entreprise française peut
faire le choix, ou bien être obligée, de facturer en devises. La devise
utilisée ne sera par forcément celle de l’entreprise contrepartie, ce pourra
également être une devise tierce sur lesquelles les deux parties
s’entendent. Plusieurs raisons expliquent la facturation en devises :

des raisons commerciales : la facturation dans une devise


usuellement pratiquée permet à l’entreprise exportatrice de
rendre son prix directement comparable à ceux pratiqués par la
concurrence. La facturation en devise facilite la lisibilité de
son offre tout en ne faisant pas peser sur ses contreparties son
propre risque de change.
des raisons légales : certains pays imposent leurs devises ou
une devise de référence (en général le dollar américain) pour
les transactions commerciales, soit de façon légale, soit de
façon « usuelle ». Les raisons peuvent être multiples : certains
pays exportateurs peuvent imposer l’usage exclusif d’une
devise dans les transactions commerciales pour maintenir la
compétitivité de ses entreprises. Ainsi jusqu’en 2009, les
entreprises chinoises n’avaient le droit ni d’importer ni
d’exporter en yuans, et devaient effectuer leurs transactions en
dollars américains, et dans une moindre mesure en euros.
Depuis 2010, face aux vicissitudes du dollar et de l’euro,
l’utilisation d’une monnaie jugée sûre comme le yuan (sous
contrôle du gouvernement chinois) s’est beaucoup développée
dans les échanges de la Chine avec le reste du monde.

D’autres pays, appartenant à une même zone commerciale,


imposent la devise traditionnellement utilisée dans le cadre de leurs
partenariats économiques et commerciaux, partenariats souvent
développés de longues dates. Certains autres, de part leur
localisation géographique, leur passé historique commun ou bien
compte tenu de faible ou non-convertibilité de leurs devises, vont
également imposer l’usage d’une monnaie facilitant leurs échanges
commerciaux.

des raisons financières : sans y être forcément contrainte, une


entreprise européenne peut avoir intérêt à travailler en devise
étrangère. La valeur de la parité euro-devise va orienter le
choix de la monnaie de facturation : pour une entreprise
exportatrice (et inversement pour une entreprise importatrice),
un euro faible lui permet d’être concurrentielle si elle facture
en devise, mais réduit mécaniquement la valeur en euros du
produit de ses ventes. Elle optera pour la facturation en devises
dès lors que l’arbitrage entre ce gain de compétitivité et la
perte de revenus joue en sa faveur. D’autres raisons, liées à la
gestion de l’exposition au risque de change, expliquent
également le choix de la devise étrangère. Soucieuses de gérer
un risque global, les entreprises essaieront le plus souvent de
travailler dans une devise qui compense une position de
change de sens contraire (dans des devises identiques, sur des
montants globalement équivalents, ainsi que sur des échéances
proches), essayant de fermer ou tout au moins de réduire leur
position de change sur cette devise.

Nous venons de le voir, le choix d’une facturation en devise


domestique ou étrangère résulte parfois d’un arbitrage, est parfois subi, et
dans tous les cas, ne procure pas que des avantages. Le tableau 1 ci-après
résume les avantages et inconvénients liés aux différents types de
facturation.
Dans un cas comme dans l’autre, les intérêts des parties sont
divergents, ce qui rend en général difficile la négociation sur la devise de
transaction. Pour faciliter la conclusion d’une transaction, les
contreparties s’entendent souvent sur des clauses d’indexation dans les
contrats d’achat ou de vente. Ces clauses, librement négociées par les
parties, permettent de fixer les modalités de partage du risque de change
entre l’acheteur et le vendeur.
Tableau 1 : Les avantages et inconvénients liés au choix
d’une monnaie de transaction
Facturation en devise domestique Facturation en devise étrangère
• Commercialement intéressant : dès
• Risque de change nul : dépenses ou recettes
lors que la parité euro-devise est
connues dès la conclusion du contrat.
avantageuse. Prix comparable avec la
• Facilités comptables : pas de comptabilisation
concurrence.
AVANTAGES spécifique aux opérations étrangères.
• Réduction du risque de change
• Bénéfices certains : la marge réalisée est
global : en permettant de faire
protégée car ne subit pas les variations
coïncider les avoirs et créances sur
défavorables des cours.
une même échéance.
• Pouvoir de négociation réduit : avantages
• Dépenses ou recettes inconnues à la
supplémentaires devant être proposés pour
conclusion du contrat.
compenser le transfert du risque de change.
• Risque de change : politique de
• Commercialement risqué : perte potentielle de
INCON- gestion du risque de change à mettre
compétitivité, clause d’indexation sur les prix
VÉNIENTS en place.
rendant la protection contre le risque de change
• Lourdeurs comptables : puisque
illusoire.
comptabilisation spécifique des
• Ne permet pas de bénéficier d’une évolution
opérations étrangères.
favorable des cours de change.
2. Les clauses d’indexation

Il n’existe pas de clauses d’indexation « types », certaines étant plus ou


moins protectrices du vendeur ou de l’acheteur. Voici quelques exemples
de clauses :
• Clause d’adaptation des prix proportionnelle aux fluctuations
des cours de change.
Dès la signature du contrat, le vendeur s’assure que la contre-valeur
des marchandises dans sa propre monnaie soit figée quoi qu’il arrive.
Ainsi, quelles que soient les fluctuations du taux de change de la devise
de facturation par rapport à celle du vendeur, celles-ci seront répercutées
sur le prix facturé. Dans ce type de contrat, si le risque de change est
supporté par l’acheteur (le prix étant fixé pour le vendeur), il pourra tout
de même bénéficier d’une évolution favorable des cours (le prix en sa
devise peut alors être plus faible que prévu) :
Exemple 1
Un exportateur allemand conclut avec un client japonais un
contrat de vente (livrable et payable à 3 mois) d’un montant de
700 millions de yens sur la base du taux de change JPY-EUR
= 0,85 (soit 100 JPY = 0,85 EUR), en prévoyant une clause
d’adaptation des prix strictement proportionnelle aux variations
du taux de change.
La contrevaleur en EUR de la vente le jour de la signature du
contrat est donc 7 x 0,85 = 5,95 millions d’euros. Trois mois plus
tard, si le cours du yen a baissé à JPY-EUR = 0,82, alors
l’exportateur allemand récupérera, sans la clause : 7 x 0,82
= 5,74 millions d’euros, soit une perte qui se chiffre à
210 000 EUR. Grâce à la clause proportionnelle, le nouveau prix
facturé et payé par l’acheteur japonais à l’échéance va s’élever à
700 × 0,85/0,82 = 725,61 millions de yens, ce qui est supérieur
au prix initial. La dépréciation du yen a été entièrement
répercutée sur le prix payé par l’acheteur.
Inversement si le cours du yen progresse jusqu’à JPY-EUR
= 0,87, le prix de facturation va descendre à 700 × 0,87/0,90
= 683,91 millions de yens. L’acheteur japonais bénéficie de
l’appréciation de sa devise.
Enfin, cette clause joue bien le rôle de couverture parfaite
pour le vendeur allemand puisqu’il est sûr de récupérer, quoi
qu’il arrive, 5,95 millions d’euros : 725,61 × 0,82 = 5,95 si le
yen se déprécie, 683,91 × 0,87 = 5,95 dans le cas contraire.
• Clause d’indexation « tunnel » :
Encore appelée clause d’adaptation des prix proportionnelle avec
franchise, elle consiste à ne répercuter les variations du cours de la devise
de facturation que si celles-ci dépassent un certain niveau, appelé
franchise, et exprimé en variation absolue. En d’autres termes, tant que le
taux de change reste à l’intérieur d’un « tunnel » délimité par un cours
minimum et un cours maximum, la monnaie de facturation peut fluctuer
sans que cela n’ait d’incidence sur le prix de la marchandise. En dehors
(i. e en dessous du cours minimum ou au-dessus du cours maximum), la
variation est automatiquement et intégralement répercutée sur le prix
effectivement payé.
Exemple 1 (suite)
Dans l’exemple précédent, si la clause d’adaptation prévoit
une franchise de plus ou moins 3 %, il n’y aura aucune
répercussion sur le prix de vente tant que le cours du yen reste
compris entre 0,8245 et 0,8755 EUR. Le prix aurait donc été
ajusté dans le premier cas (puisque JPY-EUR = 0,82 < ; 0,8287
qui est la borne minimum du « tunnel ») mais ne l’aurait pas été
dans le second (puisque JPY-EUR = 0,87 ne dépasse pas la borne
maximale 0,8755).
• Clause de risque partagé :
La clause de risque partagé fait supporter à chacun des contractants
une partie des effets de l’évolution du taux de change entre la date de
facturation et la date de paiement. Si le partage est équitable, chacun
supportera le risque de change pour moitié, mais selon le pouvoir de
négociation de chaque partie, n’importe quelle autre répartition est
envisageable.
Exemple 1 (suite)
Supposons à présent que les parties se soient entendues sur
une clause de risque partagé à hauteur de 30 % pour
l’exportateur et donc 70 % pour le client japonais. Dans les deux
cas de figure envisagé, nous obtenons les résultats suivants :
– si le cours du yen passe à JPY-EUR = 0,82, alors la perte de
change pour l’exportateur est évaluée à 210 000 EUR.
L’entreprise allemande répercutera sur le prix de vente 70 % de
cette somme (puisqu’elle ne supporte que 30 % du risque), soit
70 % x 210 000 = 147 000 EUR. Elle récupérera donc 5,74
+ 0,147 = 5,887 millions d’euros. Exprimés en yens, cela
équivaut à 147 000 × 100/0,82 = 17 926 830 JPY, soit un prix de
vente qui passera à 700 + 17,93 = 717,93. La perte de change de
l’exportateur liée à l’appréciation du yen a été partiellement
répercutée sur le prix payé par l’acheteur.
– Inversement, si le cours du yen progresse jusqu’à JPY-EUR
= 0,87, alors l’exportateur réalise un gain de change qu’il ne
conserve qu’à hauteur de 30 %. Il répercute donc 70 % de ce
gain de change sur son prix de vente. Le gain de change de
l’entreprise allemande est de 700 × (0,87 – 0,85) = 14 millions
de yens. Son prix de vente passera donc au moment du paiement
à 700-14 = 686 millions de yens (l’acheteur japonais bénéficie
toujours de l’appréciation de sa devise, mais à hauteur seulement
de 70 %), ce qui correspond au même moment à 6,86 × 0,87
= 5,97 millions d’euros.
• Clauses d’options :
Une clause d’option de devise permet au vendeur (ou à l’acheteur)
d’utiliser une autre devise choisie à l’avance, dès lors que le cours de la
devise de transaction devient supérieur ou inférieur à un certain cours.
Une clause multidevises (ou clause de change multiple) permet de
libeller le montant du contrat en plusieurs devises, et ce ne sera qu’à
l’échéance (la date de règlement ou bien une date butoir décidée par le
deux parties) que le créancier ou le débiteur (selon la clause du contrat)
choisit la devise de paiement.
Quelle que soit la clause d’indexation retenue, on imagine aisément
qu’elle est souvent difficile à négocier, car ce type de clause reporte le
plus souvent tout ou une partie du risque sur l’autre partie au contrat. De
plus, certaines clauses sont plus adaptées que d’autres suivant la position
financière de l’une ou l’autre des parties. Par exemple, une clause
multidevises ne sera intéressante pour une entreprise que dans la mesure
où ses dépenses ou recettes sont également pour partie libellées en
devises autres que la devise de facturation. Dans le cas contraire, cela
l’exposerait à un risque de change supplémentaire qu’il lui faudrait gérer.
Enfin, encore faudrait-il que ces devises offrent, sur la période de la
transaction, des anticipations d’évolutions plus stables que la devise de
facturation.

3. Le termaillage

La procédure dite de « termaillage » (leads and lags) consiste à faire


varier les termes des paiements afin de bénéficier de l’évolution
favorable des cours du change. Par le termaillage, les entreprises peuvent
ainsi réduire à la fois leur exposition au risque de transaction, mais
également au risque opérationnel.
Les leads correspondent aux paiements anticipés tandis que les lags
sont les paiements différés. Ce n’est donc pas à proprement parler une
technique de couverture du risque, mais plutôt une gestion active de ses
positions de change, basée sur des anticipations sur les cours de change.
Concrètement, lorsqu’un exportateur s’attend à une appréciation de la
devise dans laquelle est libellée sa transaction, il cherchera à retarder le
paiement de sa créance de façon à l’enregistrer à un cours plus
avantageux. Bien entendu, l’allongement du délai d’encaissement
entraîne un coût d’opportunité pour l’exportateur (puisque l’entrée
d’argent sera différée). Pour que l’opération soit rentable, il faut donc que
le coût d’opportunité soit inférieur au gain de change réalisé en différé. A
contrario, si l’exportateur anticipe une dépréciation de la devise du
contrat, il tentera d’accélérer son encaissement pour limiter la perte de
change attendue. L’importateur réagira lui à l’inverse.
C’est une technique simple, mais qui en pratique est difficile à mettre
en place, notamment parce que si retarder des encaissements attendus
paraît réalisable, accélérer le paiement d’un client (dont les délais sont
généralement fixés dans le contrat) semble plus aléatoire. Pour autant,
deux entreprises indépendantes peuvent être amenées à s’entendre, dès
lors que le termaillage est accompagné de mesures compensatoires.
Reprenons l’exemple de notre exportateur allemand :
Exemple 1 (suite) : Termaillage et escompte
Pour rappel, l’exportateur allemand a conclu avec le client
japonais un contrat de vente livrable et payable à 3 mois d’un
montant de 700 millions de yens sur la base du taux de change
JPY-EUR = 0,85.
Supposons que l’exportateur allemand anticipe une
dépréciation du yen dans 2 mois (précisément la période des
tsunamis, événements à haut risque pour le Japon et son
économie), avec une prévision de cours à JPY – EUR = 0,82.
Pour ne pas subir de risque de change, ni avoir à se couvrir au-
delà d’un certain point, l’exportateur va négocier avec
l’entreprise japonaise et lui proposer de payer immédiatement sa
créance, moyennant un escompte sur le prix de vente porté à
680 millions d’euros. Si l’importateur japonais accepte, alors
l’entreprise allemande récupère dès aujourd’hui 6,80 × 0,85 = 5,
78 millions d’euros (ce qui est plus intéressant que 5,74 millions
dans 3 mois).
L’exportateur a, dans l’exemple ci-dessus, proposé un paiement
immédiat à l’entreprise japonaise, moyennant un escompte sur sa
créance ; il aurait également pu se contenter de négocier un délai plus
court (en deçà de 2 mois) ce qui lui aurait permis de proposer un rabais
moindre. Le choix du moment « idéal » pour accélérer le paiement de son
client va donc dépendre de son pouvoir de négociation sur le prix de
vente, mais également de sa réponse à un arbitrage intertemporel : vaut-il
mieux disposer aujourd’hui de 5,78 millions d’euros, qui pourront être
placés pendant 3 mois, ou bien disposer dans 2 mois d’une somme plus
importante, mais placée sur une durée plus courte ? La réponse dépendra
évidemment du niveau des taux d’intérêt actuels et futurs pour les
placements en euros (il faudra alors évaluer la valeur capitalisée nette de
ces différentes options et les comparer pour pouvoir conclure)[3]. Du
côté de l’importateur japonais, celui-ci ne donnera son accord que s’il
n’est pas perdant dans l’opération. Au préalable, il faut qu’il soit en
mesure d’effectuer le paiement immédiat ; il tiendra donc compte de
l’état de sa trésorerie et devra évaluer le coût d’opportunité de
l’opération : s’il doit régler immédiatement 680 millions de yens, il
renonce aux intérêts potentiels qu’il aurait obtenus sur cette somme
pendant 3 mois. Il lui faut donc évaluer la valeur capitalisée nette de
680 millions de yens pendant 3 mois, et la comparer avec celle d’un
règlement de 700 millions de yens à 3 mois avant de donner son accord.
Enfin, si l’entreprise japonaise ne disposait pas d’une trésorerie suffisante
pour accepter d’accélérer son règlement, l’opération pourrait malgré tout
se révéler intéressante si l’opération qui consiste à emprunter la somme
demandée (680 millions de yens) aujourd’hui, et à la rembourser avec
intérêts dans 3 mois, lui revenait moins cher que 700 millions de yens.
On le voit, la coopération de la contrepartie étant nécessaire à la
pratique du termaillage, beaucoup de conditions (sur les taux d’intérêt
d’emprunt et de placement, l’état de la trésorerie de la contrepartie…)
doivent être remplies quasi simultanément pour que l’opération soit
réalisable. Cela explique pourquoi ce sont essentiellement les
multinationales qui utilisent cette méthode, la maison mère pouvant
l’imposer relativement facilement à ses filiales. Le termaillage est
également un moyen pour l’entreprise mère de gérer les liquidités et les
ressources consolidées du groupe, en tirant partie des capacités de
placement de ses filiales (cf. exemple 2).
Exemple 2 : Le termaillage et la gestion des trésoreries
d’un groupe multinational
Prenons l’exemple d’une multinationale dont la maison mère
est basée en France, et dont la devise de consolidation est l’euro.
Une de ses filiales, basée en Grande-Bretagne, doit payer dans
60 jours une créance à la maison mère pour un montant de
5 millions d’euros.
Supposons qu’actuellement les conditions de taux d’intérêts
pour les emprunts et placements en EUR sont différentes pour la
maison mère et pour la filiale, la première bénéficiant de
conditions plus avantageuses sur l’euro qui est sa monnaie
nationale. Les différents taux sont présentés dans le tableau
suivant :
Taux d’emprunt 1 Taux de placement 1
Maison mère 2,00 % 1,70 %
Filiale anglaise 2,50 % 1,50 %

1 Les taux d’intérêt sont exprimés en base annuelle.


Plusieurs cas de figure sont envisageables :
Cas 1 : La maison mère doit aujourd’hui emprunter 5 M d’EUR, la
filiale étrangère dispose actuellement de cette trésorerie. Si la maison
mère empruntait cette somme, elle paierait 2 %/6 d’intérêts, tandis que la
filiale placerait ses 5 M d’EUR à seulement 1,50 %/6. L’entreprise mère
a tout intérêt à accélérer le paiement de sa filiale, elle économiserait
5 x (2 % - 1,50 %)/6 =4 167 € d’intérêts.
Cas 2 : La maison mère dispose actuellement de 5 M de liquidités en
EUR alors que la filiale anglaise a besoin d’emprunter le même montant
euro. La maison mère peut placer ses euros à 1,70 % pendant 2 mois (soit
un taux effectif sur 2 mois de 1,70 %/6), tandis que la filiale doit
emprunter à 2,50 % (soit un taux effectif de 2,50 %/6). La maison mère a
tout intérêt à retarder le paiement de la filiale et à lui transférer 5 M
d’euros, ce faisant, le groupe gagne 5 × (2,50 % - 1,70 %)/6 =
6 667 EUR.
Cas 3 : La maison mère et la filiale disposent toutes deux de 5 M de
liquidités pendant 2 mois. La première peut placer à 1,70 %/6, et la
seconde à 1,50 %/6. En accélérant le règlement de sa filiale, le groupe
gagne : 5 × (1,70 % - 1,50 %)/6 = 1 667 EUR.
Cas 4 : La maison mère ne dispose pas de trésorie excédentaire et la
filiale a besoin de 5 M d’EUR. La maison mère peut emprunter à 2 %/6
et la filiale à 2,50 %/6. La maison mère a tout intérêt reculer l’échéance
de paiement de sa filiaire, et à emprunter 5 M qu’elle reversera
directement à sa filiale, permettant au groupe d’économiser 5 × (2,50 %-
2,00 %)/6 = 4 167 EUR.

4. Les méthodes de compensation :


compensation interne, cash netting et cash pooling

Inscrites dans le cadre d’une gestion de trésorerie internationale


globale, ces méthodes visent à atteindre le même objectif que la gestion
de trésorie classique : assurer la liquidité de l’entreprise au moindre coût
et optimiser la gestion des dettes et créances ; seule se rajoute la
dimension internationale et donc la gestion du risque de change.
Une entreprise gérant des transactions régulières avec l’étranger va,
plusieurs fois par mois, multiplier les dépenses et les encaisses relatives à
ses opérations commerciales. Le volume des transactions dans chacune
des devises dans laquelle elle travaille peut ainsi être conséquent, et par
là même affecter à la fois la trésorerie de l’entreprise et son exposition au
risque de change. L’entreprise peut limiter ces flux en devises en mettant
en place un système de compensation interne.
Dans le cas de groupes internationaux, les flux financiers en devises
sont très nombreux et très fréquents, allant des simples paiements pour
des transactions commerciales entre filiales, aux prêts intragroupe, aux
royalties, dividendes ou intérêts versés, ainsi qu’aux dépenses inhérentes
aux opérations de couverture. La mise en place d’un système de
compensation à l’échelle du groupe permet aux multinationales de
réduire considérablement leurs transactions financières (et donc les frais
bancaires afférents) ainsi que leur exposition au risque de change. Ce
système, adapté aux groupes internationaux, est appelé « système de
compensation monétaire de groupe », ou encore le netting (maillage en
français).

4.1. La compensation interne

Les entreprises peuvent essayer de compenser systématiquement leurs


encaissements et décaissements dans une même devise afin de ne faire
porter le risque de change que sur le solde. Par exemple, une entreprise
utilisera une entrée en USD pour régler une dette dans cette même
devise. Pour pouvoir procéder à cette compensation, il lui faut faire
coïncider les délais d’entrées et de sorties de devises (cf. le termaillage).
De plus, en limitant le nombre de devises utilisées, l’entreprise peut
optimiser ce système de compensation en diminuant les coûts liés à la
gestion de ces devises (cf. le choix judicieux de la monnaie de
facturation).

4.2. Les systèmes de compensation intragroupe : le netting

Cette méthode de compensation est essentiellement pratiquée par les


sociétés disposant de filiales ou partenaires à l’étranger. Le netting se
définit comme une « technique d’optimisation de la trésorerie d’un
groupe, principalement à l’égard du risque de change et consistant à
compenser les dettes et créances par devises, à l’intérieur des
groupes »[4]. Cette technique consiste donc en la compensation
d’opérations de sens opposés entre deux (compensation bilatérale) ou
plusieurs contreparties (compensation multilatérale). À l’échéance des
opérations ne sont réglés que les soldes nets des paiements dans chaque
devise. Les filiales se retrouvent ainsi créditeurs nets ou débiteurs nets
selon les cas.
Lorsque les opérations sont multidevises, ce qui est le cas le plus
fréquent pour les opérations intragroupes, les montants à traiter seront,
pour chaque période et pour chaque devise, valorisés en fonction d’un
taux de change interne de référence qui permet de procéder à la
liquidation des soldes.
Dans le cadre d’une compensation multilatérale, le groupe peut assurer
lui-même les opérations de compensation, de transfert et d’arbitrage
après avoir centralisé les informations nécessaires auprès des différentes
filiales au sein d’un centre de compensation (le plus souvent une filiale
joue ce rôle). Ce rôle peut également être assuré par les banques qui
proposent des offres globales de cash netting.

La compensation bilatérale

Lorsque deux entités d’un groupe, présentes dans deux pays différents,
ont des transactions commerciales régulières, importantes et réciproques
(chacune est à la fois fournisseur et client de l’autre), elles peuvent
décider d’un commun accord de ne procéder qu’au paiement des soldes
correspondants à leurs différentes opérations. Cela suppose que des dates
standardisées de règlement soient convenues entre les parties (en général
à date fixe tous les 30, 60 ou 90 jours).
Exemple 3 : illustration de la compensation bilatérale
Considérons quatre filiales d’un groupe américain. Les filiales
sont à la fois clientes et fournisseurs des autres filiales. La
monnaie de facturation de leurs transactions réciproques est
l’USD, bien que leurs devises fonctionnelles soient différentes.
Supposons que la filiale A doive 400 000 USD à la filiale B, qui
à son tour doit 900 000 USD à l’entreprise A. L’entreprise A doit
également 50 000 USD à la filiale D, qui elle-même devra régler
200 000 USD à cette même filiale A. D’autres transactions entre
filiales peuvent être représentées, tous les flux financiers
apparaissent en détail dans le schéma suivant :
Dans le cadre d’une compensation bilatérale, il s’agit de rationaliser
les flux entre deux entreprises en ne tenant plus compte que des flux nets.
Les entreprises verseront/recevront donc uniquement les soldes des
opérations qu’elles passent entre elles. Par compensation bilatérale, B se
retrouve débitrice nette envers A, pour un solde de 900-400
= 500 000 USD, créditrice nette de D pour un montant de 510 000 USD,
et débitrice nette envers C de 80 000 USD. Elle procédera donc aux
encaissements et décaissements des soldes avec chacune de ces filiales. Il
est de la même façon facile d’évaluer les soldes restants correspondants
aux positions de chacune des filiales du groupe.

Nous voyons bien que le nombre de transactions a diminué de moitié.


Ce faisant, le risque de change global du groupe est réduit, puisque
l’assiette globale du risque n’est plus constituée que des soldes : la filiale
A n’est plus exposée au risque de change que sur 500 + 150 + 60
= 710 000 USD (i. e la totalité des flux nets si l’USD n’est pas la devise
courante de la filiale), au lieu de 400 +900 + 200 +50 + 130 +70
= 1 750 000 USD sans compensation. Et il en est de même pour chacune
des filiales. L’intérêt du netting bilatéral est donc évident : en réduisant
les flux financiers (et par là même les coûts de transferts bancaires
intragroupe), il permet de réduire l’exposition globale du groupe au
risque de change. Notons que dans le cas où les dettes réciproques
seraient stipulées en monnaies différentes (ce qui est souvent le cas en
réalité), les parties devront choisir une monnaie de compte (dans notre
exemple l’USD) et appliquer les taux de change de référence en vigueur
entre cette devise et leurs monnaies de facturation avant de procéder au
paiement des soldes.
Ce système de compensation bilatérale reste bien entendu une
amélioration marginale, et peut être généralisé à l’ensemble des filiales
du groupe grâce à un système de compensation multilatérale.

La compensation multilatérale

Le netting multilatéral permet « de réaliser entre toutes les sociétés du


groupe une compensation de telle façon que chacun ne paye ou ne
reçoive que le solde net de l’ensemble de ses dettes et de ses créances
envers toutes les autres »[5].
La compensation est d’autant plus complexe que le nombre de
transactions entre filiales, ainsi que le nombre de devises devant être
traitées, est important. Heureusement, des systèmes informatisés
permettent d’automatiser l’enregistrement des flux et la mise en place des
compensations. Reprenons notre exemple en supposant cette fois que la
compensation des flux financiers est globale.
Exemple 3 (suite) : illustration de la compensation
multilatérale
Afin de procéder à la compensation multilatérale, il convient
d’évaluer les positions nettes de chacune des filiales, i. e de
retracer les flux positifs (entrées) et négatifs (sorties) pour
chacune d’entre elles. Ainsi :
Filiale A : 900-400 +70-130 + 200-50 = + 590 000 USD. La
filiale A est créditrice nette de 590 000 USD. Pour la Filiale B :
400-900 + 60-140 +720-220 = - 80 000 USD. La filiale B est
débitrice nette de 80 000 USD.
De la même façon, la filiale C est globalement créditrice de
70 000 USD tandis que la filiale D présente un solde net débiteur
de 580 000 USD.
La somme de tous les soldes est bien sûr nulle (puisque ce
sont de soldes nets), et les transferts qui vont avoir lieu entre les
filiales vont être réduits au minimum. Ainsi, la filiale A va
recevoir au total 590 000 USD qui proviendront en partie de la
filiale D (pour 580 000 USD) et pour autre partie de la filiale B
(pour 10 000 USD). La filiale B procédera également au
paiement des 70 000 USD restants qui iront directement à la
filiale C. Encore une fois, l’intérêt du netting est évident : le
nombre de transferts financiers intragroupe a été divisé par 4
grâce à la compensation multilatérale (3 opérations au lieu des
12 sans compensation aucune).

Pour simplifier les procédures, les groupes centralisent en général ces


opérations de compensation au sein d’une même entité appelée centre de
compensation. C’est le plus souvent une filiale du groupe qui joue ce
rôle, mais ce peut être également une banque. L’entité dédiée sera alors
en charge d’organiser le cycle de compensation, de centraliser
l’information, d’évaluer les soldes nets de chaque filiale et de calculer les
compensations. Dans le cadre des opérations de netting, le centre de
compensation procède pour le compte de chaque filiale aux opérations
d’achat de devises nécessaires aux paiements de leurs créances (si celles-
ci sont débitrices nettes). Selon les positions de chacune, il débite ou
crédite alors le compte en monnaie nationale de chaque filiale :
Ce procédé est intéressant pour le groupe à plusieurs niveaux : chacune
des filiales réglera ou recevra en sa propre monnaie de fonctionnement,
et ne sera donc plus soumise au risque de change. La gestion du risque de
change par le groupe en sera facilitée, puisque celui-ci sera supporté par
une seule entité du groupe : le centre de compensation. Le risque de
change sera non seulement plus facilement mesurable, mais également
moins onéreux à couvrir (ce qui compense les coûts de mise en place
d’un tel système).

4.3. Les systèmes récents d’optimisation de trésorerie internationale :


le cash pooling.

Le cash pooling (gestion centralisée de trésorerie) est une méthode


plus récente que le netting, et de plus en plus utilisée par les grands
groupes. Ce système repose sur la compensation des soldes débiteurs et
créditeurs de l’ensemble des comptes bancaires d’un groupe. Apparus
dans les années 1970 aux États-Unis, les systèmes de cash pooling se
sont développés très récemment avec les nouvelles normes comptables
IAS-IFRS (et la nécessité de maîtriser les risques financiers), l’évolution
des nouvelles technologies de l’information (notamment l’apparition de
logiciels de gestion de trésorerie de plus en plus performants), l’arrivée
des nouveaux moyens de paiement européens (SEPA[6]) et la
standardisation des formats et protocoles de communication bancaires
(SWIFTNet)
Le cash pooling permet de regrouper la trésorerie des sociétés d’un
groupe sur un compte bancaire unique. L’entreprise choisit un seul
compte principal centralisateur (le compte « maître »), les autres comptes
qui sont inclus dans le pool sont régulièrement débités ou crédités[7] via
le compte centralisateur.
C’est donc un système qui va au-delà du simple netting, et dont les
avantages sont nombreux : la gestion d’un compte unique permet de
réduire considérablement les frais bancaires et de simplifier la gestion de
trésorerie (les transferts étant pour la plupart automatisés). L’endettement
du groupe est réduit grâce à la compensation des soldes débiteurs et
créditeurs. Enfin, la compensation « naturelle » qui s’opère procure les
mêmes avantages, concernant l’exposition au risque de change, qu’un
simple système de netting.
Notons toutefois que la législation française encadre fortement ce type
d’opérations (tout comme les opérations de compensation multilatérale)
afin d’éviter les fraudes fiscales. C’est pourquoi les groupes implantent
en général leur centre de cash pooling dans des paradis fiscaux, ou bien
choisissent des banques étrangères qui offrent ce type de service et qui
leur permettent de bénéficier par leur intermédiaire d’une législation plus
souple (cf. encadré suivant).
Encadré 1 : Focus sur l’offre de cash pooling multidevises
d’une banque étrangère (Pays-Bas)
La Bank Mendes Gans (BMG), filiale du groupe ING, propose
une offre de cash pooling interbancaire et multidevises qui
permet de combiner le ZBA et le notionnel[8]. D’un point de vue
technique, le client et toutes les entités de son groupe
maintiennent leurs différentes relations bancaires locales dans
leurs pays d’implantation, mais ouvrent par ailleurs chacune
chez BMG un compte dans leur devise de travail. Les soldes
créditeurs des comptes dans les banques locales sont transférés
sur les comptes BMG, et les soldes débiteurs sont financés via le
compte pivot. Une fois les fonds remontés aux Pays-Bas, le
client a la possibilité d’opter pour un ZBA (centralisation
complète sur le compte pivot) ou pour un notionnel, de façon à
bénéficier des spécificités de la réglementation néerlandaise qui
permet la compensation entre les soldes d’entités juridiques
distinctes (ce qui n’est pas le cas en France ou dans d’autres
pays).
Cette offre présente ainsi plusieurs avantages. Tout d’abord,
elle permet de conserver une grande autonomie au niveau des
filiales : en effet, ces dernières choisissent la ou les banques
locales répondant le mieux à leurs besoins, et peuvent en changer
sans déséquilibrer la structure du cash pooling. Ensuite, son
approche multidevises permet d’éviter les opérations de change,
donc d’augmenter les revenus d’intérêts. Par rapport à un
système où coexistent différents cash poolings monodevises, elle
apporte une visibilité globale au trésorier en lui fournissant une
position consolidée unique, d’où une meilleure maîtrise et une
gestion facilitée de ses liquidités. Enfin, la possibilité de
combiner ZBA et notionnel renforce le caractère « sur-mesure »
de l’offre de la banque. L’absence de centralisation effective des
fonds permet notamment aux filiales de se financer à travers la
structure de cash pooling, par une simple opération de transfert.
Les prêts entre entités du groupe, les négociations avec les
banques locales… et les lourdeurs administratives qui en
découlent sont ainsi réduits.
Signalons toutefois que la mise en œuvre d’un cash pooling
nécessite de se plier à différentes contraintes réglementaires
significatives (déclaration des lignes de devises à la banque
centrale des Pays-Bas, solidarité des dettes entre filiales,
obligation d’enregistrer les prêts – emprunts intragroupe…).
Source : « Les enjeux stratégiques du cash management
européen », EUROGROUP, juin 2008.

II. Les garanties COFACE contre le risque de change


Parmi les nombreux contrats d’assurance offerts par la COFACE aux
entreprises exportatrices (assurance prospections, assurance crédits, etc.),
il existe des formules d’assurance spécifiques au risque de change. La
COFACE propose deux types de contrats possibles : les assurances
change « négociation » (NEGO et NEGO +) et l’assurance change
« contrat » qui permettent à l’entreprise exportatrice de bénéficier d’un
cours garanti quelle que soit l’évolution des changes.

1. L’assurance change contrat

Elle s’adresse aux entreprises qui ne sont pas couvertes à la remise de


leur offre commerciale et qui n’ont pas accès au marché à terme pour
couvrir leur risque de change, soit parce qu’il existe un aléa sur l’entrée
en vigueur du contrat (ne sachant pas exactement la date de réalisation du
contrat commercial, elles ne peuvent anticiper la date d’entrée en risque
de change), soit parce que les caractéristiques de l’entreprise exportatrice
ne correspondent pas aux exigences de ce marché (taille du contrat trop
faible, délais de paiement trop longs…). Cette garantie portent sur des
contrats d’affaires dont le montant est au maximum de 15 M d’EUR, et
seules sont couvertes les transactions libellées en USD ou en GBP.
L’assurance se souscrit avant la signature du contrat commercial ou, au
plus tard, dans les quinze jours de sa conclusion. La COFACE garantit
alors, pour une période allant de 6 à 12 mois, un cours de change
(garanti) figé dès la signature du contrat d’assurance (c’est en général le
cours à terme du jour) : ainsi les pertes de change potentielles sont
couvertes à 100 %. Pour cette couverture, l’exportateur paie une prime
(minimum 150 EUR) dès la naissance du risque de change.

2. Les assurances NEGO ou NEGO +

Contrairement à l’assurance change contrat, ces polices couvrent les


entreprises contre le risque de change dès la soumission de leur offre
commerciale, i. e avant même que le risque de change ne soit réel
(couverture du risque potentiel). Ces assurances, qui couvrent également
à hauteur de 100 % de la perte de change, concernent les seules
opérations commerciales pour lesquelles les exportateurs sont en
concurrence avérée sur des montants significatifs (plus élevés que ceux
couverts par l’assurance change contrat).
Dans le cadre de l’assurance change NEGO, un cours de change est
fixé à la signature du contrat d’assurance change, et il est garanti par la
COFACE jusqu’à l’encaissement des devises par l’exportateur. Celui-ci
doit s’acquitter à la signature du contrat d’assurance du paiement d’une
prime d’engagement, remboursable partiellement en cas d’échec des
négociations. Il en résulte qu’en cas de non-conclusion du contrat,
l’exportateur n’aura perdu que cette somme (de faible montant). Dans le
cas où son offre est retenue, il devra en informer la COFACE et acquitter
également la prime de conclusion. Le risque est couvert alors pour une
durée qui peut être comprise entre 3 et 24 mois, le montant total des
primes étant d’autant plus élevé que l’échéance est longue (par exemple,
pour un contrat NEGO couvrant sur 3 mois le taux de change EUR/USD,
la prime d’engagement correspond à 0,023 % du montant exposé, et la
prime de conclusion est de 0,13 %). Si l’exportateur réalise une perte de
change par rapport au taux garanti par l’assureur, celui-ci l’indemnise à
hauteur de 100 % de sa perte. En revanche, il ne pourra pas bénéficier
d’une évolution favorable des cours, puisqu’en cas de gain de change,
c’est l’exportateur qui devra verser à la COFACE l’intégralité des gains
de change réalisés[9].

La garantie change négociation avec intéressement NEGO + permet à


l’exportateur de bénéficier d’une partie du gain de change en cas
d’appréciation de la devise dans laquelle sa créance est libellée. Le
principe est simple : l’exportateur choisit, au moment de la mise en place
de la garantie, un taux d’intéressement aux gains de change qui, selon les
devises, sera de 50 % ou 70 %. Il acquitte une prime qui est calculée en
fonction du taux d’intéressement (la prime est également composée de la
prime d’engagement et de la prime de conclusion). Il bénéficie alors,
comme pour le contrat NEGO, d’un cours garanti décidé pendant la
phase de négociation. À l’encaissement de sa créance, si la devise s’est
appréciée par rapport au cours garanti, l’exportateur conserve la partie de
l’appréciation qui lui revient (50 ou 70 %) et reverse l’autre à la
COFACE.
Exemple 4 : Illustration du fonctionnement des contrats
NEGO et NEGO +
Vous êtes exportateur français en USD et souhaitez couvrir
200 000 USD en cas de signature d’un nouveau contrat avec
votre client attitré. La durée des négociations pour remporter le
contrat commercial est estimée à 3 mois. Supposons qu’à ce jour,
le cours de change que peut vous garantir la COFACE est :
FEUR/USD = 1,25.
Comment fonctionnent ces contrats NEGO et NEGO +
lorsque, à l’échéance, SEUR/USD = 1,29 ? SEUR/USD = 1,22 ?
1er cas : contrat NEGO
Si le cours à l’échéance est EUR/USD = 1,29 :
Le cours garanti par la COFACE est de 1,25, ce qui est
inférieur au cours du marché à l’échéance : EUR/USD = 1,29.
Vous réalisez donc une perte de change puisque chaque USD ne
sera échangé à terme qu’à 1/1,29 < ; 1/1,25. L’assurance vous
garantit de pouvoir récupérer 200 000/1,25 = 160 000 EUR.
Comment fonctionne cette garantie en pratique ? Vous allez, une
fois le règlement de votre créance effectué, échanger les USD
récupérés contre 200 000/1,29 = 155 038,80 EUR. Votre perte de
change par rapport au montant garanti par la COFACE est donc
de 160 000-155 038,80 = 4 961,20 EUR, ce qui correspond
exactement à l’indemnisation que vous allez recevoir de
l’assureur, puisque vous êtes couvert à 100 % de la perte de
change. Vous vous retrouvez bien in fine avec 155 038,80 (votre
opération normale de change) + 4 961,20 (l’indemnité versée par
la COFACE) = 160 000 EUR qui est le montant garanti.
Si le cours à l’échéance est EUR/USD = 1,22 :
Le cours EUR/USD au moment du change est inférieur au
cours garanti par la COFACE. Vous réalisez donc un gain de
change puisque chaque USD sera échangé à terme à 1/1,22
> ; 1/1,25. En échangeant vos USD contre des EUR, vous
récupérez contre 200 000/1,22 = 163 934 EUR. Votre gain de
change est donc de 163 934 -160 000 = 3 934 EUR, que vous
devrez reverser intégralement à la COFACE. Vous vous
retrouvez bien in fine avec 163 934 (votre opération normale de
change) – 3 934 = 160 000 EUR.
Nous voyons bien que quelle que soit l’évolution du taux de
change, vous êtes assuré de récupérer 160 000 EUR, et cela
moyennant le coût de l’assurance : 0,023 % de prime
d’engagement + 0,13 % de prime de conclusion, ce qui
correspond (sans tenir compte du timing des paiements de prime)
à une prime totale de (0,023+0,13) 200 000/1,25 = 245 EUR, ce
qui n’est pas très onéreux.[10]
2e cas : contrat NEGO +
Si le cours à l’échéance est EUR/USD = 1,29 :
Nous avons vu que dans ce cas de figure, vous réalisez une
perte de change de 4 961 EUR. La clause d’intéressement ne
s’applique évidemment pas et vous êtes intégralement remboursé
pour votre perte de change. Le fonctionnement du contrat
NEGO + est donc identique à celui de l’assurance NEGO
lorsqu’une perte de change est constatée.
Si le cours à l’échéance est EUR/USD = 1,22 :
Vous réalisez un gain de change de 3 934 EUR qu’il vous
faudra reverser, mais seulement en partie, à la COFACE. Si vous
avez négocié un intéressement à hauteur de 50 %, vous
conserverez 50 % × 3 934 = 1 967 EUR, et vous récupérerez in
fine : 163 934-1 967 = 161 967 EUR. Si vous avez choisi un
intéressement de 70 %, alors vous reverserez 30 % x 3 934
= 1 180,20 EUR à la COFACE, et aurez récupéré : vous
= 163 934-1 180,20 = 162 753,80 EUR.
Vous bénéficiez donc d’une assurance plus avantageuse
puisqu’elle ne vous prive pas de la totalité des gains de change
possibles. Cette assurance a un coût qui est, compte tenu des
avantages procurés par l’intéressement, bien évidemment
supérieur à la prime totale d’un simple contrat NEGO.
Pour conclure sur les différentes garanties contre le risque de change et
leurs caractéristiques, voici les principaux éléments retracés dans le
tableau ci-dessous :
Tableau 2 : Résumé des caractéristiques des différents contrats
d’assurance change de la COFACE
Assurance change NEGO Assurance Change NEGO + Assurance change CONTRAT
Neutraliser le risque de
change lié à la remise d’une
Neutraliser le risque de
offre en devise à un acheteur Neutraliser le risque de change
change lié à la remise
objectif étranger et profiter de la lié à la signature d’un contrat
d’une offre en devise à un
hausse de la devise pendant commercial en devise.
acheteur étranger.
la période de négociation
commerciale.
Les entreprises françaises
Les entreprises françaises
concluant un contrat
ayant une concurrence
d’exportation en devises (hors
bénéfi- avérée sur des opérations
Idem NEGO. opérations de négoce
ciaires d’exportation ponctuelles
international), sans concurrence
(hors opérations de
avérée et n’ayant pas accès au
négoce international).
marché à terme.
USD, CAD, JPY, GBP,
devises USD, CAD, JPY, GBP, CHF,
CHF, DKK, SEK, NOK, USD, GBP, CHF.
garanties DKK, SGD, HKD.
SGD, HKD.
opérations En USD : transaction Idem NEGO. Montant < ; ou égal à 15 M
d’un montant < ; ou égal à EUR.
120 M EUR.
En JPY ou GBP :
< ; 60 M EUR.

III. Les techniques de couverture bancaires


du risque de transaction

Dès lors que l’entreprise se tourne vers sa banque, son assureur (cf.
section précédente) ou bien vers les marchés financiers, elle se voit
proposer une palette très complète de solutions pour couvrir son risque de
change, et pas uniquement le seul risque de transaction.
Parmi les multiples produits disponibles, que nous avons rapidement
présentés dans le chapitre 3, nous allons illustrer dans ce chapitre
l’avance en devises et les swaps de change, deux solutions proposées par
les banques[11] aux entreprises désireuses de se couvrir contre le risque
de change tout en optimisant leur trésorerie. Nous détaillerons les autres
possibilités de couverture (les swaps de devises, les contrats à terme
ferme et les options) proposées par les banques ou bien les marchés
financiers dans le chapitre 6 qui est entièrement consacré à ces produits
dérivés sur devises.

1. L’avance en devise

Le principe d’une avance en devise est simple : l’entreprise qui


souhaite en bénéficier définit avec sa banque le montant de l’avance dont
elle a besoin, ainsi que la devise dans laquelle elle souhaite obtenir cette
avance. La banque lui accorde ainsi un prêt en devises, qui sera
remboursé par l’entreprise à une échéance fixée d’un commun accord :
60, 90 jours en général, pouvant aller jusqu’à 2 ou 3 ans selon les
devises. Les intérêts peuvent être précomptés (lorsque l’avance en devise
est de courte durée) ou bien postcomptés, et le taux d’intérêt appliqué par
la banque sera celui du marché interbancaire de la devise prêtée (auquel
se rajoutera la commission de la banque, entre 0,5 % et 3 % selon la
« qualité » du client). L’avance en devise n’est cependant pas un prêt
classique, en ce sens qu’elle s’adresse aux entreprises ayant une réelle
activité à l’international, et qu’elle est obligatoirement adossée à une
opération d’import ou d’export précise. L’entreprise doit de plus apporter
les garanties nécessaires à la banque pour mettre en place l’opération.

1.1. L’avance en devises à l’exportation (ADE)

L’ADE permet à la fois de financer les exportations d’une entreprise


(en lui permettant de recouvrer immédiatement le montant en monnaie
nationale correspondant à la créance en devise de son client) et de
supprimer le risque de change dès lors que l’avance est consentie dans la
même devise que la devise de facturation (et pour le montant exact de la
créance).
Le processus de l’ADE peut être illustré comme suit : la banque
concède une avance en devise (DEV2) à l’exportateur pour le montant
exact de la créance de son client. L’exportateur récupère ces DEV2, qu’il
va immédiatement convertir dans sa propre devise (DEV1) de façon à
disposer immédiatement de cette trésorerie supplémentaire[12].

À l’échéance, l’exportateur reçoit de son client (si tout se passe comme


convenu) le paiement de sa créance en DEV2. Il utilise alors ces DEV2
pour rembourser son « emprunt » initial auprès de sa banque, augmenté
des intérêts (si ceux-ci sont postcomptés) libellés dans la même devise.
Entre-temps, il a pu affecter sa trésorerie supplémentaire dans le
financement de ses exportations, ou bien tout simplement en placement
sans risque, ce qui réduit d’autant le poids réels des intérêts versés à la
banque. Notons que l’exportateur ne supporte le risque de change que sur
les intérêts de son emprunt (si ceux-ci sont postcomptés) et est
complètement immunisé si les intérêts sont payés à la date de mise en
place de l’ADE. Une autre façon d’être entièrement immunisé consiste
pour l’exportateur à n’emprunter qu’une partie de la créance qu’il détient
sur son client, de sorte que le remboursement du capital et des intérêts
puisse être entièrement couvert par les devises à recevoir du client.
La banque elle-même ne s’expose pas au risque de change si, pour
mettre en place l’ADE, elle emprunte sur le marché interbancaire les
devises demandées par l’exportateur, et rembourse cet emprunt au
moment où son client procède au remboursement de son avance et des
intérêts. L’opération pour la banque est donc « neutre » (la banque ne
prend pas à sa charge le risque de l’exportateur et ne gagne ni ne perd
dans l’opération) et elle ne se rémunère que sur la commission payée par
l’exportateur à la mise en place de l’ADE.
Exemple 5 : l’avance en devises export
L’entreprise suédoise Hejda a livré aujourd’hui, 21 septembre,
pour 100 000 USD de marchandises à un client américain,
échéance de paiement le 20 décembre. Compte tenu des mauvais
résultats économiques américains et le dollar étant à la baisse par
rapport à la couronne suédoise (SEK), l’exportateur cherche à se
couvrir contre le risque de change et en même temps à financer
son opération d’exportation. Le 21 septembre, les données du
marché sont les suivantes :
SSEK/USD = 1.0950 – 1.0959 et iUSD = 4,93 % – 5 %.
Sa banque accepte de lui accorder une ADE sur ces
100 000 USD, moyennant une commission de 0,5 %, et pour une
durée de 3 mois, avec paiement des intérêts à l’échéance.
L’exportateur préfère demander une ADE sur un montant plus
faible, mais calculé de sorte que son exposition au risque de
change soit nulle.
Les flux financiers relatifs à l’ADE sont donc les suivants :
• le 21 septembre : l’exportateur va demander une avance pour
un montant X tel que, dans 3 mois, il remboursera X (1+5 % 4)
USD avec les 100 000 USD reçu de son client. Il va donc
demander 100 000/(1+5%/4) = 98 765,43 USD. La banque va
elle-même emprunter les 98 765,43 USD sur le marché
interbancaire à 5 %. Elle avance cette somme à l’exportateur et
la crédite donc sur son compte. Hejda règle la commission de la
banque qui s’élève à 0,5 % x 98 765,43 = 493,83 USD, soit en
devise nationale (devise de la banque et de l’exportateur) :
493,83/1,0959 = 450,61 SEK. L’entreprise revend
immédiatement les 98 765,43 USD reçus sur le comptant, et
récupère 98 765, 43 USD/1,0959 = 90 122,66 SEK.
• Le 20 décembre : Hejda reçoit de son client les
100 000 USD et procède au remboursement intégral de son
avance : 98 765, 43 × (1 + 5 % 4) = 100 000 USD. Les 100 000
USD correspondent évidemment au montant que la banque elle-
même doit rembourser à l’échéance.
Bilan de l’opération : Dès le 21 septembre, l’entreprise Hejda
bénéficie à la fois de liquidités dans sa devise (90 122,66 SEK)
et d’une protection totale contre le risque de change. Et cela pour
un coût total de 450,61 SEK, ce qui est peu onéreux compte tenu
du montant total exposé.
L’ADE s’avère être un bon instrument pour des exportateurs désirant à
la fois être couvert contre un risque de change et répondre à un besoin de
trésorerie. Cette opération a un autre avantage, c’est sa souplesse :
l’exportateur peut, s’il le désire, rembourser l’avance par anticipation ; il
peut également proroger le remboursement de l’avance si son propre
client ne le règle pas à la date convenue.
Cette qualité en fait un instrument largement utilisé par les entreprises.
Cependant, toutes n’y ont pas accès : le concours des banques peut
s’avérer difficile à obtenir, l’ADE n’étant réservée qu’à leurs meilleurs
clients, et le coût de l’opération parfois élevé (il dépend de la qualité du
client) peut être dissuasif.
Notons également que cette opération ne sera avantageuse que s’il est
plus intéressant pour l’exportateur d’emprunter en devises plutôt qu’en
monnaie nationale pour se financer, i. e si le taux d’intérêt de l’emprunt
national est moins élevé que celui de l’emprunt en devises.

1.2. L’avance en devises à l’importation (ADI)

Pour les entreprises importatrices, une ADI est également


envisageable, mais ce n’est pas forcément un choix intéressant car elle ne
joue pas son rôle de couverture contre le risque de change.
Elle est en général demandée par l’importateur qui désire régler au
comptant un fournisseur étranger afin de bénéficier d’un escompte sur sa
commande. Lors de sa demande d’avance à la banque, l’importateur
devra présenter la facture de son fournisseur étranger, ainsi qu’un ordre
de virement et un document douanier attestant de la réalité de
l’opération[13].
Exemple 6 : l’avance en devise import.
L’entreprise suédoise Hejda va recevoir demain, le
21 septembre, pour 100 000 USD de marchandises d’un
fournisseur américain, échéance de paiement le 20 décembre.
Compte tenu de ses anticipations à la hausse sur le cours de
change USD/SEK, l’importateur cherche à négocier le paiement
anticipé de sa commande. Cette opération serait intéressante
pour lui, d’autant plus que son fournisseur lui propose un
escompte de 5 % si le règlement se réalise le jour de la livraison.
L’entreprise Hejda ne disposant pas des liquidités suffisantes,
elle s’adresse à sa banque qui lui accorde une avance en devise
import en date du 21 septembre, sur un montant total de 100 000
USD, dont l’échéance de remboursement est fixée à celle
correspondant à la date de paiement prévue pour la marchandise,
soit le 20 décembre. Le 21 septembre, les données du marché
sont les suivantes :
SSEK/USD = 1.0950 – 1.0959 et iUSD = 4,93 % – 5 %.
Les flux financiers relatifs à l’ADI sont donc les suivants :
• Si Hejda règle le 21 septembre sa commande, elle économise
5 000 USD et va donc devoir régler 95 000 USD à son
fournisseur. Cela correspond à la somme que créditera la banque
sur son compte.
• À l’échéance, Hejda rembourse les 95 000 USD ainsi que les
intérêts évalués sur la période, soit au total 95 000 × (1+5 % 4)
= 96 187,50 USD.
L’importateur doit acheter à l’échéance le 20 décembre la
devise aux taux de change du jour, il n’est donc pas couvert en
cas d’évolution défavorable de la devise. Mais, dans notre cas de
figure, l’escompte est suffisant pour justifier l’opération quelle
que soit l’évolution du cours USD/SEK (96 187,50 USD
< ; 100 000 USD).

2. Les swaps de change

Il ne faut pas confondre les swaps de devises, que nous présenterons


dans le chapitre 7, avec les swaps de change (foreign exchange swap ou
encore FX swaps) qui sont des outils de gestion de trésorerie en devises.
Le terme swap signifie « échange ». Un swap de change est donc une
transaction par laquelle deux contreparties vont s’échanger, pendant une
période donnée, des flux financiers de même nature (des dettes), libellés
dans deux devises différentes. Le swap de change est un produit de court
terme (période d’échange limitée à 2 ans) voire de très court terme : les
opérations de swap de change sont très nombreuses sur le marché des
changes (cf. chapitre 5), elles sont souvent le fait d’opérateurs,
essentiellement institutionnels, qui ne s’engagent que sur quelques
semaines voire quelques jours seulement.
Le swap de change est également appelé swap cambiste car il était à
l’origine utilisé par les cambistes des banques pour réaliser leurs
opérations de trésorerie (financements et placements) sans que celles-ci
n’apparaissent dans leur bilan.
Il est encore très utilisé par les banques, mais également par les
entreprises souhaitant optimiser leurs opérations de trésorerie tout en
réduisant automatiquement l’assiette du risque (grâce à la compensation
des positions). Par exemple, une entreprise qui reçoit aujourd’hui un
paiement de 150 000 USD, et qui sait qu’elle devra effectuer un paiement
de 150 000 USD dans 90 jours, peut conclure un accord de swap en vertu
duquel elle vend 150 000 USD aujourd’hui (contre des EUR) et s’engage
à acheter la même quantité de dollars américains dans 90 jours à un taux
de change préétabli aujourd’hui. Grâce à ce swap, l’entreprise a accès à
l’équivalent en euros des 150 000 USD pour les 90 prochains jours[14] :
elle bénéficie donc d’une trésorerie supplémentaire tout en se couvrant
contre le risque de change.
Nous allons voir que, techniquement parlant, le swap de change
s’apparente à une double opération de change pour chacune des parties
engagées dans le swap :

un achat de devises au comptant : chacune des parties


emprunte dans une devise différente ;
une vente de devises à terme : portant en général sur le même
nominal mais libellé dans la devise de l’autre contrepartie.

Ces opérations sont passées simultanément, l’une au comptant, l’autre


à terme, avec la même contrepartie, et négociées sur la base d’un taux de
change de référence, généralement le taux de change au comptant au
moment de la négociation du swap.
La négociation se fait de gré à gré et porte sur tous les termes de
l’accord de swap : l’échéance, le montant et le cours de change de
référence.
Notons que la contrepartie n’est pas nécessairement une banque
(même s’il est assez rare que ce ne soit pas le cas), ce peut être une autre
entreprise ayant des besoins symétriques. Si les banques ne sont pas
toujours contreparties, elles servent en général d’intermédiaires dans
l’opération (tout comme les sociétés de courtage). Leur rôle est important
puisqu’elles sont les plus à même de mettre en relation les entreprises
désireuses d’effectuer des opérations de trésorerie portant sur des
montants identiques. Elles veillent également au respect des termes du
swap, sécurisant les flux financiers et limitant ainsi le risque de défaut
d’une des contreparties (elles perçoivent pour cela une commission).

Principe d’un swap de change

Le swap de change est en fait un échange de dettes entre deux


contreparties. L’opération se déroule en 2 étapes :
1- Échange du capital : à une date définie dans le cadre de l’accord de
swap, les deux contreparties s’échangent le montant nominal de leurs
dettes respectives. C’est le cours de change spot qui sert de référence à
l’opération, celle-ci étant une opération au comptant.
2- Remboursement du capital : à l’échéance, les deux contreparties
se rétrocèdent les montants initiaux « swapés », augmentés des intérêts
calculés sur la période. En pratique, c’est le cours de change à terme qui
sert de référence pour le remboursement du capital.
Il est important d’expliquer pourquoi le cours de change à terme sert
de référence pour le remboursement du capital. En effet, celui-ci est
évalué (cf. chapitre 3) en fonction du taux spot et des taux d’intérêt en
vigueur pour les différentes devises :
FA/B = SA/B

1 + iB

1 + iA
Il faut alors se rappeler le raisonnement sous-jacent au calcul de ce
taux de change forward (qui découle d’opérations d’emprunt, de change
et de placement rendant l’opération de change à terme risque-neutre). Les
différences de taux d’intérêt apparaissent dans le cours de change
forward sous forme de report ou déport par rapport au cours spot. La
devise présentera un report, et donc sera plus chère à terme qu’au
comptant, si elle est moins onéreuse à se procurer que l’autre devise (cf.
chapitre 3). Cette différence entre le cours spot et le cours à terme
constitue de façon équivalente ce que l’on appelle les points de swap ; i.e
les intérêts nets payés par chacune des contreparties au swap. À partir de
la relation qui lie le cours forward au cours spot, il est possible de faire
apparaître le taux de report ou de déport de la devise A. Ainsi, en
retranchant SA/B de chaque côté, et en simplifiant les calculs, les termes
de l’équation, se réécrivent :
FA/B – SA/B

SA/B
= ≈ iB – iA

iB – iA

1 + iA
Le terme de gauche représente le taux de report (s’il est positif) ou de
déport (s’il est négatif) de la devise A. Il est équivalent, à peu de chose
près, au différentiel de taux d’intérêt (les points de swap). Cette
équivalence est nécessaire pour que chaque partie ait le même intérêt à
conclure le swap ou bien à passer par deux opérations distinctes (au
comptant et à terme) permettant d’aboutir au même résultat. Ainsi les
opérations réalisées dans la dernière phase du swap (remboursement du
nominal augmenté du paiement des intérêts) sont similaires à une
opération de change à terme dont le cours de référence est le cours à
terme de l’opération.
Exemple 7 : Illustration d’un swap de change entre deux
entreprises
Une entreprise européenne (E) détient 1,45 M USD dont elle
n’a pas l’utilité immédiate, mais dont elle aura besoin 6 mois
plus tard pour régler une facture en USD. Elle aimerait bien
disposer de cet excédent de trésorerie en EUR, tout en ayant
l’assurance de pouvoir récupérer les USD à un taux défini à
l’avance.
Une entreprise américaine (A) dispose également d’un
excédent de trésorerie, de 1 M EUR, pour une période de 6 mois.
Elle souhaiterait disposer de la contre valeur en USD des 1 M
EUR pendant ces 6 mois, sans s’exposer non plus au risque de
change.
Les deux entreprises, mises en relation par leurs banques
respectives, décident de conclure le jour même un swap de
change EUR/USD à 6 mois, pour un montant nominal de
1 M EUR.
D’après les conditions de marché du moment, le cours spot de
l’euro par rapport au dollar est SEUR/USD = 1,4500 et le cours à
terme à 6 mois est F 6 mois = 1,4580. Au cours spot du
moment, qui sert de référence à la mise en place du swap, celui-
ci portera bien sur le même nominal : 1 M EUR.
EUR/USD
Déroulement de l’opération de swap :
• à la date t : L’entreprise E échange ses 1,45 M USD contre
les 1 MEUR de l’entreprise A, et vice versa. Cela revient bien à
dire que E vend au comptant 1,45 MUSD au cours spot pour
récupérer 1,45/1,45 = 1 M EUR. L’entreprise A fait de même en
vendant 1 M EUR aux mêmes conditions, et se retrouve avec 1 ×
1,45 = 1,45 M USD.

• à la date t + 6 mois : les montants prêtés sont remboursés


avec les intérêts, ce qui revient à échanger à nouveau pour
chacune les devises au taux défini dans l’accord de swap pour
une transaction à t +6, en l’occurrence F 6mois EUR/USD
= 1,4580. Ainsi, l’entreprise E récupère 1 M EUR × 1,4580
= 1,4580 M USD (> ;1,45 M USD) et l’entreprise A se retrouve
avec 1,45/1,4580 = 994 513 EUR (< ; 1 M EUR).

Notons que dans notre exemple, l’euro est en report[15] par


rapport au dollar : cela traduit des taux d’intérêt plus élevés sur
la devise américaine que sur la devise européenne. Ainsi, on
comprend mieux pourquoi l’entreprise E se retrouve avec une
« revalorisation » de ses 1,45 M USD initiaux : les intérêts
qu’elle perçoit sont plus importants que ceux qu’elle a payés
dans le cadre du swap, elle bénéficie donc d’un gain de trésorerie
dans la devise source (les USD dont elle disposait initialement)
de 8 000 USD soit, en contrevaleur EUR, un montant garanti
(puisque c’est le cours à terme qui sert de référence pour les
paiements d’intérêts) de 8 000/1,4580 = 5 487 EUR.
Ces 5 487 EUR correspondent à la différence entre les intérêts
qu’elle verse à l’échéance et ceux qu’elle reçoit. En notant iEUR
et iUSD les taux d’intérêt (en base annuelle, soit i*EUR
= iEUR/2 et i*USD = iUSD/2 pour 6 mois), alors les intérêts
sont les suivants :
– intérêts perçus sur les 1,45 M USD prêtés pendant 6 mois :
(1,45 × i*USD) M USD, soit en contre valeur, 1,45 (1x
i*USD)/1,4580 M EUR.
– intérêts versés sur les 1 M EUR empruntés auprès de A : (1x
i*EUR) M EUR.
Pour l’entreprise A, ce différentiel est négatif et s’élève à
5 487 EUR, ce qui est pour elle une perte de trésorerie. Ces
5 487 EUR de pertes représentent (si on l’exprime dans la devise
de A) 5 487 × 1,4580 USD soit exactement les 8 000 USD qui
constituent le gain de change de l’entreprise B. Les flux
d’intérêts pour l’entreprise américaine sont symétriques :
– intérêts payés sur les 1,45 M USD empruntés auprès de B :
(1,45 × i*USD) M USD.
– intérêts reçus sur les 1 M EUR prêtés à A : (1x i*EUR) M
EUR, soit en contrevaleur 1,4580 × (1x i*EUR) M USD.
La question qui vient alors naturellement à l’esprit est : si
l’entreprise B sait qu’elle sera « perdante » dans le swap,
pourquoi a-t-elle accepté cet accord ? Si cela semble irrationnel à
première vue, c’est parce que l’on a tendance à oublier que cette
perte de trésorerie n’est que la conséquence normale d’une
opération sans risque effectuée à un taux de change à terme
garanti, taux de change à terme qui encore une fois reflète les
différentiels de taux d’intérêt entre les devises. Si le taux de
change à terme est correctement évalué, les pertes ou gains de
trésorerie réalisés ne sont que la « juste rémunération » des
opérations de placement et d’emprunt effectuées dans le cadre du
swap.

Avantages du swap de change

Le swap de change présente plusieurs avantages. Tout d’abord, cette


opération permet d’échanger temporairement des devises contre d’autres
devises, tout en ayant la certitude de pouvoir refaire l’opération inverse à
une date et à un cours déterminés à l’avance.
De plus, le swap de change ne génère pas d’augmentation de la taille
du bilan. Par rapport aux opérations de prêts/emprunts classiques[16] qui
sont enregistrées à l’actif ou au passif, l’enregistrement comptable des
opérations de swap en tant qu’instrument de couverture n’affecte pas la
structure financière de l’entreprise. C’est donc un avantage important
pour les entreprises puisque leurs ratios financiers ne sont pas dégradés
par ces opérations, comme ils pourraient l’être avec des opérations
d’emprunt/placement au comptant et à terme.
Le swap offre également une liquidité très importante : le risque de
contrepartie sur un swap de change est inférieur à celui lié à une
opération de trésorerie. Ceci permet à l’entreprise de ne pas mobiliser
trop d’encours ou de traiter des montants plus importants.
Enfin, les deux contreparties peuvent monter un swap de change en
décidant de toutes les caractéristiques, telles que l’échéance, le montant,
le cours ; c’est donc un instrument très flexible.
Il existe également d’autres types de swaps, plus ou moins
sophistiqués, portant soit sur des devises, soit sur des taux d’intérêt, soit
les deux à la fois (cross-currency swaps). Ils servent notamment à
optimiser le coût d’une dette, en profitant au mieux des opportunités de
taux en dehors du système bancaire auquel les parties ont classiquement
accès. Nous les aborderons en détail dans les chapitres 7 et 8 de cet
ouvrage.

Bibliographie

D.K. EITEMAN, STONEHILL, M.H MOFFETT, Multinational


business finance, 12e édition, Pearson, sept.2009.
L. VAN DER WIELEN, M. VAN ALPHEN, J. BERGEN,
International Cash Management : A Practical Guide to Managing Cash-
Flows, Liquidity, Working Capital and Short-term Financial Risks,
Riskmatrix – Treasury management and finance series.
J.P. MATTOUT, Droit bancaire international, 4e édition, Revue
Banque, juin 2009.

QCM

Q1 : Le termaillage est une technique de gestion interne du risque de


change consistant à :
1- compenser les positions en devises de filiales étrangères qui
commercent entre elles
2- facturer ses clients dans sa monnaie nationale de façon à éliminer le
risque de change
3- demander une avance à sa banque pour bénéficier immédiatement
de la contre-valeur d’une créance-client
4- accélérer ou retarder le paiement d’une créance de façon à
bénéficier d’une évolution favorable des cours de change
Q2 : L’avance en devise export permet à une entreprise :
1- de bénéficier aujourd’hui d’une trésorerie supplémentaire tout en se
protégeant du risque de change
2- de bénéficier d’un taux de change garanti par la banque dès que
l’entreprise recevra le paiement en devises de son client
3- d’exporter à un prix plus compétitif en devises étrangères. C’est une
aide accordée par les banques pour stimuler le commerce avec l’étranger
4- aucune de ces réponses
Q3 : La facturation en monnaie nationale d’une opération d’export
n’est pas toujours souhaitable car :
1- cela expose l’entreprise exportatrice au risque de change
2- cela peut pénaliser l’entreprise qui peut perdre en crédibilité et en
compétitivité
3- ces opérations ne bénéficient pas de garanties suffisantes
4- cela entraîne une augmentation des coûts de gestion des devises et
du risque de change
Q4 : Les clauses d’indexation sont nombreuses, parmi elles on peut
citer :
1- les clauses de risque partagés, de vente à terme garanti, et de
termaillage
2- les clauses d’adaptation proportionnelle des prix, d’indexation de
type « tunnel », ou encore les clauses de risque partagé
3- les clauses d’adaptation des quantités vendu, d’indexation sur les
prix ou encore les clauses de risque partagé
4- aucune de ces réponses
Q5 : Dans un système de netting, le rôle du centre de compensation
est :
1- de centraliser les facturations des filiales et de procéder aux
paiements en devises pour leur compte
2- de surveiller les flux financiers interfiliales de façon à éviter
l’opacité des transactions intragroupe
3- de calculer les flux nets de devises entre filiales et de procéder à la
répartition de ces flux nets entre les filiales dans leurs propres devises
4- d’optimiser le processus logistique de livraison de marchandises
entre les filiales d’un même groupe
Q6 : Les contrats d’assurance COFACE sont particulièrement adaptés
aux entreprises commerçant avec l’étranger car ils couvrent leur risque
de change :
1- dès la conclusion du contrat commercial
2- dès la réalisation du contrat commercial
3- dès le paiement des clients étrangers
4- dès la négociation de l’opération commerciale
Q7 : Le swap de change est un outil intéressant de gestion du risque de
change car :
1- il permet de bénéficier aujourd’hui d’une trésorerie en devises
supplémentaire tout en se protégeant du risque de change
2- d’étaler dans le temps des paiements en devises et les intérêts qui
leur sont associés
3- il permet de bénéficier aujourd’hui d’une trésorerie en monnaie
nationale supplémentaire, mais de façon temporaire
4- aucune de ces réponses

Correction

Q1 : Le termaillage est une technique de gestion interne du risque


de change consistant à : 4- accélérer ou retarder le paiement d’une
créance de façon à bénéficier d’une évolution favorable des cours
de change.
Q2 : L’avance en devise export permet à une entreprise : 1- de
bénéficier aujourd’hui d’une trésorerie supplémentaire tout en se
protégeant du risque de change.
Q3 : La facturation en monnaie nationale d’une opération d’export
n’est pas toujours souhaitable car : 2- cela peut pénaliser
l’entreprise qui peut perdre en crédibilité et en compétitivité.
Q4 : Les clauses d’indexation sont nombreuses, parmi elles on peut
citer : 2- les clauses d’adaptation proportionnelle des prix,
d’indexation de type « tunnel », ou encore les clauses de risque
partagé.
Q5 : Dans un système de netting, le rôle du centre de compensation
est : 3- de calculer les flux nets de devises entre filiales et de
procéder à la répartition de ces flux nets entre les filiales dans leurs
propres devises.
Q6 : Les contrats d’assurance COFACE sont particulièrement
adaptés aux entreprises commerçant avec l’étranger car ils couvrent
leur risque de change : 4- dès la négociation de l’opération
commerciale.
Q7 : Le swap de change est un outil intéressant de gestion du risque
de change car : 3- il permet de bénéficier aujourd’hui d’une
trésorerie en monnaie nationale supplémentaire, mais de façon
temporaire
[1] . L’euro a su au fil de temps s’imposer comme monnaie de transaction internationale. Elle est
utilisée dans plus de 60 % des opérations intra-européennes, et dans 50 % des opérations liant des
entreprises européennes avec des firmes étrangères. Le dollar reste, à l’échelle du monde, utilisé dans
plus de X % des opérations globales, voire pour la totalité des opérations dans certains secteurs
(aéronautique, produits pétroliers, céréales…).
[2] . L’entreprise européenne économise les coûts de couverture contre le risque de change en
facturant en euros, elle peut alors concéder à l’entreprise étrangère des compensations qui lui
conviennent mieux. Elle évite ainsi des démarches supplémentaires pour trouver une couverture
adéquate, démarches souvent fastidieuses et coûteuses pour des dirigeants qui connaissent mal les
méthodes ou les produits de couverture. Les dirigeants seront d’autant plus hésitants à se lancer dans
cet investissement cognitif que les avantages de la facturation en devises ne sont pas (voir paragraphe
précédent) ou ne lui apparaissent pas décisifs.
[3] . Dans notre exemple, l’exportateur qui peut accélérer le paiement de son client récupère dès
aujourd’hui 5,78 millions. S’il avait dû baisser encore plus son prix, de façon à obtenir l’accord de
son client, par exemple un prix à 660 millions de yens, il aurait pu récupérer aujourd’hui 660 × 0,85
= 5,61 millions d’euros, soit moins que les 5,74 millions prévus dans 3 mois. Pour autant, cette
option resterait toujours intéressante si le placement des 5,61 millions d’euros pendant 3 mois
procurait plus que les 5,74 prévus en cas de dépréciation du yen.
[4] . Définition donnée par l’arrêté du ministère de l’Économie du 18 février 1987.
[5] . Définition de J.-P. Mattout, « Droit bancaire international », Revue internationale de droit
comparé, juin 2009.
[6] . Le SEPA (Single Euro Payments Area), mis en place en janvier 2008, permet aux résidents
européens d’effectuer des transactions en toute sécurité, grâce à l’instauration de systèmes de
compensation bancaires en eurospe.
[7] . Le cash pooling est toujours mis en œuvre par des transferts physiques de fonds.
[8] . Le ZBA (Zero Balance Account) et le notionnel sont deux méthodes d’organisation d’un cash
pooling (il est même parfois possible de les panacher).
[9] . C’est le principe même de la notion de « couverture parfaite » d’un risque : que ce soit à la
hausse comme à la baisse, la variation du taux de change n’a aucun impact sur le montant récupéré in
fine. Il sera identique (ce sera ici le montant garanti par la COFACE) quoi qu’il arrive.
[10] . Le cours utilisé pour la conversion est EUR/USD = 1,25 puisque la prime d’engagement a
été payée dès le départ. La prime de conclusion a été évaluée sur la même base, mais pour être tout à
fait rigoureux, il aurait fallu connaître le cours au jour de son acquittement pour l’évaluer
précisément.
[11] . Les swaps ne sont pas des produits bancaires à proprement parlé, ce sont des contrats OTC,
qui se négocient de gré à gré entre deux parties qui peuvent être deux entreprises. Mais les banques
sont le plus souvent parties prenantes dans ces opérations, notamment car leurs produits sont régis
par des contrats cadres qui permettent de sécuriser et garantir la bonne fin des transactions
financières liées au swap.
[12] . Certaines banques proposent d’effectuer l’opération de change pour le compte de leurs
clients et de créditer directement leur compte en devise nationale.
[13] . Parfois, le paiement est fait directement de la banque au fournisseur, ce qui est un gage
supplémentaire de la réalité de l’opération.
[14] . Notons toutefois que l’entreprise se retrouve obligée d’acheter des dollars américains dans
90 jours et devra payer ces dollars américains en euros à ce moment-là, quoi qu’il arrive.
[15] . Rappelons-nous que le report est une prime, c’est-à-dire que le cours forward est supérieur
au cours spot car il faut que le taux de change compense la perte sur intérêt par rapport à l’autre
monnaie.
[16] . Les swaps de change s’apparentent à ce que l’on appelait les prêts parallèles (back-to-back
loans) : un prêt dans lequel deux entreprises (ou bien deux banques), dans des pays différents,
empruntent chacune la devise de l’autre, pour une période fixée, avec remboursement de la devise
empruntée en fin de période. Ces prêts parallèles sont apparus dans les années 1960-1970 pour
contourner le contrôle des changes imposés par la Grande-Bretagne : les restrictions de change
empêchaient les filiales anglaises de sociétés étrangères d’emprunter auprès de la société mère les
devises dont elles avaient besoin. La mise en place des prêts back-to-back permettait ainsi le
refinancement en devises des filiales anglaises à des conditions de taux plus avantageuses que celles
qu’elles auraient obtenues en Grande-Bretagne (la société mère ayant un accès à la devise moins
coûteux que ses filiales). La différence importante entre les swaps de chance et les prêts parallèles est
que les swaps ont l’avantage d’être des produits « hors bilan ».
Chapitre 7

Les produits dérivés


de change : swaps et
contrats à terme

Introduction

Les produits dérivés sont des outils précieux en matière de gestion des
risques et constituent certainement l’une des plus importantes
innovations financières du XXe siècle. Le terme de « marchés dérivés »
désigne l’ensemble des marchés, qu’ils soient de gré à gré ou organisés,
sur lequel s’échangent des produits financiers, à terme fermes ou
optionnels, ainsi que des contrats d’échange appelés swaps. Ces
instruments financiers servent à se protéger contre le risque de variation
des prix d’autres actifs financiers, monétaires ou physiques, appelés sous-
jacents (ces actifs peuvent être des matières premières, des titres, des
taux d’intérêt, des indices ou des devises…).
Ainsi, en concluant un contrat à terme, ou en achetant un future sur
une devise, il est possible de se garantir aujourd’hui un taux de change
certain pour une opération de change future. Grâce à une option de vente
sur le blé, un agriculteur peut se garantir un prix de vente minimum pour
sa production, et ce bien avant que sa récolte n’ait eu lieu.
Les produits dérivés jouent un rôle d’assurance ou de couverture, et les
marchés de produits dérivés permettent à ceux qui veulent se protéger de
transférer leur risque sur une ou plusieurs contreparties prêtes à
l’assumer. De la même façon qu’il ne peut y avoir d’assurance sans
assureur, il ne peut y avoir de marchés dérivés sans spéculateurs pour
assumer le rôle de contrepartie dans le transfert des risques. Comme le
font remarquer les auteurs du Précis Dalloz de Droit financier : « un
instrument dérivé a en principe simultanément cette double fonction de
couverture et de spéculation suivant la position prise par l’investisseur, i.
e suivant que l’investisseur est acheteur ou vendeur du titre dérivé. En
effet, un opérateur ne peut accéder à un mécanisme de couverture que
parce que, symétriquement, un autre opérateur s’est engagé dans une
démarche différente de nature spéculative ».
Depuis les années 1970 et la globalisation économique et financière,
les risques auxquels font face les acteurs se sont accrus, et la nécessité de
les couvrir a contribué au développement exponentiel des marchés
dérivés, notamment des marchés organisés (qui sont des bourses privées)
tels que le CME (Chicago Mercantile Exchange) ou le CBOT (Chicago
Board of Trade) qui ont été les premiers marchés organisés sur matières
premières, céréales et produits de change et de taux, ou plus récemment
le LIFFE (London International Financial Futures and options
Exchange, compartiment londonien de notre bourse NYSE-Euronext),
l’Eurex (European Exchange, marché germano-suisse) ou les marchés
dérivés asiatiques comme le Shanghai Futures Exchange (SHFE) ou le
SGX-DT en Thaïlande. Toutes ces places boursières sont en concurrence
entre elles, et chacune tente de proposer les produits les plus attractifs
pour augmenter la liquidité de leur marché. Pour autant, les marchés de
gré à gré continus à être très actifs, car il est possible sur ces marchés
d’obtenir des conditions plus souples de couverture du risque.
Nous nous concentrerons dans ce chapitre sur deux produits financiers
dérivés qui permettent de gérer efficacement le risque de change. Ce sont
les swaps et les contrats à terme ferme sur devises. Nous analyserons en
détail les produits optionnels dans le chapitre suivant.

I. Généralités sur les produits dérivés

Les produits dérivés peuvent être négociés (achetés et vendus) selon


trois modalités différentes. Ils peuvent tout d’abord être négociés sur un
marché réglementé, tels que le NYSE-Euronext LIFFE qui est un des
deux marchés dérivés européens. Ils peuvent l’être également sur un
marché qui n’est pas réglementé, mais simplement « organisé », comme
l’est celui géré par Powernext SA pour les contrats portant sur
l’électricité. Enfin, il est possible de conclure des contrats financiers à
terme ou optionnels de gré à gré, c’est-à-dire directement entre deux
contreparties (les dérivés sont alors dits « OTC »[1]).

1. Les différents marchés

Les marchés de gré à gré ou OTC traitent des dérivés sur mesure et
négociés de manière bilatérale. Les échéances et les montants sont
adaptés aux besoins des agents, et les prix auxquels se font les
transactions sont négociés entre les parties. Même si elles ne sont pas
réglementées, les modalités de transactions sont souvent régies par des
usages ou bien, et c’est de plus en plus le cas, par des contrats spécifiques
(notamment des contrats cadres). Ces produits échappent toutefois à toute
réglementation d’autorité de tutelle (telle que l’AMF) et comporte de ce
fait des risques importants de défaut. Les principaux marchés de gré à gré
sont des marchés interbancaires sur lesquels s’échangent des devises et
des instruments de taux.
Les marchés organisés se caractérisent principalement par des produits
standardisés (standardisation au niveau des quantités, des qualités, des
dates et des lieux de livraison), des positions négociables en continu (il
est possible d’acheter et de revendre à n’importe quel moment le produit
dérivé pendant la journée de cotation), ainsi que par l’existence d’une
chambre de compensation qui se porte contrepartie de chacun des
intervenants.
Enfin, les marchés réglementés sont des marchés organisés sur lesquels
les opérations se réalisent selon des règles et procédures édictées et
contrôlées par des autorités de tutelle et qui garantissent la bonne fin des
opérations. Il en résulte un niveau de liquidité et de sécurité a priori bien
supérieur à celui des marchés de gré à gré.

2. Les modes de négociation selon les marchés


Les modes de négociation des contrats dérivés présentent des
caractéristiques différentes. Alors que les instruments proposés sur les
marchés réglementés ou organisés sont, par définition, des contrats
standardisés, les dérivés OTC sont créés sur mesure pour répondre
exactement aux besoins des opérateurs. Autant les dérivés de gré à gré
sont souples et adaptables, autant les contrats standardisés offrent
l’avantage d’une plus grande liquidité (puisqu’ils peuvent être plus
facilement revendus).
De plus, comme nous l’avons déjà noté, avec un dérivé OTC, il existe
toujours un risque de défaut, car la contrepartie peut ne pas être en
mesure de respecter l’engagement pris sur le sous-jacent. Ce risque, sans
être totalement inexistant, est considérablement réduit lorsque le produit
dérivé est traité sur un marché (réglementé ou organisé) en raison de
l’intervention d’une chambre de compensation jouant le rôle de
contrepartie. Ainsi, en passant une transaction sur le LIFFE, l’opérateur
bénéficie de la compensation de LCH. Clearnet SA est la contrepartie de
tous les vendeurs et de tous les acheteurs, garantit également le paiement
des flux financiers générés par les négociations et permet le dénouement
des contrats. Notons toutefois que, pour que la chambre de compensation
soit en mesure de garantir le bon dénouement des positions, il est
nécessaire qu’elle puisse s’assurer que chaque opérateur sera à même
d’exécuter l’engagement qu’il a contracté. La chambre de compensation
va, pour se couvrir, exiger des parties, acheteurs et vendeurs du sous-
jacent, qu’ils versent lors de l’enregistrement de leur ordre un dépôt de
garantie. Elle procédera par la suite à des appels de marge dont le
montant sera fonction du sens de l’ampleur du cours du sous-jacent.
Munies de la garantie et de la liquidité qu’offrent les chambres de
compensation, les bourses de produits dérivés ont connu un remarquable
développement. Mais beaucoup de professionnels, désirant échapper aux
inconvénients des marchés réglementés (notamment la standardisation
des produits qui y étaient négociés) tout en en gardant les principaux
avantages (la couverture contre les risques), se tournent encore vers les
banques (en général les grandes banques d’investissement) pour obtenir
une gestion personnalisée de leurs risques. Ceci explique que le volume
des transactions de gré à gré soit encore aujourd’hui plus important que
celui des marchés organisés.

3. Les produits dérivés sur devises en chiffres

Ce sont les swaps cambistes qui représentent, avec un montant


notionnel de 1 765 milliards de dollars en avril 2010, plus de 70 % des
dérivés sur devises négociées. Cela n’est pas étonnant car ce sont des
produits de cours terme utilisés quotidiennement par les opérateurs
professionnels dans la gestion dynamique de leurs positions de change.
Les produits à terme ferme (contrats à terme et swap de devises)
représentent en avril 2010 environ 20 % du marché, contre 8 % pour les
produits optionnels.
Tableau 1 : Produits dérivés sur devises : montants notionnels
quotidiens
en milliards d’USD
Instrument 1998 2001 2004 2007 2010
Instruments dérivés sur devises 959 853 1303 2319 2491
Contrats à terme ferme 128 130 209 362 475
Swaps cambistes (FX swaps) 734 656 954 1714 1765
Swaps de devises 10 7 21 31 43
Options et autres produits dérivés 87 60 119 212 207

Source : BRI, Rapport triennal 2010.


Encadré 1 : Les marchés de produits dérivés en chiffres
D’après l’avant-dernière enquête de la BRI, les montants
notionnels négociés sur les marchés organisés de produits
dérivés augmentent au taux moyen de +27 % par an, soit un
doublement en moyenne tous les quatre ans, avec une
accélération depuis 2002. Les données sur les marchés de gré à
gré (marché OTC) traduisent la même tendance avec une hausse
de +30 % environ chaque année.
Ce sont les contrats d’options, par opposition aux contrats à
terme fermes, qui se développent le plus rapidement (+31 %
contre +21 % par an). Pour ce qui est des sous-jacents, les
échanges sont dominés par les contrats de taux (88 % des
montants notionnels) et les contrats sur actions ou sur indices
boursiers (12 %) ; les autres contrats, notamment les produits de
change, sont assez marginaux. Par ailleurs, plus de la moitié
(55 %) des transactions a lieu aux États-Unis (39 % en eurospe,
5 % en Asie et 1 % dans le reste du monde), mais la croissance
est plus forte en eurospe (+46 % contre +25 % par an). Les
échanges sur les marchés dérivés OTC sont également dominés
par les contrats de taux (67 %). Les contrats sur actions et sur
matières premières ne représentent, respectivement, que 2 % et
1 % des montants notionnels traités. Ce sont les dérivés de
crédit, en particulier les credit default swaps, qui connaissent
l’essor le plus important : entre fin 2004 et juin 2007, les
montants ont été multipliés par six ! Ils représentent, en fin de
période, 8 % des montants échangés sur les marchés OTC, soit
presque autant que les dérivés de change (9 %).
Source : G. Capelle-Blancard « Les marchés dérivés sont-ils
dangereux ? », article de recherche Université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne & CNRS.

II. Les swaps de devises


Les swaps de devises ont fait leur apparition à partir de 1976, mais il
faudra attendre 1981 pour voir la première opération de swap entre une
entreprise et une banque (en l’occurrence entre IBM et la Banque
mondiale[2]) se réaliser. Depuis cette opération historique, le marché des
swaps n’a cessé de se développer, offrant une gamme de produits de plus
en plus vastes et sophistiqués, dans la plupart des devises, permettant aux
institutionnels et aux entreprises de gérer efficacement leurs positions de
change et de taux d’intérêt.
Un swap de devises (cross currency swap ou encore Xccy swap) est un
contrat de gré à gré (négocié hors bourse) par lequel deux contreparties
s’échangent, pendant une période donnée, un nominal (une dette en
général) ainsi que des flux d’intérêts libellés dans deux devises
différentes. Ces flux d’intérêts portent sur des montants nominaux
identiques mais exprimés dans deux devises différentes (le taux de
change en vigueur à la mise en place du swap servant à la conversion). Il
existe un grand nombre de types de swaps, avec des raffinements de plus
en plus sophistiqués pour répondre aux besoins particuliers des
investisseurs/emprunteurs, mais on distingue généralement 3 cas de
figure :

les 2 contreparties empruntent à taux fixe et échangent leurs


dettes contractées dans deux devises différentes ;
les 2 contreparties empruntent à taux flottant dans 2 devises
différentes et échangent ces dettes ;
une des contreparties emprunte à taux fixe, l’autre à taux
flottant dans 2 devises différentes et elles échangent ces dettes.

Contrairement à la plupart des produits de couverture du risque de


change (notamment les swaps de change), les swaps de devises sont des
opérations à moyen-long terme[3] : la durée initiale d’un swap est
habituellement de 2 à 15 ans (certains swaps peuvent porter sur 30 voire
40 ans).
Les deux parties peuvent traiter directement l’une avec l’autre, et fixer
de gré à gé les conditions du swap de façon à bâtir un swap sur mesure :
elles choisiront d’un commun accord le nominal sur lequel portera
l’opération, les intérêts que chacune versera à l’une et recevra de l’autre,
ainsi que la périodicité de ces versements d’intérêts. La date de départ du
contrat de swap correspond à celle du premier échange de flux (le
nominal), date à partir de laquelle commenceront à courir les intérêts. En
général, une banque ou une société de courtage permet la mise en relation
des deux parties et sert d’intermédiaire dans les transactions (elle est
alors broker[4]).
La banque peut également servir de contrepartie et garantir la bonne
fin de l’opération moyennant une marge servant à couvrir les frais de
transactions : la banque est alors en position de dealer. Lorsque les
banques jouent le rôle de contrepartie (on les appelle alors « banques de
swaps »), elles s’exposent au risque de change, de contrepartie ainsi que
de taux et vont donc tenir compte, pour établir leur marge, du coût de la
couverture de ce swap.
Les banques peuvent réaliser, pour le compte de leurs clients, des
swaps sur mesure. Mais elles proposent également des swaps
standardisés, dit « plain vanilla[5] », qui sont des contrats de swaps
basiques dont les conditions de taux sur chaque devise font l’objet de
cotations sur le marché des swaps.
Encadré 2 : La cotation des taux de swap par les « banques
de swap »
Lorsque les banques ou les dealers de swaps servent de
contrepartie aux opérations de swaps, elles proposent des swaps
standards sur paires de devises, avec comme devise de référence
l’USD et l’EUR, et comme devises contreparties n’importe
quelle autre devise (selon les opérateurs). Ces swaps sont côtés
tous les jours sur le marché des swaps plain vanillla, i.e des
swaps offrant la possibilité d’échanger des montants en devises
moyennant des versements d’intérêts à taux variables pour les
deux parties. On les appelle encore des cross currency basis
swaps.
Comme les banques peuvent servir de contrepartie à l’achat ou
à la vente d’une devise suivant les besoins du client, elles
affichent leurs conditions pour ces deux cas de figures : elles
cotent ainsi « receveur » et « payeur » (en bid-ask) contre une
devise de référence (l’USD ou bien l’EUR) et par rapport à un
taux de référence qui est le plus souvent le taux LIBOR 6mois
ou le LIBOR 3mois[6].
Les conditions de marchés (offre et demande de devises au
comptant et à terme, niveau des taux d’intérêt pour les
différentes devises sur les marchés interbancaires…) vont
déterminer les marges demandées par les banques pour se porter
contrepartie à l’achat ou à la vente, et donc les prix qu’elles
afficheront.
Le tableau ci-dessous nous donne quelques-unes des cotations
observées le 18 décembre 2003 pour des Xccy swaps « devise
contre USD » sur plusieurs échéances (exprimées en années yr) :

Source : ICAP -plc, www.icap.com.


Prenons un exemple pour comprendre comment se lisent ces
cotations : un swap de base sur la paire de devise USD/JPY à
échéance 3 ans cote – 1,75/- 4,75. Ces chiffres représentent les
spreads ajoutés par la banque aux conditions de taux des
marchés, et constituent sa rémunération. Cette cotation – 1,75/-
4,75 signifie que si la banque reçoit, dans le cadre du swap, les
intérêts LIBOR 3mois sur l’USD, elle paiera en contrepartie le
LIBOR 3mois sur JYP – 1,75 point de base (pips[7]) alors
qu’elle recevra LIBOR 3mois sur JPY – 4,75 pips si elle est
payeur du LIBOR 3mois USD.
Le 18 décembre 2003, le taux d’intérêt LIBOR 3mois sur
USD valait 1,17 % et le LIBOR 3mois sur JPY 0,057 %. Ainsi
une banque qui entrait dans un swap USD/JPY à cette date
affichait les conditions suivantes : elle recevait 1,17 % sur l’USD
et payait en retour 0,057 % - 0,017 % = 0,04 % sur le JPY.
Symétriquement, elle payait 1,17 % – 0,0475 % = 1,1225 % sur
l’USD si elle recevait 0,057 % sur le JPY.

1. Les caractéristiques générales d’un swap de devises

Le principe d’un swap de devises est celui d’une opération de prêt et


d’emprunt simultanés entre deux parties :

À la mise en place de l’opération, les parties se prêtent


mutuellement le « principal » libellé dans une devise contre un
montant équivalent libellé dans l’autre devise. Elles
s’entendent également sur les taux d’intérêt qui seront versés
par chacune des parties à l’autre tout au long de la durée du
contrat.
Durant la période couverte par le swap, chaque contrepartie
effectue les paiements d’intérêts[8] sur le principal reçu et
selon la périodicité convenue (annuellement ou mensuellement
par exemple). Parfois, les intérêts ne sont pas versés selon la
même périodicité : une partie pourra payer les intérêts
trimestriellement tandis que l’autre versera des intérêts
annuels. Les taux d’intérêt peuvent être tous deux fixes, ou
l’un fixe et l’autre variable, ou bien tous les deux variables. À
partir du moment où l’un des deux taux est variable, il sera
nécessaire de réévaluer à chaque échéance les montants
d’intérêts versés ou reçus.

Graphique 1 : Description des flux financiers dans un swap de


devises

Avec X = montant nominal en devise 1 ;


X.S = montant nominal en devise 2, équivalent au montant
X au cours de change spot S.
À l’échéance du swap, les deux parties remboursent les montants en
devises échangés, sur la base du taux de change prévalant dans le contrat
(il n’y a donc pas réévaluation à terme des montants prêtés : les montants
remboursés sont les mêmes que ceux échangés au départ).
Lors du montage de l’opération de swap, il convient d’en définir les
caractéristiques. Il faudra ainsi stipuler le montant nominal sur lequel
portera le swap, le cours de change qui servira de référence pour les
échanges de nominaux, les dates de départ et d’échéance du swap, ainsi
que les taux d’intérêt, fixes ou variables, qui seront servis dans le cadre
du swap et leur périodicité. Concernant les intérêts que chacune des
parties versera à l’autre, il n’y a pas de négociation possible si l’une des
contreparties est une banque de swap (puisque celle-ci côte le « prix » du
swap, cf. encadré 2). En revanche, si le swap est négocié entre deux
entreprises, les montants d’intérêts versés et reçus dépendront du pouvoir
de négociation de chacune des parties.
Tableau 2 : Les caractéristiques d’un swap de devises
Noms il s’agit de définir exactement la dénomination et le type des contreparties (filiale ou autre
des structure juridique d’un groupe précis par exemple). Les deux parties peuvent être deux
parties
entreprises ayant des besoins symétriques, mais le cas de figure le plus courant est celui où
au moins une des parties est une banque.
Le les deux parties doivent se mettre d’accord sur le cours de change à appliquer dans le but de
nominal déterminer la valeur de leur capital respectivement, et sur les modalités d’échange du
du swap capital.
Les taux peuvent être fixe/fixe, fixe/variable (cross-currency swap) ou bien
Les
variable/variable (basis swap). Ils seront exprimés dans des bases différentes en fonction de
taux
la fréquence de paiement des intérêts (annuelle ou semi-annuelle) ou en fonction des
d’intérêt
modalités de décompte des jours d’intérêts.

Même si, sur les marchés, le volume des swaps de devises est moins
important que celui des autres produits de couverture de gré à gré,
l’intérêt pour ce type de produits a été grandissant au cours des trente
dernières années. Les institutions financières, les organismes d’État
(Caisses de retraites, Trésor Public…) et les entreprises (essentiellement
multinationales) ayant des investissements directs à l’étranger sont les
principaux utilisateurs des swaps de devises.
L’expansion du marché des swaps en général (swaps de devises ou de
change, mais également swaps de taux d’intérêt ou d’actifs) est due aux
avantages que ces produits procurent en matière de gestion de trésorerie
ou de portefeuilles, mais également en tant qu’instruments de couverture
du risque. Les swaps de devises permettent notamment aux acteurs de :

modifier le libellé en devises de leurs actifs et passifs : plutôt


que de modifier la composition même des actifs ou passifs, il
est possible grâce au swap de devises de « transformer » une
dette (un placement) en devise en une dette (un placement) en
monnaie nationale, de sorte que l’exposition au risque de
change se retrouve temporairement ou durablement atténuée.
se financer au moindre coût et/ou d’optimiser le rendement
d’un portefeuille d’actifs : dès lors que l’accès à des
financements/placements sur les marchés des eurodevises
s’avère plus intéressant que des opérations directes dans la
devise nationale. Par exemple, il peut être judicieux de coupler
un emprunt en devises avec un swap pour bénéficier d’un
emprunt à coût réduit[9], tout en se couvrant contre le risque
de change lié à l’opération d’emprunt. De même, la gestion
d’un portefeuille de titres internationaux génère un besoin de
couverture important pouvant être réalisé grâce à des swaps.

Encadré 3 : De l’utilité des swaps de devises pour un


groupe multinational
Pour les groupes qui se financent quasi exclusivement dans
leur devise fonctionnelle, mais dont l’essentiel de l’activité se
réalise à l’étranger, les swaps de devises permettent à la fois de
financer les opérations des filiales dans leurs devises respectives
(par le biais des prêts intragroupes, les intercos) et de faire
correspondre les actifs et passifs du groupe.
Prenons le cas d’une maison mère américaine (dont
l’endettement est essentiellement en USD) et d’une filiale
française (dont les revenus sont libellés en EUR). La société
mère décide de contracter un swap « EUR contre USD » avec
une banque (elle prêtera des USD et empruntera des EUR). Le
montant des devises échangées à la date initiale du swap (la
maison mère récupère des EUR) peut être rétrocédé par la
maison mère à la filiale française pour que celle-ci puisse
financer son activité.
Par la suite, les intérêts perçus dans le cadre du swap (en
USD) vont correspondre à ceux devant être versés par le groupe
au titre de son endettement. Toujours dans le cadre du swap, les
intérêts versés (en EUR) par la maison mère vont être compensés
par ceux payés par la filiale dans le cadre du prêt interco.
Sur le graphique ne sont représentés que les flux d’intérêts
versés ou reçus dans le cadre des différentes opérations.
Grâce au swap, le groupe transforme ainsi de façon
« synthétique » la devise dans laquelle une partie de ses dettes
est libellée, de façon à ce que cette dette corresponde aux actifs
étrangers du groupe (dans l’exemple, les actifs de la filiale).

2. Mise en place d’un swap de devise pour couvrir le risque de change


sur un emprunt à moyen ou long terme

Nous allons illustrer à l’aide d’un exemple numérique l’intérêt des


swaps dans la gestion des positions de change, notamment lorsqu’il s’agit
pour une entreprise de couvrir son risque de change sur un emprunt
existant[10].
Exemple 1 : Swap de devises et emprunt obligataire
Examinons donc un swap de devises typique. Prenons
l’exemple d’une entreprise suisse qui décide de se refinancer à
hauteur de 100 000 CHF par émission obligataire en devises
étrangères, pour un montant de 120 000 USD (le taux de change
au moment de l’émission étant CHF-USD = 1,20). L’emprunt
obligataire a une maturité de 3 ans et paye rUSD = 2 % d’intérêts
annuels, soit un coupon de 2 400 USD, ce qui correspond
aujourd’hui à 2 000 CHF. Si elle avait effectué un emprunt
directement en CHF, elle aurait dû payer un taux fixe de 3 %
d’intérêts sur 100 000 CHF, soit 3 000 CHF d’intérêts, ou bien
un taux variable LIBOR sur CHF qui actuellement vaut 2,6 %
(soit 2 600 CHF d’intérêts). Elle a opté pour une émission en
USD car les conditions d’emprunt étaient plus intéressantes
actuellement compte tenu des différentiels de taux de change et
d’intérêts sur les marchés.
L’entreprise suisse craint une dépréciation de sa devise face au
dollar américain car cela augmenterait mécaniquement le
montant des coupons versés, ainsi que la valeur de
remboursement du nominal emprunté. De façon à couvrir le
risque de change sur la valeur de son emprunt et des coupons
qu’elle versera semestriellement, elle décide d’effectuer un swap
de devises lui permettant de convertir son endettement à taux
fixe en USD en dette à taux fixe en CHF (de façon à bénéficier
de la baisse des taux accompagnant probablement la dépréciation
du CHF).
Supposons qu’elle trouve une banque lui proposant un swap
receveur « USD-CHF, 2 % contre LIBOR CHF +0,1 % »,
paiements des intérêts annuellement. L’opération globale,
émission obligataire + swap peut être représentée de la façon
suivante :
À la date initiale, l’entreprise suisse procède à l’échange des
120 000 USD empruntés sur le marché obligataire contre
100 000 CHF. Durant les 3 années à venir, elle recevra 2 %
d’intérêts annuels versés par la banque de swaps sur les USD
(soit 2 400 USD), et lui paiera en contrepartie LIBOR CHF
+0,1 % d’intérêts sur les 100 000 CHF. Au terme des 3 ans, les
contreparties se rétrocéderont les nominaux échangés et
verseront les derniers intérêts.
Grâce au swap, l’entreprise suisse a pu « transformer » son emprunt
initial en emprunt en CHF. Pour le voir, il suffit de retracer l’ensemble
des flux financiers pour l’entreprise suisse (exprimés en milliers) :
Date 0 1 2 3
Emprunt 120 USD - - - 120 USD
Intérêts Emprunt - -2,4 USD -2,4 USD -2,4 USD
-120 USD + 100
Swap nominal - - +120 USD – 100 CHF
CHF
Intérêts swap
- 2,4 USD 2,4 USD 2,4 USD
reçus
Intérêts swap -100 (LIB -100 (LIB
- -100 (LIB +0,1 %)
payés +0,1 %) +0,1 %)
-100 (LIB -100 (LIB -100 CHF – 100 (LIB
FLUX NETS 100 CHF
+0,1 %) +0,1 %) +0,1 %)

Au final, tout se passe donc comme si l’entreprise suisse payait


annuellement 100 000 (LIBOR +0,1 %) d’intérêts annuels sur un
emprunt de 100 000 CHF.
Grâce à l’opération de swap, l’entreprise s’est donc couverte contre le
risque de change, et a dans le même temps transformé son endettement à
taux fixe en une dette à taux variable (nous aurions pu raisonner taux fixe
contre taux fixe, le résultat aurait été le même). Elle se retrouvera donc
endettée chaque année au taux du marché (plus la marge de la banque), ni
plus ni moins. Quant à la banque, elle a prélevé sa marge de 0,1 % qui est
censé rémunérer le risque qu’elle prend dans l’opération.
Encadré 4 : Le cas de l’émission obligataire en GBP de
France Télécom (nov.2010)
Dans le prolongement de l’annonce, le 10 novembre 2010, de
son offre de rachat d’un maximum d’un milliard d’euros sur ses
obligations 2012 et 2013, France Télécom a réalisé une émission
obligataire à 40 ans libellée en livres sterling. Cette opération a
été menée par HSBC et la Société Générale, qui sont intervenues
en qualité de chefs de file : [11] [12]
Devise Format Maturité Montant Coupon Marge re-offer50
GBP taux fixe 40 ans 250 millions 5,375 % Gilt51 + 115 pb

Le Groupe a approché le marché sur la base d’une transaction


limitée dès l’origine à 250 millions de GBP, qui a suscité une
forte demande de la part des investisseurs britanniques.
L’intégralité de l’émission a fait l’objet d’un swap de devises,
qui a permis d’obtenir un coupon fixe en euros de 4,46 % à 40
ans.
Avec l’émission en GBP, France Telecom a su bénéficier d’un
arbitrage favorable entre le marché GBP et le marché EUR qui
lui permet de se financer en euros à 40 ans à 4,46 %. Sur le
marché euro, ce coupon aurait pu être obtenu sur une maturité
maximale de 18 ans, avec en plus un risque d’exécution
considérablement plus important, du fait de l’absence de
demande sur la partie longue du marché obligataire en euros. La
maturité obtenue par France Telecom sur le marché sterling est la
plus longue jamais obtenue par un émetteur du secteur Telecom
et le coupon de la tranche sterling est le plus bas jamais obtenu
par un émetteur du secteur Telecom sur des maturités longues.
De plus, l’opération de swap adossée à l’émission en GBP est
l’une des plus longues jamais traitées sur le marché des dérivés
par une entreprise. Cette opération a reçu un accueil
extrêmement favorable, et a été majoritairement placée auprès de
gestionnaires d’actifs, de sociétés d’assurances et de fonds de
pension britanniques.
Grâce à cette double opération d’émission en devise et de
swap, France Telecom a ainsi pu lever des fonds plus facilement
que si elle avait émis directement en EUR, tout en bénéficiant de
conditions d’emprunt à très long terme parmi les plus favorables
des marchés. Enfin et surtout, elle a transformé sa dette GBP en
EUR à moindre coût, se protégeant par là même contre le risque
de change, tout en se garantissant un remboursement à taux fixe
sur 40 ans à 4,46 %.

3. Utilisation d’un swap de devises pour financer un


investissement direct à l’étranger

Lorsqu’une entreprise désire financer un projet d’investissement à


l’étranger, elle peut trouver intéressant de s’endetter directement dans la
devise étrangère correspondant à l’investissement (et donc aux cash-
flows futurs qu’elle récupérera). Une autre solution est de passer par un
swap de devises de façon à éviter le risque de change inhérent à
l’opération d’emprunt en devises, tout en levant les fonds nécessaires à la
mise en place de l’opération d’investissement.
Exemple 2 : La couverture d’un projet d’investissement à
l’aide d’un swap de devises.
Une entreprise française s’est engagée aujourd’hui (date 0) à
construire un complexe immobilier au Japon. Ce projet verra le
jour l’année prochaine (date 1), date à laquelle elle recevra des
commanditaires le paiement intégral de l’opération, soit
15 000 millions JPY. À la date d’aujourd’hui, elle doit investir
10 000 JPY dans le projet. Sachant que le cours de change actuel
est JPY-EUR = 0,90 pour 100 yens, cela correspond à un
investissement actuel de 90 millions d’EUR.
La conjoncture économique actuelle au Japon fait craindre une
dépréciation du JPY pour l’année à venir. Compte tenu de ses
anticipations, l’entreprise française envisage deux scénarios
pessimistes : (cas A) JPY-EUR = 0,75 ou bien (cas B) JPY-EUR
= 0,60 pour 100 yens.
Pour financer son projet, l’entreprise décide à la date 0
d’emprunter 10 000 x 0,0090 = 90 millions d’EUR qu’elle va
immédiatement convertir en JPY. La banque de l’entreprise a
accepté de lui prêter les 90 millions d’euros nécessaires à
l’opération, contre rEUR = 15 % d’intérêts annuels. Le coût total
de l’emprunt sera donc de 13,5 millions d’EUR, et l’entreprise
devra ainsi rembourser à la date 1 : 90 +13,5 = 103,5 millions
d’EUR.
Si à l’échéance, JPY-EUR = 0,0075 (cas A), alors l’entreprise
récupérera 15 000 x 0,0075 = 112,50 millions d’EUR, ce qui est
suffisant pour rembourser la dette de 103,5 millions d’EUR :
l’entreprise arrivera tout de même à dégager un profit de
9 millions d’EUR, malgré la chute du cours.
En revanche, si la baisse du JPY est plus nette, par exemple
dans le cas où JPY - EUR = 0,0060 (cas B), alors l’entreprise ne
récupérera que 15 000 × 0,0060 = 90 millions d’EUR, et
réalisera une perte nette de 13,5 millions d’EUR.
Pour se protéger contre le risque de change, supposons que
l’entreprise a négocié (dès la date 0), auprès d’une banque
japonaise, un swap de gré à gré sur nominal 10 000 millions de
JPY contre EUR, avec intérêts de 5 % sur l’EUR contre 20 % sur
le JPY, et cours de change de référence le cours spot 0,90.
L’opération globale (emprunt + swap de devises) peut être
représentée de la façon suivante :

Regardons de plus près les flux financiers relatifs à


l’opération :
À la date 0 : L’entreprise française s’endette EUR auprès de sa
banque à 15 % et procède au même moment à la première phase
de l’opération de swap, à savoir le versement à la banque
japonaise des EUR empruntés (90 millions) contre l’équivalent
en JPY (10 000 millions) qu’elle investit immédiatement dans le
projet. Les flux financiers nets sont donc nuls à cette date.
À la date 1 : L’entreprise française récupère les
15 000 millions de JPY. Elle les utilise pour payer les intérêts
dus dans le cadre du swap : 2 000 millions de JPY, et rembourser
les 10 000 millions de JPY swapé au départ. Il lui reste ainsi
3 000 millions de JPY. Il ne faut pas non plus oublier les intérêts
perçus grâce au swap sur les 90 MEUR prêtés à la banque
japonaise, soit 4,5 millions d’EUR. Elle rembourse également à
cette date le montant emprunté auprès de sa propre banque, ainsi
que les intérêts, soit un total de 103,5 millions d’EUR.
In fine, pour l’entreprise française, les flux financiers
(exprimés en millions) relatifs à l’opération globale, projet
+ emprunt + swap peuvent être résumés ainsi :
Date 0 1
Emprunt 90 EUR - 103,50 EUR
Swap nominal -90 EUR + 10 000 JPY 90 EUR – 10 000 JPY
Swap Intérêts 0 4,50 EUR – 2 000 JPY
Flux relatifs au projet immobilier -10 000 JPY 15 000 JPY
FLUX NETS 0 3 000 JPY – 9 EUR

Le résultat net de l’opération est ainsi de 3 000 millions de


JPY-9 millions d’EUR. Ce résultat dépendra du taux de change
JPY-EUR à la date 1.
Dans le cas A : l’entreprise gagnera 3 000 × 0,0075-9 = 13,5
M EUR. Dans le cas B, elle dégagera 3 000 × 0,0060-9 = 9
millions d’EUR de bénéfices, au lieu d’une perte nette de
13,5 millions d’EUR si elle n’était pas passée par un swap de
devises.
Si l’on résume les résultats obtenus :
CASH-FLOWS Cas A : JPY-EUR = 0,75 Cas B : JPY-EUR = 0,60
Emprunt + Projet 9 MEUR - 13,50 €
Emprunt + Projet + SWAP 13,5 MEUR 9 M EUR

En passant par un swap avec la banque japonaise, l’entreprise


se couvre contre le risque de change en s’assurant que le projet
sera rentable, que le yen se déprécie de 16 % (cas A) ou de 33 %
(cas B).

4. Utilisation d’un swap de devises pour s’endetter au moindre coût

Nous avons vu qu’une entreprise peut avoir intérêt à s’endetter dans


une devise étrangère pour bénéficier de conditions de taux plus
avantageuses, comme ce fut le cas pour France Telecom en novembre
2010 (cf. encadré 4). Parfois, lorsqu’une entreprise désire s’endetter dans
une devise qui n’est pas sa devise fonctionnelle, elle peut avoir intérêt à
s’endetter dans sa propre devise, puis à procéder à un swap de devises
avec une contrepartie ayant des besoins symétriques. Cet intérêt résulte
en grande partie des conditions d’emprunts différentes qui sont proposées
aux entreprises selon la devise dans laquelle elles s’endettent –
lorsqu’une entreprise américaine désire s’endetter en GBP, les conditions
d’emprunt auxquelles elle pourra accéder seront en général moins
favorables que celles proposées aux entreprises anglaises – mais
également selon la qualité de signature de ces entreprises – une entreprise
notée AAA par une agence de notation obtiendra des conditions de taux
plus avantageuses qu’une entreprise moins bien notée, par exemple BBB,
quelle que soit la devise choisie.
Nous allons montrer à travers un exemple concret comment un swap
de devises peut permettre de s’endetter dans une devise à des conditions
plus favorables que celles généralement obtenues dans le circuit
classique, à partir du moment où chaque contrepartie dispose d’un
avantage comparatif dans une des devises en jeu.
Exemple 3 : s’endetter dans une devise étrangère à moindre
coût
Une entreprise française doit emprunter 3 000 000 AUD pour
une période de 4 ans. Compte tenu de sa qualité de signature
correcte (AA), sa banque lui propose de les lui prêter au taux
rAUD = 3,50 % alors qu’elle lui proposerait pour un emprunt en
euros : rEUR = 2,50 %.
Une entreprise, notée AAA, située à Sydney désire emprunter
au même moment la même somme que l’entreprise française,
mais libellée en EUR (actuellement le taux de change est EUR-
AUD = 1,15).
Sa banque lui propose de les lui prêter au taux tEUR = 2 %
alors qu’elle proposerait rAUD = 1,50 % pour un emprunt en
AUD. Les intérêts sur ces emprunts sont payés annuellement.
Les conditions d’emprunt proposées à chacune des entreprises
par leur banque respective peuvent être résumées dans le tableau
suivant :
ENT FRANC. ENT AUSTR. Écart
Emprunt AUD 3,50 % 1,50 % 2 points
Emprunt EUR 2,50 % 2,00 % - 0,5 point

Si l’on compare ces conditions de taux, il apparaît que


l’entreprise australienne se voit proposer par sa banque des
conditions de taux plus avantageuses sur sa propre devise, ce qui
semble normal puisque l’AUD est sa devise propre. Ce n’est pas
le cas de l’entreprise française, dont les conditions de taux sont
moins bonnes que celles de l’entreprise australienne, y compris
sur sa propre devise. Cela est dû au fait que les deux entreprises
n’ont pas la même qualité de signature : parce que l’entreprise
française est moins bien notée, elle fait face à une prime de
risque plus importante qui vient annuler son avantage à
emprunter dans sa propre devise.
Il est alors légitime de se demander quel intérêt aura
l’entreprise australienne à entrer dans un swap avec l’entreprise
française, puisqu’elle dispose déjà des meilleures conditions de
taux sur les deux devises.
À y regarder de plus près, nous pouvons constater la chose
suivante : l’écart de taux pour les emprunts en AUD est de 1,5
point en faveur de l’entreprise australienne, tandis que le
différentiel des taux pour l’EUR n’est que de 0,5 point (toujours
en faveur de l’entreprise australienne). Cette entreprise dispose
donc d’un avantage comparatif dans sa propre devise.
Symétriquement, ce différentiel est le même pour l’entreprise
française (-1,5 point et – 0,5 point) qui est donc « moins
désavantagée » sur sa propre devise, l’EUR, que sur la devise
étrangère. Même si elle ne bénéficie pas d’un avantage absolu
dans sa propre devise, c’est en s’endettant dans celle-ci qu’elle
est le moins lésée, elle dispose donc d’un avantage relatif sur
l’EUR.
Nous allons montrer que chaque entreprise a intérêt à
s’endetter dans la devise pour laquelle elle dispose d’un avantage
comparatif, et à simultanément « swaper » sa dette avec l’autre
entreprise, de façon à bénéficier d’un taux d’emprunt effectif
plus avantageux : l’entreprise française va emprunter
3 000 000/1,15 EUR = 2 608 695,65 EUR à 2,50 % (et paiera
65 217 EUR d’intérêts à sa banque sur cet emprunt) puis les
échanger avec l’autre entreprise, qui elle empruntera 3 000 000
AUD à 1,50 % (soit 45 000 AUD d’intérêts) pour les prêter à
l’entreprise française.
La question qui se pose alors concerne les taux d’intérêts que
chacune sera disposée à recevoir et à payer sur ces montants
dans le cadre du swap.
C’est à ce stade que la détermination des « gains » à l’échange
est importante : l’entreprise australienne bénéficie d’un taux de
1,50 % sur l’AUD contre 3,50 % pour l’entreprise française. Si
elle prête les 3 000 000 AUD à l’entreprise française, elle le fera
à un taux au moins égal à 1,50 % (et ne gagnera rien dans
l’opération), et au plus égal à 3,50 % (au-delà, l’entreprise
française n’y trouverait aucun intérêt). N’importe quel taux
compris entre 1,50 % et 3,50 % permet aux deux parties de sortir
gagnantes sur l’opération en AUD (le raisonnement est similaire
sur l’EUR). Le taux sur lequel elles tomberont d’accord sera le
fruit des négociations qu’elles pourront mener.
Si par exemple, elles décident d’un commun accord d’un taux
de 2,50 % sur les 3 000 000 d’AUD, alors l’entreprise
australienne recevra 2,50 % d’intérêts dans le cadre du swap,
alors qu’elle ne paye que 1,50 % pour les 3 000 000 AUD
empruntés. Elle gagnera donc 1 point dans l’opération. De la
même façon, l’entreprise française qui recevra les 3 000 000
AUD paiera en contrepartie 2,50 % d’intérêts au lieu des 3,50 %
qui étaient demandés par sa banque, elle gagne également 1
point. La répartition des gains à l’échange sur l’AUD est donc
« équitable », les entreprises ayant chacune gagné la moitié des 2
points du différentiel de taux.
Nous pourrions considérer que l’entreprise australienne est en
position de force dans cette négociation, car c’est elle qui
« apporte » le gain à l’échange le plus important : 2 points
d’intérêts pouvant être partagés, contre seulement 0,5 de
différentiel d’intérêts (qui plus est négatif) sur l’EUR pour
l’entreprise française. Elle pourrait donc légitimement arriver à
imposer un partage plus avantageux des gains à l’échange, mais
par souci de simplification, nous allons supposer que le partage
des différentiels de taux est équitable sur les deux devises : le
swap sera conclu sur une base de (3,50 % – 1,50 %)/2 = 1 point
d’intérêts de plus sur le taux obtenu par l’entreprise australienne,
soit 1,50 % + 1 % = 2,50 %, et de (2 % – 2,50 %)/2 = –0,25
point de moins (car le différentiel est négatif) sur le taux obtenu
par l’entreprise française, soit 2,50 % – 0,50 % = 2,25 % sur
l’EUR, chaque taux d’intérêts portant sur le même nominal,
3 000 000 AUD (ou son équivalent 2 608 695,65 EUR).
L’entreprise française paiera donc 2,50 % × 3 000 000
= 75 000 AUD d’intérêts annuels à l’entreprise australienne qui
lui versera en contrepartie 2,25 % x 2 608 695,65
= 58 695,65 EUR d’intérêts.
Chaque entreprise se retrouve grâce au swap endettée dans la
devise souhaitée :
Entreprise française Entreprise australienne
Emprunt 2 608 695,65 EUR Emprunt 3 000 000 AUD
- 65 217 EUR -45 000 AUD
Intérêts Intérêts
(soit 65 217 × 1,15 = 75 000 (soit 45 000/1,15
Emprunt* Emprunt*
AUD) = 39 130,40 EUR)
3 000 000 AUD – 2 608 695,65 EUR – 3 000 000
Swap nominal Swap nominal
2 608 695,65 EUR AUD
58 695,65 EUR 75 000 AUD
Intérêts swap Intérêts swap
(soit 58 695,65 × 1,15 = 67 500 (soit 75 000/1,15
reçus* reçus*
AUD) = 65 217,40 EUR)
Intérêts swap Intérêts swap
- 75 000 AUD -58 695,65 EUR
payés* payés*
3 000 000 AUD – 82 500 AUD 2 608 695,65 EUR –
FLUX NETS FLUX NETS
* 32 608,65 EUR*

* les flux d’intérêts sont annuels


L’entreprise française se retrouve avec une dette de 3 000 000
AUD (ce qu’elle souhaitait au départ), qui lui coûte chaque
année (à taux de change constant) 67 500 AUD, soit un taux
d’endettement réel de 67 500/3 000 000 = 2, 75 %. Si elle avait
emprunté directement cette somme auprès de sa banque, elle
aurait dû payer 3,50 % d’intérêts, elle gagne donc 3,50 % –
2,25 % = 0,75 point grâce au swap.
De la même façon, l’entreprise australienne se retrouve grâce
au swap avec les 2 608 695,65 EUR désirés qui lui coûteront
chaque année 32 608,65 EUR d’intérêts, ce qui représente un
coût réel effectif de 1,25 %. Par rapport au 2 % qui étaient
proposés par sa banque, elle gagne 0,75 point. Le swap est donc
bien avantageux pour les deux entreprises par rapport à un
endettement direct dans la devise souhaitée.

5. Conclusion sur les swaps de devises


Dans cet exemple, nous avons considéré que les entreprises
concluaient le swap de gré à gré, sans passer par un intermédiaire
bancaire. Le plus souvent, les banques jouent ce rôle d’intermédiation,
moyennant une commission, un pourcentage prélevé sur le nominal à
chaque échéance d’intérêts. Cette commission vient alors réduire les
gains au swap obtenus par les deux parties[13].
L’intérêt de passer par une banque pour ce type d’opération est
pourtant évident dès lors que l’on se rappelle que les swaps sont des
contrats de gré à gré, comportant un risque de défaut (le risque qu’une
des contreparties ne respecte pas ses engagements), car s’ils sont passés
hors du circuit bancaire, ils ne sont assortis d’aucune garantie
d’exécution explicite. Ce risque de contrepartie est d’autant plus
important que les montants en jeu le sont (les nominaux doivent être
rétrocédés à terme), que la qualité de signature d’une des contreparties
est faible, et que l’horizon du swap est lointain.
Lorsqu’une banque joue le rôle de contrepartie ou d’intermédiaire dans
l’opération de swap, les parties bénéficient, grâce aux conventions
cadres, d’une protection juridique en cas de défaillance de l’autre
partie[14].
Encadré 5 : Les conventions-cadres
Devant le succès grandissant des opérations de swaps – et plus
généralement des produits financiers dérivés de gré à gré depuis
les années 1980 – les régulateurs des marchés ont cherché à
« standardiser » ce type d’opérations. Les opérations sont
souvent complexes, précises et détaillées, et nécessitent donc
l’application de règles protectrices des incertitudes du marché.
C’est tout l’objet des conventions-cadres rédigées par des
associations professionnelles (ISDA, FBF…) : ces conventions
sont des documents de référence qui ont pour vocation d’être
utilisées par les opérateurs pour établir les contrats de gré à gré.
L’association professionnelle la plus importante, l’ISDA,
regroupe plus de 600 membres qui sont les institutions et
banques présentes sur le marché des dérivés et des swaps.
D’une manière générale, une convention type se compose :
– de « conditions générales » applicables à toutes les
opérations à venir entre les parties et reprenant les grands
principes appliqués aux négociations.
– de « conditions particulières » (la confirmation) reprenant
les spécificités de la transaction, les parties négociant alors ce
seul point pour chaque nouvelle transaction. Chaque
confirmation est donc soumise aux principes généraux établis
par la convention-cadre.
L’intérêt de ces conventions-cadres est évident : elles
permettent une rationalisation des opérations de gré à gré, en
fournissant un cadre de référence et en harmonisant les
conditions juridiques permettant de garantir la bonne fin des
opérations de swap.
Dès lors qu’une opération telle qu’un swap est signée entre
une partie et une banque, celle-ci est systématiquement régie par
une convention-cadre. En ce qui concerne les opérations de gré à
gré sur devises, il en existe principalement 3 :
1- l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association)
pour les swaps et contrats financiers à terme (produits dérivés)
qui sont encadrés par l’ « ISDA2002 Master Agreement ».
2- les FBF (Fédération Bancaire Française), pour les
« opérations de marché à terme » et les produits dérivés,
s’appliquent en général quand l’une des parties à la qualité de
résident français.
3- la FXNET (Foreign Exchange Netting and Close-out
Agreement) pour les opérations sur devises.
Nous allons voir dans la suite de ce chapitre qu’il est possible de
substituer aux swaps d’autres produits de couverture, comme les contrats
à terme ou les options sur devises qui constituent également des moyens
de couverture sur le moyen terme. Mais les swaps de devises permettent
de bénéficier de cash-flow réguliers, contrairement à ces produits dérivés
dont les paiements et/ou règlements n’ont lieu, en général, qu’à
l’échéance. De plus, dans le cadre d’un accord de swap, il n’est pas
nécessaire pour l’entreprise de payer une « prime » au départ du swap, ce
qui en fait un instrument souvent moins onéreux qu’une option sur devise
par exemple. Enfin, le caractère « sur-mesure » d’un swap en fait un
produit souple et particulièrement adapté aux besoins de plus en plus
sophistiqués. En revanche, les montants nominaux sur lesquels portent
les swaps atteignent souvent plusieurs milliers voire millions d’euros, ce
qui limite leur intérêt pour les acteurs de taille modeste qui leur préfère
les contrats à terme fermes ou optionnels.

III. Les contrats à terme ferme sur devises

Les contrats OTC sont communément dénommés forward tandis que


les instruments dérivés sur marchés organisés ou réglementés sont
communément appelés futures. Cette terminologie permet de bien
différencier ces produits selon les marchés sur lesquels ils sont négociés.
Pourtant, le principe général d’un contrat à terme est identique quelle que
soit sa nature, seules, nous le verrons, les conditions de négociations, de
conclusions et de règlements associées aux contrats diffèrent.
Concernant les contrats à terme sur devises, il n’est pas possible de
trouver sur les marchés organisés des futures sur toutes les paires de
devise : seuls les risques relatifs aux variations des couples de devises les
plus usuelles (EUR/USD, USD/JPY, etc.) peuvent donc être couverts en
passant pas ces marchés. Ainsi le NYSE -LIFFE ne propose que des
contrats futures sur la paire EUR/USD traités sur la place d’Amsterdam :
chaque titre permet de s’assurer un prix d’achat ou de vente fixe pour
20 000 USD, à échéance 1 à 12 mois.

1. Les contrats forwards sur devises


Négociés auprès des banques, les contrats de change à terme
permettent de se garantir un cours de change fixé à l’avance.
Dans une opération à terme ferme, deux contreparties s’engagent
aujourd’hui à échanger (acheter ou vendre) une devise contre une autre à
une date ultérieure. Les termes de l’accord font l’objet d’un contrat dans
lequel sont spécifiés, au moment de la mise en place de l’opération, les
montants de devises engagées, le cours de change auquel se fera la
transaction, la date à laquelle se dénouera l’opération ainsi que les
modalités de livraison des devises (effective ou par compensation[15]).
Un contrat à terme de gré à gré est donc une opération ferme et
définitive, dans laquelle chacune des parties à l’obligation de livrer ou de
vendre à l’autre la devise spécifiée au cours prédéfini.
Nous verrons que les banques proposent, selon les besoins, plusieurs
types de forwards sur devises, mais auparavant, nous allons rappeler le
principe du change à terme déjà présenté dans le chapitre 3 de cet
ouvrage.

1.1. Rappels sur le change à terme

Une opération de change à terme est intéressante pour les entreprises,


qu’elles soient exportatrices ou importatrices, car elle permet d’éliminer
l’incertitude liée aux fluctuations futures des cours. Les exemples
d’opérations proposés dans le tableau ci-dessous illustrent, de façon plus
synthétique, le principe du change à terme détaillé dans le chapitre 3.
Exemple 4 : Le principe de l’achat et de la vente à terme
Le principe même de l’achat ou de la vente à terme est de figer le
cours de change de façon à couvrir parfaitement le risque de change de
l’entreprise : les 100 000 USD coûteront 139 140 EUR à l’importateur,
l’exportateur recevra 138 930 EUR, quel que soit le cours de change à
l’échéance sur le marché au comptant. En signant un contrat à terme avec
sa banque, une entreprise se couvre parfaitement mais renonce de ce fait
à bénéficier d’une évolution des cours de change qui lui serait favorable.
Ainsi, imaginons qu’au terme des 3 mois le cours de change sur le
marché au comptant ait baissé et se soit établi à USD/EUR = 1,3880-
1,3885. Si l’importateur ne s’était pas couvert, il aurait dû payer
138 885 EUR au lieu de 139 140 EUR garantis par l’opération d’achat à
terme. Ses anticipations ne s’étant pas confirmées, son opération lui
coûte plus cher que s’il ne s’était pas couvert. Mais c’est le prix de la
tranquillité. L’exportateur en revanche bénéficie de la couverture,
puisqu’il n’aurait récupéré que 138 880 EUR au lieu des 138 930 garantis
par le contrat à terme.
Il est possible de négocier plusieurs types de contrats à terme, leurs
caractéristiques pouvant différer selon les besoins exprimés par
l’entreprise, ou bien la nature de la paire de devises à couvrir. Quelques
uns de ces contrats sont présentés ci-dessous.

1.2. Le foreign exchange agreement (FXA)


C’est sous la forme d’un contrat à terme sur devises FXA que sont
contractualisées les conditions d’un achat ou d’une vente à terme de
devises classiques, comme illustrées dans l’exemple précédent.
Même si cet engagement est en théorie ferme et définitif, les banques
peuvent proposer de réexaminer, à n’importe quelle date avant
l’échéance, les conditions du contrat, notamment la date de conclusion (si
le client désire accélérer ou retarder la livraison de la devise) ou les
montants de devises engagées. Cela a évidemment un prix, puisque les
banques n’accordent cette souplesse à ses clients qu’au cas par cas, et
réévaluent systématiquement la « valeur » du contrat de sorte à ne pas
être lésées dans l’opération.
Comme pour les swaps de devises, ces contrats OTC sont depuis peu
régis par des conventions cadres qui garantissent l’exécution du contrat.

1.3. Le Long Term forex agreement (LTFX)

Le principe d’un LTFX est de rassembler en un seul produit des


opérations de change à terme successives. Par sa construction, c’est donc
un instrument particulièrement adapté à la couverture d’opérations
générant une série de flux financiers futurs, comme les paiements
d’intérêts annuels sur des emprunts en devises, ou bien le rendement
annuel d’un portefeuille obligataire à long terme.

1.4. Le Non Deliverable Forward (N.D.F.)

Il s’agit d’un instrument dérivé de change créé par les banques, destiné
à couvrir le risque de change sur une devise partiellement ou non
convertible et qui ne se traite donc pas sur un marché de change à
terme (en général à cause de restrictions réglementaires). Négocié de gré
à gré, le NDF reprend le principe d’une opération de change à terme
(forward), sans toutefois entraîner de livraison effective de la devise à
l’échéance. L’opération à terme débouche sur le paiement net dans une
devise convertible (généralement l’USD) correspondant à l’écart entre le
cours à terme contractuel et le cours effectif au comptant.
Les NDF ont la particularité d’être négociés hors de la juridiction des
autorités dont relèvent les monnaies concernées, et leur tarification n’est
pas tributaire des taux d’intérêt locaux.
L’Asie constitue la majeure partie de l’activité mondiale dans le
compartiment over the counter des NDF. Apparus au milieu des années
1990 avec le durcissement des contrôles après la crise asiatique, ils ont
constitué une alternative au marché à terme classique pour les
investisseurs étrangers exposés à une monnaie locale ne pouvant être
traditionnellement couverte.
Même si les statistiques ne sont pas entièrement fiables, comparables
et homogènes, les résultats des enquêtes et les estimations des teneurs de
marché permettent un classement sommaire des NDF en fonction des
monnaies.
Tableau 3 : Les Non Deliverable Forward en Asie

Quel est le principe d’un NDF ?


Un contrat NDF porte sur un montant fixe dans la monnaie
partiellement convertible. Les contreparties se mettent d’accord sur une
date d’échéance, sur un cours de change à terme ainsi que sur la façon
dont sera déterminé le cours de référence. Ce cours tient compte des
conditions de marché du moment.
À l’échéance du contrat, on compare le prix du contrat avec le cours de
référence. La différence est réglée, dans la devise convertible (ou devise
forte), par le vendeur ou l’acheteur selon le signe de cette différence et le
sens de la transaction, de façon à garantir exactement la contre-valeur du
nominal du NDF dans la devise forte.
Exemple 5 : le cas d’un exportateur en devise non
convertible
Un exportateur va recevoir 2 000 (millions) de KRW (won
sud-coréen) dans 3 mois. Le dernier cours de référence du dollar
par rapport au won est USD-KRW = 1 075. Souhaitant garantir
aujourd’hui la contre-valeur en USD de cette somme, il contracte
un NDF auprès de sa banque, d’échéance 3 mois, dont le cours à
terme est à ce jour FUSD - KRW = 1 085. La contre-valeur à
l’échéance des 2 000 KRW est actuellement de 1 843 318 USD,
ce qui est donc le montant garanti par le NDF.
À l’échéance (3 mois), si le dernier cours de référence est de
1 090, la contre-valeur des 2 000 KRW n’est plus que de
1 834 862 USD. L’exportateur reçoit alors 8 456 USD versés par
sa banque pour garantir la contre-valeur de son nominal en
KRW.
À l’inverse, si l’USD s’est déprécié et que le cours de
référence est passé à 1 070, la contre-valeur de ses 2 000 M
KRW est de 1 869 159 USD. Selon les termes du contrat NDF,
c’est donc notre exportateur qui va abandonner à son banquier :
1 869 159 - 1 843 318 = 25 841 USD. Ainsi, la contre-valeur à
l’échéance des 2 000 KRW est toujours de 1 843 318 USD.
On constate donc que, quel que soit le cours du KRW à
l’échéance du terme, l’exportateur aura effectivement converti sa
créance au cours convenu par le NDF, sans perte ni profit de
change. À la différence du change à terme, le banquier
n’intervient que dans un règlement de différence de cours et ce,
pour le montant initial convenu. Cela n’est pas gênant,
l’essentiel, pour l’exportateur, étant évidemment de pouvoir fixer
à l’avance son cours à terme et de voir sa rentrée de devise
effectivement convertie à ce cours.
2. Les futures sur devises

Le principe des contrats futures est le même que les contrats OTC :
garantir un taux de change fixé à l’avance pour une transaction future sur
devises.
Les futures sont des produits standardisés, qui s’échangent sur
différentes places boursières spécialisées dans les produits dérivés. Les
acteurs se porteront acheteurs ou vendeurs de futures selon la position
qu’ils ont sur la devise principale du future. Par exemple, notre
importateur (exemple 4) qui désire acheter 100 000 USD dans 3 mois en
contrepartie d’EUR, se portera vendeur de futures à échéance 3 mois sur
la paire EUR/USD (ou acheteur de futures sur la paire USD/EUR
puisqu’il désire acheter la devise principale du future, ici l’USD).
Symétriquement, notre exportateur, qui désire s’assurer un prix de vente
à 3 mois pour ses USD, sera acheteur de futures échéance 3 mois sur
EUR/USD, ou vendeur de futures USD/EUR puisqu’il désire acheter des
EUR à un taux garanti.
Le nombre de contrats futures à vendre ou acheter dépendra de la
« taille » de chaque contrat, i. e du montant de devises couvertes par un
contrat. Si par exemple chaque contrat sur USD/EUR porte sur 10 000
USD, notre importateur devra se porter acheteur de 10 contrats (10 ×
10 000 = 100 000 USD qui est le montant qu’il désire couvrir contre le
risque de change).

2.1. Les marchés de futures et la cotation des titres

Les premiers marchés de futures étaient des bourses de marchandises :


céréales, matières premières, métaux, bétails…, dont le tout premier
apparût au XVIIe siècle (marché à terme du riz au Japon). Les premiers
marchés réglementés apparaîtront eux aux États-Unis au XIXe siècle : le
Chicago Board of Trade (CBOT) en 1848 et le Chicago Mercantile
Exchange market (CME) en 1874.
Il faudra attendre 1972 pour voir apparaître les premiers futures sur
devises sur l’IMM (International money market), devenu depuis un
compartiment du CME, et 1975 pour les futures sur taux d’intérêts (sur le
CBOT).
Par la suite, toutes les places boursières importantes de la planète ont
mis en place un compartiment dédié aux transactions sur produits
dérivés : le SFE (Sidney Futures Exchange market) en Australie, le
LIFFE (London international financial futures and options exchange)
compartiment londonien de notre bourse NYSE-Euronext, l’Eurex
(marché germano-suisse), ou plus récemment les places asiatiques avec
notamment le Shanghai Futures Exchange Market de Hong Kong
(HKEx).
Encadré 6 : Les caractéristiques du contrat future
EUR/USD sur le CME
Tableau 4 : EUR/USD future (Euro FX)

Source : CME group,


http://www.cmegroup.com/trading/fx/g10/eurofx_contract_speci
fications.htmlwww.cme
Le contrat Euro FX est coté à Chicago depuis 2000. C’est un
des 54 contrats à terme sur devises (20 devises proposées) cotés
sur le CME, qui est le marché le plus actif concernant ce type de
transactions. D’autres places boursières cotent des futures sur
EUR/USD (c’est la paire de devises la plus demandée). En
concurrence les unes avec les autres, chacune tente de satisfaire
le marché, en proposant des contrats dont les caractéristiques
sont différentes, notamment en terme d’échéance, de montants,
de marges et de taux garanti.
Sur le CME, la valeur d’un contrat Euro FX est fixée à
125 000 EUR, mais il faut disposer, pour acheter ou vendre un
contrat future d’un montant financier bien inférieur, appelé
deposit, et qui varie de 2 200 à 5 400 USD[16] par contrat selon
les conditions de marché. Il y a 6 échéances possibles pour ce
type de contrat, une par trimestre (à date fixe, le 3e mercredi du
mois d’échéance). Par exemple, en mai 2011, les échéances
possibles pour l’Euro FX sont juin 2011 (à 1 mois),
septembre 2011 (à 3 mois), décembre 2011, mars, juin et
septembre 2012. Il est donc possible de se couvrir à 1, 3, 6, 9, 12
et 18 mois sur cette paire de devise.
Pour attirer plus d’acteurs sur le marché des dérivés de
change, les opérateurs du CME cotent depuis quelques années
des futures de taille plus modeste que l’Euro FX. Ainsi l’E-mini
Euro FX (1/2) permet d’opérer une couverture sur 62 500 EUR
et l’E-micro Euro FX (1/10) sur 12 500 EUR.
Compte tenu de la faible marge initiale qu’il faut bloquer pour
faire effectuer une transaction (le deposit), l’effet de levier sur ce
type de produit est élevé. Cela explique que, même si ces
produits sont avant tout des produits de couverture, la grande
majorité des contrats sur l’Euro FX sont traités à des fins de
spéculation pour parier sur la hausse ou la baisse de l’euro face
au dollar. Ces positions spéculatives peuvent durer de quelques
secondes à plusieurs mois, selon l’horizon d’anticipation du
spéculateur, et générer des profits importants.

La cotation des futures

La cotation des futures est donnée par le marché tous les jours en
continu. Celle-ci exprime le cours de change futur garanti par le contrat.
Les cotations des contrats futures sont exprimées en fourchette (bid-ask)
selon que l’opérateur qui cote est acheteur de la paire de devise (et donc
celui qui cherche à se couvrir vendeur) ou bien vendeur de cette paire. Le
tableau 5 ci-dessous donne un exemple de cotation sur le future
CAD/USD affichées à Chicago le 22 juin 2011. La cotation n’apparaît
pas en fourchette, mais en valeur moyenne (MID) sur une journée.
Ce contrat à terme porte sur un montant 100 000 CAD. Pour ce future,
il existe plusieurs lignes de cotations correspondant à des échéances
différentes. La cotation classique est la cotation à l’incertain de la devise
principale du marché (ici l’USD) : le 22 juin 2011, la valeur du future
CAD/USD échéance juin 2012 s’est établie à la clôture à 1,04470, soit 1
CAD contre 1,0447 USD.
Tableau 5 : La cotation Globex du future CAD/USD
sur CME le 22 juin 2011
CAD/USD Future on CME
Date échéance Open High Low Last Vol
Sep’11 1,05820 1,05920 1,04790 1,05290 76467
Dec’11 1,0552 1,05650 1,04540 1,05100 338
Mar’12 1,04620 1,04770 1,04430 1,04430 40
Jun’12 1,04470 1,04470 1,04470 1,04470 1
Sept’12 1,04850 1,04850 1,04850 1,04850 1
Dec’12 - - - 1,02890 -

Source : Tradingcharts,
http://futures.tradingcharts.com/marketquotes/EC.html
Si vous désirez vous couvrir aujourd’hui (22 juin 2011) sur la vente
dans 6 mois de 200 000 CAD contre USD, vous allez vous porter
vendeur de 2 contrats CAD/USD échéance décembre 2011. Le taux de
change auquel sera garantie la transaction à terme va dépendre du
moment de la journée où vous avez passé votre ordre de vente. Si vous
l’avez passé en tout début de journée, il y a de fortes chances pour que
vous ayez bénéficié d’un taux garanti peu éloigné du cours d’ouverture
(1,05520). Si votre ordre est passé en fin de journée, il l’aura été à un
cours proche du cours de clôture (1,05100). Le cours a évolué tout au
long de la journée entre 1,04540 et 1,05650 (plus bas et plus haut
constatés).
Imaginons que vous ayez vendu vos 2 futures au taux de change
garanti de clôture 1,0510 USD pour 1 CAD. Vous vous assurez ainsi, si
vous conservez le titre jusqu’à l’échéance, de vendre 200 000 CAD
contre 200 000 × 1,0510 USD et donc de récupérer en décembre 2011 la
somme de 210 200 USD.

Cotation des futures et taux de change à terme

Il est important de noter que le cours des contrats futures diffère du


cours spot pour les mêmes raisons que le cours de change à terme était
supérieur ou inférieur au taux de change au comptant (cf. chapitre 3).
De plus, le cours d’un contrat future est toujours très proche du cours à
terme sur une même échéance. Si tel n’était pas le cas, les opérateurs
bénéficieraient d’opportunités d’arbitrage durables : il serait possible
d’acheter une devise à terme (si la devise était moins chère) et de vendre
au même moment des futures sur cette même devise, pour en retirer un
gain immédiat et sans risque (hors frais de transaction). En réalité, les
cours diffèrent pourtant légèrement pour tenir compte du mécanisme
d’appels de marge inhérent aux transactions sur futures, mécanisme qui
génère un risque de trésorerie pour l’investisseur : les gains ou les pertes
sont évalués tous les jours dans le cadre des liquidations fictives de
positions, alors que pour les contrats à terme de gré à gré, les gains ou les
pertes de position sont constatés à l’échéance.

Le dénouement des opérations à l’échéance

Sur les marchés dérivés de devises, deux modes de livraison des


devises sont possibles à terme : par livraison physique des CAD, ou bien
par cash settlement (par compensation). Les futures, qui font l’objet
d’une livraison physique de la devise, sont dénoués par le versement
effectif de la devise couverte. Dans notre exemple, vous serez donc
obligé d’effectuer un virement de 200 000 CAD sur le compte de la
chambre de « règlement-livraison » du CME, qui en retour créditera
votre compte de 210 200 USD. Sur le marché à terme des devises, la
grande majorité des contrats sont liquidés par livraison physique de la
devise couverte, mis à part les devises relativement « récentes » sur ce
marché qui sont traitées en cash settlement (le réal brésilien, le won
coréen ou encore le rouble russe). Les futures faisant l’objet d’une
livraison par compensation le sont dans la devise contrepartie (par
exemple un future sur réal brésilien contre dollar américain sera livré en
USD). La chambre de « règlement-livraison » ne créditera ou ne débitera
sur votre compte que le montant des gains ou pertes réalisés sur le
marché des futures par comparaison avec le cours de change au terme de
l’opération[17].

2.2. La couverture par achat ou vente de contrats futures : le principe des


appels de marge

Le principe des dépôts de garantie et des appels de marge existent sur


les marchés financiers pour limiter le risque de contrepartie dans les
opérations, notamment les opérations à terme. Sur les marchés dérivés, il
est obligatoire et se fait auprès de la chambre de compensation de la
société de bourse, par l’intermédiaire d’un virement bancaire.
Un acheteur de futures ne paie pas aujourd’hui la totalité de la valeur
du contrat future qu’il achète. Par exemple, notre importateur qui achetait
les 100 000 USD à terme ne paiera ces 100 000 USD au taux garanti que
dans 3 mois, et non pas aujourd’hui. En revanche, il devra verser à la
chambre de compensation un dépôt de garantie forfaitaire (le deposit en
anglais), variable selon la nature des contrats mais toujours faible (ce qui
explique l’effet de levier des contrats à terme). Ce dépôt de garantie est
censé correspondre à la perte maximale que l’investisseur est susceptible
d’encourir entre deux séances de cotations ; c’est donc un moyen de
s’assurer que chaque partie dispose bien des fonds nécessaires pour tenir
sa position (acheteur ou vendeur d’une devise) chaque jour jusqu’à
l’échéance.
La chambre de compensation va ainsi procéder à des liquidations
fictives des positions des opérateurs, cela s’appelle le marked to market :
selon que l’opérateur est « gagnant » ou « perdant » sur une position, la
chambre puisera dans le deposit ou bien créditera le compte de
l’opérateur. Tous les jours, elle procédera à des appels de marge pour
reconstituer le dépôt de garantie si celui-ci a été entamé par une
fluctuation du marché défavorable. Si, a contrario, la position de
l’investisseur s’améliore, la chambre procède à des restitutions de
marges. Si l’opérateur ne répond pas à ces appels de marge, son compte
est bloqué et sa position liquidée automatiquement par le marché, la
chambre récupérant le deposit pour couvrir ses pertes. Chaque jour,
l’appel de marge est calculé sur le « cours de compensation » qui est fixé
par l’autorité de marché à la clôture des cotations, pour chaque échéance
de contrat future, et sur la base des derniers cours cotés.
Encadré 7 : La compensation des opérations sur les marchés
organisés des produits dérivés
Les bourses de produits dérivés présentent une grande
spécificité par rapport aux bourses de valeurs : cette spécificité
est la garantie offerte par la chambre de compensation (clearing).
Les chambres de compensation sont les pierres angulaires des
marchés dérivés. Ce sont des institutions très importantes car, en
se substituant aux deux co-contractants, elles garantissent la
bonne fin des contrats futures et des options qui sont négociées.
Les chambres de compensation gèrent des sommes très
importantes car elles collectent les dépôts de garantie et gèrent
les appels de marge.
Pour ce qui est des dépôts de garantie (deposits), tout acheteur
et tout vendeur d’un contrat dépose auprès du clearing (nous
simplifions outrageusement la réalité, car il faudrait faire
intervenir les membres compensateurs) une somme d’argent (de
800 à 3 000 dollars) variable selon la volatilité du sous-jacent, la
valeur nominale du contrat négocié, la nature de l’opération
(couverture, spéculation, arbitrage) et le type d’opérateur
(investisseur institutionnel, opérateur individuel, opérateur
professionnel). Pour ce qui est des options, seuls les vendeurs
(puisque le risque des acheteurs est limité et connu au moment
où l’opérateur achète l’instrument dérivé) constituent un dépôt
de garantie. […] Chaque soir après la fermeture du marché (ou à
un moment bien précis de la journée quand les transactions sont
électroniques), la chambre de compensation procède à la
réévaluation de la position ouverte en fonction des cours d’appel
de marge (pour simplifier, le dernier cours coté de la journée de
bourse ou le cours au moment où le clearing procède à la
réévaluation lorsque les transactions sont électroniques). Toute
perte potentielle sur une position ouverte due à une variation
défavorable des cours (une hausse depuis l’appel de marge de la
veille pour une position vendeuse ; une baisse pour une position
acheteuse) doit être comblée par un apport de fonds de
l’opérateur qui détient cette position. Les pertes potentielles
doivent être versées en cash au clearing qui les rétrocède
immédiatement aux opérateurs qui ont fait un gain potentiel
depuis l’appel de marge de la veille[18].
Les chambres de compensation garantissent la bonne fin des
transactions et suppriment de fait le risque de crédit. Elles
limitent à 24 heures le risque de variation des prix et garantissent
la liquidité des marchés dérivés. Leur rôle est crucial. Il est
tellement important que la plupart des grandes bourses de
produits dérivés (CME, New York Mercantile Exchange, Eurex)
n’ont pas cru bon de le sous-traiter à un organisme indépendant
de la bourse. Pour les deux premières citées, la chambre de
compensation est complètement intégrée à la bourse et ne s’en
différencie pas sur le plan juridique.
Source : « Consolidation mondiale des bourses », rapport pour
le Conseil Économique, La Documentation Française, 2007.
Par le jeu des appels de marge, la somme totale correspondant au
deposit ainsi qu’aux différents gains et pertes enregistrés sur la position
de l’investisseur donnera, à l’échéance, exactement le même résultat
qu’un contrat à terme de gré à gré : l’opérateur récupérera le montant de
devises garanti par le contrat.
Pour bien comprendre ce résultat ainsi que le principe des appels de
marge, nous allons analyser les mécanismes en jeu à partir d’un exemple
numérique :
Exemple 6 : Illustration de la couverture par achat de
futures sur devises
Le 18 juin 2011, un importateur américain de yacht de luxe a
passé commande de 20 yachts de 30 mètres pour un montant
global de 100 millions d’euros. Le paiement du fournisseur
italien s’est fait en EUR, au moment de la livraison 3 mois plus
tard, soit le 18 septembre 2011. En date du 18 juin, le taux spot
EUR/USD valait 1,4728 – 1,4732 (s’il avait réglé sa commande
immédiatement, cela lui aurait coûté 147 320 000 USD).
L’importateur craignait que pendant ce laps de temps l’EUR
ne s’apprécie sensiblement par rapport à l’USD (EUR/USD
> ; 1,4732) ce qui aurait augmenté mécaniquement le prix
d’achat en USD de ses bateaux. Plusieurs solutions s’offraient à
lui :
1- Ne pas se couvrir, ce qui l’expose au risque de change sur
l’intégralité des 100 millions d’EUR.
2- Opter pour un forward sur devises, et signer
immédiatement avec sa banque un contrat à terme portant sur
l’achat de 100 millions d’EUR. La banque lui propose de faire
l’opération au taux à terme garanti EUR/USD = 1,4735.
3- Se tourner vers le CME et se porter aujourd’hui acheteur de
futures Euro FX échéance septembre 2011. Le montant du
deposit est fixé à 1,5 % par le CME.
Document n° 6.1 : Copie écran de la cotation EuroFX au 18 juin
2011
Ex-post, il est facile d’analyser quel aurait été le résultat, suivant
l’option choisie, en connaissant les évolutions de cours sur le marché
spot des devises et sur le marché des futures entre les deux dates.
L’investisseur étant acheteur d’EUR à terme, nous n’avons besoin de
connaître que les cotations à la vente d’EUR (ask). Voici les informations
utiles pour mener notre analyse :
Document n° 6.2 : cotations spot et EuroFX entre juin 2011 et
septembre 2011
Cotations
Date Spot EUR/USD (1) EuroFX
18/06/11 1,4732 1,4735
19/06/11 1,4683 1,4685
20/06/11 1,4731 1,4728
21/06/11 1,4946 1,4947
22/06/11 1,5033 1,5037
(…) (…) (…)
17/09/11 1,5099 1,5102
18/09/11 1,5000 1,5000

Entre le 18 juin 2011 et le 18 septembre 2011, l’EUR s’est


effectivement apprécié, comme le craignait notre importateur. Il est
important de noter qu’au 18 septembre (échéance), l’EuroFX cote
exactement le cours spot : 1,5000. Cette égalité entre les deux cours à
l’échéance est toujours vraie pour n’importe quel contrat future sur
n’importe quel sous-jacent : le cours d’un future est toujours égal au
cours au comptant du sous-jacent à l’échéance, sinon il y aurait une
opportunité d’arbitrage immédiate, consistant à acheter le sous-jacent
sur le marché où il est le moins cher (au comptant ou sur le marché du
future) et à le revendre simultanément sur l’autre marché.
1- Sans couverture : imaginons que notre importateur ait choisi de ne
pas se couvrir. Entre la signature du contrat et la date d’échéance, aucune
opération n’est effectuée. Le 18 septembre 2011, il achète les
100 millions d’EUR au cours spot du moment (colonne 1) soit à
EUR/USD = 1,5000. Sa commande lui coûte alors 150 000 000 USD (au
lieu de 147 320 000 USD s’il avait réglé sa commande en juin).
2- Couverture par contrat à terme de gré à gré : en s’engageant
auprès de sa banque à acheter 100 000 000 USD au taux EUR/USD
= 1,4735, l’importateur se garantit de payer, quelle que soit l’évolution
des cours, 100 000 000 × 1,4735 = 147 350 000 USD le 18 septembre.
C’est donc un peu plus cher que s’il avait réglé au comptant (mais il a pu
disposer de ces USD entre-temps, ce qui n’est pas négligeable en terme
de trésorerie) mais sa commande lui revient bien moins cher que s’il ne
s’était pas couvert, puisqu’il gagne 150 000 000-147 350 000
= 2 650 000 USD par rapport à un change au comptant le 18 septembre
2011.
3- Couverture par future : le 18 juin 2011, le future échéance
septembre 2011 cotait 1,4735 à la vente, et sa « valeur », tout comme le
cours spot de la devise sous-jacente, a fluctué sur toute la période. Les
cotations pour un contrat future apparaissent dans la colonne (2) du
tableau précédent.
Pour pouvoir couvrir sa position de 100 000 000 EUR, l’importateur
va devoir se porter acheteur de futures dont le nominal porte sur
125 000 EUR. Il lui faudra donc acheter le 18 juin 2011 :
100 000 000/125 000 = 800 contrats pour être parfaitement couvert.
Compte tenu des contraintes réglementaires, il devra au même moment
procéder au versement de la marge initiale. Au 18 juin, le future cote
1,4735, chaque contrat vaut donc : 125 000 × 1,4735 = 184 147,50 USD,
c’est le montant sur lequel l’importateur est exposé sur chaque contrat, et
qu’il doit donc assurer par le dépôt de garantie. Ce dépôt de garantie
s’élève à 1,5 %[19] du montant exposé, ce qui représente 2 762, 81 USD
par contrat, soit pour 800 contrats, un deposit total[20] de 2 156 250
USD. L’importateur ouvre un compte sur le CME et dépose le dépôt
initial.
La valeur initiale d’un contrat ainsi que le montant du deposit
apparaissent à la première ligne des colonnes (4) et (9) du tableau ci-
dessous, qui représente l’évolution de la position de l’importateur dans le
temps, en fonction des fluctuations quotidiennes des cours.
Document n° 6.3 : Positions quotidiennes sur contrats EuroFX

Dès le lendemain, le 19 juin à la clôture des cotations, l’EUR se


déprécie sur le comptant (col.1 lig.2) et le contrat EuroFX cote 1,4685
(col.2 lig.2). La valeur d’un contrat future baisse pour s’établir à
183 562,50 USD (col 4.lig.2). La chambre de compensation compare à
présent la valeur que vient de prendre votre contrat future sur le marché
avec la valeur initiale de votre contrat, i. e 184 187,50. Puis elle procède
au marked to market, dont on peut résumer le principe ainsi : si
l’importateur décidait de revendre ses contrats aujourd’hui (les futures
sont négociables à tout moment, et peuvent donc être achetés et vendus
n’importe quand jusqu’à leur échéance), il enregistrerait une perte de 625
USD (col.6 lig.2) par contrat puisqu’il récupérerait 183 562,50 USD alors
que chaque contrat valait 184 187,50 lorsqu’il l’avait acheté :
183 562,50- 184 187,50 = - 625 USD. À ce stade, il est donc pour le
moment en position de « perdant » sur le marché des futures. De façon
symétrique, ceux qui se sont portés vendeurs de tels contrats au 18 juin
enregistreraient, s’ils revendaient leurs contrats (s’ils liquidaient leur
position), un gain de 625 USD par contrat. De manière à être en mesure
de régler les gains des vendeurs s’ils liquident leurs positions, la chambre
de compensation va donc débiter le compte de l’importateur du montant
correspondant, pour créditer celui de la contrepartie anonyme. Le compte
de l’importateur diminue donc de 625 USD pour passer à 2 137,81 EUR
(col. 7 lig.2), ce qui est insuffisant pour couvrir le deposit[21].
L’importateur doit donc le reconstituer pour qu’il revienne à 2 762,81
USD[22]. C’est la chambre de compensation qui se charge de l’alerter en
procédant à un appel de marge correspondant à ce montant (col.8 lig.2),
ce qui permet de rétablir son dépôt à sa valeur initiale.
Le jour suivant, le 20 juin, la même opération se répète. Le cours du
contrat est remonté à 184 100 USD par rapport à ce qu’il valait le jour
précédent. Notons, et c’est important, que le marked to market consiste à
comparer une position de liquidation fictive au jour le jour, i. e comme si
l’on avait acheté (ou vendu) le contrat future la veille et que l’on avait
vendu (ou acheté) ce même contrat le jour même. L’importateur apparaît
à ce stade en position de « gagnant » par rapport à la veille : s’il liquidait
sa position, il gagnerait 184 100 - 183 562,50 = 537,50 USD par contrat
(col6.lig3). Son compte ayant été ramené à 2 762,81 USD la veille, il
passe à présent à 3 300,31 USD (col7.lig3). À ce stade, l’importateur a le
choix entre laisser son gain dans son compte ou bien demander une
restitution de marge (col8.lig3). Nous avons supposé ici qu’il optait pour
la seconde solution, ramenant ainsi la position de son compte au montant
initial.
Et le processus se poursuit ainsi, tous les jours jusqu’à l’échéance (où
l’importateur recevra enfin les 100 000 000 EUR) : le 18 septembre,
l’importateur enregistre une dernière perte de 1,275 USD et sa position
est liquidée. Chaque EUR valant à terme 1,50 USD, il est redevable
d’une somme de 187 500 USD par tranche de 125 000 EUR couverts,
soit un total de 150 millions d’USD, auquel il faut retrancher le deposit
déjà versé. Mais il a également réalisé des gains et des pertes chaque jour
jusqu’à l’échéance. Il convient à présent d’évaluer précisément ce qui a
été effectivement gagné et ce qui a été payé pendant cette période.
Pour chacun des contrats, l’importateur a versé le deposit de 2 762,81
USD (restitué ou bien décompté à l’échéance), puis a gagné – 625
+ 537,50 +2 737,50 + 1 125 – (…) – 62,50 – 1 275, soit un total de
3 312,50 USD sur chaque contrat, ce qui représente sur les 800 contrats :
2 650 000 USD.
L’importateur a donc versé au total (187 500 – 2 762,81) – 2 762,81 –
3 312,50 = 184 187,50 USD par tranche de 125 000 EUR, soit un total de
147 350 000 USD. C’est ce que lui aura coûté in fine l’achat de ses 20
Yachts, i. e exactement le montant garanti par le contrat EuroFx échéance
sept.2011.
Ce montant est exactement le même que celui récupéré grâce au
contrat de gré à gré (qui proposait évidemment la même garantie de taux
de change). Ainsi, par le jeu nécessaire des appels de marge, la somme
totale correspondant au deposit ainsi qu’aux différents gains et pertes
enregistrés sur la position de l’investisseur donnera, à l’échéance,
exactement le même résultat qu’un contrat à terme de gré à gré :
l’opérateur récupérera le montant de devises garanti par le contrat.
En conclusion, il apparaît que le système des appels de marge
successifs n’est qu’un moyen « technique » permettant de proposer une
couverture à terme identique à celles que l’on peut monter de gré à gré,
avec en prime une garantie quasiment totale contre le risque de
défaillance des parties perdantes. Ce mécanisme de compensation des
positions illustre aussi un point essentiel : sur ce type de marché, les
gains des uns sont les pertes des autres. Il s’agit globalement d’un jeu à
somme nulle : le seul gagnant étant l’organisateur du jeu, la chambre de
compensation, qui encaisse une commission lors de chacune des
transactions.
Cet exemple permet également de comprendre tout l’intérêt de ce
genre de produit pour les spéculateurs. En effet, pour se porter acquéreur
ou vendeur de futures sur devises, il n’est pas nécessaire de disposer d’un
montant colossal de devise contrepartie, un simple deposit de quelques
EUR ou USD suffit pour pouvoir ensuite acheter ou vendre plusieurs
milliers de devises à terme. L’effet de levier dont nous avons déjà parlé
est parfaitement illustré dans notre exemple. En conservant chaque
contrat EuroFX jusqu’à l’échéance, il est possible de dégager un gain net
de 3 312,50 EUR, soit un gain de 6 075,31 EUR pour une mise initiale de
2 762,81 USD. L’effet de levier est ici de 2 762,81/6 075,31 soit de 1
pour 2,2, ce qui est loin d’être négligeable pour une opération portant sur
plusieurs millions. Les spéculateurs peuvent même espérer un effet de
levier beaucoup plus important en liquidant leurs positions avant le
terme. Cela leur évite notamment d’avoir à livrer ou à recevoir une
devise qu’ils ne possèdent pas ou qu’ils ne désirent pas (car à l’échéance,
la livraison physique de la devise a généralement lieu). Cela leur permet
également de maximiser leurs gains en dénouant au « bon » moment leur
position (cf. paragraphe 2.4).
2.3. Les limites des contrats à terme standardisés

Nous avons illustré, à travers l’exemple 6 précédent, l’équivalence


entre un contrat forward et un contrat future. En réalité, les choses sont
moins triviales que cela. Si notre importateur avait dû régler une facture
de 100 334 000 EUR, il n’aurait pas été en mesure de couvrir la totalité
de cette somme avec les EuroFX. La taille de chaque contrat étant de
125 000 EUR, il aurait pour cela du acheter 100 334 000/125 000
= 802,672 contrats, ce qui est impossible. Il devra donc se contenter de
802 contrats couvrants 100 250 000 EUR et rester exposé au risque de
change sur les 84 000 EUR restant. La couverture ne sera donc pas
parfaite si le nominal à couvrir n’est pas divisible par la taille de chaque
contrat future.
De la même façon, imaginons que notre importateur ait eu à régler ses
100 000 000 EUR non pas précisément le 18 septembre, mais le
31 octobre. Les échéances possibles pour les EuroFX ne correspondent
pas au besoin spécifique de notre importateur, rendant par là même ce
type de couverture inapproprié.
Le manque de souplesse des contrats futures explique en grande partie
pourquoi les contrats à terme OTC représentent encore aujourd’hui une
part conséquente des produits de couverture à terme.

2.4. Le dénouement des opérations sur futures avant terme

Dans la majorité des cas, le dénouement des contrats à terme ferme sur
devises intervient avant leur échéance, par liquidation de la position (i. e
acquisition – ou cession – d’un même nombre de contrats identiques que
ceux conclus à l’origine). L’opération se solde donc soit par un
encaissement, soit par un paiement selon que la prévision de l’opérateur
se réalise ou non. Les raisons diffèrent selon les opérateurs.
Ceux qui ont un réel besoin de couverture peuvent choisir de dénouer
leurs opérations avant le terme pour plusieurs raisons : par exemple, s’ils
pensent que l’évolution des cours futures, qui leur a été jusqu’alors
favorable, pouvait se renverser. Ils espèrent ainsi tirer partie de
l’évolution parallèle des cours au comptant en s’exposant aux
fluctuations de change. Ils peuvent également ne plus avoir besoin de
cette couverture : si notre importateur de yachts ne reçoit pas sa livraison
à temps, il n’aura pas à régler sa commande, et sa couverture devient
inutile.
Les autres, ceux qui spéculent sur le marché à terme pour tirer partie
des évolutions de cours, dénoueront avant terme afin de ne pas avoir à
livrer ou encaisser la devise, et choisiront le moment le plus favorable
pour dégager le maximum de gains. Reprenons l’exemple de notre
importateur de yachts.
Imaginons qu’au lieu de conserver jusqu’au 18 septembre sa position
acheteur d’EUR, l’importateur choisisse de dénouer sa position le 22 juin
2011. Le jour même, il se porte vendeur de 800 contrats EuroFX
échéance 18 septembre 2011. Il « dénoue » sa position puisqu’il est alors
à la fois acheteur (il l’est depuis le 18 juin) et vendeur (seulement depuis
aujourd’hui 22 juin) de 800 contrats EuroFX échéance 18 septembre.
Pour la chambre de compensation, qui met face à face les acheteurs et les
vendeurs pour les mêmes contrats, tout se passe comme s’il était sa
propre contrepartie dans les deux opérations.
Que gagne l’importateur à dénouer sa position ce jour-là ? Exactement
la somme des gains ou pertes réalisés sur chaque contrat, soit
-625 + 537,50 + 2 737,50 +1 125 = 3 775 USD par contrat, qui est le
solde de son compte au 22 juin.

Notre importateur va donc gagner au total 3 775 × 800 = 3 020 000


USD, ce qui est bien plus que ce qu’il aurait gagné en conservant jusqu’à
l’échéance ses futures (2 650 000 USD).
Si notre exportateur était informé le 22 avril qu’il ne serait pas livré, il
réalise, en plus de se libérer d’une couverture inutile, une bonne
opération financière puisqu’il dégage un gain net de 3 020 000 USD. Il a
eu de la chance, il aurait très bien pu devoir dénouer sa position à un
moment où les cours lui étaient moins favorables. Il aurait alors
enregistré une perte, ou aurait été contraint d’attendre et d’espérer un
retournement des taux.
Même si notre importateur avait toujours besoin de se couvrir contre le
risque de change pour sa transaction future, il aurait également pu choisir
ce dénouement anticipé. En revendant ses futures, il dégage un gain
substantiel qu’il pourrait considérer comme suffisant pour couvrir les
éventuelles pertes de change à venir.
Enfin, si notre importateur n’était qu’un spéculateur parmi beaucoup
d’autres qui pariait sur une appréciation de l’EUR, il aura eu la joie de
voir ses anticipations se réaliser et d’empocher au bout de seulement 4
jours : 3 020 000 USD de profits nets. En revendant avant le terme, il
bénéficie d’un effet levier important de 3 775,00 EUR. Soit un gain de
6 075,31 EUR pour une mise initiale de 2 762,81 USD. L’effet de levier
est ici de 1 pour 4,3.
Encadré 8 : Les principales différences entre contrats OTC
et standardisés
FUTURES FORWARDS
sur paire de devises sur paire de devises
Marché Réglementés ou organisés De gré à gré
Taille des
contrats (montant
Standardisés Au choix des contreparties
couvert par
contrat)
Fixées par le marché. En général, à date
Échéances Au choix des parties, à date libre
fixe en mars, juin, septembre et décembre
Taux de change Affiché par le marché à partir du taux de Négocié par les parties, à partir du taux
garanti change à terme théorique de change à terme théorique
En continu par appels de marge (marked
Règlement À date d’échéance
to market)
Nul, mis à part frais de trading + dépôt de
Nul, mis à part les frais de dossiers
Coût garanti (qui constitue un coût
bancaires
d’opportunité, même si in fine récupéré).
Intervenants Anonymes Connus (la banque et son client)
Importante car contrats négociables et Faible : se dénoue à l’échéance sauf
Liquidité
souvent liquidés avant maturité. négociation avec contrepartie
Moyenne : risque de contrepartie pour la
Sécurité Bonne : Chambre de compensation banque même si les deux parties sont
couvertes par un contrat-cadre.
Bibliographie

D. OGIEN, Pratique des marchés financiers, Dunod, 2005.


M. BELLALHA , Gestion des risques de taux d’intérêts et de change,
Pearson, 2007.
J. HULL et al., Gestion des risques et institutions financières, Pearson,
2007.
J. HAMON, B. JACQUILLAT, C. SAINT-ÉTIENNE, Consolidation
mondiale des bourses, rapport pour le Conseil Économique, La
Documentation Française, 2007, 211 p.

Exercices

Exercice 1

Votre monnaie nationale est le MXN et vous attendez une rentrée


d’1 million d’USD dans 3 mois.
Sur le CBOT, vous pouvez acheter ou vendre des futures sur MXN,
chaque contrat portant sur 250 000 MXN. Aujourd’hui, en t = 0, les cours
spot et forward pour le MXN sont les suivants S0MXN-USD = 0,20 et
F0MXN-USD = 0,22.
Quelle est la devise sur laquelle vous devez vous couvrir ? Combien de
contrats futures vous faut-il acheter ou vendre ? Justifiez bien vos
réponses.
Supposons que nous sommes au terme des 3 mois (t = 3) et qu’à ce
jour S3MXN-USD = F3MXN-USD = 0,24. Pourquoi le taux de change à
terme à 3 mois est-il égal au cours spot à l’échéance ? Combien de MXN
allez-vous finalement récupérer (détaillez les opérations qui seront
effectuées sur le CBOT et au comptant).
Supposons qu’1 mois avant le terme, votre client a annulé votre
commande de 1 million d’USD. Vous allez alors devoir « dénouer » votre
position sur le CBOT à la date t = 2, soit avant le terme. Si à cette date
S2MXN-USD = 0,21, et F2MXN-USD = 0,20, réaliserez-vous une bonne
opération ?
Remarque : la résolution de cet exercice permet d’illustrer plusieurs
points :
– le principe de la couverture par achat ou vente de futures, qui si dans
le principe aboutit à la même chose qu’un contrat à terme de gré à gré, ne
fonctionne pas de la même façon en pratique.
– le fait que les futures soient standardisés (échéances fixes, montants
couverts standardisés, etc.) implique que la couverture peut n’être que
partielle, et que donc le risque de change puisse ne pas être totalement
éliminé.
– si la couverture du risque de change devient inutile alors il est
possible de s’en défaire en « dénouant » sa position, au risque de perdre
de l’argent si les conditions du marché ont évolué défavorablement (cas
de la Q3).

Exercice 2

Une entreprise française : doit emprunter 100 000 USD pour une
période de 3 ans. Sa banque lui propose de les lui prêter au taux rUSD
= 3 % alors qu’elle propose pour les emprunts en euros : rEUR = 4,50 %.
Une entreprise américaine qui désire emprunter (au même moment) la
même somme mais en EUR, (soit 85 000 € au taux de change comptant
USD/EUR = 0,85). Sa banque lui propose de les lui prêter au taux t EUR
= 7 % alors qu’elle propose r$SUD = 1,5 % sur les emprunts libellés en
USD.
Les deux entreprises décident de contracter un swap de devises. Elles
se sont mises d’accord sur les taux d’intérêts du swap, qui correspondent
à un partage des différentiels d’intérêt dans les deux pays sur la base de
« 60 %-40 % » en faveur de l’entreprise américaine. Pour l’opération de
swap, elles passent par une banque qui sécurisera les opérations, et
prélèvera au passage 0,1 % de commission annuelle (payée pour moitié
par chaque partie).
1. Expliquez la différence entre un swap de devises et un swap de
change
2. Évaluez les gains à l’échange en comparant les taux d’intérêt sur les
emprunts dans les 2 pays. Si les entreprises sont tombées d’accord pour
se partager « 60-40 » ces gains, quels échanges de taux vont être mis en
place dans le cadre du swap ? portant sur quels montants ?
3. Représentez graphiquement les flux (intérêts et capital) entre les
deux sociétés et leurs banques, et les deux sociétés dans le cadre du swap.
4. Représentez dans le tableau ci-dessous les flux annuels (emprunt et
swap) pour l’entreprise française. En déduire le taux d’intérêt réel de son
emprunt. L’entreprise est-elle gagnante dans l’opération de swap ?
Opération Date 0 1 an 2 ans 3 ans
Emprunt bancaire
Intérêts à sa banque
Swap
Reçoit de A le principal
Reçoit de A les intérêts
Verse à A
Paye les intérêts à A
TOTAL

5. Faire de même pour l’entreprise américaine. L’entreprise est-elle


gagnante dans l’opération de swap ? Quelle(s) conclusion(s) pouvez-vous
tirer de cet exemple ?

Exercice 3

Une société exporte le 12 mars des marchandises à un client américain


pour 100 000 USD, mais ne sera payée que 9 mois plus tard. Au 12 mars,
le taux spot est USD-EUR = 0,70, le taux EUR9mois = 5 % et le taux
d’intérêt américain 9 mois = 3 %. La société propose à sa banque de
signer avec elle un contrat à terme portant sur un taux de change garanti
USD-EUR = 0,70.
1- En quoi consiste un contrat de change à terme ? L’entreprise va-t-
elle acheter ou vendre à terme des dollars ?
2- La banque a-t-elle intérêt à signer ce type de contrat ? Pourquoi ?
Évaluez quel sera son gain (ou sa perte) potentielle dans l’opération ?
3- En supposant que la banque lui propose comme autre alternative
une avance en devise (moyennant une commission de 0,1 %) sur 100 000
USD et à intérêts précomptés (payés aujourd’hui). Sur quel montant la
société reste-t-elle exposée au risque de change ? Combien d’EUR
récupérerait-elle grâce à cette avance ?
4- Compte tenu des annonces du président de la BCE, l’entreprise
pense que d’ici le 12 décembre, le taux spot EUR-USD devrait se situer
autour de 1,4927. Dans ces conditions, quel type de couverture la société
devrait-elle finalement adopter ?
[1] . Acronyme de over-the-counter.
[2] . IBM, qui avait à l’époque eu recours à des emprunts en francs suisses et deutsches marks, les
a convertis grâce au swap en dollars pour ajuster ses ressources à son besoin de financement. La
Banque mondiale, elle, désirait se financer sur d’importants montants à taux attractifs dans certaines
devises. Elle opta pour une émission de titres en dollars qu’elle swap avec IBM.
[3] . Cela est dû essentiellement à l’usage qu’en font les acteurs, puisque ces swaps de devises
servent essentiellement à couvrir le risque de change lié à des opérations de placement/emprunt à
moyen-long terme, ou bien à des investissements directs à l’étranger.
[4] . Cf. chapitre 2 pour la différence entre une banque broker et dealer.
[5] . « plain-vanilla » est une expression anglo-saxonne signifiant basique, non sophistiqué. Il est
donc normal d’employer cette expression pour les swaps standards, par opposition à d’autres types de
swap plus élaborés.
[6] . Le LIBOR (London interbank offered rate) est un indicateur de taux d’intérêt à court terme
sur plusieurs maturités et dans plusieurs devises. Chaque grande devise a ses taux LIBOR (on parle
des LIBOR USD, LIBOR EUR, LIBOR GBP, LIBOR JPY, LIBOR CHF etc.) et pour chacune de ces
devises, une série de taux pour des maturités allant de 1 jour (overnight) à 12 mois est publiée
quotidiennement. En tant que tel, un taux LIBOR (par exemple le LIBOR USD 1 mois ou le LIBOR
JPY 6 mois) est une variable à laquelle est affectée une valeur quotidienne nommée fixing. Cette
valeur prend la forme d’un taux d’intérêt que publie quotidiennement la British Bankers Association
à Londres.
[7] . Pour rappel 1 pip = 0,01 %
[8] . Comme chacune des parties paye et reçoit des intérêts, il est le plus souvent convenu que seul
les différentiels d’intérêts sont réglés à l’échéance.
[9] . Les entreprises n’hésitent plus à émettre des obligations directement en devises pour obtenir
des ressources à des conditions avantageuses, le swap leur permettant par la suite de compenser le
risque de change sur ces emprunts à moyen ou long terme. Des produits « standardisés » reprennent
d’ailleurs ce principe : c’est ce que l’on appelle les euro-émissions swappées ; elles constituent l’une
des principales sources de financement des grands groupes et organismes internationaux.
[10] . Le raisonnement serait similaire dans le cas symétrique d’un placement en devises qu’il
faudrait immuniser.
[11] . Le prix « re-offer » est celui auquel le syndicat de placement, i.e les banques qui ont acheté
la dette de France Telecom, vont revendre les titres aux investisseurs publics. Ces banques, qui
facilitent le placement des titres et supportent le risque de ne pouvoir les écouler, se rémunèrent en
revendant les titres à un prix plus élevé.
[12] . Les « gilts » ou gilt-hedge securities sont des obligations ou titres d’État à taux fixe émis par
le gouvernement britannique. Le taux gilt est ainsi l’équivalent britannique de notre taux OAT
(obligations assimilables Trésor), qui est le taux auquel le Trésor français émet ses emprunts
obligataires. Il sert donc de référence de taux sans risque pour ce type d’émission.
[13] . Si une banque prenait 0,2 % de commission par an, les deux entreprises supporteraient pour
moitié ce coût supplémentaire, soit 0,1 % d’intérêts en plus pour chacune. L’entreprise française ne
gagnerait plus que 0,65 point puisque le coût réel de son emprunt passerait à 2,85 %, tandis que le
coût réel serait de 1,35 % pour l’entreprise australienne. Les gains à l’échange qui s’élèvent au total à
2 points (sur l’AUD) 0,5 point (sur l’EUR) = 1,5 point et qui étaient partagés équitablement entre
les deux entreprises (0,75 point de gagné pour chacune) sont à présent partagés en 3 : 0,65 point pour
chaque entreprise, et 0,2 point pour la banque.
[14] . En cas de défaut de l’une ou l’autre des parties, la partie lésée se voit automatiquement
libérée de ses obligations : elle peut suspendre le paiement des intérêts et conserver le nominal
initialement swapé pour se dédommager du défaut de sa contrepartie.
[15] . En effet, le contrat peut être dénoué à terme, mais également avant l’échéance si les deux
parties sont d’accord, par le paiement d’une différence entre le prix auquel il a été négocié et le cours
de liquidation en vigueur au moment du dénouement.
[16] . La marge initiale est exprimée en USD, i. e dans la devise de la place boursière qui cote. En
juin 2011, le dépôt de marge initial était de 5 400 USD par contrat.
[17] . Cette méthode de cash settlement est très peu utilisée sur le marché des devises car les
devises ne sont pas nature des actifs monétaires transférables de compte à compte. En revanche, elle
est souvent la seule solution possible pour dénouer des transactions dès lors que le sous-jacent est un
actif physique, un titre ou encore un taux d’intérêt, dont la livraison ne serait pas aisée voire
carrément impossible (comment livrer un taux d’intérêt ?). Nous illustrerons en détail dans le
chapitre 8 comment se dénouent les opérations sur taux d’intérêts.
[18] . En 1987, dans la nuit du 19 au 20 octobre, les sommes qui ont transité entre les positions
perdantes et gagnantes des clearing de Chicago furent évaluées entre 5 et 8 milliards de dollars. Le
même événement boursier se produisant aujourd’hui ferait déplacer des sommes comprises entre 50
et 100 milliards de dollars, probablement plus proches de 100 que de 50.
[19] . En pratique, ceux qui concluent un contrat à terme passent par des courtiers qui peuvent
exiger une marge supérieure à celle imposée par l’organisme central. L’importance de la somme que
le courtier réclame à son client dépend du dépôt initial fixé par l’organisme central, de la réputation
de l’investisseur et de la politique établie par la maison de courtage en matière de marge.
[20] . Ce deposit peut être effectué en cash ou bien en titres portant intérêt. Les intérêts générés par
ces titres durant la période où ils servent de marge sont remis à leur propriétaire, de sorte que le
deposit ne constitue pas une charge trop importante pour ceux qui concluent un contrat à terme.
[21] . À chaque contrat est en réalité associé un montant minimal nommé marge de maintien. Ce
montant est inférieur à la marge initiale. Si le solde du compte du client reste compris entre cette
marge de maintien et la marge initiale, il n’y a pas d’appel de marge. En revanche, s’il tombe sous la
marge de maintien, l’investisseur reçoit un appel de marge afin de ramener le solde au niveau
correspondant à la marge initiale. Nous avons supposé ici implicitement que cette marge de maintien
était identique à la marge initiale pour simplifier les calculs.
[22] . Pour simplifier les calculs sans nuire à la rigueur du raisonnement, nous supposons ici que la
chambre de compensation fixe une fois pour toutes le montant minimum qui doit être bloqué. En
réalité, le deposit doit être réévalué tous les jours en fonction du montant exposé. Le 19 juin, le
montant exposé est à présent de 183 562,50 USD et donc le deposit ne représente plus que
2 137,81/183 562,50 = 1,16 % de ce montant Il faudrait donc ramener le deposit à 1,5 % ×
183 562,50 = 2 733,44 USD et non pas 2 762,81 USD.
Chapitre 8

Les produits dérivés


de change : les options
sur devises

Introduction

Les premières options de change sont apparues dans les années 1980
sur la place boursière de Chicago, mais les produits optionnels sur les
denrées agricoles ou les matières premières existaient déjà depuis
plusieurs décennies. Il existe de nos jours, comme pour les contrats à
terme ferme, des produits optionnels portant sur une large palette de
sous-jacents.
Tout comme les contrats à terme, les options sur devises peuvent être
négociées de gré à gré ou bien sur des marchés organisés, ces deux types
de marchés répondant à des demandes différentes de la part des
investisseurs.
Les options procèdent d’une logique similaire à celle de l’assurance : à
la différence d’un contrat à terme qui oblige les deux parties à s’exécuter
selon les termes du contrat, une option confère, à celui qui l’achète, un
droit, mais pas une obligation de faire une transaction (achat ou vente)
sur une devise à un certain moment et à un certain prix.
Simples dans leur principe d’origine (nous analyserons les options de
base dites plain vanilla pour bien comprendre leur fonctionnement), les
options ont, grâce à l’innovation financière effrénée de ces dernières
années, pris des formes de plus en plus complexes. Cette sophistication a
permis d’aboutir à toute une gamme de nouveaux produits optionnels,
dits « exotiques », ou encore de deuxième, voire de troisième génération.
L’innovation financière a été particulièrement importante sur les marchés
de gré à gré, où les produits peuvent avoir des caractéristiques sur
mesure : l’imagination, parfois débordante, des banquiers,
mathématiciens et économistes – financiers a accouché de produits non
seulement complexes mais également parfois étranges, dont le
fonctionnement reste incompréhensible pour la grande majorité des
utilisateurs, que ce soit les entreprises ou même les institutionnels… Cela
explique que les entreprises, et surtout les PME, ont peu recours aux
options sur devises (cf. chapitre 7, données BRI 2010), d’autant plus que
la plupart des options comportent un prix d’achat (appelé prime) qui peut
être dissuasif.

I. Principe et caractéristiques des options


de bases

Il convient de bien définir ce que sont les options et leurs


caractéristiques principales, pour pouvoir par la suite comprendre le
principe de protection qu’elles offrent contre le risque de change.

1. Définitions

Une option sur devises est un titre financier que l’on peut acheter et
vendre sur un marché boursier ou bien sur le marché interbancaire (gré à
gré). Il confère à son détenteur le droit, mais non l’obligation, d’acheter
ou de vendre une certaine quantité de devises (le sous-jacent) à un prix et
une date convenus à l’avance.
Tableau 1 : Droits et obligations des acheteurs et vendeurs
d’options
CALL PUT
(option d’achat) (option de vente)
L’acheteur d’un CALL a le droit d’acheter L’acheteur d’un PUT a le droit de vendre
un certain montant de devises à un cours un certain montant de devises à un cours
ACHETEUR
convenu et à la date d’échéance fixée. Il convenu et à la date d’échéance fixée. Il
paie une prime en contrepartie. paie une prime en contrepartie.
VENDEUR Le vendeur d’un CALL a l’obligation Le vendeur d’un PUT a l’obligation
de livrer un certain montant de devises, au d’acheter un certain montant de devises, au
cours convenu et à la cours convenu et à la
date d’échéance fixée. Mais il n’y est tenu date d’échéance fixée si l’acheteur exerce
que si l’acheteur lève son option, i. e s’il droit de vente. Il reçoit une prime en
exerce son droit d’achat. Il reçoit une prime contrepartie.
en contrepartie.

La définition même d’une option met en avant ce qui fait son intérêt :
contrairement aux contrats à terme, les options sur devises n’obligent pas
ceux qui les ont acquises à vendre ou acheter la devise sous-jacente (i.e à
« exercer » leur option), leur laissant ainsi la possibilité de bénéficier de
fluctuations favorables des taux de change. En revanche, le vendeur de
l’option n’a lui pas le choix : il devra s’exécuter si l’acheteur exerce son
droit sur la devise. Ce type de relation bipartite entre l’acheteur et le
vendeur d’une option est similaire à celle d’un assuré avec son assureur.
L’acheteur d’une option s’assure un prix maximum ou minimum pour
une transaction sur devises, prix qui est garanti par le vendeur de
l’option. Le premier couvre son risque en le transférant sur le second.
Comme pour toute assurance, le risque supporté par le vendeur doit être
rémunéré, c’est pourquoi les options sont « payantes » et le prix d’une
option est appelé la prime (ou encore le premium). Cette prime est payée
par l’acheteur au vendeur au moment de l’acquisition de l’option. Son
montant va dépendre du cours garanti (appelé prix d’exercice de l’option
ou encore strike), du cours au comptant au moment de l’opération, de
l’échéance de l’option (la maturité), mais également de la volatilité des
marchés (de devises et de taux d’intérêt) et du type d’option souhaitée.
Une option permettant d’acheter une devise (contre une autre) à un
prix maximum garanti est appelée option d’achat ou encore CALL.
Symétriquement, une option permettant de vendre une devise est appelée
option de vente ou encore PUT.

2. Les caractéristiques des options basiques : option d’achat (CALL) et


option de vente (PUT)
Choisir un type d’option consiste à déterminer notamment la période
pendant laquelle le droit de l’acheteur de l’option pourra être exercé. On
peut ainsi distinguer :

les options « à l’américaine », pour lesquelles ce droit peut


être exercé à tout moment pendant toute la durée de l’option,
date d’échéance incluse ;
les options « à l’européenne », pour lesquelles ce droit ne
pourra être exercé qu’à la date d’échéance.

Que ce soit une option d’achat (CALL) ou une option de vente (PUT),
toute option est définie précisément par les points résumés dans le
tableau 2 suivant :
Tableau 2 : Les caractéristiques d’une option sur devises
OPTION SUR DEVISE
La taille du
Est stipulée la paire de devises sur laquelle portera l’option, ainsi que le montant
contrat et la
couvert. Par exemple, un CALL sur USD/EUR de nominal 100 000 USD permettra à
nature de la
l’acheteur du CALL de pouvoir acheter 100 000 USD qu’il paiera en EUR. Le vendeur
devise
du CALL va donc être obligé, si l’acheteur exerce son option, de vendre les USD, et en
sous-
contrepartie d’acheter les EUR. Le raisonnement est symétrique pour un PUT.
jacente
Les options de gré à gré peuvent être négociées pour des échéances sur mesure, tandis
La durée de que les options standardisées proposent des échéances fixes qui peuvent aller de 1 mois à
couverture 18 mois. Ainsi un PUT sur USD/EUR échéance 30 avril 2012 permet à son acquéreur de
(maturité) se garantir le droit de vendre des USD à un cours garanti jusqu’au 30 avril 2012 (si
l’option est de type américain) ou au 30 avril (si le PUT est européen).
Le prix d’exercice de l’option est une variable essentielle du contrat d’option. Pour un
CALL USD/EUR il représente le cours maximum auquel l’acheteur du CALL aura le
Le cours de droit d’acheter les USD. Pour un PUT sur USD/EUR, il représente le cours minimum
change auquel l’acheteur du PUT aura le droit de vendre ses USD.
garanti Un CALL sera d’autant plus intéressant que le prix d’exercice est faible, tandis que ce
sera l’inverse pour un PUT : plus le prix d’exercice sera élevé, plus le PUT lui garantira
un prix de vente intéressant.
Le montant de la prime est payée par l’acheteur au vendeur de l’option au moment de
l’achat du titre et n’est pas recouvrable même si l’acheteur n’exerce pas sont option à
Le prix de l’échéance62. Elle est calculée en fonction du cours de couverture recherché, du type
l’option d’option (américaine ou européenne, CALL ou PUT) et de la maturité de la devise. Ce
coût peut être relativement élevé : comme la prime rémunère le risque supporté par le
vendeur, elle sera d’autant plus élevée que le risque sera important.
Les Une option américaine, pourra être exercée à tout moment jusqu’à la fin de vie de
modalités l’option ; une option européenne seulement à l’échéance.
d’exécution C’est l’acheteur de l’option qui déclenche ou non le processus d’assurance (puisque c’est
lui qui décide de l’exercer ou non) en fonction du prix d’exercice et du cours au moment
de l’exercice.
Un PUT sera exercé s’il est plus intéressant de vendre au cours garanti plutôt qu’au
cours du jour (si le prix d’exercice est supérieur au cours de change à l’échéance), un
CALL sera exercé s’il est plus intéressant d’acheter au prix d’exercice plutôt qu’au taux
de change du moment (si le prix d’exercice est inférieur au cours de change à
l’échéance).

Il est ainsi possible de trouver des Call et des Put portant sur la même
paire de devises pour des maturités plus ou moins longues et/ou des prix
d’exercice différents. Le prix de ces options (la prime) sera plus ou moins
élevé en fonction de ces paramètres, et plus précisément de la qualité de
la couverture qu’ils confèrent (cf. 3 :les déterminants de la prime de
l’option). [1]
Les options (Call ou Put) peuvent être négociées de gré à gré (elles ont
alors comme tout produit OTC des caractéristiques sur mesure,
notamment en terme de montant garanti, de date et de prix d’exercice). Il
est également possible de négocier des options sur des marchés
réglementés ou organisés (elles sont alors normalisées), et les
transactions passent par une chambre de compensation qui assure la
liquidité et le bon fonctionnement du marché.

3. Les déterminants de la prime d’une option

Avant de passer à l’illustration des stratégies de couverture à base


d’options, il est important de bien comprendre les différents éléments qui
constituent le prix d’une option. Lorsqu’une entreprise décide de sa
politique de couverture du risque de change, le coût de la couverture
envisagée s’avère souvent l’élément le plus déterminant. Si les contrats à
terme offrent une couverture dont le coût est limité à celui des frais de
transactions, les options comportent un coût supplémentaire équivalent
au montant des primes versées.
Il existe différentes méthodes pour évaluer le prix d’une option, la plus
célèbre étant la formule de « Black-Scholes », du nom des deux
mathématiciens du MIT qui l’ont mise au point (et qui leur a valu le prix
Nobel d’économie en 1997). Sans passer par les développements
techniques permettant d’aboutir à la formulation de Black et Scholes[2],
il est tout de même possible de présenter les différents éléments qui
composent cette prime. Nous pouvons déjà en avoir une idée en
regardant comment sont cotées les options sur les marchés.
Dans le tableau 3 ci-après apparaissent les primes correspondant à
plusieurs options sur le couple de devises EUR/CHF telles que cotées sur
l’Eurex. Les primes apparaissent par prix d’exercices et par maturité pour
chaque type d’options, Call et Put. Elles sont exprimées en francs suisses
par EUR couvert.
Chaque option porte sur un nominal bien défini, en l’occurrence sur
l’Eurex, les options EUR/CHF ont un nominal de 100 000 EUR. Ainsi,
un Call garantissant un prix maximum dans 6 mois à 1,5950 CHF pour
1 EUR acheté, coûte aujourd’hui une prime de 0,0115 CHF pour chaque
EUR garanti. La prime qui sera donc effectivement payée pour ce Call
sera de 1,150 CHF.
Tableau 3 : Exemple de cotation d’options sur EUR/CHF,
nominal 100 000 EUR.
CALL EUR/CHF Prix d’exercice 1 mois 3 mois 6 mois
1,5900 0,0100 0,0100 0,0135
1,5950 0,0065 0,0085 0,0115
1,6000 0,0040 0,0065 0,0095
1,6050 0,0025 0,0050 0,0075
1,6900 0,0020 0,0035 0,0055
PUT EUR/CHF Prix d’exercice 1 mois 3 mois 6 mois
1,5850 0,0020 0,0055 0,0125
1,5900 0,0025 0,0070 0,0145
1,5950 0,0040 0,0095 0,0175
1,6000 0,0065 0,0125 0,0200
1,6050 0,0010 0,0155 0,0235

À partir de ce tableau, nous pouvons faire plusieurs comparaisons de


primes intéressantes :
– pour une même échéance : par exemple à 6 mois, les Calls dont les
prix d’exercice sont les plus faibles (et donc les plus intéressants pour un
acheteur) sont également ceux qui coûtent le plus cher. Ainsi, le Call prix
d’exercice 1,5900 coûte plus cher que le Call prix d’exercice 1,5950
(0,0135 au lieu de 0,0115), tandis que le Call prix d’exercice 1,6900
présente une prime beaucoup moins élevée (0,0055).
Ce résultat se retrouve pour les Put, mais à l’inverse : les PUT les plus
intéressants en terme de prix d’exercice (donc les prix d’exercice les plus
élevés) sont également les plus onéreux.
– pour un même prix d’exercice : les options présentant la maturité la
plus longue sont également les plus onéreuses. Cela est vrai pour les
options d’achat comme pour les options de vente : un PUT de prix
d’exercice 1,5950 à échéance 1 mois ne coûte que 0,0040, soit 400 CHF,
alors que le même PUT à échéance 6 mois coûte 1,750 CHF, ce qui est
tout de même 4 fois plus cher.
La prime d’une option dépend donc au moins de ces deux éléments :
prix d’exercice et durée de vie de l’option. Le premier (le prix
d’exercice) apparaît dans ce que l’on appelle la valeur intrinsèque de la
prime, tandis que la durée de vie de l’option impacte la valeur temps.
C’est la somme de ces deux valeurs qui constitue la prime de l’option.

3.1. La valeur intrinsèque de la prime

Elle correspond au gain que réaliserait le détenteur de l’option si


l’exercice de l’option était immédiat. Si par exemple le cours spot
CHF/EUR vaut actuellement 1,6050, le CALL échéance 6 mois, prix
d’exercice 1,5950, s’il était exercé aujourd’hui permettrait à son acheteur
de gagner 1,6050 – 1,5950 = 0,01 CHF sur chaque EUR échangé, soit
pour une option 100 000 × 0,01 = 1 000 EUR. Cette somme représente la
valeur intrinsèque, elle est ici positive, on dit alors que l’option est « dans
la monnaie » (ITM : in the money).
En revanche, le PUT échéance 6 mois prix d’exercice 1,5850, s’il était
exercé, ferait apparaître un gain négatif. Cela se traduit par une valeur
intrinsèque de 1,5850 – 1,6050 = - 0,2000 qui est négative. Une option
dont la valeur intrinsèque est négative est dite « en dehors de la
monnaie » (OTM : out the money). En fait, la valeur intrinsèque de
l’option est alors considérée comme nulle, car l’acquéreur de l’option
n’aurait aucun intérêt à l’exercer alors que le cours spot du marché lui est
plus favorable.
Enfin, une option pour laquelle la valeur intrinsèque serait nulle (c’est
le cas lorsque le prix d’exercice est égal au cours spot), est dite « à la
monnaie » (ATM : at the money).
On peut comprendre intuitivement cette valeur intrinsèque comme la
valeur minimale que prend la prime de l’option : elle doit au moins être
égale à l’avantage qu’elle procurerait immédiatement à son détenteur.
Sauf que l’option procure un avantage qui peut certes être immédiat
(dans le cas des options américaines pouvant être exercées à tout
moment), mais surtout un avantage futur. N’oublions pas que cette prime
rémunère le risque qui est supporté par le vendeur de l’option. Plus la
durée de la couverture associée à l’option est importante, plus le risque
pour le vendeur est élevé. C’est exactement ce à quoi correspond le
second élément qui compose la prime : la valeur-temps.

3.2. La valeur-temps de la prime

Celle-ci représente en quelque sorte la « juste rémunération » du risque


pris par le vendeur de l’option. Elle est d’autant plus importante que la
date d’achat de l’option est éloignée de la date d’échéance, et diminue au
fur et à mesure qu’elle s’en rapproche, pour finir par être nulle à
l’échéance (puisque l’option doit impérativement être exercée ou
abandonnée à ce moment-là ; la date d’échéance dépassée, l’option
n’aura plus de valeur).
Cette valeur-temps est bien plus difficile à évaluer que la valeur
intrinsèque de l’option, et c’est tout l’intérêt de la formule de Black-
Scholes d’avoir mis en équation les éléments dont elle dépend. Nous les
présentons dans le tableau 4 ci-dessous :
Tableau 4 : Les déterminants de la valeur-temps de la prime
L’échéance La prime d’une option est une fonction croissante de l’échéance de l’option. Plus la
de l’option maturité est courte, plus valeur-temps de la prime sera faible (et vice versa), car le risque
supporté par le vendeur est moins important : la probabilité pour que l’option soit
exercée par l’acheteur devient plus faible à mesure que l’on se rapproche de l’échéance
(notamment pour les options américaines).
La La volatilité mesure l’amplitude des variations de cours : plus celle-ci est forte, plus le
volatilité risque supporté par le vendeur de l’option est important. La prime de l’option augmente
de la donc avec la volatilité du cours la devise qu’elle couvre.
devise Cette volatilité est un élément important et rend le calcul de la valeur-temps de l’option
couverte délicat, car contrairement aux autres paramètres, elle est par nature difficile à estimer.
Il n’est pas surprenant de trouver les taux d’intérêt comme déterminants de la valeur
d’une option sur devises compte tenu des liens étroits qui lient les taux de change aux
taux d’intérêts (notamment à travers les reports. déport que l’on peut observer). Mais ici,
l’effet des taux d’intérêts sur la valeur de l’option passe par un autre canal : l’achat d’une
option (de vente ou d’achat) procure un gain d’opportunité qui sera plus ou moins
important selon le niveau des taux d’intérêts.
Pour acheter une option d’achat (CALL) sur devise X, seule la prime est déboursée et
non pas le montant total de l’opération sur devise qui ne sera réglé qu’à l’échéance. La
somme ainsi « économisée » peut être alors placée et sera d’autant plus importante que
Le niveau
les taux d’intérêts seront élevés. Plus l’avantage sera conséquent, plus la valeur-temps de
des taux
la prime sera importante.
d’intérêts
C’est l’inverse pour un PUT : en ne touchant pas immédiatement le montant
correspondant aux devises qui seront vendues à terme (il ne perçoit que la prime),
l’acheteur d’un PUT a un coût d’opportunité qui sera d’autant plus important que les taux
d’intérêts seront élevés. La valeur-temps de la prime d’un PUT est ainsi décroissante
avec le niveau des taux d’intérêts.
Les taux d’intérêts de la devise contrepartie impactent également cette valeur-temps. Par
un raisonnement, similaire, on peut montrer que la prime d’un CALL diminue avec le
taux d’intérêts de la devise contrepartie, tandis que celle d’un PUT augmente, toute chose
égale par ailleurs.

II. Les différentes positions sur options de base

Parmi les nombreuses stratégies d’options possibles (combinaisons


d’achat et de vente d’options CALL, achat et vente simultané de PUT…),
il y en a 4 qui sont les positions basiques qu’un opérateur peut adopter
sur les marchés : acheteur d’une option d’achat, acheteur d’une option de
vente, vendeur d’une option d’achat et vendeur d’une option de vente.
Une fois que l’on comprend à quel résultat (les gains liés à l’option)
chacune de ces positions permet d’aboutir, il suffit de répliquer et de
combiner ces résultats pour comprendre les stratégies de combinaisons
d’options que nous aborderons dans la dernière partie de ce chapitre.
Les options pouvant ou non être exercées à terme, il est nécessaire
d’identifier pour chaque type d’option dans quel cas il est intéressant de
l’exercer, et quels sont les gains ou les pertes liés à l’exercice ou non de
l’option. Il faudra donc comparer le cours auquel l’acheteur de l’option a
le droit (grâce à l’option) de réaliser son opération avec le cours de
change qui sera celui observé à terme. Nous raisonnerons par la suite sur
des options européennes (ne pouvant être exercées qu’à l’échéance) de
façon à simplifier le raisonnement.

1. Position d’achat ou de vente d’un CALL

En achetant une option d’achat sur devises, on a le choix entre :

acheter à terme la devise sous-jacente au prix garanti par


l’option. L’exercice de l’option se fera dès lors que son prix
(nous le noterons K) est plus intéressant que le cours de change
sur le marché (nous le noterons S), i.e pour un CALL lorsque
K<;S;
ou bien acheter cette devise au cours du marché. L’option sera
abandonnée si l’acheteur de l’option réalise un gain en
achetant au prix du marché plutôt qu’au prix d’exercice
garanti, i.e pour un CALL lorsque K > ; S.

Exemple 1 : Les gains ou pertes liés à l’exercice d’un


CALL
Reprenons les caractéristiques des options présentées dans le
tableau 3 pour asseoir notre raisonnement.
– Acheteur de CALL : Vous avez acheté le CALL (nominal
couvert = 100 000 EUR) sur EUR/CHF, de prix d’exercice K
= 1,5950, d’échéance 6 mois. Il vous en a coûté une prime de
1 150 CHF (soit une prime unitaire P = 0,0115 CHF par EUR
couvert) pour avoir le droit dans 6 mois d’acheter 100 000 EUR
à 1,5950 CHF par EUR. Allez-vous exercer votre option ?
Si à terme le cours SEUR/CHF = 1,4500, alors il n’est pas
intéressant pour vous d’exercer votre option : l’EUR coûte moins
cher que le prix d’achat garanti par le CALL. Vous abandonnez
votre option et achetez vos EUR sur le marché au cours de
1,4500. Qu’avez-vous gagné grâce à votre option ? Rien,
puisque vous ne l’avez pas exercée, en revanche, vous avez
perdu la prime de 1 150 CHF versée 6 mois auparavant. Plus
généralement : tant que le cours S est inférieur au prix d’exercice
du CALL, vous n’avez jamais intérêt à exercer votre option, et
vous réalisez une perte (on l’exprimera en gain négatif)
équivalente au montant de la prime totale : – 100 000 P.
En revanche, si à terme le cours SEUR/CHF = 1,6050, alors
vous exercerez automatiquement votre option, puisque votre
CALL vous garantit un prix maximum de 1,5950 CHF pour
chaque EUR acheté, alors que sur le marché, chaque EUR vaut
1,6050 CHF. En exerçant votre option, vous gagnez la différence
entre le cours et le prix d’exercice, soit ici 1,6050 – 1,5950 = 0,
01 CHF par EUR. Chaque CALL portant sur un nominal de
100 000 EUR, vous gagnerez 1 000 CHF : cela signifie que vos
100 000 EUR vous reviendront à 1 000 CHF de moins que si
vous les aviez achetés au prix du marché. Mais pour cela, vous
avez dû régler au départ la prime qui s’élève à 1 150 CHF. Votre
gain réel (sans tenir compte du décalage temporel entre les flux)
est donc négatif, vous réalisez une perte de 50 CHF.
N’aurait-il pas mieux valu ne pas exercer l’option puisque ce
faisant vous réalisez une perte ? Non, car en n’exerçant pas
l’option, vous auriez perdu la prime dans son intégralité, alors
qu’en l’exerçant, vous amortissez en quelque sorte le coût fixe
qu’elle représente.
En fait la décision d’exercer ou non l’option est complètement
indépendante du montant de la prime : celle-ci n’entre en jeu que
dans le calcul des gains ou des pertes associés à l’option. Aussi
tant que le cours S est supérieur au prix maximal auquel vous
avez le droit d’acheter vos EUR, alors vous aurez toujours intérêt
à exercer votre option, et vous réaliserez un gain net équivalent à
100 000 (S-K-P) d’autant plus élevé que la différence entre le
cours S et le prix d’exercice K est importante, il peut même être
théoriquement infini.
Remarquons que ce gain sera nul lorsque S = K + P. Ce niveau
est ce que l’on appelle le point mort de l’option, i. e la valeur du
cours de la devise pour laquelle on ne gagne ni ne perd à
l’exercice de l’option. Dans notre exemple, si le cours de change
observé est S = 1,6065, l’acheteur réalise un gain nul puisque
100 000 (1,6065-1,5950-0,0115) = 0.
Graphique 1

– Vendeur du CALL : Le vendeur d’une option (CALL ou


PUT) subit toujours le choix de l’acheteur d’exercer ou non
l’option. Sa position sera parfaitement symétrique à la vôtre : si
vous exercez votre CALL (lorsque S > ; K), le vendeur va devoir
vous livrer 100 000 EUR au prix garanti de K = 1,5950, alors
qu’il aurait pu les vendre à un prix supérieur sur le marché (par
exemple le cas où S = 1,6050). Il a en revanche encaissé la prime
P dès la vente de son option. Son gain est donc de 100 000 (K-S
+ P), soit pour S = 1,6050 : 100 000 (-0,01+0,0115) = 50 CHF,
précisément ce que vous perdez dans l’opération. Si le cours
avait été plus élevé, le vendeur de l’option aurait enregistré une
perte d’autant plus importante que votre propre gain est élevé.
En revanche, si vous n’exercez par votre option d’achat (lorsque
S < ; K), alors le vendeur ne perd rien, mais conserve toujours la
prime. Son gain est alors égal à la prime totale versée pour le
CALL : 100 000 P (exactement ce vous perdez).
Les gains et pertes du vendeur et de l’acheteur d’un CALL
peuvent être représentés aisément à l’aide d’un graphique en
fonction de l’évolution du cours du couple de devise considéré.
Nous représenterons les gains ou pertes pour 1 EUR couvert :
Graphique 2 : Acheteur CALL/Vendeur CALL

On voit bien à travers ces représentations graphiques que la


perte maximale pour l’acheteur de l’option est limitée au
montant de la prime, tandis que son gain à l’exercice de l’option
est potentiellement illimité. C’est ce qui rend ce produit plus
intéressant qu’un contrat à terme dont l’achat peut se révéler être
une mauvaise opération en cas de dépréciation de la devise.
Pour le vendeur, c’est l’inverse : il gagnera au plus la prime
perçue (si l’acheteur n’exerce pas son option) et pourra
enregistrer des pertes d’autant plus importantes que le cours de
change s’apprécie. Là encore nous pouvons constater un point
intéressant : l’opérateur qui se trouve en position de vendeur de
l’option a forcément des anticipations opposées à celle de
l’acheteur. Il prie pour que la devise se déprécie de façon à
pouvoir enregistrer son gain, tandis que l’acheteur de l’option ne
gagne grâce à l’option que dans l’hypothèse où le cours de
change évolue au-delà du prix d’exercice, il « espère » donc une
appréciation pour que l’opération soit rentable[3].

2. Position d’achat ou de vente d’un PUT

Le raisonnement est similaire à celui du CALL.


Exemple 2 : Les gains ou pertes liés à l’exercice d’un PUT
– Acheteur du PUT : Vous avez acheté le PUT sur
EUR/CHF, de prix d’exercice K = 1,5950, d’échéance 6 mois. Il
vous en a coûté une prime unitaire P = 0,0175 CHF par EUR
couvert, soit au total 1,175 CHF pour avoir le droit dans 6 mois
de vendre 100 000 EUR et de récupérer 1,5950 CHF par EUR
vendu.
Graphique 3

Si le cours s’établit dans 6 mois à SEUR/CHF = 1,4500, vous


avez intérêt à exercer votre option, car l’EUR est vendu moins
cher sur le marché que le cours minimum garanti par le PUT.
Vous exercez votre option et vendez vos EUR à 1,5950. Vous
gagnez donc 1,5950 - 1,4500 = 0,1450 CHF de plus sur chaque
EUR vendu au prix garanti plutôt qu’au cours du marché. Pour
cela vous avez tout de même déboursé 0,0175 CHF. Vous gagnez
donc au total grâce à votre PUT : 0,1450 – 0,0175 = 0,1275 CHF
par EUR vendu, soit un gain de 12 750 CHF. Et plus le cours de
change est inférieur au prix d’exercice de l’option, plus votre
gain à exercer l’option sera important.
Si le cours de change observé S est inférieur au prix
d’exercice du PUT K, alors le PUT sera exercé et le gain relatif à
cet exercice vaudra : 100 000 (K-S-P).
Si a contrario le cours de change S est supérieur au prix
d’exercice garanti K, vous n’aurez aucun intérêt à exercer votre
PUT, puisque vous pourrez vendre vos EUR plus cher
directement sur le marché, plutôt qu’en exerçant votre option de
vente. Dans ce cas-là, vous abandonnez votre PUT et perdez le
montant de la prime versée pour son acquisition. Le gain total
(négatif, donc une perte) vaut alors : -100 000 P.
Dans le cadre d’un PUT, le gain sera tout juste nul pour un
cours de change égal au point mort de l’opération. Ce point mort
est atteint lorsque S = K – P.
– Pour le vendeur du PUT : ses gains et pertes seront
également symétriques à ceux de l’acheteur du PUT, à savoir : il
gagnera au maximum la prime si l’option n’est pas exercée, et
ses gains seront d’autant plus faibles que le cours est proche du
prix d’exercice. Dès que le cours de change passe au-dessous du
point mort du PUT, le vendeur de l’option réalise des pertes
d’autant plus importantes que le cours de change diminue.
Les gains et pertes du vendeur et de l’acheteur d’un PUT sont
représentés ci-dessous, toujours exprimés pour 1 EUR couvert.
Graphique 4 :Acheteur PUT/Vendeur PUT
Encadré 1 : Résumé des gains et pertes relatifs à l’exercice
ou non d’une option
Cours de la devise sous-jacente S ≤ K S > ; K
Achat CALL -P S-K-P
Vente CALL +P - S+K+P
Achat PUT K-S-P -P
Vente PUT -K+S+P +P

Les gains et pertes qui sont réalisés par rapport à une


opération directe sur le marché peuvent être exprimés par unité
de devise couverte. Cela permet de décrire de façon générale le
profil de gain lié à chaque stratégie basique (achat d’un Call sur
un nominal = 1, vente d’un Call sur un nominal = 1, etc.). Il
suffira de multiplier ces gains en fonction des nominaux
réellement couverts par une option pour obtenir le gain total par
option.
Nous venons d’évaluer et de représenter les profils de gains liés à
l’achat ou à la vente d’options, sans tenir compte jusqu’à présent de
l’usage que pouvaient faire les opérateurs de ces produits.
Si leur but est purement spéculatif, alors ces gains et pertes
représentent exactement ce qui sera gagné ou perdu par l’opérateur selon
sa position sur l’option (acheteur ou vendeur), selon la nature de l’option
(CALL ou PUT) et l’évolution des cours. Se positionner en tant que
vendeur d’option est hautement spéculatif puisque les pertes encourues
sont potentiellement très élevées, pour une espérance de gain limitée (la
prime). Cela explique que la vente simple d’options ne soit pas utilisée à
des fins de couverture par les entreprises, et que les vendeurs d’options
sont en général les banques (cf. les warrants Encadré 2) ou les opérateurs
boursiers.
Encadré 2 : Les warrants
Les warrants sur devises[4] sont apparus dans les années 1990
et constituent la forme d’options de change la plus répandue
parmi celles proposées sur le marché interbancaire. Des options
interbancaires classiques existent également mais sont beaucoup
moins intéressantes pour les investisseurs, qui peuvent les
acheter mais non les revendre aisément (il n’existe par de
marché pour cela).
Les warrants sur devises (currency warrants) sont des options
sur devises titrisées (négociées en Bourse). Ils possèdent un
numéro de valeur, apparaissent dans le relevé de dépôt et sont
évalués quotidiennement. Ce sont essentiellement des options de
change à moyen-long terme (entre 6 mois et 5 ans), de faible
nominal (l’équivalent de 10 000 USD ou moins) et qui ont la
particularité d’être émis par tranches par les banques, puis
négociées en bourses. L’intérêt pour les investisseurs est
essentiellement de leur permettre de disposer d’une durée de
couverture importante, leur évitant ainsi de renouveler
fréquemment leurs positions sur options classiques dont les
maturités sont plus courtes.
Seules les banques sont habilitées à émettre des warrants, les
autres opérateurs ne pouvant se porter qu’acheteurs. Elles
peuvent ensuite être revendues par les primo acquéreurs sur un
marché secondaire. Ce sont généralement des options
« américaines » et contrairement aux options, les warrants ne
peuvent pas être vendus à découvert.
L’offre de warrants sur devises, même si elle s’est accrue ces
dernières années, est toutefois limitée en termes de volume et de
devises traitées (ceux cotés sur NYSE-Euronext-LIFFE portent
sur les trois couples EUR/USD, EUR/JPY et EUR/GBP).
Lorsque les options sont utilisées dans une optique de couverture, les
profils de gains vont venir en compensation des éventuels gains ou pertes
de change qu’il s’agit précisément de couvrir.
Nous allons à présent illustrer plusieurs situations dans lesquelles la
couverture par achat ou vente d’options (lorsque celle-ci est couplée à
l’achat d’autres options) est particulièrement adaptée. Nous en
profiterons pour comparer les résultats de ces « stratégies » avec ceux
obtenus avec une couverture par contrats à terme classiques. Puis nous
verrons dans la dernière partie de ce chapitre, qu’il peut être intéressant
de combiner des achats et ventes d’options de façon à obtenir une
couverture du risque de change efficace et peu coûteuse.

III. Usage des options comme produits


de couverture

Un importateur qui anticipe une hausse de la devise dans laquelle il


commerce peut acheter à terme sa devise ou bien acheter un CALL sur
cette devise pour garantir son cours d’achat.
À l’inverse, un exportateur qui craint une baisse de sa devise de
facturation pourra vendre à terme ses devises ou bien acheter un PUT
pour garantir son cours de vente[5].
Exemple 3 : La couverture du risque de l’importateur par
achat
de CALL
L’importateur qui devra régler une créance future est en
position courte sur la devise de facturation (puisqu’il devra
l’acheter).
Considérons une entreprise anglaise qui importe de France, le
4 mai 2011, des produits pharmaceutiques pour un montant de
1 000 000 EUR. Ces produits sont payables à 6 mois, soit en
novembre 2011. Exposée sur le cours EUR/GBP (ou c’est
équivalent le GBP/EUR), l’entreprise anglaise craint une
appréciation de l’euro par rapport à la livre anglaise.
Actuellement, le cours spot EUR/GBP = 0,7519.
L’entreprise anglaise hésite entre plusieurs solutions :
1- ne pas se couvrir ;
2- acheter à terme à sa banque 1 000 000 EUR au taux de
change à 6 mois garanti FEUR/GBP = 0,7519 (le cours à terme
garanti par la banque est égal au cours spot) ;
3- opter pour une couverture par achat de CALLS.
L’entreprise anglaise s’adresse à un courtier, opérant sur le
LIFFE, qui lui propose une option d’achat « à la monnaie » de
type européen sur la paire EUR/GBP dont les caractéristiques
sont les suivantes :
CALL EUR/GBP
nominal 100 000 EUR
échéance 03/11/11
prix d’exercice 0,7519
prime 0,0095

L’entreprise s’interroge sur la pertinence d’une couverture,


sachant qu’elle envisage 3 scénarios possibles pour l’évolution
des cours :
3 Hypothèses possibles EUR/GBP au 3 novembre
Taux de change stable 0,7519
Appréciation EUR 0,7700
Dépréciation EUR 0,7400

Solution 1 : En choisissant de ne pas se couvrir, l’entreprise


s’expose entièrement au risque de change. Le coût de revient
(CR) de sa commande sera donc CR = 1 000 000 x S, où S sera
le cours de l’EUR au 3 novembre 2011. Par exemple, si le 3 août
l’EUR/GBP = 0,7700, sa commande lui reviendra à 770 000
GBP, alors que si l’EUR se déprécie, par exemple EUR/GBP
= 0,7400, alors il ne paiera que 740 000.
Solution 2 : En optant pour le contrat à terme, l’entreprise
anglaise s’assure un coût de revient (CR) connu à l’avance. Quel
que soit le taux de change dans 6 mois, l’entreprise paiera :
CR = 1 000 000 × 0,7519 quel que soit S.
Solution 3 : Pour couvrir la totalité de son risque, l’entreprise
anglaise va devoir acheter 10 options CALL EUR/GBP, ce qui
lui coûte le 4 mai 2011 une prime de 0,0095 GBP par EUR
couvert, soit au total (pour 10 CALLS) une prime de 9 500 GBP.
Ce faisant, l’entreprise anglaise s’assure de payer au
maximum 0,7519 GBP pour chaque EUR acheté dans 6 mois. En
tenant compte de la prime payée à l’achat d’un CALL,
l’entreprise se garantit donc un prix d’achat unitaire maximum,
de 0,7519 + 0,0095 = 0,7614 GBP par EUR. Sa commande lui
reviendra donc, au maximum grâce aux 10 options, à 761 400
GBP voire moins cher, puisque les CALL lui permettent de
bénéficier d’une baisse du cours EUR/GBP.
Voyons en détail comment fonctionne la couverture pour
aboutir à ce résultat :
Chaque CALL sera exercé le 3 novembre 2011 si le cours
EUR/GBP > ; 0,7519. L’entreprise anglaise achète alors
1 000 000 EUR qui lui coûtent : CR = 761 400 GBP si S
> ; 0,7519.
L’entreprise n’exercera par ses options si EUR/GBP
< ; 0,7519. Elle convertira alors ses GBP en EUR au prix du
marché qui est < ; 0,7519, mais elle perd la prime, au total
chaque EUR acheté lui revient moins cher que 0,7519 + 0,0095
= 0,7614. Ainsi, si l’EUR s’est déprécié de telle sorte qu’au 3
novembre 2011 : EUR/GBP = 0,7400, alors les options ne sont
pas exercées, l’entreprise achète les EUR au prix du marché, ce
qui lui coûte 740 000 GBP auxquelles il faut rajouter la prime
payée au départ 9 500 EUR pour obtenir le coût de revient total
749 500 GBP. Chaque euro revient donc au cours du moment S
+0,0095. Le coût de revient total de l’opération est ainsi égal à
CR = 1 000 000 (S +0,0095) si S < ; 0,7519.
Le tableau ci-dessous résume les différents résultats obtenus
selon la couverture choisie par l’entreprise, et en fonction des
scénarios de cours envisagés :
EUR/GBP CR avec contrat
CR sans couverture CR avec 10 CALLS
au 3 novembe à terme
0,7400 740 000 751 900 749 500
0,7519 751 900 751 900 761 400
0,7700 770 000 751 900 761 400

On voit bien que le contrat à terme et les CALLS procure une


garantie de change, en cas d’appréciation de l’EUR, plus
intéressante pour le contrat à terme puisque l’entreprise n’a pas à
acquitter la prime. En revanche, en cas de dépréciation de
l’EUR, l’option permet de profiter des gains de change réalisés,
même si le paiement initial de la prime vient les minorer : si
l’EUR baisse à 0,7400, l’entreprise paie plus cher ses EUR avec
les CALLS qu’au comptant : 749 500 – 740 000 = 9 500 GBP,
surcoût correspondant au montant de la prime. En revanche,
c’est moins qu’avec le contrat à terme qui ne permet pas de
bénéficier de la baisse de l’EUR.
La décision que prend in fine l’entreprise découlera ainsi de
ses anticipations quant aux évolutions de cours. Elle a, dans
notre exemple, envisagé plusieurs scénarios, auxquels elle a dû
associer des probabilités de survenance ; elle peut alors opter
pour la solution la plus pertinente dans le cadre du scénario le
plus probable. Son choix découlera plus certainement d’un
processus d’arbitrage entre la nécessité de se couvrir et le coût de
la couverture choisie, que ce soit un coût réel (la prime pour les
options) ou bien un coût d’opportunité (le renconcement à des
gains potentiels dans le cadre du contrat à terme).
Graphique 5

D’autres paramètres peuvent orienter son choix vers la


couverture par options plutôt que par contrat à terme. Par
exemple, une entreprise exportatrice qui, dans le cadre d’un
appel d’offres en devises, n’est pas certaine d’être retenue aura
tout intérêt à opter pour ce type de couverture. Si l’entreprise
n’est pas retenue, elle n’exercera pas ses options et ne perdra que
la prime. Si elle est retenue, elle aura garanti sa marge. Avec un
contrat à terme, l’engagement aurait été ferme et définitif.
La couverture par options est également particulièrement bien
adaptée dans le cas d’une entreprise qui vend ou achète sur la
base d’un prix catalogue, mais sans connaître par avance les
volumes sur lesquels elle négociera. Dans ce cas, l’achat d’une
option limite également le risque au paiement de la prime, et ce
dès la naissance du risque.
Le cas symétrique à celui de notre importateur anglais peut
également être analysé. Nous allons à présent nous mettre à la
place de la société exportatrice désirant se garantir un prix de
vente minimum lorsqu’elle facture en devise étrangère.
Exemple 4 : La couverture du risque de l’exportateur par
achat de PUT
L’exportateur qui recevra le paiement d’une créance future est
en position longue sur la devise étrangère s’il est payé dans cette
devise (puisqu’il devra la vendre à terme).
Considérons une entreprise française qui exporte aux États-
Unis, le 4 mai 2011, des produits pharmaceutiques pour un
montant de 1 000 000 USD. Ces produits sont payables à 6 mois,
soit en novembre 2011. Exposée sur le cours USD/EUR,
l’entreprise française craint une dépréciation de l’euro par
rapport au dollar américain. Actuellement, le cours spot
USD/EUR vaut 0,7034.
L’entreprise française hésite entre plusieurs solutions :
– ne pas se couvrir ;
– conclure un accord de vente à terme avec sa banque sur la
base de 1 000 000 USD au taux de change à 6 mois garanti
FUSD/EUR = 0,7034 (le cours à terme garanti par la banque est
égal au cours spot) ;
– acheter 10 PUT sur l’USD/EUR auprès de son courtier qui
lui propose l’option de vente « à la monnaie » de type européen,
dont les caractéristiques sont les suivantes :
PUT USD/EUR
Nominal 100 000 USD
Echéance 03/11/11
Prix d’exercice 0,7034
Prime 0,0075
L’entreprise française aimerait simuler le résultat de son
opération commerciale (avec et sans couverture) selon les 3
scénarios possibles pour l’évolution des cours :
3 Hypothèses possibles EUR/USD au 3 novembre
Taux de change stable 0,7034
Appréciation EUR 0,7300
Dépréciation EUR 0,6800

Solution 1 : En choisissant de ne pas se couvrir, l’entreprise


s’expose entièrement au risque de change. Son opération
commerciale lui rapportera un résultat lié à la vente (RV) qui
dépendra de l’évolution des cours : RV = 1 000 000 × S, où S
sera le cours de l’USD/EUR au 3 novembre 2011. Dans
l’hypothèse où USD/EUR = 0,7300, elle récupérera
730 000 EUR, tandis que si l’USD se déprécie à 0,6800, elle ne
récupérera plus que 680 000 EUR.
Solution 2 : En optant pour le contrat à terme, l’entreprise
française s’assure un résultat certain. Quel que soit le taux de
change dans 6 mois, l’entreprise recevra : RV = 1 000 000 ×
0,7034 = 703 400 EUR quel que soit S.
Solution 3 : L’entreprise française achète 10 options PUT
USD/EUR ce qui lui coûte le 4 mai 2011 une prime de
0,0075 EUR par USD couvert, soit au total une prime de
7 500 EUR. Chaque PUT sera exercé le 3 novembre 2011 si le
cours USD-EUR < ; 0,7034. L’entreprise française s’assure alors
de vendre 1 000 000 USD contre RV = 703 400-7 500
= 695 900 EUR si S < ; 0,7034. C’est ce montant qu’elle
s’assurera par exemple dans le scénario à 0,6800 envisagé par
l’entreprise.
L’entreprise n’exercera pas ses options si USD/EUR > ; 0,
7034, car il sera plus intéressant pour elle de vendre au prix du
marché. Elle convertira donc ses USD en EUR à S, mais elle
perdra la prime. Ainsi, si USD/EUR = 0,7300, l’entreprise
revend les USD au prix du marché, ce qui lui rapporte
730 000 EUR, auxquelles il faut retrancher la prime payée au
départ 7 500 EUR pour obtenir la somme de 722 500 GBP.
Chaque USD lui rapporte donc au cours du moment S-0,0075.
Le résultat de l’opération est ainsi égal à RV = 1 000 000 (S –
0,0075) si S > ; 0,7034.
Graphique 6 : les 3 solutions en fonction de l’évolution de
l’EUR/GBP

USD/EUR au CR avec contrat


CR sans couverture CR avec 10 CALLS
3 novembre à terme
0,7300 730 000 703 400 722 500
0,7034 703 400 703 400 695 900
0,6800 680 000 703 400 695 900

Encore une fois, la logique de l’assurance des contrats


d’options apparaît : l’exportateur s’assure de récupérer au
minimum 695 900 EUR en cas de dépréciation de l’EUR, c’est
mieux que sans couverture, mais moins bien qu’avec le contrat à
terme ferme qui garantit 703 400 EUR. Mais il pourra en
contrepartie bénéficier de l’appréciation de sa devise si cela se
produit, même s’il supportera toujours le poids la prime.
De nombreuses entreprises s’intéressent aux options comme
instruments de couverture, mais jugent les primes trop élevées.
Ce qui explique le succès que connaissent les stratégies d’achat
et de vente d’options permettant de réduire le montant total des
primes versées, ou bien même de les annuler. C’est à ce type de
stratégies que nous allons à présent nous intéresser.

IV. Les stratégies complexes à base d’options

Les produits optionnels autorisent toutes sortes de combinaisons plus


ou moins complexes, qui permettent de profiter des avantages des
options, tout en réduisant voire annulant le montant des primes versées.
Ces combinaisons sont aussi nombreuses qu’il existe de possibilité
d’acheter et de vendre des CALLS et des PUTS différents. Elles
permettent d’obtenir, au choix, une couverture au moindre coût ou bien
un produit financier à fort effet de levier (et hautement spéculatif).
L’optique de couverture étant celle qui nous intéresse dans cet ouvrage,
nous nous attacherons à présenter les stratégies d’options choisies par la
majorité des entreprises optant pour une couverture par options
complexes. Ces produits nécessitent une gestion active de la part de leurs
utilisateurs, qui doivent adapter leur position sur ces produits en fonction
des évolutions des cours du sous-jacent (en l’occurrence dans ce chapitre,
ce sont les devises qui nous intéressent).

1. Les stratégies de type « tunnels »

Cette stratégie consiste à acheter un Call ou un Put, et simultanément


vendre un Put ou un Call. Il s’agit, ce faisant, de limiter voire de réduire à
zéro le montant de la prime versée pour couvrir le risque auquel on est
exposé.
Ainsi, un importateur en USD (acheteur à terme d’USD et soumis au
risque d’appréciation de la devise) va acheter un CALLUSD/EUR, et
simultanément vendre une option PUTUSD/EUR. Ces deux opérations
vont dans le même sens : l’achat du CALLUSD/EUR lui garantit un prix
d’achat maximum et le PUTUSD/EUR l’oblige à acheter les USD s’il est
exercé. La vente du PUT lui permet de compenser la prime payée pour
l’achat du CALL. Si la position de vendeur d’option est, on l’a vu, très
risquée en elle-même, ce risque va être annulé grâce à l’achat simultané
du CALL. Ainsi, les deux positions, l’une sur un PUT et l’autre sur un
CALL, se compensent en terme de risque et en terme de coût, offrant une
bonne alternative en terme de couverture.
Nous allons illustrer ce type d’opération à partir d’un exemple où il est
possible de construire une combinaison d’options, un tunnel « à prime
zéro ».
Exemple 5 : Illustration d’une stratégie tunnel pour couvrir
l’achat d’une devise
Le 1er septembre 2011, un investisseur américain désire se
couvrir sur une dette de 125 000 EUR à régler dans 6 mois. Le
cours de change EUR/USD est à ce jour de 1,5000. Pour couvrir
son risque, il décide de composer lui-même un « tunnel » à partir
des options d’achats et de vente sur EUR/USD disponibles à la
cotation sur le CME. Voilà les options qui l’intéressent sur le
CME :
Caractéristiques communes aux options sur EUR/USD 6 mois
Nominal 125 000 EUR 01/12/11
Prix d’exercice CALL PUT
1,4500 0,0350 0,0156
1,4800 0,0286 0,0216
1,5000 0,0216 0,0286
1,5500 0,0140 0,0450

Chacune des options portant sur le même nominal que la dette


à couvrir, cela va simplifier les calculs. Pour différencier les
Calls, nous allons les indicer par leur prix d’exercice, tout
comme nous indicerons les primes correspondant à chacun de
ces produits.
L’importateur décide d’acheter le Call « à la monnaie » de
prix d’exercice 1,50 (nous le noterons CALL1,50) et dont la
prime s’élève à 0,0216, USD soit une prime totale P1,50
= 125 000 × 0,0216 = 2 700 USD.
Il va essayer de compenser cette prime par la vente d’un Put.
Le PUT1,48 présentant la même prime, c’est donc celui qui sera
choisi (c’est un PUT « hors la monnaie »). En achetant le
CALL1,50 et en vendant le PUT1,48, le coût de l’opération sur
options sera nul pour l’importateur.
Reprenons la notation S pour désigner le cours. Avec le
PUT1,48, l’importateur sera obligé d’acheter 125 000 EUR à
1,48 si l’acheteur du Put exerce son option, i. e si S < ; 1,48.
Dans ce cas-là, l’importateur perdra 1,48-S par rapport à ce qu’il
aurait obtenu comme condition de taux en achetant un EUR au
prix du jour. A contrario, si S > ; 1,48, l’acheteur de l’option
abandonnera son droit.
De la même façon, notre importateur exercera son CALL1,50
lorsque S > ; 1,50, il gagnera alors par rapport au marché S –
1,50 sur chaque EUR acheté.
Il faut faire très attention puisque les options n’ayant pas les
mêmes prix d’exercice, il est nécessaire de bien différencier les
cours pour lesquels chaque option va être ou non exercée. Il
suffit de retracer patiemment les gains et pertes réalisés en
fonction de l’évolution du cours EUR/USD. Le plus simple est
de raisonner par intervalles de cours, en partant de 0 jusqu’à
l’infini, les intervalles étant délimitées par les différents prix
d’exercices, celui du CALL et celui du PUT.
Graphique 7
Trois cas de figure apparaissent selon les niveaux de cours
atteint par le cours de change EUR/USD : seul le Put est exercé,
aucune des options n’est exercée, ou bien seul le Call est exercé.
Il est possible pour chacun de ces cas d’évaluer les gains réalisés
par notre importateur sur le CME. C’est ce que nous avons
retracé dans le tableau ci-dessous sans faire apparaître les primes
payées au départ, puisqu’elles se compensent.
Tableau 5 : Gains et pertes sur chaque option en fonction
de la valeur du cours de change S
Représentation des gains (USD) pour 1 EUR couvert
Vente PUT1,50 Achat CALL1,48
Cours EUR/USD TUNNEL À PRIME NULLE (1)+(2)
(1) (2)
S ≤ 1,48 S-1,48 0 S-1,48
1,48 < ; S ≤ 1,50 0 0 0
S > ; 1,50 0 S-1,50 S-1,50

Si le cours de change s’établit à un prix inférieur à 1,48, alors seul le


Put est exercé par celui qui l’a acheté. L’investisseur est obligé d’acheter
chacun des 125 000 EUR à 1,48 alors que sur le marché, l’USD coûte
moins cher. Si par exemple USD/EUR = 1,44, alors l’importateur perd
1,48-1,44 = 0,04 USD. A contrario, si S > ; 1,48, le Put n’est pas exercé,
ni le Call d’ailleurs tant que son exercice n’est pas intéressant. Dès que le
cours de change dépasse 1,50, alors l’importateur exerce son Call et
gagne par rapport au marché S-1,50 sur chaque EUR acheté.
Le total des gains réalisés grâce aux deux opérations simultanées est
obtenu en sommant les gains par unité d’EUR couvert pour chaque
niveau de cours S : c’est le gain de la stratégie « tunnel ».
Montrons à présent comment cette stratégie d’options permet de bien
couvrir le risque de change de notre importateur. Celui-ci est exposé sur
un montant de 125 000 EUR. Pour chaque intervalle de cours, il est
possible de déterminer le coût réel de l’opération couverte ; c’est ce qui
est retracé dans le tableau 6 et le graphique 8.
Tableau 6 : Coût de revient des 125 000 EUR couverts
Coût de revient (en USD) des 125 000 couverts par le TUNNEL À PRIME NULLE
DETTE 125 000 EUR GAIN TUNNEL COÛT REEL
Cours EUR/USD
(3) (4) (1)-(2)
S ≤ 1,48 125 000xS 125 000x(S-1,48) 183 520
1,48 < ; S ≤ 1,50 125 000xS 0,0000 125 000xS
S > ; 1,50 125 000xS 125 000x(S-1,50) 187 500

Graphique 8 : Représentation de la valeur en USD des


125 000 EUR couverts

La stratégie d’options choisie par notre importateur lui permet de


s’assurer un prix plafond pour les 125 000 EUR : ceux-ci ne lui coûteront
jamais plus cher que 187 500 USD. En revanche, il renonce à bénéficier
entièrement d’une évolution favorable des cours, puisqu’il déboursera au
minimum 183 520 USD. Le terme de « tunnel » prend ici tout son sens,
puisqu’avec une telle stratégie l’importateur est certain de payer entre
183 520 et 187 500 USD pour couvrir sa dette, en étant pour des valeurs
du cours de change moyenne (entre 1,48 et 1,55) endetté au prix du
marché. L’achat du Call lui permet de se doter d’une couverture et de se
garantir un cours maximum, la vente du Put réduit le potentiel de gain.
L’importateur est donc bien assuré contre le risque de change, et qui plus
est à un coût nul.
Cet exemple illustre l’utilisation qui peut être faite d’un « tunnel »
pour couvrir le risque de hausse de l’EUR. Symétriquement, il est
possible de construire sur le même principe une couverture pour couvrir
le risque inverse, de baisse de l’EUR. On parle alors de stratégie risk-
reversal à prime réduite ou nulle (cf. exemple 6).
Exemple 6 : Illustration d’une stratégie tunnel pour couvrir
la vente d’une devise
Nous reprenons les données de l’énoncé de l’exercice
précédent, en considérant à présent un exportateur américain
appelé à vendre des EUR dans 6 mois. Anticipant une
dépréciation de la devise européenne, il voudrait arriver à vendre
ses EUR au minimum à 1,48 (le cours actuel étant EUR/USD
= 1,50). Pour ce faire, il décide d’acheter un PUT1,50 et pour
que cela ne lui coûte rien, de vendre simultanément un
CALL1,48. La prime totale de l’opération est bien nulle.
Tout comme dans l’exemple précédent, le timing dans
l’exercice des options est conditionné par les prix d’exercice.
L’acheteur du CALL1,48 n’exercera son option que si le cours
de change passe au-delà de 1,48. L’exportateur exercera son
PUT1,50 que si le cours de l’EUR se déprécie en deçà de 1,50, il
abandonnera son option dans le cas contraire. Entre ces deux
valeurs, les deux options sont exercées, le gain réalisé sur l’achat
du Put étant en partie annulé par les pertes sur la vente du Call.
Tableau 7 : Gains et pertes sur chaque option en fonction
de la valeur du cours de change S
Représentation des gains (USD) pour 1 EUR couvert (pour l’exportateur)
Vente CALL1,48 Achat PUT1,50
Cours EUR/USD TUNNEL À PRIME NULLE (1)+(2)
(1) (2)
S ≤ 1,48 0 1,50-S 1,50-S
1,48 < ; S ≤ 1,50 1,48-S 1,50-S0 2,98-2S
S > ; 1,50 1,48-S 0 1,48-S

Le montant d’USD récupéré par l’exportateur grâce à cette couverture


va être compris entre un montant minimum (garanti par l’achat du Put) et
un maximum (limité par la vente du Call) :
Tableau 8 : Résultat de la vente des 125 000 EUR couverts
Contrepartie (en USD) des 125 000 EUR couverts par le TUNNEL À PRIME NULLE
Recette 125 000 EUR Gain Tunnel Total USD
Cours EUR/USD
(3) (4) (1)+(2)
S ≤ 1,48 125 000xS 125 000x (1,50-S) 187 500S
1,48 < ; S ≤ 1,50 125 000xS 125 000x (2,98-2S) 125 000x (2,98-2S)
S > ; 1,50 125 000xS 125 000x (1,48-S) 183 520

Graphique 9 : Représentation de la valeur en USD


des 125 000 EUR couverts

L’exportateur s’assure bien de récupérer au minimum 183 520 USD (il


s’est bien assuré un taux de change de 1,48) mais c’est ce qu’il obtiendra
« au mieux » alors que la devise s’est appréciée. Si cette stratégie
fonctionne, paradoxalement, elle procure un avantage plus grand si les
craintes de l’exportateur se précisent (dépréciation de l’EUR) puisqu’il
peut en cas de forte dépréciation espérer récupérer 187 500 USD.

2. Les stratégies de couverture de type « butterfly »

Il s’agit d’une combinaison composée consistant à acheter deux


options (CALL ou PUT) à un prix d’exercice moyen, et à vendre deux
options supplémentaires de même type (CALL ou PUT) que celles
achetées, l’une à un prix d’exercice plus faible, l’autre à un prix
d’exercice plus élevé. C’est, tout comme la stratégie « tunnel », une
combinaison d’options qui permet de réduire la prime payée pour la
couverture du risque. En revanche, c’est un produit tout de même assez
spéculatif, puisqu’il ne joue son rôle d’assurance que pour des variations
bien précises du cours de change ; il doit donc être utilisé avec
précaution, par des investisseurs confiants dans leurs prévisions
d’évolution des cours de change.
Exemple 7 : Couverture par « butterfly »
Nous sommes toujours le 1er septembre 2011, et notre
importateur américain envisage de couvrir ses 125 000 EUR à 6
mois en composant un « butterfly » à partir des options d’achats
sur EUR/USD disponibles à la cotation sur le CME. Voici les
positions qu’il a prises sur le CME :
Caractéristiques communes aux CALLS sur EUR/USD
Nominal 125 000 EUR échéance 01/12/11
Stratégie Achat 1 CALL1,45 Vente 2 CALLS1,50 Achat 1 CALL1,55
Prix d’exercice 1,4500 1,5000 1,5500
Prime 0,0350 0,0216 0,0140

Le coût d’achat du CALL1,45 et du CALL1,55 va être en


partie compensé par la vente des deux CALL1,50. L’investisseur
va ainsi disposer d’un produit de couverture à prime réduite :
– achat du CALL1,45 : prime totale payée P1,45 = 125 000 ×
0,0350 = 4 375 USD
– achat du CALL1,55 : prime totale payée P1,55 = 125 000 ×
0,0140 = 1 750 USD
– vente 2 CALL1,50 : prime totale perçue P1, 50 = 2x125 000
× 0, 0216 = (5 400 USD)
– Prime totale payée = 725 USD
Reste maintenant à savoir quel résultat peut bien donner cette
stratégie d’options. Pour cela, il suffit de retracer patiemment les
gains et pertes réalisés en fonction de l’évolution du cours
EUR/USD.
Graphique 10
Cela permet ensuite de décrire les gains liés aux options. C’est
que nous avons fait dans le tableau ci-dessous :
Tableau 9 : Gains et pertes sur chaque option en fonction
de la valeur du cours de change S
Représentation des gains (USD) pour 1 EUR couvert
Achat 1 CALL1,46 Vente 2 CALLS1,60
Cours EUR/USD Achat 1 CALL1,66
(1) (2)
S ≤ 1,45 - 0,0350 2x0,0216 - 0,0140
1,45 < ; S ≤ 1,50 S-1,45-0,0350 2x0,0216 - 0,0140
1,50 < ; S ≤ 1,55 S-1,45-0,0350 2x[-(S-1,50)+0,0216] - 0,0140
S> ; 1,55 S-1,45-0,0350 2x[-(S-1,50)+0,0216] S-1,55 – 0,0140

Si le cours de change s’établit à un prix inférieur au plus petit prix


d’exercice (1,45), alors aucun des trois CALLS n’est exercé.
L’investisseur perd alors la prime sur les 2 CALLS achetés, mais
conserve celle sur les 2 CALLS vendus, et ne gagne rien par rapport au
change au comptant grâce à ses options. Si le cours est compris entre
1,45 et 1,50, seul le CALL1,45 est exercé. Il faudra que le cours dépasse
le prix d’exercice le plus élevé, 1,55 pour que les 3 CALLS soient
exercés.
À partir de là, il est possible d’évaluer le total des gains réalisés grâce
aux 3 opérations simultanées, pour cela, il suffit de sommer les gains par
unité d’EUR couvert pour chaque niveau de cours S :
Tableau 10 : Gains et pertes relatifs au « butterfly »
Représentation des gains (USD) pour 1 EUR couvert
Achat 1 CALL1,46 Vente 2 CALLS1,60
Cours EUR/USD Achat 1 CALL1,66 Total Gain butterfly
(1) (2)
S ≤ 1,45 - 0,0350 2x0,0216 - 0,0140 - 0,0058
1,45 < ; S ≤ 1,50 S-1,45-0,0350 2x0,0216 - 0,0140 S-1,4558
1,50 < ; S ≤ 1,55 S-1,45-0,0350 2x[-(S-1,50)+0,0216] - 0,0140 -S+1,5442
S> ; 1,55 S-1,45-0,0350 2x[-(S-1,50)+0,0216] S-1,55 – 0,0140 -0,0058

Les gains associés à la stratégie « butterfly » choisie par notre


investisseur apparaissent dans la dernière colonne du tableau. Nous
pouvons voir que pour des variations de cours extrêmes (S < ; 1,45 ou
bien S > ; 1,55), cette combinaison d’options coûte 0,0058 USD de plus
par EUR couvert à l’investisseur par rapport à ce qu’il aurait obtenu s’il
ne s’était pas couvert. Remarquons que ce montant est très précisément
égal à la prime nette, i. e au coût de la combinaison (125 000 × 0,0058
= 725 USD). Cette stratégie est donc peu risquée (utilisée seule) puisque
la perte maximale est limitée au montant de la prime nette déboursée.
Pour toute variation de cours comprise entre ces deux valeurs
extrêmes, le profil de gain ne sera pas le même. Pour S compris entre
1,45 et 1,50, le gain est linéaire et croissant avec S, avec un maximum de
0,0442 pour S = 1,50, alors qu’il est décroissant pour S compris entre
1,50 et 1,55, avec un minimum de -0,0058 pour S = 1,55.
Pour le voir, il nous suffit de retracer graphiquement le profil de gain
en fonction de S :
Graphique 11 : Les gains réalisés avec la stratégie butterfly

Le nom de la combinaison (« papillon ») est dû à la forme du profil de


gain lié à cette stratégie d’options. Dans une optique de couverture, ces
gains vont venir compenser les éventuelles pertes de change liées aux
variations du cours de l’USD/EUR. Notons que ces gains n’apparaissent
que si le cours se situe entre deux points morts qui correspondent aux
cours du sous-jacent pour lesquels les gains sont nuls. Entre ces deux
points, les gains peuvent être soit S-1,4558 (qui sera nul si S = 1,4558) ou
bien -S + 1,5442 (point mort à S = 1,5442). La stratégie ne sera donc
gagnante que si le cours de l’USD varie dans la fourchette à la hausse
comme à la baisse (pour rappel, le cours spot valait à la mise en place de
la couverture EUR/USD = 1,5000).
Grâce à cette opération de couverture, l’investisseur va pouvoir limiter
la valeur de sa dette de 125 000 EUR à régler dans 3 mois. Le résultat net
de l’opération (dette + couverture par butterfly) va dépendre également
de l’évolution du cours de change.
Ainsi, si le cours est compris entre 1,45 et 1,50, l’investisseur
américain achètera ses 125 000 EUR au prix du jour, S, moins le gain
qu’il réalise grâce à la combinaison d’options : S - 1,4558. Le prix réel de
son opération est donc + 1,4558. Ce qui, pour un montant global de
125 000 EUR, représente pour lui un coût réel de 125 000 × 1,4558
= 181 975 USD. Pour chaque intervalle de cours, il est possible de
déterminer de la sorte le coût réel de l’opération couverte ; c’est ce qui
est retracé dans le tableau 11 et le graphique 12
Tableau 11 : Coût réel des 125 000 € couverts
DETTE 125 000 EUR Gain butterfly
Cours EUR/USD
(1) (2)
S ≤ 1,45 125 000xS 125 000x (-0,0058)
1,45 < ; S ≤ 1,50 125 000xS 125 000x (S-1,4558)
1,50 < ; S ≤ 1,55 125 000xS 125 000x (S+1,5442)
S > ; 1,55 125 000xS 125 000x (-0,0058)

Graphique 12 : Représentation de la valeur en USD


des 125 000 EUR couverts

Nous retrouvons sur le graphique les deux points morts de la stratégie


qui délimitent la fourchette de cours pour laquelle la stratégie de
couverture est appropriée. Si l’investisseur anticipe des variations de
cours importantes, à la hausse comme à la baisse, il paiera un peu plus
cher (le montant de la prime, qui est le risque maximum de perte par
rapport au cours) chaque EUR. En revanche s’il pense que les
fluctuations resteront « raisonnables » (stables autour du cours
intermédiaire) alors sa stratégie s’avérera intéressante.
L’investisseur aurait pu opter pour une combinaison différente de
CALLS, plus ou moins onéreuse, ce qui aurait modifié non pas la forme
du profil de gain (et donc du coût réel de sa dette), mais bien l’amplitude
des gains et des pertes.

3. Les stratégies de type « strangle » ou « straddle »

Un ouvrage entier ne suffirait pas pour analyser l’intérêt de toutes les


combinaisons possibles de CALLS et PUTS. Aussi nous conclurons en
présentant deux stratégies supplémentaires que les banques proposent
comme des produits financiers de couverture à leurs clients.
La combinaison appelée « straddle » est fondée sur des options d’achat
et de vente ayant le même prix d’exercice. Acheter un straddle revient à
acheter à la fois l’option d’achat et l’option de vente, sur une même
devise, à une même échéance et au même prix d’exercice (mais pas la
même prime). Vendre un straddle revient à vendre les deux types
d’option (ce qui est très risqué).
La combinaison appelée « strangle » consiste, tout comme le straddle,
à acheter un Call et un Put, mais cette fois, à des prix d’exercice
différents.
L’une comme l’autre, ces deux types de stratégies permettent aux
investisseurs, outre de se couvrir contre le risque de change, de réaliser
des gains de change en misant sur une forte volatilité des cours. Ce sont
donc des stratégies appropriées lors de périodes économiques et
financières instables qui peuvent aussi bien conduire à une forte
dépréciation d’une devise, comme à sa forte appréciation (c’est ce que
l’on observe d’ailleurs depuis la crise de 2007 sur la paire de devise la
plus tradée, l’EUR/USD).
Graphique 13 : Achat d’un straddle/Achat d’un strangle

4. Le change à terme avec intéressement

Nous ne détaillerons pas cet outil dans ce chapitre, car son mode de
fonctionnement s’apparente aux contrats COFACE avec intéressement
déjà présentés dans le chapitre 6. Le change à terme avec intéressement
se trouve à mi-chemin entre une couverture à terme classique et une
option : il permet d’être couvert en cas de variation défavorable de la
devise, et de pouvoir profiter à l’échéance, mais seulement pour partie,
d’une évolution favorable de cette devise. En contrepartie, le cours
garanti par le contrat à terme sera moins favorable par rapport au cours
forward théorique. Les modalités et niveaux d’intéressement sont fixés à
la mise en place du contrat et dépendent du niveau de cours garanti
souhaité.

V. Les options de deuxième génération et autres

La gestion des risques dans leur ensemble est devenue, avec les
nouvelles règles prudentielles, un objectif primordial. Les options plain
vanilla, trop simples dans leurs mécanismes, ne suffisent plus à répondre
aux besoins de plus en plus importants et pointus de ces utilisateurs en
matière de gestion du risque, notamment des risques financiers. De
nouveaux produits ont répondu à cette demande depuis, que l’on appelle
les options de deuxième génération. Il ne serait pas possible de toutes les
citer, d’autant plus que des montages complexes d’options confidentiels
existent également sur les marchés de gré à gré. Nous pouvons cependant
en donner quelques exemples (d’autres illustrations seront proposées
dans le chapitre 9), en négligeant consciemment de parler des options qui
ont été élaborées à des fins purement spéculatives, comme les options
digitales, les options one or double touch, etc.

1. Les options lookback

Elles confèrent le droit à son acheteur de choisir a posteriori quel prix


utiliser comme prix d’exercice (pour acheter ou vendre une devise),
parmi les taux de change observés pendant la durée de vie de l’option.
Étant rationnel, il va forcément opter pour le niveau qui maximise son
gain. Ce type d’options coûte évidemment bien plus cher qu’une option
classique, puisque le prix d’exercice n’étant connu qu’à l’échéance, le
risque pour le vendeur de l’option est plus élevé.

2. Les options à barrières activantes ou désactivantes

Une option à barrière est une option européenne de gré à gré, dont
l’existence est conditionnée par l’évolution du cours de change (pendant
la durée de vie de l’option) par rapport à un seuil, fixé par l’acheteur de
l’option en accord avec le vendeur. C’est ce seuil qui est appelé barrière.
Ainsi, une option à barrière activante (option In) ne sera exerçable à
l’échéance que si au moins une fois au cours de la vie de l’option, le spot
a atteint ou dépassé une barrière activante (on dit qu’il touche la
barrière).
Au contraire, une option à barrière désactivante (option Out) cessera
définitivement d’exister si, à un moment donné au cours de la vie de
l’option, le spot touche une barrière désactivante[6].
Comme les barrières restreignent les droits liés à la détention de
l’option, la prime sera généralement inférieure à celle d’une option
classique présentant les mêmes caractéristiques.
Par convention, on nomme les options à barrière en associant le type
de l’option au type de barrière (In/Out). Les principaux types d’options
sont :
Les options « Knock » : une option à barrière est dite
« Knock » si la barrière est en dehors de la monnaie (par
rapport au spot). Par exemple, un « Call EUR Put USD Knock
In » désigne un Call EUR contre USD avec une barrière
activante à la baisse.
Les options « Kick », ou « Reverse Knock » : une option à
barrière est dite « Kick » si la barrière est dans la monnaie (par
rapport au spot). Par exemple, un « Call EUR PUT USD Kick
Out » désigne un Call EUR contre USD avec une barrière
désactivante à la hausse.

Graphique 14

Les profils des options Kick-In sont les mêmes que ceux des options de
change classiques, à la condition que la barrière soit touchée. Si elle ne
l’est pas, l’opérateur ayant pris position pour couvrir une opération sous-
jacente ne bénéficiera pas de la couverture de change. Pour un simple
investisseur en option, celui-ci perd le bénéfice du gain qu’il aurait
réalisé avec une option classique, de mêmes caractéristiques.

3. Les options asiatiques

Ce sont des options de gré à gré qui permettent de percevoir l’écart


entre le prix d’exercice de l’option et la moyenne des cours de change
observés pendant la durée de vie de l’option. Si la moyenne est
supérieure au prix d’exercice, l’acheteur d’un CALL asiatique exercera
son option et gagnera la différence entre son prix d’exercice et la
moyenne. En revanche, un acheteur de PUT abandonnera son option. Ce
type de produit est intéressant pour des devises volatiles ou bien peu
échangées.
Graphique 15

Conclusion

Ces quatre chapitres consacrés aux méthodes et outils de gestion du


risque de change nous ont permis de nous rendre compte de la formidable
boîte à outils qui est à disposition des acteurs pour gérer ce type de
risque. Certaines méthodes sont plus particulièrement adaptées à certains
types d’acteurs (par exemple, le netting n’est pertinent que pour des
banques ou des entreprises multinationales).
À chaque acteur ensuite de choisir la ou les méthodes qu’il préfère
compte tenu de sa « résistance » au risque, de ses capacités financières,
de sa stratégie ou tout simplement de la maîtrise qu’il en a.
Nous avons résumé dans le tableau ci-après les avantages et
inconvénients des différentes techniques de couverture.
Tous les produits dérivés, y compris les combinaisons complexes,
peuvent être adaptés à tout autre type de sous-jacent que les devises,
notamment les taux d’intérêt. Nous les retrouverons dans le chapitre 9.
Concernant les produits dérivés, en particulier les produits optionnels,
soulignons pour conclure que ces produits, censés permettre la
couverture des risques, favorisent hélas la volatilité des marchés sous-
jacents. Sur le marché du crédit, l’histoire récente nous a
malheureusement montré les effets désastreux de l’usage excessif des
produits dérivés (les CDS en l’occurrence) et de la recherche sans fin de
profits. C’est l’existence même de ces produits financiers dérivés qui, par
l’effet de levier qu’ils génèrent, encouragent les agents à choisir des
stratégies plus risquées.
MISE EN TECHNIQUES DE
AVANTAGES INCONVÉNIENTS
ŒUVRE COUVERTURE
Commercialisation risquée car
tout le risque est transposé sur
Utilisation simple
l’acheteur ou le vendeur
Coût nul
Facturation en euros étranger
Protection complète contre le risque
Ne permet pas de bénéficier
de change
d’une évolution favorable des
cours de change
Risque souvent partagé entre
acheteur et vendeur
Clause Utilisation simple
Négociation difficile (n’est pas
Interne à d’indexation Coût faible
toujours apprécié
l’entreprise
commercialement)
Factu- Couverture imparfaite du risque
ration de change
en Nécessite une gestion suivie de
Limitation partielle du risque de
devises la position de change de
Compen- change (l’entreprise doit réussir à
l’entreprise
sation compenser les flux entrants et
Demande un nombre limité de
sortants)
devises de facturation
Coût lié à la gestion soutenue
de la position de change
Cours connu dès la mise en place Le contrat est irrévocable. Il est
Change à du contrat à réserver aux flux certains
terme Gestion simple ne nécessitant Ne permet pas de profiter d’une
aucun suivi administratif évolution favorable de la devise
Factu- Garantie d’un cours plancher ou
Banque et
ration plafond avec la possibilité de
Intermé-
en profiter d’une évolution favorable Prime payée dès la mise en
diaire
devises Option de de la devise place même si le risque ne se
change Parfaitement adapté aux risques matérialise pas (par exemple,
incertains comme les soumissions à pas de commande)
appel d’offres ou les achats et
ventes sur catalogue

Bibliographie

D. OGIEN, Pratique des marchés financiers, Dunod, 2005.


M. BELLELAH, Gestion des risques de taux d’intérêts et de change,
Pearson, 2007.
J. HULL, Options, futures et autres produits dérivés, Pearson, 2007.

QCM et exercices

Q1 : Une seule des affirmations suivantes est vraie, laquelle ?


1- L’acheteur d’un Put aura le droit d’acheter le sous-jacent, le vendeur
du Put aura le droit de le vendre ou non
2- Le vendeur d’un Call aura le droit d’acheter le sous-jacent,
l’acheteur du Call aura l’obligation de le vendre si l’option est exercée
3- L’acheteur d’un Put aura le droit de vendre le sous-jacent, le
vendeur du Put sera obligé d’acheter le sous-jacent si l’option est exercée
4- Le vendeur d’un Call à l’obligation de vendre le sous-jacent,
l’acheteur du Call sera obligé d’acheter le sous-jacent
Q2 : La prime d’une option représente :
1- le prix de l’option
2- le prix auquel l’option permet de réaliser l’opération sous-jacente
3- le gain réalisé grâce à l’exercice de l’option
4- aucune de ces réponses
Q3 : Le prix d’exercice d’une option représente :
1- le prix de l’option
2- le prix auquel l’option permet de réaliser l’opération sous-jacente
3- le gain réalisé grâce à l’exercice de l’option
4- aucune de ces réponses
Q4 : Une option d’achat sera systématiquement exercée lorsque :
1- le prix d’exercice est inférieur au cours du sous-jacent à l’échéance
2 – la prime de l’option est supérieure au cours du sous-jacent à
l’échéance
3- le prix d’exercice est supérieur au cours du sous-jacent à l’échéance
4- la prime de l’option est inférieure au cours du sous-jacent à
l’échéance
Q5 : Une option de vente sera systématiquement exercée lorsque :
1- le prix d’exercice est inférieur au cours du sous-jacent à l’échéance
2 – la prime de l’option est supérieure au cours du sous-jacent à
l’échéance
3- le prix d’exercice est supérieur au cours du sous-jacent à l’échéance
4- la prime de l’option est inférieure au cours du sous-jacent à
l’échéance
Q6 : Pour se couvrir contre une dépréciation de l’EUR, un
investisseur :
1- achètera un Call sur EUR/USD
2- vendra un Call sur EUR/USD
3- vendra un Put sur EUR/USD
4- achètera un Put sur EUR/USD
Q7 : Une stratégie optionnelle de type « tunnel » consiste en :
1- l’achat d’un Call et la vente d’un Call
2- l’achat d’un Put et la vente d’un Call
3- la vente et l’achat d’un Put
4- aucune des ces réponses
Q8 : La meilleure couverture contre le risque de change est :
1- d’acheter des options même si cela a un coût, ce type de couverture
est le plus efficace
2- de négocier un contrat de gré à gré avec une banque, car c’est la
solution la plus souple
3- d’opter pour une gestion interne active du risque, c’est ce qu’il y a
de plus simple
4- aucune de ces réponses, la couverture optimale est spécifique à
chaque entreprise
Correction

Q1 : Une seule des affirmations suivantes est vraie, laquelle ? 3-


L’acheteur d’un Put aura le droit de vendre le sous-jacent, le
vendeur du Put sera obligé d’acheter le sous-jacent si l’option est
exercée.
Q2 : La prime d’une option représente : 1- le prix de l’option.
Q3 : Le prix d’exercice d’une option représente : 2- le prix auquel
l’option permet de réaliser l’opération sous-jacente.
Q4 : Une option d’achat sera systématiquement exercée lorsque : 3-
le prix d’exercice est supérieur au cours du sous-jacent à
l’échéance.
Q5 : Une option de vente sera systématiquement exercée lorsque :
1- le prix d’exercice est inférieur au cours du sous-jacent à
l’échéance
Q6 : Pour se couvrir contre une dépréciation de l’EUR, un
investisseur : 4- achètera un Put sur EUR/USD.
Q7 : Une stratégie optionnelle de type « tunnel » consiste en : 2-
l’achat d’un Put et la vente d’un Call.
Q8 : La meilleure couverture contre le risque de change est : 4-
aucune de ces réponses, la couverture optimale est spécifique à
chaque entreprise.

Exercice 1

Le 1er avril 2011, la société IBN à Paris reçoit une commande de son
client néo-zélandais pour un montant de 500 000 NZD payable à 3 mois.
Le directeur financier de la firme IBN craint une éventuelle dépréciation
du NZD. En lecteur averti des journaux financiers, vous disposez des
infos suivantes :
Cours spot acheteur/vendeur au 1er avril 2011 :
USD/EUR 1,0646/1,0650
USD/NZD 2, 0594/2,0623
1- Pour se couvrir face à une variation du NZD, la société IBN décide
de souscrire à un contrat d’option « américaine » standardisée avec sa
banque au prix d’exercice NZD/EUR = 0,5167 Quel avantage procure
une option à l’américaine par rapport à une option européenne ? Quel
type d’option va-t-elle acheter ?
2- Le 2 mai 2011, le NZD s’échange au cours suivant : EUR/NZD
1,9242/1,9258 Que fait l’entreprise ? Exerce-t-elle son option ? Pour
quelles raisons ?

Exercice 2

Le 12 juin, l’entreprise française LASVEDAS (spécialiste du matériel


haut de gamme pour le tir à l’arc de compétition), a vendu pour
105 000 dollars américains de marchandises à un client chinois, échéance
de paiement le 11 décembre. Actuellement (le 12 juin), l’entreprise
prévoit une dépréciation du dollar face à la monnaie européenne. Le
même jour, les données du marché sont les suivantes :
– Spot EUR-USD : 1,3587 – 1,3592
– Taux intérêt USD : 2 % – 2,15 %
– Taux intérêt EUR : 2,57 % – 2,69 %
L’entreprise LASVEDAS souhaite se couvrir contre une évolution
défavorable des cours de change. Pour cela, elle envisage trois solutions :
a) Demander une avance en devise à sa banque (intérêts postcomptés
classiques), moyennant une commission de 1 EUR pour 1 000 EUR.
b) Conclure avec sa banque un contrat de change à terme sur devises,
moyennant une commission de 1 EUR pour 1 000 EUR.
c) Enfin, elle s’intéresse à une stratégie d’achat d’options, chaque
option portant sur un nominal de 10 000 USD. Les informations
disponibles sur les options qui l’intéressent, à échéance 12 décembre,
sont les suivantes : option européenne sur USD de nominal 10 000 USD,
prix d’exercice : 0,7374, prime : 0,0013 EUR par USD couvert.
1- Quels sont pour l’entreprise LAT’VEDAS les avantages de l’ADE ?
Expliquez en détail le mécanisme de l’ADE tel qu’il sera mis en place
par la banque. Quel sera le total d’euros récupérés par l’entreprise grâce à
cette opération ?
2- Si l’entreprise LASVEDAS opte pour le contrat à terme, à quel
cours à terme la banque pourrait-elle garantir aujourd’hui au client
l’achat ou la vente de ses 105 000 USD au 11 décembre ? Quel sera alors
le montant d’euros récupérés par l’entreprise ?
3- Dans le cadre du contrat à terme, l’EUR est-il plus cher que l’USD à
terme ou bien au comptant ? Pour quelle raison obtient-on ce résultat ?
4- Quel type d’option l’entreprise choisirait-elle si elle optait pour
cette solution ? Si la société achète une option de ce type, combien va-t-
elle en acheter et sera-t-elle intégralement couverte contre le risque de
change ? Pourquoi ?
5- Retracez sur un graphique le profil de gain associé à la couverture
par option, en fonction de l’évolution possible du cours USD/EUR.
Quelle somme en EUR l’entreprise LASVEDAS s’assure-t-elle de
récupérer au minimum ? et au maximum ?
6- En conclusion, quelle solution de couverture parmi les 3 étudiées
conseilleriez-vous à l’entreprise LASVEDAS d’adopter ?

Exercice 3

Nous sommes le 18 février 2011. Un exportateur canadien, craignant


une dépréciation de l’USD/CAD, veut fixer aujourd’hui un taux de
change pour une somme de 1 000 000 USD qu’il recevra dans 3 mois. Le
taux de change spot est actuellement
S USD/CAD 18 février = 1,1700-1,1710.
Pour se couvrir contre le risque de change, il décide d’opter pour une
combinaison d’options de change à l’européenne sur la paire USD/CAD,
chaque type d’option portant sur un nominal de 10 000 USD à échéance
18 mai 2011. Les caractéristiques de ces options sont les suivantes :
Prix d’exercice Prime par option
CALL S USD/CAD 18 février 113 CAD
PUT S USD/CAD 18 février 140 CAD

Sa stratégie consisterait à acheter 100 PUTS et simultanément, à


vendre 100 CALLS.
1- Représentez dans un tableau les gains/pertes nettes résultant de la
stratégie d’options envisagée par l’exportateur, puis proposez une
représentation graphique du profil des gains obtenus.
2- Pour se protéger contre une dépréciation de l’USD, l’exportateur
aurait pu se contenter d’acheter 100 PUTS. Pourquoi a-t-il plutôt opté
pour la stratégie ci-dessus ? De façon plus générale, discutez de la
pertinence d’une telle stratégie en fonction de l’évolution du cours
USD/CAD. Cette stratégie est-elle risquée ?
3- Supposons à présent que le 18 mai 2011, le cours de change au
comptant s’établisse à SUSD/CAD 18/05 = 1,1215 – 1,1226. Quel sera le
montant de CAD récupéré par notre exportateur ? A-t-il eu raison de se
couvrir ?
4- Plus généralement, cette stratégie lui permet-elle de s’assurer un
taux de change minimum pour sa transaction quel que soit le taux de
change au 18 mai 2011 ? Et un taux de change maximum ? Si oui, le(s)
quel(s) ?
[1] . Comme toute prime d’assurance : les primes sont payées en début de contrat. Si un sinistre
intervient pendant l’année vous êtes couvert et indemnisé, si aucun sinistre ne se produit, l’assurance
ne joue pas son rôle, ais la prime ne vous est pas remboursée.
[2] . Pour la présentation mathématique, la démonstration et l’usage technique de la formule de
Black-Sholes, l’on se référera aux ouvrages Hull ou Bellelah cités en bibliographie.
[3] . On retrouve la logique de l’assurance : l’assureur perçoit la prime et espère que vous ne
subirez aucun sinistre pour n’avoir pas à vous dédommager, car si un sinistre survient, le montant de
l’indemnité versée sera d’autant plus grand que ce sinistre sera important. Le montant du sinistre peut
même dépasser le montant de la prime versé, et l’assureur perd de l’argent sur votre contrat.
Heureusement pour eux, les assureurs ont des milliers de clients dont les risques ne sont pas
parfaitement corrélés, ce qui leur permet en moyenne chaque année de retirer des profits substantiels
de leur activité.
[4] . Les warrants portent sur la plupart des sous-jacents monétaires et financiers.
[5] . La particularité des options sur devises, c’est qu’elles sont symétriques : acheter un call sur
USD/EUR revient à vendre un put sur EUR/USD (puisque dans une transaction sur devises, il y a
forcément couplée à l’achat d’une devise, la vente de la devise contrepartie). Cependant, dans une
optique de couverture, mieux vaut ne pas opter pour la vente sèche d’options, au vu des risques
supplémentaires que cela ferait porter sur l’opérateur.
[6] . Une option peut comporter plusieurs barrières. Dans ce cas, il suffit qu’une barrière
désactivante soit atteinte pour faire disparaître l’option, ou l’option existera si une barrière activante
est touchée, à condition qu’aucune barrière désactivante ne soit atteinte.
Chapitre 9

Les marchés internationaux de capitaux

Introduction : Mondialisation et évolution


des marchés de capitaux

Il existe aujourd’hui trois grands types de marchés qui fonctionnent à


l’échelle internationale et qui constituent les marchés financiers
internationaux. Il s’agit des euromarchés (ou marchés internationaux des
capitaux), du marché des changes et des marchés de produits dérivés. Ces
marchés ont des fonctions différentes : les agents peuvent lever ou placer
des fonds sur les euromarchés (prêts/emprunts en eurosmonnaies) ; ils
peuvent réaliser des opérations en devises (achats/ventes de devises) sur
le marché des changes et ils peuvent se couvrir contre les risques de
change ou les risques de taux d’intérêt sur les marchés dérivés.
Nous allons nous intéresser aux marchés internationaux de capitaux
que sont les euromarchés sur lesquels les agents peuvent lever ou placer
des fonds en eurosdevises[1]. Le développement des euromarchés
correspond à l’évolution de la demande de financement et de placement
des agents (entreprises, États) que ce soit à court, moyen ou long terme.
Concernant les financements, l’entreprise a, de manière générale, à la fois
un besoin de financement à court terme pour financer son activité
d’exploitation et un besoin de financement à moyen ou long terme pour
financer ses investissements et sa stratégie de développement. Ainsi, elle
peut mobiliser des capitaux propres et des dettes. Dans le premier cas, le
financement par fonds propres, elle peut s’adresser au marché
domestique, mais elle peut également se faire coter en bourse à l’étranger
et émettre des actions internationales. Dans le deuxième cas, le
financement par endettement, l’entreprise peut faire appel à son marché
domestique mais elle peut également lever des fonds importants sur les
marchés financiers internationaux. Elle peut ainsi émettre des euro-
obligations, demander un eurocrédit ou faire appel au marché des euros-
effets (euronotes). Au fil du temps, les volumes traités sur ces marchés
ont considérablement augmenté passant de 607,5 milliards de dollars en
1990 à 2 018 milliards en 2000, pour atteindre presque 3 000 milliards en
2010 (les chiffres exacts pour les eurocrédits n’étant pas disponibles, ils
sont estimés pour l’année 2010 entre 700 et 800 millions). La structure
des différents types de financement s’est modifiée au profit notamment
des euro-obligations qui représentent la plus grande par des émissions.
Tableau 1 : Évolution de la structure des types de financements
sur les euromarchés (en milliards USD et en %)
1990 1995 2000 2005 2010
Eurocrédits 430 330 519,5 N.A. N.A.
Euro-obligations 147 237,2 1 098,7 1 797,0 1 500,9
Euronotes 17 24,7 152,1 49,0 13,4
Euro-actions 13,5 47,3 247,7 299,1 707,6
Total des financements internationaux 607,5 639,2 2 018

Sources : OCDE et BRI


Cette évolution est le reflet de la globalisation de la finance. On assiste
à la constitution d’un vaste marché de capitaux relativement unifié, sur
lesquels les agents peuvent trouver toutes sortes de financement adapté à
leurs différents besoins. Entre un État, une PME qui essaie de s’insérer
sur les marchés internationaux et une grande firme multinationale, les
besoins sont évidemment différents. Pour répondre à ces demandes
croissantes et différenciées, les institutions financières ont créé de
nouveaux produits financiers et ont développé de nouvelles techniques
financières mobilisant les marchés des eurodevises.
Nous allons donc expliquer quelles sont les principales opérations de
financement en eurosdevises que peuvent réaliser les entreprises sur ces
marchés. Dans une première partie, nous allons présenter l’organisation
des marchés internationaux des emprunts, en nous intéressant
successivement au marché obligataire et au marché des eurocrédits. Puis
nous expliquerons ce que sont les marchés des euro-effets, en présentant
rapidement les caractéristiques des euronotes, de l’euro-papier
commercial et des euro-effets à moyen terme ou euromedium term notes.
Dans une deuxième partie, nous présenterons les éléments d’une stratégie
de financement des capitaux propres à l’échelle du monde. Nous
montrerons quel est l’intérêt de l’émission des titres et celui de la
cotation sur différentes places boursières pour une entreprise. Nous
expliquerons également quelles sont les difficultés et les limites à la levée
des capitaux internationaux.

I. Les marchés internationaux des emprunts

1. Les marchés obligataires

Les marchés obligataires comprennent les marchés des euro-


obligations (euro-bonds) et des obligations internationales qui sont
souscrites par un syndicat international[2] ainsi que les marchés des
obligations étrangères (foreign bonds). La distinction entre ces deux
marchés repose sur le fait que dans le premier cas (euro-obligations et
obligations internationales), les obligations sont placées sur des marchés
de pays autres que ceux du pays dans lequel est libellée l’émission. Ainsi,
une obligation internationale en dollars va être placée à l’extérieur des
États-Unis (eurodollars bonds).
En revanche, dans le deuxième cas, celui des marchés des obligations
étrangères, l’obligation est émise pour le compte de non-résidents. Ces
titres sont émis dans la devise du pays où se fait l’émission. Ainsi on
trouve les obligations étrangères en dollars, appelées « obligation
yankee » sur le marché américain, et les obligations étrangères en yen,
appelées « obligations samouraï » sur le marché japonais. On parle
également d’émissions internationales. Elles sont émises respectivement
par des non-Américains ou des non-Japonais. L’émission est alors
souscrite par un syndicat de banque d’un seul pays et est placée dans ce
pays et dans sa monnaie. C’est la réglementation nationale du pays
d’émission qui s’applique à ces obligations étrangères à l’instar des
obligations nationales.
Tableau 2 : Émissions mondiales de titres de dettes et
marché euro-obligataire (en milliards USD)
1995 2000 2005 2007 2008 2009 2010
Emissions nettes/tous titres de dettes 261,86 1250,87 1846,01 2973,39 2423,91 2329,14 1514,38
Emissions nettes/euro-obligations 237,2 1098,7 1797 2774,5 2342,9 2566,6 1500,9
Part émissions euro-obligations en % 90,58 87,83 97,35 93,31 96,66 110,20 99,11

Sources : OCDE et BRI


D’après les données du tableau 2, on constate que le montant global
des émissions est en hausse, passant de 261,86 milliards de dollars en
1995 à plus de 155 milliards de dollars en 2010. Le marché se développe
avec la baisse des taux d’intérêt. L’évolution de ce mode de financement
s’explique par les arbitrages qui sont réalisés, entre les agents, entre
demande d’eurocrédits ou émission d’obligations (cf. tableau 1). Alors
qu’en 1990, le marché des eurocrédits représentait 70,6 % du total des
financements et le marché des euro-obligations 24,1 %, dix ans plus tard,
la tendance s’inverse et le marché des eurocrédits ne représente plus que
25 % des financements et celui des euro-obligations 54 %. Dans le
tableau 2, la part des euro-obligations représente quasiment l’intégralité
des émissions nettes. Notons qu’avec la crise des subprimes, les
entreprises ont constaté que la trop forte dépendance aux crédits
bancaires pour leur financement pouvait être coûteuse. En période de
raréfaction du crédit (credit crunch), le coût de ce dernier augmente.
Ainsi, le financement par les marchés, lié à la désintermédiation bancaire,
offre la possibilité aux agents de lever des fonds importants. C’est ce qui
explique le désendettement bancaire constaté en 2009 au profit des euros-
obligations.

1.1. Le marché des euro-obligations


Suite à l’instauration en 1963, par les États-Unis, d’une taxe
d’égalisation sur les taux d’intérêt en vue de freiner les sorties de
capitaux américains (cf. chapitre 1), de nombreux emprunteurs ont émis
des euro-obligations en dehors des États-Unis, captant ainsi les euro-
dollars qui circulaient. Les euro-obligations sont des obligations en
eurodevises, placées dans plusieurs pays par un consortium ou un
syndicat bancaire. L’émetteur de l’emprunt est un non-résident ; ces
obligations sont au porteur. Ce sont des obligations qui représentent des
créances à moyen ou long terme (5 à 15 ans en général).
La première euro-obligation fut lancée par la banque Warburg, avec
comme co-managers, la banque de Bruxelles, la Deutsche Bank et la
Rotterdamsche Bank NV. Cet emprunt avait pour objet le financement de
la construction d’autoroutes en Italie. Depuis, de nouveaux produits sont
apparus.

Diversités des titres euro-obligataires

Il existe des euro-obligations classiques à taux fixes (straight bonds)


qui ont les mêmes propriétés que les obligations que l’on trouve sur les
marchés domestiques, et des obligations à taux variables (FRN, Floating
rates notes) qui ont été introduites en 1969, lorsque les taux d’intérêt
augmentaient.

Les euro-obligations à taux fixes ont un taux d’intérêt qui est


fixé lors de l’émission. Leur durée est souvent inférieure à 10
ans, mais il en existe plus rarement aussi à 30 ans. Il n’y a pas
de risque de taux pour l’émetteur, puisque le taux est connu,
mais en cas de débouclage anticipé, le débiteur peut perdre sur
le principal.
Les euro-obligations à taux variables sont des titres à court
terme renouvelés selon la méthode du roll over. Le coupon
détachable varie en fonction du taux de référence, le LIBOR en
général, et donc l’emprunteur encourt un risque de taux suite à
la variation. D’où l’intérêt pour lui de bénéficier de produits
qui vont lui permettre de changer de devises ou de passer d’un
taux variable à un taux fixe.

Pour rappel, le LIBOR est un taux interbancaire ; c’est le taux du


marché monétaire à court terme auquel se prêtent les grandes banques
londoniennes et auquel les banques de premier rang se consentent des
prêts en dollars à un, trois ou six mois.
Dans ce cas, la méthode du roll over signifie que la valeur du coupon
varie à chaque détachement en fonction du taux de référence.
Tableau 3 : Émissions euro-obligataires par type de titres
1995 2000 2005 2007 2008 2009 2010
Total émissions % 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
Taux variables % 15,14 23,82 27,63 33,17 33,82 33,09 30,23
Taux fixes % 78,37 72,00 69,88 65,05 64,42 65,26 67,99
Convertibles et autres % 6,49 4,17 2,49 1,78 1,76 1,65 1,78

Ainsi, avec le développement du SFI et des marchés boursiers, de


nouveaux titres sont apparus, offrant davantage de possibilités de réduire
les risques au porteur. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les
euro-obligations convertibles, les euro-obligations avec bons de
souscription d’actions ou d’obligations, les mortgage-backed eurobonds,
les dual-currency bonds…
Les euro-obligations convertibles ont été proposées au milieu des
années soixante. Ces obligations peuvent être échangées contre des
actions de l’entreprise émettrice (equity linked), contre d’autres
obligations (floatting rates notes), ou contre des matières premières (or,
pétrole…). Les intérêts peuvent être remboursés en autres devises que la
devise d’émission ainsi que le principal, dès lors que le taux de change a
été convenu préalablement. C’est l’investisseur qui décide de la
conversion et ces titres vont être évalués ensuite comme des options (cf.
chapitre 6).
On trouve ainsi des euro-obligations avec bons de souscription
d’actions (warrants d’actions) qui ont été émises au début des
années quatre-vingt. Elles donnent le droit d’acquérir
optionnellement des actions de la société émettrice à un prix
fixé et sur une période donnée.
Des euro-obligations avec bons de souscription d’obligations
(warrants d’obligations), qui permettent à l’acheteur
d’acquérir des titres à revenu fixe. Les warrants sont
détachables et peuvent être négociés sur un marché secondaire.
Les mortgage-backed eurobonds sont des titres adossés à
d’autres actifs dont des créances hypothécaires, des obligations
qui tiennent lieu de garanties. Ainsi, si les institutions qui
émettent ces titres ont une notation relativement faible, ou une
faible notoriété, elles peuvent malgré tout bien placer ces titres
car il y a une garantie qui rassure les investisseurs.
Les obligations à option de change ou dual-currency bonds,
sont des obligations dont le paiement des coupons ou le
remboursement du principal peut être effectué dans une autre
devise que celle de l’émission. Le porteur peut également
passer d’un taux variable à un taux fixe.
Les obligations à coupon zéro ou faible (discount bond) ont,
par définition, un rendement très faible. Mais cette faiblesse est
compensée par un prix d’émission inférieur à leur valeur
faciale (pair), mais remboursée à celle-ci avec une prime au
dessus, au terme de l’opération.

Tous ces titres bénéficient d’un statut fiscal privilégié. Ils offrent de
nouveaux avantages aux emprunteurs et investisseurs, et rendent les
euro-émissions plus attractives. Ainsi pour les spéculateurs, des
obligations indexées sur l’or ou sur les matières premières sont parfois
proposées.
Compte tenu du montant des sommes en jeu, le montage d’une euro-
émission est réalisé par un syndicat bancaire. On dénombre trois phases :
la préparation de l’émission, la constitution du syndicat et le placement
des titres. L’ensemble des opérations peut être relativement rapide (5
semaines) selon la durée des négociations entre l’emprunteur et
l’émetteur, et selon la facilité ou non à placer les titres auprès des
investisseurs internationaux.

Montage des émissions d’euro-obligations

Un emprunteur donne mandat à une banque pour monter l’opération. Il


lui propose d’être chef de file (leader) du consortium. Cette banque va
s’adresser à d’autres banques pour leur demander d’être partie prenante
au montage financier de l’émission. Ensemble, constituant le syndicat de
direction (managing group), elles vont préparer l’émission, conseiller
l’emprunteur sur les modalités financières et juridiques de l’emprunt,
structurer et gérer l’émission. La banque chef de file va constituer, avec
le syndicat de direction (la banque chef de file et les co-chefs de file),
deux autres syndicats : le syndicat de placement (selling group) et le
syndicat de garantie (underwritting group). Ce dernier s’engage à
acquérir les titres à un prix minimum si les banques du syndicat de
placement n’arrivent pas à placer tous les titres aux conditions
initialement prévues. Pour la rémunération de ces services, il existe des
commissions de direction, des commissions de placement et des
commissions de garantie qui peuvent représenter 1,5 à 2 % du nominal de
l’emprunt. D’autres frais comme les frais de cotation en bourse, les frais
liés aux dépenses de communication (publicité), les frais d’avocat et les
frais liés à l’impression de titres se rajoutent aux commissions.
Enfin, le marché des euro-émissions a deux compartiments : un
marché primaire et un marché secondaire. C’est sur le marché primaire
que les titres obligataires sont achetés lors de la souscription. Après la
clôture de la souscription, les titres sont négociés sur le marché
secondaire. Une fois les titres émis, ils sont cotés à Londres, New York
ou au Luxembourg. La cotation sur plusieurs places est possible ainsi que
les négociations ultérieures.
Le dollar a toujours été la principale monnaie utilisée au cours du XXe
siècle. La livre sterling et les grandes monnaies européennes (DEM,
Ecu…) ont été utilisées à partir du milieu des années 1980. À partir des
années 2000, l’euro occupe une place importante (graphique 1 et
tableau 4).
Graphique 1 : Émissions d’obligations internationales par
devises (en %)

Au moment du lancement de la monnaie unique, la part des émissions


d’obligations internationales en dollars représentait la moitié du total des
émissions (50,20 % en 2000). Puis, la part des émissions en euros a
considérablement progressé pour dépasser en 2008 les 48 %, la part des
émissions en dollars ne représentant plus que 34,95 %. Aujourd’hui, cette
répartition EUR/USD se maintient au profit des émissions en euros, le
yen voit sa part diminuer passant de plus de 8 % en 2000 à 2,76 % en
2010 (tableau 4). C’est la faiblesse des taux d’intérêt au Japon qui
explique en grande partie cette tendance.
Tableau 4 : Émissions d’obligations internationales par devises
(en %)
1995 2000 2005 2007 2008 2009 2010
USD 37,24% 50,20% 38,08% 35,62% 34,95% 36,29% 38,81%
EUR 27,42% 28,72% 45,71% 48,06% 48,80% 47,44% 44,67%
JPY 16,89% 8,51% 3 ;62% 2,65% 2,93% 2,80% 2,76%
GBP 6,67% 7,44% 7,50% 8,13% 7,73% 8,19% 7,96%
CHF 6,71% 2,31% 1,54% 1,40%, 1,45% 1,41% 1,44%
CAD 3,15% 0,96% 0,98% 1,18% 1,17% 1,10% 1,27%
Autres devises 1,92% 1,86% 2,56% 2,97% 2,98% 2,77% 3,09%
Source : BRI
La baisse des taux d’intérêt a contribué au développement de ce
marché dans la mesure où la faible rémunération des dépôts a incité les
investisseurs à privilégier les placements en euros-obligations. Celles-ci
sont généralement exemptées du prélèvement à la source et sont donc
souscrites pour ces raisons fiscales.

1.2. Les marchés obligataires étrangers

Ils font partie du marché obligataire domestique de chaque pays. La


différence entre une émission étrangère et une émission nationale est que
pour la première, l’émetteur est un non-résident, alors que pour la
seconde, l’émetteur est un ressortissant national. L’émission est souscrite
par un syndicat de banque et est placée dans le pays.
De 1980 à 1997, plus de 85 % des émissions étrangères ont été
effectuées sur les places de Zurich, de New York et de Tokyo.
Du fait de la stabilité du franc suisse, la Suisse est en passe de devenir
le premier marché mondial d’obligations étrangères, place qu’elle a déjà
occupée en 1994. Il faut souligner que les autorités suisses interdisent à
leurs banques d’utiliser le franc suisse comme libellé d’euro-émission.
Ainsi, pour trouver des ressources à long terme en francs suisses, les
emprunteurs doivent venir à Zurich. Pour distinguer les émissions
étrangères des émissions nationales, en Suisse, on les appelle les
chocolate bonds, tout comme au Royaume-Uni, elles sont appelées les
bulldogs bonds.
C’est aux États-Unis que le marché des yankee bonds a été longtemps
le marché le plus important. Ce marché est réservé essentiellement aux
emprunteurs qui bénéficient d’une bonne notation par les agences comme
Moody’s ou Standard & Poor’s (cf. chapitre 10) afin que les titres
puissent être achetés par les investisseurs institutionnels américains.
Comparés aux marchés des euro-obligations en dollars, sur le marché
obligataire aux États-Unis, les spreads sont moins élevés, les coupons
sont payés semestriellement (et il n’y a pas de taxes payées sur les
coupons payés aux investisseurs étrangers non-américains), les coûts
d’émission sont relativement plus faibles et le marché secondaire est plus
liquide.
Avec l’euro et la convergence des taux d’intérêt sur les places
européennes, la notion d’émissions étrangères dans l’euroland est assez
différente de celle que l’on a sur les places suisses, japonaises ou
américaines.
Il est là encore assez difficile de distinguer les émissions euro-
obligataires, des émissions étrangères et des émissions nationales de
grande ampleur souscrites par des investisseurs internationaux (émissions
de titres publiques par exemple). On peut d’ailleurs s’interroger sur la
pertinence d’une telle distinction aujourd’hui : dans les trois cas, il s’agit
d’émissions obligataires internationales. Le financement par endettement
sur les marchés obligataires internationaux est devenu relativement plus
important que le financement sur les marchés des eurocrédits.

2. Le marché des eurocrédits

2.1. Qu’est-ce que le marché des eurocrédits ?

Le marché des eurocrédits constitue le marché international des crédits


qui regroupe les crédits commerciaux à court terme et les crédits
financiers à moyen ou long terme accordés par des banques
internationales.
Au fil des ans, et à partir de 1970, les agents ont demandé des crédits
de plus en plus importants et la durée s’est allongée. En effet, les grandes
entreprises et les États ont des besoins de financement très importants.
Les sommes qu’ils sont amenés à emprunter en une seule fois sont
considérables, 10 milliards de dollars pour de nombreuses entreprises
privées (et même plusieurs centaines de millions de dollars[3], on parle
de jumbo loans), ainsi, les institutions financières qui opèrent sur les
marchés de capitaux ont mis en place des procédures de syndication pour
répondre à leur besoin de financement. La syndication bancaire, qui va
prendre la forme de consortium ou syndicat bancaire, permet à plusieurs
institutions financières de réunir la somme demandée et de partager les
risques que ne peut supporter une seule institution. On parle de prêts
consortiaux dès que leur montant dépasse 5 millions de dollars.
Ce sont les eurobanques qui s’occupent du montage d’un eurocrédit.
Les principales sont des banques américaines, japonaises, européennes et
suisses. Les filiales de banques américaines implantées à Londres sont
très présentes dans le montage de ces opérations.

2.2. Comment a-t-il évolué ?

La croissance des eurocrédits a été très forte dans les années 1970. Ce
sont les États ou entreprises publiques qui y avaient recours. Puis, avec la
crise de l’endettement des années 1980 (problème de la dette mexicaine
en 1982 par exemple), l’essor des eurocrédits a été stoppé. Cependant,
avec les mouvements de fusions et d’acquisitions d’entreprises, le
marché des eurocrédits a vu ses volumes augmenter. Dès 1987, le marché
a retrouvé le volume des crédits accordés au début de la décennie. Des
entreprises du secteur énergétique ou du secteur des transports font
souvent appel à ce type de financement. Eurotunnel, par exemple, avait
emprunté 6,8 milliards de livres sterling en 1990. Ces emprunts
permettent aux entreprises de financer leur besoin en fonds de roulement,
de substituer des prêts courts à des prêts longs si les taux des premiers
augmentent, et de manière générale de financer les opérations
industrielles et commerciales internationales. Pour les États, les emprunts
en euroscrédits leur permettent de financer les déficits de balance de
paiements. La souplesse des tirages est un avantage offert par les
eurocrédits. Au cours de la crise asiatique (1995-1997), un recul a été
enregistré car les marchés d’obligations internationales offraient des
conditions plus avantageuses ; puis en 1998, suite aux opérations de
concentration dans différents secteurs dans les pays industrialisés,
opérations qui nécessitent la mobilisation rapide d’un montant important
de capitaux, la demande d’eurocrédit est repartie à la hausse pour
atteindre 2 770,02 milliards de dollars en 2007.
Tableau 5 : Montant des crédits syndiqués en milliards de
dollars
Années Montant des crédits syndiqués
1995 703.34
2000 1 273,97
2005 1 725,1
2006 2 064,01
2007 2 770,02
2008 1 470,95
2009 1 022,58
2010 1 734,79

Source : BRI
En 2008, suite à la crise des subprimes, le montant des crédits
syndiqués s’est fortement contracté, de 2 770,02 milliards de dollars en
2007 à 1 470,95 milliards de dollars en 2008, et 1 022,58 milliards en
2009. Puis en 2010, la tendance est repartie à la hausse et ce sont
1 734,79 milliards de dollars de crédits syndiqués qui ont été demandés.

2.3. Les eurocrédits ou crédits consortiaux

Aujourd’hui, ce sont de grosses entreprises qui font appel aux crédits


consortiaux. Les bons emprunteurs peuvent négocier des primes de
risque réduites, en faisant jouer la concurrence entre les banques. Les
euro-crédits, ou crédits consortiaux, sont des prêts généralement à moyen
ou long terme accordés par un syndicat bancaire international issus de la
transformation de dépôts en eurosdevises. L’échéance moyenne de ces
crédits internationaux est légèrement supérieure à 5 ans et la durée
n’évolue guère depuis 1994[4]. Les monnaies de support sont
essentiellement le dollar, l’euro et la livre sterling (tableau ci-dessous).
Ce sont donc des créances sans émission de titres, pour une durée
comprise le plus souvent entre un à dix ans. Cependant, il n’y a pas de
règles particulières qui limitent la durée. Certaines échéances de
remboursement des prêts peuvent atteindre vingt ans.
Tableau 6 : Poids des monnaies utilisées
dans les crédits bancaires internationaux
2004 2005 2006 2007 2008 2009
EUR 46.80 % 45.22 % 47.33 % 48.84 % 47.84 % 46.72 %
USD 36.97 % 38.56 % 36.42 % 34.93 % 36.18 % 37.47 %
GBP 7.38 % 7.61 % 8.24 % 7.90 % 7.49 % 7.75 %
JPY 3.99 % 3.38 % 2.77 % 2.68 % 3.30 % 2.99 %
CAD 0.85 % 1.05 % 1.01 % 1.23 % 1.06 % 1.04 %
CHF 1.72 % 1.49 % 1.44 % 1.39 % 1.46 % 1.41 %
Autres 2.29 % 2.69 % 2.77 % 3.02 % 2.67 % 2.62 %

Source : FMI – BRI


Il faut souligner qu’en raison de l’existence de clauses multidevises
(prêts accordés en différentes devises), il est parfois difficile d’apprécier
avec précision les devises dans lesquelles les crédits sont accordés. Mais,
comme l’indique le tableau 5, ce sont le dollar et l’euro qui permettent de
lever des sommes aussi importantes le plus rapidement.
Les eurocrédits peuvent être à taux fixes ou à taux flottants. Dès lors il
en existe plusieurs formes :

Pour les eurocrédits à taux fixe, les banques proposent des


term credit, des lignes de crédit, des assurances et crédits de
trésorerie en devises (des avances en devises pour financer les
activités d’exportation par exemple), et des découverts
autorisés en devises (découverts qui peuvent être confirmés ou
non).
Pour les crédits à taux variables, les banques peuvent accorder
une succession de prêts à court terme (à trois, six mois par
exemple), prêts qu’elles reconduisent périodiquement avec
adaptation des taux d’intérêt. Elles offrent ainsi des term credit
ou des lignes de crédit, ce qui leur permet de collecter des
dépôts à terme relativement court et d’octroyer des crédits de
montants élevés, avec un terme plus long. Cela revient pour
elles, à reporter le risque de crédit (cf. chapitre 7) sur le
demandeur. Ce dernier point peut être l’objet d’une incertitude
quant au montant des charges financières que le bénéficiaire du
prêt va devoir supporter. Une hausse du taux d’intérêt de
référence, ou du spread, augmente la charge de
remboursement. C’est pourquoi, les contrats prévoient des
offres de prêts multidevises, admettent des possibilités de
remboursement anticipé, permettent à l’emprunteur de
rembourser dans une devise autre que celle qu’il a empruntée,
ou de revenir aux taux fixes grâce à un swap. Ces eurocrédits
peuvent être ainsi refinancés (le débiteur demande un nouveau
prêt qui permet de rembourser le crédit antérieur) ou
renégociés (le débiteur demande au syndicat bancaire de
réviser les conditions du prêt initial).

Lorsque les prêts sont à taux variable et à moyen terme, le taux


d’intérêt des eurocrédits est calculé par rapport à un taux de référence,
qui peut être le LIBOR ou l’Euribor, augmenté d’une marge (spread) :

Tout comme le LIBOR, l’Euribor est un taux de référence


interbancaire calculé à partir d’un échantillon de référence de
58 banques européennes de premier rang et de 6 grandes
banques internationales non-européennes. Il est régulièrement
adapté aux conditions économiques.
Le spread dépend de plusieurs variables : de la rareté ou de
l’abondance de capitaux sur les marchés, du degré de risques
des crédits selon la durée et selon la nature du projet à
financer, et enfin de la qualité des emprunteurs (sur les
méthodes de notation de la qualité des emprunteurs et les
limites de ces dernières, voir chapitre 10). On peut rajouter
également la concurrence qui existe entre les institutions
financières et qui peut jouer aussi un rôle important dans la
fixation du spread. Lors de la crise de 2007-2009, les niveaux
de spread ont atteint des niveaux très élevés, jamais vus
auparavant. Ainsi, la conjoncture économique et la perception
par les opérateurs financiers du risque de l’emprunteur sont
liées et conduisent à fixer les niveaux de spread.

C’est la banque chef de file (leader) qui négocie les conditions du


crédit avec l’emprunteur et qui réunit les autres institutions qui vont
composer le syndicat. Les banques affiliées au syndicat sont appelées
« banques participantes ». À côté des banques, on trouve également des
compagnies d’assurance vie et des fonds de pension et d’investissement.
Parmi toutes ces institutions, on appelle managing bank celles qui jouent
un rôle de conseil auprès de la banque chef de file et qui détiennent une
large part du prêt.
Ainsi, dans le calcul du montant du service de la dette que
l’emprunteur va devoir rembourser, il faut rajouter les commissions du
syndicat bancaire (commission de syndication) qui sont à la fois des
commissions de front end et des commissions annuelles :

les commissions de front end se composent des commissions


d’arrangement, des commissions de souscription et des
commissions de participation ;
les commissions annuelles regroupent les commissions
d’engagement, de facilité et d’agence.

Exemple : Une FMN a besoin d’emprunter 600 millions USD


sur le marché des eurocrédits. Un prêt dont les caractéristiques
sont les suivantes lui est proposé :
– Montant : 600 M USD à 10 ans
– Taux d’intérêt de base : LIBOR à 4 %
– Spread : 2 %
– Commission de syndication : 1,5 %
Pour la FMN, le produit net de cet eurocrédit est égal à la
différence entre le montant du crédit et la commission de
syndication qu’elle doit payer :
600 M USD-(1,5 % × 600 M USD) = 591 M USD.
Le coût effectif des fonds sera pour la première année :
(LIBOR + 2 %) × 600 M USD/591 M USD = 6, 091 %.
Soulignons que lorsque les banques rencontrent des difficultés
financières, elles ont la possibilité de vendre leur participation sur le
marché secondaire des eurocrédits.
Au milieu des années 1980, avec la crise de l’endettement, les banques
vont devenir plus regardantes sur la qualité des emprunteurs et vont
proposer des produits financiers qui leur permettent d’être davantage
liquides et négociables qu’un crédit classique (titrisation). Ce
mouvement de titrisation va donner naissance à de nouveaux produits
hybrides s’apparentant à la fois à des crédits et à des émissions de titres.
C’est ainsi que va se développer le marché des Euro notes ou euro-effets
sur lequel sont proposés des euro-effets avec garanties d’un syndicat
bancaire et des facilités non-garanties.

3. Le marché des euro-effets

Le marché des euro-effets comprend 3 catégories de titres : les


euronotes, l’euro papier commercial qui sont des titres à court terme, et
les euro-effets à moyen terme ou euromedium term notes.
En 1982, sont apparues les euronotes (euro facility) qui sont des
émissions de titres à court terme. Deux ans plus tard, l’euro papier
commercial a fait son apparition, ce qui permet à l’entreprise d’obtenir
un financement à taux attractif, sans avoir de garantie bancaire à fournir.
Puis, en 1986, les euronotes à moyen terme ont été proposées, produits
similaires au précédent mais pour une échéance plus longue.

3.1. Les euronotes ou euro-effet garantis par un syndicat bancaire


Ce sont des émissions de titres à court terme, de un à six mois, mais
qui peuvent être renouvelées sur une longue période. Ces émissions sont
assorties d’une garantie bancaire à moyen terme qui assure à
l’emprunteur que l’émetteur lui offrira un eurocrédit pour le montant des
titres non-souscrit. La garantie du syndicat se traduit par une ligne de
crédit bancaire (back up line). Ces billets sont négociables sur un marché
secondaire.
Les premiers produits offerts ont été les RUF (Revolving underwritting
facilities) qui étaient des billets à ordre à échéance de un à six mois, puis
les NIF (Notes issuances facilities). Dans les deux cas, un syndicat
bancaire proposait un programme d’émission. Ces billets étaient
négociables sur le marché secondaire. Si le placement ne pouvait être
réalisé au taux prévu, alors le syndicat devait acheter les titres ou
proposer un crédit à ce taux.
Les MOF (Multiple options facilities) ont désormais remplacé ces
produits en permettant à l’emprunteur de s’endetter à la fois sur le
marché euro-obligataire, sur le marché du commercial paper et de
bénéficier d’une ligne de crédit.
Bien souvent le volume effectif des tirages réalisés par les emprunteurs
était inférieur au programme mis en place. Ainsi, les garanties étaient
rarement utilisées. Dès lors, à côté de ces produits, les banques vont
proposer également des facilités non-garanties. Il s’agit de l’euro papier
commercial et des euronotes à moyen terme. Le principal avantage de ces
derniers est de supprimer la commission de garantie versée au syndicat
bancaire. Ainsi, les facilités non-garanties ont des coûts d’émission
réduits et vont se substituer aux euronotes garanties.

3.2. L’euro papier commercial (euro commercial paper)

Les notes émises sans garantie ont pris la forme de billet de trésorerie
(euro commercial paper). Le marché de l’euro commercial paper est
localisé à Londres. Il est composé de billets de trésorerie à court terme
(un jour par an), titres émis par des entreprises non financières, sans
garantie bancaire. Ce sont des billets au porteur dont le taux de référence
est le LIBOR ou le Libid. Le coût peut être différent selon la qualité de
l’emprunteur. L’intérêt réside pour l’entreprise d’obtenir un financement
peu onéreux. Les commissions sont réduites, la banque est juste tenue de
chercher un prêteur disposé à acheter le billet, sans qu’elle soit tenue d’y
suppléer. On dit alors qu’elle cherche sur la base du best effort, sans
garantie de résultat.
Il est très difficile d’isoler le marché de l’euro papier commercial, au
sens strict, des marchés de billets de trésorerie nationaux, car sur les
marchés nationaux de titres à court terme interviennent également des
investisseurs étrangers. L’internationalisation croissante des marchés, qui
se manifeste par l’internationalisation des agents qui achètent, vendent,
ou négocient des titres, a pour conséquence de réduire la distinction qui
existe entre marchés des titres à court terme nationaux et marchés des
titres à court terme internationaux. L’euro papier commercial, tout
comme aux États-Unis le commercial paper, est acheté par des non-
résidents qui cherchent à diversifier leur placement. Des émetteurs non-
résidents, des entreprises cherchant à accroître leur source de
financement par exemple émettent des titres sur le marché des billets de
trésorerie, qui, de facto, devient un marché totalement internationalisé.
Enfin, à Paris, si la quasi-totalité des émissions se fait en euros, il est
possible de libeller des émissions dans une autre monnaie.
Soulignons qu’il est actuellement prévu de réunir les deux marchés
domestiques importants, à Paris et à Londres, de titres à court terme, afin
de développer un marché européen unifié. Les banques qui présenteraient
des programmes dans lesquels les informations statistiques et la
présentation financière seraient « normées », se verraient accorder un
label STEP (Short term european paper) par les banques centrales en
Europe. Ce projet concerne le marché de l’euro papier commercial qui
devrait tendre vers une harmonisation des pratiques d’émission à celles
des marchés nationaux. Le but est de former un marché totalement unifié.

3.3. Les euro-effets à moyen terme ou euromedium term notes (EMTN)

Dans le prolongement de l’euro papier commercial, qui connaît un


grand succès, en 1986, des emprunteurs ont émis des titres à échéance
plus longue. Les euronotes à moyen terme sans garantie ont une échéance
supérieure à 18 mois. Aujourd’hui, certaines émissions ont une échéance
qui peut atteindre 5 ans. Les taux d’intérêt sont fixes ou variables.
Exceptée l’échéance, les caractéristiques de ces titres sont les mêmes que
celles de l’euro papier commercial et les modalités d’émission ne
diffèrent pas de celles des obligations internationales. Par rapport aux
euro-émissions, la commission de placement est plus faible, et l’émetteur
choisit le moment où il va aller sur le marché. Ainsi, il peut profiter de
taux d’intérêt attractifs à tout moment.
L’évolution du marché international des titres à court terme, en faisant
émerger des facilités non-garanties, explique la disparition des euro-effets
garantis.

II. Le financement des capitaux propres sur


les marchés internationaux de capitaux

Devant cette grande diversité de financements, que ce soit aussi bien


en termes de produits qu’en termes de techniques, voyons à présent dans
quel cas les agents (États, entreprises) vont avoir recours à un
financement par émission d’obligations internationales, ou par demande
d’euro-crédit. Quels sont les éléments à prendre en considération dès lors
que l’entreprise souhaite internationaliser son capital ?
Ces stratégies d’internationalisation du capital nous amènent à nous
intéresser également à la cotation sur des places étrangères, et au recours
à l’émission d’actions internationales.

1. De l’intérêt de l’émission de titres et de la cotation sur différentes


places boursières

Le marché obligataire international permet aux emprunteurs d’obtenir


un financement à long terme, tout en bénéficiant de conditions
financières favorables. Les investisseurs peuvent, quant à eux, bénéficier
de conditions fiscales attractives (suppression de retenue à la source) et
peuvent également conserver leur anonymat.
Une euro-émission permet à l’entreprise de renforcer sa position à
l’international. Cela accroît sa notoriété et surtout, cela lui permet de
couvrir d’importants besoins de financement à long terme. Elle peut
utiliser les fonds pour financer des exportations de biens d’équipement,
d’usines clé en main, participer à de grands projets…
Notons que certaines entreprises publiques peuvent, pour le compte de
leur gouvernement, s’endetter en devises sur les marchés obligataires
internationaux. C’est le cas de certaines entreprises publiques
européennes qui n’exportent pas ou peu et pour lesquelles on peut
s’interroger sur l’intérêt d’avoir une dette en devises.
Un État qui désire lever des fonds peut vouloir obtenir un eurocrédit.
Toutefois, le crédit peut d’une certaine façon être conditionné au respect
par le demandeur de certains ratios de bilan ou à l’acceptation de
conditions demandées par le FMI. Sur les marchés euro-obligataires, les
offreurs de capitaux n’interfèrent pas dans la gestion du demandeur. Bien
sûr, si la situation financière du demandeur est critique, ils subiront un
risque de non-paiement des intérêts de la part de l’emprunteur. C’est
pourquoi, les marchés euro-obligataires sont plus sélectifs, plus
regardants sur la qualité de l’emprunteur que les marchés des eurocrédits,
mais l’emprunteur ne court pas le risque de voir les souscripteurs
s’immiscer dans sa gestion.
Dans la même veine, la cotation sur des places étrangères procure
certains avantages. Jusqu’en 2002, la cotation sur les places financières
américaines était relativement aisée. Elle permettait à l’entreprise
d’augmenter et de diversifier ses possibilités de financement. Le marché
américain étant très liquide, l’entreprise pouvait obtenir de meilleures
conditions de financement, ce qui réduisait le coût du capital.
Suite aux affaires Enron, WorldCom, la loi Sarbane-Oxley de 2002,
relative à la réforme des sociétés cotées et à la protection des
investisseurs, oblige les présidents et les directeurs financiers à certifier
personnellement les comptes. Le but est d’améliorer la qualité et la
fiabilité des informations comptables et financières. Pour ce faire, des
comités de vérification indépendants sont mis en place et les vérificateurs
externes sont renouvelés. Ces nouvelles contraintes rendent la cotation
des sociétés sur les places financières américaines moins attractives. Des
sociétés comme Danone, Havas, Vivendi… se sont retirées de la cote aux
États-Unis. Elles peuvent continuer à bénéficier des financements des
investisseurs institutionnels américains, sans être cotées aux États-Unis,
et ces derniers investissent massivement à l’étranger.
Ceci étant, l’entreprise peut toujours le faire, ou décider de se faire
coter sur d’autres places à l’étranger.
Il existe un certain nombre d’avantages à la cotation sur des marchés
étrangers :

La cotation sur d’autres places permet le renouvellement de


l’actionnariat.
Lorsque l’entreprise est déjà cotée en Bourse, cela lui permet
de renforcer ses fonds propres et d’élargir son actionnariat. Ce
type d’opération renforce la notoriété de l’entreprise. C’est
pourquoi de nombreuses firmes multinationales américaines et
des pays émergents (indiennes, brésiliennes…) viennent
chercher de nouveaux financements sur les zones
géographiques où elles opèrent.
Dans le cadre de programmes de privatisation de grande
ampleur, les entreprises publiques, en passe d’être privatisées,
peuvent élargir leur actionnariat en dehors de leurs frontières et
accroître ainsi leur visibilité à l’international.
La cotation sur d’autres places se traduit souvent par la hausse
du cours du titre.
Enfin, dans le cas d’une multicotation qui consiste donc à
inscrire des actions auprès de plusieurs bourses étrangères, la
société peut faciliter l’émission de titres par la suite, dans la
mesure où l’inscription crée autant de marchés secondaires.

Cependant, un certain nombre de limites peuvent réduire l’intérêt


d’une cotation à l’étranger.
2. Les difficultés et les limites à la levée des capitaux
internationaux

2.1. L’émission d’actions internationales

Depuis 1985, de nombreux investisseurs institutionnels réalisent des


placements internationaux. Dès lors, le marché des actions s’est
internationalisé. Au cours des années 1990, suite à la privatisation dans
les pays d’Europe centrale et orientale ainsi que dans les pays de
l’OCDE, le marché international des actions a continué de croître.
Londres reste la place financière la plus importante pour le marché
d’actions internationales.
L’entreprise peut donc émettre des actions, ou titres participatifs, dans
un pays autre que son pays d’origine. À la différence des marchés
obligataires, les actions sont toujours cotées sur un marché boursier
réglementé selon les lois nationales. Le placement de ces titres va
dépendre alors de la législation en vigueur du marché boursier du pays
d’accueil. On ne parlera donc pas, du marché des euro-actions comme on
a parlé du marché des euro-obligations, car il n’y a pas de marché
international des actions déréglementé, qui se superposerait aux marchés
nationaux. Il y a, en revanche, des investisseurs internationaux et des
sociétés qui émettent et investissent sur des places financières autres que
celles de leur pays d’origine.
Il faut souligner que l’émission d’actions internationales a cependant
un coût : les exigences des autorités boursières en matière d’information
et les demandes des organismes de contrôle en matière de transparence
renchérissent le coût de la procédure d’inscription ou de cotation. À
chaque introduction sur des places boursières différentes, les coûts
d’introduction (intermédiaires financiers, autorités de marché, honoraires,
publicité…) s’accumulent.
Enfin, un dernier élément négatif pouvant constituer un frein à
l’inscription sur une bourse étrangère est que, dans le cas où les
transactions sont trop faibles (certaines sociétés peuvent enregistrer
aucune transaction au cours d’une journée de bourse), ou si il y a une trop
faible diffusion des actions auprès des investisseurs, l’entreprise risque
alors de retirer ses actions de la cote. Ce qui a pour effet de détériorer
alors l’image de la société. Alors que sur les places européennes, retirer
un titre de la cote est aisé, aux États-Unis la procédure est longue (trois
ans et même plus) et surtout la société doit continuer à fournir les
informations légales liées à la cotation de titres tant qu’elle n’a pas
prouvé qu’elle avait moins de 300 actionnaires résidents aux États-
Unis[5].

2.2. Des marchés boursiers sur lesquels l’offre internationale d’actions


est plus ou moins facilitée

Dans le cadre d’une émission d’actions internationales, un syndicat


d’émission est là encore constitué pour coordonner les trois phases de
l’opération : l’émission, la garantie et le placement des titres. Avec une
garantie ou la prise ferme des titres, l’émetteur est assuré qu’il obtiendra
l’intégralité des fonds souhaités, comme nous l’avons vu précédemment.
Le syndicat peut décider, en accord avec l’entreprise, d’émettre des
actions sur toutes les places boursières où la société est cotée, ou encore
de sélectionner certaines places boursières, voire de n’émettre des actions
que sur le marché national et de réserver une tranche aux investisseurs
internationaux.
Selon les marchés boursiers, les modalités d’introduction sont plus ou
moins contraignantes. Il est plus facile d’inscrire sa société à Londres
qu’aux États-Unis. Sur le NYSE (New York Stock Exchange) ou sur le
Nasdaq, la SEC (la Securities and Exchange Commission) impose
désormais de strictes conditions (procédure longue, informations exigées
très nombreuses et détaillées) qui peuvent être coûteuses pour
l’entreprise. Par exemple, pour une société européenne :

le droit d’entrée au NYSE est de 150 000 USD, auquel il faut


ajouter une commission de 35 000 USD ;
les frais annuels liés à la cotation, comprenant les frais
d’informations, honoraires d’avocats, communication…
peuvent atteindre plusieurs millions de dollars

C’est pourquoi, les modalités d’introduction en Bourse se font souvent


au moyen d’ADR (American Deposit Receipt) pour les grandes sociétés
internationales.
D’un point de vue historique, les ADR ont été créés afin de permettre
aux investisseurs américains d’acquérir et de posséder, via des banques
américaines, les actions de sociétés anglaises. En effet, en 1927, les
autorités britanniques avaient interdit les sorties de titres des sociétés
anglaises. Or, pour satisfaire la demande d’investisseurs qui voulaient
obtenir ces actions, Guaranty Trust Company of New York (intégrée à
JPMorgan Chase aujourd’hui) avait créé les ADR, certificats en dollars
émis en contrepartie des actions anglaises et déposés auprès d’une
banque américaine ou étrangère.
Les titres des sociétés non-américaines, négociés sur les marchés
américains, le sont très souvent par l’intermédiaire des ADR. Ces titres,
libellés en dollars, sont des certificats de dépôt négociables, émis par une
banque dépositaire américaine. Ils ont une contrepartie composée par les
titres étrangers détenus hors des États-Unis, par une banque
« conservatrice » (custodian bank), généralement dans le pays d’émission
des titres. La valeur en dollars d’un ADR représente une fraction ou un
multiple de celle de l’action de la société étrangère. Les ADR ne sont
donc pas des actions mais ils donnent droit à l’investisseur de toucher un
dividende en dollars. Le cours des ADR dépend de la valeur des titres
échangés sur le marché d’origine. Grâce à ces produits, les sociétés
utilisant les ADR peuvent tester l’intérêt des investisseurs américains à
l’égard de leurs titres.
Enfin, si les certificats sont également négociés en Europe (Londres et
Luxembourg), ou en Asie (Tokyo et Hong Kong), ils deviennent alors des
GDR (Global Depositary Receipts).
Le marché des ADR est devenu un marché international. Avec les
programmes de privatisation des PECO et des pays émergents, de
nombreuses sociétés financent leur développement grâce au marché
américain. Les limites liées à l’étroitesse ou aux réglementations
contraignantes de certains marchés des pays émergents, constituant un
frein à la levée de fonds pour les entreprises de ces pays, sont ainsi
contournées avec l’émission d’ADR ou de GDR. Les investisseurs
voulant diversifier leur portefeuille d’actions avec des titres de sociétés
des pays émergents, en ont ainsi la possibilité, sans être obligés de placer
directement leurs fonds sur les marchés émergents.
En effet sur les marchés émergents, l’étroitesse des marchés,
l’insuffisance de liquidités en font des marchés très instables. De plus, les
législations locales, fiscales en particulier, l’organisation des échanges,
les modalités de transmission de l’information, les délais d’exécution des
ordres, la structure des coûts de transaction… sont autant d’éléments qui
diffèrent des pratiques américaines ou européennes. Pour toutes ces
raisons, l’investissement de portefeuille sur des places émergentes peut
s’avérer relativement plus risqué. Les ADR ou GDR permettent de
réduire ces risques.

Conclusion

Les marchés de capitaux sont des marchés internationalisés. Même si


des différences de réglementations subsistent entre marchés euro-
obligataires et marché des actions internationales, l’évolution du
développement de ces marchés tend vers une uniformisation des
pratiques. La conséquence est de faciliter l’allocation des capitaux entre
agents ayant des besoins de financement et agents ayant des capacités de
financements. Les investissements de portefeuille, souvent décriés
comme étant des investissements purement spéculatifs, permettent le
financement de la dette publique (via la titrisation de la dette) et surtout
celui des sociétés. Avec l’ouverture des économies et la globalisation
financière, les entreprises ont de nombreuses possibilités pour financer
leurs besoins, que ce soit à court terme ou à moyen et long terme. Les
produits financiers et les nouvelles techniques déployées sur les marchés
euro-obligataires, des euronotes, de l’euro-crédit offrent de nombreuses
possibilités de financement et de placement aux emprunteurs,
investisseurs et intermédiaires.
Bibliographie

H. LA BRUSLERIE (de), Gestion obligataire, 2e édition, tome I,


Économica, 2002.
A. CARTAPANIS, Les marchés financiers internationaux, coll.
« Repères », La Découverte, 2004.
J. MATHIS, Marchés internationaux de capitaux, 3e édition,
Économica, 2001.
Y. SIMON, D. LAUTIER, C. MOREL, Finance internationale, 10e
édition, Économica, 2009.

QCM vrai ou faux

Q1 : Les monnaies les plus utilisées pour les émissions euro-


obligataires sont :
– le dollar, l’euro, le franc suisse
– le dollar, l’euro, le yen
Q2 : Les emprunteurs privilégient le recours aux émissions
d’obligations étrangères pour :
– accroître leur notoriété
– lever des montants conséquents
– bénéficier de taux d’intérêt plus élevés
Q3 : Les obligations étrangères partagent-elles avec les euro-
obligations, l’exemption de retenue à la source de la part du fisc du pays
de l’emprunteur :
– Vrai
– Faux
Q4 : Une entité publique qui va être privatisée et qui sera cotée en
Bourse, peut s’adresser aux investisseurs :
– sur le marché des actions internationales
– sur le marché euro-obligataire
– sur le marché de l’euro-crédit
Q5 : Les ADR sont des certificats de dépôts émis :
– aux États-Unis
– en Europe
– à Hong-Kong et à Tokyo
Q6 : Ils peuvent avoir pour contrepartie, les titres d’une :
– société américaine
– société britannique
– société brésilienne
Q7 : Les euronotes empruntent aux euro-obligations plusieurs
caractéristiques :
– ce sont des titres à court terme
– ce sont des titres liquides et négociables
– ce sont des titres garantis
Q8 : Dans le montage d’un eurocrédit, le taux d’intérêt est
obligatoirement le LIBOR :
– Vrai
– Faux
Q9 : L’euro papier commercial supprime la commission de garantie
versée au syndicat bancaire :
– Vrai
– Faux
Q10 : Les euro-effets à moyen terme ont par rapport aux euro-
émissions, une commission de placement plus élevé :
– Vrai
– Faux

Correction
Q1 : Les monnaies les plus utilisées pour les émissions euro-
obligataires sont :
– le dollar, l’euro, le franc suisse FAUX
– le dollar, l’euro, le yen VRAI
(Les autorités financières helvétiques privilégient les émissions
étrangères sur la place de Zurich).
Q2 : Les emprunteurs privilégient le recours aux émissions
d’obligations étrangères pour :
– accroître leur notoriété VRAI
– lever des montants conséquents VRAI
– bénéficier de taux d’intérêt plus élevés FAUX
Q3 : Les obligations étrangères partagent-elles avec les euro-
obligations, l’exemption de retenue à la source de la part du fisc du
pays de l’emprunteur ?
– VRAI
– FAUX
Q4 : Une entité publique qui va être privatisée et qui sera cotée en
Bourse, peut s’adresser aux investisseurs :
– sur le marché des actions internationales VRAI
– sur le marché euro-obligataire FAUX
– sur le marché de l’euro-crédit FAUX
Q5 : Les ADR sont des certificats de dépôts émis :
– aux États-Unis VRAI
– en Europe FAUX
– à Hong-Kong et à Tokyo FAUX
Q6 : Ils peuvent avoir pour contrepartie, les titres d’une :
– société américaine FAUX
– société britannique VRAI
– société brésilienne VRAI
Q7 : Les euronotes empruntent aux euro-obligations plusieurs
caractéristiques :
– ce sont des titres à court terme FAUX
– ce sont des titres liquides et négociables VRAI
– ce sont des titres garantis FAUX
Q8 : Dans le montage d’un eurocrédit, le taux d’intérêt est
obligatoirement le LIBOR
– FAUX
Q9 : L’euro papier commercial supprime la commission de garantie
versée au syndicat bancaire
– VRAI
– FAUX
Q10 : Les euro-effets à moyen terme ont par rapport aux euro-
émissions, une commission de placement plus élevé
– FAUX
– VRAI

Questions de cours

Qu’appelle-t-on une banque chef de file ?


Comment expliquer l’évolution de la demande d’euro-crédit sur la
période 1970-1990 ? Qui en demande ? Qui en offre ? Pourquoi ?
Peut-on parler du marché des euro-actions comme on parle du marché
des euro-obligations ? Pourquoi ?
Qu’est-ce qu’un ADR ?
Quelles sont les caractéristiques d’une obligation avec warrant ? D’une
obligation à coupon zéro ?
Pourquoi le coût des emprunts sur les marchés financiers
internationaux est-il différent du coût des emprunts sur les marchés
domestiques ?
Pourquoi les euroeffets à moyen terme ont-ils été créés ? Quel est leur
rôle ?
Comment définir une euro-obligation ? Une obligation étrangère ?
Quels sont les éléments favorables à l’arbitrage en faveur de
l’émission d’euro-obligation au détriment de la demande d’un eurocrédit
pour une entreprise ?
Dans quelle mesure une émission d’actions internationales reflète-t-
elle la répartition des intérêts d’une firme multinationale à l’étranger ?
[1] . Pour rappel, une eurodevise est une devise qui circule à l’extérieur de son pays d’émission
(cf. chapitre 1, partie III, relative à l’émergence du système financier international).
[2] . Groupe d’entreprises ou d’investisseurs qui se réunit pour effectuer une opération de
placement. Dans une opération de placement de titres, il y a une banque chef de file (leader) qui est
responsable de la préparation et de l’exécution de l’opération, et des banques participantes.
[3] . Ainsi, en 2007, Rio Tinto a emprunté 40 milliards de dollars pour financer le rachat d’Alcan.
[4] . OCDE, « Tendances des marchés de capitaux », in Y. Simon, D. Lautier, C. Morel, (2009).
[5] . Prudhomme C. in Simon Y, Lautier D. Morel C. op. cit.
Chapitre 10

Financement et règlements d’une entreprise


exportatrice

Introduction

Une entreprise exportatrice qui reçoit une commande de la part de son


client final (exportation directe), ou d’un intermédiaire (exportation
indirecte), doit dans tous les cas négocier un moyen de paiement. Le
service commercial ou le service export de l’entreprise vérifie la
faisabilité de la commande, en termes de disponibilité ou de production,
de délai et de tarification. Puis, deux éléments sont négociés et définis
entre l’entreprise exportatrice et l’intermédiaire ou le client. Il s’agit de
l’Incoterm et du moyen de paiement. Pour choisir le moyen de paiement
le plus adapté à sa situation, l’entreprise va identifier le ou les risques
qu’elle souhaite ou non couvrir.
En effet, lors d’une transaction internationale, l’exportateur encourt un
certain nombre de risques financiers. Ces derniers peuvent résulter, par
exemple, d’une rupture abusive du contrat commercial, du risque de
fabrication, de l’insolvabilité des différents acteurs (l’acheteur, la banque
de l’acheteur, le pays de l’acheteur) ou d’un litige commercial. Pour se
prémunir contre ces risques, l’entreprise dispose de différentes
techniques et produits de couverture. Ainsi, nous avons déjà vu comment
l’entreprise pouvait se couvrir contre le risque de change. À présent, nous
allons voir comment, selon les caractéristiques de l’acheteur et en
fonction du pays dans lequel la vente va être réalisée, l’entreprise peut
décider de réduire ou non les autres risques encourus à l’exportation.
Les moyens de paiement sont nombreux et peuvent être résumés dans
le tableau 1 ci-dessous, et que nous allons expliciter.
I. Les moyens de paiements pour l’exportation

Afin de faire le choix le plus approprié en termes de moyens de


paiement, il est possible de les identifier selon le risque que l’entreprise
souhaite ou non couvrir.
Tableau 1 : Les principaux moyens de paiement à
l’international
Moyens de Coût pour
Risque couvert Caractéristiques principales
paiement l’exportateur
Rapidité.
En Europe, les virements inférieurs à 12 500 € Très peu
Transfert
sont considérés comme un virement domestique onéreux.
quel que soit le pays.
Chèque Législations différentes selon les pays. Peu onéreux.
AUCUNE Traite Support matérialisant juridiquement la créance. Onéreux.
PROTECTION Plus rapide que le transfert simple.
Incontournable dans les pays dont la sortie des
Remise devises est attachée à la banque centrale,
Très onéreux.
documentaire comme en Algérie.
Amorce de sécurisation : possibilité de
récupérer la marchandise
Ce type de paiement est refusé dans certains
pays.
Lettre de Crédit En développement dans les pays anglo-saxons
Stand By non et en eurospe. Peu onéreux.
confirmée Simple.
L’INSOLVABILITÉ La banque de l’acheteur s’engage à payer si le
DE L’ACHETEUR client devient insolvable.
Traite avalisée Risque très important pour l’acheteur. Onéreux.
Crédit Importance de la vérification des documents. Très onéreux
documentaire L’accord de l’acheteur est indispensable pour sa pour les deux
non confirmé réalisation. parties.

L’insolvabilité Assurance Très


Ne couvre pas 100 % de l’achat.
de l’acheteur crédit onéreux.
LE RISQUE Forfaiting Il s’agit d’une avance de fonds sans recours : le forfaiteur, Très très
PAYS (ou escompte qui paye, ne revient pas sur le litige entre les parties. onéreux.
/BANQUE sans recours) Utilisé pour des montants importants (en général
> ; 100 000 €)
Utilisation ponctuelle.
Développement pour les acheteurs, qui ont besoin de
financement avec un taux plus favorable que dans leur pays
d’origine.
La banque de l’acheteur intervient pour avaliser la traite.
Lettre de Établissement d’une déclaration sur l’honneur qu’il y a
Crédit Stand carence de solvabilité de la part de l’acheteur, ainsi il est Très
By obtenu une L/C Stand By confirmée dès la 1re demande. onéreux.
L’insolvabilité confirmée Pas besoin de preuve (ou documents).
de l’acheteur Risques de fabrication réduits à néant si les documents sont
Le risque conformes.
pays/banque Si les documents sont confirmés par la banque, l’exportateur
LE LITIGE Crédit sera payé. Très très
COMMERCIAL documentaire L’exportateur n’est pas couvert à 100 % dans le cas d’une onéreux.
preuve manifeste. Le tribunal peut accorder aux banques le
droit de ne pas payer l’exportateur, ce qui ajoute une
sécurité pour l’acheteur.

Source : Mercier-Suissa C. et Bouveret-Rivat C., PME : conquérir


des parts de marché à l’international, Dunod, 2010, p. 38-39

1. Exporter sans se protéger contre un éventuel risque d’insolvabilité de


l’acheteur

Les instruments ou moyens de paiement utilisés dans ce cas permettent


à l’entreprise d’être réglée plus ou moins rapidement. Consciente des
risques encourus, ou persuadée qu’elle ne court aucun risque, l’entreprise
dispose de quatre principaux moyens de paiement : le transfert, le
chèque, la traite et la remise documentaire.

1.1. Le transfert

Le transfert ou virement bancaire international est le moyen de


paiement le plus utilisé par les entreprises en Europe. Il suffit que
l’importateur donne l’ordre à sa banque de débiter son compte, pour
créditer celui de l’exportateur. Grâce à l’utilisation du système SWIFT[1]
(Society for Wordwide Interbank Financial Telecommunications) qui
permet aux banques connectées d’échanger des informations en temps
réel, les opérations de paiement sont informatisées et sécurisées. Les
ordres de paiement de l’importateur sont transmis à l’exportateur dès lors
que les deux banques sont reliées au réseau, ce qui est généralement le
cas. Aujourd’hui on estime que plus de 7 000 institutions financières
localisées dans 197 pays participent quotidiennement à ce réseau.
Ce système SWIFT a remplacé en fait le télex, le câble ou plus simple
encore, le courrier. Il est sécurisé dans la mesure où les messages
échangés sont cryptés par ordinateur, et des dispositifs mettant en œuvre
des programmes élaborés de détection et correction des erreurs sont
développés régulièrement. Le coût des messages est très faible et le
système fonctionne 24 heures sur 24 et 7 J sur 7.
Rapide, peu coûteux, le transfert ne permet pas en revanche de limiter
le risque d’impayé. Il ne repose sur aucun document et l’exportateur ne
reçoit l’information de sa banque que lorsque le virement a été réalisé. Il
faut que ce soit l’importateur qui transmette à l’exportateur le double des
ordres de transfert transmis à la banque. La difficulté pour l’exportateur
réside donc à contrôler la date de règlement.

1.2. Le chèque

Avec les espèces, le chèque est un moyen de paiement relativement sûr


car, tant qu’il n’est pas contresigné, il ne peut être encaissé. Il peut être
libellé en monnaie locale ou en devises. L’importateur remet le chèque à
l’exportateur, qui le donne à sa banque. Cette dernière le présente pour
règlement à la banque de l’importateur. Le montant est alors crédité sur le
compte de l’exportateur après un délai relatif au nombre de jours de
valeurs qui peut varier selon les pays. Mais les délais, qui peuvent
atteindre une quinzaine de jours parfois, peuvent induire un risque de
change pour l’exportateur.
Pour réduire le délai, il existe des boîtes postales (lock box) auxquelles
l’importateur adresse son chèque. Si la boîte postale est localisée à
proximité de la banque où est encaissé le chèque, alors le délai de
disponibilité des fonds est réduit. La boîte postale peut être gérée par une
banque ou par un prestataire de services qui fourniront à l’exportateur
une information régulière sur les chèques encaissés.
Avec des règlements par chèques, l’entreprise exportatrice n’est pas à
l’abri d’impayé, ou que le chèque soit volé.

1.3. La traite ou encore lettre de change

La lettre de change est un billet émis par l’exportateur (le tireur) qui
ordonne à l’importateur (le tiré), ou bien à son banquier, de payer une
somme précise, à une date fixée.
Pour pouvoir être négociée, la traite doit indiquer : l’ordre de payer
une certaine somme, si elle est payable à vue ou à échéance précisée, si
elle est payable à ordre ou au porteur. Elle doit être établie par écrit et
signée par le tireur. Il existe des traites à vue et des traites à terme (30, 60
ou 90 jours), des traites simples où aucun document n’est joint à la traite
et des traites documentaires qui sont plus souvent utilisées dans les
opérations de commerce international que les précédentes.
Ces moyens de paiement peuvent remplir également une fonction de
crédit. Tout dépend des délais. Ce sont des écrits qui indiquent que
l’importateur doit payer une somme déterminée à un bénéficiaire
(l’exportateur en général ou à un tiers désigné). Si la lettre de change
n’est pas à vue mais à terme, alors l’exportateur accorde un crédit à
l’importateur. La traite ou la lettre de change deviennent un ordre de
paiement à l’échéance du crédit.
Enfin, il faut souligner qu’au niveau européen, il existe le projet SEPA
(Single Euro Payment Area) qui a pour objet de créer une gamme unique
de moyens de paiements en euros, commune à l’ensemble des pays
européens, ce qui va permettre à tous les opérateurs (ménages,
entreprises…) d’effectuer des paiements dans les mêmes conditions.
Tous les pays de l’Union européenne, même ceux n’ayant pas l’euro
comme monnaie, plus Monaco, la Suisse, le Lichtenstein, la Norvège et
l’Islande sont membres du SEPA.
On peut ainsi lire sur le site[2] du comité national SEPA en France, les
changements attendus pour les entreprises, concernant cette
harmonisation des moyens de paiement au niveau européen.
Encadré 1 : L’harmonisation des moyens de paiement en
eurospe
Les entreprises actives dans plusieurs pays au sein de l’espace
SEPA étaient jusqu’à présent obligées de gérer des comptes dans
tous ces pays, avec des règles et des formats différents pour
initier et recevoir des paiements sur ces comptes. Le projet SEPA
leur permet de simplifier fortement la gestion des paiements en
leur offrant la possibilité, si elles le souhaitent, de centraliser
leurs opérations sur un seul compte qui peut être localisé dans
n’importe quel pays au sein de l’espace SEPA. Les relations des
entreprises avec leurs partenaires (clients/fournisseurs) en sont
ainsi simplifiées.
Les entreprises actives en dehors de l’espace SEPA
bénéficient également du fait que les formats d’échange retenus
pour les paiements SEPA s’appuient sur les normes
internationales et que le projet SEPA permet ainsi d’établir une
certaine homogénéité de traitements entre les paiements SEPA et
les paiements internationaux. Par exemple, elles peuvent ainsi
utiliser un seul outil de gestion de leurs virements pour
l’ensemble de leurs créanciers européens (et potentiellement, à
terme, pour ceux localisés hors de l’Europe). Les paiements
SEPA permettent également la transmission de bout en bout
d’une information commerciale plus complète qu’aujourd’hui
puisque le motif d’opération est libellé sur 140 caractères (au
lieu de 31 dans le cas du virement national français).
Plus généralement, le projet SEPA se traduit par des gains de
productivité et des économies d’échelle pour les entreprises :
optimisation de la gestion des flux de trésorerie, simplification et
automatisation de la chaîne factures/paiements.
Le projet SEPA facilite également les opérations
transfrontalières pour les entreprises qui n’étaient pour l’instant
actives que sur un seul marché, ce qui renforce l’ouverture du
marché européen.
Les entreprises bénéficient aussi du renforcement de la
concurrence dans le secteur des paiements et de la modernisation
induite par le projet SEPA. Toutes les entreprises européennes
pourront ainsi avoir accès au meilleur niveau de service
disponible en eurospe.
Source : SepaFrance http://www.sepafrance.fr

1.4. La remise documentaire

La remise documentaire est une opération qui consiste à ce qu’un


exportateur donne à une banque un ou plusieurs documents (documents
comptables type facture commerciale, et documents relatifs au transport,
aux assurances, à la conformité des produits comme les certificats
d’origine ou d’inspection…), accompagnés ou non d’un effet de
commerce. Ces différents documents qui ont été préalablement
déterminés entre les deux partenaires commerciaux, et cet effet de
commerce quand il a lieu, sont remis à l’importateur contre le paiement
ou l’acceptation de l’effet. L’importateur ne disposera des documents
présentés que lorsqu’il aura réglé les sommes dues ou lorsqu’il aura
accepté l’effet de commerce.
Graphique 1 : La remise documentaire
Dans ce dernier cas, l’importateur peut bénéficier d’un délai de
paiement ce qui lui permet de revendre les marchandises et de régler
ensuite l’exportateur. Si l’importateur ne paie pas, alors la banque
conserve les documents et il ne peut obtenir les marchandises. Toutefois
deux cas de figure, dommageables pour l’exportateur, peuvent se
produire :

L’importateur peut ne pas lever les documents contre paiement


et donc l’exportateur conserve la marchandise et doit supporter
les frais de leur rapatriement, ou les revendre à perte là où elle
se trouve.
L’effet de commerce peut ne jamais être payé, dans le cas de la
remise documentaire contre acceptation.

Ainsi, cette opération ne garantit en rien l’exportateur du risque de


non-paiement.

2. Exporter en se couvrant contre le risque d’insolvabilité de l’acheteur

Si l’entreprise a connu le genre de situation décrite ci-dessus et afin de


se couvrir contre un risque de non-paiement, alors elle peut utiliser la
lettre de crédit Stand by non-confirmée, la traite avalisée et le crédit
documentaire non-confirmé.

2.1. La lettre de crédit Stand by non-confirmée

C’est une opération pour laquelle l’importateur demande à sa banque


d’émettre une lettre de crédit en faveur de l’exportateur. C’est en fait une
garantie pour l’exportateur d’être payé si l’importateur est défaillant. La
lettre de crédit permet à l’exportateur de tirer une traite documentaire sur
la banque ou sur un autre établissement qui sera désigné à cet effet. La
lettre de crédit Stand by oblige donc la banque émettrice à payer cette
traite si elle est émise en conformité.
« La Lettre de Crédit Stand by est une garantie payable à la première
demande sur présentation de documents désignés : le document minimum
requis est la déclaration du bénéficiaire des fonds établissant la
défaillance du donneur d’ordre. » (Source B.N.P PARIBAS).
La lettre de crédit Stand by trouve son origine dans la législation
bancaire des USA en 1936. À l’origine, il s’agissait de contourner une loi
fédérale (le banking act) interdisant aux banques américaines d’émettre
des garanties à première demande, l’émission de ces dernières étant
réservée aux seules compagnies d’assurances. Dès lors, les entreprises
américaines ne pouvaient plus assumer des obligations de garantie vis-à-
vis de tiers. Ainsi, pour y remédier, les banques américaines ont créé la
« Stand by letter of credit ». Il s’agit d’un engagement reposant sur les
Règles et Usances Uniformes (RUU) relatives aux crédits
documentaires[3]. Les RUU relatives au crédit documentaire mises en
place sous l’égide de la CCI (Chambre de commerce internationale) sont
universellement reconnues. C’est une sorte de code mondial qui unifie
conventionnellement les coutumes et pratiques bancaires réalisées depuis
1933. Pour la lettre de crédit Stand by, cette dernière est soumise aux
International Stand by Practices de la CCI. Des règles spécifiques, les
« ISP 98 » ont été mises en application au 1er janvier 1998, mais la
plupart des lettres restent soumises au RUU 600 depuis 2007, qui
définissent de la même façon le crédit documentaire et la lettre de crédit.
Des USA, les lettres ont rapidement gagné l’Extrême-Orient, puis
l’Europe et de façon générale tous les pays anglo-saxons.
Notons cependant que certes l’exportateur est bien couvert contre le
risque de non-paiement de l’acheteur, mais que rien n’indique que la
banque émettrice ne puisse pas, elle-même, connaître un risque de défaut.
Dans ce dernier cas, afin d’éviter à l’exportateur de faire face à un risque
de défaut de la banque émettrice, la lettre de crédit peut être confirmée
par une banque du pays de l’exportateur ou par une banque d’un pays
tiers (cf. 4.1).
La lettre de crédit est davantage un instrument de garantie qu’un
instrument de paiement. Le règlement peut être effectué au moyen d’un
chèque, d’une traite ou par remise documentaire. (cf. I.1). Elle est plus
facile à utiliser qu’un crédit documentaire car elle nécessite moins de
documentation. Les documents fournis sont décidés par les partenaires
commerciaux qui généralement s’accordent une confiance réciproque.

2.2. La traite avalisée

Une traite avalisée est une traite dont le paiement est garanti par la
banque qui donne son aval (ou caution). La banque avaliste devra payer
la traite à l’échéance si le tiré ne peut pas payer.
Une traite avalisée (cautionnée par une banque ou autres) doit avoir
une échéance postérieure à sa date de création. Contrairement au chèque,
une traite avalisée peut être faite même en l’absence de provisions au
moment de sa création. C’est la banque avaliste qui doit payer la traite à
l’échéance si le tiré ne peut pas payer.

2.3. Le crédit documentaire non-confirmé :

La Chambre de commerce internationale (CCI)[4] publie de nombreux


documents sur l’ensemble des crédits documentaires (CREDOC) qui sont
largement utilisés dans le commerce international. Le crédit
documentaire est une garantie de paiement émise par une banque vis-à-
vis d’un exportateur. Le crédit documentaire « est un engagement pris
par une banque (la banque émettrice) et remis au vendeur (le
bénéficiaire) à la demande et conformément aux instructions de
l’acheteur (le donneur d’ordre) d’opérer ou de faire opérer un règlement
soit en effectuant un paiement, soit en acceptant ou en négociant des
effets de commerce jusqu’à concurrence d’un montant spécifié, ceci dans
un délai déterminé et sur présentation de documents prescrits »[5]. C’est
donc l’importateur qui va définir les termes de cette garantie dans une
« ouverture de crédit documentaire » ; comme dans le cas de la remise
documentaire, il s’agit d’un échange de documents contre paiement.
Jusqu’en 2007, le crédit documentaire pouvait être révocable ou
irrévocable. Les crédits irrévocables ont toujours été, de loin, les plus
utilisés, car ils correspondent à un engagement qui ne peut être modifié
sans l’accord de toutes les parties contractantes. Un crédit révocable
pouvait être modifié de manière unilatérale par l’importateur. Depuis
2007, le crédit révocable a été supprimé.
La demande d’ouverture de crédit documentaire va comporter les
informations suivantes :

le nom et l’adresse du bénéficiaire ;


le montant de crédit documentaire ;
le type de crédit : révocable, irrévocable ou irrévocable et
confirmé (voir ci-dessous) ;
le mode de réalisation du crédit : paiement, acceptation ou
négociation (voir ci-dessous) ;
la description détaillée des marchandises, indiquant les
quantités, le prix unitaire ;
les documents exigés : certificats d’origine, d’assurance,
d’inspection ;
les documents de transport ;
le délai de présentation des documents pour le paiement,
l’acceptation ou la négociation ;
la date et le lieu de validité du crédit documentaire ;
le mode de transmission du crédit.

Cet échange permet à l’exportateur de réduire le risque de non-


paiement, de pouvoir s’assurer que l’acheteur va le payer selon ce qui a
été convenu (documents l’attestant). Quant à l’importateur, ce dernier est
assuré que les marchandises livrées seront conformes également à ce qui
a été négocié au moment de l’ouverture du crédit.
Graphique 2 : Le crédit documentaire
Parfois, entre une société mère et ses filiales, des modifications
pouvaient intervenir par rapport aux conditions initialement prévues. Dès
lors, il y avait le crédit documentaire révocable qui pouvait être amendé
ou annulé par l’acheteur. Cette modalité n’est désormais plus utilisée. En
fait, les crédits documentaires sont, comme nous l’avons déjà souligné,
des crédits documentaires irrévocables qui ne peuvent être modifiés
qu’avec l’accord de tous les partenaires.
Il existe 3 types de crédit irrévocable selon que le règlement se fait par
paiement, par acceptation ou par négociation.
Le règlement par paiement comptant : le règlement est effectif dès que
l’exportateur remet à la banque les documents prouvant qu’il s’est
conformé aux exigences de la demande d’ouverture de crédit.
Le principe est le suivant : un exportateur et un importateur
conviennent d’une transaction commerciale qui prévoie un paiement au
moyen d’un crédit documentaire. Ils négocient toutes les modalités et
conditions du crédit. L’importateur ordonne à sa banque d’émettre un
crédit documentaire en faveur du vendeur. La banque émettrice demande
à une deuxième banque, souvent implantée dans le pays de l’exportateur,
de notifier ou de confirmer le crédit. La différence porte sur le fait que si
la banque notifie le crédit, elle n’est pas engagée à payer le vendeur. Si la
banque confirme le crédit, elle s’engage à payer, dès lors que les
documents sont conformes.
Dans notre cas, le crédit documentaire non-confirmé, dès que
l’exportateur reçoit le crédit documentaire, il expédie la marchandise et
adresse à la banque notificatrice les documents prouvant que la
marchandise a bien été expédiée. La banque a 7 jours pour vérifier la
conformité des documents aux conditions prévues puis, le cas échéant,
elle paie l’exportateur.
La banque notificatrice adresse les documents à la banque émettrice
qui vérifie à son tour les documents, disposant également de 7 jours. Si
les documents sont conformes aux conditions du crédit, elle rembourse la
banque qui a effectué le paiement.
Enfin, la banque émettrice remet les documents à l’importateur et en
contrepartie des documents reçus, ce dernier lui verse les fonds. En
possession des documents, l’importateur s’adresse au transporteur qui lui
livre alors la marchandise.
Le règlement par acceptation : dans ce cas-là et contrairement au
règlement à vue, l’exportateur adresse à la banque notificatrice les
documents prouvant que la marchandise a bien été expédiée, assortis
d’une traite tirée sur cette banque.
La banque vérifie l’exactitude des documents et s’ils satisfont aux
conditions prévues, elle accepte la traite et la retourne au vendeur, qui
dispose de trois options, contrairement au règlement à vue qui n’en
possède qu’une. Il peut mobiliser la créance, soit auprès de la banque
notificatrice, soit auprès de sa banque, ou bien auprès d’une banque
tierce.
Puis la banque notificatrice adresse les documents à la banque
émettrice comme précédemment et l’opération de règlement se poursuit à
l’identique.
La différence avec le règlement à vue est que le crédit se dénouant par
acceptation permet à l’exportateur de financer un délai de paiement
accordé à l’importateur. C’est un moyen de paiement qui remplit une
fonction de crédit. Jusqu’à l’échéance de la traite, l’exportateur consent
un délai de paiement à son acheteur. L’exportateur réussit facilement à
faire escompter sa traite soit auprès de la banque notificatrice (qui ne va
pas refuser sa propre signature), soit auprès d’autres banques qui vont
considérer une acceptation bancaire d’un crédit documentaire comme un
bon risque.
Le règlement par négociation : comme dans le cas précédent,
l’exportateur adresse à la banque notificatrice les documents prouvant
que la marchandise a bien été expédiée, assortis d’une traite, mais qui
dans ce cas est tirée sur l’acheteur et non plus sur la banque notificatrice.
La banque vérifie les documents et, s’ils sont conformes, négocie la
traite et en effectue le paiement à l’exportateur, après déduction des
intérêts et d’une commission.
Puis la banque notificatrice adresse les documents à la banque
émettrice, accompagnée de la traite tirée par l’exportateur sur l’acheteur.
Ainsi, dans ces trois modes de réalisation du crédit, le crédit
documentaire est utilisé dans tous les pays ; il facilite le recouvrement
des créances sur l’étranger mais il peut être assez onéreux dès lors que
l’exportateur, ne maîtrisant pas tous le déroulement du processus,
commet des erreurs techniques. D’où la tendance pour certaines
entreprises, ne disposant pas des compétences en interne, de sous-traiter
cela à des experts.
Enfin, le crédit non-confirmé ne protège pas l’exportateur contre le
risque politique ou contre le risque de défaut de paiement de la banque
émettrice, au contraire du crédit irrévocable et confirmé (cf. 3.3).

3. Exporter en se couvrant contre le risque d’insolvabilité de l’acheteur et


contre le risque pays

Si l’entreprise souhaite se couvrir contre l’insolvabilité présumée de


l’acheteur et contre le risque pays qui pourrait affecter la banque, alors
elle dispose de :
1. l’assurance crédit ;
2. du forfaiting ou forfaitage ;
3. du crédit documentaire irrévocable et confirmé.

3.1. L’assurance crédit

L’assurance crédit export permet de garantir les risques d’interruption


de marché ou de non-paiement pendant toute la durée d’un contrat. Elle
est proposée par des sociétés d’assurance privées, des institutions
publiques ou des sociétés privées qui agissent pour le compte de l’État.
En France, l’assureur crédit la COFACE propose une assurance crédit
export pour laquelle la durée de crédit doit être égale ou supérieure à
deux ans.
Les entreprises éligibles sont celles qui exportent des biens
d’équipement ou qui réalisent des ensembles industriels, ou des marchés
de travaux publics ; des entreprises qui fournissent des prestations de
service d’une durée d’exécution de plus d’une année et enfin toutes
entreprises qui accordent un crédit fournisseur ou un crédit acheteur,
d’une durée égale ou supérieure à deux ans, quel que soit le montant du
contrat commercial. Pour ce dernier point les banques sont également
éligibles.
L’assurance crédit export couvre deux types de risque : les risques liés
à la fabrication et ceux liés au crédit. Dans les deux cas, la COFACE a
recensé un certain nombre de faits générateurs de sinistres
(cf. chapitre 10) qui sont les suivants :

faits politiques : événements politiques intervenant hors de


France, guerre, décision du gouvernement français ou de
l’Union européenne, risque de non-transfert, catastrophes ;
faits commerciaux : insolvabilité judiciairement constatée,
résiliation arbitraire et refus arbitraire, carence pure et simple.

Les opérations soutenues sont de deux sortes :

les exportations assorties de crédit égal ou supérieur à deux


ans : vente de biens d’équipement, machines, ensembles « clé
en main », contrats de services (maintenance, ingénierie…) ;
opérations payables au comptant sur situations mensuelles :
prestations de services ou redevances (brevets, marques,
licences) dont la durée d’exécution ou de réalisation est
supérieure à un an.
Parmi les mesures de modernisation de l’assurance crédit introduites
en France en février 2008, l’allégement du critère de part étrangère et la
possibilité de financer la part locale jusqu’à 30 % ont conduit à une
instruction plus facile de la COFACE. En 2010, la quotité garantie est de
95 %. Pour les entreprises dont le CA < ; 75 M euros, la part étrangère ne
doit pas dépasser 80 %. Pour les entreprises dont le CA > ; 75 M euros,
l’incorporation de la part étrangère peut atteindre 50 % de la part
rapatriable. Les règles de l’OCDE autorisent désormais un financement
des dépenses locales jusqu’à 30 % au lieu de 15 %.
La prime est en fonction des risques couverts, de la durée et de la
qualité de l’acheteur. Dans le cadre de la garantie des cessions bancaires
sans recours, la police « risque débiteur » ne permet pas de couvrir les
litiges techniques. Cette police pourra de façon optionnelle être assortie
d’une police « risque cédant » (avec une prime supplémentaire
forfaitaire).
Il faut donc souligner que des schémas spécifiques permettent de
couvrir les crédits documentaires confirmés, les opérations montées en
financement de projet, les cautions couvertes isolément.
Pour les entreprises françaises, les demandes sont assez aisées : tous
les formulaires de demande d’assurance crédit moyen terme sont en ligne
sur www.coface.fr.

3.2. Du forfaiting ou forfaitage :

La technique du forfaiting est une « amélioration » de la technique de


l’escompte commercial. Par cette procédure, la banque escompte les
lettres de change et les billets à ordre « à forfait », c’est-à-dire ici sans
recours contre l’exportateur en cas de défaillance de l’acheteur.
Cette technique ne doit pas être confondue avec l’affacturage qui
prévoit la reprise et la gestion globale d’une série de créances futures, et
non encore déterminées. Le forfaiting, en revanche, s’applique à des
créances spécifiques et déjà nées. Le principe de globalité ne s’applique
donc pas.
Il existe deux méthodes pour réaliser un escompte à forfait, soit des
traites ou des billets à ordre tirés sur l’acheteur, soit le paiement via des
lettres de crédit (L/C) et acceptation. Cette dernière méthode est plus
souvent utilisée avec les pays qui préfèrent travailler par crédit
documentaire.
Le plus souvent, l’exportateur signe avec sa banque une convention de
forfaitage avant ou lors de la conclusion du contrat commercial. Pour être
certain de pouvoir profiter du forfaiting aux conditions envisagées avant
la livraison des marchandises, il est généralement possible d’obtenir de la
banque une promesse ferme de forfaiting des créances à naître,
moyennant une commission d’engagement calculée sur le total du
montant.
Si la technique du forfaiting est un moyen de couverture contre le
risque de non-paiement, elle peut être également utilisée comme
technique de financement à court terme et, dans une certaine mesure, une
technique de couverture contre le risque de change. Les avantages et
inconvénients, tels qu’ils sont perçus par les praticiens du commerce
international, de ce moyen de paiement et de financement des
exportations sont présentés sur le site http://www.eur-
export.com/francais/apptheo/finance/risnp/forfaiting.htm. Nous en
reprenons ici les principaux éléments :
Avantages

Suppression des risques de crédit, qui sont supportés par la


banque.
Amélioration de la trésorerie de l’exportateur.
Aucune obligation de globalisation des créances.
Élimination du risque de change dès la livraison des
marchandises (si la vente se fait en devise étrangère).
Simplification administrative du crédit (l’exportateur n’a plus
besoin de gérer des opérations de surveillance et
d’encaissement).
L’exportateur a la possibilité d’accorder des crédits
fournisseurs à un taux fixe renseigné par sa banque au
préalable, tout en étant payé rapidement.

Inconvénients

La pratique du forfaiting est relativement coûteuse, vu que la


banque assumera tous les risques.
Il existe un risque de résiliation du contrat commercial entre le
moment de sa signature et le retour de l’effet accepté
(accompagné le cas échéant de l’aval du banquier étranger).
La non-acceptation de la traite par l’acheteur étranger.

Enfin le coût est relativement élevé, car quatre éléments sont à prendre
en compte : la commission de paiement et d’encaissement, la prime
d’assurance, la prime d’engagement, la prime de forfaitage.

3.3. Du crédit documentaire irrévocable et confirmé

C’est un crédit documentaire « complet » qui bénéficie d’une garantie


fournie par une banque dite cette fois-ci non plus notificatrice mais
confirmatrice. Lorsque l’exportateur n’a pas confiance dans la banque
émettrice, soit il ne la connaît pas, soit il estime que le risque pays est tel
(chapitre 10) que la banque peut ne pas obtenir les autorisations
nécessaires pour expédier les devises par exemple, alors il peut demander
une deuxième garantie fournie par la banque conservatrice implantée
dans un pays où le risque est inexistant. Cela peut être le pays de
l’exportateur ou un pays tiers.
Graphique 3 : La confirmation du crédit documentaire
Ainsi, le crédit documentaire irrévocable et confirmé permet de gérer
le risque client, le risque de non-paiement, le risque pays et le risque de
défaut de la banque émettrice. C’est la banque conservatrice qui supporte
le risque de non-paiement.

4. Exporter en se prémunissant d’un éventuel litige


commercial

Enfin, l’entreprise peut utiliser la lettre de crédit Stand by confirmée et


le crédit documentaire de façon à se protéger contre un éventuel litige
commercial.

4.1. La lettre de crédit Stand by confirmée

Comme nous l’avons déjà vu (cf. 2.1), la lettre de crédit Stand by


confirmée est un système de sécurisation simple à gérer et à mettre en
place pour un courant d’affaire récurrent ou régulier. C’est une garantie
bancaire qui permet à l’exportateur de se prémunir du risque de non-
paiement. Lorsqu’elle est confirmée par une banque du pays de
l’exportateur, il n’existe plus de risque de non-transfert. Si le bénéficiaire
ne connaît pas la banque émettrice, il doit prévoir dans le contrat
commercial que la lettre de crédit Stand by soit confirmée par une banque
de son pays dite « banque confirmante »[6].
Pour appeler la garantie, l’exportateur doit prouver qu’il a bien rempli
ses obligations, en produisant notamment les documents d’expédition,
ainsi que les factures. Il doit joindre à ces documents une déclaration,
signée sur papier à en-tête, attestant que le client n’a pas rempli son
obligation de paiement à l’échéance prévue.
En tant qu’exportateur, la lettre de crédit Stand by garantit le paiement
des opérations commerciales.
En tant qu’importateur, la lettre de crédit Stand by garantit la livraison
ou l’exécution des prestations selon les conditions prévues au contrat.
Contrairement au crédit documentaire, la lettre de crédit Stand by n’est
jamais révocable, comme le CREDOC pouvait l’être ; elle est toujours
irrévocable. Elle est plus simple et plus facile à émettre. Elle coûte moins
cher que le CREDOC et représente un gain de temps.

4.2. Le crédit documentaire

Comme nous l’avons détaillé (cf. 2.3), l’exportateur reçoit contre


remise de documents, soit le paiement comptant si sa banque possède les
devises, soit l’acceptation bancaire si l’exportation doit être payée à
terme dans la devise de l’exportateur.
Ainsi, il existe différents moyens de paiement, plus ou moins sécurisés
et plus moins onéreux. On remarque que plus le nombre de risques
couverts est important, plus le coût est élevé. On trouve de grandes
disparités entre les législations, et dans les pratiques selon les pays
étrangers ciblés. Dès lors, l’entreprise exportatrice doit choisir
scrupuleusement le moyen de paiement qui permettra de régler la
transaction entre l’exportateur et le client, ou l’intermédiaire, avec plus
ou moins de sécurité et un coût plus ou moins élevé. Pour choisir un ou
des moyens de paiement adapté(s), l’entreprise exportatrice peut adopter
la démarche suivante :
Étape 1 : Pour choisir de manière efficace le moyen de paiement selon
le marché étranger ciblé, l’entreprise va évaluer le risque pays (cf.
chapitre 10) et le risque d’insolvabilité de la banque.
Étape 2 : S’il n’existe pas de risque avéré, l’entreprise exportatrice
peut estimer ensuite le risque d’insolvabilité de l’acheteur. Selon le degré
de risque supporté (risque élevé, risque faible, sans risque), l’entreprise
exportatrice pourra choisir le moyen de paiement le plus approprié en
fonction de chaque situation. Dans le cas où il existe un risque pays et/ou
d’insolvabilité de la banque, l’entreprise exportatrice peut envisager soit
une couverture partielle du risque en souscrivant à une assurance-crédit,
soit une couverture totale, en mettant en place, par exemple, un crédit
documentaire irrévocable et confirmé.
Graphique 4 : Choix des moyens de paiement à l’international

Source : C. Mercier-Suissa et C. Bouveret-Rivat, PME : conquérir


des parts de marché à L’international, Dunod, 2010, p. 40.
S’il existe un risque et qu’aucune couverture n’est possible, une
solution demeure, celle de demander un paiement d’avance (cf. avance
en devises à la banque présentée dans le chapitre 6).
Ainsi les moyens de paiements sont nombreux et dépendent également
de la taille de l’entreprise, de sa connaissance des marchés
internationaux, de son organisation interne et du montant des transactions
commerciales réalisées. Le choix du moyen de paiement dépend bien
souvent du coût de ce dernier et de la nature du risque à couvrir. Le
développement de moyens de paiements informatisés et sécurisés
correspond bien aux besoins de l’entreprise qui recherche un paiement
sûr, rapide et peu onéreux.
II. Le financement export

Les délais et les conditions de paiement sont deux variables


importantes de la négociation commerciale. Pour obtenir un contrat,
l’exportateur doit bien souvent proposer un financement intéressant à
l’acheteur. Pour faciliter les transactions commerciales, les banques
proposent des crédits originaux destinés aux exportateurs. Ces crédits à
l’exportation ont des particularités par rapport aux autres crédits.
Souvent, ces crédits sont proposés par des organismes publics et
bénéficient du soutien des gouvernements. Enfin, il existe des règles
applicables aux exportations intra-communautaires, et des règles qui
s’appliquent aux pays membres de l’OCDE, pour éviter des surenchères
dans le domaine des crédits à l’exportation. Dans le cadre de la politique
commerciale européenne et de la politique de la concurrence, les prêts à
taux bonifiés sont réglementés et les subventions à l’export interdites.
Des techniques financières, comme les crédits fournisseurs, les crédits
acheteurs… sont utilisées dans la plupart des pays et l’on pourrait
considérer qu’il existe une homogénéisation des pratiques, en matière de
financement des exportations. Cependant, certaines banques ou
organismes financiers continuent d’innover et adaptent des produits
communs aux besoins spécifiques de telle PME ou telle grande
entreprise. Nous n’allons pas faire une présentation exhaustive de tous les
financements à l’exportation qui existent, mais nous allons nous
intéresser aux principaux types de crédits utilisés dans le cadre du
financement des exportations, en les classant selon leur durée.

1. Le recours aux crédits à court terme

Le financement export consiste à financer les ventes de marchandises


produites en France par exemple, vers un autre pays. En plus de ce
financement, des banques et organismes financiers offrent aux entreprises
plusieurs services, dont la prise en charge du recouvrement. Le
financement export, dans ce contexte-là, a beaucoup de caractéristiques
communes avec l’affacturage (cf. : I.3.2).
Les crédits à court terme représentent la part relativement plus
importante des crédits à l’exportation. Ils comprennent ainsi des crédits
de préfinancement adossés à des exportations spécifiques ou bien des
lignes de crédit qui permettent à l’exportateur de produire un bien qui
sera exporté par la suite. Les lignes de crédit sont accordées par une
banque afin d’aider l’exportateur à produire des biens qui seront
exportés. Des crédits de mobilisation des créances nées (MCNE) à court
terme, des crédits destinés à soutenir le développement de l’exportation
et d’autres crédits que l’on a déjà pu identifier dans les moyens de
paiement tels que le crédit documentaire, l’affacturage et l’avance en
devises.

1.1. Les crédits de préfinancement

Souvent les exportateurs doivent accepter des acomptes de plus en plus


faibles de la part de leurs clients, et de manière générale des paiements de
plus en plus tardifs. Dès lors, ils vont chercher à obtenir un
préfinancement.
Le crédit de préfinancement est donc accordé pendant la période de
fabrication. Il existe deux types de crédits principalement : le
préfinancement spécialisé classique, calculé à partir du taux de base
bancaire et qui fluctue avec, et le préfinancement spécialisé à taux
stabilisé (PSTS) qui est proposé aux pays hors Union européenne. Le
taux de ce crédit est celui du taux de base de la BFCE et il est fixé à la
signature du marché. Dans ce dernier cas, l’exportateur connaît ainsi ses
charges financières.
Les crédits de préfinancement permettent un financement à 100 % du
découvert entraîné par l’exécution du contrat commercial (exportation de
biens d’équipement, d’usines, des contrats d’étude…). Le besoin de
trésorerie de l’entreprise doit être distinct des besoins courants de
l’entreprise. Le découvert est calculé en faisant la différence entre le
montant cumulé des dépenses, mois par mois, et les recettes
prévisionnelles du contrat. Le montant du crédit est calculé à partir du
plan de financement prévisionnel fourni par l’exportateur.
1.2. La mobilisation de créances nées à (court terme) à l’exportation
(MCNE)

Le crédit de mobilisation des créances nées à l’étranger permet à


l’exportateur d’escompter ses créances à court terme, en euros ou en
devises, dès qu’elles prennent naissance, c’est-à-dire dès que les produits
arrivent à la frontière. Ainsi, un exportateur ayant consenti un délai de
paiement à un client étranger a, par l’intermédiaire du CMCE, la
possibilité de pouvoir mobiliser sa créance auprès de sa banque et en
récupérer dès la naissance de celle-ci sa contre-valeur en euros agios
déduits[7]. La mobilisation est la transformation par une banque des
créances de son client en liquidités. À l’échéance de la créance,
l’entreprise rembourse la banque même si il y a défaillance du client
(clause de bonne fin).
Il s’agit donc d’un crédit de court terme qui permet également à
l’entreprise exportatrice d’escompter ses créances à court terme.
L’exportateur rembourse ensuite ce crédit à l’échéance de la créance,
grâce au paiement réalisé par l’importateur. Les exportateurs doivent
avoir consenti à leurs clients des délais de paiement inférieurs à 18 mois.
Ce crédit peut porter sur l’intégralité de la créance.
Il faut souligner également, qu’un exportateur qui détient des créances
en devises peut escompter ses effets auprès d’une banque et récupérer des
devises. Ceci peut être avantageux si le taux d’intérêt de la devise est
plus faible que celui de la monnaie nationale.

1.3. Des crédits destinés à soutenir le développement de l’exportation

Dans certains cas, l’entreprise exporte à partir d’un pays étranger dans
lequel elle s’est implantée. Elle peut profiter d’une réglementation fiscale
avantageuse en s’implantant dans des zones franches, ou zones
économiques spéciales par exemple. Elle peut avoir choisi de délocaliser
sa production pour profiter de faibles coûts salariaux, ou de compétences
spécifiques de la main-d’œuvre. Autant d’éléments qui justifient
l’existence de crédits de trésorerie afin de faciliter l’implantation
d’entreprises commerciales à l’étranger. Dès lors, l’entreprise peut
bénéficier du crédit de prospection, des crédits de mobilisation des
indemnités de sinistre et des crédits de financement de stocks détenus par
les exportateurs à l’étranger.
Les crédits de prospection permettent aux entreprises de financer
leurs investissements en prospection à l’étranger. Ils sont proposés par les
banques et par les organismes de soutien à l’exportation : la COFACE par
exemple, en France, les départements, ou les régions.
Ces crédits permettent de financer le budget de prospection agréé par
l’organisme de soutien. L’exportateur qui bénéficie d’un contrat
assurance-prospection auprès de la COFACE. (cf. I.3.1) peut en
bénéficier. Il obtient alors de sa banque un crédit qui lui permet de
financer tous les frais engagés pour prospecter de nouveaux marchés à
l’étranger. Ainsi, les frais tels que le salaire d’un commercial qui
entreprend la prospection, les déplacements, les frais de réception, l’achat
d’études, d’échantillons, la participation à des foires, des salons, etc.
peuvent être couverts par ce crédit, valable un an et qui peut être
renouvelé. Ces crédits prennent la forme de billet à l’ordre du banquier
ou d’acceptation par la banque.
La procédure est simple d’utilisation et rapide à mettre en œuvre.
Aujourd’hui, sur le site internet de la COFACE par exemple, l’entreprise
peut faire une demande en ligne.
En France, depuis janvier 2008, le processus d’instruction a été allégé.
Un certain nombre de mesures incitatives, comme l’amélioration de la
quotité garantie pour les « bons clients », et des conditions favorables aux
entreprises innovantes permettent à un plus grand nombre d’entreprise
d’en bénéficier.
Les crédits de mobilisation des indemnités de sinistre : là encore
intervient la COFACE. Ces crédits permettent aux entreprises
d’emprunter en présentant comme caution des indemnités que lui doit la
COFACE suite, par exemple, à un sinistre de non-paiement. Ces crédits
permettent de mobiliser les indemnités de sinistre dues par la COFACE,
dans deux cas distincts :

quand il y a interruption d’un marché en cours avec l’étranger ;


après l’exécution d’un marché avec l’étranger (on parle alors
de sinistre de crédit).

Dans les deux cas, la situation de la trésorerie de l’entreprise doit être


durablement affectée pour que cette dernière puisse y prétendre.
Les crédits de financement de stocks détenus par les exportateurs
à l’étranger : ces crédits sont accordés aux entreprises qui possèdent des
stocks à l’étranger. La banque accorde un crédit au prorata de la valeur
des marchandises en stock qui deviennent caution. C’est la COFISE
(Compagnie de financement des stocks à l’étranger) qui assure le
financement sous forme de crédit. L’entreprise peut se voir proposer un
warrant sur stock[8] : il permet la mobilisation de stocks entreposés
dans les magasins généraux ou le financement par la COFISE de stocks à
l’étranger détenus par l’entreprise exportatrice de biens d’équipement.
La durée du financement est de six mois, renouvelable deux fois. Le
montant du financement peut représenter 90 % du prix de facturation
CAF.

1.4. Les autres crédits : l’avance en devise, le CREDOC et l’affacturage

Nous ne reviendrons pas sur le CREDOC que nous avons déjà présenté
dans la première partie en tant que moyen de paiement, ni sur l’avance en
devises. Rappelons juste ici que l’avance en euros ou en devises est une
avance de trésorerie accordée par la banque. L’avance en devises est, en
fait, un crédit de trésorerie qui permet là encore de couvrir les décalages
de trésorerie liés aux opérations de commerce international. Nous en
avons parlé dans le chapitre 5 comme moyen de couverture contre le
risque de change. En tant que crédit à court terme, l’avance en devises
permet un financement à 100 % car elle peut représenter la totalité du
montant de la créance détenue sur l’importateur. La durée de l’avance est
celle de la durée de la créance, et le taux d’intérêt est en fonction du taux
d’intérêt de la devise sur le marché des eurodevises. Enfin, les frais
occasionnés sont moins élevés que ceux d’une MCNE.
L’affacturage (ou factoring) international

L’affacturage export est une technique de gestion financière par


laquelle une société financière (le factor) gère, dans le cadre d’un contrat
(contrat d’affacturage export), le poste clients export d’une entreprise en
achetant ses factures export, en recouvrant ses créances export et en
garantissant les créances export sur ses débiteurs internationaux. Cette
technique permet :

de garantir les créances de l’exportateur contre les impayés ;


de procéder à leur recouvrement ;
de les financer.

Dit autrement, l’affacturage permet le recouvrement, le financement et


la couverture des créances des clients par un « factor ».
L’affacturage export permet donc aux entreprises d’améliorer leur
trésorerie et de réduire les frais de gestion des comptes clients. Ce service
est rémunéré par une commission sur le montant des factures[9].
L’affacturage export s’adresse à toutes les entreprises (grandes
entreprises, PME/PMI, TPE).
L’affacturage export s’applique aux créances émises sur des débiteurs
étrangers mais aussi sur des créances de sociétés basées à l’étranger,
qu’elles soient filiales de sociétés françaises ou non.
Les MCNE bancaires étant souvent limitatives et liées à un
définancement plus court des créances, l’affacturage export permet
d’apporter un financement souple ou d’aider la société dans sa gestion et
dans le suivi des encaissements. L’affacturage export permet le
financement sous 48 heures (ou sous 24 heures si les factures sont
transmises par voie électronique) des factures émises sur les clients
export. Le financement se fait à compter de la date de réception de ces
créances chez le factor.
Graphique 5 : Le principe de l’affacturage export
Source : adapté à partir de http://www.e-
affacturage.fr/definition/affacturage_export.html
Ainsi, pour l’exportateur, l’affacturage permet le recouvrement direct
de la créance et c’est une assurance crédit. Cette opération permet
également à l’exportateur la couverture de son risque de change et la
diminution des délais de paiement. Il lui offre des arguments
commerciaux à développer dans le cadre de la négociation du contrat
avec l’importateur. Ce dernier peut se voir offrir des conditions
commerciales avantageuses et une simplification de la procédure de
paiement. Il s’adresse directement au factor import local.
En revanche son coût est relativement élevé. Il se compose d’un coût
de gestion et d’un coût de financement
Le coût de gestion de l’affacturage export comprend la gestion des
factures, la relance des clients, le suivi des comptes clients et la garantie
des créances. Le coût de gestion varie entre 0,12 % et 3,5 % du montant
des créances remises au factor. Ce pourcentage est en fonction du
montant de chiffre d’affaires à affacturer, de la taille moyenne des
factures et de la qualité des clients. Le coût de financement de
l’affacturage export correspond au taux d’intérêt appliqué au montant
financé pendant la période de l’avance des fonds. Le taux de financement
correspond à l’Euribor à 3 mois, plus un pourcentage qui varie de 0,3 % à
4 % en fonction du volume financé. Ce taux est un taux annuel qu’il faut
ramener à la durée de l’utilisation du financement.
Les sociétés d’affacturage sont, pour les plus grandes, affiliées à une
chaîne d’affacturage international (International Factors group) et
travaillent avec des factors dans plusieurs pays.

2. Les crédits à moyen-long terme : crédit export ou crédit acheteur et


crédit fournisseur

Là encore, l’exportateur dispose de nombreux produits ou techniques


de financement. Sans prétendre à l’exhaustivité, voyons les principales
caractéristiques des crédits acheteurs et fournisseurs, ainsi que le
financement d’une exportation de biens d’équipemenent.

2.1. Crédit export ou crédit acheteur

La banque de l’exportateur accorde à un acheteur étranger un crédit à


moyen ou long terme garanti par la COFACE en France. Ce crédit peut-
être en euros ou en devises et il va permettre de payer l’exportateur au
comptant.
En France, des banques commerciales offrent aux entreprises, par
exemple le Crédit Lyonnais, la BNP, HSBC… un crédit export, ou crédit
acheteur, comme produit de financement à moyen ou long terme destiné
à financer partiellement (85 %) la part exportée d’un contrat
d’exportation de biens d’équipement et/ou services, signé entre un
exportateur et un acheteur étranger[10].
Ces crédits sont garantis par des assureurs crédits (la COFACE) dans
le cadre des règles du consensus OCDE. Ces règles sont applicables par
tous les assureurs crédits d’un pays membre de l’OCDE. Le crédit export
présente de nombreux avantages pour le fournisseur et l’acheteur :

l’exportateur est totalement dégagé du risque de crédit (risques


politiques et commerciaux) ;
le règlement est effectué au comptant, au fur et à mesure de la
réalisation des prestations, conformément aux stipulations du
contrat commercial.

Ce type de crédit est particulièrement adapté aux marchés de biens


d’équipement, d’un montant important. En revanche, il est peu utilisé
pour les pays risqués.

2.2. Le crédit fournisseur

Le crédit fournisseur est un financement qui permet à l’entreprise de


bénéficier de délais de paiement pour ses importations de biens ou de
services. C’est un crédit accordé à l’importateur par l’exportateur dont la
banque escompte les effets représentatifs du crédit, au fur et à mesure des
expéditions.
Le crédit fournisseur se présente sous forme de crédit commercial qui
contractualise les modalités de paiement et les échéances relatives aux
remboursements.
Pour l’exportateur, c’est un crédit à moyen ou long terme qui est
octroyé par l’exportateur à son acheteur dans le cadre de son contrat
commercial. L’objet du contrat doit être l’exportation de biens et/ou de
services.
Pour la banque, c’est le rachat sans recours contre l’exportateur de
créances nées représentatives du crédit octroyé par l’exportateur à son
acheteur dans le cadre de son contrat commercial. Ce crédit doit être
garanti par un assureur crédit (en France la COFACE), dans le cadre des
règles du consensus de l’OCDE.
Il procure une totale sécurité de paiement pour l’exportateur car :

il est totalement dégagé du risque de crédit (risques politiques


et commerciaux) dès l’entrée en créance née et le rachat de
cette créance par la banque ;
ce montage est entièrement déconsolidant pour l’exportateur
qui est dégagé de toute obligation (paiement de la créance,
gestion de la police COFACE) au titre du crédit.

Ce type de crédit est plutôt recommandé pour des contrats de faible


importance et de courte durée.

3. Les autres formes de financement

Le financement de la vente de biens d’équipement. Il s’agit dans ce cas


de fabrications spéciales, d’un montant élevé avec des conditions de
paiement longues (plusieurs années). Ces crédits bénéficient d’une aide
de l’État et sont encadrés par un accord au sein de l’OCDE pour éviter
les surenchères d’aides entre les pays.
L’entreprise peut bénéficier de financement durant la période de
fabrication et en période de crédit.
Financement en période de fabrication :
Il s’agit de crédit pour aider l’entreprise à financer ses dépenses de
fabrication entre la date de commande. L’entreprise peut obtenir un
Crédit bail :

une société spécialisée achète et loue le matériel dont


l’entreprise a besoin pour réaliser sa commande. En fin de
contrat de location l’entreprise peut racheter le matériel si elle
le souhaite.

Financement en période de crédit :


L’entreprise peut bénéficier de trois types de crédit :

Le crédit fournisseur classique (délai de paiement) qui aide la


trésorerie de l’entreprise.
Le crédit acheteur. Une banque finance l’opération en payant
tout de suite le vendeur et se rembourse au fur et à mesure des
règlements de l’acheteur.
Le forfaitage qui permet un escompte, sans recours, d’effets
commerciaux dès le début du contrat de vente. (Cette
technique s’applique à des créances spécifiques et déjà nées
(cf. I.3.2) ; c’est également un moyen de couverture contre le
risque de non-paiement utilisé comme technique de
financement à court terme et dans une certaine mesure, une
technique de couverture contre le risque de change.)

Ces créances d’une durée de vie comprise généralement entre 1 mois


et 10 ans, sont assorties d’une garantie bancaire.

Bibliographie

Dans les revues : Banque, Euromoney, le MOCI, dans le Bulletin de la


Banque de France et sur les sites internet des banques, le lecteur pourra
trouver des informations sur le développement de ces moyens de
paiement à l’international.
ERAI (2008), Le guide des financements à l’international, Le monde
en tête, Région Rhône-Alpes, Ecully.
D.-P. MONOD, Moyens et techniques de paiement internationaux :
Import-export, édition mise à jour RUU 600, ESKA, Paris.
Y. SIMON, D. LAUTIER, C. MOREL, Finance internationale, 10e
édition, Économica, 2009.

Sites utiles :

www.coface.fr
www.eur-export.com
www.factors-chairs.com

QCM : Vrai ou Faux ?


Q1 : Le forfaiting est une technique qui permet :
– d’alléger les comptes créances-clients de l’exportateur
– d’alléger ses dettes de financement
– d’éliminer tout risque à l’international
– il est lent à mettre en place
Q2 : Le crédit fournisseur :
– est accordé en euros et en devises
– est accordé à l’importateur par la banque
– est un engagement conditionnel d’une banque de payer au
fournisseur une marchandise
Q3 : L’affacturage export :
– est une garantie contre les impayés
– est un outil de couverture du risque pays peu coûteux
– permet de déléguer la gestion du poste client
– permet de financer les créances export
Q4 : Le forfaitage :
– offre des avantages similaires à ceux de l’affacturage
– est un rachat forfaitaire de créances
– est une alternative aux « crédits cofacés »
– concerne l’ensemble des créances à l’exportation
– nécessite que l’exportateur fournisse une documentation importante
Q5 : L’assurance crédit à l’exportation
– protège l’importateur contre le risque de fabrication
– est proposée uniquement par la COFACE en France
– est destinée aux entreprises qui vendent des matériels industriels
– s’applique à la couverture des biens de consommation et des biens
d’équipement légers
Q6 : Le crédit révocable pouvait être annulé ou modifié
– sans avis ou notification préalable à l’exportateur
– uniquement avec avis et notification préalable à l’exportateur
– par l’importateur
Q7 : La lettre de crédit Stand by
– permet à l’exportateur de tirer une traite documentaire sur la banque
ou sur un autre établissement qui sera désigné à cet effet
– protège l’exportateur contre un risque de défaut de la banque
émettrice
Q8 : En Europe, les virements inférieurs à 12 500 € sont considérés
comme un virement domestique quel que soit le pays
– Vrai
– Faux
Q9 : La traite peut remplir également une fonction de crédit
– Vrai
– Faux
Q10 : Il existe trois types de crédit documentaire irrévocable selon que
le règlement se fait :
– par acceptation
– par négociation
– par paiement constant
– par paiement différé
– par paiement courant
– par paiement comptant

Questions

En quoi une lettre de crédit est-elle davantage un instrument de


garantie, qu’un instrument de paiement ?
Quels sont les avantages pour les opérateurs du commerce
international du système SWIFT ?
Quelles différences y a-t-il entre une Lettre de Crédit Stand By et un
crédit documentaire ?

Correction du QCM

Q1 : Le forfaiting est une technique qui permet :


– d’alléger les comptes créances-clients de l’exportateur VRAI
– d’alléger ses dettes de financement VRAI
– d’éliminer tout risque à l’international VRAI
– il est lent à mettre en place FAUX
Q2 : Le crédit fournisseur :
– est accordé en euros et en devises VRAI
– est accordé à l’importateur par la banque FAUX
– est un engagement conditionnel d’une banque de payer au
fournisseur
– une marchandise FAUX
Q3 : L’affacturage export :
– est une garantie contre les impayés VRAI
– est un outil de couverture du risque pays peu coûteux FAUX
– permet de déléguer la gestion du poste client VRAI
– permet de financer les créances export VRAI
Q4 : Le forfaitage :
– offre des avantages similaires à ceux de l’affacturage VRAI
– est un rachat forfaitaire de créances VRAI
– est une alternative aux « crédits cofacés » VRAI
– concerne l’ensemble des créances à l’exportation FAUX
– nécessite que l’exportateur fournisse une documentation
importante FAUX
Q5 : L’assurance crédit à l’exportation
– protège l’importateur contre le risque de fabrication FAUX
– est proposée uniquement par la COFACE en France FAUX
– est destinée aux entreprises qui vendent des matériels industriels
VRAI
– s’applique à la couverture des biens de consommation et
– des biens d’équipement légers VRAI
Q6 : Le crédit révocable peut être annulé ou modifié
– sans avis ou notification préalable à l’exportateur VRAI
– uniquement avec avis et notification préalable à l’exportateur
FAUX
– par l’importateur VRAI
Q7 : La lettre de crédit Stand by
– permet à l’exportateur de tirer une traite documentaire sur la
banque ou sur un autre établissement qui sera désigné à cet effet
VRAI
– protège l’exportateur contre un risque de défaut de la banque
émettrice FAUX
Q8 : En Europe, les virements inférieurs à 12 500 € sont considérés
comme un virement domestique quel que soit le pays
– VRAI
– FAUX
Q9 : La traite peut remplir également une fonction de crédit
– VRAI
– FAUX
Q10 : Il existe trois types de crédit documentaire irrévocable selon
que le règlement se fait :
– par acceptation VRAI
– par négociation VRAI
– par paiement constant FAUX
– par paiement différé FAUX
– par paiement courant FAUX
– par paiement comptant VRAI
Énoncé cas 1 : COFACE

Une PME a souscrit une police d’assurance-crédit COFACE, et


sollicite une demande de garantie sur un client espagnol pour une
première affaire d’un montant de 30 000 €, qu’elle obtient.
La commande est conclue pour un montant de 25 000 € avec un
paiement par virement SEPA à 30 jours date de facture. L’expédition est
prévue dans la seconde quinzaine d’avril N.
L’entreprise expédie les marchandises et rédige la facture le 20 avril N.
À l’échéance du délai de paiement et le 20 mai N, et dans les jours qui
suivent, ne voyant pas arriver le paiement, l’entreprise fait une
déclaration de sinistre à l’assureur, accompagnée d’une demande
d’intervention.
À l’échéance du délai de carence, sachant que le contrat prévoit une
quotité garantie de 90 %. Calculer le montant de l’indemnité ?

Correction

Énoncé cas 2 : COFACE

Une PME projette de se développer et de vendre son produit à


l’étranger. Pour cela elle a besoin de moyens financiers. Ayant
connaissance d’une possibilité d’obtenir une assurance prospection
auprès de la Coface et après renseignement pris auprès de cette dernière,
elle élabore une hypothèse de financement de son projet.
À partir des éléments suivants calculez le bilan final de l’assurance
prospection pour l’entreprise
Période de garantie
– budget garanti/an : 75 000 €
– période de garantie : 2 ans
– quotité garantie : 65 %
– prime d’assurance : 2 %
– taux d’amortissement : 7 %
– dépenses réelles de la 1re année : 90 000 € – dépenses réelles de la
2e année : 75 000 €
– chiffre d’affaires de la 1re année : 0 € – chiffre d’affaires de la 2e
année : 70 000 €
Période complémentaire
– période complémentaire : 3 ans
– C. A de la 1re année : 200 000 €
– C. A de la 2e année : 400 000 €
– C. A de la 3e année : 450 000 €

Correction

[1] . SWIFT est une coopérative de droit belge, créée en 1973 par 239 banques américaines,
canadiennes et européennes.
[2] . http://www.sepafrance.fr/fr/content/ce-que-le-projet-sepa-change-pour-les-entreprises.
[3] . http://www.revue-du-commerce-international.info/regards/51-lettre-credit et
www.iccwbo.org ; rubrique « Banking techniques and practices ».
[4] . Chambre de Commerce Internationale, Guide des opérations de crédit documentaire, Paris ou
www.iccwbo.org ; rubrique « Banking techniques and practices ».
[5] . CCI op. cit., 1978, p. 6.
[6] . STEUNOU V., la lettre de crédit stand by, fiche technique – commerce international,
mars 2003 in afdcc 2005.
[7] . Définition extraite du glossaire de banques-web.com
http://www.banques-web.com/ ?page_id=71
[8] . http://www.banques-web.com.
[9] . http://www.e-affacturage.fr/definition/affacturage_export.html.
[10] . In LCL (Lettre du Crédit Lyonnais, planet-export 2009).
Chapitre 11

L’analyse du risque pays

Introduction

Le risque pays s’est beaucoup modifié avec la transformation du SFI


(voir chapitre 1). Aujourd’hui, les risques financiers sont très importants
et n’épargnent aucun pays. La libéralisation des mouvements de capitaux
accroît les transferts de capitaux et accentue la volatilité des changes.
Parler du risque pays, c’est donc parler à la fois du risque politique et des
risques systémiques de marché financier et de crédit. Ceci revient
également à s’intéresser à la dimension politique de certaines crises
financières, comme les crises russes, argentines ou encore plus proches
de nous de celle des subprimes, et de leurs conséquences.
Dès lors, on peut s’interroger sur la manière dont a évolué le risque
pays ? Comment apprécier ce risque ? Quels sont les éléments importants
à prendre en compte ? Et existe-t-il des produits ou des techniques qui
permettent de se couvrir contre le risque pays ?
Dans une première partie, nous allons donner une définition du risque
pays et nous identifierons ses principales manifestations. Nous
insisterons sur l’apparition des risques extrêmes observés ces dernières
années. Nous présenterons un exemple d’analyse du risque pays et en
montrerons les limites. Puis, dans une deuxième partie nous nous
intéresserons à la gestion du risque pays et aux moyens disponibles de
mesure du risque. Nous proposerons ensuite quelques solutions de
prévention et couverture du risque.

I. Du risque politique au risque systémique


Qu’entend-on par risque pays ? Est-ce un risque politique ? Un risque
financier ? Qui sont les agents qui déterminent le risque pays ? Comment
est-il évalué ? Existe-t-il, à l’instar du risque de change, des techniques
ou des produits de couverture ?
Pour répondre à ces questions, voyons tout d’abord quelles définitions
on peut donner du risque pays. Il existe différentes définitions selon la
position de l’opérateur :

pour un juriste, le risque pays s’apparente à la notion de risque


politique, au sens strict du terme ;
pour un banquier, le risque pays renvoie à la notion de risque
souverain et de défaillance de l’État ;
pour un assureur, comme la COFACE, le risque pays a
plusieurs composantes : une composante politique, une
composante économique et une composante financière. Cette
dernière a pris une importance considérable ces dernières
années suite aux différentes crises monétaires et financières.

Enfin, suite à l’affaiblissement du rôle des États sur les marchés


financiers, et avec la montée des actes terroristes, le risque extrême peut
être considéré comme une composante additionnelle au risque pays.

1. Définition du risque pays

Le risque pays peut être défini, aujourd’hui, à partir de ces trois


composantes :

le risque politique ;
le risque systémique de crédit ;
le risque systémique de marchés financiers.

Pourquoi retenir ces trois composantes ?


Le risque pays n’est pas assimilable au seul risque politique. Au cours
de la fin des années 1970 et au début des années 1980, de nombreuses
analyses du risque pays accordaient une part prépondérante aux indices
publiés et mis à jour, comme celui de BERI (Business Environment Risk
Intelligence) et du WRF (World Political Risk Foreight). Le risque pays
étant assimilé au risque politique. Puis l’analyse du risque politique basée
sur des indicateurs que l’on pourrait qualifier de géopolitiques a évolué.
Une estimation du risque politique basé sur une définition plus financière
de ce dernier a prévalu. Ceci s’explique dans la mesure où, suite à la crise
asiatique de la fin des années 1990, les indicateurs financiers et bancaires
ont pris une importance considérable dans les analyses du risque pays. La
crise asiatique qui a eu pour origine, en partie, des défauts de paiement
des promoteurs immobiliers a occasionné des défaillances bancaires. Dès
lors, les notations du risque pays attachent plus d’importance aux risques
de crédit et aux risques de marché financier, qu’au seul risque politique
évalué à partir de données géopolitiques et sociales.
Actuellement, les composantes traditionnelles du risque politique telles
que le risque de nationalisations, la confiscation des biens détenus par
des étrangers, le risque de non-transfert des bénéfices, ont un poids moins
important dans l’analyse du risque pays que les variables financières liées
aux transformations du SFI (chapitre 1). Par exemple, les sinistres les
plus fréquents ne sont plus les mêmes que par le passé, le non-paiement
prenant, le plus souvent, le pas sur les expropriations. Avec
l’accroissement du rôle des marchés financiers, les États ont vu leurs
prérogatives se réduire. La diminution du rôle des États se traduit par la
réduction de leur périmètre d’intervention et de responsabilité. La
déréglementation des activités et la dérégulation des marchés ont accru
les risques pour les investisseurs. À la fin des années 1990, la crise
asiatique a montré, par exemple, que l’augmentation massive des
actionnaires sur les nouvelles places financières ne s’est pas
accompagnée d’une législation destinée à les protéger en cas
d’effondrement des cours. Ce manque de contrôle par les États et le
manque de réglementation en général créent des conditions favorables à
des prises de risques importantes par les différents opérateurs,
augmentant d’autant les risques de retournement sur ces marchés.
Ainsi, le recours massif aux marchés financiers interdépendants et
volatils, et la perte de pouvoir des États nations sont autant de facteurs
qui modifient les contours du risque pays.
Dès lors, ces différents facteurs font que les notations du risque pays
ont de moins en moins vocation à évaluer les risques politiques au sens
géopolitique et social. Ce sont les risques systémiques de crédit et de
marché financier qui prévalent dans les analyses. Ces deux derniers
risques ont pris une importance considérable de nos jours. Pour en saisir
l’ampleur, définissons chacune des composantes du risque pays.

1.1. Définition du risque politique

Traditionnellement, le risque politique désigne un ensemble de faits


qui peuvent concerner à la fois des questions géopolitiques, des
problèmes de politiques intérieures et maintenant des questions
financières.
Le risque politique au sens strict du terme recouvre les atteintes à la
propriété, le non-respect par un État de l’engagement contractuel qu’il a
pris, les risques liés aux guerres, révolutions, émeutes…
Pour les banquiers, le risque politique peut s’analyser à partir du
risque souverain, dès lors qu’un État ou une entreprise publique
n’honore pas ses engagements en devises. Il peut également être défini à
partir du risque de non-transfert. Ce dernier se manifeste lorsque la
banque centrale ne peut mobiliser des réserves en devises pour
transformer les ressources en monnaie locale, en moyens de paiements
internationaux. On parle de risque souverain dès lors que l’État joue un
rôle important. Les agences de notation attribuent des notes de risque aux
différents pays qui en font la demande. Ces notes mesurent
exclusivement la capacité des gouvernements à assurer le service de leur
dette. Ces agences évaluent donc la valeur de la signature des États
souverains. Or, la validité de cette évaluation comme indicateur du risque
pays va dépendre de l’étendue du domaine couvert par cette signature.
Ainsi, lorsque l’activité du secteur public est réduite et lorsque les
régions ou les collectivités locales se libèrent de la tutelle étatique,
comme on l’observe aussi bien au Brésil que dans les anciennes
républiques de l’État russe, cette évaluation n’a plus le même sens.
L’importance accordée à l’évaluation du risque souverain est moindre.
Une crise de paiement, ou une crise de change, peut avoir pour origine
une défaillance des opérateurs privés et s’expliquer davantage par
l’insolvabilité d’entreprises privées ou des ménages que par un risque de
non-transfert. Tel a été le cas lors de la crise asiatique ou de la crise des
subprimes. Cette réalité explique la faible portée prospective de ces
notations, basées essentiellement sur l’estimation du risque politique,
pour les investisseurs étrangers.
Avec la libéralisation des changes et l’accroissement des mouvements
de capitaux, la notion de risque pays a pris un contenu moins politique et
plus financier. C’est pourquoi, le risque politique est analysé comme un
élément constitutif du risque pays mais il faut s’intéresser à d’autres
types de risques, risque systémique de crédit et risque systémique de
marché financier, liés aux transformations du SFI, pour avoir une idée
plus complète du risque pays.

1.2. Le risque systémique de crédit progresse avec :

la probabilité de fortes fluctuations des taux d’intérêt, des taux


de change et des cours de bourse ;
l’instabilité financière et la fragilité des structures de bilan et
de comptes d’exploitation (ex : crises des systèmes bancaires
et immobiliers en Asie en 1997).

En 1997, du fait de l’abondance des capitaux, les opérateurs privés en


Asie de l’Est se sont endettés pour financer des projets d’investissement
peu rentables et/ou risqués. Ceci a favorisé l’apparition et le
développement de bulles spéculatives, notamment dans l’immobilier. Les
banques locales ont utilisé leurs ressources, constituées essentiellement
de prêts à court terme, pour financer des investisseurs peu solvables. Ces
banques ont donc accumulé des créances douteuses dans leurs bilans. Des
réseaux bancaires locaux se sont créés grâce à des participations
mutuelles imbriquées dans la structure du capital et de liens étroits avec
plusieurs entreprises des secteurs industriels leaders dans leur pays.
L’interdépendance des différents acteurs, comme cela a été constaté en
Corée du Sud et au Japon, contribue à la propagation des crises. Les
mécanismes de contagion de la crise d’un pays à un autre sont connus et
se sont accrus avec l’interdépendance des économies. Que la contagion
s’opère par le canal commercial (contraction des échanges, mise en
faillite de certaines entreprises exportatrices), ou par le canal financier
(fuite des capitaux, effondrement des bourses, crises de change), la
propagation est rapide et on peut qualifier ces risques de systémique, dès
lors que l’ensemble du système économique et financier est ébranlé. La
libéralisation des mouvements de capitaux a accru ces phénomènes.
Ainsi, en Asie, lorsque les investisseurs internationaux ont réalisé
l’importance des déséquilibres sur les marchés, un mouvement massif et
brutal de retrait des placements financiers, majoritairement réalisés à
court terme, a eu lieu. Les ventes de titres qu’ils détenaient sur les pays
émergents se sont accélérées entraînant l’effondrement des marchés
boursiers locaux. Les sorties de capitaux ont provoqué une chute des
monnaies locales. Les dévaluations anticipées de ces monnaies ont
provoqué des mouvements spéculatifs. Les agents économiques ont retiré
les dépôts effectués dans les banques locales ce qui a provoqué une crise
de liquidité. En outre, la dépréciation et la dévaluation des monnaies ont
provoqué une dégradation du bilan de l’ensemble des agents
économiques. C’est parce que les investisseurs internationaux ont essayé
de limiter le montant de leurs pertes, en revendant par anticipation des
titres qu’ils détenaient dans des pays asiatiques qui étaient moins
durement affectés, qu’ils ont développé des mécanismes de contagion de
la crise vers ces pays. Ce mécanisme de contagion financière explique la
propagation de la crise à l’ensemble des pays asiatiques. Ces économies
asiatiques, à l’origine du risque systémique de crédit, ont connu peu de
temps après un risque systémique de marché financier et ont contribué à
son développement. Ce dernier s’est manifesté tout particulièrement dans
les pays émergents comme la Russie en 1998 et au Brésil un an plus tard.
C’est pourquoi, une attention toute particulière est accordée à
l’estimation du risque systémique de marché financier.
1.3. Le risque systémique de marché financier augmente si :

l’ouverture extérieure de l’économie est trop rapide ;


la libéralisation des changes est prématurée ;
la dette publique est titrisée trop massivement ;
le système bancaire est peu performant pour transformer des
entrées de capitaux en investissements productifs ;
la crédibilité de la politique économique est insuffisante. Ce
qui a été le cas de la crise financière en Russie d’août 1998.

À partir du milieu des années 1990, les indicateurs ont ainsi révélé
l’existence d’une très forte volatilité sur les marchés des titres dans une
majorité des pays touchés par la crise asiatique. En 1998, une partie des
capitaux placés sur les places financières asiatiques a été réinvestie sur
des places financières qui offraient des rendements élevés. Les bourses
de Moscou et des pays émergents en Amérique latine ont bénéficié de ces
investissements spéculatifs. En Russie, les capitaux ont été investis sur
les GKO (bons du Trésor russe) qui offraient des taux de rendements
attractifs. Mais au cours de la première moitié de 1998, lorsque les
indicateurs de l’économie russe se sont dégradés, un mouvement de
défiance vis-à-vis des autorités russes a eu lieu, se manifestant par une
fuite des capitaux, accélérant la crise. Malgré les interventions de la
Gosbank sur le marché des changes, le rouble a dû être dévalué de 40 %
en août 1998.
Une partie des capitaux investis en Russie a trouvé refuge au Brésil.
Mais là encore, le mécanisme de contagion va provoquer le
déclenchement d’une crise de change dans un pays émergent aux
fondations fragiles. Dès 1994, afin de lutter contre l’inflation, les
autorités brésiliennes avaient mis en place, dans le cadre du plan Réal,
une politique monétaire restrictive. La hausse des taux d’intérêt a creusé
le déficit budgétaire. L’appréciation de la monnaie, le réal, a provoqué
une aggravation du déficit courant en 1997. Suite à la crise russe, les
autorités brésiliennes ont proposé aux investisseurs des bons du Trésor à
taux variables et des bons indexés sur le dollar (à la fin de 1998, les bons
à taux fixes représentaient moins de 10 % de la dette publique contre
60 % en juillet 1997) Toutes ces mesures ont eu pour effet une
dégradation du déficit budgétaire qui a atteint 7,5 % du PIB en 1998. Dès
lors, les investisseurs internationaux ont perdu confiance dans les
capacités du Brésil à pouvoir faire face à la charge de sa dette et les
sorties de capitaux se sont intensifiées. La monnaie brésilienne n’a pu
résister aux attaques spéculatives et, en un an, le réal a perdu plus de la
moitié de sa valeur vis-à-vis du dollar.
Enfin, dans ces pays émergents, à la fin des années 1990, la faiblesse
du système bancaire local n’a pas permis de recycler l’entrée massive des
capitaux étrangers et de les transformer en investissements productifs.
Pour terminer ce panorama des composantes du risque pays, il faut
également prendre en considération les risques extrêmes. Aujourd’hui de
nouveaux risques liés aux actes terroristes, kidnapping d’employés,
guerre civile, révolution, actes de violence politique par exemple sont
difficilement prévisibles et doivent être intégrés dans l’appréciation du
risque pays. Ces risques extrêmes ont des conséquences économiques et
financières sur l’activité des entreprises et modifient la structure du
risque politique et au-delà, celle du risque pays.

2. La prise en compte des risques extrêmes

Suite à la crise asiatique, la structure des systèmes de rating pays a été


modifiée, les risques systémiques devenant une composante essentielle
du risque pays. Cependant, la dernière transformation majeure de
l’environnement international qui affecte profondément le risque pays
dans ses manifestations est aujourd’hui d’ordre géopolitique.
Le terrorisme est, aujourd’hui, la manifestation la plus voyante et la
plus inquiétante de ces risques géopolitiques, mais elle n’est pas la seule.
Les actes terroristes sont le plus souvent localisés dans les pays en guerre
comme l’a été l’Irak et comme l’est l’Afghanistan. Mais depuis 2001,
après les attentats du World Trade Center, puis ceux de Madrid et de
Londres, aucun pays n’est à l’abri de tels risques. Les risques climatiques
(ouragan, tremblements de terre, tsunami…) sont également des « risques
catastrophes », difficilement prévisibles, comme on a pu le constater au
Japon en mars 2011, mais ayant des conséquences économiques et
sociales très lourdes sur les pays.
La prise en compte des risques extrêmes nécessite une actualisation en
temps réel. Les contextes nationaux, voire régionaux, peuvent évoluer
très rapidement, comme en témoignent les récentes crises dans les pays
arabes (Tunisie, Égypte, Libye…). Les paramètres traditionnels qui sont
retenus pour couvrir une réalité géopolitique et qui servent à l’évaluation
du risque pays sont insuffisants. L’utilisation de statistiques implique des
délais. Dès lors, l’appréciation d’une situation qui évolue au jour le jour
est impossible ; l’élaboration de stratégies d’investissement à court ou
moyen terme est périlleuse. Ainsi, même s’il existe des modèles
d’évaluation du risque pays très sophistiqués, l’apparition d’une situation
extrême rend caduque toute appréciation du risque. Dès lors, il devient
impératif d’intégrer ces risques extrêmes, difficilement identifiables, à
l’aide de la batterie d’indicateurs utilisés dans les analyses risque pays
jusqu’à présent. Pour le faire, il convient donc d’introduire des critères
qui permettent le suivi des risques extrêmes et d’introduire le temps réel
dans l’actualisation de certaines bases de données.
Ainsi, l’appréciation et le suivi du risque pays vont être faits selon :

l’horizon temporel : à court terme, on recherche quels sont les


pays qui peuvent être affectés par la crise financière ;
en fonction de la catégorie du risque : risque politique
traditionnel, risques systémiques, risque extrême ;
en fonction des utilisateurs des analyses risque pays :
exportateur, investisseur, banquier, assureur…

Dès lors, différents organismes s’attachent à évaluer le risque pays.

3. L’analyse du risque pays

Pour apprécier ou évaluer le risque pays, il existe des analyses


quantitatives (méthodes économétriques, rating, analyse structurelle…)
et des analyses qualitatives qui donnent davantage d’importance à la
qualité de la gouvernance, à l’existence de la corruption, au « bon »
fonctionnement des marchés, etc.
Schéma : échelles de notation selon les agences
Standard &
Moody’s Fitch Ratings
Poor’s
Commentaires
Long Court Long Court Long Court
Terme terme Terme terme Terme terme
Aaa AAA AAA Meilleure note, le risque est presque inexistant.
Aa1 AA + AA +
A-1 + F1 + Très proche de la meilleure note, l’emprunteur
Aa2 AA AA
P-1 est très fiable.
Aa3 AA- AA-
A1 A+ A+ Bonne qualité mais le risque peut être
A-1 F1
A2 A A présent dans certaines circonstances
A3 A- A- économiques.
P-2 A2 F2
Baa1 BBB + BBB +
Baa2 BBB BBB Solvabilité moyenne.
P-3 A3 F3
Baa3 BBB- BBB-
Ba1 BB + BB + Avec cette note, la spéculation est plus
Ba2 BB BB grande : le risque de non-solvabilité est plus
Ba3 BB- BB- grand sur le long terme.
B B
B1 B+ B+
Doute important sur le remboursement.
B2 B B
Not Le risque est encore assez grand.
B3 B- B-
Prime
Risque très important de non solvabilité sur le
Caa CCC +
long terme.
C CCC C
Ca CCC L’emprunteur étant en quasi faillite, l’emprunt
C CCC- est très spéculatif.
/ D DDD / L’emprunteur est en faillite.

Les techniques comparatives sont fréquemment utilisées afin de


classer les différents pays selon le niveau de risque. L’entreprise ou le
banquier peuvent ainsi réaliser un arbitrage entre ces pays. La
comparaison est souvent effectuée à partir d’un système de notation
(rating).
Depuis le début des années 2000, le nombre des instances qui
produisent les notes (COFACE, grandes agences de notation…) a
augmenté. Cinq grandes agences de notation se partagent l’essentiel du
marché au niveau international :
1. Deux américaines : Moody’s et Standard & Poor’s (S & P), et une
française : Fitch appartenant à la société Fimalac.
2. Une canadienne : Dominion Bond Rating Services (DBRS) et une
autre américaine, A. M. Best.
Ces agences retiennent une série de paramètres représentatifs du risque
tels que la stabilité politique, le niveau de développement économique, la
vulnérabilité financière et en sélectionnant une batterie d’indicateurs,
elles attribuent une note à chacun de ces paramètres. Cette note reflète la
probabilité de défaut sur les emprunts à court terme (< ;1 an) ou à long
terme (> ;1 an) émis par les différents pays. Une note globale permet
ensuite de comparer les pays selon la même méthode qui est appliquée
pour chacun d’eux.
Indiquons que tout repose sur la fiabilité des informations, et sur la
qualité des statistiques. Le rôle de l’évaluateur est fondamental lorsque ce
dernier est amené à choisir la pondération relative des critères retenus,
ainsi que leur pertinence. Ceci peut évoluer avec le temps.
En France, la COFACE a été créée par décret du 1er juin 1946.
Devenue un groupe privé en 1994, la COFACE est filiale de Natixis. Elle
possède en France 33 directions et délégations régionales et elle est
présente dans 95 pays grâce à ses 65 filiales et avec l’aide de son réseau
de partenaires. La COFACE gère pour le compte de l’État des produits
d’assurance qui représentent des risques non-assurables par le marché
privé. Elle gère ainsi l’assurance des investissements à l’étranger (risque
politique) ainsi que le FASEP (risque économique) avec OSEO et l’AFD.
Pour ce faire, elle doit collecter une masse importante d’informations sur
chaque pays et établir pour ces derniers un classement selon le risque
pays que les investisseurs peuvent subir.
L’appréhension quantitative des phénomènes politiques, qui prévalait
dans les années 1970, n’est plus guère utilisée dans les systèmes de
rating. Aujourd’hui la COFACE propose une note globale qui reflète le
risque pays en basant sa notation sur des indicateurs liés à
l’environnement des affaires, les perspectives économiques, financières
et politiques et sur l’expérience qu’elle a des paiements sur les
entreprises (cf. : graphique ci-dessous). Des données macroéconomiques
sont articulées avec des informations microéconomiques, liées à la santé
financière des entreprises.
Graphique : notation rating pays par la COFACE (source :
COFACE)

4. Les limites de l’analyse risque pays

Toutefois, les principales crises de ces dernières années n’ont pas pu


être évitées et ont surpris bien des analystes par leur ampleur et par la
rapidité avec lesquelles elles se sont propagées d’un pays à un autre. Au
moment de la crise asiatique, on s’est interrogé sur le « pourquoi n’a-t-on
pas pu anticiper ces crises ? », sur la « cécité des analystes », sur la
fiabilité des analyses… Aujourd’hui, les agences de notations sont
décriées. Leur rôle est de mesurer la fiabilité financière des sociétés, des
institutions et des produits financiers en les notant. Mais elles sont
critiquées pour ne pas avoir anticipé les dérapages sur les prêts à hauts
risques aux USA lors de la crise des subprimes et sont accusées d’avoir
aidé les banques à concevoir des produits complexes qui ont nourri la
crise.
Peut-être faudrait-il revenir sur les méthodes de notation du risque
pays qui n’ont permis :

ni d’anticiper l’événement ;
ni de suivre son déroulement.

Si l’on s’intéresse à l’analyse du risque pays par la méthode du rating,


un certain nombre de critiques peuvent être formulées. Les
méthodologies les plus couramment développées par ces approches
saisissent mal certaines spécificités du risque politique.
Les risques politiques auxquels sont exposés tous les opérateurs dans
un pays étranger ne sont pas les mêmes. Un ressortissant étranger ou un
autochtone ne subissent pas les mêmes contraintes politiques. De plus,
pour les opérateurs étrangers, selon la nature de leur activité (simple
échange commercial, investissement, implantation), le risque encouru
n’est pas le même. Des données macroéconomiques telles que le taux de
chômage, l’inconvertibilité de la monnaie, la faiblesse des infrastructures
peuvent avoir une signification différente si l’on est exportateur ou si l’on
souhaite s’implanter. Proposer une note globale ne peut satisfaire les
besoins, qui ne sont pas identiques pour tous les utilisateurs des analyses
risque pays. À titre d’exemple, si l’on prend le cas d’un exportateur, le
fait de retenir un taux de chômage élevé dans un pays comme un élément
négatif de l’analyse est assez cohérent. On peut supposer que ce taux de
chômage est synonyme de faiblesse du pouvoir d’achat et donc traduirait
des perspectives d’exportation moyennes. En revanche, pour une
entreprise qui cherche à produire sur place, un taux de chômage élevé
peut signifier de bonnes perspectives d’embauches à des salaires
relativement modestes.
À l’intérieur d’un pays le choix de la localisation d’une activité peut
être plus ou moins risqué selon la région. Or, les différences régionales
ne sont pas prises en compte assez finement pour que l’analyse du risque
pays, qui propose une note globale, s’avère pertinente pour tous les
utilisateurs. Un pays n’est pas un risque en soi. C’est pourquoi,
l’investisseur international veut connaître les risques qu’il encourt aux
différents échelons du pouvoir : états fédéraux, régions, municipalités…
Mais ces derniers ne sont pas réellement saisis dans l’analyse du risque
pays résumé à une note globale.
L’analyse risque pays considère chaque pays pris individuellement,
ce qui rend difficile l’intégration des effets de transmission d’un pays à
l’autre, voire d’une zone géographique à l’autre. Depuis 2001, le nombre
des pays notés, par la COFACE par exemple, s’est accru. Ceci signifie
également que le nombre de pays risquant potentiellement d’être
impactés par une crise financière par exemple a aussi augmenté. Le fait
de rencontrer des difficultés pour estimer les mécanismes de contagion
d’une crise d’un pays à un autre s’explique aussi par l’accroissement du
nombre de pays concernés. Or, ces mécanismes sont déterminants pour
estimer le risque pays.
En général, on retient des critères macroéconomiques pour qualifier la
bonne santé économique d’un pays. Mais il semble que ces ratios
macroéconomiques, qui entrent dans la composition de la plupart des
indicateurs de risques, sont insuffisants, voire inadaptés pour anticiper un
tel événement. C’est ainsi que lors de la crise asiatique de 1997-1998, les
déficits publics des pays asiatiques étaient modérés (la dette publique
coréenne ne représentait que 10 % du PIB), le rapport entre dette
extérieure/production interne était bon, y compris pour la Thaïlande,
Taïwan… Ce sont des indicateurs macroéconomiques, or les principaux
mécanismes qui ont conduit à la crise sont d’abord microéconomiques :
il s’agissait des créances douteuses, des risques de liquidité des banques
liés à une maturité insuffisante de ces dernières, et des investissements
inefficaces dans l’immobilier notamment.
Enfin, ces indicateurs ne tiennent pas assez compte du poids croissant
du secteur privé dans l’économie des pays. Or, l’opacité des
comptabilités privées dans de nombreux pays ne justifie pas le maintien
de grilles d’évaluation inadaptées.
En outre, les agences de notation qui ont évalué un grand nombre
d’entreprises ont été montrées du doigt lors de la crise des subprimes. Si
l’on détaille le processus de notation en 5 étapes, un certain nombre de
remarques à chacune des étapes peuvent être formulées :
1. demande de notation : l’entreprise demande une note à l’agence
contre rétribution. Ce qui signifie que les agences sont rémunérées par les
entreprises qu’elles notent !
2. schéma d’analyse : l’agence collecte les données nécessaires à
l’étude, publiques (rapports annuels, etc.) ou confidentielles (rapport de
gestion, prévisions, stratégies). L’entreprise peut taire ou cacher des
éléments d’information importants.
3. comité : l’agence établit la note. L’entreprise peut faire appel en
fournissant de nouvelles informations. L’interventionnisme de
l’entreprise peut nuire à l’objectivité de la note.
4. publication de la note : l’agence ne publie la note et les
commentaires qu’avec l’accord de l’entreprise. L’entreprise peut ne pas
donner les informations confidentielles nécessaires au suivi.
5. suivi de la note : tant que subsistent des encours de dettes notées sur
le marché, l’agence doit en assurer le suivi. L’entreprise s’engage à
donner à l’agence les informations nécessaires à sa mise à jour. Or,
compte tenu du grand nombre de notes à suivre, les agences peuvent
tarder à réagir.
En plus du déroulement du processus de notation par les agences qui
porte en lui quelques éléments critiquables, notons que parfois, trop
d’importance est accordée au risque politique ; toute crise politique
n’engendre pas, à court terme, de crise financière ou commerciale
comme on a pu l’observer lors de l’assassinat du Premier ministre
israélien, Y. Rabin, qui n’a pas eu d’impact sur les relations
commerciales et financières d’Israël avec ses partenaires.
Enfin, une dernière interrogation est soulevée : à partir de la
connaissance de variables géopolitiques clairement identifiées et
régulièrement suivies, est-il vraiment possible de dégager un jugement
sur l’occurrence de tels événements ? Certes des estimations sont
régulièrement données, mais la fiabilité de ces dernières est toute
relative.
Dès lors, plusieurs améliorations semblent nécessaires :

intégrer des informations microéconomiques dans la grille


d’analyse d’un pays au niveau d’un secteur ou même d’une
entreprise. Ce qui revient par exemple, à intégrer l’analyse
comptable des bilans et des comptes d’exploitation des firmes
leaders, ou du moins représentatives, dans le pays considéré à
ces analyses risque pays. Toutefois, ces informations sont
difficiles à obtenir. Parfois elles n’existent pas. Les entreprises
ne tiennent pas toutes une comptabilité fiable. D’autres fois,
ces informations sont disponibles mais erronées. Reste donc à
constituer un échantillon assez large d’entreprises, pour
éliminer celles sur lesquelles un doute subsiste. Puis, il
s’agirait d’articuler ces données avec les statistiques
macroéconomiques. Ainsi, il faudrait étudier si l’analyse des
qualités du financement permet, par le relais des capitaux
bancaires, de relier la gestion financière des entreprises au taux
de change des pays ?
ancrer le risque pays sur ce que l’on appelle le risque système,
celui que l’on observe à l’occasion des mécanismes de
contagion.

Or, aujourd’hui, aucun modèle précis d’analyse du risque systémique


n’a été mis au point. Il faudrait pouvoir calculer des indicateurs de
« basculement », de « vulnérabilité » pour apprécier la vitesse
d’absorption des chocs par les institutions d’un pays. Puis recadrer le
champ d’analyse des risques sur un domaine plus restreint que le pays,
sur un projet, une branche sectorielle, par exemple.
Tous les modèles actuels de prévisions ne permettent pas d’éviter les
crises de change. En outre, ces dernières années, les crises financières et
les crises de change ont pris une grande ampleur ; la volatilité des
capitaux propage la crise d’un pays à un autre. Le risque pays augmente.
Le mécanisme de contagion financière des crises est accentué par un
mécanisme de contagion lié aux échanges de biens et services qui
peuvent se réduire d’un pays à un autre, entraînant une contraction de la
croissance économique. En témoigne la dernière crise économique et
financière de 2008.

II. La gestion du risque pays

Comment gérer un risque pays ? Peut-on se couvrir ?

1. L’analyse du risque pays selon les opérateurs


Les risques d’un pays ne sont pas les mêmes selon que l’on est un
investisseur local ou étranger, un exportateur, un banquier, un assureur ou
l’État. D’où l’intérêt de réaliser des analyses risque pays en fonction de
l’opérateur car le risque lui-même devrait être apprécié par rapport à
l’opération projetée ou réalisée.
En outre, pour la « même » opération il existe une grande variété de
situations d’exposition au risque d’une entreprise à une autre. Un grand
groupe mondialisé n’est pas exposé au risque pays de la même façon
qu’une petite entreprise nationale exportatrice.
Selon la nationalité de l’opérateur, le risque encouru doit être évalué
différemment. Voyons donc rapidement, selon la nature de l’opérateur,
les raisons qui conduisent ce dernier à considérer le risque pays et les
instruments de réduction des risques auxquels il peut avoir recours.
Un investisseur étranger doit se prémunir contre les risques
politiques traditionnels tels que les risques de spoliation et/ou de
destruction d’origine politique. Les investisseurs en capital et les
fournisseurs de dette peuvent être ainsi confrontés à des situations, qui
vont leur générer des pertes :
1. Pertes résultant de l’incapacité de convertir la monnaie locale en
devises étrangères ou de transférer des fonds en dehors du pays d’accueil
(Inconvertibilité de la monnaie et restriction sur les transferts).
2. Pertes résultant d’actes du gouvernement d’accueil ayant pour effet
de priver l’investisseur assuré de tout ou partie de la propriété ou du
contrôle de son investissement, ou des droits liés à cet investissement
(Expropriation).
3. Pertes résultant de la dégradation, de la destruction ou de la
disparition de biens corporels par suite d’actions militaires ou de troubles
civils dans le pays d’accueil (Conflits armés et troubles civils).
Ils peuvent aussi être confrontés à d’autres risques politiques moins
traditionnels mais s’apparentant à des risques de non-paiement et qui se
traduisent également en pertes :
1. Pertes résultant de la rupture ou de la dénonciation d’un contrat par
le gouvernement d’accueil (ruptures de contrats).
2. Pertes résultant du défaut de paiement par le gouvernement dans le
cas où une sentence arbitrale ou une décision judiciaire obligatoire ne
peut pas être exécutée (non-respect de décision arbitrale).
Dès lors, les instruments de réduction des risques vont présenter un
intérêt pour les investisseurs qui ont des capacités de financement
(prêteurs, investisseurs obligataires) car ils les prémunissent contre tout
défaut de paiement du service de la dette par l’emprunteur. Pour les
investisseurs en capital, qui souhaitent se protéger contre les risques
d’investissement, les instruments de réduction des risques politiques les
prémunissent contre la perte de leur investissement.
Les entreprises françaises qui investissent à l’étranger peuvent
souscrire à la garantie des investissements proposée par la COFACE (voir
ci-dessous II.2). Elle les couvre contre le risque politique traditionnel et
facilite le financement des projets en couvrant les prêts bancaires
d’accompagnement.
Un exportateur, lors d’une transaction internationale, encourt un
certain nombre de risques financiers. Ces derniers peuvent résulter, par
exemple, d’une rupture abusive du contrat commercial, du risque de
fabrication, de l’insolvabilité des différents acteurs (l’acheteur, la banque
de l’acheteur, le pays de l’acheteur) ou d’un litige commercial.
Par exemple, en Chine, même si l’activité économique est plutôt
bonne, il convient de s’assurer de la solvabilité des banques, et surtout de
leurs filiales (appelées « branches ») et des banques régionales, puisque
ces dernières ne respectent pas toujours les pouvoirs de leurs maisons
mères. Le risque de non-paiement peut donc apparaître.
De manière générale, pour l’exportateur, le risque pays se manifeste
surtout sous la forme du risque de change (cf. chapitre 4). Toutefois, il
peut être confronté à des risques commerciaux lorsqu’un client est
insolvable (insolvabilité judiciairement constatée) ou lorsqu’il est
confronté à une résiliation arbitraire de contrat ou à un refus arbitraire,
voire à une carence pure et simple. Certains instruments font la différence
entre des « causes » politiques ou commerciales de perte. Dans ce cas,
l’indemnisation n’est versée que si la perte est due au risque spécifié. De
nombreux instruments ne couvrent qu’une partie de la dette.
Dès lors, l’assurance crédit export de la COFACE par exemple, couvre
les risques liés à la fabrication et au crédit. Il s’agit d’un crédit dont la
durée est égale ou supérieure à 2 ans. Elle garantit les risques
d’interruption de marché ou de non-paiement pendant toute la durée d’un
contrat. Les formulaires de demande d’Assurance Crédit moyen Terme
sont en ligne sur www.coface.fr.
Un banquier va chercher à évaluer un risque pays car il peut être
amené à arbitrer entre différents lieux d’investissements lors de la
construction et de la gestion d’un portefeuille diversifié de créances
internationales. Il doit également prendre des décisions lors de la
détermination des engagements maximaux, qu’il autorise sur chaque
pays, lors de la constitution de provisions pour risque pays et, depuis
2004, dans le cadre des règles prudentielles suite aux accords de Bâle,
lors de la fixation des taux de réserves obligatoires, et des montants
minimaux de fonds propres.
Il reste alors à répertorier les moyens de couverture dont disposent ces
opérateurs dans les différentes hypothèses retenues. On débouche ainsi
directement sur le « Risk management » qui, pour cette raison, fait partie
intégrante de l’analyse des risques politiques des investissements.

2. Les risques politiques des investissements et


les solutions d’assurance

Il serait trop long de recenser tous les organismes qui proposent des
couvertures contre le risque pays. On peut en revanche remarquer que les
techniques ou produits de couverture les plus utilisés vont des assurances
proposées par la COFACE (Garantie des investissements, Assurance
crédit export) par exemple, au montage de partenariat économique
public-privé. À partir des principales composantes du risque pays,
voyons quelles solutions d’assurance l’entreprise peut utiliser.
La gestion du risque politique :
Pour se couvrir, il existe des contrats de garantie et des contrats
d’assurance. Un contrat de garantie permet au détenteur d’une créance le
paiement à échéance du principal et des intérêts. En cas de défaut de
paiement du service de la dette, la caution paie la somme due au titre de
la garantie dès mise en jeu de celle-ci. Un contrat d’assurance garantit au
détenteur d’une créance ou à un investisseur en capital qu’il sera payé
dès que l’assureur aura évalué la demande d’indemnisation et déterminé
qu’il est tenu à réparation.
Les risques politiques couverts pour la COFACE concernent :
1. Le risque d’atteinte à la propriété lorsqu’en raison d’un fait
politique :

l’assuré est mis dans l’impossibilité d’exercer les droits


attachés à son investissement ;
l’actif de l’entreprise est totalement ou partiellement détruit ;
le fonctionnement de l’entreprise est entravé.

2. Le risque de non-paiement et de non-transfert


Pour se couvrir l’entreprise peut souscrire une assurance ou garantie
contre le risque politique proposée par cet organisme. L’assurance contre
le risque politique et la garantie partielle des risques (ou garantie du
risque politique) couvrent les pertes dues à un risque politique spécifique.
La garantie des investissements porte sur les participations en capital :
pour créer, développer, racheter une entreprise. Elle porte aussi sur les
dotations en capital à une implantation (agence, entrepôt, succursale…)
sans personnalité juridique propre, mais dotée d’une comptabilité propre
dans le pays étranger. Elle couvre également les prêts d’actionnaire à
long terme ou avance en compte-courant bloqué (à partir de 3 ans), les
prêts d’accompagnement bancaire à moyen et long terme (financement
de l’actif immobilisé) et les cautions en contre garantie d’un emprunt
local contracté par l’entreprise étrangère pour son développement et les
redevances (accord à long terme de concession de licence, savoir-faire,
procédé, marque) dont la rémunération est liée à l’activité de l’entreprise
étrangère.
Il existe aussi des instruments proposés par d’autres organismes,
appelés « garanties du risque politique », qui sont délivrés aux
fournisseurs de dette et qui couvrent une gamme plus large de risques
politiques et réglementaires que les précédents. D’une manière générale,
ces instruments couvrent les obligations contractuelles du gouvernement,
c’est-à-dire les pertes résultant du non-paiement par le gouvernement de
ses obligations en vertu d’un engagement contractuel ; la couverture
dépend des obligations contractuelles spécifiques du gouvernement
d’accueil à l’égard d’un projet. Outre les risques politiques traditionnels,
ces instruments peuvent couvrir les cas suivants :

les obligations contractuelles de paiement incombant au


gouvernement (par exemple, paiement de résiliation) ;
les décisions ou absence de décision du gouvernement ayant
des effets dommageables sur le projet (par exemple,
modification de la loi, de la réglementation, des taxes ou des
mesures incitatives) ;
la performance au regard des contrats des contreparties
publiques ;
l’impossibilité de recourir à un arbitrage.

Certains opérateurs sont spécialisés sur la couverture des risques dans


une zone particulière, c’est le cas par exemple de l’Agence pour
l’assurance du commerce en Afrique (ACA), qui est une institution
financière internationale appartenant à des Africains. Elle a été créée en
2001 par des États africains, avec l’appui technique et financier du
Groupe de la Banque mondiale. L’ACA appuie le commerce et
l’investissement en Afrique et réduit le coût des transactions en aidant les
investisseurs à atténuer le risque. Plus précisément, elle apporte une
assurance du risque politique en couvrant des événements, là encore, tels
que l’inconvertibilité des monnaies, l’expropriation, la guerre et les
troubles civils.
La MIGA (l’Agence multilatérale de garantie des investissements),
qui est membre du groupe Banque mondiale, basée à Washington, a été
créée en 1988 afin de promouvoir les IDE (investissements directs
étrangers) vers les pays en développement. La MIGA opère en
garantissant les investissements privés contre quatre types de risques qui
composent le risque politique traditionnel (inconvertibilité de la monnaie
et restriction de transfert, d’expropriation, rupture de contrat du fait d’une
décision gouvernementale du pays d’accueil, guerre, troubles civils).
L’investisseur peut choisir le ou les types de risques à couvrir, la durée
est de 15 ans (portée à 20 ans si le projet le justifie). Le taux de prime
dépend du projet, du pays et des risques couverts. Le bénéficiaire peut
annuler la garantie après un minimum de 3 ans.
Pour chacun des risques ci-dessus, la MIGA garantit :

les prises de participation pour 90 % de la valeur comptable ;


les prêts à hauteur de 95 % du principal ;
les contrats d’assistance technique ;
ou tout autre engagement contractuel à hauteur de 90 %.

Mais dans tous les cas, le bénéficiaire doit supporter le risque résiduel
(minimum de 5 % des pertes). Le plafond de couverture est de
180 millions de dollars par projet mais elle peut couvrir des montants
plus importants en utilisant la réassurance. Pour les sommes supérieures,
la MIGA peut intervenir à côté d’autres assureurs comme la COFACE.
Elle fournit également des informations sur le risque politique via le
site internet PRI-Center. com : www.pri-center.com. Depuis sa création,
la MIGA a soutenu plus de 600 projets dans des pays en développement.
La priorité est donnée au secteur des infrastructures qui représentent
environ 45 % de ses activités. Elle offre aussi des garanties pour des
projets dans le secteur manufacturier, l’agroalimentaire, les services, et le
secteur de l’énergie (hydrocarbures et exploitation minière). Une part de
plus de 70 % des activités de la MIGA est destinée à l’appui aux PME,
sous formes de garanties aux institutions financières qui accordent des
prêts aux PME. En outre, opérationnel depuis août 2005, le programme
petits investissements (SIP – Small Investment Program) offre un produit
de garantie simplifié, sous forme d’un ensemble standardisé de
couvertures des risques politiques dédié aux PME-PMI. Le montant de la
garantie ne peut dépasser 5 millions de dollars, mais il n’y a pas de
montant minimal. Le but du SIP est d’encourager les PME-PMI à investir
dans les pays en développement membres de la MIGA. On peut trouver
les formulaires sur le site : www.miga.org.
Malgré l’existence de ces solutions, la couverture du risque pays reste
encore insuffisante. Les États doivent prendre les décisions nécessaires à
la protection des intérêts de leurs ressortissants, notamment aujourd’hui
dans les domaines de la santé et de l’environnement. Mais ils doivent
aussi respecter leurs engagements pris à l’égard d’investisseurs ou de
fournisseurs étrangers venus dans le pays sous l’égide d’une législation
ou d’une réglementation antérieure ; ceci signifie que ces gouvernements
doivent prévoir d’accorder une compensation ou indemnité à ces mêmes
investisseurs ou fournisseurs si l’évolution de la législation devient
défavorable. C’est ainsi, par exemple, qu’en France en 2011, des
modifications relatives à la législation sur l’énergie issue du
photovoltaïque ont eu lieu. EDF devait racheter à un tarif préférentiel
l’énergie produite par les panneaux solaires. À partir du premier
janvier 2012, et au premier janvier de chaque année suivante, les tarifs
d’achat sont réduits de 10 % par rapport aux tarifs de l’année précédente,
pour les nouvelles demandes de contrats. Dès lors, des fabricants de
panneaux solaires qui avaient investi en France ou projeté de le faire
voient les perspectives de vente diminuer et la rentabilité de leurs
investissements se réduire. Pour le moment, l’État français n’a pas
envisagé de payer des dédommagements à ces investisseurs.
Le principe de précaution implique que les gouvernements évaluent
dans le détail les conséquences politiques, économiques, sociales,
financières et environnementales des projets ou investissements,
notamment à long terme, qu’ils réalisent, en particulier avec des
partenaires étrangers. Ceci devrait permettre une meilleure sélection des
projets et pourrait ainsi éviter que certains projets soient exposés trop
brutalement à un risque pays mal évalué.

Conclusion

Le risque pays est un risque multidimensionnel. Selon les


circonstances liées au contexte international, un élément constitutif peut
avoir plus d’importance que d’autres. On songe, par exemple, à la crise
des subprimes, aux crises politiques récentes qui traversent les pays du
Maghreb et ceux du Proche et Moyen-Orient, ou encore à la crise
environnementale au Japon en 2011. Dès lors, il en résulte l’apparition de
nouvelles formules de contrats destinées à assurer les opérateurs
étrangers (exportateurs, investisseurs, banquiers) et de nouveaux modèles
d’ingénierie financière pour les gérer. Le principal problème posé par le
risque pays devient, dans ces conditions, celui d’un choix entre ces
diverses formules, et le risque majeur réside dès lors pour l’opérateur
dans une erreur de choix.
Les instruments de réduction des risques peuvent faciliter la
mobilisation d’une dette commerciale ou la levée de fonds propres
lorsque la solvabilité ou la réputation des gouvernements sont
insuffisantes pour mobiliser un financement. Ils transfèrent à des tiers –
institutions officielles (multilatérales ou bilatérales) ou institutions
privées – les risques que les prêteurs ou investisseurs privés ne peuvent
pas ou ne veulent pas prendre.
Plus spécifiquement, les avantages qu’offrent les instruments de
réduction des risques aux pays en développement, gérés à la fois dans le
cadre de partenariat publics-privés comprennent notamment :

la mobilisation de capitaux privés en complément de


ressources publiques limitées ;
la possibilité pour les prêteurs et investisseurs privés de
participer à un projet une fois que des risques sur lesquels ils
n’exercent aucun contrôle ou qu’ils jugent excessifs ont été
transférés ;
la possibilité pour les gouvernements de partager avec des
financiers du secteur privé les risques des projets de l’État ;
le renforcement de la cote de crédit du gouvernement et la
réduction des frais de financement qui en résulte.

Autant d’éléments qui permettent le développement des


investissements et facilitent les échanges internationaux, les rendant ainsi
plus sûres et plus rentables.
Résumé :
Si la définition du risque pays n’a pas changé depuis une
trentaine d’années, cette dénomination recouvre aujourd’hui des
phénomènes différents en raison des transformations du contexte
international. Dans les années 1970, les analyses du risque pays
ont accordé beaucoup d’importance au risque politique évalué à
partir d’une batterie d’indicateurs géopolitiques et sociaux. Puis,
suite à la crise financière asiatique à la fin des années 1990, les
analyses risque pays ont davantage pris en compte les risques
systémiques de crédit et de marché financier qui étaient apparus
à cette époque. Enfin avec la recrudescence des actes terroristes,
une nouvelle catégorie de risque que l’on qualifie de risques
extrêmes est intégrée aux analyses. Toutefois les analyses risques
pays réalisées ont montré leurs limites. En particulier les
analyses risque pays basées sur des rating pays. Une note globale
pour un pays permet difficilement d’apprécier le large éventail
des risques encourus par l’opérateur. En outre, l’exportateur,
l’investisseur, la banque, l’État, le ressortissant étranger ou
l’opérateur local n’est pas toujours confronté au même type de
risque. L’évaluation de ce dernier diffère selon l’utilisateur de
ces analyses. Enfin, même si les utilisateurs des analyses risque
pays ont recours à des produits ou techniques de couverture
contre le risque pays, il n’existe pas réellement encore de produit
d’assurance risque unique qui permettrait d’englober l’ensemble
des risques qui composent le risque pays. D’où la multiplication
de produits de couverture adaptés à un type de risque particulier.

Bibliographie

Y. GUESSOUM, « Évaluation du risque pays par les agences de


rating : transparence et convergence des méthodes », Document de
travail CNRS-CEFI, 2004.
B. MAROIS, Le risque pays, PUF, « Que sais-je ? », 1990.
B. MAROIS, « Le risque pays revisité : bilan de trente ans
d’évolution », Revue Française de Gestion, 1, 2000.
N. MEUNIER, T. SOLLOGOUB, Économie du risque pays, coll.
« Repères », La Découverte, 2005.
S. RADELET, J. SACHS, The East Asian Financial Crisis :
Diagnosis, Remedies, Prospects, Brookings Papers on Economic Activity,
1998.
P. LAURENT, « Risque de marché, risqué de credit et défaut : la
problématique particulière de la dette souveraine émergente », Études
marchés émergents, CDCixis, 2001.

Sites internet :

Sites des agences de notation qui apprécient le risque pays


COFACE : http://www.coface.fr
Moody’s Investors Services : http://www.moodys.com
Standard and Poor’s : http://www.standardpoors.com

QCM Vrai ou Faux ?

Q1 : Le risque systémique :
– est un risque microéconomique
– n’est pas diversifiable
– est probabilisable
Q2 : Une crise de change a touché :
– le Brésil en 1994
– la Corée en 1996
– le Mexique en 1997
– la Russie en 1998
– la Grèce en 2004
– les États-Unis en 2007
– le Portugal en 2010
Q3 : Parmi les points communs précédant les crises, on trouve dans les
pays touchés :
– la dépréciation du taux de change réel
– un déficit courant élevé
– un taux d’intérêt réel faible
– une forte inflation
Q4 : La contagion des crises financière :
– est renforcée par la dévaluation compétitive des partenaires du pays
en crise
– est limitée par l’appréciation du taux de change réel
– est liée à la sensibilité des marchés émergents aux taux d’intérêt
mondiaux
– est atténuée par les liens financiers
Q5 : Un risque politique traditionnel comprend :
– les risques de spoliation et/ou de destruction d’origine politique
– le risque de change
– les restrictions de transfert
– les conflits armés et troubles civils
Q6 : Les risques extrêmes sont relatifs :
– aux risques d’expropriation
– aux risques terroristes
– aux risques géologiques
– aux ruptures de contrats du fait d’une décision gouvernementale

Exercice de synthèse : construction


d’une analyse risque pays
On vous demande d’évaluer le risque pays de la CHINE à l’aide d’une
approche par classement (rating). 10 critères sont définis, dont 6
correspondent au risque traditionnel et 4 au risque système. En vous
appuyant sur la documentation ci-jointe, attribuer une note pour chaque
critère, puis calculer la note globale pour la CHINE. Commenter.
Tableau de notation à remplir
Critères CHINE
a) Risque politique et social
b) Niveau d’éducation
c) PNB/hbt
d) Solde budgétaire
e) SDLD extérieure/exportations
f) Taux d’intérêt créditeur nominal
g) Réserves de changes
h) Financement extérieur
i) Commerce extérieur
j) Concentration des exportations
Total

Méthode de calcul

Critères de risque pays traditionnel

a) risque politique et social : vous attribuerez une note de 0 à 100,


assortie de commentaires relatifs à la situation économique et
sociale de la Chine des années quatre-vingt-dix.
b) niveau d’éducation : vous attribuerez une note de 0 à 100,
assortie de commentaires en analysant les tableaux 1 et 7 du
rapport annuel de la Banque mondiale 1996.
c) PNB par habitant : utilisez le taux de croissance annuel moyen
(1985-1994) du PNB/hbt du tableau 1. Faites correspondre la
fourchette de notation (0 ; 100) à une fourchette de taux de
croissance (10 % ; 0 %). Exemple : un taux de croissance de 5,4 %
correspond à une note de 46.
d) Solde budgétaire : utilisez l’indicateur déficit ou excédent
global/PNB (en %) du tableau 14 (en 1994). Faites correspondre la
fourchette de notation (0 ; 100) à une fourchette de solde (0 % ;
-10 %). Exemple : un résultat de -6,0 % est noté 60, un résultat de
-2,5 % est noté 25.
e) Service de la dette extérieure/exportations de biens et services
(en %) : utilisez le tableau 17 (année 1994). Faites correspondre la
fourchette de notation (0 ; 100) à une fourchette de ratio (0 % ;
10 %).
f) taux d’intérêt nominal créditeur des banques (% annuel moyen) :
utilisez le tableau 2 (année 1994). Faites correspondre la fourchette
de notation (0 ; 100) à une fourchette de ratio (0 % ; 100 %).

Critères de risque système

g) réserves de change : utilisez l’indicateur des réserves


internationales brutes en mois d’importations du tableau 2 (1994).
Faites correspondre la fourchette de notation (0 ; 100) à une
fourchette de réserve de (10 mois ; O mois).
h) Stabilité/précarité du financement extérieur : calculez en % le
ratio investissements de portefeuille/investissements directs
étrangers nets à aide du tableau 22 (1992). Faites correspondre la
fourchette de notation (0 ; 100) à une fourchette de ratio (0 % ;
100 %).
i) commerce extérieur : on cherche à quantifier un double risque de
contagion, celui d une ouverture commerciale importante et celui
d’une structure des exportations orientée vers les produits
primaires. Les ratios correspondant sont respectivement : X/PNB
en 1994 (à calculer en à l’aide des tableaux 1 et 15) et X de
produits primaires (non manufacturés)/X totales (en % pour 1993).
À calculer à partir du tableau 15. Dans les deux cas, faites
correspondre la fourchette de notation (0 ; 100) à la fourchette
(0 % ; 100 %) et désignez les notes respectives obtenues par x et y.
Puis pondérer de la manière suivante : note de critère « commerce
extérieur » : = 2/3 x + 1/3 y.
j) Concentration/diversification des exportations : utilisez l’indice
de concentration des exportations du tableau 3 (1992) ; Faites
correspondre la fourchette de notation (0 ; 100) à la fourchette
d’indice qui va de 0 (diversification maximale) à 1 (concentration
maximale).

Annexes

Tableau 1 : indicateurs de base pour la Chine

Population (millions d’hbt) 1994 : 1.190,9


Superficie (milliers de km2) : 9.561
PNB/hbt en USD 1994 : 530
Croissance annuelle moyenne (1985-1994) en % : 7.8
Espérance de vie à la naissance (années) 1994 : 69
Analphabétisme des adultes en % 1995 : 19

Tableau 2 : indicateurs macroéconomiques

Taux d’intérêt nominaux des banques (% annuel moyen) 1980 : 5.4


Taux d’intérêt nominaux des banques (% annuel moyen) 1994 : 11.0
Réserves internationales brutes (mois de couverture des importations) 1980 : 4.9
Réserves internationales brutes (mois de couverture des importations) 1994 : 5.9
Tableau 3 : Indicateurs des opérations économiques
extérieures

Indice de concentration des exportations 1992 : 0.076


Flux nets globaux de ressources (% du PNB) 1994 : 9.6
Flux nets de capitaux privés (millions de dollars) 1980 : 1.731
Flux nets de capitaux privés (millions de dollars) 1994 : 46.555

Tableau 7 : Éducation

Pourcentage du groupe d’âge pertinent inscrit dans l’enseignement Primaire


Filles 1980 : 103
Filles 1993 : 116
Garçons : 1980 : 121
Garçons 1993 : 120
Pourcentage du groupe d’âge pertinent inscrit dans l’enseignement Secondaire
Filles 1980 : 37
Filles 1993 : 51
Garçons : 1980 : 54
Garçons 1993 : 60
Pourcentage d’adultes analphabètes
Femmes 1995 : 27
Hommes 1995 : 10

Tableau 15 X et M de marchandises
Total des X (millions de dollars) 1980 : 18.100
Total des X (millions de dollars) 1994 : 121.047
Produits manufacturés (% du total) 1980 : 48
Produits manufacturés (% du total) 1993 : 81
Tableau 17 : dette extérieure
Service de la dette en % des X de biens et services 1980 : 4.4
Service de la dette en % des X de biens et services 1994 : 9.3
Dette extérieure en % du PNB 1980 : 2.2
Dette extérieure en % du PNB 1994 : 19.3

Tableau 22 : flux nets de ressources et transferts


nets globaux

IDE nets dans l’économie déclarante (millions USD) 1980 : 0


IDE nets dans l’économie déclarante (millions USD) 1992 : 11.156
Investissements de portefeuille (millions USD) 1980 : 0
Investissements de portefeuille (millions USD) 1992 : 1.194
Flux nets globaux de ressources (millions USD) 1980 : 1.934
Flux nets globaux de ressources (millions USD) 1992 : 22.628

Dissertation

Dans quelle mesure la mobilité internationale des capitaux permet-elle


d’expliquer les crises des années 1990 dans les pays émergents ? Illustrer
vos propos par des exemples.

Correction du QCM

Q1 : Le risque systémique :
– est un risque microéconomique FAUX
– n’est pas diversifiable VRAI
– est probabilisable FAUX
Q2 : Une crise de change a touché :
– le Brésil en 1994 FAUX
– la Corée en 1996 FAUX
– le Mexique en 1997 FAUX
– la Russie en 1998 VRAI
– la Grèce en 2004 FAUX
– les États-Unis en 2007 FAUX
– le Portugal en 2010 FAUX
Q3 : Parmi les points communs précédant les crises, on trouve dans
les pays touchés :
– la dépréciation du taux de change réel FAUX
– un déficit courant élevé VRAI
– un taux d’intérêt réel faible FAUX
– une forte inflation FAUX
Q4 : La contagion des crises financière :
– est renforcée par la dévaluation compétitive des partenaires du
pays en crise VRAI
– est limitée par l’appréciation du taux de change réel FAUX
– est liée à la sensibilité des marchés émergents aux taux d’intérêt
mondiaux VRAI
– est atténuée par les liens financiers FAUX
Q5 : Un risque politique traditionnel comprend :
– les risques de spoliation et/ou de destruction d’origine politique
VRAI
– le risque de change FAUX
– les restrictions de transfert VRAI
– les conflits armés et troubles civils VRAI
Q6 : Les risques extrêmes sont relatifs :
– aux risques d’expropriation FAUX
– aux risques terroristes VRAI
– aux risques géologiques FAUX
– aux ruptures de contrats du fait d’une décision gouvernementale
FAUX
Correction de l’exercice risque pays
sur la Chine

Tableau de notation :
Critères Notes Commentaires
D’après le « Bilan économique et social du monde de 2000 » le risque politique
et social reste moyen pour un exportateur puisque tout d’abord la solvabilité des
Risque ménages reste faible avec un pouvoir d’achat en baisse car les gens préfèrent
politique et épargner que de dépenser. Le chômage reste un grand fléau du pays et crée une
social pour 40/100 incertitude supplémentaire qui décourage la consommation.
un Malgré cela la Chine enregistre chaque année une hausse de son PIB et a fait
exportateur abaisser ses droits de douane qui sont passés de 22.1 % à 17 % afin de mieux
s’intégrer dans l’économie mondiale et préparer son entrée dans l’OMC qui s’est
faite en 2001.
D’après le rapport annuel de 1996 de la « Banque mondial » on peut constater
que le niveau d’éducation en Chine reste relativement faible puisque tout d’abord
le pourcentage d’analphabètes est élevé et de personnes dans le supérieur faible.
Niveau
35/100 Malgré cela le pourcentage de personnes dans le secondaire dépasse les 50 %
d’éducation
aussi bien chez les filles que chez les garçons ce qui est une bonne chose pour le
développement futur du pays. Il serait également intéressant d’avoir des chiffres
plus récents afin de pouvoir effectuer une comparaison.

PNB/habitant 7.8 % 22/100


Solde budgétaire - 2.1 % 21/100
SDLD extérieure/exportations 9.3 % 9.3/100
Taux d’intérêt créditeur nominal 11 % 11/100
Réserves de changes 5.9 mois 41/100
Financement extérieur 0.107 = 10.7 % 10.7/100
X = (121 047/631 177)
*100 = 19.2
Commerce extérieur Y = (19/81)*100 = 23.5
2/3X + 1/3Y = 12.8 + 7.8 = 20.6
20.6/100
Concentration des exportations 0.076 7.6/100
Total/1 000 218.2

Commentaires
a. le Risque politique et social : ce critère est apprécié de manière
relativement subjective : il repose sur les connaissances de
l’analyste, il dépend aussi du destinataire ou utilisateur de
l’analyse.
Il s’agit donc ici de réaliser une analyse qui fait ressortir les points
positifs et les points négatifs du pays : attention, une même donnée
peut avoir une double interprétation selon l’utilisateur (chômage,
inconvertibilité de la monnaie, faiblesse des infrastructures…)
Points positifs : hausse D intérieure, entrée dans l’OMC, faible
endettement…
Points négatifs : hausse du chômage, dérapage finances publiques,
faiblesse des infrastructures, droits de l’Homme...
Note : 40
b. Niveau d’éducation : (T.7) entre 25 et 30, amélioration dans le
temps – comparaison/autres PED, et/Pays Industrialisés en faveur
de la Chine.
c. Le PNB/hbt : est un indicateur de la richesse du pays (T.1), 7,8 %
donc 22
d. Le solde budgétaire : (T.14), -2,1 % donc 21
e. Service de la dette extérieure/X de biens et services : (T.17),
9,3 % donc 9,3
f. Taux d’intérêt créditeur nominal : (T.2), 11 % donc 11
g. réserves de changes : (T.2) 5,9 mois de couverture donc 100-59
= 41.
h. stabilité/précarité du financement extérieur : (T.22) inv. de
portefeuille : 1 194 M USD et IDE 11 156 M USD soit un rapport
de 10,7 % donc 10,7 Plus le ratio est élevé, plus grande est la
volatilité des capitaux
i. Commerce extérieur : (T.15 et T.1), calculs de 2 ratios : X/PNB et
X de produits primaires/X totales 19,13 donc 19
j. Concentration/diversification des exportations : (T.3), 0,076 donc
7,6
Bilan

Après les calculs et les différentes analyses des documents fournis


en annexe la Chine se retrouve avec une note globale de 218.2
points sur 1 000.
Cette note est bonne (la Chine est un bon risque)et reflète une
Chine en pleine mutation tant au niveau politique et social
qu’économique.
Sur le plan politique et social les inégalités s’accroissent entre les
campagnes et les villes même si l’état tente de réduire cet écart. Le
chômage reste le principal problème du pays puisque le nombre
d’actifs ne cesse d’augmenter avec l’amélioration de l’éducation et
du niveau d’étude. Tout cela amène des tensions sociales
croissantes dans la population qui voit l’avenir d’un œil incertain.
Sur le plan économique la Chine monte en puissance sur la scène
internationale avec son entrée dans l’OMC en 2001 grâce aux
efforts du gouvernement notamment sur la réduction des droits de
douane.
Il y a également un fort développement des infrastructures et du
commerce extérieur malgré des banques chinoises fragiles et
endettées. De plus le pouvoir d’achat et la consommation des
ménages chinois restent faibles malgré des plans de stimulation de
l’état et des augmentations des revenus des fonctionnaires. La
population préfère épargner son argent par précaution au lieu de
dépenser et de ce fait faire marcher l’économie locale.
L’état doit donc encore faire plus d’efforts afin de stabiliser sa
monnaie nationale qui est le yuan et aider une population fragile
avec des dispositifs de protection sociale et permettre l’accès à
l’éducation supérieur au plus grand nombre de personnes. Il doit
également stopper ou au moins ralentir la déflation qui frappe le
pays.
Correction de la dissertation

Dans quelle mesure la mobilité internationale des capitaux permet-


elle d’expliquer les crises des années 1990 dans les pays
émergents ?
Introduction
De nombreux facteurs comme la faiblesse de la demande, le
manque d’épargne et d’investissement, la mauvaise gouvernance…
peuvent expliquer les récentes crises des pays émergents dans les
années 1990. Parmi eux, la forte mobilité des capitaux
internationaux joue un rôle primordial. Les entrées massives de
capitaux spéculatifs dans les pays émergents sont à l’origine des
crises monétaires (crise de change) et financières (crise boursière)
observées en Asie en 1997-1998 (I). Les sorties rapides et de
grande ampleur des investissements financiers expliquent le
déclenchement et la contagion d’une crise d’un pays à un autre
comme on a pu le constater en Russie en 1998 et en Amérique
Latine (Brésil, Argentine) en 1999 (II). Tous ces pays émergents
ayant en outre fortement titrisé leur dette.
Première partie : Les entrées massives de capitaux à des fins
spéculatives à l’origine des crises financières
Les entrées massives de capitaux dans les pays émergents au début
des années quatre-vingt-dix ont provoqué une appréciation réelle
des monnaies de ces pays. Notons que le taux de change réel des
pays émergents d’Asie, Chine exclut puisque la monnaie est
inconvertible – s’est apprécié de plus de 25 % entre 1990 et 1997.
L’appréciation des monnaies a conduit à une dégradation
importante des soldes courants. Les importations ont augmenté
tandis que les exportations ont ralenti du fait de la hausse des prix
exprimée dans des monnaies qui s’appréciaient. L’appréciation des
monnaies et l’accroissement des déficits ont été les indicateurs qui
ont contribué aux déclenchements d’attaques spéculatives.
Du fait de l’abondance des capitaux, les agents privés se sont
endettés pour financer des projets d’investissement peu rentables
et/ou risqués. Ceci a favorisé l’apparition et le développement de
bulles spéculatives, notamment dans l’immobilier en Asie. Les
banques locales ont utilisé leurs ressources, constituées
essentiellement de prêts à court terme, pour financer des
investisseurs peu solvables. Ces banques ont donc accumulé des
créances douteuses dans leurs bilans. Les investisseurs étrangers
qui ont malgré tout prêté sans avoir une grande lisibilité de la
situation du crédit local, ont largement contribué à l’apparition et
au développement de ces bulles spéculatives.
La plupart des emprunts étant effectués en devises, les agents
économiques locaux ont pris un risque de change important.
Deuxième partie : les sorties de capitaux, facteurs de contagion et
de déclenchement des crises boursières et des crises de change.
En Asie, lorsque les investisseurs internationaux ont réalisé
l’importance des déséquilibres, un mouvement massif et brutal de
retrait des placements financiers, majoritairement réalisés à court
terme, a eu lieu. Les ventes de titres qu’ils détenaient sur les pays
émergents se sont accélérées entraînant l’effondrement des marchés
boursiers locaux.
Les sorties de capitaux ont provoqué une chute des monnaies
locales. Les dévaluations anticipées de ces monnaies ont provoqué
des mouvements spéculatifs. Les agents économiques ont retiré les
dépôts effectués dans les banques locales ce qui a provoqué une
crise de liquidité. En outre, la dépréciation et la dévaluation des
monnaies ont provoqué une dégradation du bilan de l’ensemble des
agents économiques.
C’est parce que les investisseurs internationaux ont essayé de
limiter le montant de leurs pertes, en revendant par anticipation des
titres qu’ils détenaient dans des pays asiatiques qui étaient moins
durement affectés, qu’ils ont développé des mécanismes de
contagion de la crise vers ces pays. Ce mécanisme de contagion
financière explique la propagation de la crise à l’ensemble des pays
asiatiques.
Enfin, un certain nombre de capitaux qui quittaient les places
financières asiatiques ont été investis en Russie sur les GKO (bons
du Trésor russe), attirés par des taux de rendement attractifs. Au
cours de la première moitié de 1998, lorsque les indicateurs de
l’économie russe se sont dégradés, un mouvement de défiance vis-
à-vis des autorités russes a eu lieu, se manifestant par une fuite des
capitaux, accélérant la crise russe. Malgré les interventions de la
Gosbank sur le marché des changes le rouble a dû être dévalué de
40 % en août 1998.
Une partie des capitaux investis en Russie a trouvé refuge au
Brésil. Mais là encore, le mécanisme de contagion va provoquer le
déclenchement d’une crise de change dans un pays émergent aux
fondations fragiles. Dès 1994, afin de lutter contre l’inflation, les
autorités brésiliennes ont mis en place dans le cadre du plan Réal,
une politique monétaire restrictive. La hausse des taux d’intérêt a
creusé le déficit budgétaire. L’appréciation de la monnaie, le réal, a
provoqué une aggravation du déficit courant en 1997. Suite à la
crise russe, les autorités brésiliennes ont proposé aux investisseurs
des bons du Trésor à taux variables et des bons indexés sur le dollar
(à la fin de 1998, les bons à taux fixes représentaient moins de
10 % de la dette publique contre 60 % en juillet 1997) Toutes ces
mesures ont eu pour effet une dégradation du déficit budgétaire qui
a atteint 7,5 % du PIB en 1998. Dès lors les investisseurs
internationaux ont perdu confiance dans les capacités du Brésil à
pouvoir faire face à la charge de sa dette et les sorties de capitaux
se sont intensifiées. La monnaie brésilienne n’a pu résister aux
attaques spéculatives et en un an le réal a perdu plus de la moitié de
sa valeur vis-à-vis du dollar.
CONCLUSION : la titrisation excessive de la dette publique et le
risque de crises de change
Les capitaux internationaux se placent là où la rentabilité du capital
est la plus élevée. Les investisseurs internationaux réalisent des
investissements de portefeuille de court terme, ce qui signifie que
lorsque les autorités monétaires d’un pays mettent en place une
politique monétaire restrictive et proposent des bons du trésor à fort
rendement, l’épargne mondiale converge vers ce pays. Toutefois,
l’excessive titrisation de la dette fait courir un risque important au
pays, lorsque ces performances économiques ne sont pas
conformes aux attentes des investisseurs. Un retrait brutal des
capitaux sanctionne le manque de résultats économiques.
Ainsi l’importante mobilité des capitaux internationaux a bien des
effets dévastateurs sur les économies des pays émergents, et
provoque des crises de change de grande ampleur. Il faut aussi
souligner que pour l’ensemble de ces pays, les fondamentaux en
économie traduisent aussi des faiblesses structurelles.
Table des matières
Les auteurs 4

Introduction 5

Chapitre 1 Les transformations du système monétaire


et financier international : historique et
analyse des mutations 10

Introduction 10

I. Les bases historiques : l’étalon-or 11

1. Les bases du système de l’étalon-or 11

2. Les avantages du système 11

II. Des changes fixes aux changes flottants 14

1. Principes du SMI de Bretton Woods 14

2. L’étalon dollar flottant : 1973-1982 18

III. Les développements du SFI 26

1. Évolutions et nécessaire mutation du SFI 26

2. L’inévitable montée des risques 29

Conclusion 31
Bibiliographie 32

QCM & Questions de synthèse 33

Répondre par vrai ou faux 33

Questions de synthèse 33

Corrections 33

Questions de synthèse : éléments de correction 34

Chapitre 2 Présentation du marché des changes 35

Introduction 35

I. L’organisation du FOREX 36

1. Généralités sur le marché des changes 36

2. Les fonctions du marché des changes 38

3. L’importance du marché des changes : les chiffres clés 40

II. Les intervenants sur le marché des changes 42

1. Les banques commerciales et d’investissement 42

2. Les banques centrales 43

3. Les courtiers spécialisés sur le marché des changes


ou cambistes 43

4. Les investisseurs financiers et les fonds spéculatifs 44

5. Les Sociétés Commerciales 45

6. Les investisseurs particuliers 45


Conclusion 46

Bibliographie 46

Test d’autocontrôle 46

Correction du test d’autocontrôle 47

Chapitre 3 Les opérations sur le marché des changes &


le principe de cotation des devises 48

Introduction 48

I. La dénomination des devises 49

II. Les principes de cotation sur le marché au comptant 51

1. Le taux de change au comptant : comment lire


une cotation ? 51

2. D’une cotation au certain à une cotation à l’incertain 53

3. La détermination des cours croisés 54

4. L’arbitrage sur le marché au comptant 55

5. Les cours de référence 57

III. Les opérations sur le marché des changes à terme 58

1. Les opérations de change à terme 59

QCM 65

Correction 66

Exercices 66

Exercice 1 66
Exercice 2 67

Exercice 3 67

Chapitre 4 Les déterminants et la prévision des cours


de change 68

Introduction 68

I. Les principaux déterminants à long terme des taux


de change 70

1. Les théories de la parité de pouvoir d’achat (PPA) 70

2. L’approche de Balassa et Samuelson 75

3. La situation de la balance courante, ou l’approche


par la balance des paiements 77

4. Les approches monétaires 78

II. Les déterminants du taux de change à court terme 78

1. La parité des taux d’intérêt (PTI) 79

2. L’analyse des taux de change par les actifs financiers 82

3. Les nouveaux modèles microstructurels 83

III. Les principales méthodes de prévision des taux


de change utilisées par les opérateurs du FOREX 85

1. L’analyse technique du FOREX 85

2. L’analyse fondamentale 88

Conclusion 89
Bibliographie 89

QCM 90

Correction 91

Exercices 92

Exercice 1 92

Exercice 2 92

Chapitre 5 Le risque de change : définitions, évaluation et présentation


des outils de gestion 93

Introduction 93

I. Qu’est-ce que le risque de change ? 95

1. Le risque de transaction 96

2. Le risque comptable 97

3. Le risque économique ou opérationnel 98

II. Les différentes étapes dans la gestion du risque


de change 101

1. L’évaluation du risque et de la position de change 101

2. Le choix d’une politique de gestion des risques 102

3. La couverture des risques 103

4. Le suivi et l’ajustement de la politique de couverture 103

III. Les mesures de l’exposition des entreprises au risque


de change 104
1. L’évaluation de la position de change de transaction 104

2. L’évaluation de la position de change de consolidation 105

3. L’évaluation de la position de change économique 110

IV. Les principaux outils de gestion du risque de change 114

1. Les couvertures internes 114

2. Les couvertures externes 114

V. La gestion du risque de change en pratique 116

Sites internet à consulter 118

QCM et exercice 119

QCM 119

Correction 120

Exercice 121

Chapitre 6 Les premières techniques de gestion du risque


de change 122

Introduction 122

I. Le recours aux techniques de couvertures


internes pour limiter le risque de transaction 123

1. Le choix judicieux des devises utilisées 123

2. Les clauses d’indexation 127

3. Le termaillage 129
4. Les méthodes de compensation : compensation interne,
cash netting et cash pooling 132

II. Les garanties COFACE contre le risque de change 138

1. L’assurance change contrat 139

2. Les assurances NEGO ou NEGO + 139

III. Les techniques de couverture bancaires du risque


de transaction 143

1. L’avance en devise 144

2. Les swaps de change 147

Bibliographie 152

QCM 152

Correction 153

Chapitre 7 Les produits dérivés de change : swaps et


contrats à terme 155

Introduction 155

I. Généralités sur les produits dérivés 156

1. Les différents marchés 156

2. Les modes de négociation selon les marchés 157

3. Les produits dérivés sur devises en chiffres 158

II. Les swaps de devises 159

1. Les caractéristiques générales d’un swap de devises 162


2. Mise en place d’un swap de devise pour couvrir le risque
de change sur un emprunt à moyen ou long terme 165

3. Utilisation d’un swap de devises pour financer


un investissement direct à l’étranger 168

4. Utilisation d’un swap de devises pour s’endetter


au moindre coût 170

5. Conclusion sur les swaps de devises 173

III. Les contrats à terme ferme sur devises 175

1. Les contrats forwards sur devises 175

2. Les futures sur devises 179

Bibliographie 192

Exercices 192

Exercice 1 192

Exercice 2 192

Exercice 3 193

Chapitre 8 Les produits dérivés de change : les options


sur devises 195

Introduction 195

I. Principe et caractéristiques des options de bases 196

1. Définitions 196

2. Les caractéristiques des options basiques :


option d’achat (CALL) et option de vente (PUT) 197
3. Les déterminants de la prime d’une option 198

II. Les différentes positions sur options de base 201

1. Position d’achat ou de vente d’un CALL 202

2. Position d’achat ou de vente d’un PUT 205

III. Usage des options comme produits de couverture 208

IV. Les stratégies complexes à base d’options 213

1. Les stratégies de type « tunnels » 213

2. Les stratégies de couverture de type « butterfly » 218

3. Les stratégies de type « strangle » ou « straddle » 222

4. Le change à terme avec intéressement 223

V. Les options de deuxième génération et autres 223

1. Les options lookback 223

2. Les options à barrières activantes ou désactivantes 223

3. Les options asiatiques 225

Conclusion 225

Bibliographie 227

QCM et exercices 227

Correction 228

Exercice 1 228

Exercice 2 229
Exercice 3 230

Chapitre 9 Les marchés internationaux de capitaux 231

Introduction : Mondialisation et évolution des marchés


de capitaux 231

I. Les marchés internationaux des emprunts 232

1. Les marchés obligataires 232

2. Le marché des eurocrédits 239

3. Le marché des euro-effets 243

II. Le financement des capitaux propres sur


les marchés internationaux de capitaux 245

1. De l’intérêt de l’émission de titres et de la cotation


sur différentes places boursières 245

2. Les difficultés et les limites à la levée des capitaux


internationaux 247

Conclusion 249

Bibliographie 249

QCM vrai ou faux 250

Correction 251

Questions de cours 252

Chapitre 10 Financement et règlements d’une entreprise exportatrice 253

Introduction 253
I. Les moyens de paiements pour l’exportation 253

1. Exporter sans se protéger contre un éventuel risque


d’insolvabilité de l’acheteur 255

2. Exporter en se couvrant contre le risque d’insolvabilité


de l’acheteur 259

3. Exporter en se couvrant contre le risque d’insolvabilité


de l’acheteur et contre le risque pays 263

4. Exporter en se prémunissant d’un éventuel litige


commercial 266

II. Le financement export 269

1. Le recours aux crédits à court terme 269

2. Les crédits à moyen-long terme : crédit export ou


crédit acheteur et crédit fournisseur 274

3. Les autres formes de financement 275

Bibliographie 276

QCM : Vrai ou Faux ? 276

Questions 277

Correction du QCM 278

Énoncé cas 1 : COFACE 279

Correction 280

Énoncé cas 2 : COFACE 280

Correction 281
Chapitre 11 L’analyse du risque pays 282

Introduction 282

I. Du risque politique au risque systémique 282

1. Définition du risque pays 283

2. La prise en compte des risques extrêmes 287

3. L’analyse du risque pays 288

4. Les limites de l’analyse risque pays 290

II. La gestion du risque pays 293

1. L’analyse du risque pays selon les opérateurs 293

2. Les risques politiques des investissements et


les solutions d’assurance 295

Conclusion 297

Bibliographie 299

QCM Vrai ou Faux ? 299

Exercice de synthèse : construction


d’une analyse risque pays 300

Méthode de calcul 301

Critères de risque pays traditionnel 301

Critères de risque système 301

Annexes 302

Tableau 1 : indicateurs de base pour la Chine 302


Tableau 2 : indicateurs macroéconomiques 302

Tableau 3 : Indicateurs des opérations économiques extérieures


302

Tableau 7 : Éducation 303

Tableau 15 X et M de marchandises 303

Tableau 17 : dette extérieure 303

Tableau 22 : flux nets de ressources et transferts nets globaux 303

Dissertation 304

Correction du QCM 304

Correction de l’exercice risque pays sur la Chine 305

Commentaires 306

Bilan 307

Correction de la dissertation 307

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