Réactions des consommateurs
AUGMENTER LE POUVOIR D'ACHAT
PAR L'AUTORÉDUCTION
Les Robins des bois des supermarchés
MARIE-HÉLÈNE FOSSE-GOMEZ ET NIL OZÇAGLAR-TOULOUSE
lui grande distribution française est aujourd'liui
cotifrontée <) des actions d'autoréduction de la part de
con.sointnati'urs en quête de pouvoir d'aciiat. Ces ac-
tions, qui petivcnt prendre ¡a forme de vols collectifs.
itnposent une ¡misse de prix des biens ou des sen'ice.s.
Pour en décrypter ¡es mécanismes et ¡esfondetnent.s.
cette redierche s'appuie sur une démarche interpréta-
tive d'inspiration etlmoi>raphique faisant appel ci des
entretiens et ¿i des observations in situ et sur Internet.
EUe propose de ¡ire V autoréduction comtne une forme
particulière de vol. tnais aussi cotmne une aetion coi-
¡ective s'itiscrivant dans un mouvement social et comme
un acte de resistance. Maigre s<m caractère marginal.
¡'existence de ¡'autoréduction invite la communauté
marketing à s'intéresser atdx exclus de ¡a consomttiation.
P endant que la crise ébranle l'économie mon-
diale, les consommateurs revendiquent plus
de pouvoir d achat. Récemment, des émeutes
de la faim ont éclaté au Mexique pt)ur protester contre
l'augmentation du prix des denrées alimentaires. Ces
mouvements mexicains de 2006 ont été répétés au
Maroc en 2007, en Cirèce et en Kgypte en 2008 ou en-
core aux Antilles en 2009. où des manifestations pour le
pouvoir d'acbat ont eu lieu. En parallèle de ces protes-
tations, de nouvelles formes de revendications, assuré-
ment |-)lus surprenantes, émergent. « Résister à la crise.
Marchandages, désobéissance civile, autoréductions ou
distributions de chariots », titrait le journal Libération
du 3-Í janvier 2009. pour évoquer ces récentes straté-
gies contre la vie chère et la dégradation du pouvoir
d'achat. Parmi ces stratégies, notre article se focalise
plus particulièrement sur les opérations d'« autoréduc-
tion ». Ces actions diffèrent de celles des mouvements
de t>pe altermondialiste puisqu'il ne s'agit pas de refu-
ser la logique consumériste dans sa globalité mais bien
de défendre son » pouvoir de consommer ».
L'autoréduction, terme utilisé par les protagonistes eux-
mêmes, désigne l'action d un groupe de ccïnsommateurs
envers un fournisseur. c;oncrètement II peut s agir d ac-
tions allant d une diminution forcée du prix d un produit
ou d'un scr\ice, notamment par refus d une augmenta-
tion jugée indue, jusqu'à la gratuité (détournement, pi-
ratage, vol, etc.), sans oublier des formes de pillages de
supermarchés. L autoréducteur cherche à augmenter ou
à maintenir son pouvoir d'achat, non pas en élevant son
revenu ni en simplifiant sa consommation en qualité
ou en quantité, mais en agissant sur le coût même de
cette consommation. C'est en cela que l'autoréduction
apparaît comme une action des consommateurs sur la
variable prix du mix. Et si les récentes opérations d au-
toréduction menées à Paris et en province ont hénéficié
d'une couverture médiatique, elles ne sont pas circons-
crites au territoire français (encadré I).
Marie-Hciène Fosse-Gomez est Professeur des Universités
il l'Univ. Lilie Nord de France. Clietdieu.se ¿i LHIe Sdiool
of Management Research Center (LSMRC)
Contact : tn¡ifosse@tmiv-HUe2.fr
NU Ozcaglar-Toulouse est Maître de conférences à ¡'Utiiv.
LiUe Nord de Fratice et dierdieuse ¿t LiUe School of Ma-
nagement Research Center (LSMRC)
Contact : nU.tou¡ou.se@univ-UUe2.fr
Les atiteuts remercient les participants attx Jotmiées de
marlceting tnéditerranéen. les ¡ecteuts et les rédactettrs en
chef invités pour la pertinence, la richesse et l'intérêt de
leurs commetitaires.
Décisions Marketing N^ôo Octobre-Décembre 2009 - 63
 Augmenter le pouvoir d'achat par i'autoréduotion

L'objet de cet article est. au-delà de la description d'un
phénomène encore mal connu en marketing, de s'iti-
terroger sur le sens que revêt Tautoréduction pour les
consommateurs (autoréducteurs ou non), notamment
dans un contexte où la grande distribution se positionne
de plus en plus pour le pouvoir d'achat. Rappelotis-le,
avec la crise, le prix est revenu en première ligne des
messages des distributeurs (cf. Auchan, « vivons mieux,
vivons tnoins cher »). D Un point de vue légal, I auloré-
duction est un vol collectif. Elle constitue aujourd'hui
pour les distributeurs, principales cibles de cette action,
une nouvelle forme de démarque inconnue'. Pour ap-
préhender le phénomène d'autorèduction, ses points
de convergence avec le vol. tel qu'il est abordé notam-
ment en comportement du consommateur, seront ana-
lysés. Puis, la dimension collective de cette action sera
étudiée, comme 1 un des éléments les plus spécifiques
du pliénomène. Enfin, ce mode d'action est replacé datis
les pratiques de résistance des consommateurs qui ont
fait l'objet d'atialyses en marketing.
Recueil des données :
une observation ethnographique de
l'autoréduction
Cette recherche s'inscrit dans tme démarche interpréta-
tive d'inspiration ethnographique. Elle s'appuie sur trois
sources d'information complémentaires (1,2, 11) : une
opération d'autorèduction et ses artefacts, des sites et
fomms sur Internet et des consommateurs-voleurs ou
ayant participé à une opératioti d'autorèduction.
Une observation non participante directe a été réalisée
par l'un des auteurs selon les recotmiiandations d'Ar-
nould et Wallendorf (I). L'autoréduction observée a eu
lieu dans un supermarché situé à Lille Centre. Dans un
contexte de mi)bilisation sociale au niveau national, elle
constitue la troisième des trois opératiotis survenues en
mars 2009 à Lille. Cette observation a permis l'immer-
sion du chercheur dans le phénomène étudié à l'instant
où il s'est produit. Compte tenu du caractère éphémère

Encadré 1 : L'autoréduction à travers le monde ' '

En Italie, en 1974. face à une augmentation du prix du bus entre Pinerolo et Turin, des usagers émettent des « faux-vrais » tickets
vendus au prix habituel, jusqu'au rétablissement de l'aneienne tarificatioti. A la même période, suite à l'augmentation brutale de
réleetrieité et du gaz, des dizaines de milliers d'Italiens recalculent leurs factures en s'appliquant le tarif réservé aux entreprises
et ne payent qu'une partie de la facture officielle. Inspirés de eette histoire récente, des militants italiens se rassemblent autour du
site chaiiuvorkers.org. Ils oceupent les supermarchés, y distribuent des tracis et demandent des réductions pour lutter contre la vte
chère. Par ailleurs, pour attirer l'attention des employés et des clients, ees autorédueteurs organisent des prières dans les « temples
de la précarité » à Saint Précaire (symbolisé par l'ieône d'un jeune travailleur précaire en uniforme).
En France, en 1975. la hausse brutale des loyers provoque une grève au Foyer Sonacotra Romain Rolland de Saint-Denis. Elle se
poursuivra jusqu'à l'aube des années 1980. Plus récemment, médiatisé notamment par l'occupation des immeubles de la rue de la
banque à Paris par des mal-logés, le squat apparaît comme une nouvelle forme d'autorèduction. Ce mode d'aetion trouve sa genèse
dans les années 1880. lorsqu'apparaît le « déménagement à la cloche de bois », qui consiste à quitter son logement sans payer son
loyer, avant que le propriétaire ne fasse saisir les meubles.
En 2008, le « Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte » a réalisé une autoréduction aux Galeries Lafayette de Rennes. Une
trentaine de personnes ont rempli un panier, ehacune à leur guise, avant de se diriger vers les caisses, de refuser de payer et d'ex-
pliquer l'action. Après des négociations avec le directeur de magasin {e.g- proposition de l'échange du foie gras Fauchon avee eelui
premier prix), le collectif est sorti avec dix paniers qu'il a redistribué aux chômeurs devant les ANPE de Rennes. Sous le slogan
« face à laerise, nous réquisitionnons, nous partageons ».ces actions continuent à travers la Franee (Paris, Lille. Nantes. Strasbourg.
Rodez...). A la même période, pour « lutter contre la vie chère », un groupe d'Athéniens mène le même scénario en Grèce. Pour
eause : les prix ont augmenté de 4,9 % tandis que les salaires stagnent et certains produits de base sont aux prix les plus élevés
d'Europe, avancent les analystes.
De l'autre côté du globe, au Brésil, le « Mouvement de travailleurs sans emploi » (MTD) se mobilise depuis trois ans pour exiger
des produits j^ratuits lors de la période de Noël. Le 11 décembre 2008, le Supermarché Carrefour de Muni/ (banlieue ouest de
Buenos Aires) a dû. après deux heures de biocage, céder gratuitement 600 eorbeilles d'aliments de base et 250 kilos de farine pour
la pizzeria du MTD. Aux Etats-Unis, 1"autoréduction a pris une forme plus virtuelle : le site Re-code.eom a permis aux consomma-
teurs, pendant une courte durée, de choisir dans une base de données un des 150 produits jugés ehers, de générer un code-barres
eorrespondant à un prix choisi, de l'imprimer, puis de le coller sur le produit avant le passage en caisse.
Ces quelques exemples ne eonstituent pas un reeensement mais illustrent le caractère mondial du phénomène d'autorèduction. Les
actions semblent émerger essentiellement dans deux contextes ; l ) lors d'une hausse brutale et perçue comme injustifiée du prix
d'un produit/service, eelui-ej étant jugé comme essentiel par le consommateur (denrée alimentaire de base, électricité, loyer) ; 2)
lors des périodes de grande consommation (fëtes de fin d'année, ete.). Dans les deux eas, le pouvoir d'achat est au cœur de l'auto-
réduetion. puisque selon tes autoréducteurs, il est menacé ou insuffisant.

64 - Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ et Nil OZÇAGLAR-TOULOUSE

 Réactions des consommateurs

de I autoréduction et de la singularité de chaque action,
il était difficile de s apptiyer sur une grille d observation
a priori. Le chercheur a eu recours à des entretiens in-
tbrmcls. à des prises de notes a posteriori et à la col-
lecte (¡artefacts telles que les tracts distribués avant et
après l'opération observée (annexe 1).
Une étude netnogniphiqtie a été effectuée afin d'iden-
tifier la construction discursive de I autoréduction.
Lohjectif était de comprendre comment la relation de
pouvoir est utilisée entre les parties prenantes pour (re)
définir la normalité rersus la déviance par rapport à la
notion dti vol. Développée aux Etats-Unis par les tra-
vaux de Kozinets (6, U), la netnographie (contraction
des mots network et ethnography) est une méthode
de collecte de données qualitatives sur Internet. Son
principal intérêt est de permettre de tmvailler sur des
phénomènes de consommation marginaux : » l'anony-
mat offert par le réseau ¡.. .¡permet aux adeptes d'un
ahjvt de consommation sensible (illégal, socialement
honteux, etc.) de s'exprimer plus librement qu'ils ne
le feraient dans l'espace réel » (6, p.54). La netnogra-
phie permet d'observer de l'extérieur les consomma-
teurs en interaction entre eux. Les forums analysés ont
été sélectionnés en raison de la richesse des échanges
entre internautes au moment de l'étude. Au total, plus
de 200 pages de texte (les commentaires postés par des
internautes au sujet de tracts ou d'articles de journaux
en ligne-^) ont été analysées. Les extraits de texte sont
présentés avec le surnom des internautes. Si Internet
offre un terrain d observation innovant, I identité des
informateurs reste incertaine. De plus, contrairement à
d'autres thèmes, l'autoréduction n'a pas suscité de vé-
ritable communauté virtuelle. C'est pourquoi une série
d entretiens avec des consommateurs ayant volé, no-
tamment dans le cadre d'actions d'autoréduction. a été
conduite de miuiiére complémentaire.
Douze entretiens semi-directifs ont été réalisés dans le
but d'explorer les motivations des voleurs. Les répon-
dants, recrutés de proche en proche ou par convenance,
ont été interrogés en face à face entre 55 minutes et 2
heures. Six des informants avaient activement participé
à des vols collectifs. Six autres avaient surtout commis
des vols individuels. Le guide d'entretien comportait
différents thèmes : trajectoire de vie personnelle et pro-
fessionnelle, répertoire d'action collective, rapport à la
consommation en général, à la consom action (achat
de produits bio, équitables...) et à Talterconsomma-
tion (mouvements Anti-pub, Décroissance. Faucbeurs
d'(^(iM), expérience de vol individuel et de vol collec-
tif (motivation, techniques...). Les extraits d entretiens
sont présentés suivis de l'initiale, du sexe et de l'âge de
l'interviewé.
Le disci)urs des répondants et les observations non par-
ticipantes (sur le net ou sur le point de vente) ont été
analysés selon une approcbe interprétative. Les faits, les
discours des acteurs, les recherches scientifiques ont
été confrontés (1,2). A ce titre, une analyse de contenu
manuelle a été réalisée à partir des entretiens et des dis-
cours recueillis sur Internet et a permis d'idcntiiicr la di-
versité des niveaux de signification de l'autoréduction.
Enfin, les chercheurs ont mobilisé le cor^ius théorique
afin d'interpréter le sens donné à l'autoréduction et les
motivations des autoréducteurs.
Pourquoi Kautoréducteur vole-t-il ?
Il existe u n e littérature ancienne, à défaut d'être abon-
dante, sur le vol en c o m p o r t e m e n t du consommateur
(9,17.18).ChezWiÎkes (18),le vol à l'étalage relève des
« aspects négatifs de la consommation », à l'instar de
l'achat compulsif. De n o m b r e u x travaux se focalisent

Tableau 1
Présentation de réchantillon

Nom Âge Sexe Profession Niveau d^études

A. 24 H Etudiant Bae-l-4 (en cours)
T. 27 H Salarié à mi-temps dans une association Bac-1-5
de défense des chômeurs
S. 35 H Chômeur Bac+ 2
P 26 H Etudiant Bac+ 3
S. 25 H Etudiant Bac+ 4
C. 28 F Chargée d'études Bac+ 5
p 21 H Etudiant Bac -t- 5 (en cours)
A. 41 F Assistante dentaire Bae-t-2
M. 60 F Femme au foyer Bac+ 2
M. 56 F Caissière Bac
M. 36 F Secrétaire Bac+ 2
H. 6! F Directrice pédagogique Bac+ 4

Décisions Marketing N°56 Octobre-Décembre 2009 - 65

 Augmenter ie pouvoir d'achat par ¡'autoréduction
sur la population des adolescents. Ils révèlent qu'en
dehors de son désir de se procurer des biens qu il ne
peut soit ñnaneiérement, soit légalement pas acquérir,
comme l'alcool, ¡adolescent vole pour se prouver à lui-
même comme à ses pairs qu'il en est capable (9). Les
recbercbes en comportement du consommateur ont en
commun de concevoir le vol comme un acte individuel,
même sil est susceptible d être influencé par autrui, et
d identifier un certain nombre de motivations et de fac-
teurs facilitant le passage à 1 acte. Les principales moti-
vations retenues sont la tentatit)n, le calcul économique
mais aussi le plaisir pris à lacté lui-même. Quant aux
circonstances qui facilitent le passage à I acte, la litté-
rature retient la facilité à se justifier et les conditions
économiques du voleur.
Le vol comme résultat d'une tentation
Le consommateur qui vole est d abord un individu tenté
par des produits nombreux, et souvent bien mis en va-
leur dans les points de vente - on parlerait aujourd'bui
de théâtralisation de l'offre.
" L'année dernière, ¡'suis allé au forum social à Mal-
mö, et Ici sur J-é Jours on a tout volé. On était en-
semble. C'était trop facile, Ht y'a pas de caméras. On en
a proßte pour voler des trucs hyper cher, du caviar /»
(T.bomme, 27).
Les produits sont à la fois désirables et à portée de main
(9). On retrouve ces mêmes ingrédients dans les travaux
de Bonnet (T) sur le vol interne : les employés volent
des sandwichs parce qu ils sont tentants et en libre-ser-
vice. Pour certains employés, cet acte est même perçu
comme un complément de rémunération. Dans cette
perspective, le vol du consommateur apparaît comme
un sous-produit de la société de consommation, l'éma-
nation indésirable, presque le dommage collatéral.
Le vol comme résultat &un calcul rationnel
Cette deuxième conception est conforme à la vision
micro-économique. Le consommateur vole parce qu'il a
plus à gagner qu'à perdre en vi)lant. Trois facteurs sont
à prendre en considération dans ce calcul. Le consom-
mateur vole soit parce que les sanctions sont faibles (sur
le plan p.sycbologique, social ou pénal), soit parce que
la probabilité de se faire surprendre est faible, soit enfin
parce que les bénéfices attendus sont très élevés (dans
ie cas d une fraude fiscale, par exemple). Ce raisonne-
ment est présent dans le vol interne (7) mais aussi pour
les milliers de consommateurs anonymes qui avouent
avoir volé une fois ou lautre dans leur existence, parce
que les circonstances étaient favorables (17). Parfois. le
calcul est sophistiqué et formellement posé, cbiffres
à l'appui. C'est le cas notamment de la fraude dans le
métro. La probabilité de .se faire prendre et le coût de
l'amende sont faibles et pour celui qui prend régulière-
ment les transports en commun, le bénéfice potentiel
peut apparaître élevé :
« Voilà, l'amende coûte 40 €, en moyenne Je me fais ar-
rêter peut-être une fois par an, donc du coup f...} Par
contre à Lille, je ne fraude pas, fe ne fraude pas parce
66 - Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ et Nil OZÇAGLAR-TOULOUSE
qu'il y a des contrôleurs partout. » (C. femme, 28).
Dans cette logique, des autoréducteurs de !a RATP ont
créé des « mutuelles de fraudeurs ». \£s usagers-frau-
deurs payant une contribution annuelle peuvent bé-
néficier de ces caisses communes qui remboursent les
pénalités lorsque ceux-ci sont verbalisés.
Le vol comme source de plaisir et d'exci-
tation
u ne faut pas .sous-estimer la dimension plaisir de l'acte
de vol lui-même : « C'est excitant » (R, homme, 22) à
propos de la fraude dans ie métro. C^ette excitation ex-
plique l'attrait du vol à I étalage dans des catégories
de consommateurs à la recherche de sensation ou de
limites, comme les adolescents (9). Certains autoréduc-
teurs semblent y être sensibles.
« Franchement c'est limite une drogue, quand fe suis
rentré de Malmô, fallait que Je vole. C'est le p'tit coup
d'adrénaline. C'est vachement excitant et ptiis y'a
le risque. Les taggueurs le disent beaucoup, le shoot
d'adrénaline. Y'en a qui sont vraiment ¿i la recherche
de ça... Repartir avec un truc. Je ne sais pas, ,iO euros
de Joie gras, c'est des victoires, des petites victoires sur
ceujc qui organisent l'exploitation de la terre et des
h<mimes » (T., homme, 27).
¿e vol comme acte facile à justifier ou
dénier
Dans rétude pionnière de Wilkes (18), les consomma-
teurs ne perçoivent pas comme un vol le fait de ne
pas faire remarquer une erreur de caisse en leur faveur,
parce que c'est l'entreprise qui, selon eux, est en tort.
De même, voler un magasin dans lequel on fait habituel-
lement ses courses et aux bénéfices duquel on contri-
bue régulièrement pose moins de problème au candidat
au vol, qtii estime que le magasin s'y retrouve au global.
La po.s.sibilité de rationaliser son acte est essentielle et
s'apparente aux tectiniques de neutralisation qui per-
mettent à 1 individu de retrouver un équilibre psycholo-
gique après un acte déviant (18). Certains des consom-
mateurs interrogés se situent dans le déni : " ce n'est
pas du vol parce que ce n'est pas méchant. Je ne lai
pas volé. Je l'ai Juste payé moins cher » (A.,témme,4l,
à propos du changement d'étiquette de prix). Le terme
même de vol est d'ailleurs évité : « ils ne vont pas dire
'ouais. Je l'ai volé', ils vont dire 'tiens, regarde, J ai em-
prunté cela'ou bien 'c'est offert par Monoprix' » pré-
cise par exemple C. (femme, 28), à propos d'amis qui
volent dans les magasins.
Le vol comme réponse à un problème
économique
II ne faudrait pas oublier que, parmi les circonstances
qui facilitent le passage à l'acte, le manque de moyens
financiers joue un rôle essentiel pour certains consom-
mateurs. L adolescent qui vole un vêtement dans un ma-
gasin est parfois dans l'incapacité financière de le régler.
Certains de nos répondants ont commencé à voler pen-

dant une période éconotniquement difficile : " C'était
plus ttit besoin, parce (¡tt'il y a eti tin moment où je
n'itrais pas assez d'argent. Jai commencé pour ça,
après l'argent est revenu et ¡es habitudes ont conti-
ntté » (A., homme. 24). On conçoit donc qu'il y ait un
lien entre l'absence de pouvoir d achat et le vol.
Les vols des « Rohins des bois des supermarchés »
contemporains, tels qu'ils sont appelés par les médias^
peuvent-ils s expliquer ù la lumière de ces différentes
motivations et circonstances ? En partie sans doute. Il
existe une indéniable dimension de tentation : l'autoré-
duction porte entre autres sur des produits chers ou des
produits destinés à fêter le réveillon, comme le foie gras
et le saumon, et qui sont attirants pour les consomma-
teurs. Le caractère rationnel est éclatant dans la stratégie
d'action, notamment à travers le choix de l'après-midi
du réveillon pour réaliser Topération, quand le maga-
sin est plein et qu'une intervention policière risquerait
d'être mal perçue par les clients. Les autoréducteurs
parlent de leur action comme source de plaisir. Quant
à la rationalisation, elle est à la base même de l'action,
pui.sque les membres de l'opénition expliquent longue-
ment uu personnel les raisons de leur geste,
(x-pendant, deux caractéristiques de l'autoréduction
ne peuvent pas s'expliquer à Taide de la littérature .sur
le vol en comportement du consommateur. D'abord,
le montant comme I identité des voleurs sont parfaite-
ment conntis, et plutôt que de vol. il faudrait sans doute
légalement parler d extorsion puisque les marchandises
franchissent les caisses sans être réglées, sous l'effet
d une menace de blocage du magasin. Mais surtout, lac-
tion de ees « Robins des bois » n'est pas celle d'individus
isolés et tentés et qui tireraient profit d"une opportunité
soudaine. C'est au contraire une action colleetive qui se
réclame de la justice et qui s apparente davantage aux
< nouveaux mouvements sociaux >• (8,10) qui font de la
consommation un lieu d'expression politique (11.15).
L'autoréduction, un mouvement
social ?
Une action collective
Être perpétrés à plusieurs ne suffit pas à faire de ces
vols une action colleetive. Dans une perspective so-
ciologique en effet, l'action collective nécessite un
objectif partagé, un contexte de coopération avec cer-
tains et d'opposition avec d'autres, et une tentative de
constitution d'un collectif plus ou moins formalisé (8).
Si les deux premiers éléments semblent bien présents,
on petit s'interroger sur la présence du troisième. Ces
collectifs apparaissent comme plutôt éphémères et ins-
tables (10,11). En particulier, ils ne se revendiquent pas
d'un mouvement de consommateurs spécifique, qui
aurait une existence juridique, à l'instar de nombreux
collectifs de consommateurs (association Loi 1901 ou
syndicat). Cette absence d'existence semble être I une
des caractéristiques profondes, les protagonistes s'ins-
pirant plus de la logique de la « guérilla urbaine », qui
Réactions des consommateurs
refuse toute institutionnalisation par le statut.
Le cotinmt de la mobilisation des ressotirces (8) aide à
mieux comprendre ce qui permet à des autoréducteurs,
n'ayant pas de réelle existence collective en tant que
groupe, de passer à l'action collective. Certains autoré-
ducteurs, que nous potirrons qtialifier d'entrepreneurs
de protestation (8), identifient des actions collectives
congénères pour attirer des membres « sympathisants »
à la démarche de l'autoréduction. Ainsi, la plupart des
autoréducteurs possèdent un répertoire d'action collec-
tive, où ils puisent des formes de protestation pltis ou
moins codifiées, telles que les actions anti-pub, les ma-
tùfestations, la rédaetiiin d iin journal contre-culttirel...
Les autoréducteurs possèdent une véritable boîte à
outils (vocabtilaire, tracts, slogan, manuel du « voleur »,
techniques d'opération...), ils partagent tine culttire
commune, acquise notamment à travers les mêmes lee-
tures (certains de nos répondants évoquent des auteurs
anarchistes, des romanciers comme Perec OIL Vian ou
alors la pièce de théâtre <• Faut pas pa)er » de Fo, tnais
aussi des essayistes qui dénoncent le système écono-
mique actuel iNaomi Klein.ChristianJacquiau...).Nulle
référence n'est faite ni mi vol, ni à la morale. Le terme
employé est systématiquement celui de l'autoréduction.
Le vocabulaire utilisé est indéniablement celui de l'ac-
tion politiqtie et il est présent dans les slogans utilisés ;
« Ni exploités, ni soumis », « La grande distribution de
la grande distribution », « Face à la crise et ati chômage,
réquisition et partage ». Les tracts distribués lors des
actions expriment clairement l'opposition au système
capitaliste :
« Pour ¡a première fois depuis longtemps, cette crise
rend palpable qtie le capitalisme comme période de
l'histoire humaine petit anirer ¿t sa ßn. L'autoréduc-
tion est tine tradition de lutte des mouvements de chô-
mettrs et de précaiivs que nous appelons à développer
maintenant, en cette année i/tti s'annonce ricl)e en
révoltes Joyeuses /.../ Soldes de 100% avant Je r met tnv
définitive du capitalisme >• (Extrait du tnict diffiLsé à
Paris lors de l'action du .^1 décembre 2008 au Mont)prix
de la rtie du Faubourg St Antoine).
Le caractère organisé de l'opération est indéniable.Avant
l'opération d'autoréduction, le supermarché visé fait
l'objet d'tme analyse portant sur le nombre de portes et
de caisses ainsi que sur l'accessibilité des entrées et des
sorties. Le rapport de force est soigneusement calculé
(nombre de caisses / nombre d'autorédticteurs) :
« Y'a d'abord 8 ou 10 personnes qui partent qtii Jont
des caddies incognito. On s'organise avant, on sait
ce qu'on va ptvndre. On avait des listes de choses à
prendre. Tout ce qui est boujjé déjii, des trucs pas trop
périssables, des boites, etptiis des trucs d'hygiètte atts-
si, parce qu on pensait l'amener atix Roms qtti ont
des conditions d'hygiène vraiment pas terribles. L'idée
c'était ça atiSSi, pivndre des brosses ¿t dents, des ser-
viettes hygiéniqttes, savons, shampooings... On est eti
contact par téléphone, avec les gens qui sont à l'in-
tériettr et qtii sont à l'extériettr. Ihie Jbis qtte les gens
qui sont ¿t l'intérieur disent 'on est tous prêts', lii on
i>a aux caisses. A ce tnament-là totit le monde rentre
et puis on bloque les caisses. Les gens qui sont
Décisions Marketing N°56 Octobre-Décembre 2009 - 67
 Augmenter le pouvoir d'achat par l'autoréduction
caisses ne bougent plus et on demande à parler au
patron. Les clients qui sont à l'intérietir ne peuvent
pas sortir. L'idée c'est ça, cest el arrêter le flux des mar-
chandises. » (T., hommes, 27)
Ainsi, ils rendent leur action visible, la perpétrant en
plein jour et à une heure de forte affluence ; ensuite,
ils développent à lenctintre du personnel du magasin
(hôtes de caisse, vigiles) comme envers les clients un
discours construit, réclamant de rencontrer le directeur
pour lui exposer leur action et ses motifs : enfin, ils es-
sayent de faire des clients et du persomie! présents dans
le point de vente pour le moins des spectateurs privilé-
giés de leur action, voire des complices par passivité ou
par soutien verbal.
« Notamment quand on a commencé à distribuer di-
rectement derant le tnagasin at'ant de partirpltis loin
parce que les /lies allaient débarqtier. et y'a pas mal
de gens qui nous disaient 'ab, c'est bien ce que votis
faites, t'ousat'ezraison', mêmedesgettsqui votdaient
pas prendre, en disant moi j'siiis pas nécessiteux, j'ai
pas besoin de ça', mais qui nous disaient que c'était
bien. Donc c'est une manière petit-être un peu radicale
de dénoncer et voilii on s'iimite pas à dénoncer, on
essaie aussi de s'y attaquer ». (S., homme, 25)
" Qttand on est arrivés Ici-bas on a eti tin super contact
ai'ec ¡e videur, qtii était trop content qti'on fasse ça.
Avec les caissiers, pareil, ils nous ont dit : 'vous at>ez
raison, le patron c'est vraiment un connard' ». (T.,
homme, 27)
Cepend:uit, du côté du personnel, le vécu est plus
confus. Une hôtesse de caisse souligne ; « nous aussi.
nous sommes dans la précarité mais on ne cole pas.
on travaille » (note d observation). D autres relèvent la
violence symbolique de l'opération : beaucoup se sen-
tent agressés, voire visés personnellement en étant em-
ployés par la grande distributiim.
Contrairement au consommateur-voleur, qui commet
un larcin avec le souci d'être le plus discret possible, les
groupes qui opèrent dans les supermarchés se veulent
visibles et inscrivent leur démarche dans une logique de
justice sociale.
Sous-tendue por une quête de justice
sociale
Le discours des autoréducteurs n'est pas animé par
l'égalisation de conditions de vie pour tout le monde
mais plutôt par la possibilité pour ciiacun de réaliser ses
objectifs personnels, à travers des critères tels que pou-
voir se nourrir se déplacer, vivre dans la propreté, etc.
a C'est d'abord de la débtrjuille... De latitodéfense so-
ciale, y'en a qui disent. C'est de la survie quoi. [...]
C'est aussi montrer et d'autres qti'on n'est pas obligés
de mendier tout le temps.Au départ on était 5-6, 10, et
puis on a organisé tme autoréduction, et on est repar-
tis avec plein de trtics ci manger, etc. Et. c'est aussi le
motttrer atix gens, on n est pas obligés de subir. Mon-
trer aux gens qui sont autour et aux gens à qui on
va redistribuer. Parce que l'idée c était aussi de redis-
tribuer à Wazemmes. de tvdistribtter atix Roms, aux
sans-papiers et de dire que voilà on peut s'organiser.
68 - Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ et Nil OZÇAGLAR-TOULOUSE
y'a pas de honte à voler les supermarchés parce que
c'est des voleurs... » (T., homme, 27)
De plus, les autoréducteurs .semblent s'apparenter aux
« nouveaux militants » (10) de par leur engagement li-
mité dans le temps et sur leur objectif ciblé, leur désir
d action (plutôt que de l'organisation), leur quête de
rapidité et d'efficacité et leur usage intensif d'Internet.
Si le champ d'application de l'autoréduction est bien
celui de la consommation et que les questions de pou-
voir d'achat y sont clairement abordées, c'est bien sur
le terrain de la politique que les acteurs entendent po-
sitionner le débat.
n Vol : c'est pas connoté politiquement, alors que ré-
quisition, autoréduction, c'est forcément connoté po-
litiquement. Pour moi ça s'inscrit dans un cadre poli-
tique tout ça. Par e.xemple les actions d'autoréduction
des ouvriers italiens dans les années 70. c'était par
nécessité, mais ça s'inscrit dans une lutte plus globale.
C'était pas seulement une question de moyens, y'atis-
si des revendications derrière. Donc, c'est en ça que
J'pense que c'est politique, et dire'jevole'quand on ne
paie pas son loyer, ça dépolitise." (S., homme. 23)
c;e sens doit bien entendu être porté par les protago-
nistes mais aussi par tous ceux qui, soit directement,
soit à travers les médias, en ont connaissance. Dès lors,
l'analyse des réactions suscitées par l'autoréduction
mérite d'être analysée. Les internautes commentent
abondamment les actions sur le net et ils placent le
débat sur deux terrains conjointement : celui de la po-
litique et celui de la morale. Les actions menées par
les autoréducteurs sont loccasion d'affirmer des po-
sitions idéologiques et de présenter, faits et chiffres à
l'appui, les avantages et revers des différents systèmes
économiques : Karl Marx et Adam Smith sont convo-
qués, sans oublier la dimension politique (« c'est à
l'Elysée qu il fa/lait tilier chercher j'oie gras et sa ti-
mon » dit un internaute). Mais une part importante des
commentaires concerne l'aspect moral de l'action. Ce
« vol >'. il est même question de « pillage •>, peut-il être
justifié ? L'argumentation ne met jamais en avant le ca-
ractère religieux et charitable de la fête à l'origine de
l'autoréduction (la fête de Noël). Certains internautes
condamnent vigoureusement l'acte, pour des raisons
niíírales : « tout ceci se résume à un braquage de ma-
gasin et mérite donc des condamnations adaptées. Il
faut arrêter de délirer et de chercher à jttstijier n im-
porte quoi » (Karamba !). La uto réduction est considé-
rée comme un vol à part entière, et voler est une perte
de dignité : •* C'est dégoûtant, malhonnête, sale et ré-
pugnant, j'ai faim tnais je ne vole pas et je suis fier
de moi » (Sienna).
£f légitimée par les internautes observés
Si certains internautes condamnent l'acte de vol, la plu-
part de ceux qui sont présents sur les forums présente
un degré de tolérance élevé à l'égard des autoréduc-
teurs et utilisent toutes les techniques de neutralisation
classiques pour justifier l'autoréduction :
• Déni de faute : ce n'est pas leur faute, parce qu'en
France aujourd'hui « personne ne doit souffrir de

la faim » (ÜSTOP !!). C'est une questioti de dignité
|ioiir les uns, un acte de désespoir selon d'autres.Ainsi,
lorsqu il s'agit de nourrir .ses enfants, il est aeceptable
de voler : « Voler de la nourriture pour ses enfants,
c'est m¿tl et oit petit aller en prison. Laisser ses en-
fants motirir de fa itn, c'est ntal aussi et on t'a, sû-
rement, en prison. Des deux maux autant choisir le
moins pire, surtout pour les enfants » (Cipas).
• Déni de responsabilité : les effets de l'autoréduetion
sont minimisés et comparés aux comportements des
banques ou des patrons. « Oui, c'est du fol f Mais il
y a des fois qtii dérangent tnoins qtie d autres ! Les
banqtiiers qui ont joué avec le fric des petits épar-
gnants ça. ça nte dérange tin peu pltis ! » (Midami).
« Les banquiers ptqttent dans la caisse, les patrons
bandits négocient lettrs primes de licenciement
ai'ant même de se mettre au boulot... Lesptiissants
accumulent les fortunes générées par le travail des
ottrriers... Les actionnaires sttpprinwnt des emplois
ptnir gagner plus encore » (LibertéEgalitéFraternité).
• Déni de victime : les Robins des bois agissent comme
ils le font, simplement parce que les autres en font
tout autant. Ne pas le faire serait devenir victime soi-
métiie. « Monoprix Je n'yvaispltts depuis longtemps,
c'est tino chititte de bobos, les prix y sont prohibitifs,
(jtKtnd on sait quils augnwntent leur chiffre d'af-
faires de 20% par an et que leur personnel est payé
au lance-pierre, je ne vais pas pleurer sur leurs dé-
boires » (Suburb).
L'autoréduetion,
un acte de résistance ?
¿a nature de la résistance collective
Puisqtic les ititernautes comme les protagonistes situent
le débat sur le terrain de la société de consommation et
de la contestation de ses méthodes, il est tentant d ap-
préhender k- phénomène comme une nouvelle manifes-
tation des actes de résistance des consommateurs. Ces
actes, qui se sont développés au cours de la dernière dé-
cennie, avec des mouvemetits comme Casseurs de Pub
ou Brigade anti-pub ont fait l'objet d un intérêt impor-
tant de la part des chercheurs. Quatre dimensions ont
été suggérées par Peñaloza et Price (14) pour qualifier la
résistance : le caractère collectif versus individuel, la di-
mension radicale verstis réformiste, l'identité de Tobjet
de ia résistance - le sens ou le mix du produit - et enfin
le rapport aux institutions marketing. En suivant cette
classification, on obtient une première image de i'au-
toréduction. Il s'agit tout d'abord d'une résistance col-
lective, et non individuelle même si, une fois encore, le
collectif n est pas nécessairement stable dans le temps.
De plus, ses visées sont radicales ainsi qu'en atteste le
discours anticapitaliste parfois violent qui figure sur les
tracts distribués par les membres de l'action d'autorè-
duction. Par ailleurs, l'action s'attache à modifier le mix
marketing - puisqu'il s'agit purement et simplement de
stipprimer la variable prix - sans pour autant modifier
Réactions des consommateurs
le sens du produit : le fois gras et le saumon s'imposant
au contraire comme des denrées tr;iditionnelles pour
le réveillon et leur sigtiification de produits festifs ti'est
nullement remise en cause. Enlin, la relation avec les itis-
titutions et agetits du marketing est forte : les atitt)réduc-
teurs s'intègrent parfaitement au fonctionnement de la
distribution, en respectent le script : ils se comportent
comme des clients habituels, remplissent leur chariot,
et ce n'est qu au moment du passage en caisse que leur
différence se manifeste.
Si cette classification éclaire la nature du phénomène.
elle ne permet cependatit pas de répondre à la ques-
tion : !'autoréduction est-elle une forme de résistance
du consommateur ? Dans la mesure où I'autoréduction
propose une contestatioti explicite des pratiques ct dis-
cours des entreprises, l'analyse portera stir la remise en
cause de la légitimité de ces dernières. Selon Roux (16),
la résistance du consommateur aux tentatives de légiti-
mation des firmes peut se situer à trois niveaux : l'offre
de biens et services, la mise en œuvre de rechange et
enfin le discours tenu pour faire apparaître l'entreprise
comme un partenaire valable. En ce qui concerne l'offre
proposée par les firmes, loin de remettre en cause les
produits eux-mêmes, les autoréducteurs les recherchent
et s'en emparent. Par contre, ils s'inscrivent dans une dé-
marche de résistance en magasin, refusant de prt)céder
au paiement des marchandises sélectionnées, comme
des décennies de libre-service leur ont inculqué l'usage.
Enfin, ils bafouent par leur action les tentatives de légi-
timation des entreprises qui se présentent comme dé-
fenseurs des consommateurs et de leur pouvoir d'achat.
Ce sont en effet essentiellement les distributeurs qui dé-
veloppent un discours pro-consommatcurs (en faveur
du développement durable et du « prix juste » pour Mo-
noprix, centré sur la défense du pouvoir d'achat chez
Leelerc) qui sont la cible d'autoréducteurs.
Des autoréducteurs, conformistes,
déviants ou résistants ?
Le fait que I'autoréduction ne se présente pas comme
une remise en cause des produits eux-mêmes ou de la
consommation est l'une des caractéristiques principales
de cette action. Elle fait débat pour les commentateurs
sur Internet, certains y voyant une soumission au sys-
tème : « D'où vient cette idée débile qu'un réveillon
(...) n'est pas digne s'il n'est fêté acec satimon et foie
gras ? Cette aberration nous vient justement du sys-
tème consumériste (Fishdrake. 4/01) ». Ces commenta-
teurs renouent avec l'analyse critique de Iiaudriltard (4)
sur la manière dont la société de con.sommation oriente
les goûts et les désirs. La référence au statut n'est pas
loin, foie gras et saumon - les deux produits qui sont
cités et mis en avant dans les commentaires des jour-
nalistes comme des internautes - sont des produits de
luxe, à forte connotation symbolique, que veulent s'ap-
proprier les autoréducteurs à la fois pour leur valeur
d'usage (se nourrir) et leur valeur dt- signe (en lien avec
d'autres signifiants sociaux tels que le pouvoir, la culture
ou l'inclusion dans la société). Ainsi, par le choix des
proditits, les autoréducteurs semblent s'apparenter plus
Décisions Marketing N^öß Octobre-Décembre 2009 - 69
%• Augmenter le pouvoir d'achat par l'autoréduction
uu consommateur de standing, qui relève d'une logique
traditionnelle de recherche de l'ostentatoire que de l'hy-
perconsommateur décrit par Upovetskj' (12) comme
hédoniste et individualiste, à la recherche d'expérience.
Mais le tableau est plus complexe encore. Les autoré-
ducteurs s'emparent de ces symboles, non poiir leur
usage exclusif mais dans un objectif de partage et de re-
distribution aux plus démunis : l'action collective dans
le point de vente génère une autre expérience com-
mune de consommation. Et cette consommation collec-
tive peut être vue comme une forme d'émancipation du
marché et une forme de résistance (11).
S'agit-il d tine déviance des normes, règles ou attentes
de la société de consommation ? Selon Becker (5). la dé-
viance est la transgression des normes instituées par les
groupes sociaux. Ainsi, un comportement ne peut être
considéré comme déviant en soi, U ne le devient que
lorsqu'il est étiqueté comme tel lors d'une interaction
sociale. Du point de vue des autorédticteurs, le marché
constitue un ensemble de normes et règles imposées
par les acteurs économiques et politiques pour disci-
pliner les consommateurs. Ainsi, les autoréducteurs ne
se considèrent pas comme déviants puisqu ils ne font
qu'exprimer leur sentiment d'injustice face aux ri-
chesses déployées dans les magasins et dont ils se sen-
tent exclus en raison de leur situation précarité.
« Pour moi c'est pas toujours du vol. C'est de ¡'autoré-
duction. C'est pas du roi parce c/ue quand tu es volé,
revoler derrière cest pas... c'est de l'autoréductitm.
C'est pour ça que ça s'appelle autoréduction et pas
vol, parce que vol, c'est stigmatisé. » (S., homme. 25)
Dans ce rôle de nouveaux « entrepreneurs de morale «
(5), les autoréducteurs se reconnaissent comme voleurs
ou veulent être reconnus comme tels. Il s agit de valo-
riser et de transformer le stigmate. Ils déplacent ainsi
le curseur de la norme. Par exemple, si lautoréduction
au supermarché est acceptée pour rétablir la justice (le
bien), dans certains contextes sociatix cotnme sur les
marchés, chez Emmaiis.ou auprès d amis ou d'individus
précaires, il ne faut pas voler (le mal),
n Quand Je fais les courses, Je vole à chaque fois main-
tenant Mais pas au marché, parce que... c'est un peu
politique parce quejaipas envie de voler à n importe
qui, quand Je vais voir un maraîcher au marché, il
m'a rien volé...ILs se lurent à 5h du mat pour vendre
leurs légumes, ils se les caillent dehors, non. Je ne vole
pas au marché. » (S., homme. 25)
" Pas les épiciers. Pas parce que c'est trop difficile mais
parce que J'ai pas envie de le faire. Et pas non plus les
personnes directement, gentvpickpocket /.. ./Je n irais
pas voler à Emmaiis ! Y'a pas besoin de sanctionner
à mon avis Emmatis, mêtne si Je trouve un p'tit peu
con que Emmaiïs doive exister, qui fait rien de mal
comme le peut un supermarché, qui de toute façon
choisit les prix à quel niveau ils sont, dont les em-
ployés, les caissiers sont exploités.., » (A., homme, 24)
Quel statut pour ces autoréducteurs ?
Faut-il voir dans 1 autoréducteur une nouvelle figure
du consumérisme, aux côtés du consom'acteur et de
70 - Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ et Nil OZÇAGU\R-TOULOUSE
l'alterconsommateur proposés par Rémy (15) ? Rémy
s'appuie sur l'analyse de Hirschman,qui voit dans l'his-
toire des sociétés capitalistes une succession de pé-
riodes de turbulences et d'action publique, au cours
desquelles la contestation s'exprime bruyamment et
collectivement et des périodes de bonheur privé, de
repli sur soi et sur les valeurs de bien-être familial. Dans
le domaine du consumérisme, nous serions entrés dans
ime nouvelle période de contestation, dominée par
deux nouvellesfigures,le consom'acteur qui cherche à
réformer le système de l'intérieur et l'alterconsomma-
teur, plus révolutionnaire, qui cherche plutôt à échap-
per au marché.
L'autoréducteur emprtinte au premier sa capacité
à faire de la consommation un acte politique, en de-
hors des voies traditionnelles de l'action politique.
Si la consommation est un thème important dans te
discours politique, notamment à travers la notion de
« pouvoir d'achat », le (siiper)marché devient pour
rautoréducteur « une arène pour la politique, qui
implique des acteurs d'ordinaire moins présents en
tant que décideurs importants dans ¡a sj)hère poli-
tique traditiontielle et cela implique des méthodes
d'action qui font rarement partie du répertoire tra-
ditionnel de l'action politique et de ¡a participation
politique » (13, p. 136). Cependant, contrairement au
consom'acteur, il ne cherche pas à faire évoluer le sys-
tème de lintérieur.
Far ailleurs, il partage avee l'alterconsommateur un dis-
cours très critique sur le capitalisme, mais sa remise en
cause porte moins sur les fondements de celui-ci que sur
ses conséquences en matière de génération de laissés-
pour-compte. Et là où l'alterconsommateur prône la ré-
duction volontaire de la consommation, l'autoréducteur
réclame une répartition plus équitable de la consomma-
tion, voire une augmentation pour ceux qui n'y ont pas
un accès plein et entier. C'est pourquoi sa revendication
principale est celle du pouvoir d'achat, pour un accès
ègalitaire aux riches.ses et à la consommation. Cette co-
habitation des nouvelles figures du consumérisme et de
l'autoréducteur n'est pas pour surprendre si l'on se ré-
fère à la description que Lipovet.slq' (12) dresse de notre
société d'hyperconsommation dans son Bonheur para-
doxal (2006) : «- Cest ainsi que l'âge du bonheur para-
doxal appelle des solutions elles-mêmes paradoxales. Il
nous faut clairement moins de consommation, enten-
due comme imaginaire proliférant de la satisfaction
(...). Mais il nous faut aussi, à certains égards, plus de
consommation : cela pour faire reculer la pauvreté,
mais aussi pour aider les pers<mnes âgées et soigner
toujours mieux les populations ".
Conclusion
Cet article s attache à un phénomène aujourd'hui margi-
nal et que l'on peut interpréter comme un signal faible,
annonciateur de revendications économique et sociale
(justice sociale, équité dans l'échange, transparence
sur la filière et la chaîne de valeur), qu'un contexte de
crise économique potirrait amener à multiplier. Ces re-

vendications s'expriment déjà dans la consom'action
ou l'alterconsommation (15). Opendant. elles peuvent
prendre des formes plus préjudiciables aux acteurs
économiques, tel que l'illustre le cas de l'autoréduc-
tion. Cette recherche présente dès lors un double inté-
rêt :
• replacer Tautoréduction au sein d'un répertoire plus
vaste d'action, développé par des consommateurs qui
ne peuvent être assimilés ni aux alterconsommateurs
ni aux consom'acteurs que la littérature marketing ré-
cente a identifiés ;
• permettre à la Grande Distribution, d'adopter des ré-
ponses les plus adaptées possibles, grâce à la compré-
hension fine qu'elle en aura acquise.
Avant de préciser les principales conclusions de ce
travail, il convient de rappeler les limites.Tout d'abord,
comme toute recherche s intéressant à un objet encore
peu exploré, elle s'est attachée à en définir les contours
et à en proposer une lecture, au détriment sans doute
d'une approche plus fine des diverses formes d'action
et d'une investigation approfondie des groupes qui se li-
vrent à l'autoréduction. Ensuite. le choix de s'intéresser
aux motivations des autoréducteurs et à la signification
de l'action a conduit à ne pas approfondir le point de
vue de l'ensemble des parties prenantes. Néanmoins la
présente analyse laisse supposer qu'il y a aussi une pos-
sibilité d'approcher l'autoréduction sous l'angle de sa
valeur morale, juridique, économique et politique selon
les différentes parties. Par ailleurs, si la multiplication
des métliodes (observation, entretiens et analyse de do-
cuments) tente de pallier les difficultés d'accès au ter-
rain sur ce thème sensible, elle ne peut compenser tota-
lement la faiblesse du nombre d'opérations observées.
Lapport principal de lanaiyse est sa proposition de
lire l'autoréduction comme un acte militant collectif
qui semble trouver ses adeptes dans deux catégories
principalement : les précaires et ceux qui adhèrent aux
principes libertaires. Les premiers sont des individus
en situation de précarité essentiellement économique
(chômeurs, travailleurs précaires, employés à temps par-
tiel,..) qui se sentent exclus de la société de consomma-
tion, mais aspirent à s'y intégrer. Les seconds sont des
militants de divers bords, qui ont en commun d'avoir
développé un discours qui légitime l'appropriation de
produits vendus par la grande distribution par le fait
qu'il s'agit du produit d'un vol et d'une violence sur
le petit producteur. le salarié ou le consommateur. Ces
deux profils ne sont cependant pas disjoints : de nom-
breux militants sont aussi dans des situations précaires
ou les vivent comme telles (étudiants, salariés d'associa-
tions, etc.). L'autoréduction est un mode d'action que
les précaires perc^oivent comme apte à leur rendre leur
dignité (« c'est une question de fierté aussi » déclare
lun des participants à une opération qui a redistribué
les produits conquis en magasin aux chômeurs de
l'ANPE voisine). Elle permet d'autre part à des militants
qui développent des discours contestataires et antica-
pitalistes de passer à l'action. L'autoréduction est le fait
de groupes qui se constituent parfois pour la mise en
œuvre d'une opération unique et qui se dissolvent en-
suite. Ce dernier point, qui invite à reconsidérer la no-
Réactions des consommateurs
tion de collectif, est certainement l'une des caractéris-
tiques íes plus originales de l'autoréduction.
Pour un distributeur, une autoréduction dans un maga-
sin est une affaire délicate. Il s'agit d'une forme de crise
que le point de vente aura à gérer. Différentes dimen-
sions de cette action doivent être prises en compte au
moment de choisir un mode de réponse.
1. // s'agit d'ttne action collective : Les participants à
l'opération sont bien sûr ceux qui bloquent les caisses
en refusant de régler le montant des caddies qu'ils ont
remplis, mais aussi ceux qui bloquent lacees au maga-
sin, ceux qui distribuent les tracts et expliquent aux
clients leur geste ou encore les sympathisants restés à
l'extérieur du magasin qui guettent l'arrivée éventuelle
des forces de l'ordre. Si le service de sécurité est habitué
à gérer des individus ou des petits groupes, il pourrait
être déconten:mcé par la taille du collectif présent dans
le point de vente ;
2. //s'itgit dune action organisée mais sans t^éritable
meneur : Si l'opération est nécessairement à l'initia-
tive d'un petit groupe, elle se diffuse rapidement à tra-
vers des réseaux de sympathisants, par un |ihénoniêne
de contagion pas toujours maîtri.sé par les initiateurs.
Deux conséquences pour la gestion de la crise sont à
souligner : le risque de rencontrer des •- passagers clan-
destins », qui viennent se greffer sur l'action mais avec
d autres motifs (d'où un risque non nul de pillage en
bonne et due forme du point de vente) et d autre part
la difficulté à identifier un interlocuteur pour négocier
la sortie de Topération. Même si quelques participants
demandent à rencontrer le responsable du point de
vente, ils ne maîtrisent pas nécessairement l'ensemble
du collectif ;
3. // s'agit d'une action parfois bien accueillie par les
autres clients : En dehors des clients pressés désireux
de quitter au plus vite le magasin, nombre de clients
manifestent à l'égard des participants à l'opénition une
certaine sympathie. Tous bien entendu n'adhèrent pas
à Tintégralité des revendications, certains les jugent il-
légitimes, mais d'autres sont sensibles à la situation de
précarité des participants. Us partagent l'impression de
prix élevés et de baisse de pouvoir d'achat mis en avant
et soupçonnent eux-aussi des marges abusives de la part
des distributeurs. Plus de transparence sur les méthodes
de fixation des prix et la chaîne de valeur pourrait pro-
curer à l'ensemble de la clientèle un sentiment de jus-
tice dans réchange, justice très clairement revendiquée
par les autoréducteurs ;
4. Il s'agit d'une acti<m susceptible d'être soutenue par
le personnel : Les revendications de pouvoir d'achat
comme la dénonciation de la précarité de l'emploi
peuvent trouver un écho parmi certains membres du
personnel. Le sentiment d'appartenance et l'adhésion
aux valeurs de l'entreprise sont alors des éléments sus-
ceptibles de parler en laveur du distributeur Sinon, les
employés pourraient être tentés d'adhérer au discours
des autoréducteurs.
Pour conclure, l'autoréduction est une revendication de
pouvoir d'achat même si celle-ci s'accompagne d'autres
considérations plus générales. Ses acteurs cherchent à
.se procurer des biens que leur situation financière ne
Décisions Marketing N°56 Octobre-Décembre 2009 - 71
 Augmenter le pouvoir d'achat par i'autoréduction

leur permet pas d'acquérir. C'est donc dans une logique tingham. Centre for Retail Research.
d'appartenance que s'inscrivent les autoréducteurs qui
demandent l'accès à ïa société de consommation et aux (4) Baudriliard .1. (1968).. Le système des objets, Paris, Gal-
limard.
produits qu'elle offre. En effet, la consommation a le
pouvoir d'inclure ou d'exclure des individus de la so- (5) Becker H.S. ( 1985). Outsiders. Études de .sociologie de
ciété. Pourtant, alors que les exclus de la consommation la déviance, Paris, Métailié (éd. originale 1963).
(précaires, chômeurs...) aspirent à s'intégrer, le marke-
ting les oublie souvent comme objets d'études. Dès lors, (6) Bernard Y. (2004). La netnographie : une nouvelle mé-
les entreprises s'exposent à des risques de radieali.sa- thode d'enquête qualitative basée sur les communautés vir-
tit)n. voire de normalisation de ce type de phénomènes tuelles de consommation, Décisions Marketing, 36,49-62.
qui vont à rencontre dti bon fonctionnement de l'acti-
vité économique. (7) Bonnet F. (2008) Un crime sans déviance : le vol en
interne comme activité routinière. Revue Française de So-
ciologie A9-2, 33 \-350.
Notes
(8) Cefaï D. (2007). Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théo-
ries de l'action collective, Paris, La Découverte Mauss.
1 La démarque inconnue coûte environ 71 milliard d'euros
chaque année atix distributeurs de par le monde (3).
(9) Cox D.. Cox A.D. et Mosehis G.P. ( 1990), When consu-
mer behavior goes bad: an investigation of adolescent sho-
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http://www.rue89.eom/2009/01/01 /autoreduction-au-mo-
noprix-poLir-redistribuer-partir-sans-payer
http://www.maitre-eolas.fr/2009/0I/05/1263-autoreduc- (10) Ion J.. Franguiadakis S. et Viot P (2005) Militer au-
jourd'hui, Paris. Éditions Autrement - collection Cevipof/
tion-ou-extorsion
Autrement.
http://www.20minutes.fr/article/285307/France-Monoprix-
part-en-guerre-contre-les-Robins-des-bois-des-temps-mo-
(11) Kozinets R.V et Handelman J. (2004). Adversaries of
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Consumption: Consumer Movements, Activism, and Ideo-
http://www.col Iectif-rto.org/spip.php?article734
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http://www.ac.eu.org/spip.php7article 1219
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(12) Lipovetsky G. (2006), Le bonheur paradoxal, Paris,
ticle=952 Gallimard.
http://www.decroissance.info/Autoreduction-du-temps-de-
travai 1.705 (13) Micheletti M. (2004), Le consumérisme politique : une
http://www.irnc.Org/NonViolence/Lexique/4.Strategie/ nouvelle forme de gouvernance transnationale ?. Sciences
ltems/2.htm de la Société, 62, 120-142.
http://lcsactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/
archive/2009/01/04/l-autoreductíon-un-jeu-dangereux. (14) Peñaloza L. et Price L. (1993), Consumer resistance:
html a conceptual overview, in L. McAlister et M. Rothschild
(coord.). Advances in Consumer Re.search, 20. Provo, Ulah.
3 Cette appellation fait référence à la mobilisation des
Association for Consumer Research. 123-128.
agents d'EDF et GDF contre le changement de statut de
leurs entreprises en 2004 par l'organisation des opérations
baptisées « Robin des bois ». Celles-ci consistaient à réta- ( 15) Rémy E. (2007), De « Que choisir » à « Casseurs de
blir le courant des foyers qui en étaient privés ou de baisser pub » : entre récupération marketing et nouvelles figures
le prix de l'électricité. Voir : Bcroud S. (2005). Le.s Robins consuméristes. Décisions Marketing, 46, 37-49.
des bois de l'énergie. Collection Documents.
(16) Roux D. (2007). Ordinary resistance as a parasitic
form of action: a dialogical analysis of consumcr/finn re-
lations, in G. Fitzsimons et V. Morwitz (coord.). Advances
Références
in Consumer Research, 34, Duluth, MN : Association for
Consumer Research. 602-609.
{1 ) Amould E.J. et Wallendorf M. ( 1994). Ethnography: in-
terpretation building and marketing strategy formulation,
(17) Tonglet M. (2001) Consumer Misbehaviour: an ex-
Journal of Marketing Research, 31.4. 484-504.
ploratory study of shoplifting. Journal of Consumer Beha-
viour, 1-4.336-354.
(2) Badot O.. Carrier C . Cova B., Desjeux D.. Filser M.,
(2009). L'ethnomarketing : Un élargissement de la re-
(18) Wilkes R.E. (1978), Fraudulent behaviour by consu-
cherche en comportement du consommateur à Tethiiologie,
mers, Journal of Marketing, 42. 67-76.
Recherche et Applications Marketing., 1. 24, 93-111.

(3) Banifield J. (2008). Global Retail Theft Barometer. Not-

72 - Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ et Nil 02ÇAGLAR-T0UL0USE


Annexe 1: Exemples de matériels collectés avant et après Pautoréduction
t.Je'
jpatt «noore A I» fin du ntolm
viens d« payer ma facture
• t J'nl d4}A plus un« Ihuna..
En plus, J'BI p*es4 l'*pr*m' cfelectrictté et S» m'ont ruiné
• n mantr avac ) • • »ynaiomta
les salauds. En plus les beaux
• t la tnaroh«, ga ar«u»e.
jours arrivant, j'irais bien
boire un coup en terrasse,
FACE À LA PRÉCARITÉ
ET AU CHÔMAGE:
RÉQUISITION ET PARTAGE !
Marre de la précarité, marre du chamice. On
nous harcèle de contrôles, on nous désigne
comme assistés et voleurs, on nous impose de
plus en plus des contrats précaires pour survi-
vre, on galère pour se loger ou on crève la dalle.
Sans papiers, chômeurs et
chômeuses, SDF, em-
ployé-es précaires, allo-
cataires des minimas
sociaux... La liste est
longue.
Plutôt que de se replier sur
des solutions individuelles
et dans la morosité am-
biante, crise ou pas, on passe
ä l'action collective et on dé-
cide notamment de se réappro-
prier les richesses. Aujourd'hui,
nous tentons de réquisitioiuio-
ner des vivres chez Cham-
pion, détenu par un des
groupes voraces de la
grande distribation,
qui chaque jour s'en-
graisse sur notre dos,
sur celui des pay-
sans et de ses sala-
rié-es: pas de pitié,
les voleurs c'est eux,
pas nous ! Le patronat
veut nous ohliger à accepter des boulots de
merde sous-payés dans ses usines, pour ensuite
aller vider nos pocbes dans ses supermarchés.
Ras-Ie-boI.
Le stock de vivres sera redistribué ces jours-ci à
ceDes et ceux qni galèrent dans la précarité. Ce
Réactions des consommateurs
\ ouais, Ç3 fout tes boules de A
M'ai eu vent d'un rencart jeudi 19 mars
p25 pouvoir en profiter qiiand tu vois
à la fontaine de ta place de la république juste
toutes cette tliune et cette bouffe
qui déffle devant toi, pis toi, Vas ï
à la fin de la manif syndicale.
' Je vais y alier, tu viens aussi? Parait que c'est une
peine dss miettes.
bande de choniËurs remontés qui lance ce tnjc.
Cainevfflèrel
On se rait ià-bas. Allez, ciao
J
type d'action est à renouveler et à répandre : ces
dernières temps, à Paris, Grenoble, Rennes ou
Toulouse, des collectifs ont lancé des « autoré-
ducdons », ià au Monoprix, là aux galeries I^a-
fayette. Avec les manifs et les occupations
d'ANPE, c'est une tradition de
lutte des mouvements de chô-
meurs et précaires : ce n'est pas
ïe climat sécuritaire actuel de
répression des luttes sociales et
d'enfermement des militant-es
qui nous empêchera de conti-
I naer.
\ Nous sommes solidaires des licen-
dé-es en m^asse, des salarié-es ex-
ploités au quotidien, des exclu-es
en général. Et pour toutes et tous,
l'action directe et la grève sont nos
armes. Les bureaucraties syndicales
sont désireuses de négocier
des miettes ? Les miettes, il»
peuvent s'étouiFer avec,
car nous voulons tout.
Seule la lutte paye !
CHÔMEURS-EUSES
ET PRÉCAIRES :
ORGANISONS-NOUS !I
CaUectifde Chômeurs,
Chômeuses et Précaires de Lille
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