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LAURENT SIMON

Géographie des formations végétales

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SOMMAIRE
Introduction ......................................................... 4
Chapitre 1. Les végétaux dans leur environnement climatique 6
I. Le fonctionnement des plantes
II. Les plantes et le climat
III. Les types biologiques
Chapitre 2. Les végétaux et le sol ....................... 18
I. Le sol : définition et formation
II. Les propriétés des sols
Chapitre 3. Les végétaux à l’échelle des temps géologiques 28
I. Le développement des flores à l’échelle des temps géologiques
II. Le grand traumatisme quaternaire
Chapitre 4. Les dynamiques végétales ............... 32
I. La notion de climax
II. Les dynamiques linéaires simples
III. Les dynamiques complexes
Chapitre 5. La répartition des formations végétales 40
I. Les milieux d’accueil
II. Zonalité et azonalité
III. Limites et transitions
Chapitre 6. Le rôle du relief ................................ 50
I. L’étagement biogéographique
II. Les phénomènes d’exposition
Chapitre 7. Les formations des régions chaudes 58
I. Les forêts ombrophiles
II. II. forêts tropophiles et savanes
III. Les mangroves
IV. Les formations des régions arides et semi-arides
Chapitre 8. Les formations des régions « tempérées » 70
I. La forêt tempérée à feuillage caduc
II. Les marges forestières du tempéré
III. Les prairies et les steppes
Chapitre 9. Les formations des régions froides 84
I. La forêt boréale de conifères
II. Les formations extra-forestières des régions froides
Bibliographie ........................................................ 90
Annexes ................................................................. 91
Index ................................................................. 95

INTRODUCTION
La Biogéographie a pour objet l’étude de la Biosphère dans sa dimension
géographique. La Biosphère, ou sphère du vivant, correspond à cet
interface entre lithosphère, atmosphère et hydrosphère où se développe la

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vie animale et végétale. Adopter une démarche géographique suppose en
premier lieu de s’attacher à décrire et à comprendre des faits de
répartition.
C’est pourquoi la notion première sinon centrale de la Biogéographie est
la notion de formation végétale considérée comme un ensemble de
végétaux formant une unité physionomique homogène. On distingue ainsi
aisément du point de vue physionomique une prairie d’une forêt ou
encore une lande d’un maquis. Cette analyse de la végétation sous l’angle
physionomique et structural s’appuie sur des paramètres descriptifs
précis. Il s’agit tout d’abord de la hauteur de la formation considérée qui
peut être basse (une pelouse par exemple), moyenne (une garrigue) ou
haute (une forêt). À l’intérieur de cette formation, plusieurs niveaux ou
strates peuvent être individualisés : strates herbacées, arbustives ou
arborescentes. Cette structuration sera différente suivant qu’il s’agit
d’espèces ligneuses (à tissus riches en lignine constitutive du bois) ou non
(herbacées diverses). À ces analyses de hauteur s’ajoutent des notions de
taux de recouvrement (% d’espace occupé par une strate dans le sens
horizontal) de densité, d’homogénéité permettant de différencier des
formations ouvertes ou fermées, uniformes ou en mosaïque. D’autres
descriptifs viennent compléter ces caractères principaux : ils touchent
parfois à la composition (feuillus ou conifères), au rythme de vie
(caducifoliés ou sempervirents), voire à l’écologie (forêts sèches et forêts
pluvieuses) etc. Devant cette multiplicité de paramètres, les noms usuels
des formations végétales (pelouse, lande, prairie...) ont été complétés de
qualificatifs permettant une meilleure individualisation (ex : forêt boréale
de conifères).
La précision dans la description n’est pas purement formelle. À travers
les structures de végétation s’expriment des conditions de vie qui rendent
compte des grands faits de répartition. Bien décrire, c’est mettre en place
les éléments fondamentaux de compréhension de la répartition et du
fonctionnement des formations. Décrire précisément les limites de l’arbre
en latitude ou en altitude est indispensable pour comprendre ces limites,
pour les interpréter.
Encore convient-il d’intégrer les différentes échelles de cette
spatialisation. À l’intérieur des grands biomes continentaux (forêt
boréale ; savane tropicale etc.) s’individualisent des domaines (forêt
boréale scandinave), des régions, des faciès de dimensions plus réduites.
À chaque changement d’échelle correspond une modification des
paramètres explicatifs.
C’est pourquoi la Biogéographie se doit d’intégrer les connaissances
d’autres disciplines pour prétendre analyser ces faits de répartition. Le
recours à la Botanique est indispensable pour comprendre la flore, c’est à
dire la liste des espèces présentes et leurs caractéristiques. L’Écologie, à
travers la notion d’écosystème, s’attache davantage à l’étude du
fonctionnement, des interrelations et des flux à l’intérieur des
biocoenoses (communauté vivante de l’écosystème) et des biotopes

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(support inerte de l’écosystème). La Phytosociologie qui détermine des
associations végétales (combinaison type d’espèces qui se rencontrent
fréquemment ensemble) permet d’appréhender certaines caractéristiques
écologiques et spécifiques des formations.
Prétendre traduire la complexité de ces faits de répartition et de ces
fonctionnements serait pour le moins excessif. C’est ainsi qu’il a fallu
renoncer, dans cet ouvrage d’initiation, aux aspects pourtant
fondamentaux de la Zoogéographie, alors que les animaux sont des
acteurs essentiels de la vie des formations végétales, à la fois
consommateurs de matières, recycleurs, agents de transport etc. De la
même manière, les sociétés humaines, facteur et acteur écologique décisif
depuis des siècles, ont-elles été négligées. Les aborder, même de manière
simplifiée, n’aurait pas été possible dans les limites de l’ouvrage.
L’objectif est ici de donner quelques clés du fonctionnement « naturel »
et de la répartition des paysages végétaux. Ces clés sont certes
incomplètes mais leur connaissance est une introduction nécessaire à
l’étude de la végétation et de son évolution. Le plan traduit la volonté de
situer les végétaux dans leur environnement et dans leur fonctionnement
(Chapitres 1 et 2), de les replacer dans leurs dimensions temporelles
(Chapitres 3 et 4), préalables indispensables à l’analyse des faits de
répartition (Chapitres 5 et 6). Les grands biomes continentaux, leurs
caractéristiques géographiques et écologiques, leurs nuances font l’objet
des trois derniers chapitres (Chapitres 7, 8 et 9).

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LES VÉGÉTAUX DANS LEUR ENVIRONNEMENT
CLIMATIQUE
I. LE FONCTIONNEMENT DES PLANTES
A. LES FONCTIONS VITALES
a. La photosynthèse
La photosynthèse est le processus par lequel les plantes vertes
parviennent à élaborer des molécules organiques à partir du dioxyde de
carbone atmosphérique, des sels minéraux et de l’eau en utilisant
l’énergie fournie par la radiation solaire et captée par la chlorophylle. Ces
molécules sont ensuite redistribuées à la plante à travers la sève élaborée.
La dissociation des molécules d’eau, nécessaire à la photosynthèse,
aboutit à une libération d’oxygène, en partie compensée par la respiration
(consommation d’oxygène, rejet de gaz carbonique).
b. La circulation de la sève
La montée de la sève brute se réalise grâce au mécanisme actif de la
poussée racinaire (passage progressif des solutions concentrées des
racines vers la tige) et, plus encore, par l’intermédiaire de la pression
exercée par la transpiration foliaire, qui attire l’eau contenue dans les
conduits capillaires.
B. LA STRUCTURE DES VÉGÉTAUX
On distingue plusieurs parties chez les végétaux supérieurs.
a. Les feuilles
La diversité est ici la règle : molles ou coriaces, simples (limbe continu)
ou composées (limbe fragmenté en plusieurs folioles), pubescentes ou
glabres. Chez les feuillus, la partie plate de la feuille, le limbe, est
soutenue par un réseau de nervures alors que les aiguilles des conifères
n’en comptent qu’une seule. Les feuilles assurent, grâce à la multitude de
leurs stomates, les fonctions vitales de la plante : respiration, transpiration
et assimilation chlorophyllienne.
b. Les racines
Qu'ils soient pivotants (à enfoncement vertical dominant) ou traçants
(développement horizontal proche de la surface), intensifs ou extensifs,
les systèmes racinaires assurent l’ancrage de la plante dans le sol. Les
racines se terminent par de minuscules ramifications, les radicelles,
couvertes à leur extrémité de poils absorbants ou revêtues de filaments de
champignons (mycorhizes) par lesquels se font les prélèvements d’eau et
de sels dissous dans le sol.
c. La tige
Très limitée chez certaines plantes herbacées, elle peut atteindre des
dimensions remarquables chez certaines espèces ligneuses comme les
séquoias de Californie, hauts de plus de 100 m Le tronc des espèces
ligneuses se compose de plusieurs parties : au centre, le bois proprement
dit, comprenant le coeur (bois mort) et l'aubier. Ce dernier a pour fonction

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le transport de l'eau et des sels minéraux (sève brute). Ce sont au
maximum les vingt cernes extérieurs qui assurent cette fonction et
notamment le dernier. À la périphérie, le cambium (assise génératrice)
fabrique chaque année un anneau de bois à l'intérieur et un anneau de
liber (tissu conducteur de la sève élaborée) vers l'extérieur. L'écorce n'a
qu'un rôle de protection.
C. LES MODES DE REPRODUCTION
On distingue deux grands modes de reproduction chez les végétaux
supérieurs, dotés d’un appareil reproducteur évolué (plantes à fleurs
appelées Spermaphytes).
a. La reproduction sexuée
Elle se manifeste par la transformation des fleurs en fruits. Ceux-ci
contiennent des graines résultant de la transformation des ovules après
fécondation par des cellules mâles, ou gamètes, véhiculées par les grains
de pollens. On distingue de ce point de vue les Angiospermes, dont
l’ovule est enfermé dans un ovaire, des Gymnospermes (essentiellement
les conifères), dont les ovules sont fixés à la surface d’écailles
directement accessibles par les grains de pollen.
Les modes de dissémination des graines permettent de différencier les
espèces anémochores (dispersion par le vent), les hydrochores tels les
palétuviers (dissémination par les eaux), les espèces zoochores (transport
par les animaux) ou encore les barochores comme les hêtres (dispersion
assurée par la gravité), voire des types mixtes (chênes baro-zoochores).
b. La reproduction par multiplication végétative
Certaines espèces possèdent la faculté de se reproduire par multiplication
végétative. Elles peuvent émettre des rejets (à partir de la souche), des
stolons (tiges rampantes) ou des rhizomes (tiges souterraines) qui
s’enracinent et engendrent de nouvelles plantes. Certaines tiges aériennes
sont susceptibles de s’implanter dans le sol. On parle alors de marcottage.

II : LES PLANTES ET LES FACTEURS CLIMATIQUES


A. LE RÔLE DE LA TEMPÉRATURE
La température agit sur les fonctions vitales des plantes (assimilation
chlorophyllienne et transpiration). Selon la loi de Van’t Hoff, l’intensité
des processus est multipliée par deux pour une augmentation de 10°C.
Pour la grande majorité des espèces, les fonctions vitales sont bloquées en
deçà d’un certain seuil (souvent voisin de 0°C) ou au-delà (au maximum
50°C). On distingue ainsi pour chaque espèce, autour d’une zone
optimale de croissance, des températures minima et maxima d’activité à
partir desquelles l’activité se ralentit considérablement voire s’arrête,
ainsi que des minima et des maxima léthaux qui entraînent la mort de
l’organisme. Les espèces à large amplitude thermique sont dites
eurythermes en opposition à celles qui ne tolèrent que de faibles
variations thermiques, les sténothermes.

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Ces seuils thermiques varient considérablement suivant le stade de
développement de la plante. C’est ainsi que dans les régions tempérées et
froides (Chap.8 et 9), bon nombre d’espèces ne peuvent accomplir leur
floraison qu’après avoir subi une période de basses températures
(phénomène de vernalisation).
Cette tyrannie des contraintes thermiques explique la répartition ou
chorologie de nombreuses espèces : celle du houx, calquée sur
l’isotherme 0°C du mois de janvier, celle du hêtre qui disparaît en
Pologne dès lors que la température moyenne du mois le plus froid est
inférieure à -2°C.
Les capacités d'adaptation vis à vis des contraintes thermiques sont de
plusieurs ordres. L’adaptation aux basses températures (Chap.6, 8 et 9),
se réalise soit par une diminution importante de l’activité végétale (chute
des feuilles notamment), soit par une modification des tissus des plantes
(déshydratation des tissus, augmentation de la teneur en sucres...), soit
enfin par des adaptations morphologiques (port en coussinet, nanisme
permettant de bénéficier de l’effet protecteur de la neige). Les excès de
chaleur sont plus rarement dommageables aux végétaux. La pilosité de
certaines feuilles a cependant pu être interprétée comme un moyen
d’isolation thermique vis à vis des températures extrêmes.
B. LE RÔLE DE LA LUMIÈRE
La lumière exerce son action à la fois par sa durée et par l’intensité de
l’éclairement. La floraison est liée chez de nombreuses plantes à la durée
respective du jour et de la nuit. On distingue ainsi les plantes de jour
long, dominantes en régions tempérées et froides et les plantes de jours
courts plus répandues en milieu tropical. La quantité de lumière et son
intensité influencent également la croissance des plantes : les
Héliophytes, ont besion de pleine lumière pour assimiler, alors que les
Sciaphytes prospèrent à l’ombre.
C. LE RÔLE DE L’EAU
L’eau est indispensable à la vie : elle est le constituant le plus important
de la matière vivante (80% du poids des plantes herbacées en moyenne),
le véhicule nécessaire au transport des matières dissoutes, l’agent
indispensable de la photosynthèse.
La diversité des besoins en eau permet de distinguer :
• les Hygrophytes, plantes des milieux humides, fortes consommatrices.
• À l’opposé, les Xérophytes (Chap.7,IV) tolèrent des conditions limites
d'approvisionnement en eau, liées soit au climat régional, soit aux
conditions stationnelles.
• Entre ces deux groupes, les Mésophytes définissent le plus grand
nombre des espèces vivant en conditions moyennes.
Le contrôle des besoins en eau s’opère pour l’essentiel au niveau du
prélèvement racinaire et par régulation stomatique (fermeture des
stomates en période de forte évapotranspiration potentielle). L’adaptation
au déficit hydrique se marque également par la réduction de l’appareil
chlorophyllien (chute des feuilles des espèces caducifoliées en milieu

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tropical pendant la saison sèche), par la réduction de la taille des feuilles
(microphyllie), par le durcissement des feuilles (cuticules cireuses des
espèces sclérophylles), ou encore par le développement considérable du
système racinaire. Plus rares sont les plantes capables d’accumuler des
réserves hydriques dans leurs tissus comme le font les espèces
succulentes (Cactées, Euphorbes...).
À l’opposé, l’excès d’eau est toléré par certaines plantes grâce à la
minceur de leur cuticule qui favorise les échanges gazeux avec l’extérieur
ou par l’édification d’excroissances racinaires (pneumatophores de
l'Avicennia des mangroves ou du cyprès chauve du Mississipi).
D. LE RÔLE DU VENT
Outre son action directe qui se traduit par des effets mécaniques sur les
plantes (arbres courbés, bris de branche...), il contribue à augmenter
l’évapotranspiration, et donc dans certain cas, le déficit hydrique.

III. LES TYPES BIOLOGIQUES


C’est en 1905 que le botaniste danois C. Raunkiaer a proposé une
typologie des formes d’adaptation des plantes suivant leur comportement
(notamment la position des bourgeons ou des méristèmes, cellules de
régénération des tissus) pendant la saison défavorable à l’activité
végétale.
A. LES TYPES BIOLOGIQUES
a. Les Phanérophytes
Il s’agit des plantes dont les bourgeons sont situés à plus de 25 cm du sol
et qui résistent à la saison défavorable uniquement par la diminution de
leur activité biologique. Ce sont le plus souvent des arbres ou des
arbustes, mais certaines espèces herbacées peuvent en faire partie.
b. Les Chaméphytes
Ils se distinguent des précédents par leurs bourgeons situés à moins de 25
cm du sol. Ils peuvent ainsi bénéficier de la protection du tapis neigeux
ou d’une situation d’abri. On citera en exemple certaines bruyères, les
genévriers nains des pelouses subalpines ou encore les armoises par
extension au milieu semi-aride.
c. Les Hémicryptophytes
Ce sont des plantes à peine visibles pendant la saison défavorable. Les
méristèmes sont situés au ras du sol, à l’abri soit des litières soit du
couvert neigeux. L’appareil aérien ne se développe que durant la saison
favorable.
d. Les Cryptophytes
L’adaptation à la mauvaise saison se réalise chez les Cryptophytes par la
disparition totale des organes aériens. Ne subsistent dans le sol que
certains organes vivaces tels les bulbes ou les rhizomes. On distingue les

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Géophytes aux organes enfouis dans la terre, les Hélophytes dans les
milieux vaseux et les Hydrophytes des milieux aquatiques.
e. Les Thérophytes
Ce sont les espèces qui ne subsistent pendant la saison défavorable que
sous forme de graine. L’intégralité du cycle végétatif, de la germination à
la fructification, s’accomplit donc durant la seule période végétative.
f. Les Épiphytes
Ce dernier type biologique caractérise les espèces qui se développent en
utilisant d’autres plantes comme support. On cite fréquemment comme
exemple les Orchidées ou les Fougères installées sur les troncs ou les
branches des arbres en milieu tropical humide. On les rattache parfois aux
Phanérophytes.
B. GÉOGRAPHIE DES SPECTRES BIOLOGIQUES
a. Le spectre biologique mondial témoigne de la primauté des
Phanérophytes
Les calculs réalisés par Raunkiaer à l’échelle de la planète montrent
l’importance quantitative des Phanérophytes qui représentent près de la
moitié des espèces, davantage encore si l’on tient compte de leur taux de
recouvrement. Ils dominent en effet dans les formations forestières mais
aussi dans certaines formations secondaires, tels les maquis et garrigues
méditerranéens, voire dans certaines landes des milieux tempérés
océaniques (Landes à genêts et ajoncs).
b. La géographie des spectres biologiques souligne la plus ou moins
grande tyrannie des contraintes climatiques
La carte des spectres biologiques régionaux montre la très nette
prépondérance des Phanérophytes dans les régions intertropicales
humides où aucun obstacle climatique ne vient entraver la croissance des
arbres. À l’inverse, dans les milieux arides et semi-arides, ce sont les
Thérophytes qui l’emportent du fait de leur capacité à profiter rapidement
des moindres conditions favorables. Les milieux froids sont davantage le
domaine des Hémicryptophytes et des Chaméphytes qui bénéficient de la
protection du tapis neigeux et sont mieux à même de profiter des
premières températures positives. Ce sont en définitive les milieux
tempérés océaniques et méditerranéens qui présentent les spectres les plus
diversifiés.
C. LA SAISON DE VÉGÉTATION
Elle définit, dans les régions marquées par des contraintes climatiques
importantes (périodes sèche ou froide), la durée pendant laquelle
s’accomplit l’essentiel du cycle végétatif. Dans les régions tempérées, le
seuil généralement admis est de 6°C de moyenne mensuelle, limite qui
varie bien sûr en fonction de chaque espèce. Dans les régions
caractérisées par un déficit hydrique saisonnier important, la durée de la
période végétative est plus délicate à définir dans la mesure où elle

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dépend du rapport entre l’évapotranspiration potentielle et la réserve
hydrique du sol (Chap.2,II).

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LES VÉGÉTAUX ET LE SOL
I. LE SOL : DÉFINITION ET FORMATION
A. QU’EST CE QU’UN SOL ?
Partie intégrante de la biosphère située au contact avec la lithosphère et
l'atmosphère, le sol correspond aux parties superficielles meubles de
l’écorce terrestre, résultant de la transformation du matériau parental
(roche ou formation superficielle) sous l’action de la vie (plantes et
animaux), de l’atmosphère et des échanges qui s’y manifestent. Il s’agit
donc d’un complexe où la matière organique, issue des végétaux et des
animaux, tient un rôle déterminant.
B. LA FORMATION D’UN SOL
On distingue schématiquement 3 processus dans la formation d’un sol,
processus qui s’accomplissent plus ou moins simultanément.
a. La désagrégation et l’altération de la roche
Le sol provient de la décomposition du matériau parental par
désagrégation physique et/ou par altération chimique. La désagrégation
physique résulte de la fragmentation mécanique de la roche sous l’effet
de certains mécanismes (écarts thermiques, alternance gel-dégel etc.).
Elle prélude à la formation du squelette du sol composé des éléments
grossiers (cailloux, graviers, sables et limons). L’altération chimique
(dissolution, hydrolyse...) donne naissance au complexe d’altération
composé de particules fines (argiles, oxydes de fer ou d’alumine, sels
divers).
b. L’incorporation de la matière organique
La colonisation du sol par les végétaux et les animaux entraîne un apport
au sol de matières organiques issues de la décomposition des organismes
morts. Les substances ainsi formées constituent l’humus du sol. Par leur
acidité, celles-ci poursuivent et renforcent l’altération des minéraux du
matériau parental. Le complexe argilo-humique peut alors se constituer
par association entre les particules humiques et les argiles. La stabilité de
ce complexe dépend de la quantité de bases (notamment les ions Calcium
et Magnésium) capable d’assurer la réalisation du complexe par
floculation. La nutrition des plantes peut désormais s’effectuer aux
dépens des ions minéraux retenus par le complexe argilo-humique.
c. Les horizons du sol traduisent le bilan des déplacements verticaux
Plusieurs processus expliquent les migrations des éléments fins dans le
sol. Sous l’effet de l’eau qui s’infiltre dans le sol, les migrations
descendantes vont entraîner les particules en profondeur. On parlera de
lixiviation pour les déplacements de sels solubles (principalement les
cations basiques et anions NO3-), de lessivage pour l’entraînement des
argiles, de chéluviation pour la migration de certains cations, fer et
alumine principalement (Fe+++, Al+++), qui ne deviennent solubles que
liés à des acides organiques. Des remontées d’éléments sont également
possibles, soit par appel d’eau vers la surface en climat à déficit hydrique

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marqué (saisonnier ou permanent), soit du fait des cycles
biogéochimiques : remontées de substances par les animaux du sol,
restitution au sol par les litières des éléments prélevés en profondeur par
les racines.
Ces migrations aboutissent à la formation d’horizons différenciés dans le
sol. Les sols jeunes, peu évolués, n’ont qu’un horizon tandis que l’on
distingue trois grands types d’horizons dans la plupart des sols évolués :
• l’horizon A de surface, enrichi en matière organique (horizon A1) ou
appauvri en éléments fins (horizon A2).
• l’horizon B dit d’accumulation enrichi en éléments fins (argiles, oxydes
de fer etc.).
• l’horizon C qui désigne le matériau parental plus ou moins altéré.
La superposition de ces horizons permet de caractériser le profil du sol.
C. APPORTS DE MATIÈRES ORGANIQUES ET TYPES D’HUMUS
a. Les apports
Ils sont principalement le fait de la végétation mais aussi dans une
moindre mesure de la faune. Ces apports varient suivant le type de
formation végétale : aux limites septentrionales de la forêt boréale, ils
sont estimés à 1t/ha/an, alors qu’ils atteignent 10 t/ha/an dans les forêts
tropicales sempervirentes.
b. Le recyclage : l’humification
Ces apports seront ensuite plus ou moins vite recyclés. Les
microorganismes du sol contribuent à la fois à la restitution d’éléments
minéraux solubles (minéralisation) et à l’élaboration de substances
complexes, appelées composés humiques (humification). L’humification
dépend en partie des conditions climatiques. Si l'humidité est suffisante,
la décomposition est proportionnelle à la température. Les alternances
saisonnières d’humidité accélèrent la décomposition de la matière
organique. La rapidité de décomposition des matières organiques,
d'humification et de minéralisation, sont plus grandes dans les milieux
neutres ou faiblement acides que dans les milieux très acides.
La végétation joue également un rôle important. On distingue de ce point
de vue trois types d'espèces :
• des espèces améliorantes qui donnent des résidus végétaux riches en
azote et en substances hydrosolubles. Il s'agit des feuillus tels que le
robinier, l'aulne, le frêne et les Légumineuses.
• des espèces acidifiantes, telles que les résineux ou les Éricacées, qui
donnent des résidus pauvres en azote et en substances solubles, riches au
contraire en lignine.
• des espèces intermédiaires comme le chêne et le hêtre.
c. Les grands types d’humus
On distingue trois grands types d’humus (horizon A0) qui reflètent la plus
ou moins grande rapidité du recyclage de la matière organique.
Les humus acides, peu évolués de type MOR se rencontrent sous climats
très humides ou très froids et/ou sur roche-mère sableuse, pauvre en bases

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et en fer (donc acides), pauvre en argile (donc incapable de former un
complexe argilo-humique) et filtrante (donc favorisant le lessivage), et/ou
sous végétation acidifiante. Ils sont caractérisés par leur épaisseur qui
traduit la lenteur de la décomposition (plusieurs années). Sous une
première couche de litière (L) peu décomposée apparaît une pellicule de
quelques centimètres de débris non reconnaissables en cours de
fragmentation (F) puis une couche organique noire très acide (H),
reposant en discontinuité sur l’horizon A1.
Les humus de type MULL témoignent en revanche d’un recyclage rapide
de la matière organique. L’activité biologique intense permet une
décomposition rapide qui ne laisse en surface qu’un horizon de litière (L),
parfois discontinu.
Les MODER forment un groupe d’humus intermédiaire où ne se
distinguent que les horizons L et F.

II : LES PROPRIÉTÉS DES SOLS


A. LA TEXTURE
La texture est la proportion des différentes fractions du sol. On peut la
déterminer précisément à l'aide d'un diagramme triangulaire.
La texture donne au sol des propriétés physiques particulières. Les sols à
texture grossière sont en général déficients en éléments nutritifs car ils
ont une faible capacité à fixer les ions minéraux. Ils sont filtrants et
entraînent une évacuation rapide des éléments. Les sols très argileux ont
de fortes capacité de fixation mais l'hydromorphie (excès d’eau et
déficience en oxygène) entrave le prélèvement racinaire. Ce sont donc les
textures équilibrées qui présentent les atouts les plus importants (capacité
de fixation, bilan hydrique équilibré...).
B. LA STRUCTURE
C'est le mode d'assemblage des particules du sol. On distingue plusieurs
grands types de structures :
• des structures particulaires ou élémentaires dans lesquelles les
constituants solides sont entassés sans aucune liaison, faute de colloïdes.
Il s'agit en fait d'une absence de structure. Elles sont défavorables par leur
manque de colloïdes (particules fines de moins de 2 microns). Si les
éléments sont grossiers, le sol ne retient ni l'eau, ni les éléments minéraux
solubles (sol filtrant).
• des structures compactes ou continues, dont les éléments, noyés dans
une masse d'argile dispersée, ne font qu'un bloc. Elles sont contraignantes
par leur manque de perméabilité à l'air et à l'eau (sol asphyxiant), et par
leur grande résistance à la pénétration des racines.
• des structures fragmentaires dans lesquelles les constituants, assemblés
en agrégats, sont groupés en éléments structuraux plus ou moins gros,
plus ou moins anguleux ou sphériques. Ce sont les structures grumeleuses
qui sont les plus favorables. Elles permettent la circulation de l'eau et

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l'évacuation des excédents. Elles assurent une bonne aération aux racines
et à la faune. Elles permettent une bonne pénétration des racines.
C. L’EAU DANS LE SOL
La capacité d’un sol à emmagasiner de l’eau dépend pour l’essentiel de sa
porosité (pourcentage d’espaces libres dans un volume donné). Dans un
sol saturé par suite d’une pluie importante, l’eau se trouve sous trois états
différents :
• L’eau de gravité ou de saturation, qui occupe les pores les plus
importants, qu’elle évacue très rapidement sous l’effet de la gravité.
• L’eau de capillarité retenue dans les interstices les plus fins du sol et
autour des particules.
• l’eau hygroscopique, retenue très énergiquement sous forme de films
très minces par les particules solides du sol. Elle n'est pas disponible pour
les plantes.
La seule eau utilisable par les plantes est l’eau de capillarité. La capacité
au champ définit ainsi l’eau contenue dans le sol après écoulement de
l’eau de gravité. Le point de flétrissement (pF) est atteint après
épuisement de l'eau de capillarité.
Les sols à texture argileuse ont une forte capacité au champ mais leur
point de flétrissement est élevé. Inversement, les sols sableux, qui
n'emmagasinent que peu d’eau, n’en retiennent qu’une faible partie sous
forme hygroscopique. Ce sont là encore les textures équilibrées qui
offrent le plus d’avantages.
D. LES PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES
a. Complexe absorbant et capacité d’échange
Les particules les plus fines du sol, les colloïdes minéraux (argiles) ou
organiques (composés humiques), sont les seules capables de fixer les
cations présents dans l’eau du sol. L’ensemble de ces particules fines
constitue le complexe absorbant du sol. On définit la capacité d’échange
du sol comme la quantité maximum de cations métalliques pouvant être
fixés et ultérieurement restitués aux plantes. La capacité d’échange est
donc d’autant plus élevée que les sols ont une texture argileuse et sont
riches en colloïdes humiques.
b. Le degré d’acidité du sol
Le degré d’acidité d’un sol s’exprime à travers la mesure du pH (potentiel
hydrogène). On peut schématiser le rôle du pH de la manière suivante :
un sol acide (pH bas inférieur à 5), contient une forte proportion d’ions
hydrogène et une faible proportion de cations basiques indispensables à
l’alimentation des plantes. Les plantes capables de s'y adapter sont dites
acidiphiles. Un sol basique (pH> à 7) est en revanche pauvre en ions
hydrogène et riche en cations basiques. Une forte proportion d’ions
calcium dans le sol n’est pas nécessairement un élément favorable, le
calcium ayant comme propriété d’immobiliser certains éléments
indispensables comme le phosphore, le fer, ou l’azote. On parlera

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d’espèces calcicoles pour les plantes capables de supporter un sol à forte
teneur en ions calcium.

15
LES VÉGÉTAUX À L’ÉCHELLE DES TEMPS GÉOLOGIQUES
Les premiers êtres vivants, comparables aux actuelles bactéries, sont
apparus il y a environ 3,5 milliards d’années. Au cours des temps
géologiques, ce sont plus de 100 millions d’espèces animales et végétales
qui sont apparues, dont ne subsistent aujourd’hui qu’un pourcentage
inférieur à 1%.
I . LES PÉRIODES CHARNIÈRES DE L’ÉVOLUTION
A. LA CONQUÊTE DES TERRES COMMENCE AU PRIMAIRE
C’est au Silurien, entre -435 et -410 millions d’années, que les premières
plantes vasculaires ont fait leur apparition à la surface des continents.
Cette première étape marque le début d’une diversification importante qui
permettra le développement au Carbonifère des grandes forêts peuplées
entre autres de Fougères arborescentes. Les ancêtres des conifères actuels
apparaissent d’ailleurs au Carbonifère moyen vers -300 MA. À la fin du
primaire une crise majeure intervint qui vit la disparition de 80 à 90% des
espèces existantes.
B. DIVERSIFICATION DES FLORES ET DISLOCATIONS DES
CONTINENTS
Les paysages végétaux de l'ère secondaire (-245 à - 65 MA) sont marqués
dans un premier temps par la suprématie des Gymnospermes (conifères et
genres voisins). Les Angiospermes ne deviennent dominants qu’au
Crétacé. Ce développement de la flore s’accompagne d’une
diversification de la faune dont témoignent la multiplicité des dinosaures.
Ce foisonnement est lié aux dislocations continentales. Les cinq
continents du Crétacé sont à l’origine des empires floristiques actuels.
Une nouvelle crise intervient à la fin du Crétacé entraînant de nouvelles
disparitions dont celle des dinosaures.
C. AU TERTIAIRE : LA «MODERNITÉ» DES FAUNES ET DES
FLORES
Entre -65 et -1,5 MA le Tertiaire voit la mise en place d’une flore et
d’une faune proches de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les
Angiospermes s’affirment et se différencient. À partir de l’Oligocène, un
relatif refroidissement du climat se traduit par un développement des
flores tempérées. Les espèces tropicales régressent, les graminées se
développent et forment de vastes prairies qui s’étendent aux dépens des
forêts.
II. LE GRAND TRAUMATISME QUATERNAIRE
Deux faits majeurs caractérisent le Quaternaire : l’extension des activités
humaines et les bouleversements climatiques.
A. GLACIAIRES ET INTERGLACIAIRES
Le Pléistocène, qui débute il y a environ 1,6 MA, est marqué par une
succession de phases froides (glaciations affectant les hautes et les
moyennes latitudes) et de périodes de réchauffement (interglaciaires),

16
auxquelles correspondent dans les régions intertropicales des alternances
sèches et pluviales.
a. Les périodes glaciaires
De puissantes calottes de glace se forment sur les hautes et les moyennes
latitudes. L’abaissement des précipitations et des températures se traduit
par une rétractation des forêts tropicales au profit des savanes, par un
développement des steppes et des forêts de pins en milieu méditerranéen,
aux dépens des chênaies confinées dans quelques sites-refuges. Aux
moyennes latitudes, (Europe, Amérique du Nord essentiellement), les
formations forestières sont repoussées vers le Sud tandis que toundras et
steppes occupent la plus grande partie des continents.
b. Les interglaciaires
Les périodes de réchauffement sont marquées par une reconquête en
altitude et en latitude des flores forestières tempérées et tropicales aux
dépens des steppes, des toundras et des savanes.
c. Le rôle des facteurs géographiques dans les migrations
Alors qu’en Europe les barrières montagneuses Est-Ouest et la mer
Méditerranée faisaient obstacle aux déplacements, entraînant
l’appauvrissement de la flore, les végétaux d’Asie orientale et
d’Amérique du Nord n’ont pas rencontré de tels obstacles, conservant
ainsi une grande diversité spécifique.
B. LA MISE EN PLACE DES FORMATIONS ACTUELLES À
L’HOLOCÈNE
La fin de la dernière période froide marque le début de la mise en place
des formations actuelles. Après la dernière récurrence froide du
Tardiglaciaire (Dryas récent, 11 000-10 000 BP), le climat devient plus
chaud et humide. On distingue plusieurs phases de mise en place de la
végétation actuelle. Les sociétés humaines, en modifiant profondément le
milieu, deviennent un facteur écologique déterminant de l’évolution des
formations végétales.

17
DYNAMIQUES VÉGÉTALES
I. LA NOTION DE CLIMAX
A. DÉFINITION ET IDENTIFICATION
Le climax est l’état d’équilibre de la végétation avec les conditions du
milieu, notamment climatiques, en l’absence de toute perturbation. Il peut
s’agir de forêts (forêts boréale, tempérée, équatoriale etc.) dans les
milieux à contraintes limitées mais aussi, dans les milieux froids ou secs,
de formations herbacées (toundra, prairies, savanes ou steppes).
L’équilibre climacique ne signifie pas l'immobilité. Tempêtes et
épidémies peuvent introduire des modifications momentanées du
système : arbres abattus (chablis), dépérissements localisés. La capacité
d’une formation climacique à se régénérer après perturbation est
justement l’un des caractères distinctifs de ces ensembles. Cela suppose
pour les forêts une structure hétérogène où coexistent des individus âgés
et jeunes, capables d’assurer le retour progressif à l’état d’équilibre
antérieur.
B. L' ESSAIM CLIMACIQUE
La conception qui a longtemps prévalu considérait le climax comme un
état d’équilibre de la végétation avec les conditions climatiques
régionales, indépendamment des autres facteurs du milieu. L’exemple
souvent cité est celui de la chênaie atlantique sur sol acide présente quel
que soit le substrat.
On considère aujourd’hui que les conditions locales conservent
généralement une influence sur le type de végétation. Ainsi, sur les
plateaux du Bassin Parisien, on distingue, à coté d’un climax dit central
correspondant à la chênaie à charme, des climax pédologiques (hêtraie
calcicole sur sols calcaires) ou stationnels (frênaie submontagnarde des
ravins frais et humides en exposition nord). L’ensemble forme un essaim
climacique.
C. CLIMAX ET TEMPORALITÉ
L’un des problèmes majeurs de cette notion de climax tient à la durée
nécessaire à l’établissement de cet état d’équilibre, difficilement
compatible avec ce que l’on connaît des variations climatiques à l’échelle
du siècle ou du millénaire.
De la même manière, la fréquence et l’intensité des dégradations
anthropiques depuis le néolithique n’ont que rarement permis le maintien
d’un équilibre climacique. Dans certains cas d’ailleurs, le retour à l’état
d’équilibre antérieur n’est plus possible. S’installe alors un paraclimax,
nouvel état d’équilibre différent du précédent (Landes océaniques
paraclimaciques).

II. LES DYNAMIQUES LINÉAIRES SIMPLES

18
À cet état d’équilibre climacique sont liées des séries de végétation,
progressives lorsqu’elles conduisent vers l’état d’équilibre final,
régressives lorsqu'elles s’en éloignent. Une série de végétation comprend
plusieurs stades physionomiques qui se succèdent dans le temps :
• des formations basses telles que le matorral bas en milieu
méditerranéen, la pelouse ou la lande des régions tempérées.
• des formations arbustives telles que les maquis et garrigues
méditerranéens, les fourrés tropicaux, ou encore les fruticées tempérées.
• Des formations forestières, climaciques ou voisines de l’état
climacique.
À l’intérieur de ces stades physionomiques s’individualisent des phases
pionnières, transitoires et optimales correspondant à l’installation
respective d’espèces héliophiles, post-pionnières et sciaphiles. À chaque
stade correspond une modification des conditions microclimatiques et
pédologiques.
A. LES SÉRIES PROGRESSIVES
Ces séries caractérisent l’évolution progressive de la végétation depuis le
sol nu jusqu’à l’état d’équilibre terminal. Ainsi, si l’on considère un étang
peuplé au départ de nénuphars, un premier stade sera marqué par
l’installation de roseaux et de Carex capables de coloniser le sol tourbeux
gorgé d’eau. L’apport de débris végétaux entraîne un comblement
progressif de l’étang qui permet l’installation des premiers arbustes
(saules notamment). Il s’agit là d’espèces pionnières caractéristiques de la
première phase du stade arbustif. Avec le comblement de l’étang, des
essences forestières (bouleaux et aulnes) s’installent. Sous leur couvert, et
sur un sol moins humide, les chênes établissent l’état final d’équilibre de
la série.
B. LES SÉRIES RÉGRESSIVES
Inversement, lorsqu’un écosystème climacique est progressivement
dégradé, il passe par différents stades régressifs. En milieu méditerranéen
(Chap.8,II), une succession d’incendies entraîne la dégradation de la forêt
de chêne vert. Dans un premier temps, les arbres et les arbustes
héliophiles et xérophiles (chêne kermès, genévrier, etc.) se maintiennent,
formant suivant le type de sol un maquis ou une garrigue. Avec la
poursuite de la dégradation, l’amincissement du sol par érosion, seuls
quelques espèces de petites tailles (thym, lavande etc) résistent. Le stade
ultime est une pelouse à brachypode.
III. LA COMPLEXITÉ DES SUCCESSIONS
La linéarité des successions végétales doit être nuancée.
A. DES COMPORTEMENTS DIFFÉRENTS FACE À LA
PERTURBATION
Plusieurs modèles de réaction aux perturbations ont été proposés.
1. Le modèle expansionniste

19
Ce modèle caractérise les formations capables de recoloniser rapidement
un espace découvert à la suite d’une perturbation. C'est le cas des pinèdes
méditerranéennes (Chap.8,II). La fructification précoce des pins (dès
l’âge de 10 ans), l’énorme production de graines résistantes, et
anémochores (Chap.1, I) les rendent particulièrement aptes à réinvestir un
espace dégradé. Les faibles exigences écologiques de ces essences à
croissance rapide leur permettent de se maintenir sur ces terrains dénudés
et pauvres. Par leur présence, elles contribuent à recréer une ambiance
plus favorable à l’installation d’essences forestières (les anglo-saxons
parlent de modèle de facilitation). Les landes à genêts des régions
tempérées, par leur capacité à fixer l’azote atmosphérique et à enrichir le
sol, s’apparentent à ce modèle.
2. Le modèle de résistance
Les formations végétales se rattachant au modèle de résistance
contribuent à l’inverse des précédentes à freiner l’évolution vers l’état
d’équilibre climacique. Ces formations ont une capacité à résister à la
perturbation voire à se régénérer par la perturbation. Le chaparral
californien, formation proche du point de vue écologique des garrigues
(Chap.8,II), du pourtour méditerranéen, est d’une certaine manière
« programmé » pour la perturbation : au cours de son développement, la
forte production de débris végétaux conduit à une accumulation de
matières inflammables, favorisant le retour périodique du feu. Par leur
capacité à rejeter de souche et à résister au feu, les espèces sclérophylles
parviennent à éliminer leurs concurrents et à réinvestir l’espace dégradé.
Ces chapparrals forment alors des stades de blocage dans l’évolution
linéaire. Les landes océaniques à callune ou à fougères aigles
s'apparentent au même modèle. Leurs racines, en produisant des
substances toxiques (phénomène d’allélopathie) entravent l’installation
des essences qui « normalement » leur succèdent dans la série linéaire
(modèle d’inhibition des anglo-saxons).
3. Le modèle de stabilisation
Il correspond aux formations proches de l’équilibre climacique. Les forêts
méditerranéennes de chênes caducifoliés participent de ce modèle.
L’humidité du sol et du sous-bois, entretenue par l’ombre des houppiers
et par l’apport de litières, et la faible combustibilité des espèces, limitent
le risque d’incendie.
B. SUCCESSIONS PRIMAIRES ET SECONDAIRES
Les successions primaires concernent des espaces vierges de toute
végétation préalable (coulées volcaniques, marges glaciaires...). Dans les
successions secondaires, la végétation antérieure, même détruite, laisse sa
marque sur le milieu.
En Alaska (Glacier Bay), les dépôts issus du retrait glaciaire offrent un
exemple classique de succession primaire. Le premier stade de
colonisation est marqué par l’installation de mousses et de graminées
pérennes. Il précède l’implantation d’autres espèces herbacées et surtout

20
des premiers arbustes (saules, aulnes) qui permettent la stabilisation du
substrat. L’équilibre est atteint au bout de quelques décennies avec le
développement d’essences forestières (épicéa, tsuga).
L’abandon de terres agricoles et les reconquêtes post-incendies sont des
exemples de successions secondaires. À la suite d’un incendie, la
dynamique végétale s'appuie sur les organes souterrains non carbonisés et
sur la banque de graines contenue dans le sol. Aux espèces présentes
avant la perturbation, qui peuvent se régénérer très rapidement (rejet de
souche des chênes, germination des pins) s’ajoutent des espèces disparues
depuis des années et dont les graines trouvent les conditions propices à
leur germination (afflux de lumière au sol et réchauffement). Coexistent
alors des espèces des différents stades de la série (pionnières et post-
pionnières) dans une mosaïque physionomique (formation basse et
formation haute).
C. LA DYNAMIQUE, ÉLÉMENT DE STABILITÉ
Certaines formations végétales sont enfin caractéristiques de milieux en
constant dynamisme. C’est le cas des stades pionniers des éboulis actifs
en montagne ou encore des espaces intertidaux régulièrement recouverts
par la mer. Les pulsations et les perturbations sont partie intégrante de ces
«subclimax».
De la même manière, toute formation au stade terminal suppose pour se
régénérer le déclenchement régulier de perturbations mineures. Les
anglo-saxons parlent de « Gap dynamics » pour caractériser les trouées
qui se forment dans les forêts (Chap.7,I), (chablis, volis) et qui permettent
l’émergence d’individus jeunes favorisant le renouvellement de la
formation.

21
LA RÉPARTITION DES FORMATIONS VÉGÉTALES
I. LES MILIEUX D’ACCUEIL
A. LES CONTRAINTES
Les deux contraintes majeures qui entravent l’activité végétale sont liées
aux basses températures et au déficit hydrique. L’accentuation de l’une
ou l’autre de ces contraintes entraîne la disparition progressive des
espèces arborescentes, arbustives et même herbacées.
Le diagramme triangulaire de Holdridge traduit les relations qui existent
entre les formations végétales et les principaux paramètres climatiques.
La biotempérature (température moyenne de la saison de végétation)
diminue du bas vers le haut. Le déficit hydrique, traduit par le rapport
entre l’évapotranspiration potentielle (ETP) et les précipitations,
augmente vers le côté inférieur gauche du triangle. Les précipitations
augmentent vers le côté inférieur droit, caractéristique des conditions les
plus favorables à l’activité végétale.
Les formations forestières sont donc localisées dans le tiers inférieur droit
du diagramme, traduisant un bilan hydrique favorable et une
biotempérature importante. À l’opposé, le haut du triangle et le sommet
inférieur droit sont le domaine des ensembles désertiques chauds ou
froids, où l’activité végétale est pratiquement inexistante. Entre ces deux
extrêmes se situent les formations basses et ouvertes (steppes, toundras)
qui sont caractéristiques de l’adaptation à l’une et/ou l’autre des
contraintes.
B. MILIEUX FAVORABLES ET MILIEUX DÉFAVORABLES
a. Un bon indicateur : l'Évapotranspiration réelle (ETR)
L’évapotranspiration réelle (ETR), qui traduit le bilan entre les besoins en
eau (ETP) et les disponibilités (Précipitations + Réserve Utile du sol),
exprime le mieux les potentialités offertes à l’activité végétale. L’ETR est
maximale pour une forte ETP et un approvisionnement en eau important.
Elle diminue fortement avec une faible ETP et/ou un déficit accentué.
La productivité primaire (quantité de matière élaborée chaque année par
la végétation) reflète cette géographie de l’ETR et permet de distinguer
des régions plus ou moins favorables au développement de la végétation.
b. Des milieux d’accueil plus ou moins favorables
Les milieux favorables correspondent principalement :
• aux régions équatoriales et tropicales humides (Chap.7,I), où les
précipitations importantes se combinent à une forte ETP, liée aux
températures élevées. Les façades orientales des continents aux latitudes
intertropicales s’apparentent à cet ensemble. Vers les tropiques,
l’allongement de la période sèche et donc l’augmentation du déficit
hydrique, se traduisent par une diminution de l’ETR et de la productivité
primaire.
• les régions tempérées océaniques(Chap.8,I), malgré une moindre ETP et
des précipitations plus limitées, font aussi figure de milieux favorisés. Le

22
bilan se dégrade vers l’intérieur des continents (augmentation du déficit
hydrique) et vers les hautes latitudes (réduction de l’ETP).
Les milieux défavorisés comprennent :
• les ensembles désertiques (Chap.7,IV), où, en dépit d’une forte ETP,
l’ETR est très faible du fait du déficit hydrique.
• les hautes latitudes (Chap.9,I et II), et les hautes altitudes du fait d’une
ETP réduite.
C. DEUX EXEMPLES DE BILANS HYDRIQUES
1. En milieu de type méditerranéen
Le bilan hydrique du sol à Los Angeles (Etats-Unis) (voir fig.55, p 81)
est caractéristique du milieu méditerranéen (Chap.8,II). De janvier à mars
les précipitations sont supérieures à l’ETP (réduite du fait de la relative
fraîcheur des températures). Le bilan hydrique est positif. À partir du
mois d’avril, l’augmentation de l’ETP dépasse de beaucoup les très
faibles précipitations. Le déficit n’est que très partiellement comblé par
les apports dûs à la réserve utile du sol. L’ETR (Précipitations. +
Réserve.utile.) est alors nettement inférieure à l’ETP. Le déficit hydrique
qui s’exprime par la différence ETP – ETR dure jusqu’en novembre où le
sol peut progressivement reconstituer ses réserves.
2. En milieu tempéré océanique
L’exemple de Cork (Irlande) témoigne de la faiblesse du déficit hydrique
en milieu tempéré océanique (Chap.8,I). L’ETP n’est supérieure aux
précipitations que durant les mois de mai à septembre. Le déficit est
pratiquement compensé par la réserve utile du sol. L’ETR est ici très
proche d’une ETP limitée par la relative douceur des températures.

II. ZONALITÉ ET AZONALITÉ


A. LES HAUTES LATITUDES OU LES LOIS DE LA ZONALITÉ
Les paysages des hautes latitudes (Chap.9) sont ceux où les lois de la
répartition latitudinale s’expriment le mieux. Toundras et forêts boréales
forment en effet deux vastes anneaux circumpolaires entre 50° et 80° de
latitude. Cette zonalité traduit la tyrannie des contraintes thermiques. La
limite nord de la forêt boréale s’explique à petite échelle par l’insuffisante
durée de la période végétative (moyenne du mois le plus chaud < 10°C) et
par l’importance du gel (nombre de jours sans gel < 60). La toundra, qui
lui succède vers le Nord, se réduit progressivement à de maigres touffes
de plantes éparses « perdues » au milieu des terres désolées telles les
Barren Grounds du Canada.
Cette disposition zonale dominante ne saurait cacher certaines
irrégularités. La zone de transition forêt-toundra située vers 57° de
latitude Nord au Québec atteint 68°N dans l’Ouest canadien, et 70°N en
Scandinavie. Cette dissymétrie reflète l’opposition des façades
océaniques (effets des courants marins chauds le long des côtes
occidentales, des courants marins froids le long des côtes orientales). À

23
plus grande échelle, les grands fleuves à orientation S/N permettent
l’extension vers le Nord de la forêt boréale, alors que les ensembles
montagneux (Alaska, Chaînes scandinaves, Oural) favorisent son
décalage vers le Sud.
Cette répartition n’a pas son équivalent dans l’hémisphère Sud, plus
océanique, où quelques rares lambeaux de toundras couvrent les îles de
l’océan austral (Kerguelen, Falkland...).
B. LA ZONALITÉ IMPARFAITE DES RÉGIONS
INTERTROPICALES
La zone intertropicale (Chap.6) est également caractérisée par une
répartition zonale dominante des grandes formations végétales depuis les
forêts pluvieuses équatoriales jusqu’aux déserts chauds subtropicaux en
passant par les forêts claires, les savanes et les steppes. Le facteur
prépondérant est ici l’approvisionnement en eau lié au balancement
saisonnier des grands centres d’action atmosphériques.
Les entorses à cette répartition latitudinale sont toutefois plus
importantes. Le rôle des façades océaniques explique la remontée en
latitude des forêts pluvieuses sur les côtes orientales de l’Asie et des
Amériques, exposées aux flux des alizés et longées par des courants
marins chauds. À l’inverse, les courants marins froids qui longent les
façades occidentales rendent compte de l’extension méridienne des
déserts côtiers (Namib, désert chilo-péruvien). La présence de grands
massifs montagneux (Andes, Ruwenzori, chaînes de l’Insulinde) introduit
à la fois un étagement biogéographique et des phénomènes d’opposition
de versants (versants au vent/versants sous le vent). Des cas régionaux
plus complexes (Inde, Nordeste brésilien, Est africain) participent de ces
exceptions importantes à la « loi » de la zonalité.
C. LES MOYENNES LATITUDES : LE POIDS DES FACTEURS
AZONAUX
Les moyennes latitudes forment un ensemble particulièrement hétérogène
où les caractères de la zonalité s'effacent devant les exceptions. Si les
forêts décidues tempérées (Chap.7) sont bien présentes sur pratiquement
tous les continents aux moyennes latitudes marquées par des alternances
saisonnières importantes, leur extension est loin d’être circumterrestre et
leurs caractéristiques sont pour le moins hétérogènes.
Ce sont tout d’abord les façades océaniques qui introduisent des ruptures
de la répartition zonale. Les façades Ouest des continents sont, sur leur
flanc tropical, le domaine des formations méditerranéennes caractérisées
par une période de déficit hydrique estival (remontée des anticyclones
subtropicaux). Elles contrastent avec les forêts subtropicales du Sud-Est
des Etats-Unis ou de Chine, beaucoup plus humides. L’opposition des
façades océaniques se marque aussi dans l’extension latitudinale plus
importante des forêts caducifoliées à l’Ouest des continents.
Le déficit hydrique et la rigueur des hivers liés à une continentalité très
marquée dans l’hémisphère nord, entraînent le remplacement progressif
de la forêt caducifoliée par la forêt mixte et par les steppes continentales.

24
Cette continentalité parfois renforcée par les obstacles orographiques que
représentent les grandes barrières montagneuses (Rocheuses, Carpates,
chaînes d’Asie centrale...), aboutit à la formation de véritables déserts
continentaux.
Les héritages ont enfin leur part dans cette mosaïque des régions
tempérées. Le repli des flores quaternaires a permis le maintien d’une
forêt de conifères géants sur la façade Ouest américaine alors qu’en
Europe, l’appauvrissement quaternaire n’a laissé subsister qu’une forêt
caducifoliée. Les différenciations dans les paysages et les flores des forêts
tempérées des deux hémisphères sont également le fruit d’héritages plus
anciens (différenciation des flores dès l’ère secondaire).

III. LIMITES ET TRANSITIONS


Si les limites entre les grandes formations végétales semblent
relativement aisées à tracer sur un planisphère, leur analyse à plus grande
échelle pose souvent de délicats problèmes d’interprétation. On définit
sous le terme d’écotone ces marges, ces ensembles de contact entre
formations différentes.
A. LES ÉCOTONES DE GRANDES DIMENSIONS
Le contact forêt boréale-toundra (Chap.9) s’apparente ainsi davantage à une
marge forestière qu’à une limite précise. Au Québec, au Nord des forêts
denses d'épicéas et de sapins, s'étend un domaine de forêts claires dans
lequel les arbres couvrent entre 40 et 80% du sol. L'espacement entre les
arbres augmente encore vers le Nord. Entre 52°N et 53°N, la couverture
arborée n'occupe plus que 25 à 40% du sol. C'est le domaine des forêts
très ouvertes qui passent progressivement à des landes boisées. La taille
des arbres décroît. Pouvant atteindre 20 mètres et plus à la limite Sud des
forêts claires, les individus arborescents ne dépassent pratiquement plus
les 10 mètres. À partir du 55°N, la présence de l'arbre se fait de plus en
plus rare. Seuls quelques bouleaux glanduleux (Betula glandulosa),
quelques très rares aulnes (Alnus crispa), parviennent à former, à la
faveur de minuscules dépressions, de petits buissons, hauts de quelques
décimètres tout au plus, qui viennent rompre la monotonie des landes à
lichens.
Une même complexité se retrouve en milieu intertropical où les coupures
entre forêt claire et savane boisée et plus encore entre savane boisée et
savane arborée sont bien délicates à définir. De la même manière, des
enclaves non forestières occupent parfois des étendues importantes à
l’intérieur des domaines forestiers : immenses tourbières de la forêt
boréale sibérienne, savanes herbeuses (Llanos) du Venezuela ou encore
les « clairières » à graminées de la forêt cambodgienne.
B. DES ÉCOTONES FLUCTUANTS
Cette complexité spatiale se double d’une dynamique temporelle. Depuis
6000 ans la limite forêt-toundra a oscillé en Amérique du Nord dans une
bande de 350 km de large en fonction des fluctuations climatiques. Les

25
interventions humaines, et notamment les incendies volontaires, ont enfin
modifié les caractéristiques de ces zones de contact : il est ainsi souvent
difficile de déterminer la part de l’écologique et celle de l’anthropique
dans les limites forêt-savane en Afrique ou encore forêt-prairie en
Amérique du Nord.

26
LE RÔLE DU RELIEF
I. L’ ÉTAGEMENT MONTAGNARD
A.UNE MODIFICATION DU BIOCLIMAT ZONAL
Les caractères originaux des milieux montagnards proviennent des
modifications des composantes du climat zonal dont ils conservent
certaines caractéristiques (rythmes saisonniers...).
a. Le gradient climatique altitudinal
Les principaux effets de l’altitude sur les paramètres climatiques sont :
• l’augmentation de l’intensité du rayonnement solaire et la modification
de la composition spectrale de la lumière, enrichie en ultraviolets ;
• la diminution des températures de l’air et la réduction des amplitudes
thermiques diurnes et annuelles. Le gradient thermique est moins marqué
dans le sol (meilleure absorption des radiations, protection par le tapis
neigeux). Les amplitudes diurnes y sont en revanche plus importantes ;
• l’augmentation des précipitations (jusqu’à un niveau optimal) et
l'accroissement du coefficient de nivosité ;
• la fréquence accrue et l’intensité des vents.
b. Conséquences biogéographiques
Ces modifications se traduisent par une réduction de la période végétative
avec l’altitude, par une augmentation de la période de gel ou de risque de
gel, en dépit du rôle protecteur du tapis neigeux. Les modifications de la
lumière (intensité et ultraviolets) peuvent également ralentir la croissance
en hauteur des plantes.
L’importance des contraintes climatiques et morphologiques a favorisé le
développement de formes d’adaptation remarquables : réduction des
parties aériennes pour limiter l’intensité du froid et les effets du vent,
tissus résistants au gel, appareil souterrain développé pour assurer
l’ancrage de la plante, ampleur et éclat de l’appareil floral destiné à
faciliter la reproduction...
Pour les sols les modifications des paramètres écologiques se traduisent
par une accentuation de l’hydromorphie (excès d'eau dans le sol), une
tendance prononcée à l’acidification et à un amincissement important lié
aux effets de l’érosion.
c. Les particularités de l’histoire floristique
Au cours de leur histoire les montagnes ont joué un rôle complexe dans
l’évolution des flores. Elles ont parfois constitué de véritables barrières
infranchissables, entraînant la disparition de certaines espèces. Ce fut
ainsi le cas des Alpes et des Pyrénées qui ont bloqué le repli des flores
thermophiles lors des glaciations quaternaires. Inversement, ces mêmes
montagnes ont parfois constitué des refuges pour les flores tempérée ou
froide, servant également de passerelles pour les échanges floristiques
entre les différentes chaînes de montagne du continent (Chap.8,I). Leur
relative autonomie par rapport aux basses terres environnantes a
considérablement renforcé les phénomènes de spéciation

27
(individualisation de variétés particulières) ou d’endémisme (espèces
possédant une aire de répartition strictement localisée).
B. L’ÉTAGEMENT BIOGÉOGRAPHIQUE
Les étages biogéographiques (ceintures de végétation relativement
homogènes du point de vue physionomique et floristique) sont
l’expression de ces modifications écologiques.
1. L’étagement dans les hautes latitudes
Dans ces régions polaires et subpolaires, les contraintes liées à la situation
zonale sont renforcées par la péjoration des conditions de vie qu’implique
l’altitude. En Alaska, autour du mont Mc Kinley, les régions de piémont
ne sont déjà plus que le domaine de formations subforestières (galeries
forestières, toundras boisées). Vers 400m d’altitude s’individualise un
petit étage subalpin peuplé d’arbres nains (saules bouleaux) et parsemé
de tourbières, qui laisse place vers 1000m d’altitude à des formations
basses, discontinues, composées de mousses, de lichens et de
Chaméphytes (myrtilles, rhododendrons...). Il y a là convergence entre
toundra arctique et pelouse alpine. Plus au Sud, en Colombie britannique,
les premières pentes sont encore le domaine de la forêt boréale de
conifères à tsugas et épicéas progressivement remplacée par une
végétation buissonnante. Des phénomènes similaires se retrouvent dans
les montagnes des hautes latitudes de l’Eurasie.
2. Un exemple d’étagement montagnard aux moyennes latitudes : les
Alpes
Dans la montagne alpine, les premières pentes (étage collinéen) sont le
domaine d’une forêt de feuillus, assez voisine de celle des plaines, mais
où les espèces mieux adaptées aux fortes précipitations comme divers
chênes l’emportent. L’étage montagnard est souvent caractérisé par la
présence du hêtre, secondairement du sapin, bien adaptés aux fortes
nébulosités. Il se développe à partir de 500m et jusqu’à 1 700m sur des
sols bruns forestiers. L’étage subalpin avec ses fortes précipitations
(notamment neigeuses) et ses basses températures est le domaine des
conifères, épicéas, mélèzes ou pin cembrot, dont la frange supérieure
monte jusqu’à plus de 2 000m, sur des sols peu épais et acides de type
podzolique. À l’étage alpin, jusqu’à la limite des neiges persistantes, les
sols sont des rankers alpins, très superficiels et riches en fragments
anguleux de roche. La pelouse alpine est le domaine des adaptations les
plus remarquables (nanisme, xéromorphie...) et des phénomènes
d’endémisme les plus nombreux (exemple de Saxifraga florulenta,
strictement localisée au massif du Mercantour).
3. L’étagement dans les montagnes intertropicales
Il est souvent marqué par une amplitude remarquable du fait de l’altitude
élevée des grandes chaînes de montagnes. Dans l’Est africain, les basses
pentes du Ruwenzori sont encore le domaine de la forêt ombrophile. Vers
1500-2000m, la baisse des températures et l’augmentation de la pluviosité
entraînent le développement de la forêt hygrophile. Des conifères du

28
genre Podocarpus accompagnent les essences caractéristiques de la forêt
ombrophile dont la taille diminue. À sa limite supérieure, vers 2500m, la
forêt dense de bambous peut atteindre 20m de hauteur. Elle annonce déjà
la « forêt des nuages » (Nebelwald), composée en grande partie de
bruyères arborescentes, et qui se développe à partir de 3000m. La
nébulosité favorise ici l'exubérance des mousses et des lichens qui
recouvrent les troncs, pendent des branches et jonchent le sol. La
transition est souvent nette avec l’étage supérieur (parfois assimilé à
l’étage alpin) et qui se compose de diverses formations basses : prairies à
hautes herbes (lobélias et séneçons géants), « brousses » à Éricacées, puis
vers 3500m, prairie basse et dense passant progressivement à une
formation discontinue.
L’étagement des hautes terres d'Amérique centrale présente certaines
originalités. Au-dessus des « tierras calientes », étage de la végétation
tropicale zonale, s’étendent les « tierras templadas » constituées de forêts
de chênes appartenant à une flore extratropicale. La même origine
extratropicale caractérise les essences forestières des « tierras frias »
entre 2000 et 4000m : pins, sapins et cyprès forment l’essentiel de la
strate arborescente de ces forêts. La Nebelwald est ici fort réduite. Les
« tierras heladas » enfin, domaine des formations herbacées, possèdent
les traits physionomiques des étages alpins.
Au-delà de leur diversité, les faits d’étagement traduisent bien certaines
convergences et soulignent ainsi la parenté du fait montagnard à la
surface des continents.

II. LES DIVERSES FACETTES DE L’ ÉTAGEMENT


Par delà des traits de convergence, les montagnes apparaissent aussi
comme une mosaïque de milieux finement différenciés en fonction de
multiples facettes topoclimatiques.
A. LES EFFETS DE FAÇADES : VERSANTS AU VENT / VERSANTS
SOUS LE VENT
La différence entre versants abrités et versants exposés aux flux zonaux
est un trait majeur de la Biogéographie des montagnes. Dans les
montagnes de la zone intertropicale (Chap.7), la dissymétrie
fondamentale oppose versants « au vent » et versants « sous le vent ». Le
versant oriental de la Soufrière (Guadeloupe), exposé aux flux d’alizé
humides reçoit plus de 9m de précipitations/an. Les forêts mésophiles et
hygrophiles s’y développent jusqu’à près de 1000m d’altitude, avant de
laisser la place à une forêt rabougrie puis à des fourrés d’altitude. Sur le
versant occidental, le relèvement des températures et la diminution des
précipitations consécutifs à l'effet de foehn ont favorisé le développement
d’une maigre forêt xérophile.
Aux moyennes latitudes, la dissymétrie oppose versants exposés à
l’Ouest et versants exposés à l'Est plus chauds et plus secs comme le
montre l'exemple vosgien.

29
B. LES OPPOSITIONS DE VERSANT
Les contrastes entre versants exposés au Sud et versants exposés au Nord
sont un facteur important de la répartition des étages de végétation dans
les régions extratropicales. Dans les Alpes, l’avantage thermique des
versants à exposition Sud (adrets) par rapport aux ubacs est estimé à + de
3°C de moyenne annuelle. Il en résulte un relèvement des limites
altitudinales sur les adrets et l’apparition de flores plus thermophiles.
C. LES PHÉNOMENES D’ABRI
La configuration des chaînes de montagnes introduit certaines
modifications de l’étagement. L’épaisseur des Alpes est à l’origine d’un
gradient de continentalité d’Ouest en Est. Les massifs préalpins sont le
domaine des fortes précipitations et d’une nébulosité importante propices
au développement des hêtraies. L’augmentation des amplitudes
thermiques annuelles et la diminution des précipitations dans les Alpes
internes entraînent le relèvement des limites entre les étages, le
remplacement du hêtre par le pin sylvestre, plus tolérant aux stress
hydriques. Ces effets d’abri caractérisent également les bassins
intramontagnards arides des Andes ou des Rocheuses.

30
LES FORMATIONS DES RÉGIONS CHAUDES
I. LES FORÊTS OMBROPHILES
A. UN DOMAINE MORCELÉ
Elles occupent les régions équatoriales (Chap.5,II) du bassin amazonien,
de la cuvette congolaise et de l’Asie, lorsque la pluviosité est à la fois
forte (plus de 1000mm par an) et bien répartie (moins de trois mois secs <
à 100 mm). Elles s’étendent parfois jusqu’aux limites du monde tropical,
notamment sur les façades orientales des continents exposées aux flux
humides et sur la façade occidentale de l’Inde.
Les qualificatifs sont multiples qui insistent sur l’importance du facteur
hydrique et sur la luxuriance de cette forêt : forêt dense humide, forêt
pluviale ou ombrophile (de l’anglais rainforest), forêt sempervirente
(evergreen forest).
B. UNE ARCHITECTURE EXUBÉRANTE
La puissance des forêts tropicales humides masque en partie la complexité
de la stratification.
• Les niveaux arborescents comprennent souvent une strate supérieure de
«géants» dispersés (hauts de 40 à 50 m), qui domine généralement deux
strates intermédiaires (vers 30-40m et vers 15-20m) parfois très
couvrantes. Dans toutes ces strates, les branches sont entremêlées de
lianes, souvent gigantesques, et couvertes d’Épiphytes, de Fougères et
d'Orchidées qui les masquent parfois entièrement.
• Les jeunes arbres et buissons forment une strate arbustive très variable,
parfois dense et presque impénétrable.
• La strate herbacée est discontinue voire absente, du fait d’une
luminosité réduite. Le sol est encombré de débris végétaux et de racines
sur lesquelles prospèrent des espèces parasites.
La richesse floristique de cette forêt (jusqu’à 200 arbres différents à
l’hectare), a pour corrollaire une extraordinaire hétérogénéité horizontale.
B. LE DYNAMISME FORESTIER
L'équilibre climacique repose sur une dynamique permanente (Chap.4,III)
dans laquelle les ouvertures localisées jouent un rôle décisif. Les chablis
ou les trouées plus importantes favorisent une régénération qui s'amorce
par l'apparition d'espèces "cicatricielles", capables de réinvestir très
rapidement l'espace dégradé (croissance en hauteur de l'ordre de 1m/mois
pour certaines espèces). La cicatrisation permet le retour des essences
forestières dont les jeunes plants peuvent tolérer l'ombre du couvert
forestier durant de longues années avant de profiter de la lumière créée
par la trouée (exemple de plants d'avodiré en Côte-d'Ivoire, hauts de 1,4m
mais âgés de 70 ans).
Une perturbation plus poussée entraîne le remplacement de la forêt
primaire par une forêt secondaire composée d’espèces héliophiles de
taille moyenne, voire par une formation buissonnante très dense dominée
par les quelques grands arbres épargnés par l’homme.

31
C. UNE FORMIDABLE MACHINE ÉCOLOGIQUE
La chaleur et les apports hydriques constants expliquent la remarquable
productivité (Chap.5,I) de ces écosystèmes à forte biomasse (entre 500 et
1000t/ha de matière sèche). La productivité primaire (biomasse végétale)
y est fréquemment supérieure à 20/t/ha/an. L'essentiel de la matière
vivante élaborée chaque année est très rapidement recyclé du fait du
pullulement des organismes détritivores et décomposeurs.
La complexité structurale de cette forêt est à l'origine d'une multitude de
micro-habitats servant de refuge à une faune abondante et variée. C'est le
fameux "enfer vert", paradis des insectes et des reptiles, mais aussi des
oiseaux et des singes.
Les sols types sont les sols ferralitiques très épais, caractérisés par une
altération géochimique poussée, une libération des oxydes de fer et
d'alumine, un lessivage intense et la formation de minéraux argileux
(kaolinite notamment).
D. LA DIVERSITÉ DU MONDE FORESTIER
La grande unité physionomique des forêts tropicales humides sur les
différents continents ne saurait masquer l'existence de certains faciès
originaux. C'est le cas des forêts marécageuses d'Amazonie. Dans ces
forêts d'igapo (marécage permanent) ou de varzea (inondation
périodique), les lianes abondent, les arbres ont des allures tortueuses et
développent des systèmes racinaires aériens remarquables (racines-
échasses).
Sur les marges sèches de la grande forêt ombrophile se développe une
forêt mésophile que les anglo-saxons appellent "semi-deciduous forest"
en raison de la présence d'arbres caducifoliés. Formation fermée car les
cimes de la strate supérieure (25-30 m) sont jointives, les grands arbres
dominent une strate intermédiaire et une strate arbustive à espèces
souvent sempervirentes. Au sol apparaît un tapis discontinu de graminées,
favorisé par la pénétration de la lumière en saison sèche.
II. FORÊTS TROPOPHILES ET SAVANES
La zone tropicale à saisons contrastées est essentiellement le domaine des
forêts tropophiles (adaptées à l’alternance d’une saison sèche et d’une
saison des pluies) et des savanes.
A. FORÊTS CLAIRES ET FORÊTS SÈCHES
Elles occupent généralement l’espace compris entre le domaine des forêts
tropicales humides et celui des savanes (Chap.5,II).
Les forêts denses sèches possèdent des caractéristiques forestières
affirmées. La strate arborescente, souvent unique, ne dépasse que
rarement 20-25m. Elle est composée d’arbres le plus souvent
caducifoliés, dont les cimes jointives dominent des strates arbustives et
herbacées discontinues. L’exemple type de ces formations très répandues
en Asie est la forêt de teck (Shorea) du Dekkan souvent appellée « forêt
de mousson ».

32
Les forêts claires s’éloignent du modèle forestier et forment selon le
botaniste Aubréville « des formations mixtes forestières et
graminéennes ». Le couvert arborescent, non jointif et peu épais, laisse
largement pénétrer la lumière qui favorise le développement d’une strate
herbacée dense et continue. De multiples faciès caractérisent ces
« forêts » qui peuvent parfois n’être que de maigres brousses à épineux
(fourrés à Albizzia amara du Sud de l’Inde).
Forêts denses sèches et forêts claires correspondent aux régions à saison
sèche marquée (entre 4 et 9 mois). Ces forêts sont particulièrement
fragiles et sensibles aux incendies, malgré les adaptations remarquables
des arbres à la sécheresse et au feu (écorces épaisses et crevassées,
capacité à rejeter de souche, systèmes racinaires puissants).
B. LES SAVANES
Le terme de savane désigne tout un ensemble de formations caractérisées
par l’abondance des graminées. Elles sont abondantes en Afrique et en
Amérique tropicales, sous des climats à saison sèche souvent marquée.
1. Une grande diversité physionomique
Les paysages de savane sont d’une grande diversité :
• Savanes herbeuses à graminées (grass savanna en anglais, campos
limpos du Brésil), hautes parfois de 3m et plus (formations à Pennisetum)
ou basses (formations à Imperata).
• Savanes arborées et arbustives (tree savanna et shrub savanna, campos
cerrados du Brésil), piquetées d’arbres ou d’arbustes régulièrement
espacés.
• Savanes parc parsemées de boqueteaux d’arbres.
• Savanes boisées ou forestières, au couvert arboré déjà important, parfois
bien difficile à distinguer des forêts claires.
2. La complexité des faits de répartition
Si la plus grande partie des savanes occupe des régions à saison sèche
marquée, ce déterminisme climatique semble insuffisant pour rendre
compte de leur extension. Au Brésil, la limite entre forêt dense et campo
cerrado a lieu sur le plateau brésilien, où les précipitations sont encore
importantes (autour de 1500mm/an). En Afrique (Togo, Ghana), les
savanes s’étendent jusqu’au golfe de Guinée entre les grandes masses de
forêt tropicale humide. À plus grande échelle, les contacts forêt-savane
apparaissent tout aussi complexes. Plusieurs dispositifs s’y rencontrent :
coupure nette ou mosaïque, lambeaux de savanes intégrés dans la forêt ou
encore espaces forestiers isolés en région de savane.
Cette diversité pose la question longtemps controversée de l’origine des
savanes. Aux savanes considérées comme climaciques ou primaires
s’opposent les savanes secondaires (Chap.4), beaucoup plus répandues et
qui sont liées à l’action anthropique (passage répété des feux de brousse).
Les premières peuvent avoir une origine climatique (exemples : Nord
australien, Soudan, bouclier guyannais) ou édaphique (sols secs et
pauvres des versants rocheux, sols à concrétions ferrugineuses de type

33
bowal, sols hydromorphes des Llanos venezueliens). Elles peuvent enfin
résulter d’héritages morpho-climatiques (mise en place lors de périodes
plus sèches du Quaternaire).
3. Les grands traits de l’écologie
Tous ces ensembles de savanes possèdent en commun certaines
caractéristiques écologiques. Les sols (Chap.2,II) les plus répandus
appartiennent à la classe des sols ferrugineux, marqués par des horizons
de surface (A1, A2) sableux et lessivés. En profondeur, l’horizon B,
enrichi en argile, est le domaine des concrétions ferrugineuses pouvant
aboutir à des formes de cimentation plus massives (carapaces et
cuirasses).
Malgré une biomasse végétale limitée (autour de 20t/ha), leur
productivité annuelle peut être importante. Dans une savane préforestière
de Côte d’Ivoire (Lamotte, 1981), la productivité primaire nette atteint
28,5t/ha/an. Elle explique la présence et la densité des herbivores de
grande taille et de leurs prédateurs soumis à des migrations saisonnières.
Elle rend compte aussi de l’abondance des oiseaux granivores et des
termites.
III. LES MANGROVES
La répartition des mangroves répond à plusieurs impératifs écologiques :
une mer chaude, des apports d'eau douce importants (atmosphériques ou
continentaux), une amplitude moyenne des marées, un littoral protégé des
tempêtes.
Elles occupent les littoraux des mers tropicales, notamment le long des
grands deltas. Quelques rares peuplements d'Avicennia, espèce
caractéristique des mangroves, remontent le long des côtes des régions
subtropicales (Floride, Japon, Nlle-Zélande).
L’ensemble des mangroves comprend une soixantaine d’espèces d’arbres
différents (les palétuviers), ce qui est très peu pour un écosystème
tropical. Cette pauvreté, très marquée dans l’océan Atlantique, est en
partie due aux contraintes écologiques.
1. Un milieu fortement contraignant
Alternances de submersions et d'immersions, salinité élevée, instabilité
du substrat vaseux (ablation/accumulation) posent de redoutables
problèmes d'adaptation et se traduisent par une zonation de la mangrove :
• La zone externe, domaine des Rhizophora (espèce pionnière).
• La zone moyenne, souvent peuplée d'Avicennia, qui subit le
balancement régulier des marées.
• L’arrière mangrove, où quelques rares espèces supportent les fortes
concentrations en sel liées à l’évaporation intense.
2. Des adaptations remarquables
Pour limiter les contraintes dues à la submersion, certaines espèces
possèdent des racines-échasses développées en grand nombre sur la
partie inférieure du tronc aérien. D’autres, comme Avicennia, possèdent

34
des racines à excroissances verticales (pneumatophores) qui pointent à
travers la vase. La plupart de ces palétuviers sont munis de glandes
capables d’excréter le sel. La reproduction est assurée par viviparité : la
plantule se développe sur la plante-mère avant de se fixer dans la vase.
3. Une grande fragilité
Les moindres modifications du niveau marin ou des apports
sédimentaires peuvent être fatales aux mangroves. La déforestation de la
forêt amazonienne, se traduisant par une décharge sédimentaire plus
importante à l’embouchure de l’Amazone, pourrait être à l’origine d'un
exhaussement du substrat vaseux, provoquant le dépérissement des
palétuviers et ouvrant la voie à une érosion accélérée. Les mangroves du
domaine oriental (océans Indien et Pacifique), plus riches en espèces, sont
moins sensibles à de tels phénomènes.
IV. LES FORMATIONS DES RÉGIONS ARIDES
Les immensités désertiques évoquent généralement la roche, les horizons
infinis des hamadas et les multiples courbes des grandes dunes. Pourtant,
au-delà des "images d’Épinal", apparaissent les multiples nuances de
peuplements végétaux finement différenciés, depuis les steppes
(formation basse, ouverte, généralement à base de Graminées) jusqu’aux
espaces arborés de la caatinga du Nord-Est brésilien.
A. S’ADAPTER POUR SURVIVRE
Déficit hydrique, quantifié par de nombreux indices, siccité de l’air,
irrégularité des pluies, constance et parfois même violence des vents,
écarts thermiques marqués (journaliers et/ou saisonniers), « sols »
pierreux, parfois salés, rarement profonds sont autant de contraintes pour
l’activité végétale.
Ce sont ces conditions extrêmes qui ont imposé toute une panoplie de
formes d’adaptation spécifiques (Chap.1,II). La xéromorphie et
l’halophytisme (adaptation à l’excès de sels) s’y expriment par le
développement des systèmes racinaires, la réduction des tissus aériens, la
succulence, l'accélération des rythmes de développement (plantes
Éphémérophytes), ou encore l'absorption de l’eau par les feuilles
(Tillandsia du désert chilo-péruvien).
B. SE RÉPARTIR POUR CONQUERIR
Ce sont aussi par les faits de répartition que s’exprime l’adaptation au
milieu aride et à ses nuances. Sur la marge nord semi-aride du Sahara, les
steppes à alfa et armoise couvrent plus de 50% du sol. En progressant
vers le Sud, l’augmentation de l’aridité se traduit par un mode de
distribution des végétaux diffus (petits Chaméphytes buissonnants
couvrant à peine 10% du sol) puis semi-diffus, lorsque les grandes plages
de sol nu font leur apparition. Au coeur du Sahara, la végétation se replie
sur quelques biotopes stricts (petites dépressions, lits d’oued). C’est le
mode de distribution contracté caractéristique des régions hyperarides.
C. LA DIVERSITÉ DES RÉGIONS ARIDES

35
Présentes sur tous les continents, les régions arides offrent une grande
diversité de paysages : steppes à armoises des déserts « tempérés »
(Grand Bassin, Kazakstan), peuplements épars de succulents en Arizona,
« prairie » d’Éphémérophytes de l’acheb saharien, ou formations arborées
des régions semi-arides du Kalahari, du Sud-Ouest malgache ou du scrub
australien.

36
LES FORMATIONS DES RÉGIONS « TEMPÉRÉES »
Si, du point de vue astronomique, on peut définir la zone tempérée
comme comprise entre les tropiques et les cercles polaires, une définition
bioclimatique apparaît plus aléatoire, tant les éléments de diversité
l’emportent sur les caractères communs (Chap.5,II). Les régions des
moyennes latitudes, considérées abusivement comme tempérées, sont par
excellence des lieux d’échanges floristiques, de confrontation entre
masses d’air différentes, de proximité entre héritages diversifiés. Le froid
et le chaud, le sec et l’humide, qui alternent dans le temps comme dans
l’espace, font du domaine tempéré une étendue de contrastes davantage
qu’un milieu « modéré ».
I. LES FORÊTS TEMPÉRÉES
A. LES TRAITS DE PARENTÉ
1. Des forêts stratifiées
Dans leur grande majorité les forêts tempérées sont stratifiées. Si la
stratification n’y atteint pas le niveau de complexité des forêts tropicales,
elle témoigne cependant de phénomènes de concurrence importants. Les
chênaies du Bassin Parisien présentent ainsi :
• une strate arborescente supérieure (de 20 à 30 m de haut) formée par la
couronne des « arbres de première grandeur » (chênes et parfois hêtres),
dont les troncs forment la futaie ;
• une strate arborescente inférieure (de 7 à 15 m), constituée à la fois de
sujets encore jeunes et "d'arbres de seconde grandeur " ;
• une strate arbustive, (néflier, bourdaine...), entre 1 m et 7 m ; une strate
sous-ligneuse et herbacée haute (Bruyères, fougères-aigle ...), qui
surmonte une strate herbacée basse (Graminées, herbacées, germinations
d’arbres) et une strate cryptogamique (mousses, lichens, champignons).
Une stratification semblable s’observe dans les appareils souterrains,
(racines et rhizomes), qui exploitent les divers horizons du sol.
Cette stratification affecte également le monde animal. Dans une chênaie-
charmaie de Slovaquie, 15% des oiseaux nidifient sur le sol, 25% dans les
herbes et les arbustes, 31% dans les troncs et 29% dans les houppiers. La
biomasse animale est essentiellement concentrée dans le sol : pour 1t/ha
de biomasse animale dans une chênaie de Belgique, les mammifères ne
représentent que 7kg/ha, les oiseaux 13kg/ha, alors que les lombricides
atteignent une biomasse de 900kg/ha !
La forêt appalachienne se caractérise également par la complexité de sa
structure. Des espèces telles que les chataîgniers, les chênes rouges ou
encore les tulipiers, qui peuvent atteindre 40m, dominent un sous-bois
pluristrate marqué par la diversité et la densité des niveaux arbustifs.
2. Une parenté floristique et écologique
La composition de ces forêts fait ressortir une certaine parenté floristique.
Pour les espèces arborescentes, frênes, chênes, érables, tilleuls,
chataîgniers et hêtres forment le fond commun de toutes ces forêts. Le

37
cas est certes différent dans l'hémisphère sud, mais les hêtres qu'on y
rencontre, du genre Nothofagus, ont une lointaine parenté avec les hêtres
de l'hémisphère boréal.
Toutes ces forêts sont marquées par des rythmes saisonniers importants,
malgré la relative modération des écarts thermiques et pluviométriques
annuels (Chap.1,II). Que ces rythmes s'expriment clairement dans la
physionomie (chute du feuillage en forêts caducifoliées, floraison vernale
de la strate herbacée), ou qu'ils soient plus discrets (forêt valdivienne,
forêt Pacifique américaine), leur importance écologique est déterminante.
Les sols appartiennent dans leur majorité à la classe des sols bruns,
caractérisée par une décomposition rapide de la matière organique fraîche
(Chap.2,II), un lessivage limité, une texture équilibrée. L’ensemble du
profil est peu différencié. Sous climat plus humide et/ou sur roche-mère
filtrante, la tendance au lessivage voire à la podzolisation se développe.
Ces forêts ont connu des alternances de replis et d’extensions liées aux
pulsations climatiques quaternaires (Chap.3,II). Le rôle des héritages
(morpho-pédologiques et floristiques) y est fondamental.
Ces forêts sont enfin marquées par l’ancienneté et l’intensité de
l’anthropisation. La sylviculture a modifié les structures et la
composition de ces forêts en introduisant des essences « exotiques », en
pratiquant des traitements diversifiés en futaie (régénération par semis),
en taillis (régénération à partir des rejets de souche), ou encore en taillis-
sous-futaie.
B. LA DIVERSITÉ
a. Des forêts caducifoliées aux passés différents
Les forêts caducifoliées de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord-
Est ou de l’Extrême-Orient possèdent en commun un rythme saisonnier
marqué par une longue période de défeuillaison ainsi qu’une parenté
floristique évidente : chênes (Quercus), hêtres (Fagus), bouleaux (Betula)
peuplent ces forêts avec des exigences écologiques voisines. Mais alors
que l’Europe ne compte que 18 espèces appartenant au genre Quercus,
l’Amérique du Nord en compte 37, l’Extrême-Orient 66. Des chiffres
analogues caractérisent les autres genres. Des genres inconnus en Europe
à l’état spontané, souvent reliques de climats plus chauds du Tertiaire
(Liriodendron, Liquidambar), participent de la richesse floristique de
l’Amérique du Nord et de l’Asie. Cette pauvreté floristique européenne
s’explique par l’orientation Est-Ouest des chaînes de montagne, formant
des obstacles aux migrations de flore lors des périodes froides
quaternaires. Rien de tel en Amérique, où la disposition méridienne des
reliefs a permis les migrations et offert des zones-refuge, et en Asie où les
glaciations furent plus limitées.
b. L’exceptionnel : la forêt de conifères géants
Depuis la Californie jusqu’au Sud de l’Alaska s’étend la plus majestueuse
forêt de conifères du monde, peuplée de douglas, de thuyas, de sapins et
séquoias. C’est la forêt des exceptions avec les arbres les plus hauts du

38
monde (60 à 80m en moyenne et jusqu’à 120m pour certains), les plus
colossaux (+ de 1000T de poids sec chez certains individus, soit
l’équivalent de plusieurs hectares de forêt européenne), les plus vieux
enfin, certains ayant plus de 3000 ans. Si le climat actuel, tempéré
océanique à faible amplitude thermique, fortes précipitations et nébulosité
importante, offre de remarquables potentialités, ce sont les conditions
paléoécologiques (Chap.3,II) qui expliquent la présence de cette forêt. La
disposition méridienne des Rocheuses a non seulement permis le repli
vers le Sud des conifères lors des périodes froides mais elle a également
protégé la région au Tertiaire de l’invasion des feuillus situés à l’Est.
c. Le tempéré « vrai » de l’hémisphère sud
Les régions côtières du Chili méridional, de Nouvelle-Zélande et de
Tasmanie, exposées aux flux d’Ouest océaniques, sont parmi les régions
qui correspondent le mieux à la notion de tempéré. Il s’agit de milieux
hyperocéaniques, à fortes précipitations et faibles amplitudes thermiques.
Les forêts sont peuplées en majorité de Nothofagus caducifoliés ou
sempervirents. Le sous-bois très humide comporte un cortège abondant
de Fougères arborescentes, de lianes et d’Épiphytes. Vers le Sud du Chili,
la forêt valdivienne, enrichie en conifères (Podocarpus, Fitzroya...),
présente déjà un caractère de forêt mixte.
II. LES MARGES FORESTIÈRES DU TEMPÉRÉ
A. LES FORÊTS MIXTES
a. La marge froide du tempéré
Les forêts mixtes (Nord et Est de l’Europe, Chine du Nord et du centre,
Nord-Est des États-Unis), constituent des ensembles de transition entre
forêts caducifoliées et forêts boréales. Elles caractérisent des milieux à
contraintes marquées (Chap.5,I) : fortes amplitudes thermiques annuelles,
nombre de jours de gel élevé, durée de la couverture neigeuse. Le
lessivage des sols y est intense (sols lessivés, podzol) et l’hydromorphie
fréquente.
L’importance des précipitations estivales favorables à l’activité végétale
explique, malgré ces contraintes, la forte productivité de ces
écosystèmes : biomasse généralement > à 200t/ha, productivité primaire
entre 10 et 15t/ha/an.
b. La forêt mixte européenne
Elle s’étend du Sud de la Scandinavie jusqu’à l’Oural, dans des régions
marquées par les épisodes glaciaires. La topographie des dépôts
morainiques explique le développement des milieux hydromorphes. C’est
le domaine des plus grandes zones humides d’Europe, telles les forêts de
la Bierbza en Pologne ou les forêts marécageuses de Russie.
Les charmaies et les chênaies occupent les sols les plus fertiles tandis que
les pinèdes se cantonnent aux sols podzoliques et l’épicéa aux milieux les
plus humides. La dominance des conifères s’affirme depuis les pays

39
Baltes jusqu’à l’Oural où les feuillus (chênes, tilleuls et bouleaux) sont
subordonnés.
b. La forêt laurentienne
Couvrant près de 2500km d’Est en Ouest, la forêt laurentienne possède
deux caractéristiques originales. Une grande richesse spécifique liée à la
prèsence d’espèces tempérées et boréales, aussi bien pour les conifères
que pour les feuillus. Une « qualité esthétique » exceptionnelle,
notamment lors du fameux été indien où le vert sombre des conifères
alterne avec le rouge des érables et l’or des bouleaux.
c. La forêt mixte d’Extrême-Orient
Elle ne subsiste plus qu’en lambeaux dans les plaines du Yang-tsé. Les
feuillus l’emportent dans cette forêt pluristrate, d’une richesse
exceptionnelle à l’état climacique : aux essences tempérées et boréales
s’ajoutent en effet des feuillus sempervirents d’origine tropicale.

B. LE MÉDITERRANÉEN
a. La marge chaude et sèche du tempéré
Les formations végétales méditerranéennes, situées sur les façades
occidentales des continents entre 30 et 40° de latitude, subissent en été la
remontée des anticyclones subtropicaux. Il y a, de ce fait, coïncidence
entre période chaude et période sèche.
À cette sécheresse estivale s’ajoutent d’autres contraintes : l’obstacle
hivernal (réduction des températures, possibilités de gel en montagne), la
fréquence des vents, la variablilité climatique et les contraintes
morphopédologiques liées à la vigueur des pentes (importance des
montagnes jeunes).
La part prépondérente des Thérophytes et la diversité des formes de
xérophytisme (notamment la part des ligneux à feuilles coriaces et
persistantes, les sclérophytes, dont la cuticule épaisse limite
l'évaporation) témoignent de ces contraintes, tout comme le
développement de systèmes racinaires denses, associant racines traçantes
et pivotantes (cas du chêne vert et de la majorité des espèces
sclérophylles).
b. La diversité des formations forestières
Les marges humides supraméditerranéennes sont le domaine des forêts
de chênes caducifoliés proches des chênaies tempérées. À l’état
climacique, le sol caractéristique de ces chênaies est un sol brun voisin
des sols des régions tempérées océaniques. Trés importantes sur les
marges septentrionales, ces formations sont plus réduites en Méditerranée
orientale et méridionale du fait de l'action de l'homme et surtout de
l'importance de la sécheresse estivale. Le chêne pubescent et les espèces
voisines (chêne de Hongrie, chêne tauzin, chêne faginé...) forment
l’essentiel du couvert arborescent. Assez indifférents à la nature des sols,
ils témoignent d’une forte amplitude écologique (capacité de résistance
aux basses températures) mais requièrent un minimum de précipitations,

40
de l'ordre de 400mm. On les considère aujourd'hui comme climaciques
dans les régions méditerranéennes du N-O. Leur extension aurait été
réduite par les interventions anthropiques.
Les forêts de feuillus sclérophylles (chêne vert, chêne liège, chêne
kermès) occupent les ensembles mésoméditerranéens à sécheresse
estivale marquée. C’est le domaine par excellence des sols rouges. Ces
sols, décarbonatés et riches en oxydes de fer, sont dans une large mesure
hérités de périodes plus contrastées du point de vue pluviométrique. La
plasticité écologique du chêne vert, l’espèce la plus répandue, est
importante : on le rencontre en effet depuis les marges semi-arides de
l’Atlas marocain jusqu’aux limites des régions tempérées océaniques. La
physionomie des ces formations est le plus souvent celle d’un taillis de
quelques mètres de haut au sous-bois dense, composé de nombreux
arbustes. Il s’agit là le plus souvent d’une forme dégradée car l’arbre peut
atteindre 25 m de haut et former de belles futaies.
Les conifères constituent des peuplements très étendus dans les régions
les plus chaudes (groupements thermoméditerranéens à pin d’Alep)
comme en altitude (pin noir, cèdres et sapins).
Les « brousses » thermophiles à olivier sauvage et caroubier font la
transition avec les formations steppiques semi-arides. Il s’agit de
formations denses, de taille réduite (1 à 2 m), composées de nombreux
arbustes (lentisque, thérébinthe, ziziphus, arbousier etc.)
Les peuplements d’eucalyptus d’Australie, les formations arbustives à
boldo (espèce sclérophylle) du Chili ou encore les maigres formations à
Protéacées du Sud-Ouest africain, témoignent de l’originalité floristique
des ensembles méditerranéens de l’hémisphère Sud.
c. Une mosaïque de formations secondaires
L’intensité et l’ancienneté des interventions humaines, dans un contexte
écologique contraignant, ont abouti au développement de multiples
formations secondaires (Chap.4,II) que l’on désigne souvent du terme
espagnol de matorral. De nombreuses nuances physionomiques et parfois
écologiques permettent de distinguer les maquis à chêne liège,
généralement denses et développés sur sols acides, des garrigues plus
basses et plus ouvertes, sur substrat calcaire. Le chaparral californien, le
batha de Palestine, les phryganes de Grèce sont quelques-uns des termes
qui traduisent la diversité de ces formations secondaires.
Leur extension s’explique souvent par leur stabilité écologique,
correspondant à des stades de blocage (Chap.4,III). La dégradation du
couvert forestier en milieu méditerranéen s’accompagne d’une
modification radicale des conditions écologiques qui rend difficile le
retour rapide à l’état forestier. L’afflux de lumière au sol, l’élévation
considérable des températures de surface et l’augmentation du déficit
hydrique qui en découle, représentent des obstacles importants à la
réinstallation des essences forestières.

41
C. LES FORÊTS TEMPÉRÉES SUBTROPICALES
a. La marge chaude et humide du tempéré
Les marges Sud-orientales du domaine tempéré de l’hémisphère Nord
(Sud-Est de la Chine et des États-Unis) ont un climat de type « chinois »
favorable à l’activité végétale. Les hivers relativement doux alternent
avec des étés longs, chauds et humides. La saison végétative s’étend sur
plus de 250 jours. Les coups de froids sont rares, les épisodes secs
pratiquement inexistants. Les seules contraintes sont liées aux remontées
occasionelles de cyclones tropicaux.
Ces conditions d’humidité et de chaleur entraînent le lessivage des sols,
leur acidification et la libération des oxydes de fer et d’alumine, ce qui les
rapproche des sols tropicaux.
Les forêts ont en commun une grande richesse spécifique où se mêlent
flores tempérées et tropicales, feuillus et conifères. On parle à leur sujet
de laurisylve pour signifier la place occupée par les feuillus à grandes
feuilles vernissées de type laurier.
b. Les forêts sino-japonaises
Elles s’apparentent aux forêts tropicales humides. Leur physionomie, très
uniforme, est caractérisée par l’importance des arbres sempervirents,
hauts d’environ 30m : des feuillus, tels les chênes et châtaigniers
d’origine tempérée ou les magnolias et lauriers d’origine tropicale, mais
aussi des résineux du genre Podocarpus. Les strates inférieures sont peu
couvrantes. La biomasse est importante, (300 à 500 t/ha), pour une
productivité primaire voisine de 20t/ha/an.
c. Les forêts du Sud-Est des États-unis
Trois ensembles forestiers occupent cette façade orientale des États-
Unis :
• Au Sud des Appalaches, les forêts de chênes et Carya constituent le
prolongement des formations caducifoliées.
• Entre le bas-Mississipi et la Floride s’étend la forêt de pins sur des sols
très lessivés et parfois hydromorphes. Le feu parcourt fréquemment ces
forêts qui se reconstituent très rapidement.
*Le long des côtes du golfe du Mexique, la laurisylve typique est peuplée
de magnolias, de tulipers, de chênes à feuillage persistant, qui dominent
un sous bois dense et riche en espèces tropicales. Les marais sont occupés
par le cyprès chauve, aux racines pneumatophores, dominant un sous-bois
dense et riche en Épiphytes.

III. LES MARGES EXTRAFORESTIÈRES


A. PRAIRIES ET STEPPES
Prairie en Amérique du Nord, steppe en Eurasie, deux termes souvent
associés pour désigner des formations herbeuses sans arbre. Il convient
pourtant de distinguer, du point de vue physionomique comme

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écologique, les steppes, formations basses et ouvertes, des prairies plus
hautes et plus denses.
Aux grands ensembles Nord-américains et eurasiatiques se rattachent la
Pampa argentine et le Veld Sud-africain.
B. LE ROYAUME DE L’HERBE
L’absence d’arbre s’explique par un climat continental à hivers rudes et
étés chauds. Les précipitations limitées (autour de 500mm/an) et
concentrées en saison chaude (pertes importantes par évaporation) sont
une contrainte, à laquelle s’ajoutent l’obstacle hivernal des basses
températures (4 à 5 mois < à 0°C), et la fréquence des vents désséchants
(Chinook d’Amérique du Nord, Pampero d’Argentine).
Le caractère tranché des rythmes saisonniers se traduit dans la
physionomie : au vert de l’explosion vernale s’oppose le jaune du
« paillasson » estival alors que l’automne voit s’accumuler les débris
végétaux formant un tapis uniforme, le mulch.
Les chernozems, de texture équilibrée, peu lessivés, riches en carbonates
et en azote sont parmi les sols les plus riches du monde. Souvent
développés sur une couverture de matériaux fins (loess), ils présentent sur
l’ensemble de leur profil, une teinte noire qui traduit la forte
incorporation de matière organique liée à l’abondance des débris
végétaux. Biomasses (de 10 à 25t/ha) et productivités (de 8 à 15 t/ha/an)
sont en effet appréciables.
Dans les secteurs les moins secs, le climat actuel ne permet pas
d’expliquer l’absence d’arbre. L’installation des prairies lors d’une
période dite xérothermique (vers 5000BP) semble probable, la stabilité
ultérieure s’expliquant par les incendies d’origine anthropique.
L’intensité du déficit hydrique est à l’origine des principaux faciès
caractéristiques de ces formations herbacées. On distingue, du Nord au
Sud de la Russie, une prairie piquetée d’arbres, sorte d’écotone avec les
ensembles forestiers, une prairie de hautes herbes et, dans les régions
sèches, une steppe semi-aride. Cette opposition se rencontre en Amérique
du Nord entre prairie à hautes herbes de l’Est (tall grassland) et prairie à
herbes courtes de l’Ouest, en réalité une steppe, (short grassland).

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LES FORMATIONS DES RÉGIONS FROIDES
I. LA FORÊT BORÉALE
La forêt boréale (parfois appelée du nom russe de taïga) forme un anneau
circumpolaire du Canada à la Sibérie. C’est, avec la forêt équatoriale, le
plus vaste ensemble forestier du monde (Chap.5,II).
A. MONOTONE, MÊME EN AUTOMNE
a. L’uniformité physionomique
Malgré son immensité (6000km d’Est en Ouest en Eurasie, 3500 en
Amérique du Nord), la forêt boréale présente une unité physionomique
exceptionnelle. Les conifères dominent l’unique strate arborescente
comprise entre 10 et 30m.
Sur les marges septentrionales, biomasses et productivités sont faibles
(respectivement 100t/ha et 4t/ha/an). Elles peuvent cependant atteindre
des niveaux comparables aux forêts tempérées plus au Sud (300t/ha et 7 à
9t/ha/an).
Les contrastes saisonniers, importants au niveau écologique, ne se
traduisent que peu dans cette forêt toujours verte où seul le manteau
neigeux hivernal vient introduire une note de saisonnalité physionomique.
Rien de comparable ici à l’automne flamboyant des forêts mixtes.
b. La pauvreté spécifique
Cette monotonie est renforcée par le faible nombre d’essences
arborescentes : épicéa (Picea), sapin (Abies), pin (Pinus) et mélèze
(Larix) sont les quatre genres de conifères auxquels appartiennent la
presque totalité des espèces dominantes. Quelques rares feuillus résistants
(bouleaux, saules et aulnes) occupent les biotopes les plus contraignants.
Le sous-bois n’est guère plus riche, composé principalement d’Éricacées
(bruyères, myrtilles, canneberges), de lichens et de mousses.
c. Des nuances mais pas de contrastes
Des nuances plus que des contrastes caractérisent cette immense étendue.
La forêt hudsonienne (Canada) est dominée au Nord par les épicéas (P.
nigra, P. alba), plus au Sud par le pin de Banks. Les différences Est-
Ouest l’emportent en Eurasie : peuplements clairs de pins et d’épicéas en
Scandinavie, grande forêt sombre d’épicéas de Sibérie occidentale, forêt
chétive de mélèze de Dahurie de Sibérie orientale. En Eurasie comme au
Canada, ces ensembles forestiers sont grevés de marécages.
B. FROID, HUMIDE ET ACIDE
a. Froid et neige
Le froid est ici le facteur écologique prépondérent, davantage par sa durée
(Chap.1,II) que par son intensité pourtant forte. Les espèces de la forêt
boréale supportent des minimas absolus parmi les plus bas du monde.
Mais l’obstacle essentiel vient de la brièveté de la période végétative
(Chap.1,III) comprise entre 3 mois au Nord et 5 mois sur la marge
méridionale.

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La durée du manteau neigeux (5 à 6 mois au Québec, 8 mois en Sibérie
orientale) permet d’atténuer la rigueur des basses températures au sol. Sa
disparition au printemps fournit un apport d’eau important en début de
période végétative.
b. Sols pauvres, sols gelés, sols engorgés
Les sols de la forêt boréale sont marqués par trois processus :
• la podzolisation : les basses températures entraînent une accumulation
de matière organique non décomposée et acide (humus de type mor), qui
permet la mise en solution du fer et sa migration vers le bas du profil.
Celui-ci est tout à fait caractéristique : sous un horizon A1 noir (matière
organique acide), se développe un horizon A2 gris cendreux très appauvri
et une horizon B d’accumulation, de couleur ocre, riche en oxydes de fer
et en composés humiques.
• Sur la marge nord, les sols, gelés (permafrost) durant 9 à 10 mois ne
dégèlent que superficiellement, provoquant un excès d’eau dans le sol.
Gelé à faible profondeur, boueux en surface (mollisol), l’enracinement y
est pour le moins difficile.
• Les contrepentes, nombreuses dans cette topographie héritée des
périodes froides, créent de vastes zones de stagnation de l’eau dans
lesquelles se développent les sols hydromorphes et les tourbières formant
de véritables « éponges » de sphaignes.
C. JEUNE ET DYNAMIQUE
L’installation de la forêt boréale dans son aire actuelle est un phénomène
très récent, consécutif au dernier retrait glaciaire (autour de 6000 BP au
centre du Québec, de 7000 BP au Nord de la Scandinavie). Cette
reconquête s’est déroulée par étapes, les herbacées de la toundra
précédant les feuillus conquérants (bouleaux et aulnes) et les premiers
conifères (épicéas).
La dynamique de cette forêt se marque dans sa faculté de cicatrisation
consécutive aux gigantesques incendies, d’origine souvent naturelle, et
aux attaques répétées d’insectes ravageurs comme la célèbre tordeuse des
bourgeons de l’épinette (35 M d’ha touchés dans les années 70 !).
II. LES TOUNDRAS
On englobe sous le terme russe de toundra les formations végétales
basses et ouvertes situées en latitude au-delà de la limite naturelle de
l’arbre. Vaste anneau circumplaire dans l’hémisphère nord, les toundras
n’occupent dans l’hémisphère sud que des biotopes isolés et souvent
insulaires (Chap.5,II).
A. AUX LIMITES DES POSSIBILITÉS DE VIE
Les régions de toundras correspondent aux limites extrêmes des
possibilités de vie. La faible durée de la période végétative (période sans
gel < à trois mois), la fréquence des vents violents, la faible épaisseur du
manteau neigeux et la présence d’un permafrost permanent sont autant
d’obstacles à l’activité végétale. Trop froid, trop sec parfois (eau gelée

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non disponible au début de la période végétative), trop humide souvent en
période de dégel, le bilan n’est guère favorable.
Dans ces conditions, rares sont les espèces qui parviennent à survivre.
L’ensemble des toundras ne compte guère plus qu’un millier de
Phanérogames, pour l’essentiel des Chaméphytes et des
Hémicryptophytes, contraints à de remarquables adaptations (Chap.1,II).
Nanisme et formes prostrées sont la règle, tout comme la réduction des
parties aériennes au profit des systèmes racinaires. La résistance des
tissus et leur capacité d’assimilation à très basses températures (parfois <
à 0°C) constituent les principales adaptations physiologiques.
B. L’UNIFORMITÉ DES PAYSAGES
Les paysages de toundra reflètent cette tyrannie des contraintes.
L’uniformité semble l’emporter sur les milliers de km2 de ce tapis végétal
bas et ouvert, à forte proportion de mousses et de lichens. Seule l’arrivée
brusque de l’été, en permettant une floraison intense et rapide, vient
apporter une note de diversité.
Entre les taches de végétation naine, l’élément minéral domine : roche à
nu raclée par les récents inlandsis, sols à figures géométriques (sols
polygonaux et sols striés) liés aux alternances gel/dégel, soulignent
l’inhospitalité des biotopes.
C. LA MOSAÏQUE DES GROUPEMENTS
L’uniformité paysagère masque en réalité l’hétérogénéité de détail des
conditions écologiques. Aux toundras sèches à mousses et lichens des
interfluves balayés par les vents, s’opposent les dépressions
marécageuses à sphaignes et Graminées ; aux terres désolées du Grand
Nord s’opposent les landes plus méridionales à Éricacées et bouleaux
nains.

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BIBLIOGRAPHIE
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sous la coordination de Ch Le Coeur. Rosny, Bréal, 415p.
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Huetz de Lemps A. (1994) - Les Paysages Végétaux du Globe. Paris,
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Technical, 452p.
Walter H., (1973) - Vegetation of the Earth. Heidelberg, Springer Verlag,
237p.

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ANNEXE
BIOMASSES ET PRODUCTIVITÉS DES PRINCIPALES
FORMATIONS VÉGÉTALES
Type de formation Biomasse Productivité
Forêts humides intertropicales 500 à 1000 t/ha 10 à 30 t/ha/an
Forêts sèches tropicales 100 à 300 t/ha 6 à 15 t/ha/an
Forêts claires tropicales 100 à 200 t/ha 6 à 13 t/ha/an
Savanes herbeuses 20 à 35 t/ha 21 à 30 t/ha/an
Savanes arbustives 12 à 40 t/ha/an 2 à 7 t/ha/an
Steppes semi-arides 5 à 10 t/ha 0,4 à 1 t/ha :an
Forêts caducifoliées européennes 250 à 450 t/ha 8 à 15 t/ha/an
Forêt de conifères géants 700 à 3300 t/ha 10 à 20 t/ha/an
américaine
Forêts ombrophiles tempérées 250 à 300 t/ha 3 à 9 t/ha/an
Forêts mixtes eurpéennes 230 à 300 t/ha 10 à 15 t/ha/an

Forêt laurentienne 80 à 250 t/ha 6 à 12 t/ha/an


Forêt sclérophylle méditerranéenne 150 à 250 t/ha 4 à 7 t/ha/an
Laurisylve ( ?) 15 à 30 t/ha/an
Prairies tempérées 10 à 25 t/ha 8 à 15 t/ha
Forêts boréales de conifères 200 à 300 t/ha 6 à 10 t/ha/an
(centre)
Forêt boréale de conifères 80 à 120 t/ha 4 à 6 t/ha/an
(marge N.)
Toundra nordique 2 à 13 t/ha <1t/ha/an

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