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Martens Pierre. Un Marronnier centenaire privé d'écorce. II. Racines et Mycorhizes. In: Bulletin de la Classe des sciences,
tome 58, 1972. pp. 40-52;
doi : https://doi.org/10.3406/barb.1972.60416
https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4141_1972_num_58_1_60416
Abstract
The present study follows the relation of an exceptional and continued survival of a Horse Chestnut
tree (Aesculus hippocastanum), after a complete basal decortication of the trunk, Natural root grafts
with adjacent trees of the same species were not found. But, on the girdled specimen, most of the
terminal rootlets growing near the soil surface were of characteristic mycorrhizal and endotrophic type :
short, vesiculous, not branched, devoided of root cap, root hairs and apical meristem (fig. 1).
Anatomical study reveals numerous inter-and intracellular mycelial hypha in the cortex (Hartig net and
arbuscula), without penetration in the stele (fig. 2-8).
Except for the fungus infection, the morphology and anatomy of these rootlets correspond exactly to
the descriptions given, for the same species, by Klein & Szabo and Waage (1880, 1891) and
interpreted by them as an original root structure, and not at all as mycorrhiza.
The surface rootlets of an adjacent and normal Chestnut tree give the same appearance and the same
structure (fig. 9-13). Thus Aesculus hippocastanum may be considered as a mycorrhized species. The
question then arises : Can the mycorrhiza adequately explain the nutrition of the root apparatus and
consequently the long survival of the tree ? The prominent difficulty is the physiological balance
between the two partners, most commonly accepted by the authors. According to it, the sugars
elaborated by the host constitute the principal benefit of the fungus in the symbiose. And precisely the
lack of sugars in the roots must be the principal result of the girdling, if the phloem is their only normal
and descending way.
However, according to several other data, the balance would be some¬ what different and we cannot
absolutely exclude an eventual intervention of mycorrhiza in the glucidic root nutrition. Nevertheless
and in any case, a complementary supply would only be acceptable ; for the persistent and massive
accumulation of starch in the whole naked trunk remain a more concrete evidence of a descending flow
of carbohydrates along the xylemian way.
Institut Carnoy, Louvain. Laboratoire de Botanique et de Cytologie.
BOTANIQUE
H. Racines et Mycorhizes
par P. MARTENS
Introduction
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Un Marronnier centenaire privé d'écorce
Observations
(*) Ces observations ont été réalisées au Laboratoire Forestier de l'Institut Agrono¬
mique de l'Université de Louvain et nous remercions vivement son directeur, notre
collègue et ami, le Professeur R. Antoine, de l'aide qu'il nous a prêtée, à cette occasion.
(2) Selon ces numérations, l'arrêt de croissance diamétrale du tronc dénudé se situe
donc en 1915. Or une curieuse légende, dont nous n'avons eu que tout récemment
connaissance, a circulé dans certains milieux louvanistes. Au cours du « sac » de Louvain
et de l'incendie d'une grande partie de la ville par l'armée allemande, en août 1914,
des cavaliers uhlans, campants sur le boulevard extérieur où croissaient nos Marronniers
(entre la « Porte de Parc » et la « Porte de Namur »), y auraient attaché leurs chevaux
et ceux-ci auraient profondément rongé l'écorce de plusieurs de ces arbres. Ainsi
expliquait-on, dans le « quartier », les décortications partielles ou totales, constatées
ensuite. A un cerne près (mais il n'est pas exclu que le cambium, mis à nu, ait pu encore
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3. Racines mycorhizées?
élaborer une dernière couche ligneuse après la blessure, et encore moins que l'inter¬
vention militaire ait eu lieu en 1915), la légende s'accorde singulièrement avec le dénom¬
brement effectué un demi-siècle plus tard. Notre Marronnier aurait été un authentique
« mutilé de guerre », doué d'une extraordinaire vitalité, malgré de graves blessures
infligées par l'ennemi! Que ce soit précisément l'État Belge qui ait récompensé ce « résis¬
tant » exemplaire par une condamnation définitive ajoute à l'amère saveur du paradoxe!
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Fig. 9-13. Arbre normal, — Fig. 9. Radicelle vésiculeuse croissant près de la surface
du sol; coupe transversale; cortex envahi par les hyphes. X 145.
Fig. 10. — Détail d'un secteur de la même coupe. X 360.
Un Marronnier centenaire privé d'écorce
A. Arbre annelé
(*) Pour l'arbre annelé, ceci avait pu être sommairement annoncé par une note
ajoutée en cours d'impression dans l'article précédent.
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P. Martens
B. Arbre normal
C. Observations anciennes
hyphes,
(1 ) La mérite
persistance
d'êtrederelevée.
la vitalité cellulaire, dans les cellules corticales envahies par les
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Interprétation et conclusions
C1) Ces données sont rappelées dans la monographie de Pax (1896). Mais avant même
Klein & Szabo, les radicelles vésiculeuses d' Aesculus avaient été observées sommaire¬
ment par Resa (1877) qui, selon Waage, les avaient précisément comparées aux racines
mycorhizées de Pin. Elles furent signalées aussi en 1886 par Brunchorst — qui les
comparait aux tubercules radiculaires des Légumineuses — puis par Van Tieghem &
DouLiOT(sans observations personnelles) en 1888. Enfin, dans les deux éditions successives
de son traité sur la racine des Angiospermes (1940, 1968), Guttenberg rappelle les
observations de Klein & Szabo et de Waage et reconnaît la ressemblance de ces
structures avec celles de racines mycorhizées.
D'autre part, ces structures ne sont pas relevées dans les deux traités d'anatomie
systématique où l'on s'attendrait à les trouver (Solereder, 1899, Metcalf & Chalk,
1950).
(2) Celle-ci, déjà citée incidemment, dans ce sens, par Stahl (1900, p. 548), peut donc
être ajoutée à la liste donnée notamment par Asai (1935).
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lequel elle se serait exercée est un tout autre problème. Toute expéri¬
mentation in vivo étant désormais exclue, il ne peut être question de
le résoudre correctement. Notons pourtant qu'en bonne orthodoxie
physiologique, c'est avant tout de glucides solubles qu'une décorti-
cation basale est censée priver le système radiculaire. Or, si la fourni¬
ture de sels et d'ions H aux racines, par voie mycorhizique, est bien
démontrée et admise depuis assez longtemps, celle de glucides (dont
les éléments seraient puisés dans le sol par le champignon) est une
hypothèse fertile en difficultés et en contradictions expérimentales.
Selon Björkman et son école, appuyés par nombre de chercheurs,
une concentration accrue en sucres dans les radicelles est une condition
préalable de l'infection mycélienne. Celle-ci n'apparaît, dans les
plantules de Pin, qu'après le développement des feuilles et elle est
favorisée par une photosynthèse rapide. Qui mieux est et inversement,
r étranglement des plantules la fait régresser; et cette opération est
physiologiquement fort comparable à une annélation, puisqu'elle doit
avoir pour effet de collapser les tubes criblés et d'arrêter ou de freiner
ainsi la descente de la sève organique.
Ces données vont toutes dans le même sens. Elles tendent à prouver
que, dans la symbiose mycorhizique, c'est le champignon qui prélève,
à son profit, des glucides photosynthétisés par les feuilles et transloqués
dans les racines, — et non l'inverse! « The mycorrhiza fungi parasitize
the roots for carbohydrates », écrit Björkman O. Le traité de Hawker
(1950), tout en reconnaissant qu'aucune des tentatives de dresser le
bilan physiologique des deux partenaires n'est entièrement satisfai¬
sante, conclut aussi que les glucides de l'hôte (et des hormones)
représentent le bénéfice principal du champignon.
S'il en est bien ainsi, on acceptera malaisément que, dans le mar¬
ronnier décortiqué, ce soit le champignon qui devienne capable de
fournir aux racines les sucres qu'au contraire il doit en tirer dans la
symbiose normale.
Cependant — on l'a dit plus haut — les contradictions ou les
données inverses ne manquent pas. Une vie saprophytique plus ou
moins prolongée de segments de racines mycorhizées, dans le sol,
(Me Dougal & Dufrenoy, Went) implique évidemment l'obtention de
glucides non phytosynthétisés. En outre, certains résultats de Björkman
1965;
O Cf.
etc. Björkman, 1942, 1944; Melin, 1953; 1959; Harley, 1956; Lewis & Harley,
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Un Marronnier centenaire privé d'écorce
RÉSUMÉ
(*) Dans cet ordre d'idées, notre confrère J. Lebrun nous fait judicieusement remarquer
que, pendant la longue période annuelle d'inactivité circulatoire, le cylindre ligneux d'un
tronc à bois non duraminisé constitue une importante colonne d'eau libre et pratique¬
ment immobile. Dès lors, à partir du niveau supérieur de l'annélation, une partie des
sucres ayant déjà migré normalement de l'écorce dans le bois, mais non encore condensée
en amidon, ne pourrait-elle diffuser lentement vers le bas durant cette période, dans
cette eau libre imprégnant le bois nu, et atteindre ainsi les racines? La pression de
diffusion pourrait ici jouer normalement et c'est la longue durée de cette phase inactive
qui assurerait un débit suffisant, nul mouvement liquide ascendant (intramembranaire
aussi bien qu'intravasculaire) ne contrariant alors le mouvement inverse de descente.
Sciences. — 1972. — 49 — 4
P. Martens
SUMMARY
The question then arises: Can the mycorrhiza adequately explain the
nutrition of the root apparatus and consequently the long survival of the
tree? The prominent difficulty is the physiological balance between the
two partners, most commonly accepted by the authors. According to it,
the sugars elaborated by the host constitute the principal benefit of the
fungus in the symbiose. And precisely the lack of sugars in the roots must
be the principal result of the girdling, if the phloem is their only normal
and descending way.
However, according to several other data, the balance would be some¬
what different and we cannot absolutely exclude an eventual intervention
of mycorrhiza in the glucidic root nutrition. Nevertheless and in any case,
a complementary supply would only be acceptable; for the persistent and
massive accumulation of starch in the whole naked trunk remain a more
concrete evidence of a descending flow of carbohydrates along the xylemian
way.
Institut Carnoy, Louvain. Laboratoire de Botanique et de Cytologie.
TRAVAUXCITÉS
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pflanzen; Japan. Journ. Bot., 7, 107 (1935).
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P. Martens
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Ber. D. Bot. Ges., 9, 132 (1891).
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