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Il n’existe pas une marche standard. Chaque sujet normal et en bonne santé a une
démarche particulière comme une signature qui le distingue d’une autre personne.

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Puisque la marche varie dans une population de sujets sains, à partir de quels
critères peut-on reconnaître une marche pathologique? Une solution idéale serait
de comparer le sujet avec lui-même, par exemple avant et après une intervention
médicale. Une autre solution serait de choisir un groupe sain dit «contrôle» sans
trouble de marche mais qui a des caractéristiques (âge, sexe, taille, poids, …)
proches des sujets avec troubles de marche. Une comparaison statistique permet
d’estimer le degré du trouble de marche des sujets malades.
Dans tous les cas, il faudrait avoir des critères objectifs pour comparer les deux
marches.

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La marche humaine est une activité motrice rythmique et alternée. Cette activité
rythmique existe même chez le nouveau-né encore incapable de marcher. Il s’agit
d’un contrôle inné. La moelle épinière est capable d’engendrer à elle seule des
commandes motrices rythmiques et organisées vers les muscles des membres et du
tronc.
La moelle épinière est cependant incapable à elle seule de tenir compte de
l’influence de l’environnement (obstacle, lumière, pente). Pour que la marche soit
parfaitement adaptée à l’environnement, il faut constamment modifier le message
moteur (amplitude, durée, force, coordination) à partir des informations fournies
par les récepteurs sensoriels et proprioceptifs et en impliquant les centres nerveux
spinaux et supraspinaux.
Par ailleurs, l’automatisme de la marche est intégré dans un scénario
comportemental plus large impliquant un contrôle conscient pour atteindre un
certain but (rechercher un endroit, attraper le bus, fuir).

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La programmation rythmée et alternée de la marche est assurée par un ou
plusieurs réseaux spécialisés de neurones, localisés dans la moelle épinière (ou
dans le bulbe), appelés le générateur spinal de marche ou Central Pattern
Generator (CPG). Le CPG commande les motoneurones fléchisseurs et extenseurs,
par l’intermédiaire d’un réseau d’interneurones organisé de la manière suivante:
- La commande supraspinale atteint simultanément les deux réseaux
d’interneurones excitateurs des fléchisseurs et extenseurs
- L’activité alternée des deux réseaux est assurée par les interneurones
inhibitateurs
- Un circuit récurrent permet une auto-inhibation des interneurones qui provoque
les activations alternées des motoneurones fléchisseurs/extenseurs

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Le paradigme de double tâche suppose que deux tâches simultanées s’interfèrent si
elles utilisent les mêmes sous-systèmes cérébraux.
Si la marche en ligne droite est contrôlée par le système neural cortical et spinal,
une tâche attentionnelle pendant la marche qui est contrôlée par le centre
supraspinal (cerveau) ne devrait pas ou peu modifier la rythmicité de la marche. Ici
la tâche de décomptage est utilisée comme tâche attentionnelle pendant la
marche. Les résultats confirment que le rythme de marche ne change pas ou que
très peu pour des sujets jeunes.

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Avec l’âge, l’être humain perd ses capacités de contrôle moteur. Un sujet âgé
nécessite plus d’attention pendant la marche et donc plus de sollicitation des
centres nerveux supraspinaux. Par conséquent, une tâche attentionnelle perturbe
les centres nerveux supraspinaux peut modifier la marche. En effet chez le sujet
âgé, la vitesse de marche diminue significativement durant une tâche motrice,
cognitive ou les deux. Le paradigme double tâche est utilisé chez le sujet âgé pour
evaluer le risque de chute et developper de nouvelles techniques de rééductaion de
la marche basées sur le contrôle moteur.

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La marche comporte principalement quatre types de paramètres caractéristiques.
Les paramètres spatio-temporels qui correspondent aux distances et au temps
parcourus par le sujet.
Les paramètres cinématiques qui décrivent les segments du corps dans l’espace. La
position et le mouvement de chaque segment sont transformés en déplacement
angulaire ou en orientations articulaires en fonction du temps.
Les paramètres cinétiques qui comprennent les forces nécessaires pour marcher. Ils
sont souvent estimés à partir des forces de réaction au sol, des activités
musculaires et des modèles biomécaniques.
Les paramètres électromyographiques qui contiennent les activations musculaires.

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En utilisant les données individuelles de 34 485 adultes 65 ans et plus, vivant dans
la communauté et leur vitesse de marche, suivis pendant 6 à 21 ans, il a été montré
que les années médianes de la durée de vie restante (données de survie médiane
prédites) sont associés avec la vitesse de marche (prédite) à 65 ans.
Ainsi, la vitesse de marche est considérée comme un des signes vitaux (le 6ème ).
Les 4 principaux signes vitaux sont: 1) la température corporelle 2) la fréquence
cardiaque, 3) la fréquence respiratoire, 4) la pression artérielle.
La douleur ou la saturation en oxygène dans le sang sont considérées comme le
5ème signe vital.
La vitesse est cependant l’un des paramètres de marche, peut être le plus
important, mais on pourrait aussi conclure que d’une manière plus générale
l’ensemble des paramètres de marche sont important pour le diagnostique et le
suivi des patients.
Du point de vue clinique, on peut considérer qu’un changement de plus 0,10m/s de
vitesse de marche serait relevant (Observational Gait Analysis : A Visual Guide,
edited by Janet Adams, SLACK, Incorporated, 2018).
Le cycle de marche (Gait cycle) correspond au temps et à l’ensemble des
phénomènes compris entre deux contacts initiaux successifs du même membre
inférieur au sol. Le pas (Gait step) correspond au temps et à l’ensemble des
phénomènes compris entre le contact initial d’un pied au sol et le contact initial du
pied controlatéral.
Pour chaque membre inférieur, la phase d’appui (stance phase) débute par l’attaque
du talon (contact initial) et finit par le décollage du grand orteil (contact terminal).
La phase oscillante (swing phase) débute par le décollage du grand orteil et finit par
l’attaque du talon.
La durée du cycle (Gait cycle time) correspond à la durée totale de la phase d’appui
et de la phase oscillante. Les différentes phases de marche sont exprimées en
général en pourcentage de la durée du cycle. Ainsi la phase d’appui est environ 60%
et la phase oscillante environ 40% de la durée du cycle.
La phase de double appui correspond au temps qui sépare le contact initial d’un
pied du contact terminal du pied controlatéral. C’est la phase où les deux pieds sont
en appui. Elle dure environ 20% de la durée du cycle, diminue avec la vitesse et
disparaît pendant la course.

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Lors du contact initial, la réponse à la charge commence, il s’agit de la phase initiale
de l’appui (0-10% du temps du cycle). Pendant le début de l’appui unipodal (10-
30%), le pied est plat (foot-flat), la vitesse angulaire du pied est nulle et l’équilibre
est assuré par un pied pendant que l’autre pied quitte le sol. L’appui intermédiaire
ou le milieu d’appui (30-50%) correspond à la phase où le pied controlatéral alors
en phase oscillante passe devant le pied d’appui (ipsilatéral). L’appui se termine
avec la phase pré-oscillante (50-60%) où le gros orteil quitte le sol.
Le début de la phase oscillante correspond à 60-75% du temps de cycle, le membre
inférieur augmente sa vitesse angulaire qui change de signe. La phase intermédiaire
(75-85%) correspond au milieu d’appui du pied controlatéral. Pendant la phase
terminale (85-100%), le pied diminue sa vitesse angulaire qui devient même
négative avant le contact au sol.

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La longueur de la foulée où la foulée correspond à la longueur du cycle de marche.
Elle est la distance parcourue entre le contact initial d’un pied avec le sol et le
contact initial suivant du même pied au sol.
La longueur de pas est la distance parcourue pendant le contact initial d’un pied et
le contact initial du pied controlatéral. La foulée correspond donc à la somme des
longueurs de pas gauche et droit. Le pas est aussi caractérisé par sa largeur
(écartement des talons) et son angle de progression (angle du pied au contact initial
par rapport à un axe horizontal dans le plan).
La vitesse de cycle (m/s) est la distance parcourue pendant un cycle de marche.

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Les élévations du pied sont caractérisés par l’élévation des orteils et du talon. Ces
élévations sont de faible valeurs donc difficiles à mesurer, mais renseigne sur les
problème de marche par exemple une marche trainante.
Pour une marche normale, on distingue deux maximums et un minimum pour
l’élévation des orteils, tandis que le talon a un seul maximum. La zone en pointillée
montre la variabilité autour de la valeur moyenne.
Les capteurs inertiels attachés au pied permettent de mesurer la trajectoire du pied
et de déterminer les paramètres spatio-temporels de la marche.

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La cadence est le nombre de pas par minute. En considérant qu’il y a deux pas dans
un cycle de marche, on peut déduire qu’il y aurait 60secx2/durée du cycle de pas
par minute.
La vitesse moyenne de marche est la distance parcourue pendant la durée de la
marche. Elle correspond à la moyenne des vitesses du cycle.

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La longueur de la foulée est le rapport entre la vitesse et la durée du cycle (=120/
cadence)

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La durée du cycle=120/ cadence et la cadence=100pas/min
La longueur de la foulé moyenne est la distance parcourue (VxT) divisée par le
nombre de foulée N (=100, la moitié de nombre de pas):
5km/h corresponds à 1.39m/s

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Pour la marche asymétrique/régulière nous avons:
la longueur moyenne des pas droits=80cm et la longueur moyenne des pas
gauches=60cm, il y a donc une asymétrie ou une boiterie. Cependant la marche est
très régulière car on garde les mêmes longueurs de foulée et de pas d’un cycle au
cycle suivant.
Pour la marche irrégulière/symétrique nous avons:
la longueur moyenne des pas droits=69cm et la longueur moyenne des pas
gauches=69cm, il y a donc une symétrie et une absence de boiterie. Cependant la
marche est très irrégulière, la longueur de foulée change d’un cycle au cycle
suivant. On trouve un écart type supérieur à 11cm pour les longueurs de la foulée.

Dans les deux exemples, la longueur moyenne des foulées gauches est égale à la
longueur moyenne des foulées droites (à 2cm près due au nombre de cycles
différent).

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La marche est irrégulière car la longueur de la foulée change à travers les cycles.
Elle est asymétrique car les longueurs des pas gauches et droits sont différentes.
Pour une marche rectiligne, la distance parcourue par le pied droit (la somme
cumulée des longueurs de foulée droite) est égale à la distance parcourue par le
pied gauche (la somme cumulée des longueurs de foulée gauche). Ce qui est
normal, car les pieds droit et gauche sont reliés! La longueur de foulée gauche et en
moyenne égale à celle de la foulée droite.

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Pour une marche rectiligne, la vitesse des foulées gauches et droites est identique
et est représentée par la vitesse de la foulée. Cette vitesse peut varier d’un cycle à
l’autre. Cette variabilité est calculée à partir du coefficient de variation (CV). On
peut appliquer le CV pour le paramètres de marche (X) exprimés pour chaque cycle.
Ici, X corresponds à la vitesse du cycle, mais on peut aussi calculer la variabilité de
marche (CV) pour d’autre paramètres de cycle de marche comme la longueur de la
foulée ou la durée du cycle. Une marche à CV élevée correspond à une marche
variable et irrégulière.

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Les paramètres cinématiques de la marche expriment en général les déplacements
et les orientations tridimensionnels des segments (par ex. cuisse, jambe) et des
articulations (par ex. genou, hanche). En statique, les grandeurs cinématiques sont
souvent mesurées par leur étendue (max-min). En dynamique, les grandeurs
cinématiques sont mesurées en fonction du temps. L’échelle de temps est ensuite
normalisée en pourcentage du cycle de marche.
Quand on effectue plusieurs cycles de marche, les courbes d’angle ou de
déplacement sont moyennées à travers les cycles. On trouve ainsi une courbe
moyenne (en trait continu) avec un intervalle qui illustre l’écart-type autour de la
courbe moyenne (en pointillé).

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Les graphiques montrent l’angle de flexion-extension de la hanche en fonction du
pourcentage du cycle de marche avant l’opération (baseline) et 6 mois après
l’opération pour les hanches opérée et saine. La variabilité intercycle de l’angle est
montrée par l’écart type (rouge et vert). Avant l’opération, l’amplitude du
mouvement est plus élevée du côté sain. Après l’opération, l’amplitude de la
hanche opérée augmente entraînant également une augmentation d’amplitude de
la hanche saine. On constate également une diminution de la variabilité.

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On distingue 3 catégories de force et de moment:
- La force et le moment due à l’effet de gravité liés au poids et l’inertie du segment
appliqué au centre de masse du segment (CoM)
- Les forces et moments anatomiques qui incluent les forces générés par les
muscles, ligaments et le contact entre les os
- Les forces et moments externes ou de réaction au sol, la force de réaction au sol
est exercée au centre de pression du pied (CoP). Ces forces et moments sont
mesurables par des capteurs de forces (plateforme de force)

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La force de réaction augmente quand le centre de masse est accéléré vers le haut et
diminue quand le centre de masse est accéléré vers le bas (décélération), un peu
comme quand on est dans un ascenseur ou dans un avion. La force de réaction
n’est donc pas constante et varie en fonction du déplacement du centre de masse
pendant les différentes phases de marche.
Pendant la marche, la force verticale de réaction au sol est caractérisée par deux
maximums. Le premier est après le contact initial du talon et dépasse le poids du
corps: le poids du corps est entièrement en charge sur un pied et le corps est
accéléré vers le haut. Ensuite le corps se déplace vers le haut, décélère
(accélération vers le bas) et la force passe en-dessous du poids du corps: le poids du
corps est toujours entièrement en charge sur un pied. Le second maximum est
associé à la phase d’accélération, ou poussée et dépasse de nouveau le poids du
corps: le poids du corps est entièrement en charge sur un pied et le corps est de
nouveau accéléré vers le haut. Finalement, la force atteint la valeur zéro quand le
pied quitte la plateforme (contact terminal) pendant que l’autre pied supporte
entièrement le poids du corps.
Question- Dessiner sur la figure la force de réaction au sol totale pendant les phases
de double appui. Est-ce qu’elle dépasse le poids du corps?

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En considérant la marche de plusieurs sujets sains sur la plateforme, on peut
trouver la courbe moyenne et l’écart type de chaque valeur de la force verticale
pour un groupe de sujets sains. La figure compare le changement de la force
verticale pour un groupe de sujets sains et un groupe de patients avec arthrose de
la cheville. On constate un aplatissement de la courbe pour les patients qui est
également lié à une diminution de vitesse.

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Il s’agit des résultats obtenus chez une personne âgée opérée pour une fracture de
hanche droite avant et après un programme de rééducation. A gauche, on a les
forces verticales obtenues pendant la marche, un jours après l’opération et avant la
rééducation. A droite, on a les résultats après deux semaines de rééducation.
Avant rééducation: On constate moins de charge sur le pieds droit. La moyenne de
force pour chaque pied est montrée par la droite horizontale (en pointillé). On
constate une différence Db.
Après rééducation: On constate une différence plus faible entre les moyennes des
forces: Df <Db
Remarque: les forces plantaires (gauche et droite) sont plus importantes après la
rééducation. Ceci s’explique par l’utilisation de moyen auxiliaire (déambulateur)
avant la rééducation: une partie du poids du corps est en effet supporté par le
déambulateur entrainant moins de charge sur les pieds.

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L’amplitude de l’EMG est bien corrélée avec la force en statique. Cependant en
dynamique la relation entre la force et l’amplitude de l’EMG est moins triviale. La
figure montre les moments articulaires (flexion-extension) des 3 articulations du
membre inférieur pendant la marche (en bleu) et l’enveloppe des EMG des
principaux muscles (fléchisseur-extenseur) de ces articulations (en roue). Les
amplitudes ont été mises à l’échelle pour comparaison.
Bien qu’il existe une certaine correspondance entre les activités musculaires et les
moments articulaires, il y a quelques exceptions. Par exemple, l’absence d’activité
musculaire du muscle fléchisseur biceps fémoral pendant l’appui intermédiaire où il
existe un moment fléchisseur du genou. De même, l’activité du muscle extenseur
de la cheville (tibial antérieur) n’est pas reflété dans la dorsiflexion de la cheville.

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On peut étendre l’asymétrie que nous avons vue pour les paramètres spatio-
temporels aux paramètres cinématiques et cinétiques tout en considérant qu’une
asymétrie représente en général la différence entre le côté gauche et le côté droit
du même paramètre. Par exemple pour les paramètres cinématiques, il peut s’agir
de la différence de la RoM (étendue d’angle) entre les genoux droit et gauche. Pour
les paramètres cinétiques, on peut prendre par exemple la différence des temps
d’activation entre les quadriceps gauche et droit ou la force de réaction des
chevilles gauche et droite. La valeur à partir de laquelle cette différence est
considérée pathologique (boiterie) dépend du paramètre.
En plus des paramètres spatio-temporels, la variabilité de la marche peut être
estimée aussi pour les paramètres cinématiques (par ex. la variabilité inter-cycle de
la RoM du genou droit) et cinétiques (par ex. la variabilité inter-cycle de la force de
réaction de la cheville droite). Lors d’une marche, une certaine variabilité est
naturelle, elle permet de mieux réagir aux perturbations telles qu’un obstacle. Le
seuil de variabilité pathologique (marche irrégulière) dépend de chaque paramètre.

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