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Nouvelle revue d'onomastique

Sources et caractéristiques de l'anthroponymie juive pyrénéenne et


catalane du XIIe au XVe siècle
Monsieur Claude Denjean

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Denjean Claude. Sources et caractéristiques de l'anthroponymie juive pyrénéenne et catalane du XIIe au XVe siècle. In:
Nouvelle revue d'onomastique, n°37-38, 2001. pp. 165-181;

doi : https://doi.org/10.3406/onoma.2001.1405

https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_2001_num_37_1_1405

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SOURCES ET CARACTÉRISTIQUES DE L'ANTHROPONYMIE JUIVE

PYRÉNÉENNE ET CATALANE DU XIIe AU XVe SIÈCLE

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pour voir comment il les appellerait et pour que tout animal vivant ait pour nom celui dont l'homme
l'appellerai? . Néanmoins, l'observateur de la société médiévale n'accède que rarement à la beauté de l'acte
d'appellation et doit se contenter de répertorier les modes de désignations que chacun utilise pour parler de
son voisin dans les relations courantes. Si l'historien étudie une minorité, le voilà dès l'abord confronté au
sens de cette nomination, à l'ordre social qu'elle établit puisque le plus souvent le majoritaire qualifie le
minoritaire ou que celui-ci se dénomme en fonction de la société englobante. Si le chercheur travaille sur
l'anthroponymie juive, il doit plus encore tenir compte de cette tension entre le nom originel et l'identité
extracommunautaire2 .
Ce travail prend sa source dans une recherche sur les membres d'une communauté juive pyrénéenne
particulière, celle de Puigcerda, à l'est des Pyrénées, essentiellement à travers les sources notariales, dont
l'abondance permet une étude quantitative. L'étude d'une communauté juive stable, dont l'implantation fut
suivie durant deux siècles et demi, entre 1260 et 1493, offre une opportunité3 : tenter de comprendre les
caractères de l'onomastique juive cerdane et roussillonnaise à la fin du Moyen Âge et pouvoir alors
comparer le modèle ainsi établi avec les systèmes repérés en Languedoc4, Catalogne, Aragon5 et Provence6

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m'ont donc semblé importants et ont fait naître questions et problématique. Tout d'abord, la façon de
nommer dit sur la façon de voir l'autre, la reconnaissance qu'on lui accorde ; elle est significative d'une
construction sociale, elle est en rapport avec I'altérité, exprime le problème de l'appartenance et de la
différenciation ; le système anthroponymique est aussi en étroite relation avec le système familial. Or, le
système familial juif possède des spécificités telles que l'on ne peut l'estimer totalement en phase avec celui
de la société englobante ; ce fait met en cause la relation structurelle entre famille et société9. Ensuite
l'appellation n'est pas figée mais varie selon les heures et les temps de la vie, selon les lieux, selon les actes.
Peut-être apporte-t-elle une meilleure compréhension de la dualité que peuvent ressentir des minoritaires10.
Les fluctuations du langage, les oublis, les lapsus éclairent le rapport entre donnée structurelle et écart
significatif avec la norme. En outre, la société juive vit au milieu d'un monde dont les valeurs sont
différentes des siennes — au moins en partie — et nous nous demandons si son système anthroponymique
suit son propre cours ou une évolution parallèle avec les chrétiens. Enfin, la question des convertis est celle
du baptême et donc du changement de nom qu'il est aisé d'imaginer douloureux sinon traumatisant. Le
passage de juif à chrétien se lit alors, brutal, car si les documents disent parfois " olim judeus, nunc
neophytus ", ils donnent moins souvent le nom "d'avant" le baptême, celui qui pourtant pouvait faire frémir

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et se retourner contre celui qui l'avait porté, et qu'il prononçait encore peut-être en secret. S'ajoutait pour
terminer l'attention aux migrations et à l'ancrage local et régional en des lieux où justement les noms
discriminent précisément les natifs des nouveaux résidents, où la langue dit une identité, une culture
régionale. L'anthroponymie rejoint alors la géographie et permet de déterminer des aires culturelles
occupées par une population spécifique bien implantée et marquée par une forte cohésion1 ï.
Ces questions ont germé sur le terreau très prosaïque des archives des ХНГ et XIVe siècles dont la
forme du dépouillement dépendait tout simplement de la capacité à distinguer les juifs des chrétiens, une fois
que l'on a compris qu'une étude à partir des seules séries réputées informatives pour l'histoire juive ne
pouvait se croire sérieuse12. Elles sont nées de la fréquentation des sources et des petites et grandes
difficultés qu'il fallait affronter, du quotidien qui fait sourire a posteriori. Il y avait les questions un peu
vagues, grandiloquentes et souvent particulières, personnelles mêmes, que l'on rumine en dépouillant. Je
n'en renie pas la naïveté13. Sans doute derrière la réflexion demeure une hypersensibilité à l'importance du
nom, façon de vous dire, de vous respecter ou non, de vous cacher, de vous nier, de vous englober, de
choisir en vous une partie de votre être... Cette attention à la dénomination implique de croire évidente la
médiatisation que cause le formulaire du notaire, bien que tous les historiens ne partagent pas ce
présupposé. 11 y avait les petites questions qui agacent comme autant d'aiguillons : Qui est juif ? Celui-ci
est-il bien le même que celui-là, qui porte le même nom ? Et par conséquent, l'homonymie est-elle
acceptable ?14 Se nommer sert-il à se distinguer individuellement ? Plus généralement, distingue-t-on le juif à
question
son nom de
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cours de constitution repose sur un double engagement. Parce qu'il ne semble pas rigoureux de construire
une base de données sur le vague sentiment ni sur l'idée approximative qu'un tel est juif Parce que
reconnaître le juif à vue de nom relève d'un stéréotype très solidement ancré. Les choix initiaux de l'étude
ébauchée ici sont donc largement tributaires de la rencontre entre mes propres préoccupations et les
habitudes de cinq générations de notaires que j'ai fréquentés. L'espace pyrénéen, catalan et provençal est
assez cohérent et bien documenté pour y tenter un effort de synthèse. Parce que les populations, juives et
non juives, qui y vivent et qui le parcourent appartiennent sans conteste à une koïnê. Parce qu'il est
relativement uniforme linguistiquement et que les sources sur lesquelles travailler sont remarquablement
homogènes et ont déjà été souvent utilisées16. Nous disposons de textes, de listes formant une métasource
très précise, fiable et uniformisée17.
Les sources disponibles se classent en trois types, qui utilisent deux alphabets et trois langues. Les
actes notariés privés mis en forme par l'autorité publique à la scribanie, les actes royaux ou communautaires
publics, administratifs ou fiscaux, les actes judiciaires emploient le latin, l'hébreu, mais s'y glisse parfois la
langue vernaculaire. L'hébreu peut être traduit ou seulement translittéré en alphabet latin. La langue
populaire enrichit surtout le vocabulaire du notaire lorsque la langue savante ne fournit plus le mot juste. Il
peut arriver que certains actes se présentent comme créant un lien de traduction, de passage entre
l'expression du nom chez les chrétiens et celle pratiquée dans la communauté juive. Néanmoins, les textes
conservés proviennent des archives chrétiennes et sont quasiment tous de la main du scribe chrétien18. Nous
devons donc évaluer les caractéristiques spécifiques de l'anthroponymie juive à travers son expression au
sein de la société englobante. L'analyse des formulations de l'identité des clients juifs du notaire peut donc
nous informer non seulement sur un regard chrétien porté sur le monde communautaire juif, mais aussi sur
les capacités des juifs à se conformer aux règles juridiques et sociales en vigueur et à exprimer, voire à faire
comprendre ou transmettre leur propre personnalité et culture, sans que conformité sociale et identité
affirmée ne soient a priori contradictoires19. En effet, les actes notariés variés présentent en général une
identification du contractant sous sa forme latine ou le plus souvent vernaculaire, plutôt même dans une
langue qui n'est plus proprement du latin mais qui peut être néanmoins déclinée, nominatifs et génitifs étant
ou n'étant pas employés, un cas subsistant dans l'appellation habituelle, un autre pas, les versions différentes

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l'anthroponymie
au XVe siècle
juive pyrénéenne et catalane
d'un nom se succédant sans règle fixe. Le système anthroponymique utilisé varie lui aussi, alternant l'emploi
ancien du nom personnel suivi de la filiation et de l'alliance (ou bien seulement l'un ou l'autre) avec celui
plus récent de deux noms dont l'un peut être ou devenir patronyme. Surnoms et toponymes peuvent
s'employer. La masse de la documentation, conservée dans les archives notariales urbaines ou royales,
permet de travailler sur un échantillon suffisant pour obtenir un traitement systématique convenable, mais à
condition de respecter quelques règles20. A vrai dire, les actes notariés privés qui sont le lot quotidien du
dépouillement proviennent à quatre-vingt-quinze pour cent des actes économiques dont les trois quarts sont
des actes de prêts et les autres des actes de vente ou de concession de biens immobiliers ou fonciers. Les
archives méridionales recèlent également dans un nombre variable selon les époques et les types de registres
concernés les actes familiaux unilingues ou bilingues. Mais si quelques dizaines de ces documents font la joie
d'un chercheur, ils ne peuvent s'équilibrer avec les milliers d'actes précédents. La moitié de cet ensemble de
documents familiaux se constitue de testaments que complètent à l'occasion les codicilles et règlements de
successions21. L'autre moitié des actes organisant la vie conjugale : constitutions de dots enregistrées dans
les minutes selon le modèle chrétien pour un tiers, alors que les deux autres tiers sont enregistrés selon le
mode hébraïque, sans exclure le travail du notaire hébraïque qui lui écrivait la charte. Ces actes familiaux
concernant les juifs sont donc seuls à nous offrir quelques textes doubles dont le corpus, mince en quantité
mais essentiel pour notre propos, se constitue de contrats dotaux et de ketuboP. C'est seulement dans ces
cas que nous pouvons juger de manière globale, panoramique si l'on veut, de la manière de se nommer
employée chez les juifs méridionaux et pyrénéens. En effet, si les contrats dotaux suivent bien entendu le
modèle habituel et utilisent le système d'identification des actes de vente ou de crédit — comme les
testaments, qui ne sont au fond qu'un des actes de bonne gestion de sa fortune — les ketubot conservent
globalement leur forme originelle. Ici, le notaire chrétien s'emploie à prouver la valeur de son acte par une
procédure que l'on pourrait qualifier de copie authentique. Sa référence est donc l'acte hébraïque
préexistant. Cette pratique prouve combien les clients juifs désirent obtenir une légitimation de leurs
engagements familiaux traditionnels devant la société chrétienne, au moins pour des raisons d'efficacité.
Mais elle montre également les efforts réels et véritables des scribes chrétiens pour s'adapter à la dictée du
notaire hébraïque ou du client capable d'expliquer l'acte original hébreu puisque non seulement le scribe
prend soin de noter qu'il s'agit d'un acte hébreu spécifique nommé ketubah, mais aussi prend soin de
recopier cet acte en en translitérant les premières et dernières lignes pour prouver la validité de
l'enregistrement public. Cette référence remplace dans ces actes très particuliers la preuve administrée par
les formules classiques des autres types d'actes ainsi que la mention des témoins et semble être plus
importante que la liste des témoins ; car ici ce n'est plus la cérémonie notariale qui compte le plus, mais la
qualité de la transcription, de la duplication. Dans ce cas, nous rencontrons une dénomination des époux et
de leurs parents très différente de celle employée habituellement : le nom "¿7 hebraïcd\ dit le notaire. Nous
voyons là s'opérer une sorte de traduction à "quatre mains", qui ressemble aux travaux des intellectuels de
Tolède ou de Palerme, mais modestement, pour une affaire capitale pour une femme et sa famille. L'intérêt
ne réside pas pour nous d'abord dans l'emploi de la langue hébraïque mais dans l'expression d'un système
d'appellation différent qui est exceptionnellement dit devant le chrétien.
Car les autres sources, vestiges des sources communautaires, comprennent des listes en latin et roman
reprenant les noms des chefs de famille qui doivent verser la tallia judeorum ou qui se sont rassemblés à la
schola pour une réunion de l'Assemblée23, pour écouter le conseil, pour régler une affaire... Elles peuvent
aussi contenir des listes en alphabet hébreu, mais ne nous fournissent pas bien entendu de tables
d'équivalences entre systèmes anthroponymiques. Ces rares documents, présents essentiellement dans les
archives notariales à l'échelon de la collecté* ou au niveau local, qui donnent des listes déjà constituées,
permettent ainsi d'observer une sorte de portrait onomastique instantané d'une communauté à une date bien
précise (un jour pour une réunion de V aljama, quelques mois pour la collecte de la taille25). Si l'aspect
diachronique manque à ces actes, l'intérêt réside dans la possibilité qu'elles offrent d'appréhender

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l'ensemble du système communautaire — et en particulier sa variété — une fois qu'ont été résolus les
problèmes posés par la représentativité de l'échantillon : lit-on le nom des seuls chefs de famille ou non ? un
seul nom par feu ou plus ? à partir de quel âge ou de quelle situation familiale se fait-on un nom dans ces
listes ? Ces questions sont d'ailleurs proches de celles qui doivent être résolues pour l'évaluation
démographique ou fiscale. Les listes de membres de la communauté sont, elles aussi, rares mais elles
présentent l'avantage de nous offrir un instantané d'une communauté à un moment donné dans un acte
originel et non pas â travers une métasource, photographie de groupe qui peut intéresser le linguiste comme
le démographe. L'idéal est de pouvoir les confronter avec les autres données obtenues par ailleurs. Bien
entendu, chaque zone étudiée possède des points forts alors que d'autres renseignements sont indigents. La
documentation cerdane et roussillonnaise diffère de celles publiées pour Girone, Salon, Manosque, la
Navarre26. En effet, elle comprend proportionnellement moins de listes d'impositions et de feux. Mais nous
distinguons fort bien des communautés anciennes et lettrées, ouvertes aux flux migratoires du sud, au XIIe-
ХТ1Г siècles, puis du nord languedocien, au XIVe siècle, mais dont le noyau communautaire et familial est
solide, comme Girona ou Narbonne, de communautés plus jeunes ou en déclin, à la variété onomastique
faible, comme Puigcerda au milieu du XIIIe siècle ou au XVe siècle, ou de communautés très ouvertes à des
migrants d'origine très diverse, comme la Navarre dès le XIVe siècle, mais surtout au XVe siècle. Surtout,
nous pouvons évaluer le processus inverse à celui évoqué ci-dessus avec les ketubot recopiées par les
chrétiens : l'attention aux règles extérieures à la communauté et l'influence ou la conjonction des pratiques
internes avec celles de la société englobante. Sans vouloir donner raison à ceux qui s'inquiétaient alors de
l'acculturation possible et dangereuse, à travers la constitution de ces "rôles" d'impôts, nous observons des
pratiques sociales et administratives très voisines de celles des chrétiens27
Les correspondances, chroniques, récits de voyages et responsa 28 nous présentent pour leur part le
pendant hébraïque des actes notariés, puisque nous disposons alors de données nous informant sur les
pratiques intracommunautaires des milieux intellectuels29. Ces textes n'ont pas véritablement fait l'objet
d'un traitement global au sujet de l'anthroponymie, les questions qui se posent aux historiens de la
philosophie ou de la religion étant celles de l'identification des hommes, qui préoccupent également
l'historien de la société mais qui se contentent d'utiliser l'anthroponymie ponctuellement comme une science
auxiliaire30. Or les problèmes d'identification ne peuvent être assurément résolus que si l'on dispose d'une
connaissance
quel autre élément
du système
historique.
onomastique médiéval, qui n'a pas plus de raisons d'être permanent que n'importe

Nous pouvons ainsi juger du polylinguisme des juifs catalans et pyrénéens parallèle à leur capacité à
jouer de plusieurs systèmes d'appellation : ils peuvent donc lire et écrire l'hébreu — s'ils sont savants
comme Levi ben Abraham de Villefranche de Confient31 — au moins le lire et déchiffrer mais aussi dominer
suffisamment le latin, du moins pour leurs affaires sinon pour l'étude ; avec leurs voisins et relations
commerciales, ils emploient le catalan ou le languedocien ; le judéocatalan naît justement de l'utilisation de
la langue vernaculaire pour exprimer des faits étrangers à la culture dominante et en quelque sorte
intraduisibles32. De même évaluons-nous l'emploi d'une manière de nommer dans les actes courants de la
vie économique et intercommunautaire mais aussi d'une autre dans la vie familiale, religieuse et
intellectuelle33. Des noms hébraïques et des appellations catalanes ou languedociennes sont latinisés. Les
sources judiciaires manifestent les nuances des dénominations de la manière la plus vivante, puisque
l'identification des acteurs ou de témoins se déroule selon le procédé notarial chrétien alors que les récits
des témoins montrent comment l'on se dénomme dans le call. Le nom utilisé au marché pour interpeller le
poissonnier ou le boucher n'est pas celui employé pour parler d'un sage de la communauté que l'on ira voir
dans son Studium. Ces choses de la vie, bien naturelles, peuvent donc nous donner des précisions sur
l'utilisation ou non de codes particuliers chez les chrétiens et les juifs et sur les ponts existant entre les deux
mondes, sur les rapports entre majorité et minorité : on ne peut en effet distinguer simplement un nom
interne et religieux, le nom de la circoncision, de la ketubah et de la stèle34, celui qui signe l'étude de la Loi,

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I'anthroponymie
au XVe siècle
juive pyrénéenne et catalane
la philosophie, la prière, bref le nom du rapport avec Dieu, diffèrent nom social à destination du chrétien,
celui des actes économiques, administratifs et des testaments, même si la situation se rapproche parfois de
cela.

La dualité des sources, même basée sur des échantillons très inégaux en nombre, est donc à l'origine
de la méthode choisie. Il demeure sans doute exceptionnel de lire divers types de documents concernant le
même cas. Cependant ces cas sont précieux car ils permettent de dépasser le caractère aléatoire de notre
documentation, somme toute cause d'un certain pointillisme dans l'étude quelle que soit l'abondance des
actes. En effet, les données familiales ne permettent de dresser des arbres généalogiques le plus proche
possible de la réalité que lorsque la chronologie des choix familiaux s'exprime dans des actes successifs
étalés dans le temps, que si l'application des décisions d'un père de famille permet d'appréhender un
maximum — sinon l'ensemble — des individus en relation avec lui. H devient alors possible de constituer
une métasource sous forme de reconstitution de familles et de listes. L'obtention d'un tableau le plus
complet possible, permet de saisir d'abord un système dans son ampleur et dans ses diverses nuances mais
aussi dans son évolution, pour comprendre ainsi son fonctionnement. En effet, c'est bien le système
anthroponymique — ou les systèmes — dans toute son extension qui nous renseigne sur les conceptions des
hommes qui l'emploient. Nous avons déjà souligné que les noms employés, s'ils pouvaient être traduits,
différaient selon le type de document, le lieu, les locuteurs, le type d'action qui nécessitait l'identification.
Néanmoins, une fois perçue l'importance de la variation des appellations et de la différence entre les
systèmes utilisés par une même personne, pour que cette collecte de renseignements soit le plus fiable
possible, il semble nécessaire de demeurer neutre et proche des documents durant les premières étapes du
travail, puis d'expliciter les choix de manière à pouvoir les corriger et les critiquer lors de la découverte
toujours possible de compléments, et donc de pouvoir les rendre réversibles s'ils n'étaient totalement
justifiés dans les recherches futures. Pour cela, et pour éviter d'appliquer a priori des notions peu pertinentes
à l'époque médiévale dans les communautés juives, le fichier de saisie des données doit permettre de classer
trois à quatre dénominations indépendantes ou liées, soit successives, soit concomitantes, de savoir quel
rang leur donner et s'il est possible d'opérer dans un second temps des rapprochements entre plusieurs
fiches ouvertes au même nom35. Cette première analyse et organisation s'opère en utilisant les
renseignements familiaux et dates donnés par les actes, sans qu'une règle fixe soit imposée préalablement,
puisque justement nous essayons de chercher quelles règles président à l'appellation dans notre
communauté. Un problème se pose lors de l'élargissement de la réflexion à une région, car il faut alors
harmoniser des données plus ou moins hétérogènes. Toutefois, les index anthroponymiques dressés par les
divers chercheurs ont pu se connecter sans trop de difficultés, même si c'est au prix d'un appauvrissement
des informations, toutes les études n'ayant pas par exemple reconstitué les familles ou prêté une grande
attention à l'emploi des patronymes36 ...
Enfin, dans les cas où nous possédons des documents à la fois en hébreu, latin, catalan ou
languedocien, utilisant les alphabets hébraïque ou latin, nous pouvons dépasser la description de généralités
valables sur la longue durée37, d'abord l'existence d'un nom hébraïque doublé par un nom vulgaire, ensuite
l'emploidesde affaires
traiter traductions
lors des
et d'équivalences
relations avec entre
les chrétiens.
le nom interne
Il n'està pas
la communauté
même nécessaire
et le de
nomseemployé
contenterpour
du
constat de différence entre les systèmes employés par les communautés juives et les chrétiens, de conclure à
un décalage chronologique visible en permanence et à l'archaïsme du système hébraïque par rapport à
I'anthroponymie des majoritaires. Nous devons repérer plus finement la convergence entre les systèmes de
dénomination hébraïque et courant et de leurs rapports respectifs avec le système chrétien alors en
formation. L'évaluation précise des variations individuelles et collectives, dans leur souplesse, de l'évolution
parallèle des deux systèmes et des rapports entre les deux, met plus fortement l'accent sur la spécificité juive
médiévale, ses capacités d'adaptation sans déficit identitaire.
Grâce à cette documentation particulièrement riche et complète pour la période médiévale, comment

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peut-on caractériser le système anthroponymique utilisé par les juifs pyrénéens et catalans ? Assistons-nous
comme pour les chrétiens à une naissance de la dénomination moderne ?
L'usage juif de dénomination possède une caractéristique primordiale, celle de la double appellation,
qu'ils ne partagent chez les chrétiens qu'avec les moines, voire dans la pratique certains troubadours.
Encore faut-il préciser combien cette tradition marque les hommes et pas ou peu les femmes. Et ajouter
combien la comparaison avec ceux qui prient dans le monde chrétien demeure approximative, sauf pour les
convertis, puisqu'il ne s'agit pas pour les juifs d'un nom marquant la conversion, le changement de vie et de
famille, certainement pas de marquer l'annihilation de l'individu au sein d'un groupe de "frères". Le jeune
garçon juif reçoit donc à la synagogue38 un nom personnel hébraïque d'origine biblique selon la tradition
antique qui a perduré. Lorsqu'on le désigne, ce premier nom peut être complété par celui de son père ou
même de son grand-père, voire plus, situant l'individu dans une chaîne de filiation patrilinéaire. Dans le cas
des Lévi et des Cohen, nous pouvons déjà parler de patronyme manifestant l'appartenance à une lignée,
donc la possession de qualités et le devoir de respect d'interdits et de pratiques particulières à ce clan. Ce
système, classique et simple, valable sur la très longue durée, sert de référence. Il ne rend sans doute pas la
tâche facile aux étrangers qui comme l'historien, veulent repérer des individus car le nombre d'homonymes
est important, comme dans la plupart des communautés, même s'il peut faire le bonheur de ceux qui
travaillent sur la filiation et la famille. Mais ce fait n'a pas d'importance pour une collectivité, où
l 'interconnaissance pallie l'homonymie et où le but de la dénomination n'est pas la distinction personnelle.
D'ailleurs les voyageurs qui, comme Benjamin de Tudèle au XIIe siècle, se font un devoir de donner le nom
des sages de chaque ville, semblent rapidement se repérer à travers des listes pour nous répétitives,
manifestant par là leur bonne connaissance et leur bonne pénétration du milieu local39, assurant ainsi la
commémoration de la grandeur des communautés rencontrées. Pour aller plus loin dans la désignation, il
faut ajouter le nom du lieu où vit le rabbin en question, la célébrité de son école ou de responsa fera le reste
et son nom circulera dans les pays.
Ce mode de désignation peut être traduit sans problème à destination des chrétiens et c'est fait.
D'ailleurs, durant l'époque romaine et les siècles qui ont suivi, la conjonction avec les modes des autres
l'emporte sur la différence40. En outre, même durant le Bas Moyen Âge, cette pratique est exactement celle
du notaire dont le premier souci est de repérer l'identité de ses clients par leur place dans la famille et
d'abord la filiation. Toutefois, la situation se complexifie car, au Х11Г siècle, les manières de nommer se
multiplient et se diversifient. Au moins dans la société englobante, car les désignations abrégées et
symboliques des auteurs hébraïques41 ne relèvent pas de ce phénomène. C'est alors qu'apparaissent les
prémices de la dénomination moderne et l'augmentation de l'utilisation des langues vemaculaires, telle
qu'elle a été étudiée chez les chrétiens42. Alors se rencontre dans les registres notariés un système
anthroponymique nouveau. A première vue, à part la langue désormais romane, la base de notre système
serait identique à celle du mode traditionnel, celui qui perdure à la synagogue et dans la communauté, avec
la mention du nom personnel puis d'un nom paternel qui peut devenir patronyme Néanmoins, il ne s'agit
pas, me semble-t-il, de la divergence née vers le XIIIe siècle entre un modèle ancien, clos, qui persisterait
dans le conservatoire de la pratique religieuse familiale et communautaire alors que sa forme transposée
vivrait sa propre évolution en se frottant aux pratiques chrétiennes dans la société englobante. D'abord
parce que ce schéma simplificateur opérerait une séparation contemporaine entre le laïc et le religieux et
méconnaîtrait peut-être plus gravement encore le monde juif médiéval que le chrétien43. De toute manière, il
ne s'agit pas de cela, puisque le système hébraïque est vivant et non pas figé, même s'il demeure fixe sur un
temps plus long et que le système en langue vemaculaire n'est pas toujours une simple traduction du nom
hébraïque, les quelques actes doubles le prouvent.
Le système employé chez le notaire varie et évolue. Son rapport avec le précédent relève de
déplacements successifs, de translation plutôt que de traduction. Ainsi, le nom personnel peut être suivi du
nom du père, ou bien se compléter avec un second nom, soit nom du père au génitif avec élision de " fìlius "

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l'anthroponymie
au XVe siècle
juive pyrénéenne et catalane
ou même sans génitif, soit toponyme, soit patronyme, soit autre terme — mais beaucoup plus rarement —
qui peut être un surnom, qualificatif plus ou moins frappant44. Au fur et à mesure qu'une jeune communauté
s'étoffe ou que les générations d'habitants se succèdent au début du XIVe siècle, le nom peut même devenir
triple voire quadruple, juxtaposant les filiations avec élision ou filiation et toponyme, filiation et patronyme,
patronyme et toponyme. Mais comme ces séries peuvent être longues et peu pratiques, qu'elles demandent
une connaissance précise de l'origine de l'individu45, que les usages ne sont ni fixés ni imposés par une
autorité, le client ou le scribe peuvent choisir dans la série complète seulement deux éléments. Le nom
personnel est bien entendu toujours cité ; lorsqu'existe un patronyme solidement ancré, c'est ensuite lui
désormais qui est choisi. Par contre, les clients de passage ou les nouveaux immigrants venus pour raisons
commerciales comme à cause d'une expulsion ou de troubles frappant une région voisine sont plutôt
désignés par un toponyme. Celui-ci ne signale en aucune façon la dernière résidence mais peut remonter à
une origine bien plus lointaine46. La série la plus fréquente se compose du nom personnel, nom du père,
toponyme. Les toponymes sont les appellations transmises le plus difficilement et rarement, alors même
qu'ils ne possèdent pas un référent proche dans le temps, ce qui est prouvé par les mentions " olim babitator
de... nunc de..." qui diffèrent presque toujours du nom qui situe "de tel lied'. L'énonciation d'un nom de
lieu par le client du notaire ou une telle désignation préférée par ses voisins pourrait provenir de la
différence que font les hommes du Moyen Age entre lieu d'habitation, où l'on appartient à la communauté,
et simple résidence ; mais le lieu originel et aimé d'où l'on a été chassé peut amener également des migrants
forcés à se souvenir du pays de leurs ancêtres, comme le poète Abraham ibn Ezra se faisait appeler
"l'Espagnol"47.
C'est donc le nom personnel qui est le pivot du système, le seul non soumis à variations48. Son choix,
qui s'opèrel'individu,
seulement dans un mais
stockaussi
assezsalimité,
famille.enEnrapport
effet, ce
avec
nomlesdepratiques
l'ancêtre familiales
entrera dans
d'héritage,
la dénomination
marqueradenon
ses
descendants, de façon permanente même, si ce nom personnel réussit à s'imposer comme patronyme, bien
que cela soit encore rare au XIVe siècle. Il existe deux types de nom personnel. Le plus souvent, le nom
choisi est d'origine hébraïque et biblique, les patriarches comme les matriarches rencontrant le plus de
succès, Abraham étant le premier avec Jucef, Isach et Mosse19. Une autre partie des individus porte un nom
personnel vernaculaire puisé dans le stock chrétien mais exprimant une image, un symbole essentiel à la
judéité, suivant la méthode utilisée ensuite pendant la période moderne et contemporaine pour le choix des
noms juifs50. Dans les sociétés ibériques, ces noms ne sont pas toujours un critère très pertinent, du moins
pas très clair, pour distinguo* le juif du non-juif, surtout dans les zones méridionales peuplées de musulmans.
Dans les régions languedociennes, dans une société beaucoup moins mêlée, un Abraham, un Joseph, un
David ou un Salomon portent un nom qui signale beaucoup plus leur judéité51. Mais les Astruch, Bonafos ;
Bonet, Bondio, Cresques, Macip...52 proviennent d'un échantillon onomastique qui peut être porté par des
juifs comme par des chrétiens53. Cependant, deux distinctions permettent à chacun de conserver son identité.
Tout d'abord, s'ils peuvent dénommer ou devenir patronyme, Macip ou Bonafos ne sont pas des noms de
baptême chrétien alors qu'ils peuvent intervenir en premier rang dans le nom vernaculaire des juifs. En
outre, il est remarquable de voir combien au sein d'un espace limité à une ville et son territoire, les noms
choisis au sein de chaque communauté dans un ensemble pourtant théoriquement intercommunautaire
évitent au maximum les homonymies, cause d'indifférenciation entre un chrétien ou un juif. Chaque groupe
puise dans un stock commun et non communautaire54 mais ne choisit jamais des appellations employées
localement par l'autre communauté. Cela signifie que le nom lui-même n'est ni caractéristique de la judéité
ni signe certain de chrétienté mais que son affectation communautaire dépend d'un jeu non explicite visant à
éviter l'ambiguïté à l'échelle locale, alors même que l'opposition entre chrétien et juif se marque de la
manière la plus générale et formelle, judeus représentant une catégorie devant être toujours nommée. Il
existe des noms personnels typiquement chrétiens, qui sont bien des noms de baptêmes, comme Pierre ou
François et Dominique pour le début du XIVe siècle et qui représenteront donc de bons noms de convertis.

171
Nou velie Revue d 'Onomastique n° 3 7-38 - 2001
Nous avons cité des noms bibliques préférentiellement employés par les juifs du ХИГ et XIVe siècle, mais
qui peuvent à la fin du XVIe dénommer des protestants. Les noms hébraïques, exprimant des images fortes
du judaïsme, demeurent pour leur part uniquement portés par des juifs. L'espace de dénomination
typiquement et uniquement juif reste donc limité. Néanmoins, par leur nom courant et social,
intercommunautaire, les divers groupes de population juive s'intègrent au sein de la société majoritaire et
marquent à la fois leur identité par un procédé ou plutôt un processus d'adaptation au milieu, de
détermination très précise et de pertinence fine.
L'utilisation et la multiplication des patronymes correspondent bien à cette pratique. Le monde juif
médiéval pourrait être crédité d'un emploi large et précoce de patronymes caractéristiques, lié plutôt au clan
qu'à la famille, mais répondant bien à la définition de patronyme et à l'importance de la filiation patrilinéaire.
En effet, deux patronymes sont universels et ne sont pas partagés avec d'autres communautés : Cohen et
Lév f5 ainsi que que leurs variantes. Toutes les communautés étudiées possèdent leurs "Cohen" et leurs
"Lévi". A côté, pas d'autres patronymes qui parviennent à s'imposer au ХПГ siècle et assez peu au XIVe.
Néanmoins, quelques notables célèbres catalans, aragonais ou provençaux voient employer un nom qui les
range dans une puissante famille soit liée au pouvoir royal, soit éminente par leur science et leur sagesse56.
Ainsi, certains noms rappellent des charges ou des métiers plus ou moins notables mais surreprésentés dans
la population juive, comme Alfaquim ou Metgc11 . S'il s'agit bien de noms de famille, nous ne pouvons
réellement voir dans ces noms de véritables patronymes fixés mais seulement noter que ceux-ci sont en train
de se généraliser et de s'imposer dans le système de dénomination. Les femmes n'en reçoivent jamais, ni de
leur père, ni de leur mari, mais sont seulement nommées par leur situation de fille ou d'épouse. Pour elles,
"/;//a" ou "uxor1' n'est pas élidé ; elles sont donc désignées d'abord par leur nom personnel unique, qui peut
être emprunté à la Bible comme pour les hommes, mais qui est beaucoup plus souvent une qualité bien
féminine exprimée en langue vernaculaire, être femme signifiant être belle, comme les fleurs, les pierres ou
les étoiles58, être douce et bonne fille59 Mais nous ne nous attarderons pas sur les significations des noms
juifs, qui ont été largement traitées ailleurs Certains noms de famille se maintiennent ainsi deux ou trois
générations, mais leur survie peut être affectée par les conséquences désastreuses des pestes après 1348 et
surtout 1361. Cependant, si la reconstitution des familles rencontre trop souvent des difficultés à l'époque
des épidémies puis des conversions, nous pouvons être certains que des patronymes employés dès le XIIe et
XIIIe siècle se transmettent puisqu'ils existent encore aujourd'hui. Parce qu'ils utilisent des images si
importantes et des formes si diffiisées chez les chrétiens que, par divers biais ils existent encore, comme
Perecz, Bedocz; Bergunyo, Comte, Czasala60 et Sala ou Bergunyo 61 Mais aussi parce que la transmission
de la culture familiale, en particulier dans des familles réfugiées en Espagne du nord depuis al-Andalus puis
passées vers Constantinople ou l'Afrique du nord... a abouti à la transmission du nom62. Outre les raisons
déjà données liées à la notoriété et à l'intense cohésion d'une famille large, les patronymes peuvent être
portés dans les communautés catalanes par des migrants intégrés dans la communauté depuis moins
longtemps, ou du moins dont les activités demeurent plus périphériques par rapport au groupe très actif
localement. Ces phénomènes dépendent de l'ancienneté de la communauté, Girona ne ressemblant pas tout à
fait à Puigcerda par exemple, plus proche au contraire de Pamiers et Carcassonne. Ils sont également en
relation avec la composition de sa population, qui dépend du nombre et de l'origine des nouveaux résidents
Comme les flux s'inversent entre le XIIe siècle et le XVe siècle, les premiers patronymes appartiennent à des
juifs venus du sud de l'Espagne alors que dès le XIVe siècle apparaissent des juifs venus d'Angleterre, de
France du nord et surtout du Languedoc, en une ou plusieurs étapes durant lesquelles leur dénomination a
pu varier. Les toponymes et les surnoms, déjà mal transmis, ont par contre des difficultés à s'imposer
comme patronymes : si l'on peut les trouver dans des listes, portés par plusieurs chefs de foyer, la
reconstitution des familles montre la volatilité de ces appellations. Par contre, des surnoms cocasses ayant
trait aux caractéristiques physiques peuvent être affectés à des juifs comme aux chrétiens, de manière plus
ou moins personnelle, cela dépend des cas63. Le Bas Moyen Âge est donc la période où apparaissent de

172
Sources et caractéristiques du
de Xlf
l 'anthroponymic
au XV siècle
juive pyrénéenne et catalane
nombreux patronymes promis à des siècles de transmission, qui viennent s'ajouter aux patronymes les plus
anciens. Néanmoins, durant la période étudiée, ils ne sont encore que nom de famille plus ou moins
provisoire, pas toujours employé et non pas véritable patronyme transmissible à tous les descendants mâles.
La stabilité de l'emploi de ces noms est moins forte que celle des chrétiens chez lesquels certains
patronymes sont déjà bien en place.
Les convertis, pour leur part, changent radicalement de nom et n'utilisent pas souvent un patronyme à
la fin du XIVe siècle, s'ils le font plus souvent au XVe siècle. Certaines de nos listes présentent des
homonymes, mais il est rare que nous puissions établir le lien de parenté dans l'état actuel des publications.
Dans les cas où les familles ont été reconstituées, la tendance, plutôt à la rupture familiale, n'empêche pas
des maisons de ne pas éclater sous le coup de la conversion de certains membres64. Nous relevons un
exemple à Girona d'un certain Guillem Bernât Mestre, fils de Bonastruch Mestre, juif, ce qui montre bien
qu'il ne faut pas tirer des conclusions trop systématiques. D'autant que les familles sont souvent cassées par
la conversion, ou que celle-ci ne se décide pas pour toutes les générations en même temps, même s'il existe
des cas, dès le XIVe siècle, où époux et épouse, parents comme enfants se convertissent en bloc. Le plus
important dans leur cas consiste plus à brouiller les pistes et à prouver la validité et la réalité de la prise d'un
nouveau nom, un nom de baptême, qu'à jouer de la traduction ou des équivalences. Il faut toutefois noter
que nous parlons à partir d'un échantillon beaucoup plus limité que celui qui permet l'étude sur les noms
juifs. En effet, nous connaissons quelques dizaines de convertis au mieux dans chaque communauté alors
que des milliers de fiches peuvent concerner les juifs. Mais il est certain que les néophytes n'ont aucune
envie de publier par leur nom une nostalgie quelconque vis-à-vis de leur ancienne religion, de leur être
passé, que ce sentiment existe ou non. Il est enfin très difficile d'établir une règle dans la connaissance des
convers et même de les repérer, car nous ne disposons pas toujours de la mention de l'ancien nom juif qui
nous permettrait de repérer des constantes dans les choix de chacun et une éventuelle relation entre l'ancien
et le nouveau nom. Le souci de rupture entre l'ancien et le nouveau n'est même pas toujours certain, car
nous rencontrons des cas où le nom ancien n'est pas trop modifié. Le néophyte perpignanais Alfaquim se
signale à l'attention65. Les Mestre déjà nommés semblent trop bien implantés pour cacher leur filiation. Ces
cas sont néanmoins exceptionnels et peu repérables dans les périodes troublées, lors des conversions suivant
une émeute anti-juive par exemple. On constate un subtil équilibre, différent pour chaque personne entre
rappel du passé et choix présent66. Un Rafael Pascual joue habilement de références ambiguës, un Francesc
Vidal prend un nom très courant chez les juifs comme chez les chrétiens, dont l'écho juif est à la fois clair et
masqué. Un Joan Sarirera est homonyme d'un chanoine. La chaîne de la transmission n'est pas toujours
rompue, mais elle se noue d'une nouvelle façon. Se repèrent par contre clairement quelques points
remarquables. Les noms de baptême, c'est-à-dire ce que nous appelons le prénom et le nom, ne manquent
pas de marquer la nouvelle relation avec le ou les parrains. La filiation spirituelle remplace alors la filiation
par le sang, la relation avec ceux qui ont aidé ou instruit dans la conversion, de près ou de loin, est rappelée
dans ce nouveau nom. Un saint comme Dominique, un roi comme René, un marchand associé, soutiens du
passage, sont ainsi publiquement reconnus comme garants de l'entrée dans une nouvelle famille. Lors de la
cérémonie du baptême à l'église, le néophyte reçoit un prénom, différent de l'ancien, rarement pris dans le
stock familial habituel, un véritable nom de baptême. Le nouveau chrétien est désormais nommé d'un nom
formé de deux éléments, prénom et second nom. Ce dernier, qui pourra devenir nom de famille, est en
quelque sorte un nom post-baptême, différent de celui du père et de la lignée antérieure juive, bien que l'on
trouve des exceptions. La chaîne de transmission semble alors totalement brisée. Surtout, le système
anthroponymique employé par les conversos diffère notablement du système juif car ce second nom ne peut
pas prendre la place de premier nom, n'étant pas véritablement toujours un nom de baptême chrétien et
obéissant à la différenciation entre prénom et nom. De même, le prénom ne devient pas le plus souvent nom
du ou des fils, la mention hébraïque traditionnelle de la filiation, qui se maintenait même dans le système
vernaculaire, ne perdure plus. De nombreux noms choisis ont rapport avec un lieu et sont très courants chez

173
Nouvelle Revue d'Onomastique n° 3 7-38 - 2001
les chrétiens, tels Pere Cerda ou Pere Bosc ou de Bosc à Girona67, Petrus Girona, de Puigcerda, à Ille-sur-
Têt68. Après 1370 et surtout 1391, si le choix peut permettre de jouer sur les deux tableaux, en rappelant
aussi quelques images souvenir de la judéité, tant mieux. Mais sans la mention uoIim judeus, nunc
ncophytuâ\ bien malin serait celui qui repérerait dans des listes un nouveau chrétien69. D'autant que ceux-ci

pratique
simplement
sociale
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impossibilité
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communauté
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culturelle
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distinction et offre assez d'indifférence, individualise et intègre dans le lot. Décliné par les communautés
juives méridionales de Catalogne et des Pyrénées, ces caractéristiques sont encore plus sensibles que dans le
cas des chrétiens71. Dans ces régions de frontière accueillantes aux juifs et parmi les dernières en Europe
occidentale à connaître l'expulsion, la société qui s'exprime à travers son système anthroponymique concilie
bonne intégration et tradition, en faisant sien un système anthroponymique nouveau, mais à un rythme et
suivant des modalités différents de celui des chrétiens. Dans l'existence quotidienne, plus que la défense
affirmée d'une identité juive, la dénomination permet de montrer que l'individu appartient à une chaîne, celle
de la famille patrilinéaire. Les femmes en effet s'intègrent différemment dans le système onomastique alors
que ce sont elles le vecteur de la judéité, bien que lors des conversions elles aient souvent représenté le
rappel de la tradition, elles qui l'incarnent dans la maison, lieu essentiel de cette judéité. Verticale et
régulière chez les hommes, la transmission du nom personnel se déroule chez elles en oblique, de tante à
nièce du côté féminin et jamais de manière mécanique. C'est donc à travers elles que la famille large et liée
par l'alliance peut renforcer le lignage, elles qui n'ont pas véritablement de second nom ni de patronyme,
mais sont désignées de leur nom personnel et de leur état matrimonial. A travers les filles mariées, même
parties loin de la maison, et les fils non héritiers, recevant eux aussi des dénominations d'une manière plus
souple, en puisant dans un stock de noms plus ouvert, en prenant même parfois un second nom autre que
celui du père même si la filiation reste prégnante, se réalise l'extension de la famille et de la communauté
Les migrants ne sont pas en effet seulement des expulsés échappant aux difficultés, à la ségrégation, aux
violences, ou bien des convertis, mais aussi des marchands ou artisans qui viennent fonder une nouvelle
entreprise ou une extension de l'ancienne et qui demeurent en relation avec leurs parents demeurés dans
l'implantation d'origine. Les nombreux et riches échanges entre communautés donnent sa cohérence à
l'anthroponymie de ces régions. Cependant, certains axes de circulation ont plus d'importance que d'autres.
Ainsi, les échanges entre sud et nord des Pyrénées sont fréquents et amples alors que les échanges entre la
Navarre et le Roussillon sont au contraire beaucoup plus indigents72. Ceux de Castille et donc du sud des
Espagnes se rendront plus facilement en Navarre qu'en Catalogne, mais l'on trouve aussi des juifs catalans
et languedociens dans cette région, alors que l'inverse est plus rare. C'est pour cette raison que le noyau de
chaque communauté possède des caractéristiques anthroponymiques très marquées. En particulier, l'aire
orientale qui va de la Catalogne à la Provence en passant par le Languedoc, le Roussillon et la Cerdagne se
marque par un stock de noms bibliques important, peu de patronymes et de surnoms mais de très nombreux
toponymes, alors que les aires castillanes et navarraises utilisent peut-être plus de surnoms et de
patronymes73. De toute manière, le stock de noms et de patronymes diffère largement et est beaucoup plus
large et varié en Navarre qu'à l'est où l'aire de la Catalogne à la Provence demeure singulièrement
homogène. Une géographie des anthroponymes permet ainsi de cerner la personnalité culturelle des
habitants ainsi que leurs origines et de suivre plus ou moins précisément leurs migrations74 avant la grande

174
Sources et caractéristiques duXIf
de l 'anthroponymie
au XV siècle
juive pyrénéenne et catalane
vague de migration liée à l'expulsion de 1492. La cartographie peut aussi nous montrer que certaines
communautés dépérissent car elles connaissent un appauvrissement anthroponymique très net au XVe siècle,
qui n'est pas compensé par des apports nouveaux. Récession démographique, conversions et départs de
villages puis de villes devenus difficiles à vivre à cause de la crise économique et du trop petit nombre de
juifs se voient très nettement à travers le resserrement non seulement dans les noms mais aussi dans le stock
des noms personnels transmis de grand-père à petit-fils.

L'exemple de l'anthroponymie juive méridionale et pyrénéenne entre les XIIe et XVe siècles montre
combien les juifs, qu'ils soient venus d'Angleterre, de France du nord ou d'al-Andalus utilisent toute la
richesse et la possibilité de désignations précises et adaptées que leur offrent leurs références
communautaires et religieuses comme les évolutions de la société englobante. Du moins jusqu'à la
conversion, qui modifie leurs pratiques, même si peuvent à l'occasion subsister quelques réminiscences
appauvries des appellations antérieures. Le système anthroponymique juif de ces derniers siècles du Moyen
Age conserve des caractéristiques communautaires fortes et s'ancre ainsi dans la longue durée de la
Diaspora, de la période hellénistique à nos jours ; il évolue pourtant en phase avec celui de la société
englobante. A aucun moment il n'est discriminant : nous n'observons pas de besoin d'affirmation
communautaire à travers lui comme à travers les débats philosophiques, ceux touchant les mœurs ou la
religion ; cela n'aurait pas de sens puisque la famille demeure très puissante dans la transmission du nom. De
même ne relevons-nous pas chez les chrétiens la demande d'une meilleure distinction anthroponymique ; elle
n'est pas nécessaire car chacun sait l'identité de l'autre, celle-ci ne se voulant discrète que dans le cas des
voyageurs juifs qui préfèrent ne pas porter la rouelle et demandent pour cela une dérogation royale, ou dans
celui des convers vite en butte à la suspicion. C'est alors seulement que peut s'initier le fantasme sur le nom
du juif caché. Ce système anthroponymique n'est pas seulement un signe de la transmission familiale ; il
mériterait, me semble-t-il, d'être confronté à la conception juive médiévale du couple et de la famille, elle
aussi en apparence très proche de celle de la société englobante, en tous cas s'y intégrant sans heurts et
d'apparence conforme, en réalité fondamentalement différente ; elle aussi ouverte au monde, à ses influences
et à ses évolutions, mais en même temps très particulière75. Une analyse sociale doit être engagée de manière
systématique, permettant d'approfondir et de préciser les hypothèses sur les toponymes et les migrations,
comme sans doute sur les surnoms et la place plus ou moins éminente dans la communauté. Il faut pour cela
élargir le travail monographique et comparatif.

Claude DENJEAN
Université Michel de Montaigne Bordeaux-Ш
Institut d'Histoire
33607 PESSAC Cedex

Notes

1 Genèse, 3, 20.
2 Réflexion exprimée de manière différente dans des ouvrages aussi variés que ceux de Fernand
Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Paris, 4eme édition, 1979, p.
135-136. Colette Sirat (Du scribe au livre : les manuscrits hébreux au Moyen Âge, Paris, 1994 ; La
philosophie juive médiévale en pays de chrétienté ; Paris, 1988) définissant la philosophie juive ou Gabrielle
Sed-Rajna (L'art juif, Orient et Occident Paris, 1975), essayant de cerner ce qu'est l'art juif, doivent

175
Nouvelle Revue d'Onomastique n° 37-38 - 2001
d'abord se contenter d'affirmer qu'il s'agit de productions de penseurs ou d'artistes juifs, très
différentes les unes des autres et fortement marquées par l'aire culturelle dans laquelle elles sont nées.
De même, Z. Amishai-Maisels ; D. Jarasse ; R. Klein ; R. Reich, L'art juif, Paris, 1995 comme le
Guide des collections du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme ; Paris, 1 998 fondent leurs choix sur
une interrogation sur l'identité juive ; les textes du musée insistent sur l'expérience de la Diaspora en
développant autour d'objets symboliques majeurs du judaïsme l'idée que " L'expérience de l'exil est
une dimension fondamentale du vécu historique juif ; son caractère spécifique repose sur le
dépassement de l'épreuve de la perte par des interactions avec des civilisations environnantes qui ont
marqué toutes les sphères de la société et de la culture juivcé\ Ce questionnement sur la " civilisation
juive, (...qui) rayonne, transmet, résiste, accepte, refuse; (... mais) n'est pas enracinée, ou plutôt (...)
l'est mal, (...) échappe à des imperatifs géographiques stables, donnes une fois pour toute f avec "Son
corps (...) dispersé, éparpillé comme autant de fines gouttelettes d'huile dans les eaux profondes des
autres civilisations et jamais confondue (F. Braudel) préside à cet essai de réflexion sur
Panthroponymie ; pour une présentation générale, voir Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme ;
Paris, 1993 et Y Encyclopédia judaica, Jérusalem, 1972.
3 Les juifs cerdans sont dans leur grande majorité venus de Perpignan, par où ils sont au moins
passés , ils demeurent liés par des rapports d'affaires ou de famille aux juifs de Perpignan, pôle de la
collecta ; Claude Denjean, "Être juif à Perpignan et dans sa collecta après 1260", Colloque du
Huitième centenaire de la Charte de Perpignan, 1 197-1997, 23-25 octobre 1997, édité sous la direction
de Louis Assier-Andrieu et Raymond Sala, La ville et les pouvoirs, Perpignan, 2000.
4 Listes dans Marie-France Godfroy, Les Juifs de la sénéchaussée de Carcassonne à la veille de
l'expulsion de 1306, Thèse de doctorat sous la direction de Gérard Nahon, Paris, École pratique des
hautes Études,
Languedoc antérieurement
1993 ; Jean au
Régné,
XlVmeLes
siècle,
Juifs
Paris,
de Narbonne
1881 . ; Narbonne, 1912 ; G. Saige, Les Juifs du
5 De nombreux documents sont édités : The Jews in Barcelona 1213-1291, Repertories of
documents from the Archiv capitulars, Jérusalem, 1988 ; Maria Center Mone (compiled), Yom Tov
Assis (edited), Hispania judaica Sources for the history of Jews in Spain, Jérusalem, 1988 ; The Jews
of Santa Coloma de Queralt. An économie and demographic study, Jérusalem, 1988 , Gemma Escriba i
Bonastre, Maria Pilar Frago i Perez, Documents dels Jueus de Girona, 1124-1595 , Girona, 1994 , Jean
Régné, "Catalogue des actes de Jaime 1er, Pedro ITI et Alfonso III concernant les Juifs", Revue des
Etudes juives, 70 à 78, 1910-1920 ; History of the Jews in Aragon. Regesta and documents, 1213-
1327, nouvelle édition par Y. T. Assis, Jérusalem, 1978 ; en outre, diverses études citent des exemples :
F. Baer, Studien zur Geschichte des Juden Im Königreich Aragonicn Wärhend des 13. und 14.
Jahrhunderts; Berlin, 1913, trad, par A. Sanmartín, Historia de los Judíos en ¡a corona de Aragon (s.
XIII y XJV), Saragosse, 1985 ; Die Juden im christlichen Spanien : Urkunden und Regest en Erster
Teil : Aragonien und Navarra, Berlin, 1929 ; Leila Berner, On the western shores : the Jews of
Barcelona during the reign of Jaume Ier, Los Angeles, University of California, 1986 ; Ascuncio
Blasco Martinez, Los Judíos de Zaragoza en el siglo XIV, Zaragoza, 1987 ; M A. Motis Dolader et E
Gutwirth, "La aljama judia de Jaca en la epoca de la Disputa de Tortosa (1410-1420)", Anuario de
Estudios Medievales, 26/1, Barcelona, 1996 , J. Millas i Vallicrosa, Documents hebraïcs de Jueus
catalans, Barcelona, 1927.
6 Joseph Shatzmiller, Recherches sur la communauté juive de Manosque au Moyen-Âge 1241-
1329,
les actes
Paris-La
notariés,
Haye,
1391-1435
1973 ; \ Monique
Toronto, Wernham,
1988. La communauté juive de Salon de Provence d'après
7 Juan Carrasco, Sinagoga y mercado Estudios y textos sobre los Judíos del Reino de Navarra,
Pampelune, 1993 et la série Navarra judaica, éd. par J. Carrasco, Eloisa Ramirez Vaquera et Fermín
Miranda Garcia ; Béatrice Leroy, The Jews in Navarra in the Late Middle Ages, Jérusalem, 1 985
.

8 Genèse de l'anthroponymie médiévale, Tours, I à V, de 1989 à 2001 ; L'anthroponymie,


document de l'histoire sociale des mondes méditerranéens médiévaux, Actes du Colloque
international, 6-8 octobre 1994, Rome, 1996 ; Pour la Catalogne, Cerdagne et Roussillon Collectif,
:

Noms propis de la Cerdanya i del Pireneu, Puigcerda, 1988 ; Enric Bague, Noms personals de l'edat

176
Sources et caractéristiques du
de Xlf
l'anthroponymie
au XV siècle
juive pyrénéenne et catalane
mitjana. Contribucio a la Historia dels Pai'sos catalans, Palma de Mallorca, 1975 ; J. Bellver, Noms de
famille et origine étymologique des noms catalans, Saint-Estève, 1989 ; Jean-Gabriel Gigot, "Quelques
notes sur les juifs du Roussillon", C.E.R.C.A., 30, 1965, p. 253-258 ; F. de B. Moll, Els llinatges
catalans. Catalunya, Pais Valencia, liles Ballears, Mallorca, 1987 ; Enríe Moreu-Rey, Antroponimia.
Historia deis nostres prénoms, cognoms i renoms, Barcelona, 1991 ; Jaume Riera i Sans,
"Antroponimia jueva mallorquína (segles XIII-XV)", Societat d'onomastica, X, 1982, p. 58-65 ; Luis
To Figueras, "Antroponimia de los contados catalanes (Barcelona, Girona y Osona, siglos Х-XII)"
dans P Martinez Sopeña, Antroponimia y societad. Sistemas de identificación hispano-crístianos en
los siglos IX a XIII, Santiago de Compostella-Valladolid, 1995, p. 371-395 ; Michel Zimmermann,
"Les débuts de la 'Révolution anthroponymique' en Catalogne (Xe-XIIe siècle)", Cadres de vie et
société dans le Midi médiéval. Hommage à Charles Higounet, Annales du Midi, 1 02 1 89-1 90, janvier-
juin 1990, p. 289-308 ; pour la Navarre : Ricardo Cierbide, "Onomastica de los judios navarros (siglo
XIV)", Nouvelle Revue d'onomastique, 27-28, 1996, p.97-108.
9 Phénomène qui n'est pas encore étudié de manière suffisante.
10 Maurice Kriegel, Les Juifs à la lin du Moyen Age dans l'Europe méditerranéenne, Paris, 1979.
Dualité, mais pas schizophrénie.
11 Pour élargir et comparer avec les autres aires du monde juif : Dictionnaire des patronymes juifs ;
Beth Hatefiitsoth, Arles, 1996 ; S.D. Goiten, A Mediterranean Society : The Jewish Communities of
the Arab World as Portrayed in the documents of the Cairo Geniza, Berkeley, 1978 ; Simon Seror,
"Les noms des femmes juives en Angleterre au Moyen Age", Revue des Études juives ; 154, 1995, p.
295 à 325 ; Les nomsjuifs en France au Moyen Âge, Paris, 1989 et Supplément, Herzlya, 1993 .
12 Voir Claude Denjean, Une communauté juive au prisme du notariat chrétien : les juifs de
Puigcerda de 1260 à 1493, Doctorat (N.R.), sous la direction de M. Maurice Berthe, Université de
Toulouse-le-Mirail, février 1998 (en cours de publication aux Éditions du Trabucaire à Perpignan sous
un autre titre) ; "Des notaires pour le crédit", in Odile Redon (éd.) Notaires et crédit. Le crédit en
Méditerranée occidentale aux derniers siècles du Moyen Âge, Rencontres de Nice 1996 et Lyon 1997,
Rome, 2001, expliquant pourquoi il est impossible de se contenter d'étudier quelques livres seulement,
même les Libri judeorum.
13 Georges Duby, L'histoire continue, Paris, 1991, p. 46 et 50 se souvient "Or naïvement, je
:

prétendais entrer en communion directe avec ces guerriers, ces paysans. Je me portais à leur rencontre
espérant m 'approcher suffisamment au moins de quelques-uns d'entre eux pour discerner les liens qui
les unissaient les uns aux autres, et les rapports qu'ils avaient le sentiment d'entretenir avec le
monde...", et souligne qu'il comprit quelque chose de Cluny lors d'une rencontre au cours de ses
promenades dans la campagne.
14 Joseph Shatzmiller, "Onomastique juive du Languedoc ; le nom Halafta", Archives juives, 1 8,
1982, 24.
15 Comme on dit le distinguer à son physique ; Maurice Kriegel, cit. n. 9 et Robert Chazan,
Medieval Stereotypes and Modem Antisemitism, Berkeley, 1997 ; représentations caricaturales dans
Juifs et Judaïsme en Languedoc, Cahiers de Fanjeaux, 1977, p. 192 (hors-texte) pour la rouelle et 225
pour une caricature ; L'Histoire, numéro 214, octobre 1997 ; Musée d'Art et d'Histoire de Catalogne,
Guilhem Seguer, retable de la Sainte Trinité, 1341 ; retable de la Mère de Dieu, 1348...
16 Cet espace se caractérise par l'emploi de la langue d'oc, du provençal, du catalan, langues fort
proches même si le catalan médiéval est déjà fort bien caractérisé et fixé, alors que le languedocien
s'est beaucoup plus éloigné de la langue médiévale.
17 Les index des études monographiques citées n. 4, 5, 6 et 7. Un fichier informatique a été
entrepris par le Musée de la Diapsora, dont le dictionnaire cit. n. 10 est une émanation.
18 Quelques documents communautaires seulement ayant été sauvegardés dans les archives
chrétiennes, dont quelques textes en hébreu. La conservation des stèles hébraïques a elle aussi été très
aléatoire. Le seul domaine où nous disposons de sources véritablement internes à la communauté sont
les responsa, les chroniques, toutes les oeuvres traitant de la Loi et de la philosophie (voir n. 25).

177
Nouvelle Revue d'Onomastique n° 3 7-38 - 2001
19 De même que les juifs catalans, aragonais, provençaux disposent de privilèges qui leur
permettent en particulier de contrôler l'essentiel de leur justice interne, du fonctionnement de leur
fiscalité propre. Mais dans ces domaines également, se développent sur place échanges, influences,
évolutions parallèles ou divergentes entre les pratiques communautaires et la société globale, parfois
cause d'interrogations identitaires ; F. Suarez Bilbao, El fuero judiego en la Espana cristiana : las
fuentesjurídicas siglos V-XV, Madrid, 2000.
20 II n'est pas possible de se contenter de collecter des dénominations indépendantes et
ponctuelles sans reconstituer les familles ; à Perpignan et Puigcerda, de nombreux cas ont montré non
seulement que deux noms identiques ne désignent pas forcément la même personne, mais que deux
noms différents peuvent nommer le même individu, évidences de l'expérience qui exigent l'attention.
Nous pouvons comparer avec la situation en Italie : V Colorni, "La corrispondenza fra nomi ebraici e
nomi locali nella prani dell'ebraismo italiano", ítalia Judaica, Rome, 1983, p.67-86.
21 Carme Batlle, "Noticies sobre els Jueus de la Seu d'Urgell, eis Bedocs (1336-1348)", Urgellia,
X, 1990-91, p. 375-406 ; Robert I. Burns, The Jews in the notarial culture : latinate wills in
Mediterranean Spain, 1250-1350, Berkeley-Los Angeles, 1996 ; С. Denjean cit. п. 12.
22 La ketubah (pl. ketubot) est un contrat de mariage, rédigé en araméen et en général très bien
enluminé. Son texte est stéréotypé. Ce texte juridique, rédigé avant la mariage pour être remis à la
mariée durant la cérémonie, expose les obligations essentiellement financières envers l'épouse. Depuis
l'Antiquité, la dot peut être payée ultérieurement. Les biens du mari représentent le gage du contrat.
23 Archives Départementales des Pyrénées-Orientales, 1 В 329 1380 : "liste des Juifs".
24 Circonscription au sein de laquelle est levée la tallia judeorum ou pecha
23 Isidore Loeb, "Histoire d'une taille levée sur les Juifs de Perpignan en 1413-1414" Revue des
Etudes juives, 14, 1887, p. 55 à 79 ; Joseph Shatzmiller, "La "collecta" de Perpignan (1412)", Archives
juives, 11, 1975, pages 20 à 24.
26 Voir n. 5 , à compléter par diverses listes dispersées dans des articles, comme celui de J. Riera i
Sans, "Els avalots del 1391 à Girona", Jomades d'historia dels Jueus a Catalunya , Girona, 1990, p 95-
173, qui a l'avantage de juxtaposer la liste des victimes juives à celle des coupables chrétiens de
l'attaque du call
27 Mais voisin ne signifie pas obligatoirement influencé ou dépendant. Nous retrouvons les
remarques faites au sujet de la famille juive.
28 A. Grabois, Les sources juives médiévales, Chroniques et Response, Turnhout, 1987.
29 Dont l'importance numérique reste à évaluer.
30 C'est en effet bien cela qui sans doute nous amène à réfléchir sur l'anthroponymie. Mais ne pas
replacer "l'outil" onomastique dans un contexte plus large peut amener à des erreurs de perspective.
Ainsi, les historiens ne font pas véritablement, ou très rarement, le lien entre la vie intellectuelle des
rabbins et philosophes, la pratique et la culture des médecins et leur vie économique et quotidienne,
sauf peut-être pour écrire les biographies des plus célèbres comme Maïmonide ou Nahnamide. De
même, pour donner un cas concret, des erreurs dans les présupposés anthroponymiques amènent à
décompter par exemple des collecteurs d'impôts comme juifs alors qu'ils ne le sont pas et donc à
conclure de manière erronée sur la pénétration des juifs dans l'administration royale ou la fiscalité à
telle ou telle date... ; sur la signature, David Romano, "La signature de R. Shelomoh ben Adret
(RashBa)
29-34. de Barcelone", De historia judia hispanica, Barcelona, 1991, p. 335 ; p 52 n°18 et p. 53, n°

31 C. Sirat, cit. n. 2. Des exemples de bibliothèques appartenant à des juifs de la Seu d'Urgel, de
Puigcerda, de Perpignan sont cités par Carme Batlle, cit. n.22 II ; Pierre Vidal, "Les Juifs des anciens
comtés de Roussillon et de Cerdagne", Revue des Etudes juives, 15-16, 1887-1888, p. 1 9 à 55 ; 1 à23 ;
170 à 203 et Claude Denjean, cit. n. 1 1 .
32 P Griffeu, éd. Chants de noces des juifs catalans (catalan-français), Perpignan, 1998 ; Pascual
Pascual Recuero,
rapprochent le plus
éd.duAntologia
type d'identification
de cuentos sefardíes,
des ketubot,
Barcelona,
avec leur
VI, catalan
1979. .. Ces
truffé
textes
d'hébraïsmes
sont ceux ou
qui de
se
mots hébreux écrit en alphabet hébreu ; par contre, la langue calque nous échappe.

178
Sources et caractéristiques du
de Xlf
l'anthroponymie
au XV siècle
juive pyrénéenne et catalane
33 Catégories qui sont celles des hommes d'aujourd'hui, pas véritablement celles des juifs du XIVe
siècle. Ces trois domaines pour nous indépendants, sont en réalité indissociables, au moins dans l'idéal.
Lire par exemple le Livre sur la sainteté, éd. par Ch. Mopsik, Lagrasse, 1993
34 Gérard Nahon, "Les cimetières", Art et archéologie juifs en France , Toulouse, 1980 ;
Inscriptions hébraïques et juives de France médiévale, Paris : 1986 ; les vestiges importants de Girona
sont présentés dans Col.leccio lapidària hebraica de Sant Pere de Galligants (Girona) ; Guies del
Museu Arqueologic de Sant Pere de Galligants, 1, Girona, 1994 ; voir aussi David Romano, Per una
historia de la Girona jueva, 2 voi. Girona, 1988 ; F. Cantera, J.M. Millas, Las inscripciones hebraicas
de Espana, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1956 ; exemples plus pointillistes
dans Josep-Maria Millas Vallicrosa, "Lapidas hebraicas de Tarragona", Boletín arqueologico, 45,
Tarragona, 1945, pages 92 à 97 ; "Una nueva lapida hebraica en Tarragona", Boletín arqueologico, 49,
Tarragona, 1949, pages 188 à 190.
35 Les meilleurs exemples se trouvent dans la famille Coen de Puigcerda, Une communauté... cit.
n.12. Un "Abraham r donne naissance à un " Abrahaoi ' et à un "JucefT , dits aussi à l'occasion "/I Is
dAbrahanf ce qui s'abrège en " JucefT Abraé' et "Abrae Abraê\ Mais nous pouvons rencontrer
également deux Jacob Abrae Coen à deux générations différentes, Jacob Abrae fils étant frère d'un
Abrae Jacob Coen ! Ce système pourrait continuer à l'infini jusqu'à la disparition de la famille ou se
compliquer comme chez d'autres Coen par accumulation, donnant ainsi Juceff et Isach Ali Choen ou
Bonet Leo Choen, père de Jacob Bonet Choen ; Jacob Bonet Leo Coen, père de Profait Bonet Leo
Coen...
36 La seule source possible comprenait les listes publiées, et les index, les reconstitutions de
familles demeurant assez rares ; chaque monographie et divers articles en comprennent cependant, en
nombre insuffisant pour établir des statistiques, en nombre assez important pour vérifier les hypothèses
élaborées à Puigcerda.
37 Dictionnaire cit. n. 10.
38 Peut-être à la circoncision, voir Patricia Hidiroglou, Les rites de naissance dans le judaïsme,
Paris, 1997 ; mais nos actes disent plutôt le nom employé à la schola et dans la ketubah. Le "nom juif'
doit être donné lors de la circoncision, depuis au moins le XIT siècle.
39 Benjamin de Tudèle, Voyage au-tour du monde, 1 173, dont une édition accessible de référence
est celle d'Adler, Londres, 1903 ; on trouve dans les bibliothèques françaises plus facilement les
traductions en français de 1713, celle de Baratier de 1735, ou celle réalisée à Paris en août 1830 ; éd.
Haïm, Harboun, Les voyageurs juifs du Xlf siècle, Benjamin de Tudèle, Aix-en-Provence, 1986.
40 Parallèlement, nous pouvons remarquer que, durant ces époques, les juifs sont peu discriminés
(sauf dans les Espagnes durant une partie de la période wisigothique) ; voir Léon Poliakov, Histoire de
l'antisémitisme, L, Paris, 1955. Mais la relation entre les deux faits n'a pas été étudiée.
41 Comme RaMbaM pour Maïmonide, Moïse ben Maïmon ; voir aussi n. 19.
42 Cit. n. 8.
43 Pour te Moyen Âge au moins, il vaudrait mieux ne pas opposer nom laïc et nom juif, mais nom
donné lors de la circoncision et nom couramment employé dans la société, nom "hébraïque" et nom
"non hébraïque". D'ailleurs, le Dictionnaire cit. n. 10 signale que les noms grecs furent au Moyen Âge
considérés comme aussi sacrés que les hébreux ou les araméens.
44 Alborge Sento el Mege en Navarre, Juceff David àlias Floret à Castello d 'Empuñas, au XIVe
siècle...
45 Une seule variation dans la série peut dénommer le grand-père au lieu du petit-fils, amener à
confondre des frères ou même des homonymes non apparentés.
46 Voir Puigcerda ; Gerd Mentgen, "Deux magnats juifs de la finance alsacienne au XIV®1"6
siècle : Vivelin le Roux et Simon le Riche de Deneuve", Archives juives, 29, 1996, 4, et Studien zur
Geschichte der Juden im mittelalterlichen Elsass, Hanovre, 1996, l'a bien démontré.
47 Phénomène que l'on retrouve lors des migrations politiques à la période contemporaine.
48 Même si, le nom disant l'être, il est possible de changer de nom en cas de maladie par
exemple ; les situations de modification du nom sont nombreuses dans l'histoire biblique.

179
Nouvelle Revue d'Onomastique n ° 37-38 - 2001
49 Aaron, Elias, Elisar, Enoch, Isach , Jacob; Leo, Nathan , Samuel, ainsi que Haym, May-Mahir ...
et leurs variantes sont les plus courants dans l'aire pyrénéenne et catalane, mais aussi languedocienne
et
10.provençale. La plupart de ces noms ont donné naissance à des patronymes, voit Dictionnaire cit. n.

50 Dictionnaire cit. n. 10.


51 II faut d'ailleurs penser que de nombreux juifs "provençaux" — et parmi les plus célèbres —
viennent du sud de la Péninsule ibérique, d'où ils amènent leur culture, leurs capacités linguistiques et
leurs dénominations. Ils semble possible de distinguer un juif venu de Tsarfat, J. Shatzmiller,
Manosque cit. n. 6.
52 Astruch, Bonfyl \ Roine, Vidal et Vital...
53 Ou selon les lieux et les noms des musulmans. Ce phénomène peut être généralisé à l'ensemble
des aires et des périodes, pour aller vite, et est signalé par le Dictionnaire cit. n. 10.
54 Phénomène général : Dictionnaire cit. n. 10.
5;> Lévi et Cohen ne sont pas véritablement des noms personnels dans les échantillons que nous
connaissons, mais bien des noms de famille, portés par exemple par des frères, et des patronymes,
transmis de père en fils et petit-fils. Ainsi, dans le système vernaculaire utilisé par le notaire chrétien,
"Lévi" ne se trouve jamais en premier nom mais toujours comme second nom ; de même "Cohen" ne
prend jamais le rang de premier nom mais se trouve toujours au second ou troisième, voire quatrième
rang. Les membres des familles de Cohen (orthographié Coen, Choen ou Cohen) précisent ainsi leur
origine dans la plupart des cas, tout en utilisant beaucoup plus que les autres juifs des noms
vernaculaires donnant la filiation, alors que Lévi suivra simplement le nom personnel. Nous lisons
donc par exemple "Mosse Lévi", mais "Mosse Choen" ou "Mosse Abrae Cohen" ou "Mosse Abrae
Leo Cohen" . (sans compter les élisions aléatoires toujours possibles, comme "Mosse Abrae" ou
"Mosse Leo" désignant le même). Ainsi, les membres des familles Cohen utilisent massivement le
système traditionnel hébraïque transposé dans la langue vernaculaire. Par contre, Lévi est un nom
personnel dans le système hébraïque, comme dans "Lévi ben Abraham", le philosophe de Villefranche
de Confient. Mais si Abraham, Juceff, Mosse ; Reuben et les autres noms personnels issus de la Bible
peuvent se rencontrer en position de deuxième nom dans le système vernaculaire, puis finir par
désigner des familles tout en demeurant un nom personnel couramment transmis de grand-père à petit-
fils, Lévi n'est jamais un premier nom dans le système vernaculaire — notre échantillon ne nous a pas
fourni d'exemple de "Lévi Abrae". Il est difficile de croire au simple hasard, dans la mesure où le
premier porteur de ce nom donne naissance à une lignée dont la place est particulière dans le groupe
(situation centrale dans le campement lors de l'errance dans le désert, interdits familiaux particuliers
ensuite...).
56 Mais ces remarques ne valent pas pour toutes les périodes et toutes les aires géographiques : les
descendants et alliés de Rashi, par exemple, personnage pourtant reconnu bien au delà de sa propre ère
culturelle, ne sont pas repérables par un patronyme. Dans la Péninsule ibérique, les plus connus sont
les Abenmassé; les Alconstantini .. en Provence les Tibbonides...
57 La première charge étant bien plus notable et moins courante que la seconde, qui est le terme
catalan désignant le médecin juif payé par de nombreuses villes.
58 Les noms de fleurs sont universels mais l'étoile peut être à la fois prénom féminin et image
juive.59CeMais
choix
pasest
bonne
également
mère valable pour d'autres aires, voir Simon Seror cit. n. 1 1.

60 Forme typique de la Cerdagne et de la Catalogne nord. Voir Maria-Josepa Arnall i Juan ; Josep
M. Pons i Guri, L'escriptura a les terres gironines, Girona,1993.
61 Saltcll, Pinto, Saporta par exemple ; Astruch, Benvenist, Bonafos, Cresques ou Creixet, Duran,
Fagim, Vidal
toujours durant
et les
Vitalsiècles
sont devenus
qui nous
desoccupent.
patronymes
Lesmais
nomsne bibliques
l'étaient pas
comme
encoreAaron,
véritablement
David, Ruben,
ou pas
Salomon ou légèrement différent Sariel, suivent le même modèle et sont alternativement premier et
second nom. Il se trouve que dans les communautés les mieux étudiées, certains noms soient plus

180
Sources et caractéristiques de I'anthroponymie juive pyrénéenne et catalane
du XIf au XV siècle
favorables à l'emploi en second nom que d'autres, sans que l'on puisse en trouver les raisons
profondes.
62 Alcoloumbre,... Béatrice Leroy, L'aventure sépharade, Paris, 1986 ; Les juifs de l'Espagne
médiévale, Paris, 1993 ; Les juifs du bassin de l'Ebre, témoins d'une histoire séculaire, Biarritz, 1997 ;
LesMenir, une famille sépharade à travers les siècles (XIf -XXe siècles), Paris, 1985.
63 Petit, Cabrit, Caracosa... Archives Départementales des Pyrénées-Orientales, 1 В 329.
64 Daniele Iancu en Provence ou Ariel ToafFen Ombrie présentent des exemples.
65 Par exemple à Perpignan, un néophyte nommé "Alfaquini ', A.D. P.O. 1 В 83 1

.
66 Par exemple, à Girona, un convers prénommé Francese se nommera Vidal, un autre choisit
Daniel Garnissons, et appartient à l'ordre de la Cartoixa, alors que le néophyte Tomas de Girona est
natif de Montpellier.
67 Documents dels Jueus de Girona, cit . n. 5.
68Denjean, cit. n. 12.
69 Au risque de décevoir les tenants de la "pureté de sang" qui accusèrent à tort comme à raison au
XVIe et au XVIIe s. ; mais aussi ceux qui aujourd'hui, à la recherche de racines désormais valorisées ou
au contraire hantés par le goût du repérage, rêvent à des équivalences faciles.
70 Voir les remarques sur I'anthroponymie et le servage, cit. n. 2 ; l'anthoponymie juive ne me
semble pas manifester la judéité clairement ou plutôt de manière univoque, je dirais plutôt qu'elle le
fait par image et déplacement de sens, de manière équivoque, si le mot n'était pas connoté
négativement. Le problème est que ce terme me mène au champ lexical de l'ambivalence, voire de
l'ambiguïté ou de la schizophrénie que j'ai pourtant récusé ; il faudrait au contraire rapprocher
"équivoque" de beau et vivant !
71 A tel point que l'historien se trouve face à des séries parfois épineuses à débrouiller,
\orsqu Abraham Jucefts grand-père vit encore, comme son fils JuccfAbraham et le petit-fils Abraham
Jucef (je donne ici l'exemple le plus simple qui soit, les séries à trois ou quatre noms sont plus
palpitantes).
72 B. Leroy, cit. n. 50.
73 Mais c'est aussi parce que les études à l'est ne se sont pas tout à fait déroulées à partir des
mêmes sources qu'à l'ouest des Pyrénées.
74 Remarque qui peut être étendue au nord de la France, à l'Angleterre, à l'Allemagne par
exemple. Quant à l'Italie, elle est très proche de l'aire méditerranéenne de la côte provençale et
ibérique.
5 Sur la famille, le travail de S.D. Goiten, A Mediterranean Society : The Jewish Communities of
nombreuses
the Arab World
informations
as Portrayed
concrètes
in the
; ledocuments
XVe siècleofprovençal
the Cairoest
Geniza,
bien connu
Berkeley,
grâce1 978,
aux travaux
apporte de
Danièle Iancu, Juifs et néophytes en Provence. L 'exemple d'Aix à travers le destin de Régine Abram
de Draguignan (1469-1525), Paris-Louvain, 2001. Pour ma part, ces recherches sont simplement
initiées : Nathalie Picot, Les relations de l'homme et de la femme dans la Péninsule ibérique aux Xllf
et XIV siècles, Mémoire de maîtrise, Université de Bordeaux-III, 2001 ; "Masculin-Féminin.
Traductions, translation, traditions et identité sépharade au XIIIe siècle, la vision de l'historien",
Séminaire de Gemma, Toulouse, Novembre 2001.

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