Article original

Le couple : sa formation,
sa destruction et
* PhD, École
d’assistantes
sociales, Université
de Bar-Ilan, Ramat

ce qu’il y a entre les deux

Gan, et Hôpital
Psychiatrique
Geha, Centre
Médical Rabin,
Geha Mental
Health Center,
Petah Tiqva, 49100
Israël Ricky FINZI-DOTTAN* ,Orna COHEN**, Sam TYANO***
rikifnz@
mail.biu.ac.il
**PhD, École
d’assistantes
sociales Bob
Shapell, Université
de Tel Aviv, Israël. Résumé
*** Docteur en La théorie de lʼattachement représente un cadre théorique général à la compréhension de lʼor-
médecine,
Directeur de ganisation des relations humaines tout au long de la vie et en particulier lors de lʼadaptation
l’hôpital aux situations de séparation. Si les premiers types de relations se reproduisent de manière
Psychiatrique générale au cours de la vie et dans les relations de couple en particulier, les expériences
Geha, Centre continuelles avec un conjoint - caractérisé par son propre type dʼattachement - devenu une
Médical Rabin, figure dʼattachement importante, provoque la réactualisation du réseau de représentation
Petah Tiqva,
Israël et Faculté de interne (schémas internes actifs). Le type dʼattachement de chaque partenaire influence donc
Médicine Sackler, le caractère de la relation de couple. Cet article décrit les différents types dʼattachement
Université dʼindividus et de couples et tente, dʼune part, dʼappréhender ce qui relie deux personnes, les
de Tel Aviv, attentes dʼune relation, la capacité à créer une relation de proximité et dʼintimité, et, dʼautre
Tel Aviv, Israël.
part, de cerner les éléments qui éveillent les conflits, ceux susceptibles de briser la relation et
ceux qui caractérisent le processus de séparation.
Mots clés : couple, attachement, relation, séparation, conflit.

Abstract
The theory of attachment represents a general theoretical framework for understanding
human relationships throughout life and notably during the adaptation to situations of sepa-
ration. Although the first types of relationship generally occur during life and notably when
couples are formed, the continual experiences with a partner - characterised by its own type
of attachment and an important figure of attachment, provoke the updating of the internal
representation (active internal image). The type of attachment of each partner therefore
influences the nature of the relationship of the couple. The present article describes the dif-
ferent types of attachment of individuals and couples and attempts to apprehend what binds
two people, the expectations of a relationship, the capacity to create a close and intimate
relationship and on the other hand to define/understand the elements that lead to conflicts,
those that destroy the relationship and those which characterise the process of separation.
Key words : couples, attachment, relationship, separation, conflict.

L
a théorie de lʼattachement offre
non seulement, un cadre de com-
préhension du développement,
du maintien et de la rupture des
relations entre individus, mais
éclaire également lʼobservation
du développement de la personnalité, de la
régulation émotionnelle et de la psychopatho-
logie. Si à lʼorigine, la théorie de lʼattachement
vise à expliquer le lien émotionnel mère-bébé,
Bowlby [7] perçoit également lʼattachement
comme une composante significative dʼex-
périences humanisantes tout au long de la vie,
« du berceau à la tombe ». Les relations dʼatta-
chement ont donc un rôle important dans la vie
émotionnelle de lʼadulte.

310 Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004 • p. 310-317

Les expériences vécues avec des autres signi-
ficatifs sont intériorisées comme des représen-
tants du monde et du « soi » et se généralisent
dans les nouvelles relations . De cette manière,
le sujet crée des attentes, en ce qui concerne la
disponibilité des autres significatifs en temps
de détresse, au sujet de la qualité de la relation
et de sa sensation dʼêtre aimé et estimable aux
yeux des autres. Ces modèles se constituent
durant lʼenfance, en fonction des expériences
faites par lʼenfant avec ses figures dʼattache-
ment vécues comme disponibles, aimantes ou
encore non disponibles voire même rejetant.
Les différences entre individus dépendent
des interactions, vécues et devenues repré-
sentations internes, qui créent leur person-
nalité et « colorent » la nature de leurs liens
interpersonnels [20]. Bowlby [7] percevant
le monde des représentants internes comme
des schémas émotionnels cognitifs, met en
évidence leur nature mobile en se référant à
leur élaboration continuelle, leur mise à jour,
aux expériences interpersonnelles répétitives
et à lʼaccumulation des événements de vie. Il
sʼagit donc dʼune théorie intrapsychique dont
lʼexpression est interpsychique. Le sujet éla-
bore dans son monde interne les conséquences
des stratégies dʼattachement utilisées et dès
lors, procède de manière similaire dans ses
interactions interpersonnelles ultérieures.
Hazan et Shaver caractérisent dans leur recher-
che-clé de 1987 [14] les relations amoureuses
comme un processus dʼattachement. En effet,
la dynamique émotionnelle et comportemen-
tale des relations amoureuses ressemble à
celle des relations mère-enfant et est contrôlée
par le système biologique qui régule lʼanxiété
face à une menace ou un danger (internes ou
externes) et recherche la proximité pour des
besoins de sécurité. Le partenaire procure une
base de sécurité lorsque lʼon se trouve à ses
cotés, et représente lors dʼune détresse un
port sécuritaire. Hazan et Shaver [14] montrent
que les types dʼattachement à lʼâge adulte sont
analogues à ceux trouvés par Ainsworth et al.
[1] parmi des nourrissons et jeunes enfants.
Les pourcentages dans la population générale
sont également similaires à ceux rencontrés
parmi les bébés a attachement de type sécure,
évitant et anxieux. Bartholomew [2, 3] dresse,
dans les années 1990, une classification de
quatre types dʼattachement représentant qua-
tre possibilités de modèle de soi et de lʼautre
lors dʼinteractions personnelles. Les sujets
ayant un style dʼattachement sécure ont des
modèles positifs de soi et de lʼautre : le soi
Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
est perçu comme digne dʼamour et de soutien ;
les autres, comme disponibles et dignes de con-
fiance. Ceci est la conséquence de la relation
de soutien, de la disponibilité, de la sensibilité
et de lʼacceptation parentale. Les sujets dont
le style est anxieux/ambivalent (nommé par
Bartholomew préoccupé) ont une faible esti-
me de soi et une forte estime de lʼautre comme
potentiel de régulation. Ces sujets dont le type
attachement résulte dʼexpériences infantiles,
sont préoccupés par la disponibilité de lʼautre
et tendent, dans leurs relations personnelles,
à dépendre de lʼautre. Ils tendent aussi au
brouillage des limites entre le soi et lʼautre.
Bartholomew décrit deux types de styles
dʼattachement évitant : lʼattachement évitant-
congédiant (dismissing), personnes ayant une
haute estime de soi et une faible estime dʼautrui
et lʼattachement évitant-apeuré, personnes
ayant une faible estime de soi et dʼautrui. Elles
se perçoivent comme indignes dʼêtre aimées et
perçoivent autrui comme les rejetant.
Les recherches ayant utilisé la classifica-
tion de Hazan et Shaver [14, 15] et celle de
Bartholomew [2, 3] mettent en évidence la
diversité des relations interpersonnelles et
intra-psychiques (intra- et inter-psychiques)
existant dans chacun des styles dʼattachement
dʼadultes.
Styles dʼinteractions des différents
types dʼattachement du couple
Nous proposons de présenter ci-dessous les
principaux résultats de certaines recherches tout
en nous focalisant sur les styles dʼinteractions
des différents types dʼattachement du couple.
Les sujets dont lʼattachement est sécure
Ces sujets ont pour base un vécu personnel
de sécurité qui fonctionne comme une ancre
interne en temps de détresse leur permettant
de réguler les émotions négatives et de sur-
monter de façon adaptée les conflits. Ils réus-
sissent, à trouver un équilibre entre intimité et
autonomie [11, 12, 18], à gérer les situations
dʼambivalence [17] et à faire lʼintégration des
émotions contradictoires dans le lien.
Les sujets dont lʼattachement est
anxieux
Le système dʼattachement de ces sujets est
sans cesse en hyperactivité de par leur diffi-
culté majeure à réguler les émotions et leur
tendance à refouler celles qui sont négatives
et qui proviennent de lʼabsence de modèle
311
 Article original
interne réconfortant et calmant [17]. La sensa-
tion « dʼêtre seul » est donc menaçante, et ces
personnes tenteront par provocation, dʼobtenir
une proximité. La frustration provoque une
sensation débordante de douleur, de colère et de
menace dʼabandon liée au manque de différen-
ciation entre lʼinter - et lʼintra-psychique [20].
Dans leurs relations conjugales, ces sujets dési-
rent un lien étroit brouillant les limites et mani-
festent la volonté dʼune incorporation, comme
lʼexprime un patient : « …que ma femme puisse
toujours me comprendre, comme une âme sœur,
comme une jumelle siamoise ». La perception
quʼils se font du lien est souvent irréaliste
et conduit à une déception, à une frustration
continuelle, à lʼapparition de sentiments de
colère et une sensation de menace sur le soi
[12]. Lʼangoisse dʼabandon les rend jaloux,
exigeants et cramponnés à lʼautre. Ces per-
sonnes présentent un taux important dʼéchecs
relationnels [11].
Les sujets dont lʼattachement est évitant
Ces sujets ont tendance à désactiver leur sys-
tème dʼattachement afin de se préserver de
situations de rejet, car pour eux la proximité
signifie perte de contrôle et détresse. Avec le
temps, ils se perçoivent comme autonomes
et immunisés. Face à la menace, les évitant
utilisent des mécanismes de défense primaires
tels que le déni dʼinformations susceptibles de
menacer la perception rigide et faible quʼils ont
dʼeux-mêmes ; le clivage et la projection de la
dévaluation de soi, afin de préserver lʼestime
de soi et la différenciation de soi et de lʼautre
[17, 19]. En présence de conflits, ils préfèrent la
rupture au maintient du lien, afin de préserver
leur sentiment de contrôle de la proximité et de
maintenir une distance [11].
Comparés aux évitant-congédiants, les évitant-
apeurés ayant une faible estime de soi, se vivent
comme dénués de ressources personnelles.
Les sujets dont lʼattachement est
évitant-apeuré
Ces sujets alternent entre besoin de dépen-
dance et dʼintimité et évitement la proximité
comme défense contre lʼangoisse de rejet.
Ils alternent donc entre stratégie de désacti-
vation et dʼhyper activation de leur système
dʼattachement de façon hasardeuse, perturbée
et chaotique. Lʼutilisation hasardeuse de ces
stratégies ne parvient, ni à les conduire à un
sentiment de sécurité rendant possible une
proximité et ni à éviter la menace par la fuite
[23]. Ils restent piégés dans un cercle vicieux
312 Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
constitué de tentatives dʼévitement ineffica-
ces et de débordement dʼanxiété. Vis-à-vis de
leurs conjoints, ces sujets manifestent des sen-
timents dʼaliénation, leurs relations interper-
sonnelles sont marquées par de la froideur, du
pessimisme et lorsque des conflits sʼéveillent,
ils tendent à utiliser des stratégies destructri-
ces et violentes [3, 4, 8].
Attachement et relation de couple
Des résultats empiriques présentent le style
dʼattachement comme facteur influençant le
choix du partenaire, le caractère des relations
maritales et la satisfaction quʼelles procurent
et enfin, lʼintensité de la détresse ainsi que sa
gestion lors dʼune séparation [8-11].
Avec pour fondement théorique lʼhypothèse
de Bowlby [7] selon laquelle les représentants
interne du soi et des autres se remettent à jour
en fonction des expériences récurrentes et
continuelles de liens interpersonnels, ce pré-
sent article tentera, dʼanalyser la dynamique
des relations entre individus ayant des types
dʼattachement différents et dʼétudier la maniè-
re dont la relation de couple peut devenir une
expérience réparatrice ou au contraire, peut
exacerber et éveiller les blessures de passé.
Combinaisons conjugales de types
dʼattachement
Couple de partenaires sécures
La littérature professionnelle en ce domaine
montre quʼau sein dʼun couple de personnes
sécure, il existe un potentiel de relation stable,
incluant intimité et proximité, dans laquelle
les partenaires respectent à la fois lʼautonomie
et les besoins dʼindividuation de lʼautre. Le
pourcentage de rupture parmi ces couples est
faible [11]. La décision de divorce nʼest pas
perçue comme une menace sur le soi, il sʼagit
dʼune « belle séparation » dont le sentiment
prédominant est de la tristesse [8]. Ces cou-
ples sont ceux qui consultent des médiateurs
ou demandent une thérapie pour les arrange-
ments de la séparation et aider leurs enfants a
moins souffrir. Sensibles au besoin de contact
de leurs enfants avec eux deux, ils coopèrent
pour les décisions prises lors du divorce.
Couple de sécure/anxieux: relation de
couple dépendant/persécutant, distant/
vigilant
Une telle relation le couple se produit en rai-
son de la tendance de lʼindividu de type sécure
à sʼoccuper de lʼautre [20], et du fantasme de
lʼanxieux dʼavoir trouvé la personne « idéale »
qui sʼoccupera de lui et lʼaidera à réguler ses
émotions en temps de crise. Si le sécure peut
contenir lʼangoisse de lʼanxieux et parvenir à
le calmer, à travers ces expériences récurren-
tes, ce dernier se sentira désiré et digne de
proximité. Ses angoisses dʼabandon diminuant,
il constatera quʼil peut rechercher un soutien,
que lʼautre ne lʼabandonne pas et parviendra
à croire en lui et en la relation. En revanche,
si le comportement répétitif de lʼanxieux -
qui tente dʼobtenir soutien et proximité par la
domination et lʼassujettissement - engendre
un sentiment de rejet chez son compagnon,
ses schémas internes actifs seront confirmés :
il finit toujours par être abandonné, et il est
indigne dʼamour.
Le compagnon sécure atténue la « valse » con-
jugale car il est empathique et navigue entre
sensibilité et soutien envers son partenaire,
et prise de distance quand il se sent épuisé
et ne peut continuer à jouer le rôle de régu-
lant. Un patient formule son épuisement de la
façon suivante: « je suis fatigué dʼêtre tout le
temps son thérapeute et de sans cesse devoir la
comprendre ». Le manque de symétrie dans le
couple risque de créer la « valse » persécutant/
distant et de faire fuir le partenaire sécure. Il
risque alors de développer un comportement
évitant, qui ne fera quʼaccentuer la dépen-
dance de lʼanxieux et son angoisse de perte
perpétuelle. Lʼanxieux, menacé par la prise
de distance de son partenaire et par une perte
attendue, tente de maintenir son conjoint dans
la relation, en lui proposant une thérapie, ou
encore en utilisant les besoins des enfants
(« on doit rester ensemble pour le bien des
enfants »). Mais simultanément, de par sa
déception et sa frustration et par son fantasme
de lʼexistence quelque part dans le monde
dʼune âme sœur qui lʼattend, il est enclin à
proposer impulsivement une séparation [11,
12]. À titre dʼexemple, une femme ayant
un style dʼattachement anxieux demande le
divorce car « il nʼest pas suffisamment bon
envers moi ». Après le divorce, sa solitude
lui faisant peur, alors que son mari prend sa
fille pour la journée elle lui demande de venir
avec eux. Ce dernier est sensible à son état,
mais hésite à répondre à nouveau à ce lien de
dépendance.
Lors de la thérapie de ce type de couple, il
serait pertinent de se concentrer à renforcer
les ancrages internes de lʼanxieux. La diffi-
Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
culté du traitement dʼun sujet à attachement
anxieux, provient du fait quʼil est envahi par
son anxiété, il tend à la « rumination » et au
ressassement de sa détresse et finit par aller de
thérapeute en thérapeute, persuadé quʼaucun
ne lʼapprouve de façon totale [9, 10]. Dans
les cas extrêmes, le traitement dʼun anxieux
ressemble à celui de patients souffrant de trou-
bles de la personnalité limite. Le sujet sécure
par contre, peut consulter un thérapeute afin
de surmonter ses sentiments de culpabilité liés
à la souffrance des enfants et/ou de son parte-
naire qui sʼagrippe au lien et ainsi compren-
dre lʼévolution des événements précurseurs de
la séparation. Le thérapeute peut aider le sujet
« sécure » à discriminer la souffrance dont il
est responsable de celle du chantage émotion-
nel effectué par son partenaire et ainsi aider
les enfants à surmonter leur détresse.
Le couple « sécure/évitant »
Cette combinaison se fait plus rare, car si pour
le sécure lʼintimité dans la relation est primor-
diale, lʼévitant sʼéloigne de lʼintimité et de la
proximité, et évite les liens de dépendances
[11]. Un tel lien peut se produire dans le cas
ou le sécure est persuadé que le pouvoir de
son amour poussera lʼanxieux à une relation
de proximité et ou les protagonistes dont les
motivations diffèrent, respectent tous deux
lʼespace personnel de chacun et lʼautonomie.
Selon les règles de lʼéducation traditionnelle
où la femme est celle qui procure les soins, un
tel lien peut se produire si la femme est celle
dont lʼattachement est sécure.
Le sentiment de sécurité de base du partenaire
sécure, dont le soi ne se sent pas menacé per-
met à cette relation de perdurer et ce, malgré
lʼasymétrie relationnelle. Si le conjoint sécure
est patient et répond aux besoins de contrôle et
dʼespace personnel de lʼévitant, à travers des
expériences répétitives, lʼangoisse de perte
de contrôle du lien se fera moindre, lʼévitant
pourra se permettre dʼêtre dans une relation
de proximité et se dévoilera davantage sans se
sentir vulnérable. Dans le cas où ce processus
ne se mettrait pas en place, des failles dans le
lien apparaîtront. Le comportement distant de
lʼévitant risque de provoquer chez le sécure
des stratégies propres à celles dʼun sujet dont
lʼattachement est de type anxieux, comme
tenter dʼattirer lʼévitant vers la relation. Ci
dessous lʼexemple un couple venant consulter
sous les pressions de la femme « sécure » qui
se plaint dʼun mari qui se refuse constamment
à partir avec elle en vacances alors quʼà ses
313
 Article original
yeux il sʼagit de lʼopportunité dʼêtre ensem-
ble. Le mari réagit de façon cynique et semble
apeuré de lʼéventualité dʼêtre seul avec elle et
face à une intimité émotionnelle. À ses yeux
il sʼagit dʼun danger « elle voudra parler de
notre relation ». Étant donné que le type dʼat-
tachement du mari est évitant, le thérapeute
afin de construire une alliance thérapeutique,
propose de laisser au mari le contrôle des
différents niveaux de rapprochement intimes
[9, 10, 13, 21].
Pareillement au couple évoqué ci-dessus, une
femme exprime ses doutes quant à la pour-
suite de la relation et la perception réaliste
du « sécure » permet à celui-ci de constater
quʼil réagit dʼune façon qui ne lui ressemble
pas. De son coté, lʼévitant - qui ne tend pas à
sʼinvestir dans le développement dʼune inti-
mité, mais plutôt à dénier et fuir les conflits
conjugaux susceptibles de menacer sa percep-
tion de soi différenciée et autonome - dans
lʼappréhension dʼune éventuelle séparation
initiée par le sécure, propose immédiatement
le divorce. Il dénie sa responsabilité dans les
conflits et, pour ne pas ressentir une perte
de contrôle, se détache émotionnellement
du lien. Il est fort probable quʼil projette
et accuse son partenaire de la tension entre
eux. Lors de la rupture, lʼévitant est coléreux,
négatif tout en ressentant un soulagement, au
moment de la décision de divorce, il est même
susceptible de prendre ses affaires et dire à sa
femme « dès maintenant, lʼavocat parlera avec
toi… moi, je nʼai plus rien à te dire ».
Malgré les efforts du partenaire sécure, lʼon
peut sʼattendre à trouver un manque de stabilité
dans la parentalité du couple. On peut sʼatten-
dre à voir, un évitant qui nʼaccommode pas
les activités, allant même jusquʼà « saboter »
une activité partagée, et à constater chez lui un
manque dʼempathie qui le rend insensible aux
besoins émotionnels de ses enfants [5, 12].
Les deux partenaires sont « anxieux »
– relation de couple de type « on ne peut
être avec et on ne peut être sans »
Cette relation de couple se caractérise par de la
confusion, les protagonistes ne peuvent vivre
ensemble et ne peuvent vivre séparés. Il sʼagit
dʼune rencontre qui donne naissance à une
illusion, les deux partenaires semblables dans
leur recherche « dʼune âme sœur » sʼattendent
à ce que leur conjoint les comprenne de façon
totale et réponde à leurs besoins. Cependant,
la déception est inévitable et la frustration qui
en résulte engendre de la « rage » [12]. La
314 Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
menace de divorce est un moyen de provoca-
tion et sert à exprimer la frustration, ces cou-
ples sont ceux qui régulièrement menacent et
se sentent menacés dʼune séparation ou dʼun
divorce. Mais malgré la frustration récipro-
que, continuelle et la déclaration de divorce,
la peur dʼêtre seul et le besoin continuel dʼun
partenaire, pousse les conjoints à défendre
leur lien, comme le montre la phrase de cette
femme : « je sais que jamais je ne trouverai
quelquʼun qui me convienne autant, qui con-
naît toutes mes “folies” et cʼest sûr, je finirai
par rester seule toute ma vie ». La menace de
séparation éveille une angoisse envahissante
et diffuse dont résulte, une décharge intense
dʼagressivité et de violence allant même
jusquʼà blesser le partenaire ou ce qui lui est
cher, ou des menaces et des déclarations de
suicide pour ramener le partenaire à son rôle
« dʼâme sœur ». Le couple est prit au piège
dans un combat chronique composé dʼaccusa-
tions, de déceptions réciproques, de difficulté
réelle à se séparer et dʼagressivité verbale et
physique. Combat qui piège également les
enfants. Ces caractéristiques définissent ces
couples comme les plus extrêmes, comme
ceux qui déchirent leurs enfants dans des
conflits de double fidélité, réclament une
fidélité exclusive et réagissent par de la rage
lorsquʼils soupçonnent leurs enfants de pren-
dre parti en faveur du conjoint ou encore les
accusent dʼavoir pris plaisir à passer du temps
avec lui ou elle. Ils procèdent au chantage
affectif (dans les cas extrêmes, utilisent même
des menaces suicidaires) transformant ainsi
leurs enfants en « enfant-parent » qui console
et soutient. Ils tendent à utiliser la détresse
des enfants selon leurs propres intérêts; ainsi
par exemple un couple dont chaque membre
utilise les menaces suicidaires de leur enfant
adolescent afin dʼattaquer la parentalité de
lʼautre. Dans le cas, de parents incapables de
séparer leurs besoins personnels de ceux des
enfants, il est fortement conseillé de faire
intervenir des thérapeutes ou professionnels
de la santé dans les procédures judiciaires afin
de préserver le bien-être des enfants.
Relation de couple entre un « anxieux »
et un « évitant »
La relation entre deux partenaires non sécure
est décrite dans la littérature comme la plus fré-
quente. Il sʼagit dʼune relation dans laquelle les
partenaires recherchent et trouvent la personne
qui valide les schémas internes actifs. Lʼanxieux
valide sa perception de soi comme étant « le plus
mauvais » et celle des autres comme non dispo-
nibles à ses besoins et lʼabandonnant ; lʼévitant,
éveillant chez lʼautre, par son comportement,
le rejet, valide sa perception des autres comme
« sans valeur », sur lesquels on ne peut comp-
ter[5-11]. Se crée alors une « danse conjugale »
faite de déception réciproque, où lʼanxieux
ressent constamment un manque émotionnel, se
sent abandonné et réagit par un combat (fight)
et ou lʼévitant fuit (flight), méprise les besoins
de dépendance de son partenaire et accentue
sa détresse [13]. Il semble pertinent dʼillustrer
cette « danse » par lʼexemple dʼune thérapie au
cours de laquelle les partenaires expriment leur
déception réciproque - la femme est exigeante
et se plaint dʼun besoin de proximité laissé sans
réponse et ce dernier, effrayé par ses revendica-
tions dit: « je ne peux répondre à ses attentes,
elle veut tout le temps être proche… jʼai un
problème avec le contact, le toucher », la femme
rétorque « il ne me montre pas quʼil mʼaime,
je mérite mieux que cette relation ». Lors de la
thérapie, Fisher et Cradell [13] proposent, pour
mettre de lʼordre dans le chaos, de mettre en
mots les sentiments et les besoins différents de
chaque partenaire. Selon eux, le fait que chacun
des conjoints puisse « penser ses émotions » peut
amener à contrôler lʼanxiété et à construire un
espace psychologique permettant de « penser »
lʼautre tout en donnant place à lʼindividuation
et à la différence. De façon similaire, Pistole
[21] propose dʼanalyser la lutte entre proximité
et distance au sein de ces couples et de montrer
de quelle manière les besoins de chacun des
partenaires nourrissent le cercle conflictuel de
la relation.
La relation de couple anxieux-évitant, dans
laquelle lʼévitant est évitant-apeuré risque de
conduire le lien à son lʼextrémité et à induire
des conflits violents. Tel lʼexemple dʼun cou-
ple dont la femme est de style dʼattachement
anxieux et le mari évitant-apeuré. La femme
a besoin de régulation émotionnelle constante
et selon elle « notre accord est que maintenant
il sʼoccupe à me calmer », le mari - enfant
battu dans son enfance - éveille par son style
passif-agressif lʼagressivité de sa femme. Lui
ne pouvant supporter de perdre le contrôle et
dʼexprimer une agressivité, dépose lʼagressivi-
té chez sa femme et sʼéloigne lors des conflits
« quand tu deviens folle comme ça, je ne peux
pas parler avec toi », la femme dénuée de toute
capacité à sʼautoréguler finit par réellement
devenir « folle » et réagit avec agressivité.
Lʼanxieux et lʼévitant-apeuré ont tous deux
une estime de soi négative et peu de ressources
Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
afin de surmonter les conflits. Lʼanxiété de la
réalisation des fantasmes qui menacent lʼinté-
grité du soi, engendre des réactions dʼacting
out. Ainsi, face à la menace sur leur lien ils
réagissent tous deux avec rage, utilisent des
stratégies destructrices et de la violence ver-
bale et physique. Ce comportement sʼorigine
dans lʼangoisse dʼabandon et de solitude chez
lʼanxieux et dans celle du rejet, dʼimpuissance
et de perte de contrôle de lʼautre chez lʼévitant-
apeuré [8-16]. Bartholomew, Henderson et
Dutton [4] décrivent la relation où la femme
est de style anxieux et lʼhomme est évitant-
apeuré comme le cas classique de violence
familiale. Les hommes au style évitant-apeuré
réagissent agressivement lorsque le lien est
menacé (menace réelle ou fantasmatique), ils
ont besoin de sentir quʼils contrôlent la relation
et leur violence est lʼexpression dʼune révolte
contre la non-disponibilité de lʼautre ou contre
son sentiment de rejet. Ces hommes inter-
prètent les intentions floues de leur conjoint
comme rejet et répondent par de la jalousie et
de la violence. Ils effectuent un va et vient entre
éclat de colère, de violence et entre demande
dʼindulgence qui éveille des sentiments de
compassion chez le compagnon. En revanche,
la femme anxieuse menacée par lʼéventualité
dʼune séparation et du fait dʼêtre « livrée à elle-
même » a du mal à se séparer même lorsque
sa vie est en danger. Ces femmes sont celles
qui risquent de développer un modèle de rela-
tion de co-dépendance [24]. Dans ces cas, les
enfants, témoins de violence conjugale et utili-
sés par leur parents afin de rétablir lʼestime de
soi blessée, présentent le risque de développer
une psychopathologie psychiatrique et des
symptômes post-traumatiques (PTSD).
Couple de deux « évitant »
Cette relation de couple est la plus rare [11],
Bowen [6] nomme ce couple « émotionnelle-
ment divorcé », il sʼagit de mariage de fortune
sans lien émotionnel profond. La séparation se
fait rapidement, sans difficultés car les deux
partenaires dénient leur détresse ou le sentiment
dʼéchec. Les enfants de tels couples risquent
dʼêtre en danger de négligence émotionnelle
sévère du fait du manque dʼempathie parentale
et de la non prise en compte de leurs besoins.
Remarques de conclusion
Lʼadaptation de la théorie de lʼattachement
aux relations de couple faite dans cet article
contribue aux connaissances théoriques qui
315
 Article original
traitent du lien, du déroulement de la relation
et de la séparation, de la combinaison de cou-
ples de styles dʼattachement différents dʼune
part, et des conséquences, de la dynamique
entre eux, sur lʼactualisation des modèles
représentatifs du self et des autres en inte-
raction interpersonnelles (schémas internes
actifs), dʼautre part.
La relation de couple se construit à partir de la
rencontre des besoins et des désirs, rencontre
dans laquelle ceux-ci peuvent être mutuelle-
ment régulés et satisfaits ou encore exacerbés
et déçus. Ce présent article a traité de la dia-
lectique entre la répétition au sein du couple
dʼexpériences primaires et le potentiel existant
dans lʼexpérience continuelle avec un conjoint
qui représente une figure dʼattachement adou-
cissant ou intensifiant les schémas de soi, des
autres et les relations personnelles en général.
Contrairement aux couples dont lʼun des parte-
naires est caractérisé par un type dʼattachement
sécure, la rencontre entre deux sujets dʼattache-
ment de type non sécure (anxieux ou évitant)
montre lʼinfluence réciproque entre lʼangoisse
de perte, la peur de lʼintimité et celle de la
perte de contrôle. Le second aspect de cet
article concerne la parentalité des différents
types dʼattachement, la capacité des parents à
répondre aux besoins de leurs enfants et ce,
essentiellement lors de leur rupture. La paren-
talité commune suite au divorce constitue lʼune
des preuves montrant lʼaptitude à se séparer. Le
maintient du conflit conjugal ou le risque de
voir les enfants devenir lʼarène principale de
lʼattachement et de sa survie apparaît essentiel-
lement parmi les sujets dont le type dʼattache-
ment est non sécure.
Les besoins dʼattachement ne forment quʼune
partie de la relation de couple, même sʼils
constituent une variable centrale, ils ne sont
pas pour autant le seul facteur en jeu dans les
relations conjugales. Une recherche ultérieure
serait nécessaire afin dʼapprofondir la com-
préhension des liens internes entre le système
dʼattachement et dʼautres variables de person-
nalité impliquées dans les différents types de
relations. Les conjoints, selon Mikulincer et
Shaver [20], ne représentent pas toujours lʼun
pour lʼautre lʼunique figure dʼattachement, la
création de lʼattachement entre deux personnes
est fonction du style dʼattachement de chaque
membre, et de leur capacité à représenter un
« port de sécurité ». De plus, même si chacun
des membres fonctionne pour lʼautre comme
une figure dʼattachement, lʼinteraction reflète
également dʼautres comportements, autres
316 Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004
que celui du système dʼattachement. Ainsi,
lʼamour romantique implique lʼinteraction du
système dʼattachement « soignant » (caregi-
ving) ainsi que celui du système des besoins
sexuels.
Cet article propose une typologie et il est inté-
ressant de noter que les couples nʼentrent pas
si formellement dans les catégories mention-
nées, il est fort probable, au cours du temps
et avec des différences liées au genre, dʼêtre
amené à rencontrer des couples ayant divers
éléments de chaque type dʼattachement, à des
degrés différents et à tendances mixtes. 
Remerciements
Nous remercions Mademoiselle K. Smotriez, psycholo-
gue clinicienne, pour sa collaboration à la traduction et
à la rédaction de cet article.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Ainsworth MDS, Blehar MC, Waters E,
Wall S. Patterns of attachment: a psy-
chological study of the strange situation.
Hillsdale, NJ: Erlbaum, 1978).
2. Bartholomew K. Avoidance of intimacy:
an attachment perspective. J Soc Person
Relationships 1990; 7: 147-178.
3. Bartholomew K. Adult attachment proces-
ses: individual and couple perspectives. Br
J Med Psychol 1997; 70: 249-263.
4. Bartholomew K, Henderson A, Dutton D.
Insecure attachment and abusive intimate
relationships. In: Clulow C, ed. Adult atta-
chment and couple psychotherapy. London:
Brunner-Routledge, 2001: 43-61.
5. Belsky J, Cassidy J. Attachment and close
relationships: an individual-difference pers-
pective. Psychol Inquiry 1994; 5: 27-30.
6. Bowen M. Family therapy in clinical prac-
tice. New York: International University
Press, 1978.
7. Bowlby J. A secure base: clinical appli-
cations of attachment theory. London:
Routledge: 1988.
8. Cohen O, Finzi R, Avi-Yonah O. An attach-
ment based typology of divorcing couples.
Family Therapy 1999 ; 26: 167-190.
9. Dolan RT, Arnkoff DB, Glass CR. Client
attachment style and the psychotherapist’s
interpersonal stance. Psychotherapy 1993;
30: 408-412.
10. Dozier M, Cue KL, Barnett L. Clinicians as
caregivers: role of attachment organization
in treatment. J Consult Clin Psychol 1994;
62: 793-800.
11. Feeney JA. Adult romantic attachment and
couple relationships. In: Cassidy J, Shaver
P. R, eds. Handbook of attachment: theory,
research, and clinical implications. New
York: Guilford, 1999: 355-377.
12. Finzi R, Cohen O, Ram A. Attachment and
divorce. J Family Psychother 2000; 11: 1-
20.
13. Fisher J, Crandell L. Patterns in the relating
couple. In: Clulow C, ed. Adult attach-
ment and couple psychotherapy. London:
Brunner-Routledge, 2001: 15-27.
14. Hazan C, Shaver P. Romantic love conceptua-
lized as an attachment process. J Personality
Soc Psychol 1987; 52: 511-524.
15. Hazan C, Shaver P. Attachment as an
organizational framework for research on
close relationships. Psychol Inquiry 1994;
5: 1-22.
16. Kesner JE, McKenry PC. The role of child-
hood attachment factors in predicting male
violence toward female. J Family Violence
1998; 13: 418-432.
17. Lopez FG. Adult attachment orientations,
self-other boundary regulation, and splitting
tendencies in a college sample. J Counsel
Psychol 2001; 48: 440-446.
18. Mikulincer M, Erev I. Attachment style and
the structure of romantic love. Br J Soc
Psychol 1991; 30: 273-291.
19. Mikulincer M, Horesh N. Adult attachment
style and the perception of others: the role
of projective mechanisms. J Personality Soc
Psychol 1999; 76: 1022-1034.
20. Mikulincer M, Shaver PR. The attachment
behavioral system in adulthood: activa-
tion, psychodynamics, and interpersonal
processes. In: Zanna M, ed. Advances in
experimental social psychology. New York:
Academic Press, 2003 : 53-152.
21. Pistole CM. Adult attachment styles: some
thoughts on closeness, distance struggles.
Family Process 1994; 33: 147-159.
22. Shaver PR, Hazan C, Bradshaw D. Love as
attachment: the integration of three beha-
vioral systems. In : Sternberg RJ, Barnes M,
eds. The psychology of love. New Haven,
CT: Yale University Press, 1988 : 68-99.
23. Simpson JA, Rholes SW. Fearful-avoidance,
disorganization, and multiple working
models: some directions for future theory
and research. Attachment Hum Dev 2002;
4: 223-229.
24. Wright PH, Wright KD. The two faces of
codependent relating: a research-based
perspective. Contemp Fam Therapy 1999;
21: 527-543.

Communiqué
Communiqué
Université René Descartes Paris 5
Collège International de l'Adolescence

Le Cannabis à l'adolescence
Explorations des limites du moi

Vendredi 26 Novembre 2004

Espace Reuilly
21, rue Hénard, 75015 Paris, France

Comité d'organisation
Patrice Huerre, Didier Lauru, François Marty, Olivier Ouvry, François Pommier

Renseignements
Mme Auffret
Tél. : 0145 85 25 17
E-Mail : cmu.georges.heuyer@wanadoo.fr

Perspectives Psy • Volume 43 • N°4 • octobre-novembre 2004 317