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-PHILE,

-PHOBE
Grec philos « ami », philein « aimer » ; phobos « crainte ».

Vocabulaire usuel : francophile, russophile, philanthrope « qui aime les hommes », philosophe « qui aime
la sagesse » ; xénophobe, litt. « qui craint les étrangers », qui a évolué vers « qui n’aime pas les
étrangers », anglophobe (antonyme anglophile) ; phobie « peur irraisonnée ». On crée de nouveaux
termes en -phobe sur de nouvelles bases avec le sens de « qui n’aime pas X », par exemple technophobe
(qui n’aime pas la technologie), europhobe (et son antonyme europhile).

Ces deux racines sont particulièrement utilisées dans deux domaines : chimie et psychiatrie. Attention,
il arrive que le même terme soit utilisé dans les deux domaines, mais avec un sens évidemment
différent… On en trouve d’ailleurs une jolie illustration avec l’histoire du mot filtre : en grec, philtron
désigne une potion qui rend amoureux celui / celle qui la boit (de phileîn « aimer ») ; c’est le philtre
d’amour des légendes, de Tristan et Yseut par exemple. Mais comme cette potion était en général
fabriquée avec des ingrédients bizarres, elle devait être passée à travers un tissu pour que les éléments
solides soient séparés du liquide : le tissu qui servait à cette opération a pris le nom du breuvage, et est
devenu un filtre (graphie latinisée), servant à filtrer une solution… ce que la chimie fait tous les jours. Et
la « chimie de l’amour » aussi, qui « filtre » les signaux et informations provenant du partenaire. D’où
ensuite infiltrer, exfiltrer ; en médecine, l’infiltration désigne l’envahissement du tissu conjonctif par un
liquide qui ne devrait pas s’y trouver et qui y pénètre comme à travers un filtre, ou une injection
thérapeutique intra-articulaire (dans le traitement de l’arthrose ou des tendinites chroniques). En
anatomie, philtrum est le nom de la fossette située au milieu de la lèvre supérieure des humains, sous
le nez.

1. -PHILE
1.1. Chimie
Colorants :

Chromo-phile : litt. « qui aime les couleurs », cellule ayant une affinité pour les colorants. Antonyme
chromo-phobe, qui ne se colore pas facilement.

[Ac-ido]-phile : litt. « qui aime les acides », cellule ayant une affinité pour les colorants acides. Attention,
ce terme a un sens différent en biologie (cf. 1.3.).

Baso-phile : litt. « qui aime les bases », cellule ayant une affinité pour les colorants basiques. Comme
substantif, le mot désigne les granulo-cytes baso-philes (leucocytes caractérisés par la présence de
granules dans leur cytoplasme). Attention, baso-phobe a un sens différent (cf. 2.).

Neutro-phile : litt. « qui n’aime ni l’un ni l’autre » (du latin neuter « aucun des deux »), cellule se colorant
mal aussi bien avec des colorants basiques qu’avec des colorants acides.

De l’atome à l’humain : à la racine des mots scientifiques 1


Claire Le Feuvre, Bertrand Rihn
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Ampho-phile : cellule pouvant se colorer à la fois avec des colorants acides et des colorants basiques.

[Éos-ino]-phile : qui a une affinité pour l’éosine (acidophile), nom de certains granulocytes.

Argyro-phile : qui se colore au contact avec l’argent (grec argyron « argent »). Synonyme argent-affine
« qui a une affinité pour l’argent », qui est l’équivalent latin de argyro-phile. Cette technique est utilisée
dans la coloration de Golgi (nommée d’après le scientifique italien qui l’a mise au point, C. Golgi),
méthode de coloration au nitrate d’argent.

Les substantifs abstraits correspondants [ac-ido]-phil-ie, baso-phil-ie, neutro-phil-ie, [éos-ino]-phil-ie


« fait d’être acido- / baso- / neutro- / éosino-phile », sont peu employés mais existent néanmoins.

Eau :

Hydro-phile : litt. « qui aime l’eau », qui a une affinité avec l’eau. Le coton hydrophile absorbe l’eau. Une
substance hydro-phile se dissout dans l’eau. Antonyme hydro-phobe, qui désigne une substance « qui
fuit l’eau » – mais attention, l’hydro-phob-ie en psychiatrie désigne une réalité bien différente (cf. 2.).

Lipo-phile : litt. « qui aime les lipides », qui a une affinité avec les lipides et se dissout facilement dans
une phase lipidique ou certains solvants organiques. Une substance lipo-phile est en général hydro-
phobe. Attention, lipo-phobe en psychiatrie a un sens différent (cf. 2.).

Amphi-phile : litt. « qui aime les deux », qui possède à la fois un groupe hydrophile et un groupe
hydrophobe. On trouve aussi amphi-lyo-phile, litt. « qui aime à se dissoudre dans les deux » [cf. fiche
LY-]. A ne pas confondre avec ampho-phile, qui désigne des cellules pouvant se colorer à la fois par des
colorants acides et des colorants basiques et qui appartient à la même série que baso-phile, éosino-
phile etc.

Autre :

Électro-phile : litt. « qui aime les électrons », composé chimique déficient en électrons, qui forme une
liaison avec un autre composé en captant ses électrons. L’antonyme est nucléo-phile, litt. « qui aime les
noyaux », composé ayant des électrons en trop et qui est attiré par les noyaux, chargés positivement.
Les substantifs abstraits correspondants sont électro-phil-ie et nucléo-phil-ie « fait d’être électro- /
nucléo-phile ».

Lyo-phil-isa-tion : procédé de dessication par sublimation, utilisé notamment pour la conservation


d’aliments. Le mot signifie littéralement « procédé qui aime la dissolution ».

1.2. Médecine
Hémo-phile : litt. « qui aime le sang », personne atteinte d’hémo-phil-ie, maladie héréditaire
caractérisée par la présence insuffisante d’un des facteurs de coagulation, d’où un écoulement de sang
difficile à arrêter. On l’appelle aussi « maladie des tsars » car elle était héréditaire dans la dynastie des
Romanov, les derniers tsars de Russie. A différencier de hémato-phile (cf. 1.4.). Attention, hémo-phobe
a un sens différent (cf. 2.).

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1.3. Biologie
Extrémo-phile : micro-organisme qui se développe dans des conditions extrêmes (température,
pression, salinité, acidité), qui seraient mortelles pour la plupart des organismes vivants. Par exemple :

[Ac-ido]-phile : litt. « qui aime les acides », micro-organisme qui se développe dans les milieux acides.

Alcalo-phile : litt. « qui aime les alcalis », micro-organisme qui se développe dans les milieux alcalins (le
terme al-kali vient de l’arabe et s’applique à des composés basiques ; en chimie moderne, un alcali
désigne une base).

Halo-phile : litt. « qui aime le sel » (grec hals, génitif halos « sel »), organisme qui supporte ou a besoin
d’une forte concentration en sels dans son milieu.

Hygro-phile : litt. « qui aime l’humidité » (du grec hygros « humide »), plantes qui aiment les milieux
humides et ont de gros besoin en eau à un stade de leur développement.

Piézo-phile : litt. « qui aime la pression », organisme qui vit dans des milieux où la pression est très forte
(du grec piezein « presser », qu’on retrouve dans piézo-électricité, capacité de certains corps à de se
polariser électriquement sous l’effet d’une contrainte mécanique – effet piézoélectrique direct – et de
se déformer sous l’effet d’un champ électrique – effet piézoélectrique inverse). On les appelle aussi
baro-philes, parce qu’ils vivent dans des milieux hyper-bares (du grec barys « lourd », qu’on retrouve
dans baro-mètre, instrument mesurant la pression atmosphérique, et dans bary-centre, qui a différents
sens suivant le domaine d’emploi : [https://fr.wikipedia.org/wiki/Barycentre]).

Thermo-phile : litt. « qui aime la chaleur », organisme ayant besoin d’une température élevée pour se
développer [cf. fiche CRYO-, THERM(O)-, PYR(O)-]. Les organismes hyper-thermo-philes ont besoin de
températures très élevées. Antonyme cryo-phile « qui aime le froid » (certaines bactéries). Et aussi
psychro-phile « qui aime le frais » (du grec psykhros « frais »), qui s’applique à des bactéries qui
prolifèrent à des températures moins basses que les bactéries cryo-philes, par exemple dans un
réfrigérateur dont la température est comprise entre 5° et 7°. Attention, ces bactéries n’ont aucun
rapport avec le psychisme (psycho-) !

Troglo-phile : litt. « qui aime les grottes », animal qui passe une partie de sa vie (mais pas toute sa vie)
en milieu souterrain.

Xéro-phile : litt. « qui aime le sec », organisme vivant dans des milieux très pauvres en eau (du grec xeros
« sec », qu’on retrouve dans xér-ophtalm-ie « fait d’avoir les yeux secs », xéro-derm-ie, « fait d’avoir la
peau sèche », xéro-stom-ie, « fait d’avoir la bouche sèche », et pour les plantes xéro-phy-tes, qui
poussent dans des milieux arides).

1.4. Psychiatrie
Copro-phile : litt. « qui aime les excréments » (du grec kopros « excrément », cf. coprophage) ; le mot
s’emploie aussi en botanique pour désigner certaines espèces de champignons qui poussent sur les
excréments animaux, d’où ils tirent leur nourriture. Synonyme scato-phile (du grec skôr, génitif skatos
« crotte »).
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Géronto-phile : litt. « qui aime les vieillards », qui éprouve une attirance sexuelle pour des vieillards (du
grec gerôn, génitif gerontos « vieillard », d’où le personnage de comédie Géronte chez Molière, et la
gérontocratie en politique, qui est le « gouvernement des vieillards »).

Hémato-phile : litt. « qui aime le sang », attirance pour le sang, dont la vue ou le goût provoque le plaisir
sexuel – un exemple célèbre est le marquis de Sade. Ce n’est pas la même chose que le vampir-isme,
qui est une maladie psychique qui fait qu’un individu cherche à boire du sang humain.

Nécro-phile : litt. « qui aime les cadavres », qui recherche les rapports sexuels avec un cadavre (du grec
nekros « cadavre », qu’on retrouve dans nécr-ose [cf. fiche -OSE] et nécro-phage « qui mange les
cadavres », qui désigne les animaux charognards).

Pédo-phile : litt. « qui aime les enfants », qui éprouve une attirance sexuelle pour des enfants. Ce n’est
évidemment pas le fétichiste des pieds, qui est un podo-phile. Pédo-phile n’a rien à voir avec la base
péd- qu’on retrouve dans pédicure, pédicule etc., qui vient du latin pes, génitif pedis « pied ». Il s’agit
d’une racine homonyme qui vient du grec pais, génitif paidos « enfant », qu’on retrouve dans péd-iatre
« médecin des enfants », pédo-psych-iatre « psychiatre spécialiste des enfants », et dans péd-agogue,
dont le sens en grec est « qui emmène les enfants à l’école ». Le terme grossier pédé est une abréviation
de péd-éraste qui vient du grec paiderastès « qui aime les jeunes garçons ». La pédérastie était
institutionnalisée dans nombre de cités grecques de l’époque archaïque et classique comme un rituel
initiatique permettant l’éducation militaire et civique des garçons adolescents, pendant lequel l’éraste
(l’homme adulte, par ailleurs marié) assurait la formation de l’éromène (l’adolescent) soustrait à sa
famille ; au terme de ce rituel, le jeune homme entrait dans la classe des hommes faits et devenait
citoyen. Les rapports sexuels entre éraste et éromène étaient ou non autorisés suivant les cités, et
étaient loin de constituer l’essentiel.

Les substantifs abstraits correspondants sont en -phil-ie :

Tricho-phil-ie : litt. « fait d’aimer les poils », fétichisme des cheveux.

Para-phil-ie : litt. « fait d’aimer à côté », néologisme désignant ce qu’on appelait jadis les perversions
sexuelles [cf. fiche PARA-].

2. -PHOBE
2.1. Chimie
Les composés en -phobe sont les antonymes des composés en -phile, cf. 1.1.

2.2. Médecine
Photo-phob-ie : litt. « crainte de la lumière », intolérance à la lumière, en général suite à une
inflammation de la cornée. Il ne s’agit pas d’une phobie au sens psychiatrique du terme.

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2.3. Psychiatrie
Phob-ie : peur maladive de quelque chose.

Phob-ique : relatif à la phob-ie. On parlera aussi bien d’une crainte phob-ique que d’un patient phob-
ique.

Il y a une très longue série de composés X-phobe « qui a peur de X », les substantifs correspondants
sont en X-phob-ie « peur irrationnelle de X ». La liste ci-dessous n’est pas exhaustive.

Acro-phob-ie : peur des lieux élevés (du grec akros « qui est au sommet », qu’on retrouve dans Acropole,
litt. « ville haute » – pensez à l’Acropole d’Athènes, qui surplombe la ville).

Agora-phob-ie : peur de se trouver dans un lieu public fréquenté (du grec agora « place publique »).

Arachno-phob-ie : peur des araignées (du grec arakhnè « araignée »).

Baso-phob-ie : peur de marcher. Attention, baso-phile a un sens très différent (cf. 1.).

Claustro-phob-ie : peur de l’enfermement (du latin claustra « barrière, clôture »).

[Dys-morpho]-phob-ie : peur des défauts physiques (du grec morphè « forme »).

Entomo-phob-ie : peur des insectes (du grec entomon « insecte »). Attention, l’antonyme entomo-phile
ne s’applique pas à l’amour des insectes, mais à un mode de reproduction des végétaux, ceux dont la
fécondation est assurée par des insectes via la pollinisation – on trouve aussi le synonyme entomo-game
(du grec gamos « mariage »), par opposition à anémo-games, végétaux dont la fécondation est assurée
par la dissémination du pollen par le vent (du grec anemos « vent », cf. anémomètre).

Hémato-phob-ie : peur du sang. On trouve aussi hémo-phobe, plus rare.

Hydro-phob-ie : peur de l’eau.

Iatro-phob-ie : peur du médecin.

Lipo-phob-ie : peur des graisses, trouble du comportement alimentaire qui conduit à éliminer tous les
lipides de l’alimentation.

Noso-phob-ie : peur des maladies (du grec nosos « maladie »).

Nycto-phob-ie : peur de la nuit (du grec nyx, génitif nyktos « nuit »). Un peu différent de la scoto-phob-
ie ou peur de l’obscurité (du grec skotos « obscurité »).

Attention
Ne pas confondre les composés en -phobe, -phob-ie avec les composés en -phone qui désignent la voix :
a-phone « sans voix », télé-phone, appareil permettant de faire entendre la voix au loin, hygia-phone,
dispositif permettant de « parler de façon hygiénique », fait sur le modèle du précédent.

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