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Laurent V. Les crises religieuses à Byzance : Le schisme antiarsénite du métropolite de Philadelphie Théolepte († c. 1324). In:
Revue des études byzantines, tome 18, 1960. pp. 45-54;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1960.1219
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1960_num_18_1_1219
(1) Cf. S. Salaville, Deux documents inédits sur les dissensions religieuses byzantines
entre 1275 et 1310, dans REB, V, 1947, p. 116-136, où l'on trouvera, traduites en français,
quelques-unes des plus belles pages de Théolepte sur l'unité de l'Église dans et par
l'Orthodoxie. La doctrine, austère et rigide, n'attend du « converti », latin ou arsénite, qu'une
adhésion totale et comme une reddition sans condition.
(2) Lettre encore inédite dans cod. Vat. gr. Ottob. 405, f. 2i5v-246v. Voir aussi mon
ancien article des EO, XXIX, 1930, p. 55, 56.
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autre prélat de peu postérieur, Arsène de Tyr, qui, dans son Appel
à Cantacuzène (3), s'exprime en ces termes (4) :
Ό -γαρ Φιλαδέλφειας εκείνος... δύο των έπ' εκείνου πατριαρχών της
κοινωνίας άπερρωγώς και μηδόλως ιερουργών, ουδ' όνομα τούτων άναφέ-
ρων κατά την άγιστείαν την ίεράν (5), καίτοι ούκ έπί δογμάτων μέμψει
ή κανονικών αιτιών άλλων προφάσει, άλλ' έπ' οικονομία συνοδική
είρήνην μεγίστην βραβευσάση τη Εκκλησία, η δη πράξει και δ την Έκκλη-
σίαν τω λατινισμώ κλονουμένην στηρίξας βασιλεύς σπουδή μεγίστη συν-
ευδόκησεν.
Cet ancien métropolite de Philadelphie... rompit la communion
avec deux des patriarches qui vécurent de son temps, refusant toute
concélébration et ne faisant aucune mention de leur nom au Saint Sacrifice,
bien que V occasion n'en ait été ni une atteinte aux dogmes, ni un prétexte
d'autres questions canoniques, mais bien une économie qui, votée par
le synode, avait procuré à V Église une très grande paix. Cet Acte, V
empereur qui a raffermi V Église ébranlée par le latinisme a mis le plus grand
zèle à V approuver.
(3) Mgr G. Mercati, Notizie di Procoro e Demetrio Cidone... (Studi e Testi, 56), Città
del Vaticano 1931, p. 228, 229, en analysant ce document inédit, en avait attribué la
paternité à Pantipalamite Théodore Dexios. Cependant, au jugement de J. Meyendorff,
Introduction à l'étude de Grégoire Palamas, Paris, 1959, p. 409, le vrai auteur serait l'archevêque
de Tyr Arsène. Les raisons avancées semblent assez pertinentes.
(4) Vatic, gr. 1111, f. 226 r-v.
(5) κατά της άγιστείας της αγίας, éd. Voir note suivante.
(6) J. Meyendorff, op. cit., p. 28, n. 8.
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(7) Cf. V. Laurent, Les signataires du second synode des Blachernes, dans EO, XXVI
1927, p. 147, n. 31.
(8) Je l'ai édité naguère. Cf. V. Laurent, Les grandes crises religieuses à Byzance. La
fin du schisme arsénite, dans Bulletin de la Section Historique. Académie Roumaine, XXVI,
Bucarest, 1945, p. 61-89.
(9) Ibid., p. 62, 63, 66, 67, 75-77. Voir aussi, p. 32-36.
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fonctionnaire marié de la métropole de Philadelphie, brouillé avec son évêque et par lui déposé
depuis 1310-11.
(13) Bien que plusieurs noms de l'officialité diocésaine nous soient connus pour l'époque
(1310-1330), on ne saurait encore identifier à coup sûr le plaignant qui était un lettré et
avait de grosses relations dans la capitale, grâce auxquelles il lui fut loisible, le cas échéant,
d'entretenir l'empereur lui-même.
(14) Cf. J. Gouillard, loc. cit., p. 182, 183, 199'°.
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(22) Cf. G. Pachym., éd. Bonn, II, p. 132"; voir aussi p. 116.
(23) Sur ce personnage et le grand rôle tenu par lui dans la politique et les lettres
byzantines voir maintenant J. Verpeaux, Nicéphore Choumnos, homme d'État et Humaniste
byzantin (ca 1250155-1327). Paris, 1959. Pour ses relations, qui ne furent pas sans houle,
avec le directeur de sa fille, voir surtout p. 54-61.
(24) Cf. P. Lemerle, op. cit., p. 29 (carte) et P. Witte k, Das Fürstentum Menlesche.
Studie zur Geschichte Westhieinasien 13-15. Jh., Istanbul 1934, p. 18, 19, 43 et passim.
(25) Ν. Choumnos relate avec complaisance cet épisode qui aurait mis en présence
l'évêque et l'émir assaillant. Cf. Fr. Boissonade, Anecdota graeca,\, Paris, 1833, p. 229-
234. A l'en croire, le charme du prélat aurait retourné le prince turc. En réalité, celui-ci
ne céda qu'à la force de Roger de Flor et de ses catalans, qui délivrèrent la ville et la
ravitaillèrent. Cf. G. Pachymer., V, 23; éd. Bonn, II, p. 427, 428; voir aussi G. G. Arnakès,
Ot πρώτοι 'Οθωμανοί, Athènes, 1947, p. 137, 138. Il reste néanmoins que Théolepte dut
être l'âme de la résistance. Ce fut pour lui l'occasion de faire entendre à ses ouailles,
chrétiens nonchalants, leurs plus dures vérités. Et il ne les ménagea pas, comme l'on peut s'en
convaincre en parcourant un long discours inédit (Cod. Scorial. Φ. III, 1, ff. 222-226 v)
qui, s'il n'est pas de lui, traduit bien sa pensée. L'orateur se présente à son auditoire, un
auditoire épuisé et comme désespéré à la suite d'un trop long siège; il fustige
impitoyablement ses vices; l'envoie derrière ses icônes en procession demander pardon à Dieu et à
ses saints et ne lui laisse qu'un moyen de salut : faire pénitence! N. Choumnos mentionne
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une des circonstances auxquelles ces détails vont à merveille. Cf. Boissonade, op. cit.,
p. 232.
(26) Voici au reste ce que lui fait dire le discours précité. Ibid., f. 225 ν : Τί προς έμέ πάντες
βλέπετε; Ούκ ειμί 'Ηλίας ούδ' Αίθίοψ εκείνος περί οΰ χθες και πρώην διελεγόμην ύμϊν ίνα μικρά
προσευχή τόν ούρανόν ανοίξω. Στρατηγός εΕμι, κάν ύμεϊς πείθησθε και υπακούετε, καλώς ύμϊν £ξει
τα πράγματα, ει δέ μη, τουναντίον ποιμήν είμι, κάν άκολουθητε, σωθήσεσθε και νομήν εύρήσετε, ει
δέ μή, τουναντίον.
(27) Cf. EO, XXIX, 1930, ρ. 56. Ses présences dans la capitale n'eurent plus la même
fréquence après que Théolepte se fut réconcilié (vers 1320) avec l'Église. La vieillesse et
les dangers accrus du fait de la progression turque les lui firent espacer. Voir les
déclarations faites à ce sujet par le second directeur d'Irène. Cf. REB, XIV, 1956, p. 75.
(28) Au moment de la réconciliation, le stratège devait être un enfant du pays, Manuel
Tagaris. Ce soldat de basse extraction défendit si brillamment la ville de Philadelphie
contre les assauts de l'émir Orhan qu'Andronic II lui donna en mariage l'une de ses nièces,
Theodora Asanina, et le créa sénateur (Cf. Cantacuz., éd. Bonn, I, p. 91 et Av. Papadopou-
los, Versuch einer Genealogie der Palaiologen, Speyer, 1938, n. 44) et grand stratopédarque
(Cf. BZ, XLVI, 1953, p. 77). Il gardait encore son commandement lydien vers 1327 (Cf.
R. Devreesse, Codices Vaticani graeci, II, 1937, p. 11).
(29) Cf. J. Gouillard, op. cit., p. 19677·78 : ό ημέτερος άρχιερεύς άπρακτεΐ προς τήν καθόλου
Έκκλησίαν αμφισβητών; p. 20081·82 καθάπαξ άργοϋντος του ίερασθαι λαχοϋντος. L'Église de
Philadelphie fait schisme (p. 19814·15); son pasteur a rompu avec le corps de l'Église τούτω
δή τΰ> ποιμένι ρηγνυμένω του κοινοΰ της 'Εκκλησίας σώματος (p. 207lu·115), avec le synode de
:
CP (p. 2008e).
(30) La dissidence est si patente que le clerc anonyme s'adressant au patriarche le presse
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ressé, lui, n'en avait cure. Andronic II lui avait trop d'obligation
pour qu'il se décidât à sévir; Irène Paléologine, sa dirigée, toujours
influente (31), ne l'eût d'ailleurs pas toléré. De la sorte on eut ce
paradoxe : un métropolite en rupture avec son Église garder, malgré
des censures expresses, sa charge et ses privilèges de pasteur; l'Église
elle-même, qui l'a déposé, impuissante à faire exécuter la sentence.
Le monde à l'envers! devait s'exclamer non sans mélancolie
l'informateur précité (32).
Au demeurant, il ne devait pas déplaire à l'empereur et au pouvoir
central qu'il y eût dans ce lambeau perdu de terre byzantine une
forte personnalité capable de galvaniser les résistances face aux
assauts constamment renouvelés des turcs. Théolepte eut de fait
maintes occasions d'affirmer ses incontestables qualités de chef.
Les événements l'amenèrent à suppléer d'abord le gouverneur byzantin
parti (33) avec ses troupes ferrailler ailleurs, à se considérer ensuite
comme le vrai responsable de cette terre d'empire à qui, selon
l'expression de Nicéphore Choumnos (34) en cas de danger, le secours ne
pouvait venir de nulle part. Et l'on peut croire que si la place, si
peu défendable du dehors, tint derrière ses puissantes murailles
jusqu'en 1391, ce fut dû, pour une bonne part, à l'esprit de résistance
que sut lui inspirer au début du siècle le plus grand évêque qu'elle
ait eu. Celui-ci sera apparu aux yeux d'une population nombreuse
et inquiète comme le vrai Chef et lui se sera volontiers installé dans
ce rôle de dynaste local que l'on voit usurpé un peu plus tard par
d'autres dans les Balkans à la faveur des mêmes circonstances. Déchu
de ses prérogatives civiles, il cherchera, sans toujours y réussir (35),
à mettre le stratège dans son jeu, allant le cas échéant jusqu'à
soude prendre les grands moyens. Cf. Ibid., p. 20074·75 : ö περί ταύτα θείοις νόμοις δοκεΐ μετά
της εξουσίας της Πνεύματος εις κατάστασιν της ημετέρας 'Εκκλησίας.
(31) La princesse fut l'un des adversaires les plus en vue du palamisme qui ne la
ménagea pas. Cf. J. Meyendorff, Introduction, p. 125, 126. Il est à remarquer, à propos de la
note 153, que Palamas exagère nettement en soutenant qu'Irène-Eulogie ne conserva
aucune prérogative impériale. Ceci put être vrai durant le règne de Jean VI Cantacuzène
(1347-1355), qui dut la mettre en quarantaine. Le Palais des Paléologues lui resta ouvert,
comme en font foi ses propres déclarations à son second directeur, suivant lesquelles elle
eut du mal à éluder l'étiquette de la cour et ses servitudes. Cf. REB, XIV, 1956, p. 78, 79.
(32) Cf. J. Gouillard, loc. cit., p. 19832 : τουναντίον συμβαίνον αν ΐδοι τις.
(33) Voir ci-dessus la note 26 et l'affirmation expresse de N. Choumnos, éd. Boissonade,
op. cit., V, p. 2307.
(34) Ibid., p. 2303-3.
(35) Les intrigues d'un neveu sans scrupule sèmeront la discorde dans l'armée et
provoqueront une guerre civile qui n'était pas entièrement liquidée en 1316 et envenimait les
rapports de l'évêque et du stratège. Cf. J. Gouillard, op. cit., p. 20552-53 : έριδος άληκτου
οοσης τφ ποιμένι κατά τοϋ στρατηγού.
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