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« Du court-circuit commercial aux

circuits courts alimentaires : comment


"La Ruche qui dit oui !" entend
bousculer la distribution des produits
fermiers »
S.THABET
Chargé d’enseignement et chercheur à l’UPJV
Travaux dirigés en « Politiques et modèles économiques de
l’entreprise » (M1 / S1)
I. Eléments de contexte (1)
Rappelons que l’alimentaire a longtemps été le parent pauvre du e-commerce. En 2019, en France, la part des ventes en ligne sur le marché des produits de grande consommation (alimentaire
et produits d’hygiène-beauté) peinait à atteindre 6 %, contre 10 % à l’échelle de l’ensemble du commerce de détail mais plus de 25 % pour les produits techniques, 20 % pour l’électroménager
et les produits culturels, près de 15 % pour l’habillement. Sur ces 6 %, le drive se taillait la part du lion (introduit en 2004 en France par Auchan), les livraisons à domicile plafonnant autour de
1%.
Les raisons de cette spécificité de l’alimentaire sont à rechercher du côté des contraintes logistiques : un bouquet hétérogène de produits, soumis pour certains à des contraintes drastiques
de respect de la chaîne du froid, dans un contexte de marge tendues, et alors que les coûts de manutention et de transport sont, dans le modèle traditionnel de la grande surface,
externalisés auprès des consommateurs. Des doutes existaient aussi pour la capacité de l’habillement à réussir le pari du e-commerce du fait notamment de l’impossibilité d’essayer les
vêtements, et pourtant…
Et il faut dire que la grande distribution s’est longtemps crû à l’abri de la concurrence de nouveaux entrants sur le marché du e-commerce alimentaire du fait des contraintes organisationnelles
inhérentes : comment peser quand on part de rien là où la grande distribution dispose d’un pouvoir exorbitant de négociation via ses capacités de commandes massives et les puissantes
centrales d’achats…D’où le service minimum en la matière mais la donne a changé avec la crise sanitaire…

Une mobilité entravée associée à la crainte de la contamination a incité nombre de consommateurs à avoir recours à l’achat en ligne ! Selon l'Observatoire Société et Consommation
("ObSoCo"), en décembre 2020, 43 % des internautes interrogés déclarent avoir réalisé des courses alimentaires en ligne depuis le début de la crise sanitaire, dont 8 % qui ont fait leur
première expérience de ce circuit à cette occasion.

En outre, 1,5 million de personnes ont utilisé pour la première fois leur carte bleue pour un achat en ligne en 2020. L’e-commerce représentait 13,1% des produits vendus en France en
2020. Sa part de marché a augmenté de 3,6 points en 2020 alors qu’elle ne progressait jusqu’ici que de 1 point par an selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD).

A ce constat viennent s’ajouter d’autres tendances plus lointaines, moins perceptibles mais à qui s’ouvre un large champ des possibles…

De nombreux consommateurs en France - on les appelle parfois les « locavores » - ont fait le choix de la proximité pour tout ou partie de leur alimentation. D’autant que les possibilités de
s’approvisionner à proximité se sont beaucoup diversifiées ces dernières années (particulièrement à l’occasion de la pandémie de Covid-19 et du confinement consécutif), des « drives » fermiers
aux sites spécialisés en passant par les distributeurs automatiques.

Des enquêtes d’opinion montrent l’ampleur du phénomène et qu’il n’est pas récent :

- Selon une étude du cabinet Natural Marketing Institute (2014), 71 % des Français préfèreraient acheter des produits locaux et un producteur sur cinq vend en circuit court.
- Et d’après un sondage Opinion Way (2016), 63 % des consommateurs auraient tendance à privilégier régulièrement des produits locaux et 93 % le ferait ponctuellement.

Le phénomène de « circuit court alimentaire » a incontestablement pris beaucoup d’ampleur ces dernières années…Le succès des circuits courts reste toutefois difficile à évaluer précisément.
En 2013, 42 % des Français y avaient recours de manière inégale, avec un panier hebdomadaire moyen de 25 euros, selon une enquête nationale sur le sujet. Ils représentaient alors 10 % des
achats alimentaires en France. Juste avant la crise sanitaire, on estime que cette proportion était plutôt de l’ordre de 15-20 %, notamment grâce au développement de la vente en ligne et à la
diversification des produits vendus (viande, farine...). »
I. Eléments de contexte (2)

Qu’un circuit court alimentaire ?

Selon le Ministère de l’Agriculture (« mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente
indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire », selon sa propre définition de 2009), un circuit court alimentaire désigne un mode de vente limitant le nombre
d’intermédiaires (de zéro à un, très rarement deux, au maximum) sans retenir de critère géographique (variable selon le lieu et les produits : d’une trentaine à une centaine
de kilomètres, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie [ADEME]). Sont concernés les produits vendus directement à la ferme, dans des marchés ou
boutiques de producteurs, les paniers mis à disposition par les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) ou par des sites spécialisés, etc.
Ces formes d’échanges directs avec les producteurs sont nées au Japon dès les années 1970 (appelées « teikei »), avant d’essaimer en Amérique du Nord (« Community
Supported Agriculture (CSA) ») . En France, la première Amap est créée en Provence en 2001, parallèlement à la montée des mouvements altermondialistes.

La proximité a beau ne pas entrer dans la définition institutionnelle, elle est centrale dans la façon dont les circuits courts ont été promus en pratique. Lorsque l’on parle de
circuit de proximité, on insiste en plus sur la dimension géographique, sans que là aussi il n’y ait de limite définie (variable selon l’histoire et la spécialisation des
productions sur l’ensemble des territoires, un petite ville et une mégalopole ne relevant pas du même cas de figure…).

Des acteurs de l’agroalimentaire et du commerce, comme la grande distribution, se vantent de vendre en circuit court. Pourtant, d’autres critères sont fondamentaux aux
regard de nombreux spécialistes et défenseurs du « manger local » : le renforcement du lien social et un partage plus équitable de la valeur ajoutée au profit des
producteurs, le soutien à l’agriculture de proximité, les préoccupations écologiques, les questions sanitaires et de traçabilité, etc.
I. Eléments de contexte (3)

Qu’est-ce qu’une plateforme numérique ?

Pour de nombreux économistes, la « plateformisation » serait la nouvelle forme d’organisation des activités économiques dominantes, si présente et structurante qu’elle constituerait l’un
des principales caractéristiques du capitalisme contemporains - en lien avec la "révolution numérique" - qualifié de « capitalisme de plateformes ».

Une plateforme est une nouvelle forme d’organisation de la production et des échanges à l’air du numérique. Elle se distingue d’une entreprise classique en intégrant en son sein des
logiques de marché dématérialisé. Ce faisant, elle organise et orchestre un large écosystème d’utilisateurs et de producteurs. Elle exploite systématiquement les données des utilisateurs
pour optimiser les flux d’échanges et l’expérience d’usage sur la plateforme.
Le cœur des plateformes est une infrastructure numérique qui crée de la valeur via un algorithme de rencontres (ou encore de "matching", de mise en relation, d’où l’usage récurrent du
terme "matchmakers" pour les désigner) entre utilisateurs, leur permettant d’interagir, d’échanger et de partager des contenus.

Une plateforme multiface consiste à faire interagir des groupes de participants disctincts , mais interdépendants sur une plateforme unique.

La spécificité sans doute la plus importante de l’économie des places de marché est de s’adresser à un marché biface, ou à deux versants (voire plus, on parle alors de place de
marketplace multiface), chaque versant générant des externalités positives pour l’autre (effets de réseaux croisés avec effets positifs cumulatifs, le succès nourrissant le succès). Une
plateforme est en effet ce que les économistes appellent un bien avec « économie de réseaux », plus exactement avec des rendements croissants d’adoption : plus nombreux sont les
utilisateurs, plus le bien devient intéressant. Ainsi, si un seul utilisateur possède un téléphone, l’utilité du téléphone est nulle. En revanche, plus nombreux sont les utilisateurs du
téléphone, plus le téléphone devient utile. Il en va de même avec toutes les plateformes : échanger seul n’a aucun sens. Mais si on est plus nombreux…

Explication : les deux versants d’une place de marché sont les marchands et les consommateurs. Pour les consommateurs, la place de marché sera d’autant plus attractive, utile,
performante que le nombre de marchand est important. Réciproquement, l’intérêt que les marchands trouveront à s’implanter sur une place de marché est directement proportionnel au
nombre de consommateurs qui la fréquent. Ainsi, lorsqu'un des versants de la plateforme se développe, il crée un bénéfice - une externalité positive - pour l’autre versant. Du coup celui-ci
tend à s’étendre et, se faisant, il accroît les bénéfices que tirent de leur présence les acteurs de l’autre versant, ce qui favorisent de nouveaux entrants.

Il y a donc rendements croissants, et le risque réelle et rapide d’une dynamique dite du « winner takes all » : le gagnant prend tout le marché et finit en monopole ou presque.
Cependant, à court-moyen terme, ces firmes en général accumulent des pertes pendant de nombreuses années, comme c’est le cas par exemple de Uber, qui n’a toujours pas réalisé
d’exercice comptable avec un résultat net positif. En fait, les fondateurs, souvent des capitaux-risqueurs et les fondateurs de ces sociétés, font le pari qu’à long terme, comme il y a une
chance d’être en monopole, ils pourront rentabiliser leurs investissements, malgré les pertes initiales.
I. Eléments de contexte (4)
Michael Cusumano et alii distinguent deux grandes catégories de plateformes :

 Les plateformes d’innovation qui reposent sur un cœur technologique autour duquel des "complémenteurs" ou "sur-traitants" développent des
innovations complémentaires. Les systèmes d’exploitation pour ordinateurs ou smartphones en sont l’exemple emblématique ;

 Les plateformes de transaction mettent en relation des parties disposées à engager une transaction. Elles sont des facilitatrices de l’apariement
entre l’offre et la demande .

Si très souvent cette nouvelle forme de capitalisme est présenté sous l’angle de l’innovation voire de la nouveauté radicale, ce qui est parfois vrai, il
fonctionne malgré tout sur des principes et des modèles d’affaires qui lui sont antérieurs en y ajoutant de nouveaux éléments.

Prenons le cas de l’hypermarché : par certains côtés, il s’agit d’une plateforme puisque son principe est de mettre en relation des consommateurs
et des offreurs (marques). Sa rentabilité se construit à ses deux bords : marges avant du côté des consommateurs et marges arrière captées après
des fournisseurs (aussi des clients auxquels la grande surface propose différents types de service).
Néanmoins, les plateformes sont aussi venues bouleverser ce modèle comme elles ont disruptés celui des journaux de petites annonces ou des
agences matrimoniales. Et contrairement à ce que l’on entend souvent, il n’y a pas de désintermédiation mais de substitution d’intermédiaires avec
les plateformes grâce à la baisse des coûts de transaction et à la gestion des "big data".
Dans le cas des plateformes de transaction, leurs exploitants ne se portent que partiellement acquéreuses (voire pas du tout) des produits qu’ils
proposent aux consommateurs…

Comment gagnent-elles de l’argent ? Certaines fonctionnent tout simplement sur l’abonnement ou du Freemium : on vous offre un contenu gratuit
pour vous attirer, puis on vous propose un abonnement pour avoir d’autres services, voire on transforme peu à peu un service gratuit en un service
payant. C’est le modèle ici de Deezer par exemple, de certains sites de rencontres amoureuses. En soi, ce modèle n’est nouveau : pendant très
longtemps Canal+, où une partie du contenu était en « clair » et l’autre en « crypté » pour les abonnés. D’autres plateformes organisent des
transactions marchandes entre utilisateurs, comme par exemple Amazon, Uber, Deliveroo ou AirBnB. On parle alors ici de marchés bi ou multifaces
: Deliveroo organise un marché triface entre restaurateurs, clients et livreurs. Dans ce cas, la plateforme se rémunère en prenant une commission
qui est un pourcentage sur la transaction. Là encore, rien de très neuf, c’est ainsi que fonctionnent de nombreux intermédiaires, par exemple
certains intermédiaires financiers. Enfin, certaines plateformes offrent des contenus entièrement gratuits à leurs utilisateurs et se rémunèrent sur la
publicité, qu’elles vont pouvoir cibler en fonction du profil des utilisateurs, dont elles vont pouvoir accumuler des données et qui par ailleurs, en
partageant et produisant de nombreux contenus, augmentent l’utilité de la plateforme. Il s’agit ici de Google ou Facebook par exemple. Là encore, le
modèle fondé sur la publicité n’est pas nouveau : c’est celui de télévisions ou des radios privées, comme d’ailleurs des premières années du web.
Par l’accumulation des données, les GAFAM sont en capacité d’augmenter toujours plus la qualité de leur offre et leur pouvoir de marché en
entraînant leurs intelligences artificielles, si bien qu’il devient presque impossible pour une firme d’en contester la domination…
Entreprises
hybrides

Plateformes de Plateformes
transactions d’innovations
Linkedin
Deux types fondamentaux de Apple App Store
Apple iOS
plateformes : Snapchat
Apple
Google Android ARM
(1) Les plateformes de Instagram Google Pay
transactions qui servent Google
d’intermédiaires pour des Twitter Windows Store Microsoft Azure Sony Playstation
échanges ou transactions Microsoft
directs, sujets à des effets de
Airbnb Facebook Social Network Facebook for Nintendo
réseaux ; Facebook developers
Uber Alibaba
(2) Les plateformes Tencent IBM Watson
WeChat WeChat
d’innovation, qui servent de
base technologique sur laquelle Baidu
Amazon Intel CPU
d’autres entreprises viennent
Amazon Market Place Amazon AWS
développer des innovations Qualcomm
complémentaires. Brew
Tripadvisor
Il existe des plateformes
hybrides qui sont à
l’intersection des logiques de
transactions et d’innovations
(GAFAM et BAXT).
FACE 1 (utilisateurs/clients) PLATEFORMES FACE 2 (complémenteurs)
Location d’hébergement
Voyageurs (exemples : Airbnb, Hôtes
Booking, Agoda)

Transport (exemples ; Uber,


Passagers Chauffeurs
BlaBlaCar, Bolt)

Moteurs de recherche
Internautes (exemples : Google, Qwant, Annonceurs
DuckDuckGo)

Places de marché/market
Acheteurs place (exemple : Amzon, Marchands
Rakuten, Cdiscount)

Systèmes d’exploitation
Utilisateurs (exemples : Apple IOS, Développeurs d’applications
Android)
II. Traitement de l’étude de cas (1)

Le but de cette étude de cas est de notamment de reconstituer le business model originel de « la Ruche qui dit oui ! » (approche rétrospective)

1) Présentation générale de « la Ruche qui dit oui ! »

La Ruche qui dit oui ! est à l’origine une start-up créée en 2011…

- Son principe (objectif) est de mettre en relation des petits producteurs et des consommateurs locaux.

- Chaque responsable de Ruche - un particulier, une association ou une entreprise - commence par contacter des producteurs, puis trouver des membres - les
consommateurs. Grâce à la plateforme Internet, les membres commandent parmi une liste de produits, et viennent les chercher le jour de la distribution.

- Sur le site global, toute personne intéressé indique son adresse et l’antenne locale de la Ruche la plus proche s'affiche : il est alors possible de s’y inscrire. Une fois inscrit à
une Ruche, le consommateur a accès aux produits de la prochaine distribution : fruits, légumes, viande, poisson, herbes, pain, jus, bière, fromage, etc. Chaque Ruche a sa
propre sélection. Tout a été produit - ou transformé, pour le cas du café par exemple - à moins de 250 km. Labélisés bio ou pas, les produits sont issus a minima de
l'agriculture raisonnée. Les producteurs déterminent un minimum de commandes à atteindre pour livrer. Il suffit de passer commande et de régler, puis de se rendre sur le
lieu de distribution (un café, une école, une salle de spectacle, etc.) à la date et à l'heure fixées par le responsable de Ruche, pour récupérer ses courses.

- C’est le producteur qui fixe ses prix, et vend ses produits aux consommateurs. Ensuite, il reverse à la Ruche qui dit oui ! 16,7% de son chiffre d'affaires hors taxes, pour
"frais de service": le responsable de Ruche touche 8,35%, pour l'organisation et l'animation ; 8,35% vont à la Ruche "mère", pour le site, le support technique et
commercial.

- Avantages et inconvénients pour le producteur et le consommateur : le producteur ne récupère pas au final 100% du prix de produit et n'a pas d'avance de trésorerie. Il a
en outre un gros travail de préparation des commandes avant de livrer. Cependant, il a l'assurance de commandes régulières. Si ajoute les effets de la mutualisation comme
le transport, etc. Pour le consommateur, La plateforme représente une certaine praticité (confort, commodité, etc.) et souplesse pour commander des produits locaux, avec
un large éventail de choix. Mais les prix sont parfois (et même souvent plus élevés…D’où la nécessité de comparer régulièrement).

La Ruche qui dit oui ! a connu un boom pendant le 1ier confinement avec une hausse de 42 % du panier moyen par rapport à la même période l’année précédente, plus de
300 nouveaux producteurs entrés dans le réseau sur plus de 5 000 affiliés et 37 000 clients supplémentaires entre les débuts du confinement et fin avril.

- Quelles différences avec une AMAP ?


II. Traitement de l’étude de cas (2)

- Quelles différences avec une AMAP ?

Une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne ou de Proximité (AMAP) est un partenariat entre un groupe de consommateurs et une ferme, basé sur un
système de distribution de « paniers » composés des produits de la ferme. C’est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des consommateurs, qui payent à
l’avance une part de la production sur une période définie par le type de production et le lieu géographique.
Les AMAP sont pour le paysan, le maintien de l'activité agricole par la garantie de revenu, pour le consommateur, des aliments frais, de saison, souvent biologiques,
produits à partir de variétés végétales ou races animales de terroir ou anciennes et un prix équitable pour les deux partenaires.

A la Ruche qui dit oui !, il n’y a pas d'engagement. A chaque distribution, on peut décider de commander - un seul produit ou une cargaison - ou pas. En adhérant à une
AMAP, on paye à l'avance et on s'engage à venir chercher un panier périodiquement, sur un nombre de semaines donné. Une AMAP fonctionne aussi différemment :
l'organisation est basée sur un engagement associatif et bénévole. Et les producteurs récupèrent la totalité du prix du panier.

La Ruche qui dit oui ! n’est donc pas une AMAP. Les deux modèles sont différents, mais cherchent à rapprocher producteurs et consommateurs. Il est bien entendu de
participer aux deux…
Toutefois, une responsable d‘une AMAP en Île-de-France cité dans un article en ligne de l’Express (2016) expliquait : « Je reproche à la Ruche de s'être présentée comme une
Amap en mieux. Mais ce n'est pas du tout comparable. Une AMAP, c'est un groupe qui se fédère pour aider un producteur à pré-financer sa production. Chacun est acteur et
solidaire. Le producteur sait quel sera son chiffre d'affaires pour 6 mois. Il peut acheter des graines, des outils... Et récupère 100% du prix des produits ».

- Les critiques à l’encontre de la Ruche qui dit oui !

Plusieurs reproches sont formulés à l’encontre de la Ruche qui dit oui ! : entre autres pour son aspect commercial, ses actionnaires, la fixation des prix, le statut des
responsables d’antennes -jugé précaire. A ce titre, la maison-mère de la Ruche répond qu’il s’agit d’un "complément de revenu", etc.
II. Traitement de l’étude de cas (3)

2) Sur quels éléments clés les fondateurs de la Ruche qui dit oui ! se sont appuyés dans l’émergence de l’idée et la création de leur projet ?

Deux catégories d’éléments clés :

- Les expériences professionnelles de Guillaume Chéron

- Les motivations plus personnelles du fondateur

3) Comment caractériser la vision, les valeurs ainsi que les missions de la Ruche qui dit oui ! ?

- « La mission est le fil rouge, le thème unificateur, ce qui justifie l’existence de la firme » (Klemm, Sanderson et Luffman, 1991)

Être la plateforme qui permet de construire des projets collaboratifs et locaux pour une alimentation meilleure et une agriculture plus juste en circuit court.

- Les valeurs de l’organisation sont définies sont définies par Bart et Baetz (1998) comme « l’ensemble des croyances qui représentent les pensées et les opinions de
l’entreprise sur elle-même ».

Transparence, coopératif/collectif, local, simplicité, technologie, confiance, cheminement/transition, liberté/autonomie.

- La vision correspond à « la représentation que l’entreprise souhaite pour sa situation future, ce qu’elle aspire à devenir et à réaliser » (Kotler, Kartajaya, Setiawan, et
Vandercammen, 2012)

Devenir l’acteur majeur d’émancipation économique et sociale dans le domaine de l’agriculture en réseau
Les composantes du business model : l’approche CANVAS

Le business model, c’est aussi un langage visuel, un document de


communication vis-à-vis des tiers, des parties prenantes à qui l’on
doit rendre compte de notre projet.

Le Business model de type « Canvas » a été développé par


Alexander Osterwalder et Yves Pigneur (2011) en collaboration
avec une équipe de 475 praticiens dans 45 pays.

Cette version est constituée de 9 blocs de base qui constituent


autant de questionnements à adresser pour créer de la valeur.
Les composantes du business model : l’approche CANVAS
II. Traitement de l’étude de cas (4)

4) Le « Business model » de la Ruche qui dit oui ! Utiliser la version "CANVAS" pour le reconstituer, ici on adopte une approche volontairement rétrospective

- Proposition de valeur de la Ruche qui dit oui ! : c’est l’élément essentiel du modèle d’affaires. Elle constitue la réponse à un problème, à un besoin (même si ce dernier ne
préexiste pas à sa mise sur le marché. C’est la combinaison de biens et de services mise sur le marché de l’entreprise)

Offrir une mise en relation simple via un réseau local, militant pour une alimentation plus qualitative et une agriculture plus justement rémunérée.

- Segments de clientèle : il s’agit des différents groupes de personnes et d’organisation que l’entreprise ou l’organisation souhaite servir. Un business model peut cibler un ou
plusieurs segments de clientèle. Attention à ne pas confondre clients et utilisateurs !

(1) des consommateurs à la recherche d’une alimentation plus saine et locale, (2) des producteurs intéressés par un réseau et un modèle de commercialisation qui les
fragilisent moins et qui va leur permettre de se développer et (3) des personnes ayant du temps à consacrer à une activité complémentaire, et adhérant à la philosophie de
l’entreprise.

- Canaux : Les canaux décrivent comment une entreprise communique et atteint ses segments de clientèle pour leur offrir sa proposition de valeur. Il faut distinguer les canaux
de communication, les canaux de distribution et les canaux de vente.

Les canaux de communication de la Ruche sont à la fois digitaux (plateformes) et physiques (locaux/antennes des ruches)

- Relations clients : il s’agit des types d’interactions qu’une entreprise établit avec ses segments de clientèle. Les différents types de relations varient avec en fonction de leur
degré de personnalisation et/ou de leur nature communautaire.

Pour pouvoir encourager les interactions entre ses utilisateurs, la plateforme doit créer un réseau bâti sur un climat de confiance, d’échanges, d’implication pour générer un
sentiment d’appartenance et de fidélité au sein du réseau.
II. Traitement de l’étude de cas (5)

- Source(s) de revenu(s) : les sources de revenus représentent le cash-flow qu’une entreprise génère à partir de chaque segment de clientèle.

Des commissions sont prélevées par la plateforme sur les transactions. La ruche qui dit oui ! Récupère 8,35 % du chiffre d’affaires des ventes générées par la plateforme.

- Ressources clés : le bloc de ressources-clés décrit les actifs les plus importants pour que le business model fonctionne. Il peut s’agir de ressources matérielles, financières,
humaines ou intangibles.

Des ressources techniques (maintien et développement de la plateforme, analyse des base de données, data), des ressources humaines (les compétences des salariés de la
maison mère, l’implication des responsables d’antennes) et des ressources physiques (les locaux des antennes)

- Activités clés : le bloc des activités clés décrit les éléments les plus importants qu’une entreprise doit faire pour que son business model fonctionne. On peut distinguer les
activités de production, les activités de résolution de problème et les activités de réseau…

Ce sont essentiellement des activités de réseau et d’ingénierie (conception, gestion et promotion de la plateforme, conseils et accompagnement des responsables
d’antennes, etc.)

- Fournisseurs et partenaires clés : ce bloc décrit le réseau de fournisseurs et partenaires grâce auquel le business model fonctionne.

Business angels/fonds d’investissement, intermédiaires de paiement, collectivités publiques, réseaux d’agriculteurs locaux, etc.

- Structures de coûts : tous les coûts inhérents au modèle d’affaires

Développement de la plateforme, salaires et maintenance de la plateforme, frais financiers divers et d’hébergement de la plateforme, loyers, outils de communication

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