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Licence 2 – Droit et AES

Année universitaire 2021-2022

Cours de RESPONSABILITÉ CIVILE

Thème 6 : L’indemnisation des victimes d’accident de la circulation

Nathalie BLANC
Professeur à l’Université Sorbonne Paris Nord
LES REGIMES SPECIAUX DE RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

Dans le Code civil et en dehors, il existe des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses.

Ø Pourquoi parle-t-on de régimes spéciaux ? Parce qu’ils visent certaines choses en particulier et
les soumettent à un régime plus ou moins dérogatoire.

Ø Quels sont ces régimes spéciaux?


1. Les régimes spéciaux initiaux : la responsabilité du fait des animaux et la responsabilité du fait des
bâtiments en ruine.

2. Les régimes spéciaux plus récents


- La loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation impliquant
un véhicule terrestre à moteur
- La loi du 19 mai 1998 – codifiée aux articles 1245 et suivants du Code civil (anc. 1386-1 et s.) – sur
l’indemnisation des victimes d’un produit défectueux

=> Aujourd’hui, nous allons envisager l’un de ces régimes spéciaux : la loi du 5 juillet 1985 sur
l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à
moteur. Nous verrons qu’il déroge très largement aux règles de la responsabilité du fait des choses et de la
responsabilité en général.
THEME 6 – L’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION

Section 1. Les conditions de l’indemnisation Section 2. La mise en œuvre de l’indemnisation

§1. Un véhicule terrestre à moteur (VTAM) §1. Le débiteur de l’indemnisation


A. Notion A. L’identification du débiteur de l’indemnisation
B. Exclusions - Conducteur et/ou gardien
- Cas particulier du préposé conducteur
§2. Un accident de la circulation B. Les recours entre codébiteurs
A. Un accident - Les recours entre codébiteurs tenus sur le fondement de la loi de
1985
B. Une voie de circulation
- Les recours entre coauteurs tenus sur des fondements distincts
C. Un fait de circulation

§3. L’implication du véhicule dans l’accident §2. L’exonération du débiteur de l’indemnisation


A. La notion d’implication A. L’absence d’effet exonératoire de la force majeure et du fait d’un
tiers
B. La preuve de l’implication B. L’effet exonératoire variable de la faute de la victime
1. La faute de la victime non conductrice
§4. L’imputabilité du dommage à l’accident 2. La faute de la victime conductrice
A. La notion d’imputabilité
B. Le cas particulier des collisions en chaîne
L’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION

Conditions de l’indemnisation

1. Un véhicule terrestre à moteur (VTAM)

2. Un accident de la circulation

3. L’implication du véhicule dans l’accident

4. L’imputabilité du dommage subi par la victime à l’accident

A noter: Art. 1er de la loi de 1985 vise les victimes d’un accident de la circulation « même lorsqu’elles sont
transportées en vertu d’un contrat ».
La loi dépasse donc la distinction entre responsabilités contractuelle et délictuelle et traite de manière
uniforme les victimes.
Toutes les victimes sont concernées, qu’elles soient conductrices ou non conductrices (passagers,
piétons, cyclistes…).
LES CONDITIONS DE L’INDEMNISATION

1. Un véhicule terrestre à moteur

Notion :
Art. L. 211-1 du Code des assurances : « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut
être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée ».
Tout type de véhicule pourvu d’un moteur destiné à le mouvoir sur le sol quelle que soit sa
fonction : qu’il soit destiné au transport de personnes ou de biens ou qu’il constitue un instrument de
travail (véhicule-outil).
Ex. automobiles, camions, motos, scooters, engins de travaux publics, véhicules agricoles (tracteurs,
moissonneuses…) et même les voiturettes de golf ou certaines tondeuses à gazon.
+ Les remorques et semi-remorques de ces véhicules.

Exclusions : (et application du principe général de responsabilité fait des choses, art. 1242, al. 1er)
- Véhicules non terrestres
- Véhicules sans moteur
- Véhicules circulant sur des voies qui leur sont propres : trains, métros ou tramways qui circulent sur des
voies propres. A contrario, si l’accident a lieu sur une voie qui n’est pas propre à ces véhicules (ex.
passage piétons pour traverser les voies d’un tramway, carrefour ouvert aux voitures…) la loi de 1985
s’applique.
LES CONDITIONS DE L’INDEMNISATION

2. Un accident de la circulation

- Un accident : un événement soudain et fortuit


- Un accident qui s’est produit sur une voie de circulation (conception large de la jurisprudence)
- Un fait de circulation (conception large de la jurisprudence) : l’accident doit être lié aux fonctions de
déplacement du véhicule.

3. L’implication du véhicule dans l’accident

- Sens : est impliqué dans l’accident « tout véhicule qui est intervenu, à quelque titre que ce soit,
dans la survenance de l’accident » (Cass. 2e civ., 24 juin 1998)..
- Preuve : la charge de la preuve pèse sur la victime mais preuve simplifiée dans son objet :
• En cas de contact entre le véhicule et le siège du dommage : l’implication est caractérisée, que le
véhicule soit en mouvement ou à l’arrêt.
• En l’absence de contact: la victime doit démontrer l’implication du véhicule. Il lui suffit d’établir
que le véhicule est intervenu à un titre quelconque dans l’accident sans qu’elle ait à
démontrer le lien de causalité entre son dommage et le fait dudit véhicule (Cass. 2e civ.,
25 janv. 1995).
LES CONDITIONS DE L’INDEMNISATION

4. L’imputabilité du dommage subi par la victime à l’accident

Le dommage subi par la victime doit être imputable à l’accident : il doit avoir été causé par l’accident

L’accident complexe unique


Les collisions successives intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu
constituent un accident unique et indivisible.
LE DEBITEUR DE L’INDEMNISATION

L’article 2 de la loi de 1985 vise « le conducteur ou le gardien » du véhicule terrestre à moteur


impliqué dans l’accident.

Ø Le conducteur : la personne aux commandes du véhicule lors de l’accident.

Ø Le gardien : il est déterminé par application des principes du droit commun de la responsabilité du fait
des choses : personne qui a l’usage, le contrôle et la direction du véhicule terrestre à moteur.

=> Le plus souvent, les qualités de gardien et de conducteur sont donc confondues.

Sauf lorsque la garde n’a pas été transférée. Dans ce cas, le propriétaire du véhicule en reste le gardien et
sera responsable in solidum avec le conducteur à l’égard de la victime.
LE DEBITEUR DE L’INDEMNISATION

Les recours entre coauteurs responsables sur le fondement de la loi de 1985

Selon la jurisprudence, les recours en contribution entre les codébiteurs responsables au titre de la loi
de 1985 ne peuvent être fondés que sur les dispositions des articles 1240 et 1346 du Code civil.

- Si les conducteurs ou gardiens ont commis des fautes, la contribution à la dette est fonction de la gravité
de leurs fautes respectives.

- En l’absence de faute prouvée des conducteurs ou gardiens impliqués, la contribution se fait entre eux
par parts égales. Tel sera le cas lorsque les circonstances de l’accident restent indéterminées.

- Le conducteur ou gardien non fautif dispose d’un recours intégral contre les conducteurs ou gardiens
fautifs. Corrélativement, les conducteurs ou gardiens fautifs ne disposent d’aucun recours contre le
conducteur ou gardien non fautif.
L’EXONERATION DU DEBITEUR DE L’INDEMNISATION

Ø Absence d’effet exonératoire de la force majeure ou du fait d’un tiers


L’article 2 de la loi de 1985 prévoit que « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir
opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule
mentionné à l’article 1er ».

Ø Effet exonératoire variable de la faute de la victime

ü Faute de la victime non conductrice (art. 3 de la loi de 1985) : traitement très favorable lorsqu’elle
subit un dommage corporel.

ü Faute de la victime conductrice (art. 4 de la loi de 1985)

=> Nous allons approfondir ces deux points en commençant par le plus simple : la faute de la victime
conductrice.
L’EXONERATION DU DEBITEUR DE L’INDEMNISATION

ü Faute de la victime conductrice (art. 4 de la loi de 1985):


Art. 4 : « la faute commise par le conducteur du véhicule (…) a pour effet de limiter ou
d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».
Selon la jurisprudence, « lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation,
chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par ricochet,
sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice » (Cass. ch. mixte,
28 mars 1997, n° 93-11078 : Bull. ch. mixte, n° 1).

Þ La victime conductrice peut donc se voir opposer sa faute, quelle que soit la nature de son
dommage (corporel ou matériel).

Þ Pour que la faute ait un effet exonératoire, elle doit avoir concouru à la réalisation du dommage
subi par la victime conductrice (Cass. ch. mixte, 28 mars 1997 ; Cass. ass. plén., 6 avr. 2007). Ici,
il faut donc établir que la faute de la victime conductrice est (pour partie) à l’origine de son
dommage.

Attention : si on est en présence d’un accident unique complexe, la victime conductrice garde cette
qualité même si elle est éjectée (Civ. 2e, 1er juillet 2010) ou si elle est descendue volontairement de son
véhicule (ex. Civ. 2e, 20 mai 2020)
L’EXONERATION DU DEBITEUR DE L’INDEMNISATION

ü Faute de la victime non conductrice (art. 3 de la loi de 1985): ex. piéton, passager d’un véhicule,
cycliste … Distinction selon la nature du dommage subi.

o Dommage aux biens : la victime peut se voir opposer sa faute, quelle que soit sa gravité.

o Dommage à la personne : la faute de la victime est prise en compte dans des conditions plus
strictes. La loi distingue selon les victimes :
§ Les victimes âgées de moins de seize ans, de plus de soixante-dix ans ou atteintes d’une
incapacité d’au moins 80 % ne peuvent être privées de leur droit à indemnisation que si
elles ont volontairement recherché le dommage.
§ Les autres victimes peuvent se voir opposer leur faute dans deux cas :
1. si elles ont volontairement recherché le dommage
2. Ou si leur faute est inexcusable et a été la cause exclusive de l’accident. Est
inexcusable la « faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison
valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (Cass. 2e civ.,
20 juill. 1987 ; Cass. ass. plén., 10 nov. 1995).
..

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