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ANALYSE DE LA CRITIQUE SOCIETALE DANS ZADIG, DE VOLTAIRE

Zadig ou la destinée fait partie de la catégorie des contes philosophiques, ce roman


d'apprentissage rédigé par Voltaire est une critique contre la société « babylonienne »
mêlant sarcasme, parodie, pastiche et ironie ainsi qu'une touche révolutionnaire
désirant établir une certaine notion de justice.
Afin de relater les mésaventures de Zadig, protagoniste dont le nom signifie « le juste »,
l'auteur s'inspire des Contes des mille et une Nuits.
Sa quête quasi infinie du bonheur est sans cesse contrecarrée par d'enrichissantes
épreuves, lui ouvrant peu à peu les yeux quant au vrai visage de l'humanité. Voulant
plonger le lecteur dans une fiction parfaite, Voltaire ajoute une touche exotique à ses
descriptions ainsi qu'aux noms de ses personnages.

Qui est Zadig, le personnage principal du conte voltairien ?


Au début du conte, le protagoniste est défini comme un être libre et en apparence
autonome. Doté de toutes les perfections physiques et morales, il conçoit son projet
existentiel comme étant le résultat de ses actes. Bon, généreux et vertueux, il semble
être en droit de s'attendre à mener une existence paisible et comblée.
Le premier paragraphe se limite principalement à la description du protagoniste, nous
y retrouvons d'ailleurs une mainte quantité d'épithètes :
• homme honnête et équilibré
• doté de toutes les vertus : beau, fort, savant, courageux, riche...
• intellect et physique irréprochables
Les adjectifs qualificatifs ont pour but de souligner la perfection de Zadig, ce qui
devrait normalement impliquer le bonheur.
Cet être quasi parfait attire la sympathie du lecteur qui est émerveillé face un individu
si simple et pourtant modéré et cultivé.
Malgré sa supériorité il reste humble et respecte l'opinion de tout le monde, son
intérêt pour les sciences et l'astronomie lui confère la qualité de juger raisonnablement
et librement sans aucune influence externe.
Or si Zadig possède toutes les qualités, il manque cependant encore d'expérience
concrète. Si le monde dans lequel il s'apprête à entrer obéissait à une organisation
rationnelle, logique ainsi qu'à un ordre moral, lui, l'homme raisonnable et vertueux
devrait, en toute conséquence, y être récompensé de ses actes vertueux.

La première désillution
Or dès le premier contact avec le monde extérieur que crée Voltaire (cf. l'agression
indirecte par Orcan), Zadig doit se rendre à l'évidence que le monde n'est pas le reflet
fidèle des espoirs qu'il avait investi en lui.
Sa première entreprise, la tentative de se construire un bonheur personnel privé, en
compagnie de la femme qu'il aime d'un amour sincère, se solde par un échec qui vient
quelque peu corriger la naïveté initiale du jeune homme.
Son premier grand amour est issu de la même classe sociale que le protagoniste. Belle
et fortunée, Sémire l'aimait avec passion tandis que Zadig ressentait un attachement
solide et vertueux envers elle. Le terme « passion », malgré toute la puissance
sentimentale qu'il inclue, a une connotation négative étant donné que c'est une
émotion éphémère.
La première expérience de Zadig se termine par un échec troublant. La belle Sémire et
le protagoniste tombent dans une embuscade préparée par Orcan, neveu d'un ministre,
étant particulièrement vaniteux, égoïste, ambitieux et jaloux.
Nous noterons d'ailleurs que ce nom est l'anagramme du chevalier Rohan, qui avait fait
bâtonner Voltaire pour une rivalité galante. C'est d'ailleurs ce chevalier qui a fait
emprisonner Voltaire, il le méprisait principalement parce que l'auteur ne possédait
pas de titre de noblesse. N'est-ce pas là une preuve flagrante du caractère arbitraire de
la justice ?

Une parodie du genre romanesque


Cet épisode est une parodie du genre romanesque, en effet Voltaire fait une imitation
caricaturale ou satirique d'un texte littéraire, consistant à en transposer le thème ou le
style sur un mode comique. Zadig se bat de toutes ses forces contre les satellites
d'Orcan afin de protéger Sémire. Il réussit à les mettre en fuite à l'aide de deux
esclaves, cela dit il est sévèrement blessé mais réussit quand même à ramener Sémire à
son domicile.
La plupart des lecteurs ne font que rire de Sémire, lorsqu'ils survolent le passage
suivant : "Elle n'était point occupée de son danger ; elle ne pensait qu'à son cher Zadig"

La critique de la société mondaine par Zadig


Voltaire a souvent méprisé la société mondaine du XVIIIe siècle, il n'est donc pas
étonnant de le voir condamner certaines pratiques en mélangeant satire et ironie.
En effet, Zadig n'a point d'ambition, il recherche le simple bonheur. Cette philosophie
le pousse à déprécier les railleries qui sont le plus souvent tumultueuses et téméraires.
L'exagération et l'utilisation de périphrases, c'est-à-dire de phrases ou d'expressions
détournées de leur sens ordinaire pour signifier, par ironie ou par euphémisme, le
contraire de ce que l'on dit, sont des procédés typiquement voltairiens.
C'est ainsi que l'auteur porte condamnation aux médisances (commérages) et à la
jalousie particulièrement présentes à cette époque. D'ailleurs Voltaire n'hésite pas à
enfoncer le dard dans la plaie en ajoutant un nombre maximal de termes péjoratifs :
Ce vain bruit de paroles, ces médisances téméraires, ces turlupinades grossières.

Critique de la religion
L'oeuvre de Voltaire est en fait un ensemble de critiques, toutes cachées par la satire,
l'ironie ou le sarcasme voltairien. C'est ainsi que la religion n'échappe pas aux griffes
du « roi Voltaire ». Zadig, étant savant et curieux de par nature, admet son ignorance
concernant la métaphysique étant donné qu'elle se situe en dehors des capacités
intellectuelles humaines.
Il soutient fortement la thèse de Nicolas Copernic, astronome polonais, célèbre pour sa
théorie astronomique selon laquelle le Soleil est immobile au centre de l'Univers, et la
Terre, tournant sur son axe une fois par jour, fait le tour du Soleil en une année
(système héliocentrique).
Voltaire soutient et prône l'utilisation de la raison avant toute croyance aveugle en
diverses théories religieuses émanant de quelques avides gourous perfides. Posséder
un savoir scientifique était plutôt dangereux à l'époque, étant donné qu'on se faisait
rapidement traité de sorcier. Les prêtres appliquaient souvent cette méthode afin
d'écarter tout révolutionnaire risquant d'affaiblir le pouvoir religieux.
Critique de la médecine
Après avoir critiqué, démantelé et ridiculisé la religion, la justice, l'amour et la société
babylonienne (en réalité parisienne), il s'attaque désormais à la médecine.
Hermès est un personnage mythologique, son nom d'origine est Hermès Trismégiste,
c'est-à-dire le « trois fois grand », nom donné par les Grecs à Thot, dieu de la Sagesse
pour les Égyptiens qui le considéraient comme l'inventeur de tous les arts et de toutes
les sciences.
Voltaire condamne le caractère ignorant du grand médecin. Son diagnostique est truffé
de superstitions incohérentes, l'auteur blâme le charlatanisme des docteurs inventant
des théories les plus absurdes et obscures possibles.
Le ridicule culmine lorsque la description satirique et ironique de Voltaire relate
l'arrivée de Hermès accompagné d'un immense cortège excessif depuis Memphis, ville
de l'ancienne Egypte.
Si c'eut été l'œil droit, je l'aurais guéri, mais les plaies de l'œil gauche sont incurables...
Voltaire lance ainsi une première attaque contre ce type de diagnostique et souligne
aussi la stupidité des citoyens croyant tout ce qu'on leur dit. Ces derniers ont une
confiance aveugle en Hermès qui ne fait que les duper. Suite à la guérison de Zadig, ce
grand personnage a même rédigé une œuvre entière ayant pour but de prouver
l'incurabilité du protagoniste. Cet acte absurde ne fait que renforcer le dégoût envers
ces charlatans.

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