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Guerre en Ukraine 

: « Vladimir …
Di re ct
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LE 09 MAR 2022
Par Guillaume Jacquot  @Algdelest 5mn
Di re ct
Galia Ackerman est écrivaine, historienne,

Guerre en Ukraine : « Vladimir …


ancienne journaliste à RFI et traductrice franco-
russe, spécialiste du monde russe. Elle a
récemment publié « Le régiment immortel : la
guerre sacrée de Poutine » (Premier Parallèle,
2019). Elle est actuellement rédactrice en chef du
site d’information en français et anglais, Desk
Russie. Nous nous sommes entretenus avec elle
sur l’histoire des relations entre la Russie et
l’Ukraine et sur le poids de l’histoire dans la crise
actuelle.
 
« L’Ukraine moderne a été entièrement créée par
la Russie, plus précisément par la Russie
bolchevique et communiste » : dans son discours
à la télévision, le 21 février, Vladimir Poutine s’en
est pris à l’Ukraine en tant qu’État. Déjà en 2008, il
déclarait à George Bush « Vous devez
comprendre que l’Ukraine n’est même pas un
pays ». Quel regard portez-vous sur ces
affirmations ?
Il est clair que c’est une déclaration de guerre,
sans même prononcer ce mot, à l’Ukraine. Il
réitère l’idée que l’Ukraine, dans ses frontières
actuelles, n’a pas lieu d’être. Ce n’est pas vrai que
Lénine a créé l’Ukraine. L’Ukraine s’est proclamée
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indépendante à partir de la chute du régime

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tsariste en 1917, une grande partie de l’Ukraine
contemporaine était sous la domination russe
depuis le XVIIe siècle. Elle a été reconquise en
1921, par l’Armée rouge. Lénine a proclamé une
politique de l’enracinement, c’est-à-dire créer des
républiques qui sont nationales dans leur forme,
mais communistes. L’objectif de la politique de
Lénine était de calmer le mécontentement de
peuples qui avaient été embrigadés, en leur
donnant au sein de l’URSS une expression
nationale, qui leur avait été déniée par le régime
tsariste. Mais cette politique n’a duré que
quelques années…
Vladimir Poutine a également parlé de Staline qui
aurait fait cadeau à l’Ukraine de territoires qui
faisaient partie de la Pologne, de l’ancien empire
austro-hongrois. En fait, les Ukrainiens de l’ouest
se sont retrouvés, à la suite des conquêtes
soviétiques, avec les Ukrainiens de l’est dont ils
avaient été séparés pendant quelques centaines
d’années. Dire que c’est un cadeau est indécent,
étant donné que les deux occupations de 1939
et 1944 ont été immédiatement suivies de vagues
de purges, de déportations, de gens fusillés. Et la
résistance dans l’Ouest a duré jusqu’à la moitié
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des années 1950, les Ukrainiens voulaient leur

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propre État et non la domination de l’URSS.
 
Et lorsqu’il considère que la Crimée « a toujours
été russe » ?
C’est faux. En Crimée, il y avait un khanat, un
royaume tatar, les Tatars de Crimée sont la
population autochtone de la péninsule. Elle a été
conquise par les Russes au XVIIIe siècle, et cela
s’est accompagné de terribles massacres. En
1954, Khrouchtchev a en effet donné la Crimée à
l’Ukraine. Mais d’une part, c’était un échange de
territoires car l’Ukraine a cédé quelques territoires
à la Russie, et d’autre part, Khrouchtchev n’a pas
tellement fait de cadeau. La Crimée dépend
entièrement de l’Ukraine dans son
approvisionnement en eau potable. Pour lui,
c’était une décision qui avait une logique
économique.
 
Le président russe considère également que
Russes et Ukrainiens « ne forment qu’un seul
peuple ». Remet-il en cause l’existence d’une
nation ukrainienne ?
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C’est un grand mensonge de dire qu’il n’y a pas de

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peuple ukrainien, qu’il ne s’agit que d’une branche
du peuple russe. Il y a eu entre le IXe et le
XIIIe siècle tout un tissu de principautés, dont la
principale s’appelait Rus de Kiev. Les autres,
tantôt, elles s’unissaient, tantôt elles faisaient
sécession. À l’époque, il n’y avait ni Russes, ni
Ukrainiens, c’était une sorte de magma de tribus
slaves.
Il n’y a aucune preuve que les gens, qui ont peuplé
ce Rus de Kiev il y a plus de 1 000 ans, étaient
vraiment les ancêtres des Russes. C’est aussi
absurde que de dire que Rome est la patrie de
tous les peuples latins, que tous les peuples
latins sont un seul et même peuple. Le centre de
ce qui est devenu le royaume de Moscou, se
trouve à plus de 800 kilomètres de Kiev : à
l’époque, c’est une distance énorme. Les tsars
prennent le contrôle de Kiev au XVIIe siècle.
Pendant plusieurs centaines d’années, ce sont
des histoires très différentes.
 
Vladimir Poutine a également employé dans le
passé le terme de « Petite Russie », pour désigner
l’Ukraine, une expression utilisée par les tsars. Y
a-t-il un rêve de restauration de la puissance de la
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Russie impériale de sa part ? Quelle place occupe

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ce passé dans son narratif ?
Ce régime est dans beaucoup de ses aspects,
rétrograde. C’est le retour de Dieu dans la
Constitution, c’est la famille traditionnelle, la
persécution des personnes LGBT. Poutine définit
son régime comme un régime conservateur. C’est
un régime extrêmement réactionnaire, qui est
idéologiquement tourné vers le passé. Poutine
répète souvent que l’éclatement de l’URSS a été la
catastrophe géopolitique du XXe siècle, qu’avec
cet évènement les Russes ont perdu un
gigantesque territoire et une importante
population. Il y a l’idée que ces territoires ont été
rassemblés par leurs ancêtres sur mille ans. Les
Russes ne parlaient jamais de conquête des
terres, mais de rassembler les terres. Oui, il veut
procéder comme les tsars, qui ont rassemblé des
terres autour du noyau russe.
 
La guerre du Donbass constitue un aspect central
du conflit actuel. À quel moment les
revendications sécessionnistes pro-russes ont-
elles commencé à se développer dans des
régions à l’Est de l’Ukraine ?
Di re
Il n’y avait pas vraiment de velléités

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ct
sécessionnistes avant 2014. Ce qui est vrai, c’est
que tout de suite après la déclaration
d’indépendance, les élites ukrainiennes se sont
très rapidement occidentalisées. Ce sont les
régions occidentales qui étaient à l’honneur. Dans
les territoires industriels de l’est du pays, et pas
seulement dans le Donbass, très souvent il n’y
avait qu’une ou deux grandes entreprises par ville.
Cela empêchait le développement plus libéral de
l’économie. Ces territoires étaient un peu négligés
par le pouvoir de Kiev. On ne leur faisait pas de
mal, mais il n’y avait pas assez d’investissements,
pas assez d’implication. Et c’est pareil pour la
Crimée. Donc ces villes se sentaient un peu
brimées parce qu’elles étaient encore très
soviétisées et elles ne partageaient pas toujours
les inspirations pro-occidentales du reste du
pays. L’Ukraine n’a pas fait assez de travail pour
rapprocher davantage ces provinces
russophones. Mais ce n’est pas une question
linguistique.
 
Ces territoires regardent plus à l’est qu’à l’ouest ?
Pendant plusieurs années, il y a eu une
propagande russe, délibérée, qui leur faisait des
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appels du pied. Quand il y a eu la révolution de

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Maïdan en 2014, provoquée par la décision du
président Viktor Ianoukovytch de ne pas signer
l’accord d’association avec l’Union européenne,
les Russes ont activé tous leurs réseaux avec
l’idée que la moitié du pays fasse sécession. On
parlait de Nouvelle Russie (Novorossia), on faisait
déjà des cartes de toute la moitié sud-est du
pays, jusqu’à Odessa. Deux régions du Donbass,
les deux républiques sécessionnistes (Donetsk et
Louhansk) ont pu vaincre la résistance
ukrainienne. Nulle part ailleurs ça n’a marché.
 
L’offensive russe peut-elle inversement joueur en
faveur de la cohésion du pays ?
C’est très difficile à dire. Bien sûr que les
bombardements ont pu effarer les gens du
Donbass, mais ça a effaré même les membres du
gouvernement russe car, pour eux, il était
question uniquement du Donbass, c’est-à-dire
reconnaître les républiques et élargir leurs
frontières – ce qu’ils réclamaient – jusqu’aux
frontières administratives des deux régions
concernées. Car ces républiques occupent
seulement un tiers des deux régions dans
lesquelles elles se trouvent. Quand Poutine a
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prononcé son discours, il a dit qu’il fallait arrêter

Guerre en Ukraine : « Vladimir …


« le génocide », « le massacre », ce qui est
totalement mensonger. Ils disent qu’en huit ans
dans le Donbass 14 000 personnes sont mortes,
comme si tous ces gens étaient issus du
Donbass et non pas de l’armée ukrainienne. En
réalité, c’est environ moitié-moitié. Dans le centre
de Kiev, il existe un énorme mur avec des
portraits d’Ukrainiens tués dans les combats, il y
a plus de 6 000 portraits.
 
Vladimir Poutine a maintes fois reproché à l’Otan
d’avoir élargi sa portée, au mépris des promesses
qui avaient été faites oralement au dernier
dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev. Est-ce
une accusation avérée ou un prétexte ?
Le discours de Vladimir Poutine est un discours
de ressentiment. Et ce ressentiment est aussi
profond que pour l’Allemagne, après le traité de
Versailles. Le régime russe se sent lésé, humilié,
car l’Union soviétique avait sous sa coupe la
moitié de l’Europe. En tout cas, il n’y a aucune
trace écrite de ces promesses. Ces promesses
auraient été faites à Gorbatchev au moment où
l’URSS existait encore, et on ne savait pas ce qui
allait se produire dans les années suivantes. Les
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pays de l’est de l’Europe ont tous proclamé leur

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indépendance et apparemment, l’URSS n’a pas
laissé de très bons souvenirs aux habitants de
ces pays, puisqu’ils se sont tous précipités vers
l’Union européenne et l’Otan. Pour se protéger de
la Russie. Ce n’est pas l’Otan qui les a appelés, ce
sont des pays qui étaient demandeurs. La Russie
n’a pas su créer un modèle attirant pour ces pays.
 
On parle également beaucoup du mémorandum
de Budapest de 1994, dans lequel la Russie s’était
engagée à respecter l’intégrité territoriale de
l’Ukraine.
La Russie se souvient des promesses orales qui
auraient été faites à Gorbatchev, bien que cela
n’ait aucune force légale. En revanche, la Russie
ne respecte pas le mémorandum de Budapest qui
a bel et bien été signé par elle. Il garantissait
l’intégrité territoriale de l’Ukraine qui a consenti de
rendre les armements nucléaires stationnés sur
son sol. Quand on a commencé à dire, après
l’annexion de la Crimée et l’occupation partielle du
Donbass, que la Russie n’a pas respecté ce
mémorandum, qu’a-t-elle répondu ? On n’a pas
ratifié ces documents donc ça n’a pas de valeur
juridique. Il s’est avéré être un bout de papier.
 

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Quel est le regard de la population russe sur
l’Ukraine ?
Le peuple russe et le peuple ukrainien ont été
quand même très liés pendant des centaines
d’années. Il y a énormément de familles mixtes et
peu de familles russes qui n’ont aucun lien de
parenté avec l’Ukraine. À partir de la Révolution
orange de 2004-2005, et surtout après
Euromaïdan, l’annexion de la Crimée et la
sécession d’une partie du Donbass, la
propagande anti-Ukraine a pris une ampleur
incroyable. Je regarde régulièrement des talk-
shows russes. En huit ans pratiquement, il n’y a
pas eu d’émissions où l’on ne parle pas de
l’Ukraine. Dans ces émissions, il y a l’idée que
c’est un pays dégradé, totalement corrompu,
inefficace, qui survit avec les restes de ce que la
Russie a investi. On a installé cette haine envers
les Ukrainiens. En huit ans, avec ce tissu de
mensonges, on a réussi à retourner une partie de
l’opinion contre l’Ukraine. À présent, comme on
est dans un État dictatorial, où plus aucune liberté
d’expression n’est permise, on ne pourra pas
savoir ce que pensent les Russes de la situation
en Ukraine. On leur montre des chars en train de
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rouler tranquillement sur les routes, des

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destructions d’infrastructures, mais pas de
bombardements de villes. Les Russes ne peuvent
même pas se rendre compte du massacre qu’il y
a lieu là-bas.

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RÉDACTION VOUS
Publié le : 09/03/2022 à 10:11 - Mis à jour le : 09/03/2022 à 10:11

Crédits photo principale : EFREM LUKATSKY/AP/SIPA

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