Vous êtes sur la page 1sur 6

Tartuffe, acte I scène 1 : analyse

commentairecompose.fr/tartuffe-acte-1-scene-1/

November 17, 2014

Voici un commentaire de l’ acte 1 scène 1 de Tartuffe de Molière.

L’extrait va du début de l’acte I scène 1 jusqu’à la réplique de Dorine « Tout son fait, croyez-
moi, n’est rien qu’hypocrisie. » Clique ici pour lire le texte de l’acte 1 scène 1 étudié ici .

Tartuffe, acte 1 scène 1, introduction


Le Tartuffe, ou l’Imposteur est une pièce en cinq actes de Molière qui a été représentée
pour la première fois en 1664.

Dans cette œuvre, Molière s’attaque aux directeurs de conscience qui sont des faux-
dévots et utilisent la religion pour manipuler les autres.

La Compagnie du Saint-Sacrement de l’Autel, groupe de dévots qui, à l’époque, juge


sévèrement la vie à la cour de Louis XIV, estime que c’est à la religion que Molière
s’attaque et parvient à faire censurer la pièce, qui ne sera jouée qu’en privé.
1/6
En 1665, Molière retravaille la pièce. Le Tartuffe n’est plus un objecteur de conscience mais
un laïc, certains passages sont atténués et la pièce peut enfin être jouée en public.
Cependant, l’archevêque de Paris menace d’excommunication tous ceux qui liraient ou
entendraient la pièce.

C’est finalement le 5 février 1669 que cesse « l’Affaire Tartuffe » et que la pièce pourra
être jouée en public.

Questions possible sur l’acte I scène 1 de Tartuffe :


♦ Qu’est-ce qui fait le comique de la scène 1 de l’acte I de Tartuffe ?
♦ Dans quelle mesure cette scène d’exposition est-elle originale ?
♦ Comment l’intrigue se dévoile-t-elle dans cette scène ?
♦ Que peut-on déduire du portrait du Tartuffe ?
♦ Quelles sont les caractéristiques de cette scène d’exposition ?

Annonce du plan :
La scène 1 de l’acte I de Tartuffe est une scène d’exposition originale (I), qui joue d’emblée
sur un comique de caractère (II) et qui permet à l’intrigue de se dévoiler (III).

I- Une scène d’exposition originale.

A- Début « In medias res » et fausse sortie


Dès la première réplique de la scène 1 – « Allons, Flipote, allons, que d’eux je me délivre » –
le spectateur comprend que l’histoire a commencé avant le lever de rideau.

En effet, Mme Pernelle est furieuse et désigne avec mépris les autres personnages (« eux »
) dans un faux aparté.

Une chose inconnue du spectateur a provoqué la colère de Mme Pernelle et son désir de
quitter les lieux. C’est donc un début « in medias res » (qui signifie en latin « au milieu des
choses »).

En commençant ainsi la scène d’exposition, Molière capte l’attention du spectateur, qui


voudra comprendre la raison de la colère du personnage.

Cette colère se déploie durant toute la scène. Mme Pernelle va s’attaquer à chaque
personnage, soulignant ainsi son détachement du groupe : « C’est que je ne puis voir tout
ce ménage ci ».

Ainsi, la scène 1 de l’acte I de Tartuffe s’ouvre sur ce qui semble être une sortie. Il s’agit en
réalité d’une fausse sortie, puisque la vieille dame est rattrapée par Elmire : « Mais ma mère
d’où vous vient que vous sortez si vite ? » ou encore « Vous marchez d’un tel pas qu’on a
peine à vous suivre » .

La colère de Madame Pernelle et son désir de quitter les lieux permettent donc au
dramaturge de rendre cette scène d’exposition très vivace.

2/6
Les répliques courtes des autres personnages qui tentent de discuter avec la vieille femme
participent au rythme soutenu à la scène.

B- La multiplicité des personnages


Traditionnellement, une scène d’exposition se déroule entre deux personnages et permet
de faire comprendre l’intrigue, le lieu et le temps de l’action.

Dans la scène d’exposition de Tartuffe, quasiment tous les personnages se trouvent sur
scène, à l’exception des deux principaux : Orgon, le père de famille manipulé, et Tartuffe,
qui a donné son nom à la pièce et qui n’apparaitra qu’au troisième acte.

La multiplicité des personnages permet une présentation dynamique de chacun.

En effet, le spectateur comprend, à travers les différents portraits dressés par Madame
Pernelle, les relations entre les personnages et les raisons du conflit.

Les portraits ont donc une valeur informative. En réponse à chaque personnage, la vieille
femme résume en une phrase son rôle ou son lien de parenté avec les autres. On
comprend ainsi que :

♦ Elmire est sa belle-fille : « Laissez ma bru » ;


♦ Dorine est une domestique : « Vous êtes, mamie, une fille suivante » ;
♦ Damis est son petit-fils : « […] mon fils, c’est moi qui vous le dis, qui suis votre grand-
mère » ;
♦ Mariane est sa petite-fille et la sœur de Damis : « Mon Dieu, sa sœur, vous faites la
discrète » ;
♦ Cléante est le frère d’Elmire : « Pour vous, Monsieur son frère » ;
♦ Elmire n’est pas la mère de Damis et Mariane : « Et leur défunte mère en usait beaucoup
mieux » .

Mais ce qui est particulièrement original, c’est que le personnage qui donne son nom à la
pièce, Tartuffe, n’est pas sur scène.

Or son absence physique attire l’attention et crée un effet d’attente, car le spectateur
comprend vite que cet homme est au centre du conflit. En effet, c’est une critique à son
encontre qui a rendu Madame Pernelle furieuse : « Et je ne puis souffrir sans me mettre en
courroux / De le voir querellé » .

II- La comédie de caractère incarnée par un personnage :


Mme Pernelle
Le rythme très rapide de la scène 1 de l’acte I de Tartuffe met en valeur l’emportement de
Madame Pernelle sur qui repose le comique de la scène.

A- Un personnage vulgaire et emporté


Madame Pernelle apparait comme une vieille femme autoritaire et désagréable. Elle
incarne le pendant féminin du personnage du barbon.

3/6
Sa façon de s’adresser aux autres est très agressive. On observe la présence de nombreux
impératifs : « Allons », « Laissez », « ne venez pas plus loin ».

De plus, elle coupe systématiquement la parole aux autres personnages, les empêchant de
s’exprimer. Elle reconnaît d’ailleurs elle même son agressivité : « Je vous parle un peu franc,
mais c’est là mon humeur » .

Le vocabulaire qu’elle emploie nous donne des indices de sa condition sociale. En effet,
elle incarne la bourgeoisie vulgaire et bien pensante.

Elle utilise des expressions populaires : « La cour du roi Pétaut », « doucette », « forte en
gueule », « vous menez sous chape un train » , « je ne mâche pas »; et s’exprime grâce à des
proverbes : « Il n’est, comme on dit, pire eau que l’eau qui dort » .

Malgré ce discours vulgaire et agressif , elle s’érige en défenderesse des valeurs morales
et sociales : « Oui je sors de chez vous fort mal édifiée […] On n’y respecte rien » .

Le comique de cette scène 1 réside en partie dans ce décalage entre l’attitude de dignité
offensée de la vieille femme et son discours vulgaire et emporté.

B- Un personnage dogmatique
Madame Pernelle dresse un portrait de chaque personnage avec lequel elle a une
interaction. Or chaque portrait est un blâme :

♦ Elle reproche à Elmire d’être dépensière et de donner un mauvais exemple à ses petits-
enfants.

♦ Elle considère que Damis est un « méchant garnement » et elle l’accuse d’être « sot » .

♦ Mariane, sous des faux airs candides, serait en réalité une fille aux mœurs légères.

♦ Cléante est sommé d’arrêter d’intervenir dans la famille.

♦ Quant à Dorine, elle est vite ramenée à son rôle de servante.

Le ton de Mme Pernelle est péremptoire : les blâmes sont introduit par des phrases
affirmatives et des verbes d’état suivis d’adjectifs dépréciatifs : « Vous êtes un sot »,
« Vous êtes dépensière », « Vous êtes […] un peu trop forte en gueule et impertinente »,
« Votre conduite est […] tout à fait mauvaise ».

Ce ton dogmatique est accentué par la présence de présents de vérité générale : « Vous
vous mêlez », « Vous faites la discrète » , etc.

Madame Pernelle impose son point de vue et sa vision. On observe l’utilisation de verbes
de sentiments, pour la plupart négatifs : « Je ne puis voir », « Je hais fort ».

Les jugements de la vieille femme à propos des siens, et notamment des ses petits-
enfants, sont sans appel. Elle apparaît profondément acariâtre et antipathique.

4/6
Son absence d’objectivité est encore plus frappante lorsqu’elle évoque le personnage de
Tartuffe avec vocabulaire mélioratif voire laudatif : « C’est un homme de bien » qui donne
des « ordres pieux » .

La répétition du mot « contrôle » dans le vers : « Tout ce qu’il contrôle est fort bien contrôlé »
souligne de façon comique la pauvreté du vocabulaire de Madame Pernelle, mais aussi
son incapacité à être objective . Dorine qualifie d’ailleurs de fantaisie l’opinion de la vieille
femme : « Il passe pour un saint dans votre fantaisie ».

Ainsi, le vieille femme, incapable de modération dans ses sentiments et ses jugements, est
tournée en ridicule. Soit elle déteste, dans le cas précis sa propre famille, soit elle adore, ici
en l’occurrence un étranger.

III- Le dévoilement de l’intrigue

A- L’opposition de deux clans


La dynamique de cette scène 1 de l’acte I de Tartuffe repose sur l’ opposition entre deux
clans.

D’une part, la vieille génération, jugeante et bien-pensante est représentée par Madame
Pernelle. D’autre part, la jeune génération est incarnée par les autres personnages.

Cette opposition se lit dans l’emploi des pronoms tout au long de la scène.

Madame Pernelle est seule contre tous : « que d’eux je me délivre » . Le « je » qui est
systématiquement utilisé s’oppose au « eux » ou au « vous » : « Et mon fils à l’aimer devrait
tous vous induire » .

Dans l’autre clan, chacun utilise les pronoms « nous » ou « on » qui montrent la solidarité
des opinions dans le reste de la famille : « Et que nous ne puissions en rien nous divertir »,
« On ne peut rien faire qu’on ne fasse des crimes ».

Madame Pernelle se retrouve finalement dépassée par la solidarité des autres


personnages et voit ses répliques devenir de plus en plus courtes.

Le rapport de force tend donc à s’ inverser, ce qui laisse présager du dénouement de la


pièce.

B- Le portrait des absents : Tartuffe et Orgon


Au delà du comique de la situation provoqué par l’attitude de la vieille femme, on constate
tout de suite que la figure de Tartuffe pose problème.

Vu par Madame Pernelle, Tartuffe est un homme pieux et digne qui porte la bonne parole :
« C’est au chemin du ciel qu’il prétend vous conduire » .

Cependant, les personnages de Damis et surtout de Dorine donnent une tout autre vision
du personnage.

Décrit comme un parasite intéressé par l’argent (« Qu’un gueux qui, quand il vint n’avait pas
5/6
de souliers » ), qui prétend diriger la maison (« Car il contrôle tout, ce critique zélé » ),
Tartuffe est une source de conflit entre Damis et son père.

A l’évocation de Tartuffe, le jeune homme perd d’ailleurs son calme, ce qui se lit dans
l’interjection : « Quoi ? » suivi d’une question rhétorique.

Dorine et Damis pointent du doigt la nature réelle du Tartuffe : c’est un hypocrite religieux
(« cagot de critique » , « Tout son fait, croyez moi n’est rien qu’hypocrisie » ).

Ce portrait contradictoire du personnage de Tartuffe crée un effet d’attente et de suspens.


Le spectateur ne peut manquer de s’interroger : qui est réellement Tartuffe ?

Orgon, le père de famille, est également absent de cette scène d’exposition.

Or son absence est significative puisqu’elle le caractérise en tant que personnage : c’est
un père qui a démissionné en tant que maître de maison car Tartuffe lui a usurpé son rôle
de chef (« usurper céans un pouvoir tyrannique » , il « s’impatronise » , il « fait le maître » ).

Au delà de l’ambiguïté de caractère du Tartuffe, c’est donc l’emprise qu’il a sur Orgon et
l’incapacité de ce dernier à agir en tant que père de famille qui seront au centre de la pièce.

Tartuffe, acte 1 scène 1, conclusion :


La scène d’exposition du Tartuffe est dynamique et originale. Quasiment tous les
personnages de la pièce sont présents à l’exception des deux principaux, ce qui crée un
effet d’attente.

Cette première scène permet, à travers le comique de Madame Pernelle de présenter les
personnages mais également de dévoiler l’intrigue. La famille est scindée en deux entre les
pro-Tartuffe, qui se laissent berner, et les anti-Tartuffe qui le présentent comme un faux
dévot. La capacité d’Orgon à assoir son autorité de chef de famille et à se libérer de
l’emprise de l’hypocrite sera l’enjeu principal de la pièce.

Tu étudies l’acte I scène 1 de Tartuffe ? Regarde aussi :


♦ Résumé de Tartuffe
♦ Tartuffe, acte III scène 3 (analyse)
♦ Tartuffe, acte 4 scène 5
♦ Les caractéristiques de la scène d’exposition (vidéo)
♦ Le Misanthrope : acte I scène 1 (analyse)

6/6

Vous aimerez peut-être aussi