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Etudes offertes à G. Comet éditées par A. Durand, Cahier d’histoire des techniques, Publications de
l’université de Provence, 2007 p. 47-62.
Aline DURAND
discours. Etudes offertes à G. Comet, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 47-62.
discours. Etudes offertes à G. Comet, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 47-62.
l’olivier par les Phéniciens et les Grecs ; mais les peuples antiques ne sont pas
venus les mains vides, ils ont modernisé une technique d’exploitation ancienne 7.
Depuis presque un siècle, l’historiographie est fixée autour de ces
questions : elle a suscité nombre d’âpres discussions. Aujourd’hui, grâce à de
nouveaux outils de recherche, le débat est clos. L’olivier apparaît comme le
symbole même de l’acculturation : sociétés méditerranéennes et olivier ont
destins liés. L’essence est immédiatement connotée à l’agriculture
méditerranéenne : celle-ci ne repose-t-elle pas sur la trilogie agraire du pain, du
vin et de l’huile ? L’image est si éculée qu’elle tient lieu de truisme. Mais
l’olivier est-il toujours celui qu’on croit ? Cette essence a-t-elle été au Moyen
Âge celle que se plaisent tant à décrire nos conceptions et nos constructions
contemporaines ?
Interrogeons les traités d’agriculture pour le savoir en commençant par
remonter aux sources antiques.
discours. Etudes offertes à G. Comet, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 47-62.
Ce geste n’est pas une chimère. Au livre V, chapitre II, notre auteur donne
tous les détails pour l’exécuter correctement durant le mois d’avril. Je vais
longuement lui laisser la parole car ces lignes de l’Opus agriculturae me
semblent particulièrement éloquentes et détaillées, beaucoup plus que les trois
phrases lapidaires du De re rustica de Columelle10 :
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C’est à présent que l’on greffe l’olivier dans les climats tempérés. On
le greffe entre l’écorce et le bois comme les arbres à fruit, ainsi que je
l’ai dit ci-dessus. Mais si l’on veut empêcher qu’il ne revienne (sic)
des oliviers sauvages infructueux dans un plan d’oliviers francs qui
aura été brûlé par accident, voici la manière dont on s’y prendra pour
les greffer. On commencera par mettre des branches d’olivier sauvage
dans la fosse où l’on se proposera de les greffer, et on remplira ces
fosses de terre jusqu’à la moitié. Lorsque l’olivier sauvage aura pris,
on le greffera au bas, à moins qu’on ne l’ait mis en terre tout greffé, et
l’on entretiendra la greffe un peu au-dessous de la superficie du sol ;
après quoi, on tassera la terre à mesure qu’il croîtra. Moyennant cela
la commissure de la greffe se trouvant ainsi enterrée, s’il arrive qu’on
vienne par la suite à brûler ou couper cet olivier, on ne l’empêchera
pas de se reproduire fructueusement, parce qu’il joint à l’heureuse
faculté de repousser, qu’il empruntera à l’olivier franc qui sera hors de
terre, la fertilité de l’olivier sauvage caché en terre auquel il sera uni.
Quelques-uns greffent les oliviers dans leurs racines mêmes, et les
déterrent ensuite, quand ils ont pris, avec une partie de ces racines, et
les transplantent comme des pieds d’arbres (trad. synthèse trad. M.
Nisard, M. Cabaret-Dupaty et A. Durand).
Ce très long passage éclaire bien évidemment les techniques de la greffe sur
l’arbre et les gestes pratiqués pour reproduire l’olivier, ici par la voie végétative
du bouturage. Mais ce n’est pas sur ce point, déjà bien commenté et exposé par
discours. Etudes offertes à G. Comet, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 47-62.
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14 GAULIN, 1990, p. 60 et 116 souligne que 43% du discours de l’agronome bolonais a été
puisé dans son expérience.
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15 Ibid., p. 148.
16 Palladius reprend presque mot à mot les propos de Columelle (voir supra note 3) et Pierre
de Crescent ne connaît l’auteur du De Re rustica qu’au travers de Palladius : « Quod si fructus
arbor laeta non afferet, terebretur Gallica terebra usque ad medullam foramine impresso, cui
oleastri informis talea vehementer aretetur, et ablaqueatae arbori amurca insulsa vel vetus
urina fundatur. Hoc enim velut coitu steriles arbores uberantur, quas tamen durante malitia
oportebit inserere » : PALLADIUS, De l’agriculture. Traité d’agronomie antique, p. 100 et
PALLADIUS, De l’économie rurale, p. 348-349.
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est totalement originale. Il y décrit une greffe qui utilise dans un premier temps
la tarière pour perforer le bois sans apparemment aller jusqu’à la moelle, puis
des coins en chêne ou en pin ou des pierres pour élargir le trou et le maintenir
ouvert, ce qui laisse supposer qu’il s’agit sans doute d’une greffe en fente (?).
Les deux greffons sont soigneusement repérés pour leurs qualités de production
et leur état sanitaire. Pierre de Crescent n’en précise pas l’origine. Cette
insistance sur leur fécondité laisse penser qu’il fait référence au cultivar plutôt
qu’à l’oléastre qu’il aurait de surcroît nommément désigné. Si tel n’était pas le
cas, cette méthode de greffe n’aurait strictement aucun intérêt : elle apparaîtrait
comme une stricte redondance, avec variante, de la greffe à la tarière gauloise de
l’oléastre sur le cultivé. Ces détails viennent conforter l’opinion soutenue par J.-
L. Gaulin à propos de ce chapitre sur l’olivier dans le Liber ruralium
commodorum : selon lui, comme les agronomes latins sont passés maître dans la
culture de l’olivier, le parti pris adopté par Pierre de Crescent de reprendre les
Antiques n’est pas injustifiable, loin s’en faut. Il faut se souvenir que l’Emilie-
Romagne où les graisses d’origine animales sont préférentiellement employées
au Moyen Âge n’est pas l’Italie du sud où l’huile d’olive fournit l’essentiel des
matières grasses et où le mode de reproduction de l’olivier passe par la greffe
cultivé-sauvage17.
Un autre passage du Liber ruralium commodorum concernant la question
du statut de l’olivier conforte l’idée que cet ouvrage n’est pas un simple
décalque des traités d’agronomie antiques :
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19 Au chapitre VIII du Livre V, Columelle passe en revue les variétés d’olives, mais ne fait
aucune allusion aux fruits de l’oléastre, p. 66-67.
20 TOUBERT, 1981.
21 CORNIOLO DELLA CORNIA, La divina villa di Corniolo de la Cornia. Lezioni di
agricoltura tra XIV e XV secolo, p. 80, 192, 225-227, 231, 240, 442, 480.
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Conclusion
Au travers des pratiques et des techniques de culture décrits dans les traités
d’agronomie, la perception de l’olivier s’avère ne pas être aussi uniforme et
univoque que l’image de l’arbre voudrait nous le faire croire. Se dégage l’idée
d’un statut à géométrie variable : l’olivier est à la fois intégré culturalement à
l’ager et à la fois dans ses marges, anthropique sans être sauvage, les relations
entre les deux étant récurrentes et complexes. Ce statut n’est pas figé et il
convient de bien le souligner car la tendance à ce sujet est à l’oubli. Cette vision
est celle du discours savant. Correspond-elle à la réalité ? Tous ceux qui ont
travaillé sur les traités d’agronomie médiévaux insistent sur l’expérience sur
22 Ibid., p. 225.
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