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OGM et pesticides. Le groupe souffre aussi de la devraient « bénéficier d’une hausse du bénéfice par
hausse du dollar, qui renchérit ses produits en Amé- action (BPA) de base au cours de la première année
rique latine. Du coup, il prévoit de fermer des sites et complète après la conclusion de l’opération et d’une
de réduire de 16 % ses effectifs globaux d’ici 2018, hausse à deux chiffres du BPA au cours de la troi-
soit 3 600 emplois sur 20 000. sième année complète. »
C’était l’occasion rêvée pour un prédateur de s’offrir Pour financer cette opération, Bayer prévoit de
un géant mondial des semences. Les candidats recourir à des fonds propres, (environ 19 milliards
étaient multiples, c’est finalement l’allemand Bayer de dollars via l’émission d’obligations à conversion
qui l’a emporté. obligatoire en actions) et à l’emprunt, d’un montant
Bayer est le premier groupe chimique allemand de 57 milliards de dollars, assuré par un consortium
avec 116 000 salariés dans le monde et un chiffre bancaire composé de BofA Merrill Lynch, Credit
d’affaire de 46 milliards de dollars, dont un quart Suisse, Goldman Sachs, HSBC et J.-P. Morgan.
dans l’agriculture. Cette opération est significative à bien des égards.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, Bayer justifie Par les montants pharaoniques en jeu d’abord. 66
ainsi cette opération : « […] L’industrie agricole est milliards de dollars, c’est un montant supérieur
au cœur de l’un des principaux défis actuels : nourrir au PIB de deux tiers des pays du globe. Mais aussi
3 milliards de personnes supplémentaires dans le par la facilité avec laquelle Bayer a su trouver un
monde d’ici 2050 dans le respect de l’environne- consortium bancaire complice prêt à financer la
ment... Nos deux entreprises ont estimé que cet quasi-totalité de l’acquisition. Un nouvel exemple de
enjeu nécessitait une nouvelle approche qui intègre la dérive du système bancaire mondial qui consacre
Débat pour un pacte d’engagements communs
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l’essentiel de ses ressources à financer des opérations Mais surtout, réactions de tous ceux qui défendent
qui ne génèrent aucune valeur économique réelle. l’intérêt des agriculteurs, la souveraineté alimentaire
Il faut dire qu’avant ses difficultés récentes Monsanto des États et la diversité biologique.
affichait une profitabilité insolente, avec un rende- La concentration de l’industrie agrobiologique, c’est
ment du capital de près de 23 %. Et, selon les décla- l’appropriation par quelques groupes de la quasi-
ration des deux groupes, la fusion devrait améliorer totalité des brevets du génie génétique. Grâce à ces
significativement les choses, puisqu’ils font état de brevets, les semenciers ont renforcé le lien de dépen-
« création de valeur significative avec des effets de dance des agriculteurs à leur égard, notamment par
synergie annuels escomptés d’environ 1,5 milliard de l’interdiction contractuelle de ressemer les semences
dollars après la troisième année ; auxquels s’ajoutent, produites par les agriculteurs, obligeant les agricul-
dans les années suivantes, les effets de synergie sup- teurs à acheter de nouvelles semences chaque année.
plémentaires résultant des solutions intégrées... ». En recourant si besoin à des poursuites judiciaires.
Par effets de synergie, il faut évidemment entendre Entre 1997 et 2010, Monsanto a intenté 144 procès
essentiellement effet de la réduction des coûts, et a négocié 700 arbitrages pour atteinte à la pro-
notamment l’emploi, par suppression des emplois priété intellectuelle, indique l’association Inf’OGM.
redondants et autres doublons. Sans oublier un grand Les groupes de l’agrobiologie et de l’agrochimie ont
classique des opérations de fusions : la mutualisation d’autres moyens d’accroître la dépendance des agri-
des dépenses de recherche : « L’opération permettra culteurs à leur égard, il s’agit du « Digital Farming ».
également le regroupement des principales capacités Depuis plusieurs années, ils ont développé des
d’innovation et des plates-formes de technologie technologies qui, si elles améliorent la productivité
R&D des deux entreprises, avec un budget en R&D des agriculteurs, les rendent aussi plus dépendants
pro-forma annuel d’environ 2,5 milliards d’euros … » des fournisseurs de ces technologies et des données
Cette nouvelle concentration dans le secteur de nécessaires. L’absorption de Monsanto permettra
l’agrochimie et de l’agrobiologie n’est pas une pre- ainsi à Bayer de mettre la main sur Climate Field-
mière. Cette année s’est réalisée également l’opéra- View qui permet aux cultivateurs d’adapter leurs
tion de rachat des actions de Syngenta (n° 3 mondial) pratiques en temps réel, en fonction des conseils
par le chinois ChemChina. Montant total de cette prodigués par l’application.
acquisition : 43 milliards de dollars. De leur côté, Comme l’écrivait Guy Kastler, membre fondateur
deux autres géants, les américains Dow Chemical du Réseau semences paysannes, dans le numéro 6
(n° 2) et DuPont (n° 5), avaient décidé de fusionner de Progressistes, « Où est la souveraineté d’un pays si
en décembre 2015. une seule entreprise a le pouvoir de décider s’il peut
Tous les observateurs soulignent les dangers consi- ou non produire sa nourriture ? »
dérables que font courir ces concentrations sur Cette question est d’autant plus d’actualité que la
l’avenir de l’agriculture mondiale. Si cette dernière concentration du secteur conduit aussi a un renfor-
méga-fusion voit le jour, trois groupes contrôleront cement considérable de la capacité de lobbying et,
à eux seuls 60% des semences et 75% des produits au delà, de la capacité juridique de contester les déci-
phytosanitaires vendus dans le monde. sions des Etats par les oligopoles de l’agrobiologie.
« Mariage des affreux », « Alchimie monstrueuse », En particulier dans le contexte des nouveaux accords
ce projet, dès son annonce, a soulevé de nombreuses de libre échange en cours de négociation, CETA,
réactions. TAFTA... qui donnent aux multinationales les
En Allemagne d’abord, où l’on craint pour la répu- fondements juridiques pour contester les décisions
tation de Bayer. Certes, celle-ci n’est pas des plus des États. On imagine assez bien la force de frappe
reluisantes. Bayer est l’héritier d’IG Farben, fabricant que constitue un groupe dont le seul profit annuel,
du Zyklon B, et a été mêlée à de nombreux scandales de l’ordre de 6 milliards de dollars bon an mal an,
est supérieur au budget de la plupart des pays en
Economie et politique/septembre-octobre 2016/746-747
dans les dernières décennies : huile frelatée espagnole, développement dans lesquels il exerce son activité.
sang contaminé, pilules de 4e génération...). Mais
cette réputation pourrait bien se voir encore dégradée Enfin, la concentration du marché des semences
par celle beaucoup plus sulfureuse de Monsanto, à et la course aux brevets représentent une grave
l’origine de la quasi-totalité des grands scandales de menace pour la biodiversité agricole, notamment
ce siècle, depuis « l’agent orange » utilisé au VietNam par la concentration des objectifs de recherche. La
jusqu’au coton transgénique en Inde, en passant par focalisation de la recherche sur une poignée d’espèces
le pyralène, le Roundup, etc. C’est l’une des multi- hybrides à hauts rendements a pour conséquence
nationales les plus critiquées dans le monde par ses de réduire le nombre de plantes cultivées. « Au lieu
opposants. Au point qu’un collectif de juristes et de déterminer quelle plante convenait à quel climat
d’ONG a créé un tribunal international pour « juger et à quel terroir, les semenciers ont modifié les
les crimes imputés à la multinationale américaine » ! plantes afin qu’elles s’adaptent aux mêmes engrais
Réactions négatives des autorités de la concurrence et aux mêmes pesticides dans les mêmes régions.
américaines et européennes ensuite, qui devront Aujourd’hui, la même variété de maïs peut être culti-
donner leur feu vert à l’opération. Or la position vée du sud-ouest de la France jusqu’en Roumanie »,
dominante de ces oligopoles mondiaux est tellement s’inquiète Guy Kastler.
criante que celles-ci sont plus que réticentes à auto-
riser ces fusions. Il est d’ailleurs à noter que les deux
fusions précédentes, annoncées depuis plusieurs mois
(Syngenta/ChemChina et Dow Chemical/DuPont)
n’ont pas encore été approuvées.