Le Caucase Du Nord Et L'ukraine: 20 Semaines D' Opération Militaire Spéciale 24 Février - 15 Juillet 2022

Le Caucase du Nord et l’Ukraine :
20 semaines d’« opération militaire

spéciale »
24 février – 15 juillet 2022
Pendant quinze ans, le Centre des droits de l’homme Memorial a publié un bulletin rendant
compte des violations des droits de l’homme commises dans le Caucase du Nord ou se
produisant ailleurs mais liées à cette région. Aujourd’hui, nous pouvons tous constater que les
« violations flagrantes et massives des droits de l’homme par l’État à l’intérieur des frontières
nationales » que nous avons décrites — des violations pour lesquelles aucune évaluation
juridique n’a été effectuée et pour lesquelles personne n’a été puni — se déroulent également
sur le territoire ukrainien. Le 24 février, l’armée russe, accompagnée de détachements issus
d’autres structures de sécurité, a envahi l’Ukraine. Alors que les événements de 2014 —
l’annexion de la Crimée et les actions des forces de sécurité russes et des formations
pro-russes dans les régions de Donetsk et de Lougansk — pouvaient encore être considérés
comme un « conflit local », voilà que, pour la première fois depuis 1939, une guerre à grande
échelle, astucieusement qualifiée d’« opération militaire spéciale », est menée en Europe. Elle
implique des structures de force issues de la région du Caucase du Nord — aussi bien des
unités de l’armée qui y sont stationnées que des « Kadyroviens » — ayant précédemment pris
part à l’« opération antiterroriste » dans le Caucase du Nord. Le présent bulletin, préparé par un
groupe d’anciens membres de Mémorial basés hors de Russie, est principalement et
majoritairement consacré à ces aspects : le Caucase dans la guerre en Ukraine ; la réaction de
la population du Caucase à la guerre ; et les réponses des autorités à cette réaction. Le bulletin
couvre la période du 24 février au 15 juillet 2022.
Le bulletin s’appuie sur des documents recueillis par les anciens membres du Centre des
droits de l’homme Memorial dans le Caucase du Nord, ainsi que sur des rapports d’autres
organisations de défense des droits de l’homme, sur les informations rapportées par les
médias, sur des rapports officiels de représentants des autorités russes et ukrainiennes, ainsi
que sur des publications de blogs et de médias sociaux dignes de foi.
Traduction du russe : Grégory Rayko
1
L’« opération militaire spéciale » en Ukraine et les ressortissants du Caucase du
Nord 20
Le ministère de la Défense de la Fédération de Russie 21
Le Service fédéral des troupes de la garde nationale de la Fédération de Russie
(Rosgvardia) 24
Volontaires et formations nationales du Caucase du Nord 27
Le refus de faire la guerre 29
Les crimes de guerre 33
Ramzan Kadyrov et les « kadyroviens » dans l’« opération militaire spéciale en

Ukraine » 34
Les « kadyroviens » dans les forces régulières 35
Volontaires ou mercenaires ? 37
Le rôle des « kadyroviens » et des « volontaires » dans l’« opération spéciale » 45
Où et quand les « kadyroviens » et les « volontaires » ont-ils combattu ? 47
L’opération de relations publiques des « kadyroviens » 50
Les crimes des « kadyroviens » 51
Les pertes parmi les ressortissants du Caucase du Nord 55
De l’autre côté de la ligne de front 57
« Opération militaire spéciale » en Ukraine : les actions des autorités des

républiques du Caucase du Nord 60
Chefs régionaux, responsables politiques et fonctionnaires 60
Leaders religieux 62
La société civile du Caucase du Nord et l’« opération militaire spéciale » 64

Manifestations de soutien à l’« opération spéciale » 67
La politique de jeunesse 68
L’aide humanitaire 70
Manifestations anti-guerre, poursuites pénales pour « discréditation de l’armée » 70
2
L’« opération militaire spéciale » en
Ukraine et les ressortissants du Caucase
du Nord
Les ressortissants des régions du Caucase du Nord participent activement à l’« opération
militaire spéciale » en Ukraine depuis son déclenchement. L’une des principales forces de
frappe de l’armée russe est constituée par les formations du District militaire du sud,
notamment la 58e armée, dont le quartier général se trouve à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord,
et dont la plupart des unités sont déployées en Ossétie du Nord, en Ingouchie, en Tchétchénie
et au Daghestan. En outre, des natifs de la région servent également dans de nombreuses
autres unités et divisions de l’armée russe, du ministère de l’Intérieur et de la Garde fédérale
russe (Rosgvardia).
De nombreux Caucasiens choisissent de faire carrière dans l’armée et les services de sécurité,
à la fois en raison des caractéristiques culturelles de la région, où les compétences et la
réussite militaires sont depuis longtemps valorisées par la société, et parce que l’économie de
la région, sous-développée, n’offre pas beaucoup d’emplois attrayants, si bien que les
structures de force apparaissent pratiquement comme l’unique « ascenseur social »
accessible à la jeunesse locale.
Des journalistes du site « Vajnye Istorii » (Histoires Importantes) ont examiné les rapports
faisant état des décès intervenus dans les rangs des participants à l’« opération militaire
spéciale » côté russe et analysé les informations recueillies, notamment celles relatives au
nombre de décès dans chaque région par rapport à leur population, pour 100 000 résidents
masculins âgés de 18 à 45 ans. Les régions où ce ratio est le plus élevé sont la Bouriatie (46),
la République de Touva (44), l’Ossétie du Nord (52), l’Oblast de Kostroma (28), l’Altaï (25),
l’Oblast autonome des Juifs (25), l’Oblast de Pskov (21), le Daghestan (19), le Kraï de
Transbaïkalie (19) et l’Oblast d’Orenbourg (18).
La plupart des militaires ayant trouvé la mort depuis le 24 février (près des deux tiers)
proviennent de petites villes, de villages et de hameaux. Le niveau de vie y est nettement
inférieur à la moyenne russe, les salaires sont bas, le chômage est élevé, et le service militaire
offre la possibilité de recevoir non seulement un bon salaire selon les normes régionales, mais
aussi une « hypothèque militaire » (un prêt immobilier spécifique attribué uniquement aux
militaires, NDT)1.
« Beaucoup de mes connaissances ont signé un contrat avec l’armée dans l’espoir de pouvoir, à
terme, s’acheter un appartement. Dans le cadre du contrat, vous pouvez contracter un prêt
hypothécaire après six ans de service, mais l’État paiera pour vous. (...) Pour un citoyen moyen
de la république, ma vie était réussie : j’avais une famille, une revenu stable, une hypothèque
militaire. Et aussi un statut : dans le Caucase, être un militaire est un honneur, du moins c’était le
cas avant les derniers événements », explique un militaire sous contrat originaire de
Vladikavkaz2.
1
Vajnye Istorii, 04.05.2022, https://istories.media/investigations/2022/05/04/yunie-bednie-mertvie/
2
Kavkaz.Realii, 03.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31832046.html. 
3
D’un point de vue socio-économique, cela est compréhensible - comme souligné plus haut, le
service militaire apparaît comme une perspective très attrayante pour les habitants des
régions économiquement sinistrées. Mais le haut niveau de pertes enregistré dans les
républiques nationales est susceptible de provoquer à long terme une dégradation des
relations interethniques en Russie. L’explication apparente de ces pertes élevées par le fait que
le service militaire est attrayant dans les régions économiquement sous-développées ne fait
qu’aggraver le problème, car elle soulève une question légitime : pourquoi exactement les
républiques nationales sont-elles si sous-développées ? Le fait que les régions de Russie
centrale sont également sinistrées ne suffit pas à invalider cette question. Dans un discours
prononcé lors de la 21e session de l’Instance permanente des Nations unies sur les peuples
autochtones, Syres Bolyaen, représentant du peuple Erzya (un groupe ethnique de près de
50 000 personnes résidant en Mordovie, NDT), a publiquement accusé Moscou de
« transformer les républiques nationales et les lieux de résidence compacte des peuples
autochtones de la Fédération de Russie en régions socialement arriérées, où les jeunes locaux
cherchent à échapper à la pauvreté en signant des contrats avec les forces armées »3.
Le ministère de la Défense de la Fédération de Russie

Les républiques du Caucase du Nord font administrativement partie du District militaire du sud
des forces armées russes. Des unités de la 58e armée interarmes des forces armées russes
sont déployées en permanence en Ossétie du Nord, en Ingouchie, en Tchétchénie et au
Daghestan (le quartier général se trouve à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord-Alanie ; le
commandant est le lieutenant général Mikhaïl Zpousko). La 34e brigade motorisée
indépendante de montagne (OMSBr), qui fait partie de la 49e armée interarmes, est stationnée
en Karatchaevo-Tcherkessie. En outre, la 346e Brigade à destination spéciale (OBr SpN) de la
Direction principale de l’état-major russe (GOu GCh) est déployée en Kabardino-Balkarie et la
Flottille Caspienne et son 177e Régiment d’infanterie de marine (Kaspiïsk) au Daghestan.
Des unités de la 58e armée sont apparues en Crimée dès avril 20214. Il s’agissait de la 136e
OMSBr et la 291e brigade d’artillerie, qui ont par la suite pris part à l’« opération militaire
spéciale ». Les observateurs ont noté à plusieurs reprises leur redéploiement ou le retrait d’une
partie de leurs forces5 — des manœuvres destinées à faire croire au début du retrait des
troupes. En novembre 2021, des unités et des équipements de la 42e division de fusiliers
motorisés de la Garde (MSD, stationnée en permanence en Tchétchénie)6 ont été observés sur
le territoire de la Crimée. Au cours des derniers mois précédant le début de l’« opération
spéciale », des unités de la 58e armée ont été redéployées en Crimée, le nombre
d’équipements a nettement augmenté, et de nouveaux camps militaires ainsi qu’un hôpital de
campagne ont été installés7.
Les unités et formations de la 58e armée ayant participé à l’« opération militaire spéciale » sont
:
3
Idel.Realii, 01.05.2022, https://www.idelreal.org/a/31829342.html. 
4
CIT, 18.04.2021,
https://citeam-ru.medium.com/появились-спутниковые-снимки-лагеря-российских-войск-в-крыму-
40e197da80d3/. 
5
Deutsche Welle, 17.02.2022, https://p.dw.com/p/47BL7, CIT, 22.04.2021,
https://citeam-ru.medium.com/шойгу-приказал-отвести-войска-от-границы-с-украиной-но-есть-ню
ансы-c10d812086e4. 
6
Krym.Realii, 25.11.2021,
https://ru.krymr.com/a/chechenskaya-42-gvardeyskaya-diviziya-krym/31579126.html.  
7
CIT, 14.02.2022, https://citeam.org/2022-order-of-battle.html?6
4
La 19e MSD Voronej-Choumline (numéro d’unité militaire - NUM - 20634, Vladikavkaz ;
commandant : colonel Dmitri Ivanovitch Ouskov)8.
● Le 429e régiment de fusiliers motorisés de la Garde (MSP) (NUM 01860, Vladikavkaz,

Ossétie du Nord).
● Le 503e MSP de la Garde (NUM 29483, Troïtskaïa, Ingouchie).
Selon des sources ukrainiennes, le 429e MSP, qui compte un peu plus de 2 000
militaires répartis en trois bataillons, a formé trois groupes tactiques de bataillon
(BTGr) de 500 militaires chacun en moyenne, ainsi qu’un groupe de réserve tactique de
140 militaires. Le 503e MSP, pour sa part, a présenté un BTGr incomplet. Cela s’explique
par le fait que le 503e MSP est composé principalement de conscrits et qu’il manque
de personnel9. Les unités des deux régiments sont entrées en Ukraine par le sud,
depuis la Crimée, le 503e MSP avançant vers la ville de Gouliaïpolé, dans la région de
Zaporijia10. En mars, l’armée ukrainienne a signalé la mort du commandant et du chef
d’état-major du 503e MSP, accompagnant cette information de photos de galons et de
chevrons portant les noms de K. V. Kouznetsov et d’A. S. Lokhov. La partie russe n’a ni
confirmé ni infirmé cette information11.
La 42e MSD « Bannière rouge » d’Eupatoria (NUM 27777, Grozny ; commandant :

Alexandre Alexandrovitch Saenko)12. Les unités suivantes en relevant ont été observées
en Ukraine :
● Le 70e MSP de la Garde (NUM 71718, Chali, Tchétchénie) ;

● Le 71e MSP de la Garde (NUM 16544, Kalinovskaïa, Tchétchénie) ;
● Le 291e MSP de la Garde (NUM 65384, Borzoï, Tchétchénie) ;
● Le 50e régiment d’artillerie automotrice (NUM 53185, Chali, Tchétchénie).
Trois de ces unités - les 70e et 291e MSP et le 50e régiment d’artillerie automotrice -
sont entrées sur le territoire ukrainien depuis la Crimée. Le 291e MSP a participé aux
batailles de Zaporijia et de Marioupol13.
Le 71ème MSP est entré depuis le territoire de l’autoproclamée République populaire

de Donetsk (DNR) et a participé aux combats pour Marioupol14.
8
Proekt,
https://war-proekt.media/base/voiska/19- motostrelkovaya-voronezhsko-shumlinskaya-diviziya/ 
9
InformNapalm, 07.04.2022, https://informnapalm.org/51712-ustanovleny-dannye-oficera-vs-rf-koto/,
Antikor,  https://antikor.com.ua/articles/527260-
 opoznany_likvidirovannye_v_ukraine_voennosluhashchie_429-go_polka_iz_vladikavkaza.  
10
Kavkaz.Realii, 29.03.2022, https://www.kavkazr.com/a/31775652.html.  
11
Kavkaz.Realii, 27.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31871555.html. 
12
Proekt, https://war-
 proekt.media/base/voiska/42-gvardeyskaya-motostrelkovaya-evpatoriyskaya-diviziya/.  
13
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense, 30.04.2022,
https://gur.gov.ua/content/voennye-prestupnyky-komandnyi-sostav-291-
 hvardeiskoho-motostrelkovoho-polka-uchastvuiushchyi-v-sovershenyy-prestuplenyi-protyv-naroda-ukray
ny-na-  zaporozhskom-y-maryupolskom-napravlenyiakh.html. 
14
Kavkaz.Realii, 27.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31871555.html, ГУР МОУ, 07.05.2022,
 https://gur.gov.ua/content/rosiiskykh-ofitseriv-znimaiut-z-boiovykh-pozytsii-dlia-okhorony-paradu-v-
zruinovanomu-mariupoli.html.  
5
Le 136e OMSBr de la Garde Ouman-Berlin (NUM 63354, Bouïnaksk, Daghestan ; commandant :
Colonel Roman Geradotovich Demourcthiev) est également entrée en Ukraine depuis la
Crimée15.
La 4e base militaire de la Garde (NUM 66431, Tskhinvali, Ossétie du Sud). Ses unités n’ont pas
pris part à l’« opération » dès le début ; leur redéploiement a été connu autour du 20 mars. Le
nombre de militaires déployés et les lieux où ils ont été envoyés n’a pas été communiqué16.
La 291e brigade d’artillerie (NUM 64670, Troitskaïa, Ingouchie) est également entrée en
Ukraine depuis la Crimée et a participé aux combats dans la région de Kherson. Selon des
sources ukrainiennes, des unités de cette brigade ont bombardé la ville de Mykolaiv17.
La 34e brigade de direction (NUM 29202, Vladikavkaz)18.
Parmi les unités et formations de la 49e armée interarmes, la 34e Brigade motorisée de
fusiliers de montagne (NUM 01485, Storojevaïa-2, Karatchaévo-Tcherkessie), qui a également
attaqué sur le flanc sud, depuis la Crimée, a participé à l’« opération spéciale »19.
La 346e OBR du GOu GCh (NUM 31681, Naltchik, Kabardino-Balkarie ; commandant : Colonel
Sergueï Alexeévitch Podgourski) est entrée en Ukraine depuis l’oblast de Rostov et a combattu
dans l’oblast de Donetsk, notamment à Marioupol, où, selon la partie ukrainienne, elle a subi 19
mars de lourdes pertes, parmi lesquelles son commandant Podgourski, mortellement blessé
ce jour-là20.
Le 177e régiment d’infanterie de marine (NUM 87852, Kaspiïsk, Daghestan ; commandant :

Colonel Pavel Nikolaévitch Zelenski), qui fait partie de la Flottille militaire de la Caspienne de la
marine russe, a lui aussi attaqué depuis la Crimée et a participé à des batailles dans les oblasts
de Kherson et de Zaporojié21. La Flottille militaire de la Caspienne a également pris part au
conflit armé, frappant des installations en Ukraine avec des missiles de croisière22.
Comme souligné plus haut, les ressortissants du Caucase du Nord servent également dans de
nombreuses autres unités de l’armée russe. Ainsi, selon une liste publiée par les autorités
ukrainiennes, 34 natifs du Daghestan, trois d’Ossétie du Nord, trois de Kabardino-Balkarie, un
de Karatchaévo-Tcherkessie et trois de Tchétchénie serviraient au sein de la 64e OMSBr, dont
les militaires sont soupçonnés par les autorités de Kiev d’avoir assassiné des civils à Boutcha,
15
Proekt, https://war-proekt.media/base/voiska/136-
otdelnaya-gvardeyskaya-motostrelkovaya-umansko-berlinskaya-brigada/.
16
The Insider, 26.03.2022. 
17
Gordon.UA, 03.06.2022,
https://gordonua.com/news/war/nikolaev-i-prigorod-dvazhdy-za-noch-obstrelyali-iz-tyazheloy-artillerii-v-
rezultate-ataki-po-oblasti-est-pogibshiy-ok-yug-1611523.html. 
18
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-34-bryhady-upravlenyia.html.
19
Proekt, https://war-proekt.media/base/voiska/34-otdelnaya-motostrelkovaya-gornaya-brigada/. 
20
Proekt, https://war-proekt.media/ ; Dialog.UA, 20.03,2022,
https://www.dialog.ua/war/248397_1647778227 ; Kavkaz.Realii, 27.05.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31871555.html. 
21
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense (GUR MO), 23.04.2022,
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-177-otdelnoho-polka-morskoi-pekhoty-kaspyiskoi-flotyl
yy.html. 
22
Dagestankie izvestia, 20.03.2022, https://t.me/dagizvestiya/8573. 
6
dans la région de Kiev23. Le 27 février, un récit d’un militaire originaire du Daghestan, Gassan
Gassanbekov, supposément soldat de la 25e OMSBr de la Garde (Louga, Oblast de Leningrad),
laquelle a attaqué Kharkiv, a été largement diffusé sur Internet. Gassanbekov y affirmait que
les troupes russes avaient connu de lourdes pertes causées par la préparation déplorable de
l’« opération ». Cependant, il est par la suite revenu sur ses propos et déclaré que les
informations qu’il avait communiquées étaient fausses24.
Le Service fédéral des troupes de la garde nationale de la Fédération de

Russie (Rosgvardia)
Outre les unités et formations de l’armée russe, des unités du Service fédéral des troupes de la
Garde nationale (FS NGS, ci-après Rosgvardia) participent à l’« opération militaire spéciale».
Les républiques du Caucase du Nord relèvent du district du Caucase du Nord de la Rosgvardia.
Des unités de la Rosgvardia de toutes les républiques du Caucase du Nord ont participé aux
combats, et des unités de toutes les républiques du District fédéral du Caucase du Nord (le
District fédéral du Caucase du Nord comprend les six républiques nord-caucasiennes, ainsi
que le Kraï de Stavropol, NDT) ont été observées en Ukraine.
Au début de la guerre, les unités de la Rosgvardia, qui étaient plutôt destinées à contrôler les
territoires déjà occupés et à rester à l’arrière de l’avancée de l’armée, se sont retrouvées de
manière totalement inattendue sur les lignes de front, et ont souvent combattu les troupes
ukrainiennes avant même que l’armée russe le fasse. Sans armement lourd ni formation
nécessaire, les gardes russes ont subi de lourdes pertes25. Ils n’étaient pas non plus préparés
mentalement : « On nous a dit que nous devions aller libérer des gens, qu’ils nous attendaient
là-bas. Une fois sur place, nous avons constaté que personne ne voulait de nous »26. À mesure
que l’armée russe s’engageait dans les opérations de combat, ces incidents ont diminué, et les
unités de la Rosgvardia ont été principalement actives dans les territoires occupés, assurant
leur contrôle. Pour cette raison, il est difficile de savoir où et quand a agi telle ou telle unité de
la Rosgvardia : les unités servant à l’arrière suscitent généralement beaucoup moins d’intérêt
que les troupes engagées dans les combats. En outre, il est difficile d’obtenir des informations
en provenance des territoires occupés.
Voici les unités et formations de la Rosgvardia stationnées dans les républiques du Caucase
du Nord qui ont été observées en Ukraine.
La 49e brigade opérationnelle (obron) de la Rosgvardia (NUM 3748, quartier général à

Vladikavkaz, unités déployées en Ossétie du Nord, en Kabardino-Balkarie, en
Karatchaévo-Tcherkessie, en Ingouchie et dans le kraï de Stavropol)27 a participé à l’attaque de
23
GUR MO, 04.04.2022,
https://gur.gov.ua/content/voennye-prestupnyky-neposredstvenno-uchastvuiushchye-v-sovershenyy-voe
nnykh-prestuplenyi-protyv-naroda-ukrayny-v-h-bucha-
voennosluzhashchye-64-otdelnoi-motostrelkovoi-bryhady-35-oa-vvo.html.
24
https://www.youtube.com/watch?v=9RVsOkhLRUg ; Sovest Dagestana,
https://t.me/sovestdagestana/23753.
25
Cf., par exemple, Mediazona, 08.06.2022, https://zona.media/article/2022/06/08/ili-smrt ;
Nastoiachtchee Vremia, 27.02.2022,
https://www.currenttime.tv/a/leviev-o-voennykh-rf-i-tekhnike/31726492.html.
26
Proekt, https://www.proekt.media/narrative/kak-planirovali-voinu/. 
27
https://web.archive.org/web/20170419235150/;
http://www.milkavkaz.net/2016/04/nacionalnaya-gvardiya-rf.html.
7
Kharkiv28. Elle a subi des pertes, après quoi plusieurs centaines de ses militaires ont refusé de
prendre part à l’« opération militaire spéciale ». Un certain nombre de publications évoquent la
49e brigade de défense dans son ensemble, mais il est probable que l’offensive ait été
principalement conduite par le 121e régiment opérationnel (Pon, NUM 3723, stationné en
Kabardino-Balkarie, dans le village de Zvezdny, ville de Naltchik) car, par la suite, les
informations faisant état du refus massif de participer à à l’« opération militaire spéciale » n’ont
concerné que des militaires de ce régiment. Ce refus leur a valu un licenciement qu’ils ont
contesté devant le tribunal.
Le 376e bataillon opérationnel (NUM 5389, Kizliar, Daghestan), qui fait partie de la 102e obron,
a été repéré à Energodar, dans la région de Zaporijie29. Des sources ukrainiennes ont identifié
l’un des officiers de ce bataillon donnant des instructions pour disperser les rassemblements
de civils à l’aide de gaz lacrymogène et d’armes, ce qui laisse penser que cet officier était
responsable d’une unité, relevant probablement de ce bataillon.
Des militaires de la Rosgvardia stationnés en Ingouchie — versés dans les Détachements

mobiles à visée particulière (OMON) « Berkout-Sud » et d’autres unités non nommées30 — et en
Ossétie du Nord31 ont pris part à des opérations menées sur le territoire de la DNR et de la LNR
autoproclamées (le mot « territoire » peut ici désigner l’ensemble du territoire des oblasts
ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk). Des membres des OMON et des Détachements
d’intervention rapide (SOBR) de Makhatchkala et de Kaspiïsk32 ont été vus en Ukraine ; des
unités du SOBR du Daghestan ont notamment été observés à Energodar (oblast de Zaporijia)
et ont sauvé la vie du chef de l’administration prorusse de la ville, Andreï Chevtchik, visé par un
attentat33.
Des unités de la Rosgvardia en provenance d’Ossétie du Nord ont été impliquées dans
l’offensive dans le sud de l’Ukraine, dans l’oblast de Kherson. Parties de Crimée, elles se sont
retrouvées — comme les unités de la 49e obron ayant avancé vers Kharkiv — à la tête de
l’offensive et ont subi des tirs d’artillerie dès le premier jour, subissant des pertes, après quoi de
nombreux hommes de ces unités ont également décidé de cesser de ne plus participer à
l’« opération militaire spéciale »34.
Des employés du Service des gardes-frontières du Service fédéral de sécurité (FSB) de la

Fédération de Russie ont aussi été engagés dans l’« opération militaire spéciale ». Par exemple,
le 21 juin dans l’oblast de Belgorod, quatre soldats de l’unité des gardes-frontières de
Khounzakh (Daghestan) ont été tués lorsque le véhicule blindé dans lequel ils se trouvaient a
été frappé par un lance-missiles antichar Javelin35.
***
28
Proekt, https://www.proekt.media/narrative/kak-planirovali-voinu/.
29
Censor.net, 07.04.2022, https://censor.net/ru/p3332229. 
30
Kavkaz Uzel, 12.06.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/378098/.  
31
Site de la Rosgvardia, 31.05.2022,
https://15.rosguard.gov.ru/News/Article/rosgvardiya-provela-veselye-starty-  dlya-detej-iz-lnr-i-dnr.  
32
RIA Daghestan, 28.04.2022, https://t.me/riadagestan/6943.
33
Site de la Rosgvardia, 31.05.2022,
https://05.rosguard.gov.ru/News/Article/mer-energodara-poblagodarilsotrudnikov-rosgvardii-za-spaseni
e-zhizni.
34
Kavkaz.Realii, 03.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31832046.html
35
Chaînes Telegram « Opération Z : Corrrespondants de guerre du Printemps russe », 22 juin 2022,
https://t.me/RVvoenkor/16991, et MIG, 22.06.22, https://t.me/mig41/18675.
8
Selon des témoignages de soldats de la 58e armée, ils n’étaient pas préparés à une guerre à
grande échelle, que ce soit sur le plan psychologique - on les avait assurés que les habitants
locaux les accueilleraient avec des fleurs, comme ce fut le cas en Crimée en 2014 - ou sur le
plan matériel, car ils n’avaient pas suffisamment d’armes et d’équipements36.
Comme mentionné plus haut, la plupart des unités du Caucase du Nord ont participé à
l’offensive sur le flanc sud, entrant en Ukraine à partir de la Crimée, occupée par la Russie
depuis 2014. C’est précisément sur ce flanc sud que l’offensive russe a connu le plus de
succès lors des premiers mois de la guerre.
Dès le 28 février, des militaires appartenant à des unités stationnées au Daghestan auraient
été vus à Berdiansk, dans l’oblast ukrainienne de Zaporijia. Le 14 mars, des combattants
daghestanais de la Rosgvardia de la république auraient été vus dans cette même ville37. Des
militaires venus du Daghestan ont participé aux combats pour la ville de Marioupol (oblast de
Donetsk)38. Le 1er juin, des militaires de cette république se trouvaient dans l’oblast de
Zaporijia39.
***
Comme ailleurs en Russie, des rapports faisant état de la participation de conscrits à

l’« opération spéciale » sont très vite apparus dans les républiques du Caucase du Nord. Le 18
mars, une soixantaine de parents de conscrits du Daghestan se sont adressés au bureau du
procureur militaire pour demander le retour d’Ukraine de leurs fils40. Fin mars, ces derniers ont
été renvoyés sur le territoire russe, et le commissaire militaire du Daghestan, Daitbeg
Moustafaev, a déclaré qu’aucun conscrit ne serait envoyé en Ukraine pour participer à
l’« opération spéciale »41.
En avril, le blogueur Islam Belokiev a rapporté que des conscrits, y compris venant d’Ingouchie,
étaient envoyés en masse en Ukraine : « Ils ont été licenciés rétroactivement, puis contraints de
signer des contrats et ont été emmenés là-bas en tant que contractants. La même chose va
arriver à ces jeunes gars d’Ingouchie »42. Le commissaire militaire de l’Ingouchie, Timour
Mestoev, a nié que des conscrits aient été envoyés en Ukraine sans avoir signé volontairement
un contrat43. Le vice-président du gouvernement de l’Ossétie du Nord, Irbek Tomaev, a abondé
dans son sens44.
36
37
Chaînes Telegram « Guerre réelle / Ukraine », 28.02.2022, https://t.me/voynareal/11093, et Murado,
14.03.2022, https://t.me/msgazdiev/727.
38
Chaînes Telegram « Que se passe-t-il au Daghestan ? », 26.03.2022, https://t.me/dagestanRD/14296
et « La Voix du Daghestan », 29.03.2022, https://t.me/golosdagestana05/4459.
39
Chaîne Telegram « Que se passe-t-il au Daghestan ? », 01.06.2022, https://t.me/dagestanRD/18248.
40
Chernovik.net, 18.03.2022,
https://chernovik.net/content/lenta-novostey/materi-soldat-srochnikov-iz-dagestanarasskazali-kak-ih-sy
novya-stali, https://chernovik.net/content/novosti/ozhidanie-ubivaet.
41
Chernovik.net, 31.03.2022,
https://chernovik.net/content/lenta-novostey/soldata-srochnika-vernuli-s-ukrainy-vvoinskuyu-chast-v-bel
gorodskoy-oblasti, Makhatchkalinskie Izvestia, 05.04.2022, https://t.me/midagru/10904
42
Chaîne YouTube « Pensées d’Islam », https://www.youtube.com/watch?v=4HLo35zCA-I.
43
Journal Internet « Ingouchie », 19.04.2022,
https://gazetaingush.ru/news/voennyy-komissariat-ingushetiioproverg-informaciyu-ob-otpravke-srochni
kov-na-ukrainu.
44
Region15, 07.04.2022,
https://region15.ru/irbek-tomaev-srochniki-ne-budut-uchastvovat-v-spetsialnoj-voennojoperatsii/.
9
Ces déclarations en elles-mêmes n’excluent pas l’envoi de jeunes combattants au front : selon
la loi, un contrat peut être signé après six mois de service obligatoire, et les médias ont
rapporté à plusieurs reprises des cas de falsification de signatures et de recours à diverses
formes de coercition pour contraindre les conscrits à signer des contrats45. Toutefois, ce type
d’infractions n’a pas été beaucoup signalé dans les républiques du Caucase du Nord.
Volontaires et formations nationales du Caucase du Nord

Nous avons déjà parlé des « volontaires » recrutés en République tchétchène pour participer à
l’« opération militaire spéciale » dans le chapitre sur les « Kadyroviens ». Mais des volontaires
d’autres républiques du Caucase du Nord ont également pris part au conflit armé.
Le 11 mars, plusieurs médias ont rapporté que les comités militaires des districts de
Babaïourtouvski, Ountsoukoulski et Kazbekovsky (Daghestan) ont publié sur les réseaux
sociaux des annonces portant sur le recrutement de contractants militaires pour
« participation à une opération spéciale ». Le salaire proposé varie de 177 000 à 215 000
roubles par mois en fonction du grade, et il est possible de signer un « contrat à court terme
d’un an maximum pour la participation à une opération militaire spéciale »46. Le bureau
d’enrôlement militaire du district de Babaïourtouvski a déclaré au correspondant du journal
daghestanais Tchernovik que le recrutement était resté ouvert jusqu’au 10 mars, et que
personne n’avait répondu à l’annonce. L’officier en service au bureau d’enrôlement militaire de
la république du Daghestan a déclaré pour sa part que le recrutement était toujours en cours,
mais que les personnes recrutées effectueraient les missions précisées dans leur contrat et ne
seraient pas envoyées en Ukraine dans le cadre de l’« opération spéciale »47.
Le 18 mars, des représentants du service de presse du district militaire du Sud ont indiqué que
« durant la dernière semaine », c’est-à-dire depuis le 11 mars, environ 300 contrats à court
terme avaient été signés au Daghestan. Globalement, depuis le début de l’année, le nombre de
personnes souhaitant servir sous contrat dans l’armée a triplé par rapport à la même période
l’année dernière48.
Le 22 mars, Boris Kantemirov, député Russie unie du Parlement de l’Ossétie du Nord, a

annoncé la formation d’un « bataillon de volontaires » : il a invité tous ceux qui souhaitaient se
porter volontaires à se rendre à la la branche régionale de l’Association de volontaires pour
l’assistance à l’armée, l’aviation et la flotte (DOSAAF), à Vladikavkaz, qu’il dirigeait lui-même.
Kantemirov a expliqué qu’il ne cherchait à convaincre personne, et qu’il ne voulait simplement
pas que « nos gars aillent au front comme des partisans, sans garanties sociales »49. Le 29
45
Voir par exemple www.currenttime.tv,
https://www.currenttime.tv/a/komitet-soldatskih-matereysoldat-srochnikov-otpravlyayut-k-granitse-s-ukr
ainoy/31720742.html, 05.05.2022,
46
Kavkaz.Realii, 11.03.2022, https://www.kavkazr.com/a/31748061.html, Nœud caucasien, 11.03.2022,
https://t.me/cknot/13533. 
47
Tchernovik, 11.03.2022,
https://chernovik.net/content/lenta-novostey/vedyotsya-li-nabor-zhiteley-dagestana-dlya-uchastiya-v-sp
ecoperacii-v-ukraine. 
48
RIA Daghestan, 18.03.2022,
https://riadagestan.ru/news/security/vtroe_uvelichilos_kolichestvo_dagestantsev_zhelayushchikh_zakly
uchit_kontrakt_na_voennuyu_sluzhbu/.
49
OsNova, 22.03.2022, https://osnova.news/n/14573/, Nœud caucasien, 22.03.2022,
https://t.me/cknot/13615, Ossetia News, 23.03.2022, https://t.me/ossnews/2281.  
10
mars, un groupe de plus d’une centaine de « volontaires » d’Ossétie du Nord est parti pour le
Donbass, suivi d’un second groupe de 400 autres le 4 mai50.
Des groupes de « volontaires » sont également arrivés dans le Donbass en provenance

d’autres régions, notamment de Kabardino-Balkarie51. Le 17 juin, Islamoudin Nourgoudaev,
chef de la ville de Bouïnaksk, a rapporté que « il y a quelques jours, un grand groupe de gars de
Bouïnaksk est parti comme volontaires »52. Il n’existe pas d’informations sur les unités ou
même les structures dans le cadre desquelles ils ont participé à la guerre.
***
Dans la seconde moitié du mois de juin, les autorités russes ont de toute évidence décidé
d’exploiter de façon créative d’une part l’idée que le service militaire est attrayant pour les
natifs des républiques du Caucase du Nord et d’autre part l’expérience de Ramzan Kadyrov en
matière de formation d’unités et de divisions de « volontaires ».
Le 17 juin, Sergueï Pavlenko, chef du service topographique au quartier général du District

militaire du sud, a déclaré qu’il avait été décidé (il n’a pas précisé par qui), de créer des
« compagnies pour participer à l’opération spéciale » dans tous les sujets de la fédération. Il a
immédiatement annoncé la formation de la « Compagnie de fusiliers du Daghestan » au sein
de la 136e OMSBr53 stationnée à Bouïnaksk. Les hommes de moins de 50 ans ayant servi dans
l’armée et jugés aptes par la commission médicale militaire pouvaient intégrer cette
compagnie après vérification de leur casier judiciaire ; les contrats devaient être conclus pour
trois mois minimum. Après « une petite formation », les personnes enrôlées dans la
compagnie devaient être envoyées s’exercer sur un terrain d’entraînement dans le Donbass
pour une « formation au combat », puis prendre part à des opérations militaires. Pavlenko a
promis que l’ensemble du personnel de la compagnie bénéficierait de « toutes les mesures de
soutien social prévues pour les militaires des forces armées russes »54.
Le 21 juin, le site Internet de l’administration du district de Sounjenski, en Ingouchie, a annoncé

la formation, sur ordre du ministère russe de la Défense, d’un escadron dit « ingouche » dans le
cadre de la 34e division indépendante de fusiliers motorisés de montagne, qui est déployée en
Karatchaévo-Tcherkessie55. Cet escadron devait recruter puis former en un mois 94 militaires
contractuels âgés de moins de 50 ans. Les volontaires pouvaient s’engager en signant un
contrat dans les locaux du 503e MSP de la 19e MSD (village de Troïtskoié, district de
Sounjenski, Ingouchie). L’allocation promise aux militaires sous contrat, une fois inclus tous les
paiements supplémentaires, s’élevait à 300 000 roubles. Chaque contractuel s’engageant dans
la compagnie ingouche recevait immédiatement 100 000 roubles versés par les autorités
50
OsNova, 29.03.2022, https://osnova.news/n/14654/, Kavkaz.Realii, 04.05.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31833739.html.  
51
Chaîne Telegram « Station Naltchik », 26.02.2022, https://t.me/nalchik0/11901.  
52
https://chernovik.net/news/dagestancev-priglashayut-v-novuyu-imennuyu-strelkovuyu-
 rotu-dlya-uchastiya-v-voennoy.  
53
https://chernovik.net/news/dagestancev-priglashayut-v-novuyu-imennuyu-strelkovuyurotu-dlya-uchastiy
a-v-voennoy.
54
https://chernovik.net/news/dagestancev-priglashayut-v-novuyu-imennuyu-strelkovuyurotu-dlya-uchastiy
a-v-voennoy.
55
Site de l’administration du district de Sounjenski, 21.06.2022,
https://sunja-ri.ru/магомед-дзейтов-провелсовещание-с-гл-2/.
11
régionales56. Le premier vice-premier ministre d’Ingouchie, Magomed Evloev, a établi une
analogie entre la « compagnie ingouche » en cours de création et la « division sauvage », une
unité de cavalerie de l’armée impériale russe pendant la Première Guerre mondiale, composée
de volontaires du Caucase du Nord.
Le 21 juin, un certain nombre de médias russes et ukrainiens ont rapporté la formation du

bataillon « Alania », équipé de chars T-62, produits en URSS entre 1962 et 1975, et qui se
trouvaient dans les réserves de l’armée57. Il est possible que le bataillon ait été créé dès le mois
de mars et qu’il ait été composé de volontaires ayant répondu à l’appel lancé par Boris
Kantemirov. Le bataillon a opéré sur le flanc sud, en particulier autour de la ville de Gouliaïpolé
(Oblast de Zaporijia). Le 12 juillet, le chef de l’Ossétie du Sud-Alanie Sergueï Meniaïlo a reçu
une commotion en rendant visite au bataillon, supposément du fait d’une attaque commise
par un groupe de sabotage et de reconnaissance ukrainien58.
Le 22 juin, le commissariat militaire de Kabardino-Balkarie a annoncé le recrutement de

militaires sous contrat par le régiment (selon d’autres sources, il s’agirait d’une division)
« Kabardino-Balkarie », en cours de formation dans le cadre de la 42e MSD. Les recrues doivent
être des hommes âgés de 19 à 50 ans, résidant en Kabardino-Balkarie et ayant une expérience
du service dans l’armée. À ce moment-là, la division était complétée un peu plus qu’à 50 %.
Une fois sa formation achevée, elle devait se doter de ses propres drapeau et insignes59.
Denis Sokolov, expert à la Free Russia Foundation, considère la formation de telles unités
« nationales » comme une menace pour l’avenir de la Russie elle-même. Il estime que le fait
que les régions disposent de leurs propres groupes armés qui leur sont subordonnés pourrait
constituer pour elles un avantage concurrentiel important dans le scénario hypothétique d’un
effondrement du gouvernement central. « Quelque part, à un niveau subconscient, chacun
comprend comment tout cela va se terminer, et avoir ses propres groupes armés constituera
le principal avantage dans la lutte pour le pouvoir lors de la prochaine phase. Dans tous les
réglements de comptes criminels, les personnes ayant fait la guerre sont plus efficaces que
celles qui n’ont pas combattu. Et de ce point de vue, la création d’unités subordonnées s’inscrit
danns le processus de désintégration de l’empire », a-t-il déclaré60.
Le refus de faire la guerre

Les autorités russes ont toujours affirmé que l’« opération militaire spéciale » en Ukraine n’était
pas une guerre. Il existe une certaine cohérence dans cette rhétorique, qui peut même être
considérée comme une tradition établie. Ni la première guerre de Tchétchénie (appelée
« désarmement de bandes illégales » et « rétablissement de l’ordre constitutionnel ») ni la
56
Site de l’administration de la ville de Nazran, 27.06.2022,
https://nazrangrad.ru/2022/06/24/po-analogii-dikoj-divizii-v-ribudet-sformirovana-ingushskaya-rota/ ;
Journal online « Ingouchetia », 25.06.2022,
https://gazetaingush.ru/obshchestvo/v-respublike-prodolzhaetsya-nabor-grazhdan-na-voennuyu-sluzhb
u-pokontraktu-v-imennuyu ; Nœud caucasien, 26.06.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/378535/.
57
Defense Express, 21.06.2022,
https://defenceua.com/news/rashisti_posadili_na_hruschovski_grobi_t_62_osetin_ta_dali_pidkazku_de_ji
h_shukati-7873.html ; Rossiïskaïa Gazeta, 21.06.2022,
https://rg.ru/2022/06/21/t-62mv-s-reaktivnoj-bronej-zamecheny-v-zoneprovedeniia-specoperacii.html.
58
Chaîne Telegram « Baza », 12.07.2022, https://t.me/bazabazon/12333.
59
RIA « Kabardino-Balkarie », 22.06.2022,
https://kbrria.ru/obshchestvo/VoennyykomissariatKBRnabiraetboytsov ; Le Journal du Sud, 22.06.2022,
https://t.me/gazetayuga/1115.
60
Kavkaz.Realii, 24.06.2022, https://www.kavkazr.com/a/31913420.html.
12
deuxième guerre de Tchétchénie (appelée « opération antiterroriste ») n’ont été qualifiées de
« guerre » ou de « conflit armé à caractère non international » — d’où la non-introduction,
respectivement, de l’état d’urgence ou de la loi martiale. D’autres États post-soviétiques ont
également agi de cette manière à certains moments : l’Ukraine, par exemple, qualifie ses
actions dans la zone de conflit armé dans l’est du pays d’« opération antiterroriste » (ATO)
depuis 2014. De même, l’état d’urgence n’a pas été imposé en Russie en 2020 avec l’apparition
de la pandémie de Covid-19, dans le but évident d’éviter les restrictions légales imposées par
les régimes de l’état d’urgence ou de la loi martiale, les rapports au Parlement, les mesures de
soutien à la population, etc. De même, le refus de reconnaître ce qui se passait comme une
« guerre » ou un « conflit armé » permettait d’échapper à la fois aux obligations internationales
et à l'application des règles « contraignantes » du droit international humanitaire. L’avantage de
ne pas appeler les choses par leur nom réside dans le fait que les actions de l’État contre des
adversaires présentés comme des criminels - « bandits », « terroristes », « nationalistes »... -
sont nettement moins limitées par le droit national et les accords internationaux. Dans
l’ensemble, nous pensons que cette « normalisation de l’extrême » est un signe important du
caractère « hybride » des conflits armés de ces dernières décennies. Cependant, un tel
contournement des régimes juridiques élaborés par l’expérience humaine entraîne
inévitablement toutes sortes de conséquences imprévues. Dans le cas de l’« opération militaire
spéciale » en Ukraine, cette « prudence » des autorités russes s’est dans une certaine mesure
retournée contre elles.
***
La loi martiale n’ayant pas été déclarée, le pays vit selon les lois en vigueur en temps de paix.
Or, selon la loi, un soldat refusant de participer aux hostilités ne risquait que d’être renvoyé des
rangs des forces armées ou de la Rosgvardia pour non-respect de ses obligations
contractuelles. Confrontés à une résistance forte et organisée des forces armées ukrainiennes,
subissant des pertes, les membres des forces de sécurité ont été nombreux à refuser d’aller se
battre. Les premiers cas ont été enregistrés dès le 25 février, au deuxième jour de
l’« opération »61.
Il est intéressant d’examiner les mécanismes que le commandement russe a développés une
fois qu’il a eu pris conscience du problème. En avril, la communauté « Médiateur militaire »
(Voennyï ombudsmen), qui conseille les militaires russes, a publié un télégramme du
commandant des forces aéroportées comportant des instructions sur la manière de traiter
ceux qui refusaient de participer à la guerre. Le texte indiquait notamment que le refus de
participer à l’« opération militaire spéciale » devait être traité comme une faute disciplinaire
grave et un motif de résiliation du contrat62.
Le nombre exact de ces « récalcitrants » est inconnu. Très souvent, lorsqu’ils refusaient de
participer à l’« opération", ils étaient confrontés à des pressions et à des menaces de
poursuites pénales - non seulement de la part des commandants, mais parfois aussi de la
société - et ne cherchaient pas à se faire connaître. Au 8 avril 2022, les avocats de
l’organisation de défense des droits de l’homme Agora avaient été approchés par des militaires
et des membres de la Rosgvardiya refusant de partir ou de revenir en Ukraine, originaires de 17
villes et régions : Krasnodar, Vladikavkaz, Naltchik, Tcherkessk, Samara, oblast de Moscou,
Velikiï Novgorod, Simferopol, Novotcherkassk, Vladivostok, Stavropol, Abakan, Pskov,
Orenbuurg, Oulan-Oude, Saint-Pétersbourg, Smolensk63. Mais tous les « récalcitrants » ne sont
pas entrés en contact avec Agora, loin de là.
61
Nœud caucasien, 25.02.2022, https://www.kavkaz-uzel.media/articles/375918/
62
Chaîne Telegram « Médiateur militaire », 02.04.2022, https://t.me/military_ombudsmen/55.
63
Chaîne Telegram de P. Tchikov, 08.04.2022, https://t.me/pchikov/4812.
13
Le 28 février, des militaires du 121e Pon (NUM 3723, stationné en Kabardino-Balkarie et
relevant de la 49e obron de la Rosgvardia) qui avaient pris part à l’offensive contre Kharkiv et
s’étaient retrouvés en grande difficulté face aux forces armées ukrainiennes, sont retournés à
leur lieu de déploiement temporaire, près de Belgorod, et ont exprimé leur désir de rentrer chez
eux. Le lieutenant-colonel Ikaev, chef d’état-major du 121e Pon, les a menacés de leur faire
subir une inspection et de les faire juger en tant que « criminels de guerre ». Mais quelques
jours plus tard, ils ont rencontré un général de haut rang de la Rosgvardia, probablement le
général de division Mikhaïl Romanov, commandant adjoint du District du Caucase du Nord de
la Rosgvardia. Il a assuré qu’il n’y aurait aucune conséquence pour eux. Ils ont alors rendu leurs
armes et sont repartis vers leurs bases permanentes de Kabardino-Balkarie. Au total, jusqu’à
500 personnes y sont arrivées64.
Une fois en Kabardino-Balkarie, les membres de la Rosgvardia ont été licenciés pour avoir
« refusé de poursuivre leur mission ». Le licenciement a été présenté officiellement comme
« une sanction disciplinaire sous la forme d’un renvoi anticipé du service militaire en raison du
non-respect par le soldat des termes de son contrat » — sanction justifiée, selon le
commandement, par les « faibles qualités morales et le manque de volonté » des militaires
licenciés.
Au moins 140 d’entre eux ont fait appel de la décision : 115 membres ont formé un recours
collectif, tandis que 25 autres ont intenté des actions distinctes. D’après eux, ils n’ont pas violé
les ordres, ils ne se sont pas dérobés à leurs devoirs, mais ils ont demandé au
commandement de leur fournir des armes, des équipements et des installations appropriés à
la mission. En outre, la liste des tâches de la Rosgvardia ne comprenait pas d’opérations de
combat sur le territoire d’un autre État.
Le 25 mai, le tribunal militaire de la garnison de Naltchik a rendu son verdict dans le procès
intenté par 115 membres de la Garde russe, refusant de donner satisfaction à leur demande de
réintégration. Leurs intérêts étaient représentés au tribunal par l’avocat Andreï Sabinine65.
D’anciens membres de la Rosgvardia d’Ossétie du Nord ont également fait appel auprès du
tribunal militaire de la garnison de Vladikavkaz afin que leur licenciement soit reconnu comme
illégal. Un recours collectif a été déposé par 30 personnes, et d’autres recours ont été
examinés individuellement : il y a eu environ 40 demandeurs en tout. Le 26 mai, le tribunal a
statué que les 30 membres des forces de sécurité démobilisés devaient recevoir leur
allocation d’habillement qui n’avait pas été fournie pendant leur service ou être indemnisés
pour celle-ci, mais le recours collectif a été rejeté en ce qui concerne les demandes de
reconnaissance comme étant illégales des actions et des décisions des responsables
militaires liées à la responsabilité disciplinaire, au renvoi du service militaire et à l’exclusion des
listes de personnel des unités militaires66.
Le 29 mars, on a appris le refus de participer à la guerre de militaires originaires de la

république autoproclamée d’Ossétie du Sud — en l’occurrence la quasi-totalité du personnel de
l’un des groupes tactiques de bataillon (BTGr) formés à partir de la 4e base militaire (deux
64
Mediazona, 08.06.2022, https://zona.media/article/2022/06/08/ili-smrt.
65
Pour plus de détails sur le procès et sur les arguments des parties, se reporter à Centre de défense
des droits de l’homme « Memorial », 27.05.2022,
https://telegra.ph/115-byvshih-rosgvardejcev-otkazavshihsya-ehat-v-Ukrainu-budut-suditsya-dalshe-05-2
7.
66
Nœud caucasien, 26.05.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/377869/, 06.06.2022,
https://www.kavkazuzel.eu/articles/377903/, Mediazona, 08.06.2022,
https://zona.media/article/2022/06/08/ili-smrt.
14
compagnies de fusiliers motorisés et une batterie de mortiers) opérant dans la zone de
Donetsk, soit environ 300 personnes au total67.
Une source de Mediazona en Ossétie du Sud a affirmé que les troupes avaient été envoyées au
front pratiquement sans équipement, et qu’elles ont dû tout acheter à leurs propres frais. Mais
leur refus de participer aux opérations de combat a été causé par le fait que le
commandement n’a pas autorisé les soldats à récupérer le corps de l’un de leurs compagnons
d’armes tombé au front. « Pour nous, Ossètes, le corps d’un ami mort est sacré. Mais le
commandant leur a dit : oubliez le corps, on va envoyer un cercueil vide. Ils disent : nous
sommes des guerriers, nous ne sommes pas des lâches, mais il est hors de question pour nous
d’être envoyés à l’abattoir en sachant que notre corps pourrait ne même pas être récupéré », a
expliqué la source de Mediazona. Cette version des faits est corroborée par une transcription
de conversations téléphoniques68.
En mars, quelque 300 militaires de la 136e OMSBr (NUM 63354) stationné à Bouïnaksk, en
République du Daghestan, ont refusé de participer à l’« opération militaire spéciale ». Ils ont
quitté le territoire de la « DNR » autoproclamée, sont rentrés en Russie et ont présenté leur
démission, invoquant les très mauvaises conditions de préparation et d’approvisionnement de
l’« opération militaire spéciale » : les soldats se sont plaints d’avoir reçu des armes
défectueuses et d’avoir eu de graves problèmes avec les uniformes et les fournitures ;
beaucoup ont eu des engelures aux membres et plusieurs sont devenus invalides à cause de
cela.
Certains habitants du Daghestan auraient considéré les soldats rentrés comme des
déserteurs, estimant que les conditions déplorables dans lesquelles ces derniers ont servi ne
sont pas une excuse. « Les mères pleuraient, elles disaient que leurs fils avaient très froid, qu’ils
ne pouvaient pas se laver correctement. Je leur ai répondu : vous croyez que les tranchées
pendant la Grande Guerre patriotique, c’était confortable ? Qui va nous protéger, si ces gars
rentrent comme ça ? », a raconté un résident de Bouïnaksk69.
Le 3 mai, Kavkaz.Realii a rapporté qu’une cinquantaine de militaires du 58e bataillon

interarmes originaires de républiques du Caucase du Nord, dont 14 originaires d’Ossétie du
Nord, avaient intenté un procès au ministère de la Défense pour obtenir le droit d’être
réintégrés70.
Fin mai 2022, la Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense a

affirmé que plusieurs unités du 70e MSP avaient refusé de participer à des opérations de
combat et avaient exigé leur retour en Russie, et que le commandement russe avait tenté de
dissimuler ce fait. Ni le nombre exact de membres du régiment qui se trouvaient en Ukraine ni
le nombre de soldats refusant de combattre n’ont été rapportés71.
67
Page Facebook du Comité d’enquête des Forces armées ukrainiennes, 30.03.2022.
68
Mediazona, 31.03.2022, https://zona.media/article/2022/03/31/ossetia
69
The Moscow Times, 18.07.2022,
https://www.moscowtimes.nl/2022/07/18/minoboroni-raskrilo-imya-tretegokomanduyuschego-v-ukrain
e-a22361.
70
71
https://t.me/DIUkraine/508 ; Kavkaz.Realii, 20.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31859663.html ;
Hromadske, 02.04.2022,
https://hromadske.radio/ru/news/2022/05/18/neskol-ko-podrazdelenyy-70-hvardeyskoho-motostrelkov
ohopolka-rf-otkazalys-uchastvovat-v-voyne-protyv-ukrayn-razvedka.
15
Comme d’habitude, le cas de la République de Tchétchénie a ses propres spécificités. Le 3 juin,
le tribunal militaire de la garnison de Grozny, en Tchétchénie, a prononcé son verdict dans
l’affaire du commandant militaire Ali Moussaev. Le 23 avril, il a refusé de se rendre en mission
dans « une zone d’exécution de tâches spéciales » - une formulation de plus en plus utilisée par
les tribunaux russes pour décrire l’« opération militaire spéciale » en Ukraine, ce qui complique
sérieusement la recherche et l’analyse des documents relatifs aux cas des soldats
« récalcitrants ». Moussaev a reconnu devant le tribunal s’être « soustrait aux obligations du
service militaire ». Il a été condamné à dix jours de prison72
Nous ne disposons d’aucune information faisant état d’une victoire en justice d’un militaire
licencié. Il semble y avoir peu de chances que cela se produise. Un avocat d’une organisation
de défense des droits de l’homme spécialisée dans les droits des militaires estime que les
demandes de réintégration dans l’armée après le retour d’Ukraine sont vouées à ne pas
aboutir : il suffirait d’un seul cas où un militaire contestant son licenciement obtienne gain de
cause pour que les soldats refusent en masse d’aller combattre en Ukraine. « Pourtant, je
conseille aux militaires de s’adresser aux tribunaux, car leurs demandes seront enregistrées et,
par la suite, lorsque la situation aura évolué, elles seront réexaminées à l’initiative d’organes
judiciaires hiérarchiquement plus haut placés », ajoute l’avocat73.
Les crimes de guerre

La Direction principale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense estime que des
militaires des unités stationnées dans le Caucase du Nord énumérées ci-après ont été
impliqués dans des crimes de guerre :
● La 136e OMSBr de la Garde74 ;

● Le 50e régiment d’artillerie automotrice75 ;
● Le 291e MSP de la Garde76 ;
● La 291e brigade d’artillerie77 ;
● La 34e brigade de direction78 ;
● Le 177e régiment d’infanterie de marine79 ;
● La 106 brigade de navires de surface80 ;
72
Nœud caucasien, 05.06.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/377869/.
73
74
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-136-otdelnoi-motostrelkovoibryhady.html.
75
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-50-samokhodnohoartylleryiskoho-polka.html.
76
https://gur.gov.ua/content/voennye-prestupnyky-komandnyi-sostav-291-
hvardeiskoho-motostrelkovoho-polka-uchastvuiushchyi-v-sovershenyy-prestuplenyi-protyv-naroda-ukray
ny-nazaporozhskom-y-maryupolskom-napravlenyiakh.html.
77
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-291-artylleryiskoi-bryhady.html.
78
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-34-bryhady-upravlenyia.html.
79
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-177-otdelnoho-polka-morskoipekhoty-kaspyiskoi-flotyly
y.html.
80
https://gur.gov.ua/content/moriaky-kaspiiskoi-flotylii-rf-vidmovliaiutsiavykonuvaty-boiovi-zavdannia-cher
ez-avariinyi-stan-korabliv.html.
16
● Le 54e centre de formation au renseignement (NUM 90091, Ossétie du Sud-Alanie,
Vladikavkaz, relevant directement du commandement du District militaire du Sud81 ;
● Le 1327e centre de renseignement et d’opérations spéciales du GRU (NUM 25908,
Botlikh, Daghestan)82.
En règle générale, les communiqués de la Direction générale du renseignement du

ministère ukrainien de la Défense ne contiennent que l’affirmation que des militaires
d’une unité particulière sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre et une liste
du personnel ou des officiers de cette unité. Ni le lieu des crimes, ni la nature des
crimes commis ne sont précisés, et les faits à l’appui de l’accusation ne sont pas
fournis. Dans certains cas, comme celui des navires de la Flottille Caspienne, déployée
en mer Caspienne, on peut supposer avec un degré élevé de certitude que le crime en
question était un tir de missiles sur des cibles civiles. Mais en général, il est impossible
de se faire un avis sur l’essence et la validité des accusations.
Ramzan Kadyrov et les « kadyroviens »

dans l’« opération militaire spéciale en
Ukraine »
La fin 2021 et le début 2022 ont été difficiles pour le chef de la République tchétchène, Ramzan
Kadyrov, en grande partie du fait de ses propres initiatives.
À l’automne 2021, Kadyrov et son entourage ont lancé une campagne brutale à grande échelle
contre les militants les blogueurs d’opposition, en s’en prenant à leurs proches vivant en
Tchétchénie. Ces derniers ont fait l’objet d’intenses pressions, d’enlèvements et de détentions
illégales, ont été contraints à présenter publiquement des excuses à Kadyrov et à déclarer
qu’ils coupaient tout lien avec les activistes résidant à l’extérieur de la région. Cela a culminé
avec l’enlèvement démonstratif et arbitraire à Nijni Novgorod puis le transfert en Tchétchénie et
le placement en détention de Zarema Moussaeva, épouse de l’ancien juge de la Cour suprême
tchétchène Saïdi Iangoulbaev, mère de l’ancien avocat du Comité contre la torture Abubakar
Iangoulbaev et du militant de l’opposition Ibragim Iangoulbaev83.
Cette campagne déclenchée par Ramzan Kadyrov peut être considérée comme un échec.
Aucun des opposants ou blogueurs ciblés n’a été effrayé par ses menaces. Il a échoué à
mettre fin au travail des chaînes d’opposition. Personne, y compris parmi les exécutants des
ordres de Kadyrov, n’a cru à la culpabilité de Zarema Moussaeva. Les actions du chef de la
Tchétchénie ont retourné toute la société russe contre lui : ces sentiments ont été exprimés
81
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense,
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-54-tsentra-podhotovky-razvedyvatelnykhpodrazdelenyi.
html
82
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense,
https://gur.gov.ua/content/voennosluzhashchye-1327-tsentra-prymenenyia-razvedyvatelnykhpodrazdele
nyi-y-podrazdelenyi-spetsyalnoho-naznachenyia-hru.html.
83
Pour plus de détails sur cette affaire, consulter les bulletins du CDH Memorial consacrés aux
événements de l’automne 2021,
https://memohrc.org/ru/bulletins/byulleten-situaciya-v-zone-vooruzhyonnogo-konflikta-na-severnom-ka
vkazeosenyu-2021-goda, et de l’hiver 2021-2022.,
https://memohrc.org/ru/bulletins/byulleten-situaciya-v-zone-konfliktana-severnom-kavkaze-zima-2021-2
022-godov.
17
dans le message en forme de défi à Kadyrov lancé par l’homme politique d’opposition de
Moscou Ilia Iachine. Ce dernier a lancé une pétition demandant le limogeage de Kadyrov, qui a
recueilli plusieurs centaines de milliers de signatures. Les actions du « Padichah » et la
réaction publique à celles-ci — alors même que l’activité de l’opposition en Russie est réprimée
et que l’influence de l’opinion publique sur la prise de décisions politiques est minime — ont
attiré l’attention du Kremlin et provoqué son mécontentement à un moment où, comme nous
le savons à présent, des événements bien plus graves se préparaient en Ukraine.
Après une rencontre nocturne avec Vladimir Poutine le 3 février 2022, Kadyrov a déclaré que la
campagne contre l’opposition était terminée. Il est possible que ce soit à ce moment-là que
Poutine ait informé Kadyrov du projet d’« opération militaire spéciale » et du rôle qu’il pourrait y
jouer. Quoi qu’il en soit, Kadyrov a perçu cette opération contre l’Ukraine comme une chance de
se réhabiliter aux yeux du Kremlin et s’est immédiatement attelé à la tâche.
Le 25 février 2022, quelque 12 000 personnes se sont rassemblées devant la mosquée

principale à Grozny. Kadyrov a prononcé un discours devant elles, exigeant du président
ukrainien Vladimir Zelensky qu’il présente ses excuses à Vladimir Poutine et a déclaré que
70 000 personnes étaient prêtes à se porter volontaires pour combattre pour la Russie84. En
quittant le rassemblement, les forces de sécurité tchétchènes ont rejoint leurs unités plutôt
que d’aller au combat, mais la démonstration de force avait été spectaculaire85.
Ce terme s’applique également aux actions suivantes entreprises par Kadyrov et les
« kadyroviens ».
Les « kadyroviens » dans les forces régulières

Le terme « kadyroviens » est généralement utilisé pour désigner, depuis la fin des années 1990,
les groupes armés composés de Tchétchènes de souche, stationnés en République
tchétchène, qui font officiellement partie de la Rosgvardia ou de la direction du ministère de
l’Intérieur de la Fédération de Russie en République tchétchène, mais qui, en pratique, sont
subordonnés au chef de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov.
Il s’agit tout d’abord, de plusieurs unités et divisions relevant de la 46e obron de l’Ordre de
Joukov de la Rosgvardia86 (NUM 3025)87. Les plus connus d’entre elles sont le 141e régiment
motorisé spécial « Nord » portant le nom du héros de la Fédération de Russie Akhmad Kadyrov,
et le 249e bataillon motorisé spécial « Sud ». Il convient de préciser d’emblée que toutes les
unités de la 46e brigade ne peuvent être considérées comme des « kadyroviens ». Outre la 46e
brigade, sont également déployés en République tchétchène le détachement des forces
spéciales mobiles (OMON) « Akhmat-Grozny », la force spéciale de réaction rapide (SOBR)
« Akhmat » (anciennement Terek), l’OMON motorisé « Akhmat-Krepost » ainsi que le régiment
de police « Département de la sécurité extra-départementale des forces de la Rosgvardia de
Russie en République tchétchène » (anciennement régiment de police pour la protection des
installations pétrolières et gazières du département de la protection extra-départementale de
la Rosgvardia en République tchétchène, officieusement appelé « Neftepolk »). Tous les
combattants de ces unités se qualifient eux-mêmes de « kadyroviens ».
84
« La Tchétchénie aujourd’hui », 25.02.2022, https://chechnyatoday.com/news/353326.
85
Kavkaz Uzel, 26.02.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/373610/.
86
Service fédéral des troupes de la garde nationale de la Fédération de Russie (Rosgvardia).
87
Copie archivée du site du district du Caucase du Nord de la Rosgvardia,
https://web.archive.org/web/20170419235150/http://www.milkavkaz.net/2016/04/nacionalnaya-gvardi
ya-rf.html.
18
La direction du ministère de l’Intérieur de la fédération de Russie pour la République
tchétchène se compose de 20 départements de police de ville et de district, d’un département
de police de la route et d’un régiment de police spécial portant le nom du héros de la Russie
Akhmad Kadyrov (anciennement régiment de service de patrouille et de contrôle n° 2 ;
commandant : Zamid Tchalaev).
La principale caractéristique de la quasi-totalité de ces structures est d’être optimisées pour

mener à la fois des « activités opérationnelles d’enquête » illégales — y compris des détentions
et des enlèvements, des détentions dans des prisons secrètes, des tortures et des exécutions
extrajudiciaires — et des « activités opérationnelles de combat », telles que les « opérations de
ratissage » dans les zones d’habitation et les recherches de rebelles armés dans les zones
montagneuses et boisées. C’est cette deuxième « spécialisation » qui a été particulièrement
soulignée et mise en avant par les dirigeants de la république.
Les effectifs totaux de toutes les structures et unités effectivement placées sous le contrôle de
Ramzan Kadyrov sont inconnus, mais on estime qu’ils pourraient s’élever à 16-18 000
hommes.
Formellement, le chef d’une entité constitutive de la Fédération de Russie ne dispose d’aucun

levier lui permettant de commander et de contrôler de toutes ces formations armées.
Cependant, Poutine accorde à Kadyrov une position spéciale dans son système de pouvoir. Par
exemple, en 2009, Kadyrov a été promu au rang de major général de la police, ce qui lui a
permis de justifier sa prétention à commander directement des structures relevant de la police,
en violation de l’échelle de subordination établie au sein ministère de l’Intérieur. Plus
récemment, lors de la formation des structures de la Rosgvardia et du transfert des unités de
police les plus aptes au combat, telles que les OMON et les SOBR, du ministère de l’Intérieur
vers ces structures, certains observateurs ont prédit que ces unités seraient désormais
retirées des mains de Kadyrov. Il a même été dit que cette réforme des services de sécurité
avait été lancée spécialement afin de limiter l’influence du leader tchétchène. Puis des rapports
ont fait état de frictions entre la direction de la Rosgvardia et Kadyrov à ce sujet. Cependant, en
2020, contrairement à certaines attentes naïves, Poutine a promu Kadyrov au rang de
major-général de la Rosgvardia et, en 2022, au rang de lieutenant-général.
En outre, Charip Delimkhanov, un « kadyrovien » loyal de longue date, membre du clan qui fait
partie depuis longtemps du cercle restreint du « Padichah» , occupe le poste de chef du
département du Service fédéral des troupes de la Rosgvardia en République tchétchène. Ainsi,
Kadyrov a non seulement la possibilité de commander les « kadyroviens » qui relèvent du
ministère de l’Intérieur et de la Rosgvardia, mais aussi de garder sous son contrôle l’ensemble
de la 46e brigade. Depuis le début des hostilités en Ukraine, des unités formées de
« kadyroviens » ont participé aux actions des forces russes. Des unités de la Rosgvardia
d’autres régions ont également été envoyées dans la zone de guerre exactement de la même
manière. Mais ce sont les « kadyroviens » qui ont été mis en avant à travers une campagne
agressive de relations publiques, à la fois apologétique et martiale. Tout d’abord, Kadyrov et
son entourage ont été extrêmement actifs dans ce sens (voir « La campagne de relations
publiques des kadyroviens » ci-dessous) et cherchent à présenter les « kadyroviens » comme
le fer-de-lance de toute l’« opération spéciale ». Cette tendance a été reprise par les médias
russes pro-gouvernementaux, ce qui leur a permis d’opposer l’« internationalisme russe » au
« nazisme ukrainien ». Cependant, l’activité excessive de Kadyrov, qui s’est engagé dans des
polémiques avec d’autres responsables fédéraux, a abouti à ce que, à un moment donné, les
médias fédéraux se sont vus interdire de citer les déclarations de Kadyrov sans obtenir
19
l’assentiment préalable des autorités88. À l’inverse, les médias d’autres pays, y compris
d’Ukraine, ont initialement accordé une attention disproportionnée à Kadyrov et aux
« kadyroviens ».
Volontaires ou mercenaires ?
En plus des « Kadyroviens » relevant des forces régulières, des détachements
de « volontaires » formés par les autorités de la République tchétchène combattent également
en Ukraine. Dans les médias, ils sont souvent qualifiés de « kadyroviens ». Or dans la plupart
des cas cette étiquette est en l’espèce injustifiée, même si Kadyrov et son entourage ont lancé
une campagne de relations publiques autour de ces unités.
Ramzan Kadyrov a affirmé à plusieurs reprises avoir envoyé des « volontaires » en Ukraine
pour prendre part à l’ « opération militaire spéciale »89. Il n’était pas toujours évident de
comprendre à qui il faisait référence exactement : parfois, il s’agissait de membres actifs des
services de sécurité, mais le plus souvent, il s’agissait de civils recrutés dont le statut juridique
n’était pas précisé.
Depuis avril 2022, une campagne de recrutement visant à envoyer des hommes en Ukraine a
été lancée dans l’ensemble de la Russie, car un mois et demi après le début de la campagne
militaire, après l’échec du « Blitzkrieg » initial, les forces russes ont commencé à souffrir d’un
manque aigu de soldats et d’officiers.
Dans ces circonstances, les autorités tchétchènes ont réussi à mettre sur pied un système
permettant d’envoyer de façon continue des « volontaires » vers la zone de guerre. La base
d’entraînement utilisée pour cela était l’ « Université des forces spéciales russes à
Gudermes »90, où les « volontaires » recevaient une formation militaire de dix jours (en avril)
puis de sept jours (les mois suivants).
Un premier détachement d’environ un millier de « volontaires », placé sous le commandement

d’Apti Alaoudinov91 — conseiller de Kadyrov pour les questions sécuritaires — a été envoyé en
Ukraine moins d’un mois après le début des hostilités, le 17 mars92. Cette unité était composée
de résidents de la République tchétchène, attirés par la promesse de salaires élevés selon les
normes locales. Cette motivation est très répandue dans toutes les régions pauvres de Russie,
88
Radio Liberté, 05.05.2022,
https://www.svoboda.org/a/rossiyskim-gossmi-zapretili-tsitirovatj-kadyrova-bezsoglasovaniya-s-rukovo
dstvom/31835781.html.
89
Chaîne Telegram de Ramzan Kadyrov, 17.03.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1492, 22.03.2022,
https://t.me/RKadyrov_95/1560, 24.03.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1596, 02.04.2022,
https://t.me/RKadyrov_95/2210.
90
Chaîne Telegram de Ramzan Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1914 91
91
Pour Apti Alaoudinov, il s’agissait clairement d’une tentative de remettre sur les rails sa carrière.
Jusqu’au printemps 2021, il avait été vice-ministre de l’Intérieur de la République tchétchène, et son
travail donnait satisfaction à sa hiérarchie. Mais à ce moment-là, il a été rapporté à Kadyrov
qu’Alaoudinov ne lui était pas suffisamment loyal, et il a été limogé et placé « en réserve », au poste
insignifiant de conseiller. Voir.
https://memohrc.org/ru/bulletins/byulleten-situaciya-v-zone-konflikta-na-severnom-kavkaze-ocenkaprav
ozashchitnikov-osen.
92
Chaîne Telegram de Ramzan Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1492
20
y compris la Tchétchénie93 . Cependant, les volontaires prêts à partir en guerre (même pour un
bon salaire) pour aller « dénazifier et démilitariser » l’Ukraine n’étaient pas très nombreux dans
la république, notamment parce que des récits faisant état de « volontaires » n’ayant pas reçu
l’argent promis y ont largement circulé. Parfois, au moment de signer leur contrat, ils étaient
contraints de signer également une feuille blanche qui, s’ils étaient blessés ou tuait, se
transformait en demande de résiliation du contrat, suite à quoi le « volontaire » ou ses proches
se voyaient refuser tout paiement94.
À partir du mois d’avril, les autorités tchétchènes ont commencé à recruter des « volontaires »
dans d’autres régions de Russie et même dans les pays de la CEI. Des annonces de
recrutement en vue de participer à l’« opération spéciale »95 sont apparues sur les réseaux
sociaux : les personnes intéressées étaient invitées à venir à Grozny et à déposer leur
candidature à la mairie de la ville. On leur promettait un paiement forfaitaire de 300 000
roubles pour deux mois en Ukraine. Les conditions étaient minimales : aucune expérience du
combat ni même du service militaire n’était requise : il suffisait d’être un homme âgé de 23 à 50
ans en bonne santé mentale et physique pour être accepté. Le ministère de la Défense ne
signait pas de contrat avec eux, et ces nouveaux soldats recevaient de l’argent en mains
propres juste avant d’être envoyés en Ukraine96. Ensuite, les conditions ont changé. Ainsi, le 9
juin 2022, la Chaîne des volontaires tchétchènes a signalé97 le lancement de recrutements
contractuels à court terme (3 mois) destinés à des personnes âgées de 20 à 49 ans et en
bonne condition physique. Il s’agissait de recruter des soldats, des sergents, des adjudants et
des officiers de réserve, pour servir en tant que fusiliers motorisés et membres d’équipage de
chars. Toutefois, avoir effectué le service militaire n’était pas exigé (!). Le contrat ne pouvait
pas être signé :
- si le candidat donnait sciemment de fausses informations sur lui-même (les informations
étaient vérifiées dans les bases de données du ministère de l’Intérieur) ;
- s’il possédait un casier judiciaire comportant une condamnation non purgée ou non effacée ;
- s’il se trouvait sous le coup d’une condamnation en cours à une peine administrative pour
usage de stupéfiants ;
- s’il avait servi dans l’armée en tant que contractuel et avait été licencié pour perte de
confiance ;
- s’il était recherché par les organes judiciaires.
Les paiements promis étaient détaillés comme suit :

- 1. une somme forfaitaire de 50 000 roubles versée en espèces le jour du déploiement ;
- 2. un salaire de 25 500 à 30 500 roubles + 25 000 roubles pour le poste militaire occupé, le
montant minimum par mois étant de 50 000 roubles ;
- 3. 53 dollars par jour au taux de la banque centrale (à partir de 100 000 roubles par mois) ;
- 4. 8 000 roubles par jour en cas de participation à des opérations offensives actives.
93
La République tchétchène, l’un des principaux bénéficiaires du budget russe, se caractérise par
d’immenses inégalités en termes de richesse. Si l’« élite » de Kadyrov baigne dans l’argent, la majorité de
la population a du mal à joindre les deux bouts.
94
Informations recueillies par le personnel de Mémorial en Tchétchénie, The Insider,
15.06.2022
95
Voir, par exemple, « La Chaîne des Volontaires de Tchétchénie », https://t.me/dobrovolci_chechnya/2,
et « Sébastopol Vkontakte», https://vk.com/login?to=%2Fal_feed.php&u=2&w=wall-206278772_20784.
96
« Agenstvo », 19.04.2022, https://t.me/agentstvonews/279, Kavkaz.Realii, 26.04.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31812169.html.
97
Chaîne des volontaires, 05.05.2022, https://t.me/s/dobrovolci_chechnya/46.
21
Au total, l’allocation en espèces pour le premier mois s’élèvera, en tenant compte du paiement
forfaitaire, à 200 000 roubles, et pour les mois suivants l’allocation minimale en espèces sera
d’au moins 150 000 roubles par mois.
En cas de blessure, le volontaire recevra une somme forfaitaire de 3 000 000 de roubles et une
indemnité d’assurance de 74 211,60 roubles en cas de blessure mineure et de 296 846,40
roubles en cas de blessure grave. Dans l’éventualité de son décès, les membres de sa famille
devaient recevoir (à parts égales) :
- une somme forfaitaire de 5 000 000 de roubles ;
- un versement d’assurance de 2 968 464,04 de roubles ;
- une pension forfaitaire de 4 452 696,06 RUB ;
- une pension pour perte de soutien de famille.
En cas de destruction de matériel ou de combattants ennemis, un paiement supplémentaire

de 50 000 à 300 000 de roubles était prévu, détaillé comme suit :
- avion - 300 000 roubles ;
- hélicoptère - 200 000 roubles ;
- char - 100 000 roubles ;
- combattant ennemi de peloton (sic !) - 100 000 roubles ;
- drone, véhicule blindé, véhicule de défense anti-aérienne, système de lance-roquettes
multiple, canon automoteur, combattant ennemi d’escouade (sic !) - 50 000 roubles.
Ces promesses se sont révélées tentantes pour les habitants de nombreuses régions russes.
Il convient de noter que les paiements susmentionnés promis aux « volontaires » dépassent
nettement les revenus non seulement de la plupart des résidents des régions russes sinistrées,
mais aussi ceux de la plupart des Russes en général, ce qui invite à s’interroger sur la notion
même de « volontaire ».
Dans sa couverture des conflits armés, la propagande russe a traditionnellement utilisé, et

utilise encore aujourd’hui, le terme « mercenaires » pour désigner les personnes qui participent
aux combats aux côtés de l’ennemi. Les propagandistes ne prennent pas la peine de prouver
que telle ou telle personne correspond au statut de « mercenaire », faisant mine de croire que
cela va de soi. Wikipedia donne la définition suivante de « mercenaire » : « Personne qui
s’engage dans un conflit armé non pas pour des considérations idéologiques, nationales ou
politiques (et qui n’appartient pas à un groupe idéologique intéressé par l’issue du conflit) et non
pas du fait d’obligations militaires, mais pour son profit personnel. » Les règles du droit
humanitaire offrent une définition plus détaillée, notamment l’article 47(2) du Premier
Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1977 qui stipule que le mercenaire est
une personne qui « prend part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage
personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une
rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des
combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie ».
En affirmant que des « mercenaires » combattaient aux côtés des forces armées ukrainiennes,
la partie russe n’a jamais montré de preuve d’une telle « rémunération matérielle » — tout
comme elle n’avait pas présenté de telles preuves par le passé à propos des Ukrainiens et des
Arabes qui auraient combattu aux côtés des Tchétchènes lors des première et deuxième
guerres de Tchétchénie. Nous ne disposons pas non plus d’éléments à ce sujet. Il est aisé de
comprendre pourquoi en janvier 1995 la propagande avait commencé à employer ce terme : il
fallait expliquer d’une manière ou d’une autre l’échec de la prise de Grozny, d’où l’évocation de
« centaines de mercenaires arabes et ukrainiens » qui auraient aidé les Tchétchènes à résister.
22
En outre, l’affirmation que l’adversaire avait recours à des « mercenaires » permettait de mettre
en doute le statut de l’ennemi en tant que partie au conflit : cet élément de langage était
associé à d’autres affirmations, comme celle que l’ennemi ne contrôlait pas de territoires de
façon organisée, qu’il employait des méthodes terroristes et qu’il se livrait à la torture et au
meurtre des prisonniers. Les mêmes propos de propagande sont aujourd’hui tenus à l’égard de
la partie ukrainienne pour la discréditer. Quand des combattants étrangers pro-ukrainiens sont
capturés, ils sont accusés d’être des « mercenaires », ce qui constitue un prétexte pour leur
refuser le statut de prisonniers de guerre.
Pour en revenir aux « volontaires » évoqués plus haut, nous ne prétendons pas qu’ils
correspondent aux définitions de « mercenaire » (peut-être certains d’entre eux sont-ils
réellement guidés par des « considérations nationales, politiques ou idéologiques »). Nous ne
savons même pas quelles conditions matérielles, quels montants de paiements et de
compensations sont définis dans les contrats précédemment valides de l’armée russe, dans
quelle mesure ces obligations sont remplies et si elles sont considérablement inférieures aux
paiements promis aux « volontaires ». Cependant, au vu des éléments énumérés ci-dessus —
qui font état de salaires élevés et de compensations plus que généreuses, certaines questions
se posent inévitablement quant au statut réel de ces nouveaux « volontaires ».
***
Le 15 mai, la Direction principale du renseignement (GUR) du ministère ukrainien de la Défense

(MoD) a publié une liste de « combattants de la République tchétchène » ayant participé à
« l’invasion de l’Ukraine ». La liste contient des informations sur 2 425 personnes qui, à
différents moments entre le 16 mars et le 4 mai 2022, ont quitté la République tchétchène pour
prendre part aux combats en Ukraine. Nous ne savons pas comment cette liste est entrée en
possession du ministère ukrainien de la Défense (elle a peut-être été récupérée auprès d’une
formation de volontaires vaincue au combat). Nous avons vérifié les deux tiers des noms
contenus dans cette liste de personnes originaires de Tchétchénie et tuées en Ukraine. Au
cours de cette vérification, que nous avons effectuée dans 16 localités de Tchétchénie, nous
n’avons pas trouvé une seule erreur ou inexactitude dans la liste98. Cela nous permet d’affirmer
avec un haut degré de certitude que les informations contenues dans cette liste correspondent
globalement à la réalité.
Dans le bref texte de synthèse qui précède la liste, la GUR qualifie ces combattants de
« kadyroviens ». C’est un abus de langage. Il n’y a pas un seul « kadyrovien » relevant de la
Rosgvardia ou du ministère de l’Intérieur de la République tchétchène sur cette liste : c’est une
liste de « volontaires ». La colonne « subdivision, groupe » de la liste n’indique pas réellement la
subdivision, mais plutôt l’agence à travers laquelle le recrutement a été effectué (la mairie, la
base Akhmat, le département de la police du district de Sernovodskii, le régiment de service de
patrouille et de contrôle Kadyrov99, etc.) ou bien le commandant de la formation de volontaires
au sein de laquelle le « volontaire » a été enrôlé au départ (Apti Alaoudinov, « Dobryï »100, etc.).
Cette liste montre l’évolution rapide du processus de recrutement. Les 929 personnes qui sont
parties en Ukraine en mars étaient, à quelques exceptions près, des Tchétchènes résidant dans
98
Chaîne Telegram « Polnyi PZ »,
https://telegra.ph/Skolko-zhitelej-CHechni-pogibli-v-Ukraine-Minimalnayaocenka-06-10
99
C’est ainsi que, par exemple, le Russe Denis Andréevitch Laptev, originaire du village de
Dranovchtchina (région d’Irkoutsk), figure dans la liste en tant que membre du régiment d’élite de service
de patrouille et de contrôle portant le nom de Kadyrov, où ne servent en réalité que des personnes
originaires de la République tchétchène.
100
Surnom de Rouslan Guéreméev, un officier du 141e régiment spécial « Nord » de la Rosgvardia.
23
la République tchétchène. Depuis le début du mois d’avril, on retrouve parmi les « volontaires »
de plus en plus de personnes originaires d’autres régions du pays. Depuis le 8 avril, la grande
majorité des « volontaires » ne sont pas des Tchétchènes, mais des personnes venues de 76
sujets de la Fédération de Russie - de l’oblast de Kaliningrad au kraï du Kamtchatka et de
l’oblast de Mourmansk à la République du Daghestan.
À noter que les « volontaires » comprennent également des citoyens du Kirghizistan, de

Biélorussie, du Tadjikistan, d’Ouzbékistan et de la République autoproclamée d’Abkhazie. Les
résidents de la République tchétchène représentent 55 % du nombre total des « volontaires »
figurant sur la liste publiée par la GURMO.
***
Entre mars et juin 2022, Ramzan Kadyrov a indiqué sur sa chaîne Telegram qu’au moins 13
groupes de volontaires avaient été envoyés en Ukraine101, donnant des chiffres à plusieurs
reprises : « 1 000 combattants », « plus de 600 combattants , « 200 hommes ». Des vidéos
montrant ces groupes ont également été publiées : on y voyait plusieurs dizaines de
personnes, possiblement jusqu’à deux cents personnes.
La volonté d’assurer un flux constant de « volontaires » partant pour l’Ukraine a incité les
autorités à recruter un grand nombre de personnes ayant un casier judiciaire et des
condamnations pénales non purgées. Selon les estimation de la chaîne Telegram « Mojem
obyasnit » (Nous pouvons expliquer), sur les 953 volontaires tchétchènes partis en Ukraine en
mars dont la liste a été publiée par les services de renseignement ukrainiens, au moins 101 ont
été condamnés au pénal par le passé ou dont la peine n’a pas fini d’être purgée102 . D’anciens
criminels figuraient également parmi les résidents d’autres régions russes envoyés en Ukraine
via la Tchétchénie au cours des mois suivants103. On ignore si cette pratique a cessé après que
les exigences adressées aux « volontaires » potentiels ont été renforcées fin mai/début juin.
Le statut de ces « volontaires » n’est pas tout à fait clair. On ne sait pas quels documents ils
signent. Par exemple, jusqu’à la prise de Lissitchansk en juillet 2022, Ramzan Kadyrov a fait
état à plusieurs reprises d’actions des « unités de volontaires russes de la République
tchétchène sous le commandement d’Apti Alaoudinov », qualifiant Alaoudinov de
« responsable de la direction de Lougansk dans le cadre de la libération des républiques
indépendantes du Donbass »104. Ce détachement est parti pour l’Ukraine le 17 mars. Ses
membres n’ont pas servi de renfort opérationnel à des unités déjà sur place ; le détachement a
en fait opéré pendant quatre mois comme une unité séparée, mais on ne sait pas à qui il était
subordonné et à quelles structures il appartenait. Le détachement d’Alaoudinov opérait
conjointement avec le 2e corps de la « milice populaire de la LNR », mais n’en faisait
101
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, 17.03.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1492, 22.03.2022,
https://t.me/RKadyrov_95/2330, 25.06.2022, https://t.me/RKadyrov_95/2413.
102
Chaîne Telegram « Mozhem obyasnit », 29.05.2022, https://t.me/mozhemobyasnit/12513, Meduza,
29.05.2022,
https://meduza.io/news/2022/05/29/telegram-kanal-mozhem-ob-yasnit-sredi-otpravivshihsya-voevat-v-
ukrainudobrovoltsev-iz-chechni-est-osuzhdennye-u-kotoryh-esche-ne-istek-srok-nakazaniya.
103
https://t.me/mozhemobyasnit/12408.
104
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1725, https://t.me/RKadyrov_95/1953,
24
apparemment pas partie, car Kadyrov a qualifié cette « milice populaire » de « troupes
alliées »105.
Rouslan Leviev, fondateur du groupe d’enquêteurs Conflict Intelligence Team, a également

souligné que toutes les informations connues sur les « volontaires » venus de Tchétchénie se
limitent à des messages de Ramzan Kadyrov concernant leur envoi en Ukraine : « On ne sait
pas clairement de quelles structures ils font partie et qui les commande. » Selon Leviev, tant
les « kadyroviens » réguliers que les « volontaires » de Tchétchénie ne servent qu’à une chose :
faire la promotion de Ramzan Kadyrov106.
Le 26 juin, Kadyrov a annoncé le début de la formation de quatre nouveaux bataillons en

Tchétchénie : « Nord-Akhmat », « Sud-Akhmat », « Ouest-Akhmat » et « Est-Akhmat »107,
précisant que leurs effectifs seraient constitués « ni de volontaires de tout le pays, ni de
membres de la Rosgvardia, mais exclusivement de citoyens de la république et dans le cadre
du ministère de la Défense »108. Nous pouvons en tirer la conclusion à première étrange que,
jusqu’alors, les volontaires venus de Tchétchénie étaient d’une manière ou d’une autre affiliés à
la Rosgvardia.
Il est difficile de dire si ces propos de Kadyrov signifiaient l’abandon de la pratique consistant à
envoyer massivement en Ukraine, à partir de Tchétchénie, des volontaires venus de diverses
régions de Russie. Il n’est pas certain que les autorités tchétchènes trouveront dans la
république suffisamment de personnes prêtes à rejoindre ces bataillons. Rappelons qu’au
cours des mois précédents, le flux des personnes prêtes à aller se battre en Ukraine s’était
rapidement tari.
Il convient de noter que la formation effective de ces bataillons a commencé plus tôt que ce
qui avait été annoncé. Dès début juin, des messages circulant sur les réseaux sociaux et les
services de messagerie tchétchènes appelaient les hommes âgés de 21 à 49 ans à signer des
contrats et à rejoindre le bataillon Vostok-Akhmat, au sein de l’unité 65384 (291e MSO de la
Gardes, 42e MSD de la Garde)109.
Le 28 juin, le président du Parlement de la République tchétchène et chef du « quartier général

de l’opération militaire spéciale en République tchétchène », Magomed Daoudov, a passé en
revue le bataillon « Zapad-Akhmat » et a présenté aux combattants le commandant du
bataillon, Ismail Agouev. Le 29 juin, le bataillon « Akhmat-Vostok » a été passé en revue à son
tour, et Aslanbek Saliev, ancien commandant du régiment de police de la circulation routière du
ministère de l’Intérieur de la République tchétchène, a été nommé à sa tête110.
Le 6 juillet, lors d’une « réunion avec les combattants et les commandants de la République
tchétchène revenus de la ligne de front »111, Ramzan Kadyrov a soudain évoqué un autre
aspect de la question : l’aspect économique. Selon lui, la formation de quatre bataillons signifie
105
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, 02.07.2022, https://t.me/RKadyrov_95/248
106
107
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, 26.06.2022, https://t.me/RKadyrov_95/2438.
108
https://topwar.ru/198299-v-chechne-nachinaetsja-formirovanie-chetyreh-novyh-batalonov-dlja-uchastija-
vsvo.htm
109
The Insider, 15.06.2022.
110
https://t.me/RKadyrov_95/2462
111
Compagnie d’État tchétchène de télévision et de radio « Grozny », 07.07.2022,
https://m.youtube.com/watch?v=0y-ZkTgnHpI.
25
la création de 1 800 emplois, ce qui, dans des circonstances normales, coûterait des milliards
de roubles. La guerre semble devenir un secteur économique de plus en plus important pour la
république.
***
Depuis la mi-mai environ, des informations sont apparues dans les médias et sur les chaînes
Telegram concernant des résidents tchétchènes qui auraient été contraints de se porter
volontaires pour aller combattre en Ukraine.
Le 13 mai, l’association tchétchène de défense des droits de l’homme Wayfond, basée en

Suède, a fait état de dizaines d’appels de résidents tchétchènes demandant de l’aide pour
quitter la Russie afin d’éviter d’être envoyés en Ukraine112.
« Nous disposons d’une demande envoyée par employé d’une structure administrative, qui dit
avoir été forcé de signer un tel document. Jusqu’à leur envoi au front, les gens dans son cas
sont gardés en réserve. Parfois, des personnes qui n’ont aucun lien avec les structures étatiques
sont également contraintes de signer des documents par lesquels ils expriment leur désir de
partir en Ukraine en tant que volontaires. En outre, ces gens constatent que les montants des
indemnités prévues en cas de blessure ou de décès indiqués sur les documents qu’on les force à
signer sont plusieurs fois inférieurs aux montants officiels », a déclaré un représentant de
Wayfond, soulignant que les gens concernés sont effrayés et n’osent pas sortir de
l’anonymat113.
Plus tard, le mouvement d’opposition « Adat » a signalé qu’au moins 130 personnes avaient été
enlevées et emprisonnées illégalement dans diverses régions de Tchétchénie et contraintes de
devenir des « volontaires » et de participer à l’« opération militaire spéciale », sous la menace
de faire l’objet d’inculpations criminelles fabriquées de toutes pièces, de voir leur proches
kidnappés et leurs proches de sexe féminin soumises à diverses procédures humiliantes. Dans
certains cas, les forces de sécurité ont extorqué une rançon pour laisser les gens tranquilles114.
Le militant des droits de l’homme Aboubakar Iangoulbaev estime qu’il n’y a pas de système de
recrutement forcé de « volontaires » en Tchétchénie. Selon lui, les informations en ce sens
pourraient provenir de Tchétchènes souhaitant obtenir le statut de réfugié en Europe.
« Quarante hommes ayant un casier judiciaire ont récemment été interpellés à Argoun et se sont
vus proposer d’aller se battre. Ils ont refusé. Ils sont tous rentrées chez eux, aucun d’entre eux n’a
été emprisonné », a déclaré Iangoulbaev à Kavkaz.Realii115.
***
En mai, le site Kavkaz.Realii a fait état de cas de détentions illégales en Tchétchénie pour
forcer les gens à s’engager comme « volontaires »116. Memorial a ensuite découvert les détails
de trois épisodes de ce type : des hommes avaient été emmenés de leur domicile à Grozny et
amenés à des postes de police locaux, où ils avaient été contraints soit à signer un document
d’engager, soit à payer. Afin de leur éviter d’être envoyés en Ukraine, leurs proches ont payé une
rançon pour ces trois hommes, en payant entre 200 000 et 500 000 roubles.
112
Chaîne Telegram de Wayfond, 13.05.2022, https://t.me/vayfond/2475.
113
114
Adat, 17.05.2022, https://t.me/IADAT/12913, Kavkaz.Realii, 17.05.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31854345.html, The Insider, 15.06.2022.
115
116
26
Plus tard, le Centre des droits de l’homme Memorial a reçu des informations en provenance de
Tchétchénie selon lesquelles des membres des structures de pouvoir locales enlevaient des
hommes et les forçaient à signer des documents par lesquels ils se portaient « volontaires »
pour se rendre en Ukraine afin d’y participer à l’« opérations militaire spéciale », ou exigeaient
que leurs proches versent une somme comprise entre 250 000 et 500 000 roubles pour leur
libération. Ceux qui refusent de s’inscrire comme « volontaires » ou de payer sont menacés de
détention illégale au poste de police et de la fabrication ultérieure d’une inculpation pénale. Les
personnes détenues dans les départements ont subi des violences.
Une vérification de ces rapports a révélé qu’au cours de la seconde moitié du mois de juin, au
moins 15 de ces « volontaires » potentiels ont été emmenés au département de police de
Grozny. La plupart d’entre eux ont été détenus là, bien que certains aient été emmenés dans
les commissariats de police du district. Selon certaines informations, cette pratique s’est
poursuivie en juillet. Nous sommes en train de vérifier cette information.
Les familles des personnes interpellées avaient peur de contacter le bureau du procureur ou le
comité d’enquête. Elles ont recherché leurs proches détenus illégalement par le biais de
contacts personnels et ont essayé de trouver des moyens de les libérer.
Les personnes interpellées dans ce cadre étaient généralement des hommes jeunes qui
avaient déjà attiré l’attention des forces de l’ordre pour une raison ou pour une autre. Les
propriétaires de petites entreprises étaient également ciblés.
Leurs proches ont déclaré que ces opérations de police ont commencé en mai 2022. Selon
eux, les chefs des commissariats étaient alors tenus d’assurer un flux de « volontaires » et de
garantir à ces derniers un paiement initial de 300 000 roubles. Les forces de l’ordre
s’acquittaient de deux tâches : elles augmentaient le nombre de « volontaires » ou elles
recevaient de l’argent pour les paiements nécessaires. Ceux qui ne pouvaient pas payer étaient
obligés de signer un contrat.
Ainsi, on peut affirmer que malgré toutes les dispositions prises, le flux de « volontaires » est
clairement insuffisant, ce qui pousse les autorités locales à leurs mesures habituelles :
chantage, intimidation et répression.
Combien de « kadyroviens » et de « volontaires » ont été envoyés combattre en Ukraine ?
Comme nous l’avons indiqué plus haut, la GUR du ministère ukrainien de la Défense a publié
une liste de 2 425 « volontaires » déployés en Ukraine entre le 16 mars et le 4 mai 2022117 . Le
23 mai, Ramzan Kadyrov, s’adressant à des étudiants et des écoliers russes lors d’une
émission en direct du marathon « Nouveaux Horizons », a déclaré que quelque 3 000 membres
des forces de sécurité (c’est-à-dire des « kadyroviens » réguliers) de Tchétchénie étaient
impliqués dans l’« opération militaire spéciale »118.
Le 6 juin, le président du Parlement tchétchène, Magomed Daoudov, a indiqué que 8 172

personnes au total avaient quitté le territoire tchétchène pour prendre part à l’« opération
militaire spéciale » en Ukraine. Ce nombre comprend 1 794 combattants d’autres régions et
117
Chaîne Telegram de la GUR de l’Ukraine, https://t.me/DIUkraine/492.
118
Kavkaz.Realii, 23.05.2022, https://www.kavkazr.com/a/31861988.html,
https://www.youtube.com/watch?v=FgrcLhDnvoY.
27
1 360 volontaires de Tchétchénie119. L’avocat et militant des droits de l’homme Aboubakar
Iangoulbaev, quant à lui, affirme que seuls 1 400 natifs de Tchétchénie ont été recrutés, et que
trois mille combattants au total ont été envoyés en Ukraine à partir de la république.
« N’importe qui peut venir en Tchétchénie maintenant et aller au front. Non seulement en
provenance des autres régions de Russie, mais aussi des pays de l’OTSC, c’est-à-dire de
Biélorussie, d’Arménie, du Kirghizstan et du Kazakhstan », a-t-il déclaré120. L’affirmation de
Iangoulbaev selon laquelle les chiffres avancés par Daoudov sont exagérés doit être
considérée avec attention, car les informations données par Iangoulbaev sur les pertes au
combat sont généralement très fiables.
Un mois plus tard, le 6 juillet, lors de la « réunion avec les combattants et commandants
tchétchènes de retour du front » évoquée plus haut121, Ramzan Kadyrov a affirmé que dix mille
combattants de la République tchétchène participaient aux opérations en Ukraine, mais ces
chiffres semblent encore plus éloignés de la réalité que ceux de Daoudov.
Le rôle des « kadyroviens » et des « volontaires » dans l’« opération

spéciale »
Il convient de souligner certaines spécificités propres aux « kadyroviens » (au moins jusqu’à la
formation d’unités de « volontaires » à partir d’unités relevant du ministère de la Défense).
Premièrement, ces unités de « kadyroviens » n’étaient pas des unités de l’armée. Elles
disposaient de véhicules blindés de transport de troupes et de quelques pièces d’artillerie, mais
ni de chars, ni de lance-roquettes multiples ni d’autres équipements lourds. Or les batailles de
l’« opération militaire spéciale » se déroulant principalement à longue distance, l’artillerie à
canon et à roquettes de gros calibre y joue un rôle colossal. Les « kadyroviens » n’avaient tout
simplement pas la puissance de feu suffisante pour affronter les unités régulières des forces
armées ukrainiennes.
Deuxièmement, la tâche initiale des « kadyroviens » consistait historiquement à réprimer les

activités de guérilla et de sabotage des partisans de la République tchétchène d’Ichkérie (non
reconnue) et de l’Émirat du Caucase (organisation considérée terroriste et interdite en Russie).
Du point de vue des autorités russes, ils se sont acquittés de cette tâche avec succès et
pourraient donc être utiles pour effectuer des missions similaires de « nettoyage » du territoire
et de lutte contre la guérilla en Ukraine.
Troisièmement, les « kadyroviens » ont une réputation particulière. Ce n’est un secret pour
personne — les médias ont abondamment écrit à ce sujet — que les forces de sécurité
tchétchènes sont toujours prêtes à exécuter n’importe quel ordre de Ramzan Kadyrov et que,
dans ce cadre, elles n’hésitent pas à utiliser tous les moyens : enlèvements, passages à tabac,
tortures et meurtres sont les outils de leur « travail » quotidien122. Cette sinistre « notoriété »
était également censée jouer en leur faveur et réduire le risque d’une éventuelle résistance ou
de protestations civiles.
119
https://www.youtube.com/watch?v=H5KmcK0RG3o&t=3172s, Kavkaz Uzel, 08.06.2022,
https://kavkaz-uzel.eu/articles/377969/.
120
121
Compagnie d’État tchétchène de télévision et de radio « Gronny », 07.07.2022,
https://m.youtube.com/watch?v=0y-ZkTgnHpI
122
Voir par exemple le témoignage de Souleïman Gezmakhmaev, Novaïa Gazeta, 15.03.2021,
https://novayagazeta.ru/articles/2021/03/15/ia-sluzhil-v-chechenskoi-politsii-i-ne-khotel-ubivat-liudei-18
28
C’est pourquoi dans le cadre de l’« opération militaire spéciale », les « kadyroviens », de même
que les autres unités de la Rosgvardia, ont joué un rôle d’appui : il leur a été confié de
combattre dans les zones urbaines, de nettoyer l’arrière, de défendre les zones où il n’y a pas
de combat avec l’artillerie, de garder les territoires conquis sous contrôle et d’interagir avec une
population soumise123. Ce rôle a été confirmé par un reportage vidéo publié par Ramzan
Kadyrov le 10 mars, où l’on voyait le commandant du bataillon « Sud », Houssein Mejidov, faire
son rapport sur l’occupation et le nettoyage d’une agglomération ukrainienne. Selon le rapport,
les combattants tchétchènes en Ukraine « accomplissent des tâches qui leur sont confiées et
ratissent le terrain »124.
Une source du site « Kit » proche de l’administration présidentielle russe résume ainsi la façon
dont les « kadyroviens » perçoivent des notions comme la discipline et la coordination : « Ils ne
se sont coordonnés avec personne et se sont déplacés de manière chaotique, invoquant des
ordres qu’ils auraient reçus de Kadyrov lui-même et de son entourage »125.
Le 16 mars, Alexandre Khodakovski, commandant du bataillon Vostok (Est) du ministère de

l’Intérieur de la DNR, a sévèrement critiqué les combattants tchétchènes, les jugeant mal
formés. Sur sa chaîne Telegram, il a qualifié les forces de sécurité tchétchènes qui sont
arrivées à Marioupol — rassemblées à partir de diverses unités de la Rosgvardia et du
ministère de l’Intérieur de la République tchétchène — d’« assemblage hétéroclite » et a estimé
que leur niveau de préparation au combat était très faible126. Cependant, après une rencontre
avec Adam Delimkhanov, qui était présent sur place, il s’est rétracté et n’a plus parlé des
« kadyroviens »127
***
Un certain nombre de sources, citant la GUR du ministère ukrainien de la Défense ainsi qu’un
membre de la commission de la sécurité nationale et de la défense de la Verkhovna Rada,
Fedor Venislavski, ont rapporté que les « kadyroviens » agissent notamment comme des
« barrages », retenant les membres d’autres unités qui fuient le champ de bataille128. Le 21
mars, l’agence de presse ukrainienne UNIAN a publié l’enregistrement d’une conversation
prétendument interceptée entre un « kadyrovien » et sa femme. On entend l’homme dire :
« Notre tâche est de renvoyer vers le front ces soldats minables lorsqu’ils commencent à se
disperser à cause des frappes d’artillerie. Ne t’en fais pas, ce n’est pas un travail très pénible »129.
Notons cependant que, premièrement, une information provenant de l’une des parties au
conflit qui n’est pas confirmée de manière indépendante ne peut pas être considérée avec une
confiance totale ; et que, deuxièmement, aucun rapport concernant des « barrages » n’a été
reçu après le 20 mars. Nous ne pouvons donc pas considérer que cette information soit vraie.
123
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit.
124
Kavkaz Uzel, 11.03.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/374093/.
125
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit.
126
Chaîne Telegram d’A. Khodakovski, 16.03.2022, https://t.me/aleksandr_skif/1974.
127
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1558
128
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit, Oukraïnskaïa Pravda, 12.03.2022,
https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/12/7330789/.
129
UNIAN, 21.03.2022, https://t.me/uniannet/40173,
https://www.unian.net/war/voyna-v-ukraine-sbu-perehvatilarazgovor-kadyrovca-s-zhenoy-video-novosti-
vtorzheniya-rossii-na-ukrainu-11752951.html
29
En outre, les cas dont nous avons connaissance où des combattants tchétchènes ont tiré sur
des groupes « amis » (voir ci-dessous) ne correspondent pas du tout au concept de
« barrage ».
Où et quand les « kadyroviens » et les « volontaires » ont-ils combattu ?

Des mouvements de « kadyroviens » — en particulier, des unités du 141e régiment motorisé
Nord et de l’OMON de Grozny — dans la direction nord-ouest de l’offensive des forces russes
ont été constatés dès le début du mois de février 2022. Cela a immédiatement attiré l’attention
des analystes militaires car, comme l’a noté la Conflict Intelligence Team (CIT), la Rosgvardia
tchétchène ne quittait que très rarement la république130. Le 13 février, des unités du 141e
régiment ont été repérées dans l’oblast de Belgorod, près de la frontière avec les oblasts de
Kharkiv et de Lougansk en Ukraine131.
Le 30 mars 2022, Ramzan Kadyrov a déclaré que le régiment de police à vocation spéciale de
A.-Kh. Kadyrov (commandé par Zamid Tchalaev), le 141e régiment « Nord » (commandé par
Magomed Touchaev), le 249e bataillon « Sud » (commandé par Hosseïn Mejidov), l’OMON
Akhmat-Grozny (commandé par Anzor Bissaev), le SOBR Akhmat (commandé par Abouzaïd
Vismouradov), l’OMON Akhmat-Krepost et le régiment de protection extra-départementale
participaient à l’« opération militaire spéciale » en Ukraine.132
Selon des sources ukrainiennes, dès le 24 février 2022, un détachement combiné de plus de
1 200 (peut-être jusqu’à 1 500) militaires du 141e régiment « Nord », du 249e bataillon « Sud »
et de l’OMON d’Akhmat-Grozny est arrivé sur le territoire de la région de Kiev en passant par la
zone d’exclusion de Tchernobyl133. Le détachement était dirigé par Daniil Martynov, ancien
membre des forces spéciales Alfa du FSB russe, conseiller pour les questions de sécurité de
Ramzan Kadyrov et premier chef adjoint du département de la Rosgvardia en République
tchétchène134.
Avec d’autres unités russes avançant sur Kiev, les « kadyroviens » ont pris part à des batailles à
Gostomel, Boutcha, Irpen et Borodianka135. Selon les services de renseignement ukrainiens, ils
y ont subi de lourdes pertes — jusqu’à 450 personnes , y compris le commandant du 141e
130
CIT, 03.02.2022,
https://citeam-ru.medium.com/колонны-кадыровцев-заметили-по-дороге-на-север-аросгвардейце
в-разместили-у-границы-с-украиной-738ebec67cc7.
131
Avia.pro, 13.02.2022,
https://avia.pro/news/polk-imeni-ahmata-kadyrova-zamechen-v-neskolkih-kilometrah-otukrainskoy-grani
cy.
132
133
Obozrevatel, 10.03.2022,
https://news.obozrevatel.com/society/siloviki-iz-rf-peredali-ukraine-dose-nakomandirov-kadyirovtsev-da
nnyie-razvedki.htm, Oukraïnskaïa Pravda, 01.03.2022,
https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/1/7327224/.
134
Vajnye istorii, 05.05.2022,
https://istories.media/investigations/2022/05/05/za-chto-drug-ramzana-kadirovapoluchil-geroya-rossii/,
Radio Liberté, 19.03.2022, https://www.radiosvoboda.org/a/31760938.html.
135
Kavkaz.Realii, 08.04.2022, https://www.kavkazr.com/a/31792463.html, Medua-za, 05.05.2022,
https://meduza.io/feature/2022/05/05/v-buche-vo-vremya-okkupatsii-nahodilis-pskovskie-desantniki-i-b
oytsyspetsnaza-rosgvardii-vityaz-lichnost-odnogo-iz-nih-ustanovili-po-lyubovnomu-pismu, Kit,
https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit.
30
régiment de la Rosgvardia, Magomed Touchaev136. Toutefois, la nouvelle de son décès n’a pas
été confirmée par la suite.
Le site Vajnye istorii (Histoires importantes), citant des sources au sein du FSB de la
République tchétchène et de l’OMON tchétchène, a rapporté que la nomination de Martynov
avait donné lieu à un certain nombre de conflits. Par exemple, les frères de l’un des plus
proches associés de Ramzan Kadyrov, le député à la Douma d’État Adam Delimkhanov —
Alibek Delimkhanov, premier commandant adjoint du district du Caucase du Nord de la
Rosgvardia, et Charip Delimkhanov, chef de la direction de la Rosgvardia pour la République
tchétchène — ont jugé humiliant d’être subordonnés à Martynov ; de son côté, Anzor Bissaev, le
commandant de l’OMON tchétchène, a considéré Martynov responsable du fait que, pendant le
bombardement du convoi russe qui avançait sur Kiev, les unités tchétchènes qui en faisaient
partie ont perdu le contact avec lui, ont été désorientées et ont abandonné le champ de
bataille137.
Selon les services de renseignement ukrainiens, il a été décidé, dans les dix premiers jours de
mars, de retirer les « kadyroviens » de la région de Kiev, ce qui a été fait vers le 13 mars. Ils se
seraient repliés sur la Biélorussie, avant de rentrer en Tchétchénie par avion138.
Ce même 13 mars, selon les sources de Vajnye Istorii, une importante délégation en
provenance de Tchétchénie dirigée par Adam Delimkhanov est arrivée à Taganrog, dans la
région de Rostov. C’est là qu’une base arrière a été organisée pour approvisionner les
« kadyroviens » déployés en direction de Marioupol et acheminer des renforts. Delimkhanov
s’est lui-même chargé de coordonner et de résoudre les conflits qui surgissaient entre les
différents responsables des services de sécurité, d’assurer le flux des volontaires, de fournir la
logistique aux unités tchétchènes, d’établir des contacts avec les commandants de la LNR et
de la DNR et d’informer Ramzan Kadyrov de l’évolution de la situation139. À peu près au même
moment, une grande quantité de « kadyroviens » se sont redéployés sur le territoire de l’Oblast
de Donetsk140.
À Marioupol, selon des enregistrements vidéo rendus publics, les forces de sécurité
tchétchènes ont non seulement gardé les postes de contrôle à l’extérieur de la ville, mais ont
également pris part aux combats dans la ville même et ont subi des pertes141. Il a été signalé
que des unités du SOBR « Akhmat » (sous le commandement d’Abouzaïd Vismouradov142) et
du régiment de forces spéciales A-Kh. Kadyrov (ancien régiment de service de patrouille et de
contrôle 2, il est dirigé par Zamid Chalaev)143.
L’une des unités tchétchènes impliquées dans la prise de Marioupol était commandée par
Rouslan Geremeev, un ancien officier du bataillon « Nord », qui a été blessé pendant les
136
Radio Liberté, 19.03.2022, https://www.radiosvoboda.org/a/31760938.html, Oukraïnskaïa Pravda,
12.03.2022, https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/12/7330789/.
137
https://istories.media/investigations/2022/05/05/za-chto-drug-ramzana-kadirovapoluchil-geroya-rossii/
138
Radio Liberté, 19.03.2022, https://www.radiosvoboda.org/a/31760938.html, Oukraïnskaïa Pravda,
20.03.2022, https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/20/7332929/index.amp.
139
https://istories.media/investigations/2022/05/05/za-chto-drug-ramzana-kadirovapoluchil-geroya-rossii/
140
Nexta Live, 13.03.2022, https://t.me/nexta_live/21508.
141
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit, https://www.youtube.com/watch?v=tDqGpi-WLY8.
142
Sibnet.ru, 14.03.22, https://info.sibnet.ru/article/612455/.
143
Izvestia, 02.04.2022,
https://iz.ru/1314556/2022-04-02/boitcy-iz-chechni-pristupili-k-shturmu-zavoda-vmariupole, RIA
Novosti, 09.04.2022, https://ria.ru/20220409/kadyrov-1782723261.html.
31
combats. Geremeev est un personnage central de l’affaire de l’assassinat du leader de
l’opposition russe Boris Nemtsov144. Selon Janna Nemtsova, la fille de la victime, et Vadim
Prokhorov, l’avocat de la famille, l’enquête a permis d’établir de manière « quasi certaine » que
Geremeev était le chef du groupe criminel ayant perpétré le crime, « le véritable organisateur de
l’assassinat ». Cependant, avec le changement de responsable de l’équipe des enquêteurs et le
délitement de l’affaire la situation a changé : les enquêteurs disent avoir « cherché Geremeev »,
mais « ne pas l’avoir trouvé ». Dans les faits, ils n’ont tout simplement pas été autorisés à entrer
dans le village où se trouve sa maison. Ils ne l’ont pas inculpé par contumace, et aucun effort
effectif n’a été fait pour le retrouver. Ramzan Kadyrov a nié toute implication de Geremeev
dans la mort de Nemtsov : « Geremeev n’est absolument pas à blâmer, si vous voulez mon
avis. Parce que c’est une affaire inventée. » Et voilà que Rouslan Geremeev, qui était
« recherché » depuis sept ans, a fait son apparition à Marioupol.
À partir de fin mars-début avril, les forces tchétchènes ont opéré dans la ville de Roubejnoé,
dans la région de Lougansk, où de violents combats avaient lieu. Des unités tchétchènes ont
pris part à des batailles urbaines, repoussant les troupes ukrainiennes hors de la ville, quartier
par quartier, tout en subissant des pertes importantes, selon un certain nombre
d’enregistrements vidéo et d’interceptions téléphoniques publiés145. Des unités du SOBR
« Akhmat » et du régiment à vocation spéciale Kadyrov (anciennement PPSP-2) y ont
participé146. Selon l’interception des conversations téléphoniques interceptées publiées sur la
chaîne Telegram de l’opposant tchétchène Khassan Khalitov, leurs effectifs s’élevaient au
début du mois d’avril à un millier de personnes. Plus tard, un détachement de « volontaires »
comptant également environ un millier d’hommes et placé sous le commandement d’Apti
Alaoudinov, que Ramzan Kadyrov a qualifié de « responsable de la direction de Lougansk de la
libération des républiques indépendantes du Donbass » est arrivé dans l’oblast de Lougansk.
En mai et juin, le détachement d’Alaoudinov (nommé par Kadyrov sur sa chaîne Telegram
« unité spéciale Akhmat » ou « unité des forces spéciales Akhmat »147) a participé, aux côtés du
« 2e corps de milice populaire de la LNR », aux combats pour Severodonetsk et, après la prise
de cette ville, à une offensive sur Lissitchansk. Au même moment, des unités du régiment de
police à vocation spéciale Akhmad Kadyrov (sous le commandement de Zamid Chalaev), ont
opéré au sud de Severodonetsk et de Lissitchansk, prenant part au nettoyage des
agglomérations de Kamychevakha, Gorskoé et Zolotoé (oblast de Lougansk)148 avant de se
déplacer vers le nord et de participer à la prise de Lissitchansk149.
Dans les messages de Kadyrov, cette opération était présentée comme un fait d’armes
impressionnant, et les tournures du leader tchétchène rappelaient quelque peu celles de La
Guerre des Gaules de Jules César (« J’ai bâti des légions... », etc.) : les détachements
« kadyroviens » prennent d’assaut l’un des avant-postes ukrainiens de l’oblast de Lougansk
144
Chaîne Telegram de R. Kadyrov. 27.03.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1644, Kavkaz.Realii,
27.03.2022, https://www.kavkazr.com/a/31776286.html.
145
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit,
https://mobile.twitter.com/unrepentanteast/status/1525479293777747968
146
EADaily, 20.04.2022,
https://eadaily.com/ru/news/2022/04/20/chechenskie-siloviki-vzyali-podkruglosutochnuyu-ohranu-goro
d-rubezhnoe, https://www.youtube.com/watch?v=8vmRJpGxRtw, RIA Novosti, 23.04.2022,
https://ria.ru/20220423/rubezhnoe-1785052567.html.
147
148
149
32
depuis deux directions opposées. Toutefois, ce « triomphe » apparaît sous un jour différent si
l’on y regarde de plus près : les troupes ukrainiennes ont quitté Lissitchansk de manière
ordonnée, échappant à l’encerclement et à la capture, et en emportant leur équipement. Mais
peut-être se sont-ils retirés sous l’assaut des « kadyroviens » ou sous la menace d’être
encerclés par eux ? Encore une fois, non : une telle menace existait, mais elle provenait d’unités
russes totalement différentes qui avaient encerclé Lissitchansk et menaçaient de transformer
la ville en « chaudron », ce que l’armée ukrainienne a toutefois évité. Il s’avère que les
« kadyroviens » ont héroïquement « nettoyé » une ville qui avait déjà été abandonnée par
l’ennemi, à peu près de la même manière que les troupes fédérales sont entrées, début février
2000, dans Grozny, qui avait été secrètement abandonnée par les forces tchétchènes dans les
nuits du 31 janvier et du 1er février. À l’époque, cela n’avait pas empêché le général Vladimir
Chamanov de présenter la prise de la ville comme étant le résultat d’un plan astucieux élaboré
par le commandement fédéral, l’« Opération Chasse aux loups ». Aujourd’hui, d’une certaine
manière, la situation se répète.
Dans le même temps, l’accent mis par les médias ukrainiens et mondiaux sur les actions des
« kadyroviens » a pu convenir au commandement militaire et aux dirigeants politiques russes,
car il détourne l’attention des actions d’autres troupes, forces et structures.
L’opération de relations publiques des « kadyroviens »

L’une des tâches les plus importantes que Kadyrov a tenté d’accomplir au cours de
l’« opération militaire spéciale » était de corriger son image négative, qui s’était développée
dans les médias russes, dans la société et, plus important encore, dans les cercles supérieurs
russes. Depuis le premier jour, il a soutenu l’« opération militaire spéciale » et s’est toujours
affiché comme un partisan constant et actif des mesures militaires les plus fortes, et d’une
offensive à tout prix. S’il a critiqué certains responsables russes, c’est pour leur manque de
patriotisme et leur manque de radicalité dans la lutte contre le « nazisme ukrainien », en
adoptant une position de « faucon ».
Les premières vidéos des « kadyroviens » sont apparues dès le 26 février150, les montrant en
train d’accrocher un drapeau avec un portrait d’Akhmat Kadyrov (pas de Poutine !) sur le
bâtiment d’une unité militaire à Gostomel et rapportant à Ramzan Kadyrov qu’ils avaient pris le
contrôle du site après des combats. Les forces armées ukrainiennes ont reconnu l’authenticité
de la vidéo, mais ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de combats et que les « kadyroviens »
s’étaient emparés d’une zone préalablement abandonnée151. Par la suite, Kadyrov et les médias
au service des autorités tchétchènes ont publié de nombreuses vidéos et reportages sur des
villes et villages ukrainiens à la « libération » desquels les « kadyroviens » auraient
prétendument pris part. Il s’agissait de donner l’impression que, premièrement, l’offensive de
l’armée russe se développait avec succès et, deuxièmement, que les « kadyroviens » y jouaient
un rôle important, sinon le rôle principal. Les experts qui ont analysé ces vidéos sont arrivés à
plusieurs reprises à la conclusion qu’elles étaient mises en scène et n’avaient rien à voir avec
les événements réels152. Les médias et les réseaux sociaux ukrainiens opposés aux autorités
150
https://www.youtube.com/watch?v=NyGRg3zVq-s.
151
152
Popouliarnaïa Politika, https://www.youtube.com/watch?v=JYvym8jUTCQ, Meduza, 24.04.2022,
https://meduza.io/feature/2022/04/24/ukraintsev-v-mire-vstrechayut-kak-bogov-spustivshihsya-na-zem
lyu, Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit.
33
de la République tchétchène ont qualifié les « kadyroviens » de « combattants TikTok»153 et se
sont ouvertement moqués d’eux154.
Il convient de souligner spécialement des vidéos diffusées par les « kadyroviens » et montrant
des traitements dégradants infligés à des prisonniers ukrainiens : le plus souvent, ces derniers
sont à genoux et sont contraints à prononcer le slogan : « Akhmat, c’est la force »155.
Un autre aspect a également été largement utilisé dans la propagande : l’attention

démonstrative portée par les « kadyroviens » à la population civile des territoires occupés
d’Ukraine et à la distribution d’aide humanitaire156. De nombreuses vidéos contiennent des
remerciements de la part de résidents locaux envers les « kadyroviens »157. Toutefois, ces
vidéos (du moins certaines d’entre elles) sont également très discutables. Par exemple, l’une
des vidéos sur la distribution d’aide humanitaire, prétendument fournie par la Fondation
Akhmat Kadyrov, a été retirée du réseau après que les spectateurs ont remarqué que les
produits alimentaires distribués était ukrainiens158. En ce qui concerne les vidéos de gratitude
des habitants locaux, suite à la libération d’un certain nombre de territoires ukrainiens, certains
habitants impliqués dans ces enregistrements ont déclaré que cela s’était déroulé dans des
conditions stressantes et qu’ils étaient à l’entière merci des « kadyroviens » au moment de
l’enregistrement159.
Le 13 mars, Kadyrov a publié une vidéo de son séjour en Ukraine. D’après lui, la scène diffusée
aurait été enregistrée à Gostomel, dans la région de Kiev, où des combats étaient en cours à
l’époque. Il y aurait rencontré les forces de sécurité tchétchènes pour leur confier la mission de
« prendre Kiev »160. Selon les services de renseignement ukrainiens, qui auraient examiné les
communications téléphoniques de Ramzan Kadyrov, celui-ci ne se trouvait pas en Ukraine161.
Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine, n’a pas non plus confirmé la présence de
Kadyrov en Ukraine162.
Les crimes des « kadyroviens »

Comme l’ont montré les premiers mois de l’« opération spéciale », la « notoriété » intimidante
qui devançait les « kadyroviens » était tout à fait justifiée ; les médias ukrainiens et mondiaux
ont abondamment écrit à ce sujet.
Certains épisodes particulièrement saisissants de pillage et de saccage — par exemple, l’envoi

en Tchétchénie de trois moissonneuses-batteuses, dont le fabricant a suivi la localisation
153
Le réseau social TikTok est axé sur la création et la publication de contenus vidéo de courte durée
générés par les utilisateurs.
154
Voir, par exemple,
https://tsn.ua/ru/ukrayina/tiktok-voyska-kadyrova-vylozhili-video-realnogo-boya-sbanderovskim-svetofor
om-i-pustym-zdaniem-video-2025175.html.
155
156
Chaîne Telegram de R. Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1640, https://t.me/RKadyrov_95/1406.
157
Chaîne Telegram de R. Kadyrov,, 17.03.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1499.
158
159
160
Chaîne Telegram « Glavnyï polititcheskiï », https://t.me/glavpolit/11949, Chaîne Telegram de R.
Kadyrov, https://t.me/RKadyrov_95/1448, Kavkaz.Uzel, 13.03.2022,
https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/374159/.
161
Oukraïnskaïa Pravda, 16.03.2022, https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/16/7331887/.
162
RBC, 14.03.2022, https://www.rbc.ru/rbcfreenews/622f24f39a79476a6206ce9c.
34
grâce à un traceur GPS avant de les verrouiller à distance et donc de les rendre inutilisables —
ont été couverts dans le monde entier.
Mais si l’on y regarde de plus près, on peut discerner des détails importants.
***
Des formations de « kadyroviens » étaient présentes dans les environs de Kiev — Gostomel,
Boutcha, Borodianka, Irpen — où les autorités ukrainiennes et les journalistes indépendants ont
découvert les preuves de multiples crimes de guerre après le retrait des forces russes163. La
commissaire aux droits de l’homme de la Verkhovna Rada, Lioudmila Denissova, a déclaré que
les principaux crimes de guerre à Boutcha ont été commis dans les endroits où des unités de
« kadyroviens » et de Bouriates étaient stationnées164. La liste des 13 unités russes publiée par
le conseiller du chef de cabinet de la présidence ukrainienne comprend le 141e régiment
spécial motorisé Akhmad Kadyrov165.
Par exemple, une habitante de Boutcha a déclaré aux journalistes que ce sont des
« kadyroviens » qui auraient assassiné son mari sous ses yeux166. Une autre habitante de la
région de Kiev, qui a vécu plusieurs jours dans une cave sur un territoire occupé par les
« kadyroviens », n’a pas signalé de crimes spécifiques (meurtres, enlèvements ou tortures)167.
Les publications et enquêtes des principaux médias internationaux ont également accordé une
grande attention aux « kadyroviens ». Par exemple, une enquête de Reuters a affirmé que des
« kadyroviens » étaient impliqués dans des crimes à Boutcha. Cependant, alors que des noms
et des unités spécifiques sont indiqués pour les forces russes présentes dans les autres
régions, aucune précision de ce type n’est donnée pour les « kadyroviens »168.
On peut en dire autant de l’enquête sur les crimes des « loups tchétchènes » publiée dans le
journal français Le Monde169. Il est vrai que des « kadyroviens » étaient à Gostomel et ont laissé
des inscriptions sur les murs des maisons détruites. Cependant, si certaines informations
spécifiques sont données sur d’autres unités russes, les crimes des « kadyroviens » sont
mentionnés en termes très généraux, malgré un titre promettant que l’enquête avait été
réalisée « sur les traces des loups tchétchènes ».
Il semble que la grande notoriété des « kadyroviens » se soit retournée contre eux : les
personnes interrogées en Ukraine ont qualifié de « Tchétchènes » presque toutes les soldats
russes d’apparence non slave ou parlant russe avec un accent. Les journalistes étrangers ont
163
Oukraïnskaïa Pravda, 12.05.2022, https://www.pravda.com.ua/rus/news/2022/03/12/7330789/.
164
RBC Ukraine, 09.05.2022,
https://www.rbc.ua/rus/news/buche-osnovnye-prestupleniya-sovershalis1652064791.html.
165
166
Meduza, 05.05.2022,
https://meduza.io/feature/2022/05/05/v-buche-vo-vremya-okkupatsii-nahodilis-pskovskiedesantniki-i-b
oytsy-spetsnaza-rosgvardii-vityaz-lichnost-odnogo-iz-nih-ustanovili-po-lyubovnomu-pismu, ZN.UA,
19.06.2022,
https://zn.ua/social_secutity/irina-abramova-kadyrovtsy-skazali-my-russkie-my-vasosvobozhdat-prishli-
a-potom-vystrelili-moemu-muzhu-v-holovu.html.
167
168
169
Le Monde, 16.7.2022, Florence Aubenas, « Guerre en Ukraine : dans la ville d’Hostomel, sur les traces
des "loups" tchétchènes »,
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/16/guerre-en-ukraine-quatre-mois-apres-la-bataill
e-lesbrouillards-de-l-aerodrome-d-hostomel.
35
attribué toute opération suspecte aux Tchétchènes. Par exemple, un expert qui connaissait la
langue tchétchène et qui avait été chargé par une équipe d’enquêteurs de travailler sur des
enregistrements interceptés de prétendus « Tchétchènes » à Boutcha a signalé qu’aucun des
enregistrements ne contenait de conversations en langue tchétchène.
***
Cependant, il existe également des enregistrements audio de conversations téléphoniques en

tchétchène, vraisemblablement entre les « volontaires » se trouvant dans la ville ukrainienne de
Roubejnoé et leurs proches, notamment deux enregistrements publiés en avril 2022 sur la
chaîne Telegram du blogueur tchétchène Khassan Khalitov, qui vit en Turquie. Les
« volontaires » y disent : « Il y en a qui prennent des bijoux, des voitures, etc. dans les maisons
abandonnées par les habitants », mais dans les deux enregistrements, ils affirment qu’ils ne le
font pas eux-mêmes. La femme de l’un de ces « volontaires » lui répond qu’elle a entendu dire
que beaucoup ont pris de l’or et se sont enfuis, et qu’un certain Lema en a également rapporté,
mais elle demande à son mari de « ne pas toucher aux affaires des autres » car « ces pauvres
gens ont quitté leur maison, fuyant les bombes, comme nous l’avons fait en notre temps »170. En
revanche, le deuxième « volontaire » s’entend dire par son interlocuteur se trouvant en
Tchétchénie que « les trophées de guerre sont acceptables »171, ce avec quoi il n’est pas
d’accord, répondant que lui-même « ne prend que des téléphones et les jette ensuite »
(apparemment pour appeler des proches, car les « volontaires » n’ont pas le droit d’utiliser des
téléphones et se voient confisquer les leurs).
***
Le 29 avril, un article172 citant173 le service de presse du ministère ukrainien de la Défense

rapportait : « Dans la localité occupée de Kisselevka (communauté rurale de Tchernobaïvka,
oblast de Kherson), une fusillade a eu lieu entre des militaires de la Fédération de Russie de
nationalité tchétchène et bouriate. Les occupants sont mécontents de la répartition du butin et
de leurs conditions de travail. »
Nous avons peut-être pu tirer au clair les circonstances de cet « incident »174. Sur les réseaux
sociaux tchétchènes, on a signalé au moins deux cas dans lesquels des ressortissants de la
république participant à l’« opération spéciale » auraient été abattus par leurs propres
« collègues ».
Une vidéo publiée le 20 avril sur la chaîne Telegram Adat montre des hommes (au moins trois)
examinant de nuit les corps de quatre hommes assassinés en tenue de camouflage. Tout en
examinant les corps, ils enregistrent une vidéo, dans laquelle on les entend échanger en
tchétchène : « Celui-ci a été tué par un sniper ? - Non, ces deux-là, ils se sont entretués entre
eux. » Selon les informations recueillies par d’anciens employés de Memorial, l’« incident » au
cours duquel six militaires tchétchènes ont été tués s’est produit en Ukraine vers le début du
mois d’avril. Deux survivants ont été emmenés au commissariat de police de Grozny pour
enquête. Ils ont déclaré qu’un groupe de sept hommes se trouvait dans les locaux d’une base
170
Chaîne Telegram de Khassan Khalitov, https://t.me/khasan_khalitov_99/1925.
171
Chaîne Telegram de Khassan Khalitov, https://t.me/khasan_khalitov_99/2233.
172
https://ukranews.com/news/853638-buryaty-s-chechentsami-ustroili-pod-chernobaevkoj-perestrelku-iz-
zanagrablennogo-i-nezhelaniya.
173
Page Facebook de la GUR du ministère de la Défense de l’Ukraine Украины в Facebook.
174
Chaîne Telegram « Polnyï PZ 2.0 »,
https://telegra.ph/Perestrelki-mezhdu-kadyrovcami-v-Ukraine-05-24
36
militaire en Ukraine quand un huitième homme, lui aussi tchétchène, a pour une raison
inconnue ouvert le feu sur eux depuis l’extérieur. Cinq ont été tués et l’un des survivants a
riposté, tuant l’attaquant. Une enquête criminelle a été ouverte sur cet incident.
Cependant, l’article évoqué ci-dessus faisait peut-être référence à un autre meurtre d’un
militaire tchétchène par ses propres compatriotes en Ukraine. Cela a été rapporté175 le 26 avril
par le blogueur ingouche Islam Belokiev, qui a publié un enregistrement audio dans lequel on
entendait un homme non identifié, vraisemblablement un militaire tchétchène participant à
l’« opération spéciale ». Cet enregistrement a été largement diffusé dans les messageries entre
Tchétchènes et a fait l’objet de nombreuses discussions. L’homme non identifié dit en
tchétchène : « C’est horrible, on ramène beaucoup de corps de là-bas » (le contexte suggère qu’il
parle de personnes tuées tuée pendant l’« opération spéciale »), et dit que le corps d’un
habitant du village d’Oïskhar (district de Goudermes) qui avait été tué par trois habitants de
Kourtchaloï a été rapatrié « de là-bas ». Selon le narrateur, les trois tueurs s’adonnaient au
pillage, forçant les femmes à leur donner leurs bijoux. L’habitant d’Oïskhar se serait indigné,
aurait tenté de leur faire honte et ils lui auraient « tiré dans le dos », craignant qu’il ne dénonce
leurs crimes. Le narrateur dit avoir appris cet épisode de la bouche de personnes qui, en
Tchétchénie, auraient cherché à trouver un arrangement après ce meurtre entre les proches
des tueurs et ceux de l’homme tué, conformément traditions locales. Au final, les proches de
l’homme assassiné auraient déclaré qu’ils se vengeraient par le sang de celui qui l’avait abattu.
La vérification de ces informations par d’anciens membres de Memorial en Tchétchénie a
confirmé leur véracité. Les trois personnes impliquées dans le meurtre ont été amenées en
république et leur sort ultérieur nous est inconnu ; l’un d’eux, Kovraev, est un neveu des frères
Iamadaev.
***
Dans les vidéos tournées par des « kadyroviens » en Ukraine, on trouve des éléments qui
peuvent clairement être qualifiés de traitement cruel et dégradant des prisonniers. Par
exemple, pendant qu’Apti Alaoudinov parle à Ramzan Kadyrov, on voit dans le champ un
prisonnier portant des traces de coups et d’horribles hématomes sur le visage176 , et ce n’est
pas la seule vidéo comportant des scènes semblables. Il est possible que les auteurs de ces
vidéos ne comprennent tout simplement pas qu’en les publiant, ils s’incriminent eux-mêmes.
Cela dit, les chaînes de télévision russes avaient diffusé des images similaires — des
témoignages de personnes capturées présentant des signes récents de coups et de
commotions cérébrales — au cours des premiers mois de la deuxième guerre de Tchétchénie,
durant l’hiver 1999-2000. Aujourd’hui, elles se montrent plus prudentes, contrairement à leurs
« collègues » tchétchènes.
Un employé de la direction tchétchène du Service fédéral d’éxécution des peines (FSIN), qui
avait effectué un « déplacement professionnel » dans l’est de l’Ukraine, où il avait surveillé des
prisonniers ukrainiens, a déclaré sous couvert d’anonymat que les officiers se trouvaient en
Ukraine pour suivre les ordres et obéissaient les consignes, mais que les mercenaires
« volontaires », eux, semaient un « véritable chaos », maltraitant les habitants et emportant des
biens. Il a également déclaré que lui et ses collègues se sont vu interdire par leurs
commandants de nourrir les soldats ukrainiens capturés « jusqu’à ce qu’ils craquent » et qu’ils
175
Chaîne YouTube « Les pensées d’Islam », https://www.youtube.com/watch?v=kiU7M6uycx4.
176
Kavkaz.Realii, non daté,
https://www.kavkazr.com/amp/zhivotnaya-suschnostj-pravda-li-kadyrovtsy-samyezhestokie-podrazdele
niya-na-voyne-v-ukraine-/31926751.html.
37
étaient autorisés à battre et à torturer les prisonniers, ajoutant : « mais nous les avons nourris
quand même, nous sommes des êtres humains »177.
Selon Aboubakar Iangoulbaev, les « kadyroviens » non gradés présents en Ukraine n’avaient
pas le droit de se moquer des prisonniers, et certains parmi eux ne veulent pas commettre de
crimes de guerre : ils sont venus là sur ordre, pas par inclination sadique. « Ils n’hésitent pas à
gagner leur vie en versant le sang des autres, mais ces gens vivent selon les lois de la guerre, et
ils ont une sorte de code de l’honneur », affirme Iangoulbaev.
***
Globalement, les informations dont nous disposons et qui peuvent être recoupées permettent
de tirer certaines conclusions.
Il existe des preuves, notamment des témoignages et des interceptions de conversations

téléphoniques, que des crimes tels que des actes de pillage et des traitements cruels des
prisonniers ont été commis. Toutefois, nous ne disposons pas de raisons d’affirmer que les
« kadyroviens » se distinguent en cela des autres forces et structures russes. De plus, ces
pratiques ne rencontrent pas une approbation sans équivoque de la part des proches des
« kadyroviens » et de leurs frères d’armes, les réactions de ces derniers allant du refus passif
d’exécuter des ordres jugés inhumains jusqu’à des tentatives de mettre fin aux pillages, ce qu’il
leur est arrivé de payer de leur vie.
La tentation de « charger » les Tchétchènes pour la quasi-totalité des crimes commis contre
des civils en Ukraine, causée en partie par la puissante campagne de relations publiques de
Kadyrov, conduit à de fausses conclusions, et tous les actes attribués aux « kadyroviens » ne le
sont pas à juste titre.
Les pertes parmi les ressortissants du

Caucase du Nord
Les chiffres des victimes côté russe sont contradictoires. On sait seulement que les pertes
sont élevées. Le dernier bilan officiel annoncé par les autorités russes a été communiqué par le
porte-parole du ministère russe de la Défense le 25 mars : 1 351 militaires ont été tués et 3 825
blessés178. Depuis lors, malgré la poursuite des combats, il n’y a pas eu de nouvelles
informations sur les victimes. Les autorités régionales ne fournissent pas non plus de données
généralisées sur le nombre de morts et de blessés par oblast et par république. Toutefois,
certaines autorités régionales et locales font occasionnellement état de victimes ou de
blessés.
Dans ce contexte, un certain nombre de médias et d’organisations de défense des droits de

l’homme, dont le Centre des droits de l’homme (CDH) Memorial ont cherché à rassembler les
informations fragmentaires accessibles pour évaluer l’ampleur des pertes dans les régions du
Caucase du Nord.
177
178
TASS, 25.03.2022, https://tass.ru/armiya-i-opk/14187031.
38
Tableau 1. Pertes des ressortissants des républiques du Caucase du Nord selon différentes
sources au 15 juillet 2022179.
D’après les données recueillies par le CDF Memorial, au 15 juillet le nombre total de
ressortissants des républiques du Caucase du Nord tués lors des combats sur le territoire de
l’Ukraine s’élève à au moins 507 personnes.
Mediazona
Région CDH Memorial Kavkaz.Realii Kavkaz.Uzel
(chiffres au
14.07.2022)
Daghestan 225 202 236 167
Ossétie du Nord 89 95 89 74
Kabardino-Balkarie 34 29 32 25
Ingouchie 20 19 21 10
Tchétchénie 134180 122 119 18
Karacthaévo-Tcherkessi
5 5 7 5
e
Total 507 472 504 299
Dans ses calculs, Kavkaz.Uzel s’appuie uniquement sur les rapports des représentants des
autorités fédérales, régionales et locales, tandis que le CDH Memorial, Kavkaz.Realii et
Mediazona utilisent également des informations d’origine privée : publications dans les médias
ne contenant pas de référence à des déclarations officielles, informations diffusées sur les
chaînes Telegram et sur les réseaux sociaux.
Les rapports faisant état de décès de ressortissants du Daghestan et de l’Ossétie du Nord sont
réguliers. Au Daghestan, des administrations de districts, de villes et de villages ont signalé la
mort de leurs habitants. Les informations sont souvent diffusées à travers les moyens de
communication de la société civile daghestanaise, très active selon les normes russes : il s’agit
des médias indépendants — avant tout le journal Tchernovik — et de nombreuses chaînes
Telegram. En Ossétie du Nord, qui se perçoit traditionnellement comme un avant-poste
militaire russe dans le Caucase depuis l’époque soviétique, où de nombreuses unités militaires
sont stationnées depuis longtemps et où les traditions militaires sont assez fortes, les pertes
ont également fait l’objet d’une attention considérable.
***
C’est en Tchétchénie qu’il est le plus difficile d’obtenir des informations fiables. Le 1er mars,
Ramzan Kadyrov a annoncé officiellement la mort de deux militaires ; le 7 avril, on a appris que
sept membres de la Rosgvardia et du ministère de l’Intérieur de la République tchétchène
avaient été décorés à titre posthume181, et le 22 juin, que huit autres policiers avaient été
179
Kavkaz.Realii, https://www.kavkazr.com/a/31785720.html, Медиазона,
https://zona.media/casualties, Kavkaz.Uzel, 15.07.2022, https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/379154/.
180
Carte réalisée par A. Iangoulbaev,
https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1fScWcIW7O6RiS4nEcw7gTnr2HbC8TFO&ll=43.403
927342535795%2C45.90043281530937/. Pour voir les résultats de la vérification de cette carte, cf.
Polnyï PZ 2.0 10.06.2022,
https://telegra.ph/Skolko-zhitelej-CHechni-pogibli-v-Ukraine-Minimalnaya-ocenka-06-10.
181
Chechnya Today, 01.03.2022, https://chechnyatoday.com/news/353429, 07.04.2022,
https://chechnyatoday.com/news/354617.
39
décorés à titre posthume182. Ainsi, le nombre de morts tchétchènes officiellement reconnus au
cours du conflit armé est de 17. Depuis lors, aucune nouvelle information officielle n’a été
communiquée.
Dans le même temps, selon les rapports de ce même Kadyrov et de ses acolytes, les natifs de
Tchétchénie sont nombreux à être présents en Ukraine et ont participé activement aux
combats en direction de Kiev (près des localités de Gostomel, Boutcha et Borodianka), ainsi
qu’à Roubejnoé (oblast de Lougansk) et à Marioupol (région de Donetsk) et, fin juin 2022, près
de Severodonetsk (oblast de Lougansk).
Certaines informations sur les combattants côté russe tués au combat ont été publiées par la
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense, qui a publié les
noms de 90 soldats tués étant arrivées en Ukraine depuis la Tchétchénie. 22 d’entre eux
étaient originaires d’autres régions et 68 de la république elle-même183. Des journalistes ont
vérifié plusieurs noms sur la liste et ont pu confirmer l’annonce de ces décès184.
Le juriste et militant des droits de l’homme Aboubakar Iangoulbaev a tenté de rassembler les
informations sur les habitants de Tchétchénie tués en Ukraine en publiant ces données sous la
forme d’une carte montrant les localités où vivaient ces personnes, leurs noms, leurs
photographies et d’autres informations (si disponibles). À la mi-juillet, cette carte recensait 134
personnes, dont au moins 68 figuraient sur la liste publiée par la Direction générale du
renseignement du ministère ukrainien de la Défense. Ainsi, la mort de ces 68 personnes a été
confirmée par deux sources indépendantes l’une de l’autre.
Les collaborateurs du CDH Memorial a interrogé les habitants de 16 localités de Tchétchénie

dont 27 natifs figuraient sur la liste de Iangoulbaev. Les informations concernant la mort de
ces 27 personnes ont été entièrement confirmées. Dans deux autres localités (Goudermes et
Avtoury), les personnes interrogées par Memorial ont communiqué au Centre les noms de
personnes tuées ne figurant ni sur la carte de Iangoulbaev, ni sur la liste des services
ukrainiens. Dans deux autres localités, nous avons été informés de quatre victimes qui ne
figuraient pas sur les listes, mais nos interlocuteurs n’ont pas pu nous donner le nom exact de
ces quatre personnes. Étant donné que toutes les informations contenues dans l’échantillon
de la liste de Iangoulbaev que nous avons vérifié ont été confirmées, nous pouvons affirmer
avec un grand degré de certitude que les informations qu’elle contient correspondent
globalement à la réalité. Ainsi, l’estimation minimale du nombre de Tchétchènes tués en
Ukraine à la mi-juillet 2022 est de 134 personnes.
De l’autre côté de la ligne de front

L’une des particularités du conflit armé en Ukraine tient au fait que des Tchétchènes de souche
combattent pour chacun des deux camps. Les forces armées ukrainiennes disposent de deux
bataillons créés à l’initiative de natifs de Tchétchénie ayant fui leur patrie à la suite de deux
guerres et de l’instauration du régime totalitaire de Ramzan Kadyrov et vivant hors de Russie,
principalement en Europe. L’un de ces deux bataillons porte le nom de Djokhar Doudaev, l’autre
de Cheïkh Mansour. La plupart des combattants de ces bataillons perçoivent la confrontation
182
183
Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense de l’Ukraine, 15.05.2022,
https://gur.gov.ua/content/u-viiskovomu-vtorhnenni-v-ukrainu-bralo-uchastblyzko-25-tysiach-boiovykiv-z
-chechenskoi-respubliky.html.
184
Kit, https://mailchi.mp/getkit.news/tiktokit, Kavkaz.Realii, 18.05.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31856020.html.
40
avec les forces russes comme une continuation des première et deuxième campagnes
tchétchènes et pensent que la défaite russe accélérera l’effondrement du régime qui les a
forcés à quitter leur patrie et contribuera à l’indépendance de la Tchétchénie185. Toutefois, ces
bataillons comprennent non seulement des Tchétchènes de souche, mais aussi des
Ukrainiens et des ressortissants d’autres républiques du Caucase du Nord, de Géorgie et
d’Azerbaïdjan186.
Le bataillon international de maintien de la paix portant le nom de Djokhar Doudaev a été créé
en 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie et de la tentative de prise de
contrôle des régions de Donetsk et de Lougansk en Ukraine. Il a participé à des combats dans
le Donbass en 2014-2015, notamment à la bataille près de Debaltseve (région de Donetsk) où
Issa Mounaev, le premier commandant du bataillon, a été tué. Depuis lors, le bataillon est
commandé par Adam Osmaev187.
Le bataillon Cheïkh Mansour a également été créé en 2014. Selon son commandant Mouslim
Tcheberloevski (en 2021, l’ancien porte-parole du Secteur droit a affirmé que le vrai nom de
Tcheberloevski était Rajabdibir Goussinov, mais cette affirmation a suscité de sérieux
doutes188), le bataillon a pris part à des opérations de combat dans la région de Marioupol à
Donetsk en 2014-2016. Jusqu’en 2016, le bataillon était sur la ligne de front, puis la majeure
partie de ses effectifs a été déplacée vers une base près de Marioupol.
Après la fin de la phase aiguë des combats dans le Donbass, les deux bataillons se sont
retrouvés dans une situation ambiguë : aucune tâche de combat ne leur était confiée. Ils ont
été désarmés en 2019189.
Au printemps 2021, des sanctions ont été imposées par le gouvernement ukrainien à un
certain nombre de combattants du bataillon de Cheïkh Mansour, y compris au commandant
Mouslim Tcheberloevski190. Cela a provoqué une certaine panique : beaucoup craignaient à
l’époque que l’inscription des combattants tchétchènes sur les listes de sanctions soit suivie
de leur expulsion massive vers la Russie, où ils risqueraient de subir des poursuites pénales,
voire des actes de torture. Selon Mouslim Tcheberloevski, deux combattants du bataillon ont
été extradés vers la Russie, mais aucune extradition massive n’a eu lieu191.
Le début de l’« opération » russe, le 24 février 2022, a donné un nouveau souffle aux deux
unités. Leurs commandants ont immédiatement déclaré qu’ils étaient prêts à défendre
l’Ukraine192 et les bataillons ont activement commencé à se reconstituer leurs effectifs193.
185
Kavkaz.Realii, 07.03.2022, https://www.kavkazr.com/a/31740181.html, 22.03.2022,
https://www.kavkazr.com/a/31763310.html, Deutsche Welle, 30.03.2022, https://p.dw.com/p/49DFs,
НВ, 07.04.2022,
https://nv.ua/ukraine/politics/batalon-sheyha-mansura-voyuet-protiv-rossii-intervyu-nv-skomandirom-no
vosti-ukrainy-50231689.html.
186
187
Sur Adam Osmaev, cf. le Bulletin du CDH Memorial de l’automne 2017,
https://memohrc.org/ru/bulletins/byulleten-pravozashchitnogo-centra-memorial-situaciya-v-zone-konflik
ta-nasevernom-0.
188
Oukraïnskie Novosti, 24.05.2021,
https://ukranews.com/news/777516-chechentsy-iz-spiska-snbo-pochemupopali-pod-sanktsii.
189
Kavkaz.Uzel, https://kavkaz-uzel.eu/articles/377717/.
190
191
192
Blog « Chechnya Inside » sur le site Kavka.Uzel, 27.02.2022,
https://kavkaz-uzel.eu/blogs/84796/posts/52765.
193
41
Les deux bataillons ont participé à la défense de Kiev en février-mars 2022. Le nombre total de
ressortissants du Caucase du Nord ayant participé à la défense de Kiev était alors estimé à
200-300 personnes ; il n’est pas certain qu’ils faisaient tous partie des bataillons
tchétchènes194.
À la mi-avril, le bataillon Cheïkh Mansour faisait partie de la défense territoriale de Kiev. Kiev.
Selon Mouslim Tcheberloevski, ses combattants ont pris part à des opérations de guérilla, des
embuscades, des actions de sabotage et de minage, mais pas à des batailles majeures : ils
manquaient de puissance de feu pour cela, le bataillon ne disposant que d’armes légères195.
Fin mai, selon Apti Alaoudinov, conseiller de Ramzan Kadyrov pour les questions de sécurité, le
bataillon Doudaev pourrait avoir été localisé près de Severodonetsk, dans la région de
Lougansk196.
Il n’existe pas de données fiables sur les effectifs de ces bataillons. Interrogé directement à ce
sujet, Osmaev a refusé de répondre197, tandis que Tcheberloevski a déclaré que son bataillon
se composait d’ « une centaine » d’hommes198 et qu’il n’en fallait pas plus, car l’unité « n’est pas
financée par l’État, mais par les volontaires et par la diaspora ». Selon lui, le bataillon Cheïkh
Mansour n’accepte que des hommes qu’il connaît personnellement ou qui ont recommandés
par des « personnes respectées », et les candidatures font l’objet d’un contrôle strict199. En juin
2022, Islam Belokiev, populaire blogueur d’opposition et animateur de la chaîne YouTube « Les
Pensées d’Islam », avait rejoint le bataillon Cheïkh Mansour200.
Le 3 mars, Ramzan Kadyrov a annoncé une récompense de 500 000 dollars pour la tête de
chacun des commandants des nationalistes ukrainiens et des deux bataillons tchétchènes qui
combattent aux côtés de l’Ukraine201. Selon des représentants des autorités tchétchènes —
Apti Alaoudinov et Tchinguiz Akhmadov, le directeur de la société de télévision et de radio
d’État tchétchène de Grozny —, les deux bataillons n’existent pas en réalité, il s’agit seulement
de quelques personnes qui « se terrent dans des sous-sols à Kiev et enregistrent des vidéos de
propagande »202.
Début mars, le responsable du Kulturverein Ichkeria (Centre culturel d’Itchkerie) de Vienne,

Houssein Iskhanov, a signalé qu’un autre groupe de volontaires tchétchènes vivant en Europe
était en cours de formation à Lviv203. Cependant, il n’y a pas eu d’informations ultérieures sur
son existence ou ses activités. Le 9 juillet, le site Kavkaz.Realii a rapporté que quatre
194
195
NV, 07.04.2022,
vosti-ukrainy-50231689.html, Kavkaz.Realii, 14.04.2022, https://www.kavkazr.com/a/31803354.html.
196
RIA Novosti, 30.05.2022, https://ria.ru/20220530/ukraina-1791653619.html.
197
198
198 NV, 07.04.2022,
199
NV, 07.04.2022,
200
The Insider, 15.06.2022.
201
Kavkaz.Uzel, 03.03.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/373819/.
202
RIA Novosti, 30.05.2022, https://ria.ru/20220530/ukraina-1791653619.html, EADaily, 26.05.2022,
https://eadaily.com/ru/news/2022/05/26/groznyy-batalon-imeni-dudaeva-tri-cheloveka-v-podvalah-kiev
a.
203
42
formations ethniques tchétchènes combattraient du côté ukrainien : le bataillon Djokhar
Doudaev, le bataillon Cheïkh Mansour, la Légion internationale et la « Meute des fous »204.
Cependant, aucune autre information sur ces deux dernières formations n’a pu être trouvée
dans les sources ouvertes.
« Opération militaire spéciale » en Ukraine

: les actions des autorités des républiques
du Caucase du Nord
Dès le départ, les autorités russes ont cherché à s’assurer — ou du moins à afficher — un
soutien total de l’ensemble du pays à leur «« opération spéciale ». Les médias publics, de
même que les médias privés liés au pouvoir, ont bruyamment exprimé un soutien sans
équivoque à l’« opération » et une campagne vigoureuse et déterminée a été mise en œuvre
pour réprimer tout point de vue d’opposition dans les quelques médias restés indépendants.
Ces signaux envoyés par les autorités étaient si évidents que les autorités régionales et locales
n’ont eu aucun mal à les comprendre et ont elles aussi immédiatement manifesté leur
adhésion à l’« opération spéciale» . Néanmoins, aussi étrange que cela puisse paraître, le degré
de ce soutien n’a pas été identique dans toutes les républiques du Caucase du Nord. En
Tchétchénie et au Daghestan, le soutien a été très actif et démonstratif, tandis que les
autorités de l’Ingouchie, par exemple, se sont montrées nettement plus modérées. Cela dit,
depuis l’arrivée au pouvoir en 2019 de Makhmoud-Ali Kalimatov, les autorités ingouches ont
traditionnellement tendance à se montrer peu actives.
En ce qui concerne la réaction du grand public, le tableau est plus complexe. Étant donné
l’absence quasi totale de liberté qui prévaut en Russie depuis le début de l’« opération
spéciale », il n’est possible d’évaluer l’attitude de la société à l’égard de cette opération qu’à
travers l’analyse de signes indirects et de manifestations isolées de protestation.
Chefs régionaux, responsables politiques et fonctionnaires

Dès le 24 février, le chef du Daghestan Sergueï Melikov205 a fait part de son soutien à
l’« opération militaire spéciale ». Tout au long des mois suivants, Melikov a rencontré des
combattants206 qui étaient revenus d’Ukraine, a rendu visite à l’hôpital aux personnes blessées
dans le cadre de l’« opération spéciale »207 et a rencontré les familles des personnes tuées au
combat208. Le 9 avril, il a annoncé la création d’un fonds spécial pour soutenir les familles et les
204
205
Molodej Dagestana, 24.02.2022, https://t.me/molodejka05/13060.
206
Voir, par exemple : « Que se passe-t-il chez les Daghestanais ? », 05.05.2022,
https://t.me/dagestanRD/16871.
207
Voir, par exemple, Molodejka, 14.03.2022, https://t.me/molodejka05/13493, Administration du chef
de la République du Daghestan 11.06.2022, https://t.me/agiprd/3597.
208
Voir, par exemple, la chaîne Telegram de S. Melikov, 29.03.2022, https://t.me/melikov05/163,
Administration du chef de la République du Daghestan, 20.04.2022, https://t.me/agiprd/3002, Novoé
Delo, 08.05.2022, https://t.me/novoedelo/8572, chaîne Telegram « Demandez à Rassoul », 03.06.2022,
https://t.me/askrasul/28448, Administration du chef de la République du Daghestan, 28.06.2022,
https://t.me/agiprd/3776.
43
proches des personnes tuées en Ukraine et a promis de les aider, notamment en matière
d’emploi et d’éducation209.
Les membres de l’assemblée législative du district d’Akhvakh ont dit vouloir se porter
immédiatement volontaires pour aller défendre la population civile de la DNR et de la LNR.
Mais, comme on pouvait s’y attendre, il s’est avéré que ces propos n’ont eu aucune suite. Les
députés à la Douma d’État Abdulkhakim Gadjiev et Saïgidpasha Oumakhanov (ancien maire de
Khassaviourt), ainsi que le membre de l’Assemblée nationale Esenbulat Magomedov210 ont
également proclamé leur volonté de « démilitariser et dénationaliser » le monde environnant
mais, là aussi, ces déclarations sont restées lettre morte. De son côté, l’administration du
district de Dakhadaevski a préféré ne pas se sacrifier et a promis de verser 50 000 roubles à la
famille de chaque combattant qui trouverait la mort en Ukraine211.
Le chef de la Kabardino-Balkarie, Kazbek Kokov, a lui aussi salué la décision de lancer

l’« opération militaire spéciale » dès le 24 février, lors d’une réunion avec les membres du
gouvernement de sa région et les chefs des administrations municipales212. Il a rapidement été
suivi en cela par les membres de son gouvernement213, les chefs des administrations des
districts et des villes214 et les députés du parlement de Kabardino-Balkarie215.
Le 14 mars, une photo montrant le chef de la Kabardino-Balkarie arborant un autocollant « Z »

sur sa voiture a été publiée. Par la suite, le « Z », lettre emblématique du soutien à l’« opération
militaire spéciale », est apparu sur de nombreux bâtiments associés aux autorités régionales
ou municipales : administrations municipales, tribunaux, théâtres, etc216.
Le 16 avril, Kazbek Kokov s’est rendu dans le Donbass, où il a eu une réunion de travail avec le
chef de la DNR, Denis Pouchiline, et s’est entretenu avec des combattants originaires de
Kabardino-Balkarie participant à l’« opération militaire spéciale »217. Il a également rencontré
des combattants qui étaient revenus d’Ukraine en Kabardino-Balkarie pour leur remettre des
récompenses218.
209
Kavkaz.Uzel, 09.04.2022, https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/375025/.
210
Tchernovik, 28.02.2022, https://t.me/chernovik/25994.
211
« Que se passe-t-il chez les Daghestanais ? », 15.03.2022, https://t.me/dagestanRD/13391.
212
Site du chef de la Kabardino-Balkarie, 04.03.2022,
https://glava.kbr.ru/news/soveshchaniya/obrashenie-glavy-kbr-kazbeka-kokova-kzhitelyam-respubliki.ht
ml.
213
Voir, par exemple, RIA « Kabardino-Balkarie », https://t.me/kbrriaofficial/1329,
https://t.me/kbrriaofficial/1445, https://t.me/kbrriaofficial/1346,
http://kbrria.ru/obshchestvo/Osnovnayatselzashchitalyudey,
https://kbrria.ru/obshchestvo/Vznakdruzhbyisolidarnosti.
214
Voir, par exemple RIA « Kabardino-Balkarie », https://t.me/kbrriaofficial/1331,
https://t.me/kbrriaofficial/1345, http://kbrria.ru/obshchestvo/Pravilnayamerakotorayaprivedetkmiru,
https://t.me/kbrriaofficial/1440.
215
RIA « Kabardino-Balkarie »,
http://kbrria.ru/obshchestvo/PredsedateliParlamentaKBRprizvalasplotitsya.
216
Cf. par exemple la chaîne Telegram « Patriot KBR », https://t.me/patriotkbr/12589,
https://t.me/patriotkbr/12619, https://t.me/patriotkbr/12907, https://t.me/patriotkbr/12146, le site du
tribunal militaire de Naltchik,
http://nalchikskygvs.kbr.sudrf.ru/modules.php?name=press_dep&op=1&did=1021, RIA
« Kabardino-Balkarie », https://kbrria.ru/obshchestvo/NazdaniiCHegemskoymeriipoyavilasbukva.
217
« Patriot KBR », 18.04.2022, https://t.me/patriotkbr/13852.
218
Chaîne Telegram de K. Kokov, 28.04.2022, https://t.me/Kokov_Kazbek/254, Patriot KBR, 11.05.2022,
https://t.me/patriotkbr/14492.
44
Le chef de l’Ingouchie, Makhmoud-Ali Kalimatov, a attendu une semaine après le début de
l’« opération » pour se prononcer en sa faveur, ce qu’il a fini par faire le 3 mars219. Son exemple
a été suivi par le président de l’Assemblée du peuple d’Ingouchie, Magomet Toumgoev220. Par
la suite, Kalimatov a eu une discussion vidéo avec des militaires ingouches participant à
l’« opération spéciale »221 et a rencontré les familles de combattants originaires de la
république ayant été tués en Ukraine, promettant de leur apporter de l’aide222. Globalement, les
responsables ingouches n’ont fait que très peu de déclarations publiques en faveur de
l’« opération ».
Leaders religieux
Le 27 février, dans une adresse au peuple tchétchène, le mufti de la Tchétchénie, Salakh Mejiev,
a qualifié de « djihad » l’« opération spéciale » en Ukraine223. Son raisonnement était assez
alambiqué. Selon lui, les « nazis » en Ukraine ne sont pas guidés par les intérêts du peuple
ukrainien, mais par ceux des politiciens d’Amérique et d’Europe. Ils veulent utiliser l’Ukraine
pour ruiner la Russie. Cela constitue à son tour une menace pour les trente millions de
musulmans vivant en Russie : or Dieu souhaite que ces derniers soient protégés. Par
conséquent, l’« opération spéciale » est un djihad224.
Le 29 avril, la chaîne Telegram de l’organisation « Adat » a rapporté, en citant des sources

anonymes, que Salakh Mejiev était tombé en disgrâce auprès de Ramzan Kadyrov parce qu’il
aurait affirmé en privé que, en réalité, la participation à l’« opération spéciale » en Ukraine n’était
pas un djihad225.
Nos sources ne nous permettent pas de confirmer ou d’infirmer cette information. Toutefois,
Mejiev n’a pas assisté à un certain nombre d’événements religieux auxquels participait le chef
de la région, Ramzan Kadyrov226, alors que sa présence était auparavant obligatoire. Lors de
nombreux événements importants, il a été remplacé par un conseiller du chef de la République
tchétchène, Adam Chakhidov227. Le 30 avril, Salakh Mejiev a annoncé la date de la fête de l’Aïd
el-Fitr ; il est également apparu dans une vidéo consacrée à la fin du mois sacré du Ramadan,
mais était absent de la vidéo de la prière collective à la grande mosquée « Cœur de la
219
Site d’informations « Ingushetia », 03.03.2022,
https://ingushetia.ru/news/m_kalimatov_odnoy_iz_glavnykh_zadach_voennykh_deystviy_so_storony_ros
sii_eto _sberech_sebya_i_drugie_/.
220
Site de l’Assemblée du peuple de la République d’Ingouchie, 11.03.2022,
https://www.parlamentri.ru/index.php/press-centr/novosti/5584-
magomet-tumgoev-vstretilsya-s-sekretaryami-mestnykh-otdelenij-partii-edinaya-rossiya.
221
Site d’informations « Ingushetia »,10.03.2022,
https://ingushetia.ru/news/makhmud_ali_kalimatov_podderzhal_voennosluzhashchikh_iz_ingushetii_po
_videos vyazi/.
222
Site d’informations « Ingushetia »,18.03.2022,
https://ingushetia.ru/news/makhmud_ali_kalimatov_vstretilsya_s_materyami_vdovami_i_sestrami_pogib
shikh_ na_donbasse_voennosluzha/.
223
Kavkaz.Uzel, 28.02.2022, https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/373689/.
224
« Chechnya Today », 27.02.2022, https://chechnyatoday.com/news/353369.
225
225 Adat, 29.04.2022, https://t.me/IADAT/12718,
https://1adat.com/ru/news/kadyrov-nakaz-svoego-butylocnogo-muftiya.
226
Cf., par exemple, la chaîne Telegram de R. Kadyrov, 11.04.2022, https://t.me/RKadyrov_95/1854,
227
45
Tchétchénie »228. Toutefois, en mai, Mejiev a recommencé à apparaître lors d’événements
publics aux cotés des dirigeants de la République tchétchène.
Le 6 mars, Akhmed Sagov, président du Centre spirituel des musulmans d’Ingouchie, s’est
exprimé en faveur de l’« opération spéciale ». Il a exhorté les musulmans à soutenir la politique
de la Russie à l’égard de l’Ukraine, citant des ayats du Coran et identifiant le « souverain » qui y
est mentionné à Vladimir Poutine229. Akhmed Sagov se dit mufti d’Ingouchie, mais n’a jamais
élu à ce poste230. La majorité des habitants de l’Ingouchie reconnaissent toujours comme
mufti Issa Khamkhoev. Ce dernier, de même que d’autres imams de la république, n’a pas pris
publiquement position sur l’« opération spéciale » en Ukraine.
Le mufti de Karatchaévo-Tcherkessie, Ismaïl Berdiev, est pour sa part allé jusqu’à appeler à la
liquidation de l’Ukraine : « Nous devons mener cette opération jusqu’au bout. Et il n’y a pas
besoin de négocier, même s’ils acceptent de capituler. Il faut les détruire jusqu’au bout... Il ne
devrait pas y avoir d’Ukraine. Une fois ce nettoyage effectué, il faudra demander aux gens
ordinaires ce qu’ils veulent... »231.
Le 27 février, Khazratali Dzassejev, mufti de Kabardino-Balkarie, s’est exprimé en faveur de

l’« opération militaire spéciale » et a appelé à « unir les efforts et à se rassembler autour du
président afin que notre pays puisse vivre dans la paix et la tranquillité à l’avenir ». Le même jour,
Feofilakt, archevêque de Piatigorsk et de Tcherkessie, s’est adressé aux habitants de
Kabardino-Balkarie, les invitant à soutenir les habitants de la DNR et de la LNR : « Aujourd’hui,
nous devons être ensemble »232.
Dans ce contexte, le comportement de l’administration spirituelle des musulmans (Mouftiat)

du Daghestan a détoné. Officiellement, le Mouftiat n’a pas commenté l’« opération spéciale »
en Ukraine. Toutefois, le 13 avril, le représentant plénipotentiaire du président russe dans le
District fédéral du Caucase du Nord, Iouri Tchaïka, a remis au moufti du Daghestan, le cheikh
Akhmad Afandi (Akhmad Abdoulaev), une lettre de remerciement « pour son soutien actif à la
politique intérieure et étrangère de la Fédération de Russie et sa contribution significative au
renforcement des relations interconfessionnelles et interethniques dans le district fédéral du
Caucase du Nord »233. Plus tard, le moufti du Daghestan, lors de divers événements publics, a
commenté l’« opération spéciale », mais a essentiellement parlé de la tragédie qu’était la mort
228
229
Compte Instagram d’A. Sagov.
230
La Voix de l’islam, 28.02.2022, https://golosislama.com/news.php?id=40526. Sur A. Sagov, cf. le
bulletin du CDH Memorial sur les événements de l’hiver 2020-2021,
https://memohrc.org/ru/bulletins/byulleten-situaciya-v-zonekonflikta-na-severnom-kavkaze-zima-2020-2
021-godov.
231
EADaily, 31.03.2022,
https://eadaily.com/ru/news/2022/03/31/ne-vse-rossiyskie-muftii-podderzhali-voennuyuspecoperaciyu-
na-ukraine.
232
RIA « Kabardino-Balkarie » 27.02.2022, https://t.me/kbrriaofficial/1350,
https://t.me/kbrriaofficial/1352.
233
Mouftiat de la République du Daghestan, 13.04.2022,
https://muftiyatrd.ru/content/muftiy-rd-prinyal-uchastie-vo-vstreche-polnomochnogopredstavitelya-prezi
denta-rf-v-skfo.
46
de nombreuses personnes, y compris de natifs du Daghestan, qui « accomplissent
honorablement leur devoir militaire »234.
Le 16 mars 2022 à Vladikavkaz, les participants à la conférence scientifique et pratique « Le

ministère spirituel et la mission sociale des organisations religieuses dans le contexte de la
formation d’une identité civile panrusse » ont adopté une déclaration de soutien à l’« opération
spéciale » en Ukraine235. Parmi les participants à la conférence figuraient Talgat Tadjoutdine
(du Conseil spirituel central des musulmans), Albir Krganov (de l’Assemblée spirituelle des
musulmans de Russie), Ismail Berdiev (Conseil spirituel des musulmans de
Karatchaévo-Tcherkessie), Salakh Mejiev (Conseil spirituel des musulmans de Tchétchénie),
Khadjimourat Gatsalov (Conseil spirituel des musulmans d’Ossétie du Nord), Khazratali
Dzasejev (Conseil spirituel des musulmans de Kabardino-Balkarie), ainsi que des représentants
des Conseils spirituels des musulmans du Tatarstan, du Bachkortostan, de Mordovie, de
Crimée annexée, de Saint-Pétersbourg et de la région nord-ouest de la Russie, du territoire de
Stavropol, d’Adyghée et du territoire de Krasnodar, de Kalmoukie, de l’oblast de Saratov236. Il
convient de noter que cette liste n’incluait ni les représentants du Conseil spirituel des
musulmans du Daghestan ni de personnalités religieuses d’Ingouchie.
Les 5 et 6 mai, le ministère de la Culture, des Sports et de la Jeunesse de la LNR a organisé à

Lougansk une conférence intitulée « Les religions traditionnelles du Donbass contre
l’extrémisme et le néonazisme ». Une cinquantaine de représentants des confessions
chrétienne, musulmane et bouddhiste de la LNR et de la DNR, ainsi que de diverses régions
russes, y compris la Tchétchénie et le Daghestan, y ont pris part. Les participants à la
conférence ont exprimé leur soutien à l’« opération spéciale »237. Une fois de plus, il n’y avait
pas de représentants de l’Ingouchie parmi les participants.
La société civile du Caucase du Nord et

l’« opération militaire spéciale »
Il est difficile de juger de l’attitude réelle de la population à l’égard de l’« opération spéciale ». Du
fait de l’hystérie militariste massive mise en œuvre par les autorités et les médias, ainsi que les
amendements punitifs apportés en urgence à la législation, qui prévoient des peines sévères
(jusqu’à plusieurs années d’emprisonnement) pour toute expression publique d’une opinion sur
les événements en Ukraine qui diffère de l’opinion officielle, il est difficile de se fier aux
sondages : les citoyens critiques envers la politique de l’État refusent de répondre ou donnent
des réponses « politiquement correctes ». Toutefois, certaines conclusions peuvent être tirées
à partir d’indicateurs indirects.
234
Cf., par exemple Mouftiat de la République du Daghestan, 23.04.2022,
https://muftiyatrd.ru/content/na-stadione-anzhi-arena-proshyolmasshtabnyy-obshcherespublikanskiy-ift
ar, 12.06.2022,
https://muftiyatrd.ru/content/muftiy-rd-sheyh-ahmadafandi-pozdravil-zhiteley-strany-s-dnyom-rossii.
235
Kommersant, 16.03.2022, https://www.kommersant.ru/doc/5259372. Pour le texte, voir « Kavkaz
segodnia », 16.03.2022, https://kavtoday.ru/article/6855.
236
EADaily, 31.03.2022,
https://eadaily.com/ru/news/2022/03/31/ne-vse-rossiyskie-muftii-podderzhali-voennuyuspecoperaciyu-
na-ukraine.
237
https://grozny.tv/news/politics/48223.
47
Selon Lev Goudkov, sociologue et directeur de recherche au Centre Levada, la réaction de la
société russe au lancement et au développement de l’« opération militaire spéciale » était
passée par trois étapes à la fin du mois de juin238 :
1. Soutien relatif dans un contexte de choc et de crainte pour l’avenir (fin février/début mars) ;
2. Consolidation et mobilisation des partisans de l’« opération », soutien déclaratif maximal

(mars-avril) ;
3. Avec le prolongement de la guerre, on assiste à une phase de routinisation : l’intérêt pour les
nouvelles en provenance d’Ukraine diminue, mais l’anxiété liée aux pertes et aux destructions
de la guerre, à sa nature prolongée et à l’incertitude de l’avenir augmente.
Ces étapes peuvent également être observées dans les réactions à l’« opération spéciale »
dans les républiques du Caucase du Nord.
En combinant l’observation des médias, des chaînes Telegram et des réseaux sociaux, on
constate que c’est au Daghestan que le niveau de soutien à l’« opération » était le plus élevé et
en Ingouchie qu’il était le plus bas. Il n’est pas possible d’évaluer le niveau réel de soutien à
l’« opération spéciale » parmi la population de la Tchétchénie, placée sous le régime totalitaire
de Ramzan Kadyrov. On ne peut que supposer que ce niveau est bien inférieur à ce que
prétend le chef de la région tente de montrer239.
Les attitudes à l’égard de la conscription militaire représentent un indicateur du degré de

soutien à l’« opération militaire spéciale ». Pendant de nombreuses années, le service militaire
a été très attractif pour les résidents des républiques du Caucase du Nord et le nombre de
ceux qui étaient prêts à effectuer leur service militaire a presque toujours largement dépassé
les limites fixées aux effectifs en provenance de ces républiques.
Au Daghestan, entre le début de l’année et la mi-mars, le nombre de personnes souhaitant

signer un contrat avec l’armée a plus que triplé240.
La situation était inverse en Ingouchie. Pour la première fois depuis des années, la république
n’a pas réussi à remplir son plan de conscription : le 8 juin, à une semaine de la fin du
recrutement de printemps, l’objectif de 200 recrues n’avait été atteint qu’à 30 %. Ramzan
Ganijev, chef du département de la conscription des citoyens d’Ingouchie, a déclaré que de
nombreuses personnes se sont soustraites au service militaire et que leurs coordonnées ont
été transmises aux autorités judiciaires. Il a également rejeté les rumeurs circulant dans la
région selon lesquelles des conscrits seraient envoyés en Ukraine241.
238
L. Goudkov, « Trois phases d’adaptation. La guerre contre l’Ukraine dans l’opinion publique russe »,
04.07.2022, https://re-russia.org/9e08c1975d634cf8a0270de61c400aa1.
239
Cf., par exemple, Kavkaz Uzel, 01.03.2022, https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/373743/.
240
RIA Daghestan, 18.03.2022,
https://riadagestan.ru/news/security/vtroe_uvelichilos_kolichestvo_dagestantsev_zhelayushchikh_zakly
uchit_ko ntrakt_na_voennuyu_sluzhbu/.
241
Compagnie d’État tchétchène de télévision et de radio « Ingushetia », 08.06.2022,
https://www.youtube.com/watch?v=Lf8KhGVqa7o, site d’informations « Ingushetia », 08.06.2022,
https://gazetaingush.ru/news/v-nazranovskom-rayone-ingushetii-usilili-rabotu-pouchastiyu-v-vesenney-
prizyvnoy-kampanii.
48
Peu après le début de l’« opération spéciale », certains membres de la Chambre publique de
l’Ingouchie, y compris son président Ibragim Kartoev242, se sont exprimés en sa faveur ;
toutefois, la Chambre publique en tant qu’organe n’a jamais fait de déclaration sur ce sujet.
Une déclaration de la branche ingouche de l’Union des femmes de Russie en faveur de

l’« opération » a été publiée début mars243. Cela a suscité l’indignation : des membres de l’Union
ont déclaré que l’organisation avait pour principe de ne pas interférer dans les questions
politiques et que cette déclaration avait été publiée sans consultation par la présidente de la
branche, Madina Oujakhova. Plus de 20 personnes, dont la vice-présidente et un membre du
conseil de direction, ont quitté l’organisation en signe de protestation244.
Le chef d’une autre organisation, le Conseil des Teïps, connue pour son indépendance, a
cherché à exprimer discrètement une position qui convenait aux autorités, ce qui a provoqué
un scandale. En mars, le chef par intérim du Conseil, Mourad Daskiev, a fait savoir que, en
compagnie de deux autres membres du Conseil, il s’était rendu à Belgorod et à
Rostov-sur-le-Don, au chevet de militaires ingouches blessés dans les combats en Ukraine.
Dans son récit, Daskiev a développé sa vision de l’histoire, affirmant qu’il y avait parmi les
Ukrainiens des « banderoviens » qui avaient combattu à la fois les Allemands et l’armée
soviétique, et notant que les militaires ingouches étaient « déterminés à accomplir leur devoir
militaire » et à retourner dans la zone de guerre une fois guéris. Un compte rendu vidéo de la
réunion du Conseil durant laqelle Daskiev a tenu ces propos a été publié sur la chaîne YouTube
de l’organisation, mais il a rapidement été retiré en raison des réactions suscitées par ces
déclarations, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Conseil. Le célèbre blogueur ingouche So Vy
(Akhmed Barakhoev) s’est demandé si après de tels propos de son dirigeant le Conseil des
Teïps pouvait continuer d’être considéré comme un acteur de la société civile véritablement
indépendant245 ; d’autres commentaires similaires ont suivi, affirmant que bien que le
Conseiln’ait pas exprimé directement sa position sur l’Ukraine, il soutenait indirectement les
actions de l’armée russe. C’est le blogueur Adam Aouchev qui a tenu les propos les plus
virulents à l’égard du Conseil : il a publié sur sa chaîne YouTube « Abu_Caucas » une vidéo
dans laquelle il a publiquement insulté les dirigeants de l’organisation246. La communauté n’a
réagi à cette vidéo que quelques mois plus tard : son frère a publié une vidéo dans laquelle il
s’excuse pour le comportement indigne d’Adam, puis représentant de la famille Aouchev,
Akhmet-Bachir Aouchev, a déclaré à Kavkazkyi Ouzel qu’Adam avait été exclu du teïp des
Aouchev.
Au Daghestan, des habitants de Makhachkala, interrogés les 2 et 3 mars par la Compagnie

d’État tchétchène de télévision et de radio « Daghestan », ont exprimé leur soutien à
l’« opération spéciale », même si certains ont estimé que les problèmes auraient dû être
résolus diplomatiquement, sans confrontation militaire247. Le 23 avril, un sondage similaire
auprès des habitants de la ville a donné des résultats similaires248. Il serait toutefois étrange de
s’attendre à ce que les personnes interrogées répondent autrement quand ils ont affaire à une
242
Compte Instagram de la Chambre publique de la République d’Ingouchie.
243
Fortanga.org, 02.03.2022, https://t.me/fortangaorg/11443. La déclaration a été publiée sur le site
d’informations « Ingushetia »
(https://gazetaingush.ru/news/v-ingushskom-regionalnom-otdelenii-soyuza-zhenshchinrossii-podderzh
ali-provedenie-specoperacii), puis retirée.
244
Fortanga.org, 03.03.2022, https://t.me/fortangaorg/11501
245
https://www.youtube.com/watch?v=qnxfoBtIl5o
246
https://www.youtube.com/watch?v=30uimjpcVO8
247
Compagnie d’État tchétchène de télévision et de radio « Daghestan », 02.03.2022,
https://t.me/RGVKDAGESTAN/12067, Dagpravda, 03.03.2022, https://t.me/dagpravdaru/16504
248
Daghestan 24/7, 23.04.2022, https://t.me/dagnews24/2004.
49
orgaisation publique ; et même s’ils l’avaient donné des réponses hostiles à l’« opération
spéciale », il est hautement improbable que celles-ci auraient été diffusées.
Selon des habitants du Daghestan, en mars-avril, lorsque des événements de soutien à

l’« opération spéciale » ont été organisés dans la république, on voyait dans les rues de
nombreux symboles en ce sens, à commencer par les lettres « Z » et « V ». À cette époque, les
symboles étaient principalement placés là où les autorités pouvaient contraindre les gens à les
afficher : sur les véhicules de transport public, les ambulances, etc.249 Au fil du temps, le
nombre de symboles a diminué. On ne les voit que rarement sur les voitures privées, les
magasins ou les maisons. Habituellement, les voitures privées portant de tels symboles sont
garées devant les bâtiments du gouvernement. La plupart des symboles ont l’air délavé et
miteux, comme s’ils avaient été peints en mars ou avril et n’avaient pas été rafraîchis depuis.
En Ingouchie et en Kabardino-Balkarie, le niveau de soutien à l’« opération spéciale » est

beaucoup plus faible, selon les résidents locaux. On aperçoit rarement des symboles qui y sont
consacrés, et ceux-ci sont, pour l’essentiel, affichés sur les immeubles et les véhicules
appartenant aux autorités régionales ou locales ou contrôlés par elles : bâtiments
administratifs, théâtres, véhicules de transport public, ambulances, voitures des forces de
sécurité et des fonctionnaires.
Manifestations de soutien à l’« opération spéciale »

Des actions publiques réunissant un grand nombre de personnes ont été organisées pour
mettre en évidence le soutien de l’opinion publique à l’« opération militaire spéciale ». Même si,
dans la plupart des cas — mais pas toujours —, elles ont été inspirées par les autorités
régionales ou locales, ou par des personnes et structures dépendant de celles-ci, la quantité de
ces manifestations et surtout le nombre de participants peuvent dans une certaine mesure
constituer un indicateur des sentiments de la population à l’égard de l’« opération spéciale ».
Depuis le début du mois de mars, de nombreuses manifestations ont été organisées au

Daghestan — pas seulement à Makhachkala, Kaspiïsk ou Derbent, mais aussi dans des petites
villes et des villages — pour soutenir les forces armées russes et l’« opération spéciale » : des
rassemblements, concerts, rallyes automobiles et autres flashmobs250 ont eu lieu ; des artistes
et des personnalités culturelles du Daghestan251, ainsi que des hommes politiques et des
personnalités publiques252 ou encore des athlètes253 ont pris la parole. Des centaines, voire des
milliers de personnes ont participé à ces événements254, qui étaient largement soutenus par
les autorités républicaines et locales255 : les véhicules médicaux, les bâtiments de
l’administration municipale, les panneaux à l’entrée des localités étaient souvent recouverts de
249
Ministère de la Santé de la République du Daghestan, 16.03.2022, https://t.me/minzdravrd/42.
250
Cf., par exemple, les chaînes Telegram « Que se passe-t-il chez les Daghestanais ? », 04.03.2022,
https://t.me/dagestanRD/12300, 16.03.2022, https://t.me/dagestanRD/13556,
https://t.me/dagestanRD/13463, https://t.me/dagestanRD/13556, et « Molodejka », 06.03.2022,
https://t.me/molodejka05/13410.
251
17.03.2022, https://t.me/minkultrd/76, https://t.me/minkultrd/234.
252
https://t.me/molodejka05/13410
253
https://t.me/molodejka05/13410 253 https://t.me/molodejka05/13615.
254
Cf., par exemple, la chaîne Telegram « Molodejka », 12.03.2022, https://t.me/molodejka05/13410,
18.03.2022, https://t.me/molodejka05/13606, 07.04.2022, https://t.me/molodejka05/14026, et la chaîne
Telegram de l’administration de la ville de Bouïnaksk, 08.04.2022, https://t.me/gorodbuynaksk/205.
255
https://t.me/RGVKDAGESTAN/12091.
50
slogans en faveur de l’« opération spéciale » et des emblématiques lettres « Z » et « V »256.
Globalement, la population a volontiers participé à tous ces événements, et il y a eu quelques
initiatives indépendantes venues de la base. Par exemple, un café local dans le village
montagneux de Chebda, dans le district de Shamil, a décidé de servir gratuitement les familles
des militaires participant à l’« opération »257.
En Kabardino-Balkarie, la situation était comparable. Depuis le début du mois de mars, des

courses de voitures en faveur de l’« opération militaire spéciale »258 ont eu lieu, ainsi que des
rassemblements, des manifestations sportives, des concerts et des flashmobs, auxquels ont
participé de nombreux enseignants et professionnels du monde de la culture259. L’anniversaire
de l’annexion de la Crimée par la Russie a été largement célébré dans toute la république260.
L’« opération militaire spéciale » a été publiquement soutenue par le commissaire aux droits de
l’homme en Kabardino-Balkarie, Boris Zoumakoulov261, des journalistes de télévision, des
sportifs célèbres, ainsi que par des dirigeants et représentants d’associations nationales et de
centres culturels de la région262.
C’est en Ingouchie que les actions destinées à souligner le soutien de la population à

l’« opération spéciale » ont été le moins nombreuses263. Il est permis de supposer que les
autorités locales, constatant que le soutien à l’« opération spéciale » au sein de la société était
assez faible, ont redouté qu’une activité excessive en la matière provoquerait l’irritation de la
population.
La politique de jeunesse
Les autorités des républiques du Caucase du Nord ont accordé une attention particulière à ce
que l’on appelle le « travail avec la jeunesse ». Les dirigeants les plus haut placés — les chefs
des régions et les ministères de l’Éducation des régions — se sont impliqués dans la mise en
256
Chaîne Telegram du ministère de la Santé du Daghestan, https://t.me/minzdravrd/42, Chaîne
Telegram « Les Nouvelles de Kaspiïsk », https://t.me/newskasp/76, Molodejka, 09.04.2022,
https://t.me/molodejka05/14066, 21.04.2022, https://t.me/molodejka05/14309.
257
Chaîne Telegram Mash Gor, 20.03.2022, https://t.me/mash_gor/1532.
258
RIA « Kabardino-Balkarie », 07.03.2022,
http://kbrria.ru/obshchestvo/VKabardinoBalkariiproshelavtoprobeg, chaîne Telegram « Patriot KBR »
07.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12851.
259
259 Gouvernement de la Kabardino-Balkarie , 13.03.2022, https://t.me/pravitelstvokbr/938, Patriot
KBR , 11.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12464, 14.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12577, Patriot KBR,
19.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12800, 02.04.2022, https://t.me/patriotkbr/13330, RIA «
Kabardino-Balkarie », 18.04.2022,
https://kbrria.ru/obshchestvo/VNartkaleproshelmassovyyZabegvpodderzhkurossiyskoyarmii.
260
Patriot KBR, 18.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12763, https://t.me/patriotkbr/12884,
Kabardino-Balkarskaïa Pravda, 18.03.2022, https://www.kbpravda.ru/node/10637.
261
Kabardino-Balkarskaïa Pravda, № 33, 26.03.2022, https://www.kbpravda.ru/2022/03/26.pdf
262
Patriot KBR, https://t.me/patriotkbr/12118, https://t.me/patriotkbr/12910,
https://t.me/patriotkbr/12733, https://t.me/patriotkbr/12640
263
https://gazetaingush.ru/news/v-nazrani-startovala-akciya-vpodderzhku-rossiyskoy-armii-i-voennoy-oper
acii-na-ukraine, 19.03.2022,
https://gazetaingush.ru/news/ingushskoe-regionalnoe-otdelenie-edinoy-rossii-podderzhivaet-specopera
ciyu-naukraine, 07.04.2022,
https://gazetaingush.ru/obshchestvo/v-ingushetii-proshel-miting-v-podderzhku-donbassa, Kavkaz.Realii,
23.03.2022, https://www.kavkazr.com/a/31766635.html.
51
place de mécanismes destinés à accroître le niveau de patriotisme des jeunes264. Les autorités
régionales ont également veillé à limiter les éventuelles activités de protestation chez les
jeunes. Makhmoud-Ali Kalimatov, le chef de l’Ingouchie265, a souligné la nécessité d’empêcher
« nos jeunes de prendre part à des manifestations non autorisées et à des actions extrémistes »,
et le ministère de l’Éducation et de la Recherche du Daghestan s’est chargé d’« effectuer un
travail explicatif » auprès des étudiants en rapport avec les événements en Ukraine266. En
Kabardino-Balkarie, la direction régionale du ministère de l’Intérieur a directement averti les
élèves et leurs parents que toute diffusion de « fausses informations » et toute participation à
des actions non autorisées étaient passibles de poursuites267.
Au Daghestan, un certain nombre d’actions de soutien à l’« opération militaire spéciale » et à
l’armée russe ont été organisées dans des établissements d’enseignement — écoles,
internats268... — ou avec la participation d’écoliers et d’étudiants269.
En Kabardino-Balkarie, sur instruction du chef de la région, la semaine dans les écoles démarre
désormais par le lever des drapeaux de l’État et le chant en chœur des hymnes russe et
kabardino-balkarien. Les jeunes ont été activement impliqués dans des activités patriotiques,
participant à divers événements publics et flashmobs, et des vidéos de propagande ont été
produites270 . Les écoles ont organisé des cours de patriotisme et ont encouragé la
participation à la campagne panrusse « Lettre à un soldat »271.
Les participants à ces actions n’y ont pas toujours participé de leur plein gré et en comprenant
bien de quoi il s’agissait. Le 3 mars, des étudiants de l’Université d’État de Kabardino-Balkarie
ont été rassemblés pour une manifestation, sans qu’on leur ait expliqué quoi que ce soit272 et le
14 avril, la majorité des étudiants du collège de Prokhladnoye ont refusé de participer à une
action de soutien à l’« opération militaire spéciale en Ukraine et de s’aligner en forme de lettre
Z273. Les écoles d’Ingouchie ont également reçu l’ordre d’organiser des actions « patriotiques »
pour soutenir l’« opération spéciale ». Cela a suscité des craintes dans la société ingouche, et
l’éminent avocat Kaloï Akhilgov a demandé au chef de la république de s’opposer à l’implication
d’enfants dans ces événements de propagande274.
264
https://chernovik.net/content/lenta-novostey/minobrnauki-dagestana-reshilo-uderzhatshkolnikov-ot-uch
astiya-v-protestnyh, Site d’informations « Ingushetia », 18.03.2022,
https://ingushetia.ru/news/makhmud_ali_kalimatov_prizval_zashchitit_studentov_i_uchashchikhsya_ot_
vrazhde bnoy_propagandy/, Patriot KBR, 23.03.2022, https://t.me/patriotkbr/12940.
265
https://ingushetia.ru/news/makhmud_ali_kalimatov_prizval_zashchitit_studentov_i_uchashchikhsya_ot_
vrazhdebno y_propagandy/.
266
https://chernovik.net/content/lenta-novostey/minobrnauki-dagestana-reshilo-uderzhatshkolnikov-ot-uch
astiya-v-protestnyh.
267
Direction du ministère de l’Intérieur de la Fédération de Russie pour la République du Daghestan,
23.04.2022, https://07.мвд.рф/news/item/29775670/.
268
Chaînes Telegram « Les Nouvelles de Kaspiïsk », 01.03.2022, https://t.me/newskasp/16, et « Les
Nouvelles de Derbent », 01.03.2022, https://t.me/derbentnovosti/38337.
269
Chaîne Telegram du ministère de la Santé du Daghestan, 16.03.2022, https://t.me/minzdravrd/39,
https://t.me/RGVKDAGESTAN/12095.
270
https://m.youtube.com/watch?v=beK5-lhpD80&t=1s, Patriot KBR, 11.03.2022,
https://t.me/patriotkbr/12455, Gouvernement de la Kabardino-Balkarie, 13.03.2022,
https://t.me/pravitelstvokbr/938.
271
Patriot KBR, 04.05.2022, https://t.me/patriotkbr/14325, Kabardino-Balkarskaïa Pravda, 25.03.2022,
https://www.kbpravda.ru/node/10705.
272
Novaïa Gazeta, 03.03.2022, https://t.me/novaya_pishet/37279.
273
274
Fortanga.org, 13.03.2022, https://t.me/fortangaorg/11844.
52
***
À partir de la deuxième quinzaine d’avril, le nombre d’actions de soutien à l’« opération militaire

spéciale » en Ukraine organisées dans les régions du Caucase du Nord a nettement diminué :
en mars-avril, elles se comptaient par dizaines, alors que les deux mois suivants, on n’a
dénombré que quelques événements de ce type275.
L’aide humanitaire
Dès le début de l’« opération militaire spéciale », les autorités de toutes les républiques du
Caucase du Nord ont lancé un effort à grande échelle pour collecter et envoyer de l’aide
humanitaire dans les régions de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Cette aide était destinée
aussi bien aux territoires contrôlés par la DNR et la LNR autoproclamées avant le 24 février
qu’aux zones occupées par les forces russes dans le cadre de l’« opération spéciale», ainsi
qu’aux militaires participant à l’« opération »276. L’ampleur de cette aide était considérable,
certains envois s’élevant à des dizaines, voire des centaines de tonnes. La collecte et l’envoi de
cette aide constituaient une forme de soutien à l’« opération militaire spéciale ».
Les chefs des républiques, des districts et des villes, ainsi que les députés de la Douma d’État
de la Fédération de Russie et des militants locaux ont participé à la collecte et à l’envoi de cette
aide277. Dans un certain nombre de cas, la collecte s’est faite à l’initiative de la population : des
résidents locaux ont d’eux-mêmes collecté et envoyé des marchandises aux militaires
originaires de leurs régions respectives278.
Certaines chaînes Telegram du Daghestan ont fait état de collectes forcées auprès d’employés
du secteur public (enseignants, professeurs, employés de diverses organisations et
administrations publiques) « pour les réfugiés du Donbass ». Des plaintes ont été adressées au
bureau du procureur, mais celui-ci n’y a pas répondu279.
Manifestations anti-guerre, poursuites pénales pour « discréditation de

l’armée »
Il convient de garder à l’esprit que, dans le contexte actuel, toute activité de protestation
(même non publique) peut entraîner de graves conséquences : de lourdes amendes et même
des années d’emprisonnement. Au Daghestan, les protestations publiques sont pratiquement
inexistantes. L’action anti-guerre la plus notoire a été le discours d’une diplômée de l’école n°11
d’Izberbach, Zoukhra Alibekova. Le 22 mai, alors que les élèves étaient alignés pour la
275
Kavkaz.Realii, 29.06.2022, https://www.kavkazr.com/a/31921082.html. Daghestan : Nouvelles de
Makhatchkala, 17.05.2022, https://t.me/midagru/11945, Molodejka, 28.05.2022,
https://t.me/molodejka05/15052, 23.06.2022, https://t.me/molodejka05/15511, RIA «
Kabardino-Balkarie », 28.06.2022,
https://kbrria.ru/obshchestvo/VNartkalesostoyalsyamitingkontsertVerenRossiiverensebe.
276
Cf., par exemple, les chaînes Telegram Tchernovik, 31.03.2022, https://t.me/chernovik/28282,
« Demandez à Rassoul », 16.04.2022, https://t.me/askrasul/27033, « Que se passe-t-il chez les
Daghestanais ? », 30.05.2022, https://t.me/dagestanRD/18112, RIA « Kabardino-Balkarie », 02.03.2022,
https://t.me/kbrriaofficial/1421
277
Chaînes Telegram « Que se passe-t-il chez les Daghestanais ? », 25.03.2022,
https://t.me/dagestanRD/14175, 25.04.2022, https://t.me/dagestanRD/16372, « Demandez à
Rassoul »,16.04.2022, https://t.me/askrasul/26994. 30.05.2022, https://t.me/dagestanRD/18112, ДУМ
РД, https://muftiyatrd.ru/content/pomoshch-donbassu, Patriot KBR, https://t.me/patriotkbr/12612
278
Le Journal du Sud, 20.04.2022, https://t.me/gazetayuga/1011.
279
SoVest Dagestana, 18.03.2022, https://t.me/sovestdagestana/24140
53
cérémonie du « dernier appel », elle a crié dans un mégaphone : « Non à la guerre ! Liberté pour
l’Ukraine ! Poutine est un diable ! » Certains des écoliers ont applaudi ces paroles. L’action a été
largement saluée sur les médias sociaux280. Alibekova a fait l’objet d’un procès-verbal pour
discréditation des forces armées de la Fédération de Russie (article 20.3.3 du Code des
infractions administratives), et sa mère d’un procès-verbal pour manquement des parents à
leurs obligations en matière d’éducation des mineurs (article 5.35). Suite à cela, l’écolière et sa
mère ont été contraintes de présenter des excuses publiques281.
En Kabardino-Balkarie, le réalisateur, scénariste et caméraman Kantemir Balagov, élève

d’Alexandre Sokourov, s’est ouvertement prononcé contre l’« opération spéciale ». Peu après, il
a été contraint de quitter la Russie en raison des menaces qu’il a reçues282. En mars, en
Kabardino-Balkarie, Marina Iaroslavskaïa, rédactrice en chef du journal Sovetskaïa Molodej, et
Madina Ouroussova, présentatrice de la Société nationale de télévision et de radio de
Kabardino-Balkarie, ont été licenciées pour avoir publié sur les médias sociaux des
commentaires négatifs sur l’« opération militaire spéciale ».
En mai 2022, les autorités de la ville de Naltchik ont annulé la procession de deuil et le
rassemblement traditionnellement organisée chaque année le 21 mai283 en mémoire de la
guerre du Caucase284. Officiellement, cette décision a été justifiée par le fait que l’événement
avait été annoncé trop tard mais le 8 mai, Moukhammed Kodzokov, chef de cabinet du chef de
la Kabardino-Balkarie, a déclaré lors d’une réunion avec les représentants de plusieurs ONG
tcherkesses que la tenue de la procession n’était pas souhaitable en raison des événements en
Ukraine, car « il faut faire preuve d’une solidarité totale »285.
Le 21 mai, la marche a tout de même eu lieu à Naltchik. Environ 500 personnes y ont pris part
La police ne s’est pas opposée au cortège, mais a arrêté à plusieurs reprises les cavaliers qui
l’accompagnaient. On a appris par la suite que trois procès-verbaux avaient été dressés pour
« déplacement à cheval dans une zone où c’est interdit ». Au moins l’un de ces PV a été annulé
par la suite286.
Lors du rassemblement qui a suivi, le président de l’Association tcherkesse internationale

Khaouti Sokhrokov, a été l’une des personnalités à prendre la parole. Il convient de noter ici que
les autorités russes sont très désireuses de s’assurer la loyauté du dirigeant de cette
association, qui réunit de nombreuses organisations tcherkesses dans les pays où vivent les
diasporas. Khaouti Sokhrokov est parvenu au poste qui est le sien avec l’appui de la Russie. Au
cours du rassemblement, il a évoqué le rôle majeur de la Russie dans le soutien aux
Tcherkesses et à leur culture, et a appelé à la solidarité avec la Russie. Cependant, à
l’instigation de l’activiste local Ibragim Iaganov, les jeunes présents au rassemblement ont hué
le discours de Sohrokov, et Iaganov lui-même l’a critiqué avec véhémence287.
280
Chaîne Telegram « La voix du Daghestan », 22.05.20222, https://t.me/golosdagestana05/4349,
Kavkaz.Uzel, 22.05.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/377403/.
281
Kavkaz.Uzel, 22.05.2022, https://t.me/cknot/14201, https://t.me/cknot/14199.
282
Compte Instagram de K. Balagov.
283
En 2020 et 2021, il n’y a pas eu de parade en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.
284
Par un défilé et un service de prières sur le site de Kbaada (aujourd’hui le village de Krasnaïa Poliana,
kraï de Krasnodar), les autorités russes ont mis symboliquement fin à la longue guerre du Caucase le 21
mai 1864, selon le calendrier julien alors en vigueur en Russie. Dans le calendrier grégorien, en vigueur
depuis 1918, cette date correspond au 3 juin, mais le cortège et le rassemblement ont
traditionnellement lieu le 21 mai.
285
286
Kavkaz.Uzel, 27.05.2022, https://kavkaz-uzel.media/articles/377589/.
287
Le Journal du Sud, 21.05.2022, https://t.me/gazetayuga/1050.
54
Après le 21 mai, un procès-verbal a été établi contre Azamat Goukepchev — l’un de ceux qui
avaient demandé l’organisation du défilé et du rassemblement — au titre de l’article 20.2 du
Code des infractions administratives (violation de la procédure établie pour la tenue d’actions
publiques) en raison d’un de ses posts sur Internet, où il appelait à « défiler même sans accord
préalable ». Cependant, le tribunal du district de Maïski de la Kabardino-Balkarie a renvoyé
l’affaire à la police car le dossier comportait des vices de procédure288.
Le 14 juin, des poursuites pénales ont été engagées à l’encontre d’Ibragim Iaganov en vertu de
la partie 2 de l’article 205.2 du Code pénal (apologie publique du terrorisme, commise à l’aide
des médias ou des réseaux électroniques d’information et de télécommunication)289. De
nombreuses personnalités publiques tcherkesses établissent un lien entre ces poursuites et le
discours dans lequel il avait critiqué Sokhrokov, lequel est soutenu par Moscou.
En Ingouchie, seuls trois hommes politiques et militants locaux - Iakoub Gogiev, Magomed
Khazbiev et Izabella Evloeva — se sont prononcés contre l’« opération spéciale » en Ukraine et
ont appelé à l’arrêt des combats et à la tenue de négociations290. La plupart des habitants de la
région ont préféré ne pas s’exprimer publiquement sur la question, de crainte de subir des
représailles. Dans le même temps, on peut trouver sur Internet des messages de soutien
adressés aux militaires ingouches impliqués dans les combats en Ukraine. Avant tout, les gens
souhaitent aux militaires un bon retour à la maison et expriment leurs condoléances pour ceux
qui sont morts.
***
La répression des manifestations anti-guerre est assurée principalement par l’utilisation de

deux articles punissant « les actions publiques visant à discréditer l’utilisation des forces
armées de la Fédération de Russie pour protéger les intérêts de la Fédération de Russie et de
ses citoyens et pour maintenir la paix et la sécurité internationales ». Les amendements
introduisant ces articles dans le Code des infractions administratives (article 20.3.3) et dans le
Code pénal (article 280.3) ont été adoptés en urgence début mars 2022.
Selon les informations contenues dans le système automatisé de l’État « Justice » à la fin du
mois de juin, six affaires ont été ouvertes au Daghestan en vertu de la partie 1 de l’article
20.3.3 du Code des infractions administratives : trois d’entre elles étaient en cours d’examen, et
dans les trois autres les verdicts ont été rendus, dont deux sont entrés en vigueur, et un a fait
l’objet d’un appel. Ainsi, le 23 mai, le tribunal du district de Kirov à Makhatchkala a infligé une
amende de 100 000 roubles à Magdi Kamalov, fondateur du journal Tchernovik, pour avoir
republié un post de la chaîne Telegram d’Igor Strelkov (Guirkine) — et cela, alors que Strelkov
lui-même n’a pas été inquiété pour le post originel. Kamalov a fait appel de cette décision
devant la Cour suprême du Daghestan291.
Entre mars et juin 2022, trois affaires pénales ont été ouvertes en Ingouchie au titre de l’article
207.3 du Code pénal (diffusion publique d’informations sciemment fausses sur l’utilisation des
forces armées russes) : une contre le blogueur Islam Belokiev et deux contre la journaliste
288
289
Comité d’enquête de la Fédération de Russie pour la Kabardino-Balkarie, 14.06.2022,
https://kbr.sledcom.ru/news/item/1697431/, Patriot KBR, 16.06.2022, https://t.me/patriotkbr/15056,
290
Fortanga.org, 28.02.2022,
https://fortanga.org/2022/02/hvatit-prolivat-krov-v-ingushetii-vystupili-protivspeczoperaczii-v-ukraine/.
291
https://telegra.ph/Sud-oshtrafoval-CHernovik-na-100-tysyach-rublej-za-repost-Girkina05-23.
55
Izabella Evloeva (pour des publications datées des 8 et 23 mars, les deux épisodes ayant
vraisemblablement été fusionnés par la suite en une seule affaire pénale292). Belokiev et
Evloeva ont quitté le territoire de la Fédération de Russie.
Au cours de la même période, au moins six protocoles administratifs ont été établis au titre de
l’article 20.3.3 de la première partie du Code des infractions administratives de la Fédération de
Russie. Nous n’avons connaissance du nom que d’une seule personne inculpée en vertu de cet
article : Vakha Kartoev, président de la branche ingouche du parti « Initiative civique ». Il a été
condamné à une amende de 40 000 roubles pour un post anti-guerre293 publié sur le compte
Instagram du parti le 24 février, même s’il a nié être l’auteur de ce post. Au moins trois autres
résidents de la république ont été condamnés à des amendes de 50 000 roubles294.
Avant l’apparition de l’article 20.3.3 du Code des infractions administratives et de l’article 280.3
du Code pénal, des résidents avaient été poursuivis en vertu des article 19.3 (désobéissance à
un ordre légal d’un officier de police) et 20.2 (organisation ou tenue d’un événement public
sans notification) du Code des infractions administratives. Huit cas administratifs de ce type
sont connus, mais il y en a probablement beaucoup d’autres.
Au 1er juin 2022, 25 procès-verbaux administratifs au titre de l’article 20.3.3 avaient été dressés
en Kabardino-Balkarie, soit plus que dans toutes les autres régions du Caucase du Nord
réunies295. Pour le mois de juin, cinq de ces affaires ont été examinées par les tribunaux de
Kabardino-Balkarie296.
Le 24 juin, le tribunal municipal de Naltchik a rendu le premier verdict en Russie dans une
affaire pénale pour « discréditation de l’armée » contre un habitant de la ville, Zaourbek
Jambekov. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis et à une amende de 30 000
roubles parce que sa fille avait arraché la lettre « Z » collée sur la voiture d’une policière297.
292
Chaîne Telegram « Rozysk RI », 29.03.2022, https://t.me/rozys kRI/10700, Direction du ministère de
l’Intérieur de la Fédération de Russie pour l’Ingouchie, 30.03.2022,
https://06.мвд.рф/news/item/29278286/, https://06.мвд.рф/news/item/29278333/.
293
Kavkaz Uzel, 15.04.2022, https://kavkaz-uzel.media/articles/375220/
294
Site d’informations « Ingushetia » 04.04.2022,
https://gazetaingush.ru/news/troih-zhiteley-ingushetii-ulichili-vdiskreditacii-vs-rf.
295
296
Kavkaz.Uzel, 02.06.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/377757/, 10.06.2022,
https://kavkazuzel.eu/articles/378013/, 23.06.2022, https://kavkaz-uzel.eu/articles/378445/.
297
Polnyï PZZ, 24.06.2022, https://t.me/polniypc/2440.
56

Le Caucase Du Nord Et L'ukraine: 20 Semaines D' Opération Militaire Spéciale 24 Février - 15 Juillet 2022

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Le Caucase du Nord et l’Ukraine :

20 semaines d’« opération militaire

Traduction du russe : Grégory Rayko

Ramzan Kadyrov et les « kadyroviens » dans l’« opération militaire spéciale en

Les pertes parmi les ressortissants du Caucase du Nord 55

De l’autre côté de la ligne de front 57

« Opération militaire spéciale » en Ukraine : les actions des autorités des

La société civile du Caucase du Nord et l’« opération militaire spéciale » 64

Le ministère de la Défense de la Fédération de Russie

● Le 429e régiment de fusiliers motorisés de la Garde (MSP) (NUM 01860, Vladikavkaz,

La 42e MSD « Bannière rouge » d’Eupatoria (NUM 27777, Grozny ; commandant :

● Le 70e MSP de la Garde (NUM 71718, Chali, Tchétchénie) ;

Le 71ème MSP est entré depuis le territoire de l’autoproclamée République populaire

La 34e brigade de direction (NUM 29202, Vladikavkaz)18.

Le 177e régiment d’infanterie de marine (NUM 87852, Kaspiïsk, Daghestan ; commandant :

Le Service fédéral des troupes de la garde nationale de la Fédération de

La 49e brigade opérationnelle (obron) de la Rosgvardia (NUM 3748, quartier général à

Des militaires de la Rosgvardia stationnés en Ingouchie — versés dans les Détachements

Des employés du Service des gardes-frontières du Service fédéral de sécurité (FSB) de la

Comme ailleurs en Russie, des rapports faisant état de la participation de conscrits à

Volontaires et formations nationales du Caucase du Nord

Le 22 mars, Boris Kantemirov, député Russie unie du Parlement de l’Ossétie du Nord, a

Des groupes de « volontaires » sont également arrivés dans le Donbass en provenance

Le 17 juin, Sergueï Pavlenko, chef du service topographique au quartier général du District

Le 21 juin, le site Internet de l’administration du district de Sounjenski, en Ingouchie, a annoncé

Le 21 juin, un certain nombre de médias russes et ukrainiens ont rapporté la formation du

Le 22 juin, le commissariat militaire de Kabardino-Balkarie a annoncé le recrutement de

Le refus de faire la guerre

Le 29 mars, on a appris le refus de participer à la guerre de militaires originaires de la

Le 3 mai, Kavkaz.Realii a rapporté qu’une cinquantaine de militaires du 58e bataillon

Fin mai 2022, la Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense a

Les crimes de guerre

● La 136e OMSBr de la Garde74 ;

En règle générale, les communiqués de la Direction générale du renseignement du

Ramzan Kadyrov et les « kadyroviens »

Le 25 février 2022, quelque 12 000 personnes se sont rassemblées devant la mosquée

Les « kadyroviens » dans les forces régulières

La principale caractéristique de la quasi-totalité de ces structures est d’être optimisées pour

Formellement, le chef d’une entité constitutive de la Fédération de Russie ne dispose d’aucun

Un premier détachement d’environ un millier de « volontaires », placé sous le commandement

Les paiements promis étaient détaillés comme suit :

En cas de destruction de matériel ou de combattants ennemis, un paiement supplémentaire

Dans sa couverture des conflits armés, la propagande russe a traditionnellement utilisé, et

Le 15 mai, la Direction principale du renseignement (GUR) du ministère ukrainien de la Défense

À noter que les « volontaires » comprennent également des citoyens du Kirghizistan, de

Rouslan Leviev, fondateur du groupe d’enquêteurs Conflict Intelligence Team, a également

Le 26 juin, Kadyrov a annoncé le début de la formation de quatre nouveaux bataillons en

Le 28 juin, le président du Parlement de la République tchétchène et chef du « quartier général

Le 13 mai, l’association tchétchène de défense des droits de l’homme Wayfond, basée en

Combien de « kadyroviens » et de « volontaires » ont été envoyés combattre en Ukraine ?

Le 6 juin, le président du Parlement tchétchène, Magomed Daoudov, a indiqué que 8 172

Le rôle des « kadyroviens » et des « volontaires » dans l’« opération

Deuxièmement, la tâche initiale des « kadyroviens » consistait historiquement à réprimer les

Le 16 mars, Alexandre Khodakovski, commandant du bataillon Vostok (Est) du ministère de

Où et quand les « kadyroviens » et les « volontaires » ont-ils combattu ?

L’opération de relations publiques des « kadyroviens »

Un autre aspect a également été largement utilisé dans la propagande : l’attention

Les crimes des « kadyroviens »

Certains épisodes particulièrement saisissants de pillage et de saccage — par exemple, l’envoi

Cependant, il existe également des enregistrements audio de conversations téléphoniques en

Le 29 avril, un article172 citant173 le service de presse du ministère ukrainien de la Défense

Il existe des preuves, notamment des témoignages et des interceptions de conversations

Les pertes parmi les ressortissants du