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INTRODUCTION

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Durant mes trois années de formation en psychomotricité, j’ai eu la chance de pouvoir
réaliser plusieurs stages avec des populations et des pathologies différentes: des stages
plus courts avec des enfants en crèche avec une problématique psycho-sociale et des
adultes autistes en deuxième année, puis un stage de 6 mois en dernière année avec des
adultes psychotiques.

Dans ces différents stages, j’ai été confronté à des personnes en situation de
désorientation spatio-temporelle, avec des problématiques corporelles et des
difficultés relationnelles. Je me suis demandé comment je pouvais les aider à
reprendre contact avec leur corps, avec les autres, et avec le monde qui les entoure.

D’autre part, depuis l’enfance j’ai toujours été attiré par la musique rythmée. Entre la
danse africaine, la capoeira (une danse et un art-martial brésilien qui mêle
mouvements, chants et instruments) et les festivals de musique électronique
(répétition, binarité), j’ai écouté, dansé et joué sur ces musiques. J’ai également suivi
un apprentissage de la guitare et des percussions. Le rythme simple et efficace de ces
musiques a un aspect contenant qui m’a porté et m’a aidé à m’épanouir jusqu’à
aujourd’hui.

Au cours de ces trois années de formation, j’ai expérimenté de nombreux exercices


autour de la danse et du rythme dans les cours pratiques, ce qui m’a permis d’en
ressentir les impacts sur mon corps et sur le corps des autres élèves. Suite à mes
observations, j’ai pu analyser que ces exercices m’apportaient  une certaine
structuration au niveau psychique et corporel.

En rencontrant et en observant les adultes atteints de troubles psychotiques, je me suis


alors questionné sur la manière dont le rythme pouvait les aider à trouver des repères,
des limites et un cadre dans le cadre d’une prise en charge psychomotrice.

De ce questionnement est apparu la problématique suivante: Comment le rythme peut-il


aider l’adulte psychotique dans le cadre d’une prise en charge psychomotrice?

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De cette question à découler plusieurs hypothèses:

- Le rythme peut aider à contenir et repréciser les limites psychiques et corporelles de
l’adulte psychotique.

- De cette première hypothèse découle une autre hypothèse: 

la prise de conscience des limites corporelles peut accompagner le processus
d’individuation du sujet: sortir de la relation fusionnelle pour exister en tant que sujet
singulier.

- De cette seconde hypothèse découle une troisième hypothèse:

l’accompagnement vers l’individuation diminuera les difficultés engendrées par le lien à
l’autre.


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Pour mener à bien cette recherche, je développerai dans une première partie théorique,
trois aspects:

Dans un premier temps j’aborderai le développement de l’enfant, l’importance du
rythme dans le développement identitaire et la prise de conscience des limites
corporelles. 

Dans un deuxième temps, j’aborderai le processus identitaire et les limites corporelles
chez l’adulte psychotique. 

Dans un troisième temps, j’aborderai le métier de psychomotricien et la manière dont le
rythme peut venir soutenir le cadre de la prise en charge.

Ensuite, je développerai une deuxième partie pratique qui évoque les différentes
expériences de terrain et la réflexion qui en découlera pour tenter de répondre à ma
question de départ.

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PARTIE THEORIQUE
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I. Le sujet tout venant
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a) Le développement de l’enfant (développement identitaire
de l’enfant et rapport au rythme)

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Pour établir un lien entre le rythme et l’identité, je vais aborder les premiers temps du
développement d’un individu. Malgré le public adulte visé pour mon sujet, un retour sur
les expériences du jeune enfant est essentiel pour identifier les étapes fondamentales
de la construction d’un sujet. Je m’appuierai sur les réflexions de diverses auteurs,
psychomotriciens et psychanalystes.

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Construction de l’identité chez l’enfant

Qu’est ce que l’identité ?

L’identité semble être en lien avec la perception qu’un individu a de soi. Nous sommes
des êtres sociaux, nous vivons ensemble et nous nous influençons mutuellement. Notre
identité se construit donc par rapport aux autres, au monde qui nous entoure. Potel
(2010) précise que l’identité est un processus non inné qui se met en place lors du
développement: « On ne naît pas soi, on le devient. » p 74

Un individu n’est pas seulement défini par sa pensée mais aussi par la façon dont il
investit son corps : l’articulation corps-psyché. En effet, son identité relève à la fois de
son vécu affectif et psychique : son histoire familiale, personnelle, sa culture et ce à
quoi il aspire ; ces facteurs qui ont une répercussion sur le vécu corporel conscient et
inconscient. Benoit Lesage (2012) fait un lien entre l’intégrité psychique et corporelle :
il perçoit le « sentiment de soi comme l’intégration de son corps » p.24 jalons.

Pour commencer la recherche autour de la question de départ, il est essentiel de revenir


aux premiers moments de la vie d’un individu pour comprendre comment les bases du
processus identitaire vont se mettre en place.

Potel explique que « le sens de soi ne peut véritablement se construire que si toutes ses
expériences faites et éprouvées par l’enfant peuvent se « loger » dans un espace, celui
d’un corps protégé par des limites sensibles, solides et sécurisantes ». p.73. être psm.

Il y a donc un lien possible qui apparaît entre l’identité et l’espace. Qu’est ce que le
Soi, le Non-Soi, où s’arrête mon corps et celui de l’autre ? Par quels mécanismes, quelles
expériences, l’enfant prend-il conscience de ces limites ?

Dans le développement de l’enfant, le sujet va investir son corps comme il prend


possession de lui-même; il se différencie et devient acteur en intériorisant ses propres
expériences. Ces expériences du corps en relation à lui-même, à l’autre et à
l’environnement vont construire une base narcissique. Cette ébauche de l’identité
permettre d’accéder à la pensée et aux mécanismes de symbolisations secondaires.

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Il paraît pertinent d’aborder les théories de bases du troisième topique de Freud pour
une première lecture de l’évolution identitaire de l’enfant et les enjeux narcissiques
des premières étapes de vie.

- La première étape du développement est le stade oral qui est généralement


observable de 0 à 1 ans. Ce stade est régit par le principe de plaisir.

Pour l’enfant, avoir l’objet en soi équivaut à être l’objet. Il n’a pas encore
conscience des limites de son corps et de celui de l’autre, du Soi et du Non-Soi. Les
relations objectales sont discontinues et il a des difficultés à localiser dans l’espace
le contact qu’il entretient avec l’autre. Cela entraîne la création d’une relation
fusionnelle avec sa mère. 

Billmann (2012) explique que dans l’espace intra-utérin, le nouveau né connaît un
« état de continuité, de fusion, de non différenciation avec l’environnement (…)
sentiment que Freud nommait « océanique » pour souligner « l’immensité » de la
sensation de faire partie d’un Tout dans lequel on ne se distingue pas du monde qui
nous prolonge à l’infini » (danse guérit » Billmann p.98)

Par ailleurs, la mère va devoir sortir progressivement de cette fusion pour aider
l’enfant à se différencier d’elle. Cela va être en partie accompagné par le sevrage
qui va être opéré lorsque la mère cesse de donner le sein à l’enfant. 

Au début de la différenciation : le principe de réalité naît car l’enfant expérimente
le manque et la frustration, il comprend alors que son désir ne peut pas être comblé
continuellement.

- A la suite de ce stade apparaît une autre étape que Freud nomme le stade anal qui
se déroule généralement de 1 à 3 ans. Ce stade est caractérisé par une
expérimentation de l’expulsion et rétention des matières fécales.

Lors de la rétention, l’enfant expérimente la pulsion d’emprise. C’est le stade


d’ambivalence maximum car l’objet fécal peut être conservé ou expulsé. Par ces
expériences, l’enfant consolide la frontière intérieure, son corps et la frontière
extérieure, le monde qui l’entoure. Il va découvrir le pouvoir qu’il exerce sur son propre
corps et sur autrui. Il expérimente le conflit amour/haine, la possession et il cherche
sans cesse à tester les limites et les règles. Freud précise qu’à ce stade, l’enfant va
commencer à pouvoir symboliser la présence ou l’absence de la mère.

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Les recherches de Freud ont permis de nombreuses avancées dans la compréhension du
processus identitaire. Toutefois, plus d’un siècle est passé depuis le développement de
ses théories et il est pertinent d’exposer un point de vue plus contemporain sur le sujet,
avec les points de vue de certains auteurs qui gravitent autour de la psychomotricité.

Parmi ces auteurs, Benoît Lesage fait beaucoup donne des pistes très pertinentes pour
les psychomotriciens. Dans son ouvrage de référence « Jalons pour une pratique
psychocorporelle », il explique qu’« avec la différenciation soi/non-soi naît le sentiment 

d’id-entité, c'est-à-dire une entité qui perdure dans le temps et dans l’espace. (…) on
sort de la réversibilité du temps qui caractérise la phase initiale et fusionnelle.» p.45. 

Nous pouvons donc percevoir que la conscience d’une continuité spatiotemporelle est
intimement liée au sentiment continu d’exister, la base fondamentale de notre identité.

Selon Potel (2010), « les représentations naissent de l’intégration des éprouvés corporels
et sensoriels dans la psyché (…) elles dépendent d’un déploiement d’une pensée
autonome. Celle-ci ne peut exister sans un espace dehors/dedans solidement ancré. » p.
112 être psm » Potel (2010) parle du « sentiment d’être à l’intérieur de soi » qui fait
écho à l’expression « habiter son corps » en mettant en avant le lien entre la
structuration psychocorporelle et l’espace.

Pendant la vie intra-utérine, le corps de la mère est l’espace intermédiaire entre le


corps du bébé et le monde extérieur. A la naissance, l’enfant va être projeté dans un
environnement sans limites proches et continues Potel (2010) décrit que : « Dans ce
moment de séparation originelle, la peau de l’enfant est pour la première fois en
contact avec du dehors. » p.130. La sage-femme, puis la mère va alors envelopper
l’enfant pour le contenir et le rassurer. L’enveloppe utérine va être remplacée par les
enveloppes sensorielles apportées par les parents : par toucher, la voix et le premier
processus d’identification va se déclencher chez le bébé. « De ce premier moment
inaugural où s’ébauche la première perception d’un dedans et d’un dehors, vont se
différencier deux espaces distincts, l’espace de soi, l’espace du non-soi. De cette notion
se construira la reconnaissance de l’espace d’un autre, essentiel à la socialisation. » p.
131 être psm

Le contact de la peau avec les parents va donc permettre la première perception des
limites du corps. L’enfant va également expérimenter les différents espaces du dehors :

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l’air, l’eau, le sol, le vide et ressentir les limites de son corps en fonction des différentes
matières. Il va appréhender l’espace qui l’entoure par la voie sensorielle.

Par la suite, la mère devra prendre de la distance par rapport aux relations primaires et
fusionnelles qu’elle entretient avec son bébé pour qu’il puisse s’approprier par lui même
l’espace et son corps. L’enfant va s’approprier un axe vertical qui sera le centre
d’intégration des repères spatiaux.

Après ces différentes lectures du développement de l’individu, nous pouvons donc voir
que le processus identitaire est fondamentalement lié à la perception spatiale de limites
psychocorporelles. Par la suite, je vais tenter de montrer comment le développement de
la perception temporelle et plus précisément le rythme, va jouer un rôle primordial
dans la construction de l’identité.

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Construction de la temporalité

Les échanges mère-enfant

Tout d’abord, Catherine Potel (2010) soutient le fait que « le temps zéro n’existe pas.
(…) L’heure de la naissance est un leurre qui repose sur le seule célébration de
l’apparition sur Terre ». (p. 119) La naissance d’un sujet s’inscrit donc dans un
mouvement cyclique qui relie l’individu à l’humanité. 

Pour comprendre comment le rythme vient structurer l’individu, il convient de revenir
sur la nature des interactions entre la mère et son enfant.
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Temps sensoriel

Potel (2010) soutient le fait que la temporalité chez le nouveau né est de type sensoriel.
Elle précise que « la rythmicité des sensations est le premier facteur d’intégration
temporelle.» (p.120) Alors que dans l’espace intra-utérin, la réponse aux besoins de
l’enfant est immédiate, à la naissance, elle devient limitée par le temps de latence
entre l’expression de la demande et la compréhension de celle-ci par les parents.

Il y a un écart provoqué par la séparation des deux corps. Le bébé va vivre une
discontinuité des rythmes : biologiques, alimentaires, l’alternance jour/nuit.

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Dans les premiers temps, le nouveau né supporte bien l’absence de la mère car il l’a
incorporée, à l’intérieur de lui quand celle-ci répond à sa demande dans un temps
adéquat.

Il vit la rythmicité de façon binaire : les besoins physiologiques comme les couples faim/
satiété, chaud/froid, appellent à une réponse. La rythmicité dans la réponse aux
demandes du bébé va lui permettre de ressentir la « sécurité de sa continuité
corporelle ». Par la suite, le rythme binaire va devenir un rythme ternaire où le besoin
sera suivi d’une attente, puis de la satisfaction du besoin. Cela va amener l’enfant à
vivre et accepter progressivement la frustration.

La mère développe une fonction de pare-excitation qui favorisera la construction du


rythme interne de l’enfant : proposer une quantité d’excitation nécessaire sans dépasser
les limites.

 « Le temps du silence, le temps de la solitude, la représentation de l’absence sont des


opérations qui s’élaborent au fil de la maturation du bébé puis de l’enfant. » (p.122,
être psm) 

La naissance d’un espace de compréhension entre la maman et son bébé marque la
naissance d’un temps d’attente.

Rythme et langage

Avant son implication symbolique, le langage présente un apport sensoriel chez le bébé.
Selon Potel, c’est l’aspect musical du langage qui est perçu : la mélodie de la voix, la
variation des sonorités et le rythme des intonations. Elle explique que ce sont « des
puissants indicateurs de ce que ressent l’autre, de ce que vit l’autre, ce que celui-ci n’a
d’ailleurs pas toujours conscience de transmettre. » (p.125, être psm)

La musicalité de la langue maternelle va permettre au nourrisson de construire les


ébauches d’une temporalité qui sera profondément inscrite dans son corps.

Pour bien saisir les enjeux du rythme dans les échanges mère-enfant, nous pouvons nous
pencher plus précisément sur des théories développées par Daniel Marcelli, un
pédopsychiatre français.
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Micro rythmes et macro rythmes
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« Quand celui qui joue et celui qui écoute connaissent l’itinéraire par cœur, le plaisir
réside dans l’écart, le tour inattendu que prend la musique par rapport à la norme » (Ian
McEwan cité par Marcelli, 2007)
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Pour Marcelli (2007), la répétition et le changement permettent l’émergence du
psychisme du nouveau né à travers deux formes de rythmes:
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- les macrorythmes du quotidien s’observent lors des relations de soins : ces activités
sont inscrites temporellement dans une régularité. Le nouveau né apprend à reconnaitre
les indices facilement repérables que la mère met en place pour commencer et finir ces
activités. Ces « indices de qualité » confirment l’anticipation que développe l’enfant. 

« Ces anticipations confirmées donnent peu à peu au bébé le sentiment qu’il est le
créateur de son environnement, d’où un sentiment de toute puissance et d’illusion
d’avoir créer le monde. Ses besoins (primaires) sont satisfaits et il est apaisé. À travers
ce temps répétitif et circulaire des interactions de soin, la continuité narcissique du
bébé s’étaye sur la confirmation et la satisfaction de ses attentes. » p.5
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-les microrythmes sont des interactions ludiques que la mère va mettre en place dans
ses échanges. Ce sont des petits jeux autour desquels elle crée des règles qu’elle ne va
plus respecter par la suite. Marcelli (2007) donne comme exemple, le « jeu des
chatouilles qui montent ». La mère va provoquer un décalage entre sa voix, son
expression faciale et ses intentions pour tromper, surprendre l’enfant et rire avec lui.
Selon Marcelli, ce type d’interactions fait écho à « l’ambivalence de toute relation
humaine et l’incertitude liée à la polysémie de tout discours » p.5. dans ce type
d’échange.
Ces interactions peuvent apparaître insignifiantes mais cela permet en réalité au bébé
de différencier son narcissique secondaire par le caractère aléatoire et incertain de
celles-ci. Le bébé investi alors des « indices de divergence ». « L’attente de cette
surprise permet l’investissement libidinal de la tension par anticipation de la détente
liée au rire des retrouvailles. »p.6.
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« L’éclat de rire qui ponctue ordinairement la séquence ludique au cours de laquelle la
mère a trompé son bébé traduit la détente secondaire à la montée tensionnelle
provoquée par l’attente (…) désormais la réalité peut être légèrement différente de ce
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qu’on attend sans que cela soit une catastrophe. Si la mère ne lui faisait jamais défaut,
elle serait pour le bébé un objet si fascinant et si attrayant qu’il risquerait de ne jamais
s’en détourner !Elle ouvre une brèche différenciatrice dans la relation à son
bébé. » (Marcelli, 2007, p.7-8)
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L’expérience nouvelle est légèrement différente de l’expérience passée et le nouveau
né va être sollicité dans sa capacité d’attention puis ultérieurement sa capacité
d’apprentissage. 

Les ruptures dans le rythme ont une profonde valeur d’organisation et de subjectivation
de l’individu.
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Marcelli différencie le manque qui représente l’absence, et le manquement représente
le défaut (le fait de manquer à ses obligations).Le décalage du manquement produit la
surprise et permet à l’enfant de tolérer l’écart entre ce qui est attendu et ce qui
advient : c’est la place de « l’autre. « La mère n’est pas exactement là où l’enfant
l’attend. »Marcelli précise avec l’idée que le rythme ne vient pas de la mère
particulièrement mais il provient « de l’autre de la mère, du manquement de la mère.»
p.6
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Pour nuancer avec Marcelli, la mère n’est pas la seule à interagir avec l’enfant mais la
présence du père doit également être prise en compte. En effet, comme nous l’avons
précisé dans les théories freudiennes, l’enfant entretient une relation fusionnelle avec
la mère. Il est donc nécessaire qu’une personne tierce, en l’occurrence le père, vienne
s’interposer pour rompre cette dualité, et faire office de tiers.
La représentation du père peut être mise en lien avec la fonction contenante du côté
paternel qui se situe du côté de la mise en place des limites. De plus, ce « cadre
paternel » semble relier la dimension structurante du rythme qui offre une contenance
et un cadre temporel clair.
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Temps générationnel
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Pour alimenter cette piste de recherche, je vais développer le concept de temps
générationnel que Potel (2010). Selon elle « La reconnaissance d’une instance
supérieure qui s’intègre dans la vie de tous les jours pour l’acceptation des interdits et
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des limites permet à l’enfant de comprendre que son désir ne guide pas le monde, (…)
qu’il y a une loi, des repères pour tous (…) L’ordre et l’articulation des temps
générationnels sont des constituants symboliques majeurs qui organisent l’espèce
humaine. » (p.127-128. Être psm). Les règles que les parents vont mettre en place vont
donc progressivement amener l’enfant à sortir de l’omnipotence et à considérer le désir
des autres et non le sien uniquement.

Au fil des années, l’enfant va développer des notions temporelles de plus en plus
objectives, en prenant conscience du début et de la fin d’une étape. Plus tard, cette
compréhension permettra d’appréhender la notion de finitude de la vie : l’idée que
chaque individu a un temps limité sur la Terre. Parallèlement, il prendra conscience de
l’aspect irréversible de certaines choses comme la mort.

De ces hypothèses sur le développement de l’enfant, nous pouvons donc faire un


rapprochement avec la rythmicité des échanges qui va structurer l’identité de l’enfant
et permettre la prise de conscience de ses limites pour se différencier et habiter son
corps en tant qu’être singulier.

Cependant, ces réflexions s’appuient principalement sur le lien parents-enfant, mais en


dehors de ce contexte familial, il est primordial de prendre en compte le contexte social
et culturel pour avoir une vision globale du sujet. Par la suite, je vais donc aborder des
hypothèses sur la façon dont notre société va façonner notre rapport au temps.

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b) Dimension anthropologique et sociologique (un peu de recul

et comparons avec les sociétés primitives)

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Tu peux mettre un paragraphe expliquant que l’expérience proposée par madame X
sur la danse primitive t’a beaucoup intéressée : elle permet de voir que les
individus se construisent en s’aidant du groupe, en se reposant sur des croyances qui
les aident à progresser , à se donner des défis personnels. Cela te fait penser aux
textes de Fourez qui parle de notre société moderne : manque de repères avec le
groupe , de relation verticale constructive et la précipitation dans laquelle on vit :

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on ne peut plus respecter son rythme propre, engrenage qu’on ne maîtrise pas ou
mal…..je t’ai mis en italique ce que je trouvais intéressant à garder.

Pour ne pas être réduit à un « ethnocentrisme », il me semble nécessaire de ne pas


prendre en compte une seule perception temporelle mais bien plusieurs perceptions, qui
seraient différentes en fonction des cultures. En m’inspirant de la littérature provenant
du courant de l’ethnopsychiatrie, je vais distinguer deux cultures : les sociétés
occidentales et les sociétés traditionnelles.

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Perception temporelle et identité dans la culture occidentale

Dans son ouvrage de référence « Être psychomotricien », Potel évoque la faille du côté
des limites et des repères générationnels dans notre société actuelle.

Nous pouvons aujourd’hui observer le vécu d’un « corps individualisé » dans notre
culture. Le corps est perçu comme une réalité en soi, coupée de références symboliques
structurantes. La conception du corps s’élabore en fonction de l’histoire d’un sujet
individualisé qui a une histoire propre et singulière. Le sujet « a »un corps. (Le Breton,
1985)
Dans son chapitre « L’immédiateté de la société actuelle et les répercussions sur le
corps. »p.43. Elle explique qu’il y a un demi-siècle, c’était le « groupe » qui prônait des
règles collectives morales et religieuses. Le groupe étant appréhendé comme un groupe
social, un ensemble important d’individu qui forme une entité culturelle. « L’individu
devait se soumettre au groupe et aux règles collectives (…) L’individualité était mal
tolérée, voire intolérable. »
Par la suite, « la prépondérance de l’âme, affaiblie depuis que la croyance en Dieu est
remplacé par la croyance en la science, a laissé place à la prépondérance du corps
réel ». 

Selon Bernard Fourez (2004), « ce pôle divin est à la fois ce qui relie (religere signifie
relier) et le lieu de la vérité. Il représente donc le tout et l’humain, la partie du
tout. (…) La dimension verticale diminuera au profit de l’horizontale.» p.3

En effet, aujourd’hui nous pouvons observer un désintérêt massif pour la religion et
une perte de valeurs qui réunissaient les hommes autour de divinité ou d’idéaux
politiques.

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Nous pouvons alors nous demander en quoi cet aspect a modifié notre rapport au
temps ? 

Ces réflexions semblent exposer l’idée que le « Tout » traverse les siècles pour relier
les individus par leur culture commune. Potel explique que la nouvelle conception du
corps est le corps de l’ici et le maintenant, qui doit permettre l’épanouissement
personnel et l’accomplissement des désirs de l’individu dans un vécu immédiat. Cette
immédiateté semble liée à la transition de la dimension horizontale à la dimension
verticale que Fourez (2004) expose. 

Potel explique que le « corps réel », comme « lieu d’épanouissement ou d’angoisse, va
organiser autrement la vie de l’individu et du groupe ». p.45. En effet, il y a une
exigence de l’efficacité dans beaucoup de domaines (santé, scolaire, travail) et
l’individu doit faire ses preuves de façon rapide ou immédiate. Par exemple, nous
pouvons observer une réorganisation fondamentale de notre perception spatio-
temporelle dans notre rapport au corps, à la vieillesse, à la vie et à la mort intimement
liée aux progrès de la santé.

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« Le corps mis sur un piédestal devient cet infidèle qui nous trahit, pour ce qu’il dit de
nous et de notre finitude, sans arrêt repoussée. » p.47. Le corps vieillissant est perçu
comme un traître car il s’éloigne des normes de beauté, de santé et de performance. Il
devient un corps qui nous fait défaut, dont on perd le contrôle et qui nous ralenti
inévitablement jusqu’à que nous cessions de vivre.
Parallèlement à cette évolution, de nouvelles pathologies apparaissent : l’hyperactivité
est la maladie du siècle qui reflète bien les enjeux du rythme que la société actuelle
nous impose. Le stress est « la forme moderne de l’angoisse, qui se tapie dans tous les
replis du corps (…) le corps se resserre, se contracte, empêche… » p.49

Nous pouvons donc voir un lien qui apparaître entre le rythme effréné que nous impose
la société et le manque de limites. Il y a donc ici un paradoxe entre ce rythme, censé
structurer la vie d’un individu, qui au contraire, déstructure son cadre spatio-temporel.
Le sujet manque de limites claires, il est dépassé par une temporalité qui ne respecte le
cycle naturel de son rythme biologique.

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Il convient donc d’entrevoir quelles sont les conséquences de ce vécu temporel sur le
sujet, quelles types de souffrance allons nous avoir à faire en séance de psychomotricité
et quels sont les liens avec l’identité et le lien à l’autre.

Potel (2010) explique que nous ne souffrons plus de « la rigidité d’une société
interdictrice et rigide » où la jouissance par le corps était tabou mais nous subissons « le
trop de souplesse, trop de pression pour aboutir à un accomplissement de soi quasi
obligé. On souffre du pas assez : pas assez de lien, pas assez de relation, pas assez de
limites pour contenir, rassurer, sécuriser. Manque de régulation groupale, absence de
repères, débordement de soi. »

Cette perception du temps a fait apparaître de nouvelles pathologies « Pour les maladies
de l’âme, les pathologies du lien, à l’autre, à soi sont toujours très dépendantes des
modes d’intégration, de symbolisation et de compréhension du monde. »

Dans les siècles précédents, nous souffrions du carcan rigide que nous imposait la
société, mais aujourd’hui l’individualisme a développé un manque de limites pour
contenir et sécuriser l’individu. Le groupe permet une régulation qui donne des repères
empêchant les débordements de soi. Les pathologies du siècle dernier comme la névrose
qui était du au refoulement et à l’inhibition, à laisser place aux problématiques liées au
narcissisme, au « manque à être et manque de soi ».

Après avoir développé ces différents points de vue sur le vécu temporel dans la société
occidentale, il semble important d’aborder cet aspect dans les cultures traditionnelles.

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Perception temporelle et identité dans les cultures traditionnelles

Le Breton (1985) distingue le « corps individualisé » du « corps intégré » présent


dans les sociétés traditionnelles. Il décrit l’idée selon laquelle le corps s’inscrit dans un
système socio-culturel plus large que celui des êtres humains. Le sujet peut alors vivre
un sentiment de continuité et de communauté avec toutes les formes de vie.
Il n’y a pas de dissociation entre le sentiment d’identité et le corps charnel. « L’homme
des sociétés traditionnelles n’ « a » pas un corps ; il « est » un corps, profondément
mêlé au cosmos, à la nature, à la communauté. » p.14. Billmann

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Dans sa thèse de doctorat « Possession, danse et thérapie » France Schott-Billmann
décrit la manière dont les rituels de transe des sociétés traditionnelles vont rassembler
le sujet en apportant un espace de symbolisation soutenu par le rythme et le
mouvement en le reliant à sa culture et à ses ancêtres.
« Par la mythologie, le sujet participe au soubassement culturel de son groupe. (…) Le
sujet possédé se trouve ainsi placé au cœur de ce qui l’englobe et ce qui le fonde : son
histoire et son code social. (…) il est replacé dans sa généalogie (…) il est le maillon
d’une longue chaîne qui a commencé avant lui et qui se poursuivra après lui. Il ne flotte
pas comme une monade isolée, un astre solitaire coupé des autres. Lié à ceux de son
passé, il l’est aussi à ceux de son groupe avec qui il partage le même passé et le même
présent. Il est donc tenu à la fois verticalement par ses ancêtres et horizontalement
par ses contemporains. (…) Son corps est cette racine tangible qui les plonge dans les
racines dont il est issu. » (Billmann, 1985. p.72)

Pour reprendre les termes de Fourez (2004), il y a donc bien ici une dimension verticale
qui relie le sujet avec sa culture et ses ancêtres. Cela lui permet donc de s’appuyer sur
des références symboliques pour construire son identité. Ces références vont faire office
de balises et pourront le contenir dans un bain culturel continu avec des limites claires.
Contrairement à l’homme des sociétés occidentales, il pourra s’appuyer sur des valeurs
soutenues par l’ensemble de son groupe culturel et non uniquement sur ses propres
choix.

A la suite de ces pistes de réflexion, nous pouvons donc voir que les individus provenant
de ces cultures traditionnelles conservent un lien, le « tout », la dimension verticale,
qui les relie intimement à leurs ancêtres, à leur culture. Cela va organiser leur rapport
au monde : à la nature, à l’autre et à leur identité. Ce lien qui semble souvent
discontinu dans la société occidentale peut être vu comme une manière de structurer
l’individu.
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En effet, en imposant au sujet la nécessité de s’individualiser en tant que sujet
autonome, est ce que la société ne crée pas des résistances à cette exigence chez
certaines personnes?
Si ces personnes présentent des fragilités psychiques, est ce qu’elles ne vont pas avoir
tendance rester dans une certaine fusion au lieu d’incarner une identité propre ?

!15
!
Transition avec la psychose

!
!
!
!
Le sujet psychotique

!
1) Qu’est ce que la psychose ?

!
J’aborderais tout d’abord la psychose de façon générale en décrivant les spécificités de
la structure psychotique.

Premièrement, nous pouvons distinguer 3 grandes catégories à l’origine de la


clinique dont chacune à un mode de fonctionnement différencié : 

- La névrose, une affection mentale où l’organisation psychique n’altère pas l’intégrité
des fonctions mentales et dont le patient est conscient de son processus psychique.

- La perversion, un mode de fonctionnement psychique détourné par une dimension de
jouissance sexuelle déviante, dont le patient n’est pas toujours conscient de ses actes.

- La psychose, une affection mentale où le patient n’est que partiellement conscient de
son organisation psychique qui altère son sens de la réalité.

Au cours de l’histoire, le terme psychotique a connu de nombreuses définitions


insistant sur la sévérité de l'altération fonctionnelle, encore essentiellement fondées sur
des symptômes. Par ailleurs, comme le souligne le DSMIV, « Historiquement, le terme de
psychotique a connu de nombreuses définitions différentes, dont aucune n'a été
acceptée universellement. La définition la plus étroite de psychotique se limite à

!16
l'existence d'idées délirantes ou d'hallucinations prononcées, les hallucinations survenant
en l'absence de reconnaissance de leur caractère pathologique. » DSMIV p.343
!
Nous pouvons d’ores et déjà nuancer ces propos avec l’idée qu’« il importe de ne pas
cantonner la psychose à l’idée d’une affection grave, foncièrement aliénante, en
contraste de ce fait avec la névrose, qui serait la normalité (…) sous prétexte que la
psychose serait un trouble de l’ensemble de la psyché alors que la névrose permettrait
le maintien d’un rapport avec la réalité. La plupart des sujets psychotiques vivent hors
de l’hôpital psychiatrique ; certains ont une activité professionnelle, une vie
personnelle, amicale, affective qui peut être riche et épanouissante malgré (…) leurs
fragilités » (Chabert & Verdon, date, p.214).

En effet, pendant mon stage, j’ai pu travailler avec cette population et j’ai pu voir qu’il
y avait des personnes souffrant de psychose qui arrivaient à suivre un bénévolat, des
formations, voire à travailler. Certains ont fondé une famille et élevé des enfants. Cela
montre bien que chez le sujet psychotique, le lien à la réalité n’est pas constamment
altéré et les ruptures avec celle-ci peuvent concerner uniquement des passages délirants
ponctuels.

Mervant (2011) pose une question pertinente: « Est il possible que quelqu’un guérisse de
la psychose, entendue comme défaut structural de la métaphore ? (..) il est toujours
possible de traiter avec la psychose, en permettant au sujet de vivre son délire sans
s’exclure de la communauté des hommes » p.14 «délires et psychose » J. Mervant 2011
Paris : Campagne Première

Certaines caractéristiques que l’on attribue aux sujets psychotiques peuvent être
remises en question selon les points de vue : Selon le docteur Tirtiaux, ex directeur du
centre de santé mentale le Club Antonin Artaud où je faisais mon stage, « Certains traits
diagnostiques voient leur objectivité se teinter d’une nuance de jugement : on parle par
exemple de bizarrerie, sans trop s’embarrasser du fait que ce trait est autant relatif à
l’observateur qu’à l’observé : ce qui est bizarre pour moi ne l’est peut-être pas pour un
autre » p.2. Cela fait écho à la question de ce qui dévie la norme: à quel moment
jugeons nous un comportement comme pathologique? Les avis divergent selon les
auteurs, mais il semblerait que le comportement doit être défini comme pathologique

!17
s’il engendre une souffrance chez le sujet et non s’il dérange la société par les
bizarreries que l’on juge inadaptées.

Le soignant va trop souvent avoir pour objectif, une correction des étapes dans le
développement psycho-affectif qui n’auraient pas été suffisamment intégrées. Celles-ci
auraient engendré un déficit d’évolution et la persistance d’états archaïques. Il semble
important de ne pas toujours se référer à ces différents stades que l’individu doit
franchir mais tenter de comprendre comment l’individu fait singulièrement l’expérience
du monde: le rapport au corps propre, à l’autre, à son environnement…


!
a) Classification

Les causes de l’apparition des troubles sont encore peu comprises, selon les auteurs,
elles peuvent être d'origine organique, psychique ou génétique. Le plus souvent, ces
maladies mentales nécessitent un accompagnement psychologique et thérapeutique tout
au long de la vie. Il existe de nombreux troubles psychotiques divers et variés :

-les troubles psychotiques brefs qui regroupent les bouffées délirantes et la psychose


puerpérale.

-les troubles psychotiques au long court qui regroupent la schizophrénie, la paranoïa, les
troubles bipolaires.

Et il y a également d'autres troubles pouvant présenter des symptômes psychotiques


comme caractéristiques associées, tels que la démence de type Alzheimer, le délirium
induit par une substance, ou encore un épisode dépressif majeur. Cela explique la raison
pour laquelle un état délirant et des manifestations hallucinatoires ne signifient pas
forcément que la personne a un fonctionnement psychotique.

De même, il faut savoir que les symptômes psychotiques ne sont pas obligatoirement
considérés comme des caractéristiques centrales ou fondamentales de ces troubles, et
que les troubles n'ont pas obligatoirement une étiologie commune.

De l’organisation psychotique découle deux groupes nosographiques : les psychoses
dissociatives appelées également schizophrénies et les psychoses au délire chronique
systématisé comme les paranoïas. Malgré une distinction actuelle marquée entre la
!18
psychose et les « troubles bipolaires », Chabert (2008) expose ma pertinence de
continuer de percevoir ce trouble pour certains sujets comme une psychose maniaco-
dépressive car « même si sa place au sein du groupe des psychoses se discute
amplement, elle présente l’intérêt de questionner les frontières entre les modes de
fonctionnement psychique. » (Chabert. p.218).

Pourquoi avoir fait le choix dans mon travail d’aborder la psychose de façon générale
sans développer de façon précise les différentes psychopathologies ou en ciblant sur une
maladie précise?

En effet, la question se pose et il aurait pu être relativement pertinent d’aborder la


schizophrénie car après de nombreuses lectures, il est apparu que c’était la pathologie
qui semble le plus en lien avec le sujet. Par ailleurs, les personnes qui ont participé aux
séances mises en place dans le cadre de ma partie expérimentale présentaient diverses
psychopathologies. De plus, la moitié des personnes participant à l’atelier étaient
arrivées au centre assez récemment et les professionnels n’avaient pas eu le temps
d’établir un diagnostic. Cela remet donc la pertinence d’aborder une psychopathologie
spécifique comme la schizophrénie car je n’ai pas la certitude qu’un de ces patients soit
atteint de cette maladie.

De nombreux auteurs abordent la psychose avec l’idée qu’il existe une « structure
psychotique » commune chez ces sujets. Ce point de vue peut être perçu comme une
généralisation dans la psychose mais la classification des maladies semble également
délicate et nous allons voir quels en sont les dangers.

Les dangers de la classification

Le docteur Tirtiaux soutient que « dès l’instant où nous sommes confrontés à l’humain,
sa profondeur, sa complexité, tout catégorisation devient forcément approximative et
réductrice. (…) nous nous trouvons d’autant plus embarrassés par la vanité de nos
classifications que nous sommes repoussés à l’extérieur de l’univers du patient et de ce
socle symbolique au-dessus duquel il construit vaille que vaille son équilibre précaire
avec le réel et le monde. Cette construction est une création à chaque fois singulière,
propre à chaque personne psychotique, si bien que l’on peut dire, et toute la clinique le
confirme, qu’il y a autant de types de psychoses que de personnes psychotiques. » p.2

!19
Mervant (2011) expose un point de vue plus extrême en expliquant que la psychose est
un« concept hétéroclite qui embrasse tant de réalités cliniques différentes que le plus
souvent, il ne signifie rien d’autre qu’une frontière, avec les réflexes identitaires et
xénophobes qu’elle induit. » p.11

Nous pouvons voir la complexité d’aborder la psychose, que ce soit en généralisant ou


en classifiant. Il apparaît donc pertinent d’utiliser les diverses outils théoriques comme
des appuis permettant de mettre du sens sur certains comportements avec une prise de
recul importante. C’est le soignant qui doit constamment remettre en cause et adapter
ses références à celles du patient. Au lieu d’appliquer des théories préalablement
élaborées, il doit construire sa grille de lecture en partant de ce que le patient amène,
en gardant toujours à l’esprit que chaque individu va construire un rapport au monde
singulier.

!
b) La décompensation psychotique

Dans la plupart des troubles psychotiques il y a souvent une décompensation


psychotique, qui résulte d’une rupture de l'équilibre psychique. Autrement dit, le
trouble peut-être "compensé" pendant un certain temps de sorte que ses conséquences
néfastes n'apparaissent pas du fait de défenses et de ressources qui l’équilibrent, mais
quand cet équilibre est rompu alors le trouble va se manifester car il ne sera plus
"compensé" par autre chose. 

La décompensation psychotique est donc un état pathologique dans lequel les troubles
dus à une fonction psychique lésée ne sont plus compensés par une adaptation des
fonctions restées saines.

Cliniquement, la personne bascule dans un effondrement de ce qui lui permettait de


compenser (refoulement, soutien social,…) et alors manifeste l'apparition d'un symptôme
spectaculaire (passage à l'acte, aggravation brutale,...).

!
2) Lien à la réalité
!
La psychose définit un trouble grave du rapport du sujet à la réalité extérieure. 

La difficulté d’accès à la symbolisation plonge le sujet dans une extrême confusion à
!20
laquelle il va devoir faire face en construisant des mécanismes de défense qui vont
entraver son rapport à lui-même, à l’autre et au monde. De ce fait, la compréhension
des faits de la vie courante, le rapport aux codes sociaux, la capacité de jugement sur
les choses et les événements sont perturbés.

De ce point de vue, il faut donc envisager le symptôme comme une tentative de


guérison. Le sujet se laisse envahir par des délires et/ou des hallucinations avec lesquels
il va se former une néo-réalité. « Il attaque la réalité insupportable pour lui, la nie et
crée par son délire, une autre réalité constituée de ses éléments internes qu’il
extériorise. La conviction délirante est la condition pour lutter contre l’angoisse
majeure de ne pas exister (…) Le patient ne peut pas faire la différence entre la réalité
et le fantasme, entre ce qui existe en dehors et ce qui vient de lui. » (Chabert.. p.215)

Il convient donc de percevoir comment les auteurs définissent le délire et les


hallucinations dans la littérature.

!
Le délire : 

Le délire, « c’est sortir du réel sans pouvoir s’en rendre compte » (Roussillon p.430). Le
délire devient la réalité et le sujet se rend compte qu’il délire qu’après être revenu
dans la réalité. Le délire est décrit selon des mécanismes et des thèmes qui le
construisent. 

« Le délire peut être interprété comme une rationalisation secondaire, une tentative de
restructuration de la réalité à partir d’une expérience de dépersonnalisation donc une
perte du sentiment d’exister. Certaines perceptions ou sensations ressenties par le
malade demeurent cependant inexplicables et donc angoissantes. (…) Si le délire réalise
une perte de contact avec la réalité, il peut être perçu comme une tentative désespéré
de réunifier corps et psychisme du malade au moment où le patient est menacé
d’intégration. » (p.128 corps et psychiatrie)

Il peut être perçu comme une « tentative de sauver la mise, une issue extravagante et
grandiose, une métaphore salvatrice et lumineuse. Le sujet s’y engage de tout son être
avec une illusion de maîtrise, il repeint le monde aux couleurs de son intériorité mais il
s’y est noyé. » (p. ? Tirtiaux)

!21
Pour Mervant (2011), « si être fou est un état passif, désigné par autrui, délirer est un
acte : celui de quelqu’un qui s’infactue de son propre verbe jusqu’à croire tout ce qu’il
dit en dépit de toute les objections ; qui se croit objet de tout ce qui se dit ou se fait
autour de lui ; qui s’y croit au point de méconnaître que son discours n’intéresse
personne d’autre que lui. » p.12« délires et psychose » J. Mervant 2011 Paris :
CampagnePremière

L’hallucination

« C’est une perception sans objet » (p.430 Roussillon, 2007) La perception est faussée
comme le présente ce schéma : Perception = sensation + interprétation

Selon Roussillon (2007), c’est la fausse interprétation d’une sensation, celle-ci pouvant
être actuelle et faire resurgir une sensation du passé. Pour Freud (cité par Roussillon,
2007), cette sensation réapparaît parce que « bonne » interprétation. L’hallucination
chez le sujet atteint de psychose serait due à un retour d’une sensation qui proviendrait
du passé, que l’on appelle la réminiscence, et qui ne correspondrait pas à la sensation
présente. Dans les deux cas, la perception de la réalité est altérée par le délire ou par
l’hallucination.

Quand le sujet psychotique n’a pas réussi à suffisamment subjectiver, c’est-à-dire


intégrer son vécu, ses ressentis, celui-ci se transforme en hallucination ou en délire.
Cela pousse donc le sujet à rejeter une partie de lui dans le monde extérieur ou dans
l’autre, et c’est ce qu’on nomme le mécanisme de projection.

Comme les autres mécanismes de défense, c’est une réaction qui apparaît dans le
développement « normal » de la psyché mais il devient pathologique chez le psychotique
quand il est exagérément utilisé.

Selon Roussillon (2007), « le délire et l’hallucination rendent compte d’un défaut de
symbolisation primaire » p.431. Il distingue deux processus de symbolisation: 

- La symbolisation primaire qui représente les premières traces sensorielles issues de
l’expérience affective avec le monde extérieur qui produisent des images mentales et se
situent du côté de l’inconscient.

- La symbolisation secondaire où l’enfant commence à utiliser le langage et la
représentation des mots.

Pour Roussillon (1999 >Agonie, Clivage et Symbolisation), ces étapes seraient la condition

!22
pour que l’enfant puisse intégrer adéquatement ses expériences affectives et
sensorielles dans la relation à l’autre et à son corps.

Cette appréhension du réel dans la psychose peut être expliquée par la défaillance du
symbolisme. Nous allons voir quelles sont les implications et les conséquences de cette
difficulté chez le sujet psychotique

!
a) Défaillance du symbolisme

Dans le développement de l’individu, l’accès au symbolisme nous permet de construire


un filtre qui nous protège de la violence du réel. Le sens que l’on tente de donner au
monde passe donc par le langage.
Dans la psychose, l’enveloppe de protection du symbolique présente des failles plus ou
moins grandes selon les personnes et selon les différents moments de la vie. Le filtre
symbolique présente des discontinuités qui peuvent entraîner une grande confusion dans
la compréhension de la réalité et de ce que les autres veulent signifier dans leur
comportement et dans leur langage.
Ce sont des discontinuités qui fragilisent le rapport au réel. « Il y a dans le tissu
symbolique des zones de fragilités, des endroits où l’enveloppe de protection
symbolique ne joue pas tout à fait son rôle, le réel y est comme à vif, quelque chose
n’est pas séparé ». (Tirtiaux, 2012, Un autre regard sur la (les) psychose (s), p.4). 

!
L’inconscient « a ciel ouvert » dont parlait Lacan (cité par Tirtiaux, 2012), est dévoilé et
le langage ne permet pas de mettre du sens sur les perceptions. Le sujet est
directement confronté à ce qui le touche au plus profond de lui et les éléments de son
inconscient apparaissent sous la forme d’hallucinations.Il n’est pas traversé par le
doute, il ressent une certitude par rapport à ce qui lui arrive et à sa manière de le
comprendre et il adhère avec persistance à ares idées: c’est là qu’intervient le délire.
!
Tirtiaux (2012) souligne: « face à ce qui se dérobe en lui, le sujet se multiplie
désespérément en tentatives de reprise symbolique » p.5 et peut présenter une « sur-
symbolisation » pour compenser, ce qui apparaîtra sous la forme d’un langage étrange et
inventé.Le sujet établi des tentatives de reprise symbolique pour mettre du sens sur ce

!23
qu’il lui fait angoisse. Ce réel à vif pourrait expliquer pourquoi il ressent de manière
aussi intense ce qu’il croit interpréter chez l’autre.

« Son enveloppe de protection est en haillons, ce ne sont plus là que des pans déchirés,
parfois sans lien les uns avec les autres, et avec à chaque fois des zones réactionnelles
de rigidités, des segments symboliques où manque l’habituellement souplesse
associative (…) une existence ainsi se bricole, s’organise, autour de trouvailles à usage
interne, de zones de création singulières, d’endroits où quelque chose peut être
contenu, fixé, déposé, et parfois reconnu comme tel par les autres » p.5 Tirtiaux

Nous pouvons donc voir comment le langage peut être énigmatique, ambigu et chargé de
multiples significations que le sujet psychotique interprète de façon méfiante. 

Celui ci peut également avoir l’impression qu’il n’y a pas de sens dans ce que l’autre
exprime. Le langage devient alors inconsistant, dépourvu d’intérêt. Pour finir, les mots
peuvent être compris de façon concrète, pris à la lettre, sans recul nécessaire pour
intégrer un sous-entendu ou une expression. Par exemple : une personne a qui l’on dit
que l’ « on se casse la tête » pour elle, peut imaginer qu’on va littéralement le faire.

b) Mécanismes de défense

Les personnes souffrant de psychose sont sujettes à l’utilisation de différents types de


mécanismes de défense. Elles utilisent principalement le déni, le clivage,
l’identification projective, l’idéalisation et l’omnipotence :

- Le déni : c’est « une sorte d’effacement qui vise le réel et le vide de son
impact » (Roussillon, 2007, p.432). Le déni est la non-prise en compte des
informations sensorielles.

- Le clivage : il peut prendre divers aspects pour la personne psychotique. Selon


Roussillon (2007), le moi du sujet peut se clivé et l’une des parties reste en
contact avec la réalité et l’autre est confronté à l’hallucination et/ou au délire.
Le clivage peut être aussi vu comme un scindement de la vie du sujet où l’une des
parties reste extérieure au sujet et est inaccessible à la symbolisation. L’objet est
clivé en bon et mauvais éléments.

- L’identification projective : Le sujet projette dans l’autre ce qu’il n’arrive


pas à gérer. Cela lui permet de « se débarrasser des éléments psychiques trop
!24
lourds et de les contrôler à distance : l’autre doit être malade et souffrir à sa
place » (p.433. Roussillon)

- L’idéalisation : c’est aussi un mécanisme de projection comme l’identification


projective sauf que la partie projeté « prête à l’autre une toute puissance et une
perfection absolue. Ce sont donc les bons aspects de l’objet qui sont projetés ».
(Roussillon, p.433) L’autre est perçu sous son aspect positif, « bon » et idéal mais
peut devenir rapidement persécuteur quand l’idéalisation devient l’abjection.

- L’omnipotence : « sentiment de grandiosité interne, de toute-puissance. (…) le


sujet se dit qu’il ne peut rencontrer aucune barrière. (…) Cette omnipotence est
une défense contre un sentiment d’inanité et d’impuissance » (Roussillon p.433)
Le sujet pense donc avoir une connaissance absolue des intentions et des projets
de l’autre. Ce sentiment le protège de la fragilité des bases issues du narcissisme
primaire. L’omnipotence peut aussi être attribué à l’autre et «le sujet se sent
observé, contrôlé et envahi par quelque chose qui le maîtrise et abolit sa
volonté.». (Roussillon, 2007, p.433) L’alternance entre le sentiment
d’omnipotence et d’impuissance est caractéristique des personnes
maniacodépressives.

!
3) Rapport à l’autre et construction identitaire

Les positions de Mélanie Klein

Pour comprendre le rapport à l’autre dans la psychose, il convient de revenir sur le


développement psycho-affectif de l’enfant. La psychanalyse nous apporte des pistes
pertinentes et parmi les auteurs, Mélanie Klein a développée une théorie qui permet de
percevoir comment l’enfant va progressivement prendre conscience de l’autre dans la
relation. Nicolas Geissmann (2011) a repris les concepts de Mélanie Klein pour nous
permettre de mieux les appréhender. Klein a conceptualisé ce développement en trois
positions majeures:

La première est la position dite « adhésive » qui est caractérisée par une absence de
distinction entre le corps du nouveau né et le monde extérieur. Cette fusion entraîne

!25
engendre des angoisses primaires d’anéantissement et d’effondrement chez l’enfant. Il
va tenter de se protéger avec des mécanismes comme « l’identification adhésive » qui
consiste à s’agripper sensoriellement à une partie de son corps ou du corps de l’autre.

Ensuite, la position « parano-schizoïde » permet la reconnaissance de l’altérité.L’autre


devient un partenaire relationnel sur un mode bipolarisé: l’enfant clive la perception de
l’autre en « bon » ou en « mauvais » objet. Le « bon objet » est perçu quand l’autre
répond au besoin de l’enfant: il va idéaliser l’objet, et le « mauvais objet » est perçu
quand l’enfant vit une frustration: il va ressentir des angoisses de persécution et tentera
de les extérioriser par le processus d’identification projective.

Pour finir, la position « dépressive » va amener l’enfant à prendre conscience de l’autre


dans son ambivalence avec ses bons et mauvais aspects. Il va alors être pris par
l’angoisse de perdre l’ « objet total »: la relation à l’autre.

Dans la psychose, la présence de l’objet est à la fois menaçante et indispensable. Soit,


le sujet éprouve de la solitude quand l’autre s’éloigne, il se sent démuni, envahi par ses
angoisses; soit la proximité avec l’objet est très anxiogène. La relation à l’autre est sans
cesse entrecoupée d’aller et retour entre des mouvements de proximité/fusion et de
distance/rupture.

Pour Klein (cité par Geissmann, 2011) l’objet est partiel: le sujet psychotique clive
l’autre en bon objet et l’idéalise ou en mauvais objet qui devient persécuteur: il est
caractérisé par une fixation à la position schizo-paranoïde. Il n’a pas d’accès à
l’ambivalence, à la perception de l’objet total.

Cela peut s’expliquer par la fragilité de la conscience des limites dehors/dedans.


Comme nous l’avons abordé précédemment, l’expérimentation et la prise de conscience
des limites sont fondamentalement liées à la construction identitaire.

!
Limites dedans/dehors

Selon Chabert (2013), le sujet psychotique pose la problématique des « limites


intérieures/extérieures, moi/non-moi, moi/objet, inconscient/préconscient/

!26
conscient ». p.141. Ces limites sont floues et cela engendre une confusion entre la
réalité et le fantasme.

Pour Bion (cité par Chabert, 2013), ce sont les attaques contre le processus de pensée
qui caractérise le fonctionnement psychotique. « Le monde interne du psychotique est
peuplé d’éléments betas qui agissent comme des objets persécuteurs ou qui doivent
ensuite être expulsés. (…) Ces angoisses sont telles que le moi, en recourant à
l’identification projective, en vient non seulement à attaquer et à nier la réalité mais
aussi à attaquer et détruire les liens existants entre des représentations psychiques. En
conséquence, la capacité de l’appareil psychique à effectuer ce travail de symbolisation
en est profondément perturbé. (…) Ces attaques ne s’exercent pas que sur son propre
appareil psychique, elles peuvent aussi viser l’autre.

Dans le psychisme du psychotique, Bion décrit comment non seulement les liens entre
les pensées et les représentations d’objets sont brisés, mais comment le processus
même de liaison n’a jamais été inscrit. Le résultat en est un psychisme fragmenté
constitué d’objets dangereux. Le psychotique a l’impression d’être entouré d’objets
fragmentés, incompréhensibles, impensables. » p.143,144,145

!
!
Bégouin-Guignard (cité par Chabert, 2013) explique que le thérapeute doit mettre en
place une relation « contenant/contenu » en utilisant sa « capacité d’identification
projective normale pour contenir les identifications projectives intrusives et
pathologiques de son patient.» p.146. Cela pourra permettre au soignant d’accompagner
le patient à symboliser et à mettre du sens sur ce vécu angoissant.

Pour faire un lien avec l’importance d’une enveloppe façonnée par la contenance
maternelle, Potel explique que « le nourrisson vit dans son corps des sensations de
morcellement, de démantèlement, de liquéfaction, qui se transforment en angoisse si
ces sensations corporelles se répètent, si elles ne sont pas contenues par la mère (…) ces
éprouvés à répétition peuvent empêcher la construction d’une enveloppe solide et
fiable et sa représentation.» (Potel, 2010. Psychomotricité Entre Théorie et pratique. p.
140)
!
!27
Selon Lesage (2012), « la limite est ce qui contient et différencie, mais aussi ce qui
régule la dynamique des échanges ». Il explique que les limites impliquent les
dynamiques d’ouvertures et de fermetures, l’interaction, la contenance et la régulation
des flux entrant et sortant. Elle implique les niveaux sensoriel, émotionnel et cognitif.
«L’identité se construit dans l’échange et dans l’interrelation. »p.105. Jalons… Lesage
!
Selon Winnicott (cité par Lesage, 2012), s’ouvrir au monde nécessite d’instaurer une
aire intermédiaire apaisante pour permettre la « tâche humaine incessante qui consiste
à maintenir la réalité intérieure et la réalité extérieure distinctes et néanmoins
étroitement liées l’une à l’autre». Il développe le concept de « transitionalité » : c’est
« l’aire d’expérience qui amène l’enfant à posséder quelque chose qui lui est étranger,
mais qu’il investit de façon telle que ce quelque chose n’est vécu ni comme totalement
externe, ni totalement interne ». Cet espace permet un espace intermédiaire entre la
subjectivité et l’objectivité.

Cela peut faire écho à la difficulté que les enfants psychotiques ont à investir les jeux
que propose le psychomotricien. Selon Joy (2010, psm : entre théo et prat) « on pourrait
concevoir un véritable spectre psychopathologique des avatars des conduites
ludiques» (p.38). La complexité de l’accès à l’espace transitionnel amène l’enfant à
jouer avec les objets de manière stéréotypée, sans créativité, sans investissement
symbolique. Par ailleurs, l’enfant peut au contraire investir intensément le jeu en
montrant des difficultés à gérer les flux pulsionnels d’agressivité, d’amour qui va rendre
les interactions angoissantes et difficile à contrôler.

Le documentaire « A ciel ouvert » (2013) de Mariana Otero permet de mieux saisir en
image comment les enfants sont pris d’angoisses qu’ils reproduisent corporellement
comme le tourbillonnement, la chute ou le morcellement.

Lesage (2012) nous parle de trois axes de travail pertinents en prise en charge pour
accompagner cette prise de conscience des limites:

- la reconnaissance et l’appropriation des contours couplées à l’éprouvé et la
modulation d’une densité interne.

- l’instauration des schèmes posturo et locomoteur.

- les jeux d’interaction et de relation.

!28
Selon l’auteur, le Moi peau fait écho aux chaînes musculaires de l’enroulement: AM
(antéro-), du déroulement: PM (postéro-)et du déploiement: PL (postéro-latéral), (p.
117). Il met en lien le thème de la filiation, des origines, de la maison avec l’exemple
d’une femme qui s’était enroulée et qui repensait à sa maison de vacances. Cela
pourrait être mis en lien avec la métaphore de la maison dans la tentative d’habiter son
corps.

!
Troubles identitaires

Le sujet peut présenter une modification profonde et durable de l’identité et


généralement de la personnalité. Cette prédominance des troubles identitaires se
caractérise par le sentiment de non-unification psychocorporelle qui peut éveiller des
angoisses de morcellement et d’anéantissement, signes de désintégration du Moi.

De plus, les troubles identitaires sont liés à des troubles de la représentation de


l’objet qui relève souvent d’un narcissisme atrophié: « le patient psychotique déploie
une fragilité narcissique catastrophique car il s’attaque lui-même comme il attaque
l’autre. » (Chabert, p.216) Une confusion majeure va être observée entre la
représentation et la perception que le sujet a de l’objet.

Il a également une vision biaisée de son origine. En effet, l’Œdipe, dans un


développement normal, doit être organisateur de la différence des sexes et des
générations, mais dans le fonctionnement psychotique il n’a pas cette faculté
d’organisation.

« La difficulté d’intégrer l’épreuve de réalité inscrivant la différence des sexes et la


différence des générations conduit certains patients à penser qu’ils se sont auto-
engendrés » (Chabert.. p.215)

!
c) Problématique corporelle

Pour exposer la question du corps dans la psychose, Boutinaud (2009) nous donne
plusieurs pistes de réflexion qui découle de prises en charge avec des enfants

!29
psychotiques. Il convient de prendre du recul sur son développement car il concerne le
public enfant mais il est néanmoins possible de faire de nombreux rapprochements
pertinents car les problématiques corporelles restent fondamentalement en lien entre
l’enfant et l’adulte.

Selon Boutinaud (2009), la psychose est marquée par un « défaut majeur de


métabolisation des impressions et des sensations corporelles dans le précipité
symbolique que constitue l’image du corps. Ce travail de transcription et d’inscription
des éprouvés corporels se solde alors par un échec. » p.114. Le psychomotricien a donc
toute son importance dans l’accompagnement de l’intégration et la symbolisation des
éprouvés corporels.

Boutinaud (2009) précise que « l’enfant psychotique, contrairement au cas de l’autisme,


s’essaie à habiter son corps et à en échafauder l’image à partir de bases un peu plus
étayées, fondations symboliques certes lacunaire et parcellaires mais bien réelles. (…)
Nous postulons donc l’idée que, dans la psychose, la construction symbolique d’une
image du corps s’est réalisé à minima. » p.114, 115 

Le lien entre le vécu et la représentation corporelle est partiel, ce qui va amener le
sujet à vivre tout ce qui touche à la relation à l’autre, le toucher et la proximité
corporelle comme des générateurs d’angoisse.

Les tentatives de métaphorisations du corps sont caractérisées par le clivage. 



Le sujet peut être comme coupé de ses ressentis corporels en ne manifestant aucune
réaction à la douleur. « Le manque chronique d’incarnation qui touche l’enfant
psychotique dans son corps peut donner le sentiment qu’il ne lui porte aucun intérêt,
qu’il déserte cette scène jusqu’à presque se couper, s’amputer de ses propres
perceptions et ressentis tant ils lui apparaissent comme énigmatiques et anxiogènes. »
p.118.

Il peut donner l’impression de« ne pas être dans son corps, voire même de se trouver à
côté, comme si celui-ci demeurait un contenant vide. » p.116.

Il peut également chercher à attaquer son corps qui est vécu comme un élément
persécuteur: « On peut assister à des attaques clairement dirigées contre le corps
propre, qui devient pour l’enfant psychotique un objet persécutant et mauvais tant il lui
renvoie une étrangeté terrifiante. Le corps est alors bien pris en compte mais compris
comme un ennemi vers lequel sont dirigées des conduites auto-agressives (se donner des
!30
coups, se mutiler…). Il peut aussi tenter d’attaque le corps de l’autre ou bien vouloir
l’explorer de façon active et plus ou moins intrusive. »

Il peut montrer une excitation motrice importante ou au contraire une inhibition


psychomotrice pour tenter de rassembler et établir une cohérence dans ses perceptions
corporelles: cela semble traduire « son envie de voir son corps réduit à sa plus simple
expression et à son plus simple engagement, redoutant plus que tout au monde les
activités ou les jeux où il serait sollicité de façon trop débordante et excitante.» p.118

Nous pouvons voir la pertinence d’un travail autour des limites corporelles est essentiel
quand l’auteur nous parle de « la frayeur chronique qui ne peut que dés lors saisir
l’enfant concerne l’effacement ou l’explosion de cette séparation, ce qui manque de se
diluer avec le monde extérieur. L’enveloppe corporelle peut dés lors être appréhendée
comme poreuse ou même trouée, menaçant de céder, d’exploser et de voir les contenus
corporels se répandre à l’extérieur. La fonction contenante du Moi Peau ne paraît pas ici
établie. De même, les sphincters ou certains organes sensoriels (yeux, oreilles) ne sont
pas envisagés comme des lieux de médiation et d’échange avec l’extérieur mais bien
comme des trous ou des ouvertures béantes à travers lesquels les objets externes
pourraient rentrer pour envahir l’intérieur du corps. ». p.116

Pour apaiser ces diverses angoisses, Boutinaud (2009) parle de phénomènes servant de
support pour un enveloppement : « La mise en place de déambulations sans fin quasi
tourbillonaires, le recroquevillement sur soi, l’étalage de substances corporelles sur la
peau (fécès, salive) ou l’enroulement dans des couvertures, la recherche de refuge par
le biais d’endroits confinés, la phobie de retirer certains vêtements traduisant l’effort
mis en place par l’enfant pour se créer une seconde peau pathologique (E.Bick, 1967)
qui pallie les défauts d’intégration de l’image du corps. » p.118. 

Ces réactions peuvent être dirigé sur le corps propre mais également se déplacer sur le
corps de l’autre ou sur des objets.

Si les limites corporelles du corps propre sont difficilement perceptibles, cela va


entraîner des conséquences importantes dans les interactions avec autrui qui sous
entendent l’engagement des deux corps, celui du sujet et le corps de l’autre avec le
risque omniprésent de fusionner. Boutinaud (2009) explique que « la relation avec
l’autre ne peut que venir mobiliser cette angoisse, tout toucher, tout contact ou

!31
rapproche corporel portant en lui la promesse terrifiante de fusionner avec l’autre
jusqu’à ce que les corps ce confondent pour ne faire qu’un. » p.116

!
Médication et effets au niveau corporel

La plupart des personnes souffrant de psychose se voient prescrire une médication pour
réduire les symptômes. Il semble donc important de prendre en compte les effets
indésirables des médicaments sur le corps dans une prise en charge psychomotrice. En
effet, il est nécessaire de distinguer les troubles toniques et gestuels qui proviennent de
la maladie et les troubles entraîné par la médication.

D’après l’ouvrage « corps et psychose », les neuroleptiques présentent des effets


indésirables sur la motricité. C’est l’effet le plus fréquent mais il dépend des différents
neuroleptiques et il varie en fonction de l’individu. Les effets peuvent être passagers et
d’autres médicaments peuvent les atténuer.

Ces effets sont classés en différentes catégories: les effets extrapyramidaux précoces,
tardifs, le syndrome parkinsonien et le syndrome hyperkinétique.

Les effets extrapyramidaux précoces peuvent apparaître rapidement après la prise du


médicament. Ils sont caractérisés par des dyskinésies aigües ou des crises dystoniques
qui touchent :

- la musculation du globe oculaire (révulsion des yeux, « plafonnement du regard »)

- la musculation de la zone bucco-linguo-faciale (gêne à la mastication, protusion de la
langue…)

- la musculation axiale avec le cou et le tronc (crampe cervicale, torticolis)

Les effets extrapyramidaux tardifs surviennent après traitement sur plusieurs années. Ils
entraînent des dyskinésies tardives : mouvements involontaires, répétitifs, sans
objectifs, qui sont accentués pendant la concentration et influencés par l’état
émotionnel. Les mouvements concernent essentiellement la région bucco-linguo-faciale
et au niveau des membres et du tronc. 

Une anosognosie du trouble peut être observée : le patient n’a pas conscience de son
trouble.

!32
Le syndrome parkinsonien survient après plusieurs semaines de traitement. Il engendre: 

-une akinésie : caractérisé par une lenteur et perte d’initiative motrice associé à une
mimique peu expressive, à une marche à petit pas avec la diminution du balancement
des bras et une lenteur dans les gestes.

- une hypertonie plastique avec une rigidité musculaire.

- des tremblements d’action et de repos.

Le syndrome hyperkinétique est caractérisé par



- une akathisie : l’impossibilité de rester dans la même position (assis, couché, debout).

- une tasikinésie : l’impossibilité de rester en place avec déambulation constante.

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1) La psychomotricité
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I. Qu’est-ce que la psychomotricité ?

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« Le corps, c’est une apparence, c’est une mouvance, ça donne une forme et une image
de soi. C’est notre signature au monde. C’est un signe de l’être, c’est une exigence à
!33
être.

Le corps signe notre identité, il la transcende. Il porte en lui notre être profond, il le
définit, parfois il le subit. (…)

Le corps porte notre histoire. Une histoire individuelle, une histoire de transmission
singulière. Le corps porte des histoires, des histoires de famille, de culture, de groupe. 

Il porte en lui la mémoire des disparus. Entre vivants et morts, le corps est un
messager… 

Messager parfois entendu, parfois ignoré, parfois resté énigmatique comme en attente
d’être déchiffré… » c.Potel, être psm, p.16

!
a)Histoire et origines
!
Nous allons voir comment la psychomotricité puise ses origines dans la psychologie, la
philosophie, la psychiatrie, la psychanalyse et la pédagogie. Au fil des siècles, ces
pratiques qui ont évoluées et interagis, ont permis la création du métier de
psychomotricien.

Depuis l’Antiquité, les philosophes ont tenté de comprendre le fonctionnement de l’être


humain. Ils développent la métaphysique qui étudie les causes originelles et les
principes premiers de l’être, et de cette réflexion va naitre la psychologie.

Très vite, les théories font apparaître un clivage entre l’esprit et le corps. Selon Potel,
c’est la pensée de Descartes qui caractérise le mieux cette séparation avec son
postulat : « Je pense donc je suis. » (Descartes cité par Potel, 2010), qui « survalorise la
pensée par rapport à la matière et renvoie le corps à un contenant idiot » p.21

En 1850, Griesinger, un médecin psychiatre allemand, utilise pour la première fois le


mot « psychomoteur » qui fonde la neuropsychiatrie. Par la suite, de l’observation
clinique découlera des recherches sur les troubles moteurs avec des origines psychiques.

Par la suite, Ernest Duprès, un docteur et neurologue français pose le « syndrome de


débilité motrice » en fondant ce concept avec trois piliers : la maladresse, la paratonie
et la syncinésie. Selon Potel (2010), ce syndrome établit un lien évident entre les
anomalies psychiques et motrices.

!34
A la fin du XXIe siècle, Freud, élève de Charcot, père de la psychanalyse, développe le
concept d’inconscient. Selon J.-M. Lehmans (cité par Potel 2010), Freud « clive les
processus mentaux des phénomènes biologiques et considère la biologie et la
psychanalyse comme des domaines qui doivent demeurer étanches, pour finalement se
concentrer exclusivement sur la détermination psychique. » p.28

Par ailleurs, des élèves de Freud développent plus particulièrement la question
corporelle dont W.Reich qui développe la notion de « cuirasse caractérielle et
tonique pour expliquer l’expression tonico-musculaire des souvenirs traumatiques de la
confrontation du sujet en construction avec un milieu extérieur hostile » p.29

E.Husserl, philosophe allemand développe la phénoménologie avec une méthode


rigoureuse qui cherche à décrire le vécu plutôt qu’à l’expliquer. « C’est une critique du
positivisme qui étudie l’objet de l’extérieur. Il faut vivre et ressentir l’objet d’étude. »
p.29. Selon Potel (2010), la phénoménologie développe des concepts qui relient les
psychomotriciens comme l’étude du corps et le vécu corporel.

En 1945, R.Spitz étudie l’hospitalisation des jeunes enfants et il va démontrer que « la
privation de soins affectifs est extrêmement préjudiciable auprès des jeunes enfants
qui, après une période de protestation se résignent et dépérissent dans leur coin » p.31
Il développe le syndrome d’hospitalisme qui ouvre la réflexion sur les théories de
l’attachement.

A la même époque, H.Wallon va étudier le développement psychologique de l’enfant. Il


relier les fonctions motrices, affectives et cognitive.

Par la suite, Piaget, psychologue et pédagogue va développer le rôle de l’action, du


mouvement, de l’imitation dans la création de l’intelligence. Il observera les enfants en
interaction avec leur milieu environnemental et créera une théorie constructiviste qui
s’oppose aux dons innés.

J.Ajuriagurra, neurologue, psychiatre, psychanalyste va avoir une influence majeure


pour les psychomotriciens. Parmi ses diverses réflexions, il va notamment reprendre la
recherche sur le tonus musculaire qui aboutira sur un concept fondamentale pour les
psychomotriciens : le dialogue tonico-émotionnel entre l’enfant et la mère.

En 1967, G.Soubiran ouvre l’institut supérieur de rééducation psychomotrice, la


première école française qui forme au métier de psychomotricien. Cela va entraîner un
!35
clivage entre les différentes approches de la psychomotricité: les rééducateurs, le
psychomotricien doit objectiver un trouble psychomoteur et le réduire avec des
exercices spécifiques et précis alors que les thérapeutes valorisent l’interaction totale
avec le sujet, ses affects, sa personnalité, ses sensations et sa motricité.

!
Evolution de la pratique et ouverture à d’autres problématiques

A sa création, la psychomotricité s’adressait surtout aux enfants dans une visée


éducative puis rééducative, puis les praticiens se sont aperçus que « le langage corporel
n’était pas l’apanage de l’enfant seulement, mais qu’il pouvait constituer également un
mode de relation privilégié chez les adolescents ou les adultes pour qui les mots
n’étaient pas ou n’étaient plus la voie royale de la communication. » p.19. Cela a
favorisé des évolutions dans les orientations des soins préventifs, médicaux et
psychologiques : en psychiatrie, en crèche, en pouponnière, dans les centre de
guidance, dans les maternités (particulièrement en néo-natalité et pédiatrie) et en
gériatrie.

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II. Qu’est-ce qu’être psychomotricien ?

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1.L’articulation psyché-corps

!
« On construit d’abord les fondations et les murs d’une maison, le corps. Puis on vit à
l’intérieur. (…) Plus la construction est solide, plus l’habitation sera confortable. Les

!36
événements (…) et toutes les nuances émotionnelles de la vie pourront s’y déployer sans
crainte d’un effondrement interne. » Potel ; p.112

Cette métaphore éclaire la nécessité d’élaborer des bases psycho-affectives et


corporelles solides pour pouvoir « habiter son corps » en affrontant les obstacles que
l’on rencontre pendant notre existence.

Dans son ouvrage de référence « Être psychomotricien », Potel décrit la nécessité pour
le psychomotricien de devoir percevoir l’individu dans son unicité complexe et
singulière. Elle explique que c’est « l’intrication profonde entre, d’une part l’ancrage du
corps dans l’espace et le temps, d’autre part la fonction contenante de l’enveloppe qui
va constituer le socle, la structure de l’identité psychocoporelle du sujet. » p.111 être
psm.

Selon Potel (2010), le paradigme de base qui fonde le métier de psychomotricien est
l’idée que « le fonctionnement humain comprend trois volets absolument indissociables
et en permanente interaction : la motricité, les sensations et les représentations.
(…) Ce sont des processus auto-organisateurs : la motricité construit l’intelligence, les
sensations et les émotions interfèrent avec l’acte moteur volontaire, ou encore les
représentations mentales préparent et facilitent l’action et les sensations. » p.22-être
psm

Dans la 3e édition de l’ouvrage « psychomotricité : entre théorie et pratique », Potel et


d’autres auteurs tentent de définir l’identité du psychomotricien. 

D. Liotard (2010) explique l’importance de la prise en compte du corps dans la prise en
charge : « Donner une place au corps, à la sensorialité et à la motricité, c’est permettre
de stimuler des traces mnésiques difficilement accessibles au seul langage ; à travers les
dires du thérapeute, le patient peut laisser émerger les mots qui situent les failles,
déficiences, conflits, blessures du corps. Prendre soin matériellement du corps d’autrui,
c’est lui permettre des possibilités évolutives et favoriser des éprouvés corporels.» p.59
Liotard.

F. Joly (2010) explique ensuite que « l’expérience du corps-en relation propre au


dispositif soignant de psychomotricité, permettant un remaniement de la personnalité,
une réassurance narcissique, un assouplissement des défenses, à travers une dynamique
identificatoire essentielle (…) Le but n’est pas l’exercice exemplaire et performant de

!37
l’acte ou de la fonction, mais bien plus l’investissement harmonieux d’un sujet
fonctionnel, l’expérience ludique habité d’un être psychomoteur. » p.28psm : entre
théorie et pratique

Le psychomotricien prend donc en compte un grand nombre de facteurs et d’aspects


psychocorporels qui permettent de mieux appréhender la complexité du fonctionnement
de la personne.

Selon Joly (2010), le psychomotricien favorise « la mise en jeu ludique et dans la
relation du corps et de ses enjeux narcissiques et identificatoires, du corps dans sa
globalité relationnelle et dans son lien à la vie psychique, comme dans l’exercice de ses
fonctions instrumentales et cognitives, dans son rapport au monde autant affectif que
cognitif et praxique, à la fois expérimental, intra-psychique et nécessaire inter-
subjectif » p.28 psm : entre théorie et pratique

!
2.Le jeu et la créativité

!
Pour Winnicott, « Jouer c’est faire ».

Pour Ciccone (2010), « tous les actes de jeu reposent sur un processus de
symbolisation (…) l’enfant emprunte des fragments de réalité externe pour extérioriser
et vivre un échantillon de rêve potentiel. (…) Le jeu est symboligène par ce qu’il permet
comme intériorisation d’expériences de rencontre avec l’altérité. (…) Par le jeu,
l’enfant atténue la dimension traumatique de l’expérience et l’intériorise. » (p.47) 

En séance, le psychomotricien doit faire preuve de créativité pour mettre à disposition
des médias comme son corps, des objets, pour que l’enfant puisse revivre les
expériences de son quotidien par l’intermédiaire du jeu. Pour Potel, nous sommes des
« inventeurs dans nos bricolages, qui sont avant tout des voies de passage et d’accès à la
symbolisation pour les patients.» p.18

Selon Joly, le jeu permet de créer un «carrefour ludique qui doit être pleinement agi
pour soutenir (…) une symbolisation primaire plus fondé sur la présence, sur l’acte et
l’éprouvé, que sur la mise en absence et la secondarisation propres à d’autres niveaux
de symbolisation comme le langage. » p.38

!38
Pour le patient, le jeu permettrait une symbolisation par le corps en action dans
l’instant présent là où le langage verbal aurait ses limites dans sa conceptualisation et
l’abstraction des mots.

F. Joly parle de la motricité ludique en relation : « dans la juste et complexe


appréhension de l’exercice du corps et des fonctions en relation avec l’autre, l’affect,
la pulsion et l’histoire ». p.40. Le jeu en séance de psychomotricité présente donc cet
aspect ludique qui accompagne le patient dans une expérimentation psychocorporelle
globale en relation à l’autre.

!
3.Le cadre en psychomotricité

!
Catherine Potel (2010) explique que le cadre thérapeutique du psychomotricien
comprend le cadre spatio-temporel, les médias mis à disposition, l’encadrement et le
fonctionnement institutionnel. Ces différents aspects du cadre dépendent à la fois d’un
cadre interne et d’un cadre externe.

Le cadre externe doit garantir d’une sécurité physique par un aménagement spatiale
avec une disposition spécifique du matériel et des différents espaces de la salle pour
être ajusté au public. Le matériel mis à disposition adéquatement permettra de garantir
une sécurité psychique pour accompagner des représentations symboliques qui ne soient
pas source d’angoisses. La prise en charge doit également être soutenue par la mise en
place dans un cadre temporel clair, tant au sein même de la séance, que dans la
régularité des séances

Le cadre interne est la capacité du psychomotricien à ressentir et recevoir


corporellement ce qui s’exprime en contenant puis accompagnant la symbolisation.
Selon Liotard (2010), « sa disponibilité intérieure est indissociable de sa capacité de
penser (…) le psychomotricien va offrir un contenant corporel pour suppléer aux
défaillances du Moi-Peau, il verbalisera les échanges pour donner sens, établir des liens,
en même temps qu’il sera garant du cadre. » p.57.

Le cadre interne est intimement lié aux différentes fonctions que le psychomotricien
doit développer dans la relation, que je vais développer dans le prochain point.
!39
!
4.Les fonctions du psychomotricien

!
La fonction fondamentale du psychomotricien est la fonction de contenance.

Pour Potel, la fonction de contenance est « la capacité du psychomotricien à contenir ce
qui déborde, ce qui n’est pas organisé, ce qui est en menace d’inexistence ou de
déconstruction, qui est particulièrement convoquée dans nos espaces thérapeutiques.

Cette capacité de contenance fait appel tout autant à notre corps qu’à notre appareil
psychique. » (C. Potel, 2010. p.234)

Cette fonction puise ses origines dans les recherches du psychanalyste W.Bion. En
reprenant les théories de M.Klein à propos de l’identification projective, il va étudier la
relation mère-enfant en développant le concept « contenant-contenu » (Bion cité par
Potel 2010). Il explique que le bébé peut ressentir des sensations à caractères
traumatiques qu’il ne parvient pas à garder en lui. Il va alors projeter une partie de son
psychisme dans le psychisme maternel. La mère va recevoir et transformer en éléments
supportables pour le nouveau né. Elle va « servir de contenant pour tous les sentiments
de déplaisir » p.328 Potel etre psm.

En psychomotricité, il y a deux formes de contenance à développer : 

Par la contenance maternelle, le psychomotricien va « accueillir les expressions
corporelles primitives et régressives » p.330 et va « calmer, rassurer, solliciter (…)
stimuler et accepter les excitations motrices, ludiques, tout en assurant les conditions
de leur intégration psychique ». p.330

Par la contenance paternelle, il va symboliser la fonction séparatrice du tiers paternel :
par la mise en place d’un cadre spatio-temporel avec des règles claires qui posent les
limites.Selon Potel (2010), c’est « la condition indispensable pour qu’il y ait circulation
« fluide » entre extériorisation, expressivité, créativité et intériorité.» p.331

De cette fonction de contenance découle les autres fonctions essentielles du


psychomotricien.

!40
- Fonction de pare-excitatrice : Pour remplir cette fonction, le psychomotricien doit être
contenant afin de garantir que l’excitation ne déborde pas. En cela il est « pare-
excitateur » car il accueille l’autre avec son corps et sa qualité de présence corporelle.

-Fonction de partenaire symbolique : Le psychomotricien ne joue pas « avec » mais


« pour » l’enfant sans se laisser enfermer dans un rôle. Il est à la fois joueur et
spectateur. Il est le symbole du partenaire du jeu et sa position dissymétrique lui permet
d’être garant de la sécurité psychique du patient.

-Fonction d’attracteur : Le psychomotricien va stimuler la personne, par ses propositions


et son attitude. C’est une forme de contenance qui focalise, rassemble et invite l’autre
à entrer en relation.

-Fonction de garant de la loi et de la sécurité : Le psychomotricien doit être capable


d’instaurer un cadre clair tant dans son attitude, dans ses propositions et dans
l’organisation spatio-temporelle de la séance. Ces limites vont structurer la personne et
assurer sa sécurité physique et sa sécurité affective.

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5.Les attitudes du psychomotricien

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L’empathie tonique et le dialogue tonico-émotionnel sont les attitudes essentielles
que le psychomotricien doit développer dans la relation pour pouvoir s’ajuster
adéquatement à l’autre.

Selon Liotard (2010), « trouver des systèmes d’accordage, c’est retrouver l’important de
ce premier miroir mimo-gesto-postural, celui que la mère cherche à mettre en place au
début de la vie pour entrer en communication avec son enfant ». p.60. Cet
compréhension mutuelle va être mise en place à travers un accordage tonique : le
dialogue tonico-émotionnel. En salle de psychomotricité, cet accordage est favorisé
par un ajustement postural, une proximité corporelle : en face-à-face ou côte-à-côte.
Selon Liotard (2010), ces attitudes permettent « de constituer et/ou de développer une
meilleur unité du patient en lui donner la possibilité d’intégrer certaines zones clivées
de lui-même. » L’accordage tonico-émotionnel permet « à la fois des processus

!41
d’identification au corps du thérapeute et de différenciation par la perception des
limites de l’enveloppe corporelle. (…) Ce travail aide la personne à enrichir ses
productions gestuelles, à trouver d’autres manières de vivre son corps tout en se
distanciant de son corps de malade. » p.60 Liotard psm théo prat

En séance de psychomotricité, l’empathie va permettre le partage synchronisé de


tensions et de sensations. Le praticien va à se décentrer pour se mettre à la place de
l’autre et ressentir à l’intérieur de soi ce que l’autre ressent.

!
Elle précise que la relation thérapeutique entre le psychomotricien et le sujet est « une
rencontre de l’ordre de l’intime. Un corps à corps symbolique et asymétrique où les
qualités du regard, les tonalités de la voix, la musicalité des paroles, le toucher, les
odeurs, les couleurs, les gestes et mouvements, le tonus, la bienveillance, la réceptivité
de l’un et/ou l’autre des protagonistes (…) induisent une relation transférentielle et
contre-transférentielle particulières. » p.57 Liotard psm théo prat

Pour illustrer ces attitudes, il semble pertinent de revoir quelques paramètres


psychomoteurs sur lesquels le psychomotricien qui s’appuyer pour l’observation puis la
mise en place des séances.

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6.Paramètres psychomoteurs

!
a) Le tonus

« Le tonus est la toile de fond historique du corps » p.118

Il convient de revenir sur le développement de l’enfant pour éclaircir ce paramètre


essentiel dans la prise en charge du sujet en séance de psychomotricité. Selon Potel
(2010), les premiers ajustements toniques du bébé sont inscrits dans la mémoire du
corps pendant toute la vie de l’individu et certaines expériences de l’ordre de la
jouissance ou du traumatisme peuvent resurgir à certains moments.

!42
A la naissance, le portage présente des qualités physiques et psychiques qui influent sur
la tonicité du nourrisson selon la loi céphalocaudale qui permet le développement de
l’axe corporel et la loi proximodistale qui permet le mouvement du centre vers la
périphérie.

« Le bébé existe tout d’abord par son corps. L’être de langage qu’il devient est tout
d’abord un être de langage corporel et un être pétri et modelé par les sensations/
perceptions.» p.64.

Le psychomotricien va tenter de réguler le tonus du sujet : s’il présente une hypertonie


manifeste, une surexcitation, le soignant va l’apaiser par sa fonction de contenance,
similaire au holding et handling de la mère. Si la personne présente une hypotonie, le
psychomotricien va tenter de rehausser son tonus.

!
!
b) Schéma corporel et image du corps

Pour différencier ces deux concepts, Catherine Potel (2010) définit, le schéma corporel
comme une « organisation somatognosique du corps » alors que l’image du corps serait
« l’image de soi en relation à l’autre ». p.144. être psm
!
Pour Potel (2010), le schéma corporel renvoie à « une structure neurologique vers où les
données tactiles, kinesthésiques et optiques convergent pour permettre la connaissance
du corps. L’association de la perception et de la motricité s’opère par expériences
successives pour donner à l’enfant la maîtrise progressive de ses mouvements. Ce
schéma corporel est identique dans sa constitution pour toute l’espèce humaine et il se
réfère au corps réel. »
(C.Potel Psychomotricité Entre Théorie et pratique p. 106)
!
Le schéma corporel serait plus proche d’une « connaissance objective du corps dans sa
réalité qui se construit dans l’expérience motrice et s’accompagne de la capacité de
figuration du corps humain. ». p.144. Un déficit au niveau du schéma corporel se
traduirait donc par une incapacité à représenter son corps de façon globale: les
sensations provenant des différentes parties de son corps ne seraient pas mis en lien.
!
!43
L’image du corps peut être mis en parallèle avec l’attitude du « bébé qui se construit
dans le regard de sa mère (…) si on ne fait jamais attention à lui, il pourra
éventuellement se construire dans un schéma corporel tout à fait cohérent et organisé
mais son image corporelle traduira un manque : manque de respect pour lui-même,
dévalorisation, fragilité narcissique… »p.145

L’image du corps est donc d’avantage reliée à la perception de soi par rapport à l’autre.
Il peut évoluer en fonction des événements qui interviennent dans l’histoire du sujet.
!
c) L’espace

Comme dans les précédents points, il convient de revenir au développement du


nourrisson pour évoquer l’émergence de la conscience de l’espace chez le sujet.

Théorie Staes ?

d) Le temps

En psychomotricité, la structuration temporelle est un élément fondateur du rapport


entre le sujet et le monde. Selon B. De Lièvre et L.Staes (2012), l’acquisition de cette
structuration chez l’enfant passe par deux étapes : le temps vécu puis le temps perçu.
La structuration temporelle regroupe l’orientation temporelle pris comme une
« succession linéaire irréversible », l’organisation temporelle afin d’atteindre une
« objectif temporel » et la perception et l’ajustement de l’action en fonction des
différents paramètres du temps comme l’ordre, la succession, la durée, l’intervalle, la
vitesse, la périodicité, l’irréversibilité et le rythme. Dans ma recherche, je
développerais d’avantage l’aspect rythmique de ce vécu temporel.

!
!
7. Différentes pratiques psychomotrices

Comme nous l’avons vu précédemment dans l’histoire de la psychomotricité, plusieurs


courants théoriques se sont distingués pour déboucher sur différents manières de
concevoir et d’assurer la prise en charge. Ces pratiques se sont également adaptées en

!44
fonction du public. Dans son ouvrage « Être psychomotricien », Catherine Potel décrit
cinq axes d’intervention :

La prévention et l’éducation psychomotrice qui concerne principalement le travail


avec le nourrisson et le jeune enfant, dans les services de natalité, les crèches et autres
centres d’accueil spécialisés.

Les rééducations psychomotrices visent une restructuration des diverses paramètres


psychomoteurs déficitaires comme l’orientation du corps dans l’espace, le tonus, la
qualité de l’équilibre, des coordinations, dissociations et autres fonctions souvent
reliées à des problématiques neurologiques. Le travail est appuyé par un bilan qui
évalue les difficultés du patient et cible des objectifs concrets.

En thérapie psychomotrice, l’inscription symbolique et le lien relationnel sont en


premier plan. Pour Misès, cité par Liotard (2010), « la thérapie psychomotrice ne vise
pas principalement à réduire les troubles d’une fonction altérée dans sa dimension
instrumentale, elle vise plutôt à rendre l’enfant capable d’assumer son corps dans ses
dimensions pulsionnelles, narcissiques, et pour tout dire dans sa dimension
symbolique. » psm théo prat p.55 Liotard

Les médiations thérapeutiques vont privilégier l’utilisation d’outils pour accompagner


la relation et la communication avec le patient. Dans le grand éventail de médias, les
pratiques sportives, artistiques vont être choisi en fonction de l’investissement
particulier du patient pour les qualités motrices, sensorielles ou symboliques. Par
exemple, dans une activité à la piscine, l’eau pourra être investie par un patient pour
ces trois qualités.

Les psychothérapies psychocorporelles distinguent les différentes formations annexes


dans lesquelles le psychomotricien peut se spécialiser : les techniques
comportementales ou les formations analytiques. Ces axes de travail dépendront
également de l’orientation théorique des institutions.

Potel précise que les spécialisations sont des facteurs surdéterminant dans la pratique
du psychomotricien. Elle explique que pour le travail en libéral, le psychomotricien est
« amené à se définir et à définir ses orientations de travail précisément vis-à-vis de ses
patients comme de ses interlocuteurs et prescripteurs de soin. » p.320

!45
Potel questionne l’évolution de l’identité du psychomotricien: « Cette diversité est-elle
synonyme d’éclatement, de morcellement ? Est-elle signe d’une impossible ou illusoire
identité ? Ou est-elle révélatrice au contraire d’une richesse et d’une inventivité ? » p.
20. Selon elle, « les aspects positifs en sont la grande capacité du psychomotricien à
s’adapter aux différentes pathologies rencontrées et à développer des médiations de
travail qui lui demandent une écoute, une disponibilité et une créativité indispensable.
(…)

Les aspects négatifs en sont le risque d’éclatement des pratiques et de réflexions, le


risque de perdre le fil de notre spécificité. » p.18

Par ailleurs, malgré ces différences, il me semble aujourd’hui possible voire nécessaire,
de mêler ces différentes approches dans sa pratique pour répondre aux besoins du
patient.

En effet, dans une même structure, il est possible de rencontrer des patients avec
lesquels une approche plus proche de la rééducation fonctionnelle sera plus judicieuse,
alors qu’avec un autre patient, il sera nécessaire d’avoir une approche d’avantage axée
vers la thérapie. Avec le même patient, il peut également être pertinent de développer
plusieurs approches.

Selon moi, si le psychomotricien fait le pont entre les différents métiers, il ne doit pas
se limiter à une approche pour ne pas s’enfermer dans une lecture spécifique du sujet.

Comme le souligne Catherine Potel, il reste cependant important de ne pas se disperser
en justifiant chaque choix théorique. A cette difficulté s’ajoute celle de collaborer avec
des praticiens qui ont des méthodes différentes tout en respectant l’orientation
institutionnelle.

Après voir abordé les différents champs d’action du psychomotricien, il convient de


parler plus spécifiquement de la prise en charge des adultes psychotiques pour revenir à
mon sujet de recherche.

Selon Potel (2010), « les souffrances narcissiques, quand les mots ne touchent plus à
l’essentiel de la souffrance, imposent un détour obligé par le corps. Passer de nouveau
par un mode de symbolisation plus primitif (le toucher, le contact, la sensorialité)
devient nécessaire pour une reprise de soi» p.205

!46
Selon moi, la prise en charge de l’adulte psychotique se situe donc d’avantage du côté
de la thérapie psychomotrice, la médiation thérapeutique et la psychothérapie
psychocorporelle.

Dans la mise en place de ma partie pratique, je me situerais d’avantage du côté de la
médiation thérapeutique. En effet, il me semble important de passer par le biais d’un
média en plus du média corporel dans la prise en charge de la psychose car le corps-à-
corps direct peut être source d’angoisse en vu de la complexité du rapport au corps.

De plus, dans la complexité du fonctionnement psychotique, il me semble important de


mettre en place une séance en groupe.

Il s’avère que la prise en charge individuelle peut être vécue de manière intrusive pour
le sujet quand la relation duelle devient trop angoissante ou qu’elle développe un
caractère fusionnel toxique. Potel (2010) explique qu’ « un travail en individuel conforte
certains patients dans une certaine illusion de fusion ou de toute puissance » p.382. Je
vais donc aborder ici la particularité du groupe thérapeutique dans le travail du
psychomotricien, et particulièrement ce que Potel (2010) appelle les groupes
thérapeutique à médiation corporelle.

!
Les groupes en psychomotricité

!
Selon Potel (2010), la prise en charge en groupe permet le jeu au sens de Winnicott :
« Exprimer quelque chose de soi dans la rencontre avec les autres ». p.382.

Le psychomotricien va favoriser les effets de résonnances et de réverbération de chacun
des participants. Potel (2010) parle d’un « théâtre d’expression et de mise en scène, où
chaque membre va jouer sa place ainsi que son sentiment d’existence dans le groupe ».
p.383

Elle précise qu’ « un groupe s’alimente des liens narcissiques et objectaux des
participants, des relations d’interdépendance entre les différents membres. » p.387.

Selon elle, il est nécessaire de proposer un « espace transitionnel, un espace de
transformation, d’échanges et d’altérité. »p.387. 

Des critères d’âge, de nombre, d’indications en fonction des pathologies et de l’histoire
des sujets doivent être pris en compte pour mener à bien les séances. 

!47
Le psychomotricien doit particulièrement investir la fonction de garant du cadre en
s’appuyant sur la mise en place de règles qui définissent des limites précises.

L’importance du groupe fait écho à la dimension anthropologique et sociologique du


premier chapitre: le groupe peut faire office d’enveloppe qui contient le sujet et l’aide
à mettre du sens sur des expériences qu’il ne parvient pas à symboliser seul.

Après ce chapitre sur la psychomotricité, nous pouvons donc voir comment le cadre
thérapeutique et les attitudes du psychomotricien pourraient venir soutenir le sujet
psychotique. La capacité de contenir ce qui déborde semble particulièrement adaptée
dans l’accompagnement de l’intégration des limites corporelles.

!
Si l’on revient ensuite sur l’importance de la rythmicité dans le processus identitaire de
l’individuI, il convient maintenant de comprendre comment le rythme peut-il être
utiliser comme outil pour mener à bien une prise en charge adaptée.

!
III Le rythme comme média thérapeutique

!
Pour aborder ce point, nous devons tout d’abord percevoir qu’est ce qu’on entend par
rythme?

!
1) Qu’est ce que le rythme?

!
Origines du rythme

L’étymologie du mot « rythme » puise son origine du grec qui signifie « l’arrangement
des parties qui constituent une forme », il désigne le « pattern d’un élément fluide ».
Littéralement, rutmos signifie la « manière particulière de fluer ». 


!48
Ces origines étymologiques présentent donc l’aspect organisé et dynamique des
mouvements du rythme dans l’espace.

Dans la définition du petit Robert, nous pouvons également y trouver un aspect qui
concerne l’espace: celui-ci présente le rythme comme la «distribution des grandes
masses, des pleins et des vides, des lignes dominantes ». Le plein et le vide renvoient à
la notion dehors/dedans.

Chez les grecs, le rythme musical puisait ses inspirations dans les mouvements corporels
de l’homme liés aux émotions puis le caractère moral de ces actes. Selon Platon, le
rythme est à la forme des mouvements humains ; il est décrit comme un « ordre dans le
mouvement » et il permet « une émotion qui se décharge en mouvements ordonnés ».

Nous pouvons nous demander si dans la Grèce antique, le rythme était déjà perçu ou
vécu comme une manière de gérer l’émotion.

Rythme et cycles naturels

Marcelli (2006) rappelle que le monde a toujours été rythmé par les cycles naturels.
Selon lui, le rythme « correspond à la temporalité cyclique, celle des saisons, des
marées, de l’alternance des jours et des nuits. Inscrit dans cet ordre à la fois cosmique
et biologique, l’être humain participe à cette répétition. » (Marcelli, 2006, P.217-129

En effet, de tout temps les activités de l’homme ont été rythmées par ces cycles. Cette
rythmicité fait écho à la « fonction dynamogénique du rythme : le fait de rythmer un
geste en favorise la coordination, en raison du recrutement synchronisé et facilité des
unités motrices. » (p.135). Lesage explique que la plupart des activités traditionnelles
sont spontanément rythmées et accompagnées de chants.

!
Après ce premier éclairage, nous allons voir les auteurs qui élaborent des outils
théoriques et pratiques qui peuvent être utiliser pour penser la prise en charge de
l’adulte psychotique.

!
!
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!49
2) Méthodes thérapeutiques autour du rythme - approches théoriques
!
Expression primitive

France Schott-Billmann est un auteur qui m’a fondamentalement inspiré dans mes
recherches. Entre anthropologie, danse et psychanalyse, elle a fait de nombreuses
recherches autour de l’utilisation de la danse des les sociétés traditionnelles et elle a
tenté d’en adapter certains aspects en y substituant le caractère religieux et mystique.
A partir des recherche d’Herns Duplan, elle a développé une méthode de danse
thérapie : l’expression primitive.

Cette méthode propose un cadre contenant, soutenu par l’attitude du thérapeute, le


groupe et le rythme de la percussion qui me semble être pertinent dans la prise en
charge d’un groupe d’adulte psychotique. Je vais donc tenter dans le prochain point, de
percevoir si cette approche pourrait être pertinente dans la mise en place de mes
expérimentations pour ma partie pratique, et quelles autres outils pourraient
éventuellement également être utilisé.
!
Pour Billmann, « Danser, c’est un chemin pour nous libérer de notre individualisme, de
notre enfermement, nous disposer à faire société, à nous rééquilibrer en honorant les
deux pôles de notre identité, le collectif et l’individuel. » (p.6, Billmann, la danse
guérit)
!
Selon Billmann (2012), l’Expression Primitive met à disposition plusieurs objets
transitionnels: le rythme, le geste et la voix. Cette démarche « conduit le patient à
sortir de la passivité fusionnelle pour devenir acteur d’un jeu transitionnel » p.124.125

« le danse thérapeute devra donc être capable de créer un climat permettant d’établir
une régression à ces stades archaïques afin d’offrir à ceux qui lui sont confiés un accès à
leur « racines ». Ils pourront ainsi réassurer leurs « bases », les réorienter et renouer
avec elles pour les intégrer dans la reconnaissance de leur identité. »

Dans son ouvrage « Possession et danse thérapie », Billmann décrit les effets du cadre
mis en place dans les séances d’Expression Primitive sur le participant. (p.107) Le rite
joue un rôle fondamentale dans cohésion sociale. Il permet de réactiver et de revivre
!50
symboliquement le stade miroir de Lacan : l’enfant se décolle psychiquement du corps
de sa mère par l’identification à l’image du semblable, à l’unité corporelle et à
l’autonomie.

Le dispositif de rituel dansé entraîne une « dialectique synchronique de fusion/
séparation et un jeu corporel symbolique autour du voile et de la transgression ». 

Il permet l’expérience d’une fusion fantasmatique de l’individu et le groupe, qui fait
écho à la fusion entre le bébé et la mère. Cette fusion est matérialisée par la répétition
de mouvements identiques, dans le même ordre et en rythme.

« Par la contemplation identificatoire des autres, le sujet se voit renvoyer son image.
(…) Par la séparation, le sujet découpe sa propre individualité dans le tissu du groupe.
Après la répétition et la maîtrise du geste, le sujet peut accéder au langage, se
différencie du groupe avec sa propre énonciation. »

Nous pouvons donc voir que ce dispositif semble répondre aux besoins de l’adulte
psychotique: il peut être soutenu par le groupe, permettant ainsi une certaine fusion
temporaire de laquelle il va se détacher pour exister en tant qu’être distinct, dans toute
sa singularité.

Billmann précise que « le rythme, et tout particulièrement celui de la percussion, en est
un facteur important car il réactive l’empreinte sensorielle archaïque de l’époque où
l’enfant entendait le duo des deux cœurs, le sien et celui de sa mère, accompagné
parfois de la cadence balancée de la déambulation maternelle. Aussi le tambour possède
la capacité de faire retrouver à l’être humain quelque chose de la chaleur, de la sécurité
et du sentiment océanique liés à cette situation originelle. » p.99

Cela fait écho aux interactions de l’enfant avec les parents lors des premiers instants de
vie avec une rythmicité qui va accompagner le processus de subjectivation et
l’alternance entre les positions d’ouverture objectale et de repli narcissique.

Il convient néanmoins de se cibler plus précisément sur l’aspect rythmique de


l’Expression primitive car l’objectif de ce développement n’est pas d’utiliser
entièrement le dispositif de cette méthode, mais de s’inspirer des éléments qui
pourraient démontrer les hypothèses de départ.

!
!51
La place du rythme dans la structuration psychocorporelle selon Benoît Lesage

!
Benoît Lesage, docteur en sciences humaines, médecin et enseignant dans une école
parisienne de psychomotricité, a écrit de nombreux ouvrages qui peuvent nous apporter
d’autres pistes autour du rythme pour mener à bien cette recherche. Il reprend les
travaux de Laband et la dynamique de mouvement. G.Struyf a également contribuer à
faire avancer ces recherches.

Rythme et rupture

Lesage (danse ds process thérap, p.135, 136) évoque le rythme dans ses dimensions
perceptive, motrice et émotionnelle. Selon lui, la notion de tension est indissociable du
rythme, il « crée une attente, une expectative : une conscience du silence et de la
pause. (…) La pause est donc une pulsation retenue et non un arrêt. » Cela met donc en
avant l’importance d’ « habiter la pause ». 

Herns Dupan, un des initiateurs de l’expression primitive évoque la nécessité d’« exister
dans les silences, ne pas disparaître entre les deux coups ». Paczynski (cité par Lesage,
2009) évoque la « peur de ce moment ouvert qui relie à l’angoisse de mort. (…) chacun
est livré à lui-même, se livre à soi-même, doit retenir quelque chose de soi. » 

Bachelard (cité par Lesage, 2009) fait écho à la discontinuité de la vie qui s’oppose à la
continuité du vide, du néant.

Accompagner cet étape chez l’adulte psychotique pourrait lui permettre de mieux!

Marcelli (2007) participe à cette réflexion en renvoyant aux interactions mère-enfant:


« Le rythme est ce qui lie et relie, à travers le temps, continuité et coupure/césure,
cette temporalité faite non seulement de répétitions mais aussi de surprises, cadence et
rupture de cadence. L’essence du rythme est bien dans cette tension indéfinissable
entre un besoin de régularité/répétition et une attente de surprise/étonnement. » (p.3.
Entre les microrythmes et les macrorythmes : la surprise dans l'interaction mère-bébé.)
Le rythme ne se réduit donc pas uniquement à la répétition et à la cadence. C’est un
liant qui va organiser la temporalité de façon continue et discontinue.!

!
!
!52
Rythme et pulsation

Lesage met évidence l’importance de la pulsation dans le rythme et dans la


construction psychocorporelle de l’individu. Il l’a définit comme un cycle tonique faisant
alterner les tensions, rétentions et détentes. Elle permet l’alternance entre les
rassemblements et les densifications avec des moments d’ouvertures et de fermetures,
des mouvements vers l’intérieur du cercle (centripète) et vers l’extérieur (centrifuge).
La tension dynamique créée entre ces deux moments entraîne un effet appel/réponse.
Cette alternance permet la création d’une « matrice symboligène » . 

Cette oscillation entre l’ouverture et la fermeture entre soi et autrui qui permet
d’accompagner une conscientisation des limites dedans/dehors.

Lesage rappel les observations de Freud à propos de l’enfant symbolise la présence/


absence de la mère par un jeu rythmique en provoquant l’apparition et la disparition
d’une bobine. Lesage (2012) rappel la difficulté chez les psychotiques à réguler le
passage entre un retrait massif et un rapport fusionnel: « il manque un rythme d’aller-
retour, un va-et-vient, entre différenciation et dédifférenciation. »

Lesage (2006) explique que beaucoup de danse ethniques et traditionnelles se fondent


sur la pulsation. La pulsation dans la danse implique un repoussé du sol qui va
construire l’axe corporel et favoriser la verticalité. Le travail de pulsation fait jouer le
processus poids/soutien/appui/repoussé. Elle éveille une réaction au support, un
contact au sol et une dynamique de repoussé.

Les recherches de Lesage inspiré de Laband et Struyf mettent en avant des chaînes
musculaires correspondant à des postures liées à une façon d’être au monde et
d’habiter son corps. Pour G.Struyf (cité par Lesage, 2009), la chaîne antéro-postérieure
(AP) introduit le rythme, l’axialité, l’alternance et le repoussé. Lesage précise que cette
chaîne est médiatrice, dynamisante et coordinatrice de l’alternance enroulement/
déroulement et repliement/déploiement.

Il précise qu’un des acteurs de cette position est le muscle transverse abdomen associé
au psoas et au diaphragme. Il soutient la dynamique de la rétention et de l’expulsion qui
permet l’intériorisation d’un rythme: la « mise en tension objet interne » p.? jalons.

Selon Lesage (2006), le plexus solaire est également lié à cette dynamique rythmique.
C’est le lieu où nait la force qui dynamise le silence et permet l’anticipation qui
!53
amènera au jaillissement le coup suivant. Pour Laband (cité par Lesage, 2009) le centre
de gravité, également centre dynamique, mais aussi centre de légèreté du corps se situe
également dans cette zone (entre le bassin et le sternum). (danse dans le processus
thérapeutique)

Suite à ce développement autour du rythme comme média thérapeutique, les deux


auteurs abordés nous donnent plusieurs pistes pour percevoir quels seraient les outils les
plus adaptés pour prendre en charge l’adulte psychotique:

1) Le cadre thérapeutique de l’Expression primitive:



Le processus d’individuation du sujet peut être accompagner et contenu par la prise en
charge en groupe, l’utilisation du rythme, du geste et de la voix.

2) Au sein même du rythme apparaît deux notions:



-L’importance d’expérimenter les silences, la rupture de cadence.

-La nécessité d’expérimenter et d’intérioriser la pulsation par l’engagement du corps

3) Le lien entre les limites corporelles, l’espace, le temps et le tonus peut être observé
au niveau de certaines chaînes musculaires, zones corporelles et notion corporelle
comme la verticalité.

!
Pour mener à bien mon étude, j’ai choisi de mettre en avant la création de séances
types appuyées par des réflexions autour de la prise en charge d’un groupe d’adultes
souffrant de psychose en m’appuyant sur mon expérience de terrain et sur les éléments
théoriques développés ci-dessus.

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!54
Deuxième partie: PARTIE PRATIQUE

!
Mon objectif est d’amener les patients à intégrer leurs limites corporelles à l’aide
d’exercices rythmiques et d’exercices autour de la conscientisation corporelle.

Comme nous l’avons vu dans le développement théorique, ces axes de prise en charge
pourraient permettre aux personnes de mieux prendre conscience et ressentir les limites
de leur propre corps et celles du corps de l’autre.

La prise en charge en groupe a toute son importance car l’aspect contenant du groupe
vient soutenir le sujet dans des aller/retour entre des mouvements dirigés vers soi et
vers l’autre. En effet, le cadre de l’atelier, permet au sujet de vivre ses expériences en
se sentant sécurisé, le groupe étant perçu comme un contenant.

!
1) Description du cadre de l’observation : le Club Antonin Artaud

La structure :

Le Club Antonin Artaud est un centre de jour situé dans le centre de Bruxelles, qui
accueille des personnes en souffrance psychique et qui se trouvent fréquemment en
situation sociale précarisée.

La création du Club a été réfléchie par un groupe de patients de l’hôpital Brugmann en


1962. Ce groupe de patients, rassemblé autour du poète et peintre Jean-Raine puis du
Dr Bradfer, est à l’origine de la création de la première institution alternative à l’hôpital
psychiatrique. Le Club a été mis en place à une époque où les idées de la psychiatrie
sociale, de l’antipsychiatrie et de la psychothérapie institutionnelle étaient largement
diffusées.

Aujourd’hui, de nombreuses structures alternatives continuent de fonctionner en
tentant de proposer des espaces différentiels de soin, de soutien et de réhabilitation.

Le groupe de patients à l’initiative de sa création avait pour objectif d’inscrire le
patient au centre du dispositif de soin. Ce sont tout d’abord des ateliers artistiques qui
furent mis en place et qui continuent à être une des spécificités de l’institution.

!55
Aujourd’hui, le Club propose aux patients de nombreux ateliers et activités. Il est ouvert
durant toute la semaine et la vie y est rythmée par les différents ateliers, les réunions,
le repas communautaire du vendredi et la gestion de l’espace « chez Antonin ». Les
ateliers proposés sont très diversifiés. Le Club propose des ateliers artistiques (art
plastique, terre, photo, théâtre, chant, djembé, journal, artisanat et peinture sur soie),
des ateliers corporels (sport, relaxation, do-in, tai chi et massage), des ateliers du
quotidien (cuisine, repas communautaire, informatique et potager collectif), des
ateliers axés sur les sorties culturelles et enfin des groupes de parole (actualité, groupe
parole et écoute musicale).

Le Club a la capacité d’accueillir 30 à 50 personnes par jour et il y a une centaine de


patients qui fréquente le Club de façon plus ou moins régulière

!
Population

!
Les membres du Club ont entre 18 et 65 ans, il y a pratiquement autant de femmes que
d’homme et la moyenne d’âge est de 45ans.

Les pathologies des personnes prises en charge sont majoritairement situées dans la
schizophrénie et autres troubles psychotiques selon le DSM IV, suivit de troubles
dépressifs, puis en moindre présence, des troubles bipolaires, des troubles liés à une
substance, des troubles dissociatifs, des troubles anxieux, des troubles des conduites
alimentaires et des troubles de l’adaptation.

La totalité des patients suit une médication, avec pour la plupart des somnifères, des
antidépresseurs et des neuroleptiques.

Les instances d’envoi sont très diversifiées : les hôpitaux psychiatriques, d’autres
centres de santé mentale, des psychiatres et médecins généralistes, les services sociaux,
la justice, l’entourage des patients ou certains qui viennent d’eux mêmes.

La moitié des patients vivent de façon autonome dans un logement et le reste des
personnes vivent dans des appartements supervisés, chez leurs parents ou avec leur
conjoint.

!56
Les patients utilisent généralement le Club comme un point d’appui transitoire : en
2012, 40% des membres étaient arrivés depuis moins d’un an et il y a une partie des
patients qui continue à le fréquenter depuis plusieurs années : 20% le fréquentaient
depuis plus de 4 ans.

A l’issue de la prise en charge, il y a très peu de personnes qui retrouvent un travail, la


plupart maintiennent un contact avec le Club en accédant au statut d’ancien ou
développent une autonomisation relative hors Club et des relations fréquentes avec des
lieux alternatifs de santé mentale.

!
La mise en place de l’atelier

Dans un premier temps, il s’est avéré qu’il était possible que je mette en place mon
propre atelier en dehors des temps d’animation, le soir après les ateliers comme
certains stagiaires l’avaient déjà fait. Pour être autorisé à mettre en place mon atelier,
j’ai présenté mes objectifs au coordinateur de l’équipe du PMS du Club. 

Le coordinateur a réalisé que mes propositions avaient un « aspect corporel trop proche
de la thérapie » et que celles-ci devait être mises en place avec la présence de
l’animateur responsable des ateliers corporels.

J’ai alors réfléchi à une manière d’aborder le rythme avec une approche plus ludique et
moins « thérapeutique ». Je me suis inspiré d’un livre « musique et corps en
mouvement » qui propose des exercices plus proches de l’animation et de
l’apprentissage ludique du rythme en tout conservant la mise en mouvement.

Lorsque j’ai présenté mon second projet au directeur thérapeutique, celui-ci m’a
proposé de le mettre en place dans le cadre de l’atelier djembé auquel je participais
déjà depuis le début de l’année.

Pour expliquer mes objectifs et construire une collaboration avec l’animateur, nous
avons tenté de prendre un temps d’échange mais nous n’avons finalement pas pu
trouver de moment adéquat.

!
!
!57
L’atelier percussion

L’atelier est animé par Octave, un percussionniste professionnel qui anime cet atelier
depuis déjà plusieurs années. Il propose d’enseigner des rythmes d’Afrique de l’ouest
avec les djembés et le dumdum (la basse qui guide l’ensemble des musiciens).

Temps: L’atelier se déroule en fin d’après midi et dure entre 1h3O et 2h.

Espace: L’atelier se déroule dans une salle assez spacieuse et lumineuse. Le groupe est
organisé en cercle, chacun est assis sur une chaise devant un djembé.

!
Choix du matériel

Pour maintenir la cohérence avec l’atelier de l’animateur, le matériel utilisé sera des
instruments de percussion et en vu du matériel disponible, ce sera principalement des
djembés que les patients utiliseront.

Je me suis donc demandé quelles étaient les propriétés du média percussion et est-ce
qu’il pouvait répondre à mes objectifs de départ ?

- L’utilisation de l’instrument de percussion permet au patient d’être dans une position


active. Il peut vivre corporellement le lien direct entre l’action: taper sur la peau de
l’instrument, et la vibration produit par ce mouvement. Cela peut faire écho à la
pulsion de vie : le patient peut ressentir l’impact qu’il a sur son environnement, il n’est
pas un corps vide mais il est vivant.

- La percussion a un lien direct avec le rythme, c’est le cœur du rythme dans la


musique. Billmann soutient que le rythme de la percussion joue le rôle de « leurre-de-
mère permettant une plongée régressive dans l’ambiance sonore utérine, il participe
aussi bien de l’objet transitionnel : à la fois externe et interne, il s’échange entre le
thérapeute et les danseurs comme entre la mère et l’enfant, au cours de jeux où il est
produit en commun, donné/reçu/réfléchi par chacun des deux partenaires qu’il
« enveloppe » ».

- L’utilisation des instruments de percussions est beaucoup plus accessible que celle des
autres instruments de musique. En effet, il peut être relativement rapide d’arriver

!58
reproduire des rythmes simples. La répétition que la percussion induit permet aux
joueurs d’intégrer plus facilement un rythme.

Etant donné l’utilisation du djembé, il peut être également pertinent de se demander ce


qui est spécifiquement propre à ce média. Le djembé est un « tambour de cérémonie de
l’Afrique de l’Ouest avec lequel on joue à mains nues et dont le spectre sonore très
large génère une grande richesse de timbre » (Dictionnaire hachette édition 2009).

*Il présente plusieurs qualités sensorielles en lien avec la contenance: 



- le contact tactile avec la peau : il est solide, cela peut amener une certaine
contenance, les objets dures pouvant faire écho à la solidité psychocorporelle.

- les vibrations : le djembé génère un son qui prend beaucoup d’espace sonore et il
peut être très enveloppant.

*Le djembé implique également un lien culturel important : il évoque toutes les
représentations que nous avons de l’Afrique. L’énergie vitale des africains, les danses, la
joie de vivre, le partage…

Les diverses atouts du djembé abordés ci-dessus peuvent donc être relativement
adaptés à la spécificité de la population et à mes objectifs de travail.

!
Observations et réflexions au préalable

Comme je l’expliquais ci-dessus, j’ai pu assister à l’atelier pendant plus de 4 mois.


Pendant cette période j’avais un statut de stagiaire. J’ai donc du trouver un juste milieu
pour alterner avec la « casquette » de stagiaire et celle de chercheur.

J’ai élaboré des hypothèses sur leurs besoins spécifiques à leurs problématiques dans le
cadre de cet atelier.

a) Premièrement, j’ai remarqué que la plupart des participants frappaient très fort sur
le djembé. L’espace sonore pouvait très vite être saturé et je me suis plusieurs fois
demandé comment les patients faisaient pour supporter ce bruit car l’atelier pouvait
durer jusqu’à 2h avec 10 min de pause.

J’ai pu voir plusieurs patients qui semblaient ne pas supporter le niveau sonore pendant
tout l’atelier. J’ai pu entendre certains patient se plaindre de mal de tête, d’autres

!59
disaient qu’ils étaient trop fatigués et ils partaient à la pause. De plus, le groupe de
patients qui frappait le plus fort couvrait complètement le son que produisaient les
autres patients. J’ai demandé à plusieurs reprises si cela gênait ces patients, certains
disaient que si on les entendait moins, ils pouvaient faire des erreurs, mais je pense que
cela ne devait pas toujours être agréable. J’ai proposé de nombreuses fois aux patients
de jouer moins fort, en leur donnant des conseils à travers des petits exercices. J’ai
même proposé à un patient de mettre un tee-shirt sur la peau du djembé, ce qu’il a
accepté et qu’il a réutilisé plusieurs fois.

J’ai pu faire un rapprochement entre la difficulté des patients à équilibrer leur intensité
de frappe à celles des autres participants et la problématique du lien à l’autre dans la
psychose. Après cette observation, je me suis demandé comment les amener à laisser
une place, un espace sonore à chacun dans le groupe? De cette question est apparue
l’idée de travailler sur les nuances de force.

b) En second lieu, j’ai également observé la difficulté de certaines personnes à suivre le


groupe. Selon moi, l’animateur proposait des rythmes africains assez complexes et seuls
les patients qui semblaient avoir des prédispositions rythmiques ou qui avaient déjà suivi
l’atelier pendant plusieurs mois, arrivaient à suivre les propositions de l’animateur. J’ai
donc très vite pensé à deux points essentiels: 

- La nécessité d’amener des exercices qui prédisposeraient au rythme avant de proposer
l’utilisation des djembés. 

- La nécessité de proposer des phrases rythmiques très simples, en complexifiant très
progressivement les rythmes en tenant bien compte des capacités de chacun.

En liant ces observations avec mes objectifs de départ, j’ai conçu un ensemble de
propositions destinées à constituer une trame que je proposerais pour commencer. Cette
trame aurait pour thème principal les nuances de force.

!
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!60
Première proposition de séance

J’ai convenu avec l’animateur de séances avec une durée de 45min pour avoir le temps
de mettre un cadre adéquat.

1) Rituel d’entrée: temps pour soi, prendre contact avec son corps à travers un réveil
corporel global.

Cette phase pourrait durer entre 10 et 15min en fonction des réactions du groupe.

En cercle, en station debout

2) Prendre contact avec le groupe

Cette phase pourrait durer entre 5 et 10min.

En cercle, assis, chacun devant un djembé.

a) Présentation avec son nom chacun à son tour dans un sens indiqué: « je m’appelle
xxxx » en tapant sur le djembé à chaque syllabe puis le groupe répète: « il s’appel
xxxx » en essayant d’être synchronisé.

b) Présentation avec un création rythmique:



Je donne un tempo, je joue 2 fois une phrase rythmique simple sur 8 temps. 

Le groupe répète la phrase. En suite, les uns après les autres, les participants vontjouer
2 fois une phrase rythmique libre, imaginée, et le groupe la répète 2 fois.

3) Expérimentation du temps fort et du temps faible

Les participants laissent les djembés et se remettent debout.

a) Proposer au groupe de reproduire un rythme très simple sur 4 temps et frapper plus
fort sur le 1er temps. *F=fort, f=faible

-En cercle, chanter ensemble le rythme proposé. Pour être le plus simple possible, ce
rythme peut être inspiré du chant indien le plus célèbre: 

« OH(F) oh(f) oh(f) oh(f) ».

-En marchant dans la salle: frapper du pied plus fort sur le 1er temps. Variante en
fonction des capacités du groupe: changer de direction sur le 1er temps au même
moment où l’on frappe plus fort du pied.

!61
-Percussions corporelles: frapper avec une main sur le torse au 1er temps et les 3 autres
sur les jambes avec les deux mains.

-Revenir frapper ce rythme sur le djembé: F=basse (centre) et f=aigu (côtés).

Si le rythme semble bien intégré, possibilité de diviser le groupe en deux où un sous-


groupe joue le temps fort et l’autre joue les temps faibles en gardant la cohérence et le
tempo du rythme.

En fonction de la manière dont le groupe va investir les propositions, cet exercice peut
durer entre 10 et 20min, ce qui signifie que si les autres propositions ont duré le
maximum dans le timing hypothétique, la séance est quasi finie. S’ il reste du temps et
que le groupe semble disponible pour un investissement corporel, je pourrais proposer
l’exercice suivant:

b) Jeu autour d’un rythme avec 4 temps forts et 4 temps faibles



Je demande à l’animateur de jouer le rythme pendant que je montre les mouvements au
groupe qui se répartie pour marcher dans l’espace.

-4 temps forts= faire de gros pas d’éléphant; 4 temps faibles= faire de petits pas de
souris; puis associé une grande kinesphère en élargissant les bras et les jambes pour
l’éléphant et une petite kinesphère en se recroquevillant pour la souris.

Variante si le groupe est synchronisé: les animaux et les kinesphères sont inversés;
F=souris et f=éléphant.

-faire un geste qui évoque la force, la symétrie ou le poids pendant les 4 temps fort set
un geste évoquant la douceur, la légèreté ou la rondeur pendant les 4 temps faibles

Cet exercice travail une phrase rythmique plus simple que la précédente mais l’aspect
expressif et implication corporelle est beaucoup plus importante et il semble plus
pertinent de le proposer après plusieurs séances pour que les patients soient d’avantage
à l’aise.

4) Rituel de fin:

-Reprendre contact avec soi, avec son corps en revenant sur l’exercice de respiration
abdominale et en évoquant toutes les parties du corps dans lequel on va respirer et
amener de l’air.

!62
-Temps de parole de quelques minutes où chaque participant, chacun à son tour, peut
s’exprimer.


!
Description des séances : > trouver autre titre!

Le nombre de participants a varié entre 2 et 5. La présence des patients était très


irrégulière. J’ai pu mettre en place 6 séances une fois par semaine.

!
1ère séance

5 participants: deux femmes et trois hommes.

Suite à un entretien prolongé avec un professionnel de l’équipe, je ne peux pas installer


la salle. Elle est installée par les participants.

Je commence par expliquer rapidement le déroulement de la séance, mais une femme
est très contrariée par le fait que j’intervienne. Elle évoque cependant le fait qu’elle
n’arrive jamais à suivre les rythmes de l’atelier.

Elle pleure et dit plusieurs fois qu’elle va partir et qu’elle ne reviendra plus. Lorsqu’elle
se calme, j’explique ce que je souhaite proposer en étant le plus clair possible. Les
patients reviennent sur le débat que nous avions eu la semaine précédente et nous
passons la séance entière à échanger sur le sens de mon projet et la nécessité de passer
par le corps pour intégrer le rythme. La majorité des patients demandent à ne pas faire
d’exercices autour du corps.

Quand le temps qui m’est accordé est terminé, nous enchaînons sur les exercices de
l’animateur.

Après cette séance, je me suis donc questionner sur la cohérence de continuer de


proposer des exercices en tentant de répondre à mes objectifs alors que la situation ne
me permettait pas de mettre en place un cadre adapté.

A la fin de cette séance, je parle avec l’animateur pour expliquer les difficultés que je
rencontre. Suite à cet échange, nous décidons d’un retour à mon statu de co-animateur:

!63
je ne proposerais plus les exercices de ma séance type mais je pourrais faire de brèves
interventions.

Je vais donc aborder les différentes observations que j’ai pu faire en étant dans la
position d’observateur participatif, pour pouvoir réfléchir à ce qui peut être repris pour
ma séance type et ce qui doit être changé ou améliorer.

!
Il convient tout d’abord d’aborder la question du cadre car c’est la difficulté principale
que j’ai rencontré dans la mise en place de mes propositions.

!
Le cadre

Cadre institutionnel:

Cette expérience souligne l’importance fondamentale d’être soutenu par le cadre


institutionnel.

a) Avec l’animateur:

Le fait qu’il n’y avait pas eu une réflexion préalable avec l’animateur a beaucoup
influencé les patients. Cela souligne donc l’importance de construire une collaboration
effective avec l’équipe.

!
b) Dans l’organisation institutionnelle globale:

-La liberté de participation aux ateliers entraîne une irrégularité dans la participation
des patients, qui ne permet pas d’inscrire une régularité temporelle essentielle dans la
mise en place d’un cadre temporel contenant.

-Comprendre le lien entre les approches théoriques et les applications en pratique dans
les ateliers pour percevoir la place des ateliers et adapter mes objectifs de départ. 

En effet, les ateliers proposent l’apprentissage d’une technique artistique par des
animateurs artistes mais la dimension pathologique des patients en fait un cadre
thérapeutique qui diffère d’un cadre purement artistique.

!64
Suite à cette expérience, il convient donc de se demander si le psychomotricien peut
mettre en place un cadre thérapeutique dans ce type de fonctionnement institutionnel.
Dans tous les cas, il semble nécessaire d’élaborer une réflexion en amont avec l’équipe
pour évaluer la pertinence du projet.

Je vais également aborder deux autres aspects du cadre que je n’ai pas toujours réussi à
mettre en place lors de ma co-animation:

Cadre spatiale

Mettre en place une organisation de la salle choisie qui me permet de proposer des
exercices adaptés et d’anticiper au mieux les réactions des patients.

Cadre temporel

-respecter la structure temporel prévu pour les exercices.

-mettre en place un outil permettant de donner le tempo si je n’arrive pas à donner une
pulsation régulière comme un métronome ou une piste audio.

-Savoir quand je pouvais faire la transition avec l’autre exercice: les exercices ont duré
plus longtemps que je l’avais prévu

> Je n’ai pas réussi à percevoir si les patients prenaient plaisir dans l’exercice ou s’ils
désiraient arrêter: ils étaient peut être pris dans une répétition mortifère où il
n’arrivaient pas à s’arrêter.

!
Suite à cette expérience, il convient d’analyser ce qui a mis en difficulté les patients et
ce qui a été bénéfique pour eux.

!
Les patients

!
1) Engager son corps

Quelles sont les raisons pour lesquelles les patients ont refusés de participer aux
propositions autour du corps?

!65
-de soi à soi: cela fait écho à la complexité d’habiter son corps chez le sujet
psychotique, que cela soit du à des angoisses corporelles, aux effets indésirables des
médicaments (prise de poids, distorsion tonique, mouvements parasites…).

-dans la relation à l’autre, ce qui renvoie à la perception des limites dedans/dehors,


aux difficultés relationnels et à la fragilité du lien à l’autre.!

2) L’utilisation du djembé

Cette difficulté est le plus souvent due à des raisons de compétences techniques:
certaines personnes ont plus d’expériences, de facilité à utiliser l’instrument.

Cela peut être également du à la manière dont certains patients investissent leur corps,
lorsque certains présentent des problèmes de régulation tonique: ils n’arrivent pas à
provoquer de son car ils ne savent pas comment utiliser leur corps de façon adéquate.

3) S’adapter au cadre

-Accepter qu’une nouvelle personne prenne le relais dans la direction de l’atelier.



-Tendance à être réfractaires aux changements en refusant d’expérimenter des
propositions différentes de ce qu’elles ont l’habitude de faire. Ce point est en étroite
relation avec la démarche des patients de venir apprendre le djembé comme un cours,
une démarche différente de celle dans laquelle je voulais les amener.

!
4) Suivre un tempo

Les personnes qui ne parvenaient pas à suivre le tempo pouvaient abandonner


rapidement. En effet, j’ai souvent entendu des phrases comme « de toute façon je suis
nul, je ne sais pas être en rythme ». Les réactions peuvent être dues à la peur de gêner
le groupe et la peur d’être jugé par les autres. 

De plus, le fait d’être décalé du rythme commun peut faire écho à la difficulté de vivre
la marginalité liée au statut de malade dans notre société.

Réflexion sur la prise en charge de groupe:

La majorité des patients refusent de chanter le rythme. Mis à part Josy, ils parviennent
assez bien à reproduire le rythme que je propose, mais les exercices de nuance de
force, de temps d’arrêt et d’expression amènent encore beaucoup de difficulté. Les
!66
réactions des patients remettent en cause l’idée que la prise en charge en groupe
permet toujours de soutenir les patients. En effet, Josy se compare sans cesse aux
autres personnes et elle ne respecte pas ses propres capacités. Avec cette patiente, la
prise en charge individuelle serait peut être plus adaptée. De plus, lorsque j’ai proposé
le chant, le refus du groupe ont amené Ulysse à arrêter de chant.

Difficultés que j’ai rencontré dans la prise en charge en groupe:

-Encadrer le groupe tout en m’occupant plus particulièrement d’une personne en


difficulté.

-Proposer des exercices adaptés alors que toutes les personnes n’ont pas le même
niveau.

!
5) Apports du travail autour de la nuance de force

Au fur et à mesure des séances, les patients sont progressivement arrivé à ajuster
l’intensité de leur frappe sur le djembé en la diminuant au l’augmentant pour
s’accorder au niveau sonore des autres. J’ai pu observer des changements au niveau de
l’attitude et de la prise en compte de l’autre.

!
Autres réflexions:

> Questionnement autour de la répétition: 



A quel moment la répétition n’est plus adéquate? comment repérer quand le sujet se
complet dans ce mouvement qui ne le fait plus avancer et qui peut le faire régresser de
façon négative.

!
-volonté de mettre du sens sur des exercices qui doivent être tout d’abord vécus avant
de pouvoir être expliqués

!
!
Rituel qui propose directement un exercice expressif!

!67
-Au niveau de la première proposition: les patients sont directement confrontés à un
aspect expressif: la création d’un rythme alors qu’auparavant ils étaient dans une
dynamique d’apprentissage.

Certains patients n’arrivent pas à s’arrêter dans l’improvisation pour laisser la place à la
personne suivante. Cela renvoie à l’alternance entre soi et l’autre.

!
Après avoir décrit et analyser cette expérience, je vais développer une réflexion qui me
permettra d’élaborer une nouvelle trame de séance pour tenter de répondre à ma
question de départ. Nous allons donc voir comment le rythme pourrait être utilisé
lorsque le cadre thérapeutique du psychomotricien peut être mis en place.

J’aborderais dans un premier temps les objectifs de départ qui permettront de chercher
quel exercice est le plus adapté et quel pourrait être le déroulement le plus adéquat.

!
Objectifs

Axes de travail

Pour accompagner ces multiples difficultés, j’ai choisi de travailler sur le corps propre,
de soi à soi, avant de l’engager dans la relation.

Pour cela, il semble pertinent de mettre en place des exercices autour de:

a) l’intégration des perceptions corporelles à travers:



- le schéma corporel et l’image du corps

- le tonus

- les flux: flux de mouvement et flux respiratoire

- l’axialité et l’ancrage qui pourront permettre de faire le lien entre le corps et
l’espace!

b) l’orientation spatiale: cet axe permettra tout d’abord au sujet de se réorienter


dans le contexte de la séance en prenant conscience de son corps dans l’espace, des
différentes notions spatiales (niveaux, plans, kinesphère).

!68
c) l’orientation et la perception temporelle: la notion temporelle sera travaillée avec
l’intériorisation et la reproduction du rythme. L’expérimentation du corps dans l’espace
viendra se lier au vécu temporel pour favoriser une orientation spatio-temporelle.

d) le lien à l’autre: le cadre de l’atelier et la dynamique de groupe pourra venir


soutenir les patients dans ses expérimentations et les aider à tolérer la présence de
l’autre dans un cadre contenant.

Pour mener à bien ces objectifs, je m’appuierais sur les réflexions théoriques et les
expérimentations pratiques de F.S Billmann et de Benoît Lesage.

!
Elaboration des outils d’évaluation

Pour choisir une méthode de collecte de données empiriques, il est essentiel de prendre
en compte la particularité du public. Le choix de méthodes comme l’entretien et le
questionnaire demande que l’on réfléchisse sur les conséquences que celles-ci peuvent
provoquer chez le sujet. En effet, nous avons vu comment la relation à l’autre et au
langage peut être ambigüe chez la personne atteinte de troubles psychotiques et il
semble nécessaire de mettre en place une relation thérapeutique stable pendant une
certaine période avant de proposer ce genre d’outil.

Comme je n’ai pas eu l’opportunité de mettre en place un accompagnement individuel


pendant il aurait été possible de proposer ces outils, je vais donc choisir la méthode
d’observation pour mener à bien cette partie pratique.

J’ai rencontré des difficultés à élaborer cette grille car les outils destinés à
l’observation et l’évaluation sont largement développés avec le public enfant mais il y a
encore très peu d’outils adaptés au public adulte, et encore moins en psychiatrie
adulte. Par exemple, je n’ai pas trouvé de bilan psychomoteur ou de méthode spécifique
à l’adulte psychotique, et même si le contexte institutionnel ne me permettait pas de
faire passer un bilan car j’aurais pu m’en inspirer pour créer cette grille. Je me suis
donc appuyé sur les connaissances que j’ai acquises pendant ces trois années de
formation pour cibler quels items pouvaient être les plus pertinents à observer pour
répondre à ma question de recherche.

La grille se trouve dans les annexes

!69
!
Choix du matériel

Il convient de voir quel média pourrait être le plus adapté pour répondre aux objectifs
de départ.

Il me semble important de ne pas utiliser uniquement le média percussion pour


travailler le rythme, mais d’utiliser de nombreux autres supports. Cela permettra de
mettre à la disposition d’autres outils et s’adapter à un plus large public. En effet,
certaines personnes peuvent éprouver des réticences à l’idée de faire un atelier de
percussion si elles savent que les participants n’utilisent que des instruments de
percussion.

Cela peut donner l’impression que les objectifs visent l’apprentissage d’un instrument et
non l’expérimentation corporelle et altruiste visée. De plus, le djembé est un
instrument qui génère beaucoup de bruits et la sonorité peut être très vite agaçante et
envahissante, surtout si les participants frappent fort.

En m’inspirant de l’ouvrage « musique et mouvement, il me semble intéressant


d’utiliser d’autres biais pour produire des sons: nous pourrions également le corps
propre, l’espace environnant (les murs, les tables, les chaises…), des petits instruments
de percussion (maracas, güiro, tambourin et bien d’autres), mais aussi d’autres objets
comme du papier journal, des bâtons, des tubes pcv voire des objets insolites comme
des sonnettes de bicyclette.

L’utilisation de la voix est également un média très pertinent. Le sujet produit lui même
un son en s’appuyant sur des parties du corps essentielles comme le diaphragme et le
plexus solaire qui est le centre de gravité, centre des méridiens du corps, là d’où
provient l’énergie vitale. Le chant fait écho à la vie Lesage (2006) précise toute
l’importance des ces zones du corps dans la dynamique rythmique. Le travail autour de
la voix devra nécessairement être précédé d’exercices autour des flux respiratoires.

L’expression vocale peut être des sons inarticulés, des sons articulés ou des chansons en
français et dans d’autres langues. La voix est également un des éléments phares utilisée
dans l’Expression primitive.

!
!70
Je m’appuierai également sur mon expérience dans un autre atelier du centre dans
lequel j’ai pu mettre en place des propositions: l’atelier chant.

!
L’atelier chant

!
Espace :L’atelier se déroule dans la même salle que celle utilisé pour l’atelier de
percussion, donc assez spatieuse. Aline l’animatrice propose au groupe de se disposer en
cercle. Cet atelier accueille quelques fois jusqu’à 12 personnes, ce qui restreint
quelques fois l’espace.

Temps :L’atelier commence par un échauffement corporel et vocal qui dure entre 30 et


45min, puis 1h de chant et 15min de pause. J’ai proposé à Aline d’animer pendant
l’échauffement et elle a accepté que nous alternions entre ses propositions et les
miennes. Lors des derniers mois, j’ai pu animer plusieurs fois l’entièreté de
l’introduction.

Matériel: Aucun

Comme cet atelier a été le temps pendant lequel j’ai pu faire des propositions. Je l’ai
majoritairement utilisé pour écrire mon rapport de stage. Les professeurs qui
m’accompagnaient pour la supervision du stage et du TFE m’ont conseillé de ne pas
l’utiliser comme référence principale à la fois pour le rapport et pour le TFE car cela
risquerait d’entraîner une confusion entre ma place de stagiaire et celle de chercheur.
C’est la raison pour laquelle j’ai tout d’abord cherché à mettre un atelier en place
propre au TFE. Cependant, comme je l’ai expliqué ci-dessus, j’ai rencontré de
nombreuses difficultés pour mettre en place ce projet et j’ai donc choisi d’utiliser des
observations et des réflexions provenant de l’atelier chant pour répondre à ma question
de recherche.

!
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Séance type

!
1) Le rituel d’entrée :

Disposition spatiale du groupe

Pendant l’atelier chant, j’ai tenté de mettre en place plusieurs rituels d’entrée pour
voir lequel serait le plus adapté. Au niveau de l’organisation spatiale, j’ai tout d’abord
proposé une répartition dispersée où chacun était amené à explorer l’espace librement
en prenant conscience des caractéristiques de l’espace: les formes, les couleurs, la
lumière… Cela avait pour objectif de favoriser une réappropriation d’un espace lié à un
vécu antérieur et rassurer les patients sur le fait que même si l’animateur a changé,
l’espace ne change pas.

Par ailleurs, je me suis rendu compte que cela pouvait être une source d’angoisse: la
dispersion spatiale pouvant alors faire écho aux angoisses de morcellement, de
dispersion des parties du corps dans l’espace. Le rassemblement au centre semble
soutenir et sécuriser les participants. Cette réaction peut être directement mise en lien
avec la nécessité pour les sujets psychotiques d’être contenu pour ressentir leur
globalité corporelle. Au départ si je souhaitais proposer des temps d’exploration du
corps dans l’espace, après cette réflexion il m’a semblé nécessaire de proposer
systématiquement une disposition du groupe en cercle pour le rituel d’entrée.

Prise de conscience globale du corps

Ensuite, il me semble important de commencer la séance par une prise de conscience


globale du corps avant de solliciter des parties plus spécifiques. Lors de mes
expérimentations en stage, j’ai pu saisir la pertinence de commencer et clôturer
systématiquement une séance par des exercices de conscientisation globale du corps
pour que les patients puissent vivre un sentiment d’unité corporelle.

Par exemple si je souhaite utiliser des percussions, ces exercices permettent de
rééquilibrer le tonus de manière globale pour diminuer les tensions qui vont persister et
s’accentuer lors du jeu de percussion ou lors de la réalisation d’exercices de rythme.

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!72
!
a) Etirements corporels autour de l’axe vertical et l’ancrage, par exemple: s’étirer de
tout son long vers le ciel.

b) Exercices de respiration abdominale où je tente d’amener le groupe à respirer


profondément par le ventre, en prenant conscience du trajet de l’air, des sensations
corporelles que cela engendre (l’air qui rentre par le nez et ressort par la bouche, le
ventre qui se gonfle), avec la possibilité de mettre la main sur son ventre.

c) Percussions osseuses sur tout le corps en s’attardant sur les membres inférieurs,
surtout les pieds. En fonction de l’investissement des patients, possibilité d’insister sur
les pieds en allant percuter et masser les pieds.

-Celles-ci permettent de conscientiser la structure osseuse, ce qui peut accompagner


une restructuration psychique du corps. Cela fait écho au concept de Poids que
développe B.Lesage car il relie le travail autour de la structure osseuse au rythme et à la
mise en mouvement. 

-De plus, cette stimulation peut s’accompagner d’une verbalisation des différentes
parties du corps pour faire le lien entre celle-ci pour conscientiser le schéma corporel.
-La qualité vibratoire des percussions permet une tonification des os et une meilleure
circulation de l’énergie vitale.

2) Prise de la pulsation :

La pulsation semble beaucoup mieux intégrable quand le sujet la vit avec l’ensemble de
son corps. Quand un percussionniste joue, même si ce sont seulement ses doigts qu’il
mobilise, le corps entier à intégrer la pulsation. Il conserve cette pulsation en lui
jusqu’à ce qu’il laisse la place aux autres musiciens pour aller lui-même laisser aller son
corps sur le rythme.


Par exemple, Mme Y. venait depuis déjà plusieurs années semblait toujours décalée par
rapport au tempo. Je lui ai proposé plusieurs fois de marcher au rythme de la pulsation,
même assise sur sa chaise mais elle ne voulait pas. Plus tard elle m’a avoué qu’elle était
très mal à l’aise quand elle le faisait, surtout en présence des autres. Je n’avais pas

!73
pensé au fait que cela serait confrontant pour elle, et qu’au lieu de l’aider, cela pourrait
la mettre en difficulté. De plus, d’autres membres ont également pu ressentir cela.

Avec cette patiente, la question de l’image du corps était en premier plan. Ses troubles
alimentaires semblaient mettre à mal sa capacité à éprouver le poids de son corps. Elle
devait sans cesse se comparer aux autres lorsqu’elle réalise une action ou un
mouvement. Plus tard, elle a progressivement accepté de faire l’exercice de pulsation
que je lui proposais et si cela ne semble pas avoir entraîné une progression majeure au
niveau rythmique, cela lui a permis d’avoir d’avantage confiance en elle.

➢ Solution ? comment amené la pulsation si refus ?

!
3) Mise en mouvement en rythme

Mots clés : balancement, répétition, binarité,



> exercice expression primitive cf. mémoire caro

!
Ciccone

-épreuves présence/absence

-l’alternance positions ouverture objectale et repli narcissique

!
4) Rituel de fin

-Reprendre contact avec soi, avec son corps en revenant sur l’exercice de respiration
abdominale et en évoquant toutes les parties du corps dans lequel on va respirer et
amener de l’air.

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