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Résumé : l’acupuncture a un effet vagotonique ; la stimulation du nerf vague entraine entre autres effets, par le
biais du système cholinergique anti inflammatoire, une diminution de la production des cytokines. L’emploi des
aiguilles, seules ou en complément à d’autres traitements, se justifie donc dans toutes les pathologies
inflammatoires chroniques. En médecine occidentale, l’effet du système cholinergique anti inflammatoire passe
obligatoirement par la rate ; en médecine chinoise, la tradition conforte l’emploi des points de ce méridien dans
les pathologies inflammatoires.
Introduction
Certains effets de l’acupuncture sur le système nerveux central sont bien connus :
- effet porte au niveau segmentaire
- activation de voies antalgiques descendantes au niveau du tronc cérébral
- libération de proopiomélanocortine au niveau hypophysaire, de prolactine,
d’ocytocine, de mélatonine
- effets psychiques et musculaires à partir de voies nerveuses partant du cortex
somesthésique pour aboutir au lobe frontal.
Il existe cependant encore un autre effet de nos aiguilles, qui n’a pas fait jusqu’à
maintenant l’objet d’une grande attention, mais qui joue certainement un rôle majeur dans les
effets de cette thérapie : c’est l’activation du système cholinergique anti inflammatoire.
En acupuncture, nous traitons volontiers les problèmes liés à une baisse de l’immunité,
comme les infections respiratoires, gynécologiques ou encore urinaires récidivantes : nous
avons dans ces affections de bons résultats.
Le traitement des pathologies allergiques est aussi assez gratifiant.
Nous sommes par contre beaucoup plus réticents vis-à-vis des affections inflammatoires
chroniques, qu’elles soient liées à des mécanismes auto-immuns comme les collagénoses ou
la sclérose en plaques, ou à une dysfonction de la réponse immunitaire, comme les hépatites
chroniques, certains asthmes ou encore les pathologies digestives comme la rectocolite
ulcéro-hémorragique ou la maladie de Crohn ;
ceci parce que nos résultats y sont nettement moins bons, ou en tous les cas s’installent
lentement, et surtout parce qu’il existe pour ces affections des remèdes puissants qui
soulagent nos patients beaucoup plus rapidement que nos aiguilles, au prix il est vrai d’effets
secondaires potentiellement sérieux.
Il y a pourtant des arguments scientifiques assez solides pour penser que l’acupuncture
pourrait être un complément thérapeutique utile dans ce domaine.
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Le système cholinergique comprend une voie neuronale et non neuronale. Au niveau du colon
par exemple la voie non neuronale, constituée de cellules qui ne sont pas des cellules
nerveuses mais qui produisent également de l’acétylcholine, est importante, et une
dysfonction de ce système est certainement un des éléments responsables dans l’apparition de
la rectocolite ulcéro-hémorragique (3). Mais d’une manière générale, la voie neuronale est
beaucoup plus importante, et elle nous intéresse tout particulièrement du point de vue de la
médecine chinoise, parce que la rate est indispensable à son bon fonctionnement.
Cet organe, qui contient un nombre très élevé de cellules lymphoïdes et de macrophages, est
avec le foie le principal producteur de cytokines, qui se déverseront directement dans la
circulation sanguine en cas de septicémie par exemple (1) ; mais c’est aussi le lieu où s’exerce
le contrôle principal de la production de ces produits biologiques. L’ablation de la rate ou la
section du nerf splénique supprime totalement l’effet immuno-régulateur de la stimulation
vagale (1,2).
Les voies efférentes de ce circuit passent par le nerf splénique, et se terminent par des
terminaisons nerveuses étroitement apposées aux macrophages de la pulpe rouge de la rate.
Le nerf splénique est issu du ganglion coeliaque supérieur ; on trouve là des fibres
sympathiques et parasympathiques, mais au niveau du nerf lui-même, on ne trouve plus de
fibres vagales, et les terminaisons nerveuses qui arrivent au contact des cellules immunitaires
sont adrénergiques(2). Le contrôle de la libération des cytokines semble donc passer par une
modulation des influx sympathiques au niveau du ganglion coeliaque. La stimulation du nerf
vague libère cependant également de l’acétylcholine dans les sinusoïdes veineux de la rate, ce
qui suppose en plus de l’effet local sur la production de cytokines par les macrophages un
effet systémique.
La rate est en ce qui concerne le contrôle de la production des cytokines l’organe effecteur de
la stimulation vagale ; mais cela ne nous permet pas de conclure que le méridien principal de
la Rate est le seul à avoir cet effet.
On est impressionné par la connaissance de la physiologie qu’avaient les chinois anciens,
mais il faut se rappeler que leurs connaissances, basées essentiellement sur la fonction,
étaient limitées du point de vue anatomiques ; ce qui fait que leur systématisation, c’est-à-dire
l’attribution de qualités spécifiques aux différents organes, ne correspond pas forcément à la
réalité pratique. Ce que confirme la punctologie, qui est elle basée sur l’expérience clinique, et
qui montre bien le recouvrement des indications entre les différents organes internes.
Ce recouvrement est lié à la distribution du nerf vague, qui innerve la quasi totalité des
organes internes, à l’exception de la part réservée au plexus sacré. De la même manière que
les cytokines activent les terminaisons vagales, quel que soit leur lieu d’origine, tous les
méridiens à destinée viscérale sont certainement capables d’avoir un effet vagotonique. On
peut en prendre pour exemple une formule anti inflammatoire classique : RP 6, 10, F 3, 8, GI
11, 4 ; ou encore le fait que P8 est le point maître des articulations, que GI 11 rafraichit le
Sang, etc. On peut aussi rappeler que le système parasympathique peut être activé à partir du
haut par des techniques de relaxation, d’hypnose, etc, et que les effets psychiques de
l’acupuncture peuvent aussi intervenir dans la stimulation du nerf vague par d’autres voies.
Je ferais donc plutôt un autre rapprochement : le système parasympathique, qui gère la
réparation et la reconstitution des réserves, est Yin et assimilable à l’énergie nutritive Rong,
alors que le système sympathique, qui est le système de la survie au sens large, est Yang et
correspond à l’énergie Wei. Les méridiens Yin, parasympathiques, sont plus actifs sur le nerf
vague, et les méridiens les plus Yin ont peut-être le plus fort potentiel anti inflammatoire.
Dans ce sens, la Rate, qui est Zu Tai Yin, méridien très Yin et en plus du bas, devrait être très
vagotonique, ce que suggère la punctologie pour plusieurs de ses points.
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Il existe quelques travaux qui ont testé l’effet sur le système nerveux autonome de certains
points, mais ils sont limités et ne permettent pas de conclure. On trouve par exemple un effet
vagotonique net pour MC 6 (5) et RP 3 (4), qui sont Yin, et ceci de manière spécifique ; alors
que la stimulation d’E 36 et GI 10, qui sont Yang n’a pas d’effet vagotonique, bien qu’elle
modifie la motilité gastrique (6).
Comme toujours en cas de doute, on peut s’adresser à la punctologie, qui montre
effectivement que la Rate occupe une place importante dans les traitements à visée anti
inflammatoire, et surtout que cet effet est couplé à des effets psychiques qui recouvrent
exactement ceux produits par la stimulation électrique du nerf vague, à savoir un effet anti
dépresseur et anti épileptique.
Conclusion :
Bibliographie