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Vita Latina

La justice et les procès dans les livres I et II des Annales de


Tacite
Michèle Ducos

Abstract
In the first two books of his Annals, Tacitus describes several trials : prosecution for extorsion, adultery and mostly
maiestas. He records charges and sentences, but he is mainly interested in defendants, delators and in Tiberius’s
behaviour. Trials are thus a part of his political thought on liberty, justice and principate.

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Ducos Michèle. La justice et les procès dans les livres I et II des Annales de Tacite. In: Vita Latina, N°187-188, 2013. pp.
248-266;

https://www.persee.fr/doc/vita_0042-7306_2013_num_187_1_1764

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La justice et les procès
dans les livres I et II
des Annales de Tacite

Abstract
In the first two books of his Annals, Tacitus describes several trials : prosecution for
extorsion, adultery and mostly maiestas. He records charges and sentences, but he is
mainly interested in defendants, delators and in Tiberius’s behaviour. Trials are thus a
part of his political thought on liberty, justice and principate.

Nos saeua iussa, continuas accusationes, perniciem innocentium [...]


coniungimus 1... C’est en ces termes que Tacite présente la matière de son récit :
accusations continuelles, innocents en péril et ordres cruels ; dans cette énumé-
ration qui vise à l’essentiel, l’historien a retenu la question de la justice à travers
les accusations et les condamnations. Cette préoccupation n’est pas surprenante
car la naissance et le développement du principat ont profondément modifié
l’organisation de la justice : la juridiction impériale ne semble pas encore très
importante, mais avec Auguste et Tibère, le sénat a reçu une compétence
judiciaire, qui le fait intervenir dans bien des affaires 2. Sénateur et historien,
Tacite ne pouvait manquer d’être attentif à ces nouvelles fonctions ainsi qu’au
rôle grandissant de l’empereur en matière de justice. De fait, dans les Annales,
et plus particulièrement dans les livres I à VI, il fait une place importante à ces
questions dans son récit : procès longuement détaillés, remarques brèves, allu-
sions rapides, la narration est comme rythmée par les indications et les commen-
1. Ann. IV, 33, 3 : « pour nous, nous enchaînons ordres cruels, accusations continues, [...]
innocents mis en péril. »
2. R.J.A. Talbert 1984 : 460-487.
No 187-188, 2013, p. 248-266.
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taires de Tacite. Dans leur variété, les affaires judiciaires s’insèrent dans le règne
de Tibère et constituent autant d’étapes dans son évolution.

Ces récits sont parfois elliptiques : Tacite se concentre sur quelques détails en
éliminant les autres. Son impartialité a été discutée et l’on a souvent souligné les
déformations, les distorsions, les erreurs, parfois, qui caractérisent ces épiso-
des 3. Néanmoins leur examen attentif permet de mieux comprendre les préoc-
cupations de notre auteur et sa réflexion sur le règne de Tibère.
Les procès ne manquent pas dans les livres I et II des Annales, même s’ils ne
présentent pas la même concentration que les livres suivants ; ce sont en premier
lieu les accusations de lèse-majesté qui retiennent tout particulièrement l’atten-
tion de l’auteur 4. Mais la description qu’il en donne varie considérablement
selon les causes. Pour le procès de Granius Marcellus (I, 74) et pour celui de Libo
Drusus (II, 27-32), l’accusation, la comparution devant le sénat et la condamna-
tion sont longuement détaillées. Dans le cas d’Appuleia Varilla (II, 50) où sont
associés adultère et lèse-majesté, le récit est plus bref, mais cette accusation fait
apparaître le « développement de la loi de lèse-majesté » 5. Si le procès de Pison
(avec les multiples questions qu’il soulève) dépasse le cadre de cette étude, il est
annoncé et suggéré à la fin du livre II ; Germanicus invite ses amis à le venger :
« vous aurez une raison de vous plaindre devant le sénat, d’invoquer les lois » 6.
Et dans les livres suivants, ces procès se succèdent : Aemilia Lepida, Clutorius
Priscus, Silanus, Sabinus, Séjan et ses partisans...
À ces affaires importantes s’ajoutent des allusions plus brèves à d’autres types
d’accusations. Granius Marcellus, accusé de lèse-majesté, a été également pour-
suivi pour concussion 7. Mais cette dernière accusation n’est indiquée que
brièvement et la procédure, passée sous silence, se réduit à la seule mention des
récupérateurs 8.
Les poursuites contre Titidius Labeo (II, 85) sont liées à la lex Iulia sur
l’adultère car elle prévoit dans certains cas des poursuites contre le mari. Ce
crimen figure aussi dans le procès intenté à Appuleia Varilla (II, 50) qui se trouve
en même temps accusée de lèse-majesté.
Le procès intenté à Urgulania par L. Calpurnius Pison (II, 34, 2) est une affaire
civile, tout en ayant des implications politiques sur lesquelles s’étend longue-
ment Tacite. Sont également mentionnés les procès du forum auxquels assiste

3. R.S. Rogers 1935.


4. Ann. I, 73 ; I, 74 ; II, 27-32 ; II, 50.
5. Ann. II, 50,1 : Adolescebat interea lex maiestatis.
6. Ann. II, 71, 2 : Erit uobis locus querendi apud senatus, inuocandi leges.
7. Ann. I, 74, 6 : De pecuniis repetundis ad reciperatores itum est.
8. Il s’agit ici de la commission de cinq sénateurs chargés de rendre la sentence et de
prononcer la condamnation. La procédure est fondée sur le sénatus-consulte Calvisien, qui
figure dans les édits de Cyrène, voir R.J.A. Talbert 1984 : 464-465 et B. Santalucia 1994 : 222.
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Tibère (I, 75, 1). Enfin, l’historien indique aussi que le roi de Cappadoce,
Archelaus, fut accusé devant le sénat. Mais, dans ce dernier cas, l’ensemble reste
très imprécis et ne permet pas de reconstituer les fondements de l’accusation 9.
Le roi de Thrace, Rhescuporis, est également accusé devant le sénat pour
homicide par l’épouse de son frère Cotys, et condamné 10.
Ces procès ont donc un contenu varié, se déroulent devant des juridictions
différentes et semblent d’importance inégale. Tacite n’en retrace pas nécessaire-
ment tout le déroulement, mais se concentre sur des aspects qu’il juge essentiels.
Ces silences rendent parfois difficile pour le lecteur la compréhension de ces
causes mais font apparaître en même temps les préoccupations de l’historien.
Il semble parfois s’attarder sur des questions mineures. C’est bien ce que peut
montrer l’affaire qui oppose Pison et Urgulania. Après avoir souligné l’indépen-
dance de L. Calpurnius Piso 11, qui déclarait vouloir se retirer de Rome, Tacite
donne un autre exemple de son caractère :
Haud minus liberi doloris documentum idem mox Piso dedit, uocata in ius Vrgu-
lania, quam supra leges amicitia Augustae extulerat. (II, 34, 2)
« Le même Pison donna ensuite une preuve non moins importante de son indignation
et de son indépendance en convoquant en justice Urgulania, que son amitié avec
Augusta avait élevée au-dessus des lois ».

Il s’agit ici d’une affaire civile, portant sur une créance : les plaideurs doivent
comparaître devant le préteur pour exposer leurs prétentions ; c’est le premier
stade d’un procès, qui se continuera ensuite devant le juge. En ce sens, l’affaire
qui oppose Pison et Urgulania n’est qu’un différend ordinaire ; on ne peut même
pas parler de litige car il s’arrête à la première phase du procès.
C’est l’obstination des deux adversaires et l’intervention de la politique qui en
font une affaire hors du commun : considérant qu’elle est au-dessus des lois 12,
Urgulania refuse de se rendre à la convocation 13 et se réfugie auprès de Livie, à
l’intérieur du palais impérial. Mais Pison persiste dans son intention ; à la
demande de sa mère, Tibère accepte d’assister Urgulania devant le préteur,
tandis que Pison s’obstine, si bien que Livie fit payer la somme demandée 14.
Urgulania s’appuie donc sur son amitié avec Livie ; il est clair qu’elle recherche
la protection de l’empereur et de sa mère, pour ne pas avoir à comparaître. Pour
sa part, Pison ne renonce pas ; le uadimonium étant resté sans suite, il cherche

9. Ann. II, 42, 3 ; voir les hypothèses de F.R.D. Goodyear 1981 : 320.
10. Ann. II, 67, 2.
11. Il s’agit de L. Calpurnius Piso, augure.
12. Ann. II, 34, 2 : Vrgulania, quam supra leges amicitiae Augustae extulerat ; la suite du
chapitre (II, 34, 3) montre un autre aspect de sa potentia ; cf. IV, 22, 2.
13. Il s’agit sans doute d’un uadimonium, une citation à comparaître envoyée par le
demandeur.
14. Ann. II, 34, 3.
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à amener lui-même Urgulania en justice. Le récit du livre II reste imprécis sur ce


point : nec ille abscessit, écrit Tacite, soulignant ainsi l’obstination de Pison 15.
Mais le différend avec Urgulania est rappelé dans le livre IV au moment où il est
mis en accusation : « faisant fi de la puissance d’Augusta, il avait osé traîner en
justice Urgulania et l’arracher au palais impérial » 16. Ces lignes précisent ainsi
ce qui reste implicite dans le livre II : Pison a voulu traîner en justice Urgulania
de force, l’arracher à la protection du palais en recourant à la procédure archaï-
que où le plaideur récalcitrant était traîné en justice par son adversaire. Ainsi
s’expliquent les protestations de Livie, se plaignant « d’être outragée et humi-
liée » 17. Cet épisode illustre donc l’indépendance de Pison ; elle se révélait aussi
dans son désir de quitter Rome à cause de la corruption des tribunaux et de la
cruauté des accusateurs.
La corruption des tribunaux a déjà été suggérée dans le livre I des Annales.
Après avoir rapporté les premièrs procès de lèse-majesté, Tacite s’attarde sur la
conduite du prince :
Nec patrum cognitionibus satiatus, iudiciis adsidebat in cornu tribunalis, ne
praetorem curuli depelleret ; multaque eo coram aduersus ambitum et potentium
preces constituta. Sed, dum ueritati consulitur, libertas corrumpebatur. (I, 75, 1)
« Sans se laisser rassasier par les enquêtes du sénat, il assistait aux procès, assis dans
un coin du tribunal, pour ne pas chasser le préteur de son siège curule. Et en sa
présence, on prit de nombreuses décisions contre la brigue et les prières des grands,
mais en veillant à la vérité, on portait atteinte à la liberté ».

Suétone et Dion Cassius 18 ont aussi mentionné la présence de Tibère à ces


procès ; toutefois, les indications figurant dans les Annales restent concises et
elliptiques 19. Les iudicia dont il est fait mention, sont présidés par un préteur et
se déroulent au forum : il ne s’agit donc pas d’affaires civiles où intervient un juge
ni de la cognitio du sénat, mais de la procédure publique pour les délits
(crimina), jugés devant une quaestio. L’empereur ne semble pas vouloir se
présenter comme un juge ou un magistrat : il ne siège pas aux côtés du préteur,
mais seulement « dans un coin du tribunal », c’est-à-dire en retrait par rapport au
magistrat. Pourtant, Tacite a souligné comment sa seule présence empêche les

15. Ann. II, 34, 2 ; voir H. Furneaux 1894 : 325 n. 10 où abscessit est rapproché de abscedere
incepto ; E. Koestermann 1963 : 313 abscessit = abstitit ; F.R.D. Goodyear 1981 : 293 suggère
did not go away.
16. Ann. IV, 21, 1 : spreta potentia Augustae, trahere in ius Vrgulaniam domoque principis
excire ausus erat.
17. Selon R.A Bauman 1992 : 135, l’expression utilisée par Tacite (uiolari et imminui) est le
langage de la maiestas.
18. Suet. Tib. 33, 2 ; Dio 57, 7, 6.
19. Nous laissons de côté la question de savoir où était installé Tibère ; voir L. Bablitz 2009 :
121-132, qui s’interroge sur cette question et confronte les versions de Tacite, Suétone et Dion
Cassius.
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juges de céder aux pressions des puissants. De l’objet des procès rien n’est dit,
des sentences et des condamnations non plus. L’historien se concentre sur
l’empereur en portant un jugement ambigu sur sa conduite.
Les poursuites qui pourraient menacer Titidius Labeo en 19 20 sont fondées
sur l’application de la lex Iulia de adulteriis. Depuis cette loi, l’adultère n’est
plus l’objet d’une répression familiale, au sein de la domus, mais il constitue un
crimen, c’est-à-dire un délit qui fonde une accusation devant un tribunal
public 21. En cas d’adultère flagrant, il revient à l’époux de divorcer et d’intenter
ensuite une accusation pour adultère contre l’épouse infidèle. Pendant une durée
de soixante jours, il est seul à pouvoir le faire ; s’il s’en abstient, n’importe quel
autre citoyen peut ensuite intenter des poursuites. De plus, le mari qui ne se
sépare pas de sa femme et n’use pas de son droit d’accusation, est passible de
lenocinium et risque à son tour d’être poursuivi 22. Tel est le cas de Titidius
Labeo, époux de Vistilia ; cette dernière avait fait une déclaration de prostitution
devant les édiles 23 : elle évitait de cette façon les peines fixées par la lex Iulia,
mais une telle déclaration n’empêchait pas les poursuites pour adultère 24. La
conduite de Vistilia est d’autant plus choquante qu’elle appartient à une famille
prétorienne ; c’est ce qui explique que l’accusation soit présentée au sénat.
Titidius Labeo a négligé d’exercer la « vengeance » prévue par la loi mais échappe
aux poursuites en affirmant que le délai de soixante jours n’est pas encore écoulé.
Cet essai d’accusation montre que Vistilia est considérée par le sénat comme une
femme prise en flagrant délit d’adultère 25 ; elle est finalement condamnée à la
rélégation 26. L’affaire est traitée rapidement par Tacite et ne semble pas appeler
de commentaire particulier ; son originalité réside dans une accusation présen-
tée devant le sénat, son caractère exceptionnel provient du rang de l’accusée et de
son époux, un ancien préteur 27. En outre, cette accusation est à l’origine d’une

20. Ann. I, 85, 3 : Exactum et a Titidio Labeone, Vistiliae marito, cur in uxore delicti
manifesta ultionem legis omisisset. Atque, illo praetendente sexaginta dies ad consultandum
datos necdum praeterisse, satis uisum de Vistilia statuere. Le verbe exigere ne semble pas
désigner des poursuites, plutôt une interrogation.
21. C. Fayer 2005 : 212-213.
22. Voir Dig. 48, 5, 30 (29) (Ulpien) où sont énumérées diverses conduites pouvant entraîner
une accusation pour lenocinium ; cf. S. Treggiari 1991 : 288-289 ; C. Fayer 2005 : 252-253.
23. T.A.J. McGinn 1992 : 281-283.
24. Dig. 48, 5, 11, 2 (Papinien) : mulier quae euitandae poenae adulterii gratia, lenocinium
fecerit, aut operas suas in scaenam locauit, adulterii accusari damnarique ex senatus-consulto
potest. Voir C. Fayer 2005 : 345-346.
25. T.A.J. McGinn 1992 : 287.
26. Ann. II, 85, 3 : eaque in insulam Seriphon abdita. Le verbe employé par Tacite ne
permet pas de préciser la nature exacte de la peine : rélégation, conformément à la lex Iulia, ou
bien exil, selon l’interprétation de T.A.J. McGinn 1992 : 286.
27. Y. Rivière 2002 : 206 ; le sénat ne dispose pas d’une compétence générale dans ce
domaine.
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décision sénatoriale : un sénatus-consulte réprimant la licence des femmes et


interdisant la prostitution à celles qui appartiennent à une famille de rang
équestre 28.
Appuleia Varilla se trouve, elle aussi, accusée d’adultère mais sa situation est
bien différente car dans le cas de cette femme appartenant à la famille impé-
riale 29, l’accusation se double d’une accusation de lèse-majesté pour avoir raillé
par des « propos injurieux » le divin Auguste, Tibère et sa mère 30 ; toutefois, le
détail du procès reste imprécis. L’auteur de l’accusation n’est pas connu ; de
l’accusée, nous ne connaissons que le nom et les crimina qui suscitent le procès,
sans autres indications. Le déroulement du procès n’est pas vraiment précisé.
Seul, le comportement de l’empereur retient l’attention : il sépare les deux
accusations. Dans un premier temps, il ne retient que les paroles sacrilèges
concernant Auguste, qui doivent entraîner une condamnation, estimant que les
poursuites ne sont pas nécessaires pour les paroles dirigées contre lui ; puis il
étend ce refus aux paroles concernant sa mère. Finalement, l’accusation de lèse-
majesté est entièrement écartée. Reste l’adultère : la répression est confiée aux
parents d’Appuleia Varilla, qui l’éloignent à deux cents milles de Rome. Selon
l’usage républicain, c’est à l’intérieur de la famille que le châtiment est décidé
puis exécuté 31 ; Tibère renoue avec la tradition. Dans l’ensemble, ce procès au
sénat montre la modération du prince car il repousse l’accusation de lèse-
majesté. En outre, la répression de l’adultère ne donne pas lieu à des poursuites
publiques, mais s’accomplit au sein de la famille et permet ainsi une peine plus
douce que celle de la Lex Iulia 32. C’est plutôt la nature même du procès qui a
retenu l’attention de Tacite. En effet, cette affaire fait apparaître de nouvelles
formes d’accusation liées au crimen maiestatis : il s’applique à une femme
appartenant à la famille impériale et qui se trouve doublement accusée. Le procès
d’Appuleia crée un précédent. Par la suite, des accusations du même ordre sont
portées contre Aemilia Lepida ou Claudia Pulchra 33. Le crimen maiestatis
commence ainsi à devenir « le complément de toutes les accusations » 34.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que Tacite attache une grande
importance à de tels procès. Il les mentionne avec précision, énumérant sans se
lasser des accusations en série dans les différents livres des Annales. Dès les

28. Suet. Tib. 35, 2 mentionne seulement une décision de Tibère.


29. Elle est la petite-fille d’Octavie.
30. Ann. II, 50, 1.
31. Suet. Tib. 35,1.
32. La loi prévoit que la coupable est condamnée à la perte de ses biens et à la rélégation dans
une île. La peine infligée par Tibère est parfois plus rude (Ann. IV, 42, 3) ; voir C. Fayer 2005 :
344.
33. Ann. III, 22-23 ; IV, 52.
34. Ann. III, 38, 1 : addito maiestatis crimine, quod tum omnium accusationum comple-
mentum erat.
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premiers livres, il en retrace minutieusement le détail pour évoquer accusations


et accusateurs, décrire le déroulement des séances au sénat, faire état des
réactions de l’empereur et, enfin, des condamnations.
Les accusations se fondent sur la lex maiestatis 35, une loi que Tibère aurait
« remise en vigueur » 36. Tacite en a longuement exposé l’histoire dans un
chapitre des Annales (I, 72). Dans ces lignes, il rappelle que sous la république,
la loi sanctionnait des actes d’une extrême gravité : trahison, sédition, mauvaise
gestion des affaires publiques ; et conclut : facta arguebantur, dicta impune
erant. Par cette formule est soulignée la disproportion entre des actes qui
portent atteinte à la sûreté de l’État et les paroles outrageantes ou les libelles qui
fondent de telles accusations sous le principat. Cette transformation radicale est
d’abord l’œuvre d’Auguste 37 : il utilise cette loi pour des libelles injurieux 38 ; et
ses successeurs, en particulier Tibère, agissent dans le même sens. Ils ont étendu
la portée de cette loi et utilisé sa rigueur pour des délits mineurs. Bien des détails
nous échappent dans le développement de ce crimen et dans l’application de
cette mesure 39, car l’atteinte à la maiestas reste un concept imprécis, suscepti-
ble de nombreuses interprétations et extensions 40. Mais, par sa complexité
et par son utilisation répétée, cette loi a des conséquences redoutables. Tibère
a choisi de la « faire appliquer » 41 c’est-à-dire d’accepter qu’elle soit le
fondement d’accusations. Il n’est donc pas surprenant que Tacite s’appuie
sur cette mesure pour mener sa réflexion sur la justice ; l’historien montre
comment le crimen maiestatis devient peu à peu « le complément de toutes les
accusations ». Dès ses premières applications, il est présenté comme « un fléau
qui va tout dévorer » 42.

35. R.A. Bauman 1967 ; 1974 ; B. Levick 1999 : 180-200.


36. Ann. I, 72, 2 : nam legem maiestatis reduxerat. Cette expression a suscité bien des
commentaires (F.R.D. Goodyear 1981 : 149), car les critiques ont souligné qu’il n’était pas
possible de parler de « remise en vigueur » pour une loi déjà appliquée sous Auguste. Une
formule très proche est utilisée au début du règne de Néron : tum primum reuocata est ea lex
(XIV, 48, 2). L’expression n’est pas plus exacte si on la prend à la lettre ; il s’agit donc de mettre
en évidence le moment où chaque empereur recourt pour la première fois à cette loi.
37. L’existence d’une lex Iulia maiestatis qui serait l’œuvre d’Auguste est extrêmement
discutée car le silence des sources ne permet pas de conclusions nettes ; mais l’empereur en a
sans doute étendu la portée ; voir R.A. Bauman 1967 : 266-272 ; et la mise au point de
F.R.D.Goodyear 1981 : 142-149.
38. Ann. I, 72, 3 : Primus Augustus cognitionem de famosis libellis specie eius legis
tractauit, commotus Cassii Seueri libidine, qua uiros feminasque inlustres procacibus scriptis
diffamauerat.Voir R. A. Bauman 1967 : 246-271.
39. M. Ducos 1991 : 3221-3223.
40. B. Levick 1999 : 184.
41. Ann. I, 72, 3 : Mox Tiberius, consultante Pompeio Macro, praetore, an iudicia maies-
tatis redderentur, exercendas esse leges respondit.
42. Ann. I, 73, 1 : ...ut quibus initiis, quanta Tiberii arte grauissimum exitium inrepserit,
dein repressum sit, postremo arserit cunctaque corripuerit noscatur.
vita latina 255

Pour mieux comprendre les enjeux de ces accusations, il convient d’abord


d’exposer brièvement le déroulement de la cognitio sénatoriale. Lorsque des
sénateurs sont accusés, les débats judiciaires se déroulent devant le sénat, qui
rend la sentence 43. Ce sont des particuliers qui prennent l’initiative des pour-
suites et présentent aux consuls l’accusation (postulatio) avec les documents qui
la fondent (libellus). Ensuite, les consuls acceptent l’accusation (receptio inter
reos) et la présentent au sénat ; mais sa recevabilité fait souvent l’objet de
nouvelles discussions ou, parfois, est rejetée par l’empereur lui-même 44. Si
l’accusation est acceptée, le procès se poursuit : il s’ouvre par la lecture des chefs
d’accusation ; l’accusé comparaît, on entend accusateurs, accusés et témoins, on
examine les documents pouvant étayer l’accusation. Enfin, les sénateurs débat-
tent de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et de la peine ; la décision
finale prend la forme d’un sénatus-consulte. Le sénat exerce ainsi une importante
juridiction. Il a en outre la possibilité « d’adoucir les lois ou de les aggraver » 45.
Mais l’influence de l’empereur reste déterminante.
Plusieurs accusations le montrent clairement. Dans le cas de Faianus et de
Rubrius, au moment de la première tentative d’accusation pour maiestas, Tibère
écrit lui-même aux consuls pour repousser l’accusation 46. Aucune indication du
même ordre n’est donnée pour l’affaire suivante, le procès de Granius Marcellus,
accusé de lèse-majesté et de concussion ; le récit se concentre sur les accusateurs,
l’accusation et le comportement du prince. C’est le déroulement du procès qui
importe, la personne de l’accusé reste dans l’ombre.
Dans le procès de Libo Drusus, en 16 av. J.-C., Firmius Catus expose dans un
premier temps l’affaire au prince, mais il n’y a pas de poursuites ; selon Tacite,
« Tibère renferme sa colère » 47. Ensuite, c’est Fulcinius Trio qui s’adresse aux
consuls et demande une cognitio devant le sénat. Corripit reum écrit l’historien,
en soulignant l’extrême rapidité de sa réaction. Une telle expression, fréquente
dans les Annales 48, semblerait signifier que l’accusateur s’empare de sa victime
pour la traîner devant des juges. Elle a même été considérée comme un syno-
nyme de uocare in ius 49 ; mais cette pratique n’existe pas dans la cognitio
sénatoriale, qui repose sur une procédure accusatoire où le délateur prend
l’initiative de l’accusation. Tacite entend mettre en évidence la violence et la

43. Voir B. Santalucia 1994 : 220-222 ; mais Y. Rivière 2002 : 190-192 a souligné la
complexité et la flexibilité de la procédure.
44. Ann. I, 13 ; II, 50 ; III, 70.
45. Plin. Epist. IV, 9, 17.
46. Ann. I, 73, 3-4.
47. Ann. II, 28, 2 : adeo iram condiderat.
48. Mais l’expression est fréquente chez Tacite et liée à l’accusation (voir aussi Ann. III, 28,
3 ; III, 49, 1 ; III, 66 ; IV, 66,1 ; Hist. II, 84, 1) ; F.R.D.Goodyear 1981 : 272 insiste sur la
sauvagerie de l’accusateur ; A. J. Woodman et R. Martin, 1996 : 260, y voient plutôt l’image de
la maladie qui attaque.
49. E. Koestermann 1963 : 301.
256 michèle ducos

rapidité du délateur, qui se jette sur une victime, se saisit de l’accusation et


s’adresse aux consuls ou au prince.
En effet, le prince ne reste pas à l’écart : dans l’accusation contre Libo Drusus,
Firmius Catus a rassemblé des preuves et des témoignages qu’il fait parvenir à
Tibère (II, 28, 1). Après la chute de Séjan, c’est l’empereur lui-même qui
demande à C. Cestius de se charger d’une accusation (VI, 7, 2) et cette pratique
se développe dans les dernières années du règne 50.
Au cours des débats, l’historien s’attache au comportement de l’empereur : il
fait ressortir sa modération, par exemple dans le procès d’Appuleia Varilla où
l’accusation de lèse-majesté n’est pas retenue et où l’accusation d’adultère
entraîne une condamnation dépourvue de sévérité. Dans d’autres cas, c’est
l’impassibilité du prince qui est soulignée avec Libo Drusus :
Mox libellos et auctores recitat Caesar, ita moderans ne lenire neue asperare
crimina uideretur. (II, 29, 2)
« Ensuite, César lit les dossiers avec les noms des auteurs, en veillant à ne paraître ni
adoucir ni aggraver les charges » 51.

Mais Tibère éclate en entendant les accusations proférées par les accusateurs
de Granius Marcellus 52.
Le plus souvent, l’accent est mis sur le fondement de l’accusation. La première
tentative qui concernait deux chevaliers, fait apparaître la contradiction entre la
gravité de l’accusation et la minceur des faits incriminés : vente d’une statue,
présence de Cassius, un acteur de mimes, parmi les cultores Augusti. Rubrius est
accusé d’avoir profané la divinité d’Auguste par un faux serment 53. On ne sait pas
exactement ce qui a été reproché à Appuleia Varilla. Les documents concernant
Libo Drusus sont des libri uaecordes, les accusations sont stolida et uana 54.
Pour Granius Marcellus, ce sont d’abord des sinistros sermones sur Tibère qui
entraînent l’accusation de lèse-majesté ; Tacite a fait ressortir l’habileté de
l’accusateur et l’efficacité de ce procédé car ce crimen ineuitabile, cette accusa-
tion irréfutable, entraînait à coup sûr condamnation. Au cours du procès, avec
l’intervention du second accusateur, Romanius Hispo, est soulevée la question
des statues : une statue de Marcellus placée plus haut que celles des Césars, une
statue d’Auguste dont on a enlevé la tête pour mettre à la place celle de Tibère 55.
Ces actes peuvent paraître sans gravité mais la transformation de la statue
constitue assurément un manque de respect à l’égard du divin Auguste ; le

50. Y. Rivière 2002 : 223-229.


51. Tibère a le même comportement face à Pison (Ann. III, 12, 1 ; III, 15, 2).
52. Ann. I, 74, 4 : Ad quod exarsit adeo ut, rupta taciturnitate, proclamaret se quoque in ea
causa laturum sententiam palam et iuratum, quo ceteris eadem necessitas fieret.
53. Ann. I, 73, 2 : Rubrio crimini dabatur uiolatum periurio numen Augusti.
54. Ann. II, 30,1 ; II, 30, 2.
55. Ann. I, 74, 3.
vita latina 257

témoignage de Suétone en confirme l’importance 56. C’est alors que Tibère


rompt avec son silence. Comment comprendre cet éclat ? Tacite ne donne pas
d’explications et la réaction de l’empereur a été diversement interprétée :
exaspération devant la minceur de telles accusations 57 ? colère contre les déla-
teurs qui persistent à accuser, malgré son refus de faire poursuivre Faianius et
Rubrius 58 ? indignation devant ces attaques dont il entend se justifier ? L’empe-
reur a en effet un comportement identique au procès de Votiénus Montanus : « Il
entendit les paroles injurieuses dont on le déchirait en secret et il en fut si boule-
versé qu’il cria à plusieurs reprises qu’il allait se justifier immédiatement ou pen-
dant le procès » 59. Mais la phrase tacitéenne semble plutôt renvoyer aux accusa-
tions qui précèdent immédiatement l’éclat de Tibère et concerne la question des
statues ; Marcellus a voulu honorer Tibère mais a fait preuve d’impietas envers
Auguste. C’est cette conduite qui aurait provoqué la colère du prince 60.
Dans sa description, Tacite fait donc ressortir la minceur des actes qui fondent
l’accusation : des paroles, des actions qui ne sont pas nécessairement répréhen-
sibles. Dans le procès de Libo Drusus, les accusations sont uana et stolida, les
libelli uaecordes. Ces qualificatifs reflètent nettement le jugement de Tacite.
L’historien insiste également sur la faiblesse des victimes incapables de se
défendre : Faianus et Rubrius sont de modestes chevaliers, M. Granius Marcellus
est proconsul de Bithynie. La personnalité d’Appuleia Varilla nous échappe ;
Libo Drusus est manifestement une victime aux yeux de l’historien : c’est un
jeune homme étourdi et crédule, comme le confirme aussi le témoignage de
Sénèque soulignant sa faiblesse d’esprit 61. Firmius Catus, un de ses amis
intimes, l’a pris au piège 62. Tibère laisse passer le temps avant de le laisser
accuser alors qu’il pouvait l’empêcher d’agir 63. Personne ne veut se charger de
sa défense. La narration met en lumière la solitude et la terreur de l’accusé,
« accablé de crainte et de désespoir »64 face à un Tibère impassible, ainsi que sa
fin pitoyable où il choisit le suicide.

56. Suet. Tib. 58, 2 : Statuae quidam Augusti caput dempserat ut alterius imponeret ; acta
res in senatu... Mais L. Ennius qui avait fait fondre une statue de Tibère n’est pas accusé (III,
70) ; en revanche diverses atteintes concernant les statues de l’empereur tombent ultérieure-
ment sous le coup de la loi de lèse-majesté (Dig. 48, 4, 5-6).
57. R.S. Rogers 1935 : 10 : il viserait les accusateurs et l’absurdité de leurs accusations.
58. R. Seager 2005 : 128.
59. Ann. IV, 42, 1 : Audiuit Tiberius probra quis per occultum lacerabatur, adeoque
perculsus est ut se uel statim uel in cognitione purgaturum clamitaret... ; voir E. Koestermann
1963 : 242.
60. D.C.A. Shotter 1966 : 207-208.
61. Ann. II, 27, 2 : iuuenem improuidum et facilem inanibus... Sen. Epist. 70, 10 : Scribonia
[...] amita Drusi Libonis fuit, adulescentis tam stolidi quam nobilis...
62. Ann. II, 27, 2 ; cf. IV, 31,7-8 : Libonem inlexerat insidiis.
63. Ann. II, 28, 2 : cunctaque eius dicta factaque cum prohibere posset, scire malebat...
64. Ann. II, 29, 2 : metu et aegritudine fessus...
258 michèle ducos

Le procès de Libo Drusus pose de nombreux problèmes. Tacite semble avoir


délibérément déformé la situation et, dans son hostilité à Tibère 65, minimisé la
gravité de l’accusation 66 : res nouas moliri, « préparer une révolution », telle est
l’accusation mentionnée par Suétone, Dion Cassius, et aussi Tacite lui-même 67 ;
la délibération du sénat porte sur une affaire importante et terrible 68. En outre,
l’accusé, M. Scribonius Libo Drusus a des ancêtres célèbres et de nombreux liens
avec la famille impériale : avec « Pompée pour bisaïeul, Scribonia pour tante, jadis
épouse d’Auguste et les Césars pour cousins » 69, il pouvait espérer une position
élevée. L’affaire est donc prise au sérieux par Tibère et le sénat. Et la poursuite de
l’accusation après la mort de Libo Drusus peut en confirmer la gravité. Mais les
différentes charges restent peu claires, les indications sur la réalité d’une conspi-
ration manquent 70 ; les accusations mentionnent des rites magiques et la consul-
tation d’astrologues, actes qui sans aucun doute étaient associés au crimen
maiestatis. Mais Tacite a voulu souligner les dangers que présente la conduite de
l’empereur : elle perd les accusés et encourage les accusateurs 71.
C’est en ce sens que Tacite insiste sur la responsabilité des délateurs, ces
orateurs qui se spécialisent dans la dénonciation et l’accusation 72. Il souligne à
maintes reprises leur rôle néfaste. Le procès de Granius Marcellus est pour lui
l’occasion de tracer un portrait particulièrement dur de ces personnages 73 :
Qui formam uitae iniit quam postea celebrem miseriae temporum et audaciae
hominum fecerunt : nam egens, ignotus, inquies, dum occultis libellis saeuitiae
principis adrepit, mox clarissimo cuique periculum facessit, potentiam apud unum,
odium apud omnes adeptus, dedit exemplum quod secuti ex pauperibus diuites, ex
contemptis metuendi, perniciem aliis ac postremum sibi inuenere. (I, 74, 1-2)
« Il inaugura un genre de vie que firent ensuite se développer le malheur des temps et
l’audace des hommes ; en effet, pauvre, inconnu, remuant, en s’insinuant par des
dossiers secrets dans la cruauté du prince, puis en mettant en péril les plus illustres des
citoyens, il réussit à acquérir de l’influence sur un seul homme, de la haine auprès de
tous et il donna un exemple que suivirent des gens qui, de pauvres qu’ils étaient devenus

65. M. L. Paladini 1968 : 27- 31 ; R. S. Rogers 1952 : 285 .


66. R.S. Rogers 1935 : 14-18 ; Id. 1952 : 285 ; B. Levick 1999 : 150 ; D.C.A. Shotter 1972.
67. Suet. Tib. 25, 2 ; Dio Cass. LVII,15, 4 ; voir aussi les Fastes d’Amiternum (Inscr. It. XIII,
2, p. 193) : nefaria consilia [...] de salute Ti Caesaris...
68. L’adjectif atrox a ici un sens très fort, que l’on retrouve dans le lexique juridique.
69. Ann. II, 27, 2 : ...dum proauum Pompeium, amitam Scriboniam, quae quondam Augusti
coniunx fuerat, consobrinos Caesares... ; sur ces liens familiaux voir I. Cogitore 2002 : 186.
70. D. C. A. Shotter 1972 : 91 ; F.R D.Goodyear 1981 : 263-264 ; I. Cogitore 2002 : 184 ;
187.
71. D. C. A. Shotter 1972 : 97.
72. Selon la définition de Y. Rivière 2002 : 62 ; S. Rutledge 2001 : 9-11 qui insiste sur la
difficulté de formuler une définition précise.
73. Ce portrait est en général considéré comme celui de Caepio Crispinus (R. Syme 1958 :
326 ; 693-694 ; voir cependant les réserves de F.R.D. Goodyear 1981 : 159-160).
vita latina 259

riches, de méprisés redoutables, causèrent la perte d’autrui et à la fin se perdirent


eux-mêmes ».

Avec ce portrait à charge, Tacite définit un type, plus qu’un individu en


particulier, et fait ressortir les caractéristiques sociales et morales des déla-
teurs 74 : soulignant leur pauvreté et l’obscurité de leurs origines 75, il met aussi
en relief leur appétit de richesse 76 et leur volonté de puissance ; enfin, l’histo-
rien montre leur ascension rapide souvent suivie d’une chute brutale. Plusieurs
de ces traits se retrouvent dans les Annales pour caractériser d’autres accusa-
teurs 77. Dans cette représentation négative, il faut aussi remarquer une audace
effrontée : elle n’appartient pas au seul Caepio ; Junius Othon, lui aussi, « ajoute
à l’obscurité de ses origines des accusations pleines d’audace » 78. C’est l’audace
qui conduit les délateurs à proférer toutes sortes d’accusations absurdes ou
invraisemblables et les rend prêts à toutes les attaques pour acquérir richesse et
influence. Ce trait de caractère doit retenir l’attention à cause de la valeur
péjorative qu’il possède 79 : il sert à désigner un comportement qui conduit à
mépriser les lois ou les règles de la vie en commun. Ainsi les délateurs ignorent
les valeurs romaines traditionnelles ; par leur refus des règles morales et par leur
volonté de nuire, ils constituent une force de destruction et s’apparentent à des
criminels : dans les livres suivants, leurs activités sont à plusieurs reprises
qualifiées de scelera 80 ; Tacite montre leur absence de loyauté et leur cruauté.
Tibère, qui les encourage en les considérant comme « les gardiens des lois » 81,
porte par là une lourde responsabilité.
Ainsi la représentation et l’interprétation des procès dans les Annales sont
inséparables d’une réflexion politique. Tacite élimine les évidences et les détails
superflus pour se concentrer sur ce qui est l’essentiel à ses yeux : les accusations,

74. Y. Rivière 2002 : 402-404 ; S. Rutledge 2001 : 12-16.


75. Y. Rivière 2002 : 397- 415.
76. En cas de condamnation, la loi attribue des récompenses aux accusateurs ; voir dans
Ann. IV, 30, 1, une discussion au sénat sur ces praemia.
77. Ann. III, 66, 2 : « Junius Otho avait jadis exercé le métier de maître d’école et était devenu
sénateur grâce à l’influence de Séjan » ; III, 66, 4 : Bruttédius s’est voulu puissant en cherchant
à dépasser ses égaux ; IV, 52, 2 : Domitius Afer est « assez peu considéré, prêt à n’importe quel
forfait pour s’illustrer » ; le même personnage « longtemps dans la misère et, ayant fait un
mauvais usage de la récompense qu’il avait reçue, se préparait à de nouvelles infamies » (IV, 66,
1) ; Fulcinius Trio est dit auidus famae malae (II, 28, 3). Enfin l’historien mentionne les
dangers qu’entraîne le désir du pouvoir : « Ce désir a poussé à la ruine beaucoup de gens, même
estimables, qui dédaignant une ascension lente et sans péril, forcent les succès, même au risque
de se perdre » (III, 66, 4) .
78. Ann. III, 66, 3 : obscura initia impudentibus ausis propolluebat.
79. Audacia appartient au lexique politique de la république, pour qualifier les populares :
voir Ch. Wirszubski : 1961 : 12-22.
80. S. Rutledge 2001 : 13, 323.
81. Ann. IV, 30, 3 : subuerterent potius iura quam custodes eorum amouerent.
260 michèle ducos

les lois et les hommes. Parler des procès, c’est parler du prince, de son pouvoir et
de ses choix.
L’attention de l’historien se porte d’abord sur la libertas. Elle est au cœur du
différend entre Pison et Urgulania 82. Pison, qui veut s’éloigner de Rome et de
ses intrigues, montre aussi son indépendance envers le pouvoir : il cite en justice
Urgulania, qui se croit au-dessus des lois à cause de son amitié avec Livie ; il
persiste dans sa volonté de la convoquer devant le préteur et refuse de renoncer
au procès. Pour sa part, Tibère cède aux demandes de Livie et accepte d’assister
Urgulania devant le préteur mais Tacite a aussi souligné sa lenteur à se rendre au
forum « allongeant par divers entretiens le temps du trajet » 83 jusqu’à ce que
Livie accepte de payer la somme demandée. L’empereur reste donc modéré et
réservé dans son soutien. Pour sa part, Pison entend user des moyens donnés par
le droit (uadimonium ou in ius uocatio) pour amener Urgulania devant le
préteur ; il refuse de s’incliner devant la puissance impériale. La libertas est ici
respect du droit, refus de la potentia, refus de se soumettre à un pouvoir qui
protège ses amis et les place au-dessus des lois.
C’est aussi à la libertas que s’attache Tacite en évoquant la présence de Tibère
aux procès du forum. L’historien apprécie de façon nuancée son comportement :
il réussit assurément à éviter les intrigues et les manœuvres ; le prince corrige
des abus et se préoccupe de la ueritas ; mais sa présence porte en même
temps atteinte à la libertas comme l’indique la sententia finale : dum ueritati
consulitur libertas corrumpebatur (I, 75, 1). Dans sa concision, elle prête à
discussion ; la signification de ueritas a donné lieu à des interprétations
diverses : vérité, équité ou intégrité 84 ? Il est difficile de trancher ; mais il faut se
souvenir que le devoir du juge consiste traditionnellement à rechercher la
vérité 85 ; que désigne alors la liberté à laquelle Tibère porte atteinte ? « la
liberté pour les puissants d’exercer leur influence » 86 ? mais l’interprétation
est peu convaincante ; il s’agit plutôt de la liberté du débat judiciaire et
de l’indépendance des juges car, influencés par la présence de l’empereur,
ils ne peuvent décider librement, même s’ils le font plus justement. Tacite
reste peu explicite, mais conduit par là son lecteur à s’interroger sur le rôle
de l’empereur et la libertas. En outre, la présence de Tibère ne semble
pas s’expliquer par la volonté d’empêcher la condamnation d’innocents mais par

82. Ann. II, 34, 2.


83. Ann. II, 34, 3 : Tiberius,hactenus indulgere matri ciuile ratus ut se iturum ad praetoris
tribunal, adfuturum Vrgulaniae diceret, processit Palatio [...] compositus ore et sermonibus
uariis tempus atque iter ducens, donec, propinquis Pisonis frustra coercentibus, deferri
Augusta pecuniam quae petebatur iuberet.
84. Aequitas : H. Furneaux 1896 : 278 ; E. Koestermann 1963 : 245 ; intégrité : F.R.D.
Goodyear 1981 : 166.
85. Cic. Off. II, 14, 51 : Iudicis est semper in causis uerum sequi...
86. F.R.D. Goodyear 1981 : 166.
vita latina 261

la passion des procès car il n’est pas « rassasié » par ceux qui se déroulent au
sénat.
La libertas concerne également la libre décision des sénateurs. À la fin du
procès de Granius Marcellus, Tibère exaspéré demande que les sénateurs don-
nent leur avis à voix haute et sous serment, Cn. Calpurnius Piso s’adresse alors
à lui :
Quo, inquit, loco censebis, Caesar ? si primus, habebo quod sequar ; si post omnes
uereor ne imprudens dissentiam. (I, 74, 5)
« À quel rang, César, donneras-tu ton avis ? Si c’est en premier, j’aurai un avis à
suivre ; si c’est après tous, je crains de donner un avis contraire, sans le savoir ».

Par sa question, Pison souligne l’influence que l’empereur exerce sur les
débats et la sentence rendue par le sénat : princeps senatus, il est en principe le
premier à parler ; ce sénateur rappelle donc à l’empereur ses responsabilités. Ta-
cite a attiré très nettement l’attention sur sa conduite. Manebant etiam tum
uestigia morientis libertatis 87, telle est la formule générale qui introduit cette
intervention de façon solennelle ; elle en marque avec force le caractère exem-
plaire. Pison incarne en effet un esprit d’indépendance et de liberté qui tend à
disparaître ; les sénateurs attendent les ordres du prince, suivent les avis du
princeps senatus et ne remettent pas en cause ses choix. Les livres suivants
montrent encore plus nettement leur soumission et leur adulation. Avec quel-
ques autres sénateurs, Pison constitue une exception.
Mais ce n’est pas uniquement la liberté qui préoccupe Tacite : il s’interroge
fréquemment sur le comportement de Tibère. L’historien ne nie pas que l’empe-
reur puisse se montrer modéré et généreux : il rejette les accusations contre
Faianus et Rubrius, il empêche les poursuites contre Appuleia Varilla 88. Mais il
ne s’oppose pas à l’accusation de Granius Marcellus, ni surtout à celle de Libo
Drusus. Dans la suite du règne, Tacite montre aussi que Tibère accepte des
accusations absurdes inventées de toutes pièces. De fait, le prince a déclaré qu’il
fallait appliquer les lois (I, 72, 3). À plusieurs reprises, il refuse de les modifier ou
de les transformer : il n’entend pas « bouleverser de sages institutions qui ont
toujours été acceptées » 89. Tacite toutefois laisse voir clairement les dangers de
ce respect obstiné des lois car il s’applique à la loi la plus dangereuse de toutes
aux yeux de l’historien : la loi de lèse-majesté. Ce légalisme conduit en effet

87. Ann. I, 74, 5 : « Il restait encore quelques vestiges de la liberté en train de mourir » .
L’importance que Tacite attache à cette valeur a été suffisamment soulignée dans de nombreux
travaux, pour qu’il ne soit pas nécessaire de revenir sur ce point.
88. Granius Marcellus a provoqué par sa conduite l’accès de colère de Tibère, mais il refuse
que le chevalier L. Ennius qui avait fait fondre une statue en argent du prince fasse l’objet d’une
accusation (Ann. III, 70, 2). La modération de Tibère est soulignée par M. L. Paladini 1968 :
25-41.
89. Ann. III, 69, 3 : Ne uerterent sapienter reperta et semper placita.
262 michèle ducos

l’empereur à laisser les poursuites s’engager, même s’il les arrête ensuite : c’est
donc accepter les accusations et l’action des délateurs, lorsqu’ils utilisent les
ambiguïtés des textes pour lancer des accusations et étaler des griefs imaginaires
grossis ou déformés. Les poursuites sont certes fondées sur la loi, mais la
disproportion entre les actes et les accusations est soulignée par l’historien : il
suffit de songer aux libelli uaecordes produits au procès de Libo Drusus.
Comme nous l’avons vu plus haut, Tibère ne dénonce pas l’absurdité des
accusations, leur fausse logique et l’usage abusif d’une loi imprécise, capable de
couvrir des excès de toute nature : des actes mais aussi des paroles, comme l’a
expliqué Tacite lui-même (I, 72, 2). L’historien va même jusqu’à déclarer que
« c’était le propre de Tibère de dissimuler des crimes récemment imaginés
sous des formules antiques » 90. Ce légalisme comporte bien des dangers : il
encourage les délateurs, il conduit des innocents à leur perte, il fait oublier la
justice 91.
Le procès de Libo Drusus offre un exemple précis de ce respect formel des
textes :
Negante reo, adgnoscentes seruos per tormenta interrogari placuit. Et, quia uetere
senatus consulto quaestio in caput domini prohibebatur, callidus et noui iuris repertor
mancipari singulos actori publico iubet, scilicet ut in Libonem ex seruis saluo senatus
consulto quaereretur. (II, 30, 3)
« Comme l’accusé niait, on décida d’interroger sous la torture les esclaves qui étaient
au courant des faits. Et, comme il était interdit par un ancien sénatus-consulte d’utiliser
la question dans une affaire capitale concernant le maître, Tibère en homme retors,
inventeur d’une nouvelle jurisprudence, les fait vendre un à un à un agent du fisc, pour
que l’on pût interroger les esclaves sous la torture contre Libo, tout en respectant le
sénatus-consulte ».

Sans reprendre en détail les problèmes juridiques posés par ce passage sou-
vent discuté 92, il faut apporter quelques précisions : la torture des esclaves,
quand le maître est sous le coup d’une accusation, est un usage qui ne semble pas
avoir existé sous la république comme le montre la mention d’un « vieux sénatus-
consulte » ; sous le principat, elle est admise, mais les esclaves sont vendus après
leur interrogatoire 93. Tibère les a fait vendre avant : ils ne sont plus à propre-
ment parler les esclaves de Libo Drusus, mais c’est à ce titre qu’ils sont mis à la
question. Il a donc respecté le sénatus-consulte, et en même temps ne l’a pas

90. Ann. IV, 19, 2 : Proprium id fuit Tiberio scelera nuper reperta priscis uerbis obtegere.
91. C’est bien ce que souligne D.C.A. Shotter 1972 : 97 : « A law, open to abuse, but
overruled by a merciful pardoner might result in the right treatment of the accused in specific
instances, but it could never be justice ».
92. D.C.A. Shotter 1972 : 93-95 ; F.R.D. Goodyear 1981 : 276-278.
93. Dig. 48, 5, 28, 11 ; un édit d’Auguste cité par Paul (Dig. 48, 8, 18) semble avoir admis la
torture des esclaves pour des capitalia et atrociora maleficia.
vita latina 263

respecté. Autrement dit, l’empereur a pratiqué ce que les juristes nomment


fraus, conduite qui consiste à s’en tenir à la lettre des textes, pour les enfreindre
en fait 94. C’est bien ce que révèle le commentaire fait par Tacite : Tibère est dit
callidus et noui iuris repertor ; selon l’auteur des Annales, l’empereur a inventé
une nouvelle interprétation du droit existant. L’adjectif callidus, fréquemment
employé par Cicéron 95, sert précisement à désigner cette habileté retorse ; c’est
la nimis callida sed malitiosa iuris interpretatio dont il parle dans le De officiis
avant de rappeler le célèbre proverbe : summum ius, summa iniuria. Tibère
semble respecter les lois mais n’en garde que la lettre. D’autres procès condui-
sent à la même interprétation 96 : celui de Silius où Tibère s’abrite derrière la
formule du sénatus-consulte ultime pour mieux perdre un accusé. Le légalisme
de l’empereur est donc condamnable d’autant plus qu’il s’accompagne de
cruauté et de ruse.
Ainsi les procès constituent manifestement un moment important du récit.
Tacite a choisi à dessein de les rapporter longuement. Les accusations répétées,
qui vont en se multipliant, marquent les étapes du règne : elles se poursuivent au
fil des années car « ni Tibère ni les accusateurs ne se lassaient » 97 et le crimen
maiestatis devient le « complément de toutes les accusations ». Cette évolution
continue lorsque les accusateurs ajoutent « la bassesse à la cruauté » 98, elle
trouve son aboutissement dans cette fureur qui se développe avec Séjan et après
Séjan, lorsque les accusations succèdent aux accusations et que la peur envahit la
cité 99. Tibère est devenu un tyran cruel. Ces tableaux sanglants sont absents des
livres I et II ; mais ces premiers livres ont pour fonction de faire apparaître les
tendances encore cachées et dissimulées par une certaine modération de Tibère.
Pour chaque procès ou presque se trouve souligné son caractère exemplaire, qui
le rend digne de retenir l’attention. Tacite s’arrête délibérement sur les pre-
mières accusations ou tentatives d’accusation : il rapporte les accusations contre
Faianus et Rubrius « afin que l’on sache par quels commencements et avec quelle
habileté de la part de Tibère un fléau si dangereux s’insinua, puis fut étouffé, et
finit par éclater et par tout dévorer » 100. Ces premières accusations annoncent
ainsi ce qui sera plus tard accepté sans réserve. Avec le procès de Granius

94. Dig. 1, 3, 29 : Contra legem facit is qui id facit quod lex prohibet, in fraudem uero qui
saluis uerbis legis sententiam eius circumuenit.
95. Off. I, 10, 33 : Existunt saepe iniuriae calumnia quadam et nimis callida sed malitiosa
iuris interpretatione. Ex quo illud « summum ius, summa iniuria » factum est iam tritum
sermone prouerbium.
96. Voir aussi Ann. I, 73, 1, où Tacite souligne l’ars de Tibère.
97. Ann. III, 38, 1 : Non enim Tiberius, non accusatores fatiscebant. [...] addito maiestatis
crimine, quod tum omnium accusationum complementum erat.
98. Ann. III, 66, 1 : ab indecoris ad infesta transgrediebantur.
99. M. Ducos 1991 : 3224-3236.
100. Ann. I, 73, 1 : ut quibus initiis, quanta Tiberii arte grauissimum exitium inrepserit,
dein repressum sit, postremo arserit cunctaque corripuerit noscatur.
264 michèle ducos

Marcellus apparaissent pour la première fois les délateurs ; c’est l’occasion d’en
donner le portrait et le genre de vie, en un mot, de présenter les personnages qui
sont les moteurs de l’action et jouent le premier rôle dans ces drames que sont
souvent les procès. Ensuite, Tacite a volontairement choisi de s’attarder sur le
procès de Libo Drusus ; et il s’en explique clairement :
Eius negotii initium, ordinem, finem curatius disseram, quia tum primum reperta
sunt quae per tot annos rem publicam exedere. (II, 27, 1)
« Je vais exposer de façon détaillée le commencement de cette affaire, son déroule-
ment et sa fin, parce que l’on imagina pour la première fois les pratiques qui rongèrent
la cité pendant tant d’années ».

Ce procès doit, lui aussi, retenir l’attention : il constitue le modèle des


accusations futures et prépare les maux qui vont dévorer la cité. Pour la première
fois sont mises en œuvre des pratiques néfastes ; elles sont acceptées puisqu’elle
entraînent un procès ; elles créent un précédent sur lequel d’autres pourront
s’appuyer. Il est donc important pour l’historien de s’arrêter sur cette affaire.
Enfin, avec les poursuites contre Appuleia, on découvre le développement de la
lex maiestatis 101.
Tacite avertit son lecteur : il trace les grandes lignes du règne et laisse voir
comment ses principales caractéristiques peuvent se deviner dès les premières
années. Les livres I et II constituent une préparation, une ouverture où se font
entendre les principaux thèmes des livres suivants.

Les procès forment ainsi l’un des temps forts du récit tacitéen, au moins pour
le règne de Tibère ; dans les premiers livres des Annales, il faut souligner une
diversité qui disparaît avec le temps pour se réduire à l’unité des procès de
majesté, retracés dans les livres suivants. En même temps, dans leur description,
l’historien élimine les évidences ou les détails superflus ; il va à l’essentiel pour
s’attarder sur la nature des accusations, il s’attache aux hommes pour insister sur
la perversité des délateurs, la faiblesse et la solitude des accusés, la modération
ou la colère cruelle de Tibère. Tacite donne une lecture politique de ces affaires :
il s’interroge sur les vestiges de la libertas ; il met l’accent sur les choix de
l’empereur et leurs conséquences. Par son comportement légaliste, le prince
encourage les délateurs et conduit les accusés à leur perte. Dans cette analyse, les
premiers livres des Annales constituent un point de départ ; ils esquissent
l’évolution du règne. Avec de telles réflexions, Tacite révèle son intérêt pour le
droit, l’application des lois et la justice, si souvent illustré dans les Annales.

Michèle Ducos
Université de Paris Sorbonne
101. II, 50, 1.
vita latina 265

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