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Vigier Jean-Pierre. Le matérialisme d'Einstein et l'aether de Dirac. In: Communications, 41, 1985. L'espace perdu et le temps
retrouvé. pp. 27-61;
doi : https://doi.org/10.3406/comm.1985.1607
https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1985_num_41_1_1607
Le matérialisme d'Einstein
et Paether de Dirac
Que
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crois
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agir
est
et
le
Isaac NtviTON
1 . La crise de la causalité.
Les grands événements ne sont pas toujours sous les feux de la rampe.
A l'exception des cas particuliers de Galilée, de Darwin, de Marx et
d'Einstein, les contemporains mesurent mal, en général, les retombées
des révolutions scientifiques et des batailles d'idées qui se développent
sous leurs yeux.
Ils feraient mieux d'être attentifs. Depuis la Renaissance, les liens
entre la science, les idéologies dominantes et le pouvoir n'ont cessé de se
renforcer. Crises et révolutions scientifiques précèdent ou accompagnent
désormais les mouvements de l'histoire. Les hommes de la Renaissance
ont vécu dans le monde de Copernic, de Descartes et de Galilée ; les
bourgeois progressistes de la philosophie des Lumières dans le monde de
Newton, de Kant et de Laplace ; les ouvriers révolutionnaires depuis le
XIXe siècle dans le monde «de Darwin, de Marx et d'Einstein. Avec
l'hégémonie croissante de la science sur les idéologies, les hommes vivent
à l'intérieur de visions successives du monde périodiquement remises en
cause par les progrès « en grappe » de la technique et de la connaissance
— les « crises » et « révolutions » scientifiques surgissant en général
(entre de plus longues périodes d'« exploitation » continues) à partir
d'expériences cruciales incompatibles avec le corps des connaissances
antérieures. Exemple célèbre, la découverte par Galilée des satellites de
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Le monde de Newton.
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Le monde d'Einstein.
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temps à k t
\ /
/
\ /
\ futur
\
\
\
\ / 'u
\ ailleurs
V \ séparé espaceX
/ \
/
/ \
// \
\
/ passé \
/ \
/ \
Figure 1
D après Einstein, l'événement localisé en 0 ne peut être influencé que par des événements localisés
dans le cône « passé » et n'influence lui-même que les événements du cone t futur ». Si l'on suit
I histoire d un phénomène quelconque, son passé et son avenir ne peuvent être localisés que dans
des domaines bien définis de I'espace-temps. car. en un point donné, ils sont localisés à l'intérieur
du cône de lumière. En conséquence, si deux systèmes isolés sont séparés par un intervalle du
genre espace ». donc si ces deux systèmes ne peuvent plus inter-agir instantanément lors d'une
mesure, alors aucun changement réel ne peut se produire dans le second à la suite d'une mesure
effectuée sur le premier.
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Cette propriété dote les corps d'une indépendance de fait, qui, suivant
Einstein, permet de traiter le problème de la distance en termes de
mouvements intermédiaires particuliers (les signaux lumineux) et de
construire une géométrie, c'est-à-dire un édifice mathématique cohérent
qui associe les distances mutuelles des corps élémentaires supposés
ponctuels, par des variables d'espace- indépendantes du temps pour
chaque observateur.
Ceci posé, il est clair que la découverte d'actions à distance superlu-
minales dans l'espace-temps de la relativité remet en question la
causalité d'Einstein pour deux raisons :
La première raison {représentée dans la figure 2) est que, si l'on décrit
le mouvement de deux particules I et II par des lignes d'univers dans un
système Ox-Oct, toute interaction B'B du genre espace (extérieure au
cône de lumière) peut être rendue instantanée > pour . un observateur
associé à un système d'axes Ox"-Oct" pour qui les points B' et B seront
simultanés au point P. Dès lors, leur indépendance physique n'existe
plus car ils ne sont pas séparables au sens réaliste du terme ni
distinguables en termes d'émetteur et de récepteur permettant l'échange
de signaux entre eux.
En fait, c'est la notion même de temps qui est mise en cause, car
I ordre dans le temps de A et B change suivant les observateurs, puisque
les observateurs Ox"-Oct" et Ox'-Oct' voient A et Bdans un ordre
différent.
La deuxième raison est que la conservation de l'énergie n'implique
plus en principe la décroissance de l'interaction avec la distance, ce qui
Figure 2
Les transformations de Lorentz en relativité. Dans la relativité restreinte Einstein définit les
conditions d'une observation absolue, c'est-à-dire qui n'est pas relative à un seul observateur. Cela
Mippose que les coordonnées qui servent à l'observation soient spécifiques d'un observateur donné.
\insi, en utilisant les transformations de Lorentz. on passe d'un système de coordonnées à un autre.
Dans le graphique ci-dessus, l'observation des deux particules I et II peut se faire avec les
coordonnées ox. ot ou ox\ ot\
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S"1 P
* Tl
s§)
T2
E
Figure 3
L'EXPÉRIENCE DE YOUNG
Si l'un des trous seulement est ouvert, les photons observés individuellement en P sur l'écran E sont
distribués proportionnellement à l'intensité d'une onde <p (q>2) passant par T| (T2). Si les deux trous
sont ouverts simultanément, les photons, même s'ils passent par un trou seulement, sont répartis
différemment suivant deux franges dues à la superposition des deux ondes cpl et q)2. Tout se passe
comme si. passant par un trou, ils étaient instantanément informés à distance de l'ouverture de
l'autre trou.
Ainsi, pour décrire le phénomène, deux interprétations se proposent... dans la mesure où les autres
présentent des difficultés insurmontables.
— Dans l'interprétation de Bohr. les particules sont tantôt des ondes, tantôt des corpuscules sans
être jamais les deux à la fois. Ainsi la particule se matérialise au point d'impact sans être
effectivement passée par un des trous.
— La deuxième interprétation s'inspire du modèle de Louis de Broglie. Dans ce modèle de l'onde
pilote, la particule est comparée à un oscillateur se propageant dans une onde physique réelle et
proportionnelle à l'onde associée. Les particules sont donc à la fois ondes et particules. Leur aspect
corpusculaire se propage alors dans l'onde associée qui les entoure en vibrant en phase avec elles, un
peu comme un avion volant à Mach 1 resterait immergé en résonance dans sa propre onde sonore.
Pour interpréter le phénomène dans un tel modèle, on suppose alors que Tonde physique réelle
passe par les deux trous alors que la particule ne passe que par l'un des deux. On a pu montrer
(Bohm et Vigier. 1958) que les résultats statistiques observés peuvent s'interpréter en admettant
que la particule saute aléatoirement d'une ligne de courant à l'autre à la vitesse de la lumière.
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Le monde de Bohr.
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2. Causalité et non-localité.
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En d'autres termes :
- la localité d'Einstein ne s'applique pas aux mesures a eto
- les paramètres cachés locaux ne sont pas compatibles avec les
prédictions de la mécanique quantique.
Disons tout de suite que l'expérience d'Orsay vient de confirmer la
mécanique quantique 10. Elle a même été faite dans des conditions qui
renforcent la non-séparabilité du résultat. Elles s'appuient en effet sur
l'introduction entre la source S et les polariseurs qui agissent sur les
photons A et B (séparés de S par une distance L) de deux aiguillages qui
les renvoient de manière aléatoire sur deux couples indépendants de
polariseurs. Si toujours comme : à Orsay les aiguillages fluctuent au
hasard dans un intervalle de temps L^c, les photons choisissent
arbitrairement deux chemins alternatifs de coïncidence et il s'ensuit que
la corrélation entre les deux polariseurs surgit dans un intervalle du
« genre espace » (c'est-à-dire avec une vitesse supérieure à c) et
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et
E>0
Figure 4
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Figure 5
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et A •A A et'
Figure 6
Considérons deux observateurs en mouvement relatif 0| el O2 associés à deux systèmes d'axes au
repos S et S'. Si au point d'espace-temps Ei l'observateur ()j envoie un signal superluminal vers O2
«mi l'absorbe en Ej on enregistre une corrélation. On peut après un temps fini opérer de même entre
0_> et Oi. entre un point Es postérieur à E2 et un point 64 antérieur à e^. Nous avons ainsi la possibilité
( si l'on admet les potentiels avancés) d'agir sur le passé de Ei à partir de son propre présent, ce qui
engendre une situation incompatible avec le concept même de causalité.
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centre de masse
Figure 7
Le matérialisme d'Einstein et Vœther de Dirac
ÔS/ôx-ÔS/ôx + U(x) + m2 = 0
et
Un calcul simple montre alors que tousse passe comme si les deux
mouvements corrélés des deux trajectoires Pi = m ÔS/ôxi et P2 = m ÔS/ÔX2
étaient liés par une action à distance représentée par le potentiel
quantique non local d'interaction U = Ui = U2 et que les deux
hamiltoniens Ht = Pi. Pi + Ui et H2 = P2. P2 + U2 satisfaisaient à la
condition de causalité {Hi,H2} = 0.
3. La résurrection de lather.
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Figure 8
MODÈLE DE VIDE DIT « ETHER DE DIRAC »
Une distribution stochastique de particules et d'antiparticules (considérées comme des
oscillateurs étendus) passent par un point (). leurs quadrivecteurs impulsion -énergie F, C satisfaisant à
V = -nvlz'- (particules) ou P,,P2 = m^c2 (antiparticules) donc avec une distribution uniforme sur les
deux nappes d'hyperboloïdes H+ et H" définies par les relations précédentes. Comme l'a montré
Dirac. si la densité des extrémités des vecteurs sur H+ et H" est uniforme, une transformation
arbitraire de Lorentz laisse invariante celte distribution. Il s'agit là du seul « éther » possible en
théorie relativiste.
Dans ce modèle, par chaque élément de volume infinitésimal passe une infinité de particules. Le
vide est comparable à une atmosphère invisible et indérelable directement par des observateurs en
mouvement. Chaque élément contient ainsi une énergie infinie. Sur ce milieu « subquantique »
voyagent les particules accompagnées de leurs ondes quanliques exactement comme un avion
volant à Mach 1 est accompagné de son onde sonore.
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A courant
A x^
Figure 9
Dans le modèle hydrodynamique, une particule étendue « rigide » dont les limites sont représentées
par II. et le mouvement du centre de masse par.... se propage en suivant la quadrivilesse
d'entraînement moyenne de la mécanique quantique. Elle subit des sauts stochastiques à la vitesse
de la lumière entre des couples de points 1 et 2 et réintègre ensuite le courant d'entraînement associé
à l'onde. Ce mouvement explique la distribution statistique observée.
Troisième point enfin., Si l'on admet avec Dirac que des interactions
superluminales peuvent se transmettre au travers et uniquement ' à
l'intérieur des particules, on voit qu'un tel milieu peut propager des
ondes de pression, c'est-à-dire des sortes de mouvements collectifs de
phase d'origine stochastique (voir figure 7), voyageant plus vite que la
lumière.
L'avantage d'un tel modèle, c'est qu'il permet de préserver la
causalité et cela pour deux raisons :
- d'une part, les éléments constitutifs des ondes et les particules
restent à l'intérieur ou à la limite du cône de lumière, en sorte que leur
propagation tout comme leurs mouvements collectifs peuvent se décrire
à l'aide d'équations (hamiltoniennes) causales dans le sens de temps
positifs
- d'autre
; part, comme ces particules matérielles se meuvent sur des
trajectoires du genre temps, on peut leur associer un sens du temps
propre intrinsèque, si bien qu'elles ont toutes un sens du temps absolu
dans lequel les causes précèdent nécessairement les effets.
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v= c
Figure 10
Figure 11
Le matérialisme d'Einstein et Vœther de Dirac
Pour reprendre une autre image que nous avons déjà utilisée, la
particule est comme un canot à moteur entouré par l'onde de son sillage
sur la surface de la mer : le chaos de la surface le faisant passer (à la
vitesse de la lumière) d'une trajectoire moyenne à l'autre... ce qui
entraîne (pour une succession de canots identiques) les répartitions de
probabilités prévues par la mécanique quantique. On a pu alors établir
que les trajectoires moyennes suivies par la particule et les éléments du
fluide fictif, qui constituent l'onde physique qui l'accompagne, suivent
tout simplement les géodésiques de la surface d'espace-temps modifiée
par sa présence même. En d'autres termes, les lois de la dynamique
microscopique sont identiques aux lois macroscopiques établies par
Einstein si l'on représente désormais les particules comme des régions
singulières de l'espace-temps, entourées d'une perturbation de nature
ondulatoire qui se propage sur « l'aether d'Einstein-Dirac ».
C. L'existence de corrélations superluminales s'explique comme une
conséquence de l'introduction du vide de Dirac. Considérée comme un
oscillateur, une particule étendue modifie le champ matériel qui
l'entoure. Toute perturbation qui lui est infligée (lorsqu'elle pénètre par
exemple dans un appareil de mesure) dérange l'onde de De Broglie qui
l'accompagne et engendre une modification superluminale des
conditions dans son voisinage... qui réagit sur leur comportement. Des forces
collectives superluminales lieraient organiquement (de proche en proche
et par l'intermédiaire du chaos du vide) a une vitesse > c les éléments à
distance de systèmes matériels ainsi corrélés. Dans l'expérience
d'Aspect, tout se passe en conséquence (dans ce schéma einsteinien) comme
si une aire de photons séparés par douze mètres se « tenaient encore par
la main » et réagissaient collectivement (plus vite que la lumière) à toute
perturbation qui frapperait un de ses éléments. La causalité d'un tel
système implique des contraintes mécaniques strictes (satisfaites par les
ondes de la mécanique quantique) qui interdisent tout retour dans le
temps.
L'ampleur du prix à payer pour sauver la causalité dans le monde
d'Einstein est à l'évidence considérable.
1. Il faut d'abord abandonner le vieux modèle atomique des Grecs
(accepté par tous les physiciens, y compris par Bohr sous une forme
probabiliste) qui considéraient la matière comme constituée par des
points matériels sans dimension se propageant dans un vide
universel.
Le modèle stochastique implique en effet le retour à un aether
universel où les particules matérielles apparaissent seulement comme
d'infimes perturbations régulières se propageant sur un chaos d'énergie
infinie.
Ce retour à l'aether ne constitue par un retour aux descriptions
préeinsteiniennes de l'aether. Emplissant le chaos d'un champ de
mouvements stochastique, le nouveau milieu subquantique présente
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L'arbitrage de l'expérience.
*** Science
Cf. Bohm.
et Conscience...
Causality and Chance in Modem Physics, Londres. Routledge et Kegan
Paul. 1983.
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Figure 12
b) c)
Figure 13
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Jean-Pierre VlGlER
Institut Henri-Poincaré
NOTES ET REFERENCES
1. A. Einstein. B. Podolski and N. Rosen. Phys. Rev., n" 47. 1935. p. 777.
2. « M. Paty. Einstein. Popper et le débat quantique aujourd'hui ». Colloque Popper
à Cerisy, juillet 1981.
3. Il s'agit ici d'une boutade d'Einstein.
4. Dans l'article cité note 1. on ne considère que la position de l'impulsion. La
proposition d'utiliser le spin est due à D. Bolim. Quantum Theory, Prentice Hall. 1951.
Elle a été constamment utilisée depuis sur le plan expérimental.
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