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Pour citer cet article : Ritzenthaler T, et al. Manifestations cardiaques des cytopathies mitochondriales. Presse Med.

(2015),
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Presse Med. 2015; //: ///

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CARDIOLOGIE/MALADIES ORPHELINES
www.sciencedirect.com

Mise au point
Manifestations cardiaques des cytopathies
mitochondriales

Thomas Ritzenthaler, David Luis, Thomas Hullin, Abdallah Fayssoil

Disponible sur internet le : AP–HP, CHU Raymond-Poincaré, réanimation médico-chirurgicale et pôle ventilation
à domicile, 92380 Garches, France

Correspondance :
Abdallah Fayssoil, CHU Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré,
92380 Garches, France.
fayssoil2000@yahoo.fr

Key points
Cardiac manifestations of mitochondrial diseases

Mitochondrial diseases are multi-system disorders in relation with mitochondrial DNA and/or
nuclear DNA abnormalities.
Clinical pictures are heterogeneous, involving endocrine, cardiac, neurologic or sensory systems.
Cardiac involvements are morphological and electrical disturbances. Prognosis is worsened in
case of cardiac impairment.
Treatments are related to the type of cardiac dysfunction including medication or pacemaker
implantation.

Points essentiels
Les cytopathies mitochondriales sont des affections multi-systémiques d'origine génétique, liées
à des anomalies de l'ADN mitochondrial et/ou de l'ADN nucléaire.
La présentation clinique est variable, multisystémique (atteinte endocrinienne, cardiaque, neu-
rologique, sensorielle).
L'atteinte cardiaque entraîne des altérations morphologiques et des troubles du rythme. Elle
conditionne le pronostic global.
Le traitement est purement symptomatique, avec notamment l'implantation d'un stimulateur
cardiaque en cas de trouble de conduction.

L es cytopathies mitochondriales sont des pathologies multi-


systémiques, dont le dénominateur commun est un dysfonc-
consommant beaucoup d'ATP (muscles squelettiques, cœur,
cerveau, rétine, cellules auditives de l'organe de Corti) sont
tionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale (CRM), donc les plus atteints. La prévalence de ces maladies est estimée
conduisant à un défaut de production d'ATP. Les organes à 1–1,5 cas pour 10 000 personnes [1]. Depuis le premier cas

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rapporté par Luft en 1962, diverses mitochondriopathies ont été dépendance de l'ADN nucléaire et de l'ADNmt, ce dernier ne
décrites, classées selon la présentation clinique, le déficit enzy- contrôlant que 10 % des protéines mitochondriales [2].
matique ou protéinique et les anomalies génétiques. La CRM, localisée au niveau de la membrane interne mitochon-
La synthèse des protéines composant la CRM est sous la double driale, comprend 5 complexes enzymatiques (complexe I à V)
dépendance de l'acide désoxyribonucléique (ADN) nucléaire et participant à la production d'ATP. À partir du cycle de Krebs et de
de l'ADN mitochondrial (ADNmt). Un dysfonctionnement de la bêta-oxydation des acides gras, les molécules de NADH
cette chaîne peut donc être la conséquence d'une anomalie produites sont oxydées par le complexe I (NADH – ubiquinone
de gènes nucléaires ou de gènes mitochondriaux [2]. Ces der- oxidoréductase). Le complexe II (succinate – ubiquinone oxido-
nières étant les plus fréquentes (> 70 % des cas [3]), seules réductase, succinate déhydrogénase) et le complexe III (ubiqui-
celles-ci seront traitées dans cet article. Les atteintes cardiaque none – cytochrome-c oxydoréductase) oxydent respectivement
et neurologique sont les principales causes de décès dans les le FADH2 issu du cycle de Krebs et l'electron transfer flavopro-
mitochondriopathies. tein (ETF) réduite lors de la bêta-oxydation. Les électrons récu-
pérés au niveau des complexes I et II sont transférés au
complexe III par le coenzyme Q (ubiquinone). Ils sont ensuite
Métabolisme énergétique et génétique transportés jusqu'au complexe IV (cytochrome c oxydase [COX])
mitochondriale via le cytochrome C. La chaîne aboutit à la réduction de l'oxy-
La mitochondrie joue un rôle essentiel dans la production gène en H2O par le complexe IV. Parallèlement au transfert des
d'énergie au sein de la cellule. Elle est le siège de l'oxydation électrons, un gradient électrochimique de protons de part et
des acides gras grâce à la bêta-oxydation, de l'oxydation des d'autre de la membrane mitochondriale interne est créé. L'uti-
acides carboxyliques grâce au cycle de Krebs et intervient dans lisation de ce gradient par le complexe V (ATP synthase) pour la
la production d'ATP (phosphorylation oxydative). phosphorylation des molécules d'ADP assure la production d'ATP
La mitochondrie possède son propre génome (ADNmt), trans- (figure 1) [2,4].
mis par voie maternelle. Il s'agit d'un ADN de petite taille En cas de dysfonctionnement de la CRM, les anomalies cliniques
(16,6 kb), bicaténaire et de forme circulaire, contenant résultent de l'accumulation de substrats en amont du blocage
37 gènes : 13 codant pour des sous-unités de la CRM et 24 pour métabolique, responsable d'une acidose, de carence en ATP et
des acides ribonucléiques (2 ARNs ribosomaux et 22 ARNs de de formation de radicaux libres.
transfert) intervenant dans la synthèse des protéines mitochon- Chaque mitochondrie présente approximativement 5 copies du
driales. La synthèse des protéines de la CRM est sous la double génome mitochondrial et il existe, au sein de chaque cellule, un

Figure 1
Chaîne respiratoire mitochondriale
ADP : adenosine diphosphate ; ATP : adenosine triphosphate ; e : électron ; ETF : electron transfert flavoprotein ; FADH2 : flavine adenosine dinucléotide ; NADH : nicotinamide
adenosine dinucléotide ; Q : coenzyme Q ; C : cytochrome C.
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TABLEAU I
Critères diagnostiques des mitochondriopathies

Critères majeurs Critères mineurs

Clinique Forme syndromique mitochondriale ou atteinte Symptômes compatibles avec un déficit


de 3 organes : neurologique, musculaire, cardiaque, rénal, de la chaîne respiratoire
hépatique, endocrinienne, otologique, ophtalmologique, hématologique,
dermatologique, dysmorphie
Histoire familiale de mutation de l'ADNmt
Histologie Fibres rouges déchiquetées (RRF) > 2 % 1 à 2 % de RRF chez un patient âgé de 30 à 50 ans ;
(biopsie musculaire) RRF chez le sujet < 30 ans ;
accumulation de mitochondries dans le
sous-sarcolemme chez le sujet âgé < 16 ans

Enzymes Fibres COX négatives > 2 % chez le sujet < 50 ans Démonstration à l'aide d'anticorps d'un déficit d'un
Fibres COX négatives > 5 % chez le sujet de plus de 50 ans complexe de la chaîne respiratoire :
Baisse de toute activité d'un complexe de la chaîne 20 à 30 % de baisse d'activité d'un complexe dans un tissu
respiratoire < 20 % dans un tissu 30 à 40 % de baisse d'activité de tout complexe
Baisse de 30 % d'activité de tout complexe de la chaîne de chaîne respiratoire d'une lignée cellulaire
respiratoire d'une lignée cellulaire 30 à 40 % d'activité du même complexe
Baisse d'activité du même complexe de la chaîne de la chaîne respiratoire dans plus de 2 tissus
respiratoire < 30 % dans plus de 2 tissus
Fonction Taux de production d'ATP (fibroblastes) > 3 SD unités Taux de production d'ATP (fibroblastes) :
en dessous de la moyenne 2 à 3 SD unités en dessous de la moyenne

Génétique Identification d'une mutation de l'ADN mitochondrial Identification de toute mutation probablement
ou de l'ADN nucléaire pathogène de l'ADN mitochondrial ou nucléaire

Métabolique – Anomalies métaboliques en rapport avec


un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire

Diagnostic retenu : 2 critères majeurs, ou 1 critère majeur et plus de 2 critères mineurs.


Diagnostic probable : 1 critère majeur et 1 critère mineur, ou 3 critères mineurs.
Diagnostic possible : 1 critère majeur, ou 2 critères mineurs.

mélange entre ADNmt normal et ADNmt muté (hétéroplasmie). lactate/pyruvate dans le sang ou le LCR ou l'apparition d'une
La proportion d'ADNmt muté dépend également des redistri- acidose lactique au cours de l'exercice physique est classique.
butions mitochondriales au cours des mitoses (ségrégation L'examen histologique et immunohistochimique d'une biopsie
mitotique). Les anomalies organiques apparaissent chez les musculaire retrouve habituellement une accumulation de mito-
patients à partir d'un seuil d'ADN muté. Ce seuil, dépendant chondries anormales avec un aspect de fibres musculaires rou-
de la balance entre demande énergétique d'un organe et capa- ges déchiquetées (coloration au trichrome de Gomori),
cité de production d'ATP, est variable selon les organes et les négatives pour le marquage du cytochrome c oxydase, positive
individus, ce qui explique l'hétérogénéité clinique des cytopa- pour la succinate déshydrogénase. Des anomalies morpholo-
thies mitochondriales [5]. Ainsi, le cœur mais aussi les muscles giques des mitochondries peuvent être mises en évidence en
squelettiques et le système nerveux central sont plus vulnéra- microscopie électronique [7]. On peut aussi analyser l'activité
bles que les autres organes du fait d'un besoin énergétique enzymatique des complexes de la chaîne respiratoire mitochon-
important. driale par spectrophotométrie. La spectroscopie de résonance
magnétique complète le bilan diagnostique. L'analyse géné-
Diagnostic tique recherche des mutations au sein de l'ADNmt (mutations
Plusieurs syndromes sont décrits dans la littérature, en fonction ponctuelles, réarrangements de grande taille) et de l'ADN nuclé-
des organes touchés et des présentations cliniques. Les symp- aire, et doit être guidée par une analyse clinique détaillée [8].
tômes peuvent apparaître dès la période néonatale, dans
l'enfance ou à l'âge adulte. Épidémiologie des cardiomyopathies
Le diagnostic peut se faire grâce aux critères de Walker Les atteintes cardiaques sont les deuxièmes types d'atteintes
(tableau I) [6]. Au niveau biochimique, une élévation du rapport viscérales les plus fréquentes, après les atteintes endocriniennes
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(diabète). Elles entraînent des anomalies morphologiques Conséquences cardiaques des atteintes de
et/ou des troubles de conduction [9]. La prévalence de la CRM
l'atteinte cardiaque est variable selon l'âge de début de la Les atteintes cardiaques peuvent être de type :
pathologie. Dans les séries pédiatriques [10,11], elle peut  morphologiques : cardiomyopathie hypertrophique (CMH),
être retrouvée chez 40 % patients. Elle précède le diagnostic cardiomyopathie dilatée (CMD), cardiomyopathie restrictive,
de cytopathie mitochondriale dans un tiers des cas, et est NCVG ;
présente lors du diagnostic chez quasiment tous les patients.  électriques : troubles de conduction, syndrome de Wolff-Par-
Dans les séries adultes [12], l'atteinte cardiaque est assez kinson-White (WPW), arythmie cardiaque.
fréquente. Le diagnostic est plus tardif (plus de 10 ans après Sur le plan physiopathologique, il existe un dysfonctionnement
le diagnostic de la cytopathie mitochondriale). de la biogenèse mitochondriale et de la phosphorylation oxy-
L'atteinte cardiaque est un facteur indépendant de morbidité et dative. L'atteinte cardiaque à type d'hypertrophie ventriculaire
de mortalité [10,12]. Dans le travail de Limongelli et al. [12], qui pourrait être en rapport avec une interférence entre la proliféra-
avait inclus 32 patients atteints de mitochondriopathies (dont tion des mitochondries au niveau myofibrillaire et les sarcomè-
7 avec un syndrome de mitochondrial encephalomyopathy, res [14]. Enfin, une augmentation de la production de radicaux
lactic acidosis, stroke-like episodes [MELAS] et 2 avec un syn- libres oxygénés a été retrouvée dans les modèles animaux de
drome de Kearns-Sayre), une hypertrophie ventriculaire gauche cardiomyopathie mitochondriale, à l'origine d'une activation
était présente chez 19 % des patients, 1 patient avait une d'un certain nombre de voies de signalisation contribuant à l'hy-
cardiomyopathie restrictive et 1 patient une non-compaction pertrophie ventriculaire [15]. Dans l'HVG, il existe une hyper-
du ventricule gauche (NCVG). Six pour cent des patients avaient trophie des myocytes et un aspect de myocardial disarray,
un bloc auriculoventriculaire de type II et 22 % avaient un à l'origine d'une désorganisation de la disposition des myofi-
trouble de conduction intraventriculaire (dont 5 avec un bloc brilles [16].
de branche droit). Le taux de survie dans cette étude était de Les atteintes cardiaques s'intègrent dans le cadre de syndromes
67 % (suivi de 5 ans) [12]. complexes comme le syndrome de MELAS, le syndrome myo-
Les sujets atteints de KKS sont à haut risque de mort subite par clonus epilepsy with ragged-red fibers (MERRF), le syndrome de
BAV de haut degré [13], justifiant l'implantation d'un pace Kearns-Sayre (KSS), le syndrome neurogenic ataxia – retinitis
maker (PM) prophylactique. pigmentosa (NARP) et le syndrome de Leigh (tableau II).

TABLEAU II
Principales atteintes cardiaques des cytopathies mitochondriales

Pathologie Atteinte cardiaque Autres atteintes

Atteinte morphologique Trouble de conduction


Syndrome de Kearns-Sayre – BAV, bloc de branche Ophtalmoplégie
Ptosis
Rétinopathie pigmentaire
Ataxie

Ophtalmoplégie externe chronique progressive – Bloc de branche incomplet Ophtalmoplégie


Ptosis

MELAS CMH, CMD WPW Épisode de stroke-like


Surdité, démence
Diabète

MERRF CMD WPW Myoclonie


Épilepsie
Ataxie

NARP CMH – Neuropathie


Ataxie
Rétinopathie pigmentaire

Syndrome de Leigh CMD, CMH – –

MELAS : mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, stroke-like episodes ; MERRF : myoclonus epilepsy with ragged-red fibers ; NARP : neurogenic ataxia – retinitis
pigmentosa ; CMH ; cardiomyopathie hypertrophique ; CMD : cardiomyopathie dilatée ; BAV : bloc auriculo-ventriculaire ; WPW : syndrome de Wolf Parkinson White.
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Les principaux symptômes orientant vers une atteinte cardiaque transmission maternelle, petite taille) devant tout patient ayant
sont une fatigabilité à l'effort, une dyspnée, une syncope de une cardiomyopathie hypertrophique ou dilatée, étiquetée
type Adam-Stokes, des palpitations et des douleurs thoraciques « idiopathique ».
[12]. Des antécédents de mort subite dans la famille sont L'IRM cardiaque garde une place importante dans la prise en
à rechercher de façon systématique à l'interrogatoire. charge des CMH. Elle permet de mieux analyser l'épaisseur des
La fréquence et le type d'atteinte d'organes varient selon la parois ventriculaires, la localisation de l'hypertrophie ventricu-
pathologie mitochondriale. Les cardiomyopathies hypertrophi- laire (septale ou apicale ou concentrique ou atteinte du ven-
ques sont les plus fréquentes (environ 50 % des atteintes tricule droit) et de déterminer le degré de fibrose myocardique.
cardiaques), devant les cardiomyopathies dilatées (25 % des Un rehaussement tardif (gadolinium) est retrouvé chez 60 %
cardiomyopathies) et les non-compactions du ventricule gauche des patients souffrant de cardiomyopathie hypertrophique et
[10,12,17]. est impliqué dans la stratification du risque de mort subite chez
Une CMH est retrouvée chez 38 % des patients ayant un les patients atteints de CMH [29].
syndrome de MELAS [15], pathologie mitochondriale liée le
plus souvent à une mutation transitionnelle A-G en position
3243 de l'ADNmt [18]. Dans le travail de Vydt et al. [19], qui Traitement et conseil génétique
avait inclus 8 patients atteints de MELAS et 4 sujets sains Il n'existe pas de traitement spécifique dans les cytopathies
porteurs de la mutation A-G en position 3243 de l'ADNmt, mitochondriales. La prise en charge reste avant tout sympto-
2 patients ayant un syndrome de MELAS avaient une HVG et matique et multidisciplinaire avec une place primordiale pour le
une dysfonction systolique du VG était observée chez neurologue. Un régime pauvre en graisse est conseillé avec
5 patients MELAS. contrôle des apports. Le coenzyme Q (idébénone), qui intervient
D'autres mutations de l'ADN mitochondrial peuvent être à l'ori- dans la chaîne respiratoire en transférant les électrons des
gine d'HVG, par exemple : m.8344A>G, m.4317A>G, complexes I et II vers le complexe III, peut être proposé chez
m.4269A>G [3]. les patients déficients. Cependant, la supplémentation en coen-
Des cas de CMD ont été rapportés dans le syndrome MERRF, lié zyme Q, thiamine, riboflavine et vitamine C n'est pas systéma-
à une mutation (A8344G) au niveau du gène de l'ARN de tique par absence de preuve d'efficacité thérapeutique formelle
transfert de la lysine [20]. Le tableau initial de CMD est rare, [30].
celle-ci étant le plus souvent une évolution tardive de la CMH Certains médicaments sont contre-indiqués : les biguanides
avec dysfonction progressive du VG [21]. Enfin, des cas rares de (risque d'acidose lactique), certains produits d'anesthésie pou-
cardiomyopathie restrictive ont été rapportés dans les atteintes vant inhiber le complexe I de la chaîne respiratoire (bupivacaïne,
mitochondriales [22]. Chez des enfants atteints de syndrome de articaïne) [31], les statines (interaction avec le coenzyme Q),
Leigh ou de déficit en complexes I, III et IV, sont retrouvées une l'acide acétylsalicylique, les barbituriques et l'acide valproïque
CMH (17 % des patients), une CMD (13 %) et une non-compac- (séquestration de la carnitine, réduction de l'activité de la chaîne
tion du VG (10 %) [23]. respiratoire) [32].
Les troubles de conduction sont fréquents, justifiant la réalisa- En cas de CMH avec obstruction intraventriculaire, il est classique
tion d'un ECG systématique et d'un Holter ECG. Le syndrome de prescrire des bêtabloquants afin de diminuer le gradient
Kearns-Sayre est classiquement associé à des troubles de intraventriculaire et il faut éviter les états d'hypovolémie. En
conduction du type élargissement de l'intervalle PR, bloc auri- cas de CMD, la prise en charge cardiologique repose sur la prise
culo-ventriculaire de 2e et 3e degré, bloc de branche en charge de l'insuffisance cardiaque systolique (inhibiteurs de
et allongement de l'intervalle QT [13,24,25]. Il semble ne pas l'enzyme de conversion, bêtabloquants).
exister de corrélation entre la survenue des évènements ryth- Dans le syndrome de MELAS, on peut proposer un traitement
miques et l'âge des patients [13]. L'implantation d'un PM doit par L-arginine, permettant d'améliorer le fonctionnement
être réalisée, non seulement chez le patient symptomatique, du cycle de Krebs et le métabolisme oxydatif de la cellule
mais aussi de façon prophylactique chez le patient asympto- [33].
matique qui a des troubles de conduction, même en cas de BAV Le conseil génétique est primordial, de même que le diagnostic
de type 1 [26]. Un syndrome de Wolff-Parkinson-White se anténatal, même s'il reste difficile, étant donné la variabilité
rencontre fréquemment dans le MELAS et le MERRF phénotypique des sujets. La transmission de la maladie étant
[18,27,28]. Dans le syndrome de Leigh, des troubles de conduc- maternelle dans les cas de mutation de l'ADNmt, ou autoso-
tion et du rythme sont retrouvés dans près d'un quart des cas, mique récessive, ou dominante ou liée à l'X en cas d'implication
à type de bloc auriculo-ventriculaire, de bloc de branche droite du génome nucléaire, le diagnostic anténatal et le conseil
et de syndrome de WPW [23]. génétique ne pourront se faire que dans les cas de mitochon-
En pratique, il est important pour le cardiologue de rechercher driopathie formellement identifiée génétiquement (formes
des signes extracardiologiques (surdité, diabète, déficit cognitif, syndromiques).
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Conclusion cardiomyopathie du sujet jeune associée à une atteinte


Les mitochondriopathies sont des affections multi-systémiques multi-systémique (surdité, diabète) doit faire évoquer l'hypo-
d'origine génétique liées à des anomalies génétiques de thèse d'une mitochondriopathie.
l'ADNmt et/ou l'ADN nucléaire. Les anomalies cardiaques peu-
vent être morphologiques (CMH, CMD, cardiomyopathie restric- Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits
d'intérêts en relation avec cet article.
tive, NCVG) et/ou électriques (BAV, arythmie). Toute

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