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La revue de médecine interne 26 (2005) 403–408

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Communication brève

Méningoradiculomyéloencéphalite subaiguë liée à une infection


par Cryptococcus neoformans
Subacute meningoradiculomyeloencephalitis due
to cryptococcosis infection
A. Drouet a,*, Y. Amah b, M. Pavic b, P. Gérome c, X. Meyer d, P. Debourdeau b
a
Service de neurologie, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France
b
Service de médecine interne, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France
c
Service de biologie, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France
d
Service de radiologie, Desgenettes, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France
Reçu le 23 septembre 2004 ; accepté le 8 décembre 2004
Disponible sur internet le 19 janvier 2005

Résumé

Introduction. – Le Cryptococcus neoformans infecte électivement le système nerveux central en réalisant des tableaux variés de méningite
ou de méningoencéphalites avec ou sans lésion focale (abcès ou granulome), mais les localisations intramédullaires sont exceptionnelles.
Exégèse. – Les auteurs rapportent le cas d’un homme de 70 ans, sous corticoïdes pour une fibrose pulmonaire depuis le traitement d’une
maladie de Hodgkin qui installa en huit jours une ataxie, un syndrome pyramidal et une bradypsychie. L’IRM montrait une lésion intramé-
dullaire rehaussée en masse avec le gadolinium en D4, ainsi que d’autres plus petites en particulier au niveau de la moelle terminale. Le LCR
comptait 190 GB à prédominance lymphocytaire, une hyperprotéinorachie (2,28 g/l), une hypoglycorachie (1,5 mmol/l) et la présence d’anti-
gènes solubles cryptococciques (réaction d’agglutination au 1/4). Le traitement par amphotéricine B et flucytosine puis pendant six mois par
fluconazole permit une évolution favorable.
Conclusion. – L’origine cryptococcique d’une myélopathie isolée ou intégrée dans un tableau de méningoradiculoencéphalomyélite doit
être recherchée par l’étude des antigènes solubles dans le LCR, tout particulièrement en cas de déficit de l’immunité à médiation cellulaire. Le
traitement antifongique doit être utilisé en première intention, réservant la chirurgie aux cas d’aggravation clinique avec en IRM un aspect de
compression médullaire et nécessite d’être prolongé en cas d’immunodéficience.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Introduction. – If meningoencephalitis with or without mass lesion (granuloma or abscess) is the most common pattern of CNS crypto-
coccal infection, intramedullary involvement is very uncommon.
Exegesis. – The authors report an 70-year-old male with Hodgkin’s disease treated by chemotherapy then corticosteroids because of
pulmonary fibrosis who was presenting for eight days ago, an ataxia, pyramidal syndrome, and bradypsychy. Spinal MRI revealed a gadoli-
nium T1 weighted homogeneous enhancing T4 level intramedullary lesion. CSF had showed 190 GB/mm3 of lymphomonocytes, increased
protein level (2.28 g/l), decreased glucose level (1.5 mmol/l) and positivity for crytococcal antigen. Treatment by amphotéricine B and
flucytosine then fluconazole for six months was instituted and symptoms gradually improved.
Conclusion. – A cryptococcus infection must be searched by antigen in CSF in case of myelopathy isolated or associated with meningo-
radiculoencephalomyelopathy, specially in patients with a cellular immunodeficience. Antimycotic agents must be firstly used, surgery would
be restricted to decompression if aggravation of disease and compressive effect on the adjacent structures radiologically (MRI) became
evident. Prolonged treatment is necessary in case of immunodeficience.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : drouetalain@yahoo.fr (A. Drouet).

0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2004.12.005
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Mots clés : Crytococcus neoformans ; Méningoradiculomyéloencéphalite ; Hodgkin ; Corticoïdes

Keywords: Crytococcus neoformans; Meningoradiculomyéloencephalitis; Hodgkin; Steroids treatment

L’infection par le Cryptococcus neoformans concerne


avant tout les patients souffrant d’un déficit de l’immunité à
médiation cellulaire, infectés par le VIH, ou plus rarement au
cours d’une hémopathie ou d’un traitement corticoïde ou
immunosuppresseur [1,2]. Elle touche électivement le sys-
tème nerveux central en réalisant des tableaux variés de
méningites, de méningoencéphalites avec ou sans lésion
focale (abcès ou granulome), tandis que rares sont les locali-
sations rachidiennes [2], divisées en extra- [3] et intradura-
les, alors extramédullaires à type d’arachnoïdite avec ou sans
lésions en masse [4–6], ou intramédullaires, les plus excep-
tionnelles [7–15]. Nous rapportons l’observation d’un patient
traité par corticoïdes après une maladie de Hodgkin en rémis-
sion qui présentait une localisation myélopathique prédomi-
nante d’évolution favorable sous traitement antifongique seul.

1. Observation

Un homme de 70 ans, droitier, fut hospitalisé le 10 décem-


bre 2003 en raison d’une asthénie, d’une instabilité et d’une
fatigabilité à la marche associées à des paresthésies distales
des membres inférieurs apparues huit jours plus tôt. Le patient
avait été traité pour une maladie de Hodgkin scléronodulaire
de stade IV Bb découverte en fin mars 2003 par huit cures
d’ABVD (doxorubicine, bléomycine, vinblastine, dacarba-
zine) du 21 avril au 20 novembre (sans bléomycine lors des 5 Fig. 1. IRM rachidienne, coupes sagittales, en pondération T2 : a) lésion
dernières cures en raison d’une fibrose pulmonaire, nécessi- hyperintense centromédullaire étendue de D2 à D6 soufflant la moelle dans
tant mi-août une corticothérapie orale d’1 mg/kg par jour, sa partie moyenne ; b) ayant disparu quatre mois plus tard.
secondairement maintenue à 20 mg/jour). Outre l’apyrexie, ventriculaires. La rachicentèse ramenait un liquide clair,
l’absence de splénomégalie et d’adénopathie, l’examen notait comptant 190 éléments blancs à prédominance lymphocy-
sur le plan neurologique, une ataxie mixte proprioceptive et taire associée à une hyperprotéinorachie (2,28 g/l) et une
cérébelleuse statique, une hypoesthésie en chaussette, une hypoglycorachie (1,5 mmol/l). L’encre de chine puis la cul-
hyporéflexie ostéotendineuse diffuse, un signe de Babinski ture sur deux milieux de Sabouraud (en pentes incubés res-
bilatéral et une bradypsychie mais sans confusion. L’EMG pectivement à 30 et 37° pendant 21 jours) étaient négatives
était en faveur d’une polyneuropathie sensitive axonale, modé- mais la présence d’antigènes solubles cryptococciques fut
rée, prédominant au niveau des membres inférieurs intriquée positive au 1/4 (forte réaction d’agglutination) avec le réactif
à des anomalies radiculaires L5 et S1 bilatérales. L’IRM rachi- Pastorex*Crypto Plus : seul le LCR fit l’objet de cette étude.
dienne objectivait une lésion centromédullaire étendue de D2 La recherche par PCR d’ADN bactérien (PCR universel), du
à D6 soufflant la moelle dans sa partie moyenne hyperintense BK, de l’HSV, du VZV, de l’EBV, de l’HHV6, du CMV
en T2 (Fig. 1a), iso-intense en T1 et rehaussée en masse par étaient négatives. Il ne fut pas décelé de cellules suspectes en
le gadolinium en regard de D4 (Fig. 2a) ; à un moindre degré particulier lymphomateuses, l’immunophénotypage mon-
on notait des lésions de plus petites tailles intramédullaires trant une population lymphoïde réactionnelle. Il existait sur
en région dorsale basse et du cône médullaire, associées à un l’EEG un ralentissement modéré et diffus de l’activité de fond.
rehaussement des enveloppes méningées étendues du cône Le scanner X corps entier objectivait des formations tumora-
terminal aux racines de la queue de cheval. Au niveau céré- les résiduelles stables (splénomégalie, adénopathies sus- et
bral, l’IRM montrait des plages peu marquées hyperintenses sous-diaphragmatiques), sans infiltrat anormal au myélo-
en T2 au niveau du vermis médian et des hémisphères céré- gramme et à la biopsie médullaire. Le bilan sanguin montrait
belleux autour du V4 (Fig. 3a), et à un moindre degré en regard comme anomalies un syndrome inflammatoire (VS à 70 mm,
de la corne temporale droite et du ventricule latéral gauche CRP à 27,5 mg/l), une élévation des LDH à 578 UI
associées à un discret rehaussement le long de ces zones péri- (210 < N <420), une hémoglobine à 100 g/l, une thrombopé-
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IV (amphotéricine B : 1 mg/kg par jour ; flucytosine :


200 mg/kg par jour) fut administré, la seconde molécule étant
interrompue à J+12 en raison d’une toxidermie ; l’amphoté-
ricineB fut remplacée au bout de 20 jours par du fluconazole
400 mg/jour poursuivi durant six mois. La disparition pro-
gressive des troubles neurologiques se produisit en quatre
mois avec un LCR et une imagerie cérébrale–rachidienne
presque normalisés au bout de sept mois (Fig. 1b, Fig. 2b,
Fig. 3b).

2. Discussion

Si une métastase intramédullaire, exceptionnelle dans la


maladie de Hodgkin [16] est exclue en l’absence de cellules
suspectes dans le LCR et devant l’évolution favorable sans
reprise du traitement de l’hémopathie par ailleurs en rémis-
sion, la présence d’antigènes cryptococciques dans le LCR
permet d’assurer le diagnostic [2]. Nous n’avons pu colliger
dans la littérature que 11 observations de localisations intra-
médullaires [7–15] (Tableau 1), en sachant qu’il s’agit certai-
nement d’un échantillon non représentatif de l’étendue de
l’infection depuis l’apparition du VIH. L’âge moyen de ces
patients au moment du diagnostic est de 41,09 ans avec des
Fig. 2. IRM rachidienne, coupes sagittales, en pondération T1 avec injection extrêmes de 17 et 66 ans, répartis entre six hommes et cinq
de gadolinium : a) lésion hyperintense en regard de D4 ; b) ayant disparu
femmes. Sept sujets n’ont pas de déficit immunitaire avéré,
sept mois plus tard.
tandis que quatre sont co-infectés par le VIH, alors que notre
nie à 126 G/l et une discrète lymphopénie à 0,738/l. Le dosage patient est traité par corticoïdes après une maladie de Hodg-
sanguin des vitamines (B12, Ac. folique), de la TSH était nor- kin. On retrouve seulement deux fois la notion d’une infec-
mal comme étaient négatifs les marqueurs de maladies de tion cryptococcique précédant la localisation médullaire, au
système, les anticorps antineuronaux et la recherche d’anti- niveau pulmonaire six mois plus tôt dans le cas de Skultety et
gène soluble d’aspergillus fumigatus. Les sérologies étaient al. [9], ou cérébroméningée puis ganglionnaire (respective-
négatives (hépatites B et C, VIH, HTLV1, lyme, syphilis, bru- ment 3 et 2 ans auparavant) chez un patient VIH+ [15]. Le
cellose) ou témoignaient d’une infection ancienne (toxoplas- Cryptococcus neoformans (sans sous type mentionné, excepté
mose, CMV, EBV, HSV, VZV). Un traitement antifongique une fois A et une fois var gatti B) est la souche habituelle-

Fig. 3. IRM cérébrale, coupes axiales, en pondération T2 (FLAIR) : a) plages discrètement hyper-intenses au niveau du vermis médian et des hémisphères
cérébelleux autour du V4 ; b) non retrouvées quatre mois plus tard.
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Tableau 1
Cas de la littérature
Sexe Âge VIH Délai Signes et symptômes Imagerie LCR Histologie Cryptococcus Évolution Traitement
neurologiques rachidienne cerveau GB P : g/l culture/ médullaire néoformans
encre/
Ag
Carton et F 56 – 120 jours Paraparésie, prédominance NF NF GB ? 4,2 NF Abcès/ + Séquelles Opéré
Mount 1951, distale, aréflexie, niveau Granulome
cas 2 sensitif L1
Ramamurthi F 17 – 120 jours Syndrome pyramidale des myelo anormale NF 4 GB (ly) 0,2 NF Granulome + Normal Opéré
1954 membres inférieurs avec D2 12 mois

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spasticité modérée
Skultety 1961 M 60 – 20 jours Paraparésie avec réflexes vifs myelo NF < 1 GB 0,26 NF Granulome + Décès Opéré puis
déformation D6 amphotéricine B
Su et Chen M 66 – 15 jours Paraparésie (3/5) IRM lésion id TDM N < 2 GB 0,37 +++ Granulome + Normal 2 mois Opéré puis
1994 D11–12 amphotéricine B
Dromer et al. M 30 + 3 jours Tétraparésie prédominante IRM médullaire N IRMN normal + + NF NF – curvatus Décès Fluconazole
1995 au niveau des membres remplacé par
inférieurs, pyramidale amphotéricine B
Gumbo et al. M 31 + 9 jours Monoparésie membre IRMcervicodrsale TDM N 33 GB (ly) 0,96 NF + NFNF + Décès Amphotéricine +
2001 cas 1 inférieur gauche, ROTvifs, N fluconazole
niveau sensitif D6 ; céphalée
cas 2 F 31 – 2 jours Paraparésie plus sévère à IRM TDM N 2 GB 4.4 + + NF NF + Normal 7 mois itraconazole
gauche, niveau sensitif dorsolombaire N
D9 gauche, ROTvifs
cas 3 F 39 + 13 jours Paraparésie (1/5), hypotonie, IRM TDM N <1 GB 3,5 + + NF NF + Normal 1 mois Amphotéricine
hyporéflexie, niveau sensitif dorsolombaire N B + fluconazole
D10 puis fluconazole
Grosse et al. F 24 – 90 jours Paraparésie L3–L4 (4/5), IRM lesion id L1 IRM an < 1 GB 4,7 NF Granulome +var gatti Normal Amphotéricine
2001 hyporéflexie, hypoesthésie NF + B 12 mois B + 5fluorocytosine +
distale fluconazole puis
opéré
Lai et al. 2001 M 60 – 90 jours Paraparésie (3/5) IRM lésion id D12 NF < 2 GB 0,5 NF Granulome + Normal 2 mois Opéré puis
fluconazole +
amphotéricine B
Rambeloarisoa M 38 + 7 jours Paraparésie proximale IRM lésion id TDM N < 1 GB 0,79 –++ Abcès +A Normal 4 mois Opéré puis
et al. 2002 hyporéflexie D11–12 amphotéricine puis
flucytosine puis
fluconazole
Drouet et al. M 70 – 8 jours Ataxie cérébelleuse et IRM lésion id D4 IRM an 190 GB(ly) 2,28 NF – + NF + Normal 3 mois Amphotéricine
2004 proprioceptive, Babinski B + flucytosine puis
bilatéral, bradypsychie fluconazole
N : normale ; NF : non fait ; id : intramédullaire.
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ment impliquée, à l’exception d’un cas où il s’agit du curva- l’arrêt prématuré du traitement antifongique. La chirurgie
tus [12]. Le tableau neurologique s’installe en moyenne en seule n’a été réalisée que dans les deux cas les plus anciens,
44,45 jours (2 à 120 jours), deux patients souffrant de plus et a précédé (4 fois) ou suivi (1 fois) le traitement médical.
d’une douleur radiculaire dorsale ou lombaire localisée depuis Ce dernier a utilisé de l’amphotéricine B (9/10), le plus sou-
36 et 22 mois. Il s’agit le plus souvent d’une paraparésie vent en association (fluconazole, 4 fois ; flucytosine, 2 fois),
(8 cas) à prédominance distale avec hyporéflexie diffuse (4/6) ; avec un relais plus ou moins prolongé par fluconazole en cas
une tétraparésie [11], une monoparésie du membre inférieur de séropositivité pour le VIH et chez notre patient. La loca-
gauche [13, cas 1], un syndrome pyramidal irritatif pur [8], et lisation médullaire exclusive ou prédominante de l’infection
une ataxie avec un signe de Babinski bilatéral (cas person- dans ces observations reste inexpliquée, même si elle devrait
nel) ont aussi été rapportés, sans signe d’atteinte cérébrale, être relativisée en l’absence d’une exploration IRM cérébrale
excepté chez notre patient et le premier de Gumbo et al. [13] pour la majorité d’entre elles. Si l’on peut vraisemblable-
qui souffrait de céphalée. Si les anomalies radiculaires détec- ment écarter chez notre patient le caractère abcédé de la lésion
tées par l’EMG sont imputables à l’infection cryptococcique, dorsale, sa prise de contraste en masse et extensive en largeur
la polyneuropathie sensitive axonale est dans notre observa- évoque plus une myélite transverse qu’un granulome dont
tion vraisemblablement d’origine iatrogène (vinblastine). La l’aspect est habituellement plus circonscrit. Cette constata-
myélographie est anormale deux fois sur deux, tandis que le tion pourrait être rapprochée du fait que deux aspects histo-
scanner X (un seul cas étudié) et l’IRM chez trois patients pathologiques sont possibles dans cette infection et refléte-
VIH+ ne montrent pas d’anomalie médullaire. En revanche, raient le degré d’immunodépression de l’hôte : un granulome
l’IRM décèle chez cinq autres malades (un seul étant inflammatoire renfermant très peu de levures est présent chez
VIH+)une lésion iso-intense selon T1, prenant le contraste les sujets immunocompétents où la prolifération fongique peu
en anneau (3) ou en masse (2) avec le gadolinium sur une intense, limitée par les réactions de défenses de l’hôte inté-
hauteur de moins d’un corps vertébral, hyper- (2) ou hypo- resse surtout les méninges et moins l’encéphale de façon alors
(1) intense en T2, entourée d’œdème (2) et déformant la modérée ; à l’inverse en cas d’immunodéficience induite
moelle (4). De multiples lésions médullaires et arachnoïdien- notamment par le VIH de très nombreux amas de cryptoco-
nes au niveau de la queue de cheval n’ont été observées que ques intra- et extracellulaires entourant quelques cellules
chez notre patient, à rapprocher des constatations anatomi- inflammatoires infectent plus largement le parenchyme [1].
ques du cas de Skultety qui présente une lésion intramédul- L’absence de lésion osseuse et (ou) ganglionnaire au voisi-
laire à hauteur de D6 et de nombreux granulomes le long des nage de la myélopathie dans les cas rapportés de la littérature
racines lombosacrées [9]. Il faut noter chez les sept patients plaide en défaveur d’une contamination par contiguïté, ren-
(le notre compris) où une lésion médullaire unique ou prédo- forçant l’hypothèse d’une dissémination par voie hémato-
minante a été détectée grâce à la myélographie (2) ou à l’IRM gène avec passage direct de la levure à travers l’endothélium
(5), son siège dorsal haut (D2 ; D4 ; D6) ou dorsolombaire qui compose la barrière hématoencéphalique [1].
(D11–D12, 2 fois ; D12 ; L1). Au niveau cérébral, le scanner
X a été chaque fois normal (5 cas), mais l’IRM réalisée à
trois reprises, seulement une fois: hormis le cas de notre 3. Conclusion
patient, celui de Grosse et al.[12]présente ainsi six lésions
d’aspects identiques à celles de la moelle. L’analyse du LCR L’origine cryptococcique d’une myélopathie qu’elle soit
retrouve rarement une méningite lymphocytaire avec alors isolée ou intégrée dans un tableau de méningoradicu-
une hypoglycorachie (Gumbo et al., cas 1 ; cas personnel), loencéphalomyélite doit être recherchée par l’étude des anti-
tandis qu’une hyperprotéinorachie est fréquente (7/11). Le gènes spécifiques dans le LCR, tout particulièrement chez le
diagnostic de l’infection a été néanmoins assuré par l’ana- sujet porteur d’un déficit de l’immunité à médiation cellu-
lyse du LCR dans les huit cas où elle a été effectuée grâce à la laire. Le traitement antifongique doit être utilisé en première
détection plus ou moins associée d’antigènes cryptococci- intention, réservant la chirurgie aux cas d’aggravation clini-
ques (4/4), et d’une positivité de la culture (4/6) ou de l’encre que avec en IRM un aspect de compression médullaire et
de chine (6/7) ; dans le sang, la présence d’antigènes a été nécessite d’être prolongé en cas d’immunodéficience.
notée trois fois sur trois. Sept patients ont bénéficié d’une
étude histologique de la lésion médullaire chaque fois posi-
Références
tive (5 granulomes, 2 abcès, 1 lésion mixte), le diagnostic
étant porté par ce seul moyen trois fois. L’évolution a été [1] Neuville S, Dromer F, Chretien F, Gray F, Lortholary O. Physio-
favorable sans séquelle en un à 12 mois pour huit patients pathologie des méningoencéphalites dues à Cryptococcus neofor-
grâce au traitement chirurgical (1), médical (4, dont notre cas) mans. Ann Med Interne (Paris) 2002;5:323–8.
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